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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 27 octobre 1999

• 1528

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bon après-midi, chers collègues.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions l'avenir de l'industrie aérienne au Canada.

Nous avons un emploi du temps très chargé pour cet après-midi et une partie de la soirée. Nous commencerons par nos premiers témoins d'aujourd'hui qui sont les représentants du Bureau de la concurrence, le commissaire de la concurrence, Konrad von Finckenstein, le sous-commissaire de la concurrence, Raymond Pierce, et Richard Annan, agent de commerce.

Messieurs, vous êtes les bienvenus au Comité permanent des transports. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, mais nous devons d'abord demander aux médias de poser leurs caméras ou de quitter la salle. Merci.

Monsieur le commissaire, lorsque vous serez prêt, veuillez commencer votre exposé. Vous disposez de 10 à 12 minutes après quoi mes collègues vous poseront des questions. Merci.

• 1530

M. Konrad von Finckenstein (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur le président

Je vais vous faire une brève déclaration liminaire, après quoi nous serons prêts à répondre à vos questions.

[Français]

Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous afin de vous donner notre point de vue sur les questions de concurrence reliées à une restructuration possible de l'industrie aérienne au Canada.

Comme vous le savez, le bureau n'a examiné aucune proposition spécifique de restructuration.

Le ministre des Transports nous avait demandé de lui donner notre avis pour que les effets de la restructuration de l'industrie aérienne soient le plus avantageux possible pour la concurrence.

Pendant les deux derniers mois, nous avons interviewé le plus de joueurs possible de l'industrie aérienne, des autorités des aéroports, des groupes de consommateurs et des académiciens. Nous avons aussi engagé des économistes et des avocats pour nous aider.

[Traduction]

Notre conclusion est qu'il y aura d'importantes préoccupations concernant la concurrence dans la plupart des marchés intérieurs de passagers si un transporteur dominant émerge du processus de restructuration actuel.

En demandant notre avis, le ministre des Transports nous a demandé de ne pas regarder les politiques du gouvernement sur la propriété étrangère et le cabotage ni sur la désignation des transporteurs en vertu du concept de ciels ouverts.

Je suis très heureux que le ministre des Transports vous ait demandé de considérer un bon nombre des recommandations du Bureau dans son énoncé de politiques d'hier.

Dans un examen de fusionnement typique, quand le Bureau trouve que le fusionnement entraînerait une diminution sensible de la concurrence, le Bureau impose des conditions afin de remédier à cette diminution sensible. Les sociétés qui fusionnent doivent respecter ces termes pour aller de l'avant sans objection du Bureau. Généralement, le but de ces conditions est de faciliter l'entrée de nouveaux concurrents ou de permettre l'expansion des sociétés déjà existantes pour qu'elles deviennent des concurrents réels.

Dans notre lettre au ministre des Transports, nous avons souligné quelques-unes des conditions qui pourraient être imposées dans une restructuration des compagnies aériennes. Cela inclut abandonner certaines heures d'arrivée et de départ, ce qu'on appelle des créneaux horaires, remettre des installations d'un aéroport à l'autorité appropriée aux fins de réallocation, changer la façon de payer des transporteurs aériens pour les services à l'aéroport, s'assurer que tout nouveau transporteur concurrent soit capable d'acheter des points du Programme des grands voyageurs au transporteur dominant, changer la méthode de calcul de la prime d'un agent de voyage, offrir de transférer des avions de surplus aux nouveaux arrivants, envisager de se dessaisir de transporteurs régionaux et s'assurer que les nouveaux transporteurs aériens ou ceux déjà existants soient capables de partager les codes et de partager les circuits avec le transporteur dominant.

De plus, nous recommandons l'établissement de moyens plus efficaces afin de combattre le comportement d'éviction par le transporteur dominant. L'éviction peut constituer une barrière à l'entrée.

[Français]

Nous avons concentré notre analyse sur l'émergence d'un transporteur dominant. Cependant, nous croyons que nos recommandations pourraient être mises en place dans un contexte d'un transporteur non dominant au bénéfice de toutes les Canadiennes et tous les Canadiens.

Même si nous avons énuméré les conditions recommandées qui pourraient être requises en rapport avec l'approbation de la restructuration d'un transporteur aérien, ceci pourrait ne pas être suffisant.

[Traduction]

Les conditions que nous recommandons pourraient se révéler insuffisantes. Le Bureau croit que le gouvernement devrait considérer la mise en place de deux recommandations clés qui permettraient aux nouveaux concurrents de créer un choix réel pour les voyageurs réguliers et imposer une discipline concernant les tarifs au transporteur dominant.

[Français]

La première recommandation propose qu'on permette une sixième liberté modifiée qui permettrait aux transporteurs américains de prendre des passagers dans une ville canadienne et de les transporter dans une autre ville canadienne en passant par les États-Unis. La deuxième propose qu'on permette la création d'un transporteur seulement canadien, ce qui permettrait à de nouveaux concurrents de créer des choix réels et d'imposer une discipline tarifaire au transporteur dominant.

[Traduction]

Ces deux recommandations sont nécessaires car il n'est pas garanti que les transporteurs nolisés et les transporteurs régionaux déjà existants soient susceptibles de prendre de l'expansion pour fournir assez de concurrence au transporteur dominant qui transporterait plus de 80 p. 100 des passagers intérieurs et totaliserait près de 90 p. 100 des revenus intérieurs.

Qu'est-ce que la sixième liberté modifiée? La sixième liberté modifiée permettrait aux transporteurs étrangers de prendre des passagers au Canada et de les transporter vers une autre ville canadienne en passant par une destination aux États-Unis. En ce moment, il est possible d'acheter deux billets, disons par exemple, un pour aller de Toronto à Chicago et un autre pour aller de Chicago à Vancouver. Mais les transporteurs américains ne peuvent pas commercialiser ni vendre un seul billet à un bas prix pour un tel vol.

• 1535

Nous recommandons que le ministre des Transports essaye de négocier une entente bilatérale avec les États-Unis. Ainsi, par exemple, le transporteur dominant canadien pourrait transporter des passagers de New York à Los Angeles en passant par Toronto et des transporteurs américains pourraient emprunter des circuits comme Toronto-Chicago-Vancouver. Une telle entente réciproque serait avantageuse pour les transporteurs des deux pays. Cependant, si deux ans après la création d'un transporteur dominant, il y a une preuve indiscutable voulant que les autres transporteurs ne fournissent pas une concurrence, le Bureau a l'impression que le ministre devrait permettre le droit de la 6e liberté sur une base unilatérale.

Notre deuxième recommandation est celle du transporteur canadien seulement. Aux termes de cette proposition, une nouvelle classe de transporteur canadien devrait être créée. On permettrait aux transporteurs de voler seulement à l'intérieur du Canada et de desservir uniquement les aéroports canadiens. En devenant des transporteurs canadiens licenciés, ces transporteurs auraient la même base de coûts que le transporteur dominant, c'est-à-dire les mêmes coûts pour le carburant, l'équipage, les repas, etc. Ils seraient assujettis au même système d'attribution de licences, de contrôle du bruit et d'autres réglementations que le transporteur dominant. Ils paieraient aussi les impôts canadiens.

Le transporteur canadien seulement serait libre de toute restriction de propriété et de contrôle étrangers, mais ne pourrait pas demander une désignation comme un transporteur canadien en vertu d'ententes bilatérales.

Nous comprenons que des restrictions à la propriété sont nécessaires pour appuyer le système de désignation en vertu des accords internationaux, cependant nous n'en voyons pas l'utilité dans un contexte où un transporteur aérien n'est pas autorisé à franchir les frontières internationales.

Ce modèle fournirait une plus grande occasion de créer de nouveaux arrivants riches en capitaux et associés à des exploitants étrangers chevronnés ayant l'expertise nécessaire pour être des concurrents efficaces pour le bénéfice des consommatrices et des consommateurs canadiens. Un modèle similaire est en place en Australie et à notre connaissance cela fonctionne bien.

[Français]

Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Traduction]

Le président: Monsieur le commissaire, je vous remercie de votre exposé. Je suis sûr qu'il va susciter des questions très intéressantes.

Nous allons commencer par Val Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci beaucoup.

Merci beaucoup, monsieur von Finckenstein, de comparaître devant le comité. Je trouve très intéressant que le Bureau de la concurrence ait formulé deux recommandations clés qui visent à protéger la concurrence dans l'industrie aérienne au Canada. Toutefois, d'après ce que j'ai compris, le ministre n'envisage pas ce que vous considérez comme deux recommandations clés. Ai-je raison?

M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, nous ne nous sommes pas contentés de formuler deux recommandations clés; nous en avons fait un grand nombre dans notre lettre.

Pour ce qui est des deux recommandations clés que je viens de mentionner, ce sont des choses qu'il faudrait examiner sérieusement si l'on crée un transporteur dominant. Dans sa déclaration, d'après ce que j'ai compris, le ministre demande l'opinion de votre comité et du comité sénatorial sur diverses questions. Il a exprimé le désir d'obtenir votre avis. Je ne pense pas qu'il ait rejeté explicitement ces recommandations ou qu'il les ait acceptées.

Mme Val Meredith: Merci.

Je ne vais pas en discuter, mais j'aimerais que vous m'expliquiez, pour la gouverne des membres du comité et certainement celle des téléspectateurs, pourquoi les deux questions clés que vous mentionnez, le droit de la 6e liberté modifiée et le transporteur canadien seulement, sont importantes pour assurer une concurrence entre les transporteurs.

M. Konrad von Finckenstein: Prenons le premier cas, la 6e liberté modifiée. Pour le moment, à ma connaissance, Northwest a un vol de Montréal à Minneapolis et un autre vol de Minneapolis à Calgary. Ces vols existent déjà. Rien ne vous empêche de vous rendre à Calgary par ce moyen. Néanmoins, Northwest n'a pas le droit de commercialiser cette destination sous la forme d'un seul et même billet à un seul et même tarif.

• 1540

Si nous avons un transporteur dominant qui, comme je l'ai mentionné au départ, accaparera plus de 90 p. 100 des revenus et plus de 80 p. 100 de tous les vols intérieurs, il faudra absolument assurer une certaine concurrence. Cela pourrait imposer une discipline en matière de prix.

Cette solution n'ajouterait rien aux vols qui existent déjà aujourd'hui. Vous pourriez simplement les commercialiser comme une destination unique. En principe, si vous vendez ces deux vols ensemble, ils coûteront moins cher que s'il faut émettre deux billets séparés. Je ne vois pas en quoi cela ferait du tort au transporteur dominant. Cette solution assurerait une saine concurrence et serait dans l'intérêt du grand public.

Mme Val Meredith: Dans cet exemple, les passagers pourraient se rendre à Calgary dans un avion d'Air Canada, de Canadien ou d'AirCo selon le nom que prendra la nouvelle compagnie pour un montant x. Northwest pourrait offrir la même destination en passant par une route différente pour un montant x au consommateur qui sera prêt à faire escale en cours de route si cela lui coûte moins cher.

M. Konrad von Finckenstein: Exactement. Bien entendu, si cela présente un inconvénient—la durée du vol sera sans doute plus longue et vous devrez passer par les douanes américaines, etc.—le consommateur devra décider si la différence de prix en vaut la peine ou s'il préfère éviter ces inconvénients et prendre un vol direct de Montréal à Calgary, par exemple.

Mme Val Meredith: Mais je suppose que cela laisserait le choix au consommateur.

M. Konrad von Finckenstein: Exactement.

Mme Val Meredith: Le transporteur canadien seulement est un concept intéressant. Vous avez cité l'exemple de l'Australie. La compagnie Ansett, d'Australie, n'offre-t-elle pas de vols internationaux en plus des vols intérieurs?

M. Konrad von Finckenstein: Oui. Je crois qu'il y a deux compagnies Ansett. Il y en a une qui fait des vols internationaux tandis que l'autre dessert uniquement l'intérieur du pays.

Richard.

M. Richard Annan (agent de commerce, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): C'est exact. Il y a Ansett Holding Company, qui appartient à 50 p. 100 à Air New Zealand et à 50 p. 100 à NewsCorp. En dessous de cette société de portefeuille, vous avez deux compagnies distinctes. La première est Ansett Australia qui dessert seulement l'intérieur du pays et l'autre, Ansett International, qui fait la liaison entre l'Australie et d'autres pays.

Mme Val Meredith: Vous recommandez donc d'avoir un transporteur qui pourra seulement desservir le Canada en restant à l'intérieur des frontières, mais qui sera une compagnie entièrement canadienne.

Cela veut dire, je suppose, qu'on préserverait les emplois canadiens et que la compagnie embaucherait du personnel canadien. Vous avez dit qu'elle achèterait du carburant et paierait la taxe sur le carburant canadienne, les droits d'aéroport et tout le reste. Elle se retrouverait sur un pied d'égalité avec WestJet et l'autre transporteur, quel qu'il soit.

M. Konrad von Finckenstein: Oui. Tout le trafic international repose sur des accords bilatéraux en vertu desquels un pays désigne un transporteur. Hier, le ministre des Transports vous a expliqué—et c'est la situation qui règne depuis longtemps dans la plupart des pays—que l'on désigne seulement des transporteurs sous le contrôle de ressortissants du pays, ce qui est une décision parfaitement rationnelle.

Toutefois, si vous ne traversez pas les frontières, si vous restez au Canada, il n'y a aucune raison pour que ces conditions touchant la propriété s'appliquent. À notre avis, vous pourriez avoir des transporteurs purement canadiens, quels que soient leurs propriétaires, qui pourraient concurrencer le transporteur dominant.

Le président: Merci, madame Meredith.

Monsieur Jackson, s'il vous plaît.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup de votre exposé, monsieur von Finckenstein. J'ai plusieurs questions. J'ignore à combien d'entre elles vous pourrez répondre, mais je vais les poser une par une.

Premièrement, il y a des accords subsidiaires. Air Canada, par exemple, a conclu un accord avec son alliance. Si elle le rompt, cela coûtera 250 millions de dollars. En pareil cas, cela rend les choses très difficiles. Nous pouvons constater que cette foire d'empoigne et cette surenchère auront une influence sur les prix dans les deux compagnies concurrentes. Le Bureau de la concurrence peut-il faire quelque chose pour l'éviter ou peut-être nous fournir une clause échappatoire au cas où nous devrions changer de transporteurs?

M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, je n'ai pas examiné de transaction particulière. Comme vous le savez, le gouvernement a invoqué l'article 47 pour une durée allant jusqu'au 11 novembre. Mes fonctions en matière d'examen des fusions ont été suspendues. J'ai donc simplement préparé un rapport à l'intention du ministre des Transports, à sa demande, rapport qui traite de ces questions de manière générale. Je ne connais donc rien des relations contractuelles qu'Air Canada pourrait avoir nouées, comme vous le dites.

• 1545

M. Ovid Jackson: Je vous demande si vous avez des mécanismes de contrôle qui...

M. Konrad von Finckenstein: Ce sont en général des lois sur les garanties qui régissent cela. Vous parlez actuellement d'une procédure de prise de contrôle et de mesures que des individus ou des entreprises peuvent prendre pour se défendre. Ces actions sont peut-être légitimes, peut-être pas. Cela ne me regarde pas, je n'ai rien à faire avec cela. J'examine un contrat. Quand deux parties décident de fusionner et parviennent à une entente préalable, elles me préviennent et me disent qu'elles veulent procéder à cette fusion, et je l'étudie sous l'angle de la concurrence. Je ne me demande pas comment les deux parties en sont arrivées là ni quels sont les problèmes de contrôle par les actionnaires, majoritaires ou minoritaires, etc.

M. Ovid Jackson: Un des problèmes du Bureau de la concurrence, et je sais bien que nous ne sommes pas en train de parler du prix de l'essence, c'est que vous manquez parfois singulièrement d'efficacité. Pouvez-vous me donner un exemple d'intervention de votre Bureau dans le domaine de l'industrie aéronautique qui ait eu un effet positif sur cette industrie en éliminant un problème de concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Je n'exerce mes fonctions que depuis deux ans et demi, et je n'ai pas de souvenir personnel d'exemple de ce genre dans l'industrie aéronautique. Pour ce qui est de l'examen de fusions, nous avons empêché l'année dernière la fusion entre Ultramar et Petro-Canada parce que nous pensions qu'elle léserait les consommateurs de l'est du Canada. Voilà donc un exemple de fusion que nous n'avons pas autorisée parce que nous avons pensé qu'elle serait trop néfaste sur le plan de la concurrence.

Pour ce qui est de l'industrie aéronautique, mon collègue Richard Annan va vous répondre.

M. Richard Annan: Deux exemples me viennent à l'esprit. Le premier, c'est celui de la fusion des systèmes de réservations informatisés d'Air Canada et Canadien en 1987. Nous avions de sérieuses réserves sur cette fusion, et par conséquent une ordonnance sur consentement a été présentée au tribunal pour stipuler un certain nombre de conditions destinées à rendre cette fusion moins néfaste pour la concurrence, et en fait ces conditions sont devenues une forme permanente de réglementation de l'industrie des services de réservations informatisés.

Le deuxième exemple remonte à l'époque de la crise des Lignes aériennes Canadien International en 1993. Là encore, l'affaire a été portée devant le Tribunal de la concurrence et finalement American Airlines a investi dans Canadien, qui était évidemment en difficultés financières à l'époque, pour lui permettre de continuer à fonctionner.

Ce sont là deux exemples d'interventions du Bureau qui ont contribué à maintenir la concurrence.

M. Ovid Jackson: Dans quelle mesure pouvez-vous contrôler les choses comme les créneaux? Par exemple, quand on donne à un transporteur, surtout un transporteur dominant, le pouvoir de faire certaines choses, il dispose de créneaux, d'installations aéroportuaires, de toutes sortes d'installations, et s'il veut vendre tout cela à quelqu'un d'autre, cela pose un problème. Vous avez parlé de certains pouvoirs, j'aimerais savoir quel genre de contrôle vous avez sur ce genre de situation.

M. Konrad von Finckenstein: Dans l'état actuel de la loi, si une telle transaction était soumise à notre examen, nous déterminerions les conditions de la fusion et nous dirions que oui, on peut... si à notre avis cette transaction devait entraîner une diminution sensible de la concurrence, nous dirions qu'il n'en est pas question, comme nous l'avons fait dans l'affaire Ultramar et Petro-Canada, nous pourrions dire que oui, mais moyennant certaines conditions. Une des conditions pourrait être l'octroi de créneaux, auquel cas nous dirions que le transporteur doit renoncer à ces créneaux. L'affaire serait portée devant le Tribunal de la concurrence qui dirait que le transporteur peut procéder à sa transaction à condition de vendre un certain nombre de choses dans un délai de six mois, ou le transporteur les vendrait probablement avant de conclure l'entente.

Quand nous examinons les fusions, nous essayons d'apporter des solutions à caractère unique, ce que nous appelons des remèdes structurels. Ensuite, il n'y a plus de contrôle; il faut intervenir avant la transaction. Vous devez vous dessaisir de tel ou tel bien, vous le faites et ensuite vous avez le feu vert. Les créneaux sont un excellent exemple. On va déterminer le nombre de créneaux qui doivent être transférés, à qui ils doivent être transférés et dans quelles conditions.

M. Ovid Jackson: Dans le cas de l'exemple australien, on nous a donné à entendre et je ne me souviens plus de qui il s'agissait, que ce sont les Néo-Zélandais qui vont plus souvent en Australie, et que c'est donc probablement une entente favorable à l'Australie. Le ministre a répondu aujourd'hui à une question que nous avons un concurrent géant à côté de nous. Comment pensez-vous que ce système pourra fonctionner dans ce contexte précis?

M. Konrad von Finckenstein: Dans notre cas particulier, si vous parlez de transporteurs opérant uniquement au Canada, comme je le disais dans ma dernière suggestion, je pense que l'on créerait ce type de transporteur en vertu d'une loi. Ce transporteur particulier concurrencerait Air Canada ou le nouveau transporteur dominant, quel que soit son nom. Le transporteur dominant débuterait avec un énorme avantage puisqu'il aurait 80 p. 100 des vols et 90 p. 100 des recettes des vols intérieurs au Canada. Ce serait donc un défi considérable.

• 1550

D'un autre côté, cette nouvelle compagnie aérienne pourrait passer des accords intercompagnies ou des accords de partage de dénomination avec d'autres compagnies aux États-Unis. Prenons un exemple. Actuellement, pour aller de Sudbury à Toronto vous pouvez prendre Air Canada ou Canadien. Après la fusion, vous n'aurez plus que le nouveau transporteur. Vous aurez le choix si vous voulez aller de Sudbury à New York: vous pourrez prendre un vol Air Canada Sudbury-Toronto-New York ou prendre ce transporteur canadien exclusif de Sudbury à Toronto, et ensuite prendre un des vols des transporteurs américains à partir de Toronto.

En fait, la concurrence au Canada se ferait à des conditions canadiennes. Il n'y aurait pas d'avantage de coût à être une entité étrangère. La compagnie aérienne aurait exactement les mêmes bases de coût, les mêmes conditions, les mêmes équipages, les mêmes frais de personnel qu'Air Canada. Il y aurait donc une concurrence équitable. En revanche, pour ce qui est des vols internationaux, que ce soit des vols transfrontaliers ou à destination de l'Europe ou du Japon, ce serait uniquement Air Canada qui affronterait ses concurrents internationaux, comme elle le fait actuellement.

Le président: Merci, monsieur Jackson.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le commissaire, à la page 36 du document que vous avez expédié au ministre des Transports le 22 octobre dernier, vous stipuliez:

    Le Bureau de la concurrence recommande que:

      la Loi sur les transports au Canada soit modifiée pour permettre aux transporteurs d'obtenir une licence d'exploitation limitée au réseau canadien.

Ça va.

      De tels transporteurs devraient être libres de toute restriction relative à la propriété ou au contrôle canadien.

Pourriez-vous, pour la gouverne du comité, expliquer la logique de cette décision? Pourquoi suggérez-vous une chose de ce genre?

M. Konrad von Finckenstein: Comme je l'ai mentionné à votre collègue, ces transporteurs devraient être libres de toute restriction relative à la propriété ou au contrôle canadien. Ils devraient toutefois être assujettis à toutes les autres conditions auxquelles sont soumis les transporteurs aériens au Canada, soit les exigences en matière d'impôts, d'obtention de licences, de coût de l'essence, etc.

Nous voulons voir ici la création de transporteurs aériens qui soient en concurrence avec les transporteurs dominants, qui fassent affaire sur la même base, qui assument les mêmes coûts, etc. Ces transporteurs ne pourraient exploiter que le marché intérieur et ne pourraient pas dépasser les frontières canadiennes. À ce moment-là, il n'y aurait pas de concurrence de la part des transporteurs étrangers au Canada, soit de transporteurs qui jouiraient de bénéfices qu'un transporteur dominant au Canada n'a pas. Mais au niveau du marché intérieur, le nouveau transporteur dominant ferait face à une concurrence, ce qui nous assurerait que les tarifs pour les consommateurs sont justes.

M. Michel Guimond: Deux offres ont été déposées sur la table pour l'acquisition d'Air Canada. Il y a des rumeurs voulant qu'Onex dépose une contre-offre ce soir avant minuit pour qu'elle puisse être livrée aux actionnaires d'Air Canada. Comment tout cela va-t-il s'articuler?

Si les actionnaires d'Air Canada, lors de l'assemblée du 8 novembre, acceptaient une offre d'Onex qui serait au-delà des 10 p. 100 de propriété étrangère, pourraient-ils se retrouver devant la possibilité de ratifier une offre qui serait illégale en vertu de la réglementation actuelle, en tenant pour acquis que le comité recommanderait de maintenir cette limite à 10 p. 100?

M. Konrad von Finckenstein: Premièrement, nous n'avons pas examiné une transaction spécifique. Comme je l'ai dit, je suis pour l'instant réduit à donner des avis génériques au ministre, à la suite de l'ordre que j'ai reçu du gouvernement conformément à l'article 87. Je suis actuellement relevé de tout devoir relatif à l'examen d'une fusion.

Deuxièmement, la question que vous avez posée est actuellement devant les tribunaux. Je ne sais pas si l'offre d'Onex est légale ou non. Il y a une dispute à cet égard et la cour tranchera cette question.

La seule chose que je peux dire, c'est qu'après le 11 novembre, une fois que l'ordre aura pris fin, les dispositions de la Loi sur la concurrence vont s'appliquer. Si une transaction de fusionnement est proposée, je l'examinerai.

M. Michel Guimond: Cela m'amène à ma dernière question, monsieur le commissaire.

Chacun des détails ou articles de la loi constitutive du Bureau de la concurrence ne m'est pas familier. Quels délais les Canadiens et Canadiennes auront-ils pour savoir si les offres déposées sont légales ou valides au sens de la Loi sur la concurrence? Quel sera votre délai d'examen? Combien faut-il de temps pour obtenir une réponse du Bureau de la concurrence?

• 1555

M. Konrad von Finckenstein: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre parce que nous parlons ici de façon hypothétique. Je n'ai pas examiné les plans de fusionnement d'Air Canada et de Canadien. En général, lorsqu'on examine une transaction très complexe où l'entreprise n'a pas de problèmes financiers, c'est-à-dire qu'elle n'est pas en faillite ou au bord de la faillite, il nous faut environ quatre ou cinq mois. Lorsqu'une compagnie est au bord de la faillite—on la qualifie alors en anglais de failing firm—, nous déterminons si c'est vraiment le cas et il nous faut de six à huit semaines. Tous ces délais ne peuvent être respectés que si nous disposons de toutes les données nécessaires et pouvons compter sur la collaboration des parties. Il arrive parfois que les parties refusent de collaborer et que nous devions aller devant la cour pour obtenir les données nécessaires. Naturellement, à ce-moment là, tout le processus est retardé.

M. Michel Guimond: Est-ce que la situation financière de Canadien la place dans la deuxième catégorie, là où l'on peut obtenir une réponse dans un délai de six à huit semaines?

M. Konrad von Finckenstein: Je n'en ai aucune idée. Je n'ai pas examiné les livres de Canadien. Si après le 11 novembre on a déposé une transaction qui touche Canadien, la première chose que je vais faire, ce sera d'examiner l'état financier de ce transporteur et de déterminer s'il se qualifie bien comme failing firm. Le cas échéant, le deuxième processus s'appliquerait.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Comuzzi.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur von Finckenstein, je tiens à vous féliciter ainsi que les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui. Je vous félicite parce que je lis dans la lettre que le ministère vous a adressée le 30 août 1999, et je cite:

    En particulier, toute restructuration devra respecter le cadre actuel concernant la part de propriété canadienne et le contrôle des transporteurs aériens. Comme il s'agira d'une restructuration à l'échelle nationale, l'introduction de transporteurs aériens sur des réseaux intérieurs, c'est-à-dire le cabotage, ne sera pas envisagée.

Je vous suis très reconnaissant d'être venu nous dire aujourd'hui que vous avez deux options sur lesquelles vous souhaitez attirer notre attention: celle du transport exclusivement canadien, et celle du cabotage. Nous vous en sommes reconnaissants. La question a été posée hier, mais personne n'y a prêté attention. Je vous remercie donc de ces remarques très utiles.

Dans la lettre de couverture qui accompagne votre rapport, que nous avons reçue hier, vous dites:

    Toutefois, étant donné l'utilisation de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada qui suspend certaines parties de la Loi sur la concurrence, vos termes de référence et le court laps de temps mis à notre disposition, tel que demandé, cette lettre ne fera [...] qu'identifier problèmes.

Sachant qu'il s'agira peut-être de la grande fusion au Canada, avec de telles répercussions politiques, que pensez-vous du fait que votre Bureau, en vertu des décisions du 13 août, ne soit pas autorisé à intervenir à ce moment crucial dans le débat sur cette question?

• 1600

M. Konrad von Finckenstein: L'article 47 fait partie de la Loi sur les transports au Canada. Il est fait pour être invoqué dans certaines conditions par le gouverneur en conseil. Le gouverneur en conseil l'a invoqué en août compte tenu des conditions qui prévalaient. En conséquence, les pouvoirs que j'avais d'examiner des fusionnements et d'interdire à des parties de discuter des tarifs, des itinéraires, etc., ont été suspendus. Cette suspension prend fin le 11 novembre.

Il s'agit d'une application du droit. Notre droit prévoit cette possibilité. Il permet au ministre de demander au Conseil des ministres un décret à cet effet, et c'est ce qui s'est passé.

Comme vous le savez, le ministre m'a demandé en même temps de lui donner mon point de vue en termes génériques, car je pense que le ministre se rend compte que le Bureau de la concurrence a un double rôle: nous sommes à la fois les promoteurs et les défenseurs de la concurrence. En tant que défenseurs, notre rôle a été suspendu pour une durée de 90 jours, mais notre rôle de promoteur n'a pas été suspendu, et nous l'avons donc exercé en donnant notre meilleur avis possible au ministre.

Le ministre ne nous a pas limités à l'examen du fusionnement; il nous a aussi demandé notre point de vue sur les politiques ou les conditions sur lesquelles le gouvernement pourrait s'appuyer pour garantir le maintien du maximum possible de concurrence. Comme vous le savez, mon rapport comporte quatre parties. Seule la première partie traite des conditions qui pourraient être liées à une approbation. Les trois autres parties, les changements de politique, les changements à la réglementation et les modifications législatives concernent toutes le domaine du ministre des Transports.

Il m'a demandé conseil. Je lui ai donné les meilleurs conseils que nous avons pu formuler. À lui maintenant de les appliquer ou non. Il vous a aussi demandé votre avis, et je pense que les choses se déroulent donc tout à fait normalement.

M. Joe Comuzzi: Merci, monsieur von Finckenstein. Remettons les choses en perspective. J'aimerais vous citer un passage de l'affaire Airline Industry Revitalization Company contre Air Canada, au paragraphe 8. N'oubliez pas que le décret date du 13 août. On dit ici que le 11 août, la direction d'Onex a dit à son conseil d'administration:

    Qu'avant de faire son offre, Onex s'assurerait auprès d'Ottawa que cette offre serait acceptable pour le gouvernement canadien et ses organismes de réglementation.

On lit ensuite dans ce texte:

    Plus précisément, nous chercherons à obtenir l'assurance que le gouvernement appuiera une combinaison [...] comportant le recours à l'article 47 [...]

Ce qui est le plus important, et dont je voudrais vous parler aujourd'hui, c'est ceci:

    Un tel décret, qui doit être émis par le Cabinet sur la recommandation du ministre des Transports et du ministre de l'Industrie, stipulerait que le fusionnement [...] pourrait être effectué sans un examen de ce fusionnement par le Bureau de la concurrence [...]

Je répète: «... le fusionnement pourrait être effectué sans un examen de ce fusionnement par le Bureau de la concurrence».

Ce sont là les conclusions du juge Blair dans cette affaire.

J'aimerais savoir ce que cela signifie pour vous, le fait que le fusionnement puisse s'effectuer sans un examen par le Bureau de la concurrence.

M. Konrad von Finckenstein: Excusez-moi, quelle est la décision que vous venez de citer?

M. Joe Comuzzi: C'est la décision du juge Blair le 28 septembre dans l'affaire Airline Industry Revitalization Company contre Air Canada.

M. Konrad von Finckenstein: Bon. Il ne s'agissait pas précisément de cela. Comme vous le savez, dans ces divers...

M. Joe Comuzzi: Excusez-moi, monsieur von Finckenstein. Cette affaire portait effectivement sur d'autres points, mais ce que je vous lis, c'est le constat des faits du juge et le contexte de cette affaire présentée par les deux parties.

M. Konrad von Finckenstein: Bon. Je dois vous dire que le décret lui-même a été contesté par Air Canada. Air Canada a fait appel pour avoir des précisions sur le sens de ce décret et sa portée. La Couronne a déposé. L'affaire a été suspendue à la demande d'Air Canada, donc nous n'avons pas de jugement définitif sur cette question.

Tout ce que je peux vous donner, c'est la position du gouvernement fédéral. Je l'ai ici. Dans le résumé de cette position, on peut lire:

    En ce qui concerne la troisième question, le procureur général du Canada considère que le paragraphe 47(3) de la Loi sur les transports au Canada et l'article 4 du décret limitent l'effet de ce décret à 90 jours. Il s'en suit qu'aucune autorisation octroyée en vertu de l'article 3 du décret ne peut exonérer un accord conditionnel de l'application de la Loi sur la concurrence de manière permanente.

• 1605

La Couronne a donc soutenu qu'en dépit du fait que le décret était émis en vertu de l'article 47 et qu'il permettait l'approbation d'un accord conditionnel par le Cabinet, le fusionnement devrait tout de même faire l'objet d'un examen complet en vertu de la Loi sur la concurrence.

M. Joe Comuzzi: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Comuzzi.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): J'ai bien apprécié votre rapport, sachant que vous partez de l'idée que nous pourrions avoir un transporteur dominant.

Je voudrais tout d'abord parler du fait que vous reconnaissez que les agences de voyage sont un aspect très important de cette industrie, et que vous dites qu'il faudrait mettre en place quelque chose pour éviter une trop grande érosion de leurs revenus, en soulignant que cet aspect de la question ne figurait pas dans le plan de restructuration du ministre.

Je voudrais tout d'abord avoir une précision. Le transporteur qui serait un transporteur strictement canadien ne devrait pas nécessairement appartenir à des Canadiens. Il pourrait très bien s'agir d'un transporteur détenu à 100 p. 100 par des capitaux étrangers à condition de voler uniquement à l'intérieur du Canada.

M. Konrad von Finckenstein: Oui.

Mme Bev Desjarlais: Ce transporteur serait-il autorisé à conclure des alliances avec d'autres transporteurs?

M. Konrad von Finckenstein: Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas.

Mme Bev Desjarlais: Bon. D'un autre côté, puisque vous avez rédigé votre rapport dans la perspective d'un transporteur dominant et que vous n'êtes pas intervenu dans ce processus jusqu'à présent, pouvons-nous être certains qu'en raison de la situation actuelle de Canadien, il faut obligatoirement envisager un transporteur dominant? Êtes-vous convaincu que la situation financière de la compagnie Canadien nous oblige à n'envisager qu'un transporteur dominant au Canada?

M. Konrad von Finckenstein: Je ne peux pas répondre à cette question car je n'ai pas eu l'occasion d'examiner la comptabilité d'Air Canada ni de Canadien. Après le 11 novembre, si j'ai sous les yeux une proposition de fusionnement, la première chose que je ferai, ce sera d'examiner la comptabilité de Canadien pour voir... Comme je l'ai répondu à l'un des députés du Bloc québécois, l'un des points essentiels consistera à déterminer si Canadien est en faillite ou non. Si vous avez une entreprise en faillite, ce n'est pas du tout la même chose que lorsque vous envisagez le fusionnement de deux compagnies prospères.

Mme Bev Desjarlais: Donc, si l'article 47 n'avait pas été invoqué et si les deux groupes avaient voulu proposer une fusion, vous auriez pu examiner les livres comptables de Canadien.

M. Konrad von Finckenstein: Si l'article 47 n'avait pas été invoqué et si les représentants d'Onex avaient fait leur offre, ils auraient donné un préavis de leur intention d'acheter Air Canada et Canadien, puisque c'est de cela qu'il s'agit en gros, et nous aurions examiné la comptabilité des trois compagnies dans le cadre d'une étude approfondie.

Mme Bev Desjarlais: Pensez-vous qu'il faut maintenir la règle des 10 p. 100?

M. Konrad von Finckenstein: Cette règle n'a rien à voir avec la concurrence. Elle a pour but d'empêcher un groupe important d'acquérir une part prépondérante de la compagnie. Toutes les restrictions à la propriété vont dans une certaine mesure à l'encontre de la concurrence. Je ne sais pas pourquoi nous avons cette règle des 10 p. 100, mais du point de vue de la concurrence, je n'ai pas d'opinion vraiment marquée. Je pense que cette règle nuit légèrement à la concurrence, mais c'est très mineur.

Mme Bev Desjarlais: Bon. Puis-je glisser une petite question supplémentaire?

À propos de la situation financière de Canadien, on a dit, et je crois que c'est le ministre lui-même qui l'a dit, que Canadien et Air Canada avaient déjà discuté ensemble plus tôt cette année en dépit de tout ce qui se passait. Sachant cela, pensez-vous que nous pourrions en conclure que le Bureau de la concurrence aurait dû être autorisé à intervenir avant même le 13 août, puisqu'il y avait déjà des discussions, et que c'est seulement après la présentation de l'offre d'Onex que tous les autres événements se sont produits?

• 1610

M. Konrad von Finckenstein: Il y a toujours des discussions entre compagnies sur l'éventualité d'un fusionnement. Quand cette éventualité commence à prendre forme, une fois que l'on a dégagé les règles de base, la loi exige qu'on émette un préavis, etc. Mais il y a des tas de discussions de ce genre qui ne mènent à rien, donc je pense que ces discussions qui avaient eu lieu précédemment entre les deux compagnies ne veulent pas dire grand-chose si elles n'ont débouché sur rien du tout à ce moment-là.

Mme Bev Desjarlais: Est-il encore raisonnable de dire que ces discussions n'ont débouché sur rien du tout quand nous en sommes au point où l'on propose la création d'un transporteur unique?

M. Konrad von Finckenstein: Je n'ai pas connaissance d'un accord quelconque qui aurait été conclu par Canadien et Air Canada.

Le président: Merci, Bev.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

La plupart de nos aéroports sont actuellement entre les mains d'autorités qui fonctionnent sans lien de dépendance, d'organisations à but non lucratif considérées comme privées. Pourtant, à la page 3 de votre exposé, vous dites que le ministre des Transports devrait souligner certaines conditions qui pourraient être imposées aux autorités aéroportuaires. Vous parlez par exemple de «remettre des installations d'un aéroport à l'autorité appropriée aux fins de réallocation». Je m'interroge aussi un peu sur un autre passage où vous dites: «changer la façon de payer des transporteurs aériens pour les services à l'aéroport». À mon avis, ces deux domaines relèvent de la responsabilité des autorités aéroportuaires et non du ministre des Transports.

Êtes-vous en train de demander au ministre des Transports de surenchérir ou de rejeter une partie des ententes que le gouvernement a conclues avec les autorités aéroportuaires?

M. Konrad von Finckenstein: Pas du tout. Ce que je dis ici, c'est qu'en cas de fusion, on peut imposer au transporteur dominant certaines conditions: «Vous devez renoncer à tel ou tel créneau horaire, vous êtes propriétaire de toutes les rampes d'accès et de toutes les portes de tel aéroport, et vous allez devoir les vendre». Évidemment, comme je le dis dans ma lettre, cette vente devrait s'effectuer à un prix raisonnable. Il ne s'agit pas de brader ces installations, mais il faut les vendre.

Prenez le cas de Toronto. Vous voulez qu'il y ait de la concurrence à Toronto. On veut que les gens puissent y atterrir aux heures de pointe. Air Canada et Canadien sont propriétaires de la quasi-totalité du créneau horaire aux heures de pointe à l'aéroport Pearson. Un nouveau transporteur dominant se retrouverait propriétaire de la totalité de cet ensemble. Ce que nous disons, c'est qu'il faudrait remettre ces créneaux au coordonnateur des créneaux à Toronto, qui les répartirait ensuite entre les diverses compagnies intéressées. C'est une condition qui serait imposée au transporteur dominant en contrepartie du fusionnement.

M. Stan Dromisky: Oui, je comprends bien le cas des créneaux, mais j'aimerais que vous me répondiez de façon plus précise sur ces deux points précis: «remettre des installations d'un aéroport à l'autorité appropriée aux fins de réallocation» et aussi «changer la façon de payer des transporteurs aériens pour les services à l'aéroport». Les services à l'aéroport sont fournis aux transporteurs par des entrepreneurs, ou par les autorités aéroportuaires qui font appel à des entrepreneurs, ou encore par des employés de l'autorité aéroportuaire.

M. Konrad von Finckenstein: Il ne faut pas oublier le début du paragraphe où l'on parle de conditions qui pourraient être «imposées» au transporteur dominant. Si ce transporteur dominant possède 50 p. 100 des espaces de comptoir de l'aéroport, et c'est encore le cas dans certains aéroports, on lui demandera de vendre à un prix raisonnable certains de ces comptoirs à ses concurrents ou à l'autorité aéroportuaire qui pourra elle-même les louer aux compagnies concurrentes.

En gros, ces transporteurs détiennent le contrôle de tous les comptoirs de cet aéroport et ils vont devoir en abandonner une partie. Le moyen de le faire, c'est de remettre ces comptoirs à l'autorité aéroportuaire qui pourra les attribuer ou les louer aux nouveaux venus.

M. Stan Dromisky: Eh bien, ça sera intéressant à voir si nous en arrivons là et que le ministre des Transports empiète sur les pouvoirs qui leur ont été octroyés en vertu de lois antérieures. Quand je dis «leur», je veux parler des autorités aéroportuaires qui ont été créées.

À la page suivante, vous parlez de «l'établissement de moyens plus efficaces afin de combattre le comportement d'éviction par le transporteur dominant». Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par «des moyens plus efficaces afin de combattre le comportement d'éviction»?

M. Konrad von Finckenstein: Oui. L'industrie aéronautique est une industrie assez particulière. C'est en fait une industrie de réseau. Tout le monde est relié. Grâce au système de réservations, les transporteurs savent combien de vols les autres réservent, pour quelles destinations et comment, donc l'information circule beaucoup. Vos actifs sont extrêmement mobiles, vous pouvez les déplacer d'un endroit à l'autre.

• 1615

Prenons donc un nouveau venu qui ouvre une ligne entre Thunder Bay et Toronto par exemple. Rien ne l'en empêche, mais il est très facile au transporteur dominant d'augmenter un peu sa capacité, de rajouter quelques vols et de pousser rapidement le nouveau concurrent à la faillite.

La loi stipule clairement que si vous dominez le marché et que vous essayez d'en évincer quelqu'un, nous pouvons intervenir pour vous en empêcher. Toutefois, cela prend du temps. Il faut toute une procédure, une longue enquête, et il n'est pas si facile de déterminer la différence entre de la bonne concurrence solide et honnête et un comportement d'éviction visant uniquement à éjecter un concurrent. Tout cela est assez flou et difficile à préciser.

Nous disons donc que la fusion va se traduire par l'apparition d'un transporteur dominant qui aura 80 p. 100 du trafic aérien et 90 p. 100 des recettes, et qu'il faut donc pouvoir réagir très vite. Ce que nous proposons ici, c'est tout simplement une ordonnance de cesser et de s'abstenir qui nous laisserait 90 jours pour mener notre enquête; pendant cette durée, le comportement d'éviction devrait cesser.

M. Stan Dromisky: Je vais vous poser une question à laquelle il vous suffit de répondre par oui ou par non. Ce que vous êtes en train de dire, par conséquent, c'est qu'une organisation du gouvernement ou le ministre ou vous-même diriez au transporteur principal qu'il n'a pas le droit de faire plus de tant de liaisons entre Thunder Bay et Toronto.

M. Konrad von Finckenstein: Non, ce n'est pas ce que je dis.

M. Stan Dromisky: Non?

M. Konrad von Finckenstein: Non. Dans ce cas-là nous ferions une enquête pour voir si le comportement de la compagnie a pour but d'acculer le concurrent à la faillite ou simplement d'essayer de faire...

M. Stan Dromisky: Après cette enquête, pourriez-vous...

M. Konrad von Finckenstein: Nous pourrions porter l'affaire devant les tribunaux.

M. Stan Dromisky: Bon.

M. Konrad von Finckenstein: Vous présentez votre argumentation, et c'est au tribunal de décider, pas à moi.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.

Je vous félicite pour ce document approfondi, mais j'ai une question à vous poser. Je me demande si nous n'avons pas laissé passer une occasion ici. Dans votre lettre au ministre, vous dites au deuxième paragraphe: «Comme vous l'avez demandé, j'ai présumé premièrement qu'un seul transporteur dominant émergerait de ce processus».

Si le ministre ne vous avait pas obligé à vous en tenir à sa vision de l'évolution de la situation, à savoir l'apparition d'un unique transporteur dominant, pensez-vous que vous auriez pu trouver d'autres scénarios, d'autres cadres dans lesquels il n'y aurait pas nécessairement eu un unique transporteur dominant, mais une autre forme de restructuration de l'industrie qui aurait permis une bonne concurrence? Vous vous êtes concentré sur cette idée d'un transporteur dominant, et uniquement sur cette idée.

M. Konrad von Finckenstein: À la page 2 de ma lettre, je dis ceci:

    Bien que le scénario d'un transporteur dominant soit le point central de cette analyse, nous pensons que plusieurs recommandations contenues dans cette lettre pourraient être mises en place dans le contexte d'un transporteur non dominant au profit des consommateurs canadiens.

Le ministre est confronté à la fusion des deux transporteurs aériens qui dominent le marché canadien. C'est pourquoi il m'a demandé de me consacrer spécifiquement à cette situation et c'est ce que j'ai fait dans ma lettre. C'est l'issue la plus logique de la fusion de ces deux compagnies: il va y avoir un transporteur dominant.

M. Bill Casey: Je lis la première ligne de votre page Web: «Le fait que la concurrence soit profitable tant pour les entreprises que pour les consommateurs est la principale hypothèse opérationnelle sur laquelle se fonde le Bureau de la concurrence».

Si nous nous retrouvons avec un transporteur dominant, dans l'état actuel des choses, selon l'information qui figure dans vos documents, 90 p. 100 du volume commercial sera assuré par un transporteur dominant. Êtes-vous certain que ce soit la seule restructuration possible? Si vous aviez en main les outils nécessaires à la restructuration des transports aériens au Canada, en plus des deux options actuelles, pensez-vous qu'il y aurait une meilleure façon de procéder?

M. Konrad von Finckenstein: Vous n'abordez pas la question sous le bon angle. Je ne m'occupe pas de restructuration. Mon rôle consiste à analyser les propositions de fusion présentées par des parties qui veulent se fusionner, généralement parce qu'elles considèrent que la fusion les rendra plus efficaces et leur permettra donc d'augmenter leurs profits.

J'étudie le dossier et je leur dis: «C'est parfait, je suis favorable à la plus grande efficacité dans l'attribution des ressources, mais il ne faut pas que la fusion vous place dans une situation de dominance pouvant donner lieu à des abus.»

M. Bill Casey: Si le transporteur dominant se retrouve avec 90 p. 100 du marché, ne sera-t-il pas en mesure d'abuser de sa position?

M. Konrad von Finckenstein: C'est ce que je dis dans ma lettre. C'est une situation très préoccupante, et c'est pourquoi j'énumère toute une série de conditions que l'on pourrait imposer à la fusion. Ensuite, je préconise des changements d'orientation, des changements de réglementation et des modifications législatives, notamment, comme je viens de le dire à votre collègue, des dispositions spéciales concernant les pratiques de prix abusifs, car je considère qu'une telle situation serait très grave. Il est important de régler la machine de façon que le marché puisse accueillir de nouveaux arrivants et qu'on dispose de tous les outils nécessaires pour analyser le comportement du transporteur dominant et l'empêcher de passer les bornes.

• 1620

M. Bill Casey: Nous avons au Canada des lignes aériennes rentables. Nous avons Air Canada, WestJet et plusieurs compagnies de vols nolisés. Nous avons aussi une compagnie qui, apparemment, n'est pas rentable. Je ne suis pas certain qu'il y ait une autre façon de procéder tout en préservant la concurrence qui est profitable tant pour les entreprises que pour les consommateurs.

Je sais que vous aviez pour mandat de ne considérer qu'un seul point de vue, mais je continue de penser que nous passons à côté de possibilités intéressantes, faute de temps et à cause de la précipitation à conclure une entente. Nous n'envisageons pas toutes les possibilités. Ne voyez-vous aucune autre possibilité que celle d'un transporteur dominant qui occuperait 90 p. 100 du marché?

M. Konrad von Finckenstein: On m'a demandé de donner mon avis sans considérer une transaction en particulier. Je n'ai pas analysé la comptabilité de Canadien ni celle d'Air Canada. Je donne un avis global. Je vois bien quel serait l'effet de la réunion de ces deux compagnies du point de vue des parts de marché, mais c'est tout. Je ne peux donc pas répondre à votre question pour l'instant. Si une proposition de fusion est présentée au Bureau de la concurrence après le 11 novembre, nous l'étudierons. Soyez assuré que nous l'étudierons avec beaucoup d'attention, comme nous le faisons toujours, et il faudra nous convaincre que c'est la seule façon de procéder.

M. Bill Casey: Bien.

Passons à un autre sujet. Le ministre envisage l'adoption d'une loi qui aurait pour effet de soustraire définitivement l'industrie de l'aviation et les fusions de compagnies aériennes à la compétence du Bureau de la concurrence. Est-ce que cela vous semble approprié? Y a-t-il d'autres secteurs d'activités qui pourraient échapper à la compétence du Bureau de la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Je ne pense pas que ce soit cela qu'il ait dit. Je crois qu'il propose une nouvelle structure de révision, qui serait semblable à ce que nous faisons dans le cas de la Loi sur les banques; il y aurait dans la Loi sur les transports du Canada une disposition précisant que toute fusion entre des transporteurs aériens de première catégorie nécessiterait l'approbation du ministre des Transports.

On apporterait ensuite à la Loi sur la concurrence une modification semblable aux mesures actuelles concernant les banques, qui imposerait une double procédure d'approbation, ou même une triple procédure, avec l'Office des transports du Canada qui analyserait la propriété et le contrôle, le ministère des Transports qui vérifierait les objectifs de la politique nationale de transport aérien, notamment en matière d'emploi et d'accès au plus grand nombre de localités, et nous qui serions chargés des questions de concurrence.

Ensuite, les parties, informées de ces conditions, devraient restructurer leur transaction en fonction de ces dernières. Notre rôle est de déterminer si elle respecte la concurrence, le ministre vérifie si elle est conforme aux exigences concernant les transports, et l'Office des transports du Canada s'intéresse à la propriété et au contrôle. L'entente n'est approuvée que si l'ensemble des conditions est respecté. Voilà grosso modo la procédure qu'a exposée le ministre hier.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Casey.

M. von Finckenstein rapporte bien ce qu'a dit le ministre hier. La façon dont vous aviez rapporté ses propos était incorrecte.

Monsieur Calder, s'il vous plaît.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le commissaire, je voudrais que nous parlions de cette règle des 10 p. 100 que nous sommes chargés d'étudier actuellement. Est-ce qu'il faut la maintenir? Est-ce qu'il faut la modifier? Quelle est son importance? Dans un article du Globe and Mail d'aujourd'hui, on dit qu'Onex pourrait faire une nouvelle offre et augmenter de 2 $ le prix de l'action proposé actuellement, c'est-à-dire 8,25 $, ce qui donnerait 376 millions de dollars de plus. On parle même de réduire la part d'American Airlines des 15 p. 100 proposés à 10 p. 100. On parle aussi de passer de deux directeurs à un seul. Tout d'abord, à votre avis, quelle est l'importance de cette règle des 10 p. 100?

M. Konrad von Finckenstein: Comme je l'ai dit, je m'occupe de concurrence. Je considère l'élément concurrentiel des propositions. Les restrictions concernant la propriété ont pour effet, dans une certaine mesure, de nuire à la concurrence. Comme je l'indique au début de ma lettre, les restrictions concernant la propriété étrangère ont une incidence importante sur la compétitivité, l'accès aux capitaux, etc.

• 1625

La règle des 10 p. 100, qui précise simplement qu'aucune entité ne peut posséder plus de 10 p. 100 des actions, a un léger effet anticoncurrentiel. En réalité, cet effet est bien difficile à mesurer. La règle des 10 p. 100 existe pour des raisons autres que la concurrence. Elle ne correspond à aucune préoccupation en matière de concurrence et à mon avis, elle n'a guère d'effet sur la concurrence. Ce n'est donc pas à moi qu'il faut poser une question sur la règle des 10 p. 100.

M. Murray Calder: Bien; passons donc à un autre sujet lié directement à la concurrence, à savoir la possibilité qu'un transporteur unique n'abuse en matière de prix.

Dans votre volumineux mémoire, dont j'ai beaucoup apprécié la lecture, vous considérez que le transporteur dominant, au lieu de hausser les prix, pourrait restreindre la possibilité d'accorder des tarifs réduits. Il n'y aurait pas d'augmentation des prix, mais faute de pouvoir obtenir des tarifs réduits, les consommateurs devraient s'adresser au premier transporteur, qui appliquerait des tarifs plus élevés.

Vous envisagez aussi qu'à la demande d'autres transporteurs, on puisse obliger un transporteur dominant à céder des créneaux dans un certain nombre d'aéroports du pays. Cette hypothèse s'appliquerait au Canada ainsi qu'à l'étranger.

Vous dites aussi dans votre mémoire que si les deux transporteurs sont réunis, ils pourraient fort bien vendre des DC-9, des DC-10 et des Boeing 737 sur le marché international. Dans ce cas, les avions ne pourraient plus revenir au Canada, à cause d'une règle de sécurité, ce qui aurait pour effet d'imposer des restrictions à un autre transporteur à tarifs réduits.

Les pouvoirs dont vous parlez ici sont considérables. En réalité, est-ce que nous sommes en mesure d'adopter une politique comportant de tels pouvoirs?

M. Konrad von Finckenstein: Il ne s'agirait pas d'une politique. Il s'agit d'une condition à l'approbation d'une fusion. Lorsque deux compagnies comme Air Canada et Canadien se réunissent, elles le font pour obtenir des gains d'efficacité. Par définition, elles vont avoir des avions excédentaires. Elles vont avoir plus de créneaux de temps qu'elles n'en ont besoin, et plus de biens qu'elles n'en ont besoin dans les aéroports, etc.

Nous disons que dans le cadre d'une fusion, il est possible d'autoriser certaines choses, sous réserve que les compagnies se débarrassent des avions, des biens et des créneaux d'aéroport excédentaires, mais il faut veiller à ce qu'elles ne puissent les conserver en empêchant d'autres compagnies de pénétrer sur le marché; elles doivent se comporter normalement, de façon que ceux qui veulent leur faire concurrence puissent utiliser les avions, les créneaux et les installations aéroportuaires pour lancer un nouveau service ou pour étendre un service existant.

M. Murray Calder: Je suppose que tous ceux qui soumissionnent... Malheureusement, notre comité n'a affaire qu'à des fantômes, puisque nous n'avons rien de concret sous la main. L'affaire va être intéressante.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Calder.

Madame Meredith, s'il vous plaît.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Je dois reconnaître que cette conversation a apaisé les craintes que j'éprouvais hier en entendant le ministre parler d'une situation qui, à mon avis, ramenait le transport aérien dans une structure de réglementation.

Si je vous comprends bien, vous semblez dire que le passage à une situation plus concurrentielle va être assuré par des accords contractuels dans le cadre de la procédure de fusion. Il y a un accord contractuel entre les deux sociétés fusionnées, qui définira la façon dont elles fonctionneront au plan commercial à l'avenir et qui garantira la concurrence. Est-ce bien cela?

M. Konrad von Finckenstein: Oui. Il faudra peut-être une intervention complémentaire du ministère des Transports à propos des créneaux sur le marché international. Mais pour le premier cas, vous avez tout à fait raison.

• 1630

Mme Val Meredith: Mais pour ce qui est de la réglementation dont vous parlez, vous proposez, si j'ai bien compris, la suppression des moyens de contrôle dont dispose le gouvernement pour garantir la concurrence entre ces transporteurs; on laisserait jouer la concurrence sur le marché en ce qui concerne les installations aéroportuaires et les choses de ce genre. Vous proposez l'ouverture plutôt que le contrôle gouvernemental.

M. Konrad von Finckenstein: Comme vous l'indiquez à juste titre, cela fait partie des conditions qu'on impose au transporteur dominant—il doit renoncer à certains créneaux d'aéroport et à certaines installations aéroportuaires—et d'autres mesures sont des changements d'orientation visant à favoriser la concurrence. À notre avis, la distinction actuelle entre un affréteur aérien et un transporteur aérien régulier est trop complexe. Nous voudrions qu'on la simplifie, de façon que l'affréteur aérien puisse plus facilement se transformer en transporteur aérien régulier, ou qu'il puisse plus facilement proposer les deux formes de services et nous souhaitons que le Canada négocie au niveau international pour atténuer cette distinction dans la mesure du possible.

On parle de désignation de second transporteur. Selon la règle actuelle, il est impossible de désigner un second transporteur avant qu'un vol soit emprunté par 300 000 passagers. Nous demandons la suppression de cette règle. La limite devrait être bien inférieure. Il s'agit toujours de favoriser la concurrence.

Mme Val Meredith: Je comprends bien ce que vous dites. Pour moi, même vos modifications législatives ressemblent à une déréglementation de l'industrie, qui devrait profiter aux compagnies aériennes canadiennes à l'avenir.

À la page 32 de votre lettre au ministre, à la rubrique 3.4 sur l'accès aux capitaux étrangers, vous recommandez que l'on porte la limite de propriété étrangère à 49 p. 100 des actions avec droit de vote des transporteurs aériens canadiens. Je ne suis pas sûre que cette limite me convienne, mais vous limitez la possibilité, pour le gouvernement, de se servir de la réglementation pour limiter la concurrence et restreindre les forces du marché; j'en suis bien contente.

Pouvez-vous nous dire comment vous en êtes arrivé à ce chiffre de 49 p. 100 et comment vous avez déterminé qu'il fallait régler ce problème?

M. Konrad von Finckenstein: Le problème, c'est l'accès aux capitaux. On trouve d'énormes ressources en capitaux à l'extérieur du Canada, mais pas à l'intérieur. Le transport aérien est une industrie capitalistique.

Nous ne demandons pas la suppression de l'élément de contrôle canadien. Une compagnie aérienne peut être soumise à un contrôle étranger même si elle ne dépasse pas la limite des 25 p. 100, car le contrôle n'est pas limité à la propriété.

Nous considérons que tant que le contrôle reste canadien, on peut parfaitement aller chercher les capitaux nécessaires auprès de n'importe quelle source. Si on porte la limite à 49 p. 100, les sociétés ou les particuliers qui formeront ces 49 p. 100 représenteront des centaines ou des milliers de personnes. Elles n'agiront jamais comme un seul groupe. Le contrôle sera toujours exercé au Canada par quelqu'un qui possédera 51 p. 100 des actions, ou même seulement 10 p. 100, la propriété étant divisée, mais ce qui importe, c'est le contrôle canadien. La restriction de 25 p. 100 ou de 49 p. 100 concernant la propriété ne fait aucune différence. L'important, c'est de s'assurer que le contrôle reste au Canada aux fins de la désignation. Mais en portant la limite à 49 p. 100, on permet l'accès à des ressources en capitaux beaucoup plus importantes.

Mme Val Meredith: Est-ce qu'on respecte toujours les règlements découlant de l'accord bilatéral si on reste en deçà de 50 p. 100? Une limite de 49 p. 100 nous permet-elle de respecter les obligations que nous imposent les accords bilatéraux?

M. Konrad von Finckenstein: Absolument. La loi actuelle nous permet de hausser la limite par voie de règlement. Il n'y a même pas besoin d'une loi du Parlement.

Mme Val Meredith: Merci.

Est-ce qu'il me reste du temps?

Le président: Non, je suis désolé.

Je voudrais obtenir une précision concernant l'argument de Mme Meredith; sauf erreur de ma part, elle a posé une question sur l'obligation contractuelle entre les deux compagnies avant qu'elles ne fusionnent, par opposition à une nouvelle réglementation ou à un contrôle du gouvernement, comme vous dites, sur les créneaux et les installations aéroportuaires.

Mme Val Meredith: Je pense que le témoin a expliqué...

Le président: J'essaie de clarifier les choses.

Mme Val Meredith: Il s'agit d'un accord contractuel entre les deux compagnies fusionnées et la compagnie...

Le président: Si tel est le cas—et je vais le demander au commissaire—il faut prolonger la question et demander pendant combien de temps l'accord contractuel s'appliquerait entre les deux compagnies aériennes fusionnées de façon que les créneaux et les installations soient disponibles aux transporteurs à tarifs réduits, et de façon que les voyageurs en profitent? D'après votre expérience du commerce, combien de temps peut durer un accord contractuel de ce genre? Deux ans, cinq ans? Est-ce qu'on peut conclure ce genre d'accord pour une durée de 25 ans dans le secteur privé?

• 1635

M. Konrad von Finckenstein: Je peux peut-être répondre à la question d'une façon un peu différente. Nous faisons une distinction entre ce que nous appelons les remèdes structurels et les changements de comportement.

On parle d'un remède structurel lorsque les compagnies sont invitées à se débarrasser de certains éléments, comme les créneaux, en les vendant à leurs concurrents. On les force à s'en débarrasser avant la conclusion de la fusion. On leur dit, par exemple, qu'il faut vendre les comptoirs dont elles disposent à l'aéroport Pearson. La vente doit être réalisée avant l'autorisation, de façon qu'il n'y ait plus rien à surveiller ni à contrôler.

Il existe aussi des éléments qui ne sont pas structurels et qui relèvent du comportement. En effet, si une grosse compagnie partage certaines lignes avec un plus petit transporteur, nous soumettons l'entente à une ordonnance judiciaire dans la plupart des cas. Nous obtenons une ordonnance qui précise que pendant une certaine période commerciale, généralement... En fait, je ne peux pas dire «généralement»; tout dépend de la condition et de la nécessité qu'elle soit observée pendant une longue ou une courte période. Elle peut être définitive ou comporter une limite dans le temps. Mais même si elle est définitive, elle n'empêche jamais l'une des parties de s'adresser au tribunal pour demander une modification de l'ordonnance, étant donné que les circonstances ont changé.

Le président: C'est bien là le problème, à mon avis, si l'industrie est réglementée, si le gouvernement contrôle les créneaux et les portes, comme il contrôle l'attribution des itinéraires internationaux, il peut défendre l'intérêt du public. Ainsi, il garde les itinéraires internationaux en fidéicommis pour les contribuables canadiens de façon à assurer la concurrence, etc. Il faut appliquer la même méthode pour faire en sorte que la concurrence puisse obtenir des créneaux et des portes dans les aéroports.

M. Konrad von Finckenstein: Je pense qu'il y a ici un malentendu. Ce que nous recommandons, c'est que les créneaux soient confiés à un coordonnateur à Toronto qui les attribuera à ceux qui arrivent sur le marché. Je ne propose pas qu'on les confie à Transports Canada, ni, à plus forte raison, qu'on en revienne à une situation de réglementation.

Je veux donc être très clair sur ce point. Je ne propose que des solutions faisant appel aux forces du marché.

Le président: Merci.

Monsieur Drouin, s'il vous plaît.

[Français]

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur von Finckenstein, j'aimerais savoir si, dans les recommandations que vous faites, vous avez les mêmes préoccupations que notre gouvernement au plan de la sécurité, du service en région et du bilinguisme. Est-ce que vous utilisez ces critères ou si vous tenez compte uniquement de la concurrence dans vos recommandations?

M. Konrad von Finckenstein: Selon la loi, je ne puis faire d'observations que sur l'état de la concurrence.

M. Claude Drouin: Vous parlez d'une sixième liberté modifiée et vous faites deux recommandations, notamment de permettre qu'une compagnie américaine prenne un voyageur canadien à un endroit donné, passe par les États-Unis et revienne au Canada à un autre endroit. À ce moment-là, le service serait sûrement unilingue anglophone.

M. Konrad von Finckenstein: Comme je l'ai mentionné à votre collègue, cela existe déjà aujourd'hui. Vous pouvez prendre un vol de Northwest de Montréal à Minneapolis et de Minneapolis à Calgary. Je ne sais pas si c'est un vol qui offre des services bilingues ou non, mais cela existe aujourd'hui.

La seule chose que j'ai à ajouter, c'est que cette compagnie peut vendre ces deux vols et faire le marketing de ces deux vols combinés. C'est quelque chose qui existe à l'heure actuelle. Si vous le voulez, après cette réunion, vous pourriez aller prendre ce vol. Je ne sais pas s'il y a un service bilingue ou non. Je crois que le service est probablement bilingue parce qu'il y a beaucoup de passagers et que c'est dans l'intérêt de Northwest d'offrir un tel service.

M. Claude Drouin: Quand mon collègue Calder vous a parlé de la limite de 10 p. 100, vous avez dit qu'il y a parfois des compagnies qui détiennent 10 p. 100 et qui exercent quand même un certain contrôle. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais je crois que vous avez dit qu'on pourrait même se rendre à 49 p. 100 et qu'il n'y aurait aucun problème pourvu que le contrôle soit à 51 p. 100 canadien. Ai-je bien compris?

• 1640

M. Konrad von Finckenstein: Il y a deux choses. Votre collègue m'a posé des questions sur la limite 10 p. 100, et j'ai dit qu'essentiellement, je n'avais pas d'opinion à ce sujet. Je ne sais pas pourquoi on a établi la limite à 10 p. 100, mais cela n'a pas un effet minimal sur la concurrence. Les raisons ne sont pas basées sur la concurrence, etc.

L'autre question portait sur la participation étrangère et sur notre recommandation voulant qu'on hausse la limite de 25 à 49 p. 100. J'ai dit que j'étais d'accord sur cela parce que j'aimerais que les compagnies canadiennes aient accès au capital. Mais, naturellement, il sera toujours obligatoire que ces compagnies soient contrôlées par des Canadiens. On peut avoir un contrôle canadien même avec un pourcentage de 49 p. 100 de participation étrangère. Tout dépend de la façon dont ce pourcentage de 49 p. 100 est distribué. Est-il concentré dans une main ou partagé entre beaucoup de mains?

M. Claude Drouin: Le danger, c'est que ce 49 p. 100 dans les livres puisse être plus...

M. Konrad von Finckenstein: [Note de la rédaction: Inaudible] ...le contrôle. Le contrôle doit rester au Canada, mais si c'est possible, pourquoi ne pas permettre une participation étrangère de 49 p. 100?

M. Claude Drouin: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Drouin.

Monsieur Asselin, s'il vous plaît.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur le commissaire de la concurrence, le Bloc québécois pourrait être accusé d'améliorer le Canada en matière de transport aérien de par sa contribution au Comité des transports. Cependant, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que, tant et aussi longtemps que les Québécois paieront des impôts à Ottawa, leurs élus se devront d'apporter leur contribution afin qu'on ait au Canada un des meilleurs services en matière de transport aérien.

Bien sûr, quand on parle de transport aérien, on parle de transporteurs externes et de transporteurs internes. Je pense que nous devons bien défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises en tant que députés du Bloc québécois. Il y a une industrie au Québec et au Canada qui est inquiète: c'est l'industrie des agences de voyage. Le ministre y a fait allusion hier dans son allocution et aujourd'hui, à la page 3 de votre document, il y a quelques lignes là-dessus. L'industrie des agences de voyage est drôlement inquiète parce que, depuis 1996, elle subit à répétition des baisses des commissions qui lui sont accordées par les compagnies aériennes.

Vous savez comme moi que dans une région comme celle de Charlevoix, la Côte-Nord, une région éloignée, la clientèle a recours à des services d'agences de voyage. Les agences de voyage donnent un service à la clientèle et ont accès à ces transporteurs: services de réservations, de vérification, etc. Bref, d'excellents services sont rendus par les agences de voyage et principalement par l'agence de voyage de Baie-Comeau présidée par Marie Blais.

Vous dites dans votre document que vous recommandez qu'on change la méthode de calcul de la prime d'un agent de voyage. Qui a le pouvoir de changer la méthode de calcul de la prime d'un agent de voyage? Quel pourrait être ce changement? Ce pouvoir est-il détenu par les compagnies aériennes, le ministre des Transports ou le Bureau de la concurrence? Cela pourrait rassurer les agences de voyage, qui créent de l'emploi et qui sont l'un des premiers intervenants à rendre des services à la clientèle voyageant à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada.

M. Konrad von Finckenstein: Dans notre mémoire, à la page 17, nous parlons des primes des agents de voyage sur les marchés intérieurs seulement.

• 1645

S'il y avait une fusion d'Air Canada et Canadien, on aurait un transporteur aérien dominant et le système de rémunération de ce transporteur dominant aux agents de voyage... Maintenant, c'est une question de surprime. Quand vous êtes agent de voyage, on vous demande un minimum selon les marchés et vous devrez vendre des vols des transporteurs dominants. Si vous vendez davantage de vols, vous recevez une prime. Si vous n'atteignez pas ce minimum, vous n'avez aucune prime. Tout cela incite les agents de voyages à faire des réservations auprès des transporteurs dominants.

Selon moi, il serait plus juste que la prime des agents soit en fonction des volumes. Si vous vendez un grand nombre de vols, vous aurez une prime plus élevée. En Europe, la prime est basée seulement sur le volume.

Actuellement, il y a un minimum et, si vous n'atteignez pas ce minimum, vous ne recevez aucune prime. Cela donne aux transporteurs aériens dominants un avantage sur les marchés. C'est une façon d'obliger les agents de voyage à vendre seulement leurs vols et non ceux de leurs concurrents. Pour cette raison, nous disons que, comme condition du fusionnement, on doit exiger des transporteurs dominants qu'ils changent leur façon de rémunérer les agents de voyage. Ils doivent le faire d'une façon plus juste. La prime doit être basée sur le volume.

M. Gérard Asselin: Si je prenais un billet Baie-Comeau—Montréal, Montréal-Paris ou peu importe, cela pourrait intéresser mon agence de voyage en termes de pourcentage. En région, cependant, les agences de voyage doivent effectuer autant de travail en termes de renseignements, de réservations et de vérifications pour quelqu'un qui achète un billet dont le prix est beaucoup moins élevé. L'agence offre les mêmes services et effectue à peu près le même travail pour un voyageur interne et un voyageur externe, mais elle est moins bien rémunérée quand il s'agit d'un voyageur interne.

L'agent de voyage, qui veut rentabiliser son industrie, ne perçoit rien du client de longue distance parce qu'il est assuré d'avoir une surprime intéressante, mais pour le billet de courte distance, il facture au client les services de réservation, de vérification et d'émission de billet qu'il lui a rendus.

[Traduction]

Le président: Pouvez-vous poser votre question, monsieur Asselin, s'il vous plaît?

[Français]

M. Gérard Asselin: Je ne voudrais pas que les gens des régions, les voyageurs obligés, soient victimes de discrimination, car ils en vivent déjà trop. Je pense qu'on devrait vérifier. Avez-vous recommandé au ministre de s'assurer que les voyageurs obligés en région ne paient pas plus cher les services des agences de voyage?

M. Konrad von Finckenstein: Franchement, ce n'est pas une question de concurrence. C'est peut-être une question de discrimination, mais pas de concurrence. Je veux faire des recommandations pour m'assurer que le transporteur aérien dominant ne puisse pas abuser de sa position vis-à-vis des agences et utiliser les primes afin d'obtenir un plus grand volume de réservations par ces agents.

Le problème que vous avez soulevé est tout autre. C'est quelque chose que je déplore, mais ce n'est pas de mon domaine et je n'ai pas de solution.

M. Gérard Asselin: D'accord.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Asselin.

Chers collègues, il nous reste dix minutes avant de passer au témoin suivant. J'ai cinq noms sur ma liste. En limitant chaque tour à deux minutes, on va occuper les dix minutes qu'il nous reste de façon à finir à cinq heures. Nous avons donc dix minutes avant notre prochain témoin et chacun peut en profiter pour aller chercher une assiette.

Nous passons donc à des tours de deux minutes, en commençant par M. Comuzzi.

• 1650

M. Joe Comuzzi: Non, je passe mon tour.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Bev.

Mme Bev Desjarlais: J'ai peut-être mal compris vos propos et je vais vérifier mes notes, mais je voudrais obtenir une précision. En réponse à une question, vous avez dit, je crois, qu'une compagnie aérienne pouvait être soumise à un contrôle étranger malgré la règle des 25 p. 100.

M. Konrad von Finckenstein: Le contrôle étranger ne dépend pas du pourcentage de propriété étrangère. On applique le critère du contrôle de fait. Dans une société à grand nombre d'actionnaires, celui qui détient 20 p. 100 du capital tandis que chacun des autres n'a que 2 p. 100, peut exercer le contrôle, alors même qu'il a moins de...

Mme Bev Desjarlais: Mais il me semble que d'après nos règles, l'Office national des transports est censé veiller à ce qu'aucune de ces compagnies ne soit soumise à un contrôle étranger.

M. Konrad von Finckenstein: Exactement. Je parlais en théorie; je ne veux pas dire que c'est ce qui se passe. J'essayais simplement...

Mme Bev Desjarlais: Bien. J'avais l'impression que c'était ce qui se passait dans ce secteur.

M. Konrad von Finckenstein: Non.

Mme Bev Desjarlais: Je voudrais faire un commentaire. Vous avez dit, effectivement, que vous êtes intervenu au cours des 30 derniers mois lorsqu'on vous l'a demandé... Pouvez-vous nous parler des interventions fructueuses du Bureau de la concurrence? M. Annan a mentionné le cas du système de réservations informatisé en 1987; on a aussi parlé de la crise de Canadien en 1993, qui a permis l'investissement d'American Airlines. Aujourd'hui, est-ce que vous considérez que cet investissement d'American Airlines a été bénéfique à Canadien?

Le président: Merci, Bev.

M. Konrad von Finckenstein: Je crois qu'à ce moment-là, le problème consistait à assurer la concurrence sur le marché. Nous avons voulu faire en sorte que le système de réservations n'empêche pas Canadien de conclure un autre...

Mme Bev Desjarlais: Sauf votre respect, on en parle comme d'une réussite.

M. Konrad von Finckenstein: Évidemment, ce fut une réussite en ce sens que nous avons obtenu gain de cause. Reste à savoir si les participants ont pris les bonnes décisions du point de vue économique ou commercial.

Le président: Merci, monsieur.

Monsieur Sekora, s'il vous plaît. Vous avez deux minutes.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Je voudrais revenir un instant à la commission accordée aux agences de voyage. Le député d'en face a posé des questions à ce sujet, mais je n'ai pas...

Comme vous le savez, je viens de la Colombie-Britannique, et peu importe que l'agence de voyage vende un billet de 4 000, 10 000 ou 200 $, elle ne reçoit que 60 $, et c'est tout. Vous avez dit que sur le volume, elles aimeraient obtenir des commissions un peu plus importantes.

Prenons le cas d'une compagnie d'agences de voyage qui a des succursales dans toutes les villes canadiennes, et qui a pour concurrent une petite agence de voyage qui ne vend pas autant de billets d'avion mais qui, sur le volume et par agent, en vend probablement plus. Vous dites que sur le volume, les commissions devraient être plus importantes. Est-ce que vous pouvez me donner quelques explications à ce sujet?

M. Konrad von Finckenstein: Oui. Vous parlez de la commission indirecte, qui dépend de la destination. Mon collègue M. Annan est expert en la matière, et je vais le laisser vous donner des explications.

Richard.

M. Richard Annan: Il existe une commission de base accordée par Air Canada et Canadien, et je crois qu'Air Canada a annoncé récemment qu'elle allait réduire cette commission à partir du 1er décembre. Nous nous sommes intéressés à l'autre niveau de commission, appelée surprime. Elle s'ajoute à la commission de base et elle est accordée par les compagnies aériennes, non pas uniquement pour les vols intérieurs, mais également pour les vols internationaux. Dans l'industrie, on l'appelle la surprime. Elle est de l'ordre de 5 à 6 p. 100, ou parfois beaucoup plus, sur certains marchés internationaux. Elle constitue une source importante de revenu pour les agences de voyage.

Jusqu'à maintenant, il était d'usage, au Canada, de calculer cette commission en fonction de la part de marché. Prenons pour exemple les villes de Toronto et de Moncton. Disons qu'une agence réalise 50 p. 100 de son chiffre d'affaires avec Air Canada à Toronto, et 50 p. 100 à Moncton. Évidemment, les deux volumes seront bien différents. Il va y avoir un problème dans le scénario du transporteur dominant, dont la part de marché sera de 85 ou 90 p. 100. L'agence de voyage sera fortement tentée de vendre le produit du transporteur dominant indépendamment des produits proposés par les concurrents, parce qu'elle est rémunérée de telle façon qu'elle obtiendra une surprime si elle réserve 90 p. 100 ou plus auprès du transporteur dominant, alors qu'elle n'obtiendra rien si elle n'atteint que 89 p. 100.

Voilà le problème que nous avons relevé.

Le président: Merci, monsieur Sekora.

Monsieur Casey, vous avez deux minutes.

• 1655

M. Bill Casey: J'ai une question à poser. Vous avez parlé des compagnies aériennes régionales, dont les grosses compagnies devraient éventuellement se départir. Du point de vue de la concurrence, serait-il préférable qu'elles se séparent et qu'elles fonctionnent en tant que compagnies indépendantes, ou risquent-elles de perdre leur compétitivité si elles sont sous l'autorité du transporteur dominant? Avez-vous réfléchi à cette question?

M. Konrad von Finckenstein: À dire vrai, il serait préférable que les compagnies régionales soient indépendantes, car elles exploitent certains itinéraires en concurrence avec le transporteur dominant. Tout dépend de la situation de ces transporteurs régionaux. Sont-ils financièrement viables? De quelle connexion ont-ils besoin? Quelle sera la durée de la période de transition, etc.? Comme je n'ai étudié aucune transaction, je ne peux pas répondre à votre question.

Nous disons simplement que c'est une chose qui devrait être examinée et, lorsque c'est possible, qui devrait être exigée. Mais je dis «lorsque c'est possible» car cela dépend énormément du trafic, de la santé financière, des relations qui peuvent être établies entre le transporteur régional et les transporteurs dominants ou avec d'autres transporteurs pour qu'il ait un volume de trafic suffisant.

M. Bill Casey: La cession serait exigée lorsque c'est possible. Je vous ai bien compris?

M. Konrad von Finckenstein: Ce n'est pas vraiment ce que j'ai dit. Si vous me demandez ma préférence entre les compagnies régionales indépendantes et les compagnies régionales affiliées, en ce cas je vous répondrai par l'affirmative, il est clair que des compagnies régionales indépendantes offriraient une meilleure concurrence.

M. Bill Casey: En 1993, le tribunal—je ne sais pas si vous pouvez faire de commentaires—a conclu que si Canadien et Air Canada étaient fusionnées il y aurait moins de concurrence, que les compagnies de vols nolisés ne pourraient pas assurer la concurrence et qu'il était peu vraisemblable que de nouvelles compagnies aériennes viennent combler ce vide. La situation aujourd'hui est- elle la même ou pire ou meilleure du point de vue de la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Richard, voudriez-vous répondre? C'est justement le dossier auquel vous venez de prêter toute votre attention.

M. Richard Annan: J'étais déjà là en 1993 et depuis cette époque il y a eu quelques changements. Il y a eu quelques entrées et quelques départs. Nationair depuis a disparu, VistaJet a disparu, Greyhound est arrivé et reparti. Cependant, il y a deux exceptions notables. La première qui est évidente, c'est la présence de WestJet dans l'Ouest. Cette compagnie est entrée sur le marché en 1996 et se porte très bien sur le marché qu'elle dessert. Deuxièmement, certains des transporteurs nolisés ont élargi quelque peu leur champ d'activités sur les lignes transcontinentales.

Comme nous le disions dans notre lettre, nous avons des raisons d'être quelque peu plus optimistes qu'en 1993 mais en plus, il y a eu bien évidemment de nouvelles alliances de formées—par exemple, Air Canada et Canadien qui ont étendu leurs réseaux internationaux. Mais d'une manière globale, comme nous le disons dans notre lettre, il nous semble que sur la base de notre analyse préliminaire ces conclusions, pour l'essentiel, restent toutes aussi valides aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Jackson, je vous prie.

M. Ovid Jackson: Monsieur le président, une toute petite question à M. von Finckenstein.

Air Canada et Canadien sont des cas assez uniques. Quelles seraient les implications d'une éventuelle inscription en bourse de ces deux compagnies aériennes? Feriez-vous une enquête? N'auriez- vous pas une influence sur les tarifs qu'elles pratiqueraient, ou des choses de ce genre?

M. Konrad von Finckenstein: Beaucoup de fusions doivent faire l'objet d'une approbation réglementaire, que ce soit une question de concurrence ou non, s'il s'agit d'une industrie réglementée qui relève d'une administration de réglementation. C'est une considération. Dans une certaine mesure, les actionnaires doivent en tenir compte, et les responsables de l'offre de fusion doivent tenir compte du fait qu'il est possible qu'ils aient l'obligation de prendre des mesures, de céder certains actifs ou d'honorer des obligations qui auront une incidence sur l'offre. C'est une pratique standard dans les affaires de fusion.

Le président: Merci, monsieur Jackson.

Pour terminer, monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: En répondant à une question de M. Drouin tout à l'heure, vous avez dit que le Bureau ferait des observations. C'est le terme que vous avez utilisé. Vous considérez que le bureau a un pouvoir de décret, n'est-ce pas? Il ne s'agit pas d'un bureau consultatif.

M. Konrad von Finckenstein: Nous avons deux rôles. Premièrement, nous devons faire des recommandations, ce que nous avons fait ici. Nous avons aussi un rôle de gardien. Nous devons nous assurer qu'une fusion ne résultera pas dans la dominance d'un transporteur, ce qui nuirait à la concurrence.

• 1700

M. Michel Guimond: Le ministre disait hier qu'il prendrait des mesures législatives et réglementaires afin de favoriser la concurrence. Il pourrait arriver que votre rôle soit dilué. Je ne voudrais pas que vous me répondiez qu'on verra lorsque la réglementation sera faite. Êtes-vous inquiet quand vous lisez cela? Lors de l'affaire Petro-Canada et Ultramar, vous aviez décrété que la fusion était illégale et inacceptable au plan de la concurrence et vous l'aviez rejetée sur-le-champ.

M. Konrad von Finckenstein: J'ai dit que ce n'était pas acceptable et que si elles voulaient fusionner, je les combattrais devant la cour.

Je n'ai pas le pouvoir de décréter, mais j'ai le pouvoir de contester une fusion. C'était le cas, et c'est la même chose ici.

M. Michel Guimond: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Chers collègues, nous tenons à remercier le commissaire, M. Pierce, et M. Annan de leur témoignage. Nous mettons fin à cette huitième réunion et nous passons à notre témoins suivant, Air Canada. Nous faisons une pause de cinq à dix minutes pour laisser à tout le monde le temps de s'installer. Dans le coin de la salle là-bas il y a à manger pour les membres du comité, les interprètes et le personnel.

La séance est levée.