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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er décembre 1998

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Invités et collègues, la séance est ouverte.

En cette première séance du Sous-comité du commerce, des différents commerciaux et des investissements internationaux, je souhaite la bienvenue à Alan Kessel, directeur de la Division du droit onusien, criminel et des traités. M. Kessel est accompagné de Keith Morrill, directeur adjoint de la Section du droit criminel, des privilèges et immunités, ainsi que de Marie-Josée Rhéaume, chargée de dossier.

Nous avons également, du ministère de la Justice, Douglas Breithaupt, avocat de la Section de la politique en matière de droit pénal.

Il s'agit pour nous aujourd'hui de prendre connaissance de la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption.

Au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue. Monsieur Kessel, vous pouvez commencer.

M. Alan Kessel (directeur, Division du droit onusien, criminel et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, madame la présidente.

Permettez-moi également de vous présenter notre collègue, Yvan Roy, avocat général principal à la Justice.

La présidente: Bienvenue.

M. Alan Kessel: Nous sommes très heureux de témoigner devant votre comité en ce moment qui nous semble assez bien choisi étant donné que divers courants se sont rencontrés et qu'un projet de loi été déposé au Sénat cet après-midi. C'était à 14 h 15, je crois, et ce projet de loi porte justement sur le sujet de la séance d'information que vous nous avez invités à donner. Ce qui nous rend donc la vie beaucoup plus facile à maints égards puisque notre discussion aura un point d'ancrage.

Avant d'entrer dans les détails, il serait bon de parler un peu de la question de la corruption et du problème grave que pose la criminalité internationale, le crime organisé transnational, que l'on connaît dans ce monde moderne, et des mesures qu'entend prendre le gouvernement du Canada contre ce que nous jugeons être des menaces importantes.

La corruption est une mauvaise chose, on le comprend aisément. La corruption nous répugne. Elle mine la primauté du droit, la démocratie, les droits de la personne. Elle sape la gestion des affaires publiques, déstabilise les institutions démocratiques et affaiblit les bases morales de la société. La corruption déforme également le commerce international et les rouages de la libre concurrence. Elle entrave le développement économique, tout particulièrement des pays en voie de développement.

• 1540

Si presque tous les pays ont des lois contre la corruption des fonctionnaires, ils sont très peu nombreux en ce moment à criminaliser la corruption des agents publics étrangers. Alors que, par le passé, de nombreux gouvernements et de nombreuses institutions étaient disposés à tolérer cette lacune, on assiste aujourd'hui à l'émergence d'un consensus international sur la nécessité d'adopter des accords exécutoires qui criminalisent la corruption des agents publics étrangers et combattent la corruption par d'autres moyens.

Le Canada est un chef de file dans la lutte contre la corruption, et nous avons encouragé les systèmes de sécurité internationaux à consolider leurs liens commerciaux de telle sorte que le Canada puisse aider les gens à avancer et à prospérer. On reconnaît de manière générale que la meilleure façon de protéger nos propres intérêts et de défendre les intérêts de notre pays, c'est de les défendre au sein des institutions et tribunes internationales et d'édifier les règles et institutions qui permettront aux Canadiens d'obtenir la protection qu'ils méritent et dont ils ont besoin.

La stabilité et la sécurité sont des conditions préalables essentielles à la croissance économique, à la prospérité et au développement durable. La prospérité et l'emploi consolident la sécurité et la stabilité.

Le Canada a toujours soutenu les efforts internationaux visant à combattre la corruption, et la participation du Canada à ces activités contribue au rayonnement de la politique étrangère et de l'image du Canada à l'étranger.

Les Canadiens se préoccupent du fait que l'aide étrangère n'est pas utilisée à bon escient, qu'il n'y a pas de concurrence loyale, qu'il n'y a pas de concurrence fondée sur le mérite, et nous avons été témoins de circonstances où, dans le contexte canadien, des compétiteurs canadiens se sont vus défavorisés dans un système où la corruption jouait un rôle.

L'OCDE, l'OEA et le Conseil de l'Europe s'emploient tous à régler ces problèmes. Il ne s'agit pas ici strictement d'une perception canadienne. Il s'agit d'un problème qui fait partie d'une réalité plus grande à laquelle la communauté internationale s'engage maintenant à remédier.

Nous sommes très heureux d'avoir joué un rôle dans la négociation et la rédaction de la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, qui constitue l'objet même du projet de loi qui a été déposé au Sénat aujourd'hui. En adoptant ce projet de loi, le Canada s'engagera à mettre en oeuvre ces obligations internationales.

J'aimerais expliquer brièvement—sans marcher sur les pieds de mes collègues de la Justice—quelques éléments vitaux de ce projet de loi; il s'agit essentiellement d'ériger en loi les obligations que le Canada a assumées en signant la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

Je crois que vous avez reçu le texte de la Convention, accompagné des commentaires d'usage.

La Convention a été négociée l'an dernier à l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le Canada l'a signée le 17 décembre 97.

Cette nouvelle loi haussera l'importance de la Convention de l'OCDE au Canada et confirmera l'engagement que nous prenons de lutter contre la corruption à l'échelle internationale. Cette loi apportera également au pays la souplesse qu'il lui faudra pour évoluer à l'avenir s'il désire ratifier de nouvelles conventions pénales internationales contre la corruption. L'une d'entre elles est bien sûr la Convention de l'OEA, qui sera adoptée bientôt.

La Convention de l'OCDE oblige les États membres à criminaliser la corruption des agents publics étrangers. Cette disposition apparaît à l'article 3 du projet de loi que vous avez devant vous et constitue la pierre angulaire de ce projet de loi. Cette disposition interdit la corruption d'un agent public étranger dans le cours des affaires. Cette infraction sera punissable par voie d'acte criminel et prévoit une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. Cette infraction sera assujettie aux lois sur l'extradition.

• 1545

Le projet de loi ajoute deux nouvelles infractions criminelles: la possession de biens d'origine criminelle obtenus ou provenant de la corruption d'agents publics étrangers, ou du recyclage des produits de la criminalité, et le recyclage de biens d'origine criminelle qui proviennent de la corruption des agents publics étrangers.

En vue des poursuites judiciaires relatives à ces nouvelles infractions, le projet de loi intègre les nouvelles dispositions du Code criminel sur les produits de la criminalité. Voilà en bref ce que ce projet de loi se propose de faire. En adoptant ce projet de loi, et l'on espère que le Canada l'aura adopté avant la fin de l'année, le Canada deviendra le 5e signataire de la Convention de l'OCDE. Cela signifie que cette convention sur la lutte contre la corruption aura force de loi au Canada. D'un trait de plume, nous allons mettre en place un nouveau régime qui nous aidera grandement à égaliser les chances en matière de commerce international, objectif que nous poursuivons tous.

Nous voici donc à une jonction assez intéressante où notre pays peut exercer une influence en ce sens. Nous serons certainement en mesure de proclamer que nous avons joué un rôle déterminant dans l'adoption généralisée de cette convention. Les quatre pays qui nous devanceront probablement, ou qui, chose certaine, sont en voie de faire exactement ce que nous faisons aujourd'hui, sont les États-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni. Pour que cette convention de l'OCDE ait force de loi, il faut que cinq des dix grands pays exportateurs de l'OCDE l'adoptent. Le Canada est l'un de ces pays, ce qui nous donne donc une position unique.

Je vais maintenant céder la parole à mes collègues, s'ils veulent ajouter quelque chose à cet exposé. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions relativement à la corruption de manière générale et aux dispositions de ce projet de loi en particulier.

M. Yvan Roy (avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Madame la présidente, je m'appelle Yvan Roy et je suis du ministère de la Justice. Le projet de loi qui a été déposé au Sénat cet après-midi a évidemment pour objet de donner au Canada les outils dont il a besoin pour ratifier la Convention de l'OCDE. Il est vrai que le Canada a signé la Convention il y a déjà un certain temps, mais il ne pourra la ratifier que si cette loi est adoptée.

Les membres du comité doivent savoir que l'on négocie en ce moment d'autres conventions dans d'autres tribunes. D'ailleurs, mon collègue Doug Breithaupt, qui est avec nous aujourd'hui, a pris part aux discussions entourant ces traités. M. Breithaupt est celui qui a été le plus étroitement associé à ce nouveau projet de loi. Il le connaît sur le bout du doigt.

Nous pensons que ce projet de loi est très clair. Il contient les dispositions qui permettront au Canada de ratifier la Convention. Chose plus importante, nous croyons que le milieu des affaires est très favorable à ce projet de loi étant donné que des consultations ont eu lieu auprès du milieu des affaires, et en particulier auprès des avocats qui conseillent le milieu des affaires, dans le but d'égaliser les chances pour le Canada mais sans le défavoriser par rapport à ses concurrents ailleurs dans le monde.

Nous espérons, nous croyons, et c'est le cas des ministres qui ont décidé de proposer ce projet de loi, c'est-à-dire le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Justice, que cette loi qui vous est soumise pour plus ample examen est exactement le genre de loi qu'il nous faut à ce moment-ci, non seulement pour permettre au Canada de ratifier la Convention de l'OCDE, mais aussi pour être en mesure de ratifier les autres textes qui sont négociés en ce moment. Je parle ici de la Convention sur la corruption du Conseil de l'Europe ainsi que de la Convention de l'Organisation des États américains.

• 1550

De toute évidence, ces décisions sont pour plus tard, et ce que vous avez devant vous, c'est le projet de loi qui autorisera la ratification de la Convention de l'OCDE. Mais je pense que, dans l'esprit d'une transparence totale, vous devez savoir que l'on envisage ailleurs dans le monde l'adoption de textes de loi supplémentaires visant à réprimer la corruption.

Nous sommes à votre disposition si vous voulez discuter des moindres aspects de ce projet de loi, si besoin est, mais pour le moment, même tout en sachant que vous n'avez pas eu l'occasion de lire ce projet de loi attentivement, nous tâcherons quand même de répondre à vos questions du mieux que nous pourrons. S'il nous faut trouver d'autres réponses à des questions que vous nous poserez, honorables sénateurs et députés, nous serons plus qu'heureux de le faire, par téléphone ou autrement.

Merci.

La présidente: Oui, Monsieur Morrill.

M. Keith M. Morrill (directeur adjoint, Section du droit criminel, des privilèges et immunités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Une remarque, si vous le permettez. On a fait plusieurs observations sur le projet de loi, mais il est bon de rappeler qu'il s'agit aujourd'hui de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, qui permettra, nous l'espérons, au Canada de mettre en oeuvre ses obligations.

Pour ceux qui ne connaissent pas l'OCDE, il s'agit bien sûr d'un organisme consultatif en matière de commerce international, et non d'un corps délibératif comme, par exemple, l'OMC. S'il y a une chose à savoir au sujet de l'OCDE, au sujet de cette convention en particulier, c'est que l'OCDE a une structure de comités très détaillée, dont le fonctionnement est régi par un processus qu'on appelle habituellement l'évaluation confraternelle. Autrement dit, le comité de l'OCDE sur la lutte contre la corruption siège quelque fois par année, et l'une des tâches de ce comité chargé de la lutte contre la corruption est de s'assurer que les pays vont bien faire ce qu'ils ont dit qu'ils feraient, qu'ils s'acquittent de leurs obligations relativement à cette convention mais aussi qu'ils épousent les autres mesures prises par l'OCDE.

Il convient donc de noter qu'il ne s'agit pas ici d'une opération ponctuelle où des gens s'assoient à une table, signent un bout de papier et s'en vont. Il existe en fait au niveau international un processus d'évaluation constant, où les délégués canadiens peuvent demander au gouvernement français d'expliquer ce qu'il a fait, et inversement. Les gens donnent souvent à ce processus le nom malheureux de «mécanisme de suivi», mais un mécanisme de suivi, pour n'importe quelle convention internationale, est une chose importante. Il convient de garder ça à l'esprit.

La présidente: Merci, monsieur Morrill.

Y a-t-il d'autres observations avant de passer aux questions?

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Oui, merci, et bienvenue à nos invités.

Tout d'abord, je dois vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'un comité du Sénat, et je dirais d'emblée, madame la présidente, que j'ai un peu de mal à accepter que ce projet de loi soit déposé au Sénat.

Quoi qu'il en soit, je veux aller droit au but, à savoir, les mesures que prend l'OCDE pour combattre la corruption. Notre comité s'est intéressé à cette question pour ce qui est de la petite et moyenne entreprise. Chose certaine, c'est une question qui nous préoccupe. Mais j'ai un peu de mal à m'y retrouver. Je crois comprendre que c'est un peu comme l'AMI, qui nous est venu de l'OCDE, et dont nous n'avions pas vraiment besoin, et cela nous permettra d'obtenir des réformes en ce sens de la part des pays en voie de développement. Est-ce essentiellement ce que l'on essaie de faire ici?

M. Keith Morrill: Je ne ferais pas cette analogie parce que, ce qu'il faut comprendre à propos de la Convention de l'OCDE, c'est le fait que ce sont les pays développés, les pays de l'OCDE, les grands pays commerçants, qui s'entendent entre eux pour criminaliser des activités, notamment la corruption des agents publics dans les pays du tiers monde.

• 1555

Il ne s'agit donc pas simplement de donner l'exemple dans l'espoir que d'autres pays suivront. En fait, si nous nous inquiétons à propos des entreprises canadiennes qui concurrencent des entreprises françaises ou allemandes qui recherchent des contrats en Afrique, ce n'est pas seulement pour donner l'exemple; il est très important que la France et l'Allemagne aient décidé d'ériger en crime pour leurs citoyens le fait de corrompre des fonctionnaires africains dans le but d'obtenir des contrats. Donc ce n'est pas simplement une question d'exemple de la part de ces grands pays commerçants qui s'engagent à criminaliser la corruption. En fait, cela aura un effet important dans le tiers monde, les pays en voie de développement. Vous avez parfaitement raison de dire que si une entreprise argentine entre en lice, elle ne sera peut-être pas assujettie à la même obligation.

La prochaine étape, si vous voulez, comme l'ont dit MM. Kessel et Breithaupt, c'est d'élargir ce processus par l'entremise des divers processus régionaux. Il en sera également tenu compte dans la Convention des Nations Unies sur le crime organisé transnational.

M. Charlie Penson: C'est ce que je dis. Si nous n'étendons pas cette mesure aux pays de l'OMC, par exemple, nous commençons par 29 pays, mais il y a beaucoup de pays qui ne seront pas visés par cette mesure.

Nous savons que dans certains pays du tiers monde, c'est une pratique courante que d'exiger un pot-de-vin pour faire des affaires; par conséquent, ne vont-ils pas se tourner vers d'autres compagnies d'autres pays qui ne font pas partie de l'OCDE? Ne devrait-on pas essayer de dépasser le cadre l'OCDE et d'appliquer cette mesure, par exemple, à l'Organisation mondiale du commerce, afin d'en élargir la portée?

M. Keith Morrill: Chose certaine, c'est notre objectif. Vous avez tout à fait raison. Si l'on se contente de dire bravo, l'OCDE a agi, on n'aura fait que la moitié du travail. Mais comme en toutes choses, il faut bien commencer quelque part, et on a décidé d'obtenir dès maintenant l'adhésion des pays de l'OCDE.

Il y a aussi la Convention de l'OEA, où l'on essaiera de faire la même chose pour toute l'Amérique latine. Il y a la Convention du Conseil de l'Europe qui, même si c'est une convention de plus grande portée, pourra s'appliquer à tous les pays membres du Conseil de l'Europe, ce qui comprend la Russie et les pays de l'Europe de l'Est.

Enfin—et je parle à titre personnel—je prends part aux négociations sur la Convention des Nations Unies sur le crime organisé transnational, et il semble à peu près certain que cette convention, qui sera une convention universelle, contiendra des dispositions permettant de lutter contre la corruption.

Donc, à mon avis, il s'agit d'une idée qui a achevé de mûrir. La première étape, c'est l'OCDE, mais vous avez parfaitement raison de dire qu'il y a d'autres étapes à suivre. En fait, ce processus est bien engagé.

M. Charlie Penson: D'accord. Pour se conformer à cette convention, le Canada devra-t-il une fois de plus modifier sa loi en matière d'extradition?

M. Alan Kessel: Non

M. Charlie Penson: Très bien.

Pour ce qui est de la ratification par les pays membres de l'OCDE, vous disiez que le Canada serait le cinquième. Est-ce que les 29 pays se sont engagés à la ratifier bientôt, afin d'aller de l'avant?

Mme Marie-Josée Rhéaume (chargée de dossiers, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Cela devrait être fait avant le début de l'an 2000, donc au cours de la prochaine année. Il y a les 29 pays membres de l'OCDE, plus cinq autres signataires: l'Argentine, le Chili, le Brésil et deux autres, qui sont, je crois, des pays d'Europe de l'Est.

M. Charlie Penson: D'accord.

Je comprends que vous essayiez de mettre en place un processus où les pays membres de l'OCDE donneraient l'exemple et criminaliseraient le versement de pots-de-vin. Mais qu'en est-il des pays qui les demandent, de ceux où l'on demande des pots-de-vin pour faire des affaires? N'y a-t-il pas plusieurs pays qui n'ont pas de loi criminalisant cette activité, et est-ce que cela ne désavantage pas par conséquent les pays membres de l'OCDE, par exemple?

M. Keith Morrill: Je dirai, en bref, que même s'il y a en effet des pays où il est pratique courante de solliciter et de toucher des pots-de-vin, la recherche de l'OCDE démontre qu'il n'y a pas de pays où ce n'est pas illégal, même dans des pays dont les systèmes juridiques sont très différents, les réalités culturelles aussi...

M. Charlie Penson: Ou ceux où il n'y a guère de système juridique.

• 1600

M. Keith Morrill: Oui. En fait, dans presque tous les pays étudiés, cette pratique était contraire à la loi.

Le problème, bien sûr, c'est qu'en l'absence de tout mécanisme d'exécution de la loi, cela ne veut pas dire grand-chose. En fait, ce que l'OCDE fait avec des pays comme le Canada, les États-Unis, l'Allemagne et le Japon—et tous les autres pays membres de l'OCDE—c'est qu'on met en place un mécanisme d'exécution de la loi. Ce mécanisme ne sera pas en place là où il devrait l'être idéalement—à savoir le pays où l'on verse le pot-de-vin—mais ces pays reconnaissent à tout le moins la nécessité d'avoir un mécanisme d'exécution de la loi. C'est ce que l'on propose parce qu'il faut avoir ce mécanisme.

M. Alan Kessel: Cela n'empêche pas non plus les pays d'intenter des poursuites chez eux. Je pense que c'est ce que l'on essaie de faire, on essaie de substituer chez nous des moyens aux intentions. On essaie aussi de faire comprendre qu'en tant que groupe, les grands exportateurs et producteurs de l'OCDE—d'où toutes les technologies proviennent—sont tous en concurrence pour obtenir les mêmes marchés dans les divers pays. Nous savons tous, entre nous, que nous ne pouvons pas utiliser cette technique pour décrocher des contrats.

M. Yvan Roy: Disons par exemple qu'il y aurait un pays dans le monde qui légitimerait la corruption. Si un tel pays existait, il y aurait une exception pour les fonctionnaires canadiens qui se prêteraient à ce genre de chose, et c'est prévu dans le projet de loi. Le paragraphe 3(3) du projet de loi dit ceci:

    (3) Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction prévue au paragraphe (1)

—à savoir l'infraction qui consiste à corrompre un agent public étranger—

    si le prêt, la récompense ou l'avantage

      a) est permis ou exigé par le droit de l'État étranger

Le projet de loi prévoit déjà ce genre de chose. M. Morrill a parfaitement raison de dire que nous ne connaissons pas de pays ayant un tel régime.

[Français]

La présidente: Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Je souhaite d'abord la bienvenue à toutes les personnes ici présentes.

Ma première question porte sur votre mode de fonctionnement. J'aimerais que vous m'expliquiez comment il se fait que ce projet de loi émane du Sénat et que les élus n'ont pu en prendre connaissance qu'à 15 h 30. Puisqu'un tel projet de loi émane du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du ministère de la Justice, pourquoi n'a-t-il pas été déposé par les élus à la la Chambre des communes, tel un projet de loi normal?

Ma deuxième question porte sur le processus. Puisque le Sénat nous présente cette loi, les élus doivent-ils l'adopter telle quelle ou peuvent-ils en discuter, la bonifier, l'améliorer et l'amender?

J'aimerais aussi soulever la question du rapport du comité sur les PME exportatrices, dans lequel on enjoignait le gouvernement du Canada de prendre l'initiative de faire avancer le dossier de la corruption au sein de l'OMC. Je sais que vous travaillez au sein de l'OCDE. Qu'a-t-on fait au sein de l'OMC depuis 1996?

Ma prochaine question est un cas d'exemple. Si on ratifie la Convention sur la lutte contre la corruption et qu'on adopte ce projet de loi, dont l'article 3 traite des agents qui travaillent à l'étranger, est-ce qu'une société de la Couronne ou un organisme indépendant comme la SEE y sera assujetti? Lorsque j'ai demandé au président de la SEE, lors de sa comparution devant le comité, s'il y avait un lien entre le respect des droits de la personne et les prêts qu'on consentait et qu'on assurait, il m'a répondu que ce n'était pas des affaires de la société. Est-ce qu'en matière de corruption, les dispositions du projet de loi s'appliqueront à la SEE, à l'ACDI et aux autres organismes du même genre?

S'il me reste du temps, je vous poserai d'autres questions. Je vous remercie.

[Traduction]

M. Alan Kessel: Je vais tâcher de répondre à la première question, et le reste suivra.

Donc, pour ce qui est des affaires de la Chambre, en ma qualité de fonctionnaire, je ne suis pas en mesure de me prononcer. À mon avis, il vaut mieux adresser cette question aux leaders à la Chambre et aux whips des divers partis pour ce qui est de la procédure. Nous pouvons parler du projet de loi que vous avez devant vous. Je croie qu'il y avait au moins deux autres questions à ce sujet. Si l'on peut me rappeler quelle était la deuxième question, je crois qu'il s'agissait de l'OMC et de savoir si...

• 1605

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Où cela en est-il rendu à l'OMC?

[Traduction]

M. Keith Morrill: Cette question a été débattue au sein de l'OMC. Il faut savoir que l'OMC est une organisation qui procède à partir des textes qui ont été négociés, dont le dernier est issu des négociations d'Uruguay. Il n'a pas été question de ce que vous dites dans ces négociations. J'imagine que ce sera débattu à la prochaine série de négociations. Les négociations d'Uruguay ont duré sept ans ou davantage.

Donc, l'OMC est consciente du problème, mais elle doit respecter sa structure particulière qui, en fait, l'empêche d'agir rapidement dans un dossier comme celui-ci. Voilà pourquoi on s'est adressé à l'OCDE et voilà pourquoi, à l'échelle universelle ou dans le contexte mondial des Nations Unies, on traitera probablement de la question dans la convention des Nations Unies sur le crime organisé.

Au bout du compte, je m'attends à ce que l'on en fasse état au sein de l'OMC dans le contexte d'un traité. Je sais qu'il y a des discussions en cours dans le contexte de l'OMC, mais il y a des limites à ce que l'OMC peut faire exactement. C'est une instance qui fait respecter les règles convenues, et dans ce contexte, elle ne s'est pas encore entendue sur ces règles.

[Français]

Mme Marie-Josée Rhéaume: J'aimerais ajouter que l'OMC est une des organisations membres, à titre d'observateur, du groupe de travail à l'OCDE.

M. Benoît Sauvageau: Ma troisième question portait sur la SEE.

M. Yvan Roy: Si vous me le permettez, je vais tenter d'y répondre. Je pense que la réponse se trouve dans le texte même du projet de loi S-21, et cela m'amène à vous parler de l'article 3 tel qu'il est conçu.

Vous verrez, à la lecture de l'article 3, qu'on prévoit que:

3. (1) Commet une infraction quiconque, directement ou indirectement, dans le but d'obtenir ou de conserver un avantage dans le cours de ses affaires,...»

On a voulu par là évidemment parler d'un contexte commercial. Pour rendre la notion de façon encore plus claire, le texte prévoit une définition du mot «affaires», qui se trouve à l'article 2, donc à la page précédente, et qui se lit comme suit:

    «affaires» Commerce, métier, profession, industrie ou entreprise de quelque nature que ce soit exploités ou exercés au Canada ou à l'étranger en vue d'un profit.

Donc, ce qui est recherché, ce sont les entreprises qui sont là aux fins de faire de l'argent. Si l'organisation dont nous parlons est une organisation qui oeuvre à des fins humanitaires, à moins que ce soit dans le cadre d'une transaction pour faire de l'argent ou réaliser un profit, aucune sanction criminelle ne sera associée à cela parce qu'elle ne satisfait pas au critère de base énoncé à l'article 3.

M. Benoît Sauvageau: Vous venez de parler de l'ACDI. Qu'en est-il pour la SEE maintenant?

M. Yvan Roy: La SEE oeuvrerait dans quel domaine?

M. Benoît Sauvageau: La SEE octroie des prêts à des entreprises qui font du commerce à l'étranger et exige un taux de 4 p. 100; elle réalise donc un profit. Si vous voulez faire affaire en Inde ou dans un autre pays et que vous n'êtes pas certain de vous faire payer, vous pouvez signer un contrat d'un million de dollars et acheter une assurance auprès de la SEE, qui est directement liée au gouvernement canadien. Si vous ne vous faites pas payer, la SEE vous remboursera le montant équivalant au contrat.

J'ai demandé aux représentants de la SEE si, lorsqu'ils assurent une telle transaction financière, ils tiennent compte de l'aspect du respect des droits de la personne ou, dans ce cas-ci, de l'aspect de la corruption. Ils ne m'ont pas répondu au sujet de la corruption, mais ils m'ont répondu que la question du respect des droits de la personne ne les regardait pas.

Par exemple, en vertu de cette convention, pourrait-on poursuivre la SEE, qui veut faire de l'argent et qui n'est pas un organisme caritatif, si elle assurait le prêt d'une compagnie canadienne qui fait des affaires douteuses avec une compagnie d'un autre pays?

• 1610

M. Yvan Roy: Si la SEE participe à la commission de l'infraction, à ce moment-là, il est évident qu'elle se rend coupable. Mais le seul fait d'assurer une transaction qui, elle, est entachée de corruption ne rend pas la SEE coupable du crime. Pourquoi? De par l'objet même de cette loi-là, qui est une loi à caractère criminel, il faut que la personne qui se rend coupable d'une infraction ait l'intention de ce faire. Or, si la SEE ne fait qu'assurer une transaction et n'en connaît pas les tenants et aboutissants au point de savoir qu'il y a infraction de corruption de commise, la SEE ne se rend coupable d'absolument rien. Si, par ailleurs, la SEE est parfaitement au fait de ce qui se passe et est partie à l'infraction qui est commise, parce qu'on s'entend entre les deux et qu'on conspire dans ce sens-là, la SEE est coupable comme n'importe qui d'autre. Il n'y a pas d'exclusion à cet égard.

M. Benoît Sauvageau: Si vous me le permettez, j'aimerais poser deux autres questions. À l'article 3, on dit:

    3. (1) Commet une infraction quiconque, directement ou indirectement, dans le but d'obtenir ou de conserver un avantage...

On pourrait interpréter les actes de la SEE comme étant indirects.

M. Yvan Roy: Oui.

M. Benoît Sauvageau: Si la SEE participait à des manigances, qui devrait le prouver?

M. Yvan Roy: C'est à la Couronne de le prouver hors de tout doute raisonnable. La SEE, comme quiconque est poursuivi dans un procès criminel, a le droit au silence, et la Couronne a le fardeau, du début à la fin, de démontrer non seulement la commission de l'infraction, mais aussi la connaissance par la personne accusée du fait qu'une infraction est ainsi commise. Pour permettre ce type de preuve-là, l'article 8 du projet de loi prévoit que l'infraction qui vient d'être définie à l'article 3 sera ajoutée à la liste des infractions au Code criminel qui permettent à l'État de demander à un juge l'émission d'un mandat afin d'écouter les conversations de ces individus.

[Traduction]

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Si je peux simplement répondre à la question de M. Sauvageau qui demandait pourquoi on s'était adressé au Sénat, d'après ce que j'ai compris, de manière générale à ce moment-ci de l'année, lorsqu'il ne reste plus que quelques semaines à notre calendrier, il y a des projets de loi que l'on veut faire adopter, et les leaders à la Chambre de tous les partis se réunissent et s'entendent sur une façon de procéder.

Les leaders à la Chambre, et non le ministère, ont envoyé le projet de loi au Sénat en premier. J'imagine qu'ils ont procédé de cette façon parce qu'ils se sont dit que pour que cela soit adopté avant l'année prochaine, étant donné le calendrier législatif de la Chambre maintenant, le Sénat aurait le temps de l'étudier en premier, après quoi nous en discuterions la semaine suivante et l'adopterions.

M. Charlie Penson: En l'absence de coopération, on obtiendrait l'effet contraire.

M. Bob Speller: De la part de qui?

M. Charlie Penson: Je dis seulement que s'il n'y avait pas eu coopération entre les leaders à la Chambre sur cette question, on aurait obtenu l'effet contraire de ce que l'on désirait.

M. Bob Speller: C'est exact. Voilà pourquoi ces décisions sont toujours prises collectivement par les leaders à la Chambre.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: C'est tout simplement cela que je voulais comprendre.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Je me rappelle qu'il y a trois ans et demi de cela, nous avions réuni des fonctionnaires du FMI à la salle 237 pour discuter de corruption. La discussion portait sur les pays de la Communauté des États indépendants. Je suis heureux que l'on discute de cela aujourd'hui, mais j'ai deux questions.

Vous avez dit dans votre exposé qu'un bon nombre d'organisations—l'OCDE, l'OEA, le Conseil de l'Europe, la CEI—et de pays ont adopté des règles semblables ou vont le faire bientôt. Existera-t-il un mécanisme à l'avenir qui nous permettra d'établir une seule norme universelle, pour ainsi dire, de telle sorte que les règles qui s'appliquent aux hommes d'affaires canadiens ici s'appliqueront aux hommes d'affaires russes et seront semblables—pas exactement les mêmes—mais inspirées des mêmes principes et notions? Beaucoup de gens disent que ce qui se passe aujourd'hui en Russie est attribuable à la corruption, et à rien d'autre, parce que 30 p. 100 des comptes bancaires suisses sont aujourd'hui d'origine russe. C'est ma première question.

Ma seconde question porte sur la commission comparativement au pot-de-vin. Si je fais des affaires au Nigéria, par exemple—parce que l'an dernier, le Nigéria figurait au premier rang en matière de corruption—et qu'on me donne un bakchich, pour ainsi dire, que je verserai dans un compte suisse, qui peut dire qu'il s'agit d'une commission ou d'un pot-de-vin? Où trace-t-on la ligne?

C'est très nébuleux, parce que je sais que dans certains pays qui reçoivent de l'aide étrangère, il faut verser des pots-de-vin à certains fonctionnaires avant d'entrer. Pour entrer dans le bureau, il faut donner un pourboire au gars. Si vous ne donnez pas de pourboire au gars à la porte, vous n'entrerez jamais dans le bureau. Donc, comment allez-vous établir les distinctions en cette matière? Il est très difficile de distinguer une commission légitime et un bakchich ou un pot-de-vin.

• 1615

M. Alan Kessel: J'essaierai de répondre à votre première question. Je devrai peut-être m'en remettre à mon collègue de la Justice pour l'autre.

Je crois que vous soulevez un point très important en ce qui a trait à l'application de normes uniformes à l'échelle mondiale pour régler les problèmes de ce genre. Je crois que M. Morrill a aussi indiqué qu'il fallait commencer quelque part. Ce qu'il y a d'encourageant, c'est qu'au moins le filet est jeté maintenant. On envoie un message; on dit: «On vous attend au tournant et on va vous attraper si vous faites ce genre de chose».

Nous commençons par l'OCDE, qui est, à mon avis, une organisation assez importante. Le travail a aussi débuté à l'OEA ainsi qu'au Conseil de l'Europe. Il y aura sans doute des régions qui s'ajouteront ici et là. Le filet commence à définir la réalité. Les mailles commencent à se resserrer. Elles sont peut-être un peu trop grandes maintenant, mais elles commencent à se resserrer. Quand nous aurons finalement regroupé tous ces pays et mis au point tous ces instruments, nous commencerons à constater que le monde est effectivement quadrillé et que nous avons une matrice qui permettra à tout le moins de commencer à s'attaquer au problème.

Comme le disait toutefois M. Morrill, il faut commencer quelque part. La présente convention est un important pas en avant, étant donné qu'il y a de cela cinq ou sept ans, nos déclarations se limitaient à des banalités du genre: «N'est-ce pas que ce serait bien de se débarrasser de cette corruption?» Nous passons maintenant à l'action. En concrétisant ce premier instrument et en le mettant en vigueur, le Canada enverra à mon avis un message très clair quant à la façon dont il perçoit son rôle dans le monde.

Pour ce qui est de savoir si on distribue les bakchichs comme si c'était tous les jours Noël—nous pouvons discuter de l'esprit de Noël et des présents donnés à son facteur—je m'en remets à mon collègue de la Justice, car je crois que c'est là une question liée à la preuve.

M. Yvan Roy: Merci, monsieur Kessel.

Le libellé de l'article 3, auquel vous vous reportez, est tiré directement du Code criminel du Canada. Ce code prévoit déjà des infractions relatives à la corruption d'agents publics canadiens. Le libellé en question a été choisi pour définir l'infraction créée à l'article 3 et est déjà intervenu dans plusieurs décisions judiciaires rendues au Canada. Il est notamment arrivé que la Cour d'appel de l'Ontario s'est penchée notamment sur la question de savoir si le fait de vous offrir une tasse de café pour que vous abordiez une question particulière à la Chambre constituerait un pot-de-vin aux termes de l'article 121. Naturellement, les tribunaux ont statué qu'il ne s'agit pas d'un pot-de-vin.

Je vous invite à vous reporter à deux ou trois paragraphes du projet de loi qui pourront sûrement vous aider à mieux comprendre ce qui peut constituer un pot-de-vin.

Nous avons déjà parlé du paragraphe 3(1) du projet de loi. J'ai signalé tout à l'heure, en réponse à une question au sujet de l'alinéa 3(3)a), qu'on a dans cette disposition un motif de défense inattaquable si le paiement est permis par le droit de l'État étranger. Je vous invite à vous reporter à l'alinéa 3(3)b), à la page 3, où il est précisé que tout paiement, récompense, avantage ou prêt visant à compenser des frais réels et raisonnables fait par un agent public étranger, ou pour son compte, ne constitue pas un pot-de-vin. Voilà qui aide à mieux comprendre ce qui constitue un pot-de-vin.

Je vous invite aussi à vous reporter au paragraphe 3(4), à la page 3, qui définit les paiements visant à faciliter l'exécution d'un acte de nature courante, et qui sont autorisés. Je crois que cette disposition est tout à fait pertinente pour répondre à la question que vous soulevez.

Nous savons, et les milieux des affaires que nous avons consultés nous ont dit, qu'il y a des pays où il faut faire des paiements de «facilitation» pour obtenir quelque chose. Qu'est-ce qu'un paiement de «facilitation»? La loi chercherait à décrire et à définir les paiements de ce genre. Il s'agit essentiellement de paiements visant à hâter ou à garantir l'exécution par un agent public étranger d'un acte de nature courante. Le paragraphe 3(5) précise ce qu'il faut entendre par «un acte de nature courante».

• 1620

Ainsi, quand des hommes d'affaires canadiens qui exercent leur activité à l'étranger font de ces paiements «de facilitation»... il existe des endroits où, pour obtenir un permis, il faut donner 5 $ à quelqu'un pour qu'on se penche sur la demande. Il se peut fort bien qu'il s'agisse là d'un paiement de «facilitation» du type qui est autorisé par le projet de loi.

Quand on va plus loin toutefois et qu'on paie d'importantes sommes à quelqu'un pour obtenir un marché, il ne s'agit manifestement pas d'un paiement de «facilitation» ni d'un paiement visant à compenser des frais raisonnables qui peuvent être engagés par l'intéressé pour faire la promotion du produit.

Le projet de loi précise donc la notion de pot-de-vin qui entre en ligne de compte ici, et il s'agit là d'une notion déjà bien établie dans nos lois. Les mots qui sont utilisés pour décrire les paiements en question sont tirés du Code criminel du Canada, si bien qu'ils ont été soumis à maintes reprises à l'examen judiciaire au cours des 100 dernières années.

M. Sarkis Assadourian: Une fois que le projet de loi sera adopté, l'homme d'affaires canadien aura à soutenir la concurrence avec l'homme d'affaires d'un autre pays qui ne sera pas soumis aux mêmes restrictions. C'est ce qui s'est produit il y a quelques mois en Amérique du Sud, je crois, dans le cas de Bombardier, et nous avons perdu le marché.

M. Yvan Roy: Les médias se sont intéressés à un marché au Mexique.

M. Sarkis Assadourian: Oui, nos hommes d'affaires se trouveront défavorisés à certains égards si les règles ne sont pas universelles, et nous devrons en payer le prix sur le plan commercial.

M. Yvan Roy: C'est précisément pour cette raison qu'on est en train de négocier un certain nombre de conventions. Comme l'ont indiqué mes collègues des Affaires étrangères, l'OCDE est dans le peloton de tête. Les États-Unis ont déjà depuis un certain temps une loi qui est assez proche de celle qui est proposée ici. Vous avez entendu dire que le Japon, le Royaume-Uni et l'Allemagne auront des lois qui auront exactement le même effet que celle qui est proposée, et nous espérons que les efforts que nous déployons à l'échelle internationale feront en sorte que d'autres pays seront soumis aux mêmes règles. Finalement, l'idée est que, contrairement à la situation qui prévaut à l'heure actuelle, nous soyons tous soumis aux mêmes règles.

Au ministère de la Justice—et je suis sûr que mes collègues des Affaires étrangères seront du même avis—nous considérons que l'instrument en question, loin de nuire à la cause des gens d'affaires canadiens, la fera avancer. Nous sommes d'ailleurs persuadés que les gens d'affaires—du moins ceux avec qui nous nous sommes entretenus—appuient entièrement l'instrument que nous avons là, surtout qu'il est prévu d'exempter les paiements de facilitation, les frais raisonnables et les autres paiements de ce genre. Si nous avons inclus dans le projet de loi des dispositions en ce sens, c'était précisément pour tenir compte de leurs préoccupations relatives aux paiements dont vous avez parlé.

La présidente: Pour le deuxième tour, je cède la parole à M. Penson.

M. Charlie Penson: Ce que vous dites me paraît très utile, mais je crois qu'il faudrait sans doute que vous reveniez nous rencontrer avant trop longtemps, une fois que nous aurons entendu le témoignage de gens d'affaires qui exercent leurs activités dans les régions en question pour déterminer ce qu'ils pensent du projet de loi. Nous venons tout juste d'être saisis du projet de loi; il nous faut donc du temps pour l'examiner.

Le projet de loi est une loi de mise en oeuvre. Tous les pays de l'OCDE auront-ils une loi de mise en oeuvre semblable? Existe-t-il un modèle dont chacun peut s'inspirer?

M. Alan Kessel: Le modèle que vous avez entre les mains, c'est-à-dire la convention de l'OCDE...

M. Charlie Penson: Oui, nous avons eu ce document-là aussi, soit dit en passant.

M. Alan Kessel: La convention de l'OCDE était essentiellement le modèle ou le plan d'action auquel tous les pays de l'OCDE ont adhéré. Il appartiendra à chaque pays, comme c'est l'habitude, de décider de la façon de concrétiser son engagement. Certains ont peut-être des traités qui sont automatiquement mis en oeuvre, auquel cas, dès qu'ils sont signés, ont force de loi. Ce n'est pas le cas au Canada. Nos traités doivent être mis en oeuvre par un instrument quelconque, s'ils ne sont pas déjà inclus dans une loi existante. Dans le cas qui nous occupe, nous avons déjà une loi, et le Parlement a donc pour tâche de veiller à concrétiser ses obligations internationales au moyen d'une loi nationale de mise en oeuvre. Voilà ce que nous devons faire.

À moins de faire une recherche sur la question, je ne pourrais vous dire ce que font le Royaume-Uni, l'Allemagne ou la France, mais ils ont essentiellement la même obligation et seront tenus en droit de respecter cette obligation. La façon de la concrétiser est laissée à leur discrétion toutefois. Nous savons que les États-Unis ont quelque chose de semblable à ce qui est proposé ici.

• 1625

La présidente: Si vous me permettez de vous interrompre, monsieur Kessel, on trouve à l'onglet 4 une description de la procédure que doit suivre chaque pays.

M. Charlie Penson: D'accord. Nous aurons l'occasion d'examiner cela plus tard.

À propos de ces paiements de nature courante dont a parlé M. Assadourian, n'est-il pas possible que ces paiements deviennent un petit peu plus gros en conséquence des efforts pour contourner le processus?

M. Keith Morrill: Quand mon collègue M. Roy a expliqué la chose... Étant avocat du service extérieur, j'ai vécu à l'étranger, et je me souviens très bien du cas que j'ai connu dans un pays industrialisé: quand venait le temps des Fêtes, le facteur venait frapper à la porte et demandait son présent. C'était là une pratique courante, et nous lui donnions une vingtaine de dollars. Ceux qui ne lui donnaient pas ces 20 $ ne recevaient pas leur courrier, un point c'est tout. Il ne s'agissait pas d'un pays du tiers monde. Je ne le nommerai pas, mais il s'agit d'un pays européen très industrialisé.

Une des distinctions importantes qui est faite dans le projet de loi—et les détails de la chose ont été amplement discutés à l'OCDE car il s'agit d'une préoccupation bien réelle; les gens du pays en question savent qu'ils doivent donner 20 $ par an à leur facteur—se trouve au paragraphe 3(4), à la page 3, où il est question de ces paiements de «facilitation» qui sont faits pour un «acte de nature courante qui est partie des fonctions officielles de l'agent public étranger». C'est là une distinction clé à mon avis. Ce n'est pas simplement qu'il s'agit d'actes de nature courante, mais que l'agent public étranger a des fonctions officielles et qu'on lui remet de l'argent pour qu'il fasse ce qu'il est déjà tenu de faire. Autrement dit, on ne lui dit pas: «Voici de l'argent pour que vous m'obteniez un permis». On dit plutôt: «Voici les 5 $ qu'il faut pour que ma demande soit étudiée, puis vous déciderez si vous voulez m'accorder le permis». Et, «Voici vos 20 $ pour que je puisse recevoir mon courrier».

Même si elle est délicate, la distinction est nécessaire du fait que, dans certains pays, ces paiements de «facilitation»—c'est un mot qui a été inventé au cours des discussions—font tout simplement partie de la vie courante et ne sont pas comme les pots-de-vin qui ont sapé tout le processus. Il s'agit en fait de reconnaître que, dans certains pays, les choses ne se font pas toujours exactement comme elles se font ici.

M. Charlie Penson: Je ne vois aucun inconvénient à ce que nous soyons guidés par cette distinction. Il est important de faire cette distinction à mon avis, mais j'essaie d'être réaliste et je me demande simplement si les intéressés ne vont pas trouver des moyens assez novateurs de contourner les règles. Voilà finalement ce qui me préoccupe.

Je passe toutefois à un autre sujet. Cela revient en fait à ce que disait M. Sauvageau au sujet des sociétés d'État canadiennes, de leurs obligations et du manque de transparence qui empêche les parlementaires d'examiner la situation de sociétés d'État comme la Société pour l'expansion des exportations. Nous ne pouvons pas examiner ce que fait la Société. C'est aussi le cas de la Commission canadienne du blé.

Il me semble qu'il est important de régler les détails de ce genre pour que nous ayons l'assurance, si nous voulons donner l'exemple, que nos sociétés d'État sont clairement soumises à cette obligation aussi... l'obligation serait la même que pour les gens d'affaires canadiens du secteur privé.

M. Keith Morrill: Je ne dirai certainement pas que les sociétés d'État ne sont pas tenues de respecter la loi. Les diverses sociétés d'État, d'après ce que j'en sais, sont structurées de telle façon qu'elles relèvent de ministres qui ont certains comptes à rendre. En tant que fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, je sais toutefois qu'il s'agit là d'une question dont on a aussi discuté. Au Canada, nous avons quelques sociétés d'État, et j'estime que ces sociétés jouent un rôle très important dans le commerce entre les pays de l'OCDE.

Je peux notamment répondre à votre question en disant que les autres pays surveilleront ce qui se passe chez nous. Il existe un processus d'examen détaillé. Ainsi, si l'Australie estime que la Commission canadienne du blé ne se conforme pas aux règles, nous allons en entendre parler et nous allons devoir nous défendre.

• 1630

M. Charlie Penson: C'est dommage que les parlementaires n'aient pas la possibilité de faire ce genre d'examen directement, car nous devons nous en remettre aux Américains pour obtenir une vérification des activités de la Commission canadienne du blé; nous ne pouvons pas faire cette vérification nous-mêmes. Je voudrais que nous ayons une situation transparente ici, si nous voulons donner l'exemple.

La présidente: Monsieur Breithaupt, vous pourriez répondre rapidement, puis nous passerons à Mme Debien.

M. Douglas Breithaupt (conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Oui, si vous me le permettez. Je voudrais répondre brièvement aux observations qui ont été faites et aux préoccupations qui ont été soulevées à la suite de la réponse qui a été donnée à la question antérieure concernant la possibilité que les paiements de «facilitation» pourraient finir par devenir des pots-de-vin. Il convient de signaler que la convention de l'OCDE interdit les pots-de-vin visant à obtenir ou à conserver un marché ou un autre avantage indu dans le cadre de transactions commerciales internationales. Voilà le but de la convention, et c'est ainsi que nous avons formulé l'infraction au paragraphe 3(1).

En ce qui a trait aux paiements de «facilitation», décrits au paragraphe 3(4), il y a la question qu'a soulevée M. Morrill, à savoir qu'il s'agit de paiements effectués relativement à l'exécution d'un acte de nature courante qui fait partie des fonctions officielles de l'agent public étranger. Cela ne ferait certainement pas partie des fonctions officielles d'un agent public étranger que d'accorder un avantage indu à quelqu'un qui lui aurait versé un certain montant. Il ne servirait donc à rien d'invoquer cette disposition pour justifier les paiements de ce genre.

D'après les documents explicatifs qui accompagnent la convention, on pourrait considérer comme un avantage indu le fait, par exemple, d'accorder un permis à une usine qui serait en violation des conditions réglementaires existant dans le pays en question. Il n'entrerait pas dans les fonctions officielles de l'agent public étranger d'accorder cet avantage indu. Je tiens par ailleurs à vous signaler que le paragraphe 3(5) précise:

    Il est entendu que l'expression «acte de nature courante»

...c'est-à-dire les paiements de «facilitation» dont il est question dans les dispositions précédentes...

    ne vise ni une décision d'octroyer de nouvelles affaires ou de reconduire des affaires avec la même partie—notamment ses conditions—ni le fait d'encourager une personne à prendre une telle décision.

Nous fermons donc essentiellement la porte aux paiements effectués en vue d'obtenir un avantage indu ou encore en vue d'obtenir ou de conserver un marché ou un avantage indu. Nous espérons—et nous avons confiance—que la formulation que nous avons utilisée pour prévoir une exception dans le projet de loi à l'égard des paiements de «facilitation» empêchera que ces paiements ne puissent se transformer en pot-de-vin.

[Français]

La présidente: Madame Debien, avez-vous des questions?

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): M. Sauvageau m'a demandé d'essayer d'obtenir des précisions au sujet du processus d'adoption du projet de loi. Ma demande d'information ne porte pas sur le contenu du projet de loi comme tel, mais simplement sur le processus qui sera suivi à partir du moment où ce projet de loi sera déposé en Chambre, étant donné que cette façon de procéder est inhabituelle. Il est rare qu'un projet de loi soit étudié au sous-comité. M. Sauvageau voulait savoir quelle démarche serait suivie après notre étude. Vous avez dit qu'on prévoyait que le projet de loi serait adopté avant les Fêtes. Quelle démarche doit-on maintenant suivre?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Speller, je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre à la question.

M. Bob Speller: Non, je me fie simplement à ce qu'on m'a dit. D'après ce que je sais, le projet de loi a été présenté au Sénat. Le Sénat l'étudiera en comité plénier et lui fera passer toutes les étapes en l'espace d'une journée. Le projet de loi sera ensuite renvoyé à la Chambre, ou, d'après ce qu'on m'a dit, on cherche à aménager l'horaire pour qu'il puisse peut-être être présenté la semaine prochaine. Le projet de loi sera ensuite renvoyé au comité des affaires étrangères ou à notre comité—je ne crois pas que la décision ait été prise—pour l'étude article par article. Je pense bien que nous pourrions alors prendre le temps, si c'est ce que souhaite le comité, d'entendre des témoins.

Si l'opposition n'y voit pas d'inconvénients, tout pourrait être terminé la semaine prochaine. Ce n'est pas à nous, mais bien aux leaders à la Chambre, de s'entendre là-dessus; je suppose donc qu'il nous faudra attendre de connaître leur décision.

La présidente: Madame Debien, un concours de circonstances a fait que le projet de loi a été proposé au Sénat. Nous avons décidé à notre réunion sur les travaux futurs la semaine dernière que nous voudrions nous pencher sur cette question de la corruption comme moyen éventuellement de soulever la question à l'OMC. Il se trouve simplement que nous avons eu notre réunion aujourd'hui; c'est donc une coïncidence.

Avez-vous d'autres questions, monsieur Assadourian?

• 1635

M. Sarkis Assadourian: Je n'ai plus de questions.

La présidente: Si vous le permettez, j'aurais moi-même quelques questions. Aux États-Unis, la Foreign Corruption Practices Act, qui est en vigueur depuis un certain temps, s'applique, si je comprends bien, aux filiales canadiennes de sociétés américaines. La présente loi aura-t-elle un effet sur les filiales américaines exerçant leurs activités au Canada, ou ces filiales seront-elles soumises à la Foreign Corruption Practices Act? Je voudrais être éclairée sur la question de la compétence.

M. Keith Morrill: En fait, on a adopté une nouvelle loi aux États-Unis, si je ne m'abuse, qui révise la Foreign Corruption Practices Act afin de refléter la convention anti-corruption de l'OCDE.

Vous avez parfaitement raison de dire que la Foreign Corruption Practices Act aux États-Unis vise essentiellement à faire ce que fait la convention de l'OCDE. Certains changements ont toutefois été apportés.

D'après ce que j'en sais—Doug ou Marie-Josée pourront me corriger si je me trompe—du moins d'après ce que je me rappelle du projet de loi qui était devant le Congrès, la loi américaine ne s'appliquait pas aux filiales constituées en sociétés canadiennes. La question se pose depuis le début, non pas parce que la loi américaine s'appliquait en tant que telle aux dirigeants de filiales constituées en sociétés canadiennes, mais en raison de l'existence de sociétés comme la Générale Électrique du Canada. La société internationale, le consortium de sociétés qui exerce son activité à l'échelle mondiale, a une pratique internationale qu'elle coordonne. D'après ce que j'en sais, la loi américaine existante s'applique aux ressortissants américains, tant aux citoyens américains qu'aux entreprises constituées en sociétés américaines. Voilà ce que je comprends. Je peux toujours me tromper.

Brièvement, les ressortissants américains—il pourrait s'agir de citoyens ou d'entreprises constituées en sociétés aux États-Unis—qui travailleraient au Canada pour une entreprise constituée en société ou exerçant son activité au Canada et qui auraient été partie à la corruption d'un agent public étranger seraient alors soumis à cette loi, du fait qu'ils auraient commis une infraction au Canada.

Il se pourrait aussi qu'ils aient commis une infraction aux États-Unis. Comme le diraient mes collègues de la Justice, cela n'aurait rien d'inhabituel. Dans le contexte d'une conspiration, mettons—dans un cas de contrebande de drogue, par exemple—la personne commet presque toujours une infraction dans deux endroits.

Il y a des solutions assez pratiques qui peuvent être appliquées dans le contexte de l'entraide judiciaire pour déterminer qui s'occupera de l'affaire. Le soin en est essentiellement laissé à la partie qui a le présumé contrevenant. Brièvement, il est certainement possible que la personne se trouve à commettre une infraction dans deux pays. Cela n'a rien d'inhabituel dans le contexte.

La présidente: Je ne veux pas vraiment entrer dans les détails de la chose. Je me demandais laquelle des deux lois aurait la préséance. D'après ce que vous me dites, il semble toutefois qu'on pourrait être poursuivi dans les deux pays.

M. Keith Morrill: Oui.

La présidente: Je vous demanderais d'être très bref, monsieur Breithaupt.

M. Douglas Breithaupt: Je crois que la Foreign Corruption Practices Act s'applique aussi dans certains cas à des entreprises canadiennes. Je crois qu'il y est question d'«émetteurs». Si donc une entreprise américaine était cotée à une bourse américaine—je ne suis pas sûr de ce que j'avance—elle tomberait sous le coup de la loi américaine.

La présidente: Ce qui m'inquiète, c'est de savoir si cela ne pourrait pas nous empêcher, pour revenir à l'exemple canadien, d'intenter des poursuites contre la Générale Électrique du Canada.

M. Douglas Breithaupt: Non, car nos infractions commencent par «Quiconque». Le terme désigne toute personne physique ou morale. Il comprend les étrangers qui sont au Canada. Il est très vaste. L'infraction s'applique à tous ceux qu'elle englobe. La définition de «quiconque» que nous retiendrions serait celle qui figure à l'article 2 du Code criminel. Ainsi, les mêmes règles qui s'appliquent en matière de responsabilité criminelle des sociétés s'appliqueraient à cette infraction tout comme aux infractions visant par exemple la corruption d'agents canadiens.

• 1640

La présidente: Voici ma dernière question. En 1996, M. Penson a évoqué la possibilité que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international rédige un rapport sur les PME canadiennes et l'économie mondiale. À l'époque, le comité avait notamment recommandé, eu égard à la corruption, que nous participions au travail de l'OCDE, dont le projet de loi semble être l'aboutissement. Le comité avait aussi recommandé, cependant, que le gouvernement canadien joue un rôle de chef de file pour ce qui est de soulever la question à l'Organisation mondiale du commerce. Je me demandais, à la veille des négociations de l'OMC, ce que le Canada pourrait faire pour faire avancer la chose. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire?

M. Alan Kessel: C'est là une question dont nous sommes bien conscients, et tous les pays de l'OCDE font partie de l'OMC. Il s'agit d'une question que nous allons certainement porter à l'attention de nos collègues des Affaires étrangères et de l'OMC, et nous tâcherons encore une fois de les sensibiliser à son importance. Cela ne nous pose pas de problème.

La présidente: Merci.

Une dernière petite question, Charlie?

M. Charlie Penson: Je voulais simplement revenir à la loi américaine. Avez-vous bien dit qu'elle a été ravivée, qu'elle existait déjà auparavant et qu'elle a été ramenée?

M. Keith Morrill: Excusez-moi, j'ai dit qu'elle avait été révisée.

M. Charlie Penson: Ah, bon. Excusez-moi.

M. Keith Morrill: Les États-Unis ont déjà une loi, qui relève essentiellement du droit pénal—corruption d'agents publics étrangers. Comme la loi ne correspondait pas exactement au document final de la Convention de l'OCDE, ils l'ont modifiée légèrement pour qu'elle soit conforme à la Convention.

M. Charlie Penson: Si j'ai posé la question, c'est que je me demandais si vous saviez s'il y avait déjà eu des accusations portées contre des Américains en vertu de cette loi. Je veux savoir en fait si la loi a été utilisée.

M. Keith Morrill: Doug pourra me corriger si je me trompe, mais on me dit que la loi existe depuis une vingtaine d'années. Si je comprends bien, il n'y a pas eu beaucoup de poursuites en vertu de cette loi qui ont connu un aboutissement heureux—une vingtaine environ. Les poursuites relatives à des infractions de ce genre n'ont pas souvent un aboutissement heureux. Il y a bien entendu un aspect important qui entre en ligne de compte—nous n'en avons pas parlé ici, mais vous l'avez peut-être lu dans le texte de la Convention de l'OCDE—à savoir qu'il y a un certain nombre de pays où les pots-de-vin non seulement ne sont pas illégaux, mais sont en fait déductibles d'impôt. Ils font partie des dépenses d'entreprise.

En rendant les pots-de-vin illégaux dans ces pays, on se trouverait en fait, d'après ce que j'en sais, à mettre fin à la déduction d'impôt à laquelle ils donnent droit. Il y aurait ainsi des effets sur la comptabilité. Ainsi, il faudrait non seulement que les poursuites aient un aboutissement heureux, mais qu'on envoie un message comme quoi la pratique est tout simplement inacceptable. Par ailleurs, il y aurait un effet sur les pratiques fiscales et comptables, et il ne faut pas oublier non plus qu'il s'agit généralement d'hommes d'affaires qui tentent de gagner leur vie et qui ne veulent pas, ce faisant, se retrouver en prison.

Ainsi, bien qu'il n'y ait pas eu beaucoup de poursuites aux États-Unis, les Américains, semble-t-il, considèrent que la loi a été très efficace pour ce qui est d'empêcher la corruption, pour ce qui est d'empêcher les agents américains d'offrir des pots-de-vin à des agents publics étrangers.

M. Charlie Penson: Je crois que c'est vraiment là ce qu'il faut viser, c'est-à-dire d'essayer d'élargir la portée de la Convention et de la faire adopter à l'Organisation mondiale du commerce, même si, pour cela, il faudra peut-être procéder étape par étape. Il me semble que c'est bien l'instrument dont nous avons besoin pour tenter de renforcer la législation dans ces pays afin... Ces pays ont peut-être des lois, mais ces lois n'ont guère d'effet pratique. Il me semble que c'est là où nous devons faire porter nos efforts, c'est-à-dire qu'il faut faire en sorte que ce soit aussi une infraction que d'accepter le pot-de-vin en question. Il faudrait que cela s'applique des deux côtés. Par conséquent, il me semble que l'OMC serait une tribune utile pour nos efforts en ce sens.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Mme Maud Debien: À la suite des propos de M. Morrill, je crois comprendre que le Canada n'a pas de loi interdisant la déduction fiscale de pots-de-vin, mais que par le biais de la signature de la Convention sur la lutte contre la corruption, on en arriverait indirectement à cela.

• 1645

M. Keith Morrill: Non, pas exactement.

M. Yvan Roy: Je peux tenter de vous donner la réponse en deux temps, trois mouvements. À l'article 10 du projet de loi, on propose un amendement à la Loi de l'impôt sur le revenu pour éviter toute difficulté, toute ambiguïté et tout problème. Le paragraphe 67.5(1) de cette loi se lirait ainsi:

67.5 (1) Aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu au titre d'une dépense engagée ou effectuée en vue d'accomplir une chose qui constitue une infraction prévue à l'article 3...

Mme Maud Debien: C'est cela.

M. Yvan Roy: La loi va le dire de façon on ne peut plus claire.

Mme Maud Debien: D'accord. Merci.

[Traduction]

La présidente: Madame Debien, avez-vous autre chose à ajouter?

Merci beaucoup d'être venus nous présenter ces informations. J'espère que le comité pourra de nouveau faire appel à vous si ses membres ont d'autres questions.

Merci, chers collègues. S'il n'y a pas d'autres questions, je déclare la séance levée.