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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 mai 2000

• 1539

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le sous-comité poursuit son étude des relations économiques du Canada avec l'Europe.

Nous avons le privilège et l'honneur d'accueillir aujourd'hui Son Excellence Danièle Smadja, ambassadrice de la Commission européenne au Canada, ainsi que M. Patrick Grady, de Global Economics Ltd.

Soyez la bienvenue, Excellence. Nous allons commencer par vous.

Mme Danièle Smadja (ambassadrice et chef, délégation de la Commission européenne au Canada): Merci beaucoup, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du sous-comité, de m'avoir invitée ici aujourd'hui.

• 1540

Comme vous l'avez dit, je suis ambassadrice et chef de la délégation à Ottawa. La rencontre d'aujourd'hui me permettra de vous présenter le point de vue européen.

Je tiens à vous dire dès le départ comme je suis heureuse que votre sous-comité ait entrepris cette étude des relations économiques du Canada avec l'Europe. J'ai vu le plan d'action proposé pour votre étude ainsi que les objectifs qui y sont énoncés, et je dois vous dire que je partage la plupart des préoccupations et des interrogations auxquelles elle vise à répondre. J'espère qu'elle se traduira par des conclusions utiles et pertinentes pour les autorités des deux côtés de l'Atlantique. Je regrette toutefois que le sous-comité ait décidé de ne pas se rendre en Europe. Cela ne facilite pas ma tâche aujourd'hui, puisque mon témoignage ne pourra évidemment pas remplacer les renseignements que vous auriez recueillis de première main en Europe sur une période de deux semaines. Je ferai toutefois de mon mieux.

Pour me préparer à la rencontre d'aujourd'hui, j'ai lu les comptes rendus de vos délibérations antérieures, et je dois vous dire que j'ai été très tentée d'articuler mon exposé autour de la divergence que j'ai constatée entre les déclarations faites par beaucoup de vos témoins canadiens et le point de vue européen. Mais cette divergence de vues est sans doute normale.

Étant donné le peu de temps dont je dispose, je vous ferai part d'abord de ma réaction à ces problèmes qui semblent faire boule de neige et que j'ai décidé de qualifier de mythes, puisqu'ils se fondent souvent sur des perceptions périmées. Ce faisant, j'espère pouvoir vous communiquer certains faits au sujet de la nouvelle Europe. Je voudrais ensuite vous dire ce qu'il faudrait faire à mon avis pour mieux profiter du potentiel inhérent à la relation commerciale d'échanges et d'investissements entre l'Union européenne et le Canada.

Permettez-moi de commencer par les mythes. Il semble exister un certain nombre de mythes au sujet de l'Union européenne, et je m'attarderai à quatre mythes ici aujourd'hui. Commençons par le premier, celui du déficit commercial qu'aurait le Canada par rapport à l'Union européenne.

Selon des témoins que vous avez entendus, le Canada aurait un déficit commercial de l'ordre de 13 ou 14 millions de dollars canadiens par rapport à l'Union européenne. Cependant, d'après les données du Bureau de la statistique de l'Union européenne, appelée Eurostat, le déficit commercial du Canada ne s'élevait qu'à 2,1 milliards d'euros, ou à 3 milliards de dollars canadiens, en 1998. On me dit, comme d'autres témoins vous l'ont dit aussi, que nos autorités statistiques respectives essaient d'expliquer cette divergence. Permettez-moi d'ajouter également que d'après les données d'Eurostat pour 1998, le total des échanges de services se chiffrait à 10 milliards de dollars, environ 5 milliards dans chaque sens, ce qui me paraît un chiffre impressionnant.

Toujours est-il que mon argument ne tient pas nécessairement aux chiffres, mais plutôt à la notion même de déficit commercial. En cette époque de la mondialisation et de la multiplication croissante des échanges de services, l'idée de parler de déficit dans les échanges de biens et de services entre pays n'est pas aussi pertinente qu'elle l'était autrefois. De toute façon, je crois qu'elle ne suffit pas à caractériser les relations entre pays.

Le deuxième mythe qui semble assez tenace, c'est que les échanges avec le bloc de l'Union européenne sont compliqués. Je ne suis pas sûre que cette perception de l'Europe soit valable aujourd'hui, puisque nous ne sommes pas simplement la somme de 15 États membres. Il y a en fait deux dimensions à l'Europe d'aujourd'hui selon moi. Premièrement, nous sommes passés en Europe d'une union douanière à un marché unifié unique, et ce, depuis 1992. Nous poursuivons donc l'élimination des frontières et des contrôles internes qui avait déjà été entreprise même avant cette date. Nous en sommes arrivés à une harmonisation importante de nos normes, procédures et politiques. Nous avons maintenant un marché vraiment intégré où les gens, les biens, les services et les capitaux circulent librement.

Le commerce sur le marché européen se heurte, si j'ose dire, à moins de barrières internes que le commerce entre les provinces du Canada. L'exportateur ou l'industriel canadien n'a qu'une seule frontière externe à franchir pour pénétrer le marché de l'Union européenne, après quoi il peut se déplacer sur notre marché unique sans autres difficultés. C'est là une caractéristique de la nouvelle Europe qui n'est malheureusement pas assez bien connue au Canada et qui pourrait peut-être aider à expliquer certaines des perceptions erronées que les Canadiens ont de notre marché.

• 1545

Il est aussi possible, bien sûr, que ces perceptions erronées découlent de ce que je considère comme une comparaison injuste avec le marché américain, marché dont la proximité géographique—c'est la porte à côté—et culturelle est telle qu'il convient de se demander pourquoi on prendrait la peine de traverser l'océan. C'est d'ailleurs ce qui entretient le mythe. Le marché européen est tellement loin qu'il doit être difficile de s'y rendre, étant donné qu'il se compose de 15 pays où on parle 11 langues différentes. Pourtant, personne ne considère le marché américain comme un agglomérat de 50 États distincts.

La deuxième réalité qui caractérise l'Europe d'aujourd'hui, c'est que l'opinion du consommateur y compte pour beaucoup. On peut donc dire que le marché européen est sophistiqué. Autrement dit, il ne suffit pas de s'attendre à ce que les consommateurs achètent ce qu'on produit; il faut plutôt s'habituer à produire ce que les consommateurs veulent acheter ou ce qu'ils considèrent comme ne présentant aucun risque. Je songe tout particulièrement aux produits génétiquement modifiés, secteur où les entreprises pourront se développer si elles mettent davantage l'accent sur l'information et la transparence.

Le troisième mythe dont je voudrais vous entretenir brièvement est celui selon lequel il n'y a pas lieu de s'inquiéter des relations commerciales entre le Canada et son deuxième partenaire commercial, le premier étant bien entendu les États-Unis. Il ne faut toutefois pas donner dans la suffisance quand il s'agit de l'importance relative des relations entre le Canada et l'Union européenne. Nous sommes portés à croire que le volume des échanges de biens, de services et de technologies avec le marché de 370 millions d'habitants que nous sommes, et qui passera bientôt à 500 millions après notre élargissement, pourrait être considérablement accru. Là encore, je ne suis pas sûre que les Canadiens soient bien conscients de la taille du marché européen et des possibilités qu'il offre.

J'en arrive maintenant au quatrième et dernier mythe, celui des subventions agricoles. Pourquoi parler de mythe alors que ces subventions sont bien réelles? Le mythe tient au fait que c'est là le principal élément que l'on retient de la politique de l'Union européenne. Je n'entrerai pas tellement dans les détails, puisque j'ai préparé un certain nombre de tableaux que vous pourrez étudier et qui portent précisément sur l'agriculture. Permettez-moi toutefois de faire simplement l'observation suivante.

À la fin du cycle de l'Uruguay, chacun a quitté la table de négociations avec le sentiment d'avoir beaucoup accompli. Bien entendu, on aurait pu accomplir plus, mais c'était là le but des négociations qui devaient avoir lieu cette année. Que s'est-il passé depuis? L'Union européenne a amplement respecté les engagements qu'elle avait pris dans le cycle de l'Uruguay, pour ce qui est tant de la quantité de ses exportations subventionnées que du niveau de ses dépenses consacrées à ces subventions.

Depuis 1992, date à laquelle nous avons entrepris de réformer notre politique agricole commune, le soutien financier de l'Union européenne à l'agriculture ne cesse de baisser et continuera à baisser au fur et à mesure de la mise en oeuvre de notre programme de réforme, appelé Agenda 2000, sur lequel nos chefs d'État et de gouvernement se sont entendus l'an dernier, en mars. Par contre, le soutien américain à l'agriculture est en hausse, comme le montrent encore les tableaux que vous avez sous les yeux—sans compter que les États-Unis ont parfois recours à des mécanismes moins transparents pour soutenir leurs exportations agricoles, mécanismes qui ne sont pas nécessairement sanctionnés par l'OMC. Au Canada aussi, le soutien à l'agriculture a tendance à augmenter considérablement.

Je suis bien sûr à votre disposition pour répondre aux questions que vous auriez à ce sujet, mais je tiens à vous faire remarquer que l'image qu'on a de l'Union européenne et de son soutien à l'agriculture est peut-être périmée, puisqu'elle ne tient pas compte de la tendance que suit notre réforme ni du fait que nous respectons amplement jusqu'à maintenant nos engagements à l'égard de l'OMC et que nous étions prêts à Seattle à nous entendre sur le texte agricole qui avait été proposé pour le prochain cycle de négociations commerciales.

• 1550

Permettez-moi maintenant d'aborder ce que je considère comme la question la plus importante qui se pose à l'égard des relations commerciales entre l'Union européenne et le Canada sur le plan des échanges et des investissements, à savoir le potentiel inexploité qu'ils représentent.

À première vue, ce potentiel semble évident: de par son vaste marché, riche et sophistiqué qui ne cesse de croître, l'Union européenne est attrayante pour le Canada, tandis que le Canada, en sa qualité de membre de l'ALÉNA, pourrait servir de tremplin pour permettre aux entreprises européennes de pénétrer le vaste marché nord-américain. Le Canada a également beaucoup à offrir dans le secteur de la technologie de pointe. Voilà ce que me disent les gens avec qui je m'entretiens en Europe ou au Canada, et leur appréciation semble justifiée.

Il reste donc à savoir pourquoi cet attrait réciproque ne se concrétise pas pleinement dans le monde réel. Bien entendu, je n'ai pas de solution magique à vous offrir, mais je suis pour ma part convaincue, après avoir passé six mois au Canada comme ambassadrice de la Commission européenne et après m'être rendue dans les différentes régions du pays, que la clé réside notamment dans la sensibilisation des Canadiens à l'Union européenne et dans la diffusion de renseignements sur l'Union européenne.

Qu'est-ce que l'Union européenne? Quelles sont les possibilités qu'elle offre sur le plan des échanges bilatéraux, des investissements directs et de la coopération économique et commerciale? Nous sommes les premiers à reconnaître que l'Union européenne est une organisation complexe qu'il n'est pas facile d'expliquer, sans compter qu'elle ne cesse d'évoluer. C'est pour cette raison que la Commission européenne a décidé de lancer au Canada un ambitieux programme d'activités—tant par le nombre d'activités prévues que par le budget qui y est alloué—qui sera mis en oeuvre à partir de la fin de cette année jusqu'à la fin de 2002. Le programme comprendra des conférences, des séminaires et des ateliers qui seront organisés dans différentes régions du Canada sur diverses questions importantes pour la promotion de liens entre l'Union européenne et le Canada dans des domaines tels que les conséquences de l'euro, de la monnaie unique, pour le cybercommerce, la concurrence, la protection du consommateur et la coopération scientifique et technologique.

Nous prévoyons également, dans le cadre de ce programme, de fournir aux entreprises une boîte à outils sur l'accord de reconnaissance mutuelle que nous avons récemment conclu avec le Canada, et de prendre diverses autres mesures afin de faire passer notre message dans un pays aussi vaste que le Canada. Ces mesures viendront s'ajouter aux initiatives que nous avons prises dernièrement, comme de créer quatre instituts d'études européennes, qui se trouvent à Vancouver, à Montréal, à Toronto et à Ottawa et qui visent non seulement les universitaires, mais aussi les gens d'affaires.

Permettez-moi d'ajouter que les ambassades et les consulats de nos États membres sont aussi très actifs à cet égard, tout comme leurs chambres de commerce et leurs délégués commerciaux, le cas échéant.

Espérons qu'ensemble, étant donné ce que font les autorités canadiennes ici et en Europe, nous allons bientôt pouvoir renverser la tendance ou à tout le moins dissiper certains mythes et perceptions erronées. Je suis toutefois persuadée que cela ne suffira pas. Il faudra d'autres mesures proactives. Ainsi il faudrait s'abstenir d'accorder toujours trop d'importance aux aspects négatifs de notre relation. Il y a des irritants commerciaux qui nous opposent effectivement, mais tâchons de les régler avec l'OMC. Ils concernent bien souvent des différends de longue date, qui semblent donner du travail aux avocats spécialisés dans le droit commercial, mais il serait intéressant de quantifier l'impact économique réel qu'il y aurait à régler ces irritants. Je ne suis pas sûre que cela changerait radicalement les statistiques sur le commerce.

Il ne faut bien sûr pas s'attendre à ce que les efforts que nous ferons pour mettre l'accent sur les points de convergence entre nous satisfassent les médias, car le sujet ne sera pas assez alléchant pour eux, mais il ne faudrait pas sous-estimer le message que nous transmettons aux importateurs, exportateurs et investisseurs en puissance des deux côtés de l'Atlantique quand nous faisons état de ces irritants. Les médias s'empressent de reprendre ces propos critiques, si bien que l'image qu'on se fait des problèmes et des difficultés qui parsèment nos relations ne favorise pas la coopération et tend à faire de ces propos des prédictions qui sont sûres de se réaliser. Par ailleurs, les autorités publiques devraient, outre les démarches auprès de l'OMC, continuer à repérer les barrières techniques aux échanges bilatéraux en vue de les éliminer et à explorer les possibilités de conclure de nouveaux accords de reconnaissance mutuelle.

C'est là l'objet de l'ICEC, l'Initiative commerciale Europe- Canada. Je n'entrerai pas dans les détails de cette initiative, car je sais que d'autres témoins vous en ont parlé. Je tiens simplement à bien faire comprendre que l'Union européenne est bien décidée à participer activement à sa mise en oeuvre.

• 1555

Dernier point mais non le moindre, malgré le fait que nos joueurs économiques respectifs évoluent dans un environnement sophistiqué, je pense qu'ils ont besoin d'encouragement pour poursuivre le dialogue. C'est pourquoi, malgré le fait que nous sommes convaincus qu'il devrait s'agir d'un processus animé par l'entreprise, nous avons participé activement à la création de la Table ronde Canada-Europe—dont vous avez entendu parler aussi, m'a-t-on dit. Nous espérons sincèrement que cette jeune organisation, que nous appuyons vigoureusement, constituera un forum utile pour les milieux d'affaires canadiens et européens.

Je pense qu'il est temps de mettre fin à mon exposé. Voici le message que j'ai tenté de vous transmettre.

Premièrement, comme vous, je conviens que le Canada doit apparaître plus nettement sur l'écran radar européen, comme l'indiquent les objectifs de votre étude. J'ajouterai qu'en contrepartie l'Europe doit aussi figurer davantage sur l'écran radar canadien.

Deuxièmement, il y a place pour de l'amélioration, je crois, dans les signaux que nous envoyons à nos milieux d'affaires respectifs pour encourager davantage le commerce et les investissements et indiquer quelles sont nos priorités commerciales.

Troisièmement, l'UE ne doit pas être considérée uniquement comme un marché pour les exportations canadiennes, la technologie et les services canadiens, mais aussi comme source d'investissement et de technologie pour les hommes d'affaires canadiens.

Quatrièmement, le cadre actuel des relations entre l'UE et le Canada devrait servir de base à la multiplication des liens commerciaux et d'investissement grâce à une mise en oeuvre et un suivi très actifs.

Cinquièmement, les irritants commerciaux doivent être réglés le plus rapidement possible et ne doivent pas porter ombrage au potentiel de nos marchés respectifs.

Sixièmement, une information ciblée et opportune sur le marché européen, en prévision de notre élargissement futur, serait éminemment souhaitable pour les joueurs économiques canadiens, qui pourront ainsi mieux se positionner pour en récolter les avantages supplémentaires potentiels.

Enfin, et cela ne vous étonnera pas, il faut aussi accorder à l'Union européenne du mérite pour ce qu'elle a déjà accompli dans le secteur des subventions agricoles et pour sa disposition à entamer des négociations sérieuses dans le secteur agricole dans le cadre de futurs cycles complets de négociations multilatérales sur le commerce. Cela aussi aidera les Canadiens à découvrir la nouvelle Europe.

Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente: Merci, Votre Excellence. Je vais maintenant demander à M. Grady de prendre la parole et nous vous poserons des questions en même temps.

Monsieur Grady, je vous invite à enchaîner.

M. Patrick Grady (consultant, Global Economics Ltd.): Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous pour vous faire part de certaines de mes idées sur les relations commerciales Canada- Europe. Certaines d'entre elles viennent à peine d'être formulées aujourd'hui.

En novembre dernier, avant le fiasco de Seattle, Katie MacMillan et moi-même avons publié un livre intitulé Seattle and Beyond: the WTO Millennium Round. Cela n'a pas grand-chose à voir avec les relations commerciales canado-européennes, mais j'ai pensé le mentionner quand même dans l'espoir de vendre quelques exemplaires de plus.

Sérieusement, les accords de l'OMC forment le cadre qui régit nos relations commerciales avec l'Europe et il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, surtout dans le secteur de l'agriculture et des services, pour améliorer ces relations.

Katie a très bien expliqué pourquoi il n'y aurait pas grand- chose pour le Canada dans un accord commercial Canada-UE lorsqu'elle a comparu devant vous il y a deux semaines. Il est donc inutile pour moi de revenir là-dessus, puisque je n'ai vraiment rien à rajouter à ce qu'elle a dit. Par contre, j'aimerais prendre un peu de recul et jouer au provocateur et faire certaines observations controversées sur notre stratégie commerciale générale. Je ne suis même pas sûr d'être d'accord avec tout ce que je vais dire moi-même, mais comme je n'ai pas de patron et que je ne peux pas me causer des ennuis, je me lance.

• 1600

Le comité a entendu le témoignage frappant de Bob Keyes de la Chambre de commerce. Je vais faire la synthèse de ses propos sans, j'espère, trop contrefaire ce qu'il a dit. Je crois que M. Marceau en a aussi fait le résumé, si bien que je reprends dans une certaine mesure sa synthèse également. Je pense que cela correspond à ce qu'il a dit.

Même si Bob a reconnu qu'il serait bon de diversifier les marchés canadiens, il a insisté sur le fait que nous vivons à côté du marché le plus grand et le plus dynamique au monde, avec lequel nous avons déjà un accord commercial. Pour cette raison, selon lui, la première de nos priorités devrait être les États-Unis et notre commerce avec ce pays. Ensuite viennent les accords multilatéraux, comme celui de l'OMC et ensuite—mais seulement ensuite—les accords bilatéraux avec les autres pays ou régions, comme l'Europe. Je partage son avis. J'aimerais être plus précis sur ce que cela signifie.

L'ALE et l'ALÉNA ont réussi à instaurer le libre-échange entre le Canada et les États-Unis dans tous les domaines, sauf certains secteurs de l'agriculture. Une zone de libre-échange, toutefois, est la forme la plus faible d'intégration économique, où les droits de douane sont abolis entre les partenaires commerciaux.

Le stade suivant de l'intégration est l'union douanière, où l'on crée un tarif douanier externe et une politique commerciale communs. Vient ensuite l'union économique, qui permet la libre circulation des individus ainsi que des produits, des services et des capitaux et qui cherche à harmoniser la politique réglementaire et fiscale. Enfin, il y a l'union économique et monétaire, où les partenaires créent également une devise commune. C'est dans cette phase que l'Union européenne se lance aujourd'hui, et cela a déjà suscité un certain débat au Canada à propos de l'opportunité d'une unité monétaire nord-américaine—ou NAMU—mais ce n'est pas un sujet que je vais aborder aujourd'hui.

L'intégration économique est un processus qui doit se faire de façon séquentielle. Il faut pouvoir marcher avant de pouvoir courir. L'Europe est un bon exemple d'évolution à long terme d'intégration économique. Il a fallu presque 50 ans pour en arriver où elle est aujourd'hui. La question de savoir si nous allons jamais atteindre ce point avec les États-Unis reste posée. Beaucoup ne pensent même pas que cela serait souhaitable si c'était possible.

En tout cas, une chose est claire: quel que soit l'objectif ultime, nous pouvons néanmoins profiter de liens économiques plus vigoureux avec les États-Unis en approfondissant notre accord commercial actuel. De toute évidence, cela signifie incorporer intégralement l'agriculture à l'accord et régler les nombreuses questions de réglementation intérieure complexes qui sont maintenant au coeur de la politique commerciale, depuis que les droits de douane ont été éliminés entre les deux pays. Chose plus controversée encore, cela pourrait aussi signifier le début de discussions à propos de la création d'une union douanière avec les États-Unis, ce qui serait l'étape logique suivante dans ce processus d'intégration.

Il faut toutefois reconnaître l'existence d'une énorme pierre d'achoppement. Il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce que le Canada ait beaucoup à dire dans le niveau des droits de douane externes communs dans une union douanière avec les États-Unis. C'est comme si la souris essayait de dicter sa volonté à l'éléphant. Pour moi, ce n'est pas un gros problème, étant donné que les droits de douane sont peu élevés dans les deux pays et que l'écart n'est pas très grand pour la plupart des produits.

Le gros avantage d'une union douanière c'est qu'elle nous permettrait d'abolir les règles d'origine compliquées qui exigent le maintien de contrôles frontaliers et qui entravent la libre circulation des produits entre les deux pays. Quiconque est allé en Europe sait que la plupart des contrôles frontaliers internes ont été éliminés ou sont en voie de l'être.

Un autre aspect de l'approfondissement serait la libéralisation des règles qui régissent la circulation des gens qui offrent ces produits et ces services. Les dispositions sur la libre circulation de la main-d'oeuvre dans l'ALÉNA, qui couvrent relativement peu de choses, pourraient largement être améliorées.

Le progrès de l'intégration économique entre le Canada et les États-Unis, lancé en 1988 par l'accord de libre-échange, a été mis en sourdine en 1994 par l'instauration de l'ALÉNA. Beaucoup des possibilités d'approfondissement des liens économiques entre le Canada et les États-Unis, deux pays situés à peu près au même niveau de développement, ont disparu avec l'ajout du Mexique, un pays en développement confronté à de nombreux problèmes. Les États-Unis ont une vaste gamme de sujets de préoccupation dans leurs rapports avec le Mexique, sur de nombreux points, qu'il s'agisse de l'immigration illégale, de la réglementation sanitaire et de sécurité, de la réglementation des transports et du trafic de drogue, qui les font hésiter à négocier un approfondissement de l'ALÉNA pour les trois partenaires.

La question est la suivante. L'ALÉNA marque-t-il une impasse pour le Canada ou y a-t-il des moyens créateurs d'étendre l'accord de façon asymétrique? C'est la question que je laisse au comité. À mon avis, il faut que le Canada trouve le moyen d'approfondir ses liens commerciaux avec les États-Unis et de parvenir à une plus grande intégration économique s'il veut tirer plus d'avantages de son appartenance à l'Amérique du Nord.

Une autre grande question est celle de savoir si l'ALÉNA a le moindre sens pour nos rapports avec le reste de la communauté mondiale. Dans la négative, y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire pour y changer quelque chose?

• 1605

Contrairement à l'ALÉNA, l'Union européenne a suivi une stratégie systématique de politique commerciale vis-à-vis du reste du monde. Elle peut se résumer ainsi: diviser pour régner. L'UE semble prête à négocier un accord de libre-échange avec à peu près n'importe quel grand pays du monde, sauf évidemment nous et les Américains, la Nouvelle-Zélande, le Japon et Taïwan, le lépreux de la planète.

Ce sont les accords commerciaux de l'UE avec les pays en développement d'Afrique et du Moyen-Orient qui causent le plus de difficulté pour le Canada et les autres pays du monde qui en sont exclus. C'est là que le risque de détournement des courants commerciaux est le plus grand, les droits de douane des pays tiers étant souvent autour de 50 p. 100 pour certains pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Mais les accords avec les candidats à l'intégration à l'Union en Europe de l'Est conduisent aussi au détournement des échanges. L'UE est en train de mettre en place précisément le modèle en étoile qui nous a poussés à entreprendre les négociations de l'ALÉNA au début des années 90, à la différence près qu'elle le fait à une échelle beaucoup plus grande.

Apparemment, toutefois, ce qui est bon pour l'un ne l'est pas aussi pour l'autre. Après avoir vu ses échanges avec le Mexique réduire de moitié après l'entrée en vigueur de l'ALÉNA, l'Union européenne s'est mise à voir le détournement des courants commerciaux d'un tout autre angle. Elle n'a pas tardé à s'en plaindre. Grâce à son accord signé récemment avec le Mexique, l'UE a réussi à défaire une grande partie de l'avantage que le Canada et les États-Unis avaient acquis sur le marché mexicain, tout en créant un nouvel ensemble de problèmes pour nous au sujet des règles d'origine à appliquer aux produits mexicains.

Conrad Black a soutenu récemment qu'il devrait y avoir un accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'ALÉNA. Pouvez- vous imaginer l'UE accepter cela en silence, même si son accord commercial avec le Mexique y ressemble beaucoup? À quoi bon intégrer le Mexique à l'ALÉNA si les Mexicains permettent à l'UE d'entrer par la porte arrière? L'ALÉNA aurait beaucoup plus de sens s'il fallait que tous les partenaires s'entendent avant que l'un des signataires puisse conclure un accord majeur du même genre avec un autre pays qui vient supprimer les avantages d'une grande partie de l'accord pour les autres partenaires.

Le même argument pourrait valoir pour les efforts du Canada en vue de négocier un accord bilatéral avec l'UE. Il n'est pas approprié pour nous d'implorer l'UE de daigner jeter un coup d'oeil à notre proposition puis de nous réjouir lorsque Pascal Lamy reste indifférent. Il devrait être évident que nous perdons notre temps. L'UE ne tient pas à négocier avec nous parce qu'elle a très peu à gagner. Les droits de douane entre le Canada et l'UE sont déjà bas pour la plupart des produits.

À mon avis, faire front commun serait la meilleure façon d'obtenir l'attention de l'UE. Nous devrions soumettre à nos partenaires de l'ALÉNA une proposition pour que l'ALÉNA soit une force plus grande dans les milieux commerciaux internationaux en lui accordant un véritable poids de négociations institutionnelles dans nos rapports avec nos partenaires commerciaux non-ALÉNA, surtout l'Europe. Il faudrait pour cela convaincre le Mexique de renoncer à l'entente récemment conclue et de créer un mandat de négociation pour des négociations de libre-échange ALÉNA-UE.

À moins que le Canada puisse faire face à l'UE comme membre d'un front commun ALÉNA, il risque d'être évincé lorsque les États- Unis et l'Europe régleront leurs problèmes bilatéralement. Par exemple, le Transatlantic Business Dialogue est actuellement perçu par de nombreux hommes d'affaires comme l'institution la plus efficace pour régler les principaux problèmes de réglementation entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Le Canada n'est pas représenté à cette table. À peine un petit nombre d'entreprises canadiennes triées sur le volet peuvent s'y introduire en jouant la carte de leurs liens avec les États-Unis. Il s'agit pratiquement d'entreprises américaines comme Seagram, par exemple. Cela laisse la plupart des entreprises canadiennes sur le carreau.

Il y a un autre problème de réglementation où notre intérêt est le même que celui des Américains et où nous pourrions faire front commun: les OGM, comme le canola et le boeuf aux hormones. Nous avons réussi à utiliser notre adhésion à l'ALÉNA pour attirer les investissements européens au Canada. Il nous faut trouver le moyen de créer un front commun ALÉNA pour accroître notre poids dans les négociations commerciales avec l'UE, notamment dans le prochain cycle de négociations de l'OMC ainsi que dans toutes négociations bilatérales.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Grady.

Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

Monsieur Marceau, avez-vous des questions?

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Oui. Tout d'abord, je veux remercier nos deux témoins d'être ici aujourd'hui et d'avoir bien voulu se déplacer pour nous donner leurs points de vue. Je me demande s'il serait possible d'avoir vos notes. On les fera traduire, à moins que vous en ayez une version française, ce qui serait bien agréable. Non? Eh bien, vous allez devoir nous les donner, car nos règles exigent que les documents non traduits soient remis au comité qui, lui, les fait traduire. C'est la façon dont on fonctionne.

Madame l'ambassadrice, c'est très intéressant de vous recevoir, surtout qu'hier était le 50e anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, qui a été vue comme le point de lancement de la construction européenne.

• 1610

C'était aussi hier que s'amorçait, à l'Assemblée nationale française, le débat sur la présidence de l'Union européenne, qui sera assumée par la France pendant les six prochains mois. On a vu entre autres Lionel Jospin prendre la parole, de même que l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing et l'ancien premier ministre Alain Juppé. Ce qu'ils ont dit sur l'Europe était très intéressant pour le Canada, surtout en ce qui concerne ce désir d'élargissement plutôt que d'approfondissement. Bien que certaines personnes, dont Valéry Giscard d'Estaing, préféreraient un approfondissement à un élargissement, il n'en demeure pas moins que le choix qui a été fait par l'Europe, et vous me corrigerez si j'ai tort, est celui de l'élargissement. Cela me dit à moi, Québécois, que la priorité de l'Union européenne n'est pas l'Amérique du Nord ou le monde, mais bien son propre élargissement, ce qui fait en sorte que les énergies semblent être concentrées sur le développement des relations entre l'Europe de l'Est, qui attend d'entrer, et l'Union européenne. Est-ce que je me trompe dans cette analyse assez sommaire de la situation et des priorités de l'Union européenne?

Mme Danièle Smadja: Si je peux me le permettre, je vous dirai que vous vous trompez. Je pense que vous sous-estimez les énergies qui existent en Europe. Nous avons la prétention de pouvoir mener plusieurs fronts simultanément. Donc, vous avez raison dans la mesure où, à l'intérieur de l'Union, il y a une priorité très forte, motivée à la fois par des raisons politiques internes et par des raisons de stabilité dans la région plus large que constitue l'Europe. Donc, il y a une priorité pour l'élargissement, mais cette priorité est une priorité interne à l'Europe.

Parallèlement, il y a le débat élargissement-approfondissement au sein de l'Union, qui, évidemment, varie d'un pays à l'autre et même parfois à l'intérieur du même pays, notamment en France, comme vous l'avez souligné. Il peut donc y avoir des différences de vue. Toujours est-il qu'au niveau global de l'Union, nous avons là aussi opté pour les deux, élargissement et approfondissement, en ce sens qu'en même temps que nous faisons les négociations d'élargissement avec les pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale, nous nous sommes embarqués dans une réforme institutionnelle. Il y a ce qu'on appelle la Conférence intergouvernementale, qui est en pleine session pour l'instant et qui a pour but, si vous me permettez cette expression triviale, de faire le ménage interne de l'Europe et donc de procéder à un approfondissement de notre mode de fonctionnement avant de nous élargir, cela pour éviter que l'élargissement ne se traduise par de l'inefficacité bureaucratique, voire par une dilution. Ce sont des priorités internes.

Comme je le disais, comme nous avons quand même beaucoup d'énergie, nous avons aussi des priorités que nous établissons vers l'extérieur, puisque je suis devant ce comité. Je citerai au moins deux de ces priorités.

La première, c'est un nouveau round de négociations de l'OMC. Nous continuons à mettre beaucoup d'énergie dans cette priorité. Évidemment, au-delà de cette énergie et de cette priorité au niveau du commerce multilatéral, nous avons aussi toute une série de priorités commerciales dans le domaine bilatéral.

Ce n'est pas simplement parce que je suis devant ce comité, mais j'ai envie de dire qu'une des priorités que nous avons dans le domaine bilatéral est certainement l'Amérique du Nord et le Canada. Comme votre comité, nous sommes aussi dans une réflexion pour voir comment nous pourrions améliorer les relations.

Donc, en résumé, c'est vrai que l'élargissement prend beaucoup de notre temps et de nos énergies, mais ce n'est pas un processus qui, pour autant, nous conduit à être refermés vers nous-mêmes. Nous avons toujours cette volonté d'une ouverture vers le reste du monde.

• 1615

M. Richard Marceau: Merci.

Monsieur Grady, j'ai suivi avec beaucoup d'attention votre présentation, dans laquelle vous vous faisiez l'avocat d'une intégration, d'une union douanière avec les États-Unis. Vous demandiez la facilitation des mouvements de la main-d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis et vous disiez qu'il devait y avoir un approfondissement de l'intégration économique entre le Canada et les États-Unis, mais, en même temps, vous me semblez réticent à parler d'union monétaire, qui est pourtant un des compléments d'une union économique assez approfondie, surtout dans l'optique où—je cite de mémoire—le ratio des échanges entre pays européens entre eux... Je recommence, car c'est un peu compliqué. La moyenne des échanges des pays européens entre eux par rapport aux échanges qu'ils ont avec l'extérieur est d'environ 63 p. 100, alors que près de 85 p. 100 des exportations du Canada vont vers les États-Unis. Donc, l'intégration économique du Canada avec les États-Unis est plus grande qu'entre les États européens eux-mêmes.

Pourquoi hésitez-vous tant à faire le pas de l'union monétaire, alors que vous vous faites l'avocat d'une intégration au niveau de l'union douanière et au niveau d'une facilitation du transfert de la main-d'oeuvre entre pays?

M. Patrick Grady: Je suis ici pour parler de la question du commerce et non pour parler de la question monétaire. Ce que je prône, c'est la prochaine étape du processus d'intégration qui, d'après moi, est l'établissement d'une union douanière entre les deux pays.

Par rapport à l'immigration, on n'est pas encore prêts à une intégration totale parce qu'il y a maintenant trop de différences politiques entre les deux pays. Je parle seulement de mesures pour favoriser le mouvement temporaire des gens entre les deux pays et non pas de la question de l'immigration. Cette intégration ne pourra se faire que beaucoup plus tard. Actuellement, notre taux de taxation est très différent de celui des États-Unis et notre niveau de vie est plus bas que celui des États-Unis. Une intégration totale dans le domaine du marché du travail pourrait causer des problèmes assez graves pour le Canada.

M. Richard Marceau: Une des priorités du gouvernement canadien semble être l'établissement de la Zone de libre-échange des Amériques, qu'on appelle FTAA en anglais. C'est une des priorités du gouvernement canadien. Vous dites que le Mexique devrait remettre en cause le traité de libre-échange qu'il a signé l'an dernier avec l'Union européenne. C'est la première fois que j'entends dire une telle chose. Votre vision de l'ALÉNA peut-elle être conciliée avec la vision d'une zone de libre-échange des trois Amériques? Est-ce que vous voyez cette zone de libre-échange des trois Amériques comme une union économique au sens très large du terme, qui serait un contrepoids à la puissance grandissante de l'Union européenne sur les marchés mondiaux?

M. Patrick Grady: C'est une interprétation possible, mais ma crainte est que l'ajout des nombreux pays d'Amérique du Sud, qui sont moins développés que le Canada et les États-Unis, ne cause des problèmes quant à l'accroissement de l'intégration entre le Canada et les États-Unis, parce qu'il faudrait alors se concentrer sur les relations entre le Canada et tous les pays d'Amérique latine plutôt que de se concentrer sur les relations avec les États-Unis.

M. Richard Marceau: Donc, en tant que responsable de Global Economics Ltd., votre priorité est l'intégration avec les États-Unis. Ensuite, est-ce que ce serait avec l'Europe ou l'Amérique latine?

M. Patrick Grady: Ensuite, c'est le commerce multilatéral, avec la prochaine ronde de négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Ensuite, je ne sais pas si, dans une certaine mesure, on sera obligés de participer aux négociations sur l'accord de libre-échange des Amériques. Je ne sais pas si ça va aller très loin.

• 1620

M. Richard Marceau: L'Europe me semble basse dans votre liste de priorités.

M. Patrick Grady: Non, pas nécessairement. L'Europe est très grande et très importante au point de vue de son poids économique, et nos relations en termes d'exportations et d'importations sont assez faibles par rapport à la grandeur de l'Europe. Cependant, je pense qu'il serait difficile de conclure directement avec l'Europe un accord bilatéral. C'est l'Amérique du Nord tout entière qui doit aborder l'Europe d'égale à égale afin d'établir de meilleures relations.

M. Richard Marceau: Merci.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Madame Smadja, vous avez dit tout à l'heure en passant que le consommateur européen est plus sophistiqué que le consommateur canadien. Est-ce vrai? En fin de compte, les Canadiens doivent regarder ceci, le nombre de problèmes, les dossiers des OGM et des produits agricoles, la multifonctionnalité. Est-ce vrai en général qu'il est plus sophistiqué ou est-ce un prétexte utile pour imposer un embargo sur nos produits?

Mme Danièle Smadja: Tout d'abord, je n'ai pas dit que le consommateur européen est plus sophistiqué que le consommateur canadien. J'ai dit que le marché européen devient plus sophistiqué qu'il ne l'était.

J'ai illustré cela en disant que les gens n'achètent pas seulement ce qu'ils trouvent, ce que les autres produisent, et les producteurs sont de plus en plus obligés de produire ce que le consommateur veut acheter ou qu'il se sent en sécurité d'acheter. Dans ce contexte, le marché européen est devenu plus sophistiqué qu'il ne l'était.

Je crois donc que cela est la conséquence de nombreux problèmes. En ce qui concerne la salubrité des aliments, nous avons eu de nombreux problèmes en Europe, à commencer par l'EBS ou le sang contaminé et, récemment, les dioxines. Cela signifie qu'aujourd'hui, que cela nous plaise ou pas, que les gens pensent être bien informés ou pas, que certains se sentent parfois manipulés, le fait est que le consommateur a davantage son mot à dire et que les autorités doivent en tenir compte.

Ce que j'ai vu dans votre pays depuis que je suis arrivée, c'est un changement croissant et une tendance rapide au changement. Je vois que le débat ici à propos, par exemple, des OGM est beaucoup plus animé qu'avant. La question est maintenant au coeur de nombreux débats, alors qu'il y a deux ou trois ans, c'était moins le cas alors que ça l'était déjà en Europe.

Corrigez-moi si je me trompe, mais je dirais qu'en Europe le débat à propos des OGM a commencé il y a huit ou 10 ans et qu'il est entré dans le domaine public il y a cinq ou six ans. Ce n'était pas le cas dans votre pays à l'époque, mais aujourd'hui ça l'est.

M. Alex Shepherd: Le problème pour beaucoup de gens, c'est que cette histoire des OGM semble être un faux problème. La façon dont notre gouvernement aborde la question, c'est de savoir si on peut les consommer sans danger. Le problème dont vous parlez, c'est la méthode dont ça a été créé, ce qui me semble tout à fait illusoire. Pourquoi faudrait-il se préoccuper de la méthode? Ce qui compte, c'est si cela peut être consommé en toute sécurité.

• 1625

Mme Danièle Smadja: Vous me permettrez d'être en désaccord car je ne crois pas que ce soit suffisant. En tout cas, en Europe, ce n'est pas la façon dont nous voyons les choses. Nous ne posons pas uniquement la question de savoir si les OGM peuvent être consommés sans danger; nous voulons aussi savoir s'ils sont sans danger pour l'environnement. Nous avons donc deux sujets d'inquiétude: l'hygiène publique et la protection de l'environnement et les conséquences pour l'environnement des OGM et des semences ou du produit lui-même. Nous avons donc en tête ces deux aspects, pas un seul.

Reste à savoir si nous avons suffisamment de données scientifiques, si nous avons suffisamment évalué le risque pour nous sentir en sécurité, pour recommander que ce soit mis sur le marché. Le problème, c'est que la science évolue et en Europe, nous appliquons le principe de précaution, un principe bien connu qui est appliqué dans votre pays également, dans le domaine de l'environnement. Nous l'appliquons aussi dans le domaine de la santé publique. C'est pour nous un principe si important que nous l'avons même inclus dans notre objectif principal la dernière fois que nous avons modifié le traité portant création de la Commission.

M. Alex Shepherd: Très bien, vous utilisez le principe de précaution même si bon nombre d'aliments génétiquement modifiés sont en fait moins nocifs pour l'environnement, puisque leur culture nécessite moins d'engrais, moins de pesticides, etc.

Mme Danièle Smadja: Nous ne savons pas...

M. Alex Shepherd: Mais pour ce qui est de toute la question de la multifonctionnalité dans le secteur agricole, si vous deviez établir un lien entre tout ce que vous faites et une autre vocation, une autre étude, la multifonctionnalité dans le secteur agricole... Si j'ai bien compris, en Europe ces collectivités agricoles sont importantes car les gens aiment bien aller les visiter; c'est une excellente destination touristique, il y a toute l'industrie des chambres d'hôte et par conséquent on peut justifier toutes sortes de subventions car elles ne servent pas uniquement à l'agriculture. Elles servent aussi au tourisme et au maintien des collectivités.

Je pense que c'est là où les Canadiens ont de la difficulté à comprendre les Européens, car les choses ne semblent jamais être coulées dans le béton où que ce soit. Si l'on veut vendre son produit étant donné qu'il s'agit d'un produit qui est considéré comme étant sain au Canada, cela ne suffit pas; il y a toutes sortes d'autres facteurs déterminants. Une fois que l'on a tenu compte de tous vos facteurs déterminants, ce ne sont plus des produits que vous pouvez accepter.

Mme Danièle Smadja: Je dois dire que je suis très surprise. C'est la première fois que j'entends dire que la multifonctionnalité a quoi que ce soit à voir avec le tourisme et les chambres d'hôte sur nos fermes.

La multifonctionnalité consiste à reconnaître que l'agriculture n'a pas seulement une fonction. L'agriculture ce n'est pas seulement pour les aliments. Le secteur agricole et les agriculteurs jouent un rôle social très important. Ils ont un rôle à jouer au niveau de la protection de l'environnement. Ils ont aussi un rôle à jouer au niveau de l'organisation du sol, de l'aménagement du territoire.

• 1630

Cette notion de la multifonctionnalité n'a pas été inventée en un tournemain. C'est un concept qui caractérise des fonctions très anciennes de l'agriculture. En fait, d'après ce que je constate ici au Canada, chaque fois que je parle à des Canadiens, que ce soient des agriculteurs ou même des parlementaires, ils reconnaissent qu'au Canada les agriculteurs ont eux aussi un rôle social à jouer. Ils ont un rôle à jouer au niveau du maintien du territoire. Ils ont un rôle à jouer pour protéger l'environnement. Ils jouent un rôle au niveau de l'aménagement du territoire.

Ce n'est pas en raison de la multifonctionnalité que nous maintenons les subventions à l'exportation. Il s'agit là d'une simplification qui tient peut-être même un peu de la caricature.

M. Alex Shepherd: Vous m'excuserez, car j'ai été agriculteur pendant un certain temps également, et je peux vous dire qu'avant de cultiver la terre, la terre prenait soin d'elle-même. Nous trouvons donc cela un peu difficile. La seule raison pour laquelle les gens ont fait de l'agriculture initialement, c'était pour assurer leur subsistance. Certaines de leurs pratiques agricoles étaient bonnes, d'autres étaient atroces. De là à dire que nous devons par conséquent maintenir ces collectivités agricoles parce que d'une certaine façon elles sont bonnes pour l'aménagement du territoire nous semble absurde. Si l'on voulait vraiment aider le territoire, on devrait peut-être le laisser revenir à son état naturel.

Le fait est que vous utilisez l'expression multifonctionnalité pour subventionner l'agriculture.

Mme Danièle Smadja: Eh bien, je ne suis pas d'accord.

J'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil au tableau que je vous ai distribué. Si vous regardez le premier tableau, la première boîte bleue, les principaux produits en 1998, vous verrez qu'en 1998 le Canada a exporté près de 2 milliards de dollars en produits agricoles, tandis qu'il n'en a importé que 1 milliard de dollars de l'Union européenne.

Nous n'empêchons pas les produits d'entrer sur notre marché, que ce soit par la ruse...

M. Alex Shepherd: Eh bien, nous ne parlons pas spécifiquement de ce genre de commerce. Nous parlons de l'impact des subventions sur le commerce international, sur les autres marchés où le Canada et l'Union européenne se font concurrence.

Vous avez aussi un tableau ici qui montre l'aide financière par agriculteur: Le Canada, 6 428 $; l'Union européenne 7 800 $. Est-ce que cela comprend votre concept de la multifonctionnalité, ou est-ce tout simplement l'aide directe aux agriculteurs?

Mme Danièle Smadja: Ce sont les paiements directs à chaque exploitation agricole. La multifonctionnalité n'a pas de prix. Ce n'est pas une nouvelle subvention. Il n'y a pas de prix qui s'y rattache. Ce n'est pas une subvention.

Ce que j'ai voulu montrer ici, comme je l'ai dit dans mon intervention, c'est qu'au Canada la tendance est à la hausse également pour ce qui est d'apporter un soutien financier à l'agriculture. Ce tableau montre que si l'on regarde le soutien par exploitation agricole, il est moins élevé au Canada que dans les pays de l'Union européenne, mais je voulais montrer que la différence n'est pas si grande. Tout au moins la différence ne mérite pas autant de critiques à l'égard de l'Union européenne, comme si nous étions les seuls à avoir ce genre de pratique déloyale qui consiste à accorder des subventions. Regardez le dernier tableau. Regardez la tendance aux États-Unis.

M. Alex Shepherd: On m'a dit, et dites-moi si cela est vrai ou non, que le budget de l'Union européenne—non pas le budget de chaque pays individuellement, mais le budget de l'Union européenne—alloue quelque chose comme 60 p. 100 aux subventions agricoles.

Mme Danièle Smadja: Encore une fois, c'est...

M. Alex Shepherd: Quel est ce pourcentage au juste?

Mme Danièle Smadja: Vous l'avez ici. Je l'ai préparé car je sais que c'est une des fausses idées qui est restée de l'ancienne Europe. Quel est le pourcentage? Le pourcentage des dépenses agricoles. Le voici. Vous voyez la tendance. Ce pourcentage se situait auparavant à 80 p. 100, et en 10 ans...

• 1635

Comme je l'ai dit, il y a un certain nombre de choses qui sont en train de changer en Europe. Par ailleurs, notre budget agricole a été plafonné, tandis que notre budget global naturellement continuera d'augmenter en raison de nos besoins. Chaque budget a tendance à augmenter pour faire face à de nouveaux défis, mais le budget agricole a été plafonné par notre programme de réforme, Agenda 2000. Cela est très important.

C'est pourquoi j'ai voulu vous exposer quelques faits sur cette nouvelle Europe. Tout d'abord, je vous ai donné des statistiques agricoles de base pour l'Union européenne, les États- Unis et le Canada, car je crois qu'il est également important d'avoir des chiffres pour ce qui est des exploitations agricoles, des exportations, etc.—et aussi la taille des exploitations agricoles—pour comprendre la situation un peu mieux.

On constate ensuite cette tendance également—qui est à la baisse—pour ce qui est de la part de nos dépenses agricoles par rapport au budget total.

On voit également—et, personnellement, je trouve cela très intéressant—un tableau intitulé «Dépenses budgétaires de l'Union européenne en agriculture», qui montre les différents types d'aide. On voit que les subventions à l'exportation—celles qui vous préoccupent le plus—diminuent en fait, tandis que l'aide directe augmente.

L'autre tableau—le suivant—est lui aussi très intéressant et confirme la tendance à la baisse. Lorsqu'on voit la réforme des exploitations de l'Union européenne de 1993 à 1998, malgré le fait qu'au milieu... N'oubliez pas qu'en 1995 nous avons eu une expansion, trois nouveaux pays; la Finlande, la Suède et l'Autriche se sont joints à l'Union européenne. Nous avons dû dépenser davantage également pour ces pays. Malgré le fait que la communauté était plus grande, encore une fois, la tendance est à la baisse.

J'ai pensé que vous seriez intéressés également par les types de produits, de sorte que nous avons préparé des tableaux qui montrent la situation en 1995-1996 pour un certain nombre de produits de base. Lorsque nous procéderons à la réforme qui est prévue au programme Agenda 2000, vous verrez la différence.

Comme je tentais de vous le dire, nous ne sommes pas parfaits, nous ne vivons pas dans un monde parfait, mais nous nous améliorons tous les jours, alors que d'autres empirent. J'ai ici les chiffres pour le soutien américain. C'est tout simplement incroyable. L'aide à chaque agriculteur aux États-Unis équivalait à 2 000 $ américains en 1996 alors qu'aujourd'hui elle se chiffre à plus de 12 000 $ américains, tandis qu'en même temps les versements de l'Union européenne à chaque agriculteur sont demeurés stables autour de 5 000 $ américains.

Comme je l'ai déjà dit, ce qui est plus inquiétant c'est le fait que les Américains n'utilisent pas des méthodes qui font toutes l'objet de mesures disciplinaires par l'OMC. Ils utilisent des garanties de crédit à l'exportation qui ne font pas l'objet de mesures disciplinaires par l'OMC, et ils utilisent l'aide alimentaire. Dans ce contexte, je sais que la Commission canadienne du blé a récemment demandé au gouvernement canadien d'imposer certaines exigences aux États-Unis pour protester contre le fait que ce pays n'a peut-être pas les meilleures pratiques.

La présidente: Monsieur Speller.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Je voulais tout simplement profiter de l'occasion pour remercier madame l'ambassadrice d'être venue nous rencontrer. Je serai en mesure de parler avec elle de cette question dans une autre tribune, de sorte que je ne pense pas qu'il convienne que je m'engage dans un tel débat aujourd'hui, mais je tiens certainement à la remercier pour ses observations.

Comme vous le savez, nos rapports commerciaux avec l'Europe nous tiennent à coeur et nous espérons pouvoir les développer davantage. Nous espérons que cet été, lorsque nous nous rencontrerons, nous pourrons trouver une façon de libéraliser davantage le commerce international. J'espère que nous pourrons travailler ensemble à l'OMC afin de trouver rapidement une solution rapide à certains problèmes que nous pose, ainsi qu'aux Américains et à vous-mêmes, le fait que certains pays utilisent des subventions à l'exportation et d'autres mesures qui faussent les échanges.

• 1640

Monsieur Grady, j'ai une question à vous poser. Vous avez mentionné notre bon ami Conrad Black et son idée d'une entente de libre-échange entre la Grande-Bretagne et le Canada. En fait, c'est quelque chose que préconise notre ancien ministre du Commerce international qui est maintenant notre haut-commissaire en Grande- Bretagne, Roy MacLaren, qui parlait toujours de cette idée auparavant. À votre avis, qu'est-ce que nous pourrions faire entre le Canada et l'Europe pour ouvrir davantage le commerce?. Si ce n'est pas une entente de libre-échange pour amener la Grande- Bretagne au sein de l'ALÉNA, y aurait-il une certaine valeur à conclure une entente de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne? Je pense que la plupart disent que c'est sans doute impossible. Est-ce que cela aurait une certaine valeur à votre avis? Dans l'affirmative, quelles mesures devrions-nous prendre pour libéraliser davantage les échanges commerciaux?

M. Patrick Grady: Vous pouvez faire de petites choses et vous pouvez faire de grandes choses. Les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international nous ont parlé des mesures concrètes qu'ils prennent pour améliorer le commerce avec l'Europe. Ce sont toutes de très bonnes choses, et je pense qu'elles vont sans doute fonctionner dans une certaine mesure.

Il a été question de la possibilité d'une mission d'Équipe Canada en Europe. Cette formule semble avoir fonctionné dans d'autres régions du monde, et je suis certain que ce serait très utile pour améliorer les échanges commerciaux avec l'Europe. Il se passe beaucoup de choses avec l'Europe. Le fait que le Canada n'ait pas d'entente commerciale avec l'Europe ne signifie pas nécessairement qu'il ne se fait rien et que rien ne peut être fait. En fait, il se fait beaucoup de choses. Il n'y a pas vraiment eu une augmentation au niveau des activités pour tenter de promouvoir le commerce avec l'Europe. Le niveau d'activité est demeuré plus ou moins le même, même si au cours des premières années il y a en fait eu des coupures, particulièrement au niveau du service des délégués commerciaux.

J'imagine que je ne m'attendrais pas à ce que les activités actuelles du ministère du Commerce international permettent de faire des percées importantes, même si elles ont cependant leur utilité dans une certaine mesure.

Pour ce qui est de savoir s'il est productif ou non de tenter de conclure une entente, comme je l'ai dit dans mes observations, c'est presque comme ce qu'a dit Brian Mulroney: «On danse avec celui qui nous accompagne». En essayant de conclure une entente avec l'Union européenne, vous affaiblissez en fait l'ALÉNA. Je pense que toute entente qui doit être conclue avec l'Europe doit l'être dans le cadre des négociations de l'OMC qui se poursuivent. Je pense qu'il pourrait y avoir là des percées réelles dans le domaine de l'agriculture. Les réunions de Seattle semblent progresser relativement bien sur le plan de l'agriculture en ce sens que cela pourrait déboucher sur un projet de déclaration. Les Européens semblent être prêts à signer une telle déclaration. Cela aurait été très utile du point de vue canadien. Le domaine des services en est certainement un où il y aurait de l'amélioration.

J'ai apporté un tableau que je pourrais vous distribuer. On y voit les barrières tarifaires et non tarifaires. L'UE est la deuxième ligne et vous voyez qu'il y a une pondération par produit. Ces données viennent de l'étude de l'OCDE sur les indicateurs de barrières commerciales tarifaires et non tarifaires qui a été mise à jour en 1997. Vous voyez que la pondération par produit s'appliquait... Le tarif de la nation la plus favorisée en Europe est de 7,7 p. 100. C'est important. Cela pourrait certainement diminuer un peu.

Ce qui est plus important, à propos de la fréquence des barrières non tarifaires—quatrième colonne—vous verrez que l'Union européenne a des barrières non tarifaires sensiblement plus élevées que nous et même que les États-Unis. Donc, 19,1 p. 100 des importations pourraient être touchées par un genre de barrière non tarifaire.

• 1645

Ces barrières tarifaires et non tarifaires sont les questions qui seront examinées dans le contexte des prochaines négociations de l'OMC. C'est pourquoi je crois qu'il est important que celles-ci soient lancées de sorte que nous puissions continuer à améliorer le commerce extérieur. Beaucoup des questions les plus difficiles concernent les barrières commerciales d'ordre réglementaire dont on a seulement commencé à parler lors des dernières négociations. On peut espérer avancer beaucoup dans les prochaines négociations.

La présidente: Merci, monsieur Speller.

Avant que nous ne terminions, j'aurais une ou deux questions à poser. Don Johnston, secrétaire général de l'OCDE, était en ville la semaine dernière et a pris la parole lors d'un petit déjeuner du cercle des journalistes. Il a parlé du travail du groupe de travail sur la biotechnologie à l'OCDE. J'ai trouvé intéressant qu'il déclare que la sécurité des aliments n'était pas le plus gros problème. C'est l'environnement qui semble l'emporter. Participez- vous à ce groupe de travail? Première question.

Hier, M. Caccia de l'Association parlementaire Canada-Europe a organisé une réunion spéciale sur la biotechnologie à laquelle des membres de l'Union européenne ont pris la parole. Une des choses qui est ressortie très clairement de leurs propos, c'est que le principe de précaution ne semble pas défini en Europe comme il semble l'être ici au Canada. Cela nous ramène à ce que disait M. Grady, à savoir que la solution serait peut-être de régler ce genre de problèmes à l'OMC. D'autre part, il semble qu'il y ait une différence dans les modes de réglementation au Canada et en Europe.

J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire, madame l'ambassadrice, que les organismes de réglementation doivent tenir compte essentiellement de ce que dit la société civile. Par contre, les Canadiens semblent dire que ce qu'il faut, c'est faire comprendre notre message au sujet de l'innocuité de nos aliments. Il semble qu'il y ait dans certains groupes des conceptions erronées qui font peur et que notre rôle est de faire comprendre aux Canadiens et au reste du monde que nos aliments ne présentent pas de danger. Il y a donc cette différence de perspective. Peut- être pourriez-vous nous dire comment on pourrait concilier tout cela?

Enfin, et c'est très important, vous avez également mentionné, madame l'ambassadrice, la table ronde Canada-Europe en nous disant que vous jugez cela très utile. Une des critiques que nous avons entendues pour notre part est que c'est peut-être en effet très utile mais que la cotisation est tellement coûteuse que cela ne permet pas à toutes les entreprises, en particulier aux PME, d'y participer.

Mme Danièle Smadja: Merci de vos questions. Je vais essayer de répondre à toutes.

Pour ce qui est du principe de précaution, vous avez tout à fait raison, il y a des différences dans la façon dont nous le concevons. C'est pourquoi récemment—je crois que c'était vers la mi-février—la Commission européenne a décidé de publier un document très important sur la façon dont nous considérons le principe de précaution, sur la façon dont nous l'avons appliqué et dont nous aimerions l'appliquer à l'avenir pour que, tout d'abord, pour des raisons de transparence, nos partenaires comprennent mieux comment... Je ne dirais pas que c'est un guide mais cela doit pouvoir guider nos partenaires. Deuxièmement, c'est également pour que nous puissions en discuter et améliorer la façon dont nous l'appliquons, dans l'espoir qu'entre-temps nous aurons connu certains progrès sur la scène internationale.

Une des premières indications de progrès réalisé dans ce contexte me semble avoir été à Montréal lorsque le protocole sur la biosécurité a été négocié. Pour la première fois dans une entente environnementale internationale, nous avions quelque chose de très important, ce principe de précaution et son application au processus décisionnel. Espérons que cette entente sera signée et évidemment mise en oeuvre. Ce sera certainement un élément très important.

Évidemment, dans le contexte des nouvelles négociations de l'OMC, ce sera discuté. Espérons aussi que l'on pourra clarifier un peu les choses. Je crois que vous avez raison, nous devrions pouvoir comprendre de la même façon le principe de précaution et son application.

• 1650

En tant que membre de l'OCDE, nous participons effectivement très activement et, espérons-nous, de façon constructive, aux travaux de cette organisation. C'est dans ces contextes que petit à petit nous pourrons ménager un consensus sur un certain nombre de choses, et ce sera magnifique.

Vous dites d'autre part qu'il y a une différence de point de vue à propos de la salubrité des aliments. J'en suis également consciente. Ce que vous faites ici, nous le faisons aussi. En fait, nous sommes en train de consulter tous les intervenants en Europe parce que nous avons publié un libre blanc sur la salubrité des aliments et que nous aimerions créer un organisme indépendant que nous utiliserions pour faire ce que vous faites.

Pour ce qui est de la table ronde, oui, cela coûte cher, mais ce n'est pas nous, ce sont les autorités publique, qui ont décidé du prix. Je répète que c'est un processus mené par le secteur privé qui a décidé du prix.

Si vous me permettez, madame la présidente, j'aimerais profiter de l'occasion pour répondre à M. Grady. Dans son introduction, il a mentionné le dialogue transatlantique entre les entreprises et dit que les Canadiens n'y participaient pas, sauf en tant que filiales américaines ou sociétés mères ou soeurs. C'est exactement la raison pour laquelle on a décidé de créer la TRCE, afin que les Canadiens et les Européens puissent se réunir, avec le même genre d'objectifs, le même genre de relations avec les autorités publiques, pour transmettre certaines de leurs préoccupations afin que nous puissions améliorer la situation, à la fois en ce qui concerne la réglementation et dans les domaines qui n'en relèvent pas.

Si vous me permettez encore, madame la présidente, j'aimerais revenir à l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Le tableau qu'a fait circuler M. Grady illustre très précisément la position de l'Union européenne. Nous sommes convaincus... Je ne dirais pas que c'est une doctrine, mais certainement une conviction, qu'en matière de relations internationales, surtout lorsqu'il s'agit de relations commerciales, il ne sert pas à grand- chose d'envisager des accords de libre-échange avec les pays industrialisés, compte tenu du niveau des tarifs douaniers.

Entre pays industrialisés, les tarifs sont très faibles, normalement grâce aux négociations de l'OMC ou à celles du GATT à l'époque. En fait, le tarif moyen entre l'Union européenne et le Canada est de 4 p. 100. Que ferait un accord de libre-échange qu'une négociation de l'OMC ne pourrait pas faire? Toutefois, lorsqu'il s'agit par exemple du Mexique—et c'est la raison pour laquelle nous avons signé un accord avec le Mexique—le tarif moyen est de 24 ou 26 p. 100.

Notre tableau montre aussi pourquoi la zone de libre-échange n'était pas notre premier choix parce que les accords de libre- échange ne règlent pas nécessairement les barrières non tarifaires. Le problème que nous avons dans les relations entre l'Union européenne et le Canada, comme avec beaucoup d'autres pays industrialisés, vient des barrières non tarifaires. Il n'en est habituellement pas question dans les accords de libre-échange.

Toutefois, puisque nous estimons que les Canadiens insistent beaucoup sur cette idée d'un accord de libre-échange, nous ne voulons pas automatiquement dire non. Peut-être qu'il y a certains éléments que nous n'avons pas examinés assez attentivement. C'est la raison pour laquelle le commissaire Lamy, lorsqu'il a eu sa première rencontre avec M. Pettigrew en décembre, a déclaré: «D'accord, ce n'est pas ainsi que nous procéderions normalement mais si vous avez des arguments solides, présentez-les-nous; parlons-en» parce que, comme je l'ai dit, il y a peut-être des éléments que nous n'avons pas vus.

La présidente: Merci beaucoup, Votre Excellence.

Je vous remercie aussi, monsieur Grady, d'être venu.

Nous apprécions vos commentaires. Vous êtes les derniers témoins que nous entendrons avant de commencer notre rapport intérimaire.

• 1655

Chers collègues, avant de partir et avant de clore la réunion, je viens de parler à notre attaché de recherche, Peter, qui pense pouvoir nous donner un exemplaire de l'ébauche du rapport la semaine prochaine. Je vous demanderais donc de l'examiner, et lors de la réunion du 31 mai, nous pourrons nous asseoir pour en discuter.

Nous avons évoqué la possibilité de voyager de nouveau, mais nous avons constaté qu'il n'y avait pas assez de temps pour préparer un voyage et organiser les réunions nécessaire d'ici le début du mois de juin. Nous n'avons tout simplement pas assez de temps. Nous pouvons cependant envisager la possibilité de voyager à l'automne.

Ce que j'aimerais faire—et encore une fois, je vous demande d'y penser, et nous pourrons en parler lors de la prochaine réunion—c'est déposer ce rapport, même s'il s'agit d'un rapport intérimaire pour l'instant, pour que nous puissions présenter quelque chose avant l'ajournement de la Chambre. Nous pourrons préparer un rapport de suivi à la suite du voyage en octobre. Mais avant la fin de la session, et n'oubliez pas que nous devons présenter ce rapport au comité principal, j'aimerais pouvoir déposer le rapport. Je vous demande donc d'y penser. Nous pourrions présenter un rapport final, à la suite du voyage en octobre.

J'aimerais également vous avertir que l'ébauche du rapport sera distribuée la semaine prochaine pour que nous ayons le temps d'en discuter avant notre réunion du 31 mai. La semaine prochaine, le ministre des Affaires étrangères comparaît devant le comité principal au sujet du budget des dépenses, et c'est à ce moment-là que nous aurons cette réunion. Je vous en avertis.

Merci beaucoup, chers collègues.

Merci encore, Votre Excellence et monsieur Grady.

La séance est levée.