Passer au contenu

SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 mai 2000

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue au Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude des relations économiques entre le Canada et l'Europe.

Nous accueillons aujourd'hui M. Charles Barrett, vice- président, Recherche en commerce du Conference Board du Canada et Mme Kathleen Macmillan, présidente de Consultants en politique de commerce Inc. Bienvenue.

Monsieur Barrett, voulez-vous commencer?

M. Charles Barrett (vice-président, Recherche en commerce, Le Conference Board du Canada): Oui, je vous remercie madame la présidente. J'ai quelques remarques liminaires.

Comme l'a dit la présidente, je m'appelle Charles Barrett et je suis vice-président au Conference Board du Canada. À ce titre, je m'occupe entre autres, des relations internationales du Conference Board et des programmes de recherche qu'il a mis sur pied dans les domaines du commerce mondial et des investissements internationaux. Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser au sous-comité dans le cadre de l'étude qu'il mène sur les relations économiques entre le Canada et l'Europe.

Comme vous le savez peut-être, le Conference Board, comme je le signale dans mes notes, est l'organisme de recherche sans but lucratif le plus éminent du Canada. Il a pour mission d'aider ses membres à prévoir les changements qui surviennent dans une économie mondiale de plus en plus concurrentielle et à s'y adapter. Pour ce faire, il favorise l'accroissement et l'échange des connaissances sur les stratégies et les méthodes des organisations, les nouvelles tendances économiques et sociales et les grandes questions d'intérêt public. Son mandat n'ayant pas de prétention normative, le Conference Board s'abstient de préconiser des lignes de conduite en particulier; il s'efforce plutôt d'aider les décideurs à faire des choix plus éclairés, fondés sur des analyses objectives et pertinentes.

Le Conference Board suit l'évolution des relations d'affaires transatlantiques depuis de nombreuses années. Je profiterai de la tribune qui m'est offerte cet après-midi pour vous parler un peu de nos recherches et de la voie que nous paraissent prendre les économies européennes.

Je vais attirer l'attention des membres du sous-comité sur trois rapports du Conference Board que le sous-comité trouvera certainement utile pour ses travaux. Je crois que vous pouvez les trouver à la Bibliothèque du Parlement. Il s'agit de: Managing European Monetary Union, une évaluation que nous avons réalisée l'année dernière et qui porte sur les conséquences de l'Union monétaire européenne pour le Canada et les entreprises canadiennes; Europe Towards the New Millennium: The Relevance to Canada, qui regroupe les actes d'un colloque tenu ici à Ottawa il y a environ deux ans alors que les Britanniques assumaient la présidence de la commission. Enfin, Strengthening Canada-European Union Business Relations, un rapport de 1997 rédigé en collaboration avec la délégation de la Commission européenne au Canada.

• 1540

Enfin je commenterai brièvement, comme je l'ai dit, les perspectives économiques concernant l'Europe en m'appuyant sur notre publication intitulée World Outlook.

Premièrement, au sujet de la nature des relations, je décrirais les rapports économiques qui unissent le Canada à l'Europe comme étant plus importants qu'on ne serait porté à le croire. Si vous jetez un coup d'oeil aux tendances à tout le moins en ce qui a trait à tout le moins au commerce de biens, les résultats sont plutôt décourageants, a priori, mais il faut se rappeler que les chiffres peuvent aussi induire en erreur. Les rapports au chapitre de l'investissement, d'autre part, jouent un rôle primordial, et l'intégration européenne fait de l'Europe un marché mondial clé, dont les perspectives économiques paraissent aujourd'hui plus reluisantes qu'elles ne l'ont été ces derniers temps.

C'est avec les États-Unis que le Canada effectue plus de 80 p. 100 de ses transactions commerciales. Le commerce Canada- États-Unis se caractérise par des volumes très élevés d'échanges à l'intérieur des entreprises, ce qui reflète simplement l'intégration de plus en plus grande des économies nord-américaines engendrée par l'ALE et l'ALENA et, bien sûr par d'autres facteurs.

Les systèmes de productions étant intégrés, il peut arriver que les mêmes marchandises franchissent la frontière Canada-États- Unis à plusieurs reprises durant le processus de fabrication, d'abord comme composantes servant à différentes étapes de la production puis, enfin, comme produits finis. Pensez au secteur de l'automobile, un exemple classique. En ce sens, le commerce Canada- États-Unis est surévalué.

Inversement, étant donné que, dans certains cas, nos échanges avec l'Europe passent par les États-Unis, on est porté parfois à sous-estimer l'influence de l'Europe sur l'économie canadienne et ce, de plus en plus, à cause de la nature intégrée de l'économie nord-américaine. On peut d'ailleurs dire la même chose de nos échanges avec d'autres régions à l'extérieur du Canada.

Les échanges bilatéraux Canada-Europe sont évalués à plus de 40 milliards de dollars pour ce qui est des marchandises et à près de 64 milliards de dollars si on inclut les services. Ce montant paraît bien peu élevé comparé à la valeur de nos échanges avec les États-Unis, mais 40 milliards de dollars est une somme tout de même appréciable qui témoigne de relations commerciales importantes.

Toutefois, les tendances commerciales ne sont pas encourageantes. Même si notre activité commerciale, mesurée en dollars comme part du PIB, a augmenté rapidement dans l'ensemble, de moins en moins d'exportations canadiennes prennent la direction de l'Europe et je n'entrevois aucun revirement de cette tendance pour l'instant.

En 1998, les exportations canadiennes vers l'UE se sont chiffrées au total à un peu moins de 18 milliards de dollars. Alors qu'elles équivalaient à 12,6 p. 100 de toutes les exportations du Canada en 1980, elles avaient, en 1998 diminué de moitié et ne représentaient plus que 5,5 p. 100. Cette faiblesse relative est le reflet des conditions économiques qui prévalent au sein de l'UE, où la croissance, tout récemment à tout le moins, a été beaucoup moins robuste qu'aux États-Unis; elle est attribuable aussi à l'intégration croissante des systèmes de production tant en Europe qu'en Amérique du Nord.

Par opposition au commerce, la présence canadienne dans l'UE sur le plan des investissements est solide et continue de s'accroître. En 1998, près de 20 p. 100 des investissements directs du Canada à l'étranger allaient dans les pays de l'UE, pour un total de 46 millions de dollars, tandis que les investissements de l'UE au Canada représentaient 45 milliards de dollars ou plus de 20 p. 100 des investissements étrangers au Canada.

Il est communément admis que, si l'on veut faire des affaires en Europe dans les secteurs à forte valeur ajoutée, une présence au sein de l'Union européenne s'impose. D'autre part, le Canada a réussi—peut-être pas autant qu'on ne l'aurait souhaité—à attirer des investissements européens au profit du marché nord-américain.

Je vais passer maintenant à l'attitude des entreprises canadiennes envers l'Europe. Ces commentaires s'appuient sur une recherche effectuée conjointement avec l'une des études dont j'ai fait mention, dans le cadre de quelques ateliers de consultation organisés dans tout le Canada.

Je dirais que les entreprises canadiennes ont envers l'Europe une attitude suffisante doublée de scepticisme. Le milieu des affaires au Canada et aux États-Unis souffre d'un manque de connaissances et de renseignements opportuns et ciblés sur les marchés européens, et vice versa. Bon nombre d'entreprises canadiennes ont tendance à limiter leurs relations bilatérales avec des partenaires européens traditionnels comme le Royaume-Uni et l'Allemagne au lieu de se familiariser davantage avec ce qui se passe en Europe en général. Elles devraient se familiariser davantage avec les politiques et les pratiques en cours dans l'UE de manière à pouvoir orienter leurs stratégies en fonction de l'intégration accrue des marchés européens.

• 1545

Si, à mon avis, le manque d'information semble bien réel, les solutions pour le combler, par contre, sont moins évidentes. Contrairement aux marchés naissants en Asie et en Amérique latine, les marchés européens n'exigent manifestement pas l'initiative du gouvernement. Ce n'est pas comme si l'on voulait vendre une usine hydroélectrique à une économie naissante, où les relations de gouvernement à gouvernement doivent alors intervenir.

Quelques multinationales canadiennes actives en Europe semblent très bien comprendre ce continent. Par contre, les entreprises de plus petite taille qui sont beaucoup plus nombreuses au Canada, ne saisissent pas toujours bien le but et les politiques de l'Union européenne. Étant donné l'évolution constante du contexte européen, trouver une façon rentable de remédier à ce problème apparaît être un défi de taille.

Enfin, s'il est vrai que l'Europe est un marché important qu'on ne peut négliger, il reste qu'il est difficile de convaincre les entreprises canadiennes de faire de l'Europe leur marché prioritaire, quand on sait que de nombreux débouchés s'offrent à elles sur les marchés émergents de l'Amérique latine et de l'Asie, ou même chez elles, en Amérique du Nord. En fait, les entreprises canadiennes ne s'en cachent absolument pas.

Cela étant dit, les gouvernements ont un rôle important à jouer en matière de politique commerciale, en particulier en ce qui a trait à l'élimination des obstacles qui continuent d'entraver le commerce transatlantique et aux nombreuses causes de frictions commerciales. Les différends commerciaux qui opposent encore le Canada et l'Europe sont assez bien connus, je vous en épargnerai donc les détails. Je ne vous citerai que quelques-uns des dossiers les plus épineux: les subventions à l'agriculture; l'accès des vins canadiens au marché européen; les obstacles touchant le poisson, les métaux non ferreux et les produits forestiers canadiens; les obstacles techniques au commerce; les règles régissant les produits génétiquement modifiés; les règlements sanitaires et phytosanitaires; la libéralisation du marché des télécommunications. Ces dossiers avancent difficilement non seulement parce qu'on n'a pas réussi à entreprendre un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, mais aussi peut- être en raison d'un manque de volonté à cet égard et aussi parce que les difficultés politiques, engendrées par les guerres du poisson au milieu des années 90 ont gêné les progrès bilatéraux.

Il semble que les négociations sur le libre-échange entre le gouvernement canadien et l'AELE se termineront cette année. L'AELE regroupe l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein. On prévoit que l'accord portera principalement sur la suppression des tarifs douaniers et la promotion du commerce. Les échanges bilatéraux de produits sont modestes; ils sont évalués à 5 milliards de dollars, les exportations canadiennes représentant 1 milliard de dollars et les importations, 4 milliards de dollars. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agira du premier accord de libre- échange transatlantique du Canada, et il pourrait se révéler un tremplin vers la signature d'un accord commercial élargi avec l'UE.

J'en arrive à l'Union monétaire européenne. Les diverses étapes de la création de la Communauté européenne ont favorisé la convergence économique en Europe y compris la libéralisation complète des échanges, l'élimination des obstacles à la mobilité des capitaux et des travailleurs, ainsi que l'harmonisation de la fiscalité indirecte, qui ont eu pour effet d'intensifier la compétitivité des économies européennes. Le Traité de Maastricht permet d'avancer encore plus loin dans le processus d'intégration, plus loin même que la formation d'une unité monétaire, car le traité impose aussi des contraintes financières aux gouvernements européens. Limités dans leur capacité d'emprunter pour soutenir leurs dépenses, ceux-ci seront forcés d'harmoniser leurs programmes sociaux et leurs réglementations touchant le marché du travail. Cette situation mènera, à terme, à une plus grande convergence de la performance des économies européennes, voire à un affermissement de la croissance économique globale.

L'adaptation à l'union monétaire est maintenant bien enclenchée. Les premières étapes difficiles ont été franchies. Ce serait de la pure spéculation que de dire combien de temps durera cette adaptation; ce processus ne se déroulera pas en douceur et perturbera tout particulièrement les pays qui, par le passé, offraient les programmes sociaux les plus généreux ou dont le marché du travail figurait parmi les plus réglementés, ou les deux.

Les multinationales en particulier doivent être à l'affût des changements engendrés par l'union monétaire. Je crois que l'UME est l'événement le plus important à se produire dans le domaine des finances internationales depuis l'effondrement du système de Bretton Woods dans les années 70. Il prévoit l'adoption d'une monnaie unique par un groupe de pays qui, ensemble, font contrepoids aux États-Unis au plan économique et les dépassent au plan démographique. L'UME bouleversera fondamentalement l'évolution du commerce et des finances sur la scène internationale.

L'UME présente à la fois des avantages et des risques pour l'Europe et l'économie mondiale. Les entreprises réaliseront d'importantes économies une fois que les risques de change et que les frais de conversion auront été éliminés. Les politiques budgétaires prudentes et la stabilité monétaire qu'assurera la Banque centrale européenne aideront les gouvernements à composer avec les fluctuations de l'économie, tout en leur permettant d'utiliser de manière plus productive les deniers publics, de réduire les impôts et de créer un environnement plus stable pour la planification d'entreprise.

• 1550

Même si l'UME permet essentiellement d'avancer plus loin dans le processus d'intégration économique, nombreux sont ceux qui croient qu'elle s'inscrit aussi dans le processus politique. En fait, c'est fort explicite. Comme le disait récemment Eddie George, gouverneur de la Banque d'Angleterre:

    L'union monétaire, fondamentalement, relève plus du politique que de l'économique. Inéluctablement, elle fait intervenir la souveraineté nationale dans des aspects importants de la politique publique, en vue d'en tirer non seulement un avantage économique collectif, mais aussi de donner l'impression d'une plus grande harmonie politique au sein de l'Europe.

Permettez-moi de conclure par quelques remarques sur les perspectives économiques en Europe. Comme je le disais, les étapes les plus difficiles de l'intégration post-Maastricht sont derrière nous, comme en témoignent les perspectives à court terme des principales économies européennes. On prévoit que le PIB de l'Allemagne, stimulé dans une certaine mesure par l'amélioration des perspectives commerciales à l'extérieur de l'UE due à la faible valeur de l'euro, augmentera de près de 3 p. 100 cette année et l'année prochaine. La France, soutenue par une demande intérieure vive et une expansion paneuropéenne plus robuste, devrait voir sa croissance augmenter de 3,5 p. 100 cette année et l'année prochaine. En Italie, la croissance oscillera, selon les prévisions, entre 2,5 et 3 p. 100 cette année et l'année d'après.

La conjoncture dans d'autres pays d'Europe occidentale plus petits semble tout aussi prometteuse. L'Irlande demeurera en tête du peloton, forte d'un taux de croissance réelle de plus de 7 p. 100. En Autriche, en Belgique, au Portugal, en Espagne, en Finlande et en Grèce, la croissance devrait être de plus de 3 p. 100 en l'an 2000.

Au Royaume-Uni, l'économie intérieure a connu une expansion vigoureuse, affichant une performance se rapprochant davantage de celle des États-Unis que de l'Europe. Comme c'est peut-être caractéristique du pays, par contre, lorsque la demande intérieure est vive, la position commerciale s'affaiblit, subissant le contre- coup de la robustesse de la livre sterling par rapport à l'Euro. Il s'en est suivi un ralentissement de la demande d'exportation, qui s'est traduit par une production manufacturière relativement faible. Alors qu'il y a quelques années à peine, le Royaume-Uni affichait un excédent au compte courant, il est maintenant dans une situation déficitaire qui devrait se détériorer encore à court terme. La plupart des observateurs, y compris la Banque d'Angleterre, s'attendent à ce que la livre sterling perde de la valeur par rapport à l'Euro, mais ne savent pas très bien quand cela se produira, comme lorsque l'on assiste à d'importants mouvements monétaires. Entre temps, les fabricants et les exportateurs britanniques en général se battent sans relâche pour rester concurrentiels au sein de l'Europe, de loin le marché le plus important du Royaume-Uni.

La fermeté de la demande intérieure exerce une certaine pression à la hausse sur les salaires et les prix, réaction typique au Royaume-Uni. Le taux de croissance du PIB se situera probablement entre 3 et 3,5 p. 100 cette année et entre 2,5 et 3 p. 100 l'an prochain. Même en ayant enregistré le plus faible taux d'inflation parmi les 15 pays de l'UE, selon l'indicateur national de choix, le pays connaîtra une augmentation de ce taux dans une proportion de 2 à 2,5 p. 100 au cours des deux prochaines années. Les taux d'intérêt monteront légèrement, tandis que la livre sterling perdra un peu de sa valeur, si bien que le déficit courant continuera de s'accentuer.

Lorsque l'on examine les perspectives à court terme de l'Europe, il est important de se rendre compte du fait que la situation économique y est véritablement plus solide que par le passé et certainement très différente par rapport aux dix dernières années.

Pour conclure, je dirais tout d'abord que les relations économiques du Canada avec l'Europe sont importantes et ne devraient pas être tenues pour acquises. Ensuite, le processus d'intégration européenne, et l'union monétaire en particulier, peut rendre l'Europe beaucoup plus dynamique et le marché européen encore plus attrayant pour les entreprises canadiennes. Les perspectives économiques à court terme confirment cet optimisme. Toutefois, pour profiter de ces débouchés, le milieu des affaires canadien doit améliorer sa connaissance de l'Europe. En dernière analyse, il appartient à l'entreprise elle-même d'y remédier, mais je crois qu'elle doit alors régler certaines questions en matière d'information.

Enfin, sur le plan intergouvernemental, le Canada et la Commission européenne doivent se pencher sur la liste des entraves au commerce et des irritants qui les opposent. On a réalisé peu de progrès à cet égard ces dernières années en raison des difficultés qui ont entaché l'ensemble des relations bilatérales à la suite des guerres du poisson. Faute d'un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, il incombe au Canada et à l'UE de trouver des façons de résoudre ces pommes de discorde.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Barrett.

Nous cédons maintenant la parole à Mme Macmillan avant de passer aux questions. Madame Macmillan, s'il vous plaît.

Mme Kathleen Macmillan (présidente, Consultants en politique de commerce internationale Inc.): Merci, madame la présidente et membres du comité pour votre invitation.

• 1555

J'aimerais pendant quelques instants vous faire part de mes antécédents afin que vous sachiez où je me situe en matière de politique commerciale et pour vous expliquer ce que représente la société «Consultants en politique de commerce internationale», étant donné que je comprendrais très bien que vous ne la connaissiez pas.

Je suis économiste de formation et j'écris des articles sur les questions commerciales depuis plusieurs années pour l'Institut C.D. Howe, la Canada West Foundation et de façon indépendante également. Tout récemment, j'ai écrit avec Patrick Grady un livre sur la prochaine ronde des négociations OMC intitulé Seattle & Beyond. Je fais la publicité de mon livre, car Charles a non seulement parlé des excellentes publications du Conference Board, mais aussi parce que, comme vous pouvez vous en douter, suite au fiasco de Seattle, les ventes de livres ne correspondent pas à nos attentes.

Pour ce qui est de mon expérience commerciale directe, j'ai été pendant cinq années vice-présidente du Tribunal canadien du commerce extérieur. À ce titre, j'ai rendu des décisions à propos d'affaires relatives aux droits compensatoires, à l'antidumping, ainsi qu'à propos de questions d'évaluation et de classification douanières.

La principale activité de ma société consiste à fournir des conseils de nature commerciale aux exportateurs et importateurs canadiens. La plupart portent sur les différends commerciaux dont certains visent l'Europe.

J'aimerais tout d'abord vous féliciter d'aborder cette question importante des relations entre le Canada et l'UE. Nos relations commerciales avec l'Europe sont terriblement importantes et semblent s'être effritées ces dernières années, essentiellement, je me hâte de l'ajouter, à cause de questions sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle. L'Europe représente un marché très important pour le Canada.

Toutefois, comme vous le savez bien, nos intérêts en Europe vont bien au-delà. C'est une économie dont l'influence est très importante sur la scène internationale et, à certains égards, le Canada est plus aligné sur l'Europe que sur les États-Unis pour certaines questions. Des relations commerciales robustes et constructives avec l'Europe serviraient de contrepoids extrêmement utile à notre énorme dépendance à l'égard du marché américain.

Comment expliquer l'effritement de nos liens commerciaux ces dix dernières années? Tout d'abord, la création de l'union économique a provoqué ce que les économistes appellent un détournement des courants d'échange; cela veut dire essentiellement que les importations canadiennes à destination de l'Europe ont été remplacées par des importations d'autres pays membres UE. Je sais que vous en avez vu les chiffres—que Charles vient juste d'exposer—et la détérioration de la part du marché du Canada en Europe est tout à fait saisissante.

Ensuite, les énormes subventions versées dans le cadre de la politique agricole commune de l'UE sont un autre facteur négatif. Non seulement ces subventions nous ont-elles exclus du marché européen, mais elles ont également bouleversé notre aptitude à vendre dans des marchés tiers à des clients traditionnels. Par exemple, le Canada vendait autrefois d'énormes quantités de blé et d'orge au Royaume-Uni. Ce n'est plus le cas depuis longtemps. Au lieu de cela, nous nous battons contre des excédents alimentaires UE qui font l'objet de dumping et de subventions dans des marchés où le Canada avait des intérêts, comme la Chine et le Moyen-Orient.

Le troisième facteur, c'est que la Commission européenne a imposé une réglementation à un niveau plus élevé qu'on ne l'aurait jamais imaginé. Cette obsession de réglementation a fermé des marchés pour nous, comme celui du canola et de l'amiante, et a en général découragé les entreprises qui n'ont plus le désir de partir à la recherche de nouveaux débouchés d'exportation en Europe.

Il n'est pas très juste de ma part de rejeter tout le blâme sur l'Europe qui aurait, à elle seule, affaibli nos liens commerciaux; ce n'est d'ailleurs pas ce que je cherche à faire. Les exportateurs canadiens se sont certainement rendus coupables d'un certain laisser-faire vu qu'ils cherchaient essentiellement à maîtriser le marché américain.

Quelle est actuellement notre situation par rapport à l'Europe? Elle n'est pas véritablement avantageuse. Le Canada n'est que l'un des six pays—les autres étant l'Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, Taïwan et les États-Unis—à ne pas avoir d'accord commercial préférentiel avec l'UE. En fait, les seuls pays qui arrivent après nous dans l'ordre hiérarchique préférentiel sont des pays comme l'Iraq et la Corée du Nord. Les accords commerciaux préférentiels de l'UE nuisent au Canada de plusieurs façons, notamment en substituant les importations provenant des pays signataires de ces accords aux importations qui autrement proviendraient du Canada.

Il ne faut pas oublier non plus que l'UE va probablement accueillir dix nouveaux membres, si pas plus, au cours de la prochaine décennie. Cela va accentuer le détournement des courants d'échange dont l'effet négatif s'est déjà fait sentir sur le Canada. Cela pourrait également probablement contribuer aux excédents alimentaires de l'UE, qui nous ont déjà été fort préjudiciables sur les marchés mondiaux.

• 1600

Quelles sont donc les options du Canada? La première, et je sais que vous l'envisagez activement, c'est la possibilité d'un accord commercial Canada-UE—ou au moins des négociations dans ce sens. Je sais que l'UE a courtisé beaucoup d'intervenants à ce sujet et que pour l'instant, elle n'est pas forcément intéressée par d'éventuelles négociations avec le Canada à ce sujet. Cela peut s'expliquer par le fait que l'Europe ne voit que peu d'intérêt stratégique dans un tel accord, contrairement à nous.

Il faudrait premièrement attirer l'attention de l'Europe sur le Canada. En supposant que nous y parvenons, quels avantages présenterait un accord commercial entre le Canada et l'UE? Je crois que l'on peut dire que cela nous donnerait un petit coup de pouce, temporairement, par rapport aux cinq autres partenaires commerciaux UE non alignés—les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et Taïwan.

Les avantages politiques d'un accord UE-Canada pourraient être considérables et, à cet égard, je m'en remets aux spécialistes de la question. Je peux imaginer toutefois que les avantages économiques sont sans doute peu importants, car une entente réglerait probablement la question des obstacles commerciaux comme les tarifs essentiellement, et que les tarifs entre le Canada et l'UE ne sont pas très élevés à l'heure actuelle.

Les véritables obstacles au commerce entre les deux pays sont des obstacles créés par des réglementations de diverses sortes et il me semble peu probable que le Canada réussira à les renverser, lorsque d'autres qui ont négocié avec l'UE n'y sont pas arrivés.

Pour ce qui est de l'investissement, là encore je vois assez peu d'avantages découlant de la signature d'un accord commercial. Il existe très peu d'obstacles importants à l'investissement entre le Canada et l'UE, et je crois qu'une entreprise UE qui considère le Canada comme un lieu potentiel d'investissement examinerait les principes fondamentaux économiques de notre pays comme le régime fiscal, la politique sociale, la qualité de la main-d'oeuvre, etc. Ce sont des questions qui exigent des solutions canadiennes et je ne crois pas qu'une politique commerciale permettrait de les régler.

Si j'hésite à propos de la valeur d'un accord commercial UE- Canada, c'est surtout parce qu'il ne nous ferait pas remporter ce que j'appelle «le gros lot», c'est-à-dire la libéralisation des échanges agricoles. Si jamais l'UE accepte d'en parler sérieusement, je dois tout de suite dire que ce ne serait pas dans le cadre de négociations bilatérales avec le Canada. Je le dis avec le plus grand respect à l'égard de nos négociateurs très talentueux dans le domaine du commerce agricole, comme Michael Gifford, qui font un excellent travail, mais c'est un travail d'une telle envergure qu'il est impossible de l'accomplir dans le cadre de négociations bilatérales. Ce n'est que dans le cadre de négociations multilatérales au niveau de l'OMC que l'on peut espérer quoi que ce soit dans ce domaine.

Devons-nous donc simplement attendre que les négociations OMC portent fruit? Non. Je crois que l'on peut faire certaines choses entre-temps, bilatéralement. À mon avis, il faudrait davantage se lancer dans des initiatives très discrètes—non pas des rondes tape-à-l'oeil comme celles de l'OMC—mais je crois qu'elles offrent malgré tout certaines possibilités.

Tout d'abord—et Charles en a fait mention plus tôt—je crois que nous pouvons redoubler nos efforts en vue de négocier des accords de reconnaissance mutuelle dans toute une gamme de secteurs industriels. Ils pourraient être élargis et englober des domaines connexes comme la facilitation des formalités douanières, les règles d'origine et d'autres questions.

Deuxièmement, je crois que nous pourrions chercher à élargir la portée des accords sur les marchés publics. Le Canada comme l'UE, ainsi que des États membres UE individuels, sont partie à l'accord sur les marchés publics de l'OMC, mais sa portée est assez limitée.

Par exemple, j'ai noté avec intérêt que l'un de vos témoins a cité Bombardier comme un exemple d'investisseur canadien heureux en Europe. Reste à savoir si les investissements de Bombardier en Europe se sont fait en fonction de leurs mérites ou à cause de politiques protectionnistes qui existent dans les États membres à propos des marchés de matériel de métro et de matériel roulant, etc. Les investissements que nous faisons dans certains pays d'Europe prennent-ils la place des exportations que nous pourrions faire à partir de notre propre pays?

• 1605

Les marchés publics sont un domaine où nous pourrions progresser en matière d'échanges bilatéraux avec l'UE; je crois qu'il faudrait y songer.

Troisièmement, nous pouvons continuer à travailler sur des questions d'encadrement comme la politique de la concurrence. À l'OCDE et dans d'autres tribunes, on s'efforce actuellement de reconnaître les pratiques des autres, de coopérer dans certains domaines. Cela pourrait se traduire par des avantages à très long terme, car cela permettrait de démanteler des régimes anti-dumping, ce qui serait dans l'intérêt de l'Europe comme du Canada.

Enfin, et cela ne se rapporte par aux négociations en tant que telles, je crois qu'il faut faire du travail préventif en ce qui concerne les différends commerciaux. Il me semble que l'UE a malheureusement tendance à dénigrer nos méthodes de production dans plusieurs domaines et à les invoquer pour bloquer les échanges. Je crois qu'il faudrait vraiment prendre davantage fait et cause pour les normes du Canada dans les domaines techniques, de la santé, de la sécurité et de l'environnement.

Je ne dis pas qu'aucune des critiques de l'UE n'est justifiée ou que l'attitude européenne est simplement une forme de protectionnisme, mais le fait est qu'en raison de la dynamique politique complexe de l'Europe, les consommateurs peuvent se déchaîner et la Commission UE ne peut pas vraiment s'empêcher de succomber aux craintes et aux préoccupations exprimées dans ce domaine. Je pense qu'il faudrait faire du marketing plus efficace afin de repousser ces attaques avant qu'elles ne se déclenchent. Je crois que nous n'avons pas vraiment de raison d'avoir honte du Canada en ce qui concerne nos normes industrielles, de santé, d'environnement et de sécurité. En fait, certaines des pratiques dont se plaint l'UE ont cours en Europe même. Je crois qu'il faut le préciser et présenter des faits indéniables pour répondre à ces craintes non fondées et à ces allégations non justifiées.

Pour terminer, je vous souhaite bonne chance dans votre important travail. Nos relations commerciales avec une Europe en constante évolution sont—c'est le moins qu'on puisse dire—assez complexes, mais le Canada a véritablement intérêt à faire des efforts dans ce domaine.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Macmillan.

Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

Monsieur Rocheleau, avez-vous des questions à poser?

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Oui, madame la présidente.

Je remercie les deux témoins de leur intéressant témoignage. J'ai une question à multiples volets à poser à M. Barrett.

Monsieur Barrett, j'aimerais que vous élaboriez sur ce que vous dites à la page 3: «Étant donné que, dans certains cas, nos échanges avec l'Europe passent par les État-Unis...». Vous soulignez les mots «passent par les États-Unis». J'aimerais que vous nous disiez ce que cela sous-entend, dans un premier temps.

Ensuite, vous dites plus loin que «les tendances ne sont pas encourageantes». Même si vous faites un portrait assez positif de ce qui s'en vient dans la majorité des pays européens, sauf au Royaume-Uni, au niveau des pourcentages d'activité économique—vous parlez notamment de l'Irlande avec 7,5 p. 100—, vous dites que les tendances ne sont pas encourageantes. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi.

Enfin, vous dites plus loin: «Les entreprises canadiennes ont envers l'Europe une attitude suffisante doublée de scepticisme.» J'aimerais aussi que vous précisiez votre pensée là-dessus.

[Traduction]

M. Charles Barrett: Merci pour vos excellentes questions.

Ce que je veux dire tout d'abord, c'est que la répartition géographique des échanges canadiens—soit le pourcentage de nos exportations à destination de tel ou tel marché—doit être interprétée avec prudence, car les chiffres ne reflètent pas nécessairement la réalité. Une des caractéristiques de l'économie mondiale, c'est qu'elle s'est non seulement globalisée, mais aussi régionalisée. C'est ce qui se passe en Amérique du Nord, c'est également ce qui se passe en Europe et même si ce n'était pas le cas en Asie, c'est ce qui s'y passe aujourd'hui.

Pour être plus précis, l'économie de la province de l'Ontario et celle de l'État du Michigan sont très fortement intégrées—cette intégration étant peut-être plus marquée que dans certaines régions d'Europe, même si elle se produit de façon moins officielle.

• 1610

Les systèmes de production en Amérique du Nord ne sont donc pas des systèmes canadiens par opposition à des systèmes américains, ce sont intrinsèquement des systèmes nord-américains. Les échanges à l'intérieur des entreprises entre le Canada et les États-Unis sont très importants—ils représentent en fait peut-être au moins un tiers du total des échanges. On peut donner toutes sortes d'exemples; une pièce d'équipement peut arriver en Europe en provenance des États-Unis, mais peut avoir une valeur ajoutée canadienne, ou vice versa.

Plus fondamentalement, à cause de la nature intégrée du processus de production canadien, les échanges canado-américains visent les mêmes produits à de nombreuses reprises. La production automobile est l'exemple le plus évident. L'assemblage d'un siège peut commencer en Ontario, se poursuivre au Michigan avant de se terminer en Ontario, etc.

Que s'est-il passé dans le contexte de la concentration accrue de nos échanges avec les États-Unis? L'économie américaine a connu une croissance très rapide, l'intégration de l'économie nord- américaine s'est faite de façon encore plus rapide, l'économie européenne a connu une croissance beaucoup moins rapide jusqu'à tout récemment et, comme l'a indiqué ma collègue, la création et l'expansion de la communauté européenne ont donné lieu à un détournement des courants d'échange. Tous ces facteurs freinent les exportations canadiennes à destination de l'Europe.

Je dirais simplement que d'une part, il ne faudrait pas être trop pessimiste face à la plus forte concentration de nos échanges avec les États-Unis, car c'est le résultat attendu. Cela étant dit, il semble que nous n'ayons pas aussi bien réussi en Europe que nous l'aurions dû, pour justement les raisons données par Kathleen, je crois.

[Français]

M. Yves Rocheleau: En lisant votre texte, peut-on penser qu'on réussit de moins en moins à exporter nos produits, mais qu'on exporte de plus en plus nos capitaux en Europe?

[Traduction]

M. Charles Barrett: Le secteur de l'investissement est en quelque sorte la partie la plus intéressante des relations commerciales, car il a clairement pris de l'importance. La question qui se pose, c'est de savoir dans quelle mesure l'investissement permet d'appuyer les échanges et dans quelle mesure l'investissement s'est substitué aux échanges, car l'investissement direct peut avoir l'un ou l'autre résultat.

Si vous prenez le cas typique du Canada il y a cent ans, toutes les petites villes de l'Ontario, et peut-être du Québec, voulaient avoir la succursale d'une usine américaine. Pourquoi? Pour éviter le tarif canadien élevé. C'était un investissement qui se substituait aux échanges. Récemment, au fur et à mesure de la globalisation, je crois qu'il est généralement reconnu que les multinationales peuvent dynamiser les échanges, tandis que les investissements peuvent créer les échanges. Dans quelle catégorie tombe l'investissement canadien en Europe? Eh bien, dans les deux. Une partie de l'investissement canadien crée les échanges, tandis qu'une autre partie se substitue aux échanges.

L'investissement direct du Canada en Europe est concentré dans les secteurs des finances et de l'assurance, des métaux non ferreux, du matériel de transport et de la transformation des aliments. En examinant les investissements particuliers, je dirais qu'il y a eu autant de substitution que de création en matière d'échanges. Une partie de cet investissement canadien vise à assurer une présence en Europe, car l'Europe est un marché protégé.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Merci.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'aimerais me concentrer sur deux points. Je sais que dans le passé, le Conference Board a parlé de l'apparente lenteur de notre milieu d'affaires à réagir aux nouvelles sciences et technologies, pourtant il semblerait l'Europe manifeste le même genre de réticence. Dans le domaine des sciences et de la technologie, je dirais que le Canada est quelque peu plus avancé que ses homologues européens.

• 1615

Existe-t-il d'après vous des débouchés pour le Canada dans ce domaine? L'industrie du commerce électronique connaît une certaine croissance et il semble que nous puissions arriver avant l'Europe à créer un grand groupe d'activité et à abaisser nos coûts, si bien que nos concurrents auront du mal à se mesurer à nous. Comment pouvons-nous utiliser cette force à notre avantage? C'est évidemment quelque chose dont l'Union européenne va avoir besoin, quelque chose qu'elle souhaite maintenant. D'après vous, pouvons-nous faciliter ce genre d'échanges?

M. Charles Barrett: Ce sont, encore une fois, de très bonnes questions. C'est un point complexe que vous soulevez. Le Conference Board a effectivement parlé de l'innovation au Canada et de la capacité de l'entreprise canadienne à cet égard. Nous pensons que c'est une question critique pour notre pays. Il suffit d'examiner toute une gamme d'indicateurs pour s'apercevoir que le Canada ne s'en sort pas particulièrement bien, qu'il s'agisse des indicateurs traditionnels des dépenses R et D ou d'autres mesures d'innovation au niveau de l'entreprise.

Je ne suis pas sûr d'être complètement d'accord avec la comparaison que vous faites entre le Canada et l'Europe. Je crois que cela dépend du pays et du secteur. Dans le domaine du commerce électronique et de la connexité, nous dépassons probablement les Européens. Par contre, nous avons fait du travail dans ce domaine, si bien que le Canada se classe derrière les États-Unis, mais avant la plupart des autres pays. Je ne sais pas si c'est le cas en général.

Cela étant dit, le commerce international, qu'il s'agisse des échanges ou de l'investissement, mérite qu'on s'y intéresse, parce ce que, par le jeu de la concurrence, il stimule le sens de l'innovation. Les Européens peuvent apprendre beaucoup des Canadiens et vice versa, mais seul un marché international libre et ouvert, où les entreprises sont saines et agressives, offre un environnement susceptible de favoriser l'innovation.

M. Alex Shepherd: Certains des soi-disant obstacles au commerce sont physiques et je crois qu'ils existent toujours dans la mentalité de l'entreprise canadienne; or, grâce au commerce électronique, etc., nous pouvons effectivement faire connaître nos produits sur les marchés européens en cliquant simplement avec la souris.

Sommes-nous en train de rater ces débouchés commerciaux, à cause de certains partis pris au sujet de l'accès au marché, que nous avons depuis des années?

M. Charles Barrett: Eh bien, c'est possible. J'ai dit que le milieu canadien des affaires affichait une attitude suffisante doublée de scepticisme. Si vous parlez aux représentants du milieu canadien des affaires, ils vont carrément vous demander pourquoi ils devraient aller en Europe. Ils disposent d'un immense marché dynamique à quelques centaines de milles de chez eux. Ils en comprennent la culture, les normes commerciales, sans compter la réglementation qui leur est plus familière.

Je suis d'accord avec vous, dans le monde du commerce électronique, les distances diminuent énormément, mais ces questions fondamentales demeurent. Pourquoi aller en Europe quand on peut aller au Texas?

M. Alex Shepherd: J'imagine que nous ne sommes pas vraiment agressifs. Le Canada se considère comme le pays le plus branché au monde, comme l'a déclaré un de nos ministres. Comment se servir de cet atout pour capter un marché qui, peut-être, est moins branché, et faire la promotion de certaines de nos entreprises? Je ne connais pas la réponse à toutes ces questions. Il me semble toutefois, lorsque je suis en Europe, que les entreprises ne sont pas moins novatrices que les nôtres, mais elles sont certainement moins avancées dans le domaine du commerce électronique.

M. Charles Barrett: C'est fort possible. Je crois que globalement, les télécommunications et les communications en général sont des points forts au Canada. Je ne vois donc pas pourquoi le milieu canadien des affaires ne pourrait pas être aussi fort en Europe qu'ailleurs, dans la mesure où bien sûr il apprend à connaître la réglementation en usage. Effectivement, je suis d'accord avec vous sur ce point.

• 1620

Je crois qu'il est également important toutefois de ne pas oublier certaines réalités au sujet de la nature du milieu canadien des affaires. Nous avons ici quelques multinationales qui connaissent beaucoup de succès. Nous avons un ensemble de filiales canadiennes de multinationales d'autres pays, essentiellement des États-Unis, mais pas exclusivement, qui fonctionnent dans le cadre de mandats limités. Nous avons ensuite une multitude d'organisations relativement petites. Beaucoup d'entre elles connaissent beaucoup de succès sur la scène internationale, mais, de par leur nature, compte tenu de leur taille, elles réussissent lorsqu'elles choisissent soigneusement leurs créneaux. Certains de ceux-ci peuvent se trouver en Europe, d'autres aux États-Unis, d'autres encore en Asie, peut-être.

M. Alex Shepherd: Je me demande simplement si nous ratons quelques possibilités. Nous avons bien sûr la Silicon Valley du nord à Ottawa. J'ai rencontré certains de ces spécialistes qui ne semblent même pas penser à l'Europe.

Ce qu'ils veulent surtout, c'est percer le marché américain. Je ne sais pas ce que peuvent faire les gouvernements à ce sujet pour commencer; est-il possible d'élargir les horizons mentaux des gens pour leur montrer qu'ils passent à côté de grandes occasions s'ils font une croix sur l'Europe? Je ne sais pas si vous avez des propositions à nous faire sur la façon dont le gouvernement pourrait promouvoir cette approche.

M. Charles Barrett: J'ai déjà abordé la question du manque d'information, je crois. Il y a bel et bien un manque d'information et selon moi, certaines mesures pourraient être prises, peut-être par le gouvernement, peut-être en créant l'environnement qui permettrait au secteur privé de davantage sensibiliser les organisations aux possibilités. Cela pourrait s'appliquer à l'Europe, mais aussi à d'autres marchés à l'extérieur du marché nord-américain.

Vous dites que l'Europe ne fait pas partie des priorités des entreprises canadiennes. C'est exactement l'expérience que j'ai eue, lorsque j'ai parlé de l'Europe aux entreprises à l'échelle du pays. Non seulement ne s'y intéressent-elles pas, mais l'information qui existe ou les perceptions sont peut-être douteuses. Les entreprises canadiennes ont vaguement l'impression que l'Europe est complexe, ce qui est le cas, et pensent que la réglementation est difficile, ce qui est parfois le cas, mais elles ne comprennent pas vraiment comment fonctionne l'Europe, ni la distinction qu'il faut faire entre les États membres et la commission. Il s'agit donc de trouver une façon peu coûteuse et efficace de sensibiliser davantage les entreprises canadiennes aux possibilités offertes.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Barrett.

Madame Macmillan, j'aimerais vous poser une question. Pouvez- vous préciser votre recommandation; vous dites que le Canada devrait faire du marketing plus efficace afin d'éviter les problèmes dans les domaines techniques, de la santé, de la sécurité et de l'environnement. Quels conseils plus pratiques pourriez-vous nous donner sur ce qu'il faudrait faire dans ce domaine?

Mme Kathleen Macmillan: C'est une question difficile. Ma recommandation découle d'un véritable sentiment de frustration, car les différends commerciaux semblent suivre le même modèle. Il ne fait aucun doute que les consommateurs européens sont beaucoup plus sensibilisés aux questions liées à la santé, à la modification génétique, à la sécurité, aux normes industrielles, à l'amiante, etc. Ils ont une réaction primaire voulant que chaque pays étranger, comme le Canada, a des normes relâchées et, dangereusement non réglementées. Nous savons tous que ce n'est pas le cas.

J'imagine que l'on pourrait lancer une campagne de relations publiques avec le concours de missions, d'associations de l'industrie, avec la participation d'organismes internationaux où les normes sont discutées, mises au point et contrôlées. Peut-être pourrions-nous davantage participer à ce genre d'activités pour essayer de combattre cette idée qu'ont les Européens, qui croient que nos producteurs peuvent tout simplement faire ce qu'ils veulent. Ce n'est tout simplement pas le cas. On peut certainement faire beaucoup au plan multilatéral ou plurilatéral en essayant, lorsque nous participons à certains organismes, de promouvoir le respect de normes scientifiques, etc.

• 1625

La présidente: Si je pose cette question, c'est parce que c'est la première fois qu'une telle recommandation est faite. Elle est très intéressante.

Pour ce qui est de nos différends commerciaux, j'ai déjà demandé à un autre témoin ce qu'il était possible de faire pour améliorer les choses à ce sujet. Il m'a répondu que tout cela était normal et que bien sûr, au fur et à mesure que se multiplient les échanges, de plus en plus de différends commerciaux vont surgir. Qu'avez-vous à dire au sujet de cette réponse?

Mme Kathleen Macmillan: Je crois effectivement que c'est le cas. Peut-être qu'il n'est pas bon d'avoir une multitude de différends commerciaux. C'est à la fois positif et négatif. Ce qui est négatif, c'est que les pauvres fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères s'épuisent littéralement à défendre l'honneur du Canada. Il est fort possible que les groupes spéciaux se montrent intransigeants à notre égard dans des domaines qui touchent véritablement la façon dont nous faisons affaire au Canada. Ce n'est donc pas positif sur ce plan.

J'imagine que le côté positif, c'est que c'est la première fois que les règles OMC entraînent des conséquences. C'est un processus naturel par lequel il faut passer. Nous essayons d'occuper la place qui nous revient et d'améliorer le régime multilatéral à l'avantage de nous tous.

Je ne pense pas qu'il est possible de vraiment prévenir les différends commerciaux. On pourrait peut-être s'efforcer... Je sais que les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères le font. Des consultations en coulisse sont menées pour tenter de régler les différends et éviter ainsi d'en saisir les groupes spéciaux. Ils travaillent fort à ce sujet. Je crois que plusieurs témoins vous ont parlé de leur participation à ce genre d'exercice. Puisque nous tenons tellement au système fondé sur des règles, il ne nous reste qu'à essayer de régler ces différends le mieux possible. Il est vraiment difficile de les faire complètement disparaître.

La présidente: Monsieur Barrett, je crois que dans votre document, vous parlez également des guerres du poisson qui perdurent. Comment aller de l'avant et ne plus penser aux guerres de l'amiante et du poisson? C'était des irritants. Au lieu de ressasser toutes ces histoires, que devrait-on faire pour progresser et essayer d'explorer de nouveaux domaines au lieu de constamment revenir sur ces vieux conflits?

M. Charles Barrett: À mon avis, et c'est pure intuition de ma part—notre discussion étant assez informelle—nous sommes sur le point de justement adopter l'attitude que vous préconisez. Maintenant que j'ai parlé aux fonctionnaires du MAECI et au représentant de la Commission européenne chargé du Canada, il ne fait aucun doute que cet épisode a eu un effet négatif sur nos relations, mais je crois que c'est maintenant de l'histoire ancienne.

Le fait que le Sommet de Seattle ait été un échec et que tant l'Union européenne que le Canada soient concernés par le succès du système de commerce multilatéral leur donne je crois l'occasion d'être quelque peu créateurs. Je suis d'accord avec Kathleen lorsqu'elle dit que si l'on considère l'éventail des problèmes commerciaux que nous devons régler avec l'Europe certains d'entre eux peuvent être réglés de façon bilatérale et d'autres noms; il faudra attendre une prochaine ronde de négociations multilatérales ce qui pourrait se produire en 2001 ou plus tard, selon le résultat des élections à la présidence des États-Unis et le processus de l'OMC entre autre. Il me semble que si on doit le faire ou du moins amorcer les discussions, c'est maintenant, la situation n'ayant pas été aussi propice depuis un certain temps. Mais je le répète, c'est pure intuition de ma part.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Barrett.

On m'a informé que nous devons nous rendre à la Chambre pour un vote. Il nous reste tout de même quelques instants. Il ne s'agit pas de la sonnerie d'appel pour constituer un quorum. Il me semble que toutes les fois que nous nous réunissons, nous devons aller voter. Je ne sais pas pourquoi.

Au nom du comité, je vous remercie tous les deux d'être venus nous rencontrer. Vous êtes libre de rester. Il ne me reste plus qu'un point relatif aux travaux futurs dont je veux discuter avant que nous retournions à la Chambre.

On m'a informé que le Comité permanent des affaires étrangères a approuvé notre voyage en Europe. J'ai parlé avec des gens du Bureau du whip et ils feront avancer le dossier. Nous avons le choix d'y aller au début de juin ou en octobre. Une préférence a certes été exprimée par M. Speller pour que nous tentions de nous y rendre en juin et de rencontrer le comité de liaison. Les whips vont essayer de convaincre le leader à la Chambre de permettre à tous les membres du comité de partir. Il faut donc que tout le monde se tienne prêt.

• 1630

Qu'en pensez-vous? Devrions-nous y aller maintenant? C'est ce que j'aimerais que nous fassions. Je sais que Richard Marceau nous a dit qu'il sera en Australie avec le ministre du Commerce international à ce moment-là, mais il y a certainement d'autres députés qui pourraient venir en juin. Monsieur Rocheleau, pourriez- vous en reparler à votre parti? Qu'en pensez-vous? Que préféreriez- vous faire?

M. Alex Shepherd: Je ne sais pas.

La présidente: Je pense que, si c'est possible, nous devrions nous y rendre maintenant pour que cela s'insère dans notre étude. Si nous attendons jusqu'en octobre, ce sera tout un arrêt. Nous semblons avoir le vent en poupe. C'est la raison pour laquelle je voulais que vous me fassiez part de vos commentaires.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Madame la présidente, le message qu'on m'a demandé de transmettre au nom du Bloc québécois est que cela ne nous conviendrait pas au mois de juin. Cela nous conviendrait plutôt à l'automne, comme l'a déjà dit mon collègue Marceau.

[Traduction]

La présidente: Il nous faudra le consentement unanime à cet égard. Nous ne semblons pas...

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Je suis certes prêt à appuyer la suggestion du président d'y aller en juin.

La présidente: D'accord. Peut-être nous faut-il soumettre la question aux leaders à la Chambre. Ils peuvent prendre cette décision pour nous, mais j'ai quand même l'impression que nous voulons tous y aller en juin. Je ne peux vous dire combien de gens nous ont fait valoir l'importance de ce voyage en Europe. Je crois personnellement que nous ferions erreur de terminer cette étude sans nous rendre là-bas.

Vos commentaires nous indiqueront la voie à suivre. Une fois de plus, je vous remercie.

La séance est levée.