SNAS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur la sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 10 avril 2002
¹ | 1535 |
Le président (M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.)) |
M. Manley |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
¹ | 1550 |
M. John Manley |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ) |
º | 1600 |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
Le président |
M. Michel Bellehumeur |
Le président |
M. John Manley |
Le président |
M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD) |
º | 1605 |
M. John Manley |
M. Bill Blaikie |
M. John Manley |
M. Bill Blaikie |
M. John Manley |
M. Bill Blaikie |
M. John Manley |
M. Bill Blaikie |
M. John Manley |
M. Bill Blaikie |
º | 1610 |
M. John Manley |
M. Bill Blaikie |
M. John Manley |
Le président |
M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC) |
º | 1615 |
M. David Pratt (Nepean--Carleton, Lib.) |
M. MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. John Manley |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
M. John Manley |
º | 1620 |
M. MacKay |
Le président |
M. John Manley |
M. MacKay |
Le président |
M. John Manley |
Le président |
M. David Pratt |
º | 1625 |
M. John Manley |
º | 1630 |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. John Manley |
º | 1635 |
M. Kevin Sorenson |
M. John Manley |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.) |
º | 1640 |
M. John Manley |
º | 1645 |
Le président |
M. Michel Bellehumeur |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
º | 1650 |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
M. John Manley |
M. Bellehumeur |
M. John Manley |
M. Michel Bellehumeur |
Le président |
M. John Manley |
Le président |
M. David Pratt |
Le président |
M. John Manley |
º | 1655 |
Le président |
M. John Manley |
Le président |
M. John Manley |
Le président |
M. Peter MacKay |
» | 1700 |
M. John Manley |
M. Peter MacKay |
M. John Manley |
» | 1705 |
Mr. MacKay |
M. John Manley |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. John Manley |
» | 1710 |
Le président |
M. David Pratt |
M. John Manley |
» | 1715 |
Maître Richard Fadden (greffier adjoint, avocat et coordonnateur de la Sécurité et du renseignement, Bureau du Conseil privé) |
Le président |
CANADA
Sous-comité sur la sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 10 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.)): Chers collègues, nous accueillons aujourd'hui l'honorable John Manley, vice-premier ministre. Nous l'avons invité puisqu'il est responsable du comité spécial du cabinet chargé de la sécurité et du renseignement. Je crois que le ministre a une déclaration d'ouverture.
Bienvenue, monsieur le vice-premier ministre. Nous sommes impatients d'entendre votre déclaration. Nous allons aborder des questions qui seront peut-être nouvelles pour vous comme pour les membres du comité, du moins au niveau des délibérations publiques. Nous verrons quels progrès nous pouvons accomplir aujourd'hui.
Merci d'être venu.
L'hon. John Manley (vice-premier ministre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais d'abord vous remercier ainsi que les membres du sous-comité de m'avoir invité à prendre la parole. Permettez-moi de vous présenter Dick Fadden, sous-greffier, conseiller juridique et coordonnateur de la sécurité au Bureau du Conseil privé.
[Français]
Je suis ici essentiellement en ma qualité de président du Comité ministériel spécial sur la sécurité publique et l'antiterrorisme. À ce titre, j'ai été chargé de coordonner certains éléments globaux de la réaction du gouvernement aux événements du 11 septembre. La responsabilité directe des agences participant à la lutte contre le terrorisme continue en effet d'incomber à mes collègues du Cabinet, et je m'en remettrai à eux pour tout ce qui touche les activités menées dans leur domaine respectif.
Je commencerai par quelques brefs commentaires sur la sécurité nationale. Je parlerai ensuite des mesures prises par le gouvernement, notamment de la signature avec les États-Unis de la Déclaration sur la frontière intelligente, qui est au coeur de nos intérêts en sécurité publique et en sécurité économique.
[Traduction]
Je précise d'abod que je crois à la nécessité d'avoir des définitions pratiques de la sécurité nationale—cela pour mieux protéger la sécurité publique et les intérêts nationaux vitaux. La réaction du Canada aux attaques brutales du 11 septembre a été immédiate; elle était coordonnée, et elle reflétait clairement les principes de notre politique sur la sécurité nationale. Elle témoignait également des valeurs des Canadiens, de leurs aspirations en tant que nation, de leurs convictions, du type de société et de monde dans lesquels ils souhaitent vivre, et de ce qu'ils sont prêts à faire pour défendre ce qui leur est cher.
Parmi les mesures immédiates prises dans l'intérêt de la sécurité nationale, citons les suivantes: quelque 250 vols et 33 000 passagers, à destination de différentes villes américaines, ont été déroutés vers des aéroports canadiens, cela en toute sécurité, avec compassion et sans incident particulier. Il s'agissait probablement là de la concrétisation la plus éloquente des valeurs canadiennes qu'on puisse imaginer. De simples citoyens, surtout dans le Canada atlantique, mais aussi dans l'Ouest et dans le Nord, ont agi spontanément et avec compassion. Ils ont accueilli des voyageurs chez eux, dans des écoles et dans des églises. Ils les ont nourris et abrités et leur ont fait visiter leur village pendant environ quatre jours, dans des circonstances complètement imprévues.
D'autre part, les représentants de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, de Citoyenneté et Immigration Canada et de la GRC ont été mis en état d'alerte maximale à tous les postes frontaliers. Les agences de sécurité et forces policières ont uni leurs efforts pour faire enquête sur le terrorisme de concert avec leurs homologues américains. Des navires ont appareillé, des aéronefs se sont préparés à décoller et l'armée s'est tenue prête à intervenir.
Dans la foulée de ces réactions initiales, le premier ministre a créé un comité spécial sur la sécurité publique et l'antiterrorisme composé de ministres, qu'il m'a demandé de présider. Ce comité spécial a été chargé d'assurer une réaction rapide et coordonnée dans le climat d'insécurité qui est devenu notre réalité depuis le 11 septembre.
À l'instar de n'importe quelle autre administration, le gouvernement du Canada a pour principal objectif d'assurer la sécurité de ses citoyens. Cela implique la prise de mesures intérieures, le lancement d'initiatives dans le périmètre nord-américain et une collaboration internationale, que ce soit par l'intermédiaire de l'ONU, de l'OTAN ou de multiples autres organismes, et cela inclut aussi l'aide humanitaire.
¹ (1540)
[Français]
Pour parvenir à nos fins, nous avons fixé cinq grands objectifs: empêcher les terroristes d'entrer au Canada; dépister, traquer, dissuader, poursuivre et expulser les terroristes; faciliter la gestion sûre et efficace de la frontière canado-américaine; participer à des initiatives internationales, y compris à des opérations antiterroristes; protéger les infrastructures du Canada; garantir des services de protection civile et gérer les conséquences.
[Traduction]
Voici quelques-unes des grandes réalisations qui témoignent des efforts déployés: on a déposé en octobre un ensemble immédiat d'initiatives à court terme, à savoir 250 millions de dollars pour l'achat d'équipement en cours d'exercice et 30 autres millions pour l'affectation de personnel supplémentaire permanent à des tâches concernant la frontière.
Le projet de loi C-36, la Loi antiterrorisme, a été adopté. Peu après, le projet de loi C-42, Loi sur la sécurité publique, a été déposé. Le budget 2001 de décembre prévoyait 7,7 milliards de dollars pour le renforcement de la sécurité, la protection civile et l'amélioration des infrastructures frontalières. Une déclaration canado-américaine sur la frontière intelligente dotée d'un plan d'action en 30 points a aussi été signée en décembre.
J'aimerais maintenant m'attarder à certaines de ces réalisations et vous indiquer concrètement la voie que nous entendons suivre sur le plan de la législation, du budget 2001 et du plan sur la frontière intelligente. La Loi antiterroriste est un texte législatif sans précédent qui permet au Canada de se conformer à la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies et offre de multiples possibilités de recours au criminel pour lutter contre la vague terroriste actuelle. Le gouvernement continue d'élaborer des procédures pour dresser la liste des organisations terroristes. Nous sommes déterminés à ce que ces règlements ne portent aucune atteinte au droit de la défense.
Des fonctionnaires de la Justice et du Solliciteur général travaillent de concert avec leurs homologues provinciaux pour établir un mécanisme de déclaration pour les deux pouvoirs extraordinaires prévus dans le projet de loi C-36, à savoir le processus d'investigation et l'arrestation préventive.
En ce qui concerne l'examen exhaustif des dispositions et du mécanisme de la loi, il revient à la Chambre et au Sénat d'en déterminer la forme et le fond. On continuera de s'interroger activement sur la nécessité d'adopter d'autres lois et règlements.
Le budget 2001 prévoit 7,7 milliards de dollars sur les cinq prochaines années pour améliorer la sécurité des Canadiens. Cela comprend 6,5 milliards de dollars pour la sécurité, y compris la sécurité aérienne et les Forces canadiennes. Cela comprend également plus de 1,2 milliard de dollars pour des initiatives afin de renforcer la sécurité à la frontière, de faciliter la circulation des personnes et des biens et d'améliorer les infrastructures frontalières.
[Français]
Ces fonds sont alloués à trois secteurs, à savoir au renseignement et aux forces de l'ordre, à une nouvelle approche en matière de sécurité aérienne et à une frontière ouverte et efficace.
Au cours des cinq prochaines années, 1,6 milliard de dollars seront donc affectés au renseignement et aux forces de l'ordre afin de dissuader et d'appréhender les terroristes, soit 567 millions de dollars à la GRC, 334 millions de dollars au SCRS—son budget augmente de 32 p. 100—et 76 millions de dollars à l'amélioration de la coordination entre agences. Sur la même période, un milliard de dollars iront à l'amélioration du contrôle des visiteurs, des immigrants et des demandeurs du statut de réfugié. Enfin, le budget 2001 affecte plus de 1,6 milliard de dollars à la protection civile et au déploiement militaire.
¹ (1545)
[Traduction]
Le 12 décembre 2001, le gouverneur Tom Ridge et moi-même avons signé la Déclaration sur la frontière intelligente. Le gouverneur Ridge est le nouveau directeur du Office of Homeland Security, nommé à l'automne dernier par le Président Bush. Le plan que nous avons signé esquisse un plan d'action en 30 points répartis sur quatre axes: la circulation sécuritaire des personnes, la circulation sécuritaire des biens, la sécurité des infrastructures et la coordination et la mise en commun de l'information.
Le gouverneur Ridge et moi-même avons convenu de faire régulièrement le point sur l'évolution du plan d'action, et d'encourager les fonctionnaires de nos deux capitales à faire progresser les différents dossiers aussi rapidement que possible. Nous nous sommes d'ailleurs rencontrés tout dernièrement, le 8 mars.
Notre démarche est soutenue par les multiples rencontres de ministres et de hauts fonctionnaires canadiens avec leurs homologues américains, rencontres qui contribuent beaucoup aux échanges bilatéraux nécessaires pour renforcer la coopération.
Le principe directeur de la déclaration est que la sécurité publique et la sécurité économique se renforcent mutuellement. Notre sécurité est accrue quand nous adoptons une approche de gestion de risque qui accélère la circulation des biens et des personnes à faible risque, ce qui nous permet de concentrer nos ressources sur le passage de ceux à risque élevé.
Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis la mise en oeuvre du plan d'action. Par exemple, les installations de prédédouanement et de transit de Vancouver ont rouvert le 14 février. Le Canada et les États-Unis ont des équipes conjointes de douaniers aux ports de Vancouver, Montréal, Halifax, Seattle, Tacoma et Newark, pour cibler les conteneurs maritimes destinés à l'un ou l'autre pays.
Le programme de prédédouanement NEXUS pour les voyageurs à faible risque s'appliquera sur toute la frontière terrestre, et débutera à trois postes frontaliers de la Colombie-Britannique d'ici cet été. Les résidents permanents recevront, à compter de juin, une nouvelle carte d'identité biométrique.
Par ailleurs, nous progressons bien également dans tous les autres dossiers d'action du plan en 30 points. Nous visons d'ailleurs à obtenir d'ici juin des résultats concrets dans chacun d'eux.
Monsieur le président, je voulais simplement décrire brièvement aujourd'hui les diverses mesures prises par le gouvernement depuis le 11 septembre pour calmer les craintes du public en matière de sécurité et aussi pour confirmer l'avenir de la coopération nord-américaine et notre détermination à nous acquitter de nos grandes obligations internationales.
Je vais maintenant m'efforcer de répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Nous passons maintenant aux questions, en commençant par l'opposition. Monsieur Sorenson, vous avez sept minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président et merci, monsieur le vice-premier ministre, de vous présenter devant notre comité aujourd'hui. C'est pour nous un privilège de vous accueillir.
Peu après l'attentat dramatique contre les États-Unis et contre nous tous le 11 septembre, vous avez été nommé président du comité spécial du Cabinet sur la sécurité. J'ai quelques brèves questions que plusieurs d'entre nous se posent aussi à ce sujet.
Pouvez-vous nous dire qui sont les autres membres de ce comité? Quelles responsabilités lui ont été confiées immédiatement après l'attaque contre l'Amérique? Et dans quelle mesure ces tâches ou responsabilités ont-elles évolué dernièrement?
Je constate aussi que M. Fadden, sous-greffier et coordonnateur de la sécurité au Conseil privé, vous accompagne. Il avait déclaré peu après ces attentats qu'il était temps d'envisager un dispositif officiel de recueil de renseignements étrangers. Dans la foulée du 11 septembre, de nombreux experts du renseignement ont affirmé que pour lancer une offensive canadienne contre le terrorisme, il faudrait injecter des fonds nouveaux dans les services canadiens de sécurité et de renseignement et réformer leurs capacités.
Les avis divergent sur la façon de recueillir ces renseignements et le déploiement de nos capacités. Toutefois, de nombreux experts considèrent que la loi limite les initiatives d'espionnage que peut prendre le SCRS à l'étranger et qu'il doit constamment s'en remettre à d'autres pays, à l'appui amical d'autres organismes d'espionnage ou de renseignement. Ces experts recommandent donc que le gouvernement crée un bureau officiel de la sécurité nationale dirigé par un unique ministre, bureau qui coordonnerait tous les services et toutes les sources de renseignements et qui analyserait les informations recueillies. On estime qu'un ministre de la sécurité nationale pourrait avoir une vision plus synthétique des diverses informations recueillies par les ministères de l'Immigration, des Affaires étrangères, de la Défense et aussi éventuellement par le SCRS.
Monsieur le vice-premier ministre, à la mi-octobre, vous auriez déclaré que, au lieu d'élargir les capacités de renseignement étranger du SCRS, vous préféreriez créer éventuellement un organisme distinct chargé des activités à l'étranger au sein de votre ministère, soit à l'époque le ministère des Affaires étrangères, un peu à l'instar de la CIA aux États-Unis. Disons simplement que le mandat de notre sous-comité porte notamment sur ce sujet, à savoir recommander des moyens d'assurer aux Canadiens que la sécurité est effectivement le principe directeur de notre gouvernement.
Ma question est donc la suivante: faut-il créer un organisme de renseignement étranger? Et si vous maintenez ce que vous avez dit en octobre 2001, pensez-vous qu'il faudrait créer un tel organisme dans votre ministère ou au ministère des Affaires étrangères, et pourquoi?
¹ (1550)
M. John Manley: Je vais voir si je réussis à me souvenir de toutes ces questions.
Les membres du comité sont les ministres des Finances, de la Défense nationale, des Transports, des Affaires étrangères, le Solliciteur général, le ministre de la Justice, le Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, ainsi que les ministres du Revenu national, de Citoyenneté et Immigration et de la Santé.
Vous avez demandé qui n'en fait pas partie?
Nous ne nous rencontrons pas de façon régulière, mais plutôt assez souvent en fonction du besoin. Notre mandat est toujours de répondre aux défis immédiats auxquels le gouvernement est confronté dans le domaine de la sécurité publique. Comme l'indique le titre du comité, c'est un comité spécial qui continuera de se réunir aussi longtemps que cela sera nécessaire.
Nous nous sommes efforcés de conseiller très rapidement le premier ministre et le Cabinet, et nous l'avons fait avant la présentation du budget de décembre, mais nous allons continuer à nous rencontrer pour discuter de l'actualité. Je vous dirais bien franchement que j'ai l'intention de demander aux ministres qui ont reçu des crédits dans le budget—et je vous ai parlé dans mes remarques des 250 millions de dollars au départ—de me donner le détail de l'utilisation de ces fonds. Bien que ce soit quelque chose d'assez inhabituel dans le cadre d'un comité spécial du Cabinet, c'est ce que j'ai l'intention de faire.
Pour ce qui est du renseignement étranger, j'ai bien souligné que nous avions besoin de ce genre de renseignements, et que nous devions être en mesure de les transmettre. Je n'ai jamais dit où cela devait se faire, même si certains ont leur avis là-dessus. Je pense que le premier ministre serait intéressé par les idées des députés à ce sujet, aussi bien ceux de votre comité que les membres de notre caucus, où il y a aussi des personnes qui se posent le même genre de questions et qui ont leur idée.
Bien franchement, l'essentiel à mes yeux dans ce contexte est d'exploiter notre collaboration avec d'autres pays qui partagent nos idées. Comme vous le savez, nous avons une excellente collaboration avec plusieurs de nos alliés. En matière de lutte contre les menaces terroristes, je ne vois pas l'utilité de gaspiller des ressources à refaire ce que d'autres font déjà. En revanche, je pense que nous devons avoir nos propres ressources pour être en mesure de contribuer à l'échange d'information parmi les pays alliés.
Il n'y a aucune limite juridique à la portée géographique des activités du SCRS, et la question est donc de savoir comment il faudrait structurer un dispositif de recueil de renseignements étrangers. C'est une simple question de mécanique gouvernementale. Ce qui est clair, c'est que lorsqu'on envisage cette capacité de recueillir des renseignements à l'étranger, il faut tenir compte à la fois de nos préoccupations en matière de politique étrangère, de défense, de police et dans d'autres domaines aussi. Il s'agit plus pour moi d'un problème de gestion horizontale que de la nécessité de mettre en place un dispositif distinct au sein d'un ministère ou d'un organisme.
Personnellement, je n'ai pas encore tiré de conclusion et je ne sais pas comment ce dispositif devrait se présenter ni où il devrait être intégré, ni même s'il est nécessaire de débloquer des ressources supplémentaires qui viendraient s'ajouter à celles qui sont déjà prévues dans le budget de 2001.
¹ (1555)
Le président: Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, depuis les événements du 11 septembre, le gouvernement à Ottawa est très rapide à agir dans le spectaculaire, c'est-à-dire à faire une loi à la James Bond accordant des pouvoirs accrus aux policiers et aux ministres, autorisant l'écoute électronique et tout cela. Mais sept mois après ces événements--ça va faire sept mois demain que ces événements ont eu lieu--, la population remarque finalement que ses passeports coûtent excessivement cher, plus cher qu'avant, qu'il y a des délais excessivement longs, qu'il y a des départs dans les aéroports canadiens où il y a des policiers armés. Elle constate également--et ça, ce sont les faits--qu'entre autres, il y a une problématique aux douanes.Une série de contrats pour des douaniers québécois n'ont pas été renouvelés le 31 janvier 2002. On dit même, je pense, que des contrats seront donnés à des étudiants ou à je ne sais trop qui. On doit savoir que les étudiants n'auront pas le même équipement ou les mêmes pouvoirs que les douaniers.
Vous nous parlez de milliards de dollars et de toutes sortes de choses qui sont en train de se passer, mais dans les faits, il n'y a pas grand-chose qui a changé depuis le 11 septembre. Qu'on ait mis sur pied un comité spécial du Cabinet sur la sécurité... Je me demande même, en raison des événements du 11 septembre, comment il se fait qu'on n'avait pas mis ce comité sur pied avant cela. On a un Service canadien du renseignement de sécurité. J'imagine qu'on savait qu'il y avait quelque chose qui se préparait. On ne savait peut-être pas exactement que c'était aux États-Unis que cela allait se passer et quand cela se passerait, mais avec le Service canadien du renseignement de sécurité qu'on a, on a dû avoir des petits doutes qu'il y avait des gens au Canada ou des gens qui passaient aux frontières et qui faisaient des gestes dans un but terroriste quelconque.
Je vais vous dire bien honnêtement qu'en façade, vous vous débrouillez assez bien. Vous êtes un gouvernement de télévision, c'est-à-dire que vous présentez bien vos affaires. Mais pour ce qui est de la sécurité en tant que telle, je ne me sens pas beaucoup plus en sécurité avec ce que vous présentez. Qu'est-ce qui se fait exactement? Par exemple, monsieur le ministre, est-il exact qu'il y a une série de douaniers qui n'ont pas été renouvelés dans leur poste le 31 janvier 2002? Est-il exact que les douaniers ont reçu une directive leur disant de laisser passer toutes les personnes identifiées comme faisant l'objet d'un avis de surveillance, des personnes armées et dangereuses, et qu'on les rattraperait une fois qu'elles seraient rendues au Canada? Cela a été émis le 26 mars 2001. Selon nos vérifications, cette directive est toujours en vigueur à l'heure actuelle. Il y a là un problème, il me semble. Ce n'est pas sécurisant de voir cela, monsieur le ministre.
º (1600)
M. John Manley: Monsieur Bellehumeur, ce qui s'est produit le 11 septembre dernier n'était pas un événement qu'on pouvait facilement prévoir. On savait tous qu'il y avait des risques, qu'il y avait des discussions qui se tenaient à l'échelle internationale et nationale, prenant en considération les risques qui sont difficiles à évaluer, mais jusqu'au 11 septembre, je crois que personne n'aurait pu prévoir ce genre de situation.
M. Michel Bellehumeur: Mais vous n'avez rien fait.
M. John Manley: Nous avons certainement pris des mesures pour nous assurer que la sécurité était renforcée. Il se peut que la majeure partie de la population—je ne sais pas—pense aujourd'hui qu'il s'agissait d'un événement exceptionnel, d'un cas rare et que le risque n'existe plus. On croit peut-être aussi que les mesures que nous avons prises n'étaient pas nécessaires, mais c'est la responsabilité des gouvernements de protéger la population et d'assurer sa sécurité.
Moi, je ne suis pas ministre du Revenu. Alors, je ne sais pas si des gens quelque part ont démissionné. Je ne connais pas la situation. Je ne veux pas entrer dans un débat à ce sujet.
M. Michel Bellehumeur: Non, non, ce sont des mises à pied; ce ne sont pas des démissions.
M. John Manley: Je ne connais pas les faits. Ce n'est pas ma responsabilité, mais ce que je peux dire, c'est que nous avons essayé de déterminer ensemble les mesures à prendre pour accroître la sécurité, pour relever le niveau par rapport à l'avant-11 septembre, ceci également dans le contexte très important de la sécurité économique. Avec 87 p. 100 de nos exportations qui se font vers les États-Unis, la sécurité économique du Canada dépend d'une frontière qui est ouverte. Alors, il faut s'assurer que les mesures de sécurité mises en oeuvre à la frontière soient aussi très intéressantes pour nos voisins américains. Jusqu'à ce moment, je peux vous dire aussi qu'ils sont, d'après M. Ridge, très contents de ce que nous avons fait.
M. Michel Bellehumeur: Là, vous êtes président du Comité du Cabinet sur la sécurité et vous me dites que vous ne savez pas ce qui se passe au niveau du personnel, au niveau des douanes. Vous vous vantez pourtant d'avoir versé 30 millions de dollars pour des tâches permanentes aux douanes, alors qu'on apprend que depuis le 31 janvier 2002, ce ne sont pas des démissions mais des mises à pied du gouvernement fédéral de douaniers qui travaillaient. Ça, vous ne le savez pas. Vous ne savez pas ce qui se passe.
M. John Manley: Je suis président du Comité sur la politique économique et je ne connais pas toute la situation dans les ministères de l'Industrie et des Finances. Je suis président du Comité sur l'union sociale, mais je ne suis pas le ministre des... [Note de la rédaction: Inaudible] ...qui sont dans le contexte des politiques. Alors, il faut comprendre la responsabilité du ministre.
M. Michel Bellehumeur: Mais, monsieur le ministre, vous avez le chapeau de président du Comité spécial du Cabinet sur la sécurité. Je pense qu'il faut s'informer de ces choses lorsqu'on sait que les douanes ont été qualifiées de... Et à l'heure actuelle, il y a encore de gros problèmes au niveau des entrées. Entre autres, vous êtes sans doute au courant--peut-être que là, vous n'êtes pas au courant non plus--qu'il existe une étude sénatoriale démontrant qu'il y a, encore aujourd'hui, de la drogue qui entre à pleines portes au Canada.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bellehumeur, je dois vous interrompre. Je suis désolé, vous avez utilisé tout votre temps. Si vous pouviez poser très rapidement votre question, nous pourrons poursuivre.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, j'ai tenté de poser une question assez précise pour avoir une réponse très précise, parce que c'est facile pour un ministre de ne pas répondre aux questions et de faire un discours, comme il l'a fait tantôt. Si on veut vraiment avancer dans ces affaires-là, il va falloir que les députés soient précis, comme je l'ai été, et que le ministre le soit également.
[Traduction]
Le président: Je comprends, mais malheureusement nous n'avons que sept minutes chacun pour poser ces questions. Si M. Manley n'a rien à ajouter, nous passerons au député suivant. S'il y a une réponse...
M. John Manley: Je ne crois pas qu'il y ait d'autre question.
Le président: Bon, merci.
Monsieur Blaikie, vous êtes prêt?
M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD): Oui, j'ai quelques questions à poser au ministre.
Vous avez dit que nous allions examiner le projet de loi C-36 et que c'est le comité de la justice qui déterminera la nature de cet examen. Je le comprends, mais vous avez aussi parlé juste avant d'une supervision de la mise en oeuvre du projet de loi C-36. J'aimerais savoir quels sont les rapports entre votre Comité et cette supervision du projet de loi C-36. Peut-être pourriez-vous commencer par nous expliquer cela, et ensuite j'aurai quelques autres questions.
º (1605)
M. John Manley: Je pense que vous parlez de ces dispositions précises qui sont assez inhabituelles.
M. Bill Blaikie: Les deux, oui.
M. John Manley: La supervision est d'ordre judiciaire. Autrement dit, ce n'est pas une supervision du comité, mais une supervision judiciaire des deux mesures particulièrement délicates du projet de loi C-36.
M. Bill Blaikie: Quel est le rapport?
M. John Manley: Donc, il n'y a pas de rapport. Notre rôle consistera à examiner s'il faut modifier la loi au vu de son fonctionnement, et cela fera pleinement partie de l'examen parlementaire.
M. Bill Blaikie: Allez-vous effectuer votre propre examen et, assurer votre propre contrôle de cette loi? Quelqu'un viendra-t-il vous dire, par exemple, qu'on a arrêté préventivement un personne la semaine dernière? Est-ce qu'on vous signalera ce genre de choses? Je ne vous demande pas d'être comme le ministre de la Défense nationale, qui doit tout savoir instantanément, mais y a-t-il un mécanisme de ce genre?
M. John Manley: Non. En fait, je vous dirais que j'ai posé la question et on m'a dit qu'on ne le faisait pas.
M. Bill Blaikie: Pourriez-vous développer un peu ce que vous avez dit à propos de la carte de résident permanent? Qui va obtenir cette carte d'identité biométrique? Est-ce que ce sera pour tout le monde ou simplement pour les personnes qui traversent régulièrement la frontière?
M. John Manley: Non, non. Vous confondez deux choses. La carte de résident permanent est la carte d'identité utilisée pour les personnes qui reçoivent le statut de résident permanent au Canada. Autrement dit, ce ne sont pas des citoyens, mais des immigrants. Traditionnellement, c'était un simple document de papier, facile à imiter ou à falsifier. L'ancien ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé la création d'une carte d'identité plus perfectionnée qui sera remise aux résidents permanents. Évidemment, une fois qu'on est citoyen, on a droit à un passeport canadien ou à une carte de citoyenneté, qui est un document d'identité bien distinct et beaucoup plus sûr.
Dans le cas des personnes qui traversent souvent la frontière, c'est au système NEXUS que vous pensez. Revenu Canada en faisait déjà l'essai au poste-frontière de Sarnia-Port Huron avant le 11 septembre. On a ensuite suspendu ces essais. Dans le cadre du plan adopté avec Ridge, nous avons remis, ce système en place à Sarnia et nous continuerons cet été dans le cadre d'un projet pilote en Colombie-Britannique.
En vertu de ce système des personnes qui vivent au Canada et travaillent aux États-Unis, par exemple, ou celles qui sont amenées à traverser souvent la frontière pour leurs affaires, pourront demander la carte. On confirmera leur identité, on les interrogera et on leur remettra une carte qui comportera un dispositif d'identification biométrique et qui leur permettra de traverser la frontière sans s'arrêter.
M. Bill Blaikie: Ce n'était pas tellement à cause de la carte qu'il y avait confusion. Certains de mes électeurs et d'autres personnes m'ont dit que dès qu'ils entendaient l'expression «carte de résident permanent», ils se disaient que c'était le précurseur de la carte d'identité pour tout le monde. Je pense qu'il est important de bien clarifier cela.
Pourriez-vous nous dire si votre comité s'occupe de la sécurité lors des rencontres du G-8 à Kananaskis? Comme vous le savez, il y a eu tout un débat par le passé sur les interventions politiques dans le dispositif de sécurité de la réunion de l'APEC, et je ne vais pas revenir là-dessus parce que ce n'est ni le moment ni le lieu pour le faire, mais vous connaissez bien cette controverse. Or, il y a maintenant un comité qui a été constitué spécifiquement pour s'occuper de la sécurité. Par conséquent, j'aimerais savoir si les dispositifs de sécurité pour Kananaskis et le G-8 relèvent de votre comité. Et quel genre de supervision, les cas échéant, allez-vous éventuellement exercer sur ces rencontres?
º (1610)
M. John Manley: Nous n'avons aucun rôle à cet égard. Naturellement, le Cabinet devra globalement approuver les fonds nécessaires pour assurer cette sécurité, mais les dispositifs de sécurité proprement dites relèvent de la GRC.
M. Bill Blaikie: Comment faites-vous la distinction entre cet événement précis et la raison d'être de votre comité, à savoir orienter la politique de sécurité du Canada mise en oeuvre par divers corps de police—la GRC, le SCRS, etc.—à moins que cette rencontre ne soit considérée comme un événement qui échappe à la politique globale sur la sécurité, pour des raisons qui m'échappent?
M. John Manley: La réunion de l'APEC nous a clairement appris que les questions de sécurité ne se décidaient pas au niveau politique. Elles doivent être laissées aux personnes compétentes pour prendre ce genre de décisions.
Nous connaissons la mission. Il s'agit de s'assurer que cette rencontre se déroule en toute sécurité, de permettre aux participants d'arriver et de repartir chez eux sans problèmes, mais c'est à la GRC de s'occuper des modalités pratiques de cette mission. Encore une fois, le Cabinet doit approuver le financement, puisqu'on va sortir des ressources normales de la GRC, de la Défense nationale ou d'autres corps qui pourront être impliqués, par exemple les services de police locaux. La ville de Calgary a évidemment demandé de l'aide. Le Cabinet pourra donc autoriser l'octroi de ces fonds, mais c'est la police qui s'occupera concrètement de tout le dispositif de sécurité sur place.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Mackay.
M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC): Merci, monsieur le président, et je remercie le vice-premier ministre et M. Fadden d'être venus nous rencontrer.
Je voudrais tout d'abord vous remercier de parler des efforts extraordinaires accomplis par les Canadiens, ceux de la région atlantique en particulier, pour accueillir ces voyageurs aériens tout de suite après les événements du 11 septembre. Je crois que cela a été quelque chose d'extraordinaire et qu'on ne saurait suffisamment le souligner. Cet élan a témoigné de la gentillesse des Canadiens qui n'ont pas hésité un instant.
Je voudrais revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure à propos des définitions concrètes des mesures de sécurité. En vous écoutant, j'ai noté que vous parliez d'échange d'information. À ce niveau, il y a eu par le passé des problèmes entre nos services de sécurité, que ce soit l'armée, la GRC ou le SRCS. Par exemple, récemment, un adjoint de M. Gagliano, Gaetano Amodeo, était au Canada et était recherché pour meurtre en Italie et en Allemagne. Apparemment, la GRC, le ministère de l'Immigration et le SCRS ne se sont pas communiqué les informations essentielles qui auraient permis de l'arrêter rapidement. Ce ne sont là que des exemples concrets de ratés dans l'échange d'information qui ont fait que nous n'avons pas pu réagir plus rapidement.
Pourriez-vous nous parler des mesures concrètes qui ont été prises pour rectifier ces lacunes qui viennent notamment, d'après moi, des coupures que votre gouvernement a faites dans le budget de la sécurité? Vous nous avez parlé d'un budget de plus de 7,7 milliards de dollars pour les cinq prochaines années, mais il n'empêche qu'on a considérablement réduit le budget de nos services de sécurité, que ce soit la GRC ou le SCRS. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais c'est pourtant ce que confirment les budgets passés.
On a aussi considérablement réduit—ceci m'amène à une autre question—des budgets comme celui de la Garde côtière. Puisque vous parlez de protéger nos frontières et d'avoir une frontière intelligente, je vous dirais que notre talon d'Achille, ce sont les ports de mer. Je sais que c'est un des points sur lesquels vous vous concentrez, de même que le Cabinet, je pense, mais il n'empêche que concrètement, on constate que votre gouvernement a supprimé la police portuaire que vous avez sabré dans la Garde côtière, qu'on attend toujours le feu vert pour l'achat d'hélicoptères qui nous permettraient au moins de survoler nos eaux—et cela nous amène à un autre problème, la surpêche, mais c'est une question pour un autre comité—or, votre gouvernement a une tâche encore bien plus lourde à accomplir actuellement qu'avant les événements du 11 septembre.
La Garde côtière est en piteux état. Nous n'avons plus de police portuaire. Les Américains en revanche sont en train de mettre en place quelque chose qui ressemble à ce que nous avions auparavant, un dispositif policier spécifiquement axé sur les ports.
Pourriez-vous répondre à ces questions précises, compte tenu notamment des priorités du gouvernement—et vous allez peut-être avoir l'impression que c'est une pique politique—puisqu'on a décidé de ne pas remplacer les hélicoptères alors qu'on a largement diffusé les commentaires du chef d'état-major de la Défense qui disait tout récemment que les Challenger étaient encore tout à fait satisfaisants.
En fait, je vais vous citer son rapport:
[Traduction] Étant donné qu'il n'y a pas de tendances ou de problèmes particuliers avec cette flotte et que les Challenger sont d'une remarquable ponctualité, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire à l'heure actuelle d'entreprendre la modernisation ou le remplacement de cette flotte. |
Ces remarques proviennent d'un rapport du général Henault publié le 8 janvier. Il dit que ces avions sont en parfait état pour transporter les personnalités du gouvernement, dont vous faites partie.
º (1615)
M. David Pratt (Nepean--Carleton, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais faire un rappel au Règlement. Je ne vois pas ce que cela a à voir avec les responsabilités du ministre Manley.
M. Peter MacKay: En toute déférence, monsieur le président...
Le président: Le député a invoqué le Règlement.
Je crois que M. Manley est ici pour discuter de questions relatives à la sécurité.
M. Peter MacKay: Les hélicoptères n'ont-ils aucun rapport avec la sécurité et toute cette question? Les dépenses consacrées à la sécurité ne sont-elles pas liées à une décision concernant les priorités du gouvernement?
Le président: Je n'ai pas l'intention de débattre de cette question.
M. Peter MacKay: Non, vous avez dit ce que vous aviez à dire.
Le président: La question des jets utilisés pour le transport des hauts fonctionnaires a peut-être un rapport. Mais je suis sûr que M. Manley peut faire répondre à n'importe quelle question...
M. Peter MacKay: J'en suis convaincu.
Le président: ...qu'elle soit pertinente ou non.
Donc poursuivez; nous avons utilisé environ la moitié de vos sept minutes.
M. John Manley: Je crains simplement de ne pas avoir suffisamment de temps pour répondre à toutes les questions.
M. Peter MacKay: Prenez votre temps. Nous avons tout l'après-midi.
Le président: Monsieur MacKay, il vous reste environ trois minutes.
M. Peter MacKay: Nous avons tout l'après-midi. Je vous en prie!
M. John Manley: Bien, par où commencer?
J'ignore si les compressions budgétaires passées ont rendu l'échange d'information difficile au sein de nos services. C'est une hypothèse, que rien ne vient étayer toutefois.
Je peux vous dire que lors de mes entretiens avec le gouverneur Ridge, il a reconnu que les États-Unis connaissaient des problèmes semblables. J'ignore s'ils ont aussi réduit leurs budgets. Le fait est que dans un grand nombre de ces secteurs—et cela s'applique non seulement au Canada et aux États-Unis mais à d'autres pays également—les divers secteurs ont fonctionné en vase clos. Le meilleur exemple à cet égard est sans doute celui des États-Unis où le Service d'immigration et de naturalisation a délivré un visa d'étudiant à Mohammed Attah il y a quelques semaines.
Des incidents risquent de se produire si les organismes appropriés n'arrivent pas à trouver des moyens pratiques d'échanger des éléments d'information de façon opportune et de manière à déterminer les risques. Je crois que les événements du 11 septembre nous ont beaucoup appris à ce sujet.
Pour déterminer les mesures à prendre—et c'est là où le comité a un rôle important à jouer—, nous avons demandé à tous les ministères quels seraient leurs besoins à cet égard. C'est de cette manière que nous avons contribué au budget de décembre.
Nous avons en particulier réparti les ressources de manière à améliorer l'échange et la coordination de l'information, et la décision du Cabinet oblige les ministères à établir qu'ils prennent bel et bien des mesures en ce sens. Donc je crois que nous sommes en train de donner suite à certaines de ces préoccupations.
Mais le fait est que même si nous vivons à l'ère de l'information, il y a une telle quantité de renseignements que le défi consiste à concevoir des outils qui permettent aux instances appropriées de les obtenir au moment voulu de manière à améliorer la sécurité.
Il y a aussi toute la question du matériel dont nous avons besoin pour surveiller la frontière. En ce qui concerne les ports, nous avons réservé des fonds dans le budget pour les besoins du secteur maritime. Je ne suis pas le ministre responsable—j'assume une fonction de surveillance et de coordination en tant que président du comité—mais je ne suis pas sûr pour le moment que la solution au problème particulier de la sécurité dans les ports consiste à renouveler la police portuaire. Il y a de toute évidence un problème au niveau des services policiers et le rapport du Sénat l'a d'ailleurs signalé dernièrement. Il signale également que la situation dans nos ports n'est probablement pas aussi mauvaise que celle qui existe dans les ports américains. Il y a donc des problèmes à cet égard et il ne sert à rien de les nier, mais nous devons nous assurer de répartir les ressources dont nous disposons afin de les résoudre de la façon la plus efficace.
Pour l'instant, c'est à mon sens une question pour laquelle nous avons besoin non seulement des conseils de la police, mais aussi de la participation directe de la GRC pour assurer le maintien de l'ordre dans les ports.
º (1620)
M. Peter MacKay: [Note de la rédaction: Inaudible] ...là où je veux en venir, c'est qu'il s'agit de dépenses prioritaires. Certains ne sont peut-être pas d'accord à ce sujet, mais je crois que les Canadiens doivent se demander si les Challenger sont plus nécessaires que la surveillance aérienne de nos côtes. A-t-on besoin des Challenger...
Le président: Est-ce une question?
M. Peter MacKay: C'est une question.
M. John Manley: Ce n'est pas une question de choix.
Avons-nous besoin des Challenger? Eh bien, vous avez volé à bord d'un Challenger... Jamais? Vous n'avez jamais accompagné le ministre dans ses déplacements? J'essaierai de vous emmener avec moi un jour.
Cette façon de voyager n'a rien de luxueux, mais cela nous permet en fait de faire bien des choses qui nous seraient autrement impossibles. Soyons francs: ce mode de transport n'a pas été sans problème. J'ai mentionné à la Chambre hier que le premier ministre avait dû faire un atterrissage d'urgence à Stockholm par suite de la dépressurisation de la cabine. Théoriquement, selon les médecins, il aurait dû rester au sol à Stockholm pendant 48 heures avant de repartir. Il a pris un risque et a repris l'avion pour poursuivre son itinéraire et, arrivé à destination, des ambulances l'attendaient. Il n'en a ressenti aucun effet.
J'ai essayé d'organiser des visites à Islamabad, à Delhi et en Afghanistan en janvier mais nous avons eu un pépin avec l'avion pour la troisième fois je crois. Nous avons dû prendre des dispositions de dernière minute pour me permettre de terminer mon programme, mais j'ai dû passer une nuit blanche. Nous ne pouvons pas utiliser les avions actuels pour nous rendre en Europe sans escale. Cela nous impose des contraintes de temps.
Vous pourriez dire qu'il n'est pas nécessaire que le gouvernement canadien soit représenté par des ministres à bon nombre de ces réunions dont, en tant que ministre des Affaires étrangères, je ne me suis pas encore remis à cause du décalage horaire. Mais je ne crois pas que ce soit le cas pour un pays du G-8. Je crois aussi que nous devrions voler à bord d'avions dont nous sommes fiers. Ils sont faits au Canada.
S'agissait-il d'une dépense utile?
Tout d'abord, il ne s'agissait pas de décider s'il fallait consacrer plus d'argent pour la frontière ou pour le remplacement des jets Challenger maintenant. Il ne s'agissait pas de faire un choix.
Ce n'est pas toujours une question de choix.
M. Peter MacKay: C'est toujours une question de choix. Vous devez choisir vos priorités.
Le président: À l'ordre.
M. John Manley: Ce n'est pas toujours une question de choix lorsqu'il s'agit de dépenser les ressources disponibles à bon escient. Nous avons réservé des sommes importantes pour nous permettre de consacrer des dépenses appropriées aux mesures déterminées par le comité. Cependant, à ce stade, comme je viens de vous le dire, nous n'avons pas attribué la totalité de ces ressources parce qu'en fait, nous n'avons pas encore déterminé de façon précise comment seront répartis les fonds de manière optimale dans l'intérêt des Canadiens.
Le président: Monsieur Pratt, vous avez sept minutes, après quoi nous passerons à des tours de cinq minutes en alternance.
M. David Pratt: Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à vous remercier, monsieur le ministre, de comparaître devant nous aujourd'hui, accompagné de M. Fadden, afin de répondre à nos questions. J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour vous remercier du travail que vous avez fait dans ce domaine.
Si nous remontons à la période qui a immédiatement suivi les événements du 11 septembre, certaines observations que vous avez faites ont beaucoup rassuré les Canadiens. Nous avons fait beaucoup de progrès dans nos relations avec les États-Unis. Il ne fait aucun doute que les liens que vous avez noués avec le gouverneur Ridge ont nettement contribué à améliorer nos relations à la frontière avec les États-Unis, ce qui est essentiel pour nos débouchés économiques.
J'aimerais enchaîner sur certaines des questions posées par M. Sorenson quant à la possibilité de créer un organisme de renseignement étranger au Canada. Je suis sûr que cela ne vous étonnera pas. J'ai constaté que vous avez parlé de la nécessité d'avoir nos propos sources d'information en renseignement étranger. À votre avis, un organisme chargé du renseignement étranger pour le Canada est-il une question de souveraineté? Je veux dire que le renseignement étranger auquel nous nous fions nous est fourni par nos alliés, les Britanniques, les Américains, les Australiens et les Néo-Zélandais—avec lesquels nous entretenons d'excellentes relations à cet égard—mais l'information qu'ils nous fournissent, même si elle est dans notre intérêt, est aussi dans leur intérêt à eux. Certains croient que le fait de prendre des décisions importantes en matière de politique étrangère à partir de renseignements fournis par d'autres risque de poser problème.
J'aimerais vous poser une question à propos d'un deuxième aspect, à savoir qu'il y a longtemps que le gouvernement du Canada envisage de créer un tel organisme. Si vous remontez à la Commission McDonald en 1981 qui, je crois, a été responsable de la création du SCRS, vous constaterez que M. Macdonald avait dit qu'un jour ou l'autre, notre pays devrait tenir un débat sur la création d'un organisme de renseignement étranger.
De toute évidence, ce n'est pas un dossier qui suscite beaucoup de lettres de la part de nos électeurs, et l'utilité d'un organisme étranger du renseignement ne donnera pas lieu à des manifestations sur la colline. Mais il ne fait aucun doute que c'est un point que voudront aborder à un certain moment ceux qui se préoccupent des questions relatives au gouvernement, à la sécurité et au renseignement.
Enfin, en ce qui concerne la restructuration, à laquelle M. Sorenson a fait allusion, nous n'avons pas vraiment procédé à une réévaluation importante ou à une restructuration de notre appareil de sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous avons plutôt fait appel en majeure partie à des mesures d'exception institutionnalisée—souvent avec succès, d'ailleurs. De toute évidence, il y a eu une énorme défaillance des services de renseignement le 11 septembre et les Américains essaient d'y remédier. Mais dans l'ensemble, nous avons réussi à répondre à nos besoins.
Le moment n'est-il pas venu de revoir nos services de renseignement dans notre pays, leur organisation, la responsabilité que doivent assumer les divers ministères à l'égard de ces organismes? Par exemple, le fait que le renseignement d'origine électromagnétique relève du ministère de la Défense nationale et que notre renseignement de sécurité relève du ministère du Solliciteur général soulève certaines questions quant à la façon dont l'information est produite, traitée et distribuée à d'autres secteurs du gouvernement.
Voilà mes questions, monsieur le président. Je vous remercie.
º (1625)
M. John Manley: Je vous remercie. Je suis sensible à l'intérêt que vous portez à cette question et à votre travail de longue date à cet égard.
Je crois qu'il y a là une question de souveraineté, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit cruciale pour l'instant. Dans une très grande mesure, ce genre d'information—surtout dans le contexte de la sécurité publique et de la lutte contre le terrorisme—peut être partagée en toute confiance avec nos alliés.
Ce qui nous préoccupe, c'est que nous devons faire preuve de réciprocité envers nos alliés, faute de quoi l'information que nous recevrons d'eux deviendra peut-être moins importante.
Pour l'instant, je ne suis pas au courant de plaintes de ce genre de la part de nos alliés. Au contraire, la coopération a été extrêmement bonne et les événements du 11 septembre ont eu pour conséquence de renforcer la coopération entre le Canada et les États-Unis à cet égard.
Je crois qu'il y a des améliorations que nous pouvons probablement déjà apporter au sein des structures existantes. Ce pourrait être au niveau des directives que nous donnons à nos ambassades et à nos consulats à l'étranger, le genre d'information que nous leur demandons de recueillir et de nous rapporter. Je ne crois pas qu'il s'agisse nécessairement d'activités clandestines où on fait de l'espionnage à la John Le Carré dans des forêts à l'extérieur de Vienne. Il y a beaucoup de renseignements disponibles. Le plus dur n'est pas tant d'obtenir l'information mais bien de reconnaître celle qui est importante et pertinente et de s'assurer qu'elle soit transmise aux instances compétentes, pour que, de simple information, cela devienne du vrai renseignement.
Nous devrions aussi déterminer s'il existe des créneaux propres au Canada que nous pourrions occuper, dans le cadre de notre contribution à l'amélioration de la sécurité en collaboration avec nos alliés.
Enfin, je conviens avec vous qu'il vaut parfois la peine de revoir la façon dont nous procédons. Comme vous l'avez dit, j'admets qu'il y a pratiquement 20 ans que le SCRS a été créé, que nous exerçons d'autres activités, y compris par le biais du CST, dont fait mention le projet de loi C-36; et il y a bien entendu d'autres mesures que nous pourrions prendre par l'entremise de nos ambassades et de nos missions à l'étranger. Nous pourrions parler aux visiteurs; nous pourrions parler aux gens d'affaires qui connaissent bien certains autres pays. Ils savent des choses que nous pourrions apprendre sans devoir recruter des gens pour espionner, cachés derrière des voitures stationnées.
Donc je crois que nous pouvons prendre des nombreuses mesures productives au moyen des ressources actuelles avant de décider qu'il est nécessaire non seulement d'augmenter les ressources, mais aussi de les répartir de façon appropriée.
º (1630)
Le président: C'est tout. Je vous remercie. Nous allons maintenant passer à des tours de cinq minutes.
Monsieur Sorenson, vous avez cinq minutes et ce sera ensuite le tour de Mme Jennings.
M. Kevin Sorenson: Je vous remercie à nouveau, monsieur le président.
Je crois que certaines bonnes nouvelles que vous nous avez rapportées—qui ont rapidement attiré votre attention—concernent le projet de loi C-36. D'après ce que je crois comprendre, vous avez indiqué qu'à votre connaissance, il n'y a eu aucune arrestation préventive au cours des six derniers mois malgré—et nous nous en souvenons tous—les protestations des témoins qui avaient dit que la police abuserait de ce pouvoir et que cela porterait grandement atteinte à nos droits.
J'aimerais passer à une autre étude fédérale qui a conclu que le Canada a besoin de ces services outre-mer de lutte contre la criminalité. Ces services travailleraient en collaboration avec la police étrangère et auraient pour mandat d'empêcher les criminels de venir au Canada, ou les empêcheraient de se livrer à leurs activités ou même de faire entrer leurs produits au Canada. Il a aussi été rapporté que cette initiative consistant à dépêcher ces services à l'étranger pour travailler en collaboration avec la police étrangère serait pratiquement autosuffisante en ce sens que l'argent économisé servirait à les payer, pour ainsi dire; on pourrait économiser sur les frais juridiques, et les coûts médicaux, sociaux ou administratifs en empêchant certains individus, certaines marchandises et certaines activités d'entrer dans le pays. Je suppose que cela reste à voir.
Par ailleurs—et je rends compte que ces tours ne sont que de trois minutes—pendant la semaine de relâche, le National Post a rapporté que la GRC allait dépêcher des agents du maintien de l'ordre dans cinq missions canadiennes supplémentaires à l'étranger pour aider à combattre le crime organisé et le terrorisme à l'échelle mondiale. Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation à l'heure actuelle—pas nécessairement en détail, mais nous indiquer si on a pu en évaluer déjà l'efficacité? À votre connaissance, s'agissait-il d'un besoin pressant ou était-ce plutôt une mesure préventive?
M. John Manley: Si j'ai bien compris la première partie de votre question, elle concerne ce que nous appelons les services de contrôle de l'immigration. L'objectif visé ici, monsieur Sorenson...et je crois que c'est la raison pour laquelle certains croient que ces initiatives s'autofinanceront. Comme vous le savez, en raison des prescriptions juridiques prévues par les décisions des tribunaux, il nous faut beaucoup de temps pour traiter une demande de revendication du statut de réfugié au Canada.
Je crois que le gouvernement dans son ensemble estime que le Canada a la responsabilité d'accepter un certain nombre de réfugiés authentiques qui demandent l'asile. Évidemment, leur nombre sur la planète augmente au lieu de diminuer, et cela devient un problème grave.
Cela dit, bien des gens sont en fait des réfugiés économiques qui arrivent à par avion à nos frontières et demandent l'asile. Comme vous le savez, il nous faut pas mal de temps avant de pouvoir déterminer, grâce à toute une série de procédures, si ces personnes sont d'authentiques, réfugiés ou non.
Donc l'intervention de nos services de contrôle de l'immigration à l'étranger nous permet de déterminer, avant que les personnes ne montent à bord d'un avion, par exemple, si elles ont des documents en règle permettant de vérifier leur identité ou si elles sont susceptibles d'être des fraudeurs. Très souvent, des personnes arrivent chez nous par avion sans papiers d'identité. Donc nous tâchons d'en réduire le nombre, ce qui nous permettra de diminuer les coûts pour le reste du système de détermination du statut de réfugié.
Bien entendu, un autre élément clef de cette stratégie est le plan en 30 points du gouverneur Ridge, qui prévoit entre autres de conclure une entente sur le tiers pays sûr avec les États-Unis; cela nous permettrait de renvoyer aux États-Unis les demandeurs d'asile qui entrent au Canada à partir de ce pays. Cela représenterait plus de 40 p. 100 de nos revendications actuelles du statut de réfugié, d'après le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ce sont deux mesures qui, à notre avis, permettront d'atténuer certaines pressions financières dont fait l'objet le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Pour ce qui est dépêcher des agents de la GRC à l'étranger, tout d'abord je vous donne l'orientation stratégique. J'ignore le nombre d'agents qui ont été envoyés à l'étranger et dans quels pays, etc. Il serait préférable de poser cette question au solliciteur général, mais essentiellement cela fait partie de notre...
º (1635)
M. Kevin Sorenson: Pourrait-il répondre à cette question?
M. John Manley: C'est le ministre auquel vous devriez poser la question.
M. David Pratt: Rejetez doublement la prémisse...
M. John Manley: On ne peut pas tout savoir tout le temps.
Cela se rapporte aussi à la question posée par M. MacKay. On est sans aucun doute beaucoup plus conscient que l'échange d'information est non seulement difficile entre les organismes d'un même pays, mais encore plus parfois à l'échelle internationale. Donc nous avons demandé à nos organismes, en particulier la GRC, de faire son possible pour garantir un échange efficace d'information avec d'autres pays.
Vous savez, qu'il s'agisse du terrorisme, ce dont nous parlons le plus souvent à l'heure actuelle, ou de l'activité criminelle, ce qui nous préoccupait davantage avant les événements du 11 septembre, ces problèmes sont indissociables; ils sont souvent liés. Et plus nous avons de renseignements, mieux nous seront en mesure d'empêcher les activités criminelles ou terroristes.
C'est donc l'objectif de ces mesures.
Le président: Je vous remercie.
Madame Jennings, vous avez cinq minutes.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.): Je vous remercie.
Je suis désolée d'avoir manqué la première partie de votre présentation, mais je suis sûre qu'elle était vraiment intéressante. La partie que j'ai effectivement entendue était très intéressante.
J'ai deux questions à poser. L'une concerne le programme NEXUS, lequel ne semble traiter que de notre frontière commune avec les États-Unis. A-t-on pris des mesures, en ce qui concerne le Mexique et les États-Unis, pour que les Canadiens qui se rendent fréquemment aux États-Unis et au Mexique, mais qui passent par les États-Unis avant de rentrer au Canada, ne fassent pas l'objet de tracasseries?
Je vais vous en donner un exemple. Il s'agit de l'un de nos collègues. Le Sous-comité des droits de la personne et du développement international s'est rendu en Colombie dans le cadre de son étude sur la situation des droits humains en Colombie. Je ne faisais pas partie du groupe. Ils sont passés par Miami, et un parlementaire canadien, Antoine Dubé, qui accompagnait tous les autres parlementaires, a été arrêté par les services de douane et d'immigration américains à l'aéroport de Miami. Il a été fouillé puis détenu pendant plusieurs heures, bien qu'il ait eu son petit passeport vert où il est clairement indiqué qu'il est député de la Chambre des communes, gouvernement du Canada, Parlement du Canada.
Il y a donc un problème avec les agents américains à la frontière du Mexique et des États-Unis qui ignorent qu'il existe un pays au nord qui s'appelle le Canada, qu'il s'agit d'un régime parlementaire, d'une monarchie constitutionnelle, qu'un député est l'équivalent d'un membre du Congrès et que le passeport vert est en fait un passeport spécial—ce n'est pas un passeport diplomatique, mais c'est un passeport spécial. Il faisait partie de la délégation.
Il s'agit donc d'un réel problème. C'est la première chose.
En ce qui concerne ce plan en 30 points que nous avons signé avec le gouverneur Ridge, prévoit-on améliorer l'accès des grands voyageurs canadiens, non seulement vers les États-Unis, mais également en provenance du Mexique via les États-Unis?
C'est la première question.
La deuxième porte sur l'immigration, le tiers pays sûr. Je sais qu'au milieu des années 1990, les responsables canadiens de l'immigration ont essayé de négocier une entente avec les États-Unis, avec le Service américain d'immigration et de naturalisation. Ce dernier ne voulait pas en entendre parler. Nous avons abandonné les négociations. Aujourd'hui, dans le cadre de ce plan en 30 points, nous tâchons de reprendre les négociations.
Le Service américain d'immigration et de naturalisation a-t-il sérieusement l'intention de renégocier—et si vous n'avez pas la réponse, vous pouvez peut-être simplement nous l'envoyer—compte tenu du fait que vous reconnaissez vous-même que 40 p. 100 au moins de nos revendicateurs du statut de réfugié arrivent au Canada par les États-Unis? Cela signifie qu'ils vont être renvoyés au Service d'immigration et de naturalisation des États-Unis, à leurs centres de détention—parce que là-bas, ils sont mis en détention—qui sont déjà surpeuplés. Je doute sérieusement que le INS s'intéresse à négocier réellement une entente avec le Canada à ce sujet, parce que cette entente ne fera que surcharger leur système de détention déjà mis à rude épreuve. Pendant l'audition d'un cas, les réfugiés ne sont pas détenus au Canada. Là-bas, ils le sont.
º (1640)
M. John Manley: Tout d'abord, en ce qui concerne les Canadiens qui reviennent de l'étranger, en particulier du Mexique, je vous dirai bien franchement que cette question ne fait pas partie de ce qui nous occupe à l'heure actuelle. Le système NEXUS comprend d'une part la carte personnalisée où pourront figurer des données biométriques, mais d'autre part, il fait appel à une technologie capable d'examiner la carte et de comparer les données biométriques. Ces caractéristiques ne sont pas disponibles aux autres frontières. Elles sont réservées à ceux qui franchissent la frontière canado-américaine par voie terrestre.
Nous allons mettre en place un système semblable à l'intention des voyageurs par avion, qui comprendra une identification à partir de l'iris, de façon à accélérer les formalités pour les Canadiens qui vont aux États-Unis ou pour les Américains qui retournent dans leur pays.
En vérité, j'ai évité, pour diverses raisons, d'inclure le Mexique dans ce projet, car la frontière canado-américaine est assez différente de la frontière américano-mexicaine pour toutes sortes de considérations. À mon avis—et j'ai expliqué tout cela à mon homologue précédent, le ministre mexicain des Affaires étrangères M. Castañada, et je me révèle rien ici que je ne lui ai dit directement—des négociations trilatérales sur les questions frontalières auraient sans doute pour effet d'éloigner les objectifs que nous essayons d'atteindre par une négociation bilatérale. Il est certain que le Mexique suit l'évolution de la situation avec intérêt et j'espère que la carte NEXUS pourra un jour devenir la carte ALENA.
Jusqu'à maintenant, je n'ai lancé qu'un projet pilote en Colombie-Britannique. NEXUS n'est pas encore en place sur toute la frontière canado-américaine. Et je préfère m'occuper de la Nouvelle-Écosse avant de m'occuper du Mexique, si vous voyez ce que je veux dire.
En ce qui concerne le tiers pays sûr, est-ce que les Américains sont sérieux? Je peux vous dire que nous avons dû travailler très fort pour que le dossier reste actif. En revanche, nous avons déjà fait des progrès considérables.
Ce n'est pas la première fois que nous travaillons sur les questions frontalières avec les États-Unis. Il y a eu plusieurs échanges depuis de nombreuses années. La réalisation la plus récente a été un partenariat canado-américain. Lors de ma première rencontre avec le secrétaire d'État Colin Powell, je lui ai remis un exemplaire du document pour qu'il en prenne connaissance. C'est principalement avec lui que nous devons travailler sur les questions frontalières. Comme vous le savez, le secrétaire d'État Powell, pour qui j'ai personnellement beaucoup de respect et d'admiration, se consacre cette semaine à l'obtention d'un cessez-le-feu au Proche-Orient. On risquerait donc de ne pas obtenir toute son attention en lui parlant de questions frontalières.
Depuis la création du poste de directeur du Bureau de la sécurité intérieure aux États-Unis, nous avons un homologue responsable d'assurer la coordination entre les différents organismes. Le gouverneur Ridge est en quelque sorte dans la même situation que moi. C'est pourquoi je ne peux pas répondre à la question de M. Bellehumeur. Je ne suis pas ministre du Revenu. Il n'est pas secrétaire d'État au Trésor responsable des douanes américaines, ni procureur général responsable de l'INS aux États-Unis. Il s'efforce comme moi de donner de grandes orientations politiques et de coordonner l'action des divers ministères et organismes compétents. C'est ce qu'on voit dans notre plan en 30 points. Voilà donc un premier acquis.
Nous avons eu des discussions permanentes. C'est le deuxième acquis. Je ne peux pas annoncer aujourd'hui la conclusion d'une entente sur le tiers pays sûr, et votre scepticisme est donc tout à fait fondé. Lors de mon prochain entretien avec le gouverneur Ridge, je lui dirai que les parlementaires canadiens se sont montrés très sceptiques quant à la sincérité des Américains dans la recherche d'une entente. Peut-être pourrais-je ainsi faire progresser un peu les choses. Mais j'ai toutes les raisons de croire en la bonne foi et en la détermination du gouverneur Ridge pour trouver une solution sur l'ensemble des 30 points.
Mme Marlene Jennings:Il y a une certaine ignorance chez les membres du Congrès.
º (1645)
Le président: C'est terminé.
Nous revenons du côté de l'opposition, avec M. Bellehumeur.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Merci.
Monsieur le ministre, je vais terminer ce que je disais lors de ma première intervention. Je reconnais que vous ne pouvez pas tout savoir, que vous ne pouvez pas tout lire, etc. Pourtant, je suis persuadé que quelques personnes autour de vous travaillent pour vous. Je les inviterais à lire le rapport sénatorial paru au mois de mars dernier--ce qui n'est pas tellement loin--qui conclut que les postes d'entrée au Canada sont encore de véritables passoires. On y fait quelques recommandations.
Or, vous avez dit tout à l'heure que vous ne saviez pas comment dépenser tous ces dollars. Le rapport contient des propositions comme celles d'installer des clôtures de broche autour de certains territoires; de contrôler la circulation, ce qui ne se fait pas actuellement; d'utiliser des cartes magnétiques; de vérifier également les antécédents des personnes que vous engagez; et surtout de réengager le personnel que vous avez mis à pied depuis que vous êtes au pouvoir, membres du Parti libéral. Ce sont, je pense, des pistes de solution assez importantes.
Vous avez aussi parlé tout à l'heure du Centre de la sécurité des télécommunications. Le président du Comité spécial du Cabinet sur la sécurité publique et l'antiterrorisme a-t-il un rôle à jouer par rapport au Centre de la sécurité des télécommunications et lequel?
M. John Manley: Aucun.
M. Michel Bellehumeur: Aucun. Au sein du Bureau du Conseil privé, il existe un groupe de coordination de la sécurité des renseignements. Est-ce que vous avez un rôle à jouer auprès de lui?
º (1650)
M. John Manley: Pas directement. Je n'ai aucune responsabilité dans ce bureau. Par contre, j'en ai certainement une en tant que vice-premier ministre membre du Bureau du Conseil privé. Ainsi, j'ai accès, par exemple, à M. Fadden, qui en est le coordonnateur.
M. Michel Bellehumeur: Mais votre rôle s'arrête là.
Je vous ai écouté très attentivement et vous ai entendu dire je ne sais combien de fois « je ne connais pas ça », « je ne contrôle pas ça », « je ne sais pas ça », etc. Vous êtes président d'un comité qui a été formé pour remplir l'obligation que nous avions de répondre à une situation, à un événement. Bien qu'on ait eu certains éléments qui donnaient à penser qu'il se tramait quelque chose sur la scène internationale, on n'avait encore rien fait avant le 11 septembre. Le 11 septembre, il s'est produit un événement extraordinaire qui a ébranlé tout ce qu'on faisait jusqu'alors. On s'interroge sur la sécurité et on forme un comité, dont vous êtes le président.
À partir de là, vous vous promenez à peu près sur toutes les tribunes, comme aujourd'hui, et pourtant vous ne savez rien, vous ne contrôlez rien, vous n'êtes pas ministre de la Défense, vous n'êtes pas ministre de ceci, vous n'êtes pas ministre de cela. Tout cela se comprend, mais il me semble que, puisqu'un comité a été formé pour rassembler l'information et pour donner des conseils concernant l'amélioration de la sécurité nationale, on pourrait s'attendre, monsieur le ministre, et c'est ce à quoi je m'attendais, à obtenir aujourd'hui plus de réponses et à rencontrer un ministre qui prendrait les choses moins à la légère que vous le faites.
M. John Manley: Pour vous, il s'agit simplement d'un jeu politique. Si vous voulez des renseignements, formulez vos questions de façon à les demander. Une seule fois, j'ai répondu que je ne connaissais pas ça.
M. Michel Bellehumeur: Ah, non! À certaines questions de M. MacKay, vous avez répondu la même chose: «Je ne sais pas ça», «Je ne suis pas le ministre».
M. John Manley: Non, je ne connais pas exactement les opérations quotidiennes du ministère du Revenu. Je ne sais pas non plus si, aujourd'hui, quelqu'un du bureau du ministre de la Défense a été congédié. Ce n'est pas ma responsabilité. Posez des questions sensées et je vais essayer de vous répondre.
M. Michel Bellehumeur: Vous, vous êtes président d'un comité sur la sécurité, monsieur le ministre, et vous ne savez pas ce qui se passe aux postes des douanes. Vous ne savez pas qu'un comité sénatorial a dit que ce sont de véritables passoires. Vous êtes président. Vous êtes le cheval de parade canadien en fin de compte. C'est ce que vous êtes.
C'est pour cela qu'on travaille à un projet de loi privé. Vous ne faites que comparaître et vous promener en déclarant que tout est entre bonnes mains, qu'on n'a pas à s'inquiéter de la sécurité puisque vous vous en occupez. Cependant, finalement, dans les faits, vous ne contrôlez absolument rien. C'est chacun des ministères qui va appliquer la partie de la loi qui le concerne dans les projets de loi C-36 et C-42, puisqu'on étudie celui-là également. Quand les ministères les auront entre les mains, ils pourront les appliquer. Quant à vous, vous ne contrôlez absolument rien de tout ça. C'est chacun des ministères qui fera ce que bon lui semble. Il n'y a rien qui est recueilli chez vous, rien qui est coordonné par vous.
M. John Manley: C'est triste que vous ayez aussi peu d'expérience du fonctionnement du gouvernement et du Cabinet. Peut-être qu'une autre fois, il sera possible d'avoir...
M. Michel Bellehumeur: C'est triste d'avoir un vice-premier ministre aussi arrogant que vous, monsieur le vice-premier ministre.
M. John Manley: Je regrette que vous...
M. Michel Bellehumeur: C'est très regrettable que nous ayons un vice-premier ministre arrogant comme vous l'êtes.
[Traduction]
Le président: Vous avez adressé vos déclarations et votre question au ministre. Ce n'est que justice que de lui donner le temps de répondre.
À vous, monsieur Manley.
[Français]
M. John Manley: Je ne savais pas qu'il avait des questions, monsieur le président. M. Bellehumeur ne comprend simplement pas que le président d'un comité du Cabinet n'est pas pour autant le ministre de chacun des ministères dont le ministre est membre du comité. Je ne comprends pas pourquoi il n'a pas cette expérience-là. C'est possible pour lui d'acquérir cette expérience.
Franchement, j'ai essayé de donner des renseignements spécifiques aux politiques de sécurité, qui sont la préoccupation du comité. Je pensais que vous m'aviez invité ici pour répondre à des questions sur les politiques et non pas pour répondre à des questions sur les opérations quotidiennes d'une agence du gouvernement. Si M. Bellehumeur veut avoir cette information, il peut demander au greffier d'inviter les ministres qui sont responsables des opérations quotidiennes. Ce serait la façon normale de faire les choses.
[Traduction]
Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Bellehumeur. C'est bien regrettable, mais le temps passe vite quand on s'amuse.
Revenons maintenant du côté gouvernemental.
J'ai moi-même quelques questions à poser.
Avez-vous quelque chose à dire qui se rapporte à notre discussion antérieure, monsieur Pratt?
M. David Pratt: Non. Comme vous n'êtes pas encore intervenu, j'allais vous inviter à le faire.
Le président: Trois courtes questions. Tout d'abord, après l'entrée en vigueur du projet de loi C-36 et la mise en oeuvre éventuelle du projet de loi C-42, est-ce que le gouvernement envisage d'autres mesures, législatives ou non, pour réagir aux événements du 11 septembre?
M. John Manley: Peut-être certains ministres envisagent-ils d'autres mesures législatives dans leur domaine de responsabilité, mais le gouvernement ne prévoit envisage aucun projet de loi d'ensemble, comme les projets de loi C-36 et C-42, puisqu'ils comprennent tous les deux des éléments provenant de différents ministères. D'autres projets de loi pourraient être présentés au fur et à mesure des besoins par les ministres compétents.
º (1655)
Le président: Merci.
J'ai reçu une lettre du Service de police de Toronto, qui affirme être au premier rang pour réagir aux situations d'urgence locales, comme les événements du 11 septembre. Il y a une question, qui n'est pas directement posée dans cette lettre de trois pages, mais qu'on peut en dégager par extrapolation: le gouvernement fédéral a-t-il une vue d'ensemble nationale, en réaction aux événements du 11 septembre, pour assurer la coordination entre les services d'urgence, la police, les pompiers, etc.? Je suppose que les policiers aimeraient des renseignements sur le financement éventuel de cette fonction de coordination. En ce qui concerne la police, est-ce que votre comité a envisagé ou pourrait envisager de faire le lien entre différents éléments?
M. John Manley: Tout d'abord, l'action de la police doit être coordonnée avec celle des organismes locaux. Nous le savons par expérience.
Le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile, ou BPIEPC, qui relève du ministre de la Défense nationale, est l'organisme responsable de la coordination en situation d'urgence. Il a été doté de ressources supplémentaires qui devraient lui permettre d'agir plus efficacement, notamment pour assurer la coordination avec les organismes locaux, qui doivent intervenir dans la planification réalisée par le BPIEPC, si ce n'est déjà fait.
Le président: Merci.
M. Bellehumeur et M. MacKay ont tous deux fait allusion au manque de sécurité dans le port de conteneurs de Montréal, que j'ai eu l'occasion de visiter ces derniers mois avec un autre comité parlementaire.
Il est vrai que la garde et le chargement de tous ces conteneurs sont confiés à des sociétés privées qui donnent l'impression d'être influencées, sinon contrôlées par la pègre. Sauf erreur de ma part, plus de la moitié des employés de ces sociétés auraient un casier judiciaire. Je considère donc que ce point d'entrée au Canada n'est pas confié à des gens que l'on peut considérer comme fiables du point de vue de la sécurité. C'est un gros point d'interrogation et, d'un certain point de vue, un danger considérable. Et je ne vois aucune solution miracle.
La situation est très complexe, car nous avons ici affaire à des syndicats, des traditions et des organisations susceptibles, au besoin, de cacher des choses à l'administration. Est-ce que vous admettez cet état de choses?
Je sais que comme vous l'avez dit, vous n'êtes pas ministre de tout, mais j'aimerais que vous répondiez publiquement à cette question, si possible.
M. John Manley: Oui, je le reconnais, non seulement en fonction de ce que vous dites, mais aussi à la lumière du récent rapport du Sénat qui s'en disait préoccupé... Encore une fois, je pense qu'avant tout, la GRC doit faire enquête. Deuxièmement, le ministre des Transports envisage déjà des mesures susceptibles d'améliorer la sécurité et qui viseraient le personnel chargé de l'activité portuaire.
Comme vous le savez, ce rapport sénatorial signale que la situation dans les ports canadiens n'est pas sensiblement pire que dans les ports américains. Au contraire, elle serait meilleure. Évidemment, c'est une mince consolation s'il existe un véritable problème.
Le président: Nous avons le temps de faire un tour supplémentaire, chers collègues.
M. MacKay est revenu; il aura donc cinq minutes. Essayons de respecter strictement la limite de chaque intervention.
M. Peter MacKay: Merci. J'ai dû m'absenter parce que je fais partie du comité de la justice qui, comme vous le savez, siège en ce moment même sur un projet de loi concernant la justice dont la Chambre a été saisie. Je sais que c'est peu de choses par rapport à vos responsabilités, monsieur le ministre, mais j'ai moi aussi une question à poser sur les ports. On peut toujours remettre sur le tapis la décision de démanteler les services de police des ports, mais cette question, comme vous en avez convenu à juste titre, est très sérieuse. C'est une question d'équipement, et il se trouve que l'équipement utilisé actuellement est de plus en plus perfectionné, mais comme vous le savez, les nouvelles technologies coûtent très cher.
Chaque port a des besoins particuliers, que ce soit Halifax, Montréal ou Vancouver. Les services de police municipale jouent un plus grand rôle dans les ports de la côte Est qu'à Vancouver, dont le président a parlé, où on fait appel à des sociétés privées de sécurité. La présence de la pègre ou d'employés qui ont des casiers judiciaires pour toutes sortes de raisons nous place dans une situation de plus grande vulnérabilité.
Compte tenu des événements du 11 septembre et l'augmentation du nombre de bateaux de croisière qui entrent dans nos ports et compte tenu de la présence militaire américaine dans de nombreux ports canadiens comme Halifax et Vancouver, nous avons une obligation internationale qui devrait préoccuper le gouvernement canadien et qui le préoccupe certainement, j'en suis sûr. Il y a également, évidemment, cette question omniprésente du commerce car si les responsables maritimes ont l'impression que nos ports n'offrent pas suffisamment de sécurité, ils risquent d'être plus réticents à y envoyer leurs porte-conteneurs. C'est un problème considérable. L'arrivée d'un conteneur chargé de substances dangereuses comme de l'anthrax ou une arme nucléaire—Dieu nous en protège—aurait des conséquences dramatiques.
Ma question est la suivante: que fait concrètement le gouvernement à ce sujet? Ces derniers jours, on a vu des douaniers américains arriver dans les ports canadiens comme Halifax. Est-ce que nous faisons la même chose? Y a-t-il des douaniers canadiens qui vont dans des ports américains? Je crois qu'il y en a.
J'aimerais vous laisser répondre à ces questions.
» (1700)
M. John Manley: Tout d'abord, vous posez là une question importante. On aurait tort de croire que nos ports ne sont pas sûrs et que les armateurs auraient intérêt à les éviter. La réalité, c'est que même si on a eu raison de soulever certaines préoccupations, il n'y a jamais eu d'incidents du genre de ceux que l'on est en droit de craindre. Il n'y a jamais eu d'incidents de ce genre, ni au Canada, ni ailleurs.
Tout d'abord, il faut s'occuper de cette question de criminalité, qui relève avant tout de la compétence de la GRC. Deuxièmement, compte tenu des innombrables conteneurs transportés à l'échelle du globe, un véritable défi se pose aux services de renseignement, en particulier dans le contexte de menaces terroristes sérieuses où il est question d'armes nucléaires, d'anthrax ou de choses de cette nature.
M. Peter MacKay: Sur ce point en particulier—et vous m'excuserez de vous interrompre—il y a la question des conteneurs et de leur port d'origine lorsqu'ils arrivent au Canada, mais lorsqu'ils en partent, ils posent une autre question importante. Étant donné que vous vous occupez immanquablement des activités du SCRS à l'étranger, c'est-à-dire de la fonction de renseignement du Canada et de sa capacité à recueillir du renseignement à l'étranger, êtes-vous personnellement favorable à l'expansion du rôle du SCRS dans ce domaine et dans les innombrables autres sujets entourant l'activité de renseignement, avant que les questions ne se posent à nos frontières?
M. John Manley: Nous en avons parlé. Vous connaissez l'intérêt de M. Pratt pour ce sujet...
» (1705)
M. Peter MacKay: Oui, tout à fait.
M. John Manley: ...dont il a été question pendant votre absence. Je peux dire qu'effectivement, nous avons besoin d'information. C'est aussi une information à laquelle nous pouvons contribuer à l'échelle mondiale. Autrement dit, je ne pense pas que le Canada puisse s'en remettre à ses propres ressources pour se renseigner sur tous les conteneurs qui traversent l'Atlantique ou le Pacifique. C'est un domaine dans lequel il nous faut impérativement coopérer avec nos alliés étrangers. Oui, c'est effectivement un sujet de préoccupation, pour nous comme pour les autres gouvernements.
Par exemple, le commissaire Bonner des douanes américaines s'est rendu récemment en Europe avec le sous-ministre Wright pour informer les Européens de la coordination que nous nous efforçons d'assurer entre les ports canadiens et les ports américains, dans le cadre d'une réponse internationale à ce qui apparaît comme une source de menace potentielle.
Sur la question précise de la présence de douaniers américains dans nos ports, il y a effectivement des douaniers américains dans trois ports canadiens depuis quelques semaines, à Vancouver, à Montréal et à Halifax. Il y a aussi des douaniers canadiens dans deux ports américains, soit Seattle-Tacoma et Newark. Ces affectations entrent dans le cadre du plan d'action en 30 points et les ports en question accueillent un volume considérable de trafic transfrontalier. Ces échanges de douaniers ont deux objectifs. Le premier est la coordination de l'inspection des conteneurs. Nous partageons de l'information sur les conteneurs qui doivent subir une inspection minutieuse, car comme vous le savez, on n'inspecte pas tous les conteneurs; l'augmentation de la proportion des conteneurs inspectés risquerait même de poser problème et de ralentir le trafic commercial. Deuxièmement, nous souhaitons que le plus possible de marchandises franchissent la frontière canado-américaine sans s'y arrêter. L'inspection vise en fait à éliminer la frontière. Par exemple, Halifax est un port d'entrée important pour les conteneurs destinés au midwest et qui passent par Sarnia et Chicago.
Le président: Bien.
Monsieur le ministre, je sais que votre temps est mesuré. Notre réunion doit normalement durer jusqu'à 17 heures. Je vais permettre, de poser deux questions rapides...
M. John Manley: D'accord.
Le président: ...aux députés qui ont demandé la parole. La première sera celle de M. Sorenson, la deuxième, celle de M. Pratt, puis nous terminerons. Il va falloir éviter les longs préambules. Nous sommes bien d'accord.
M. Kevin Sorenson: Reste à savoir ce que l'on entend par «long».
Vous avez dit que l'on ne pouvait pas prévoir ce qui s'est passé le 11 septembre. D'après les rapports du Sénat et les experts en renseignement, le terrorisme a des moyens de plus en plus perfectionnés et on peut craindre d'autres attentats à tout moment. D'après les rapports du Sénat et les témoins de la GRC qui ont comparu devant les comités sénatoriaux, le Canada aurait été le théâtre d'intenses activités de financement du terrorisme.
En tant que président du comité spécial du cabinet sur la sécurité, êtes-vous absolument certain qu'il n'y a aucun lien entre l'aile militaire du Hezbollah et l'aile du Hezbollah chargée de son financement?
M. John Manley: Non, je ne peux pas l'affirmer dans ce contexte, mais je peux vous répondre de la façon suivante.
Le Canada a un rôle, sans doute pas dominant, mais important à jouer dans le conflit du Proche-Orient. Comme nous maintenons des relations de bons offices et de respect avec les deux parties, nous sommes en mesure de livrer des messages parfois désagréables ou difficiles tout en étant reçus en ami.
Lorsque j'étais ministre des Affaires étrangères, lors de mon dernier voyage dans cette région, je suis allé en Iran, à Damas, au Liban, dans la bande de Gaza et en Israël. Je peux vous assurer que j'ai posé la question du Hezbollah aussi bien en Syrie qu'au Liban. J'ai signalé qu'à notre point de vue, l'occupation du sud-Liban, qui est à l'origine de la création du Hezbollah, est chose du passé et que l'organisme n'a plus sa raison d'être; j'ai ajouté que les activités qu'il mène contre les civils israéliens ne sont rien que du terrorisme.
J'ai quitté Damas la veille de l'arrivée de Tony Blair dans cette capitale. À ma connaissance, son message était à peu près identique et il a essuyé quelques reproches du président syrien. Lorsque je suis arrivé au Liban, les nouvelles m'ont rattrapé et j'ai fait les manchettes, parce que les Libanais n'ont pas apprécié ce message.
Mais en réalité, j'ai aussi été très bien accueilli au Liban. Les députés libanais sont élus. Le Liban est une démocratie. Le pays renaît littéralement de ses cendres et les Libanais sont en train de reconstruire leur économie et leur société. Il y a des députés libanais qui sont membres du Hezbollah.
Nous ne sommes pas les seuls à avoir ainsi qualifié cette organisation. Notre position est exactement la même que celle du Royaume-Uni. Je peux vous dire aussi que rien n'indique que le Hezbollah se livre actuellement à des activités de financement au Canada, mais nous estimons qu'il est opportun de faire cette distinction, que les Britanniques font aussi. C'est la façon de préserver une approche uniforme et raisonnée des relations au Proche-Orient, de façon à pouvoir y jouer un rôle non négligeable.
Vous m'excuserez de donner une réponse aussi longue sur ce sujet, Derek, mais cela me semble important.
On discute beaucoup à la Chambre de notre participation éventuelle à un contingent international qui pourrait être constitué. Il est certain que seuls des pays comme le Canada, qui ont su conserver la confiance et le respect des deux parties dans ce conflit, seront en mesure de participer à un tel contingent.
Je peux vous dire que du temps où j'étais ministre des Affaires étrangères, nous avons été sollicités par les deux parties pour transmettre des messages à des moments où notre intervention était jugée pertinente. On a fait appel non seulement à nous, mais aussi aux gouvernements antérieurs qui ont toujours mené au Proche-Orient une politique capable de nous permettre de jouer les bons offices. Il faut être très prudent avant de compromettre une position aussi avantageuse.
On nous reproche constamment la façon dont nous votons sur les résolutions des Nations Unies ou du Haut-Commissariat aux réfugiés, car nous veillons toujours à n'offenser personne. Nous nous sommes toujours efforcés de conserver une position équilibrée.
Voilà encore un exemple de ce souci d'équilibre. Il faut faire une distinction, que nous avons faite. Personne n'a pu nous prouver que des activités terroristes avaient été financées à partir du Canada. Si de telles preuves étaient disponibles, il faudrait aborder la situation d'un point de vue différent, mais jusqu'à maintenant, nos conclusions ont toujours été fondées sur le même principe.
» (1710)
Excusez-moi d'avoir fourni une si longue réponse.
Le président: Mais c'est parfait. Je renonce aux questions comprimées, mais j'ai accordé une question express à M. Pratt.
M. David Pratt: Je vais essayer d'être très bref, monsieur le président, et je remercie le ministre d'être resté avec nous.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce comité est assez récent et il s'est constitué, grâce au président, peu après le 11 septembre, et il a fait de ce point de vue un travail fantastique.
Vous avez eu l'occasion d'aborder les questions de sécurité à un niveau très élevé. Nous ne suivrons pas nécessairement votre avis, mais parmi les sujets sur lesquels ce comité pourrait se pencher, certains d'entre nous s'intéressent à la question d'une agence étrangère de renseignements et de la coordination des activités de renseignements, aussi bien au sein du gouvernement qu'avec d'autres gouvernements. J'aimerais savoir ce que vous pouvez nous dire sur les sujets autour desquels nous pourrions élaborer notre plan de travail.
Deuxièmement, il y a deux secrétariats au Bureau du Conseil privé: le Secrétariat de la sécurité et du renseignement et le Secrétariat de l'évaluation du renseignement. M. Fadden pourra peut-être répondre à la question suivante: est-ce qu'ils ont obtenu des ressources supplémentaires dans le dernier budget?
Finalement, j'aimerais savoir—et M. Fadden pourra sans doute répondre aussi à cette question—si nous traitons toujours du renseignement pour les États-Unis à partir des communications interceptées.
M. John Manley: Je vais laisser à M. Fadden le soin de répondre aux deux dernières questions.
En ce qui concerne les travaux que pourrait utilement entreprendre ce comité parlementaire, je pense tout d'abord que les questions posées aujourd'hui abordent toute une série de domaines qui constituent en réalité le suivi des mesures que nous avons prises après le 11 septembre. Comme je l'ai dit, j'ai l'intention de demander aux ministres de revenir devant le comité du Cabinet. Il est tout à fait légitime de poser des questions aux ministres responsables des différents éléments de réponses aux événements du 11 septembre, et je suis certain qu'aucun d'entre eux n'hésitera à expliquer les mesures prises par le Canada et à répondre à des questions à ce sujet. Voilà donc des démarches utiles à court et à moyen terme.
Mais il faut aussi s'intéresser à ce que l'on appelle les menaces asymétriques, dont le 11 septembre constitue le parfait exemple. M. MacKay a fait référence à d'autres menaces asymétriques en parlant des conteneurs. Je pense qu'il serait utile de mieux comprendre la nature de ces menaces et les mesures que pourraient prendre les gouvernements pour les prévenir.
Il va falloir mieux comprendre les liens entre le terrorisme et le crime organisé à d'autres fins. Les activités terroristes sont souvent financées grâce à des activités criminelles. Il nous serait utile également de mieux cerner la relation entre les deux éléments; le comité pourrait s'y consacrer.
Ce qui importe avant tout, c'est que nous ayons, du point de vue de la fonction parlementaire de surveillance, une bonne compréhension des outils mis en place après le 11 septembre et même avant, et de la façon dont ils fonctionnent dans la démocratie libérale ouverte que nous tenons à préserver. J'estime que tous les parlementaires ont été saisis de cette question lorsque nous avons étudié le projet de loi C-36. En tout cas, le Cabinet l'a été. C'est là l'essence même de notre action. Nous voulons préserver une société libérale et ouverte dont nous puissions tous profiter, même si nous savons qu'il faut parfois recourir à la force. Il faut parfois utiliser la manière forte si l'on veut continuer à bénéficier d'une telle société.
Il est donc essentiel, dans notre société, d'assurer l'équilibre entre la protection et la sécurité d'une part, et la liberté et la transparence d'autre part. Je pense qu'on n'insistera jamais assez sur cet équilibre, qui concerne directement les parlementaires, puisqu'ils sont élus pour représenter les valeurs auxquelles tiennent les Canadiens.
Dick, voulez-vous répondre aux autres questions?
» (1715)
Maître Richard Fadden (greffier adjoint, avocat et coordonnateur de la Sécurité et du renseignement, Bureau du Conseil privé): Monsieur le président, en ce qui concerne votre première question, le Secrétariat de la sécurité et du renseignement et le SER ont reçu des fonds supplémentaires temporaires l'an dernier. En fait, une de mes activités à l'heure actuelle consiste à me servir de cette réserve dont le ministre a parlé pour accroître le financement permanent.
Pour ce qui est de votre deuxième question, la réponse est oui.
Le président: Très bien, c'est parfait. Ce sont de bonnes réponses.
Je veux remercier mes collègues qui ont su aborder des préoccupations importantes dans le cadre d'une discussion assez ouverte ici aujourd'hui, et en particulier, je tiens à remercier le ministre et M. Fadden qui ont répondu à une vaste gamme de questions avec beaucoup de compétence et de bonne humeur. Merci, monsieur le ministre et M. Fadden.
La séance est levée jusqu'à lundi. Nous rencontrerons alors des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice.