SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 mars 2000
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. On me dit que certains de nos collègues libéraux arriveront sous peu. Quoi qu'il en soit, nous allons commencer.
J'aimerais vous remercier tous d'avoir accepté de revenir nous rencontrer.
Nous allons commencer par les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, après quoi il y aura une période de questions. Nous entendrons ensuite M. Myers qui lui aussi a accepté de revenir nous rencontrer.
Je vous remercie tous, au nom du comité, d'être de nouveau là parmi nous.
Ambassadeur Clarke, vous pouvez y aller.
M. William Clarke (sous-ministre adjoint, Affaires internationales, et délégué commercial en chef, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, madame la présidente. Je dois dire d'entrée de jeu que je m'assois rarement derrière le chiffre «13». Je suis extrêmement superstitieux, mais comme je sais que je suis en bonne compagnie, je vais courir le risque aujourd'hui.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à revenir et vous offrir tout le soutien du ministère pour l'initiative que vous avez prise. Nous sommes très heureux de cette initiative du comité. L'examen que vous entreprenez est extrêmement important. Chacun des ministres et des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international vous appuie sans réserve. N'hésitez pas à communiquer avec nous si nous pouvons vous aider dans vos délibérations ou dans vos travaux.
Avant de me lancer, j'aimerais vous présenter mes collègues du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
D'abord, Susan Cartwright. Susan est directrice générale du bureau de l'Europe de l'Ouest au ministère. Jusqu'à l'an dernier, et nous en sommes fort heureux, elle était ambassadeur du Canada à Budapest, en Hongrie, où elle a fait un travail hors pair. Elle connaît parfaitement la situation actuelle en Europe.
Ensuite, Gary Scott. Il est directeur du Service de promotion du commerce, de l'investissement et des affaires pour l'Europe de l'Ouest. Il est généralement responsable des programmes de promotion de l'investissement et du commerce pour l'Europe. Gary travaille maintenant depuis près de trois ans au bureau de l'Europe de l'Ouest et connaît très bien les programmes de promotion du commerce.
Enfin, j'ai aussi avec moi Cameron Siles. Cameron est à la Section de la politique et des relations commerciales au bureau de l'Europe et il connaît très bien les dossiers touchant à la politique et aux irritants en matière de commerce ou d'investissement qui nous opposent actuellement à nos partenaires européens.
Voilà notre équipe, et nous sommes extrêmement heureux d'être ici cet après-midi.
Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit le 16 février. Vous l'avez tous entendu. Vous m'avez écouté très attentivement ce jour-là mais j'ai cru comprendre lors d'entretiens avec la présidente et le greffier du comité qu'il serait utile que je prenne environ 10 minutes pour vous résumer la position du ministère sur nos relations avec l'Europe.
Si cela vous convient, madame la présidente, je vais prendre une dizaine de minutes pour faire cela puis nous accepterons vos questions, vos suggestions ou vos commentaires.
D'abord, le plus important message à retenir, c'est que l'Europe est un marché énorme et très exigeant. Cela va certainement sans dire, mais on a parfois tendance à oublier que l'Europe constitue un marché d'un billion de dollars. Il se compose de 450 millions des consommateurs les plus riches et les mieux instruits de la planète. Nous y trouvons des amis et alliés traditionnels: des gens qui ont grandement contribué, en tant qu'immigrants, à enrichir notre population et qui ont aussi été des partenaires très fidèles du Canada en matière de commerce et d'investissement.
• 1540
Quand nous cherchons d'autres débouchés en Asie, en Amérique
latine ou ailleurs, nous avons trop tendance à prendre l'Europe
pour acquise. Ce serait une grave erreur, étant donné la richesse
de ce marché et les possibilités commerciales qu'il offre aux gens
d'affaires canadiens. Par exemple, notre haut-commissariat à
Londres notait qu'il y a maintenant, dans le seul Royaume-Uni, plus
de 300 sociétés canadiennes qui y ont ouvert des bureaux
d'affaires, d'investissement et de marketing.
Lorsqu'on voyage en Europe, on peut certainement voir que les grandes sociétés canadiennes détiennent d'importants intérêts en Europe. Qu'il s'agisse d'Alcan, de Bombardier, de Moore Corporation, de Nortel, de Seagram's ou de CAE, les grandes sociétés canadiennes sont très présentes en Europe de l'Ouest. Elles ont fait des investissements considérables et elles souhaitent que le gouvernement appuie, soutienne et défende ces intérêts.
En même temps, depuis 10 ou 15 ans, nous avons noté une augmentation marqué du nombre de petites et moyennes entreprises canadiennes qui se sont aussi taillé une place sur le marché européen, surtout des sociétés de haute technologie et d'informatique qui ont maintenant dans de nombreuses capitales européennes, surtout en Europe de l'Ouest, des bureaux de vente, des bureaux de commercialisation, des projets en partenariat et des investissements en usines et en équipement. Nous lisons leurs noms dans la presse financière, que ce soit Corel, JDS Uniphase, Cognos, Newbridge, Mitel... Toutes ces sociétés ont d'importants intérêts en Europe et font un effort soutenu pour conquérir de nouvelles parts de marché en Europe de l'Ouest. Ce grand marché, particulièrement celui de l'Union européenne présente pour eux une occasion rêvée de miser sur de nouvelles réussites après la conquête du marché américain.
Le deuxième point important à retenir c'est qu'il ne s'agit plus d'un marché d'exportation traditionnel où il suffisait d'embarquer les produits sur un navire et de les acheminer vers l'Europe. De plus en plus maintenant, le marché est dominé par des entreprises canadiennes qui font alliance avec des partenaires européens. Elles sont constamment en quête de partenaires européens qui les aideront à se tailler une place sur le marché européen et à assurer la pénétration de leurs produits sur le marché de l'Union européenne. En même temps, nos sociétés canadiennes sont toujours à l'affût de possibilités de ramener de nouvelles technologies et des produits de pointe à des entreprises de la zone ALENA qui par le biais de filiales canadiennes les écouleront sur le marché de l'ALENA.
Depuis 10 ou 15 ans, le paysage a changé de façon radicale mais d'une façon positive pour nous puisque l'Europe est une si importante source de nouvelles technologies pour le Canada et pour la zone ALENA.
Mon troisième commentaire concerne l'investissement. Il y a eu une augmentation appréciable de l'investissement au Canada. Toutefois, je crois que nous aurions pu faire davantage et mieux. Nous avons constaté une progression très nette du montant d'investissement canadien en Europe. Puisque nous croyons fermement—du moins je crois fermement—que l'investissement attire les échanges, c'est donc un signe prometteur pour la progression de nos intérêts commerciaux et nos investissements sur les 10 ou 20 prochaines années. Les investissements bilatéraux atteignent actuellement un total impressionnant, soit 100 milliards de dollars, et le nombre d'investisseurs canadiens présents en Europe a plus que doublé depuis 10 ans.
J'estime donc que le bilan de l'investissement est très encourageant. Comme je l'ai dit, je crois que nous pourrions et que nous devrions faire davantage pour convaincre les Européens de voir le Canada comme un portail vers le marché de l'ALENA, d'ouvrir ici leurs filiales et de se servir du Canada comme tremplin pour tirer le maximum du marché américain, du marché intérieur canadien, et bien sûr des marchés mexicains aussi.
Mon quatrième commentaire porte sur nos ressources, c'est-à-dire les ressources du gouvernement canadien en Europe de l'Ouest, en fait dans toute l'Europe mais plus particulièrement en Europe de l'Ouest. Nous croyons avoir un excellent dosage de personnel dans nos missions partout en Europe. Nous avons réussi à retenir dans la plupart de nos bureaux en Europe de l'Ouest un excellent groupe de délégués commerciaux canadiens très expérimentés. Nous avons accru et enrichi leur nombre en embauchant localement des agents de l'expansion des marchés, des agents de promotion commerciale, et cela dans tous nos bureaux.
• 1545
Comme de nombreux membres du comité le savent sans doute, par
souci d'économie, nous avons commencé à engager du personnel
localement pour tous nos bureaux puisque la main-d'oeuvre locale
est moins coûteuse. C'est essentiellement une proportion de trois
pour un. L'envoi d'un Canadien en mission à l'étranger coûte, en
moyenne, trois fois plus que d'embaucher localement.
Par conséquent, nous avons augmenté partout en Europe le nombre d'agents commerciaux engagés sur place, c'est-à-dire d'agents de promotion commerciale. Au cours des dernières années, nous avons ouvert plusieurs nouveaux bureaux de délégués commerciaux, particulièrement en Europe de l'Est, où s'offre beaucoup de nouvelles occasions commerciales; je pense à des endroits comme le Kazakhstan, où nous avons déjà beaucoup investi, et où les occasions d'affaires et les débouchés commerciaux sont très prometteurs. Nous faisons également de notre mieux pour étendre nos ressources dans certains des marchés plus traditionnels de l'Europe de l'Est, tel que les États baltiques, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et certains autres marchés de l'Europe de l'Est.
Le facteur déterminant et celui qui orientent notre ministère et le gouvernement du Canada, ce sont les demandes d'aide et de soutien provenant du secteur privé. Nous sommes tous disposés à faire preuve d'initiative, mais étant donné que nous faisons face à des compressions de ressources, nous dépendons énormément du secteur privé, et nous devons attendre que celui-ci nous demande de l'aider à s'implanter sur les nouveaux marchés de l'Europe de l'Est ou de l'Ouest avant de décider comment nous déploierons nos ressources limitées. C'est donc l'élément déterminant lorsqu'il s'agit de décider dans quel nouveau marché nous allons ouvrir de nouveaux bureaux et envoyer du personnel.
Pour revenir à la réduction de nos ressources financières découlant de l'examen de programmes des cinq dernières années, vous comprenez que nous avons dû restreindre nos efforts de promotion, pour ce qui est des foires et des missions commerciales, étant donné que le gouvernement a sabré de façon générale et de façon globale dans les budgets de promotion d'échanges commerciaux et d'investissements. Par conséquent, nos efforts sur les marchés de l'Europe occidentale ont donc souffert de ces réductions de dépenses.
Toutefois, dans son discours du Trône de l'an dernier, le gouvernement signalait qu'il entendait augmenter les ressources qu'il consacrerait à la promotion des échanges commerciaux, particulièrement dans les secteurs prioritaires à forte croissance, tels que les technologies de l'information, la biotechnologie, les industries environnementales et diverses autres industries qui sont en forte croissance.
Le gouvernement annonçait qu'il entendait augmenter ces ressources consacrées à la promotion des échanges commerciaux. Nous espérons définir au cours des prochains mois ce que nous entendons par cela dans un mémoire au cabinet où nous demanderons plus de ressources. Une part de ces ressources accrues devrait aller à l'Europe, étant donné que le secteur privé nous a demandé de nous intéresser au marché de l'Europe occidentale et de l'aider à s'y positionner.
Quant à notre stratégie commerciale en Europe, nos ressources limitées nous ont poussés, au cours des cinq dernières années, à mieux cibler et à mieux définir un programme qui soit axé sur les nouvelles activités novatrices à valeur ajoutée. Sous l'égide de notre bureau de l'Europe, auquel s'associaient nos partenaires d'Équipe Canada de 22 ministères et agences à Ottawa, nous avons voulu nous préparer de façon beaucoup plus serrée aux événements de promotion commerciale que nous organisons: j'entends par là que nous avons accentué notre réseautage d'affaires pré-exposition, que nous avons organisé des campagnes de publicité dans la presse commerciale beaucoup mieux ciblées; et que nous avons fait distribuer des études sur les débouchés à des exportateurs canadiens potentiels, afin qu'ils soient mieux préparés grâce à une bonne banque de données et à un cheminement d'information opportun, avant même de se rendre sur le marché qui les intéresse.
Nous avons essayé d'encourager des visites au Canada d'acheteurs venant de grandes compagnies européennes, ce qui constitue une méthode peu coûteuse d'agir sur les échanges commerciaux. Nous avons fait mousser de façon musclée nos grands programmes d'expansion des entreprises en Europe, particulièrement le programme NEXOS—celui des nouveaux exportateurs sur les marchés étrangers—et «Franchir l'Atlantique», qui permettent essentiellement de sonder le terrain, de faire de la promotion et d'aider les PME à tirer parti des débouchés que leur offrent les marchés européens, en les aidant à s'y préparer.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le milieu des petites et moyennes entreprises et les associations d'affaires qui encouragent beaucoup l'exportation afin de cerner et d'aider ces entreprises qui se sont taillé une place enviable sur le marché américain et qui recherchent désormais de nouveaux créneaux ailleurs.
• 1550
Le marché européen constitue le choix évident pour les
entreprises qui ont bien réussi aux États-Unis, et je crois que
cette tendance s'accentuera au cours de la prochaine décennie.
C'est un cheminement logique pour beaucoup de PME.
Enfin, un accord de libre-échange transatlantique est une éventualité qu'examine avec grand soin notre ministère et dont il fait la promotion depuis déjà quelques temps. Il serait possible de redonner un second souffle à cette idée. Vous savez sans doute que M. Lamy, commissaire de l'Union européenne, nous a fait savoir que la Commission était disposée à étudier la question, surtout si nous sommes en mesure de l'en convaincre du point de vue commercial.
Les conclusions de votre comité seront certainement très utiles pour notre ministère et pour tous les autres ministères qui s'intéressent à la question; elles seront également très utiles au milieu des affaires du Canada, qui tient à avoir un meilleur accès aux marchés européens.
Un mot, maintenant, au sujet de notre programme d'investissement, qui semble susciter beaucoup d'intérêt partout au gouvernement. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a également annoncé dans le discours du Trône qu'il avait l'intention de lancer Équipe Canada Investissement, qui constitue un nouvel effort de sa part en vue de tonifier et de promouvoir l'investissement étranger au Canada.
Le gouvernement s'est fixé comme grande priorité d'attirer de nouveaux investissements européens au Canada, et a lancé deux grandes initiatives en Europe pour y parvenir. Le problème, c'est celui de la concurrence. En effet, nous devons faire face à la concurrence des Américains et à celle de nos amis mexicains en vue d'obtenir des investissements des grandes compagnies européennes, puisque la plupart d'entre elles cherchent à s'installer sur le marché et veulent se tailler une place enviable sur le marché de l'ALENA. La majorité d'entre elles ne cherchent pas des créneaux spécifiques sur le marché de la région de l'ALENA; elles cherchent plutôt à se tailler la part du lion sur le marché de l'ALENA, et ont besoin d'un centre d'opération pour y parvenir.
Nous avons maintenant des débouchés très intéressants à offrir aux investisseurs européens, car le climat est excellent au Canada, et nous avons en main des atouts bien meilleurs que ceux que nous avons eus pendant des années. De plus, nous sommes en mesure d'être très concurrentiels par rapport à nos amis américains. Toutefois, il nous faut faire preuve de combativité, faire notre propre promotion, nous rendre populaires et nous assurer que nous soignons notre image.
Le monde est très compétitif. Non seulement le gouvernement des États-Unis, mais aussi les administrations d'un bon nombre d'États américains ont lancé des campagnes très musclées de promotion des investissements et des échanges commerciaux en Europe de l'Ouest, pour trouver des entreprises qui investiront chez eux. On peut le constater dans les deux États de la Caroline, au Texas et dans les États du sud des États-Unis, tout comme dans certaines des parties plus industrialisées de ce pays. C'est toute une concurrence à laquelle nous faisons face, et nous devons tout faire pour prendre notre place.
Nous sommes en train de monter un programme très prometteur, celui des champions canadiens: ces champions, ce sont des sous-ministres du gouvernement du Canada qui assument le rôle particulier d'agent de liaison auprès de pays spécifiques de l'Europe occidentale. Nous avons déjà jumelé un sous-ministre avec la Suède et les Pays-Bas, un autre avec le Royaume-Uni et l'Irlande, un troisième avec l'Allemagne et l'Autriche, et un autre encore avec la France qui prendra bientôt sous son aile la Belgique. Nous envisageons de plus d'étendre notre programme de jumelage à d'autres marchés clés, tels que celui de l'Italie et de l'Espagne.
Nos chefs de mission, ambassadeurs et délégués commerciaux prennent tous une part très active au programme de promotion des échanges commerciaux et des investissements que nous avons lancé en Europe et qui a vu le jour grâce à notre programme de liaison avec l'entreprise, qui porte fruit aujourd'hui. Nous espérons d'ailleurs pouvoir l'élargir au cours des prochaines années.
Comme j'ai servi pendant quatre ans en Suède, j'ai pensé qu'il valait la peine de vous signaler que le gouvernement du Canada a depuis six ans un programme très actif et très musclé en Suède qui a réussi à attirer des investissements en installations nouvelles au Canada. En effet, nous avons reçu depuis six ans plus de 2 milliards de dollars en nouveaux investissements de plus d'une dizaine d'entreprises suédoises. Ce sont ces entreprises qui ont investi dans de grandes installations nouvelles en Nouvelle-Écosse, au Québec et en Ontario. Notre succès est dû à ce programme très actif géré par le gouvernement fédéral, mais appuyé avec conviction par les provinces et par le secteur privé.
• 1555
Ainsi, Stora a injecté 850 millions de dollars au Cap-Breton
dans une papeterie des plus perfectionnées. Ericsson est l'une des
grandes réussites de la dernière décennie au Québec: elle y a
ouvert de grandes installations et établi son centre mondial de
téléphonie numérique à l'extérieur de Montréal. Ericsson emploie
aujourd'hui 1 100 ingénieurs et autre personnel professionnel,
alors qu'elle n'avait que quatre employés à ses débuts, il y a
10 ans. Cette entreprise est extrêmement optimiste devant tous les
débouchés que lui offre ici le Canada sur le marché de l'ALENA.
Il y a AstraZeneca, qui a investi quelque 600 millions de dollars dans des installations de R-D à Montréal et quelque 300 millions de dollars dans une toute nouvelle usine de fabrication à Mississauga.
Il y a Autoliv, le plus grand fabricant de ceintures de sécurité du monde, qui a décidé, après une très chaude lutte contre trois villes aux États-Unis, de faire un tout nouvel investissement dans le sud de l'Ontario dans une usine qui fabriquera des sacs gonflables et des ceintures de sécurité.
Il y a aussi, bien sûr, Volvo, qui a concentré ses efforts pour acheter et fusionner les deux principaux fabricants d'autobus du Canada et qui dirige maintenant ses activités de fabrication d'autobus en Amérique du Nord à partir de Montréal.
Je vous dis tout cela non pas tellement pour vanter les Suédois, mais pour vous faire comprendre que, si nous décidons de façon très claire que notre ministre et notre sous-ministre de l'Industrie vont se rendre là-bas chaque année—et, soit dit en passant, notre ambassadeur et notre délégué commercial font une centaine d'appels à des sociétés chaque année—et si nous montrons clairement aux entreprises de la Suède ce qui se passe au Canada et si nous profitons de chaque occasion pour les encourager à faire affaire sur le marché de l'ALENA, nous pourrons réussir. Nous avons aussi le même genre de succès du côté des investissements dans d'autres marchés européens.
La dernière chose dont je voulais parler, c'était la science et la technologie. Dans son discours du Trône, le gouvernement a insisté sur l'importance du programme international de science et technologie du Canada et a réclamé expressément une plus grande collaboration internationale pour la R-D, de même que l'affectation de plus de ressources à la promotion de l'innovation et de la nouvelle technologie au Canada.
Les initiatives en ce sens vont cibler tout particulièrement les pays de l'Union européenne. Ces pays produisent plus du tiers des connaissances scientifiques au niveau mondial, et quelque 67 p. 100 des technologies utilisées au Canada viennent de l'étranger, et en très grande partie de l'Europe.
Le gouvernement va certainement insister beaucoup sur la science et la technologie. Nous avons maintenant des accords bilatéraux de science et de technologie avec plusieurs pays d'Europe, avec la Commission de l'Union européenne elle-même et avec la France et l'Allemagne. Quatre des six conseillers scientifiques du Canada à l'étranger sont détachés auprès de missions européennes.
Les membres du comité savent peut-être que le gouvernement a annoncé vers la fin de l'année dernière par l'entremise du Conseil consultatif des sciences et de la technologie la création d'un groupe d'experts chargé d'examiner dans son ensemble le rôle du Canada dans les sciences et la technologie au niveau international. Ce groupe d'experts se réunit depuis novembre. Il a tenu de nouvelles délibérations en mars et présentera un ensemble de recommandations et un rapport au gouvernement du Canada en juin 2000.
J'imagine que tout cela s'insérera très bien dans le travail de votre comité. J'imagine aussi que le groupe d'experts fournira des preuves très nettes de la nécessité pour le Canada de continuer à promouvoir et à augmenter ses efforts pour attirer des innovations technologiques de l'Europe occidentale au cours des quelques années à venir. Selon moi, le gouvernement fait ainsi passer un message très important. Je pense aussi que cela correspond très bien au domaine qui vous intéresse.
• 1600
Je pense que je vais m'arrêter là, madame la présidente. Nous
sommes prêts à répondre aux questions. Ce sont les six ou sept
sujets que je voulais examiner aujourd'hui, et j'espère l'avoir
fait.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur Clarke.
Nous commencerons par M. Obhrai.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Clarke. En écoutant votre exposé, j'ai eu l'impression que tout fonctionne tellement bien que nous ferions tout aussi bien d'arrêter les travaux du comité. Tout fonctionne à merveille.
Je voudrais commencer par autre chose. Depuis la création de l'Union européenne et depuis que nous nous occupons davantage de l'ALENA et de certains autres marchés, j'ai l'impression que le Canada et l'Union européenne se sont engagés sur des voies divergentes. Nos intérêts sont différents, et nous faisons des choses entièrement différentes. Les marchés que nous avions auparavant en Europe... C'est probablement l'une des raisons, comme vous l'avez mentionné, je pense, pour lesquelles nos activités commerciales ont diminué.
À mon avis, cette divergence va aller en s'accentuant à l'avenir tant sur le plan politique que sur le plan économique. Nous faisons aussi partie de l'ALENA, et je pense que nous allons rivaliser avec les pays d'Europe dans bien d'autres marchés à l'avenir.
Êtes-vous d'accord avec moi?
M. William Clarke: Vous avez raison dans une certaine mesure, mais je ne suis pas convaincu que la divergence soit aussi marquée que vous le dites.
Je pense que nous avons perdu beaucoup depuis 25 ou 30 ans, et je le reconnais volontiers, du côté des produits agricoles et de certains produits de nos industries primaires, surtout les produits forestiers. Les Européens ont certainement réduit notre part du marché. Nous avons souffert sur le marché européen des décisions prises par la Commission de l'Union européenne, surtout du côté de l'agriculture, parce que, depuis 30 ans, les Européens ont considéré l'agriculture comme étant une question sociale, et non pas commerciale. Essentiellement, les Européens se sont efforcés de protéger leur marché et ont offert beaucoup de subventions à leurs producteurs.
Par ailleurs, pour les nouvelles industries, dans les domaines de l'informatique, du matériel médical et des services et de toutes les autres industries basées sur le savoir, bon nombre d'entreprises canadiennes s'intéressent beaucoup au marché européen et ont de très bonnes chances d'y être concurrentielles et de réussir.
Selon moi, c'est dans les domaines de ce genre que nous avons beaucoup de possibilités de croissance. Il y a des centaines de nouvelles PME dans ces secteurs, qu'il s'agisse des logiciels, de l'informatique ou des industries environnementales. Je ne pense donc pas qu'il y ait vraiment de divergence. Ces entreprises nous demandent déjà de l'aide pour pénétrer le marché britannique, le marché français ou le marché allemand. Ces entreprises nous demandent souvent de l'aide et des services pour essayer de vendre leurs produits sur le marché d'Europe occidentale.
Selon moi, certains ont tendance à dire que nous avons tellement de succès aux États-Unis que nous devrions peut-être oublier le reste du monde, mais je ne suis vraiment pas d'accord là-dessus.
M. Deepak Obhrai: Vous avez raison.
M. William Clarke: Nous ne voulons pas tomber dans le piège, comme le gouvernement l'a déjà fait, parce que nous examinons de troisième, de quatrième ou de cinquième possibilités et que le gouvernement essaie de dire au secteur privé où il doit se diriger. Ce que nous voulons, c'est la croissance. Je pense que les possibilités de croissance existent parce que bon nombre de nos entreprises, qui ont déjà du succès dans les nouvelles industries basées sur le savoir et sur le marché américain, vont prendre de l'expansion et essayer de réussir aussi sur les marchés d'Europe, d'Asie, du Pacifique et d'Amérique latine.
Ce n'est donc pas tellement une question de divergence que de croissance à mon avis. Vu la richesse du marché européen, je trouve qu'il nous offre beaucoup de possibilités.
Pour ce qui est des industries primaires et de l'agriculture, nous allons continuer à éprouver des difficultés à court terme pour vendre autant de nos produits qu'il y a 25 ou 30 ans, même si, d'après ce que j'ai constaté au comité des industries primaires que j'ai rencontré il y a quelques semaines, ces industries considèrent toujours l'Europe de l'Ouest comme un marché hautement prioritaire.
M. Deepak Obhrai: Pour revenir sur ce que vous disiez au sujet des possibilités de croissance, l'un de vos programmes s'appelle Franchir l'Atlantique, n'est-ce pas?
M. William Clarke: En effet, Franchir l'Atlantique.
M. Deepak Obhrai: Je pense qu'il s'agit d'une nouvelle initiative.
Vous pouvez peut-être m'expliquer exactement de quoi il s'agit, ce qui m'amène à ma question suivante. Vous avez parlé des investissements européens au Canada.
M. William Clarke: Oui.
M. Deepak Obhrai: Qu'arrive-t-il du côté des investissements canadiens en Europe? Les deux choses sont reliées.
M. William Clarke: Oui, je vais demander à mon collègue, Gary Scott, qui s'occupe de ce programme, de vous parler de Franchir l'Atlantique.
M. Gary Scott (directeur, Division de l'Europe du Nord, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Nous avons examiné diverses façons de préparer les nouvelles entreprises d'exportation à pénétrer le marché européen, surtout, comme l'a signalé Bill, les entreprises du secteur de l'industrie de la technologie des communications et de l'information, soit les secteurs de haute technologie.
Nous avons formé une espèce de partenariat avec un cabinet d'avocats du secteur privé, Grasset-Fleisher, et la Banque canadienne impériale de commerce pour élaborer divers programmes destinés à ces nouveaux exportateurs. Nous avons donc conçu le programme Franchir l'Atlantique, ou Crossing the Pond, en anglais, qui a son propre site Web.
Nous avons organisé ce que nous appelons un café du savoir. À ce café du savoir, nous avons six ou sept tables où l'on discute de diverses questions qui intéressent les entreprises, par exemple les normes et les règlements, la façon de lancer une initiative commerciale ou la formation d'alliances stratégiques. Ensuite, nous invitons des représentants d'entreprises du secteur privé qui ont réussi, des experts dans le domaine en question, qui se joignent à un délégué commercial de l'une de nos missions commerciales et à un animateur. Les représentants des entreprises passent environ 45 minutes à la table à discuter de la question qui les intéresse. Pendant la durée du café, ils peuvent visiter quatre tables environ.
Ce qui me montre que ce programme fonctionne bien et que les gens d'affaires en sont satisfaits, c'est que même s'ils ne sont pas obligés de rester après avoir visité une première table, quand ils pourraient tout aussi bien quitter la pièce, pas un ne l'a fait encore. Ils restent tous plus tard pour poser d'autres questions.
Nous avons lancé ce programme il y a environ huit mois, et, jusqu'ici, quelque 150 entreprises canadiennes ont participé aux cafés du savoir que nous avons tenus dans les diverses régions du Canada. Nous ferons un suivi auprès de ces entreprises l'été prochain pour savoir exactement ce qui s'est passé. Ont-elles utilisé ces connaissances? Dans certains cas, elles ne seront pas allées plus loin, mais cela ne veut pas dire que le café du savoir a échoué. Cela veut tout simplement dire que ces entreprises ont compris qu'elles n'étaient peut-être pas prêtes à percer sur le marché.
Un nombre suffisant d'entreprises ont participé au programme maintenant pour que nous puissions voir exactement s'il fonctionne bien, pour le mettre au point. Nous allons avoir recours à un certain nombre des entreprises qui y ont participé pour former le noyau d'une série de missions NEXOS pendant le prochain exercice financier. Il s'agit des missions des nouveaux exportateurs en Europe.
Voilà donc essentiellement une description du programme, de ses objectifs et de son fonctionnement.
M. Deepak Obhrai: Il s'agit donc surtout d'un échange d'information avec les entreprises qui examinent les possibilités commerciales.
M. Gary Scott: C'est essentiellement un programme d'enseignement ou de partage de connaissances qui vise à donner aux nouvelles entreprises certaines connaissances, non pas seulement des connaissances générales au sujet de l'Europe, mais aussi des connaissances très précises dans des secteurs clés de la préparation commerciale qui viennent de gens d'affaires qui ont déjà réussi sur le marché.
M. Deepak Obhrai: Cela se fait sur une petite échelle...
M. Gary Scott: C'est destiné aux petites et moyennes entreprises, aux PME.
La présidente: Merci.
M. William Clarke: Puis-je dire un mot au sujet des investissements?
Vous avez mentionné les investissements canadiens en Europe. Le chiffre est passé de quelque 22 milliards de dollars investis par le Canada en Europe occidentale en 1990 à un peu plus de 50 milliards de dollars à l'heure actuelle. Selon moi, cela reflète un effort délibéré de la part de l'industrie et des entreprises canadiennes en vue d'obtenir une part du marché. Je pense que la plupart ont décidé d'investir directement en Europe pour garantir qu'elles pourront obtenir une part importante du marché européen. Un exemple bien connu, bien sûr, est la compagnie Bombardier.
• 1610
Nous avons pu constater pour les entreprises et grâce à
certaines comparaisons que le commerce suit l'investissement.
Depuis la période de l'après-guerre, les Américains et les
Européens ont eu beaucoup de succès à se créer d'importants
créneaux commerciaux en augmentant leurs investissements. En
Amérique latine, par exemple, les Américains et les Européens ont
d'abord investi, et, par la suite, non seulement les ventes de
leurs usines au Brésil ont augmenté, mais aussi la quantité de
produits nécessaire pour faire face à la demande.
C'est aussi ce qui est arrivé dans le cas de Bombardier, qui investit beaucoup dans bon nombre de pays d'Europe et qui y fabrique maintenant des produits pour sa division ferroviaire, sa division aérienne et sa division des produits de plein air. D'après ce que nous dit Bombardier, la compagnie a aussi augmenté ses exportations de tous ces produits du Canada vers ses usines et ses filiales européennes.
Si un exportateur n'investit pas, il risque toujours de perdre le marché à d'autres entreprises qui sont prêtes à investir, des entreprises du pays même ou d'autres régions du monde.
Vous conviendrez sans doute qu'il est difficile d'envisager isolément l'investissement et le commerce. Une entreprise établit un marché de commercialisation quelque part, et, tout à coup, la demande de ses produits augmente. Elle décide d'obtenir une participation locale à sa production parce que cela fait baisser les prix, et la première chose qu'elle constate, c'est qu'elle fabrique maintenant 80 p. 100 de son produit dans l'autre pays. Il reste cependant toujours, ou du moins habituellement, certaines pièces ou équipement qui viennent du siège social.
Les deux vont donc de pair, et je pense pouvoir affirmer que les investissements importants des entreprises canadiennes en Europe depuis 20 ans seront reflétés par une augmentation du commerce au cours des 20 prochaines années. J'en suis vraiment convaincu.
J'ajoute que je ne voulais pas donner l'impression qu'il n'y a pas de problème relativement à notre commerce en Europe, ni non plus que nous n'avons pas de possibilités commerciales là-bas.
Nous devons en faire le plus possible pour rehausser la réputation du Canada en Europe occidentale, parce que le marché est extrêmement concurrentiel. Si nous ne participons pas aux foires commerciales européennes, qui sont un lieu de rencontre pour tous ceux qui s'occupent de commerce en Europe, surtout en Allemagne et en France, la réputation du Canada comme intervenant important dans certaines industries risque de ne pas être reconnue par nos partenaires européens.
Au niveau gouvernemental, nous insistons donc beaucoup auprès du gouvernement du Canada sur la nécessité de participer à toutes les foires commerciales et internationales importantes, que ce soit pour l'industrie des plastiques, l'industrie du caoutchouc, des jouets, de la musique, pour promouvoir le rôle important du Canada dans les industries technologiques, tant du côté du commerce que du côté de l'investissement.
Il y a un problème à promouvoir le Canada comme pays commercial, et c'est un problème que nous avons toujours eu. Nous avons eu presque trop de succès à faire connaître le Canada comme pays merveilleux où il y a de l'air frais, de belles montagnes, de belles plaines, des lacs magnifiques, du poisson, du gibier à plumes, etc. Nous avons un sérieux problème—et nous devons certainement le reconnaître—à faire valoir notre réputation de fournisseur de biens et de services de haute technologie sur le marché américain, et certainement aussi sur le marché d'Europe occidentale. Quand les gens d'affaires européens pensent au Canada, ils ne pensent pas immédiatement à Nortel, à Cognos et aux industries de haute technologie. Ils pensent au ski, à la pêche, à des vacances dans les montagnes.
C'est vraiment un problème pour le Canada, parce que l'élément dissuasif le plus important lorsque nous essayons d'attirer des investisseurs, que ce soit aux États-Unis, en Europe occidentale ou en Asie, c'est que les entreprises étrangères qui songent à investir ne pensent pas automatiquement à Vancouver, à Calgary, à Toronto, à Montréal, à Halifax ou à Québec. Elles pensent plutôt à la Californie, à la Caroline du Sud, etc. Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour rehausser l'image du Canada.
La présidente: Merci, monsieur Clarke.
Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez fait une présentation très intéressante et j'ai pris plusieurs notes.
Je dirai d'abord que je suis très europhile. J'ai fait ma maîtrise en Europe et j'ai toujours été très attiré par l'Europe. Cela dit, depuis le début des travaux de ce comité, on sent dans les différents témoignages une espèce de fatalisme. L'exemple le plus frappant, à mon avis, a été le témoignage de la Chambre de commerce du Canada, la semaine dernière, qui disait: oui, on sait qu'un pays a besoin de diversifier son économie, oui, on sait qu'un pays a besoin de diversifier ses marchés, oui, on sait qu'il faut envahir le monde et ne pas se limiter à un marché, mais—il y avait toujours un «mais»—on a à côté de nous le marché le plus puissant, le plus dynamique, le plus gros de l'humanité, celui qui tourne à plein régime. Un homme ou une femme d'affaires a toujours tendance à regarder au sud de la frontière plutôt que d'aller en Europe. Pour aller en Europe, on doit traverser l'Atlantique, et il y a toutes ces différences culturelles, alors que nous avons beaucoup plus d'affinités avec les Américains. Donc, on a un peu l'impression que ce que fait votre comité est intéressant, mais que, malgré tous les efforts qu'un gouvernement, provincial ou fédéral, pourrait faire, la première priorité, c'est les États-Unis. En deuxième lieu, mais loin derrière, il y a les accords multilatéraux, principalement l'OMC, et ensuite certains autres marchés possibles, dont celui de l'Europe.
Monsieur Clarke, en tant que sous-ministre adjoint, ne sentez-vous pas que vous avez toujours à vous battre contre cela? Deuxièmement, est-ce qu'il vaut la peine de se battre contre cela? Au lieu d'essayer de se battre contre des moulins à vent, est-ce qu'on ne devrait pas profiter du fait qu'on est à côté des États-Unis et accepter les avantages mais aussi les inconvénients de cette proximité?
[Traduction]
M. William Clarke: Merci. Ce sont des points très intéressants.
Tout d'abord, je dois vous dire qu'une petite partie du problème dans les relations canado-américaines, c'est que les États-Unis sont tellement puissants que tout le reste semble petit. Nous avons assisté à des augmentations marquées depuis cinq ans, pendant cette grande période de croissance aux États-Unis, à tel point que nos rapports avec les États-Unis ont tendance à masquer les rapports que nous avons avec d'autres pays. Cependant, comme j'essayais de l'expliquer, nous avons maintenant des investissements bilatéraux de 100 milliards de dollars entre le Canada et les pays d'Europe, pour la plus grande partie l'Europe occidentale, et des rapports commerciaux de quelque 50 milliards de dollars. Cela revêt beaucoup d'importance pour certaines entreprises clés de notre économie.
Deuxièmement, j'ai essayé de donner des exemples d'investissements en Suède. Personne, ni à Montréal ni à Toronto, ne minimiserait le rôle de l'investissement européen dans ces deux villes au cours des dix dernières années. Ces investissement sont extrêmement important pour nous, et il est important également d'attirer encore plus de ces investissements au cours des prochaines années.
Il s'agit donc d'investissements, et non pas de commerce, mais de votre côté, c'est surtout l'aspect commerce de l'équation qui vous intéresse. Toutefois, je considère que l'investissement est tout aussi crucial et que dans ce domaine nous avons un rôle aussi important à jouer.
Dans le climat de mondialisation où nous vivons actuellement, les compagnies canadiennes ont tout intérêt à être présentes sur la scène européenne pour protéger leurs arrières. Si ces compagnies se laissent obnubiler par ce qui se passe sur le marché américain, elles risquent fort de se faire dépasser par la concurrence dans d'autres marchés, et je pense en particulier à la concurrence de l'Europe occidentale. En étant présentes sur le marché européen, les compagnies canadiennes peuvent être beaucoup mieux à l'écoute des réalités de la concurrence, à l'heure actuelle et pour l'avenir.
Presque uniquement à titre d'observation, je comprends vos arguments. Il est intéressant de noter que vous avez fait votre maîtrise en Europe; c'est un endroit du monde qui est toujours très intéressant à visiter. En fait, j'ai rarement rencontré un Canadien, quelle que soit sa province, qui n'ait pas trouvé le commerce avec l'Europe occidentale au moins aussi passionnant que le commerce avec les États-Unis. Personnellement, je peux dire que beaucoup de compagnies trouvent le commerce avec l'Europe plus difficile, mais cela ne les empêche pas d'y prendre un intérêt considérable.
• 1620
Ma dernière observation, c'est que vous devriez discuter avec
la SEE du fait que les États-Unis sont considérés, en quelque
sorte, comme un marché facile, sans risque. Dans la réalité,
beaucoup de prêts irrécouvrables de la SEE sont consentis aux
États-Unis. Contrairement à ce qu'on pense généralement, c'est
souvent sur le marché américain que les firmes canadiennes se
heurtent à des problèmes. Cela ne veut pas dire que les compagnies
devraient cesser leurs activités là-bas, mais le commerce avec les
États-Unis n'est pas un pique-nique, selon l'expression consacrée.
Pour réussir sur ce marché-là, il faut être très prudent et très
bien préparé. Cela dit, tout n'est pas mauvais dans ce domaine, et
dans tout le Canada de petites et moyennes entreprises obtiennent
aujourd'hui de bien meilleurs résultats aux États-Unis qu'il y a 25
ans. Ces compagnies-là devraient se débrouiller tout aussi bien
lorsqu'elles se tourneront vers l'Europe.
[Français]
M. Richard Marceau: Permettez-moi d'abord de relever votre commentaire sur le plaisir qu'on a en Europe, mais je ne voudrais pas m'attarder trop longtemps là-dessus pour différentes raisons.
Dans un document remis au comité par le recherchiste Peter Berg, j'apprenais que le Conference Board du Canada arrivait à la conclusion que peu de gens d'affaires, de part et d'autre de l'Atlantique, connaissaient l'autre partenaire. Les Canadiens ne connaissent pas assez l'Europe et les Européens ne connaissent pas assez le Canada. Quand j'ai lu cela, j'ai été un peu surpris. Je reviens encore une fois au témoignage de la Chambre de commerce du Canada de la semaine dernière. On nous a dit que le problème n'était pas qu'il n'y avait pas assez d'information, mais bien qu'il y en avait trop. La plupart des gens d'affaires font consciemment le choix d'aller vers les États-Unis.
Cela dit, il y a une mission parlementaire qui revient d'Europe. J'ai parlé à quelques personnes qui ont participé à cette mission parlementaire. Elles se sont fait dire que
[Traduction]
le Canada n'est pas sur l'écran radar.
[Français]
Il n'est pas là du tout. Il n'existe pas. Il n'est pas là du tout, du tout.
Vous dites que nous devons être plus présents dans les conventions, je crois. Comment appelez-vous cela?
[Traduction]
Une voix: Les trade fairs, les foires commerciales.
[Français]
M. Richard Marceau: Dans les trade fairs. Premièrement, est-ce suffisant? Deuxièmement, qu'est-ce qu'un gouvernement peut faire, s'il peut faire quelque chose, pour favoriser le commerce ou les investissements? Est-ce rêver en couleur que de penser que l'État peut faire un gros changement ou si on ne devrait pas tout simplement laisser les forces du marché agir elles-mêmes?
[Traduction]
M. William Clarke: Pour commencer, au sujet de la réputation du Canada, j'ai essayé d'expliquer le plus clairement possible que nous pouvons faire plus, que nous devons faire plus dans ce domaine, car le marché européen est un marché extrêmement concurrentiel, à la fois pour le commerce et pour les investissements. Les gens d'affaires européens ont aujourd'hui à leur disposition un plus grand nombre de marchés qu'il y a trente ans, par exemple. Il y a trente ans, la plupart des compagnies européennes n'étaient pas fermement établies en Chine, en Russie, dans tous les pays de l'ex-Union soviétique. Les débouchés en Asie étaient loin d'être aussi considérables, et le Canada était alors beaucoup plus présent sur l'écran radar, car les grandes compagnies européennes avaient avec nous des liens historiques à cause du rôle que nous avions joué pendant la guerre.
De nos jours, lorsqu'elles cherchent des partenaires, des débouchés et des marchés, les compagnies européennes disposent d'options bien plus nombreuses, tout comme les compagnies canadiennes et les compagnies américaines. Elles peuvent se tourner vers la Chine, vers la Russie, elles peuvent aller en Amérique du Sud, ou encore dans les pays en développement rapide du Sud-Est asiatique. L'Inde est en train de s'ouvrir et d'offrir des débouchés considérables, et pour cette raison il est important de bien se placer, de bien faire connaître l'ensemble du pays, les débouchés commerciaux et les possibilités d'investissement que nous avons, en insistant sur nos points forts.
• 1625
Quant au rôle du gouvernement, il est particulièrement
important d'être présent dans ces grandes foires commerciales et de
permettre à des groupes de gens d'affaires d'exposer dans ces
foires. Cela suppose des déboursés minimes, car c'est le secteur
privé qui organise et qui paie la majeure partie des dépenses,
mais, d'un autre côté, nous les encourageons à participer à ces
grandes foires et nous leur montrons les possibilités. À l'heure
actuelle, ces manifestations sont nombreuses en Allemagne.
Pratiquement tous les secteurs de l'industrie organisent une grande
foire européenne où nous devrions planter notre drapeau, à la fois
du côté du commerce et du côté des investissements.
Je le répète, la meilleure façon de prouver à l'entreprise privée que nous accordons beaucoup d'importance au marché européen et que nous voulons faire connaître là-bas les débouchés que nous offrons du côté du commerce et du côté de l'investissement, c'est de continuer nos efforts en vue de conclure une entente de libre-échange avec l'Union européenne. Je suis absolument convaincu que ce genre de chose serait excellente pour le Canada, que cela constituerait un signal important pour nos entrepreneurs. Cela dit, j'essaie de faire comprendre en même temps que le gouvernement ne doit pas toujours montrer l'exemple, qu'il importe de synchroniser nos efforts avec le secteur privé.
D'après ce que j'ai pu constater, les compagnies canadiennes, et en tout cas les principales compagnies, s'intéressent vivement à l'Europe, car c'est un marché énorme, pratiquement de la même taille que les États-Unis, et l'ignorer serait courir un risque considérable. Au cours des 25 dernières années, les PME se sont tournées principalement vers les États-Unis à cause de la croissance considérable de ce marché, et parce que c'est un partenaire tout naturel. Il est très facile de passer de Montréal à Boston ou de Toronto à Buffalo. Toutefois, je pense que beaucoup de compagnies, après s'être taillé une place sur le marché américain, vont maintenant se tourner vers l'Europe et se dire: «Eh bien, les choses vont bien avec Boston; voyons voir ce qu'on peut faire à Londres, à Bruxelles ou ailleurs.» Voilà la tendance actuelle.
À titre d'exemple, il y a 25 ans j'étais à Stockholm, et, à l'époque, dans toute la Suède il n'y avait que trois compagnies canadiennes: une compagnie aérienne, un bureau canadien du tourisme et Seagram. De nos jours, dans le secteur informatique seulement, 30 compagnies canadiennes ont des représentants à Stockholm qui vendent des produits d'informatique, de télécommunication et de haute technologie. Ils sont basés à Stockholm et desservent de là les pays scandinaves, la Russie et les pays baltes. C'est une tendance que vous pourrez constater dans un très grand nombre de villes.
Il ne faudrait pas que le comité pense que tout le Canada s'occupe exclusivement des États-Unis à cause de la richesse de ce marché et ignore totalement les autres marchés. J'essaie de faire comprendre que ce n'est pas vrai. Quand vous allez à l'étranger, dans des endroits comme Bruxelles, vous pouvez trouver une chambre de commerce canado-belge. Nous avons également une chambre de commerce canado-suédoise, qui, en l'espace de cinq ans, a vu le nombre de ses membres passer de quatre à 114. En Belgique, la chambre de commerce a 120 membres. Ces gens-là sont des entrepreneurs qui se rencontrent au petit-déjeuner ou au déjeuner, établissent des réseaux, échangent des opinions, et essaient de tirer parti des débouchés dans cet environnement.
Je pense que nous avons de bonnes raisons d'être optimistes. Il suffira de maintenir nos efforts, de continuer à faciliter les choses et de nous assurer que le secteur privé et les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble et sont tous sur la même longueur d'onde. Sur ce plan-là, je pense que nous sommes très efficaces, car nous cherchons tous à favoriser le commerce et les investissements. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont très présents en Europe, en particulier sur le plan des investissements.
La présidente: Merci.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci.
Je me demandais si vous connaissiez le projet ITER.
M. William Clarke: Oui.
M. Alex Shepherd: J'ai eu l'occasion de m'en occuper, et beaucoup de gens m'ont dit que le MAECI n'avait pas particulièrement encouragé cet investissement au Canada.
Comme vous le savez, il s'agit d'investir quelque chose comme 10 milliards de dollars sur une période de 30 ans. On aurait dit que certains éléments au ministère étaient contre cet investissement. Quels exemples puis-je vous donner? Eh bien, je sais qu'il y a un aspect politique à cette question également, mais tout le système, le ministre du Commerce international, les fonctionnaires, semblent tirer de l'arrière lorsqu'il s'agit, par exemple, de faire avancer ce projet.
• 1630
Est-ce qu'on peut dire cela? On me l'a répété plusieurs fois.
M. William Clarke: Je vais vous dire ce que j'en pense, après quoi mes collègues auront peut-être quelque chose à ajouter.
En novembre dernier, les deux sous-ministres de notre ministère—c'est-à-dire le sous-ministre chargé du commerce international et le sous-secrétaire d'État chargé des affaires étrangères et du commerce international, Don Campbell et Rob Wright—ont rencontré l'équipe de gestion d'ITER et lui ont expliqué que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international était fermement en faveur de cette initiative ITER, et que nous étions prêts à offrir à toutes nos ambassades et consulats dans le monde entier toute l'aide nécessaire pour faire progresser le projet.
Après cela, l'équipe d'ITER s'est rendue dans plusieurs capitales européennes. Je viens de lire les rapports sur la visite de cette équipe à Bruxelles et en Allemagne. À Bruxelles, notre ambassade auprès de l'Union européenne a pleinement soutenu l'équipe d'ITER et lui a permis d'avoir des discussions extrêmement fructueuses avec des hauts fonctionnaires de l'Union européenne. J'ai lu le rapport de notre ambassade en Allemagne sur la visite de l'équipe d'ITER. Là encore, notre ambassadeur et ses collaborateurs de l'ambassade de Berlin ont accordé à l'équipe d'ITER tout le soutien dont elle avait besoin, et grâce à eux cette équipe a pu avoir des discussions très intéressantes avec les fonctionnaires allemands.
Si notre ministère a certaines hésitations, c'est seulement parce que nous n'avons pas de ressources financières à consacrer à ce projet, car nous ne sommes pas le ministère chargé de cet aspect-là. Toutefois, je pense que nous offrons toute l'aide possible sur le plan du marketing et de la promotion, nous faisons tout ce que nous pouvons pour que le Canada obtienne le projet ITER, mais, d'un autre côté, notre ministère ne dispose pas de fonds pour investir dans le projet. Si c'est à cet aspect-là que vous faites allusion, c'est une réalité dont nous devons nous accommoder, car nous n'avons tout simplement pas les fonds nécessaires.
M. Alex Shepherd: Je comprends bien vos arguments en ce qui concerne l'argent, mais c'est loin d'être le seul facteur.
M. William Clarke: Oui.
M. Alex Shepherd: Mais l'impression que j'ai eue, c'est que faute d'engagement financier on hésitait aussi à encourager ce dossier. Est-ce que c'est vrai?
M. William Clarke: Je ne le pense pas, vraiment pas. Ils sont maintenant sur le point d'aller à Londres. Avez-vous parlé aux membres de l'équipe depuis leur dernière visite en Europe? Avez-vous discuté de leur prochaine visite au Royaume-Uni? Notre haut commissaire...
M. Alex Shepherd: Je vais le faire.
M. William Clarke: Oh, vous faites partie du groupe. Je pense que vous pourrez le constater après cela, et si c'est le cas, ce sera une bonne chose. Pour eux, tout le programme est organisé et administré par notre ambassade au Royaume-Uni.
M. Alex Shepherd: Il y a quelque temps, un autre témoin nous a dit que le Canada ferait peut-être mieux de choisir avec plus de soin certains éléments du marché européen, au lieu d'essayer de jouer sur tous les tableaux. Pour cette raison, il serait peut-être bon de concentrer nos efforts sur les petits pays, des pays où notre influence peut mieux se faire sentir. D'autre part, j'ai trouvé très intéressant ce que vous avez dit de la Suède, car, de toute évidence, la Suède et le Canada ont beaucoup en commun.
M. William Clarke: Oui.
M. Alex Shepherd: Est-ce que ce genre de stratégie aurait certains avantages?
M. William Clarke: Je pense qu'à l'heure actuelle la majeure partie des marchés de l'Europe occidentale sont extrêmement libres et, à l'exception de quelques restrictions sur le commerce et les investissements, ce sont, fondamentalement, des marchés ouverts. Si nous avons bien réussi en Suède et aux Pays-Bas, entre autres, c'est parce que notre secteur privé a décidé d'être très présent, de s'imposer, et il a trouvé là-bas un climat accueillant. Ce genre de chose dépend souvent des relations de personne à personne. Les gens d'affaires canadiens semblent s'entendre très bien avec les gens d'affaires suédois. J'ai constaté la même chose aux Pays-Bas, un pays où j'ai passé 30 ans. La situation est la même.
En ce qui concerne le ciblage, je n'aime pas l'idée de viser certains pays au lieu de collaborer avec notre secteur privé pour développer les meilleurs marchés possible. D'un autre côté, certains marchés sont beaucoup plus difficiles que d'autres. Pour les compagnies canadiennes, l'Allemagne a toujours été un marché difficile, parce que l'Allemagne est un pays extrêmement industrialisé, un pays où il est difficile de s'imposer. Deuxièmement, il y a la barrière linguistique et, troisièmement, par le passé nous n'avons pas toujours maintenu nos efforts de commercialisation d'une façon constante, année après année. Il est certain que jadis, pour des raisons linguistiques, il était plus facile pour nous de traiter avec les Suédois et les Néerlandais.
• 1635
Toutefois, de nos jours l'anglais est devenu la langue
d'affaires virtuelle dans toute l'Europe, et tous les gens que vous
rencontrez, même dans les petites et moyennes entreprises, sont
prêts à traiter en anglais, si bien que cet avantage n'est plus
aussi marqué aujourd'hui.
Toutefois nous avons bien réussi dans de petits marchés, car, par le passé, ils avaient tendance à accueillir volontiers nos gens d'affaires. Ceux-ci connaissent bien les industries suédoises, car nous avons en commun quelque chose de très important, c'est-à-dire tout le secteur forestier et une industrie basée sur les ressources.
M. Alex Shepherd: Enfin, vous avez mentionné la nécessité d'attirer du capital et des investissements au Canada, de concurrencer d'autres pays sur ce plan-là. Nous savons tous à quel point notre système est différent du système américain, puisque là-bas on donne aux compagnies des terres gratuitement, les municipalités leur accordent des exonérations de taxe, etc. Est-ce que cela désavantage beaucoup le Canada? Est-ce que le fait que nos municipalités ne puissent pas accorder ce genre de choses nous fait tomber de l'écran radar?
M. William Clarke: Un des grands avantages des Américains, c'est ce système qui permet de vendre des obligations en échange d'investissements dans une collectivité donnée. Aux États-Unis, les municipalités ont une excellente petite affaire fiscale: elles peuvent vendre des obligations municipales, ce qui leur permet de recueillir des fonds qu'elles consacrent alors au développement industriel. Que je sache, cela n'existe pas au Canada.
D'un autre côté, à cause du cours du dollar canadien à l'heure actuelle, nous sommes très concurrentiels, et cela nous permet de compenser en partie cet avantage des Américains.
Pour commencer, nous avons constaté auprès des compagnies que j'ai consultées que celles-ci avaient un préjugé extrêmement favorable à l'endroit du Canada à cause de la loyauté de la main-d'oeuvre. À titre d'exemple, Ericsson a à Montréal une installation dont j'ai déjà parlé et qui compte environ 1 000 ingénieurs. Cette compagnie a une installation similaire au Texas. Au Canada, Ericsson affiche un taux de roulement de la main-d'oeuvre d'environ 4 p. 100 par an, alors qu'au Texas ce chiffre est de 100 p. 100 sur trois ans. Il est donc extrêmement avantageux pour nous de pouvoir compter sur cette loyauté de la main-d'oeuvre, qui offre des possibilités exceptionnelles.
En second lieu, et vous l'avez probablement déjà vu, il y a cette étude qui a été conduite par notre ministère en coopération avec KPMG, un important cabinet de consultants, une étude qui comparait les coûts d'entreprise sur les principaux marchés aux États-Unis, au Canada et en Europe. Cette étude révélait que, sous cet angle-là, le Canada offrait un net avantage. Vous savez aussi bien que moi que ce qui intéresse avant tout les compagnies, ce sont leurs bénéfices après impôt et le rendement de l'investissement. Si nous pouvons offrir un meilleur rendement de l'investissement que la Caroline du Sud, le Michigan ou la Californie, les compagnies vont venir s'implanter ici. Et à l'heure actuelle nous sommes extrêmement concurrentiels à cet égard.
Je vous dirais donc qu'effectivement les incitatifs constituent un facteur important, mais ce n'est qu'un facteur sur la dizaine qui comptent beaucoup pour l'investisseur étranger.
Enfin, certaines de nos municipalités font preuve de beaucoup d'ingéniosité pour essayer d'attirer les compagnies. Certaines sont plus volontaires que d'autres à ce sujet, mais au Canada les municipalités peuvent effectivement offrir quelque chose pour nous aider, en proposant notamment des terrains viabilisés et une tarification préférentielle des services municipaux.
M. Alex Shepherd: Lorsque vous parlez des obligations municipales, voulez-vous laisser entendre qu'il n'y a pas suffisamment de terrains viabilisés au Canada?
M. William Clarke: Non, ce que je veux dire, c'est que jusqu'à présent les municipalités américaines ont fort bien réussi à augmenter leurs recettes fiscales. Par ailleurs, il leur est impossible d'utiliser l'argent du contribuable pour le donner à Mercedes-Benz. Par contre, elles peuvent vendre des obligations, aller chercher 20 millions de dollars et utiliser le produit de la vente de ces obligations pour promouvoir l'investissement local et accorder directement une aide financière à une compagnie comme Mercedes, et c'est ce qui se passe en Californie, au Texas, en Caroline du Sud et en Alabama. Nous n'avons rien d'équivalent au Canada. Les municipalités ne peuvent aller puiser que dans leur propre caisse fiscale.
La présidente: Je vous remercie. J'aurais à mon tour une toute petite question.
Excellence, j'ai été étonnée de vous entendre dès le début parler de la présence canadienne au Royaume-Uni, parler de ces 100 compagnies. À l'heure actuelle, nous avons également un gros irritant commercial avec l'Union européenne. Nous semblons demander une indemnisation aux Britanniques. En quoi ces irritants perturbent-ils les échanges commerciaux? Y a-t-il un effet négatif? Outre le fait que les gens voient le Canada comme un pays de montagnes, de lacs et de rivières, les étrangers disent-ils également de nous: peu importe, ce n'est qu'un irritant commercial de plus?
M. William Clarke: Je pense que je vais demander à mon amie Susan ainsi qu'à Cameron d'y répondre. Voulez-vous essayer, Susan?
Mme Susan Cartwright (directrice générale, Union européenne, Europe du Nord et de l'Ouest, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je ne sais pas au juste de quel irritant commercial vous voulez parler au sujet du Royaume-Uni mais ceux qui existent nous opposent à l'Union européenne, étant donné...
La présidente: Non, cela je le comprends fort bien. Nous allions exercer des représailles à l'encontre de l'Union européenne en interdisant l'importation de biscuits, de confitures et de gelées, peu importe... Il s'agissait du contentieux du boeuf aux hormones.
Mme Susan Cartwright: Effectivement, c'était bien cela.
La mise en place de mesures de représailles est un processus long et complexe par lequel nous essayons de toucher directement les exportations qui sont touchées par la mesure contre laquelle nous voulons ces représailles. Nous essayons d'identifier les exportateurs ou les industries exportatrices qui occasionnent un préjudice au Canada, et c'est eux que nous essayons de cibler. Nous tenons également compte des intérêts des milieux d'affaires canadiens, qui ont la possibilité, dès lors que la liste est publiée dans La Gazette, de nous répondre, de protester, etc.
Lorsque nous dressons donc cette liste de représailles, il s'agit d'une entreprise de longue haleine et relativement complexe. C'est aussi une entreprise à laquelle nous participons tous. C'est une réalité du monde des différends commerciaux—je suis persuadée que vous le savez fort bien—et je n'irais pas jusqu'à dire que si nous sommes ou ne sommes pas dans le collimateur des Européens par rapport aux États-Unis ou tout autre marché important, c'est la résultante du fait que nous sommes associés à tel ou tel irritant ou différend commercial. Comme je le disais, dans le monde des échanges commerciaux, c'est là une réalité, et je ne vois pas du tout de lien de cause à effet. C'est une réalité désagréable, mais nous l'acceptons tous.
Pourrais-je ajouter une ou deux choses encore?
[Français]
J'aimerais d'abord répondre aux commentaires que vous avez faits et aux questions que vous avez posées, qui étaient très intéressants. Vous avez parlé d'un fatalisme. Moi, je préférerais parler d'un réalisme. Le marché des États-Unis est le plus grand marché que nous ayons, et c'est une réalité. Il n'y a rien à faire pour changer cela et nous n'avons pas intérêt à le faire. Cependant, nous cherchons à accroître nos marchés partout dans le monde. Il y a ici trois personnes qui travaillent au jour le jour avec l'Europe. Nous le faisons parce que c'est intéressant et parce que nous voyons que nous avons de réelles occasions d'affaires en Europe. Ce n'est pas que nous oubliions les États-Unis, mais pour nous, les États-Unis sont mis de côté parce qu'il est important de se pencher sur les marchés européens.
[Traduction]
Vous vous demandiez si nous avions trop d'information ou pas assez. Je pense que la question de l'information est la même, quel que soit le marché que nous desservons, quel que soit le secteur et quel que soit le contexte. Nous avons beaucoup d'information, mais je ne suis toujours pas convaincue que nous nous connaissions mutuellement suffisamment bien, et c'est d'ailleurs quelque chose à quoi nous pourrions travailler par l'entremise de nos missions en Europe. C'est quelque chose que nous pourrions faire par des contacts individuels, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous favorisons ces contacts, pas seulement entre représentants des milieux d'affaires, mais également entre universitaires et parlementaires, entre Canadiens et Européens de tous les milieux.
• 1645
Vous avez également parlé des foires commerciales et vous nous
avez demandé si nous pouvions faire davantage sur ce plan. Tous les
programmes que nous conduisons dans nos missions en Europe et
ailleurs dans le monde ont pour but de valoriser nos intérêts
commerciaux. Il n'y a pas vraiment de compartimentation de nos
programmes dans nos missions à l'étranger. Ce que nous faisons par
exemple dans le domaine culturel, c'est renforcer l'image de marque
du Canada et travailler à renforcer notre programme de commerce et
d'investissement. Ce que nous faisons pour favoriser les rapports
dans le monde universitaire comporte également un volet
investissement.
Nous pouvons, certes, faire beaucoup, et nous faisons déjà beaucoup. Même s'il s'agit de l'axe porteur des rapports que nous entretenons pour promouvoir le commerce et l'investissement canadiens, il n'y a pas que des activités à caractère purement commercial. Ces activités vont demeurer l'essentiel, c'est certain, mais ce n'est pas uniquement cela que nous faisons. Grâce à nos missions à l'étranger, nous travaillons à valoriser par divers moyens l'image de marque du Canada.
M. Cameron Siles (conseiller en relations commerciales, Direction générale de l'Union européenne, de l'Europe du Nord et de l'Ouest, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais donner une autre perspective à ce que M. Clarke a déclaré en réponse à l'une des questions de M. Shepherd.
Si je ne me trompe pas, vous avez demandé en particulier s'il serait possible de choisir certains pays de l'Union européenne et de ne cibler que ceux-là. Il importe ici de ne pas perdre de vue ce qui se passe actuellement en Europe. Les tendances intégrationnistes sont extrêmement fortes. L'exemple le plus visible en est l'euro, la monnaie unique, qui unit actuellement 11 des 15 États membres, quoique la Suède ne soit pas encore de ceux-là. La théorie veut—et j'ai la conviction que c'est ce qui va se produire—que lorsque l'euro sera en circulation dans la quasi-totalité des 15 États membres, les compagnies canadiennes qui seront implantées dans l'un de ces États pourront alors desservir l'ensemble du marché.
Il y a actuellement en Europe un marché beaucoup plus uni qu'il ne l'a jamais été. Lorsque le projet de monnaie unique se concrétisera, il n'y aura plus cette volatilité des taux de change, ni ces différences de conditions entre les différents marchés locaux. Certes, certaines de ces différences demeureront. Il y aura toujours des langues différentes. Mais je pense qu'on verra beaucoup plus de compagnies canadiennes profiter de ce nouveau marché unifié pour pouvoir exploiter l'ensemble du marché européen.
C'est cela que je voulais ajouter aux propos de M. Clarke.
La présidente: Je vous remercie.
[Français]
Monsieur Marceau, une petite question.
M. Richard Marceau: J'ai une petite question pour M. Siles.
Vous avez spécifiquement mentionné l'euro, qui faciliterait le commerce dans l'ensemble de l'Europe parce qu'il serait un élément intégrateur intéressant. Pensez-vous que l'idée d'une monnaie unique pour les pays de l'ALENA ou peut-être pour l'ensemble des Amériques pourrait être intéressante pour les investisseurs européens? Plusieurs m'ont dit que les variations assez importantes du dollar canadien avaient quelque chose à voir avec le fait qu'ils préféraient investir aux États-Unis, qui est le principal marché de l'ALENA. Pensez-vous que cela pourrait enlever certains irritants et attirer plus d'investisseurs au Canada?
M. Cameron Siles: Vous savez bien, monsieur Marceau, que c'est un débat qui est très d'actualité. Le gouverneur de la Banque du Canada, M. Thiessen, et M. Martin...
M. Richard Marceau: Je sais, mais je veux votre opinion à vous. C'est pour cela que vous êtes ici. Je vais parler à M. Thiessen et M. Martin, mais je veux votre opinion à vous.
M. Cameron Siles: Nous pourrons peut-être nous pencher sur cette question après 17 h 30. En tout cas, ayant moi-même fait des études en Europe, j'ai un certain point de vue, mais je pense qu'une politique monétaire indépendante canadienne nous a bien servis. Elle a servi d'amortisseur de certains chocs externes par rapport aux produits primordiaux. Je sais très bien que c'est un débat dans lequel on trouve parfois une certaine rigueur au Canada, dans le cas de certains économistes et de certaines universités.
Je pense qu'il y a un certain... [Note de la rédaction: Mot inaudible] ...entre notre marché et le marché nord-américain. On ne peut pas facilement comparer notre situation à celle de l'Europe. Il y a quelques grandes puissances économiques à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie. Il y a, dans une certaine mesure, quelques économies semblables. Ici, en Amérique du Nord, ce n'est pas le cas. On essaie de comparer des pommes et des oranges.
• 1650
Personnellement, j'ai suivi le débat avec beaucoup
d'intérêt et je pense qu'on ne pourra pas envisager
une union monétaire
nord-américaine avant au moins
quelques années. Je suis
fortement d'accord avec le gouverneur
Thiessen et M. Martin, qui disent que ce ne serait pas
bon pour nous
à court ou à moyen terme.
M. Richard Marceau: Merci.
[Traduction]
La présidente: Je vous remercie.
Merci beaucoup, Votre Excellence monsieur l'ambassadeur Clarke et Votre Excellence madame l'ambassadrice Cartwright. Merci à vous également, messieurs Siles et Scott, de vous être joints à nous. Je ne doute pas que nous pourrions continuer ainsi la discussion et les questions pendant plusieurs heures encore, mais nous avons reconvoqué M. Myers, et je ne voudrais pas devoir le faire comparaître une troisième fois. Il a déjà été très patient.
Monsieur Myers, merci pour votre patience, et la parole est à vous.
M. Jayson Myers (vice-président principal et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Je vous remercie, madame la présidente, et je vous remercie aussi de m'avoir invité à revenir devant le comité.
Je me ferai pour l'essentiel l'écho de ce que viennent de déclarer Son Excellence monsieur l'ambassadeur Clarke et ses collègues. À plusieurs reprises, j'ai eu beaucoup de mal à m'empêcher d'intervenir dans la discussion, et je vais donc tenter de revenir sur certains éléments qui ont été évoqués un peu plus tôt.
Dans le contexte actuel, je pense qu'il est sans doute opportun de commencer un témoignage devant un comité en disant quelques mots au sujet de l'alliance. À l'heure actuelle, l'image de marque est un problème non seulement pour le Canada, mais également pour d'autres alliances. Je tiens à le faire non seulement parce que c'est une histoire intéressante, mais également parce que c'est une histoire qui montre dans quoi l'industrie canadienne s'est engagée.
Comme vous le savez sans doute, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada a été formée en 1996 à la suite de la fusion de l'Association des manufacturiers canadiens et de l'Association des exportateurs canadiens. La première avait été créée en 1871 et avait pour seul objectif de protéger l'industrie canadienne et de s'opposer au libre-échange avec les États-Unis. L'Association des exportateurs quant à elle a été créée dans les années 40 avec pour seul but de promouvoir l'ouverture des marchés du monde entier pour les produits canadiens. Vous pouvez donc voir qu'il a fallu environ 100 ans pour que l'industrie canadienne abandonne son attitude protectionniste et introvertie pour se tourner maintenant surtout vers les marchés étrangers.
Il y a un chiffre que je cite toujours dans mes exposés, et c'est celui-ci: à l'heure actuelle, 65 p. 100 de toute la production industrielle du Canada est exportée. De fait, plus de 55 p. 100 de la valeur de ce que produit l'industrie canadienne au Canada est exportée sur le marché américain ou transite par lui. Les États-Unis sont effectivement le marché privilégié des compagnies canadiennes et des exportateurs canadiens, puisque à l'heure actuelle les exportateurs ne sont pas uniquement des manufacturiers, mais également des fournisseurs de services.
Notre association compte environ 3 500 membres, dont la majorité des plus grosses compagnies canadiennes. Nos membres représentent environ 95 p. 100 de tout ce que le Canada exporte. Un grand nombre de nos membres sont de grosses compagnies qui ont pignon sur rue en Europe. J'ai également compté 180 filiales de compagnies européennes qui font partie de notre association, et on y trouve également beaucoup d'autres qui appartiennent en partie à des intérêts européens. Par ailleurs, la majorité de nos membres sont de petites compagnies, et je pense que ces petites compagnies s'intéressent de plus en plus au marché européen non seulement pour exporter, mais également pour investir et pour s'implanter.
Selon moi, l'Europe est un marché important en raison d'une part de sa taille et d'autre part de son potentiel de croissance, surtout dans les secteurs de haute technologie, en plus du fait qu'il s'agit également d'un marché extrêmement évolué. Les compagnies canadiennes qui vendent aux États-Unis pourraient fort bien aussi vendre en Europe. Du point de vue de la qualité et du design, l'Europe est peut-être aussi un marché beaucoup plus évolué que le marché nord-américain. L'Europe est également un marché très exigeant et extrêmement concurrentiel. Lorsque nous parlons de promouvoir et d'encourager le commerce et l'investissement entre le Canada et l'Europe, je pense que nous devons également envisager de donner aux petites compagnies canadiennes les moyens de vendre et d'investir sur le marché européen.
• 1655
Je vous ai déjà parlé de l'importance du marché américain pour
le Canada. C'est un marché important, certes, mais je dirais
qu'aujourd'hui nous ne devrions peut-être pas envisager les
relations économiques bilatérales de la même façon que les échanges
commerciaux canado-américains. Nous devrions plutôt considérer le
marché nord-américain comme un marché monolithique. C'est ainsi que
les investisseurs le considèrent le plus souvent. Lorsque nous
essayons de promouvoir les exportations et l'investissement, je
dirais qu'aujourd'hui ce sont l'Europe et l'Asie qui sont les
marchés d'exportation, et pas nécessairement les États-Unis. Je ne
veux nullement sous-estimer ici l'importance du marché américain
pour les compagnies canadiennes, mais il faut bien se rappeler que
ce marché est un marché fermé sur lequel les compagnies canadiennes
sont déjà actives. Il faudrait plutôt se tourner maintenant vers
des marchés différents.
Nous devons également envisager les relations commerciales entre l'Europe et le Canada sous des angles différents, et pas uniquement sous un angle bilatéral. Il n'y a pas que la question des échanges commerciaux entre le Canada et la Suède ou des investissements du Canada au Royaume-Uni, en France ou au Portugal. Il s'agit d'une relation qui a un caractère régional. Nous devons considérer ces liens commerciaux comme des liens entre l'ALENA et l'UE et comme autant de points de pénétration sur ces marchés.
De plus en plus, nous devons à mon avis revoir nos relations commerciales dans une perspective planétaire. Nous ne parlons pas nécessairement ici d'échanges bilatéraux ou d'investissements bilatéraux entre le Canada et l'Europe, mais plutôt de partenariats commerciaux regroupant des entreprises qui vont acheter, vendre et investir dans le monde entier sur les marchés tiers—en Europe de l'Est, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Je pense que pour cultiver une relation bilatérale entre le Canada et l'Europe, c'est là un point de départ extrêmement important, et c'est peut-être aussi un contexte différent à utiliser pour envisager les négociations en matière de commerce et d'investissement entre l'Europe et le Canada.
Ce n'est pas non plus nécessairement quelque chose où nous voudrions voir tous les secteurs englobés dans un genre d'accord de libre-échange bilatéral transatlantique. Il est certain que nous voudrons accorder la priorité à l'adhésion à un cadre de négociation davantage multilatéral, en particulier au sein de l'OMC. Comme je l'ai déjà dit, je pense que les petites compagnies s'intéressent de plus en plus au marché européen, mais il n'y a pas que les compagnies canadiennes qui s'intéressent à l'Europe, où les compagnies européennes s'intéressent également au Canada.
Je pense que nous sommes arrivés à un point—et cela s'inscrit dans le droit fil de ce que vous a dit Son Excellence monsieur l'ambassadeur Clarke—où les compagnies canadiennes qui offrent des technologies, des produits et des services spécialisés ont fort bien réussi aux États-Unis. Ces mêmes compagnies cherchent maintenant à exporter, à investir et donc à étendre leurs activités au-delà du marché de l'ALENA. Je dirais que nous constatons exactement le même phénomène en Europe, les petites compagnies ayant bien réussi au sein de l'Union européenne cherchent maintenant à prendre de l'expansion en Amérique du Nord.
À mon avis, le Canada est un pays très favorable pour l'investisseur, surtout lorsque celui-ci est une petite compagnie européenne. L'envergure du marché canadien, le fait également que les petites compagnies rencontrent... Qu'il s'agisse de la qualité de la population active, du genre de programmes sociaux que nous offrons, de notre système juridique, ou encore tout simplement de la concurrence qui règne sur ces marchés, le Canada est, pour une petite entreprise, un marché d'investissement beaucoup plus favorable que les marchés plus importants.
En revanche, nous avons énormément de travail à faire pour arriver à convaincre les compagnies européennes, quelle que soit leur envergure, petite ou grande, que le Canada est un bon marché d'investissement, étant donné son emplacement ou étant donné les possibilités d'accès au marché américain qu'il présente. Je ne saurais suffisamment insister sur l'effet de séduction énorme que le marché américain exerce actuellement sur l'investisseur, ne serait-ce qu'à cause de son envergure et de la croissance de son économie.
Si nous voulons attirer des investissements, nous devons, je crois, offrir deux choses—ou plutôt trois, si vous tenez compte de l'image de marque—pour que les compagnies étrangères soient parfaitement au courant des potentialités offertes par le marché canadien.
• 1700
Pour commencer, nous devons montrer que le marché canadien est
dynamique. Et je pense qu'il l'est. Je pense que la restructuration
qui a notamment suivi l'ALENA a créé des potentialités énormes au
sein de l'industrie canadienne, dans les compagnies canadiennes de
haute technologie, à la fois pour l'importation de la technologie
et pour l'investissement. Je pense que nous avons un excellent
palmarès à faire valoir en ce qui concerne la dynamique de notre
marché, mais cela, il faut le faire connaître.
Le second élément est simplement la question de la compétitivité tant du point de vue du prix de revient que de celui du rendement de l'investissement. Je dois d'ailleurs en fait me demander, ne serait-ce que du point de vue de la fiscalité et du cadre réglementaire, si nous sommes vraiment aussi compétitifs que nous devrions l'être. Même après le dernier budget, en l'an 2004, le taux d'imposition des entreprises sera toujours plus élevé qu'en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Irlande, et plus élevé également que le taux d'imposition en vigueur dans beaucoup d'États américains, impôt fédéral et impôt d'État confondus. Cet élément à lui seul mérite à mon avis toute notre attention. Nous devons vraiment créer pour l'entreprise un climat très favorable à l'investissement pour contrer l'attrait que présente le marché américain, surtout pour les compagnies européennes.
Rapidement, nous avons parlé à quelques reprises de certains des obstacles qu'on rencontre lorsqu'il s'agit de faire des affaires en Europe. Je pense qu'un obstacle que nous ne mentionnons pas très souvent est la structure de l'économie canadienne comme telle, du fait qu'une si grande partie de nos activités d'exportation soit dictée par des filières américaines au Canada. Ce que nous devons faire, c'est élargir la base d'exportation canadienne dans d'autres économies. Il n'est pas surprenant que notre commerce se soit développé aussi rapidement avec les États-Unis, et il s'agit en grande partie de commerce intrasociété ou de commerce administré entre nos deux économies.
Je suis d'accord avec l'ambassadeur Clarke lorsqu'il dit qu'un plus grand investissement en Europe se traduira par une plus grande activité d'exportation, et un plus grand investissement de l'Europe au Canada se traduira par davantage d'activités d'importation. Ce n'est pas seulement une impression des entreprises canadiennes, mais il existe d'importantes barrières non tarifaires pour faire des affaires en Europe et investir, particulièrement par rapport aux normes et à la réglementation.
Il existe par ailleurs des obstacles en ce qui concerne la capacité des sociétés canadiennes, et je pense que cela a été important également. Les normes de conception, les normes de qualité, les normes environnementales et diverses autres normes de produits et de services sont dans bien des cas beaucoup plus élevées en Europe qu'elles ne le sont sur le marché nord-américain. Je suis d'avis que pour encourager les sociétés canadiennes à faire des affaires sur le marché européen, il faut en partie créer pour les exportateurs canadiens des capacités pour répondre aux demandes de leurs clients sur ce marché. Il ne s'agit pas tout simplement d'espérer qu'ils commenceront à faire davantage de commerce et à investir davantage.
Je pense que ce sont là d'excellentes occasions, et je suis d'accord avec l'ambassadeur Clarke sur ce point.
Pour vous donner un bref aperçu de certaines activités de l'alliance et de nos activités de promotion des affaires en Europe, nous avons entrepris un long dialogue avec les sociétés européennes afin de les encourager à investir au Canada. À cet égard, je me suis personnellement rendu dans la plupart des pays d'Europe pour tenter de les convaincre d'investir au Canada, et je tiens vraiment à reconnaître le rôle, les compétences et la qualité de nos délégués commerciaux dans toute l'Europe. Je pense qu'ils sont simplement exceptionnels.
En plus d'encourager tout simplement le dialogue, nous sommes un membre fondateur de la table ronde Canada-Europe, et je pense que nous devons encourager davantage les entreprises à y participer. Nous dirigeons un certain nombre de missions commerciales et technologiques, non seulement à des foires commerciales, mais également pour examiner les meilleures pratiques d'affaires en Europe, et je pense que c'est une façon indirecte, mais très importante, de créer les liens personnels dont l'ambassadeur Clarke a parlé.
Par ailleurs, nous avons un certain nombre d'ententes avec des associations industrielles européennes grâce auxquelles nous accueillons des sociétés européennes en visite au Canada, et de la même façon elles accueillent les sociétés canadiennes qui cherchent des partenaires en Europe. Nous avons aussi un certain nombre de programmes de source d'approvisionnement—des programmes visant à améliorer la qualité, la conception—surtout avec des sociétés européennes qui sont installées ici au Canada. Je pense que cela est également très important.
• 1705
Enfin, je conclurai en disant que nous pouvons examiner
plusieurs façons pour nous d'accroître les activités d'affaires
entre le Canada et l'Europe, et l'ambassadeur Clarke et ses
collègues nous en ont mentionné plusieurs.
Encore une fois, je ne crois pas que nous devrions perdre de vue le contexte plus général. Ce que nous tentons de faire, c'est d'améliorer la capacité des exportateurs canadiens et des entreprises canadiennes de faire des affaires partout dans le monde. Je pense que les partenariats canado-européens peuvent être efficaces pour établir des relations bilatérales entre le Canada et l'Europe, mais ils offrent peut-être davantage d'occasions d'établir des relations d'affaires sur des marchés tiers en Europe centrale, en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Je pense que c'est là une occasion extraordinaire et que c'est une situation gagnante pour les sociétés qui offrent l'accès au marché ou la technologie, si on tient compte de ce contexte plus général.
C'était là une courte déclaration interminable.
La présidente: Non, c'est très bien. Merci beaucoup, monsieur Myers.
[Français]
Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau: Monsieur Myers, merci d'être ici aujourd'hui. Votre témoignage est très intéressant. Le comité fait une étude des relations économiques entre le Canada et l'Europe. Il ne s'agit pas seulement de faire une étude des faits, mais aussi de faire certaines propositions. J'espère que le comité formulera certaines propositions.
Si demain matin Jayson Myers était ministre du Commerce international du Canada, que ferait-il pour favoriser le commerce et les investissements entre l'Europe et le Canada? Est-ce qu'il négocierait un traité de libre-échange? Est-ce qu'il enlèverait certains irritants qui existent? Est-ce qu'il favoriserait le commerce en enlevant certaines barrières non tarifaires ou réglementaires? Que ferait ce ministre?
[Traduction]
M. Jayson Myers: Après m'être remis du choc d'être devenu le ministre du Commerce international, je pense que ma première priorité serait de m'attaquer aux questions de réglementation et de normes, et je le ferais dans un contexte, peut-être celui d'une négociation multilatérale ou bilatérale avec l'Europe. Il y a de nombreuses différences sur le plan des normes et de la réglementation, des différences qui ressortent. Nous devrions accorder un peu plus d'attention aux accords de reconnaissance mutuelle, là où cela est possible. Le Canada et le gouvernement pourraient prendre l'initiative pour exercer des pressions auprès de la Commission européenne, si ce n'est pour obtenir davantage un accès préférentiel, du moins pour avoir un système plus transparent au niveau de la réglementation, des normes et des préférences d'achat.
La majeure partie de nos activités d'exportation aux États- Unis, et également dans bon nombre de pays d'Europe, s'appuient sur des pratiques d'achat et d'approvisionnement, tant de la part des sociétés que de la part des gouvernements. Souvent, il s'agit d'un processus très opaque, et c'est un autre domaine où nous pourrions faire beaucoup pour améliorer la transparence du processus d'acquisition, du processus de réglementation de l'Union européenne et des pays européens. Je pense que ce serait ma première cible, ou ma première priorité.
Ma deuxième priorité serait de faire valoir les avantages des investissements des entreprises. Le Canada n'a pas eu beaucoup de succès pour attirer l'investissement étranger, et notre part internationale, tout comme notre part du marché américain à cet égard, a chuté. Je pense qu'il est extrêmement important de remettre le Canada sur l'écran radar. Cela va au-delà d'un simple travail de vente en Europe. Nous devons démontrer que nous avons quelque chose à offrir aux investisseurs également, et je pense qu'avec mon collègue, le ministre de l'Industrie, je tenterais très activement de déterminer les conditions au Canada et comment les entreprises européennes voient le Canada comme endroit pour investir, et de répondre à certaines de leurs exigences.
M. Richard Marceau: Vous parlez de faire connaître le Canada. De quoi parlez-vous au juste? Après avoir fait une étude du marché européen, des hommes et des femmes d'affaires et des investisseurs européens, feriez-vous une campagne de charme, une campagne d'information plus intensive auprès d'eux? Concrètement, que feriez-vous? Tout le monde semble s'entendre sur le fait qu'il faut vendre le Canada ou certaines parties du Canada, mais on ne s'entend pas sur la façon de le faire. Ce qui m'intéresse, c'est la façon dont on pourrait faire en sorte que dans l'esprit des hommes et des femmes d'affaires, le Canada ne soit pas seulement les montagnes Rocheuses, Maria Chapdelaine, la cabane à sucre et les chemises carreautées.
[Traduction]
M. Jayson Myers: Je pense qu'il faut que ce soit un effort très ciblé, tout d'abord en réponse aux exigences des entreprises canadiennes qui sont déjà actives en Europe et des entreprises européennes qui sont actives au Canada. Il faut cibler l'effort dans les domaines où nous avons un avantage concurrentiel également, ce qui inclut de plus en plus de sociétés qui offrent un produit spécialisé ou une technologie unique. Ce sont les produits que les entreprises canadiennes peuvent vendre dans le monde, et ce sont des produits clés et des types d'investissements que nous voudrions voir en Europe. Ce sont des types de produits clés que les entreprises européennes aimeraient venir chercher au Canada.
Sous un autre angle, l'ambassadeur Clarke a mentionné certaines des visites d'approvisionnement ou un intérêt de la part des entreprises européennes à s'approvisionner au Canada. Nous sommes une source très intéressante non seulement pour la technologie, mais aussi pour les éléments de grande valeur ou les services de grande valeur. Je pense qu'une façon très efficace d'augmenter les exportations et l'intérêt pour l'investissement est de cibler les entreprises qui s'approvisionnent à l'international, et de les mettre directement en communication avec des fournisseurs éventuels ici au Canada. Nous avons constaté que cela est très efficace en Autriche et dans l'industrie de l'automobile en Italie. Bon nombre de ces entreprises européennes travaillent non pas à partir de l'Europe, mais à partir des États-Unis. En amenant la filiale américaine au Canada, cela mène souvent à des investissements ici.
Quatrièmement, au niveau personnel, il faut cibler les gens qui prennent les décisions d'investissement. Je sais que c'est ce qui se fait dans bon nombre de missions commerciales en Europe.
Bref, je ne crois pas que nous allions très loin avec une grande campagne d'information qui est en quelque sorte une approche «shotgun» en disant qu'il faut faire des affaires au Canada, que le Canada est un merveilleux pays qui peut offrir toutes sortes d'avantages fabuleux ou d'incitatifs fiscaux ou autres. Ce n'est pas ainsi que nous devrions faire des affaires, car je pense que nous avons des éléments très convaincants pour des investissements ciblés. C'est comme pour toute autre entreprise. Très peu d'entreprises feraient tout simplement une campagne de publicité dans les journaux pour vendre leurs produits, pour convaincre les investisseurs d'investir dans leur entreprise. Elles cibleraient plutôt les sociétés avec lesquelles elles veulent travailler, et elles cibleraient leurs investisseurs et feraient leur travail de recherche au préalable.
M. Richard Marceau: Merci.
La présidente: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: J'aimerais aborder une autre question, celle de la modernisation de l'industrie canadienne. Comme vous le savez, notre gouvernement veut que le Canada soit à la hauteur dans le domaine du commerce électronique. Nous avons l'impression que nous pourrions être des chefs de file mondiaux dans ce domaine. Cela étant dit, il y a eu de nombreuses remarques désobligeantes au sujet de la capacité d'adaptation de l'industrie canadienne au commerce électronique. Elle s'y adapte beaucoup plus lentement que l'industrie américaine.
Nous voici en train de promouvoir le commerce, et je suppose que je vais vous relancer la balle. Vous nous avez dit de réduire les taxes. Vous nous dites qu'il faut nous adapter au commerce électronique, car il ne semble pas que nous soyons aussi avancés que les autres, ou même dans le coup. J'imagine que vous pourriez peut-être répondre à cette question.
• 1715
Nous pourrions peut-être passer à l'étape suivante, c'est-à-dire
parler des structures fiscales et voir s'il n'y aurait pas
quelque chose que nous pourrions faire à cet égard. Je pense que
vous et moi avons eu des discussions auparavant, lorsque nous avons
parlé du bogue de l'an 2000. Le gouvernement a mis en place un
programme d'incitation fiscale pour que les entreprises se mettent
au diapason. Nous pourrions peut-être examiner ce que l'on pourrait
faire pour aider les petites et moyennes entreprises, et les
grandes entreprises que vous représentez, à tirer avantage de cela.
Comme vous le savez, il n'y a qu'un certain créneau. Les Européens sont très forts et très rapides dans ce domaine. Que pouvons-nous faire pour changer la culture des entreprises canadiennes afin qu'elles puissent tirer avantage de cela?
M. Jayson Myers: Je pense que ce sont de bonnes questions, et je prends bonne note de votre critique à l'égard des entreprises canadiennes. C'est effectivement une préoccupation non seulement pour ce qui est de l'adoption des technologies de commerce électronique, mais aussi sur le plan des systèmes modernes d'automatisation, des systèmes de conception et des systèmes d'information, qui font tous partie non seulement du secteur manufacturier, mais aussi de n'importe quel secteur d'entreprises aujourd'hui. Le Canada accuse effectivement un certain retard. Nous avons tendance à nous pencher sur des questions comme la productivité, mais si on examine toute une série de diverses mesures, notamment l'introduction et la commercialisation de nouvelles technologies, le rythme d'adoption des nouvelles technologies, la capacité de conception canadienne, ou les niveaux de qualité, nous accusons un retard non seulement par rapport aux États-Unis, mais par rapport à bon nombre de pays d'Europe également.
L'adoption du commerce électronique est un domaine où, je pense, nous avons tendance à mener par rapport aux Européens, et nous pourrions peut-être en tirer avantage en misant là-dessus. Mais encore une fois, c'est ce que je veux dire lorsque je dis qu'une partie de notre stratégie commerciale avec l'Europe doit être d'accroître la capacité de l'industrie canadienne comme telle. Je pense qu'il s'agit d'améliorer la qualité, de s'assurer que les entreprises canadiennes sont en mesure de respecter les normes établies par les clients européens, et de faire en sorte que les entreprises canadiennes soient davantage à la page sur le plan de la technologie et du commerce électronique. C'est un gros défi à relever.
Je pense qu'il y a autre chose derrière toutes les statistiques commerciales, cependant. Il ne faut pas oublier que la base d'exportation ou la base commerciale au Canada est très petite, particulièrement pour ce qui est des entreprises canadiennes qui ont des produits uniques qu'elles peuvent vendre partout dans le monde. Elles ne sont pas tellement nombreuses par rapport à toutes les entreprises canadiennes ou à tous les fabricants canadiens qui pourraient exporter. Bon nombre des sociétés envisagent actuellement d'investir sur le marché européen—elles sont de plus en plus nombreuses à le faire—mais ce sont des sociétés qui ont des technologies uniques et des normes de conception et de qualité très élevées. Bon nombre de ces sociétés appartiennent à des Européens qui sont venus au Canada dans les années 50 et 60. Prenons par exemple Magna, ATS ou Linamar, à Guelph. Toutes ces sociétés sont en train de prendre rapidement de l'expansion en Europe, et ce, parce que leurs propriétaires sont originaires des marchés où elles sont en train de se développer à l'heure actuelle.
Là où je veux en venir avec tout cela, c'est que nous ne devrions pas désespérer parce que tout l'univers des entreprises canadiennes accuse un retard; nous devrions tenter d'accroître la capacité de l'industrie en général. Je pense que nous devrions également cibler nos efforts sur les sociétés qui ont les capacités et qui sont des chefs de file mondiaux dans la technologie et les produits. À court terme, ce sont ces sociétés qui nous permettront d'avoir du succès. Ce sont peut-être ces sociétés également qui seront les chefs de file dans l'industrie canadienne pour ce qui est des meilleures pratiques.
M. Alex Shepherd: Je voudrais plutôt mettre l'accent sur les petites et moyennes entreprises et certaines des grandes entreprises dont vous parlez. Je présume que certaines d'entre elles font partie de votre association également.
M. Jayson Myers: Oui.
M. Alex Shepherd: Vous savez, nous avons cette idée fixe selon laquelle nous devons avoir une entreprise traditionnelle quelque part en Allemagne, par exemple. La réalité, c'est que tout ce dont nous avons besoin, c'est une page Web. C'est de cette question que j'aimerais parler davantage.
• 1720
Il semble que nous n'avons tout simplement pas compris, que
les entreprises canadiennes n'ont pas compris, qu'elles accusent un
retard par rapport à leurs concurrentes aux États-Unis et qu'en
fait les Européens vont les battre à plate couture, et ce genre de
choses. Le gouvernement doit-il mettre en place davantage de
programmes afin d'inciter les entreprises canadiennes à utiliser le
commerce électronique?
M. Jayson Myers: Je ne sais pas jusqu'à quel point c'est vraiment dû au fait que nous n'avons pas suffisamment de pages Web. Je préférerais que le commerce électronique et les nouvelles technologies de communication soient utilisés pour les transactions entre entreprises, car je pense que c'est sur ces capacités que l'on devrait plutôt miser, beaucoup plus que de tout simplement créer un site Web.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les sociétés peuvent afficher un site Web et que nous devrions les encourager davantage à vendre sur le Web, non pas nécessairement en ciblant le marché européen, mais le marché mondial, mais dans l'application de cette technologie, je pense que le développement futur se fera dans les domaines de la conception intégrée, où les entreprises ou les partenaires qui font des affaires au Canada et en Europe peuvent concevoir et fabriquer conjointement un produit pour la vente n'importe où, sur le marché mondial, ou encore ce sera dans la gestion des rapports dans la chaîne d'approvisionnement ou dans des projets de recherche ou de commercialisation conjoints. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que c'est là que le commerce électronique est important. Alors oui, je pense que nous devrions encourager les entreprises canadiennes à se brancher davantage et à utiliser les activités de commerce électronique de cette façon.
Je ne sais pas, franchement, jusqu'à quel point une mesure fiscale ciblée ou une forme d'incitatif financier pour faire cela serait efficace, car je pense que l'adoption de la technologie du commerce électronique devrait être conçue autour du processus administratif. Ainsi, il s'agit de convaincre les entreprises que, tout d'abord, elles devraient s'intéresser au marché européen et, ensuite, qu'elles auraient avantage à se mettre au diapason au point de vue de la conception, de la qualité et de la technologie, et à utiliser le commerce électronique pour mettre en place ce processus administratif—mais elles doivent d'abord penser de façon stratégique.
L'un des problèmes, particulièrement de la part des petites entreprises, c'est qu'elles n'ont pas le temps, les ressources ni la main-d'oeuvre voulus pour être partout, sur tous les marchés, pour faire toutes ces choses, mettre au point différents types de projets et répondre non seulement aux exigences de leurs clients, mais aussi aux exigences qu'implique le fait de faire des affaires. Ce sont les petites sociétés qui ont le plus gros défi à relever. Il n'est pas surprenant que bon nombre de ces petites sociétés se tournent vers le marché américain, car cela leur demande tout simplement moins de temps, moins d'efforts et moins d'argent pour faire leur marque sur le marché américain. Site Web ou pas, c'est toujours un grand saut que d'aller en Europe.
M. Alex Shepherd: Je voulais tout simplement parler de la table ronde. L'une de ses recommandations, en fait, était un incitatif fiscal ciblé. J'ai trouvé vos observations intéressantes, car vous ne semblez pas penser que cela serait utile. Je n'arrive pas à comprendre de quelle façon cela pourrait être utile, car l'incitatif initial dans le cadre du bogue de l'an 2000 était pour le matériel, mais la plupart des choses dont nous parlons ici sont déductibles du revenu imposable de toute façon.
M. Jayson Myers: Nous avons examiné la question. Je pense que vous devriez vraiment l'examiner. Si nous prenons des mesures fiscales sélectives, nous devons nous assurer qu'elles sont efficaces. Je ne sais pas. Lorsqu'on prend des mesures sélectives, particulièrement dans le domaine de la technologie, je ne suis pas certain qu'elles puissent être efficaces. Nous devrions peut-être tenter d'accroître la capacité des entreprises d'une autre façon.
La présidente: Monsieur Myers, j'ai seulement deux petites questions.
Vous avez parlé de la table ronde Canada-Europe, en disant que votre association en faisait partie. Pouvez-vous nous parler de l'utilité de cette activité? Et dans ce cas-là aussi, quel rôle le gouvernement peut-il jouer, si c'est un exercice utile? Deuxièmement, parlons de l'initiative Franchir l'Atlantique, qu'on a déjà mentionnée. Est-ce une chose dont vos membres peuvent tirer parti? Le cas échéant, quel succès cela leur a-t-il apporté?
M. Jayson Myers: Au sujet de la table ronde Canada-Europe, nous y participons depuis la fondation de la table ronde, il y a environ un an, je crois. À mon avis, sa première utilité a été de cerner certains des problèmes que vivent les entreprises en Europe et au Canada, ainsi que les obstacles au commerce et à l'investissement.
L'une des difficultés, je crois, est d'augmenter le nombre de représentants d'entreprises à la table ronde. Le rapport de la table ronde était très représentatif des intérêts particuliers des compagnies qui en faisaient partie et c'était du beau travail, mais je crois qu'il faut faire davantage pour qu'il y ait encore plus d'entreprises à la table.
La présidente: Comment peut-on y arriver?
M. Jayson Myers: Pour commencer, je dois dire que les frais d'inscription de 6 000 $ US ne sont pas très encourageants. Même pour les grandes entreprises, c'est un problème. Si l'on souhaite encourager les petites entreprises à faire partie de la table ronde, cela risque vraiment d'empêcher leur participation. Les associations d'entreprises peuvent représenter les intérêts des petites sociétés. Il sera difficile d'obtenir la participation d'un grand nombre d'entreprises, mais je crois que c'est une démarche très utile, qui serait facilitée par une baisse des frais d'inscription.
Il y a un domaine où cela pourrait être très efficace, à mon avis. Il s'agit de rassembler en table ronde un groupe d'entreprises canadiennes ayant des activités en Europe et un groupe d'entreprises européennes ayant des activités au Canada, pour parler des diverses difficultés ou problèmes, ainsi que de ce qui va bien, pour bâtir des liens personnels et faire du réseautage. Je pense que l'initiative peut être très utile.
Mais il faudra pour cela des efforts de la part des organisations. Je viens du monde des associations et je peux vous dire que les entreprises subissent d'importantes pressions pour non seulement réduire leur budget pour des activités de ce genre, mais aussi pour réduire le nombre d'associations dont elles font partie. Ce peut donc être une décision déchirante pour les entreprises canadiennes—et d'ailleurs, pour les entreprises européennes. Il faudra un réel entrepreneur pour vendre cette idée aux entreprises des deux côtés de l'Atlantique, pour leur vendre l'idée qu'il faut participer, qu'il y a des objectifs concrets et qu'on va arriver à quelque chose.
Je ne pense pas qu'il revienne au gouvernement de mener cette marche. Mais tout soutien que le gouvernement peut offrir pour trouver un entrepreneur capable de le faire, ou tout soutien possible pour recruter des entreprises sera utile.
Pour ce qui est de l'initiative Franchir l'Atlantique, nous travaillons très étroitement avec le ministère des Affaires étrangères pour encourager nos membres—et pas seulement nos membres mais tous les exportateurs canadiens—à profiter des programmes offerts pour augmenter leur connaissance des marchés mondiaux. Nous les encourageons certainement à prendre part aux programmes de Franchir l'Atlantique ainsi qu'à toute autre initiative existante.
Bien honnêtement, il nous est difficile de juger de l'utilité de tout cela, à cause de l'abondance de l'information. Il y en a peut-être trop—les entreprises essaient toujours de simplifier les choses pour obtenir exactement le genre d'information dont elles ont besoin.
Mais sans aucun doute, le simple fait de sensibiliser les entreprises aux possibilités des marchés existants—et pas nécessairement sur des questions particulières—fait d'un programme d'information comme celui-ci quelque chose de très utile, pas seulement pour l'Europe, mais aussi pour d'autres marchés internationaux, et même, pour celui des États-Unis.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Alex Shepherd: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je me posais une question au sujet de la procédure. Nous avions prévu de nous déplacer en mai. Je me demande comment les choses évoluent de ce côté.
La présidente: C'est une question dont nous devrons parler à nos collègues, de ce côté-ci, pour voir si ça pourrait être réexaminé. Lorsque nous avons déposé la motion au départ, M. Marceau a voté contre. Nous ne demandons pas un vote, mais nous allons peut-être demander à tous les partis de revoir la question, et nous pourrions en reparler à la prochaine séance.
• 1730
Avant que nous partions, je tiens à remercier M. Myers d'être
venu de nouveau.
Merci encore d'être restés, monsieur Scott et monsieur Siles.
Messieurs, avant de partir, au sujet de la zone de libre- échange des Amériques, le rapport sur la ZLEA, la réponse du ministre a été déposée tout récemment. Comme c'est notre comité qui s'en est occupé, je me demande si le comité aimerait recevoir le ministre pour parler de cette réponse gouvernementale, avant la fin de l'année.
Nous pourrions le demander à notre greffière. Je ne crois pas qu'une motion officielle soit nécessaire. Je sais que nous avons tous reçu cette réponse, mais je me disais que si cela vous intéresse, nous pourrions peut-être inviter le ministre.
Des voix: Adopté.
La présidente: Le 5 avril il n'y aura pas de séance, parce que le ministre Pettigrew comparaît devant le comité permanent, au sujet du budget des dépenses. Nous vous enverrons un avis à ce sujet, mais vous pouvez déjà le noter à votre agenda.
La séance est levée.