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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 023 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 février 2012

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration tient sa 23e séance en ce mardi 28 février 2012.
     Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude intitulée « Protéger nos foyers et nos droits: garantir la sécurité du système canadien d'immigration ». Il s'agit d'une séance télévisée.
     Nous allons entendre un seul témoin au cours de la première heure. Nous accueillons Martin Collacott, du Centre pour une Réforme des Politiques d’Immigration. M. Collacott, qui a été ambassadeur du Canada, est le porte-parole de cet organisme. Il a déjà comparu devant nous à maintes reprises.
     En 2008, il a été coéditeur, avec Alexander Moens, du document intitulé Immigration Policy and the Terrorist Threat in Canada and the United States. Il est également l’auteur du document Canada's Inadequate Response to Terrorism: The Need for Policy Reform, paru en 2006.
     Bienvenue, monsieur Collacott. Nous vous remercions d'apporter votre expertise et vos conseils à notre étude. Pour votre exposé, nous vous demandons de ne pas dépasser 10 minutes.
     Vous avez la parole, monsieur.
     On m’a demandé de parler aujourd’hui des mesures qu’il faudrait prendre pour améliorer la sécurité du système d’immigration du Canada. Comme cela englobe un large éventail de sujets, je ne tenterai pas de les couvrir tous, mais je répondrai volontiers aux questions sur n’importe lequel des sujets que je n’aurai pas abordés dans mon exposé.
     Un des domaines auquel il faut prêter une attention particulière est celui du contrôle de sécurité des demandeurs de visa, surtout ceux venant des pays qui produisent un grand nombre de terroristes. En mai 2006, le sous-directeur des opérations au SCRS, Jack Hooper, a déclaré dans son témoignage devant un comité sénatorial qu’au cours des cinq dernières années, le Canada a reçu quelque 20 000 immigrants de la région du Pakistan et de l’Afghanistan, et que les agents de sécurité canadiens n’ont pu contrôler qu’un dixième de ceux-ci.
    J’ignore dans quelle mesure la situation s’est améliorée depuis le témoignage de M. Hooper. Par contre, je sais que, dans son rapport publié il y a à peine quatre mois, le vérificateur général du Canada s’est déclaré très inquiet de l’efficacité et de la portée de nos contrôles de sécurité.
     Je n’essaierai pas de couvrir toutes ses constatations et recommandations. Je suppose que vous avez pu en discuter avec des représentants de son bureau à la séance du 16 février. Cependant, je mentionnerai une de ses préoccupations à titre d’exemple. Il a remarqué qu’un infime pourcentage des demandes de visa étaient rejetées pour des motifs de sécurité — moins d’une demande de résidence permanente sur mille soumises aux agences de sécurité aux fins du contrôle. Bien entendu, ce taux de rejet soulève des doutes, à savoir si les indicateurs de risque actuels servant à identifier les demandeurs éventuellement interdits de territoire sont appropriés ou sont appliqués correctement.
     Je signalerai quelques autres problèmes graves qui surviennent à nos gros bureaux des visas à l’étranger. Le premier est le très haut pourcentage de documents frauduleux soumis à l’appui des demandes et le temps consacré à en vérifier l’authenticité. S’ajoute à cela le fait qu’à certains bureaux, les agents des visas consacrent une bonne partie de leur temps à répondre aux représentations faites par des avocats et des consultants en immigration, des organisations non gouvernementales et des députés fédéraux au nom de leurs clients et de leurs électeurs. En effet, rejeter une demande entraîne souvent beaucoup plus de travail qu’en approuver une, en raison simplement des contestations auxquelles les rejets peuvent donner lieu.
     Il résulte de tout cela qu’à plusieurs de nos bureaux des visas, les agents canadiens à l’étranger n’ont tout simplement pas le temps de contrôler les demandeurs avec autant de rigueur qu’ils le devraient. Notre ambassade à Moscou, par exemple, a déjà informé l’administration centrale qu’elle n’avait pas assez de personnel ni de ressources pour repérer tous les membres de la pègre russe essayant de s’installer au Canada.
    Ce rapport ait été produit il y a quelques années et il est possible que la situation à ce bureau des visas particulier se soit améliorée depuis, étant donné les diverses lacunes relevées dans le dernier rapport du vérificateur général, ainsi que dans les rapports de 1992 et de 2000, mais il ne serait pas surprenant que ce genre de situations soit toujours un problème grave à certains de nos bureaux des visas.
     L’une des choses précises que je recommande est que nous retournions aux entrevues en personne avec les demandeurs de visa. Nous le faisions régulièrement auparavant; nous le faisons rarement maintenant. Ces entrevues sont importantes pour un certain nombre de raisons. Premièrement, elles permettent à l’agent des visas de s’assurer que le demandeur, en plus d’avoir une compréhension réaliste de ses perspectives d’emploi au Canada, est raisonnablement conscient des défis qui l’attendent sur le plan de l’adaptation culturelle.
     Vous êtes certainement au courant du récent procès à Kingston des membres de la famille Shafia accusés d’avoir tué d’autres membres de leur famille. Le chef de cette famille, Mohammad Shafia, semble avoir immigré au Canada en croyant que lui-même et les membres de sa famille allaient pouvoir jouir de tous les avantages de la vie dans notre pays sans être influencés par les valeurs et les normes canadiennes. S’il avait reçu, avant de venir, des conseils appropriés sur ce à quoi il devait s’attendre concernant l’exposition de sa famille à la société canadienne, il aurait peut-être décidé de ne pas venir et, dans ce cas, tous les membres de sa famille seraient encore en vie aujourd’hui, et lui-même et sa femme ne seraient pas en prison à vie.
     Outre le fait qu’une entrevue en personne aide le demandeur à mieux comprendre ce à quoi il doit s’attendre en venant vivre ici, elle procure aux agents des visas une occasion de déterminer l’admissibilité du demandeur à l’immigration au Canada. Bien qu’une telle entrevue ne saurait se substituer aux contrôles de sécurité normaux, elle constitue une occasion très utile de déterminer directement si un demandeur est susceptible d’avoir de graves difficultés à s’adapter à la société et aux valeurs canadiennes. Elle peut aussi permettre de déterminer si les qualifications que le demandeur prétend avoir sont véritables, et si celui-ci pourrait constituer un risque quelconque pour le Canada.
    Donc, il est important que les agents canadiens à l'étranger se remettent à mener des entrevues complètes avec la plupart des demandeurs de visa étrangers, autant pour les aider à se faire une idée réaliste de leur venue ici que pour nous assurer qu’ils sont de bons candidats selon nos normes.
     Pour rendre possibles ces entrevues, de même que des vérifications plus rigoureuses des antécédents des demandeurs, il faudrait augmenter nettement les ressources. Si nous ne pouvons pas consacrer à cela les fonds requis, nous devrions alors réduire l’immigration à des niveaux correspondant à nos ressources, de sorte que le travail soit fait convenablement, plutôt que mettre en danger la sûreté et la sécurité des Canadiens.
     Pour étoffer cette recommandation, j’ajouterai que l’organisation que je représente aujourd’hui, le Centre pour une Réforme des Politiques d’Immigration, et moi-même croyons fermement que, bien que nous appuyions l’admission d’un nombre raisonnable d’immigrants par rapport à nos besoins, le nombre des résidents permanents et des travailleurs temporaires que nous accueillons présentement dépasse de beaucoup nos besoins. Plusieurs des pénuries de main-d’œuvre actuelles, ainsi que des pénuries anticipées, pourraient être comblées à même notre population si nous réussissions mieux à optimiser l’utilisation des ressources qui sont déjà dans le pays. Voilà une de mes recommandations.
     J’aimerais aussi parler d’un certain nombre d’aspects préoccupants associés au système de détermination du statut de réfugié. Premièrement, le Canada est l’un des pays les plus généreux du monde, tant sur le plan du taux d’acceptation des demandeurs d’asile qui revendiquent le statut de réfugié une fois arrivés au Canada, que sur celui du nombre des réfugiés qui se trouvent à l'étranger et que nous réétablissons. Il est à noter que, bien que les Canadiens appuient fortement l’acceptation d’un nombre raisonnable de réfugiés légitimes, un grand nombre de Canadiens estiment également que le système ouvre largement la porte aux abus et qu’il a besoin d’être resserré considérablement.
     En ce qui concerne la sécurité, le système de détermination du statut de réfugié a été un important moyen d’entrée au Canada pour des terroristes et des sympathisants de terroristes, de même que pour des criminels de guerre et d’autres types de criminels.
     Je tiens à mentionner à cet égard qu’une grande majorité des demandeurs du statut de réfugié, ou demandeurs d’asile, ne sont pas des terroristes ni des criminels. La plupart d’entre eux sont soit des réfugiés légitimes fuyant la persécution, soit des gens recherchant de meilleures possibilités économiques et utilisant le système de réfugiés pour entrer au Canada. En revanche, un nombre considérable de terroristes ou de sympathisants de terroristes, ainsi que de criminels, ont réussi à entrer au Canada en revendiquant le statut de réfugié, et ils ont été généralement très difficiles à renvoyer une fois leurs revendications rejetées.
     Dans un de mes articles que l’Institut Fraser a publié en 2006 — et que vous avez mentionné d’ailleurs, monsieur le président —, j’ai examiné le cas de 25 terroristes et présumés terroristes qui étaient entrés au Canada, et j’ai constaté que presque les deux tiers étaient entrés en tant que demandeurs du statut de réfugié.
     Le recours au système de réfugiés pour l’entrée au Canada de terroristes et de leurs sympathisants est particulièrement bien illustré par le nombre de demandeurs sri-lankais du statut de réfugié qui ont réussi à s’établir au Canada. Le Canada a été tellement généreux et confiant dans son acceptation des demandeurs tamouls provenant du Sri Lanka que pendant plusieurs années, à certaines occasions, nous en avons accepté plus que tous les autres pays au monde réunis. Et cela a fourni largement l’occasion aux organisations terroristes tamoules d’établir leur base de soutien au Canada.
     En 2000, selon un rapport du groupe spécial de la police de Toronto sur les Tamouls, il y avait jusqu’a 8 000 membres de factions terroristes tamoules dans cette ville, dont la presque totalité était supposément entrés au pays en tant que demandeurs du statut de réfugié, ou encore en tant que parents parrainés par des demandeurs ayant obtenu le statut de réfugié.
     Le gouvernement actuel a fait, et continue de faire de grands efforts pour éviter les abus du système de réfugiés par des personnes qui, en vertu des normes internationales, ne sont pas de véritables réfugiés. Si le gouvernement réussit à cet égard, les mesures qu’il a proposées récemment réduiront les possibilités pour de telles personnes d’abuser du système pour entrer au Canada.
     J’ai une autre observation à faire sur la question des terroristes. Bien que le système de réfugiés ait été une voie importante d’entrée des terroristes dans le passé — et continue de l’être dans une certaine mesure —, nous avons dû commencer, au cours des dernières années, à nous pencher sur ce qu’on appelle le terrorisme d’origine intérieure.
     Le cas des 18 de Toronto en est un exemple. C’était un groupe composé principalement de jeunes hommes qui étaient nés ici ou qui étaient entrés ici à un très jeune âge, qui avaient grandi au Canada et qui avaient projeté de faire exploser les édifices du Parlement et de décapiter le premier ministre. Détail intéressant, en grandissant au Canada, ils sont devenus plus radicalisés que ne l’étaient leurs parents lorsqu’ils ont immigré ici.
(1540)
    Ce sont là des aspects préoccupants qu'il faut étudier de près, surtout parce que cette collectivité en particulier, qui comptait moins de 100 000 membres en 1981, en comptera jusqu’à 2,7 millions en 2031. Par comparaison, elle correspond en ce moment au tiers de la collectivité juive, mais sera alors de six fois et demie supérieure. Le terrorisme d’origine intérieure est un problème. Il n’est pas associé directement au contrôle frontalier, mais c’est un problème de sécurité qui, fondamentalement, est relié à l’immigration.
     Je passe maintenant à deux ou trois autres points. Le gouvernement a annoncé récemment ses plans en matière de contrôle biométrique. Ce qu’il veut faire est excellent. C’est conçu pour s’assurer que la personne qui se présente au point d’entrée est effectivement la personne à laquelle le visa a été délivré à l’un de nos bureaux à l’étranger. Et cela facilitera l’identification des criminels connus qui essaient d’entrer à nouveau au Canada, de même que des demandeurs d’asile déboutés et des personnes expulsées qui essaient d’entrer à nouveau sous une fausse identité ou sans permission.
     À mon avis, ces mesures se font attendre depuis longtemps, et nous sommes bien en retard à cet égard par rapports aux autres pays occidentaux, comme les États-Unis.
(1545)
    Monsieur Collacott, nous avons dépassé de beaucoup les 10 minutes. Si vous voulez bien conclure.
    Ce que je voulais dire au sujet des mesures biométriques, c’est que ce que nous faisons est bien, mais nous devons en faire beaucoup plus. Nous devons faire passer un contrôle biométrique à toutes les personnes non canadiennes qui entrent au pays et, en plus, nous devons imposer des contrôles de sortie, ce qui sert un autre groupe et est très valable. Cela devrait être une priorité. Ce ne sera pas bon marché — ce sera coûteux —, mais je crois que nous devons mettre ces choses en oeuvre…
    Merci, monsieur Collacott. Les membres du comité n’ont pas votre exposé, parce que nous devons le faire traduire, mais ils l'obtiendront une fois que ce sera fait. Merci de cet exposé.
     La parole est maintenant à M. Chungsen Leung.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Collacott, je comprends que vous souhaitiez des entrevues en personne avec les immigrants.
     Deux aspects me préoccupent. Premièrement, plusieurs des agents d’immigration travaillant à l’étranger sont mutés d’un endroit à l’autre pour des périodes variant de trois à cinq ans. En règle générale, une personne ne possède pas vraiment une compréhension approfondie de la culture et de l’environnement d’un endroit avant d’y avoir vécu plus que quelques années. Comment un agent d’immigration pourra-t-il déceler les intentions d’une personne pour en déterminer l’admissibilité à entrer au Canada…?
    Deuxièmement, en ce qui concerne l’évaluation des compétences, il y a les compétences associées à l’aptitude à la vie en société. Prenons l’exemple d’un opérateur de tour, d’un meuleur de verre ou d’un polisseur de lentilles. Vous ne pouvez pas vraiment déterminer cela sans avoir observé concrètement ces compétences dans le processus d’immigration. Selon notre processus actuel, nous examinons les titres de compétences mais, comme vous le savez, l’Inde, la Chine et beaucoup de ces endroits n’ont pas ces titres de compétences. J’ai récemment parlé de ce problème avec des agents d’immigration à Delhi, à Chandigarh et à Pékin.
     J’aimerais entendre vos commentaires sur cela, sur l’entrevue en personne en tant qu’un des meilleurs outils pour évaluer les immigrants.
    Merci de vos questions. Ce sont de très bonnes questions, monsieur Leung.
     En ce qui concerne la compréhension de la culture locale, c’est un aspect pour lequel il faut donner autant de bonne information que possible à un agent d’immigration fraîchement arrivé. À un moment donné, quand j’étais au Sri Lanka, nous avons mis en œuvre un programme d’immigration, et j’ai dû former 17 agents en affectation temporaire au cours d’une année. C’est une chose très importante.
     Pour ce qui est de la vérification des documents frauduleux, les compétences qu’un agent d’immigration acquiert au cours d’une affectation sont souvent pertinentes dans le cadre d’une autre. Quand la validité d’un document lui semble douteuse, l’agent devrait pouvoir être capable de la vérifier. Malheureusement, en général, et c’est l’un des problèmes, les agents n’ont pas le temps de le faire en raison de toutes les autres contraintes.
     Et quant à l’évaluation des aptitudes à la vie en société, oui, cela doit être fait d’un certain nombre de façons. Mais en ce qui les concerne, il s’agit souvent de la façon dont la personne interagit avec les gens dans une société occidentale. C’est souvent dans le cadre d’une bonne entrevue en personne qu’on peut évaluer ces compétences. Cela ne couvre pas toutes les compétences que vous avez mentionnées, mais l’entrevue en personne offre beaucoup plus d’occasions de tirer des conclusions qu’il est impossible de tirer autrement. Mais incontestablement, elle ne remplace pas toutes les autres façons de vérifier les qualifications d’une personne.
    Alors, comment pouvons-nous présenter le Canada comme un pays accueillant et généreux quand nous avons certaines sensibilités culturelles à régler parmi nos fonctionnaires et dans notre propre culture? Par exemple, si un immigrant éventuel passe une entrevue dans un pays étranger, comme la Chine, et s’il ne parle pas couramment l’anglais, la personne qui mène l’entrevue doit posséder la sensibilité requise pour comprendre si ce qu’il dit est vraiment ce qu’il veut dire, comme nous le comprenons dans notre culture nord-américaine.
(1550)
    C’est une situation qui pose un défi. J’ajouterai, cependant, que beaucoup des personnes qui passent une entrevue demandent à entrer ici en tant qu’immigrants qualifiés, indépendants. Si elles ne parlent pas assez bien l’anglais pour participer à l’entrevue, elles vont avoir un problème au Canada. La langue est un critère de base de leur admissibilité — l’anglais ou le français. Et c’est une exigence fondamentale sur laquelle le gouvernement insiste davantage, à juste titre. L’adaptation culturelle, même dans un contexte de travail, est importante. Mais si l’immigrant éventuel n’a aucune connaissance de la langue ni de la culture, cette personne aura un problème.
     Vous avez touché un aspect délicat. C’est une chose qu’il faut régler. Cependant, l’entrevue en personne donne à l’agent canadien à l’étranger l’occasion — qu’il n’aurait jamais sur papier — de voir si la personne va pouvoir bien fonctionner dans une situation de travail concrète au Canada.
    Puis-je déduire de ce commentaire que nous avons probablement tout intérêt à exiger des niveaux plus élevés de compétence dans l’une de nos langues officielles avant d’admettre l’immigrant?
    Est-ce que vous me posez une question? Je m’excuse.
    Je vous demandais s’il est nécessaire de rehausser la norme des aptitudes verbales dans l’une de nos langues officielles. C’est une des choses dont nous parlions. Si nos agents posent cette question, ils sauront si la personne qui peut y répondre est apte à s’adapter à la culture canadienne. Vous êtes d’accord?
    Oui, absolument.
     Déjà en 1997, une étude commandée par le gouvernement, qui portait sur beaucoup plus que des chiffres, avait déterminé que l’aptitude en anglais, ou en français pour aller au Québec, était l’un des indicateurs clés de la mesure dans laquelle une personne allait réussir. Si la personne avait une assez bonne connaissance de la langue, elle allait pouvoir prendre le train en marche. Et si elle ne l’avait pas, elle allait avoir des problèmes.
     Fait intéressant, cette recommandation a été réfutée sous prétexte qu’elle favorisait davantage les personnes venant de pays non anglophones. Mais cela n’a pas d’importance, si elles viennent d’un pays anglophone ou non. Si elles parlent assez bien l’anglais, elles sont beaucoup plus susceptibles de réussir sur le marché du travail canadien que si elles ne le parlent pas.
    Merci. Cela nous aiderait certainement à mieux gérer certains de nos coûts de réétablissement.
     Je n’ai pas d’autre question.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président. Et bon retour parmi nous, monsieur Collacott.
     Monsieur Collacott, vous étiez ambassadeur au Sri Lanka, si je ne m’abuse. Est-ce bien le cas?
    Oui, j’y étais dans les années 1980.
    Combien de temps avez-vous été l’ambassadeur?
    J'étais plutôt haut-commissaire. J’ai été haut-commissaire au Sri Lanka de 1982 à 1986.
    Merci.
     Dans le cadre de vos fonctions, vous deviez superviser les activités du haut-commissariat, et c’est là que les visas de visiteur étaient accordés. Ai-je raison?
    Oui. En fait, à mon arrivée, nous n’exigions pas un visa de visiteur.
    Cela a-t-il été établi quand vous étiez là-bas? Avez-vous l’expérience du traitement des visas de visiteur?
    J’ai certainement l’expérience de la supervision des visas de visiteur. Je n’en ai jamais traité un moi-même. J’avais une grosse section des visas qui faisait cela.
     Avez-vous une question?
    Oui, j’y arrive.
     Je suis surpris par votre réponse, par votre témoignage selon lequel vous trouvez que les agents n’ont pas assez de temps pour vérifier des documents parce qu’ils ont tellement d’autres choses à faire. C’était l’une des raisons étayant votre suggestion de mener des entrevues en personne. Ai-je bien compris?
    Oui, c’est exact, surtout pour les résidents permanents.
    Bon.
     Eh bien, je suis curieux. J’aimerais parler un peu des visas de visiteur, ou visas de résident temporaire que nous appelons VRT. Disons les visas de visiteur. D’après ce que vous en savez, trouvez-vous que les agents dans les hauts-commissariats et les ambassades n’ont pas assez de temps pour vérifier les documents avant de décider d’accorder un visa de visiteur?
(1555)
    Eh bien, pour les visas de visiteur, ils doivent certainement vérifier les documents. Ce dont je parlais surtout, c’est du cas de quelqu’un qui veut venir vivre ici en permanence, en tant que résident permanent, et donc de la vérification des documents de cette personne.
     La vérification des documents des travailleurs temporaires pose un problème, car ceux-ci peuvent aussi soumettre des documents frauduleux. Mais j’insiste surtout sur la nécessité de faire passer une entrevue complète aux personnes qui veulent venir vivre et demeurer au Canada en tant que résidents permanents.
    N’est-ce pas le cas actuellement?
    Non. C’était assez courant, mais maintenant, les ressources étant limitées, nous n’en faisons plus autant, et je crois que c’est une pratique qu’il faudrait rétablir. Mais entretenir un agent canadien à l’étranger avec sa famille est très coûteux, monsieur Davies. Ce ne serait pas bon marché, mais si nous le faisons, nous devons fournir des ressources supplémentaires pour maintenir les niveaux d’immigration actuels.
    Est-ce que vous proposez que nous maintenions à l’étranger le niveau suffisant de ressources formées au Canada?
    Eh bien, soit nous augmentons l’effectif canadien à l’étranger pour évaluer les gens de façon plus rigoureuse, soit nous réduisons les nombres en fonction des ressources disponibles.
     Ne pas faire le travail convenablement représente un risque pour les Canadiens et, parfois, ce n’est pas juste pour les immigrants eux-mêmes. Ils n’en savent tout simplement pas assez sur ce qui les attend.
    Assurément, et je crois que vous avez dit dans votre témoignage que vous pensez qu’il serait très coûteux de mettre en œuvre des contrôles de sortie, mais que vous nous recommandez de le faire. Ai-je bien compris?
    C’est exact, et pas seulement pour que nous sachions qui est encore au pays alors qu’il est censé l’avoir quitté, mais aussi pour vérifier que les résidents permanents qui attendent leur citoyenneté canadienne demeurent ici pendant la période requise. Nous savons que plusieurs d’entre eux, malgré leurs affirmations, ne restent pas au Canada aussi longtemps qu’ils le doivent, et c'est très difficile à vérifier. Donc, les contrôles de sortie permettraient aussi de combattre ce problème très efficacement.
    Monsieur Collacott, en ce qui concerne les demandes de résidence permanente, si je comprends bien votre témoignage, vous nous dites qu’ils n’ont pas vraiment le temps de vérifier les documents à fond parce qu’ils ont beaucoup d’autres choses à faire, et qu’ils ne mènent plus d’entrevues en personne dans tous les cas. Pourtant, nous parlons des personnes qui prennent des décisions à savoir qui va devenir résident permanent de notre pays. Cela ne vous inquiète pas?
    Tous les documents sont vérifiés. Mais, si l’agent pense qu’un document est frauduleux, il s’agit pour lui d’avoir le temps de faire le suivi requis et de faire la vérification auprès de l’institution qui est censée l’avoir produit. Je ne crois pas qu’il y ait des documents qui ne sont pas vérifiés.
     Je crois que, pour que les choses se fassent aussi rigoureusement qu’il se doit, nous devons accorder plus de temps aux agents des visas. Souvent, ils consacrent du temps à s’assurer que s’ils disent non, ils peuvent le justifier. Je crois qu’ils devraient avoir plus de temps. Le vérificateur général affirme qu’il faudrait consacrer plus de temps à vérifier les demandes qui sont approuvées.
    Je tiens à bien comprendre cela, parce que c’est votre témoignage, monsieur.
    Vous dites que les agents des visas qui prennent des décisions relativement aux demandes de résidence permanente n’ont pas le temps d’aller vérifier l’authenticité des documents?
    Ils vérifient de leur mieux. Cependant, si vous avez un document frauduleux, vous devez souvent prendre le temps qu’il faut pour aller au fond du problème. Parfois, l’agent des visas doit aller en personne à l’institution en cause. Donc, bien sûr, ils font la meilleure vérification visuelle possible de tous les documents, mais ils n’ont pas le temps de faire la vérification rigoureuse qu’ils devraient faire, surtout compte tenu des grands nombres de documents frauduleux qui sont soumis à plusieurs de nos bureaux dans les pays en développement. En effet, certains de nos gros bureaux reçoivent beaucoup de documents frauduleux.
    Alors, vous trouvez inquiétant que nos agents des visas à l’étranger n’ont pas autant de temps que vous estimez qu’ils devraient avoir pour vérifier rigoureusement les documents frauduleux?
    Oui.
    Et vous trouvez inquiétant aussi qu’ils ne mènent pas le nombre requis d’entrevues en personne pour avoir, je suppose, un niveau de sécurité acceptable à vos yeux. Est-ce que cela résume assez bien votre témoignage?
    Oui, en effet.
     Merci.
    Très bien.
     En dernier lieu, toujours si je comprends bien votre témoignage, vous affirmez qu’un nombre considérable de terroristes, de sympathisants de terroristes et de criminels entrent au Canada par l’entremise du système de réfugiés. Je crois que tous les ans, nous laissons entrer à peu près 13 000 réfugiés. Je cite ce nombre de mémoire, et il est possible que je me trompe. Selon vous, combien y a-t-il de terroristes, de sympathisants de terroristes et de criminels parmi ces 13 000 réfugiés que nous laissons entrer tous les ans?
    Le nombre serait très petit par comparaison au total. Je ne peux pas vous donner un nombre exact. En revanche, j’ai donné l’exemple selon lequel sur 25 terroristes identifiés…
(1600)
    Je sais que vous avez donné un exemple, monsieur Collacott, mais vous avez dit « un nombre considérable ». Je veux savoir quel est ce nombre si vous le qualifiez de « considérable ». Quel est ce nombre, monsieur?
    Eh bien, 25 était un nombre considérable à l’époque. C’est une minuscule proportion du nombre total de réfugiés, et je tiens à le préciser. La plupart des demandeurs du statut de réfugié ne sont pas des criminels, ni des sympathisants de terroristes. J’ai bien donné l’exemple, aussi, de…
    Je crains que ce soit tout le temps que nous ayons, monsieur Collacott. Nous devons passer à d'autres questions.
     C’est au tour de M. Hsu. Bienvenue, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Et merci à vous, monsieur Collacott, de votre présence parmi nous aujourd’hui.
    J’aimerais poursuivre un peu dans la même voie que M. Davies en vous demandant quelques détails supplémentaires sur votre idée de réduire l’immigration à un niveau proportionnel aux ressources affectées au contrôle des immigrants. Si les ressources affectées aux agents d’immigration demeuraient les mêmes, quelle réduction de l’immigration recommanderiez-vous? Réduiriez-vous l’immigration de 10 p. 100 ou de 30 p. 100? De quel ordre de grandeur est-il question ici? J’essaie d’obtenir quelques détails.
    Si l’on se fonde sur les ressources disponibles, il faudrait que j’étudie la question un peu. Mais si l’on se fonde sur les besoins du marché du travail canadien, je dirais — et c’est un nombre approximatif qui varie selon la situation de l’économie — que nous pourrions probablement nous en tirer très bien avec la moitié du nombre que nous laissons entrer maintenant. Je dis cela parce que certaines des meilleures études démontrent que si nous utilisions mieux nos propres ressources, nous n’aurions pas besoin de faire entrer un si grand nombre de personnes.
     Comme l’affirmait Olivia Chow, membre du NPD, quand le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures à la fin janvier — et certaines d’entre elles sont très bonnes —, le gouvernement fédéral servirait mieux les Canadiens en formant les personnes qui n’ont pas de travail, ici, au pays, avant de recourir à l’étranger pour combler nos besoins en main-d’œuvre. Elle avait parfaitement raison. Nous ne devrions pas arrêter l’immigration, mais nous devrions la fonder sur les pénuries de main-d’œuvre que nous ne pouvons pas combler nous-mêmes. Nous devrions tenir compte de cela d’abord, puis déterminer les besoins à combler par l’immigration. Mais ce n’est pas ce que nous faisons. L’immigration est devenue une fin en soi.
    J’aimerais me pencher maintenant sur votre affirmation au sujet de l’insuffisance des ressources affectées à l’évaluation des résidents permanents éventuels. Pouvez-vous nommer des pays précis desquels, selon vous, nous devrions réduire de façon appréciable l’immigration, que ce soit de 50 p. 100 ou plus?
    Non. Je ne préciserai pas de pays, parce que si une personne est un bon immigrant, le pays d’où elle vient n’a aucune importance dans la mesure où elle a la capacité de s’intégrer dans notre marché du travail et dans notre société. Mon épouse a immigré du Vietnam et je suis entièrement pour que nous acceptions des immigrants de partout au monde. Mais, non, je ne recommanderai pas de pays particulier duquel nous ne devrions pas…
    Je me rappelle qu’au début de votre témoignage, vous avez mentionné certaines parties du monde qui ont tendance à produire davantage de terroristes, et ici, je vous paraphrase seulement, je ne vous cite pas. Y a-t-il certains endroits du monde desquels, selon vous, nous devrions réduire l’immigration de sorte qu’elle soit proportionnelle aux ressources disponibles?
    En ce qui a trait aux menaces terroristes en particulier?
    Oui.
    Non, pas nécessairement, mais en ce qui concerne les personnes qui viennent de ces régions, je crois que nous devrions faire preuve d’une prudence particulière dans nos contrôles. Comme je l’ai mentionné, le sous-directeur au SCRS a affirmé que nous ne contrôlons que 10 p. 100 des cas en raison des pénuries de ressources. Alors, si nous laissons entrer des gens de ces pays, nous devons selon moi en faire un contrôle très minutieux, et nous devons porter une attention toute particulière à cette question.
    Monsieur, si nous remontons quelques années, pensez-vous que l’immigration était trop élevée et qu'elle aurait dû être inférieure, ce qui nous aurait permis de contrôler tout le monde de façon plus minutieuse? Trouvez-vous qu’elle aurait dû être inférieure de 20 p. 100 au cours de ces dernières années? J’essaie de mieux comprendre l’envergure de ce problème.
    Bien sûr. D’accord. Si vous remontez assez loin, vous pouvez constater les énormes mouvements d’immigration qui ont caractérisé le début du XXe siècle. Nous avions besoin de grands nombres d’immigrants, de grands nombres d’immigrants non spécialisés pour l’Ouest en particulier. Puis, il y a eu des périodes où l’immigration a été plutôt faible. Donc, vraiment, c’est la période actuelle qu’il faut prendre en compte.
     Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris toute votre question. Voulez-vous dire que nous aurions dû accepter moins d’immigrants pour des questions de sécurité? Puis-je vous demander d’éclaircir cela un peu?
(1605)
    Oui. Aurions-nous dû en accepter moins pour des motifs de sécurité?
    Il y a eu des périodes au cours desquelles beaucoup de sympathisants de terroristes sont entrés, ce que j’ai mentionné, et je crois que nous aurions dû faire preuve d’une plus grande circonspection à cet égard.
     Néanmoins, les problèmes de terrorisme sont relativement récents; ils ne se sont manifestés qu’au cours des 25 dernières années environ.
    Merci.
    Madame James.
    Merci, monsieur le président.
     Bon retour, monsieur Collacott. J’ai fait un peu de recherche, ainsi qu’un survol de vos titres de compétence. La liste en est très longue; vous êtes assurément expert en la matière.
     Je remonte à 2007, quand vous avez organisé une conférence sur l’immigration et la sécurité. J’ai lu un peu à ce sujet, et j’ai aussi lu certaines des conclusions et des recommandations que vous avez produites après la conférence.
     Pouvez-vous présenter aux autres membres du comité certaines de ces recommandations, ou encore les conclusions tirées de cette conférence particulière. Si je ne me trompe pas, ces conclusions sont présentées dans le chapitre intitulé « Making Canada's Immigration System and Borders More Secure ».
    Pouvez-vous nous parler de cela, et de ces conclusions et recommandations, s’il vous plaît?
    Je vais essayer de me rafraîchir un peu la mémoire, mais je crois me rappeler assez bien mes recommandations. J’ai dit que nous avions des problèmes de sécurité, que nous devrions contrôler les personnes plus rigoureusement, et aussi que nous devrions étudier les communautés où les risques sont plus graves qu’ailleurs, pour déterminer les raisons de ces risques.
     J’ai mentionné brièvement que certains des membres plus radicalisés de la communauté musulmane — et il n’y a pas qu’une seule communauté musulmane, c’est un mélange de communautés — le sont plus que leurs parents qui sont venus ici. Je crois que nous devons étudier un peu la question pour déterminer pourquoi.
     Les gens sont plutôt réticents à faire de la recherche sur un sujet parfois jugé délicat parce qu'il concerne une ethnie ou un groupe religieux particulier. Je crois que nous devons en faire beaucoup plus pour comprendre pourquoi nous avons ces problèmes.
     Nous avons le plus grand nombre de nouveaux immigrants par habitant au monde. La composition de ces nouveaux arrivants est très diversifiée, ce qui est une bonne chose à plusieurs égards, mais nous allons cumuler des problèmes graves si nous ne sommes pas prudents.
    Monsieur Collacott, je regarde certaines conclusions en particulier. Vous en avez parlé aujourd’hui.
    En ce qui concerne les terroristes qui sont entrés au Canada, vous avez dit que les deux tiers avaient été des demandeurs du statut de réfugié. Quand je suis remontée à la conférence et que j’en ai étudié certains des renseignements, j’ai remarqué que vous aviez mentionné le système de détermination du statut de réfugié, et aviez recommandé que le processus d’appel soit corrigé pour que les renvois soient exécutés plus rapidement.
     J’essaie d’aller au fond de la question. Sur le plan de la sécurité frontalière, il est évident que si nous pouvions empêcher les gens d’entrer au Canada dès le départ, nous n’aurions pas nécessairement ce genre de problèmes. N’est-ce pas vrai?
    Oui, ce serait une des solutions à ce problème.
     Mais voulez-vous dire interdire l’entrée aux gens pour des motifs de sécurité, ou seulement aux demandeurs du statut de réfugié en général?
    Pas nécessairement les demandeurs du statut de réfugié. À la conférence, vous avez aussi mentionné un problème associé aux niveaux élevés d’admission au Canada.
     C’est intéressant. M. Davis en a parlé aussi. Certaines des questions posées essayaient de relier cela au fait que nous n’avons pas forcément assez de ressources. Mais d’après ce que j’ai compris de vos réponses, c’est plus une question du grand nombre de demandeurs qui présentent des documents frauduleux, et si nous avions un meilleur processus de contrôle, nous n’aurions peut-être pas ce problème.
     N’est-ce pas vrai aussi que si nous avions de meilleures méthodes de contrôle de sécurité...?
    Ce sont là deux questions distinctes. Dans la plupart des cas, les documents frauduleux font état des titres scolaires ou de la situation financière des demandeurs, plutôt que de renseignements de sécurité. La question de la sécurité est quelque peu différente, car il s’agit de déterminer si le demandeur constituera une menace sur le plan de la sûreté nationale ou sur un autre plan connexe.
     Ce sont là deux problèmes différents. Deux problèmes, mais différents.
    Merci.
     Lors de séances précédentes, nous avons tenté de déterminer — et je crois que certaines des questions venaient de l’autre côté de la salle ici aujourd’hui — quels sont les pays qui, habituellement, éveillent des soupçons sur le plan sécurité.
     D’après votre expérience, quels pays font partie de cette catégorie? Il doit y avoir certains pays dans le monde qui éveillent les soupçons et dont les ressortissants font l'objet d'une vérification plus serrée des antécédents et des documents.
(1610)
    Oui, certainement. J’ai mentionné l’Afghanistan et le Pakistan, mais il y en a d’autres où se manifestent d’importants problèmes de sécurité ou des problèmes de terrorisme en devenir. Ça ne veut pas dire que ce sont les seuls. Il est possible qu’un sympathisant de terroriste suive un parcours complètement différent pour entrer au Canada.
     Je crois qu’il y a des pays auxquels nous devons accorder une attention particulière. Comme Jack Hooper l’a mentionné, ils n’ont pu contrôler que 10 p. 100 de ceux qui venaient de l’Afghanistan et du Pakistan.
     Je crois qu’il est possible de dresser une liste des pays par ordre de priorité, pour ce qui est des contrôles de sécurité, et c'est ce que les Américains ont fait. Ils ont dit qu’il faut faire particulièrement attention aux gens qui viennent des pays X, Y et Z.
    Si nous approfondissons la question, nous entendons parler de pays plus susceptibles de produire des terroristes entrant au Canada, mais j’ai entendu dire que nous avons eu motif de soupçonner davantage de personnes qui tentaient d’entrer par les États-Unis que par d’autres pays que nous serions portés à soupçonner davantage, comme l’Égypte. Pouvez-vous commenter cela? Est-ce un fait ou une fausse rumeur?
    C’est peut-être vrai, mais je dois dire que je n’en ai pas entendu parler précisément.
     Il est vrai que beaucoup de personnes entrent depuis les États-Unis, certes, et l’un des problèmes que cela cause, c’est que nous devons traiter beaucoup de ce qu’on appelle des demandes émanant de l’extérieur; ce serait le cas, par exemple, d’une personne qui vient de Chine et présente sa demande à Buffalo. Or, nous n’avons pas à ce bureau l’expertise que notre personnel en poste en Chine possède pour traiter ces demandes. Nous sommes confrontés à un certain nombre de problèmes. Je préférerais que nous essayions de réduire le nombre des demandes émanant de l’extérieur, de sorte que les demandes soient présentées aux bureaux où nous possédons l’expertise pertinente, comme en Chine, par exemple.
     Nous recevons aux États-Unis un grand nombre de demandes provenant de gens qui ne sont pas des Américains, et cela nous complique quelque peu la tâche.
    Merci, madame James.
     Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Collacott, bonjour et bienvenue. En ce qui concerne les demandes, vous préconisez que les entrevues soient menées au sein des ambassades. Avez-vous une idée des coûts et des délais qui seraient associés à ce processus d'entrevue?

[Traduction]

    Je suppose que cela ne causerait pas de gros retards, parce que la personne qui fait la demande va passer à l’ambassade de toute façon. Mais les coûts seraient considérables si nous devions avoir suffisamment d’agents canadiens à l’étranger. Je ne sais pas quels sont les chiffres actuellement. Je pense qu’il en coûte à peu près 400 000 $ par année pour avoir un agent canadien à l’étranger, louer une maison pour lui et sa famille, dont certains membres pourraient aller à l’école au Canada. Donc, c’est loin d’être bon marché.
     Je suppose que les coûts pourraient être gérés assez bien, mais cela coûterait de l’argent, néanmoins, beaucoup plus d’argent que maintenant.
     Par contre, je ne crois pas que le traitement en serait retardé de beaucoup.

[Français]

    Vous pensez que cela ne retarderait pas le processus, mais cela aurait-il une incidence sur les délais?

[Traduction]

    Une bonne entrevue pourrait prendre une heure ou deux.
     Non, je ne le crois pas non plus. Nous avons déjà un problème de temps d’attente causé par le nombre élevé de demandeurs. Nous ne faisons pas les choses aussi rapidement que nous le voudrions et que nous le devrions. C’est un problème en soi.
     Je ne pense pas que l’entrevue s’étendra sur une heure ou deux, et donc je doute que cela aura un effet important sur les temps d’attente.

[Français]

    De quelle façon, selon vous, une entrevue individuelle pourrait-elle permettre d'établir la véracité des faits et des informations qui sont recueillies?

[Traduction]

    Pouvez-vous répéter cela, s’il vous plaît?

[Français]

    Comment l'entrevue individuelle pourrait-elle permettre d'établir la véracité des faits qui seront rapportés par les personnes et des informations qui seront recueillies?

[Traduction]

    Cela permettrait à la personne menant l’entrevue de pouvoir au moins poser quelques questions sur certaines des qualifications. Mais si elle pense être en présence de documents frauduleux, cela ne réglerait pas ce problème entièrement. Il lui faudra quand même sortir et aller vérifier ces documents à l’institution qui les a émis.
     Un employé rompu aux entrevues et connaissant assez le contexte culturel dans lequel l’entrevue est menée peut déceler une bonne quantité de renseignements, faire de très bonnes déductions, les noter et en faire rapport en une heure ou deux. Mais nous ne le faisons tout simplement pas. Presque tout est fait sur papier maintenant.
(1615)

[Français]

    Selon vous, si on réduit le nombre d'admissions à la suite des entrevues, comment pourrons-nous faire face aux enjeux démographiques?

[Traduction]

    Quels enjeux démographiques...?

[Français]

    Je parle du problème démographique que connaît le Canada présentement. Comment renouveler les...

[Traduction]

    Vous voulez dire le vieillissement de la population?
     C'en est un…

[Français]

    Excusez-moi, monsieur Collacott...

[Traduction]

    Veuillez arrêter la minuterie un instant.
     Il faut éviter de parler tous en même temps.
     Vous pouvez poursuivre, madame.

[Français]

    D'accord.
    Un peu plus tôt, vous avez parlé de l'incidence sur la main-d'oeuvre, mais il y a aussi l'apport des personnes immigrantes sur le plan démographique. Selon vous, si on réduit le nombre d'admissions, comment pourra-t-on relever les défis démographiques?

[Traduction]

    Si je vous comprends bien, madame, la question que vous posez au sujet de l’aspect démographique est la suivante. Les Canadiens vieillissent. Ils vivent plus longtemps. Nous allons avoir encore plus de gens âgés. Qui va fournir la main-d’œuvre qui paiera les taxes nécessaires au soutien des services sociaux fournis aux personnes âgées? C’est bien cela? Bien.
     Cette question est soulevée de moins en moins parce qu’il a été démontré définitivement que l’immigration n’aura presque aucune incidence sur l’âge moyen des Canadiens, à moins que vous n’alliez chercher un très grand nombre de personnes. L’Institut C.D. Howe a publié plusieurs rapports démontrant que, si l’on veut que la proportion des moins de 65 ans soit la même que celle des plus de 65 ans, il faut que la population grimpe jusqu’à 60 millions ou plus peut-être, au cours des 20 prochaines années. Les immigrants vieillissent comme tout le monde. Donc, nous savons qu’à moins d’aller chercher un nombre astronomique d’immigrants, nous ne résoudrons pas la situation démographique. Le problème du nombre accru de personnes âgées doit être confronté. C’est un problème concret que l’immigration ne contribuera pas à résoudre.
    Merci.
     Monsieur Menegakis, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, monsieur Collacott. Nous sommes heureux de vous revoir. Votre expérience nous est certainement très précieuse, monsieur.
     Je voudrais axer mes questions sur certains des défis concrets que pose notre très généreuse — selon moi — politique d’immigration. Comme vous le savez, le Canada est l’un des pays les plus accueillants au monde. J’aimerais avoir votre opinion en particulier. À quel point le gouvernement est-il conscient des particularités culturelles, quant il s’agit de renseignements comme les noms? Par exemple, quand nous traduisons le nom de quelqu’un qui vient d’un pays où l’anglais n’existe pas, pas plus que l’alphabet anglais, dans quelle mesure, selon vous, avons-nous la certitude de le faire correctement?
    Je ne crois pas pouvoir vous répondre de façon générale là-dessus. Parfois, dans les pays dont la culture est très différente de la nôtre, même dans certains pays occidentaux comme la Hongrie, le nom vient avant le prénom. Quand mon épouse était célibataire, son nom était son prénom, et on l’appelle maintenant par son nom comme si c’était son prénom.
     À vrai dire, je ne crois pas que ce soit un gros problème. C’est bien de faire preuve de sensibilité, et je crois que nous essayons de le faire, mais si on intervertit des noms, je doute que bien des immigrants s’en offusquent. Nous faisons de notre mieux.
    Monsieur Collacott, je faisais davantage allusion à la mauvaise traduction en anglais du nom de quelqu’un qui n’utilise pas l’alphabet anglais. Ne trouvez-vous pas qu’il y a un risque éventuel sur le plan de la sécurité dans ce cas?
    Eh bien, cela peut être un problème. J’ai vécu en Syrie, et les noms arabes sont parfois écrits avec des voyelles différentes, plus particulièrement parce que le son des voyelles arabes se situe entre celui des voyelles anglaises, et vice versa. Donc oui, dans ce contexte, ce pourrait être un problème. Si l’on ne peut pas identifier quelqu’un parce que son nom a été orthographié différemment dans deux situations différentes, c’est un problème d’un autre ordre, pas tant de sensibilité aux particularités culturelles que de risque pour la sécurité. Cela peut être un défi dans le cas d’une langue qui utilise un autre alphabet, ou dans le cas des caractères chinois.
(1620)
    Avez-vous déjà vu des cas où des personnes avaient plusieurs noms — quatre, cinq ou six noms —, et on en choisit deux, et peut-être pas les bons? Cela peut être problématique au niveau du contrôle de sécurité. Avez-vous déjà vu ce genre de situations dans votre carrière?
    Dans certains cas, des personnes utilisent plusieurs noms délibérément, surtout les criminels ou les espions. Mais ça, c’est un autre problème. Dans le cas du premier problème que vous avez mentionné, il s’agit de décider quelle orthographe utiliser en anglais lorsqu'il en existe plusieurs. En passant, il y a maintenant en Chine un système de transcription en anglais relativement normalisé et utilisé à grande échelle, le pinyin, qui simplifie les choses dans ce pays. Auparavant, les noms chinois posaient un gros problème parce qu’ils pouvaient être écrits de multiples façons en anglais.
    Il me reste encore une minute, monsieur Collacott.
     À votre avis, quelles lacunes précises y a-t-il encore sur le plan des mesures prises pour l’identification des étrangers qui pourraient être interdits de territoire pour des motifs de santé ou de sécurité?
    Bien, le vérificateur général en a signalé tout un éventail, sur le plan de ce que nous ne faisons pas avec assez de rigueur, en ce qui concerne la coordination entre les quatre agences principales. Je pourrais en énumérer une dizaine, et elles me paraissent toutes valables. J'en ai soulevées certaines, par exemple, ne pas avoir assez de temps aux bureaux des visas pour un contrôle exhaustif des personnes. Je peux passer en revue toute la liste avec vous, si vous le voulez, mais elle est longue.
     À mon avis, le rapport du vérificateur général était très bon mais, comme je l’ai dit plus tôt, bien des choses indiquées sont les mêmes que celles qui se trouvent dans le rapport de 2000 et dans celui de 1992. C’est un peu plus compliqué maintenant, parce que nous avons une autre agence, l’ASFC. Ces agences doivent faire de leur mieux pour coordonner leurs activités et s’assurer d’utiliser les bons types d’identificateurs aux fins de la sécurité. Ce rapport est très riche. C’était un bon rapport. J'en recommande la lecture.
    Merci.
     Monsieur Weston.
    C’est un plaisir de vous accueillir de nouveau, Martin. Je dirais que, tout comme les grands gardiens de but donnent l’impression que les arrêts sont faciles, vos réponses dans le domaine de l’immigration coulent avec grande aisance. Vous faites preuve d’une grande maîtrise de l’information, d’une profonde compréhension des objectifs de la loi, et d’un grand équilibre entre compassion et esprit pratique. Alors une fois de plus, merci d’être revenu.
     Voici ma question. Nous avons en vue un système électronique qui contrôlera les entrées et sorties des voyageurs en application de l’entente sur le périmètre de sécurité. À votre avis, comment pourra-t-il améliorer la capacité de notre gouvernement à combattre de façon décisive la fraude en matière de résidence et nous aider à empêcher les gens qui veulent le statut de citoyen canadien sans contribuer financièrement à notre système?
    Quand vous parlez du système, faites-vous allusion aux cartes NEXUS, monsieur Weston, ou parlez-vous du système de contrôle biométrique qui devrait être mis en œuvre au cours de l’an prochain?
    Merci.
    Je crois que NEXUS est un petit pas, mais que nous nous dirigeons manifestement vers le contrôle biométrique que notre comité examine de plus en plus près. J’aimerais donc savoir ce que vous en pensez.
    Selon les moyens biométriques auxquels le gouvernement envisage de recourir, les gens auraient à fournir, à l'étranger, des empreintes digitales biométriques et une photo numérisée du visage permettant de vérifier que la personne qui se présente au point d'entrée est la même que celle à qui a été accordé un visa. Mais d'après moi, ce genre de système devrait être employé pour tous les non-Canadiens entrant au Canada, afin que nous puissions savoir qui se trouve ici, qu'ils soient visiteurs ou résidents permanents.
    D'après ce que vous venez de dire, monsieur Weston, si nous adoptons également un système de vérification des sorties, et que le résultat d'un balayage électronique de chaque personne qui part est archivé dans une banque de données centrale, la GRC étant chargée des empreintes digitales, nous serons à même de vérifier si un résident permanent a effectivement passé ici le temps prévu. Est-ce bien comme cela que vous entendez la chose? Cela me paraîtrait en effet très utile. Cela répondrait moins à des soucis de sécurité qu'à des critères de citoyenneté, mais un tel système viendrait utilement compléter la panoplie de moyens qui nous permettent de vérifier l'identité des personnes se trouvant au Canada.
    Nous avons quelque chose. Au Canada, des dizaines de milliers de personnes devaient repartir, mais nous en avons perdu la trace. Ce système nous permettrait au moins de savoir s'ils ont fini par quitter le pays par leurs propres moyens, sans que nous en ayons eu connaissance. Nous serions alors beaucoup mieux renseigné sur le nombre de personnes qui se trouvent ici illégalement. Ce n'est pas nécessairement une question de sécurité, mais la mise en place d'un tel système serait avantageuse sur bien des plans.
    Un tel système ne serait pas bon marché. Il faudra, en outre, un certain temps pour le mettre en place, mais j'espère que le gouvernement en fera une de ses principales priorités.
(1625)
    Le gouvernement aime à croire qu'il voit loin et qu'il ne réagi pas simplement aux événements. D'après vous, ce système biométrique est-il la solution qui s'impose à long terme, ou y aurait-il d'autres moyens que nous devrions envisager? Essayez de tenir compte à la fois de la fraude et des menaces contre la sécurité — les deux principaux objectifs du système en question.
    D'après moi, les vérifications biométriques, tant pour ceux qui arrivent au Canada que pour ceux qui en partent, sont très importantes. Cela dit, il est clair que ce n'est pas suffisant et que cela ne constitue pas automatiquement un contrôle de sécurité. Lorsque quelqu'un arrive au Canada, il est possible que nos systèmes informatiques le signalent comme personne posant un risque au plan de la sécurité, ou indiquent qu'il tente de s'introduire illégalement au Canada ou, encore, qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure de renvoi. D'importantes questions continuent donc de se poser au niveau de la sécurité. Nous aurons tout de même à procéder à des vérifications de sécurité approfondies, notamment à l'égard des personnes arrivant ici comme résidents permanents, mais également à l'égard des visiteurs et de ceux qui viennent comme travailleurs temporaires munis d'un visa de longue durée. Nos contrôles sur ce plan sont actuellement insuffisants.
    Il y a donc plusieurs choses à considérer. Je recommande qu'on améliore les vérifications de sécurité, question sur laquelle le vérificateur général s'est d'ailleurs prononcé en détail. Nous devrions multiplier les entrevues à l'étranger, et les vérifications biométriques sont une excellente idée. Vous venez de nous dire combien il est important de voir loin, mais en fait nous sommes largement en retard par rapport à certains pays. Il est encore temps de nous rattraper, et c'est ce que nous devrions faire.
    Pourriez-vous nous dire comment la biométrie a pu aider tel ou tel pays à atteindre ses objectifs en ce domaine?
    Oui, les États-Unis y travaillent depuis un certain temps déjà, mais des problèmes techniques sont survenus, et il y a également eu des problèmes de financement. Aux États-Unis, les systèmes de contrôle des entrées et sorties ne sont pas encore pleinement opérationnels. Je crois pouvoir dire, cependant, que ce sont là des outils extrêmement utiles. Ils permettent aux autorités de repérer ceux qui ne devraient pas chercher à entrer aux États-Unis. Je ne pense pas que le système de contrôle des sorties soit encore pleinement opérationnel, et les autorités ne sont donc pas encore en mesure de savoir qui a quitté le territoire.
    De nombreux pays, tels que le Royaume-Uni, l'Australie et le Japon, affectent à ce genre de système des ressources considérables, et cela me semble une excellente chose. La mise en place de tels systèmes permet aux autorités de repérer ceux qui ne doivent pas être admis sur le territoire national.
    Monsieur Weston, monsieur Collacott, je vous remercie.
    Nous sommes hélas à court de temps. Je tiens à nouveau à vous remercier, au nom du comité, de nous avoir fait profiter de vos connaissances.
    Merci.
    La séance est suspendue pour deux minutes.
(1625)

(1630)
    La séance reprend.
    Notre prochain témoin est Joseph Humire. Il est agrégé supérieur et directeur du Center for a Secure Free Society, organisme affilié à l'International Freedom Educational Foundation. Il va s'adresser à nous à partir de Washington.
    Nous vous remercions du temps que vous nous consacrez. Vous pouvez, si vous le souhaitez, nous présenter des observations liminaires. Vous avez la parole.
    Je m'appelle Joseph Humire. Je suis directeur du Center for a Secure Free Society, organisme qui s'intéresse particulièrement aux recherches sur les liens entre la sécurité, la défense et la liberté économique.
    Je vous sais gré de m'avoir invité à témoigner et je regrette de ne pas pouvoir comparaître en personne. Grâce à l'efficacité de votre équipe, cependant, je vais pouvoir témoigner par téléconférence.
    Je suis citoyen des États-Unis, et non pas citoyen canadien, et j'entends insister dans mon témoignage sur une question qui intéresse nos deux pays, en l'occurrence la sécurité frontalière. Mes recommandations porteront sur deux problèmes que nous devons résoudre pour accroître la sécurité du système canadien d'immigration.
    Le premier enjeu, un peu global, porte sur l'emploi de méthodes et de mesures permettant d'évaluer les politiques mises en oeuvre en matière de sécurité, en l'occurrence les politiques de sécurité du système d'immigration. Il s'agit de sécuriser le système d'immigration du Canada sans compromettre de manière irréversible les droits et libertés de vos citoyens.
    Le second enjeu est un peu plus pratique. Le Canada doit, en effet, accroître ses moyens de renseignement et d'application de la loi afin d'être en mesure de faire face en temps réel aux menaces qui se manifestent au niveau de l'immigration, tout en préservant sa souveraineté.
     Ces deux enjeux impliquent un délicat travail d'équilibre. C'est pour cela que je souhaite entamer mon exposé en reprenant les propos d'un des fondateurs des États-Unis, Benjamin Franklin, qui, dans ses notes d'allocution préparées en vue du discours qu'il allait prononcer devant l'assemblée de la Pennsylvanie, a écrit « Ceux qui, pour se procurer une sécurité passagère, acceptent de renoncer à des libertés essentielles, ne méritent ni l'une, ni les autres ».
    Malgré ce propos un peu sévère, Franklin a bien saisi le fond même de l'enjeu en matière de sécurité de l'immigration, c'est-à-dire le compromis auquel on doit parvenir entre la sécurité et la liberté, notamment pour la défense des frontières nationales.
    Heureusement que le compromis nécessaire n'a rien d'absolu. Ce qu'on recherche n'est pas la sécurité absolue, pas plus d'ailleurs que la liberté absolue. Il convient, en effet, de parvenir à un équilibre entre les deux de manière à ce que le compromis soit mineur et permette les ajustements que commande l'état des menaces qui se manifestent à un moment donné. La recherche de cet équilibre est le principal défi qui se pose au gouvernement canadien pour accroître la sécurité du système d'immigration.
    La recherche de cet équilibre doit permettre de protéger les citoyens canadiens de la plupart des menaces, traditionnelles ou non, sans pour cela porter atteinte aux droits et libertés dont sont assurés vos citoyens et qui sont par ailleurs l'un des fondements de la prospérité. Cet équilibre, le point précis d'impact, est l'élément essentiel d'une politique d'immigration qui donne les résultats voulus.
    Pour formuler des recommandations permettant d'aboutir à ce point d'impact, je voudrais citer un autre sage de Philadelphie, en l'occurrence M. Jan Ting, ancien commissaire adjoint du Service d'immigration et de naturalisation des États-Unis. Dans une étude publiée en 2008 par le Fraser Institute, M. Ting précisait que, pour évaluer les politiques en vigueur en matière de sécurité, le gouvernement devrait prendre en compte cinq facteurs.
    Le premier est ce qu'il appelle les antécédents historiques, ce qui implique qu'il faut se pencher sur ce qui a été fait dans le passé et voir dans quelle mesure les politiques et pratiques antérieures se justifiaient.
    Le deuxième facteur est la révocabilité d'une politique. Cela veut dire essentiellement qu'il faut pouvoir s'apercevoir qu'une politique ne donne pas les résultats voulus, et alors soit la retirer, soit la modifier en fonction des enseignements qu'on a pu tirer de la situation.
    Le troisième est le contexte, et la reconnaissance du fait que certaines politiques, certaines mesures peuvent se justifier dans un contexte, mais pas dans un autre.
    Le quatrième facteur est la nature de la menace qui se manifeste, et il s'agit essentiellement de comprendre, autant que faire se peut, quelle est la véritable nature de la menace qui se profile.
    Le cinquième et dernier facteur englobe les chances de réussite. Au plan des principes moraux et des sensibilités éthiques, il faut être franc concernant les moyens qui permettent d'assurer la défense du pays.
    Selon M. Ting, ces mesures d'évaluation devraient en outre être complétées par des contrôles assurés tant par les tribunaux que par le Parlement, afin que les trois pouvoirs étatiques puissent s'exercer de concert dans le cadre d'un système de freins et de contrepoids.
    J'ajoute que les politiques en matière de sécurité  — en l'occurrence en matière de sécurité de l'immigration — doivent faire l'objet d'un examen global qui garantira qu'en matière d'immigration, elles sont harmonisées à l'action du gouvernement dans un cadre pangouvernemental afin, justement, de parvenir à ce délicat équilibre entre sécurité et liberté. En outre, il faut que les politiques de sécurité de l'immigration soient soumises à l'examen des acteurs gouvernementaux, mais aussi des acteurs de la société civile, notamment les centres d'étude et de recherche et les groupes de vigilance.
    Monsieur le président, il est dans l'intérêt de nos deux pays d'avoir des frontières sûres. Il ne nous faut cependant pas en cela porter atteinte à ce qui se situe au coeur même de nos intérêts communs, en l'occurrence le commerce. J'estime, à cet égard, que le gouvernement canadien a agi comme il se doit puisqu'il a toujours pris en compte les intérêts de nos deux pays en matière d'échanges à l'occasion des diverses initiatives visant la sécurité de l'immigration lancées au cours des 10 dernières années, à commencer par la Déclaration sur la frontière efficace, en 2001, et l'initiative Au-delà de la frontière, engagée en 2011 et toujours en vigueur.
    Ces deux initiatives, ainsi que toutes les autres qui ont été prises en matière de sécurité de l'immigration, vont devoir faire l'objet d'un examen approfondi fondé sur les cinq facteurs mentionnés précédemment, afin d'assurer qu'elles restent adaptées aux menaces actuelles. Si nous réussissons, nous serons parvenus à relever le premier défi qui consiste à mettre en place, en matière d'immigration, un système permettant d'assurer la sécurité sans pour cela porter atteinte aux échanges commerciaux ni, ce qui est encore plus important, à la liberté individuelle des citoyens du Canada.
(1635)
    Les mesures d'évaluation ne suffisent pas, cependant. Pour moderniser plus à fond la sécurité du système canadien d'immigration, il vous faudra également vous demander dans quelle mesure les politiques actuelles en matière de sécurité de l'immigration, notamment les politiques concernant la sécurité frontalière, sont adaptées à l'évolution des échanges entre nos deux pays.
    Monsieur le président, vous savez très bien qu'en raison du volume des échanges entre le Canada et les États-Unis notre relation économique bilatérale est la plus forte du monde, les échanges de marchandises entre nos deux pays s'élevant en effet chaque année à plus de 500 milliards de dollars. Chaque jour, environ 1,3 milliard de dollars de marchandises franchissent la frontière. Il est intéressant de relever qu'un peu moins de la moitié des échanges quotidiens entre les deux pays — environ 500 millions de dollars — s'effectue entre éléments d'une même entreprise, installés des deux côtés de la frontière et qui doivent s'échanger soit des pièces, soit de la main-d'oeuvre en fonction des connaissances et des capacités existant de part et d'autre. L'activité de ces entreprises transnationales démontre que non seulement les États-Unis et le Canada ont un certain nombre d'intérêts en commun, mais qu'ils ont également en commun des capacités de production et que notre structure de production devient de plus en plus intégrée. Ce niveau plus poussé d'intégration va bien au-delà de la manière dont on envisageait autrefois les échanges. Cela veut dire qu'il nous faut dépasser la manière que nous avions de concevoir la protection du commerce, et de nos citoyens, compte tenu des menaces auxquelles nos deux pays doivent faire face en temps réel.
    L'Office of the Director of National Intelligence des États-Unis et votre Service canadien du renseignement de sécurité sont tous deux d'avis que ce sont le terrorisme et l'extrémisme radical islamiques qui font peser sur notre sécurité nationale la principale menace. J'étudie de près depuis plus de 10 ans les groupes terroristes et les fondamentalistes radicaux, d'abord au sein des Forces armées, puis dans le cadre d'établissements de recherche, et j'estime pouvoir dire que les initiatives traditionnelles en matière de sécurité frontalière et les nouveaux moyens techniques ne permettront pas, à eux seuls, de contrecarrer l'action de ces groupes.
    Il s'agit, en effet, de groupes qui agissent en réseaux et, pour contrer les menaces qu'ils présentent, les services canadiens de sécurité doivent eux aussi mettre en place des réseaux internationaux afin de repérer, d'identifier et de neutraliser les menaces. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un réseau de contrôle de l'immigration comporte trois niveaux de défense: le premier est outre-mer, c'est-à-dire là où les visas seront délivrés par les ambassades et consulats; le deuxième se situe à l'intérieur même d'un pays et le troisième à la frontière. Pour renforcer la sécurité frontalière par les moyens traditionnels, il faudrait augmenter les contrôles aux points d'entrée aériens, maritimes et terrestres, et tout au long des espaces qui les séparent.
    D'après moi, de lourdes procédures de contrôles frontaliers nuisent à l'intérêt commun de nos deux pays: celui d'accroître la prospérité. De tels contrôles n'améliorent pas sensiblement nos moyens de parer en temps réel aux menaces contre notre sécurité, notamment aux menaces provenant du terrorisme et de l'extrémisme radical islamiques. Les vérifications avancées, la coopération en matière de renseignement et le renforcement des moyens d'application de la loi sont plus efficaces que de lourds contrôles effectués à la frontière lorsqu'il s'agit d'interdire le territoire national aux terroristes, aux criminels et aux autres indésirables.
    Il y a quelques années, James Ziglar, ancien commissaire du Service américain d'immigration et de naturalisation, a déclaré qu'au cours d'une période typique de six mois, environ 4 000 criminels étrangers avaient été arrêtés à la frontière canadienne, ce qui ne correspond qu'à 4 000 sur un total de plus d'un million, soit un pourcentage d'environ 0,0004 p. 100. C'est donc une très mince proportion du trafic transfrontalier. Puisque les criminels représentent une si faible proportion des gens qui franchissent la frontière, je ne pense pas qu'il convient de concentrer les ressources disponibles sur cet aspect pour améliorer la sécurité de votre système d'immigration.
     En ce qui concerne la sécurité frontalière, c'est ce qui me porte à recommander le renforcement de l'infrastructure canadienne en matière de renseignement et d'application de la loi par ce que certains experts appellent la connaissance du champ d'intervention, et par la mise en oeuvre de nouvelles procédures de vérification avancée. En l'occurrence, faire moins équivaut à en faire plus.
    Comme l'a lui-même déclaré M. John Wiersema, vérificateur général par intérim du Canada, les services canadiens des douanes et de l'immigration n'ont pas, en matière de renseignement, l'infrastructure nécessaire pour décider en connaissance de cause, notamment en ce qui concerne les personnes qui déposent une demande d'immigration. Cette insuffisance au niveau du renseignement est due à la fois au fait que divers services de renseignement ne transmettent pas aux services canadiens des douanes et de l'immigration les renseignements qu'il leur faudrait, et au fait aussi que le Canada n'obtient pas tous les renseignements et les analyses nécessaires que seraient en mesure de lui fournir ses partenaires internationaux, et notamment ses alliés des « five eyes », c'est-à-dire les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, pays qui, depuis 60 ans, coopèrent dans le domaine du renseignement.
    J'estime que dans le cadre du réseau de contrôle de l'immigration, il convient d'accorder davantage d'importance aux deux premiers niveaux de défense, c'est-à-dire l'outre-mer, au niveau des ambassades, et l'intérieur même du Canada, là où la menace que représentent le terrorisme et l'extrémisme radical islamiques a sa source, et là aussi où elle se propage.
    Ainsi, du point de vue du transport aérien et maritime, il faudrait que le Canada puisse connaître l'identité des passagers en partance de Genève, avant même que l'avion décolle et non lorsqu'il atterrit à Montréal. Le Canada doit savoir quels sont les bateaux qui s'approchent de ses côtes, non pas lorsqu'ils viennent accoster dans un port canadien, mais avant même que ces navires ne pénètrent dans sa zone maritime. C'est un fait qu'actuellement, il n'y a que peu de vérifications avancées, que l'on compte trop sur les moyens techniques, ce qui est dangereux et ce qui, en plus, nuit à la nécessaire vigilance. Une procédure de vérification avancée efficace ne peut pas seulement être basée sur des moyens de haute technologie tels que la biométrie. Il faut également en effet des réseaux de professionnels du renseignement pour recueillir, traiter et analyser à l'extérieur des frontières l'information nécessaire, sans quoi, les moyens biométriques sont privés d'efficacité.
(1640)
    Les technologies biométriques les plus poussées sont tout à fait inutiles si l'on ne dispose pas de renseignements sur les individus concernés. La prise d'empreintes digitales ne sert à rien sans base de données permettant d'effectuer des recoupements. Les technologies de contrôle intrusif ne font par elles-mêmes que retarder sans nécessité les voyageurs, avec tous les inconvénients que cela présente. Les bribes d'information ne veulent rien dire à moins d'être assemblées et recoupées par vos collègues de l'intérieur et vos partenaires internationaux. C'est cela qui permet de transformer des données éparses en renseignement opérationnel.
    Je crains, monsieur, que nous soyons à court de temps.
    Monsieur le président, permettez-moi de me résumer en énumérant à nouveau mes recommandations.
    La première, ainsi que je l'ai dit un peu plus tôt, consiste à adopter des mesures d'évaluation englobant les cinq facteurs qui permettent de jauger l'efficacité des politiques en matière de sécurité de l'immigration, tant celles qui étaient en vigueur dans le passé, que celles qui s'appliquent actuellement. Il s'agit de parvenir à un meilleur équilibre entre sécurité et liberté.
    La seconde recommandation vise le renforcement des infrastructures du Canada en matière de renseignement et d'application de la loi, afin que votre pays puisse déployer à l'étranger un plus grand nombre de ressources humaines chargées essentiellement d'appliquer des procédures de vérification avancée et de travailler de concert avec les services de renseignement étrangers.
    La troisième tend à l'établissement d'une liste de Canadiens qui occupent dans diverses institutions des fonctions non gouvernementales et qui seraient appelés à contribuer à l'élaboration des politiques en matière de sécurité de l'immigration.
    La dernière vise la création d'un comité mixte parlementaire englobant les comités de la citoyenneté et de l'immigration, du commerce international et de la défense nationale.
    Voilà, monsieur le président, les quelques idées que je souhaitais exposer au comité. Je vous remercie de votre attention et c'est très volontiers que je répondrai aux questions qu'on voudra me poser.
    Merci, monsieur Humire.
    Nous avons effectivement un certain nombre de questions à vous poser.
    La parole est à Roxanne James.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Humire, vous avez couvert pas mal de terrain et j'ai essayé de noter tout ce que vous nous disiez.
    En ce qui concerne les changements qu'il conviendrait d'apporter à nos politiques actuelles, afin d'améliorer nos systèmes de sécurité, sur quel aspect de la situation estimez-vous que le Canada ait pris du retard? Où pensez-vous qu'il conviendrait d'apporter des améliorations?
    La sécurité de l'immigration repose d'après moi sur trois catégories d'éléments. Il y a, d'abord, les mesures de sécurité qui peuvent être mises en oeuvre à la frontière et c'est, je pense sur ce point que le Canada a jusqu'ici fait porter l'essentiel de ses efforts. Mais il y a également les mesures qui peuvent être mises en oeuvre à l'étranger, avec des procédures de vérification avancée, et aussi les mesures qui peuvent être prises à l'intérieur même du pays et qui visent, essentiellement, les personnes qui se trouvent ici en situation irrégulière, ainsi que diverses autres personnes qui se sont introduites dans le pays par des moyens illicites.
    D'après moi, l'extrémisme et le terrorisme islamiques constituent la plus grande menace à laquelle le Canada ait à faire face. Or, la plupart des réseaux sont extrêmement difficiles à appréhender lors du franchissement de la frontière. Il est beaucoup plus aisé de chercher à les infiltrer ou à les neutraliser à l'étranger, alors qu'ils opèrent dans le cadre de cellules établies dans des pays alliés, voire au Canada même, dans la mesure où vous avez pu en déceler la présence.
    Sur le plan pratique, il semblerait indiqué de vous concentrer un peu moins sur la frontière, et d'affecter un peu plus de ressources à vos activités à l'étranger, ainsi qu'à l'intérieur même du Canada. Cela est d'ailleurs conforme à ce qui est proposé dans le cadre de bon nombre d'initiatives concernant la sécurité de l'immigration au Canada.
    Je vous remercie.
    Votre débit est encore plus rapide que le mien, et j'en sais quelque chose, car ce n'est pas souvent que je tombe sur quelqu'un qui parle aussi vite que moi.
    Vous avez évoqué quatre volets d'activité. Pourriez-vous les résumer en quelques mots afin que je puisse les noter. J'aimerais être sûre d'avoir bien saisi les principaux points de vos recommandations.
    Vous voulez dire les quatre recommandations que je viens d'exposer?
    Oui, pourriez-vous simplement les résumer en quelques mots afin que je puisse les prendre en note.
(1645)
    Très volontiers.
    La première consiste à mettre en oeuvre des mesures d'évaluation des diverses politiques applicables à la sécurité de l'immigration — elles sont décrites en détail dans mon exposé écrit — afin que chacun puisse comprendre que les mesures de sécurité mises en oeuvre n'ont rien d'excessif et ne portent pas atteinte à la liberté des citoyens canadiens.
    La seconde consiste à adopter des mesures de vérification avancée et, pour ce faire, à accroître les ressources affectées aux activités de renseignement et d'application de la loi menées à l'étranger.
    La troisième consiste à ne pas faire uniquement appel à des organismes gouvernementaux, mais à obtenir également la collaboration de centres canadiens d'études et de recherche, de groupes de vigilance et d'autres acteurs de la société civile — afin de les faire participer au dialogue et d'obtenir leur collaboration à l'élaboration des politiques canadiennes en matière de sécurité de l'immigration.
    La dernière recommandation concerne la création d'un nouveau comité mixte qui devrait, selon moi, sans doute englober à tout le moins le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, le Comité permanent du commerce international et le Comité permanent de la défense nationale.
    Ce sont, essentiellement, mes quatre recommandations.
    Madame James, nous avons également un texte écrit et, lorsqu'il aura été traduit, je demanderai à notre greffière d'en remettre un exemplaire aux membres du comité.
    Je vous remercie.
    Un de nos témoins précédents a cité plusieurs pays à l'égard desquels se posent un certain nombre de questions en matière de sécurité. Quels sont, selon vous, les pays qu'on peut signaler au plan de l'immigration?
    C'est l'ensemble des pays où se sont développés des groupes d'extrémistes islamiques. Bon nombre d'entre eux, naturellement, se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais je tiens également à attirer l'attention du comité sur des groupes qui se sont développés en Amérique latine.
    Je me suis assez longuement penché sur l'extrémisme islamique en Amérique latine, qui, au cours des 10 dernières années, a quasiment décuplé. Je dirais que s'est développé en Amérique latine un élément hostile aux États-Unis, hostile à l'occident, mais également hostile au Canada. Il s'agit du groupe ALBA, présent au Venezuela, en Bolivie, au Nicaragua et en Équateur.
    La plupart de ces groupes d'extrémistes islamiques, dont le Hezbollah est sans doute l'exemple le plus achevé, ont réussi à s'installer dans ces pays, s'introduisant aux États-Unis au moyen de faux passeports vénézuéliens. Il convient, d'après moi, de faire particulièrement attention à ces pays d'Amérique latine.
    Je vous remercie.
    Vous savez bien que le Canada est un des pays du monde les plus accueillants. Notre système d'immigration est un des plus justes et des plus généreux.
    Vous venez de nous citer un certain nombre de pays, mais êtes-vous en mesure de nous fournir des exemples précis de personnes qui ont eu recours à de fausses déclarations ou à la fraude pour s'introduire au Canada? D'après vous, cela pose-t-il un grave problème ici-même, au Canada, et naturellement en ce qui concerne le franchissement de la frontière vers les États-Unis.
    Je n'ai pas en tête d'exemple précis en ce qui concerne le Canada, mais en ce qui a trait aux États-Unis, je peux vous citer un certain nombre de cas qui me semblent assez représentatifs de ce qui se passe en Amérique du Nord.
    Le Venezuela a conclu avec l'Iran un accord selon lequel certains vols qui relient Caracas et Téhéran ne font l'objet d'aucun contrôle, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il est impossible de consulter la liste des passagers afin de voir qui se trouve à bord de ces vols. Nous avons pu apprendre, par nos partenaires du renseignement, qu'une fois arrivés à destination, certains des passagers à bord de ces vols changent d'identité, recevant un passeport vénézuélien avec une identité vénézuélienne correspondante, avant de reprendre leur route en Amérique latine.
    Je peux, par exemple, citer le cas d'un certain Kareem Ibrahim, qui, en 2006, a tenté de faire exploser, à l'aéroport international JFK, une sorte de bombe-tuyau. Il a été arrêté à Trinité-et-Tobago, alors qu'il cherchait à retourner en Iran en passant par le Venezuela. Nous avons heureusement réussi à l'appréhender.
    Voilà comment un faux passeport peut permettre à quelqu'un de s'introduire aux États-Unis. Heureusement, en l'occurrence, nos services ont réussi à l'arrêter.
    Merci, monsieur Humire. Ce genre d'incident est, je pense, tout aussi préoccupant pour les Canadiens que pour les Américains.
    Cela m'amène à ma dernière question. Nous nous inquiétons, naturellement, des pays qui, comme vous le disiez tout à l'heure, donnent naissance au terrorisme. Nous nous inquiétons, naturellement, de l'arrivée au Canada de ce genre d'individus. Mais on m'a également fait part de certains cas où des personnes se sont introduites au Canada à partir des États-Unis, notre principal partenaire commercial.
    Est-ce exact? Est-ce là quelque chose dont nous devrions nous inquiéter? Vous venez de nous citer le cas de quelqu'un qui s'est introduit aux États-Unis; donc, théoriquement, cette personne aurait pu ensuite chercher à s'introduire au Canada. Vous êtes-vous penché sur cet aspect du problème?
(1650)
    Oui, on s'en inquiète naturellement. Dans la mesure où de telles personnes se trouvent aux États-Unis, elles peuvent en effet se rendre librement au Canada.
    Je suis pour ma part porté à m'inquiéter davantage des individus qui arrivent directement d'un autre pays que de ceux qui arrivent des États-Unis. En effet, à partir du moment où ils se trouvent aux États-Unis, nous sommes généralement mieux à même de les repérer et de les surveiller. Le plus difficile est lorsqu'ils opèrent à l'étranger, car il faut alors travailler de concert avec d'autres services de renseignement et avec d'autres éléments sur lesquels nous n'exerçons pas de contrôle.
    Cependant, en ce qui concerne votre dernière question, je dirais... un peu moins que des gens qui arrivent d'autres pays.
    Je vous remercie.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Humire. Je m'inquiète aussi des voies de recours et des garanties procédurales pour les personnes qui estiment avoir été ciblées à tort par les services compétents, ou avoir été empêchées à tort de voyager. Il est clair qu'on constate d'ores et déjà ce genre de cas au Canada.
    Il arrive ainsi, dans ma circonscription, que des électeurs nous prient de les aider dans leurs demandes de visa de résident temporaire. Certains estiment qu'un parent a vu injustement ou arbitrairement sa demande rejetée, et sollicitent en cela mon aide. Souvent, il s'agit d'un proche qui souhaite venir au Canada pour célébrer une fête de famille ou pour rendre visite à des proches.
    Je peux vous citer l'exemple de ce monsieur qui a demandé à mon bureau de circonscription d'intervenir en faveur de la demande déposée par sa soeur. Il avait invité trois de ses frères et soeurs à une réunion de famille pour fêter un 25e anniversaire. Les demandes de deux d'entre eux avaient été accueillies, mais sa soeur qui avait pourtant dans son pays des biens, un bon emploi, un mari et des enfants qu'elle retrouverait bientôt, a vu sa demande rejetée. Elle a déposé une deuxième demande, elle aussi rejetée, cette fois parce que l'agent des visas mettait en doute l'objet de sa visite, ainsi que ses attaches familiales au Canada. Pourtant, les demandes des autres, qui habitaient le même pays qu'elle, avaient été approuvées pour cette même fête de famille. Les trois avaient été invités au Canada par la même personne.
    Nous avons recueilli les témoignages de représentants du Bureau du vérificateur général, dont vous avez d'ailleurs vous-même fait état, concernant le besoin de renforcer les pratiques en matière de contrôle de la qualité des procédures de détermination de l'admissibilité. Il s'agit de s'assurer que le système fonctionne comme prévu. Selon le représentant du Bureau du vérificateur général, dans le cadre d'un système qui a pour objet de protéger les Canadiens, il est tout aussi important de veiller à la qualité des décisions d'accorder un visa qu'à la qualité des décisions de rejet.
    Notre Commissaire à la protection de la vie privée a en outre précisé que le taux d'erreur des systèmes biométriques peut être de un pour cent, taux qui a une incidence sensible lorsque le système en question s'applique à des milliers, voire à des millions de personnes.
    D'après vous, quels recours faut-il établir en réponse aux taux d'erreur des mesures biométriques employées pour évaluer les demandes de visa de résident temporaire? Quelles voies de recours devrions-nous offrir aux personnes victimes d'une erreur d'identité biométrique?
    Je ne voudrais pas m'aventurer en dehors de ma spécialité, car je n'ai jamais été agent des services consulaires et je n'ai pas été directement employé par un service de police. Je crois néanmoins pouvoir dire que l'hypothèse dont vous venez de faire état concerne essentiellement les libertés publiques. Il s'agit d'un cas où quelqu'un qui souhaite se rendre au Canada dans un but parfaitement légitime, voit sa demande rejetée pour des motifs assez flous.
    Ma première recommandation porte sur l'adoption de mesures d'évaluation susceptibles justement d'éviter ce genre de situations, et l'examen de diverses politiques, voire de diverses initiatives touchant le recours, par exemple, à la biométrie ou à divers types de protocoles biométriques visant les procédures de vérification avancée des demandes de visa. Ces politiques et procédures devraient faire l'objet d'une évaluation à cinq niveaux différents. Il s'agit aussi d'examiner ce qui s'est fait dans le passé et de voir s'il n'existerait pas de précédents en matière d'initiatives ou de politiques de sécurité.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais s'agit-il des cinq recommandations dont vous nous avez fait part tout à l'heure?
    En effet.
    Bon. Je vous remercie.
    Je souhaite maintenant, monsieur Humire, aborder un autre sujet. Je vous remercie.
    Vous nous avez parlé tout à l'heure des mesures de vérification fondées sur des données biométriques. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les risques de telles vérifications pour la protection de la vie privée? Lors de sa comparution devant le comité, la Commissaire à la protection de la vie privée a, à cet égard, manifesté un certain nombre d'inquiétudes. Elle a en effet soulevé pas mal de préoccupations au sujet de ces mesures de vérification, notamment en ce qui concerne la sûreté de la collecte, de l'archivage et de la transmission des renseignements personnels. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont vous envisagez le problème? Vous avez plaidé pour l'adoption d'un tel système. J'aimerais que vous nous parliez des risques qu'un tel système présenterait pour la protection de la vie privée au Canada, notamment pour les personnes faisant l'objet de telles vérifications.
(1655)
    Je n'ai pas entendu certains de vos propos parce que le son a manqué. Je vais donc reformuler votre question. Elle concernait, si j'ai bien compris, les risques que présenterait pour la protection de la vie privée, un recours plus systématique aux échanges de données avec d'autres pays. C'est bien cela?
    C'est exact, en raison de la collecte de données biométriques à des fins de vérification, et non seulement à des fins d'identification. Il s'agirait, selon vous, de recourir à de tels moyens beaucoup plus systématiquement, et d'employer les données recueillies à des fins de vérification et pas uniquement à des fins d'identification. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des risques que ces procédures de vérification posent pour la protection de la vie privée?
    Tout recours à la collecte de renseignements biométriques entraîne naturellement un certain risque sur le plan de la protection de la vie privée. D'après moi, le seul moyen d'atténuer ce risque serait d'accroître les moyens mis en oeuvre à l'étranger — à la fois les moyens technologiques et les ressources humaines déployées. Il conviendrait ainsi d'assurer à votre personnel en poste à l'étranger, tant dans des missions d'application de la loi que dans des missions de renseignement, une formation plus poussée qui le préparerait mieux à la collecte de renseignements, surtout en ce qui concerne les missions d'espionnage ou les opérations faisant appel à des sources humaines. Il est clair qu'avant d'être envoyées en mission, de telles personnes doivent avoir subi une formation très poussée. Il s'agit d'un premier point, car sans cela, les risques que ce genre de mesures font planer sur la vie privée de personnes faisant l'objet de l'enquête vont naturellement décupler.
    Merci, monsieur Humire.
    Monsieur Hsu, vous avez la parole.
    Je vous remercie.
    Monsieur Humire, j'aimerais revenir à ce que vous disiez tout à l'heure au sujet de l'extrémisme et du terrorisme islamiques, qui constituent, selon vous, la principale menace. Pourriez-vous nous dire quelque chose au sujet des menaces qui figurent en deuxième ou troisième position?
    Je dirais qu'après l'extrémisme et le terrorisme islamiques, la cyberguerre représente un danger immédiat, danger qui n'est d'ailleurs pas toujours à distinguer de la principale menace. Il y a ensuite le trafic de stupéfiants ou, plus généralement, les organisations criminelles transnationales.
    Selon vous, la cyberguerre peut-elle avoir une incidence sur notre politique en matière d'immigration, où sur la politique régissant l'octroi des visas?
    La question mérite d'être posée. Je ne suis pas entièrement sûr de la réponse, vu l'absence de passage physique des frontières. Cela dit, ce problème doit manifestement retenir l'attention des autorités policières, et les services d'immigration doivent être en mesure de savoir s'il y cyberguerre transfrontalière.
    Permettez-moi de vous citer à cet égard un petit exemple. En novembre 2011, nos services de lutte contre les stupéfiants ont appréhendé au Mexique des individus qui opéraient par l'intermédiaire de l'ambassade de l'Iran — il s'agissait de Mexicains, par l'intermédiaire de l'ambassade de l'Iran — et qui transféraient ainsi divers types de pièces d'équipement destinées à une cyberguerre. Ils ont été arrêtés alors qu'ils tentaient d'obtenir les codes des serveurs de certaines de nos agences de renseignement et d'autres organismes américains relevant de la défense. On se trouvait donc face à une situation appelant l'attention des autorités répressives et exigeant la collaboration des services frontaliers et de l'agence de lutte anti-drogue, deux organismes qui d'ordinaire n'ont pas à faire face à ce genre de menaces. Or, en l'occurrence, ils ont pu intervenir utilement, étant parfaitement au courant de la situation. Ce genre de situation ne relève donc pas normalement de l'immigration, mais il peut y avoir, entre les divers domaines, des points de confluence.
    Je voudrais maintenant passer à autre chose et vous demander quelques précisions concernant l'activité de votre organisation, qui est américaine, puisque vous avez l'amabilité de formuler certaines recommandations à l'intention du Canada. Pourriez-vous nous dire avec qui vous avez travaillé à l'élaboration du rapport que vous nous avez présenté et des recommandations qu'il contient. Avec qui avez-vous travaillé?
    Je vous dis franchement que je n'ai pas vraiment eu beaucoup de temps pour le préparer. J'ai appris il y a une semaine seulement que j'allais témoigner devant le comité, et cela ne m'a guère laissé le temps de recruter des collaborateurs. Le réseau dans lequel nous travaillons est relié à de nombreux centres de recherche et d'études à Washington, à des groupes de spécialistes qui s'intéressent particulièrement aux questions de politique économique et de politique de sécurité. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous en énumérer quelques-uns, mais je ne suis pas sûr que c'est comme cela qu'il conviendrait de procéder en séance publique. Cela dit, j'ai avec moi un certain nombre de documents, tels que...
(1700)
    Pourriez-vous nous en indiquer deux ou trois?
    Je me suis penché avec beaucoup d'attention sur l'étude effectuée par le Fraser Institute. Cet institut de recherche est sans doute plus connu pour ses études économiques et, notamment, pour son indice de la liberté économique. Eh bien, en l'occurrence, il s'est livré à une étude assez approfondie de la sécurité en matière d'immigration dans l'optique du terrorisme et de l'extrémisme islamiques. Cette étude a été publiée en 2008 dans...
    Avez-vous consulté d'autres groupes?
    Il vous faut lui laisser le temps de répondre.
    Allez-y, monsieur. On vous demandait si vous aviez fait appel à d'autres groupes?
    Oui. J'ai également travaillé avec un groupe qui s'appelle l'Institut Macdonald-Laurier, à Ottawa, un autre centre de recherche avec lequel nous collaborons de temps à autre, ainsi qu'avec plusieurs amis spécialistes de la continuité opérationnelle.
    Dans votre mémoire, qu'est-ce que vous venez ajouter de différent à ce qu'avancent les groupes que vous avez consultés?
    Le centre que je dirige envisage la situation actuelle dans une certaine optique, et c'est ce que j'ai souhaité exposer dans le cadre de mon témoignage. Je dis, essentiellement, qu'il n'y a pas de prospérité sans sécurité, et que cette même prospérité est nécessaire à une sécurité durable. C'est bien pour cela que j'ai cité en préambule les propos de Benjamin Franklin. Cette question se situe au coeur même de l'idée de souveraineté et de libertés publiques lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité des citoyens canadiens. C'est là que se situe, selon moi, le lien entre les divers aspects du problème.
    Je vous remercie.
    Quelles sont vos sources de financement? Qui subventionne l'activité de votre organisation?
    Des fondations et des particuliers américains pour la plupart... Notre centre fait partie d'une organisation plus étendue appelée l'International Freedom Education Foundation, essentiellement financée par des fondations et des philanthropes.
    Merci, monsieur Hsu.
    Monsieur Menegakis.
    Merci, monsieur Humire. Je vous remercie d'avoir pris la parole devant nous aujourd'hui.
    Vous n'ignorez pas que le vérificateur général du Canada recommande que nous améliorions notre système biométrique. À l'heure actuelle, nous ne faisons que recueillir des empreintes digitales et des renseignements biographiques. D'après vous, ce genre de renseignements suffit-il?
    Je vais répondre à la fois oui et non. Ce genre de renseignements suffit parfaitement à la sélection des immigrants, mais les renseignements biographiques et les empreintes digitales sont essentiellement des outils d'application de la loi. Sur le plan du renseignement, domaine que je connais un peu mieux, il faut également disposer de renseignements démographiques. Pour bien comprendre quelqu'un, il vous faut en outre avoir son profil psychologique.
    Il est clair qu'un tel besoin ne s'applique pas à toute personne qui franchit la frontière, mais c'est pour cela que j'ai cru bon d'insister sur le besoin de créer à l'étranger l'infrastructure de renseignement nécessaire. Si vous renforcez les capacités de renseignement dans vos ambassades, vous serez en mesure de repérer certains individus avant même qu'ils ne se portent candidats à l'immigration ou qu'ils déposent une demande de visa. En effet, ces personnes figureront déjà sur une liste.
    Donc, d'après moi, les mécanismes actuels suffisent à la sélection des candidats, mais ne sont pas suffisants par rapport aux capacités nécessaires en matière de renseignement.
    Comment les autorités américaines utilisent-elles les données biométriques?
    Ce type de données sert à effectuer des recoupements auprès de nos divers services, afin de voir si tel ou tel individu figure sur une de leurs listes et d'en savoir plus sur lui. C'est essentiellement un outil de mesure qui sert à corroborer certains renseignements.
    D'après vous, quels sont les autres types de renseignements qu'il conviendrait de recueillir afin de pouvoir à la fois simplifier les formalités de voyage et assurer la protection du public?
    En ce qui concerne les individus dont on pense qu'ils présentent un risque, il faudrait obtenir deux choses: des renseignements démographiques et des renseignements psychologiques permettant d'établir leur profil.
    Lorsque vous étiez avec le Corps des Marines des États-Unis, vous faisiez partie d'un groupe de travail spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la lutte anti-insurrectionnelle. Quels sont les moyens employés par les ressortissants de divers pays pour essayer d'entrer illégalement au Canada ou aux États-Unis?
    J'en ai cité un exemple tout à l'heure, et on constate que des accords ont été conclus à cet égard entre divers pays, et en particulier dans les Amériques. Lorsque j'étais dans les forces armées, nous avons constaté un recours de plus en plus fréquent aux faux passeports. Je ne parle pas là de passeports falsifiés par des amateurs, mais de travail très professionnel, notamment de la part des services de renseignement cubains, qui avaient organisé un trafic de faux passeports permettant à des trafiquants de drogues et maintenant à des terroristes, à des extrémistes islamistes de se rendre aux États-Unis, munis d'une nouvelle identité. Cela a été, je pense, une de nos enquêtes les plus importantes.
(1705)
    Que pensez-vous généralement de la sécurité à la frontière canadienne? Votre point de vue m'intéresse, puisque vous observez la situation à partir des États-Unis et que vous avez manifestement une vaste expérience de ce domaine.
    Je crois que la situation s'améliore. Votre président a fait beaucoup pour améliorer la sécurité frontalière, prenant notamment un certain nombre de mesures novatrices, telles que les équipes de nouvelle génération qui permettent aux agents des services frontaliers de travailler des deux côtés de la frontière. Cela dit, ce ne sont pas les questions frontalières qui retiennent le plus mon attention.
    Il faut, en effet, que les mesures de sécurité soient adaptées aux menaces et si, selon vos propres organismes de renseignement, la menace provient essentiellement du terrorisme et de l'extrémisme islamiques, les contrôles aux frontières ne sont pas nécessairement le meilleur moyen de la neutraliser; c'est du moins ce que nous avons constaté. Malgré toutes les mesures que nous avons prises pour boucler notre frontière avec le Mexique, nous n'avons pas pu empêcher les entrées illégales, qui ne s'effectuent d'ailleurs pas toujours par la frontière.
    Qu'en est-il de notre système de sélection des candidats à un visa? D'après vous, le Canada parvient-il à contrôler efficacement les entrées et les sorties?
    Monsieur, cela n'est pas de mon domaine. Je ne me suis jamais penché sur les procédures de sélection des candidats à un visa. Je n'ai aucune expérience en ce domaine.
    Pourriez-vous, par contre, nous exposer certains des moyens qui, selon vous, permettraient d'éviter que des criminels étrangers n'abusent de la générosité de notre système d'immigration?
    Des mesures d'ordre pratique?
    Oui.
    Je pense que les mesures techniques ou pratiques de sélection préliminaire ou de sélection des candidats à un visa se situent un petit peu en dehors de mon domaine de connaissance. Je n'ai aucune expérience du domaine consulaire. Mon expérience est liée au domaine de l'action policière, et j'hésite à proposer des mesures d'ordre pratique.
    Revenons-en à la biométrie, si vous le voulez bien. Pourriez nous citer des cas où des données biométriques ont permis de sauver des vies, ou de prévenir telle ou telle activité criminelle?
    Oui, il y en a beaucoup. Sur notre frontière sud, par exemple, nos patrouilles frontalières parviennent assez bien, à l'aide de moyens biométriques, à réprimer le trafic des stupéfiants. Nous avons installé un camp le long de la frontière nord du Mexique. Nous nous déplaçons constamment entre les divers États frontaliers — le Texas, l'Arizona, et même la Californie. À partir du moment où nous avons davantage eu recours à des moyens biométriques, nous avons constaté une corrélation entre la mise en oeuvre de ce type de moyens et le nombre de trafiquants de stupéfiants appréhendés. Les données biométriques permettent, par exemple, de vérifier rapidement que telle ou telle personne qui se présente à un point d'entrée a déjà essayé de franchir la frontière à d'autres points d'entrée situés dans d'autres États. Les renseignements ainsi regroupés ont permis aux services compétents d'arrêter les individus en question. Il aurait été beaucoup plus difficile de le faire auparavant, compte tenu des différences de procédure policière entre les divers États. Il y a eu des difficultés de mise en oeuvre, mais le système est maintenant plus simple et plus efficace.
    Merci.
    Oh, excusez-moi, monsieur Kellway.
    Merci, monsieur le président, et merci de participer à notre séance, monsieur Humire.
    Je suis le représentant de notre parti au sein du Comité de la défense nationale. La discussion que nous avons aujourd'hui me rappelle en grande partie celle que nous avons au sein de ce comité. Nous nous livrons actuellement à une étude sur l'état de préparation des Forces canadiennes. Une grande partie de nos délibérations concerne les capacités de nos forces face aux menaces, compte tenu de notre vulnérabilité. Sur le plan de la sécurité, il semble que nous ne parvenions jamais à une évaluation réaliste des menaces et des faiblesses constatées dans notre pays. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Nous avons tendance à passer immédiatement à une évaluation de nos capacités et aux propositions qui peuvent être avancées sur ce point, sans vraiment comprendre les menaces qui se présentent et notre vulnérabilité.
    Vous nous avez soumis, aujourd'hui, un certain nombre de propositions sur ce que notre pays devrait faire pour accroître sa sécurité. Pouvez-vous nous livrer votre appréciation sur les menaces qui planent actuellement et, surtout, sur notre vulnérabilité face à ces menaces?
(1710)
    Je tiens d'abord à dire ceci. Ce qui me semble utile — et si je ne m'abuse, c'est peut-être d'ailleurs prévu dans le cadre de l'initiative Au-delà de la frontière — , c'est l'évaluation conjointe des menaces et de la vulnérabilité. Il s'agit-là de quelque chose qui a déjà fait ses preuves dans le cadre des groupes de travail réunissant des représentants de plusieurs ministères ou organismes et chargés de se rendre sur divers théâtres des opérations — je parle là dans le cadre militaire — pour y effectuer des évaluations conjointes des menaces et de la vulnérabilité. En général, cela a permis de se faire une idée tout à fait réaliste et précise des menaces en cause.
    En ce qui concerne les menaces qui planent actuellement sur le système d'immigration du Canada, les points faibles de ce système sont, d'après moi, ce que certaines professions appellent la connaissance du champ d'intervention. Il s'agit de disposer, à l'étranger, des moyens de renseignement nécessaires pour pouvoir lancer les opérations faisant appel à des sources humaines, et repérer les individus, les institutions et les entités qui peuvent représenter une menace pour la sécurité nationale du Canada. D'après moi, avant même de songer à renforcer les moyens frontaliers ou les mesures de protection du périmètre, il est essentiel de repérer ces individus, de les identifier et d'échanger avec les organismes de renseignement du pays d'accueil, les informations recueillies.
    Souvent, tant les groupes terroristes islamiques que les organisations criminelles transnationales évoluent au sein de réseaux étanches. Ces réseaux leur offrent de nombreux moyens d'action, qu'il s'agisse de franchir une frontière, de se déplacer par avion, par transport terrestre ou par voie maritime, ou d'agir par l'intermédiaire de diverses entreprises. D'après moi, le plus grand point faible de votre dispositif actuel réside justement dans les moyens de renseignement à l'étranger qui seuls permettent de repérer les individus en question, de les ficher et de transmettre les renseignements recueillis aux services de police.
    D'après vous, il nous faudrait procéder à une analyse des menaces ou à une analyse de nos points de vulnérabilité. Est-ce à dire que, selon vous, une telle analyse n'aurait pas déjà été effectuée?
    Je ne suis pas sûr, mais je crois me souvenir qu'en me penchant sur votre initiative Par-delà la frontière... Je crois avoir vu que la question était effectivement évoquée, et cela fait donc partie d'un certain nombre de mesures qui sont envisagées. Je ne suis pas, cependant, en mesure d'affirmer si cela a déjà été fait.
    Ainsi, sans une telle analyse, nous avons sauté à la conclusion qu'il y a lieu d'étendre l'action de nos services de renseignement. Vous êtes-vous livré à une analyse des capacités du Canada en matière de renseignement?
    Non.
    Bon.
    Je n'ai pas d'autres questions à poser.
    Merci.
    Monsieur Trottier, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et je tiens également à remercier nos invités.
    Vous avez parlé des mesures qui pourraient être prises dans nos ambassades, consulats et hauts-commissariats; et puis il y a les mesures mises en place à la frontière, ainsi que l'action policière locale. Mais, en matière de sécurité, notre première ligne de défense se situerait dans nos ambassades, nos consulats et nos hauts-commissariats. Pourriez-vous nous décrire un peu ce que les ambassades et consulats des États-Unis sont jusqu'ici parvenus à faire en matière de vérifications?
    Un témoin qui vous a précédé aujourd'hui devant le comité a évoqué le problème que posent les faux documents, et les efforts engagés en vue de vérifier dans divers pays, si les papiers d'identité concordent avec l'identité véritable des personnes concernées. Quelles mesures a-t-on mises en place dans le cadre des divers réseaux américains établis à l'étranger, afin d'améliorer les capacités de vérification et d'éviter que des personnes indésirables entrent aux États-Unis?
    La question est légitime. Vous avez, je crois, saisi le point essentiel. Pour ce qui est des défis liés à l'immigration, les ambassades se situent en première ligne.
    Certaines des mesures que nous avons adoptées n'ont peut-être plus cours car cela fait déjà un certain temps que j'ai quitté mes fonctions officielles. Lorsque nous luttions, notamment, contre les groupes de narcotrafiquants, nous nous attachions à travailler en collaboration avec les forces de police du pays concerné. Cela exige, bien sûr, l'accord du pays hôte. Les conventions sur le statut des forces, les protocoles entre États ouvrent des portes aux spécialistes du renseignement et leur permettent d'unir leurs moyens à ceux du pays dans lequel ils opèrent.
    Lorsque je parle de services de police locaux, je n'entends pas seulement la police nationale, mais aussi la police municipale, très localement, là où opèrent certains réseaux. Au Mexique, par exemple, nous travaillions moins dans la capitale, c'est-à-dire dans le Distrito Federal de Mexico, mais le long de la frontière nord, avec les polices locales.
    Cela n'aurait pas été possible si nous n'avions pas conclu avec le Mexique une convention sur le statut des forces. Le gouvernement mexicain nous a autorisés à nous rendre dans la région du nord pour travailler de concert avec les polices locales, et cela a énormément augmenté les moyens que nous avions de repérer les individus qui méritent notre attention.
(1715)
    Bon. J'ai une dernière question, avant de terminer. Elle concerne l'échange de renseignements entre le Canada et les États-Unis. Il s'agit de deux pays souverains qui sont également, sur bien des plans, de grands amis. L'échange de renseignements entre États a cependant parfois quelque chose de délicat. D'après vous, où se situe la bonne mesure en matière d'échange de renseignements?
    Nous avons, dans le domaine de la sécurité, un certain nombre de préoccupations communes, et nous souhaitons en même temps faciliter et augmenter les échanges économiques entre nos deux pays. Nous ne voulons pas gêner la circulation des personnes, partie d'ailleurs intégrante des échanges de marchandises et de capitaux.
    Pourriez-vous nous dire comment, selon vous, les États-Unis et le Canada pourraient améliorer leurs échanges d'information sur les personnes qui franchissent la frontière entre nos deux pays?
    Certaines mesures ont déjà été prises, si je me fie à ce que j'ai vu dans l'initiative Par-delà la frontière. D'après moi, les équipes de nouvelle génération représentent un progrès énorme en matière d'échange de renseignements. Il s'agit en effet non seulement d'échanger des renseignements, mais également de mettre en commun un certain nombre de ressources et de moyens, logistiques et autres.
    Cela dit, le risque de... et je crois que cela est à l'origine d'une grande partie des préoccupations soulevées dans le cadre du débat sur l'immigration et la sécurité et qui concernent la perte de la souveraineté, en cas d'échange trop soutenu de renseignements. Pour ma part, j'envisage la question sous un angle différent. J'estime, en effet, que la souveraineté d'un État est encore plus à risque en l'absence d'échange de renseignements. Si les échanges d'information ne sont pas suffisants, on est forcé de s'en remettre par défaut aux renseignements sur lesquels l'autre État s'appuie.
     En pareille hypothèse, ce sont les États-Unis qui assureront, pour vous, cette fonction, et c'est d'eux qu'il vous faudra obtenir des renseignements concernant tel ou tel individu. Les États-Unis vous transmettront alors les renseignements qu'ils pensent devoir ou pouvoir vous communiquer, alors que de tels renseignements pourraient être recueillis par vos propres services.
    Je pense que...
    Monsieur Humire, il nous faut mettre un terme à notre discussion. Les membres du comité vont devoir se rendre à la Chambre pour voter.
    Je tiens à vous remercier des idées dont vous nous avez fait part, et des connaissances dont vous nous avez fait profiter.
    Au nom du comité, je vous remercie.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.
    Merci, monsieur.
    La séance est levée.
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