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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 23 avril 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1803

LA TAXE DE VENTE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1803

LA LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 1996

    Projet de loi C-31. Adoption des motions de présentationet de première lecture 1813

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'INHUMANITÉ DE L'ÊTRE HUMAIN ENVERS SON PROCHAIN

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1826
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1831

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'UNITÉ NATIONALE

L'USINE DE TRAITEMENT DES EAUX USÉES DE LA BANDEINDIENNE TSWWASSEN

L'INVENTION ET L'INNOVATION

    M. Chrétien (Frontenac) 1836

LA FORMATION

LES INONDATIONS

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DU LIVRE

LES PRIX DE L'ESSENCE

    M. O'Brien (London-Middlesex) 1837

LES MEMBRES DU CLUB ROTARY

    M. Harper (Simcoe-Centre) 1837

LE CRÉDIT-BAIL AUTOMOBILE

LES INONDATIONS

LE PARTENARIAT

LE PEUPLE ARMÉNIEN

L'ARRIVÉE DU PRINTEMPS À OTTAWA

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1838

LE DÉCÈS DE CLARA SMALLWOOD

LE DÉCÈS DE CLARA SMALLWOOD

LE DROIT D'AUTEUR

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 1839

QUESTIONS ORALES

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1839
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1839
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1840
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1840
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1840

LE PARTI LIBÉRAL

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1841
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1841
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1841

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1842
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1843

LA GARDE CÔTIÈRE

    M. Bernier (Gaspé) 1843

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1844
    M. Mills (Red Deer) 1844

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1844

LES PÊCHES

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LA COMMISSION D'ENQUÊTE KREVER

LE MOYEN-ORIENT

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 1846

L'EMPLOI

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1846

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'INHUMANITÉ DE L'ÊTRE HUMAIN ENVERS SON PROCHAIN

    Reprise de l'étude de la motion, de l'amendement etdu sous-amendement 1847
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1849
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 1850
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1852
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1855
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1857
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 1860
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 1864
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 1867
    Rejet du sous-amendement par 118 voix contre 93 1873
    Adoption de l'amendement par 129 voix contre 93 1874
    Adoption de la motion modifiée 1875

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES BANQUES

    Projet de loi C-15. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 1875
    Adoption de la motion par 131 voix contre 93 1875
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 1876

LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

    Projet de loi C-11. Reprise de l'étude en troisièmelecture 1876
    Rejet de l'amendement par 131 voix contre 93 1877

LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

    Adoption de la motion par 172 voix contre 52 1878
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 1879

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

    Projet de loi C-11. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 1879
    Motion adoptée par 132 voix contre 92 1879
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 1880

MOTION D'AJOURNEMENT

FEDNOR

LES PÊCHES


1803


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 23 avril 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à neuf pétitions présentées durant la première session.

* * *

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer un avis de motion des voies et moyens et je demande que l'étude de la motion soit inscrite à l'ordre du jour. Je crois que le document a été déposé.

* * *

LA TAXE DE VENTE

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous présentons aujourd'hui un ensemble de mesures qui constitue un grand pas en avant dans le remplacement de la TPS. Nous annonçons le signature de protocoles d'entente entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve et du Labrador. C'est une première étape qui mènera à la mise en place d'une taxe de vente intégrée fédérale-provinciale.

[Français]

Le Québec complétera son harmonisation cette année. Nous sommes déterminés à travailler avec les autres provinces dans ce même but et nous sommes confiants qu'avec le temps, le Canada se dotera d'un système de taxe de vente unique. De plus, nous déposons un avis de motion de voies et moyens comportant plus de 100 mesures destinées à rationaliser et à simplifier le fonctionnement du système de taxe de vente du Canada. Ces mesures constituent un élément essentiel de la nouvelle architecture d'une taxe de vente considérablement améliorée.

[Traduction]

Nous estimons que les éléments de cet ensemble de mesures constituent un progrès de taille dans une réforme responsable de la taxe de vente. Nous sommes persuadés que les consommateurs, les contribuables et les entreprises-et plus particulièrement les petites entreprises-en bénéficieront. Bien sûr, ce n'est pas l'idéal, mais l'idéal est impossible à atteindre dans un monde réel où il existe des impôts et des taxes. Il s'agit malgré tout d'une amélioration bien réelle.

(1005)

J'aimerais aborder dès le départ une question plus générale-non pas celle d'une politique fiscale responsable, mais une question encore plus large, celle d'un gouvernement responsable. Dans le livre rouge, nous avons déclaré: «Nous substituerons à la TPS un dispositif qui produira des recettes tout aussi élevées, qui sera plus juste à l'égard des consommateurs et des petites entreprises, qui sera moins un casse-tête pour les PME et qui encouragera les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux à coopérer et à harmoniser leurs politiques fiscales.» Le plan que nous présentons aujourd'hui amorce ce processus.

Nous savons qu'un grand nombre de Canadiens croyaient que nous pourrions en faire davantage que ce qui est annoncé aujourd'hui. En fait, nous avions nous-mêmes espéré pouvoir en faire davantage. Il y a cependant une chose que les Canadiens méritent par-dessus tout: c'est un gouvernement qui soit responsable dans la gestion de l'économie et honnête dans son action. C'est pourquoi je voudrais m'adresser sans détour à la Chambre ainsi qu'à tous les Canadiens et Canadiennes.

Au cours de notre campagne électorale, nous avions raison de critiquer la TPS. La TPS était une source de chevauchements et de dédoublements entre les gouvernements. Elle obligeait les petites entreprises à dépenser du temps, de l'énergie et de l'argent-le prix qu'elles étaient obligées de payer pour tenir deux comptabilités, pour suivre deux ensemble de transactions et pour traiter avec deux administrations fiscales était tout simplement trop élevé. Nous avions raison de dénoncer cet état de chose, et nous avons encore raison de le faire aujourd'hui. Nous avions cependant tort de croire qu'une fois ancrée, une solution de rechange complètement différente serait facile à mettre en place, de façon responsable. Cela n'a pas été le cas.

La vérité, c'est que, depuis deux ans et demi, nous examinons quasiment toutes les solutions de rechange concevables. Certaines n'étaient pas possibles ou souhaitables en raison de leur incidence économique, d'autres encore, à cause de la nature de notre fédération. La solution de rechange à laquelle nous en sommes arrivés n'est pas la meilleure qui soit concevable. C'est la meilleure qui soit possible, et elle est conforme à l'engagement pris dans notre livre rouge.

Nous aurions pu enjoliver notre annonce d'aujourd'hui, tracer un portrait flatteur de la situation. L'annonce d'aujourd'hui entame le


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processus de remplacement de la TPS; il ne le termine pas. Nous aurions pu prétendre, cyniquement, que cette annonce constitue la solution idéale, qu'à compter d'aujourd'hui, la TPS est morte et enterrée. Nous savons que notre annonce va décevoir un grand nombre de Canadiens et Canadiennes. Nous comprenons cette déception. Nous la partageons. Nous voulons cependant que les Canadiens et Canadiennes soient bien conscients de tous les efforts que nous avons déployés, pendant deux ans, pour éviter cette déception.

[Français]

Le Comité des finances de la Chambre a examiné cette question aussitôt après les élections. Il a entendu près de 500 témoins et a reçu plus de 700 mémoires provenant de consommateurs, d'experts et du milieu des affaires. Le comité a étudié 20 solutions de rechange. Il a trouvé qu'elles laissaient toutes à désirer.

Il a conclu, tout comme nous, que la meilleure manière de remplacer la TPS était d'en faire une taxe sur la valeur ajoutée fédérale-provinciale intégrée et simplifiée. En même temps que les travaux du comité, et par la suite, le gouvernement a travaillé sans relâche sur ce dossier.

[Traduction]

Notre gouvernement a évalué toutes les propositions qui nous ont été présentées, toutes les options que nous pouvions envisager. Nous avons examiné d'autres types de taxes. Nous avons étudié différentes combinaisons de taxes. Nous nous sommes penchés sur d'autres options que la taxation. Il n'y a rien que nous n'ayons pas étudié. Certaines options auraient peut-être été justifiées d'un point de vue cynique, en raison de la popularité qu'elles nous auraient value à court terme, mais aucune n'était justifiée du point de vue de l'intérêt public.

J'aimerais exposer d'abord quelques faits fondamentaux. C'est un fait incontournable que la TPS rapporte 18 milliards de dollars par année, soit 13 p. 100 de l'ensemble des recettes fédérales. Dans le livre rouge, nous avons déclaré très clairement que nous ne pouvions pas renoncer à 18 milliards de recettes. Nous ne pouvons pas non plus réduire les dépenses d'un montant équivalent pour compenser la perte qui s'ensuivrait. Le but des compressions des dépenses doit tout d'abord être de réduire le déficit.

Par conséquent, notre objectif a été dès le début de trouver des solutions de rechange à la TPS-d'autres sources de recettes ou l'accroissement des sources déjà existantes. Nous avons envisagé 20 options. Nous avons notamment examiné un impôt sur la masse salariale, un impôt sur la fortune, une taxe nationale sur les ventes au détail et une taxe de gros. Aucune de ces options n'était viable.

(1010)

[Français]

Pour ne vous donner que trois exemples, nous avons examiné une taxe sur les opérations commerciales ou TOC. Quoique l'instauration de la TOC ait déjà été proposée, celle-ci n'a jamais été mise en place par d'autres pays. On ne peut pas prendre à la légère le risque que pose l'implantation d'un nouveau système et l'incertitude qu'il crée pour le milieu des affaires.

Nous avons examiné une taxe sur les dépenses des particuliers qui aurait prévu le paiement d'une taxe sur la différence entre le revenu total d'un individu et son épargne totale pour l'année. Toutefois, cette option présente de sérieux désavantages. D'abord, elle serait très intrusive, ensuite, elle serait beaucoup plus complexe pour les contribuables, tant du côté comptabilité que du côté observation.

[Traduction]

Nous avons étudié ce qu'on appelle une taxe sur le chiffre d'affaire ou les transactions, qui consiste à taxer chacune des étapes du circuit de production et de distribution, au moyen d'un prélèvement moins élevé sur les ventes de chaque entreprise. À la différence de la TPS, ce système ne prévoit aucun remboursement. Le problème est le même qu'avec une taxe sur les ventes au détail. Dans le secteur manufacturier, les grandes sociétés peuvent échapper à la taxe en fabriquant elles-mêmes leurs produits, alors que les petites entreprises n'ont pas cette possibilité.

Dans le secteur des exportations, les entreprises canadiennes seraient lourdement pénalisées. Pourquoi? À chaque étape du circuit de production et de distribution, les intrants canadiens seraient taxés et cette taxe serait incorporée au prix de nos exportations. Qui en bénéficierait? Les compétiteurs étrangers, pas les producteurs canadiens.

Ce sont là quelques-unes des solutions de rechange que nous avons examinées et nous avons conclu qu'aucune d'elles n'était satisfaisante. Soit elles étaient très loin de générer les montants dont nous avions besoin, soit elles ne répondaient pas à l'un ou à plusieurs des critères d'une politique fiscale responsable: l'équité, la simplicité et l'efficacité économique.

En dernier recours, nous avons étudié la possibilité de compenser les recettes qui seraient perdues par le remplacement de la TPS en augmentant les impôts qui existent déjà. Nous avons envisagé une augmentation générale des impôts et taxes. Nous avons envisagé des majorations plus ponctuelles. Nous avons envisagé une hausse des impôts des sociétés et des taxes d'accise. Il nous est apparu clairement que, peu importe ce que nous faisions, dans n'importe quel scénario imaginable, il nous faudrait augmenter dans une mesure inacceptable l'impôt sur le revenu des particuliers.

Voilà qui résume succinctement une très longue recherche d'un système et d'une solution totalement différents de la TPS. Notre recherche n'a pas donné les résultats que nous avions espérés, mais elle a indiqué très clairement la direction dans laquelle nous devions nous engager.

Nous avons conclu qu'il n'existait aujourd'hui aucune solution de rechange à une taxe sur la valeur ajoutée comme la TPS, mais nous avons également établi qu'il existait une solution de rechange à la TPS telle que nous la connaissons aujourd'hui, et c'est une meilleure taxe sur la valeur ajoutée qui soit harmonisée.

Les gouvernements ont besoin de l'argent que rapportent les taxes actuelles. Mais les Canadiens n'ont pas besoin des maux de tête que leur causent les taxes actuelles. Notre recherche nous a conduits à une taxe sur la valeur ajoutée fédérale-provinciale simplifiée et intégrée. Le mécanisme que nous avons adopté consiste à mettre en place dès maintenant un cadre auquel les provinces pourront se joindre quand leurs priorités le leur permettront, c'est-à-dire, lorsqu'elles seront prêtes à le faire.

L'annonce d'aujourd'hui ouvre la voie à l'établissement d'une taxe de vente fédérale-provinciale unique dans quatre provinces. D'autres, de toute évidence, attendent de voir ce que donnera le


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nouveau système avant de s'y rallier. Nous sommes persuadés que le Canada aura éventuellement un régime de taxe de vente unique.

Nous continuerons de collaborer avec chacune des provinces dans la mesure où leur situation le leur permet. D'ici là, l'unanimité ne devrait pas être une condition incontournable. Permettez-moi de décrire les améliorations qui, selon nous, découleront de l'approche que j'expose aujourd'hui.

Premièrement, une taxe sur la valeur ajoutée fédérale-provinciale intégrée réduit le fardeau imposé par le système actuel aux entreprises, en particulier aux PME. Elle signifie qu'il n'y aurait plus deux taxes de vente distinctes, fédérale et provinciale, de nature différente, s'appliquant à des assiettes différentes, avec toutes les complications et les dépenses que cela entraîne.

(1015)

Le Canada est le seul pays développé au monde qui tolère l'application, à la même caisse, de deux taxes de vente totalement différentes. Personne d'autre n'accepte cela. Et la raison en est bien évidente. Les systèmes de taxes de vente juxtaposées sont des systèmes de second ordre, en particulier dans une économie qui est de plus en plus intégrée à l'échelle intérieure et à l'échelle mondiale.

Dans un mécanisme intégré, tout cela changera. Il y aura une seule taxe de vente, et non deux. Une seule assiette fiscale, et non deux. Un seul taux de taxation, et non deux. Une seule administration fiscale, et non deux. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que tout sera plus simple.

Prenons, par exemple, le cas d'un magasin où l'on vend des machines à laver. Aujourd'hui, le magasin doit se soumettre à deux régimes de taxes distincts. Il doit d'abord calculer les ventes exonérées de taxe, puis maintenir un registre à part pour pouvoir prouver que ces ventes étaient légitimement exonérées de la taxe de vente provinciale.

Puis, à la fin de chaque mois, le magasin doit calculer le montant de la taxe de vente provinciale perçue et en faire la remise à la province. À la fin de chaque trimestre, en plus de calculer la taxe de vente provinciale, le détaillant doit aussi calculer la taxe de vente fédérale perçue, déduire le total de la taxe versée sur ses achats et remettre la différence au gouvernement fédéral. Et ce n'est pas tout. Tout au long de l'année, le détaillant doit traiter avec deux bureaucraties pour toutes les questions qu'il ou elle peut avoir, en plus d'avoir à traiter avec deux différents vérificateurs du fisc.

Pas étonnant que les entreprises, en particulier les petites, somment les gouvernements de se débrouiller pour alléger leur fardeau d'observation des taxes de vente. Soit, nous faisons quelque chose! Tout cela changera dans le nouveau système. Cela profitera aux consommateurs. Cela se traduira par une réduction de la paperasse pour les petites entreprises. Une diminution du temps et de l'argent dépensés inutilement. Un seul formulaire de taxe. Un seul mécanisme. Un seul système.

[Français]

L'Institut canadien des comptables agréés a estimé qu'un système harmonisé de taxe de vente nationale pourrait permettre aux entreprises canadiennes d'économiser jusqu'à 700 millions de dollars par année. Et comme il n'y aurait plus qu'un percepteur de taxe, la même analyse indique que les provinces pourraient économiser 100 millions de plus par année en frais d'administration, une fois qu'un tel système serait en place.

Les Canadiens et les Canadiennes veulent que nous mettions fin aux chevauchements et aux dédoublements entre les gouvernements. Dans le domaine de la taxe de vente, ce système intégré y mettrait fin une fois pour toutes.

[Traduction]

De plus, une taxe sur la valeur ajoutée harmonisée sera plus efficace sur le plan économique. Non seulement les entreprises économiseront temps et argent, mais leurs produits seront aussi plus compétitifs.

À l'heure actuelle, les entreprises de toutes les régions du Canada paient la taxe de vente provinciale sur toute une série d'achats qu'elles effectuent pour fabriquer leurs produits ou pour mener leurs activités. Cela augmente leurs coûts et, par conséquent, le prix de leurs produits. Les produits canadiens qui concurrencent les importations au Canada même ou les exportations sur le marché international voient donc leur prix gonflé par les taxes de vente provinciales. En fait, comme cette taxe s'applique aux différents stades du circuit de production et de distribution, les prix de nos produits sont bien souvent gonflés non pas par un niveau, mais par plusieurs niveaux d'application de taxes provinciales sur les ventes au détail.

Aux termes du régime proposé, ce handicap concurrentiel serait éliminé. Les exportations constituent le moteur de notre économie. De ce fait grâce à cette réforme, les entreprises canadiennes seront encore plus concurrentielles sur les marchés internationaux. Cela se traduira donc par des emplois au Canada. Les consommateurs devraient eux aussi bénéficier du nouveau système.

Je voudrais réfuter l'argument voulant qu'une taxe harmonisée sur la valeur ajoutée transfère le fardeau fiscal des entreprises aux consommateurs. Je voudrais également réfuter l'argument voulant que ces derniers soient également perdants parce qu'un éventail plus large de produits et, surtout, de services seront taxés. Ces arguments ne sont absolument pas fondés.

Le fait est qu'aujourd'hui, comme je l'ai déjà mentionné, les entreprises sont taxées par les provinces sur les achats qu'elles doivent effectuer pour fabriquer leurs propres produits, fournir leurs services ou mener leurs activités. Quiconque croit que les entreprises ne refilent pas ces taxes de vente provinciales aux consommateurs est bien naïf. Si les entreprises paient une taxe au départ, ce sont les consommateurs qui la paient en bout de ligne. La taxe est incorporée au prix. Cela vaut pour tous les produits et services fournis au Canada, qu'ils soient taxés ou non au point de vente final.

(1020)

Par exemple, certains croient peut-être qu'ils ne paient aucune taxe sur une coupe de cheveux parce qu'elle n'apparaît pas sur la


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facture du coiffeur. Mais cela n'est pas vrai. Le prix inclut bel et bien la taxe, celle que le coiffeur paie sur ses fournitures, des ciseaux jusqu'à l'équipement du salon de coiffure, et sur le shampoing. Lorsque le coiffeur décide des prix à facturer aux clients, il leur refile tous ces coûts.

Dans un système de taxe sur la valeur ajoutée intégré, tout cela changerait. Les taxes provinciales sur les ventes au détail ne seraient plus payées par les entreprises tout au long du circuit de production et de distribution. Ainsi, dans le cas des biens et services qui n'étaient pas taxés auparavant, les prix n'augmenteront pas de tout le montant de la taxe provinciale, et ce, parce que les taxes cachées seront éliminées. Dans le cas des produits et services qui sont déjà taxés, les prix devraient diminuer. Cela sera le cas même si le taux global de taxation ne diminue pas. Pourquoi? Là encore, parce que les taxes cachées disparaîtront, ce qui fera baisser les prix.

De plus, l'élargissement de l'assiette fiscale présente un autre avantage. Lorsqu'on ne taxe pas les services, on introduit des distorsions dans l'économie. On impose une charge à certaines entreprises, mais pas aux autres. Une assiette plus large répartit la charge de manière équitable entre tous les secteurs et tous les consommateurs. Par exemple, chose importante pour les provinces de l'Atlantique qui harmonisent leur système, comme on l'annonce aujourd'hui, l'élargissement de l'assiette est l'un des facteurs qui permettent une baisse marquée du taux global de taxe de vente.

Enfin, l'un des aspects les plus irritants de la TPS est que, s'ils ne se promènent pas avec une calculette, les consommateurs ne savent pas exactement combien leur coûtent leurs achats avant de passer à la caisse. Chaque fois qu'un Canadien achète une barre de chocolat ou une paire de chaussettes, la TPS ne figure pas sur l'étiquette. À la caisse, c'est le choc.

Par conséquent, les accords qui seront conclus à la suite des protocoles d'entente que nous annonçons aujourd'hui mettront fin à cette situation. Dans les trois provinces de l'Atlantique qui acceptent l'harmonisation, les prix incluront la taxe, à compter du 1er avril 1997. Le prix que les consommateurs verront sera celui qu'ils paieront. Cependant, la nouvelle taxe sera également transparente. Le vendeur pourra afficher la taxe sur la facture, et nous consulterons les entreprises sur la meilleure façon d'y parvenir.

[Français]

L'annonce d'aujourd'hui entraîne d'importants changements structurels. Elle représente une réforme importante du système de taxation des ventes. Notre gouvernement a toujours respecté le principe voulant que la population et les gouvernements soient en mesure de prévoir les changements structurels et de s'y adapter et, lorsque nécessaire, nous avons été disposés à aider ceux et celles qui subissaient de plein fouet les conséquences de cette adaptation.

Par exemple, lorsque les provinces ont subi des pertes de recettes à la suite de l'importante réforme fiscale de 1972, elles ont été compensées. Et l'aide à l'adaptation a été fournie dans chacun de nos budgets. Par exemple, l'an dernier, nous avons prévu des ressources pour faciliter l'adaptation, pour les provinces de l'Ouest, qu'a nécessitée l'élimination des subventions de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, comme nous l'avons fait pour le Québec et les provinces de l'Atlantique dans le cas des subventions au transport des marchandises dans l'est du Canada.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous poursuivons ces mêmes précédents. Un mécanisme d'adaptation sera mis en place pour partager avec les provinces toute perte de recettes de plus de 5 p. 100 du produit actuel de la taxe sur les ventes au détail qu'elles subiraient en raison de l'harmonisation.

Outre les trois provinces mentionnées précédemment, ce mécanisme s'ouvre à l'Île-du-Prince-Édouard, au Manitoba et à la Saskatchewan. Mais il ne s'ouvre pas à la Colombie-Britannique, à l'Alberta ou à l'Ontario dont les recettes ne seraient pas suffisamment réduites pour enclencher le mécanisme de compensation prévu par la formule, ni au Québec pour la même raison, que ce soit aujourd'hui ou en 1990, lorsque cette province a signé avec le fédéral le protocole d'entente sur l'harmonisation.

(1025)

D'après la formule adoptée, le gouvernement fédéral assumera 100 p. 100 du manque à gagner au cours des deux premières années, 50 p. 100 la troisième année et 25 p. 100 la quatrième année. Cette formule s'applique uniformément à toutes les provinces qui ont accepté l'harmonisation et demeurera à la disposition des autres provinces pendant l'avenir prévisible.

Étant donné les retombées positives de l'harmonisation, nous estimons que le coût total que cela entraîne pour le gouvernement fédéral-environ 960 millions de dollars répartis sur quatre ans pour les trois provinces participantes-est un investissement raisonnable et responsable. Les gouvernements fédéral et provinciaux partageront de manière à peu près égale les coûts d'ajustement sur quatre ans. L'aide prendra fin après la quatrième année, lorsque les provinces auront eu suffisamment de temps pour s'adapter. Je tiens à souligner que cette aide à l'adaptation ne compromettra pas la réalisation de nos objectifs en matière de déficit. Leur réalisation est assurée.

Les mesures annoncées aujourd'hui comportent plus de 100 modifications visant à rationaliser et à simplifier l'application du système canadien de taxe sur la valeur ajoutée. Ces améliorations sont le fruit des consultations intensives que nous avons menées auprès des entreprises, en particulier les PME, des associations de consommateurs et d'autres groupes au cours des deux dernières années.

[Français]

Certaines de ces mesures sont de nature technique et ne concernent qu'un secteur particulier. Un grand nombre d'entre elles auront un effet positif sur les secteurs intéressés.

Par exemple, pour remplir une partie de notre engagement, pour aider les organismes de charité et sans but lucratif, de nouvelles règles seront adoptées. Ainsi, environ 10 000 organismes de charité n'auront plus besoin de s'inscrire aux fins de la TPS, ni d'appliquer cette dernière.

Les dispositions qui exonèrent de la taxe les appareils médicaux utilisés par les personnes handicapées seront élargies et clarifiées. Les agriculteurs canadiens bénéficieront d'une exemption sur plus d'équipement et de matériel agricoles. Les règles relatives aux


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avantages dont bénéficient les employés sont en voie d'être simplifiées, un domaine de la taxe de vente qui irrite les petites entreprises depuis le tout début.

En outre, nous changeons les dispositions traitant de comptabilisation, d'intérêt, de pénalités, d'administration et d'observation dans toutes les lois fiscales fédérales, mesure qui contribuera largement à la simplification du régime fiscal des petites entreprises.

[Traduction]

Ce sont là des changements de grande envergure qui susciteront un intérêt immédiat chez ceux qu'ils touchent. Toutefois, permettez-moi de souligner un élément qui ne changera pas. Le crédit accordé aux Canadiens à faible revenu et les remboursements offerts aux municipalités, aux universités, aux écoles, aux hôpitaux, aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif admissibles demeurent intacts.

Les provinces qui se rallient à nous aujourd'hui voient clairement les retombées positives de cette réforme. Le fait est que dans une région où des mesures pour assurer la croissance économique sont aussi importantes qu'ailleurs, la rationalisation et la simplification des taxes sont probablement l'une des initiatives de création d'emplois les plus bénéfiques que l'on puisse prendre.

L'avantage d'une action concertée, menée de manière que la réforme entreprise dans chaque province soit renforcée par les changements apportés parallèlement dans les autres, permettra d'améliorer au maximum la situation des entreprises et des consommateurs de la région de l'Atlantique. L'avantage d'une économie plus efficiente dans l'Atlantique signifie que les entreprises et les travailleurs seront plus concurrentiels à l'échelle mondiale.

Les avantages d'une réduction des chevauchements et dédoublements engendreront une diminution des frais d'administration, aussi bien pour les gouvernements que pour les entreprises. Par exemple, les petites entreprises dont les ventes taxables sont inférieures à 30 000 $ n'auront plus à s'inscrire pour la taxe fédérale ni pour la taxe provinciale.

Il y a les les avantages qu'engendrera une diminution du taux de la taxe de vente. Lorsque cette réforme sera complètement en place, le taux officiel de taxation sera réduit de 3 p. 100 en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et de 4 p. 100 à Terre-Neuve et au Labrador.

(1030)

La diminution réelle de taxe sera encore plus considérable. Comme le nouveau système éliminera la «taxation de la taxe», la réduction effective de taux atteindra en fait près de 4 p. 100 en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et environ 5 p. 100 à Terre-Neuve et au Labrador.

[Français]

Les mesures annoncées aujourd'hui ne marquent pas la fin du processus, elles constituent une étape. Dans le cadre de l'évolution vers une taxe à la valeur ajoutée fédérale-provinciale intégrée, on tiendra des discussions avec les trois provinces dans le but de traduire les protocoles d'ententes annoncés aujourd'hui en accords détaillés et définitifs qui seront mis en place le 1er avril de l'an prochain.

Dans cette même veine, le processus d'harmonisation va bon train au Québec et nous sommes tout à fait disposés à poursuivre avec les autres gouvernements nos discussions en matière d'intégration en fonction des normes qui sont maintenant établies.

[Traduction]

En résumé, même si la stratégie que nous proposons n'est pas la meilleure solution dans un monde idéal, nous croyons qu'il s'agit de la meilleure solution dans le monde réel. Il nous aurait autrement fallu adopter une option qui aurait été intéressante à première vue, mais qui, en fin de compte, se serait révélée plus complexe pour les Canadiens, qui aurait réduit la capacité du gouvernement de fournir les services nécessaires et qui aurait fait fortement dévier de sa trajectoire l'effort d'assainissement de nos finances publiques. Cela, nous n'étions pas prêts à l'accepter.

Nous ne prétendons pas que nos propositions aillent plus loin qu'elles ne le font réellement. Elles devront faire leurs preuves. Nous ne changeons pas le système pour le plaisir de la chose. Nous apportons des changements qui sont justifiés. C'est pour cela que nous avons été élus-pour gouverner, pour faire des choix responsables. Et c'est bien ce que nous faisons aujourd'hui.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord, je dois déplorer la façon avec laquelle le ministre des Finances a déposé des documents ce matin, une heure et demie avant sa présentation en Chambre, sans que nous n'ayons eu aucune nouvelle de lui depuis trois jours sur ses intentions concernant la TPS. Si ce n'est pas une façon de jouer à l'encontre de la démocratie, je me demande ce que c'est, surtout avec une question aussi importante que celle-là.

Ce qui est surprenant dans le discours du ministre des Finances, c'est qu'on aurait pu prendre ses vieux discours de 1990, par exemple, les vieux discours des membres du Parti libéral du Canada et mettre des négations partout ou des choses positives en remplacement du négatif, et nous aurions eu exactement le discours du ministre des Finances de ce matin. Le ministre des Finances, il y a quelques années, disait tout le contraire de ce qu'il a affirmé ce matin dans son discours.

Pour ceux qui s'attendaient à ce que la TPS disparaisse, que le TPS soit abolie, comme plusieurs s'y attendaient au Canada et au Québec, et comme plusieurs membres du Parti libéral l'avaient promis depuis trois ou quatre ans, eh bien, ils seront déçus. La TPS reste, la TPS n'est pas abolie, la TPS est remplacée par une autre TPS et ça tronque, ça va tout à fait à l'encontre des nombreuses promesses, enregistrées sur vidéo ou sur papier, des membres du Parti Libéral du Canada.

Permettez-moi d'en citer quelques-unes. Dans le Globe and Mail du 11 mars 1996, il n'y a pas tellement longtemps, on reprenait une citation de la vice-première ministre qui disait et je cite:

(1035)

[Traduction]

«J'ai déjà dit personnellement et très directement que si on n'abolissait pas la TPS, je démissionnerai.»

[Français]

C'est la vice-première ministre qui disait cela, le 18 octobre 1993.

La deuxième citation vient de l'actuel premier ministre, lors de la campagne électorale de 1993, et je cite:


1808

[Traduction]

«Nous allons supprimer la TPS.»

[Français]

«Scrap», cela veut dire «éliminer»; donc éliminer la TPS et non pas la remplacer par une autre TPS pour faire semblant d'avoir tenu une promesse électorale.

Je vais faire une dernière citation, et je pourrais vous en donner énormément, mais je me limiterai à celles-là. Cette dernière est encore du premier ministre, le 2 mai 1994, il n'y a pas si longtemps, et je cite: «Nous haïssons cette taxe et nous allons la faire disparaître.» La TPS reste, la seule disparition qu'on fait, c'est dans le prix du produit.

Il y a deux camouflages importants: on cache deux choses importantes dans cette mesure du ministre des Finances. La première, il y a des chiffres dans le discours du ministre des Finances de ce matin qui sont couverts, enrobés, mais un chiffre est réel, c'est celui du coût de l'harmonisation avec les provinces Maritimes. C'est celui du coût d'achat d'une promesse électorale non tenue.

Le ministre des Finances a acheté les provinces Maritimes pour qu'elles l'aident à rencontrer un engagement électoral par un maquillage éhonté, tel qu'on nous l'a présenté ce matin. Il s'agit de un milliard de dollars, un chiffre qui n'a pas été démenti jusqu'à présent. C'est un milliard de dollars que les Québécois et les Canadiens des autres provinces devront payer pour rencontrer l'engagement électoral non tenu du ministre des Finances et du premier ministre du Canada. En réalité, c'est ce que nous coûte cette mesure.

Mais il y a plus que cela. Cela ne va pas coûter seulement un milliard à court terme au cours des quatre prochaines années. Je ne sais pas si le ministre des Finances l'a réalisé ou si les membres de son gouvernement l'ont réalisé, parce que quelquefois, ils réalisent très peu de choses, mais le fait de réduire la base de taxation à la consommation de 19 p. 100 à 15 p. 100 fera en sorte qu'à l'avenir, tous les Québécois et tous les Canadiens des autres provinces devront payer plus en péréquation auprès des provinces Maritimes. Est-ce qu'il l'a réalisé? Non. Et s'il l'a réalisé, on camoufle ce coût additionnel à la population.

Ce sont des coûts supplémentaires en péréquation que l'ensemble des contribuables québécois et canadiens devront payer en surplus du un milliard que le ministre des Finances a promis aux gouvernements des provinces Maritimes à court terme, est-ce acceptable? Est-ce acceptable, lorsqu'on compare ce processus d'harmonisation, cette vente à rabais de l'harmonisation auprès des provinces Maritimes avec ce qui s'est passé au Québec au cours des dernières années?

Il n'y a personne ici qui ne soit pas au courant de cela. Le Québec a harmonisé sa taxe de vente avec celle du fédéral. Le Québec administre cette taxe fédérale. Le Québec a fait le bon garçon, le bon citoyen corporatif en ne réclamant aucune compensation à partir de cette harmonisation.

Pourquoi aujourd'hui ne reconnaît-on pas cet effort du Québec? Pourquoi aujourd'hui en arrive-t-on à sortir des goussets des Québécois et des Canadiens, pour compenser les gouvernements des provinces Maritimes, un milliard de dollars, alors qu'au Québec, pas de problème? On a fait les bons garçons, on a fait les bonnes filles, on a harmonisé notre taxe avec celle du fédéral et on n'a rien réclamé jusqu'à présent. Est-ce que c'est cela, gérer la fédération canadienne? Ce n'est pas normal.

La nouvelle TPS est une TPS hypocrite. C'est une TPS hypocrite, parce qu'on la camoufle dans le prix de vente des produits et des services. J'écoutais le ministre des Finances dire tout à l'heure: «Le Comité des finances a reçu plusieurs représentations en 1994-et même en 1995, nous avons poursuivi quelque peu-et les gens nous disaient qu'ils étaient exacerbés dans leur acte de consommation, ils étaient fâchés lorsqu'ils voyaient une TPS s'ajouter sur leurs produits.»

Il y en a d'autres qui disaient: «Ne changez pas quatre trente sous pour une piastre. Ne faites pas en sorte de camoufler, de nous cacher la réalité des taxes.»

Permettez-moi de citer même le rapport de la majorité libérale en 1994 à ce sujet qui disait, et je cite: «[. . .] qu'il serait tout simplement malséant de cacher aux Canadiens ce qu'ils versent en taxes à leur gouvernement, et que le fait d'en faire une taxe cachée entraverait leur aptitude à obliger le gouvernement à rendre des comptes sur la façon dont ces taxes sont perçues et dont, dans une moindre mesure, les deniers publics sont dépensés.»

(1040)

C'est ça la réalité des représentations faites au Comité des finances. La majorité des gens nous disaient: «Premièrement, abolissez cette TPS et, si on doit remplacer cette TPS par autre chose, qu'on la montre à la face du public. Qu'on montre aussi l'incapacité du gouvernement fédéral à gérer correctement ses finances publiques, tant et si bien qu'il est obligé d'aller chercher de l'argent, et de plus en plus d'argent, dans la poche des contribuables du Québec et du Canada.» C'est ça que les gens disaient: «Montrez-nous la vraie réalité des finances publiques.»

Au lieu de cela, le ministre des Finances nous présente aujourd'hui une taxe cachée. Et pire que ça, en 1989, dans le rapport de l'opposition officielle du temps, dans le rapport dissident de la minorité libérale à ce moment-là, en 1989, concernant la TPS, le Parti libéral disait, et je cite: «En outre, si la TPS est camouflée dans le prix de vente, il sera beaucoup plus facile pour le gouvernement de l'augmenter plus tard.»

C'était vrai en 1989. Ils ont déchiré leur chemise, et aujourd'hui, parce que les libéraux sont au pouvoir, il n'y aura pas d'augmentation de taxe. On la camoufle et il n'y aura pas d'augmentation de taxe, alors que c'était la vérité que les libéraux nous présentaient en 1989. C'est honteux de changer d'idée aussi rapidement, aussi vite, et au détriment de la population canadienne.

Il n'y a pas que le Parti libéral, lorsqu'il avait de meilleures dispositions qu'aujourd'hui, quand il n'avait pas un engagement électoral du premier ministre à rencontrer, qui disait qu'il ne fallait pas camoufler la TPS. La Chambre de commerce du Canada, en 1994, a mené une enquête auprès de ses membres qui disait que 70 p. 100 des entreprises canadiennes étaient contre le fait qu'on camoufle cette taxe; 70 p. 100, si ce n'est pas la majorité, ça, on se demande bien ce que c'est.

Pire encore, récemment, au mois de février de cette année, février 1996, la Chambre de commerce du Canada a repris ce sondage pour s'apercevoir que non seulement ses entreprises étaient en désaccord comme en 1994, mais qu'en plus, la proportion de ceux qui étaient en désaccord avec le camouflage de la taxe dans le prix de vente du produit avait augmenté de 70 p. 100 à 76 p. 100. Y a-t-il moyen d'avoir un message plus clair que celui-là? Je ne crois


1809

pas. Le camouflage, c'est de l'hypocrisie. C'est l'hypocrisie d'un gouvernement qui n'est pas capable d'appeler les choses par leur vrai nom, de démontrer les choses telles qu'elles sont au Canada.

Il y a beaucoup d'espérance dans ce document. On parle d'une entente qui a été signée entre le gouvernement fédéral et les trois provinces Maritimes qui représentent, grosso modo, 15 p. 100 de la population canadienne, et on dit qu'on veut appliquer ces préceptes à l'ensemble des provinces canadiennes. J'ai des petites nouvelles pour le ministre des Finances. À l'heure actuelle, il y a unanimité au Canada ou à peu près, une grande majorité de gens qui sont contre le projet du ministre, contre l'établissement d'une taxe unique de 15 p. 100 qui serait gérée par la Commission nationale du revenu du Canada, qui tasserait les provinces et qui ferait en sorte que, en Ontario, par exemple, le fardeau fiscal augmenterait et qu'en Alberta le fardeau fiscal, la taxe à la consommation passerait de 7 p. 100 à 15 p. 100. Sur cela, il y a unanimité pour dire que le ministre des Finances fait fausse route en pensant que les autres vont embarquer avec lui.

Il y a unanimité aussi, au Québec en particulier. C'est que, depuis plusieurs années, les Québécoises et les Québécois ont travaillé honnêtement, ont travaillé avec tout le sérieux possible pour en arriver à harmoniser les assiettes fiscales et à les gérer, parce que le Québec gère pour le gouvernement fédéral la collecte et l'administration de la TPS. On a travaillé très fort pour en arriver à cette harmonisation sans qu'il en coûte un sou.

Nous trouvons que le ministre a évacué trop facilement la question québécoise en disant, dans son ouvrage Vers le remplacement de la taxe sur les produits et les services: «Puisque le processus d'harmonisation avec la province de Québec sera complété cette année, le gouvernement s'est donné pour mission de travailler avec les autres provinces pour étendre le régime à l'échelle du pays.» Il a évacué trop vite la question québécoise, parce qu'il y a une marge entre harmoniser des assiettes fiscales, comme le Québec le fait et l'a fait à 95 p. 100 ou à peu près, et en arriver avec le projet du ministre qui consiste à imposer une taxe de 15 p. 100, une seule taxe, une taxe unique de 15 p. 100. La taxe de vente à la consommation au Québec, les deux taxes cumulées, TPS et TVQ, sont à l'heure actuelle à 14 p. 100. Donc, il s'agirait d'un point de pourcentage d'augmentation si on appliquait une taxe unique de 15 p. 100. On tasserait le Québec, on remplacerait la gestion québécoise, l'autonomie fiscale du Québec par la Commission nationale du revenu qui se chargerait d'administrer la nouvelle TPS de 15 p. 100. Il y a une marge entre l'harmonisation actuelle et le projet du ministre des Finances.

(1045)

Je peux vous dire avec certitude, connaissant l'histoire du Québec, connaissant aussi l'histoire des luttes pour l'autonomie et l'affirmation fiscales du Québec, surtout à partir des années 1960 avec M. Jean Lesage, que le Québec n'acceptera jamais d'embarquer dans un régime fiscal de la sorte.

Je vous dirais que loin d'amener l'harmonisation des taxes, ce projet risque de compromettre plusieurs années d'efforts au Québec pour l'harmonisation. Rappelez-vous, cette harmonisation s'est faite avec le consentement des deux parties, elle s'est faite avec la meilleure des volontés. Aujourd'hui, le ministre des Finances, pour répondre à un engagement électoral-et il n'y répond pas parce qu'il n'abolit pas la TPS-arrive avec ses gros sabots en disant: «On va tout remplacer cela, on va faire en sorte que ce soit le fédéral, maintenant, qui gère cette taxe.»

Si j'étais à la place des gens du Québec, je me dirais que ce n'est pas tellement payant de travailler de concert avec le fédéral, et pour rien en bout de ligne, parce qu'on n'est pas payés pour ça, on n'est pas compensés comme les provinces Maritimes, qui ont été achetées. Je dirais que la prochaine fois, on va laisser tomber ou je dirais tout simplement que le processus d'harmonisation qu'on a commencé va s'arrêter là. Ce sera non, au Québec. Ce n'est pas vrai qu'on va embarquer dans un tel système qui fera en sorte que le Québec perdra l'autonomie de fixer son taux de taxation. Pire encore, il l'augmentera d'un point, alors que le premier ministre du Québec essaie, depuis qu'il est là, de faire des pieds et des mains pour ne pas augmenter d'un point, même pas d'un demi-point, la taxe de vente du Québec.

On coupe là où on peut le faire. On fait des exercices de rationalisation et de concertation terribles et là, le gouvernement fédéral va arriver et va imposer un point de pourcentage d'augmentation de la taxe de vente. Non. Ce sera non. Perdre l'autonomie aussi sur la fixation de ce taux? Ce sera non. Faire en sorte que ce soit maintenant un organisme fédéral qui décide à la place du gouvernement du Québec? Ce sera tout à fait non. On peut prévoir une augmentation de la tension entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, alors que ça allait si bien au niveau de la taxe à la consommation.

Pourquoi? Pour une vulgaire visée électoraliste, pour faire semblant d'avoir tenu une promesse, un engagement électoral que le premier ministre même-et on a des vidéos pour le prouver, comme je le disais hier-n'est pas capable de tenir.

C'est tout de même triste de voir que ce gouvernement, à l'aube d'une prochaine élection, parce qu'il va sans dire que c'est une mesure électorale, nous présente ainsi les choses. Le gouvernement tente de tromper la population en disant que la TPS est disparue, pouf! comme dirait ma collègue de Rimouski-Témiscouata, alors qu'en réalité, on profite d'un petit accord avec trois provinces Maritimes pour faire un gros show autour de ça, pour dire: «Vous voyez, on est capables de remplir nos engagements», alors qu'en réalité, on n'a rien rempli du tout comme engagement. La TPS reste, les frictions demeurent entre le gouvernement fédéral, l'Ontario et l'Alberta, et les frictions à venir avec le gouvernement du Québec n'annoncent rien de bon.

Nous ne pouvons que déplorer ce projet. Nous ne pouvons que déplorer également l'attitude du ministre des Finances et du gouvernement libéral dans ce dossier.

[Traduction]

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je ne suis absolument pas prêt à reconnaître qu'on a promis durant la dernière campagne électorale de verser un milliard de dollars à la région de l'Atlantique pour harmoniser la TPS. Il faut


1810

plus que le faible mea-culpa du ministre, sa reconnaissance tacite que même si les libéraux ne tiennent pas leur promesse, ils font un pas en avant. Ils ont bel et bien promis de supprimer la TPS, de l'abolir. C'est ce qu'ils ont dit.

(1050)

Le ministre des Finances a pris la peine de citer plusieurs fois le livre rouge. Je vais maintenant faire moi aussi quelques citations. Il a bien cité le livre rouge, mais je tiens à signaler qu'on a publié 80 000 copies de ce document un mois avant les élections. Or, ce qu'on a dit à la télévision nationale, ce qu'on a déclaré durant les cinq années précédant les élections et ce que les députés libéraux de tout le pays ont dit à leurs électeurs lorsqu'ils faisaient du porte-à-porte, est tout à fait différent.

Je rappelle à mes vis-à-vis ce qui a été dit. En mars 1990, l'Edmonton Journal écrivait ceci: «Dans le débat télévisé à l'échelle nationale qui l'opposait lundi au ministre des Finances Michael Wilson, l'actuel ministre du Développement des ressources humaines a déclaré que le Parti libéral éliminerait la TPS. La taxe sur les produits et services est une taxe régressive, dit-il. Il faut la supprimer et c'est ce que ferons.»

Écoutez cette déclaration faite dans le Montreal Gazette, en 1990: «Je vais abolir la TPS.» C'est ce que l'actuel ministre des Finances a déclaré, comme l'a rapporté le journal.

Voyez ce que le premier ministre avait à dire. Le Montreal Gazette rapportait en 1990 qu'il aurait affirmé: «Je veux que cette taxe disparaisse.»

J'ai une autre citation faite en 1990. «Les libéraux vont supprimer la taxe sur les produits et services s'ils remportent les prochaines élections générales», dit l'actuel premier ministre. «Je suis opposé à la TPS. Je l'ai toujours été et je le serai toujours.»

Le ministre des Finances peut citer le livre rouge, qu'on a caché durant la campagne électorale, mais le fait est que lui-même, le premier ministre et, chose certaine, la vice-première ministre ont pris toutes sortes d'engagements selon lesquels la TPS allait disparaître.

J'ai deux autres citations venant du premier ministre et de la vice-première ministre. En 1991, le premier ministre a déclaré: «Je dis que nous allons remplacer la TPS. Vous pourrez me juger en fonction de cet engagement.» Or, on n'a toujours pas remplacé la TPS.

Je vais maintenant revenir sur la grande promesse faite le 18 octobre 1993: «Si la TPS n'est pas abolie sous un gouvernement libéral, je démissionnerai.» C'est ce qu'a déclaré la vice-première ministre dans le cadre d'une assemblée publique électronique que la Société Radio-Canada a télévisée une semaine avant les élections.

La vice-première ministre est toujours parmi nous. Chose incroyable, elle reste rivée à son fauteuil durant la période des questions tous les jours, alors que nous demandons au gouvernement pourquoi elle ne tient pas sa promesse de démissionner. Elle peut certainement se retourner et lancer des flèches à des députés comme ceux de York-Sud-Weston ou de Broadview-Greenwood qui ont eu le culot de défendre leurs électeurs. Cependant, elle reste rivée à son fauteuil en espérant, contre tout espoir, que ses électeurs vont finir par oublier cette promesse solennelle. Je peux garantir à la Chambre qu'ils ne l'oublieront pas.

Mes vis-à-vis n'ont pas à me croire sur parole. Ils peuvent se fier aux paroles de leurs propres députés. Je ne parle pas simplement des députés qu'on a jeté dehors de leur propre caucus ou du député qui a démissionné pour une question de principe. Je parle d'autres députés également. Notre collègue libéral de Mississauga ne cesse de répéter que le gouvernement ne respecte pas les engagements qu'il a pris au sujet de la TPS. Quant au député d'Ontario, il a dit aux médias que le gouvernement n'avait pas respecté sa promesse d'abolir, d'éliminer et de supprimer la TPS. Je ne suis pas le seul à avancer ces arguments. Les députés d'en face ont fait de même.

Il est clair comme de l'eau de roche que, lorsque les députés sont si convaincus que promesse a été faite d'éliminer la TPS, ils sont prêts à mettre leur poste en jeu. C'est précisément ce qui est arrivé quand le député de York-Sud-Weston a, dans un geste très courageux, voter contre le budget. Il a vu que la promesse d'abolir la TPS, qui avait été faite l'été précédent, n'était pas inscrite dans le budget. Il a osé parler au nom de ses électeurs et qu'est-il arrivé? Il a été expulsé du caucus. La vice-première ministre et des gens qu'il comptait parmi ses amis l'ont ridiculisé. Je n'arrive pas à le croire. Pourtant, il a défendu ses électeurs. Il a parlé au nom de l'ensemble des Canadiens qui croient que le gouvernement s'est engagé à abolir la TPS. Nous l'applaudissons pour son geste. Cela illustre l'ampleur de la promesse et le grand nombre de députés qui y croyaient.

(1055)

Ces promesses ont été formulées partout au pays. Je me réjouis de voir que le député de York-Sud-Weston a défendu ses électeurs, même s'il s'est finalement vu infliger une punition de la part d'un gouvernement mesquin qui ne saurait tolérer un semblant de démocratie dans cette enceinte.

Hier, à la période des questions, le premier ministre a parlé du système parlementaire britannique. Il a dit que, selon la tradition parlementaire britannique, les libéraux étaient obligés d'expulser le député. C'est ridicule, et le premier ministre le sait pertinemment. Au cours des 20 dernières années, les députés du Parlement britannique ont voté contre des mesures financières et autres à 65 reprises. Dans notre système, de tels votes auraient entraîné la défaite du gouvernement.

Si des ministériels votent contre le gouvernement, ils se font limoger. Ils sont chassés des comités où ils siégeaient. Ils sont punis, ce qui est ridicule.

S'il n'y a pas de démocratie à la Chambre des communes, il ne saurait y en avoir ailleurs en ce pays. Si nous ne sommes pas autorisés à nous exprimer librement ici, où pourrons-nous le faire?


1811

Où sont les porte-parole de la population? Celle-ci ne peut-elle pas être représentée dans cette enceinte?

Pourquoi le premier ministre fait-il respecter la discipline avec une main de fer, alors qu'il a beau jeu de permettre aux députés de parler librement et d'exprimer les souhaits de leurs électeurs? Il est certainement le premier ministre le plus tyrannique que nous ayons jamais vu en ce pays. C'est un fait et je défie les gens d'en face de se lever pour dire le contraire.

Les Canadiens n'oublieront pas de sitôt ce que vient de faire à ses collègues le premier ministre, de même que la vice-première ministre en se taisant. J'espère que d'autres députés se porteront à la défense de ceux qui ont protesté et qui leur ont vraiment permis de bénéficier des promesses faites pendant la campagne électorale. Les libéraux doivent leur élection à leur promesse d'abolir la TPS. Aujourd'hui, seulement deux d'entre eux sont punis pour le refus du gouvernement de remplir sa promesse; c'est inadmissible. Ils servent de boucs émissaires.

Mettons de côté le fait que l'harmonisation, ou plutôt ce pas très timide vers l'harmonisation, est une façon pour les libéraux de ne pas tenir leur promesse. Parlons de l'accord même. Les provinces n'ont pas demandé l'harmonisation. En réalité, c'est le gouvernement qui, en voulant sauver la face, a approché les provinces. Les provinces ont rejeté l'accord, parce qu'il ne permettait pas d'appliquer une harmonisation qu'elles jugeaient satisfaisante.

Qu'a fait le gouvernement? Il a décidé de rendre l'accord plus alléchant et de contribuer un milliard de dollars, de sorte que trois provinces, peut-être même quatre, signeraient. Est-ce équitable? Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que les gens de ma circonscription, l'agriculteur de Bow Island, en Alberta, le pêcheur de Campbell River, en Colombie-Britannique, et celui qui travaille sur une ligne de montage à Windsor, en Ontario, devront verser plus d'impôts pour que le gouvernement subventionne les gens du Canada atlantique.

Qu'est-il advenu du traitement équitable? Je vois le député de Toronto qui converse. Ses électeurs devront fournir l'argent nécessaire pour aider les Canadiens de la région atlantique: il faut un milliard de dollars de plus. Est-ce équitable?

Un de nos problèmes vient justement de tous les efforts que fait le gouvernement pour accorder un traitement différent aux Canadiens. Dans notre parti, nous croyons au traitement équitable. Nous sommes d'avis que tous les Canadiens et toutes les provinces doivent être traités sur le même pied. Le gouvernement en place a remué ciel et terre pour accorder des privilèges à certains groupes, certaines régions et certaines gens. Il l'a fait à maintes reprises.

(1100)

J'ai dit àla Chambre la semaine dernière que le gouvernement avait donné 105 000 $ à l'Association des banquiers canadiens. C'est absolument ridicule. Cela montre encore à quel point le gouvernement accorde un traitement spécial à certains groupes.

M. Peters: Ce n'est pas vrai.

M. Solberg: Le secrétaire d'État chargé des institutions financières me fait remarquer que ce n'est pas vrai. Qu'il le demande au ministre du Développement des ressources humaines, car c'est son ministère qui a accordé 105 000 $ à l'Association des banquiers au titre de la formation, après que les banques eurent réalisé 5,1 milliards de dollars de profits. Qu'est-ce que le député a à répondre à cela? S'il vérifie les faits, il verra que c'est vrai.

Qu'est-il arrivé dans la Constitution? Le gouvernement a dit que nous devrions accorder un traitement spécial à certaines régions. Il a dit qu'il croyait dans la notion de société distincte. Il favorise l'octroi d'un statut spécial à certaines personnes. Nous voyons encore et encore comment il traite les gens avec sa politique du multiculturalisme. Il s'agit encore là de traitement spécial. Nous ne pouvons tout simplement pas accepter cela.

En matière d'imposition, le même principe doit s'appliquer. Les gens doivent tous être traités de la même façon. Nous ne pouvons pas accepter que sept provinces appuient les trois autres ou que six provinces appuient les quatre autres, quelle que soit la situation au bout du compte. C'est absolument ridicule.

Les paiements de péréquation ne nous posent aucun problème. Si des provinces veulent appuyer d'autres provinces qui éprouvent des difficultés temporaires à cause de la mauvaise gestion du gouvernement, qu'elles le fassent au moyen de la péréquation.

Faut-il toujours créer de nouveaux programmes pour que quelques provinces viennent en aide au plus grand nombre et que des gens paient pour appuyer d'autres gens? C'est fondamentalement injuste. Sans parler du fait que nous accusons déjà une dette de 580 milliards de dollars. Les libéraux ont beau dire qu'ils ne vont pas hausser les impôts. Ils vont seulement emprunter davantage. Comme notre dette atteint déjà 580 milliards de dollars, j'estime que ce n'est pas là une très bonne option. Il faut arriver à contenir ce fiasco.

Je veux dire quelques mots au sujet des détails de cet accord. Le gouvernement va cracher 1 milliard de dollars. Toutefois, on ne dit pas comment il va trouver l'argent pour les autres provinces, s'il veut traiter toutes les provinces de la même façon.

L'Ontario aura besoin de 2 à 3 milliards de dollars pour obtenir le même marché que les provinces de l'Atlantique. Où prendra-t-on cet argent? Allons-nous demander aux Canadiens de l'Atlantique de fournir ces fonds? Que dire des fonds nécessaires pour la Saskatchewan et le Manitoba? Que dire des fonds nécessaires pour la Colombie-Britannique? À mon avis, le problème ne se posera probablement pas, car toutes ces provinces ont dit que le projet était voué à l'échec. Il ne sera pas mis en oeuvre parce que le gouvernement fédéral ne fournira pas les sommes nécessaires. De plus, les provinces n'aiment pas l'accord dans son ensemble.


1812

Le premier ministre de la Saskatchewan a signalé que, généralement, le gouvernement fédéral attire sa proie avec une carotte. Il lui donne de l'argent au début, puis il la laisse en plan. Ceux qui croient qu'il n'en est rien n'ont qu'à voir le gâchis que constitue le régime d'assurance-maladie de nos jours. Au début, le gouvernement fédéral en finançait 50 p. 100 et maintenant, il n'en finance que 22 p. 100. Les gouvernements conservateurs et libéraux qui se sont succédé se comportent de la même façon depuis longtemps: ils obtiennent notre consentement avec l'argent des contribuables, puis ils nous laissent en plan.

C'est le ministre des Finances lui-même qui a parlé du caractère définitif de l'harmonisation lorsqu'il était candidat à la direction du Parti libéral. Il a dit qu'une fois les taxes harmonisées, il serait très difficile d'éliminer la TPS. Que dit-il aux gens, alors? Est-il en train de dire que nous devrions renoncer à l'idée d'avoir des impôts moins élevés? Devrions-nous renoncer à l'idée d'éliminer la taxe la plus décriée de l'histoire canadienne? Est-il en train de dire que nous devrions couler dans le béton la taxe la plus honnie de l'histoire de notre pays? C'est exactement l'effet qu'a eu la signature de ces accords.

Il y a une autre façon de réduire les impôts. Les assemblées législatives de l'Ontario, du Manitoba et de l'Alberta débattent aujourd'hui de la baisse des impôts.

(1105)

Les impôts peuvent être moins élevés, mais pour cela, il faut absolument équilibrer le budget, ce que le gouvernement s'entête à ne pas comprendre. Il parle sans cesse de la nécessité de rationaliser et de modifier l'administration de la TPS.

Moi, je dis qu'il faut supprimer la TPS. La meilleure et la seule façon d'y parvenir, c'est d'équilibrer le budget, de la supprimer pendant un certain temps et de donner aux Canadiens le répit fiscal qu'ils méritent grandement, au lieu d'essayer sans cesse de leur escroquer plus d'argent.

Le député d'en face semble perplexe. Escroquer? Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire? Qu'entend-on par escroquer? Depuis qu'ils ont été portés au pouvoir, ils ont soutiré 8,8 milliards de dollars aux Canadiens. C'est incroyable. Cela équivaut à 650 $ par contribuable.

Les députés d'en face se demandent comment cela a pu se produire? Toutes les mesures fiscales, toutes les mesures productrices de recettes, toutes les hausses d'impôt ont été dissimulées. C'est exactement ce que le gouvernement propose de faire avec la TPS dans le Canada atlantique. Il propose de la camoufler afin de pouvoir l'augmenter encore.

Voyons toutes les mesures productrices de recettes qui ont été adoptées depuis deux ans. Elles ont toutes été dissimulées. Toutes les hausses de la taxe d'accise ont été cachées. Le gouvernement essaie simplement de trouver des solutions novatrices pour imposer davantage les Canadiens, et si ces derniers nourrissent des doutes à cet égard, je les invite à simplement regarder le bilan du gouvernement. C'est ignoble. Il fait tout simplement comme son prédécesseur, le gouvernement conservateur.

Entre 1993 et 1998, les recettes du gouvernement vont augmenter de 25 milliards de dollars, soit l'équivalent de la baisse que connaîtra le déficit. Autrement dit, ce sont les contribuables qui font les frais de la réduction du déficit, et je trouve cela incroyable.

Je demande au député d'en face de vérifier ses données. C'est un fait incontestable, et il le sait. Il siège au Comité des finances et il sait que c'est un fait. Nous ne voulons pas une série d'impôts différents, mais des impôts moins élevés, et c'est ce que méritent les Canadiens.

Les provinces ont montré la voie. Et c'est possible si l'on fait preuve d'un peu de détermination et de bonne volonté. Si le gouvernement s'était fixé des priorités, il pourrait équilibrer le budget. Or, il ne s'est pas fixé de priorités. Tout ce qu'il a réussi à faire jusqu'à maintenant, c'est maintenir les dépenses pour les groupes d'intérêts spéciaux, maintenir les dépenses pour ses amis de la haute finance. Comme je l'ai fait remarquer au député, il n'a pas hésité à verser 105 000 $ à l'Association des banquiers canadiens.

Le député sait que les grandes entreprises du pays ont demandé de ne plus subventionner les entreprises. Que fait le gouvernement? Il continue de subventionner les entreprises année après année tout en réduisant de 3,2 milliards de dollars les dépenses des soins de santé et de 1,2 milliard de dollars celles de l'éducation supérieure. Il vise les mauvaises cibles. Nous aurions un budget équilibré s'il s'était fixé les bonnes priorités, s'il n'avait pas fait l'autruche et nié l'existence du problème. Nous sommes aux prises avec un très grave problème.

Je ne suis pas le seul à me préoccuper de cet accord d'harmonisation, et les députés de mon parti ne sont pas les seuls non plus. Je voudrais parler de certains groupes d'intérêts que le ministre a invités à souscrire à son projet d'harmonisation. Jusqu'à maintenant, il n'a pas réussi.

Catherine Swift, présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, a dit que l'Ontario devait donner le feu vert à l'harmonisation pour qu'elle soit viable. Selon cette province, qui représente 40 p. 100 de l'économie nationale, le plan d'Ottawa coûtera 2 milliards de dollars par année aux Ontariens; elle a donc refusé de collaborer à l'harmonisation. Catherine Swift a dit: «Si l'Ontario ne collabore pas et que nous devions nous contenter d'une harmonisation partielle pour les dix prochaines années, ce serait assez problématique.»

La Chambre de commerce du Canada est un chaud partisan de l'harmonisation, mais elle a quand des réserves. Sharon Glover, la vice-présidente principale des relations avec le gouvernement de la Chambre de commerce, a dit qu'elle s'inquiétait de ce que le ministre des Finances exigera que la TPS soit cachée dans le prix des biens. Elle a déclaré: «Les taxes cachées sont trop faciles à augmenter et elles favorisent la méfiance chez les consommateurs.» Franchement, je pense que les consommateurs ont le droit de se méfier quelque peu du gouvernement.

On a dit que la TPS et la nouvelle taxe de vente nationale seraient incluses dans les prix, mais qu'elles figureraient séparément sur les reçus de caisse. C'est ce que le ministre a confirmé ce matin. Le fait est que même les groupes qui, selon les députés d'en face, sont


1813

favorables à l'accord d'harmonisation sont en réalité contre, et les faits le prouvent.

(1110)

Les Canadiens veulent un pays où les députés sont libres de venir à la Chambre des communes pour représenter leurs électeurs. C'est fondamental. Cela n'a rien de déraisonnable. Les Canadiens méritent d'être représentés par leurs députés. Le gouvernement acommis une erreur impardonnable en expulsant le député deYork-Sud-Weston, ce qui a contraint le député de Broadview-Greenwood à sortir du caucus parce qu'il tient trop à ses principes pour rester avec tous ces gens. Le gouvernement foule la démocratie aux pieds.

Je ne peux pas croire que le premier ministre se soit réclamé de la tradition parlementaire britannique l'autre jour. Edmund Burke et John Locke doivent se retourner dans leur tombe en entendant le premier ministre essayer ainsi de défendre son autoritarisme.

Les Canadiens veulent un gouvernement qui tient ses promesses. Ils veulent un gouvernement qui, s'il affirme qu'il éliminera la TPS, élimine la TPS. Ils s'attendent à ce que les députés libéraux donnent suite à leurs promesses et le fassent. Ils doivent être terriblement déçus. Ils doivent commenter en termes très cyniques ce qui s'est produit chez nos vis-à-vis.

Aujourd'hui, au début de son discours, le ministre des Finances a fait des excuses implicites, ce qui laisse croire que les libéraux sentent la pression. Peut-être les libéraux ont-ils de légers remords de conscience. C'est bien. Il est rassurant de voir que leur conscience les rattrape enfin.

Les Canadiens ne veulent pas que les taxes actuelles soient remplacées par d'autres, ce qu'ils réclament, ce sont des réductions d'impôts. Tous les Canadiens ont souffert sous les différents gouvernements libéraux et conservateurs qui ont augmenté les impôts sans s'occuper du problème de la dette. Chaque fois que ces gouvernements ont recueilli plus d'argent, ils l'ont dépensé aussitôt. C'est tout à fait inacceptable. Les Canadiens méritent une réduction de leurs impôts. Le seul moyen d'y parvenir, c'est d'équilibrer le budget, mais le gouvernement refuse de dire à quelle date il pourra le faire.

Dans sa nouvelle entente, le gouvernement camoufle la TPS. Il continuera d'écraser clandestinement les Canadiens sous le poids des impôts comme il le fait depuis le début de son mandat. Depuis les dernières élections, il y a eu 22 mesures concernant les impôts et les recettes et elles ont retiré 8,8 milliards de dollars de l'économie. Cela représente 650 $ par contribuable. C'est ridicule. Pas étonnant que notre mode de vie ou notre revenu disponible n'aient connu aucune amélioration depuis 1980.

Les Canadiens aimeraient pouvoir économiser suffisamment pour leur avenir. Ils voudraient pouvoir économiser assez d'argent pour payer les études universitaires de leurs enfants. Ils voudraient économiser en vue de leur retraite. Ils veulent de l'argent pour démarrer des entreprises. Cependant, quand le gouvernement ne fait que parler de modifier le régime fiscal sans jamais réduire les impôts, ils ne pourront réaliser aucun de ces souhaits.

J'exhorte le gouvernement à oublier son idée d'harmonisation bidon, à tenir sa promesse d'éliminer le déficit et à enclencher immédiatement le processus d'élimination de la TPS.

M. Riis: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Les partis officiels ont eu le droit de répondre au ministre. En tant que porte-parole d'un groupe de députés indépendants, je demande le consentement unanime de la Chambre pour pouvoir prendre la parole quelques minutes au sujet de cette importante question.

Le vice-président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à laisser parler le député?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Je vais poser la question encore une fois et je demanderais aux députés qui sont contre de s'exprimer clairement et de ne pas chuchoter en espérant que je n'entendrai rien.

La Chambre consent-elle à l'unanimité à laisser parler le député?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Riis: Monsieur le Président, ce n'est peut-être pas vraiment un rappel au Règlement, mais le consentement unanime de la Chambre est fréquemment demandé pour accélérer les travaux de la Chambre et le Nouveau Parti démocratique donne son consentement pour faciliter les choses.

Je voulais simplement souligner ce fait, puisqu'on m'a refusé le droit de parler.

[Français]

M. Tremblay (Rosemont): Monsieur le Président, étant donné l'importance de ce projet de loi, qui a été discuté depuis plusieurs années, est-ce que vous accepteriez de demander à nouveau le consentement unanime de la Chambre pour permettre au député d'intervenir?

(1115)

Le vice-président: Puisqu'un autre député a fait la même demande en son nom personnel, je le demanderai une fois de plus. Est-ce que la Chambre accorde son consentement unanime pour accorder le droit de parole à l'honorable député de Kamloops?

[Traduction]

Une voix: Non.

Le vice-président: Encore une fois, quelqu'un dit non. Nous les députés ont entendu d'où est venu le refus. Procédons.

* * *

LA LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 1996

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre des Finances, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 6 mars 1996.

1814

(Les motion sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


1814

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'INHUMANITÉ DE L'ÊTRE HUMAIN ENVERS SON PROCHAIN

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ) propose:

Que la Chambre reconnaisse, à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien survenu le 24 avril 1915, la semaine du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.
-Monsieur le Président, il me fait plaisir de présenter devant cette Chambre une motion visant à ce que le gouvernement canadien reconnaisse enfin le génocide arménien en établissant une semaine où nous commémorerons les crimes commis contre l'humanité dans le passé. Et ce, dans le but que ce souvenir nous pousse à agir tous les jours afin que de telles horreurs puissent se reproduire.

Je tiens à souligner que le moment choisi pour présenter cette motion est symbolique. En effet, le 15 avril dernier, les communautés juives du monde entier, et avec eux des gens de toutes les confessions, se rassemblaient pour se souvenir des six millions de victimes de la folie meurtrière du régime nazi lors de la Seconde Guerre mondiale.

Demain, la communauté arménienne, à son tour, se souviendra du génocide qui a débuté le 24 avril 1915, dans l'empire ottoman, et qui a fait plus d'un million et demi de victimes. Je profite de cette occasion pour saluer la communauté arménienne de Montréal et du reste du pays et pour souligner sa contribution à notre vie collective.

La détermination du peuple arménien à préserver sa culture, sa volonté de ne jamais oublier le passé et ses efforts inlassables pour la reconnaissance internationale du génocide arménien doivent susciter l'admiration de tous. L'établissement d'une semaine de commémoration permettrait aux citoyens de ce pays de montrer leur respect pour les peuples qui ont subi l'extermination ou qui ont été victimes de crimes contre l'humanité, notamment les communautés arménienne et juive.

Ce n'est pas la première fois que l'on parle en cette Chambre des crimes contre l'humanité ou que l'on déplore les génocides commis dans le passé. Le 3 avril de l'an dernier, le député de Don Valley-Nord présentait une motion similaire à celle que je présente aujourd'hui. Le Bloc avait alors amendé la motion, avec l'accord du proposeur, afin de rappeler nommément le génocide arménien. Malheureusement, la députée d'Halifax, qui était alors secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, s'était opposée à cette motion, prétextant qu'il ne fallait pas dési-gner de période précise pour commémorer les génocides, parce que nous y pensions tous les jours.

(1120)

La députée a prononcé de belles paroles, mais a refusé d'agir pour appuyer ses dires. Elle se contredisait en commençant par dire, et je cite: «Le génocide est un crime si horrible que le souvenir des génocides passés ne s'éteindra jamais», mais en concluant ainsi, et je cite à nouveau: «Je ne suis pas en faveur de la désignation d'une période de temps pour commémorer les génocides.»

Face à cette opposition venant d'un membre associé au pouvoir exécutif, le proposeur a retiré sa demande de consentement unanime de la Chambre pour que la motion fasse l'objet d'un vote par appel nominal et le gouvernement a pu ainsi éviter de se prononcer sur la question.

Le comportement de la secrétaire parlementaire était peut-être dû à son ignorance des terribles leçons du passé, à moins qu'il n'ait reflété le manque de courage politique de ce gouvernement et son manque de volonté de défendre les droits humains sur la scène internationale.

C'est pourquoi mes collègues et moi, et j'espère que les députés du gouvernement et de l'opposition se joindront à nous, allons rappeler les crimes odieux qui ont été commis dans le passé. En mémoire du passé, nous allons demander au gouvernement d'adopter désormais une position ferme quant au respect des droits de la personne dans le monde, en commençant par la reconnaissance du génocide arménien.

[Traduction]

Je somme le gouvernement de cesser de sacrifier les traditions canadiennes sur l'autel des droits de la personne et de montrer sa réelle détermination en reconnaissant officiellement le génocide arménien survenu en 1915.

[Français]

La majorité de la population a déjà entendu parler de l'holocauste, le génocide des Juifs par les nazis. Nos parents, qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale, le savent et nous en ont parlé. Récemment, la jeune génération a pu voir le film La liste de Schindler, mais combien de gens savent qu'un génocide a eu lieu au cours de la Première Guerre mondiale?

En réalité, très peu de gens savent qu'un million et demi d'Arméniens ont été tués, des centaines de milliers d'autres déportés en 1915 et par la suite, sur l'ordre du gouvernement ottoman qui régnait alors en Turquie.


1815

La négligence des gouvernements alliés, de la Société des Nations à reconnaître publiquement ce génocide et à prendre des sanctions contre ses auteurs a pu avoir des conséquences graves par la suite. En effet, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, Adolf Hitler déclarait à ses SS: «Qui se souvient aujourd'hui de l'extermination des Arméniens?» Moi, je me refuse à donner raison à Hitler.

L'opposition officielle reconnaît le génocide arménien et souhaite contribuer à le faire connaître à la Chambre, à ceux qui nous écoutent, à la population. Commençons par un rappel historique.

L'Empire ottoman a été fondé au XIVe siècle, à la suite de la conquête de Constantinople par les Turcs. Cet empire a recouvert, à une certaine époque, une grande partie du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Au sein de cet empire vivaient un grand nombre de chrétiens, entre autres, des Grecs et des Arméniens.

Ces derniers vivaient en Anatolie, soit dans la partie est de la Turquie actuelle. Ces chrétiens étaient soumis à l'autorité turque mais étaient tolérés, car ils servaient de lien dans le commerce avec l'Occident. Lors de la Première Guerre mondiale, le gouvernement ottoman, en lutte contre la Russie à l'est et une armée franco-britannique à l'ouest, en est venu à considérer ses sujets chrétiens comme traîtres et suspects de collaboration avec les alliés à cause de leur religion. Alors commencèrent une suite de vexations, puis d'arrestations, de tortures, et enfin des exécutions et des déportations massives.

En plus des massacres perpétrés par les soldats ou la population, les déportations massives cachaient une volonté d'extermination des Arméniens. Un grand nombre de ceux-ci sont morts à cause de la faim, de la soif, de la fatigue causées par un exode forcé dans des conditions atroces. Il s'agissait là d'un nettoyage ethnique avant la lettre.

Une note des puissances alliées datant du 17 juillet 1920 et consignée dans les archives françaises décrit le génocide arménien en ces termes, et je cite: «Les Arméniens ont été massacrés dans des conditions de barbarie inouïe. Pendant la guerre, les exploits du gouvernement ottoman en massacres, déportations et mauvais traitements des prisonniers ont dépassé encore ses exploits antérieurs dans ce genre de méfaits. On estime que depuis 1914, le gouvernement ottoman a massacré, sous le prétexte insoutenable d'une prétendue révolte, 800 000 Arméniens, hommes, femmes et enfants, et déporté plus de 200 000 Grecs et de 200 000 Arméniens. Le gouvernement turc n'a pas seulement failli au devoir de protéger ses sujets d'origine non turque contre le pillage, la violence et le meurtre, mais de nombreuses preuves indiquent qu'il a lui-même pris la responsabilité de diriger et d'organiser les attaques les plus sauvages contre les populations auxquelles il devait sa protection.»

(1125)

Malheureusement, les alliés n'ont pas donné suite. Ils ont consacré plus de temps à se diviser les anciennes possessions ottamanes au Moyen-Orient, la Syrie, l'Irak et la Palestine, qu'à poursuivre et condamner les auteurs de ce qu'il est convenu de qualifier de premier génocide du XXe siècle.

Il nous aura fallu attendre à 1948 pour que le terme génocide soit défini et formellement interdit par la loi internationale. La Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide décrivait alors le génocide comme l'un ou l'autre des actes suivants, commis dans le but de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux: tuer les membres d'un groupe; causer des lésions corporelles ou psychologiques graves aux membres d'un groupe; infliger délibérément au groupe des conditions de vie susceptibles de conduire à sa destruction totale ou partielle; imposer des mesures destinées à empêcher les naissances au sein du groupe; ou transférer par la contrainte les enfants du groupe au sein d'un autre groupe.

Je tiens à rappeler à cette Chambre que le Canada est signataire de cette Convention. Je m'étonne donc de la persistance de notre gouvernement à refuser de reconnaître formellement le génocide arménien. Je déplore et je dénonce cette attitude, car le fait de nier l'existence d'un génocide, c'est faire le jeu de ceux qui l'ont commis et qui veulent faire oublier leur crime, et cela revient à les approuver.

Depuis le génocide arménien qui a eu lieu en 1915, l'inertie de la communauté internationale et sa passivité ont permis que d'autres peuples subissent des massacres à grande échelle. Outre le peuple juif dont j'ai déjà parlé, on songe à la guerre du Biafra qui a fait rage de 1967 à 1970 au Nigeria où toute une population civile a été affamée sous les yeux impuissants de jeunes docteurs français qui allaient plus tard fonder l'organisation Médecins sans frontières.

En 1978, au Cambodge, les Khmers rouges déportaient à la campagne et dans des camps tous les opposants politiques. Un million et demi d'entre eux n'en sont jamais revenus et quelques années après, on a découvert des charniers géants. Depuis, le gouvernement cambodgien a érigé un musée où sont rassemblées les preuves de ce génocide afin que leur souvenir en soit perpétué.

À l'ère des chaînes de télévision en direct, de telles tueries se produisent encore sous notre regard complice. Nous avons donc pu assister impuissants à la tragédie du Rwanda et au nettoyage ethnique de Bosnie. Je demande à chaque député de cette Chambre de se poser la question, combien d'autres massacres semblables allons-nous permettre? Quelle est notre responsabilité en tant qu'élus afin d'éviter d'autres drames, d'autres souffrances?

Depuis mon arrivée à la Chambre, j'ai reproché plusieurs fois au gouvernement son inertie dans le dossier de la reconnaissance du génocide arménien. Mais dernièrement, j'ai été choqué et outré de constater qu'en plus de ne rien faire à ce sujet, le gouvernement s'est permis d'exercer des pressions sur la ville de Montréal pour empêcher l'édification d'un monument à la mémoire des peuples martyrs de l'histoire contemporaine, et notamment du génocide arménien.


1816

Selon des représentants du Comité national arménien, le maire de Montréal a admis que le ministre de la Coopération internationale et député de Papineau-Saint-Michel était intervenu afin de faire avorter le projet d'un monument commémorant le génocide arménien. Malgré les dénégations du ministre, le maire de Montréal, lui, n'est pas revenu sur ses affirmations. Le maire de Montréal n'est jamais revenu sur ses affirmations.

Déjà en 1990, l'ambassadeur de Turquie avait écrit au maire Doré pour demander qu'un autre monument ne fasse pas référence au génocide arménien. Ces agissements douteux nous amènent à nous demander si le gouvernement canadien actuel a pour politique officielle de monnayer ses principes. Ces agissements nous rappellent d'autres événements où le gouvernement canadien est intervenu de manière aussi déplorable.

En 1988, sous un autre gouvernement, un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères écrivait au Conseil scolaire d'Ottawa pour s'objecter à la mention du génocide arménien dans des manuels scolaires. Ce fonctionnaire avait alors expliqué aux médias que le gouvernement canadien agissait ainsi pour ne pas menacer des millions de dollars de contrats commerciaux avec la Turquie.

En 1991, lors de l'érection d'un monument canadien en hommage aux droits humains, des pressions indues furent exercées par les gouvernements étrangers et menèrent à la suppression de deux plaques faisant référence au génocide arménien et au massacre de la place Tiananmen.

En fait, depuis son arrivée au pouvoir, comme le précédent gouvernement, ce gouvernement a pris l'odieuse habitude de subordonner le respect des droits de la personne à des intérêts politiques et économiques. Le Canada s'est bâti, au fil des années, une excellente réputation dans le monde, à la fois à cause du respect des droits de la personne sur son territoire, mais aussi pour son implication sur la scène internationale afin de promouvoir les droits humains, les valeurs de tolérance et de paix, idéal qui anime les citoyens de ce pays quelle que soit leur opinion politique. Malheureusement, les récents événements de Somalie sont venus ternir notre réputation.

(1130)

Notre gouvernement a aussi récemment changé sa politique étrangère. Désormais, pour assurer le succès médiatique des tournées à l'étranger du premier ministre, on doit éviter de questionner publiquement ces pays sur le respect des droits de la personne.

L'épisode du voyage en Inde où un jeune garçon de 13 ans, Craig Kielburger, est allé dénoncer le travail forcé des enfants devant un premier ministre embarrassé est assez révélateur. Je me souviens aussi que sous le gouvernement conservateur, on avait déroulé le tapis rouge et aligné la garde d'honneur pour le dictateur roumain Ceausescu à qui on voulait vendre un réacteur nucléaire. Quelques mois plus tard, lors du renversement et de l'exécution de Ceausescu, le premier ministre d'alors se réjouissait de la chute de ce tyran sanguinaire. Dans le cas de la Turquie, il est question à la fois d'un réacteur nucléaire et de la vente d'armes. Que le gouvernement soit conservateur ou libéral, même mollesse.

Ce genre de comportement où l'on ne dénonce les injustices que quand cela a une valeur médiatique ou politiquement rentable va à l'encontre des valeurs canadiennes traditionnelles. Les Canadiens veulent que ce gouvernement ait des principes et qu'il les affirme en tout temps. Cela ne veut pas dire qu'il faut couper tout commerce avec les pays dont nous n'approuvons pas le comportement sur le plan des droits de la personne, mais qu'il faut être très clair avec eux et leur dire que le fait de commercer avec eux ne constitue pas une approbation, que cela ne nous empêchera pas de les critiquer s'ils commettent des actes répréhensibles.

Les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement ne soit pas complaisant et qu'il dénonce les injustices qui ont lieu actuellement à travers le monde. Je vais citer quelques exemples de cas flagrants de violation des droits humains que notre gouvernement préfère ingorer.

Après la guerre du Golfe contre l'Irak, le Canada a participé à l'opération «Provide Comfort» qui visait à protéger les populations kurdes du nord de l'Irak contre les attaques sanglantes du gouvernement de Saddam Hussein. Pendant ce temps-là, de l'autre côté de la frontière, à quelques kilomètres de là, le gouvernement turc arrêtait et exécutait des centaines de Kurdes qui se rebellaient contre son autorité. Mais parce que le gouvernement de Turquie est notre allié, nous avons fermé les yeux. Y aurait-il des bons Kurdes qui ont droit à notre protection et de mauvais Kurdes dont le sort nous est indifférent?

Lors de la tournée d'Équipe Canada en Chine, ainsi que lors de la visite d'officiels chinois au pays, le gouvernement est demeuré complètement muet face à la répression dont sont victimes les Chinois favorables à la démocratie depuis le massacre de la place Tiananmen. Pas un mot non plus sur l'entreprise méthodique d'assimilation du peuple tibétain. Les députés de Longueuil et de Notre-Dame-de-Grâce dénonçaient récemment le silence du Canada au sujet des tortures et exécutions sommaires dont sont victimes les habitants du Timor oriental qui est occupé militairement par l'Indonésie.

Enfin, les affrontements survenus dans les derniers mois au Burundi entre Hutu et Tutsi qui ont fait des centaines de morts nous font craindre un drame sanglant pareil au génocide commis au Rwanda voisin. Le terme «génocide» fait si peur au gouvernement canadien, pourtant le gouvernement canadien l'a utilisé dans le cas du Rwanda. Le Canada laissera-t-il se reproduire une tragédie, alors qu'il est encore temps d'agir?

C'est pour témoigner de notre respect pour toutes les victimes du passé et afin de réaffirmer notre résolution à oeuvrer avec toute notre énergie pour empêcher de nouveaux massacres que je demande au gouvernement de reconnaître officiellement la réalité historique du génocide arménien.


1817

Le Canada est loin d'être un chef de file dans ce dossier. En fait, il est en retard, car il y a de nombreux pays dont les gouvernements et les parlements ont reconnu et déploré le génocide commis à l'encontre du peuple arménien.

Le Tribunal permanent des peuples déclarait, le 16 avril 1984: «Le génocide arménien constitue un crime imprescriptible contre l'humanité et il est aussi un crime international dont l'État turc doit assumer la responsabilité.»

La Commission des droits de l'homme de l'ONU, le 20 août 1985, reconnaît que le massacre ottoman des Arméniens était un génocide parmi d'autres génocides du XXe siècle.

Le Parlement argentin, l'Assemblée nationale de l'Uruguay l'ont reconnu. Le Parlement européen, le 18 juin 1987 a reconnu le fait historique du génocide des Arméniens et ajouta à cette reconnaissance que le refus du gouvernement turc de reconnaître le génocide était un obstacle à l'adhésion de la Turquie à la Communauté européenne.

Le 22 avril 1994, le Parlement russe, la Douma, a reconnu le génocide arménien et en a condamné sévèrement les auteurs. Le 27 avril 1994, l'État d'Israël a condamné officiellement le génocide arménien en dépit du fait que la Turquie soit son allié régional. Le secrétaire d'État aux Affaires étrangères a déclaré:

(1135)

[Traduction]

«Nous nous opposerons à toute tentative visant à effacer ces événements, même pour des avantages politiques.»

[Français]

C'est faire preuve de courage de la part d'Israël.

Au mois de mai dernier, Bob Dole, le leader de la majorité républicaine au Sénat des États-Unis et candidat républicain aux élections présidentielles, condamnait l'attitude de la Turquie qui continue de nier le génocide arménien et déclarait:

[Traduction]

«Plusieurs de mes collègues et moi-même avons lancé un appel au président Clinton pour qu'il réaffirme que le génocide arménien est un crime contre l'humanité, ainsi qu'il l'a fait à plusieurs reprises durant la campagne présidentielle de 1992.»

[Français]

Enfin, je tiens à souligner que l'Assemblée nationale du Québec et le Parlement de l'Ontario qui, ensemble, représentent 60 p. 100 de la population canadienne, ont tous deux reconnu officiellement le génocide des Arméniens dès 1980 et ont demandé au Parlement canadien de le faire à son tour, au nom de tous les Canadiens. J'espère que ce message clair sera enfin entendu par le gouvernement fédéral.

L'allié du gouvernement fédéral et chef du Parti libéral du Québec, M. Daniel Johnson, alors qu'il était premier ministre, déclarait, en 1994: «L'anniversaire du génocide arménien rappelle l'une des pages les plus tragiques de l'histoire de notre siècle et suscite, à l'égard de ce peuple, un témoignage profond de sympathie.» N'allons pas diluer la proposition et essayer de remplacer le terme génocide.

Il faut rendre hommage au gouvernement allemand qui a reconnu depuis longtemps sa responsabilité morale dans le génocide des Juifs par le régime nazi et qui a offert une réparation. Le code pénal allemand prévoit même des sanctions à l'encontre de ceux qui tentent de nier cette réalité historique. Plus récemment, le gouvernement russe avait le courage d'admettre sa responsabilité dans l'exécution de 4 500 officiers polonais dans la forêt de Katyn en 1940. La Turquie a des responsabilités historiques qu'elle doit assumer.

Plusieurs députés de cette Chambre se sont exprimés à différentes reprises sur le génocide arménien. C'est maintenant le temps de passer aux actes. Je demanderais donc à tous les députés d'amener leurs collègues à voter en faveur de cette motion et de profiter de la commémoration du 81e anniversaire du génocide arménien pour poser un acte de courage envers nos confrères et nos consoeurs qui sont en difficulté dans des pays où la démocratie est encore à venir.

[Traduction]

Le vice-président: J'informe la Chambre que, en raison de la déclaration ministérielle, la période réservée aux initiatives ministérielles sera prolongée de 72 minutes.

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'ai suivi très attentivement les remarques du député de Ahuntsic. Je profite de cette occasion pour le remercier de son intervention, mais je voudrais aussi lui dire que sa façon de présenter les choses m'a beaucoup contrarié. Enfin, c'est du passé, passons à autre chose.

Le député a dit dans son intervention que le maire de Montréal avait promis d'ériger une statue pour commémorer le génocide des Arméniens survenu en 1915. Il a ensuite reproché au gouvernement fédéral de s'immiscer dans cette affaire.

Je tiens à déclarer officiellement que le gouvernement fédéral et le ministère des Affaires étrangères n'ont absolument rien à voir dans la promesse qu'a faite le maire de Montréal. Je demande au député de retirer ce qu'il a dit, car ce n'est pas vrai. Le gouvernement du Canada ne joue aucun rôle dans l'érection ou l'élimination des monuments.

J'ai participé à l'érection du monument vietnamien dans la ville d'Ottawa. Le gouvernement du Canada a alors adopté la même attitude que dans le cas du monument que le maire de Montréal a promis sans jamais tenir sa promesse.


1818

[Français]

M. Daviault: Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires. J'aimerais rappeler, dans le dossier du monument commémorant le génocide à Montréal, que le journal The Gazette en a fait état en rapportant des propos attribués à des membres du Comité national arménien. On rapportait des propos du maire de Montréal, propos desquels le maire de Montréal ne s'est pas dissocié. Ces propos ont été effectivement niés. . .

Mme Bakopanos: Propos du maire ou du ministre?

M. Daviault: Des propos du maire, qui ont été niés par le ministre. Non, le maire n'a pas confirmé les propos du ministre.

(1140)

Il y a un problème entre le ministre de la Coopération internationale et le maire de Montréal quant à la version des choses. Lorsque j'ai posé une question en cette Chambre, le député de Saint-Léonard disait que le ministre n'avait que rappelé la manière dont le gouvernement canadien traite ce dossier. C'est déjà beaucoup de rappeler que le gouvernement du Canada ne souhaite pas utiliser le mot génocide; il parle toujours d'atrocités, de tragédie, mais il ne veut pas utiliser le mot génocide. Pourtant, dans le génocide rwandais, ce terme est utilisé, mais le gouvernement ne veut toujours pas utiliser, dans le cas de l'Arménie, le terme génocide.

Aujourd'hui, vous aurez l'occasion de voter sur cette motion, sur le terme génocide. Si vous voulez avoir l'odieux de transformer la motion en y éliminant le terme génocide, les masques vont tomber et la population arménienne et la population canadienne sauront ce qu'il en est.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, je veux féliciter le député de l'opposition pour la présentation de cette motion à la Chambre. Je vais rappeler, comme mon collègue, que c'est le député de Don Valley-Nord qui a proposé cette motion pour la première fois à la Chambre des communes.

Deuxièmement, je poserai peut-être la même question que mon collègue et ferai le même commentaire. C'est bien de lire dans les journaux les propos du maire de Montréal, mais il n'y a aucune preuve. J'aimerais bien que l'honorable député de l'opposition nous donne la preuve écrite ou verbale que le ministre ou un représentant du gouvernement canadien a dit que nous nous opposions à l'érection d'un monument.

Il n'y a aucune preuve, c'étaient des paroles du maire, c'est lui qui a la responsabilité-le maire de Montréal, M. Bourque-en ce qui concerne ce dossier. Il doit prendre ses responsabilités, garder sa parole donnée à la communauté arménienne et à d'autres communautés, parce que le monument n'était pas seulement pour le génocide arménien, mais aussi pour tous les crimes contre l'humanité. Nous étions 100 p. 100 d'accord à ce sujet, il n'y a aucune preuve du contraire. Je préférerais qu'on ne dise pas de mensonges et qu'on n'attribue pas des paroles à quelqu'un si ce ne sont pas ses propres paroles en cette Chambre.

J'aimerais aussi poser une question au député de l'opposition en lui demandant ce qui l'a motivé, à ce moment précis, à soulever cette motion devant la Chambre.

M. Daviault: Monsieur le Président, effectivement, pour la première partie au sujet du monument, il n'est pas de la responsabilité du gouvernement canadien de s'immiscer dans cette affaire. J'ai rappelé les propos attribués au maire de Montréal, j'ai rappelé les dénégations du ministre et j'ai rappelé le fait que le maire de Montréal n'ait pas confirmé les dénégations du ministre. Sauf qu'on en a assez dit sur cette responsabilité.

Je suis d'accord avec vous sur le fait que le monument doit être érigé, qu'il est de la responsabilité du maire de Montréal. Mais lorsque l'exemple de mollesse par rapport au dossier du génocide arménien vient d'aussi haut que de notre gouvernement-tant conservateur que libéral-qui refuse de reconnaître le génocide arménien, on ne peut certainement pas reprocher le manque de courage des autres quand on n'a pas nous-mêmes ce courage-là.

L'an dernier, le député de Don Valley-Nord a posé un geste très positif en faisant la proposition. Toutefois, et je l'ai dit dans mon discours, il avait annoncé une demande de consentement unanime sur un vote et ça lui a été refusé par un secrétaire parlementaire. On sait nous, comme parlementaires, ce que cela veut dire. Cela veut dire que la motion est morte.

(1145)

Cette année, lors d'une journée de l'opposition, lors de l'une de nos fort peu nombreuses journées de l'opposition, lors de l'une de nos fort peu nombreuses journées de l'opposition pouvant faire l'objet d'un vote, nous obligeons un vote sur cette question et sur la méthode, à savoir pourquoi aujourd'hui ou demain il y aura 3 000 ou 4 000 Arméniens qui seront sur la Colline et qui jugeront nos actions comme parlementaires aujourd'hui. Soyons courageux.

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)(Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je me lève aujourd'hui pour remercier le député d'Ahuntsic de proposer cette motion à la Chambre.

Les points soulevés par la motion touchent les droits universels, l'égalité, la lutte pour la liberté des peuples démunis depuis les débuts de la civilisation.

[Traduction]

J'appuie les principes défendus dans la motion du député. C'est pourquoi je veux proposer une modification à la motion. Je propose:

Que la motion soit modifiée: 1) en enlevant les mots «génocide arménien» et en les remplaçant par les mots «tragédie arménienne qui causa la perte de quelque 1,5 million de vies»; et 2) en rajoutant après «1915», les mots «et en mémoire des crimes commis envers l'humanité»;


1819

Je voudrais que la portée de cette motion soit élargie pour qu'elle s'applique à tous les peuples qui ont souffert dans leur quête de justice et de liberté.

Je souhaite donc que la Chambre reconnaisse l'existence du massacre systémique et de l'humiliation du peuple arménien, qui a commencé en 1915, sous l'empire ottoman, et qu'elle adopte le 24 avril comme une journée de deuil pour ceux qui ont souffert. Le 15 avril, nous marquons déjà la journée de l'holocauste en déplorant le massacre de millions de juifs. Le 27 avril, nous célébrons la fin de l'apartheid, le triomphe de la liberté sur des décennies de racisme, de ségrégation et de meurtres légalisés à l'endroit des Sud-Africains noirs.

L'amendement que je propose vise à commémorer l'oppression de tous ces peuples et des autres qu'on oublie. Il propose d'établir une semaine pour commémorer l'inhumanité de l'être humain envers son prochain, pour commémorer toutes les femmes qui ont été violées au cours des millénaires au nom du pouvoir, tous ces enfants qui sont devenus orphelins dans la lutte pour la liberté, tous ceux qui ont été humiliées, maltraités, emprisonnés ou assassinés à cause de leur religion, de la couleur de leur peau ou de leur orientation sexuelle.

Réduire cette motion à la reconnaissance du malheur d'un seul peuple, c'est louable, mais c'est rater une occasion de faire une déclaration à l'intention de tous ceux qui n'ont pas de jour particulier commémorant leurs souffrances et qui n'en ont pas moins subi des injustices semblables au cours de l'histoire de l'humanité.

L'histoire honteuse de l'inhumanité de l'être humain n'a jamais été sélective. La brutalité n'a jamais non plus été limitée à un seul endroit, une seule collectivité ou un seul peuple. Les tragédies comme celles que nous commémorons les 15, 24 et 27 avril sont peut-être attribuables à la discrimination, au sectarisme et à l'abus de pouvoir, mais elles ne se limitent pas à une race, à une religion ou à un groupe ethnique en particulier. L'incarcération et le meurtre brutal de femmes, d'hommes et d'enfants pour la simple raison qu'ils ont voulu adorer leur dieu ou marcher côte à côte avec d'autres être humains dans un esprit d'égalité et de justice, de fraternité et de respect, est une tragédie dont la grande famille humaine doit avoir honte.

[Français]

L'honorable député d'Ahuntsic a proposé une motion qui représente typiquement les valeurs profondes du peuple canadien. Nous sommes un peuple qui a ouvert ses bras et son pays à ceux et celles qui ont connu la douleur, la tyrannie et l'injustice.

[Traduction]

Nous sommes reconnus mondialement comme un peuple qui non seulement qui croit à la paix, à la justice et au respect des autres, mais aussi met ces vertus en pratique. Nous les avons inscrites dans nos lois. Notre politique sur le multiculturalisme veille à ce que les diverses ethnies qui forment notre nation vivent dans le respect des autres cultures, religions, races et ethnies. Nous ne cherchons pas à assimiler les autres, mais plutôt à leur laisser la plus grande liberté pour que chacun puisse exploiter tout ce qui le rend unique et spécial.

Nous croyons que tous les Canadiens peuvent former un peuple uni devant un seul drapeau, une seule nation qui respecte et exalte sa diversité géographique et humaine. Le multiculturalisme signifie que nous devons demeurer sensibles à la douleur des Canadiens qui ont pu, à un moment donné, souffrir de l'inhumanité de la guerre ou être victimes du fanatisme ou de l'oppression. Le multiculturalisme favorise la guérison et la cohésion des peuples.

(1150)

Notre pays est formé en grande partie d'immigrants et de réfugiés établis parmi les autochtones. Nous sommes venus de tous les coins du globe pour fonder une société reconnue non pas pour la langue ou la couleur de peau de ses membres, mais pour les valeurs qui les lient entre eux et qui sont la justice, l'égalité, le respect et la résolution pacifique des conflits.

Notre nation est unique. Nous formons la nation planétaire par excellence et nous portons ce titre avec fierté. En tant que nation nous sommes un modèle pour le monde entier, un pays où l'on peut trouver la paix, l'ordre et le bon gouvernement, un pays ou tous peuvent coexister en harmonie, dans la compréhension et le partage interculturels, et dans le respect des différences.

Ici, au Canada, cette motion renforcera la façon dont nous espérons construire une nation. Elle enverra un message aux autres nations et aux autres populations qui luttent contre l'oppression. Elles sauront que nous avons une politique du respect, qu'ici chacun est libre d'adorer son propre dieu et de vivre comme n'importe quel autre Canadien. Nous sommes tous égaux aux yeux de la loi, protégés de toute discrimination par notre Constitution, libres de nous habiller comme nous le voulons, libres de profiter des avantages que notre société accorde et libres d'accepter et de remplir nos responsabilités de citoyen canadien.

Si nous voulons changer notre monde, si nous voulons qu'un jour l'humanité puisse vivre en paix et dans le respect d'autrui, nous devons toujours nous souvenir de la cruauté de la tyrannie, des massacres de populations, de l'incarcération, de la dégradation et de l'inhumanité que l'homme impose à son prochain au nom du pouvoir, de l'intolérance et de la religion.

Cette motion ferait de la semaine du 20 au 27 avril une semaine où l'on se souviendrait, où l'on célébrerait les martyrs qui ont maintenant leur place dans l'histoire, comme les Arméniens dont nous nous souvenons aujourd'hui, de sorte que la poursuite de la liberté et de la justice reste un objectif clair dans nos coeurs et en droit, de sorte que nous essayions d'intervenir là où les droits de la personne sont menacés, comme nous avons essayé de le faire partout où nous avons commercé. Nous avons toujours saisi les occasions de parler aux leaders des régimes qui ne respectent pas les droits de la personne, des droits qui nous sont chers. Notre réputation en ce qui concerne le maintien de la paix n'est plus à faire.

Nous tirerons les leçons du passé. Il est tout à fait à-propos que cette motion soit soumise à la Chambre des communes du Parlement canadien. Comme le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali le disait à notre premier ministre lors du 50e anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, le monde a toujours regardé le Canada avec espoir, comme un pays où les gens savent vivre ensemble dans le respect de la diversité, comme un pays qui recherche la résolution pacifique des conflits.


1820

Ne décevons pas le monde. Restons fidèles au mandat de notre politique multiculturelle, une politique unique au monde, qui cherche à renforcer une société fondée sur la cohésion, le respect, l'inclusion et la démocratie, ainsi qu'à donner un sens partagé de l'identité qui reflète la diversité de la population canadienne.

Le vice-président: L'amendement est à l'étude et on ne s'est pas encore prononcé sur sa recevabilité. La présidence rendra sa décision dans les plus brefs délais.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je veux remercier notre collègue députée de la sensibilité qu'elle a toujours manifestée concernant les questions de racisme et de justice sociale. Je voudrais cependant m'assurer d'avoir bien compris l'essence du message qu'elle nous livre ce matin.

Elle partage l'inquiétude de l'ensemble des députés quant au recours à la violence trop généralisé qui a traversé ce siècle. Je voudrais m'assurer de bien comprendre que, dans son esprit comme dans le mien, quelle que soit la forme que prend la violence, elle est inacceptable.

Cependant, il y a une incohérence dans la politique canadienne que j'ai de la difficulté à saisir; sans doute que la collègue prendra le temps qu'il faut pour dissiper ma confusion. Le gouvernement canadien a donné 500 000 $ pour mettre sur pied un Tribunal des droits de la personne dans l'ex-Yougoslavie qui est chargé de faire enquête sur les crimes de guerre et les méfaits qui ont été commis. Ce Tribunal international sera constitué de neuf juges, dont un Canadien.

Nous avons également suivi de très près les prises de position du gouvernement canadien dans le dossier du Rwanda. Et dans l'un et l'autre cas, le gouvernement canadien n'a pas eu de réticence à parler de génocide. La raison en est que, sur le plan des mots, il reste qu'il y a comme une gradation dans la façon dont on peut définir les choses.

(1155)

Et le génocide, ma collègue en conviendra, représente le summum de la violence. Pourquoi le gouvernement canadien n'a-t-il pas de réticence à parler de génocide lorsqu'il est question du Rwanda? Pourquoi n'a-t-il pas de réticence au point même de libérer 500 000 $ lorsqu'il s'agit de l'ex-Yougoslavie? Pourquoi serait-il réticent à qualifier les événements survenus dans l'Arménie de 1915, qui constituent toutes les caractéristiques d'un génocide? Pourquoi y aurait-il une différence à appeler les choses par leur nom?

[Traduction]

Mme Fry: Monsieur le Président, le député a dit très clairement que le Canada avait prêté assistance et fait valoir ses principes particuliers à des pays comme le Rwanda, la Bosnie et d'autres régions dans le monde où l'on a commis des crimes contre l'humanité.

Nous souscrivons à la motion du député. Nous ne faisons que remplacer certains termes pour exprimer la tragédie de 1,5 million de personnes qui ont été tuées. De plus, nous élargissons la portée de la motion en instaurant une semaine du souvenir à l'intention de tous ces gens, au même titre que le 15 avril où l'on commémore l'Holocauste ou le 27 avril où l'on célèbre la fin de l'apartheid. Nous essayons simplement d'étendre la portée de la motion en instaurant une semaine commémorative en souvenir de toutes les personnes qui ont souffert au cours de ces années.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais demander à la députée pourquoi, dans son amendement à la motion principale, elle propose de supprimer le terme «génocide»?

Mme Fry: Monsieur le Président, nous recommandons de remplacer l'expression «génocide arménien» par «tragédie arménienne qui causa la perte de quelque 1,5 million de vies». Le terme «génocide» a un sens très précis. Nous sommes d'avis qu'il n'y a pas lieu de l'employer dans ce cas-ci. Nous faisons simplement état de la mort de 1,5 million de personnes. Nous appuyons la motion, tout en élargissant sa portée.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, ce que nous avons entendu fait partie du problème que nous éprouvons à la Chambre lorsqu'on joue sur les mots et qu'on ne dit pas ce qu'on veut dire. À plusieurs occasions, j'ai eu raison de déplorer ce genre de chose et d'en être contrarié. De toute évidence, nous nous opposons tous au génocide et au massacre planifié de gens par leurs gouvernements ou d'autres gouvernements. Nous devons le déclarer clairement à toute l'humanité.

Je me réjouis de traiter de la motion condamnant le génocide en tant qu'instrument de politique nationale. Bien que le libellé de l'amendement proposé pose quelques problèmes, je vais y proposer au moins un sous-amendement au terme de mon exposé.

En tant que porte-parole du Parti réformiste en matière d'affaires étrangères, je suis heureux de dire que j'appuierai la motion avec les amendements. Il est important que nous laissions clairement savoir au monde ce que nous pensons de ces actes.

Lorsque nous avons reçu la motion hier, il était difficile de décider comment l'aborder. À bien des égards, il s'agit d'une question incontestable. Nous nous opposons tous au génocide. J'ai l'intention, ce matin, de tenter d'exposer mon approche et celle de mon parti sur cette question et d'y apporter un peu plus d'humanité et de compréhension.

Le génocide frappe au coeur même de l'humanité. C'est le genre de chose qui nous fait frémir, peu importe où elle se passe dans le monde. Lorsqu'un gouvernement ou un groupe essaie de faire disparaître un peuple par des moyens violents pour parvenir égoïstement à ses fins politiques, toute l'humanité s'en trouve diminuée et en souffre.

(1200)

Ceux qui ont commis un génocide tentent souvent de blâmer les victimes ou de nier la réalité, mais il faut se souvenir de la vérité. Pour honorer la mémoire des victimes, nous devons rappeler à nos


1821

enfants ce qui est arrivé. Nous ne devons pas laisser mourir ces souvenirs. Espérons qu'ils permettront d'éviter d'autres atrocités à l'avenir.

Il est un cliché, mais aussi la vérité, de dire que ceux qui ne tirent pas d'enseignements de l'histoire la répéteront forcément. Cette vérité nous a hantés à la Chambre des communes ces dernières années, lorsque nous avons regardé avec horreur des centaines de milliers, sinon des millions de gens, se faire massacrer dans des endroits comme le Rwanda et l'ancienne Yougoslavie.

Ce qui est le plus triste dans ces récents génocides, c'est le fait que dans 100 ans d'ici, les historiens les considéreront probablement comme seulement deux d'une longue série de génocides qui ont eu lieu au cours du siècle. Le pire dans tout cela, c'est qu'il y a eu tellement de massacres au cours du siècle qu'il est difficile de tenir compte de chacun d'eux. L'avenir augure mal pour ce qui est d'y mettre un terme, même si nous affirmons que celui-ci doit être le dernier.

Il y a le génocide arménien dont cette motion parle. Il y a également l'Holocauste, le génocide des juifs par les nazis. Il faut parler également des purges de Staline, des événements de Nanking, en Chine, des massacres perpétrés au Timor oriental, de la disparition en Amérique centrale et en Amérique du Sud de nombreuses personnes, les massacres tribaux au Burundi, de la famine organisée par le gouvernement en Éthiopie, etc. Comme je l'ai dit au début, cela nous touche tous, en tant qu'êtres humains vivant sur cette planète.

Toutes ces situations sont des catastrophes humaines aux proportions épiques, mais elles sont réduites à des événements historiques sans importance, car elles sont si nombreuses. C'est pourquoi je crois que la Chambre devrait se prononcer en faveur de la motion qui sert à nous rappeler les événements et nous aide à demeurer vigilants, à ne pas oublier les leçons de l'histoire.

La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui ne coûte rien, mais elle montre bien que la Chambre n'est pas indifférente aux génocides, que les députés préfèrent s'élever contre ces événements, plutôt que de rester perpétuellement assis dans un silence inconfortable en attendant la prochaine catastrophe.

Quelques députés feront aujourd'hui des discours qui porteront précisément sur le génocide des Arméniens au début du siècle. Je voudrais leur apporter mon appui, mais je dois leur dire que je ne connais pas beaucoup l'histoire arménienne et que je vais donc laisser à mes collègues le soin d'aborder cette question. Je vais parler de plusieurs autres questions qui sont reliées aux génocides et avec lesquelles je suis plus familier.

Il est évident que nous pourrions remonter à la Seconde Guerre mondiale et à l'Holocauste. C'est incroyable que certaines personnes affirment que cela ne s'est jamais produit. C'est pourtant arrivé. Ç'aurait dû être une très bonne leçon à tirer de l'histoire, mais malheureusement, cela n'a pas été le cas. Les juifs de l'Europe ont souffert pendant des siècles des préjugés et de l'intolérance, mais la montée d'Hitler a porté la haine des juifs à son paroxysme.

Sous les nazis, les juifs sont devenus responsables de tous les maux de la société. La haine des juifs est devenue une force unificatrice et la propagande nazie a systématiquement déshumanisé les juifs au point que leur extermination, cette idée monstrueuse au départ, est devenue une solution finale aux problèmes de l'Allemagne.

Le recours à la propagande et aux médias pour déshumaniser et discréditer les gens qui ont été massacrés par la suite est malheureusement une tradition dans l'histoire de l'humanité. C'est donc la première leçon à tirer. On peut appeler cela le facteur CNN. L'utilisation de la télévision, des communications est, de nos jours, un élément important des stratégies de nombreux groupes terroristes. Nous en avons eu un exemple la semaine dernière. Nous devons en être conscients. Il faut se rappeler que les médias peuvent servir à semer la haine et qu'on doit surveiller les idées qu'ils propagent au Canada et partout dans le monde.

(1205)

Nous devons établir des normes pour que la communauté internationale obtienne toujours les deux côtés d'un incident, et non seulement la version que les journalistes du réseau CNN veulent bien présenter. Nous devons nous opposer à la manipulation des médias par diverses puissances. Je suis certain que les groupes terroristes observent un programme de formation qui suppose le recours aux médias. Nous devons en être conscients et veiller à obtenir les deux côtés de tout incident.

De plus, l'Holocauste des juifs nous a aussi appris à nous méfier de l'indifférence de la communauté internationale. Dans leurs tentatives désespérées pour s'enfuir, les juifs européens ont constaté que de nombreux pays leur fermaient la porte. Non seulement cela, mais la communauté internationale se montrait conciliante envers l'Allemagne et se pliait constamment à ses politiques de plus en plus scandaleuses. Cette attitude a donné l'impression que la communauté approuvait silencieusement les mesures prises par l'Allemagne, impression qui s'est révélée fatale pour plus de six millions de juifs.

Il est évident que la communauté internationale ne pourra jamais plus garder le silence si jamais de tels outrages se présentaient de nouveau. Nous devons être vigilants, dénoncer de telles situations et sévir contre elles au besoin.

Je voudrais maintenant citer deux ou trois exemples récents de génocides. Je vais commencer par l'ex-Yougoslavie, je dirai ensuite quelques mots sur le Rwanda et je terminerai en traitant d'une façon générale de l'acte même que représente le génocide.

Le vice-président: Le député voudra bien excuser mon interruption, mais il a dit qu'il voulait présenter un sous-amendement. Je pourrais probablement l'aider en l'informant de la décision que la présidence a rendu concernant l'amendement précédent. Avec sa permission, je voudrais lire cette décision maintenant.

L'amendement proposé par le secrétaire d'État est recevable. Par conséquent, lorsque le député de Red Deer voudra proposer un sous-amendement, il voudra peut-être tenir compte du fait que la présidence a jugé l'amendement recevable.

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, cela clarifie ce que je ferai à la fin de mon exposé.

Je voudrais évoquer deux ou trois exemples. Je choisirai des exemples récents que les députés à la Chambre connaissent bien et qui ont rapport avec la motion touchant la question arménienne.


1822

Quand on pense à l'ex-Yougoslavie, les députés n'ont certainement pas besoin d'une leçon d'histoire sur certains des problèmes liés à ces événements. Il y a cependant quelques faits que nous devons mettre en lumière pour savoir exactement ce qui s'est passé.

Il est juste de dire, dans une évaluation impartiale, espérons-le, de la situation, qu'il n'y a aucun côté qui ait raison ou qui ait tort. Il se produit beaucoup d'injustices, et il n'est pas possible de distinguer les bons des méchants. C'est un gros problème qui se pose dans la situation actuelle d'après-guerre froide.

Il est souvent plus facile pour les membres de la communauté mondiale de ne pas réagir pendant que ces injustices se produisent. J'ai dit que les médias jouent un rôle important en propageant et parfois en formulant des idées dans notre société qui sont incorrectes.

Nous devons également reconnaître que l'ex-Yougoslavie était en proie à une guerre civile. Ce n'est pas comme la guerre du Golfe. Les guerres civiles diffèrent de celles où un pays agresseur en attaque un autre. Nous devons toujours le reconnaître en examinant les faits. Nous devons tenir compte des forces extérieures qui entrent en jeu quand de tels actes de génocide se produisent. Nous devons également toujours comprendre l'histoire et remonter aussi loin qu'il faut en arrière pour comprendre la nature du problème.

Quand nous examinons le problème yougoslave, il nous faut remonter au moins 1 300 ans en arrière et même à l'époque des Grecs et des Romains.

(1210)

On peut remonter au VIe siècle et à l'avancée des tribus slaves dans cette région. On peut étudier l'influence de Rome et de Constantinople, des Églises catholique et orthodoxe au Xe siècle, l'expansion musulmane au XIVe siècle. Nous commençons à distinguer clairement les effets non seulement des peuples, mais aussi des forces extérieures qui agissaient.

Il faut aussi tenir compte des divers modes de gouvernement. Le règne musulman, au XVe siècle, n'a rien eu de particulièrement réjouissant. L'empire turc, à nos yeux et même aux yeux de n'importe qui, avait une manière assez brutale de diriger.

À une époque plus récente, nous constatons l'influence du Traité de Berlin, en 1878. Il faut aussi tenir compte des alliances qui se sont nouées à la fin de la Première Guerre mondiale. Il faut ensuite examiner ce qui s'est passé entre les deux grandes guerres, puis à la Seconde Guerre mondiale. Il y a eu des alliances entre Hitler et la Croatie, et 400 000 Serbes qui vivaient en Croatie ont été massacrés. Ils ont été massacrés à cause d'influences extérieures. Ils ont été massacrés pour toutes sortes de raisons.

Puis, c'est l'ère de Tito, qui a dirigé la Yougoslavie avec une poigne de fer de 1945 à sa mort, en 1980. Le pays était composé de six républiques, et nous devons comprendre l'histoire de chacune pour voir pourquoi elles ont vécu dans une sorte de paix.

En 1991, lorsque les Croates et les Slovènes ont déclaré leur indépendance, une situation qui n'est pas différente de celle du Québec qui se déclarerait indépendant du Canada, nous pouvons constater les terribles tensions qui se sont exercées sur les républiques membres de ce pays.

Peu importe ce que nous dit l'histoire, cependant, peu importe ce que nous dit la politique, le génocide n'est jamais acceptable. Les pays et les peuples du monde doivent trouver le moyen de régler leurs problèmes sans recourir à des extrêmes pareilles. Cela doit être dit bien haut et clair par des pays comme le nôtre et par les Nations Unies. Il est urgent de moderniser l'ONU et de la rendre efficace afin qu'elle puisse résoudre ces questions.

S'il y a une chose que nous pouvons nous reprocher et reprocher à la communauté internationale, c'est l'incapacité ou le manque de volonté, ou peu importe, de moderniser une organisation cinquantenaire qui ne peut pas résoudre aujourd'hui ses problèmes parce qu'elle est trop hiérarchisée et trop lourde, qu'elle manque de fonds et d'efficacité, etc. Nous devons résoudre ce problème, car c'est notre problème. Il y aura d'autres génocides dans d'autres pays si nous ne veillons pas à ce que l'ONU puisse réagir vraiment, efficacement et promptement. Cela nous préoccupe tous et c'est ce que nous souhaitons tous pour l'ONU. Il nous faut un plan. Il faut faire quelque chose. Nous, parlementaires, devons exiger que le Canada joue un rôle de premier plan.

Je vais passer au problème du Rwanda. Je sais que les députés d'en face ont déjà entendu mon discours sur le Rwanda. Je n'ai pas l'intention de le répéter en entier, mais je crois qu'il fait ressortir quelque chose de très évident pour tout le monde. Le Rwanda a été le théâtre d'un génocide incroyable. Nous nous en souvenons tous. Nous en avons été les spectateurs grâce à CNN.

En 1985, j'étais l'une des 20 personnes à bord d'un 747 d'Air France à destination de Kigali, la capitale du Rwanda. Seuls mon épouse et moi-même sommes descendus. Les autres nous ont souhaité: «Bonne chance!» Je n'ai pas très bien compris pourquoi, mais nous avions atterri dans la jungle, semble-t-il, et l'avion est reparti. Puis, des gardes armés nous ont encerclés et nous sommes passés par le service de l'immigration. Bien sûr, tous nos documents et certificats médicaux étaient en ordre.

(1215)

En nous éloignant de l'aéroport, nous sommes entrés dans une campagne magnifique, une campagne qui ressemble beaucoup à celle que l'on peut voir en Belgique.

Comme il ne me reste que deux minutes, je voudrais proposer un sous-amendement. Je propose:

Que l'amendement soit modifié par l'ajout, après le mot «tragédie» de mots «du génocide».
Il serait ainsi question de la «tragédie du génocide».

En nous promenant dans les campagnes, nous avons vu des marchés. Nous avons passé près d'un mois dans ce pays. Nous sommes allés dans des villages, nous avons voyagé avec un Rwandais qui nous a présenté ses parents et sa famille. Dans les marchés,


1823

nous avons vu le sel et les ustensiles. Nous avons vu du troc. Certaines personnes marchaient 20 ou 30 milles pour se rendre au marché.

Nous avons visité les plantations de théiers que la Chine a établies. Nous avons vu les hôtels et certaines infrastructures que les Belges et les Français ont construits. Petit à petit, alors que nous découvrions ce pays, on nous a fait certaines mises en garde. Les représentants des ONG nous ont dit qu'il y avait des troubles. L'Église, les soldats français et les Nations Unies disaient aussi la même chose.

Maintenant, c'est plus fort que moi, je me demande si c'était comme cela durant les années 30, quand les gens savaient que quelque chose clochait en Allemagne.

De toute évidence, le génocide est un sujet dont nous devons tous parler. Nous devons le faire par l'intermédiaire des Nations Unies et du Parlement. C'est un sujet qui fait l'unanimité de tous.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La présidence tient à signaler que le sous-amendement présenté par le député de Red Deer est recevable et accepté.

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le député de son sous-amendement et de sa vigilance.

Comme il fallait s'y attendre, le gouvernement a changé le mot «génocide» par le mot «tragédie». Cela est inacceptable pour nous. Ce n'est pas acceptable dans l'optique de la motion.

Je remercie le député, mais j'ai remarqué qu'il s'est peut-être absenté pendant quelques minutes. Il pourrait peut-être prolonger son discours et nous parler un peu des droits de la personne.

M. Mills (Red Deer): Madame la Présidente, je prévoyais de conclure mon intervention en posant les questions que, à mon sens, la communauté internationale doit poser, notamment en ce qui concerne le Rwanda et l'ex-Yougoslavie. Je suis certain que, il y a fort longtemps, elles auraient pu s'appliquer à l'Allemagne ou à l'Arménie.

Quel niveau d'intervention aurait-il fallu pour prévenir ce genre de tragédies? Il faut poser la question. Dans le cas du Rwanda, dans une très faible mesure. Dans l'ancienne Yougoslavie, sans doute davantage. C'est ce qu'on voit sans doute maintenant avec la force d'intervention militaire multinationale.

(1220)

Ensuite, qui aurait dû être responsable? Qui est responsable? Sommes-nous tous responsables? Je suis d'avis que nous sommes tous responsables, que c'est une question qui échappe à la politique partisane et que nous sommes responsables, en tant que communauté internationale.

En troisième lieu, cela se produira-t-il de nouveau? Hélas, je crois que la réponse est oui. Nous devons nous attaquer au problème. J'ai proposé que les Nations Unies étaient certainement une avenue.

Quelles pressions externes sont à l'origine de ces tragédies? Et si les pressions externes n'avaient pas été entièrement la cause de ces problèmes? Je connais mieux le cas du Rwanda. Si l'influence coloniale des Belges et des Français ne s'était pas fait sentir, que serait-il arrivé? Peut-être que cela nous fait remonter à des événements indépendants de notre volonté, mais nous devons poser ces questions et trouver des réponses pour mieux préparer l'avenir. Nous devons étudier l'histoire, notre passé, pour comprendre l'avenir. C'est essentiel dans toute cette affaire.

Je remercie le député de m'avoir donné l'occasion de terminer mes observations.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans ce débat portant sur cette triste question des génocides, évidemment pas seulement celui de l'Arménie, mais ceux qui se sont produits ailleurs et qui continuent de se produire.

J'écoutais tout à l'heure le député précédent qui disait que cette question devait tous nous concerner. Je pense qu'il a parfaitement raison. Au fond, c'est une question des droits de la personne que nous posons aujourd'hui et, oui, elle doit concerner tout le monde.

En tant que représentant du Bloc québécois, j'ai été particulièrement heureux de savoir que le chef de l'opposition, ce matin, a voulu lui-même prononcer le premier discours en cette Chambre portant sur cette motion. Je crois qu'il est important qu'un chef de parti prenne position et indique, sur une question aussi importante, comment il se situe par rapport à cela.

La semaine dernière, j'assistais, avec d'autres collègues de tous les partis, à une rencontre portant sur l'aide publique au développement. Des représentants d'organismes non gouvernementaux souhaitaient et espéraient encore, après deux ans et demi de présence en Chambre du Parti libéral, après deux ans et demi de gouvernement du Parti libéral, que le premier ministre du Canada prononce enfin ce premier discours sur cette grande question des droits de la personne. Mais le premier ministre ne prononcera pas de grands discours sur la question des droits de la personne, il nous l'a très clairement indiqué au moment de la première tournée d'Équipe Canada en Asie.

En effet, le premier ministre a dit ceci: «Je pourrais faire un discours fracassant à ce sujet et faire les manchettes, mais je préfère ouvrir des marchés, faire du commerce. Les murs finiront par tomber.» Le problème, c'est qu'il n'a pas donné d'échéancier. Est-ce que ça prendra 50 ans avant que les murs tombent?

Par ces paroles, il est évident que l'actuel gouvernement n'accorde aucune importance à cette grande question des droits de la personne. Pourtant, pour aborder la question de la pauvreté dans le monde, il faut passer par la notion de développement durable. Or, la notion de développement durable inclut ces grandes questions du développement démocratique; elle inclut la grande question de la participation des populations à leur propre développement; elle inclut la question des droits de la personne. Nous n'allons nulle part si nous pensons faire progresser la situation des pays en développement si nous n'introduisons pas la notion de développement durable et si nous n'accordons pas à la question des droits de la personne, à la question du développement démocratique, toute l'importance qu'elle devrait avoir.

(1225)

Je suis convaincu que depuis ce matin, on a fait mention des drames qu'ont vécus les Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale. Je suis certain qu'on a également parlé du Cambodge, alors que des centaines de milliers, pour ne pas dire des millions de Cambodgiens ont été victimes des Khmers rouges.


1824

On n'a peut-être pas suffisamment parlé du Soudan, ce pays d'Afrique oublié qui, depuis dix ans, vit une guerre impitoyable du Nord contre le Sud. Jusqu'à maintenant, on a éliminé plus d'un million de personnes. Pourtant, on n'a pas parlé du Soudan.

On a parlé bien sûr de l'ex-Yougoslavie et de l'épuration ethnique qu'il y a eu là. Le député précédent parlait du Rwanda, des massacres qui ont eu lieu là-bas. Malheureusement, l'histoire se répète et nous n'apprenons pas.

Au sortir de la dernière guerre, les chefs d'État qui étaient réunis à San Francisco pour donner naissance aux Nations Unies ont dit: «Plus jamais la guerre.» Je ne doute pas qu'ils étaient sincères. Cependant, la guerre continue d'être un fléau absolument incroyable.

Reliée à cette grande question des génocides et des droits de la personnes, je pense qu'il y a une réalité qu'on contourne trop facilement, c'est cette grande question de l'impunité. Pourquoi les génocides se répètent-ils de décennie en décennie? Je pense que l'un des motifs qui explique cette réalité-là est que la communauté internationale n'a pas trouvé de moyen efficace pour punir les responsables de ces génocides.

Au cours des trois ou quatre dernière années, on a assisté à la même chose en Haïti. On sait que 3 000 ou 4 000 personnes ont été tuées. Or, qu'est-ce qu'on a fait avec le général Cédras? On lui a bourré les poches d'argent et on lui a dit: «Vous pouvez quitter, impuni.» Précédemment, sous le régime Duvalier, c'était la même chose. Pendant des années et des années, une dictature a imposé la torture au peuple d'Haïti. Mais à un moment donné, ces gens-là s'en vont et il n'y a pas de conséquence.

En ex-Yougoslavie, on voit les responsables de l'épuration ethnique qui en sont à se pavaner devant les télévisions, et la communauté internationale semble incapable de faire quoi que ce soit.

Ce qui est le plus triste, c'est que cela ne s'arrête jamais. Il y a d'autres foyers et ce qui est particulièrement dommage, c'est que le Canada entretient des relations avec ces pays où on permet et où on utilise la torture. Pensons à la Chine où, systématiquement, les droits de la personne sont violés, où il y a des restrictions à la liberté d'expression: on muselle les dissidents politiques, on attaque les défenseurs des droits de la personne, etc.

Pensons au Nigeria, où on élimine les dissidents. On les élimine, avec une petite nuance. Dans le cas du Nigeria, parce que c'est un pays qui n'est pas tellement fort, le Canada va peut-être essayer d'initier des mesures économiques contre le Nigeria. Le fera-t-on contre la Chine? Le fera-t-on contre l'Indonésie? Le fera-t-on contre le Vietnam? Il y a un double langage, de beaux discours où on parle un petit peu des droits de la personne.

Je recevais dernièrement du ministre de la Coopération internationale un document sur la façon dont l'ACDI entend faire la promotion des droits de la personne. On dit: «Renforcer le rôle et les capacités de la société civile, de manière à accroître la participation de la population à la prise de décisions. Consolider les institutions démocratiques. Accroître les compétences du secteur public. Améliorer les capacités des organisations qui ont pour fonction de protéger les droits de la personne et d'en faire la promotion. Inciter les dirigeants à respecter davantage les droits de la personne, à gouverner de manière démocratique et à gérer efficacement les affaires publiques.»

Pendant qu'on fait ces discours, pendant qu'on écrit ces beaux textes, le gouvernement canadien, par sa politique étrangère, ne frappe qu'un seul clou et toujours le même: les relations commerciales. Les relations commerciales sont plus importantes que n'importe quoi.

Je rappelle encore ici le pénible cas de Tran Trieu Quan, un citoyen de ma circonscription, qui s'est lancé dans le fil conducteur de la politique étrangère du Canada. Il a tenté de faire du commerce avec le Vietnam et se retrouve en prison depuis deux ans. Le gouvernement canadien se dit incapable de faire quoi que ce soit. Le gouvernement canadien utilise les programmes d'aide au développement non pas pour faire la promotion et la défense des droits de la personne et la promotion du développement économique, mais pour faire la promotion des relations commerciales. Ainsi, on accorde à des pays comme le Vietnam des programmes d'aide, une soixantaine de millions sur quelques années, non pas pour protéger les droits de la personne, mais en espérant qu'en faisant cela, nous ouvrirons des portes au commerce alors qu'on devrait et qu'on pourrait se servir des budgets de l'aide pour faire la promotion et travailler à la défense des droits de la personne à travers le monde.

(1230)

C'est extrêmement décevant que la politique étrangère du Canada ait si facilement renoncé à ce qui a fait la gloire du Canada. Qu'est-ce qui a fait la gloire du Canada? Les programmes d'aide au développement, les missions de paix et la défense des droits de la personne. Le gouvernement a simplement baissé les bras.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, tout à l'heure, lorsqu'il a parlé d'un monument devant être érigé à Montréal, le député d'Ahuntsic a dit que le gouvernement fédéral, qui n'approuvait pas ce monument, était intervenu dans le dossier.

Le député a peut-être une chance de corriger la situation et de nous dire si le premier ministre du Québec, l'ancien chef de son parti, érigera ce monument et s'entendra avec son collègue, le maire de Montréal, à ce sujet. Le député prend-il cet engagement ici aujourd'hui?

[Français]

M. Paré: Madame la Présidente, c'est amusant de voir l'habileté consommée qu'ont développée les députés d'en face chaque fois qu'ils sont coincés par une question délicate à propos de laquelle leur gouvernement refuse de prendre position. Chaque fois, ils ont développé une espèce de réflexe inné de dire: «Pourquoi le gouvernement du Québec, lui, ne ferait-il pas quelque chose?»

Nous sommes ici à la Chambre des communes, à ce que je sache. Pourquoi faudrait-il toujours que tous les modèles d'intervention viennent du Québec? Est-ce que cette Chambre, est-ce que ce gouvernement n'est pas capable de temps à autre de tracer la voie et d'indiquer les voies à suivre? Mais non, c'est toujours le même vieux réflexe, toujours le même réflexe, il faut que ce soit le gouvernement du Québec.

Si le gouvernement du Québec ne s'implique pas sur une question délicate, on vient de justifier l'inaction, l'inertie de leur propre gouvernement. C'est proprement honteux.


1825

[Traduction]

M. Assadourian: Madame la Présidente, je veux simplement donner au député la possibilité de corriger la situation et d'engager l'argent qu'il faut pour réaliser ses projets. Je suis désolé de dire que les paroles de nos vis-à-vis ne valent pas grand-chose.

Il y a quelques années, le Québec a adopté une résolution condamnant le génocide. Le premier ministre du Québec devait, il y a quelques mois de cela, ériger le monument à Québec ou à Montréal, peu importe où, pourvu qu'il soit érigé dans la province de Québec. Ce monument ne doit pas nécessairement se trouver à Montréal.

Pourquoi le député ne s'engage-t-il pas à parler au premier ministre pour obtenir l'assurance que le monument sera érigé quelque part au Québec, au nom de tous les Québécois? Ce serait là un exemple pour nous tous. Peut-être, après cela, pourrions-nous ériger un monument à Ottawa au nom de tous les Canadiens?

[Français]

M. Paré: Madame la Présidente, à entendre le député de Don Valley-Nord, je présume qu'il s'apprête à déménager au Québec pour pouvoir se faire élire et influencer le gouvernement du Québec. Ça semble être sa seule zone d'intervention.

Le gouvernement du Québec a déjà adopté une résolution comme celle qu'on essaie de faire adopter en cette Chambre. Le gouvernement du Québec n'a pas de leçon à recevoir, surtout pas du Parti libéral. On essaie de voir aujourd'hui si le Parti libéral, si le gouvernement libéral acceptera de reconnaître l'histoire et de s'engager sans toujours chercher des faux-fuyants et de voir si quelqu'un d'autre ne pourrait pas intervenir à sa place. C'est dans leur camp aujourd'hui, et j'espère qu'ils appuieront la motion.

(1235)

J'espère qu'ils voteront dans le sens de la reconnaissance du drame qui est arrivé aux Arméniens.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, j'ai presque les larmes aux yeux en voyant la façon dont les députés de l'opposition défendent maintenant les droits d'une communauté ethnique au Québec. J'en ai presque les larmes aux yeux, car, pendant la campagne référendaire récente, des leaders qu'ils appuient et qu'ils défendent ont dit que s'ils avaient perdu le référendum, c'était à cause des ethnies et des riches de la province de Québec.

À ce jour, l'ancien leader de l'opposition officielle, M. Bouchard, ne s'est quand même pas éloigné de ces paroles. Je trouve curieux qu'ils soient aujourd'hui les grands défenseurs de la communauté arménienne.

S'il y a une preuve bien vivante ici dans cette Chambre d'un représentant de la communauté arménienne qui défend cette communauté arménienne, c'est certainement mon collègue de Don Valley-Nord ici présent, qui a également présenté une résolution dans cette Chambre visant à continuer de défendre les intérêts de ce peuple.

C'est ce gouvernement qui défend les intérêts. Et j'ajoute qu'il est curieux qu'un parti qui a quand même dans son mandat de détruire ce pays tente de nous donner des leçons de droits humains dans ce pays.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Madame la Présidente, le 24 avril marquera cette année le 81e anniversaire du génocide arménien survenu en 1915 pendant la Première Guerre mondiale. Bien triste anniversaire s'il en est. Ce premier génocide du XXe siècle, qui sera suivi malheureusement de plusieurs autres, reste encore aujourd'hui non reconnu par le gouvernement canadien. J'interviens donc en appui à cette motion visant à reconnaître la semaine du 20 au 27 avril comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.

J'en profite également pour saluer et accorder toute ma sympathie au peuple arménien, et plus particulièrement aux quelque 1 540 familles de la communauté arménienne de Laval, qui a trouvé au Québec une terre d'accueil où il participe et contribue au développement de la société québécoise.

Le 24 avril 1915 débutait le génocide du peuple arménien par le gouvernement turc. En ce jour fatidique, cet épisode de l'histoire devait se conclure par la mort de plus d'un million de personnes et par la déportation de milliers d'autres. Ce devait être le premier d'une série de génocides perpétrés contre les peuples, car un peuple qui revendique le droit d'exister encourt le risque d'être massacré. À preuve, l'holocauste des Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale, les massacres récents au Rwanda et au Burundi et évidemment, la situation en Bosnie. Ce sont autant d'exemples qui démontrent le risque qu'il y a toujours, encore au XXe siècle, à oser s'affirmer comme peuple.

Tous ces événements sont là pour nous rappeler que les États, trop souvent, usent de la force et de la violence pour réprimer les causes qu'ils ne partagent pas.

Comme je l'ai souligné plus tôt, le génocide du peuple arménien s'est soldé par 1,5 million de morts et par plus de 500 000 déportés. Non seulement le gouvernement turc a-t-il presque totalement usurpé le territoire arménien, mais il n'a pas hésité à détruire nombre d'établissements religieux et scolaires. Ce sont donc les structures mêmes de la communauté arménienne qui ont été détruites. Les droits des arméniens ont été complètement déniés, le but étant d'éliminer cette population considérée hostile à la Turquie.

Le temps est souvent porteur d'oublis, mais jamais la démocratie ne doit cautionner la négation de la vérité. Ce premier génocide du XXe siècle était et est toujours un crime contre l'humanité et la civilisation. L'Organisation des Nations Unies déclarait d'ailleurs, dans une résolution adoptée le 26 novembre 1968 et portant le numéro 2391, que «le génocide était un crime contre l'humanité, et que ce crime est imprescriptible, indépendamment de la date ou du lieu où il a été commis.»


1826

(1240)

À l'époque, évidemment, l'ONU n'existait pas: aucun pays n'a osé alors dénoncer clairement le génocide arménien, aucun État n'a demandé à la Turquie d'assumer l'odieux de ses actes.

Aujourd'hui, au sein d'un Parlement reconnu internationalement pour son respect de la démocratie et qui n'hésite pas à se proclamer défenseur des droits de la personne, nous avons ensemble l'occasion d'adopter une motion de reconnaissance du génocide arménien et de se rappeler les autres génocides survenus depuis dans l'histoire de l'humanité. Il est du devoir de la Communauté internationale et du Parlement de dénoncer clairement de tels gestes, afin que cesse la violence entre les peuples.

La Communauté internationale a unanimement dénoncé le régime nazi d'Adolf Hitler à la suite de l'holocauste du peuple juif. Un tribunal international, celui de Nuremberg, a jugé les criminels de guerre relativement aux crimes commis contre l'humanité et la civilisation.

Le génocide arménien, lui, reste impuni. Pourtant, il est sans conteste un fait historique indéniable. Certains États ont d'ailleurs reconnu ce génocide. Ainsi, le 10 avril 1980, l'Assemblée nationale du Québec adoptait à l'unanimité une résolution condamnant le génocide arménien. L'Assemblée législative de l'Ontario fit de même en 1980 également.

Depuis 1980, depuis 16 ans, près des deux tiers de la population canadienne reconnaît clairement le génocide dont a été victime le peuple arménien. Ce que nous demandons au gouvernement du Canada, c'est de reconnaître aujourd'hui la vérité, toute cruelle qu'elle soit.

En condamnant le génocide arménien par une résolution adoptée en 1987, le Parlement européen mentionnait que: «[. . .] le refus de l'actuel gouvernement turc de reconnaître le génocide et d'autres violations plus récentes du droit international par ce pays constitue des obstacles incontournables à l'examen d'une éventuelle adhésion de la Turquie à la communauté européenne.»

Comment expliquer que ce qui semble clair pour la Communauté internationale ne le soit pas pour le gouvernement canadien? Qu'attend ce gouvernement pour reconnaître et condamner ce fait historique qu'est le génocide arménien?

Aujourd'hui, nous commémorons le 81e anniversaire du génocide. Le temps est un bien mauvais allié pour justifier un refus de prendre position et de condamner ce geste. Bien au contraire, la reconnaissance du génocide par les États de la Communauté internationale fait en sorte de démontrer que de tels agissements sont inacceptables et que jamais dans l'avenir le silence ne servira de cautions à d'autres génocides. Le Canada se positionne comme un défenseur de la démocratie et des droits humains. Il doit condamner ce génocide comme il a condamné l'holocauste juif.

Finalement, je me dois de rappeler que le Canada a signé, le 2 novembre 1948, la Convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide et que cette convention est en vigueur depuis le 2 décembre 1950. Le crime de génocide étant un crime imprescriptible, il n'est pas trop tard pour le gouvernement canadien de rejoindre les autres États qui ont dénoncé le génocide arménien et d'être conséquent avec ses positions antérieures en respectant cette Convention internationale dont il est partie prenante.

La promotion et la protection des droits humains universellement reconnus doit être notre principale motivation dans le débat sur cette motion. Les intérêts économiques ne doivent pas dicter notre ligne de conduite quant au respect des droits humains fondamentaux. En adoptant cette motion, la Chambre démontrera qu'elle accorde un appui inébranlable au respect des droits de la personne et des peuples.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais faire un commentaire à la suite des propos soulevés par ma collègue, mais surtout lui poser une question. Je vais intervenir dans quelques minutes sur le même débat et j'aurai l'occasion d'expliquer mon point de vue.

Effectivement, je pense que l'opposition officielle joue son rôle comme il se doit en soumettant à la Chambre ce genre de motion qui, en fait, et j'expliquerai davantage ce point de vue dans quelques minutes, nous permet de voir le côté très questionnable dans la gestion du gouvernement par rapport à son attitude quant au commerce international.

(1245)

C'est sur ce propos-là que j'aimerais entendre ma collègue nous expliquer davantage son point de vue. Est-ce que maintenant que nous en sommes à l'heure du commerce international, des accords internationaux, nous devons privilégier le commerce au détriment des droits de la personne? Je connais son point de vue, mais j'aimerais qu'elle élabore davantage là-dessus.

Si ce n'est pas le cas, comment devons-nous concilier commerce international et droits de la personne?

Mme Dalphond-Guiral: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question. C'est tout un débat de société que le député de Mégantic-Compton-Stanstead pose. Comment choisir entre l'économie, qui est essentielle au bien-être de nos sociétés, et les droits de la personne qui sont aussi essentiels au respect que nous méritons à titre de personnes et que tous les êtres humains méritent?

Je pense que c'est une décision qui doit être réfléchie. Il y a une chose qui est fondamentale: quand un être humain n'est pas respecté, il devient de moins en moins un être humain quelque part. Lorsqu'on dit que l'emploi, c'est important, c'est vrai; quand on dit qu'il faut que les gens mangent, c'est vrai; quand on dit qu'il faut que les gens aient tout ce dont ils ont besoin, c'est vrai. C'est vrai dans nos sociétés, c'est vrai dans les pays en développement où quelquefois les droits humains sont vraiment en situation fort difficile.

Il faut se poser la question: Qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce que c'est de garder l'être humain dans ce qui le distingue, donc sa fierté, sa réalité, comme constituant d'une société, ou si


1827

c'est finalement de le détruire tranquillement en ne lui donnant que des biens de consommation?

Je sais que ce n'est pas facile. Je sais que c'est plus facile dans l'opposition de critiquer, mais je sais également que les problèmes difficiles doivent nécessairement passer par des solutions de partage. Dans ce contexte, ce que je demande au gouvernement canadien, c'est de prêter une oreille attentive, une oreille positive aux suggestions qui viennent de ce côté-ci de la Chambre. Ce n'est pas parce que cela vient de ce côté-ci que c'est nécessairement inutile et non avenu.

Je pense que c'est le débat auquel nous avons à faire face à l'aube du troisième millénaire et je crois sincèrement que le Canada devrait être un leader en ce qui touche les droits de la personne.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer au débat concernant cette très importante question. Je remercie le député d'Ahuntsic d'avoir abordé le sujet et je remercie les députés de ce côté-ci de la Chambre qui ont participé au débat. Mes collègues prendront également la parole cet après-midi.

Le 20 mars, j'ai informé la Chambre de mon intention de présenter de nouveau la motion que j'avais déposée l'an dernier. Ma lettre portait la date du 20 mars 1996, mais je n'ai pas encore reçu de réponse officielle au sujet du libellé de la résolution.

Cependant, l'année dernière, lorsque j'ai présenté ma motion, j'ai consulté de nombreux députés, dont celui qui a présenté la motion aujourd'hui. J'aurais espéré qu'il fasse preuve de la même courtoisie et me consulte, moi et les communautés intéressées, pour que la Chambre puisse être saisie d'une motion qui n'aurait pas été empreinte de sectarisme et qui aurait reçu l'appui de tous les partis. Je suis très déçu que le député ait eu recours à cette tactique de bas étage en faisant connaître ses intentions à la dernière minute, soit à 21 heures, dimanche.

Si j'avais été informé une semaine à l'avance, nous aurions pu participer à l'élaboration de la motion et en faire quelque chose de respectable dont tous les Canadiens auraient été fiers.

(1250)

J'espère que la Chambre fera la même chose l'an prochain. Les trois partis pourront joindre leurs efforts puisqu'il s'agit d'un sujet étranger à l'esprit de parti. Cette question ne concerne pas seulement le Bloc québécois, le Parti réformiste, le NPD ou les libéraux. Elle touche tout le monde au Canada, et j'irais même jusqu'à dire qu'elle concerne tous les habitants de la planète.

Je voudrais citer rapidement une lettre que le premier ministre a adressée à la communauté arménienne du Canada en fin de semaine dernière. Il dit:

Je suis heureux d'offrir mes salutations et mes meilleurs voeux à tous les membres de la communauté arménienne du Canada, à l'occasion du 81e anniversaire de la tragédie arménienne de 1915.
Le gouvernement et le peuple canadiens déplorent la disparition des nombreux Arméniens qui ont trouvé la mort dans une guerre qui a entraîné la chute de l'Empire Ottoman. Nous offrons nos condoléances à la communauté arménienne.
Le Canada a considérablement bénéficié de la venue de nombreux Arméniens sur ses rivages et leurs descendants continuent d'enrichir la société canadienne. J'espère de tout coeur que les souvenirs du passé nous aideront à nous rappeler l'importance de la tolérance et du respect pour la diversité, ainsi que notre attachement historique aux principes qui ont fait en sorte que le Canada est devenu une source d'espoir pour les peuples du monde entier.
Je vous prie d'agréer mes meilleurs voeux en cette occasion solennelle.
Je voudrais également faire part à la Chambre d'une partie du message envoyé par le sénateur Dole, candidat aux élections présidentielles américaines de novembre prochain. Le message porte la date du 22 avril et dit ceci:

Bien que le 24 avril ait été désigné pour commémorer cette traqédie, à l'occasion du génocide de 1915, un million et demi d'Arméniens ont été victimes d'une campagne d'extermination systématique dans le cadre de l'application d'une politique préconisant la déportation, la torture, la famine et l'hécatombe. Je me joins aux membres de la communauté arménienne des États-Unis pour pleurer la perte des disparus et rappeler les souffrances et les sacrifices des victimes de cette tragédie.
Cette question est très importante, notamment pour les Canadiens d'origine arménienne. Après tout, les Arméniens forment, avec les Kurdes, les Arabes, les Grecs, les Chypriotes et beaucoup de gens d'autres nationalités qui étaient alors assujettis à l'Empire Ottoman, une des minorités qui ont souffert en 1915.

Depuis lors, on dit, comme le veut le proverbe, «ne pas condamner le crime, c'est l'encourager». Beaucoup de crimes ont été commis, à commencer par l'holocauste, Chypre, le Burundi, le Cambodge, l'Afrique du Sud et le Rwanda. Il est important que nous désignons une semaine afin de commémorer tous ces crimes contre l'humanité.

Je suis sûr que tous les députés de la Chambre partagent cette préoccupation. La question est de savoir comment faire pour contenter tout le monde. C'est là où l'opposition a manqué. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'était pas très bien de faire de cette question une question partisane, plutôt qu'une question humanitaire, une question de droits de la personne.

Que faut-il faire? Les députés pourraient écrire personnellement au représentant du gouvernement turc à Ottawa ou demander à la Turquie de reconnaître le génocide, ce que d'autres pays feront, espérons-le, au cours des prochaines années, et de reconnaître aussi que le génocide ne paie pas. La Turquie doit reconnaître ses erreurs, comme l'Allemagne l'a fait, et commencer à négocier avec la République d'Arménie pour régler le problème. Je suis sûr qu'il faudra offrir un dédommagement pour régler la question. Cela nous aiderait à surmonter les difficultés que nous connaissons aujourd'hui.

En parlant des crimes nazis commis à Nuremberg, le juge américain Robert Jackson a dit: «Ces crimes-il parlait de l'holocauste-sont inacceptables.» L'une des raisons qui lui faisaient dire qu'ils étaient inacceptables n'était pas le nombre de victimes, mais plutôt le fait que des gens se soient réunis pour planifier ensemble l'extermination d'une nation.

C'est exactement ce qui s'est produit en 1915. Le cabinet a pris la décision de massacrer et de tuer tous les Arméniens vivant dans


1828

l'Empire ottoman. On a utilisé la Première Guerre mondiale comme prétexte. Magnifique excuse! Tout le monde avait une excuse pour tuer et pour éliminer des minorités, durant la guerre. On a donc attiré des sujets arméniens dans l'armée et on les a envoyés à l'étranger pour combattre les alliés. C'est alors qu'on leur a tiré dans le dos.

(1255)

D'autre part, des Arméniens se sont joints aux forces alliées. On les appelait les petits alliés. Ces Arméniens espéraient que, en faisant leur part auprès des alliés pour contrer la puissance centrale, ce qu'ils ont fait, l'Arménie obtiendrait son indépendance. L'Arménie a effectivement obtenu l'indépendance en 1918, mais ce bonheur devait être de courte durée en raison des politiques internationales.

À cette époque, les puissances occidentales ont recommencé à chercher à se faire du capital politique avec leur traitement de plusieurs enjeux fondamentaux pour les droits de la personne. J'en appelle de nouveau à mes collègues de l'opposition: il ne faut pas qu'ils se fassent de capital politique avec ce genre d'enjeux. Une telle façon d'agir rejaillit sur tout le monde et nuit à tous.

Je veux partager mon temps de parole avec ma collègue de Saint-Denis. Je terminerai en répétant ce que j'ai dit lorsque j'ai présenté la motion 282. À propos de ma visite à Der-zor, j'ai déclaré:

Aujourd'hui encore, il suffit d'enfouir la main dans six pouces de sable pour toucher des ossements et des restes humains. La rivière qui traverse Der-zor est un lieu historique pour les Canadiens d'origine arménienne et pour tous les Arméniens du monde, car elle a vu flotter des corps, comme on a pu en voir au Rwanda. Je me suis rendu à cet endroit, j'ai marché dans cette rivière et je me suis souvenu du passé, de l'année 1915.
Je terminerai par ces mots: À moins de tirer leçon du passé, nous sommes condamnés à le répéter. J'espère que tous les députés dénoncent unanimement le passé afin que jamais plus ne se produisent des massacres, des actes de discrimination et des génocides de la sorte.

[Français]

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Madame la Présidente, je laisserai de côté les considérations partisanes de part et d'autre pour rappeler l'action efficace du député par le passé au service de sa communauté et pour lui poser une question bien simple.

Je sais que la ligne de parti joue toujours, quelles que soient nos positions respectives, mais il a toujours été un défenseur de sa communauté.

Il a mentionné à plusieurs reprises dans son intervention que des intervenants d'autres pays ou d'autres députés ont mentionné le mot génocide. Ce matin, la proposition mentionnait spécifiquement le mot génocide en parlant des événements de 1915. L'amendement du gouvernement parlait de tragédie, alors que le sous-amendement du Parti réformiste propose à nouveau le mot génocide.

Je voudrais demander bien humblement au député s'il ne convient pas que pour parler des événements tragiques de 1915, il convient d'utiliser le mot génocide.

[Traduction]

M. Assadourian: Madame la Présidente, comme je l'ai déjà dit durant mon discours, il aurait mieux valu que le député me téléphone. Je ne suis pas du tout satisfait de sa façon de procéder, surtout dans un dossier comme celui-ci.

S'il avait communiqué avec moi, nous aurions pu formuler une politique ou rédiger un projet qui fasse l'unanimité. Je regrette de devoir répéter que ce n'est pas ce qu'il a fait. Voilà pourquoi nous sommes dans la situation actuelle. Non pas à cause de la politique gouvernementale, mais à cause de la façon de faire du Bloc québécois. Le Bloc québécois, le Parti réformiste et notre parti auraient pu collaborer pour présenter cette motion. Ça aurait été formidable et tous les partis auraient été satisfaits. C'est ce que nous souhaitons et c'est ce que j'ai fait l'année dernière. C'est aussi ce que j'avais l'intention de faire cette année. Je regrette que les choses ne se soient pas déroulées ainsi.

[Français]

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, j'aimerais commencer en félicitant les représentants de la communauté arménienne et tous les Canadiens d'origine arménienne avec qui j'ai eu le plaisir de travailler depuis des années et que j'ai aujourd'hui aussi le plaisir de représenter, du moins une partie de cette communauté, dans cette Chambre des communes.

(1300)

J'aimerais aussi féliciter mon collègue de Don Valley-Nord, membre de cette communauté et du gouvernement libéral, pour son travail exceptionnel et continu dans ce dossier. Et je déplore comme lui qu'un député du Bloc ait joué avec les sentiments d'une communauté et ait décidé d'annoncer le dépôt de cette motion avant même, par respect, de l'avoir présentée à la Chambre.

Le XXe siècle a vu naître deux guerres mondiales ainsi qu'une multitude de conflits historiques. Malgré cela, les crimes contre l'humanité ne sont pas une atrocité du passé mais continuent d'être le lot quotidien d'un trop grand nombre de pays, des pays qui imposent la torture, l'esclavage et la déportation massive à leur population civile. Au quotidien, nous sommes témoins de la persécution de minorités sur la base de différences d'opinions politiques, de race ou de religion.

[Traduction]

Ces actes d'inhumanité inacceptables continuent en dépit du fait que la Convention de Genève les condamne. Même si la communauté internationale a admis qu'on ne devrait pas pratiquer des actes semblables, nous sommes loin d'avoir atteint notre but.

Le procès de Nuremberg contre les crimes de guerre a été le premier à juger les auteurs de crimes contre l'humanité. Ces crimes, définis à l'article 6 de la Charte de Londres, comprennent le meurtre, l'extermination, l'esclavage, la déportation et autres actes inhu-


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mains commis contre une population civile avant ou pendant la guerre, ou la persécution pour des raisons politiques, raciales et religieuses.

Même si tous les criminels n'ont pas été jugés, la communauté internationale reconnaît l'holocauste et le commémore chaque année, afin que tout le monde se souvienne de cette tragédie et fasse en sorte qu'elle ne se reproduise jamais. En dépit de cela, nous continuons à vivre dans un monde où la purification ethnique est encore pratiquée, comme en témoignent les horreurs récemment commises dans l'ex-Yougoslavie.

Pouvons-nous continuer à être un membre actif de la communauté internationale et permettre que ces atrocités continuent? Je ne pense pas. Toutefois, nous devons d'abord être en mesure de reconnaître au niveau international que les atrocités contre l'humanité sont inacceptables.

Le génocide arménien, commis par les Turcs ottomans pendant la Première Guerre mondiale, est peut-être l'exemple le plus flagrant de génocide en tant qu'instrument de politique nationale. Ce qui rend le génocide arménien un exemple particulièrement criant, c'est que, contrairement au génocide des juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale, la communauté internationale n'a pas essayé de juger les criminels de guerre ou même de reconnaître formellement que ces massacres aient eu lieu.

Pourquoi, direz-vous, est-il tellement important de reconnaître un événement qui s'est produit il y a plus de 80 ans? Nous devons toujours nous souvenir que ceux qui ne tirent pas les leçons de l'histoire sont condamnés à répéter les erreurs du passé. Essayons de penser à ce qui ce serait produit si la communauté internationale avait réagi à cela comme elle aurait dû le faire. Est-ce que les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale se seraient produites? Peut-être pas.

Il n'y a rien que nous puissions faire pour ressusciter les victimes ou pour modifier le passé, mais il est nécessaire de désigner une semaine de l'année, comme mon collègue de Don Valley le proposait en avril dernier, pour se souvenir de l'inhumanité de l'homme envers son prochain et pour s'assurer que les générations futures n'oublient pas ces événements tragiques et, surtout, ne les répètent pas.

Même si la communauté européenne et plusieurs autres pays, notamment l'Italie, la France, Israël et, plus récemment, la Russie, ont adopté des décrets parlementaires reconnaissant formellement cet événement, la communauté internationale dans son ensemble n'a jamais pris les mesures nécessaires pour condamner ces actes horribles contre l'humanité.

Je répète, notre gouvernement a reconnu cet incident tragique qui a vu l'exécution brutale de 1,5 million de personnes par les Turcs ottomans qui désiraient purifier leur pays, en éliminant tous les étrangers. Nous comprenons les souffrances ainsi provoquées et la nécessité pour la communauté arménienne de faire reconnaître cette tragédie par tous les membres de la communauté internationale. C'est pourquoi nous appuyons le principe d'une semaine pour commémorer les crimes contre l'humanité.

[Français]

À titre de représentants d'un pays reconnu pour son appui aux droits humains, nous savons que les Canadiens condamnent la pratique du génocide et l'utilisation de la violence en tant qu'instrument de pouvoir. En ne reconnaissant pas ces actes comme tels, nous cautionnerions leur utilisation comme politique nationale.

C'est un triste constat de réaliser que les bulletins de nouvelles font encore trop souvent des manchettes avec les horreurs reliées au non-respect des droits de l'humanité.

[Traduction]

Ces atrocités sont des exemples de crimes commis contre l'humanité, mais malheureusement il y en a eu de nombreuses autres dans le passé et c'est encore le cas de nos jours. Certaines sont bien connues. D'autres, comme la catastrophe qui s'est produite en Asie Mineure en 1922, le sont moins.

(1305)

[Français]

À la fin de la Première Guerre mondiale, près de deux millions de Grecs habitaient la région de l'Asie Mineure sur la côte ouest de la Turquie actuelle. Des Grecs habitaient cette région depuis plus de 3 000 ans. En 1922, ces gens, comme les Arméniens et d'autres minorités de Turquie, ont été victimes de la première entreprise de purification ethnique du XXe siècle.

Au cours de l'été de cette année tragique, 600 000 Grecs d'Asie Mineure ont été exterminés par les forces de Mustafa Kemal, le père de la Turquie moderne. Un million et demi d'habitants ont aussi été forcés de quitter leurs demeures ancestrales et ont abouti en Grèce à titre de réfugiés. Ces opérations n'étaient ni sporadiques ni spontanées, mais relevaient plutôt d'une politique de purification ethnique froide et calculée du nouvel État turc. Dans le cadre de cette série de massacres bien orchestrés, le gouvernement a aussi incendié et détruit des églises, des écoles et même des villes et des municipalités qui étaient associées aux Grecs.

Des diplomates et des correspondants étrangers ainsi que des milliers de personnes de tous les milieux ont été témoins des atrocités, mais la communauté internationale n'a rien fait pour les condamner.

[Traduction]

Même si les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Italie avaient des navires et des troupes sur la côte de l'Asie Mineure, ils ont refusé d'intervenir. Le refus de ces pays de condamner les actions du gouvernement turc à l'époque a encouragé les autres États à se livrer à des génocides, dans le cadre de leur politique.

Une agression sans réponse ne peut conduire qu'à d'autres actes de barbarie et à d'autres génocides. Depuis quatre ans seulement, nous sommes témoins du cataclysme qui ébranle l'ancienne Yougoslavie. Toutes les factions en guerre ont procédé à des massacres,


1830

au nettoyage ethnique et au génocide culturel à divers degrés. Le tribunal des crimes de guerre où le Canada est représenté examine à l'heure actuelle les preuves. Cette enquête va, sans aucun doute, dévoiler la tragique et triste réalité sur ce qui s'est produit dans l'ancienne Yougoslavie.

Le cycle de la violence n'a pas cessé. Pour s'en convaincre, il suffit de voir les massacres qui ont lieu en Somalie, au Rwanda et au Cambodge. Dans tous ces cas, l'extermination et le déplacement forcé de la population font partie d'une politique délibérée et ne sont pas simplement des excès isolés de la part de rebelles ou de forces gouvernementales non contrôlées. De nombreux gouvernements ferment les yeux et refusent de reconnaître que ces atrocités ont eu lieu.

[Français]

En reconnaissant ces événements historiques comme des crimes contre l'humanité, nous affirmons que les crimes de ce genre, passés et présents, ne sauraient être tolérés. En tant que parlementaires, nous devons encourager la Communauté internationale à redoubler d'ardeur pour prévenir les crimes contre l'humanité.

[Traduction]

Le Canada continuera de jouer un rôle de chef de file sur la scène mondiale pour ce qui est de promouvoir la paix entre les membres de la communauté internationale. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'opposition officielle. Comme nous le savons tous, elle a pour mandat de diviser notre pays si respecté au niveau international. La réputation que nous avons de respecter et promouvoir les droits de la personne pourra, sans aucun doute, nous aider à atteindre cet objectif.

Ce que je suis sur le point de dire peut être considéré comme sectaire, mais je tiens à préciser que nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'opposition. Comme mon collègue de Don Valley l'a déclaré, les paroles de nos vis-à-vis ne valent pas grand-chose. L'opposition peut bien présenter une motion, elle peut dire tout ce qu'elle veut, mais ses paroles n'ont pas les mêmes conséquences.

Un gouvernement comme le nôtre qui s'est montré responsable à tous les niveaux, agit de façon responsable. Il y a des conséquences juridiques et internationales autant pour les paroles que pour les actions. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de nos vis-à-vis. Dans le cadre du récent référendum au Québec, nous savons la haute estime qu'ils avaient pour les communautés ethniques du Québec. J'ai vécu au Québec, j'ai été élevé au Québec, et j'ai passé de nombreuses années à lutter contre le grand nombre de signes de discrimination et de racisme qu'on retrouve dans cette société. Nos vis-à-vis n'ont pas de leçons à nous donner.

M. Boudria: Madame la Présidente, si vous le demandez, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime pour reporter jusqu'à la fin de la période réservée aux initiatives ministérielles les votes qui avaient déjà été reportés à 17 h 30 aujourd'hui.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(1310)

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de ma collègue de Saint-Denis. Je lui dis que le gouvernement du Québec respecte pleinement le droit des minorités. C'est une société très ouverte. J'en suis moi-même l'exemple, un député qui n'est pas francophone, qui a été élu par une majorité de francophones et par les communautés ethniques.

La députée qualifie le génocide des Arméniens de «tragic incident». C'est beaucoup plus qu'un incident tragique; c'est l'extermination d'un million et demi d'Arméniens; c'est la déportation d'un demi-million de personnes; c'est la destruction de beaucoup d'églises, de monastères; c'est la dispersion des Arméniens un peu partout dans le monde.

Je m'étonne que le gouvernement du Canada refuse obstinément de reconnaître ce génocide qui a été reconnu par d'autres pays, y compris par des pays d'Amérique latine dont l'Uruguay et l'Argentine. Il y a eu des monuments en Colombie, etc. C'est inacceptable pour un gouvernement qui prône la démocratie et les droits humains dans le monde de tenir un discours très contradictoire lorsqu'il s'agit de donner préséance aux droits humains en regard du commerce. C'est le commerce qui l'emporte sur les droits humains.

J'ose demander à ma collègue comment elle peut justifier cette obstination du gouvernement canadien à ne pas reconnaître ce génocide comme tel.

Mme Bakopanos: Madame la Présidente, je vais relire pour le député de l'opposition l'amendement que nous avons présenté en cette Chambre à la motion à l'étude. On dit: «. . .la tragédie arménienne qui a causé la perte de presque un million et demi de vies.» Je crois qu'il n'a jamais été question qu'on ne reconnaisse pas ce massacre. Jamais ce gouvernement a dit qu'il ne le reconnaissait pas.

En ce qui concerne le fait de savoir si la province de Québec vit dans la démocratie, je rappelle à mon collègue de l'opposition que c'est le Canada qui est reconnu comme le pays le plus démocratique, le plus tolérant et le plus ouvert, quand même.

C'est grâce à cela que nous avons aujourd'hui l'opposition que nous avons à la Chambre des communes, parce que nos différences sont reconnues dans cette société. Nous avons reconnu que nous étions un gouvernement qui se bat pour les droits humains partout dans le monde. C'est un gouvernement qui a toujours essayé de défendre partout dans le monde ceux qui ne peuvent pas se défendre. On a toujours, je le redis, reconnu qu'il y a quand même eu des pertes de vie de 1,5 million d'Arméniens.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, le discours de la député de Saint-Denis m'a beaucoup plu. Beaucoup de Canadiens d'origine arménienne habitent la circonscription de Saint-Denis.


1831

En 1939, lorsque Adolf Hitler envahissait l'Europe et massacrait les juifs d'un pays à l'autre, quelqu'un lui a demandé comment les générations à venir réagiraient à son holocauste, au massacre et au génocide qu'il avait commis. Il a répondu: «Après tout, qui se souvient des atrocités commises en Arménie, du génocide arménien?»

La députée convient-elle avec moi que, si le monde avait condamné le génocide commis en Arménie, cela aurait empêché l'invasion du nord de Chypre par les forces turques environ 67 ans plus tard?

Mme Bakopanos: Madame la Présidente, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous ne devons jamais oublier l'histoire. Si nous l'oublions et que nous ne reconnaissons pas les atrocités qui ont été commises dans le passé, nous sommes condamnés à les répéter. Je crois fermement que ce qui s'est passé à Chypre ne serait peut-être pas arrivé si l'on avait reconnu l'existence de cette tragédie.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir dans ce débat. Ce débat a pris forme par la motion de mon collègue d'Ahuntsic au cours de cette journée de l'opposition.

(1315)

Cette motion reprend intégralement la motion du député de Don Valley-Nord présentée en 1994. Je suis un peu surpris de constater la réaction de notre collègue de Don Valley-Nord et de la députée de Saint-Denis qui accusent l'opposition de vouloir faire de la partisanerie en soulevant cette question à la Chambre aujourd'hui.

Je l'ai mentionné, le texte original de la motion de mon collègue d'Ahuntsic, du Bloc québécois, est essentiellement, mot pour mot, la motion qu'a déposée le député de Don Valley-Nord en cette Chambre l'an passé. À la suite des pressions de son parti, cette motion n'a pu faire l'objet d'un vote. Il a été déclaré qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'un vote en 1994.

L'opposition officielle a tenu à ramener ce débat à la Chambre étant donné l'importance du sujet, mais également étant donné le peu de cas que le gouvernement porte actuellement aux droits de la personne en regard du commerce international. Si j'interviens dans ce débat comme porte-parole de l'opposition officielle en matière des droits de la personne, c'est précisément pour soulever cette question.

Bien sûr, il faut dénoncer, au-delà de la partisanerie politique-je le dis surtout pour nos collègues libéraux-ces gestes qui se reproduisent encore trop souvent aujourd'hui, gestes qui ont été perpétrés à l'endroit d'un peuple et qui avaient comme objectif de l'exterminer, de l'éliminer complètement. C'est pour cela que je suis un peu surpris de la réaction de notre collègue de Don Valley-Nord. Il me semble qu'on ne puisse pas ne pas convenir de la gravité des événements qu'ont vécus des peuples, entre autres, le peuple arménien. Il nous faut en conséquence dénoncer sans aucune espèce de réserve, sans aucune espèce de nuance ce genre d'événement pour, espérons-le, qu'il ne soit pas vécu de nouveau à l'avenir.

Si on veut parler de partisanerie politique, je prendrai comme exemple l'amendement apporté par la secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme qui substitue le mot «génocide» au mot «tragédie». On le voit dans les interventions de nos collègues libéraux, et j'imagine que ce sera comme cela toute la journée, on insiste, dans le cas de l'Arménie en particulier, pour parler de tragédie plutôt que de génocide.

Je ne pense pas qu'on puisse apposer ces deux termes. Je lisais dans le journal ce matin, dans presque tous les quotidiens d'ailleurs au Québec on rappelait, comme c'est le cas tous les jours malheureusement ou au moins toutes les semaines, les nombreux accidents d'automobiles qui surviennent. Dans le journal ce matin, on mentionnait un accident d'automobiles qui est survenu dans la région limitrophe à la mienne, en Montérégie où trois jeunes gens ont malheureusement perdu la vie. Dans l'article du journal, on parlait de tragédie; tragédie pour la famille, tragédie pour les proches, tragédie pour les amis.

La semaine passée, le 18 avril, on rappelait partout à travers le monde la tragédie d'Oklahoma City où l'an passé, près de 200 personnes ont perdu la vie dans une explosion due à un acte complètement dément. On parlait de tragédie.

(1320)

Malgré la gravité, l'énormité de ces événements comme les accidents d'automobiles, la tragédie d'Oklahoma City, qui est épouvantable, est-ce que, sincèrement, on peut comparer ces événements malheureux à une volonté, non seulement une volonté, mais des gestes posés afin d'éliminer un peuple, d'éliminer une communauté? Est-ce qu'on peut vraiment faire cette comparaison?

Quand on parle de tragédie, dans le dictionnaire Larousse on donne deux sens. Je pense que les mots doivent avoir un sens. On dit toujours que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, donc si la secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme, au nom du gouvernement, a déposé un amendement en cette Chambre pour remplacer le mot «génocide» par le mot «tragédie», c'est qu'il y avait une intention derrière ce geste-là. On n'a pas fait cela simplement pour allonger la motion de l'opposition officielle. Il y avait une intention.

Qu'est-ce que cela veut dire, «tragédie»? Quelle est la signification de «tragédie» dans le dictionnaire Larousse? Dans le Petit Robert on donne à peu près la même signification. Au sens littéraire, cela veut dire: «pièce de théâtre dont le sujet est généralement emprunté à la légende ou à l'histoire, qui met en scène des personnages illustres et représente une action destinée à susciter la peur ou la pitié par le spectacle [. . .]»

Est-ce cela l'intention du gouvernement qui accuse l'opposition officielle de partisanerie, de vouloir soulever cette question sans que le gouvernement en ait été avisé suffisamment longtemps à l'avance, selon le député de Don Valley-Nord?

Je pense qu'en utilisant le mot «tragédie», on veut précisément masquer la situation réelle. Avec le mot «génocide», on parle de l'extermination d'une population ou d'un peuple. Ce n'est pas la même chose. Je le répète, les mots doivent avoir un sens.


1832

Le député de Don Valley-Nord, dans sa motion, il l'a répété ce matin, utilise le terme ou l'expression «crime contre l'humanité». C'est toujours une tragédie, un crime contre l'humanité, mais c'est différent. C'est différent lorsqu'on utilise ce terme-là, qui s'apparente à génocide, c'est différent de l'utilisation du terme «tragédie» qui, au sens littéraire, fait référence à du théâtre pour émouvoir, mais qui fait référence également à un événement malheureux, à des événements malheureux.

Il faut que l'on comprenne. On n'a pas d'autre choix que d'interpréter-je ne sais pas si je peux parler d'interprétation-que de conclure que l'intention du gouvernement est de nuancer, d'amenuiser la portée des événements vécus par les Arméniens au début de ce siècle.

Est-ce qu'on peut comparer à une tragédie-je reprends mon exemple-l'extermination d'un million et demi de personnes, la déportation de 500 000 autres, le fait qu'en Arménie, on ait détruit au-delà de 2 000 églises, plus de 200 couvents, qu'on ait visé spécifiquement des gens à cause de leur race ou de leur appartenance religieuse? On voudrait simplement que cette Chambre, que le Parlement canadien, qui est un exemple de par le monde de respect des droits de la personne et de démocratie, on voudrait simplement que ce Parlement considère comme une tragédie de tels événements? C'est un non-sens.

Nous nous devons, et je dois conclure que l'intention du gouvernement en déposant cet amendement est d'atténuer l'interprétation qu'on doit faire de l'histoire par rapport au génocide arménien, et également à d'autres situations semblables.

(1325)

Mes collègues ont soulevé cela, et on devra revenir là-dessus pendant la journée, à savoir comment le gouvernement canadien ne s'est pas gêné pour parler de génocide au Rwanda, ce qui était le cas, mais comment il se fait qu'on ait temps de difficulté à reconnaître le génocide du peuple arménien.

Cette motion du député nous amène également à parler de l'attitude du gouvernement canadien et ce sera là l'essentiel de mon propos, l'attitude du gouvernement canadien par rapport aux droits de la personne, droits de la personne que l'on est en train de «bargainer», si vous me permettez l'expression, avec le commerce entre le Canada et d'autres pays.

Mon collègue d'Ahuntsic l'a rappelé, le fait que le gouvernement canadien soit en négociations, depuis plusieurs années déjà, avec le gouvernement de la Turquie pour faire du commerce à différents niveaux, entre autres, et peut-être même la vente d'un réacteur Candu, indique peut-être qu'il n'y a pas là un désintérêt total relativement au fait de vouloir mettre de côté, de vouloir pousser sous le tapis la question arménienne. J'espère que je fais erreur lorsque j'établis ce lien.

Depuis l'élection de l'actuel gouvernement, nombre de décisions ont été prises qui nous portent à conclure que la question du commerce l'emporte sur la question des droits de la personne. Je rappellerai à cette Chambre le voyage d'Équipe Canada, en fait les deux voyages d'Équipe Canada, particulièrement en Asie où le premier ministre a insisté sur les avantages énormes du Canada et de ses interventions afin d'améliorer le commerce avec les pays d'Asie.

Tout le monde au Canada convient, l'opposition officielle comme l'ensemble des partis, de l'importance d'améliorer notre dossier en ce qui concerne le développement économique. Tout le monde convient que le Canada doit être compétitif, qu'il faut faire la promotion de nos produits, mais est-ce qu'on doit le faire à tout prix? Est-ce qu'on doit le faire en reniant nos principes les plus fondamentaux, particulièrement en ce qui concerne les droits de la personne? La réponse à cette question est, de toute évidence, non et c'est ce que l'opposition officielle voudrait entendre de la part du gouvernement. Nous voudrions entendre un non catégorique, fort, non seulement en cette Chambre, mais en dehors de cette Chambre.

Lorsque les autorités gouvernementales, le premier ministre en tête, voyagent de par le monde, elles devraient envoyer un message clair. Oui, le Canada est ouvert au commerce international; oui, le Canada veut aplanir, abolir même le plus possible les barrières qui empêchent le commerce international, mais en même temps, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, tous les députés du gouvernement ont la responsabilité et le devoir d'insister sur le fait que les droits de la personne ne sont pas négociables.

En conclusion, je veux rappeler à mes collègues de cette Chambre, particulièrement aux députés du gouvernement, qu'il a fallu qu'un jeune de 13 ans, M. Kielburger, de la région de Toronto, confronte le premier ministre sur cette question pour que soudainement, on lui porte un intérêt particulier.

(1330)

Il a fallu que ce jeune homme dénonce l'utilisation des enfants au travail, particulièrement dans les pays d'Asie, pour que, tout à coup, on porte un certain intérêt à la question des droits de la personne.

Je sais que mon temps est expiré, mais je veux dire en conclusion qu'on n'a pas le droit, en tant que parlementaires, d'atténuer, en utilisant des mots comme tragédie, la portée des événements qui sont survenus à travers le monde et particulièrement en Arménie. Quand on parle de génocide, on parle de génocide; quand on parle d'utiliser des enfants pour faire du travail, on parle d'utiliser des enfants. Il faut que les mots aient un sens, et c'est ce que je souhaite, par mon intervention, et c'est ce que l'opposition officielle veut en faisant adopter cette motion.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, pour la troisième fois depuis deux heures, je demande au député du Bloc québécois de joindre le geste à la parole. S'engagera-t-il devant la Chambre à consulter son caucus, à adopter une résolution et à demander au premier ministre du Québec, l'ancien chef du Bloc québécois, d'ériger un monument à Montréal ou à Québec pour commémorer le génocide des Arméniens en 1915? Le fera-t-il, oui ou non?

[Français]

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, je rappellerai d'abord au député de Don Valley-Nord que le Québec a reconnu le génocide arménien en 1980, que mon


1833

collègue d'Ahuntsic, il me semble, a répondu aux attentes du député de Don Valley-Nord, puisque le gouvernement municipal de Montréal, son maire en tête, avait l'intention d'ériger un monument pour commémorer le génocide arménien et que, à la suite des pressions du ministre du Commerce international, pendant la campagne électorale, la ville de Montréal a changée d'idée. Le maire de Montréal n'a pas, jusqu'à maintenant, nié cette information que son projet ait été mis de côté à la suite des pressions d'un des membres du gouvernement.

Alors, si j'interprète bien les propos du député de Don Valley-Nord, s'il parle au nom de l'ensemble de son caucus et du gouvernement, je suis convaincu que la ville de Montréal-et je ne vois pas pourquoi le gouvernement du Québec aurait objection à s'y associer-ne refuserait pas de souligner ou de rappeler à notre population et à la face du monde le génocide arménien en érigeant un monument. Je ne vois pas du tout d'incohérence dans nos propos, puisque nous sommes favorables à le reconnaître. Non seulement nous sommes favorables, mais nous reconnaissons le génocide arménien. Et quant à nous, on ne veut pas ramener ces événements malheureux à une simple tragédie parmi tant d'autres dans l'humanité, mais on veut souligner qu'il est inacceptable que des gouvernements puissent intentionnellement et de façon systématique vouloir éliminer tout un peuple.

Le député de Don Valley-Nord a parlé de l'holocauste dans son intervention, non pas dans ses questions mais dans son intervention, à quelques reprises. Le terme holocauste nous rappelle l'extermination du peuple juif durant la Deuxième Guerre mondiale. On parle d'extermination d'un peuple. Alors, non, l'opposition officielle ne fait pas preuve d'incohérence, nous reconnaissons, et c'est l'objet de cette motion, le génocide arménien. Nous dénonçons ce genre de crime contre l'humanité, et, bien sûr, je ne pense pas que l'opposition officielle s'objecterait de quelque façon que ce soit, ni le gouvernement du Québec, à ce que ce soit commémoré d'une façon particulière en érigeant un monument.

(1335)

[Traduction]

M. Assadourian: Madame la Présidente, ma question était simple. Je refuse d'être sermonné. Le député accepterait-il qu'on érige un monument à Québec? Oui ou non. Tout ce qu'il a à dire, c'est oui, il accepte, ou non, il refuse. C'est tout ce que je veux. Je refuse d'être sermonné.

[Français]

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, je ne sais pas si le député de Don Valley-Nord est à la recherche de financement, mais si c'est le cas, on peut se joindre à lui pour demander au gouvernement de procéder en la matière.

Je viens de souligner que s'il y a une incohérence de la part des parlementaires, c'est de leur côté qu'elle se situe quand on essaie de ramener ou de diminuer la portée de ces événements en faisant référence à une tragédie alors qu'on parle de l'extermination d'un peuple.

C'est ma réponse et si cela ne convient pas au député, il peut toujours poser la question à nouveau.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais faire un petit commentaire et mettre en parallèle les paroles du président d'Amnistie Internationale et une déclaration du premier ministre. Je demanderai à mon collègue de commenter.

Lors d'une visite qu'il faisait récemment à Ottawa, Pierre Sané, le président d'Amnistie Internationale, disait ceci, entre autres: «Le combat pour le respect des droits de la personne ne peut être que global, sans quoi il est perdu d'avance.»

Regardons maintenant ce qu'a déclaré le premier ministre lors de son premier voyage en Asie: «Je pourrais faire un discours fracassant sur les droits de la personne et faire les manchettes, mais je préfère ouvrir des marchés, faire du commerce. Les murs finiront par tomber.»

Est-ce que mon collègue pourrait me donner une perspective, d'après les paroles du premier ministre, quand est-ce que les murs tomberont? Dans cent ans ou dans deux cents ans?

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Madame la Présidente, la question de mon collègue de Louis-Hébert est très pertinente. D'ailleurs, au début de mon intervention, j'ai souligné cette espèce de maquignonnage que le gouvernement est en train de faire en négociant-et la référence aux propos du premier ministre est tout à fait éloquente-les droits de la personne et le commerce international. C'est non seulement inacceptable, et le terme n'est pas trop fort, c'est strictement odieux.

Je rappellerai, pour aller dans le même sens que mon collègue de Louis-Hébert vient de le faire, que malgré tous les reproches qu'on pourra adresser au précédent gouvernement, le gouvernement conservateur de M. Mulroney, je pense que l'ensemble des parlementaires de cette Chambre et des observateurs de la scène politique vont reconnaître que M. Mulroney n'a pas raté une occasion de dénoncer le sort qui était réservé à différentes communautés à travers le monde et de mettre de l'avant la promotion des droits de la personne. Je rappelle que cela s'est fait sous un gouvernement conservateur, à l'époque, donc en principe, plus d'allégeance de droite dans notre jargon politique.

On voit maintenant un gouvernement qui se dit libéral en ce qui a trait à son allégeance politique, mais dans les faits, ses décisions vont encore plus à l'extrême droite. Quand mon collègue de Louis-Hébert rappelle les propos du premier ministre, comme je le disais tout à l'heure, c'est cela le message qu'on retient, de par le monde, de l'enlignement politique du Canada par rapport aux droits de la personne.

Si ce message est entendu dans le monde, il sera sûrement entendu et compris aussi par un bon nombre de personnes et de groupes à l'intérieur même du Canada, et cela met en danger l'avenir de nos droits et libertés, si nous n'y prêtons pas attention.

Voilà pourquoi il est justifié pour l'opposition officielle, et c'est non seulement justifié, mais l'opposition officielle manquerait à son devoir si elle omettait de soulever ce genre de débat en cette Chambre. C'est pour cette raison que nous avons déposé cette motion aujourd'hui. Nous voulons, nous souhaitons que tous les députés de cette Chambre qui appuient, dans leurs discours, les droits de la personne, aient l'occasion de dire, en votant sur cette motion, au gouvernement d'être, lui, cohérent, et d'en faire la promotion au niveau international.


1834

(1340)

M. Lincoln: Est-ce que je peux poser une question?

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je regrette, mais la période de questions et commentaires est terminée.

[Traduction]

M. Peterson: Madame la Présidente, si la Chambre y consent, je serais heureux d'accorder quelques minutes de mon temps au député pour qu'il pose des questions s'il le désire.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Nous sommes maintenant à l'étape de la reprise du débat. Après votre intervention, si des questions vous sont adressées, nous procéderons à une période de questions de dix minutes pendant laquelle des questions pourront vous être adressées. Nous reprenons le débat et vous avez présentement la parole.

[Traduction]

M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de me prononcer sur cette motion et tiens à féliciter le député d'Ahuntsic qui a présenté la motion visant à reconnaître le génocide arménien de 1915.

Je voudrais signaler officiellement que notre parti appuie la motion que la Chambre reconnaisse, à l'occasion du 81e anniversaire de la tragédie arménienne qui a causé la perte de quelque 1,5 million de vies humaines le 24 avril 1915 et en raison d'autres crimes commis envers l'humanité, la semaine du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.

Dimanche, j'ai eu l'insigne honneur de prendre part à une cérémonie au centre communautaire arménien de Toronto. Pendant deux heures et demie, nous nous sommes rappelés le génocide de 1915. Ce qui m'a le plus impressionné à propos de la cérémonie, ce fut de voir tant de jeunes, à travers le chant, la présence, les discours et une attidude de leadership, se souvenir de ce qui s'est passé il y a 81 ans. Le souvenir du génocide fait partie intégrante de leur vie et de leur culture.

Ce n'était pas la première fois que je prenais part à pareille cérémonie. Il y a bien longtemps, j'ai eu le privilège, en ma qualité de député, de me réunir avec mes amis au centre communautaire arménien.

C'est le député de Don Valley-Nord qui, le premier, m'a fait connaître ce dossier que j'ignorais. Il était alors le directeur exécutif du centre communautaire. Lui et d'autres membres de la communauté, dont Aris Babikian qui est venu de Toronto pour être parmi nous à la Chambre aujourd'hui, m'ont parlé de la terrible tragédie où 1,5 million d'Arméniens ont été massacrés au hasard du simple fait qu'ils étaient Arméniens. Cette tragédie est présente dans l'âme des Arméniens où qu'ils soient dans le monde.

Après 81 ans, on se demande, pourquoi ne saurait-on oublier? La réponse est simple. Le gouvernement turc n'a jamais reconnu sa responsabilité dans ce génocide. Comment les survivants de cette tragédie ou leurs parents et amis pourraient-ils taire ce fait historique que leurs auteurs n'ont jamais reconnu? Même l'holocauste, pendant la Seconde Guerre mondiale, a été reconnu comme tel.

(1345)

Quand on peut, comme individu, accepter la réalité et y faire face, plutôt que de plonger la tête dans le sable, on peut venir à bout de tous les ennuis. Cette négation est une insulte aux victimes du génocide d'il y a 81 ans.

Je ne suis pas particulièrement fier de l'attitude qu'affiche le reste du monde. Nous avons mis du temps à reconnaître ce qui s'était vraiment passé. Les faits sont pourtant clairs. Il ne peut y avoir la moindre ambiguïté ou ambivalence. La tragédie a eu lieu. Le génocide est un fait historique. Peu importe la façon d'en parler, c'est un fait incontournable.

Pourquoi hésitons-nous tant à nous joindre à nos frères et soeurs de la communauté arménienne, et à reconnaître cette vérité pure et simple? Cela fait probablement partie du monde de la realpolitik et de la langue de bois. Il y a probablement d'autres raisons qui expliquent que nous ne voulons pas en parler. Je trouve cela offensant.

En tant que député, j'ai demandé publiquement la reconnaissance du génocide arménien. Cette reconnaissance reste encore peu probable ou alors elle n'est pas exprimée dans les mots que nous voudrions entendre. J'ai toutefois l'intention d'appuyer la motion, telle que modifiée par notre parti, qui fait nettement ressortir le fait que tant de gens ont été tués ainsi que l'ampleur de la tragédie. Il reste toujours la souffrance de ceux qui se souviennent. Un jour, nous trouverons peut-être un moyen à la Chambre des communes de reconnaître, comme quelques pays l'ont déjà fait, que le meurtre de 1,5 million d'Arméniens en 1915 a vraiment été le premier génocide du XXe siècle.

Pourquoi est-il si important de réfléchir à un événement qui s'est produit il y a 81 ans? Qu'il me suffise de rappeler qu'à l'époque où il se préparait à faire disparaître tous les juifs du monde, Hitler avait déclaré: «Qui peut m'arrêter? Qui se souvient du génocide arménien?» Voilà une raison pour ne pas oublier. Si nous ne pouvons pas regarder l'histoire en face, si nous ne pouvons pas tirer les leçons des tragédies qui se sont produites, nous serons enclins à rester sans rien faire et à faire semblant de ne pas voir les autres actes de génocide qui se produisent.

Nous avons été témoins de la tragédie bosniaque où des gens ont été massacrés simplement parce qu'ils appartenaient à une certaine ethnie ou à une certaine religion. Nous avons entendu parler des champs de massacre cambodgiens. Nous avons vu des guerres faire rage partout dans le monde entier, fondées sur le fait que des gens, parce qu'ils étaient d'une certaine nationalité, religion ou race, étaient considérés comme des inférieurs et des ennemis. Cela va tout à fait à l'encontre des principes auxquels adhèrent tous les députés et tous les partis à la Chambre.

1835

(1350)

Au Canada, nous avons non seulement un code des droits de la personne, mais aussi une charte des droits qui interdit toute discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion, la foi, le sexe et l'âge et qui échappe totalement à la compétence des assemblées législatives et est inattaquable. Nous avons évoqué les droits de la personne que nous voulons voir respectés au sein de notre pays. Nous sommes signataires de nombreux documents et traités qui imposent cette obligation de reconnaître des droits à l'échelle internationale.

Quant à la situation existant aujourd'hui en Turquie, nous y voyons une guerre menée par le PTK, le Parti des travailleurs kurdes, dans le but de créer un État séparé. Nous avons vu le gouvernement turc exercer une répression extrêmement violente. Il est également bien établi qu'il y a eu de nombreuses violations des droits de la personne en Turquie.

Le Canada a condamné ces violations tout à fait normalement, comme nous en avons le devoir en tant que membres de la communauté mondiale. Nous avons préconisé une solution politique au problème séparatiste, plutôt qu'une solution militaire. Nous espérons qu'en collaboration avec nos alliés et avec les autorités turques, nous réussirons à accomplir un certain progrès à cet égard.

Je me reporte en pensée à cette merveilleuse cérémonie du souvenir, tenue il y a deux jours, à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien. Le député de Don Valley-Nord, le député de Scarborough et le sénateur Haidasz assistaient avec moi au service commémoratif. Nous avons tous été impressionnés par l'intensité de l'émotion que nous avons ressentie durant cette cérémonie.

J'ai mentionné plut tôt le fait que tant de jeunes gens avaient fait de la non-reconnaissance du génocide un élément de leur philosophie et de leur mission. Ces jeunes gens ne seront pas satisfaits tant qu'on n'aura pas rétabli la vérité. Ils ne cherchent pas à obtenir une réparation ou des procès internationaux. Ils veulent simplement qu'on reconnaisse les souffrances que leur peuple a endurées, qu'on reconnaisse que cette tragédie a eu lieu, et que le reste du monde accepte de se joindre à eux par solidarité pour honorer la mémoire de ceux qui sont morts et de ceux qui ont survécu et leurs familles.

La motion dont nous sommes saisie, telle que modifiée par notre parti, constitue un pas dans la bonne direction. Ce n'est peut-être pas tout ce que nous voulons obtenir et cela ne signifie pas que nous abandonnerons nos efforts pour obtenir davantage. Je félicite cependant le député de Don Valley-Nord pour tous les efforts qu'il a déployés, et je félicite tous les députés à la Chambre qui appuient la motion.

(1355)

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je sais que le député de Willowdale a fait des observations parfaitement sincères, comme tous les autres qui ont pris la parole à la Chambre.

Cependant, il me semble y avoir ici une incohérence. Le Bloc et, avant lui, le Parti québécois ont pris soin d'aborder la question et se sont efforcés de faire reconnaître le génocide arménien au moins depuis 1980. Au début des années 80, le gouvernement du Québec et celui de l'Ontario ont adopté à l'unanimité des résolutions à ce sujet. Pourtant, lorsque le gouvernement fédéral est saisi de la question, il semble en atténuer la portée. C'est ce que fait encore une fois aujourd'hui l'amendement que proposent les libéraux et qui vise à supprimer le mot «génocide». Je crois comprendre que cela vise à rendre la motion plus acceptable, en particulier pour la Turquie, pays avec lequel nous entretenons de bonnes relations mutuellement avantageuses.

Le député de Willowdale pourrait-il élaborer sur le fait que nous devions ménager la chèvre et le chou?

M. Peterson: Monsieur le Président, je ne peux donner une réponse qui satisfera le député ou peut-être même tout autre élu ici présent, y compris moi-même.

À mon avis, nous devons prendre des dispositions, préférablement au moment opportun, pour appeler un chat un chat, et un génocide un génocide. Malheureusement, les gouvernements réa-gissent souvent plus lentement que nous ne le souhaiterions ou que ne l'exigeraient la raison ou les sentiments. Nous ne pouvons pas toujours obtenir ce que nous voulons au moment où nous le souhaitons. Je pense que c'est une des principales choses que m'ont apprises plusieurs années passées à la Chambre. On n'a pas bâti Rome en un jour et on ne l'a pas restaurée en un jour non plus.

Nous progressons dans ce domaine à petits pas, pas à pas de géant. Ce n'est peut-être pas satisfaisant. Il n'y a peut-être pas d'explications qui correspondent parfaitement à ce que nous savons de la réalité historique. Quoi qu'il en soit, compte tenu de nos obligations internationales, de nos alliés, des pressions internationales qui s'exercent. . .

Le Président: Chers collègues, comme il est maintenant14 heures, nous passons aux déclarations de députés.

______________________________________________


1835

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, à notre époque, les Canadiens de tous les coins du pays ne doivent jamais oublier que, pendant les années qui ont précédé la création de la fédération canadienne en 1867, les Pères de la Confédération ont établi les fondements du Canada avec la ferme intention que celui-ci soit indivisible et indissoluble. Aucun changement dans ce sens n'a jamais été apporté. Ni la Constitution du Canada ni la loi ne prévoient la séparation ou la partition d'une province ou d'un territoire.


1836

En tant que Canadiens, nous avons l'obligation morale et civique de préserver l'intégrité territoriale de notre pays. N'abandonnons jamais notre foi inébranlable dans l'identité canadienne et prenons l'engagement, en tant que Canadiens, de continuer de protéger notre culture, notre langue et notre religion pour que le Canada demeure à jamais un pays de rêve faisant l'envie du monde.

* * *

L'USINE DE TRAITEMENT DES EAUX USÉES DE LA BANDE INDIENNE TSWWASSEN

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale prévoit que les ins-tallations de traitement des eaux usées que la bande indienne Tswwassen est en train de construire doivent être soumises à une évaluation environnementale.

Le gouvernement a refusé de confirmer la tenue d'une telle évaluation. Ces installations sont construites dans un marais d'eau salée très fragile situé dans une zone intertidale. Le marais en question a été internationalement reconnu comme un habitat extrêmement fragile pour le jeune saumon, les espèces d'oiseaux migratoires et le grand héron, une espèce qui est unique à cet écosystème.

En dépit des pressions énormes exercées par le public, la province de la Colombie-Britannique et la municipalité de Delta, il semble que les ministres du gouvernement veuillent interdire aux Canadiens le recours à leurs propres lois environnementales.

Je prie la Chambre d'appuyer ma demande voulant que le gouvernement du Canada confirme sur-le-champ qu'il a amorcé une évaluation environnementale du projet de construction d'une usine de traitement des eaux usées, conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il ne doit y avoir qu'une loi dans ce pays, et elle doit s'appliquer à chacun d'entre nous.

* * *

[Français]

L'INVENTION ET L'INNOVATION

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je tiens à souligner en cette Chambre la tenue prochaine du troisième Salon de l'invention et de l'innovation de Black Lake. Il s'agit d'une exposition où les créateurs présentent au grand public leurs produits d'invention et d'innovation.

Ce Salon, qui suscite l'intérêt des gens d'affaires et de la population en général, offre d'intéressantes occasions pour le développement d'entreprises et la création d'emplois.

Je tiens à souligner l'excellent travail des organisateurs: Benoît Côté, Éric Labonté, Mario Bergeron, Sonia Delisle et Marcel St-Laurent. Je félicite aussi tous les autres bénévoles impliqués dans cette organisation.

À titre de président d'honneur, je désire inviter personnellement toute la population à visiter le salon, qui se tiendra cette fin de semaine, soit les 26, 27 et 28 avril à Black Lake.

[Traduction]

LA FORMATION

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, dans les modifications proposées à la Loi sur l'assurance-chômage, on propose de privatiser la formation et de mettre en place un système de bons d'échange. Cela aurait des conséquences dévastatrices sur les bénéficiaires et aussi sur les établissements d'enseignement, notamment sur la capacité de ceux-ci de planifier à long terme.

La proposition repose sur deux hypothèses très douteuses. Selon la première, toutes les régions ont un mélange d'établissements d'enseignement publics et privés, et, selon la deuxième, tous les prestataires peuvent facilement découvrir seuls toutes les possibilités de formation.

Dans beaucoup de régions rurales et septentrionales, ce n'est pas le cas. Par exemple, ce système ferait perdre de deux à trois millions de dollars par année en fonds stables et garantis au collègue du Yukon. Ces fonds permettent au collègue de planifier à l'avance pour recevoir les prestataires de l'assurance-chômage et la population en général. Avec la proposition, les deux groupes perdraient au change.

J'exhorte le ministre à repenser à cette modification mal avisée qui provoquera à coup sûr une détérioration de la formation dans le Nord et dans les régions rurales.

* * *

LES INONDATIONS

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la fonte des neiges, qui ont atteint des niveaux records l'hiver dernier, et les embâcles sur la rivière Rouge et les rivières environnantes provoquent de graves inondations dans beaucoup de collectivités du Manitoba.

Les municipalités de St. Andrews, Montaclam, Tache, Morris, St-Clément et North Norfolk ont déclaré l'état d'urgence et beaucoup d'autres sont en état d'alerte parce que les eaux continuent de monter. Les inondations ont déjà causé beaucoup de dommages et on s'attend à ce qu'elles durent encore plusieurs jours.

La bonne nouvelle, c'est que, grâce à la prévoyance de certains agents publics et au travail acharné de milliers de bénévoles, les dommages ont pu être contenus. Des collectivités entières ont commencé à remplir des sacs de sable très tôt, comme l'avait conseillé l'Organisation des mesures d'urgence.

Dans ma circonscription, John Angus, conseiller municipal, a donné des ateliers sur l'utilisation des sacs de sable et a formé des bénévoles prêts à réagir dès la montée des eaux. Les fonctionnaires municipaux et provinciaux avaient pris les mesures pour que tout le matériel nécessaire soit disponible à temps.

Des bénévoles des collèges Saint-Norbert, Dakota et Fort Richmond, ainsi que de la fondation Saint-Norbert, ont passé un nombre incalculable d'heures à remplir des sacs de sable et à ériger des digues. Des restaurants, des paroisses et des clubs sociaux ont donné des aliments pour nourrir les bénévoles et les conducteurs et ont mis en place des services de garde pour les enfants.


1837

Je remercie tous les bénévoles qui ont travaillé. . .

* * *

[Français]

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DU LIVRE

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui nous célébrons la Journée internationale du livre. C'est le moment tout désigné pour rendre hommage à tous les auteurs canadiens qui, au fil des ans, ont donné à notre littérature la place enviable qu'elle détient sur la scène internationale.

C'est aussi le temps de prendre conscience de l'importance qu'occupe les livres et les écrits dans notre vie de tous les jours et de reconnaître l'exceptionnelle contribution de la communication écrite dans l'histoire de l'humanité.

À l'aube du XXIe siècle et de l'avènement de cette société de haute technologie, il nous faut travailler avec encore plus de détermination afin de préserver cette incroyable richesse que constitue la communication écrite.

(1405)

Les générations qui nous suivent et qui, bientôt, nous remplaceront doivent elles aussi connaître et apprécier les vertus de la lecture. C'est pourquoi notre gouvernement continuera d'accorder autant d'importance aux programmes d'alphabétisation, d'éducation et de formation de nos enfants et de la population en général.

* * *

[Traduction]

LES PRIX DE L'ESSENCE

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, j'ai reçu ces derniers temps plusieurs plaintes de mes électeurs au sujet des prix de l'essence.

De nombreux Canadiens sont très troublés par ce qui leur semble être un effort concerté des compagnies pétrolières pour pratiquer des prix exorbitants à la pompe.

Les consommateurs canadiens ont l'impression de se faire escroquer par les compagnies pétrolières, qui haussent systématiquement leurs prix dès le début de la fin de semaine, en particulier les longues fins de semaine. Ils estiment que ces compagnies font preuve d'une arrogance incroyable, qu'elles exploitent les consommateurs et ne tiennent aucun compte des efforts des gouvernements canadiens pour aider à résoudre ce problème. Il est temps que les compagnies pétrolières prennent conscience de leurs responsabilités sociales et traitent les consommateurs canadiens avec plus d'équité.

Je demande au gouvernement canadien et à ceux des autres niveaux de transmettre ce message aux pétrolières le plus énergiquement possible au nom des Canadiens.

* * *

LES MEMBRES DU CLUB ROTARY

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui, en tant que membre du club Rotary, pour rendre hommage au plus important club philanthropique du monde, qui est également celui qui connaît la plus rapide expansion, le club Rotary.

On a compté ce mois-ci un total de 1 187 509 membres du club Rotary, répartis dans plus de 27 995 divisions sises dans 154 pays, un peu partout dans le monde. Au Canada, nous avons 29 183 membres répartis dans 650 divisions. Le président international du club pour cette année, M. Herb Brown, a choisi comme thème «Agir avec intégrité, servir avec amour et oeuvrer pour la paix.» En servant avec amour, le club Rotary a recueilli plus de 400 millions de dollars aux fins du projet Polio plus, un projet qui vise à éliminer la polio de la face du monde.

Aujourd'hui, 18 membres du club de Barrie sont en visite à Ottawa, à la suite d'un échange avec le club d'Ottawa-Ouest. Un grand nombre de députés sont membres du club Rotary. Je les prie de se joindre à moi pour rendre hommage à leurs confrères du club pour le travail qu'ils accomplissent dans les localités des quatre coins du Canada et même du monde.

* * *

LE CRÉDIT-BAIL AUTOMOBILE

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le Président, l'un des grands problèmes de nos jours au Canada, c'est la concentration des pouvoirs économiques aux mains des conseils d'administration des grandes sociétés, dont le seul objectif est la maximisation des profits.

Le secteur bancaire, qui a réalisé des profits de plusieurs milliards de dollars tout en profitant de l'automatisation pour mettre à pied des milliers d'employés, fait du lobbying pour obtenir le droit de pénétrer le marché du crédit-bail automobile.

Nos concessionnaires automobiles locaux ne veulent absolument pas que les banques soient autorisées à pénétrer ce marché. Ils croient qu'il y aurait alors un conflit d'intérêts puisque les banques sont leur principale source de financement. Ils craignent d'avoir du mal à obtenir du financement de la part des banques s'ils doivent leur faire concurrence au sein d'un même marché.

Nous ne pouvons permettre aux banques de retirer encore d'autres emplois aux Canadiens qui veulent travailler. Je demande donc à tous les députés d'appuyer les concessionnaires automobiles, qui s'opposent à ce que les banques pénètrent le marché du crédit-bail.

* * *

LES INONDATIONS

M. Ron Fewchuk (Selkirk-Red River, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole, au nom de la population de ma circonscription de Selkirk-Red River, pour rendre hommage aux vaillants efforts des volontaires des communautés de St. Andrews, St. Clements et Selkirk.

Ces gens ont travaillé pendant toute la fin de semaine à essayer d'endiguer la rivière Assiniboine et la rivière Rouge qui sont responsables des pires inondations que le Manitoba ait jamais connues.

Les eaux ont contraint 250 personnes à fuir leur maison. Les dommages auraient pu être bien pires si l'embâcle de glace n'avait pas été brisée pour que les eaux s'écoulent vers le lac Winnipeg.


1838

Malheureusement, le Musée de la marine de Selkirk a été très endommagé par les inondations. En plus des dégâts causés aux bateaux, des documents, comme des carnets de bord originaux et 13 000 photos, ont été détruits dans l'immeuble du musée.

C'est une perte très triste pour les habitants de la circonscription de Selkirk-Red River et pour tous les touristes canadiens.

* * *

[Français]

LE PARTENARIAT

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, la plupart des quotidiens nous apprennent ce matin que les membres du Parti québécois auront bientôt à se prononcer sur une modification du programme politique de leur parti, afin d'y inclure formellement la notion de partenariat.

Reprenant en substance les grandes lignes de l'entente du 12 juin dernier, le Parti québécois reviendrait avec son mythe du partenariat après la séparation. Peut-être que le nouveau chef péquiste ne se souvient pas que le 30 octobre dernier, les Québécois et Québécoises se sont prononcés majoritairement contre ce projet.

Quand les séparatistes du Québec accepteront-ils de respecter la volonté démocratiquement exprimée par leurs concitoyens et mettront-ils enfin au rancart cette idée de séparation qui ne conduit nulle part?

(1410)

Ce dont le Québec a besoin, ce n'est pas d'un premier ministre qui entretient l'instabilité politique et économique, mais plutôt de quelqu'un qui travaille à la faire disparaître.

* * *

LE PEUPLE ARMÉNIEN

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, demain marquera le 81e anniversaire du génocide arménien. Cet anniversaire n'a rien de réjouissant et commémore la fin tragique de plus de un million et demi d'Arméniens. Les massacres du peuple arménien par le gouvernement ottoman turc qui se sont perpétrés de 1915 à 1923 constituent le premier génocide de notre siècle. Il importe de dénoncer ces actes d'atrocité et de sensibiliser la population aux génocides perpétrés à travers le monde.

Tout pays qui utilise le génocide et la violence comme instrument politique commet un crime contre l'humanité, un crime qui restera gravé à jamais dans la mémoire de ceux et celles qui ont souffert et que l'histoire ne pourra jamais oublier.

Cette journée de commémoration des victimes du génocide arménien n'a pas seulement pour but de nous rappeler les souffrances endurées par le peuple arménien, mais aussi de nous assurer que de telles atrocités ne se répètent plus.

[Traduction]

L'ARRIVÉE DU PRINTEMPS À OTTAWA

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Enfin, les amis, le printemps est arrivé à Ottawa. Tout récemment, le solliciteur général s'est empressé d'offrir des excuses et une indemnité à des détenus qui avaient déclenché une émeute.

Il y a le ministre de la Justice qui, en préconisant le maintien de l'article 745, vole au secours de Clifford Olson afin que celui-ci puisse sortir de prison après le mois d'août.

Quant au premier ministre, il se déplace sans arrêt d'un pays à l'autre, car il échappe ainsi aux ennuis qu'il ne manquerait pas de récolter au Canada.

Pour sa part, le ministre des Finances tente de piéger les contribuables en maquillant la TPS, au lieu de l'abolir, alors que des libéraux qui ne sont pas nés de la dernière pluie bondissent hors du nid, ou plutôt en sont chassés pour avoir voté en leur âme et conscience.

En effet, c'est vraiment le printemps à Ottawa, mais l'automne sonnera bientôt le signal des prochaines élections fédérales pour le gouvernement.

* * *

LE DÉCÈS DE CLARA SMALLWOOD

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, le 14 avril, Mme Clara Isabelle Smallwood, épouse de feu l'honorable Joseph R. Smallwood, qui occupa les fonctions de premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador de 1949 à 1972, est décédée à l'âge de 94 ans au foyer pour personnes âgées d'Interfaith, près de Carbonear, à Terre-Neuve.

Mme Smallwood a été témoin de bien des moments décisifs de l'histoire de Terre-Neuve. En effet, elle a vu la Commission du gouvernement se charger, au début des années 30, d'assurer la transition entre des politiques venues des chambres du Parlement britannique de Londres, en Angleterre, et la naissance de la 10e province canadienne à minuit, le 31 mars 1949, un événement qui a vraiment contribué à unifier notre pays d'un océan à l'autre.

Elle a accompagné son mari au cours de six élections provinciales d'affilée, et il lui a été donné de voir la province se tailler une place bien à elle au sein de la société canadienne, grâce à son patrimoine, à sa culture et ses modes de vie uniques qui ont su résister au temps.

Mme Smallwood ne sera pas pleurée seulement par ses nombreux parents et amis, mais aussi par tous les Terre-Neuviens qui se rappellent le jour où ils ont adhéré au Canada, ainsi que par les générations à venir qui, grâce aux manuels d'histoire, sauront apprécier l'apport immense que les Smallwood représentent pour notre pays.

* * *

LE DÉCÈS DE CLARA SMALLWOOD

L'hon. Roger Simmons (Burin-Saint-Georges, Lib.): Monsieur le Président, dans son autobiographie intitulée I Chose Cana-

1839

da, feu Joey Smallwood a écrit: «Mon mariage avec Clara a été l'un des événements les plus heureux de ma vie. Je ne sais pas ce que j'aurais pu faire sans elle.»

Clara Smallwood s'est éteinte la semaine dernière. J'ai eu le privilège pendant de nombreuses années d'observer la relation spéciale qu'il y avait entre Clara et Joey Smallwood. Clara Small-wood évitait les feux de la rampe, mais elle s'est quand même distinguée de plusieurs façons très dignes. C'était un être humain merveilleux au grand coeur, une musicienne de grand talent, intelligente et cultivée. Elle attachait beaucoup d'importance à la famille et elle entourait d'énormément d'affection ses trois enfants, Ramsey, William et Clara et ses nombreux petits-enfants et arrières-petits-enfants, ainsi que d'innombrables autres personnes.

Son appui à son mari était inébranlable et, en fait, légendaire.

Je la salue aujourd'hui pour les choses merveilleuses qu'elle a faites, même en coulisse, pour Terre-Neuve et le Labrador, ainsi que pour le Canada.

* * *

[Français]

LE DROIT D'AUTEUR

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui est la Journée mondiale du droit d'auteur, telle que décrétée par l'UNESCO.

À cette occasion, le Bloc québécois désire rappeler à la ministre du Patrimoine que les auteurs attendent avec impatience la phase II de la révision du droit d'auteur.

(1415)

Comme elles et eux, nous sommes prêts à relever nos manches et à travailler pour un accroissement de leurs droits, pour la reconnaissance du droit voisin réel et non pas seulement symbolique pour une redevance sur les supports et les appareils à enregistrer.

Nous serions consternés que la ministre saisisse cette occasion de la révision de la loi pour réduire les droits d'auteur en y introduisant une série d'exceptions.

Le droit d'auteur est le moyen par lequel le créateur reste propriétaire de son oeuvre et en autorise l'utilisation. Il ne doit pas être restreint, mais adapté aux nouvelles réalités technologiques.

______________________________________________


1839

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances a annoncé ce matin qu'il en était arrivé à une entente concernant l'harmonisation de la TPS et de la taxe de vente des provinces.

Des voix: Bravo!

M. Gauthier: Monsieur le Président, vous aurez constaté que les députés libéraux et les ministres libéraux applaudissent le fait que la TPS demeure, mais, dorénavant, elle sera cachée.

Le ministre des Finances reconnaît-il que lorsqu'il a admis, ce matin, devant les journalistes, avoir commis une erreur en pensant pouvoir remplacer la TPS par une taxe différente, le ministre des Finances a ainsi confirmé que la TPS demeure, mais qu'elle sera dorénavant cachée?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce que nous avons annoncé ce matin, c'est une réforme en profondeur dans les provinces Atlantiques. Maintenant, c'est vraiment une taxe qui éliminera les dédoublements et les chevauchements et je suis convaincu que le député d'en face sera en faveur. Ce sera une taxe harmonisée, comme la taxe de vente est harmonisée au Québec.

Selon la grande majorité des demandes des consommateurs, des PME, des détaillants, on verra la taxe quand on achètera une robe ou quoi que ce soit d'autre, mais en même temps, ce sera transparent, parce que la taxe apparaîtra sur la facture.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, tout le monde aura noté, et ses collègues libéraux également, que le ministre est fort peu empressé de commenter ses propres propos à l'effet que la TPS demeure bel et bien en place.

Le ministre des Finances confirme-t-il que la compensation de un milliard, ou près de un milliard, accordée aux provinces Maritimes pour les convaincre d'embarquer dans son système, fera en sorte que le reste des Canadiens paieront de leur poche quelque un milliard de dollars de leurs impôts qu'on versera en compensation aux Maritimes pour une taxe de vente qu'ils ne paieront plus désormais, parce qu'ils ont accepté le «deal» du ministre?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Pas du tout, monsieur le Président. Ce que nous avons fait, c'est mettre en place une formule qui compensera les provinces qui veulent harmoniser leur taxe de vente, mais qui subiront des pertes, c'est-à-dire les quatre provinces de l'Atlantique. On a fait l'offre à la Saskatchewan et au Manitoba. D'autres provinces, comme le Québec en 1990 et aujourd'hui, n'ont pas subi de pertes. L'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique, c'est la même chose.

Il faut le dire, c'est un précédent bien établi au Canada que lorsqu'une région procède à une restructuration profonde ou qu'il s'y produit un malheur, comme dans le cas des paiements aux fermiers de l'Ouest dans les années 1990, c'est le rôle du gouvernement fédéral d'aider ces régions, parce que le Canada est bâti sur le principe que les régions s'entraident. Et c'est ce que nous avons fait cette fois-ci.

(1420)

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il ne s'agit pas, dans ce cas-ci, d'une compensation économique pour un problème créé par le gouvernement fédéral, il s'agit d'une compensation politique.

C'est très simple à comprendre. Si on demande aux consommateurs des provinces Maritimes de payer moins de taxe de vente pour entrer dans le projet du ministre et que le gouvernement fédéral prend, dans son fonds, un milliard pour compenser cette taxe que ne


1840

paieront plus les gens des Maritimes, cela équivaut à dire aux gens des autres provinces: «Payez maintenant, un milliard, pour faire en sorte que dans les Maritimes, on paie moins de taxe de vente.» Tout le monde a compris ça.

Le ministre des Finances confirme-t-il que la volonté du gouvernement fédéral de centraliser, cette propension à tout centraliser, dont la perception et la gestion de la TPS et de la taxe de vente, coûtera aux Québécois quelque 250 millions de dollars?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Pas du tout, monsieur le Président. D'abord, il y a un partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. C'est-à-dire que le partage des coûts sera à peu près égal sur une période de quatre ans. Après les quatre années, les paiements d'ajustement se termineront.

C'est très clair, il y a un changement structurel, on partage les coûts de ces changements structurels, parce que c'est tout le Canada qui en bénéficiera lorsqu'on créera plus d'emplois dans les provinces Maritimes, ce qui en sera certainement le résultat.

Deuxièmement, cette idée de centralisation est tout à fait ridicule. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux s'unissent pour diminuer le fardeau des contribuables de ces provinces, pour diminuer le coût d'administration.

Des représentants de l'association des comptables du pays a dit que cette rationalisation ferait épargner 100 millions de dollars aux contribuables. Ils ont dit que les entreprises canadiennes pourraient épargner 700 millions de dollars si on pouvait faire la même chose. C'est de l'argent, et je pense que ça vaut la peine.

Maintenant, par le point fondamental du député qui dit que les contribuables d'autres provinces ne devraient pas aider, par exemple, dans le cas d'un changement structurel, le député est en train de nier le principe de la péréquation, dont le Québec bénéficie énormément.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, si le ministre des Finances a des excuses à faire à la population canadienne au nom de son parti, c'est justement d'excuser son parti d'avoir fait bassement un calcul politique en promettant l'abolition de la TPS et en ne respectant pas son engagement. C'est ce qu'il devrait faire.

Ce matin, le gouvernement a décidé de camoufler la taxe de vente dans le prix des produits et des services. Pourtant, alors qu'il était dans l'opposition, le Parti libéral était d'avis, dans le rapport dissident de 1989, et je cite: «Si la TPS est camouflée dans le prix de vente, il sera beaucoup plus facile pour le gouvernement de l'augmenter plus tard.»

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre des Finances reconnaît-il que par son opération de ce matin, tout ce qu'il a fait pour faire croire aux gens qu'il éliminait la TPS, c'est de la cacher dans le prix de vente des produits et des services?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il est évident que le député ne comprend pas le projet. C'est très transparent. La taxe sera sur la facture lorsque l'acheteur se présentera à la caisse. On verra le montant de la taxe sur la facture. C'est transparent. Il n'y absolument aucune intention de cacher quoi que ce soit. J'espère maintenant que le député le comprend.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, sur la facture ou en dehors de la facture, l'engagement du premier ministre, du ministre des Finances et de son parti était d'abolir la TPS. La vice-première ministre a même mis son siège en jeu, ainsi que d'autres députés du Parti libéral lors de l'élection et un peu après.

Le ministre admettra-t-il que ce qu'il propose finalement aux Québécois et aux Canadiens, c'est d'appliquer ce qu'il dénonçait vertement il n'y a pas si longtemps, à savoir qu'en camouflant la TPS dans le prix de vente, il sera beaucoup plus facile pour le gouvernement de l'augmenter périodiquement à l'insu de la population?

(1425)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, d'abord, la taxe ne sera pas camouflée, elle apparaîtra sur la facture. Deuxièmement, dans les négociations avec les provinces Atlantiques, on s'est mis d'accord pour avoir un mécanisme si on voulait changer la taxe. Cela veut dire que ce sera encore plus difficile de l'augmenter, parce que ça prendra un consensus entre les provinces.

J'ai une autre chose à dire. Le député croit qu'au lieu d'avoir une taxe fédérale-provinciale intégrée, au lieu de vraiment mettre en place dans les provinces Maritimes un système de taxe similaire à celui du Québec, le député est en train de dire qu'on devrait avoir une taxe tout à fait différente, qu'on devrait mettre le Québec à l'écart.

Je peux vous dire que lors de la rencontre des ministres des Finances, le Québec nous a demandé de respecter ce désir d'avoir une taxe qu'on pourra harmoniser avec la taxe de vente au Québec, pour avoir une taxe de vente uniforme, parce que ça bénéficiera au Québec. Le député devrait demander à la maison mère si c'est ce qu'elle veut.

* * *

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, à la page 88 de leur livre rouge, les libéraux ont promis ceci: «La liberté de vote à la Chambre des communes sera plus grande.»

Cet engagement figure dans un paragraphe où les libéraux promettent aussi d'élargir le rôle des députés dans l'élaboration des lois, par le biais des comités de la Chambre des communes. Il est évident qu'il était alors question de projets de loi d'initiative ministérielle et non pas parlementaire.


1841

Il y a eu des votes libres sur des projets de loi d'initiative parlementaire durant la présente législature et auparavant, mais le premier ministre actuel a fermement refusé la tenue ne serait-ce que d'un vote libre sur un projet de loi d'initiative ministérielle.

Quand le premier ministre respectera-t-il sa promesse du livre rouge et permettra-t-il la tenue de votes libres sur des projet de loi émanant du gouvernement?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais savoir combien de votes libres les députés réformistes ont tenus dernièrement.

Lorsque certains députés réformistes ont exprimé leur désaccord par rapport à certaines orientations de leur parti qui étaient complètement inacceptables, les autres membres de leur caucus les ont humiliés parce qu'ils adoptaient une attitude plus modérée et sensée.

Il n'y a jamais eu à la Chambre autant de votes libres que maintenant. Cependant, lorsqu'il s'agit d'une question qui engage la confiance dans le gouvernement et qu'un député ne fait pas confiance au gouvernement, alors, comme les réformistes, il est dans l'opposition.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, il y a une tendance ignoble qui se dégage de ce genre de réponse.

Durant la campagne électorale, les libéraux ont tout d'abord promis d'abolir la TPS et de tenir davantage de votes libres à la Chambre des communes. Ensuite, ils ont interprété le livre rouge, ils en ont modifié et atténué la portée. Puis, il y a la conduite du gouvernement. Cela, c'est une toute autre histoire. Finalement, le résultat est clair: des promesses n'ont pas été respectées, et la confiance de la population dans le gouvernement est minée. Aucune intégrité ne subsiste en l'occurrence.

Le gouvernement a-t-il maintenant l'intention de ne pas autoriser la tenue de votes libres sur des projets de loi d'initiative ministérielle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais parler de la façon dont le député tient parole. Le chef du troisième parti a dit, en 1990, que les candidats réformistes qui se présentaient aux élections voulaient abolir la TPS. C'était en 1990.

En 1991, le chef a dit qu'il ne pourrait abolir la taxe immédiatement parce que cela ferait augmenter le déficit. Je ne suis rendu qu'à 1991. Passons maintenant à 1992.

Les réformistes ont encore une fois modifié leur position en disant qu'ils réduiraient la TPS, mais après, et seulement après avoir équilibré le budget.

(1430)

Je les félicite de cette merveilleuse déclaration: «Nous louons les efforts du gouvernement en vue d'harmoniser la taxe avec les provinces.»

Des voix: Bravo!

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la question porte sur les votes libres. Ce n'est pas en tournant autour du pot et en crânant que les députés éluderont la question qui porte sur la tenue de votes libres durant la présente législature.

Le premier ministre montre pour la période des questions le même mépris que celui dont il a fait preuve à l'égard de la représentation démocratique, lorsqu'il a pris des mesures disciplinaires contre le député de York-Sud-Weston.

Les doreurs d'image libéraux ont dit que le député de York-Sud-Weston avait fait l'objet de mesures disciplinaires pour s'être opposé au gouvernement, pas à la TPS. Ils ont laissé entendre que si le député avait simplement voté contre le nouveau projet de loi sur la TPS, aucune sanction n'aurait été nécessaire.

Permettez-moi de mettre cette théorie à l'épreuve. Le premier ministre autorisera-t-il ses députés à voter librement sur le projet de loi concernant la TPS déposé ce matin par le ministre des Finances?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la Chambre est saisie de plus de projets de loi. . .

Des voix: Oui ou non, oui ou non, oui ou non!

Le Président: La parole est au très honorable premier ministre.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, nous avons vu le programme des réformistes à l'égard des garderies.

Il y a eu à la Chambre de nombreux votes où les députés n'ont pas toujours suivi la ligne du parti ministériel. C'est arrivé à maintes occasions, et je n'ai pas demandé aux intéressés de traverser en face.

J'ai appliqué une certaine discipline. L'ex-whip du Parti réformiste qui est là, ou qui était là hier, a fait l'objet de mesures disciplinaires et a été relevé de ses fonctions à cause de ses divergences de vues. Il y a une discipline au sein de notre parti.

Lorsqu'un vote a lieu à la Chambre des communes, qu'il engage la confiance dans le gouvernement et qu'un député dit ne pas avoir confiance en celui-ci, il renonce alors à appartenir au parti ministériel.

C'est une tradition britannique qui date de 400 ans. Je dois expliquer au chef du troisième parti que c'est à cela que mène un vote de censure à l'endroit du gouvernement.

Je n'ai pas de leçons de démocratie à recevoir des réformistes. Hier, le chef d'un parti a été autorisé par le Président à poser une question et les réformistes ont voulu le museler. Voilà le genre de démocratie qu'ils prêchent.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

C'est au son des 117 clochers de l'est du Québec que samedi dernier, à Rivière-du-Loup, plus de 5 000 personnes provenant du Québec et du Nouveau-Brunswick, et de l'Acadie, ont fait front commun pour manifester leur opposition au projet de réforme de l'assurance-chômage. Même l'archevêque du diocèse de Rimouski déclarait récemment, et je cite: «Je suis contre ce que l'on propose à


1842

l'endroit des travailleurs saisonniers. C'est une menace importante à la survie même des régions.»

À la lumière du rejet massif de l'assurance-chômage, et particulièrement dans les régions, des règles qui pénalisent durement les travailleurs saisonniers, le ministre ne convient-il pas que ce qu'il devrait faire serait de retirer le projet de loi et d'en préparer un avec les partenaires, préparer une vraie réforme de l'assurance-chômage?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous avons essayé depuis deux ans de procéder à une réforme considérable du régime d'assurance-chômage, maintenant connu sous le nom d'assurance-emploi. Pendant cette période, nous avons consulté des centaines de regroupements, d'organisations, de compagnies, d'individus. Et à partir du mois de décembre, lorsque le projet de loi a été présenté à la Chambre, il y a eu des présentations, des soumissions faites par une gamme de personnes provenant de toutes les régions.

(1435)

Nous avons vu des situations où les gens étaient inquiets, où les gens nous présentaient leurs préoccupations. Pendant quelques semaines, le comité chargé de l'étude de ce projet de loi a entendu un certain nombre de témoins qui, encore une fois, ont présenté leur point de vue concernant leurs préoccupations et leurs inquiétudes.

Pendant tout ce temps, les députés du gouvernement ont travaillé de façon assidue pour trouver des solutions à des griefs, à des revendications que nous avons reconnus comme étant légitimes. Et nous avons conclu cette étude du comité par des amendements qui vont coûter au programme d'assurance-emploi environ 365 millions de dollars.

Ces amendements viennent corriger le problème des semaines de travail sur la base des prestations payées, viennent corriger, en partie du moins, la règle d'intensité en créant une exemption pour les foyers ayant un revenu de moins de 26 000 $ par année et règlent aussi, jusqu'à un certain point, la question du diviseur qui était impliqué dans le calcul des prestations pour les bénéficiaires.

Cela étant dit, j'avoue catégoriquement que nous ne sommes pas arrivés à la perfection. Ce que nous avons accompli, nous l'avons fait sans aucune suggestion de la part de l'opposition.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, l'opposition a été constamment bousculée et on va le dire dans les jours qui viennent. Ce qui est important de savoir, c'est que les chercheurs mêmes qui ont conseillé le ministre, s'il les avait écoutés, ont dit par exemple concernant les heures de travail: «It's a leap in the dark», c'est un saut dans l'inconnu. Il y a des problèmes énormes et ce qu'il vient de dire, c'est seulement une réduction des coupures.

La question que je lui pose est la suivante: Ne réalise-t-il pas que parce qu'il n'a pas écouté toutes les parties, qu'il ne les a pas mises ensemble, il est en train de faire une réforme qui sera extrêmement coûteuse pour des centaines de milliers de familles, pendant les années qui viennent, et pour des millions de personnes? Je lui demande s'il a réalisé que cette réforme peut même créer des soubresauts sociaux importants.

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous avons tâché, par tous les moyens, d'écouter tous ceux qui avaient quelque chose de substantiel à dire. Le problème de toute cette affaire, c'est que les gens qui étaient présents au comité, qui ont suivi les travaux du comité, ont rapidement compris que l'écart entre les témoins était vaste.

Si on s'en tenait aux gens qui créent des emplois dans ce pays, les petites et moyennes entreprises, même la loi originale, sans parler des amendements, allait trop loin, était trop souple. Pour le Congrès du travail du Canada, on était beaucoup trop rigides et beaucoup trop difficiles.

Le rôle du gouvernement dans une situation comme celle-ci est d'essayer de trouver le juste milieu, essayer de trouver des solutions qui, dans le mesure du possible, rencontrent l'exigence principale, qui est de prendre soin de ceux que nous devons aider.

Je tiens à répéter à mon honorable collègue que s'il y a eu des problèmes au comité, s'il y a eu des suggestions qui n'ont pas été écoutées, c'est parce que nous n'avons pas réussi à répondre à chaque revendication présentée sur ce point. Mais dans l'ensemble. . .

[Traduction]

Le Président: Comme le temps fuit, je demanderais qu'on s'en tienne à des questions et des réponses très brèves.

* * *

LA FISCALITÉ

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le protocole d'entente ministériel sur l'harmonisation est une aberration et une honte nationales. Il n'est pas étonnant que le député de Broadview-Greenwood ait décidé de faire le grand saut hors du caucus libéral.

Non seulement cet accord vise-t-il à prendre 1 milliard de dollars à l'ensemble des Canadiens pour le donner à quelques politiciens libéraux-et je remarque que Brian Tobin est ici pour toucher aujourd'hui sa récompense pour services politiques rendus-mais il va manifestement à l'encontre de la promesse libérale de supprimer complètement la TPS.

Pourquoi le gouvernement se moque-t-il ouvertement de l'électorat en violant sa promesse de supprimer la TPS?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu ce matin à ce volet de la question du député. J'ai dit que nous avions eu raison de critiquer la TPS parce qu'elle tombait mal à propos, qu'elle faisait double emploi et qu'elle imposait des coûts énormes à l'entreprise.

(1440)

J'ai dit aussi, au cours de l'allocution que j'ai prononcée ce matin, que nous avions eu tort de croire que nous pourrions présenter immédiatement une nouvelle taxe qui ne nuise pas à l'économie et que, en fait, nous avons multiplié les efforts et les démarches pendant deux ans et demi. Le Comité des finances de la Chambre


1843

des communes a entendu plus de 500 témoins et étudié 700 mémoires. Nous avons examiné plus d'une vingtaine de solutions de rechange avant d'arrêter notre choix sur la politique publique de loin la meilleure.

Le député peut exploiter cette veine tant qu'il le voudra, il n'en restera pas moins absolument évident que les questions du Parti réformiste manquent de substance. Le fait est que le Parti réformiste s'est dit en faveur de l'harmonisation. Le Parti réformiste veut-il traiter de l'essence de la question ou de ce que veulent les Canadiens?

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le député n'ignore pas que les libéraux ont fait campagne en promettant de supprimer la TPS. C'est la seule raison pour laquelle beaucoup d'entre eux siègent ici aujourd'hui. En plus, ils ont contesté le plan Mulroney-Wilson visant à cacher la TPS. Ils ont dit qu'il ferait perdre des emplois. Mais voici que le ministre du Revenu dit qu'il sera créateur d'emplois. Les libéraux se sont moqué de la tentative conservatrice d'harmonisation de la TPS. Comme le dit le député de York-Sud-Weston, le pouvoir change vraiment les gens.

Si la TPS était mauvaise alors, pourquoi ne l'est-elle plus aujourd'hui? Les libéraux sont-ils en train de dire que Brian Mulroney avait raison?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lorsque les réformistes ont dit, en réponse au ministre des Finances, qu'ils appuyaient l'harmonisation, se trouvaient-ils à dire que Brian Mulroney avait raison?

Le fait est que lorsque les conservateurs ont imposé cette taxe, nous en avons parlé. Nous étions au beau milieu d'une dépression. Ils ont imposé une taxe qui n'était pas harmonisée et ne se sont pas vraiment efforcés de l'harmoniser.

Nous avons proposé une réforme fondamentale de la fiscalité dans la région canadienne de l'Atlantique, qui va donner aux habitants de cette région de meilleures chances d'exporter et de créer des emplois. Nous avons mis en place une démarche qui va permettre aux autres provinces d'emboîter le pas. Nous sommes en train de modifier la nature du fédéralisme fiscal dans l'intérêt de notre pays. Le Parti réformiste devrait s'en tenir à l'essence de cette réforme.

* * *

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, un consensus clair s'est dégagé lors des consultations parlementaires sur la tarification des services de la Garde côtière, tel que proposé par le ministre des Pêches et des Océans. Tous les intervenants trouvent irresponsable que le ministre impose sa tarification sans effectuer d'études d'impact complètes et sérieuses des répercussions de cette tarification sur l'industrie maritime.

Le ministre peut-il nous indiquer s'il a l'intention de respecter le consensus général des intervenants qui lui demandent d'imposer un moratoire sur la tarification des services de la Garde côtière jusqu'à ce que des études d'impact économique complètes et indépendantes aient été effectuées?

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, la tarification des services maritimes, fondée sur le principe de l'utilisateur payeur, donne suite à une mesure du budget de 1995 qui a été approuvé par le Parlement.

La manière dont cette tarification pouvait être mise en oeuvre a été conçue par le Conseil consultatif du transport maritime. Les consultations ont bénéficié de l'apport d'environ 800 représentants des ports et de toutes les industries que la navigation intéresse.

Le député s'est joint à ses collègues membres du Comité des pêches pour entendre les opinions de nombreux témoins. Le député a raison de dire que le comité a fait des recommandations, mais il y a eu un consensus pour rejeter la tenue d'un moratoire. Le comité a effectivement exprimé des réserves quant aux études d'impact. Je dois dire à la Chambre que je respecte l'avis du comité. Les études d'impact seront effectuées une fois que la tarification sera appliquée au niveau le plus bas, soit l'équivalent de 20 millions de dollars par an, et avant toute augmentation.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, je vais effectuer une nouvelle tentative. Le ministre ne convient-il pas que son projet de règlement, loin d'aider l'économie, aura pour effet de détourner le trafic maritime vers les ports américains, exportant ainsi des emplois vers les États-Unis et augmentant le nombre de chômeurs dans les ports de l'est du Canada, et particulièrement dans ceux du Saint-Laurent?

(1445)

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le député avance des idées saugrenues et sans fondement.

Puisque le député l'a entendu souvent au comité et à la Chambre, il sait fort bien que la tarification au niveau de 20 millions de dollars représentera 1/60e de 1 p. 100 de la valeur des marchandises. Autrement dit, ce sera moins de 10 p. 100 du coût de ces services fournis par la Garde côtière et moins de 3 p. 100 de la valeur totale des marchandises qui passent dans les ports canadiens. Je pense que c'est juste et équitable.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, on observe à la Chambre une situation incroyablement paradoxale. D'un côté, on voit le premier ministre chasser un député intègre qui respecte sa parole et qui fait son devoir. De l'autre, on voit siéger au premier rang un ministre de la Défense responsable de l'effondrement du moral des forces armées et dont le ministère a caché des


1844

documents à la commission d'enquête sur les événements de Somalie et au commissaire à l'information.

Combien de temps encore le premier ministre laissera-t-il le ministre de la Défense faire passer sa carrière avant le bon fonctionnement et le bon moral de nos troupes? Quand le premier ministre exigera-t-il la démission du ministre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'était la première fois qu'un ministre de la Défense nationale demandait, recommandait et autorisait la tenue d'une enquête sur des opérations, et c'est lui qui l'a fait.

Il s'agit maintenant de laisser la commission faire son travail. Si le Parti réformiste a le moindre respect pour les forces armées, il laissera la commission accomplir son travail au lieu de susciter un problème de moral des troupes en posant des questions impertinentes à la Chambre des communes.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense a déjà pris des mesures rapides quand cela était dans son intérêt. Il a dispersé le Régiment aéroporté sans avoir ordonné la tenue d'une enquête, mais que fait-il maintenant? Il veut maintenant se laver les mains de sa responsabilité à l'égard de ce qui s'est produit. Si le ministre est si convaincu d'avoir les mains propres, pourquoi n'offre-t-il pas de se présenter personnellement devant la commission d'enquête pour y être interrogé sur son rôle dans le scandale qui secoue le ministère de la Défense?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député a montré encore une fois qu'il n'avait pas lu le mandat de la commission d'enquête. Il pose des questions à propos de camouflage et de destruction de documents, mais tous ces termes figurent dans le mandat de la commission.

S'il lisait le mandat, il verrait qui peut être convoqué à comparaître devant la commission. C'est à cette dernière qu'il appartient de convoquer toute personne qu'elle souhaite entendre, qu'il s'agisse de députés à la Chambre ou de membres des forces armées; elle a le pouvoir de le faire.

Avant de poser ces questions, le député pourrait trouver les réponses s'il lisait le mandat de la commission.

* * *

[Français]

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier, nous nous inquiétions auprès du premier ministre du fait qu'un contrat de 176 000 $ ait été donné à Mme Jennifer Lynch, présidente du Comité externe d'examen de la GRC afin de revoir le processus de grief. Or, Mme Lynch est en conflit d'intérêts, puisque c'est elle qui entend les griefs des policiers.

Maintenant que le gouvernement a eu 24 heures pour faire les vérifications qui s'imposent, je repose la question au premier ministre. Le premier ministre peut-il expliquer pourquoi la GRC a octroyé à Mme Lynch un contrat d'un an de 176 000 $ justement pour réviser l'actuel système de griefs, alors même que la nature de ses fonctions l'oblige à une neutralité absolue à l'égard des deux parties?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, en effet, la procédure de règlement des différends est une initiative même de Mme Lynch. C'est une initiative dans le processus de consultation entre les hauts dirigeants de la GRC et même des fonctionnaires de la GRC.

Je peux dire à la Chambre que la GRC est d'avis que cette consultation et cette nouvelle approche répondent davantage aux besoins de la GRC.

En ce qui concerne le conflit d'intérêts, on m'informe également que le conseiller à l'éthique a été consulté dans ce dossier et qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts.

(1450)

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je remercie le secrétaire parlementaire pour sa réponse, et je voudrais lui poser une question complémentaire.

En plus d'un problème d'éthique, nous sommes ici en présence d'un problème de processus, car l'appel d'offres sur invitation contenait des exigences taillées sur mesure pour Mme Lynch. Le secrétaire parlementaire ne convient-il pas que ce contrat a été octroyé à la suite d'un préavis d'adjudication de complaisance, comme le craignait déjà, en juillet 1995, dans une lettre qu'il adressait au solliciteur général, le député de Glengarry-Prescott-Russell, whip en chef du gouvernement?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je répète qu'on a consulté notre conseiller à l'éthique et il nous a dit clairement qu'après avoir révisé le dossier, il n'y a aucun conflit d'intérêts.

* * *

[Traduction]

LA FISCALITÉ

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a annoncé aujourd'hui que le régime de taxe de vente des provinces de l'Atlantique et la taxe de vente fédérale seraient harmonisés.

On nous dit que l'harmonisation sera avantageuse pour les entreprises; elles seront plus concurrentielles, elles auront plus de débouchés à l'exportation, et leur charge fiscale sera allégée. En quoi la réforme de la taxe de vente sera-t-elle avantageuse pour le consommateur ordinaire du Canada atlantique?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il faut faire des calculs différents pour chaque province. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, le ministre des Finances,M. Blanchard, a estimé que la famille moyenne comprenant quatre personnes économiserait entre 225 $ et 250 $ par année. On pourrait


1845

donner des chiffres analogues pour la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve.

De plus, la réforme sera très avantageuse pour les consommateurs en raison de la disparition de l'effet de cascade des taxes englobées dans les prix. Il s'agit en fait de taxes cachées que les consommateurs n'auront plus à payer parce que l'entreprise recevra des crédits sur ses intrants. En réalité, ce sont les consommateurs qui seront les grands gagnants.

Autre élément qu'il est très important de signaler, c'est que la réforme permettra de créer des emplois dans le Canada atlantique. Les consommateurs achètent parce qu'ils ont des emplois. Sur le plan structurel, c'est la meilleure mesure que nous pouvions prendre pour les Maritimes.

* * *

LES PÊCHES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches.

Le coût de gestion des pêches pour le gouvernement de l'Islande est de 24 $ la tonne de poisson débarqué, contre 85 $ la tonne en Norvège et 455 $ au Canada. Malgré ce coût énorme, le MPO n'a pu prévoir ni prévenir la crise de la pêche sur les deux côtes.

Comme le ministre des Pêches demande une réduction de 50 p. 100 de la flotte de pêche au saumon en Colombie-Britannique, va-t-il réduire de moitié également sa bureaucratie?

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je puis dire au député que, compte tenu de la position du Parti réformiste sur la TPS et sur ce qui se passe à cet égard, je suis ravi qu'il s'intéresse à ce que le gouvernement diminue ses coûts de fonctionnement.

Depuis un an, le ministère des Pêches et des Océans a apporté pas mal de réductions dans le cadre de l'examen des programmes. Si les compressions n'ont pas atteint les 50 p. 100, elles ont sûrement dépassé les 40 p. 100. Ce n'est pas si mauvais que ça.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, le ministre parle de réductions. Or, ce sont les écloseries à saumon de la Colombie-Britannique que le gouvernement a sabrées à cause d'une crise.

La nouvelle politique du ministre sur l'émission de permis n'a absolument rien à voir avec la conservation. Cette politique n'accorde pas la priorité au poisson et certainement pas aux populations côtières de la Colombie-Britannique. Dans l'ensemble, la capacité de récolte de poisson demeure inchangée, mais elle sera concentrée en quelques mains.

Le ministre peut-il nous donner l'assurance qu'une fois qu'ils se rendront compte que leur politique relative à l'émission de permis n'entraînera pas une réduction de la récolte totale de poisson en Colombie-Britannique, mais qu'elle sacrifiera l'avenir des pêcheurs des populations côtières de la Colombie-Britannique, son gouvernement et lui en assumeront la responsabilité?

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, quand le député parle des populations côtières, de viabilité économique et de réduction de la capacité, il sait fort bien qu'il parle d'une industrie qui est dans un bien piètre état. Ces dernières années, certains pêcheurs ont perdu beaucoup d'argent. Cette année, on s'attend à ce que plus de la moitié des pêcheurs perdent de l'argent. Les pertes de cette industrie devraient s'élever à 10 millions de dollars environ. Le député parle donc d'une industrie en difficulté.

(1455)

Je signale au député que le plan que constitue le programme de revitalisation du saumon du Pacifique découle du rapport d'un comité formé de représentants des pêcheurs commerciaux, des pêcheurs autochtones, des pêcheurs sportifs, des populations côtières et de la province de la Colombie-Britannique. Ce comité a fait 27 recommandations auxquelles nous avons donné suite.

Le député demande si j'assumerai la responsabilité du plan. Bien sûr que je le ferai. Les réformistes assumeront-ils la responsabilité de ne pas présenter de plan du tout?

* * *

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, hier, le ministre de l'Industrie admettait en cette Chambre que dans le domaine de la radiodiffusion directe à domicile et je le cite: «Il y a peut-être un problème potentiel pour les consommateurs. Il est nécessaire que les consommateurs examinent leurs options très attentivement avant d'acheter». Or, le ministre de l'Industrie a, de par la loi, la responsabilité du développement technologique de même que celle de protéger le public consommateur.

Compte tenu que le ministre n'entend pas donner suite à la recommandation que lui faisait ma collègue de Rimouski-Témiscouata à l'effet de tenir une campagne d'information sur les risques réels à l'achat d'une antenne parabolique et d'un décodeur, est-ce que le ministre entend donner suite à la suggestion de la ministre de la Culture du Québec, Mme Beaudoin, à l'effet d'inciter les entreprises de radiodiffusion directe par satellite à louer leurs équipements plutôt que de les vendre et ceci, afin de protéger le consommateur?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait très bien, la technologie change rapidement dans le secteur des télécommunications. Il est toujours possible que les changements technologiques rendent les équipements inutiles pour les consommateurs.

La chose la plus importante pour le consommateur, c'est de prendre le temps de faire un peu de recherche avant d'acheter, car après tout, cela coûte très cher. Mais ils savent très bien aussi, et je crois que Mme Beaudoin le sait aussi, que la réglementation des ventes aux consommateurs au niveau de la vente au détail est de juridiction des provinces.


1846

[Traduction]

LA COMMISSION D'ENQUÊTE KREVER

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, dimanche dernier, mon père a subi une intervention chirurgicale à coeur ouvert et je suis heureux de pouvoir dire que tout s'est bien déroulé.

Une de ses plus grandes inquiétudes était d'avoir besoin d'une transfusion de sang. Beaucoup de Canadiens partagent ses inquiétudes. En fait, un nouveau sondage révèle que seulement 7 p. 100 des Canadiens accepteraient une transfusion de sang s'ils avaient le choix. Notre système d'approvisionnement en sang inspire de moins en moins confiance.

J'exhorte le ministre de la Justice à se débarrasser des avocats qui bloquent la commission d'enquête Krever pour laisser M. Krever produire son rapport, et la totalité de son rapport.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): En commençant, je tiens à exprimer l'espoir que le père du député se remette rapidement de son intervention. En disant cela, je sais que je parle au nom de l'ensemble de mes collègues.

Concentrons-nous sur la confiance des Canadiens dans le système canadien d'approvisionnement en sang. L'ancienne ministre de la Santé et le gouvernement ont créé la commission Krever, ils ont prolongé son mandat et ils ont accru son budget, et le gouvernement a témoigné devant cette commission pour qu'il y ait un examen rigoureux et complet du système d'approvisionnement en sang et pour que nous puissions utiliser les recommandations de M. Krever pour corriger les lacunes de ce système.

Il est vrai que des avocats du ministère de la Justice comparaîtront devant la Cour fédérale le 22 mai. Nous n'irons pas devant le tribunal pour nous ingérer dans le travail du juge Krever, ni pour le retarder ou le compliquer, mais pour obtenir une décision sur des questions d'équité procédurale, qui sont des questions de principe majeures.

Nous avons demandé au tribunal d'accélérer les audiences. Nous espérons qu'elles se dérouleront rapidement. Nous voulons queM. Krever termine son rapport. Nous avons hâte de prendre connaissance de ses conclusions, qu'elles fassent état de défaillances ou pas. Nous voulons un système d'approvisionnement en sang aussi bon qu'il doit l'être et nous voulons redonner confiance aux Canadiens.

* * *

[Français]

LE MOYEN-ORIENT

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Coopération internationale.

Les Canadiens et Canadiennes suivent avec anxiété et sympathie les événements tragiques des derniers jours au Moyen-Orient.

(1500)

Connaissant l'intérêt marqué du Canada pour la résolution rapide du conflit, le ministre peut-il faire rapport à la Chambre des développements récents visant à ramener la paix aux familles et aux enfants du Moyen-Orient?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue de sa question, car c'est la première question à laquelle je réponds à la Chambre.

Des voix: Bravo!

M. Pettigrew: Le Canada a demandé un cessez-le-feu au Moyen-Orient et nous continuons de suivre de très près et soutenons toutes les négociations qui ont lieu à l'heure actuelle au plan de la diplomatie.

Nous espérons que les parties arriveront à s'entendre bientôt et rapidement. Nous sommes d'ailleurs prêts, nous, du gouvernement du Canada, à contribuer à ces efforts. Nous avons également exprimé nos vues au Conseil de sécurité, le 18 avril dernier. Nous avons appuyé la résolution, une résolution qui, d'ailleurs, demande un cessez-le-feu immédiat au Moyen-Orient. Nous avons demandé d'encourager cette résolution et les négociations diplomatiques en cours et nous demandons que l'intégrité territoriale du territoire libanais soit respectée.

Le Canada considère inacceptable toutes les attaques qui mettent en péril les civils et le personnel des Nations Unies. Le Canada est particulièrement. . .

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable député, mais quand même, c'est une bonne réponse.

* * *

[Traduction]

L'EMPLOI

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, N.P.D.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au très honorable premier ministre. Le premier ministre et le ministre des Finances ont dit dans le dernier budget qu'ils avaient fait ce qu'ils pouvaient et qu'il appartient maintenant au secteur privé de créer des emplois.

Or, il semble que l'entreprise privée ait décidé de ne pas relever le défi que lui a lancé le gouvernement. En effet, la compagnie Kenworth s'est prévalue de l'ALENA pour aller s'installer au Mexique et faire perdre des emplois au Québec et la société General Motors s'approvisionne à l'étranger et exerce ainsi des pressions sur les traitements.

Quand le premier ministre va-t-il se décider à durcir le ton à l'endroit des entreprises et à les obliger à prendre leurs responsabilités sociales? Quand va-t-il les forcer à changer d'attitude?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député doit savoir que 135 000 emplois ont été créés depuis trois mois.

1847

Depuis que nous formons le gouvernement, et cela a fait deux ans et demi cette semaine, l'économie a créé 596 000 emplois.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune d'un de nos gardiens de la paix. Permettez-moi de me dorer aux rayons de sa gloire en parlant de ce qu'il a fait pour le Canada, puisqu'il est un de mes anciens étudiants.

Je vous présente M. Gaétan Neil Pouliot, surintendant en chef et ancien commissaire de la police civile pour la mission des Nations Unies à Haïti.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


1847

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'INHUMANITÉ DE L'ÊTRE HUMAIN ENVERS SON PROCHAIN

La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement et du sous-amendement.

(1505)

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pour le bénéfice des gens qui suivent le débat à la maison mais qui ont manqué le début, je veux expliquer qu'il y a de temps en temps à la Chambre un débat qui porte sur l'essence même de notre Parlement et de ce que devrait être le parlement mondial et sur la forme de nos relations les uns avec les autres.

Le Bloc a présenté aujourd'hui une motion qui demande au gouvernement du Canada d'utiliser le mot «génocide» pour condamner les actes commis par les Turcs vers 1915-c'est du moins à ce moment qu'on a commencé à soupçonner leur existence-principalement envers les Arméniens.

Les libéraux ont présenté un amendement à la motion pour supprimer le mot «génocide». Ces libéraux, qui siègent en face de nous, seraient d'accord pour dire qu'un génocide a eu lieu, mais jugent qu'on ne peut pas employer ce mot pour des raisons politiques. Nous avons donc décidé de rajouter le mot «génocide» à la motion, en présentatn un sous-amendement, pour que la motion du Bloc respecte son intention première.

Le débat d'aujourd'hui est particulièrement important. Même si ces événements se sont produits il y a bon nombre d'années et de l'autre côté du globe, ils nous touchent encore quotidiennement, tous et chacun d'entre nous.

Il y a quelques années, j'ai été invité à un dîner. Il y avait là une personne qui a maintenant la soixantaine, un conteur extraordinaire qui nous a régalés avec des histoires de sa jeunesse. Il s'appelle Jack Cohen. Il nous a parlé du temps où il était placé dans un orphelinat de Montréal. À quatre ans, son frère jumeau et lui ont vu arriver un grand gaillard qui s'en venait choisir un enfant. Ils savaient d'ins-tinct qu'ils devaient attirer l'attention de cette personne qui venait à l'orphelinat, s'ils voulaient trouver un foyer.

Lui et son frère étaient un peu plus âgés que certains de leurs compagnons à l'orphelinat. Quand cet homme est arrivé, ils l'ont chacun attrapé par une jambe, ne voulant plus le laisser partir.

Nous riions à l'idée de ces deux petits garçons accrochés, sans vouloir le lâcher, à cet homme venu d'Edmonton à Montréal pour chercher en fait une petite fille. Lorsqu'il est revenu à la maison, il racontait comment sa mère a découvert qu'elle avait deux petits jumeaux à la place d'une petite fille.

Nous rions d'histoires comme celle-là, mais, au fond de nous, nous déplorons la tragédie qui a mené à tout cela. C'est drôle parce que Jack sait raconter les histoires et faire d'une histoire vraiment tragique une chose acceptable et que nous pouvons comprendre.

Jack et son frère n'étaient pas les seuls. Des milliers et des milliers d'enfants avaient comme eux survécu aux camps de la mort. Tous les parents de Jack et de son frère jumeau ont été exterminés. Parce qu'ils étaient jumeaux, ils ont été placés dans un quartier spécial et, pour une raison ou pour une autre, ils ont réussi à survivre. Qu'est-ce que cette histoire a à voir avec la question dont nous sommes en train de débattre? Comment en sommes-nous arrivés là?

(1510)

C'est parce que l'on refuse l'idée du génocide. C'est ce qui explique essentiellement la position du gouvernement et la raison pour laquelle le gouvernement a du mal à voter en faveur de cette motion où figure le terme «génocide». Alors que, en 1980, les gouvernements du Québec et de l'Ontario ont adopté à l'unanimité des projets de loi stipulant qu'il fallait amener le gouvernement turc à reconnaître ce qui s'était réellement passé, le gouvernement aide à dissimuler la vérité en se faisant complice par son refus de la reconnaître.

Je suis sûr qu'aucun Canadien ne se sent solidaire. Je suis sûr que la grande majorité des Turcs d'aujourd'hui refuseraient d'être complices de ce camouflage. La seule façon de tirer profit de l'histoire, c'est de la reconnaître et de continuer à partir de là.

Pour ceux qui nous regardent et qui ne sont pas au courant des événements qui se sont produits, je voudrais remonter un peu en arrière. La chose ne s'est pas produite soudainement, en 1915, elle a commencé bien avant, à la fin du XIXe siècle. Les Chinois ont construit un grand mur pour se protéger contre les hordes ottomanes, comme on les décrivait. Les Arméniens occupaient cette partie du monde depuis quelque 3 000 ans. Les Turcs sont arrivés et ont commencé à les expulser. La situation s'est aggravée à la fin du XIXe siècle.

En 1915, tous les hommes entre 16 et 60 ans ont été mobilisés. Étant donné qu'il y a deux côtés à chaque histoire et qu'on trouve toutes les nuances possibles, il est important de comprendre que, selon les Turcs, les Arméniens se joignaient aux Russes pour se battre contre les Turcs. C'est ce qui, pour eux, justifiait le génocide. C'est pour cela qu'ils ont été déportés et expulsés.


1848

On ne s'accorde guère sur le nombre exact de morts. Toutefois, importe-t-il de savoir si c'est 1,5 million, un million ou 800 000? Si une seule personne avait été tuée, ce serait une de trop. Le génocide, tel que le définit le petit Robert, est «la destruction méthodique d'un groupe ethnique et, par extension, l'extermination d'un groupe important de personnes en peu de temps.» Par conséquent, tout massacre important devient un génocide. On ne peut pas excuser un génocide. On ne peut pas utiliser de mot moins dur. Un génocide est un génocide.

Le 24 avril 1915, le ministre de l'Intérieur de Turquie, et c'est vraiment le point zéro du génocide perpétré contre les Arméniens en Turquie, a dit que, 50 ans plus tard, le seul Arménien survivant serait dans un musée.

Aujourd'hui, il ne reste en Turquie, leur pays d'origine, que 30 000 à 50 000 Arméniens, la plupart à Istanbul. Lorsque les Arméniens qui restent ont besoin de faire réparer leurs églises, leurs écoles et leurs établissements culturels, ils doivent en demander l'autorisation au ministre de l'Intérieur.

(1515)

Quel est le lien entre mon histoire sur Jack Cohen et la situation actuelle? Voici. Avant que l'Holocauste ne débute, lorsqu'on lui a demandé ce que l'humanité penserait de ce que les nazis s'apprêtaient à faire, Hitler a répondu: «Qui se rappelle des Arméniens?» Le génocide contre les Arméniens a été à la base d'autres génocides à venir. Il a été la source de l'extermination massive des juifs européens.

Qu'y a-t-il donc de si effrayant, de si terrible et de si épouvantable à ce qui se passe dans le monde à l'heure actuelle et quel est le lien avec le génocide arménien? À mon avis, le lien réside dans la dénégation.

Qui parlera au nom de tous les morts? Qui parlera au nom des victimes des génocides à venir si nous ne reconnaissons pas et n'honorons pas ceux qui sont morts avant nous. Selon moi, c'est la dénégation d'un fait historique qui est l'aspect le plus répréhensible de ce que nous voyons aujourd'hui. Nous savons que nous ne pouvons pas refaire l'histoire. Nous ne pouvons pas renverser le cours du temps. Nous savons ce qui s'est passé. Nous n'ignorons pas que le Canada a des relations avec la Turquie, et nous savons et comprenons que la grande majorité des Turcs vivant à l'heure actuelle n'ont rien eu à voir avec ce qui est arrivé en 1915 et trouveraient cela tout aussi terrible que nous de nos jours.

Fondamentalement, les gens sont bons, mais des génocides ont cours tous les jours dans le monde entier. Nous ne semblons pas tirer les leçons voulues de nos erreurs. C'est peut-être parce que d'une façon ou d'une autre, nous essayons de prétendre que ces choses n'existent pas, car elles sont insupportables.

C'est ce qui se produit au Canada et dans le monde entier à l'heure actuelle, avec la dénégation de l'Holocauste. C'est pourquoi il est si important de faire connaître cette situation pour qu'on n'oublie pas ceux qui nous ont précédés.

Au Canada, de nos jours, au moment même où nous nous parlons, des gens nient l'Holocauste. Ils disent que c'est impossible. Comment l'humanité pourrait-elle être aussi cruelle? Comment des gens cultivés et éclairés auraient-ils pu perpétrer des crimes aussi horribles contre l'humanité, contre les Juifs et d'autres, mais surtout les Juifs? Comment toute une nation a-t-elle pu ignorer tout cela ou fermer les yeux là-dessus?

Il y a peut-être un germe de raison à cela dans ce qui se produit aujourd'hui. Peut-être ne croyons-nous pas ce que nous ne voulons pas croire. Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui se passe de nos jours en fait de dénégation de l'Holocauste et de faire un lien avec les événements qui ont eu lieu en 1915, en Turquie.

L'École polytechnique de Montréal et l'Université de Montréal vont, sous peu, recevoir un conférencier. Quinze organisations musulmanes vont parrainer cette conférence. Le conférencier invité est un historien révisionniste antisémite, Roger Garaudy. Cette personne va s'adresser à ces deux institutions et elle a certes le droit d'exprimer son point de vue dans une société libre.

(1520)

Le problème, c'est que lorsque, dans une société libre, quelqu'un peut promouvoir des théories révisionnistes, des idées généralement reconnues comme étant fausses, et le fait à titre d'universitaire, cette personne confère une respectabilité à un pan d'histoire qui n'existait pas jusque là.

Nous vivons dans une société libre où les gens peuvent dire ce qu'ils veulent, à la condition de s'abstenir de faire de la propagande haineuse. En réalité, les déclarations des révisionnistes, ou de ceux qui réécrivent l'histoire, doivent être contestées à la moindre occasion. Si nous ne le faisons pas, nous nous exposons à un risque, soit celui de répéter les erreurs du passé.

Je termine sur la pensée suivante: Tout ce qui diminue l'un d'entre nous en tant qu'être humain nous fait du tort et nous diminue tous. Nous sommes tous des êtres humains. Peu importe notre sexe, la couleur de notre peau ou notre orientation sexuelle, nous sommes tous des êtres humains. Nous sommes tous des enfants du même Créateur. Diminuer l'un d'entre nous, c'est nous diminuer tous.

Chaque fois que les droits de la personne sont violés, par exemple, chaque fois que les révisionnistes nient des faits historiques, tentent de modifier l'histoire et jettent un voile de respectabilité sur des actes vils qui se sont réellement produits, ou encore font l'apologie d'actes inexcusables, d'autres personnes doivent absolument se lever pour rappeler les faits. Nous ne pouvons nier ce qui est arrivé. Il est important pour nos petits-enfants que nous connaissions l'histoire et sachions d'où nous venons.

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'ai bien écouté le député réformiste.

Pourquoi le député croit-il que le gouvernement turc, 81 ans après le génocide, nie encore aujourd'hui le crime commis en 1915?


1849

Pourquoi la Turquie ne suit-elle pas l'exemple de l'Allemagne en acceptant sa responsabilité et en y faisant face? Peu importe quelle motion la Chambre des communes ou le Parlement du Canada adopteront, la question de la responsabilité ne sera pas réglée. Le gouvernement de la Turquie doit accepter sa responsabilité.

Pourquoi, 81 ans plus tard, la Turquie refuse-t-elle d'accepter la responsabilité des événements survenus en 1915?

M. McClelland: Monsieur le Président, cette question nous renvoie directement au coeur de notre débat d'aujourd'hui. Elle fait également ressortir la position délicate dans laquelle se trouve le gouvernement.

Je suis convaincu que la grande majorité de nos vis-à-vis appuient la motion, qui inclut le mot génocide, mais ne le font pas ouvertement pour des raisons géopolitiques ou des raisons du même ordre.

Comme je vois les choses, le gouvernement de la Turquie se rapprocherait beaucoup d'une solution aux problèmes liés à la question en admettant les faits. Il y a trois ans, la Turquie a demandé d'être admise au sein de l'Union européenne, mais sa demande a été refusée parce qu'elle n'avait pas reconnu son rôle dans le génocide de 1915.

(1525)

C'était là une condition d'entrée au sein de l'Union européenne, mais la Turquie ne veut pas s'y conformer. Elle ne le fera pas parce qu'elle croit qu'il n'y a pas eu d'exécutions de masse délibérées, mais qu'il n'y a eu que des victimes de la guerre. Les Turcs affirment que les Arméniens décédés s'étaient rangés du côté de la Russie, qu'ils étaient des ennemis de la Turquie et que ceux qui ont péri lors des déplacements de population, qui ont eu lieu en hiver, étaient des collaborateurs de l'armée russe. Ils craignent aussi que, en admettant leur culpabilité ou leur complicité, ils s'exposent à des jugements ou à des réclamations.

Je crois que le mieux à faire pour le gouvernement de Turquie, c'est de dire: «Nous avons eu tort. Nous ne le referons jamais. C'est une tache sur notre histoire. Nous reconnaissons que c'était mal.» C'est exactement ce que le gouvernement de l'Allemagne a fait.

En fin de semaine dernière, j'assistais à un mariage. Le ministre du culte a déclaré qu'il y avait sept mots à ne jamais oublier pour qu'un mariage marche et dure. Au moins quatre de ces mots pourraient nous servir dans nos rapports avec d'autres pays. Le gouvernement de la Turquie pourrait utiliser au moins quatre de ces mots en parlant aux Arméniens. Ces sept mots sont: «Je regrette. Pardonne-moi. Je t'aime.» Je pense, comme le ministre qui présidait la cérémonie de mariage l'a déclaré, que, si le gouvernement turc disait aux Arméniens: «Nous regrettons, pardonnez-nous et vivons ensemble en paix», ce serait un premier pas prometteur.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, vous me faites remarquer qu'il me reste une minute pour poser une question ou faire un bref commentaire. Je ferai un commentaire sur la question et je reviendrai à mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest à propos du député de Don Valley-Nord. Je trouve curieux qu'il adresse cette question à notre collègue du Parti réformiste; il devrait plutôt l'adresser au gouvernement, puisque, dans la motion qu'on a déposée en cette Chambre, le gouvernement, par l'entremise de la secrétaire d'État au Multiculturalisme, a proposé un amendement afin de considérer non pas le génocide arménien, mais plus la tragédie.

C'est du côté du gouvernement qu'on voit un problème aujourd'hui. On est assurément d'accord avec le député de Don Valley-Nord pour faire des pressions afin que le gouvernement turc reconnaisse le génocide arménien et qu'il prenne les dispositions pour redresser, si possible, les torts causés à cette communauté.

Quant à mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest, je veux d'abord le féliciter de son intervention. Du côté libéral, on aime de nouveau à présenter les députés réformistes comme étant des gens de droite. L'intervention de mon collègue, qui est également membre du Comité des droits de la personne, reflète une position tout à fait correcte et démontre, du moins quant à lui, l'importance des droits de la personne et la nécessité d'éviter de faire des compromis à ce sujet.

Ma question va dans ce sens. J'aimerais que mon collègue nous dise quelle est sa position ou celle de son parti en lien avec le commerce international.

(1520)

Jusqu'où le Canada doit-il aller pour faire des concessions, s'il doit en faire? À mon sens non, mais dans son sens à lui, jusqu'où le gouvernement doit-il aller pour faire des concessions en regard des droits de la personne et du commerce international?

[Traduction]

M. McClelland: Monsieur le Président, je remercie le député de ses aimables paroles.

Le seul moyen de changer quelque chose à la façon dont un pays respecte les droits de la personne à l'intérieur de ses frontières, c'est en entretenant le dialogue. Dans certaines situations, quand tous les pays travaillent à l'unisson, on peut réussir à faire triompher une cause touchant les droits de la personne. Nous avons beaucoup plus à gagner en tâchant de coopérer avec un pays pour l'imprégner en quelque sorte de notre conception de ce qui est juste et bon en matière de droits de la personne.

Dans le cas cependant où un dirigeant ou un régime outrepasse ce qui est juste, le seul moyen pour le Canada de faire comprendre qu'il n'aura aucune part à une situation et qu'il ne l'approuve pas, c'est de rompre les relations commerciales et de se dissocier de


1850

cette situation. Tant qu'existe la possibilité d'améliorer les relations avec un pays, j'estime que nous avons le droit et le devoir d'entretenir des relations commerciales et de coopérer avec lui tout en tâchant constamment de lui faire améliorer son bilan en matière de droits de la personne. S'il ne peut pas être amélioré et ne le sera pas, nous avons le devoir moral de mettre fin à nos relations avec ce pays.

[Français]

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes saisis aujourd'hui d'une importante motion commémorant les événements tragiques d'avril 1915 en Arménie. Cette motion propose par ailleurs de proclamer la semaine du 20 avril comme semaine commémorant, année après année, l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.

Le projet de motion qui nous est soumis fait appel à la notion de génocide. Cette notion est une notion relativement récente dans sa formulation et sa compréhension, une notion qui en fait n'a été définie et codifiée que vers 1948 avec l'adoption de la Convention internationale sur le génocide.

Nous reconnaissons le massacre qui s'est déroulé en 1915 à l'endroit de la communauté arménienne, mais nous devons être prudents à reconnaître ces événements par un concept dont la définition et la codification ne sont intervenues qu'ultérieurement.

De même, le gouvernement turc d'aujourd'hui n'est pas l'Empire ottoman d'alors responsable de ces massacres. Le terme «génocide» comporte des obligations précises, telles que sanctionnées par la Convention internationale de ce nom.

La question se pose à savoir si la reconnaissance par cette Chambre d'une telle notion dans le cas spécifique des événements de 1915 pourrait amener des compensations au titre de l'histoire. Cela dit, je salue la motion d'aujourd'hui qui nous oblige, nous Canadiens, à réfléchir sur l'histoire.

[Traduction]

Il est difficile d'imaginer que quoi que ce soit de positif puisse découler des terribles événements qui ont marqué la première moitié de notre siècle. La disparition de millions d'innocentes victimes, comme celle des Arméniens massacrés en avril 1915, continue de nous hanter. Mais ce n'est peut-être pas en vain que ces victimes ont souffert et sont mortes. Leur courage et notre remords se sont mués en une grande force: la reconnaissance des droits de la personne comme une obligation de tous les États.

Ce legs, qui a trouvé son expression dans la Déclaration universelle des droits de l'homme que l'ONU a adoptée en 1948, a suscité une impressionnante floraison de textes sur les droits de la personne. Ces documents énoncent les droits de la personne et, ce qui est tout aussi important, les obligations correspondantes des États, qui doivent respecter, protéger et promouvoir ces droits.

(1535)

Pourquoi les Canadiens se préoccuperaient-ils du respect des droits de la personne en des contrées lointaines? Les atteintes à ces droits nous touchent tous. Elles sapent notre humanité fondamentale et empêchent la communauté mondiale de progresser. Fait tout aussi important, lorsque ces atteintes aux droits se généralisent et deviennent systémiques, notre propre sécurité est menacée. Le ministre des Affaires étrangères a décrit la situation on ne peut mieux dans une déclaration à la Commission des droits de l'homme de l'ONU:

Si nous détournons le regard d'une souffrance humaine désolante et consternante, si nous n'empêchons pas la propagation de la haine dans nos nouveaux réseaux électroniques, si nous ne nous inquiétons pas du présent et de l'avenir des enfants vulnérables, si nous ne nous élevons pas contre les despotes et les tyrans, si nous ne nous opposons pas aux actes capricieux et arbitraires de gouvernements autoritaires qui n'ont d'autre légitimité que celle conférée par les armes et la terreur, nous devrons faire face un jour ou l'autre à de très lourdes conséquences.
Il est donc tout à fait dans l'intérêt des Canadiens de travailler pour prévenir les atteintes aux droits de la personne dans le monde entier pour éviter les tragédies qui ont été décrites à la Chambre. D'énormes progrès ont été accomplis dans la protection des droits de la personne depuis l'époque du massacre des Arméniens, il y a 80 ans.

De nombreux traités et principes internationaux inspirés de la Déclaration universelle des droits de l'homme ont été adoptés. Les deux conventions internationales sont parmi les plus importants. Mais beaucoup d'autres instruments portent spécifiquement sur des questions de droits humains fondamentaux, depuis le génocide et la torture jusqu'aux droits des femmes, des enfants et des handicapés.

Ces outils ont élargi la portée des droits humains et nous assurent à tous une plus grande protection. La définition et la codification des droits humains sont en grande partie terminées quoique d'importants secteurs restent encore à préciser, tels les défenseurs des droits humains et les droits des peuples autochtones.

Il faut reconnaître que le cadre des instruments concernant les droits humains n'est pas suffisant en soi pour nous protéger contre le fléau que constituent les violations des droits de la personne. Il suffit de considérer ce qui se passe dans l'ancienne Yougoslavie et au Rwanda, notamment, pour se rendre compte que l'humanité n'a pas encore réussi à se débarrasser des actes barbares et haineux. Le gouvernement canadien est absolument déterminé à trouver des solutions durables à ces problèmes.

En tant que chef de file reconnu internationalement dans le domaine des droits de la personne, le Canada travaille à mettre au point les institutions et les mécanismes visant à assurer que les droits humains reconnus sur papier soient respectés dans la réalité. Au sein d'organisations comme l'ONU, le Commonwealth, la Francophonie, l'Organisation des États américains et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le Canada a joué et continue de jouer un rôle actif dans l'évolution de la cause des droits humains.

Un des événements les plus importants de ces dernières années a été la création du poste de haut-commissaire des Nations Unies aux


1851

droits de l'Homme. En sa qualité de coordonnateur de toutes les activités concernant les droits humains au sein des Nations Unies, le haut-commissaire est prêt à jouer un rôle influent pour ce qui est d'assurer une meilleure protection des droits humains.

Quoique sérieusement sous-financé, le poste a déjà eu une incidence salutaire. Tout de suite après la crise du Rwanda, le haut commissaire a pu mobiliser une équipe d'observateurs chargés de veiller au respect des droits de l'homme et les installer sur place. En dépit de problèmes initiaux, la mission des observateurs a contribué à améliorer la situation des Rwandais, tant dans le pays que dans les camps de réfugiés. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'établissement de cette mission.

Récemment, le ministre des Affaires étrangères a annoncé le versement d'une aide supplémentaire de 500 000 $ pour appuyer les activités des observateurs des droits de l'homme sur place au Rwanda. Le ministre a également annoncé le versement d'un montant de 300 000 $ pour un programme semblable dans l'ancienne Yougoslavie. Ces activités du haut commissaire sont importantes parce qu'elles représentent les premières incursions dans les secteurs de prévention des conflits et de maintien de la paix après les conflits.

La capacité des Nations Unies et du haut commissaire aux droits de l'homme de dépêcher sur les lieux des observateurs devrait faciliter de beaucoup la détermination des causes des violations grossières des droits de l'homme et contribuer à la recherche de solutions à ces problèmes.

(1540)

Ces activités d'observation devraient servir à alerter la communauté internationale au sujet de désastres potentiels. Ce faisant, elles peuvent, on l'espère, accorder suffisamment de temps aux Nations Unies ou à d'autres organismes pour prévenir les violations des droits de l'homme ou les maintenir à un minimum.

Un élément clé des activités sur place est l'éducation et la formation des militaires, des policiers et d'autres importants intervenants en matière de droits de l'homme. Il faut mettre un terme à la culture de la violence si nous voulons obtenir des résultats à long terme. Par l'éducation et la formation, les Nations Unies cherchent à insuffler un respect inné pour la primauté du droit au sein des autorités. L'objectif est louable, mais impossible à réaliser dans les régions troublées du monde, à moins que la communauté internationale ne consacre davantage de ressources au programme des Nations Unies concernant les droits de l'homme.

Le Canada fait sa part, tout en tentant de mettre de l'ordre dans ses finances. Le défi pour le Canada consiste à poursuivre son engagement et à convaincre d'autres pays qu'il est indispensable de soutenir le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

La surveillance et la formation ne sont qu'une partie des efforts de prévention des violations graves des droits de l'homme. La communauté internationale doit en outre faire comprendre clairement aux auteurs des violations des droits de l'homme que ces actes ne seront plus tolérés. Les tribunaux créés pour juger les criminels de guerre en ex-Yougoslavie et au Rwanda constituent un premier pas important. Des accusations ont déjà été portées contre de nombreuses personnes et les poursuites judiciaires devraient commencer sous peu.

Aussi nécessaires qu'ils puissent être, ces tribunaux ne sont que des organismes temporaires créés pour s'occuper d'affaires résultant d'événements tragiques. Aurons-nous la volonté politique voulue pour établir d'autres tribunaux semblables si jamais des événements similaires se reproduisent ailleurs?

Pour éviter de devoir trouver des solutions immédiatement après chaque incident, la communauté internationale envisage de créer un tribunal international permanent qui serait chargé de juger les criminels de guerre. Des négociations ont débuté à cette fin sous les auspices des Nations Unies. En dépit des difficultés que soulèvent ces négociations, le Canada, qui y joue un rôle actif, a bon espoir qu'elles donneront de bons résultats. Ce tribunal sera un hommage éloquent à la détermination de la communauté internationale de lutter contre la barbarie et de punir ceux qui outragent la conscience mondiale.

Le Canada est un ami de l'Arménie. Bien que ce pays n'existe que depuis quatre ans, nous tentons de l'aider à surmonter les problèmes liés à l'édification d'une nation et à résoudre les difficultés que ce pays et cette nation ont eu à surmonter depuis la fondation de l'État arménien.

Le Canada a notamment aidé l'Arménie à réparer les dommages causés par le tremblement de terre survenu dans la région de Leninakan en 1988. Il tente aussi de trouver une solution à la guerre du Nagorno-Karabakh qui a cruellement éprouvé la population et a contribué à aggraver les difficultés liées à l'édification de cette nation dans cette région du monde.

J'ai longuement parlé des droits de la personne. Je ne puis trop insister sur leur importance pour empêcher que ne se produisent des événements comme ceux dont nous parlons aujourd'hui. Les massacres, la purification ethnique et d'autres actes terribles comme la tragédie qu'a connue l'Arménie en 1915, qui se sont produits par le passé et dont nous avons encore récemment été témoins ont tous commencé par des cas isolés de violation des droits de la personne.

Les événements survenus au Rwanda et en ex-Yougoslavie se seraient-ils produits si des organismes internationaux de défense des droits de l'homme avaient été en place pour alerter la communauté internationale et si celle-ci avait été prête à prendre des mesures efficaces afin de protéger les victimes des premiers cas de violation des droits de la personne? On ne le saura peut-être jamais. Cependant, il y a des chances que des vies humaines aient pu être épargnées et que certaines communautés n'aient pas souffert comme elles ont souffert. Nous devons aux victimes de violations généralisées et à nous-mêmes de faire tout ce que nous pouvons pour veiller à ce que de telles atrocités ne se reproduisent jamais.


1852

(1545)

En maintenant sa participation active au sein des Nations Unies et d'autres organismes internationaux et en appuyant les organisations de défense des droits de l'homme comme l'office du Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, le Canada peut faire une différence.

Je me réjouis de la motion du Bloc québécois. En même temps, pour rendre à tous la justice qui leur est due, et tout d'abord aux Arméniens qui, du fait de leur naissance ou de leur ascendance, ont été les victimes de l'inhumanité de la guerre et de l'oppression, je demande à la Chambre et au gouvernement d'appuyer un amendement proclamant la semaine du 20 au 27 avril la semaine où chacun se souviendra chaque année de l'inhumanité des peuples les uns envers les autres.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement l'intervention de mon collègue de Cap-Breton Highlands-Canso. Il a fait allusion à toutes les décisions prises par le Canada pour intervenir dans le maintien de la paix. Il a terminé son intervention en nous rappelant la grande amitié qu'a le Canada pour l'Arménie, mais ses derniers mots sont allés dans le sens de son gouvernement en vue d'amenuiser l'importance des événements de 1915 et de faire en sorte d'éviter de parler de la vraie question quand on se réfère au peuple arménien, c'est-à-dire le génocide de 1915.

Puisque mon collègue fait un lien avec la guerre de 1914-1918 comme si elle était le seul motif pour avoir tenté d'exterminer tout un peuple, j'aimerais qu'il élabore davantage à ce sujet.

Ma question concerne le commerce international. J'aimerais que notre collègue nous dise jusqu'où le Canada, ou son gouvernement, doit aller en termes de concessions par rapport aux droits de la personne, afin de maintenir des relations commerciales avec n'importe quel pays qui bafoue les droits de la personne?

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, je remercie mon honorable collègue du Bloc québécois de sa question. Le Canada ne nie pas les faits de 1915. Mais en ce qui concerne le mot génocide, c'est un terme très spécifique en droit international et il a été défini plus tard. Il n'a fait partie du corpus du droit international dans le domaine des droits humains que par après et le gouvernement du Canada trouve que ce n'est pas le mot à employer pour décrire des tragédies, des massacres, des événements qui ont été commis plus tôt dans l'histoire.

Bien entendu nous vivons dans un monde imparfait et, dans le cours de l'histoire, il y a eu énormément d'événements qui démontrent l'inhumanité de l'être humain envers son prochain. Nous, du Canada, travaillons à l'avant-garde de toutes les nations pour créer une structure qui, dans l'avenir, va minimiser, va éliminer ces événements. Nous voulons créer une architecture du respect des droits humains, que ce soit en Yougoslavie, au Rwanda ou ailleurs dans le monde, pour nous assurer que nous apprenons les leçons de l'histoire et que nous ne les répétons plus.

(1550)

C'est cela le sens de la politique du gouvernement du Canada. C'est pour nous assurer que, sans nécessairement retourner en arrière tout le temps, nous avançons en créant une architecture de respect des droits humains. Nous devons travailler sur le plan international pour créer des mécanismes anticipant les problèmes. Nous devons prévenir les massacres qui, malheureusement, continuent de se produire dans certains endroits du monde. Avec le temps, en travaillant ensemble dans la communauté internationale, nous espérons pouvoir les éliminer progressivement.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, bien sûr, j'appuie pleinement cette motion. Le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères ne serait-il pas d'accord pour dire que, étant donné l'emplacement géographique de la Turquie et de l'Arménie, deux pays adjacents, pratiquement voisins, la Turquie ferait mieux de régler cette question une fois pour toutes et d'établir des relations amicales fructueuses avec l'Arménie pour l'avenir? Ce conflit est une pierre d'achoppement au développement de bonnes relations dans cette région.

Le secrétaire parlementaire serait-il d'accord avec moi pour dire que, si la Turquie admet sa responsabilité, cela améliorera les relations entre l'Arménie et la Turquie et favorisera la reconstruction de la République d'Arménie?

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, je ne peux pas répondre à cette question au nom de la Turquie. J'espère évidemment que le gouvernement de la Turquie est disposé à faire tout le nécessaire pour améliorer ses relations avec ses voisins, y compris l'Arménie, et qu'il cherche à améliorer ses relations bilatérales.

L'Arménie est maintenant un État-nation, comme la Turquie. J'espère qu'ils pourront participer au travail collectif des organisations dont ils sont tous deux membres-comme l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou d'autres organisations européennes et les Nations Unies-pour permettre à leurs sociétés respectives de se développer ensemble, progressivement, malgré les tragédies passées.

Le Canada appuierait naturellement un tel processus et voudrait encourager les deux parties à améliorer leurs relations et à faire ce qui s'impose pour surmonter ce conflit historique entre les deux peuples.

[Français]

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je suis profondément touché par cette motion du député d'Ahuntsic qui, depuis nombre d'années, est très actif au sein de la communauté arménienne.

Quand nous abordons la notion des crimes contre l'humanité, il est essentiel de se rappeler le sens profond de ce qu'ils représentent.


1853

Mais les définitions de ces gestes ne donnent pas pour autant une signification à ces comportements quasi inhumains.

J'aimerais citer à ce propos la définition qu'énonçait justement le député libéral de Don Valley-Nord, M. Sarkis Assadourian, en avril l'an passé au moment de la présentation d'une motion similaire à celle que nous présentons aujourd'hui: «l'expression a été utilisée pour la première fois dans la Charte de Londres de 1945. La structure et le fondement de la poursuite des grands crimes de guerre devant le Tribunal international de Nuremberg, institué pour juger les crimes contre l'humanité, prévoient une autre catégorie de crimes internationaux. Conformément à l'alinéa 6c) du statut du Tribunal militaire international, les crimes contre l'humanité comprennent le meurtre, l'extermination, l'asservissement, la déportation et autres actes inhumains commis contre toute population civile avant ou durant la guerre, puis la persécution pour des motifs politiques, raciaux ou religieux en exécution ou en rapport avec tout crime, qu'il relève ou non du tribunal, qui viole les lois intérieures du pays où le crime a été perpétré.»

(1555)

Pour que la cruauté des gestes commis à l'endroit des populations civiles ne soit pas banalisée, il est plus que nécessaire d'aider nos mémoires à se rappeler, ne serait-ce que plus intensément à l'occasion d'une semaine de la commémoration, que derrière les mots, il y a aussi les gens, les amis, les visages.

Le 16 avril 1984, le Tribunal des peuples concluait que le génocide arménien avait eu lieu entre 1915 et 1916. L'ONU ne reconnaît pourtant pas encore ce fait notoire parce que, selon l'ex-ministre de la Justice du Québec, M. Herbert Marx, extrait tiré du quotidien Le Devoir du 23 mai 1984: «[ . . . ] à cause des interventions du gouvernement turc au sein même de l'ONU, le génocide arménien n'est pas encore officiellement reconnu.» Pourtant, on sait que près de 1,5 million d'Arméniens ont été exterminés.

La conspiration du silence ne peut durer, et ces actes, comme pour le peuple juif, demandent une reconnaissance historique.

Encore en 1996, plus de 120 peuples subissent toujours l'oppression armée, la violence sous toutes ses formes, de la part d'adversaires idéologiques lors de conflits religieux, raciaux ou politiques. L'utilisation de moyens militaires ou armés pour régler les conflits humains doit être bannie du comportement de tous les peuples de la terre.

Le Canada doit, par ses pratiques démocratiques, perpétuer l'exemple et dénoncer sans relâche tout règlement de conflits autrement que par des moyens pacifiques, civilisés et démocratiques. Ces moyens civilisés font partie de l'arsenal fondamental des peuples qui respectent les droits de l'homme. Le Canada doit se positionner et favoriser le règlement des conflits humains par la force des esprits au lieu de la force armée.

Le Canada encourage, par son silence ou son abstention à reconnaître même une simple semaine commémorative des crimes de génocides, notamment celui perpétré contre le peuple arménien en 1915, l'incompréhensible politique de l'oubli par le seul effet du temps.

Cette simple reconnaissance n'a aucune commune mesure avec la gravité des gestes condamnables, mais elle représente, pour les Canadiens, une assurance que jamais leur patrie ne cautionnera les peuples qui utilisent ces moyens ignobles comme politique nationale, quels que soient ces peuples.

Ce geste symbolique est significatif pour toute la communauté internationale et démontre de nouveau que le Canada se place parmi les grands défenseurs des droits humains. Ce geste symbolique n'a toutefois pas la même force d'impact qu'une politique étrangère qui, en tout temps, verrait à placer les intérêts humains au-dessus des intérêts commerciaux. C'est d'ailleurs notre politique étrangère qui nous permet de croire que le gouvernement ne donnera pas suite à notre motion; à preuve, l'amendement qui a été apporté, pour les mêmes motifs qui les ont guidés à arrêter la construction d'un monument commémoratif du génocide à Montréal cette année, ces motifs sont commerciaux et sont inscrits dans le rapport du Comité mixte chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada: non-ingérence et indifférence. Ce rapport est assez loquace par la banalisation systématique que le Canada porte à l'endroit des valeurs universelles de démocratie et des droits de la personne.

Le comportement récent du gouvernement avec ses partenaires commerciaux me fait craindre le pire. Bien pire que le rejet de notre motion, il me fait craindre le rejet des droits humains au nom de la business. Que penser du rappel à la raison de notre premier ministre par un jeune Canadien défenseur des enfants en Inde, du nom de Craig Kielburger?.

(1600)

Que penser du silence de ce même premier ministre sur le conflit tchétchène qui affecte cruellement les civils, et cela lors du Sommet des grands sur le nucléaire et la sécurité en Russie, alors que des organismes reconnus pour la défense des libertés humaines comme Médecins sans frontière ne faisait rien de moins que d'appeler le conflit «la pire guerre dans le monde»?

Ces oublis, ces silences sont plus faciles, moins engageants. Ils sont aussi une forme pernicieuse d'encouragement à la résolution violente des conflits humains, mais surtout à l'oubli. Je souhaite avoir tort sur les intentions du gouvernement, afin que la raison nous permette de nous doter d'une mémoire collective pour ne jamais oublier toutes ces atrocités.

À cet effet, nous du Bloc québécois pressons le gouvernement actuel à reconnaître une semaine particulière destinée à commémorer l'inhumanité de l'homme envers son prochain, notamment à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien. Nous pourrons dès lors véritablement, et à ce moment-là seulement, parler du Canada comme d'un véritable défenseur des droits humains.

Nous nous souvenons du génocide arménien et nous souhaitons que tout le monde au Canada s'en souvienne toujours. C'est pour


1854

cela que nous avons soumis cette motion. C'est une question de respect et d'amitié envers le peuple arménien et envers son histoire.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, c'est un plaisir d'entendre le chef de l'opposition faire des envolées oratoires sur cet aspect très important des droits de la personne.

J'ai demandé à trois reprises, par le passé, si le Bloc québécois pouvait s'engager à écrire à son ancien chef, le premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, pour lui demander d'ériger le monument qui a été refusé par le maire de Montréal, qui l'avait pourtant promis aux Arméniens et ainsi gagné leurs votes.

Le chef de l'opposition peut-il écrire au premier ministre du Québec, puisqu'il a tellement à coeur d'établir des liens entre le Parti québécois, le Bloc québécois, les minorités, les groupes ethniques et ceux qui ont de l'argent? Peut-il s'engager devant la Chambre, au nom de son parti, à demander par écrit au premier ministre du Québec de construire un monument, à Québec ou à Montréal, à la mémoire du million et demi d'Arméniens qui sont morts dans le premier génocide du présent siècle?

[Français]

M. Gauthier: Monsieur le Président, le genre de débat que nous menons aujourd'hui ne se prête pas effectivement à des échanges qui pourraient être arides entre le député et nous-mêmes. Je voudrais simplement dire ceci: Comment peut-on profiter d'un tel débat pour essayer de reporter la responsabilité du gouvernement fédéral, responsabilité qui est partagée avec la ville de Montréal, la reporter sur le dos du premier ministre du Québec?

Ce que je dis au député, c'est qu'il devrait profiter de ce débat pour rappeler à son parti que la motion présentée par le Bloc québécois rend hommage au peuple arménien et témoigne de notre respect et de notre amitié, comme je l'ai dit précédemment. Cette motion ne doit pas être amendée. Elle ne doit pas être affaiblie.

Lui, qui est d'origine arménienne, devrait convaincre son parti que nous ne pouvons pas accepter une motion qui soit diluée, qui soit diminuée. Nous voudrions obtenir son appui et obtenir l'appui du gouvernement pour que cette motion soit acceptée intégralement et qu'on n'ait pas peur de témoigner du génocide arménien et non pas de la tragédie arménienne.

Quand on connaît les règles de cette Chambre, on sait pertinemment que tout à l'heure nous serons appelés à voter sur un sous-amendement du Parti réformiste qui parle de la tragédie du génocide arménien et on sait que le gouvernement va voter contre. On l'anticipe.

(1605)

On sait également que nous serons appelés à voter sur une motion que le gouvernement lui-même a déposée et qui parle de la tragédie arménienne, au lieu de parler du génocide arménien. Il y a une nuance. Nous voudrions, tous ensemble et avec le concours du député, qu'on ne joue pas avec les mots, qu'on n'affaiblisse pas la motion qui a été déposée par le député d'Ahuntsic. Il est absolument essentiel que cette Chambre se prononce clairement, en hommage et par respect pour le peuple arménien, pour dire que nous reconnaissons qu'il y a effectivement eu un génocide du peuple arménien.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui, l'opposition officielle, en déposant une motion nous invitant, en tant que parlementaires, eu égard à toute espèce de considération partisane, souhaite marquer clairement qu'elle se rappelle, qu'elle se souvient et qu'elle souhaite contribuer à ce travail de conscientisation concernant ce qui est sans doute le plus grand drame, la chose la plus inacceptable, la plus intolérable, la chose qui doit soulever l'indignation la plus totale de la vie collective, c'est-à-dire ce recours à une arme de politique nationale qui est totalement inacceptable, le génocide.

Aujourd'hui, on assiste à un moment extrêmement triste dans la vie politique canadienne, parce qu'on sait désormais que dans ce Parlement, il y a des tartuffes. Il y a des gens qui parlent des deux côtés de la bouche. C'est extrêmement triste, parce que nous aurions pu, en tant que parlementaires, joindre notre voix, marquer d'une rare unanimité l'occasion de se rappeler que, dans ce siècle, trop souvent la violence a été présente.

L'histoire du peuple arménien est celle d'une lente et continuelle détermination à survivre et à s'imposer. L'Arménie historique, la grande Arménie, qui s'étendait de la mer Noire à la Mésopotamie, était répartie sur un territoire de 300 000 kilomètres carrés.

L'Arménie a pu jouir d'une indépendance jusqu'en 1045, soit jusqu'au Moyen Âge. Et on s'entend bien, au niveau de l'historiographie, pour constater que ce qui a permis l'indépendance de l'Arménie jusqu'au Moyen Âge et sa cohésion, c'est sa religion, sa langue et son enracinement sur les terres ancestrales. C'est à partir du XIXe siècle que tout a basculé pour le peuple arménien.

Lorsqu'on reconstitue l'histoire, on ne se trompe pas en se rappelant que trois régimes successifs ont contribué à disséminer, à provoquer la diaspora et l'établissement d'un génocide de la communauté arménienne.

On se rappelle, et le peuple arménien se rappelle aussi, du régime d'Hamid II. On se rappelle également, au tournant du siècle, ce qui avait autorisé beaucoup d'espoir, un régime démocratique, un régime qui avait, en apparence, toutes les vertus d'un mouvement libéral, d'un mouvement prônant une plus grande liberté d'expression et d'un mouvement qui aurait pu être sensible à la communauté arménienne. Mais ce ne fut pas le cas, et je parle, bien sûr, du régime turc, ce qu'on a appelé le jeune régime turc. Après quoi, avec la proclamation de la république en Arménie, on aurait pu penser que les choses eurent pu être différentes, mais cela pas pas été le cas, et cela nous amène à parler des événements de 1915-1917 où il y a eu 1,5 million de morts lors du génocide arménien.

Marquons un instant pour essayer de comprendre ce qui peut bien se passer dans ce Parlement-ci aujourd'hui. Nous avons un député qui, depuis qu'il a obtenu un mandat démocratique des gens d'Ahuntsic, a été un extraordinaire allié de la communauté arménienne. Nous avons un député, en la personne du député d'Ahuntsic, qui nous a sensibilisé à ce qu'a été le premier véritable génocide du XXe siècle. Un député sans préoccupation partisane nous invite, en tant que parlementaires, à se rappeler. Pourquoi se rappeler? Parce que lorsqu'on se rappelle, on évite de commettre les mêmes erreurs. Je suis convaincu que tous les parlementaires qui vont participer au débat aujourd'hui vont se rappeler et souhaitent se rappeler, sans


1855

acrimonie, sans hostilité, pour éviter que les choses ne surviennent à nouveau.

(1610)

Comment se fait-il que ce gouvernement n'ait pas hésité à débloquer 500 000 $ pour contribuer à la constitution d'un tribunal des crimes de guerre dans l'ex-Yougoslavie, tribunal qui va chercher non seulement à comprendre, mais à identifier et à prendre des sanctions contre ceux qui se sont livrés à des exactions? Je me rappelle très bien, pour avoir été en Chambre, le discours qu'avait prononcé la secrétaire parlementaire du ministre de l'Immigration en disant que c'était un tribunal constitué de neuf personnes, qu'un avocat canadien serait membre de ce tribunal et on n'hésitait pas à parler de génocide.

Même chose concernant les événements récents du Rwanda, où pourtant on n'a pas eu peur de poser un constat de lucidité. On n'a pas eu peur d'appeler les choses par leur nom, parce que lorsqu'on est un parlementaire, on croit à la valeur des mots. Si on croit à la valeur des mots, ça veut dire qu'on est capables de nommer les choses par leur nom véritable. Ce n'est pas de tragédie qu'il faut parler, ce n'est pas de désolation, ce n'est pas d'exaction, ce n'est pas de méfait; ce dont il faut parler, ce qui doit marquer nos discours, et ça doit retentir d'une voix unanime, c'est d'un génocide.

Comment se fait-il que ce gouvernement soit aujourd'hui pris d'effroi, d'insécurité, et pousse la partisanerie, disons-le clairement, à se comporter en tartuffe et en hypocrite et à faire toutes sortes d'amendements pour diluer la portée d'une motion qui pourtant nous aurait fait grandir à titre de parlementaires? Je vais vous le dire, moi, et je ne pense pas que ça prenne un doctorat en sciences politiques pour faire un analyse très fine de ce qu'est la stratégie des ministériels.

Nous savons bien que la Turquie est une puissance moyenne au Moyen-Orient. Nous savons bien également que la Turquie a un rôle prépondérant, un rôle considérable à l'intérieur de l'OTAN. Nous sommes en présence d'un gouvernement qui capitule devant la possibilité de prendre ses responsabilités et de faire la véritable promotion des droits de la personne en appelant véritablement les choses par leur nom.

Est-ce que vous croyez que les Arméniens, aujourd'hui, sont fiers du gouvernement canadien? Est-ce que vous croyez que tous les gens, qu'ils soient dans des OSBL, qu'ils soient dans le secteur de la coopération internationale, qu'ils fassent partie de l'une ou l'autre des grandes agences internationales chargées et responsables des droits de la personne, est-ce que vous croyez qu'il s'en trouve un parmi eux pour être fier de l'attitude hypocrite de ce gouvernement? Non. Il n'y en a pas.

Il y a quelques jours, j'avais le plaisir de participer à Genève à la Conférence des droits de la personne, qui est un organe établi aux Nations Unies. Il n'y avait pas à ce moment-là de discours assez tonitruant pour la délégation canadienne, pour dire combien le Canada était solidaire, combien le Canada était impliqué dans l'une ou l'autre des missions internationales concernant les droits de la personne. Où est la cohérence entre le fait de s'impliquer au plan international dans l'une ou l'autre des agences des Nations Unies pour faire la promotion des droits de la personne et s'apprêter à voter comme va le faire ce gouvernement?

Vous allez me dire: «Oui, mais sur le terrain de l'histoire, on peut être en présence de toutes sortes d'interprétations.» Je veux terminer en vous rappelant une chose terriblement importante. En avril 1984, le Tribunal permanent des peuples était sollicité pour répondre à trois questions. Ces questions étaient les suivantes: Le peuple arménien a-t-il été victime de déportation, de massacre durant la Première Guerre mondiale? La deuxième question: Ces faits constituent-ils un génocide? La troisième: Quelles ont été les conséquences, tant à l'égard de la Communauté internationale, qu'à l'égard des parties en présence?

(1615)

La réponse, et c'est ma conclusion: le Tribunal permanent des peuples, dont chacun des membres aurait pu siéger à la Cour internationale de justice, a conclu: «Les populations arméniennes constituaient et constituent un peuple dont les droits fondamentaux, individuels et collectifs devraient ou doivent être respectés, conformément au droit international. L'extermination des populations arméniennes par la déportation et par le massacre constitue un crime imprescriptible de génocide-monsieur le Président, de génocide-au sens de la Convention du 9 décembre 1948.»

Le droit international a parlé, l'opposition officielle prend ses responsabilités, il reste à ce gouvernement à être intègre et courageux et on est en droit de l'attendre.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié, naturellement, l'intervention de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Je le félicite de nous rappeler, à juste titre, l'importance de désigner correctement par le terme «génocide» ce que le gouvernement libéral considère comme une tragédie vécue par le peuple arménien en 1915 et 1916.

J'aimerais rappeler ce que je disais ce matin et je poserai une question à mon collègue en ce sens. . .

M. Ménard: Et ami.

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Et néanmoins ami, comme il le rappelle.

Je disais ce matin qu'il était de toute nécessité, en ce qui concerne le rôle du Canada au plan international, son rôle dans la défense des droits et libertés, d'avoir non seulement un discours cohérent, mais de ne laisser place à aucune espèce d'interprétation qui serait de nature à diminuer, aux yeux de l'humanité et aux yeux des autres pays, l'importance que le Canada accorde aux droits de la personne.

Quand on prend conscience de l'amendement présenté par le gouvernement libéral à cette motion de l'opposition, on est en droit de se poser de sérieuses questions. Comme mon collègue vient de le mentionner, c'est une façon d'amenuiser un geste tout à fait répréhensible et presque d'amener à une certaine tolérance de ce genre d'événement.

Si on veut que les droits de la personne soient respectés à l'extérieur, il faut transmettre un message clair, puisque tout abandon de cette ligne de conduite aura certainement des répercussions à


1856

l'interne même. Je l'ai dit, si le Canada fait preuve d'une espèce de tolérance par rapport à ce qui doit être dénoncé, tôt ou tard, on se retrouvera dans une situation semblable. Le risque est là. Qu'on soit moins vigilants à l'interne et ce sera nécessairement au détriment de nos concitoyens et concitoyennes.

Je vais poser ma question à mon collègue parce que je sais que plusieurs personnes sont désireuses de l'entendre encore une fois. Elle concerne les droits de la personne et le commerce international. C'est une question que je pose très sérieusement. J'aimerais que mon collègue nous dise ce qu'il pense, lui, de ceci: jusqu'où un gouvernement peut-il faire des compromis ou des compromissions pour établir ou maintenir des relations commerciales avec un pays au détriment des droits de la personne?

M. Ménard: Monsieur le Président, vous êtes sûrement aussi attaché que moi au député de Mégantic-Compton-Stanstead et à ses questions toutes plus brillantes les unes que les autres. Sans doute qu'il faut répondre sans équivoque, ce que vous répondriez vous-même, monsieur le Président, c'est qu'il faut s'assurer qu'en toute circonstance, jamais des questions mercantiles, comme celle du commerce international, ne doivent primer sur toute espèce de laxisme qu'on pourrait avoir dans les dossiers de violation de la personne. Je crois même qu'il y a eu une assez bonne unanimité, aujourd'hui en cette Chambre, pour dire que nous reconnaissons que le commerce international est une dimension très importante de la vie internationale. On reconnaît même que l'histoire du Canada a été construite à travers chacun des segments de son histoire sur la question du commerce, mais jamais cela ne doit nous amener à négliger la primauté et la promotion des droits de la personne comme le font les libéraux depuis qu'ils forment le gouvernement, depuis octobre 1993.

(1620)

[Traduction]

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de partager mon temps avec le député de Scarborough-Rouge River.

Nous devons situer le débat d'aujourd'hui dans son contexte historique. J'appuie la motion et l'amendement du secrétaire parlementaire.

L'amendement cherche à placer cette tragédie humaine dans son contexte historique et en même temps dans le contexte de ce que nous, en tant que Canadiens, devons reconnaître comme une réalité historique, à la lumière de l'interdépendance qui règne dans le monde où l'on vit maintenant, et de ce que nous devons faire nationalement et internationalement, en notre qualité de politiciens actifs, pour veiller à ce que de tels événements ne se reproduisent plus.

Voilà le but de la motion du gouvernement. C'est aussi le but du débat. Je félicite le Bloc québécois d'avoir présenté cette motion, fort importante à mon avis.

Cependant, il est regrettable que le député d'Hochelaga-Maisonneuve ait laissé entendre que le gouvernement mêle à cette question les relations commerciales avec la Turquie, ainsi que d'autres intérêts. Ce n'est pas l'objet de l'amendement, selon moi. Avant d'examiner la question, je voudrais faire quelques observations générales à ce sujet.

Il s'agit d'une tragédie humaine de très grande envergure, comparable aux autres grandes tragédies et aux massacres de populations comme ceux de l'Allemagne, du Cambodge et du Rwanda. La liste est déjà trop longue, rien que pour le XXe siècle. C'est pourquoi cette reconnaissance est si importante. Dans le monde complexe où nous vivons, nous devons nous poser la question que l'on retrouve dans le Nouveau Testament: qui est mon prochain?

Hier, c'était les Arméniens, plus récemment ce furent les juifs d'Europe. Vinrent ensuite les Cambodgiens, les Rwandais et les Bosniaques.

Si nous perdons de vue notre humanité commune, nous perdons de vue notre mandat de politicien. Toutefois, nous ne devons pas oublier que nous habitons un continuum historique et que, à titre de députés, nous devons veiller à ce que notre cadre historique et institutionnel s'adapte au mieux au monde moderne. Voilà pourquoi j'appuie l'amendement.

Nous avons besoin d'institutions internationales, notamment des Nations Unies dont le secrétaire parlementaire a parlé plus tôt. Je suis fier d'appuyer le gouvernement qui soutient activement l'ONU, une organisation qui peut veiller à ce que de telles tragédies ne se produisent plus jamais. Nos troupes sont en Bosnie justement parce que le gouvernement estime que l'on ne doit jamais permettre de génocide.

Il n'est pas juste de la part du Bloc québécois de dire que le gouvernement n'a pas l'intention de faire quoi que ce soit au sujet des génocides. Nous engageons les ressources du Canada, malgré les critiques du Parti réformiste, pour essayer de garantir la sécurité de certains endroits du monde, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'événements de ce genre. Nous avons envoyé des troupes à Haïti pour empêcher les crimes comme ceux qu'il y a eus pas le passé. Ce sont des mesures concrètes, qui s'attaquent au problème et qui, espérons-nous, le résoudront. C'est un aspect du problème.

Un autre aspect c'est celui du cadre institutionnel du gouvernement mondial. Nous n'avons pas de système juridique qui nous permette de dire que tel ou tel groupe est coupable de génocide et nous n'avons pas le pouvoir de nous attaquer aux coupables et de les punir. Nous essayons d'y arriver, mais la situation est encore à l'état embryonnaire.

(1625)

On en a parlé à Nuremberg. Lorsque j'enseignais le droit international, je disais que le procès de Nuremberg avait établi les principes du droit international. Il faut reconnaître que ces principes remontent à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qu'ils ont été imposés par les parties victorieuses aux parties perdantes, ce qui fait qu'ils n'ont pas l'universalité des mesures adoptées plus tard. Le


1857

Canada a fati sa part dans le développement des principes qui servent maintenant à protéger les droits de la personne.

Mon collègue, le professeur Humphreys de l'Université McGill, était l'un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Des milliers de Canadiens, par leurs actions dans l'armée-dans l'IFOR ou dans des situations moins dramatiques au service des Nations Unies-ou par leur travail dans des commissions internationales, ont participé à la mise au point de règles de droit qui nous permettent de traiter des questions dont nous parlons aujourd'hui.

Nous devons continuer à travailler dans ce domaine. Nous devons mettre sur pied un tribunal criminel international. J'aimerais que le Bloc québécois parle de cette question. Quelle leçon pouvons-nous tirer de l'Arménie? La leçon que nous devons en tirer, c'est que nous avons besoin d'institutions internationales, d'institutions juridiques, qui puissent s'attaquer à des problèmes de ce genre.

Ce sont pour des choses semblables que les Arméniens d'aujourd'hui, les Turcs d'aujourd'hui et les Canadiens d'aujourd'hui nous remercieraient, pas pour chercher à condamner et à transformer une question de langue en quelque chose qui ressemble à une manoeuvre politique, alors que nous essayons tous de nous attaquer à une question qui est d'une importance réelle pour tous les députés à la Chambre et qui consiste à créer des institutions modernes qui répondront aux besoins d'un monde moderne et feront que ce genre de situation ne se reproduise pas.

J'espère que le tribunal qui a été constitué pour juger les crimes commis en Bosnie, et où un juge de ma province travaille comme procureur, contribuera à ce processus. J'espère seulement que nous pourrons, un jour, envisager à la Chambre la possibilité de nous doter de lois semblables à celles dont disposent les États-Unis, lois qui autorisent à engager des poursuites devant leurs tribunaux en cas de violations des droits de la personne, peu importe où elles ont été commises.

En tant que parlementaires, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Nous devons contribuer à cet effort. Comme le secrétaire parlementaire l'a dit en toute franchise quand on l'a interrogé au sujet de la Turquie, nous ne pouvons pas répondre au nom de la Turquie sur la question du génocide. C'est à la Turquie de répondre.

Il nous appartient cependant de nous prononcer sur le cadre international dans lequel nous évoluons et sur les moyens dont nous disposons en tant que politiques pour éviter que ces terribles tragédies ne se répètent.

Voilà la meilleure contribution que nous pouvons apporter à nos concitoyens arméniens et aux Arméniens qui habitent l'Arménie aujourd'hui. C'est le maximum que nous puissions faire pour manifester notre respect envers l'esprit de cette résolution, c'est-à-dire que, plutôt que de se disputer au sujet de sa terminologie, il faut reconnaître le fait et prendre les moyens pour que ça ne se reproduise jamais et si, par malheur, ça devait se reproduire, il y un ordre mondial qui permet maintenant aux Canadiens d'intervenir pour prévenir ces tragédies.

Il y a un point complexe à aborder, mais qui mérite, selon moi, d'être porté à l'attention de la Chambre. Tous les enjeux de cette nature ne sont pas sans nous interpeller. Nous ne sommes pas parfaits. Nous avons eu notre lot de problèmes, de problèmes liés aux droits de la personne. Nous avons fait des progrès et continuerons d'en faire, mais le fait est que nous avons doté le pays d'une charte des droits qui garantit les droits individuels. Cela s'inscrit parfaitement dans notre tradition et le rôle que nous jouons dans le cadre international dont j'ai parlé.

Il y a des organismes fédéraux qui répondent aux besoins des diverses collectivités de notre pays, organismes qui maîtrisent les événements qui se déroulent dans leur rayon d'action, sans compter le gouvernement fédéral qui veille à ce que la charte et les lignes de conduite générales soient appliquées équitablement partout au pays.

Je songe à tout ce que nous avons créé ces dernières années au pays. Nos organismes fédéraux sont parmi les meilleurs gages dont les Canadiens disposent pour que ce genre de tragédie ne se produise jamais dans notre pays. Rappelez-vous, ça s'est produit dans un État unitaire où faisait défaut un système de partage des pouvoirs qui aurait permis à ses diverses composantes de faire face à ce genre de situation.

(1630)

C'est pourquoi je ferai valoir aux bloquistes que, lorsqu'ils présentent une motion de ce genre et cherchent à savoir quelle leçon il faut tirer de la tragédie arménienne, la moindre n'est pas de créer des institutions politiques fondées sur les valeurs humaines et qui sont de nature à répondre aux besoins qui se font sentir. C'est précisément ce que nous avons fait, à mon avis, par le truchement des organismes fédéraux et c'est ce qui explique pourquoi notre pays est si respecté et pourquoi il fait bon y vivre. Il jouit du respect de tous.

[Français]

Je sais que mon temps est limité. Je termine avec cette idée que l'amendement proposé par le gouvernement respecte à la fois la notion de base de la motion proposée par le Bloc québécois, et introduit une notion beaucoup plus globale, beaucoup plus universelle, celle de reconnaître le respect des droits de la personne universellement. Le respect introduit aussi la notion que notre pays est basé sur la tolérance et le multiculturalisme. C'est un État fédéral qui garantit le respect de tous ses citoyens qui sont venus ici, qu'ils soient Arméniens ou de n'importe quel autre pays.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord je veux féliciter mon collègue de Rosedale pour les propos qu'il vient de tenir. Je dirais que si son intervention faisait l'objet d'une motion comme telle, je l'appuierais presque dans sa totalité, sauf bien sûr lorsqu'il fait référence-et je le comprends, peut-être que la ligne de parti l'impose-mais lorsqu'il fait référence à l'appui qu'il donne à l'amendement apporté par sa collègue secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme.

En fait, l'amendement du gouvernement à cette motion, nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, fait en sorte de diminuer la portée des événements tragiques, bien sûr, qui ont été vécus par le peuple arménien en 1915 et 1916, et d'éviter d'appeler les choses


1858

par leur nom, c'est-à-dire de considérer ces événements-là comme un génocide.

Je comprends que l'évolution du droit international ou l'évolution de nos attitudes permet certainement aujourd'hui d'être plus spécifiques pour analyser de tels événements. Il me semble que, même si on se réfère au contexte de 1915-1916, les faits ne peuvent que nous conduire à reconnaître qu'il y a eu à cette époque génocide ou tentative de génocide, à tout le moins, du peuple arménien.

Je suis tout à fait d'accord pour reconnaître les faits que mon collègue soulève quant au respect des droits de la personne ici même au Canada. Il est reconnu sur le plan international, et l'opposition officielle le reconnaît également sans aucune espèce de nuance, que les droits de la personne sont respectés d'une façon très correcte au Canada. La semaine passée, le commissaire des droits de la personne a comparu devant le Comité des droits de la personne pour signaler des améliorations à apporter, des améliorations sérieuses concernant les nations autochtones et bien sûr l'introduction du motif d'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination. Mais cela étant dit, nous reconnaissons, et je reconnais les avantages qu'il y a à vivre dans notre pays quand il s'agit des droits de la personne.

Mais justement, en raison du chemin parcouru, au Canada et au Québec, quant au respect des droits de la personne, il me semble que le message que l'on porte mondialement, au plan international, ne doit, comme je l'ai mentionné, souffrir d'aucune espèce de nuance.

(1635)

C'est pour cette raison qu'on doit envoyer un message clair, tant en rapport avec le génocide arménien qu'en rapport avec les autres crimes contre l'humanité qui se produisent un peu partout à travers le monde. Mon collègue peut-il nous dire jusqu'à quel point le Canada doit faire des compromis en regard du commerce international et mettre de côté les droits de la personne pour nos intérêts commerciaux?

Le président suppléant (M. Kilger): Je demanderai la coopération de l'honorable député de Rosedale afin qu'il nous donne une réponse brève dans le peu de temps qu'il lui reste pour sa période de questions et commentaires.

M. Graham: Monsieur le Président, je ferai deux observations à mon honorable collègue. Tout d'abord, je me réjouis moi aussi du fait que nous vivons dans un système où il y a un commissaire des droits de la personne qui peut soulever ces questions et les porter à notre attention. Je suis d'accord avec lui sur le fait qu'il nous reste aussi du chemin à faire, à nous les Canadiens. Nous ne devons pas toujours pointer les autres du doigt, nous devons d'abord nous occuper de nos propres problèmes. Je suis bien content d'être ici, parce que j'espère avoir bientôt une occasion de le faire avec lui et les autres membres de cette Chambre.

En ce qui concerne cette question de rapport entre le commerce international et les droits de la personne dans d'autres pays, est-ce que nous voulons vraiment, dans le système intégré dans lequel nous vivons aujourd'hui, condamner les autres personnes? Est-ce que la condamnation aide, oui ou non, à l'accroissement de la compréhension et au changement du comportement des gens ailleurs? C'est la question que nous devons nous poser.

Il se peut très bien que, dans certaines circonstances, une condamnation soit absolument nécessaire. Dans d'autres circonstances, si nous entretenons des rapports avec les gens, cela nous permettra de les persuader de changer d'avis. C'est toujours une question de cas. C'est toujours une question à laquelle on doit répondre ad hoc.

Je trouve que dans ces conditions, l'amendement proposé par le ministre répond plus aux besoins de l'ère moderne et actuelle que le texte de la motion originale. C'est pour cette raison que j'appuie les amendements et j'espère qu'ils recevront l'appui des députés de cette Chambre, parce que c'est dans cet esprit que nous aurons une chance de changer le comportement des gens. C'est ce qu'il faut viser, nous devons viser l'avenir. C'est l'avenir de toute l'humanité qu'il faut viser et, à mon avis, c'est ce que nous essayons de réaliser avec ces amendements.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de reprendre le débat, conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les sujets qui seront abordés ce soir au moment de l'ajournement: le député de Parry Sound-Muskoka, FEDNOR; le député de Davenport, Les pêches.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat sur la motion de l'opposition officielle.

Le thème en est l'inhumanité de l'être humain envers son prochain, une exhortation à mettre de côté chaque année une certaine période pour réfléchir à cette situation regrettable. On s'attarde plus particulièrement, dans ce cas-ci, sur le génocide arménien de 1915.

Des députés libéraux et des membres du tiers parti ont proposé des amendements portant sur des aspects techniques de la motion et mettant en garde contre l'utilisation du terme «génocide».

Il se peut que certains d'entre nous cherchent un moyen d'utiliser ces faits historiques, de les ramener au présent et de trouver la bonne façon de les catégoriser, de les articuler. Je pense que cela présenterait une certaine difficulté. Des députés des deux côtés de la Chambre ont exposé divers points de vue sur ce problème. Ce n'est pas facile de traiter d'événements qui se sont produits il y a longtemps, il y a 81 ans dans ce cas-ci.

(1640)

Quoi qu'il en soit, j'ai pris ma décision depuis un certain temps déjà. Je me fiche des aspects techniques de la question. Je laisse cela à d'autres. En toute franchise, après 81 ans, nous en sommes au point où les avocats n'ont pas leur place.

J'ai appris l'existence de ce qu'on appelle le génocide arménien il y a 12 ans environ. J'avais un ami canadien d'origine arménienne. Il n'est certes pas devenu mon ami pour me sensibiliser à la question. Cependant, en connaissant sa famille, j'ai appris beaucoup sur cette question.


1859

À peu près à la même époque, j'ai eu l'occasion de lire un article savant dans une revue britannique traitant de philosophie politique et d'histoire. Cette revue s'intitule Encounter. C'était une présentation bien rédigée et objective de nombreux aspects de l'histoire et de la philosophie politique.

L'article que j'ai lu était fort objectif. Il portait sur la controverse historique qui existait à l'époque au sujet du nombre de personnes qui avaient réellement perdu la vie dans le génocide arménien. À l'époque, les opinions à ce sujet divergeaient et c'est peut-être encore le cas aujourd'hui. Quels que soient les calculs que nous fassions, leur nombre se situe dans les six ou sept chiffres, et il s'agit à tout le moins d'une tragédie. Ce fut le premier génocide du siècle actuel. J'ai admis cela.

Peu importe le résultat du vote sur la motion et comment les avocats la modifieront, la feront cadrer et l'enjoliveront, je veux que les Canadiens reconnaissent ce qui s'est passé en 1915.

Depuis lors, j'ai assisté à la commémoration annuelle des événements d'avril 1915. Tout le monde sait que les auteurs du massacre n'ont pas pu tuer 1,5 million de personnes le 24 avril 1915. Cela s'est poursuivi pendant un certain temps. À cette époque-là, le monde était engagé dans un autre massacre, la Première Guerre mondiale, où des millions des personnes ont été tuées. Le génocide s'est produit au même moment où Laurence d'Arabie poursuivait sa carrière militaire, à une centaine de milles au sud de l'endroit où cela se passait. Le monde n'y prêtait pas beaucoup attention.

Cependant, certains en ont pris note. Je suis heureux de dire que certains Canadiens l'ont fait. Vers 1921, quelques Canadiens se sont réunis pour faire venir au Canada un certain nombre d'orphelins du génocide arménien. On les a appelés les garçons de Georgetown. Ils ont été amenés dans un endroit situé près de Georgetown, en Ontario. Bien que, selon les normes actuelles, cela ne semble pas très acceptable, ces orphelins ont été répartis et envoyés dans des fermes. Ils n'ont pas été adoptés. Ils avaient des tuteurs. Ils fréquentaient l'école et travaillaient très fort dans les fermes. Récemment, la communauté arménienne de Toronto a organisé en leur honneur une cérémonie à laquelle j'ai assisté. C'était très touchant.

Ces gens sont maintenant très âgés. La plupart avaient le sourire aux lèvres. Mais, à voir les rides de leurs mains et de leurs visages, j'ai compris qu'ils avaient réellement vécu quelque chose, il y a 81 ans.

(1645)

Nous pouvons tous parler de tragédie ou de génocide, mais nous ne pouvons faire autrement que d'arrêter un moment pour nous demander comment cela a pu arriver et pour prier Dieu afin que cela ne se reproduise jamais.

Par la suite, les Arméniens de cette partie du Moyen-Orient et de l'Europe de l'Est ont formé une diaspora. Ceux qui ont pu le faire ont fui. Les autres qui ont été déportés sont allés ailleurs. D'autres encore, dont le nombre est incertain, sont venus au Canada former la communauté arménienne et se considèrent comme une minorité. Un grand nombre d'Arméniens se sont joints aux Canadiens et vivent, pas tellement comme des Canadiens arméniens, mais plutôt comme des Canadiens d'ascendance arménienne.

Toutefois, on ne peut oublier qu'une grande partie de la population à laquelle on appartient a simplement été liquidée dans l'entité politique qui s'appelait l'Empire ottoman. Comme je ne vivais pas à cette époque, je ne sais pas comment c'était. Je peux me renseigner sur ce qui s'est passé dans les livres d'histoire, mais cela appartient vraiment au passé. Ce n'est pas le cas de ceux qui ont survécu aux événements et qui m'ont raconté ce qui s'était passé. Il est plus que temps que le monde reconnaisse ce qui est réellement arrivé.

Il ne faudrait pas traiter cette tragédie comme une chose du passé sans reconnaître que l'homme a souvent tué autant de gens seulement dans le siècle actuel. Il y a eu la Première Guerre mondiale, la révolution russe qui a coûté des millions de vies et le génocide perpétré dans les camps de concentration allemands, où des millions de juifs, de Tsiganes et d'opposants politiques ont été tués.

Nous avons participé à la Seconde Guerre mondiale qui a tué des millions d'êtres humains. La révolution de la Chine communiste n'était pas un génocide, mais des millions de gens ont été sacrifiés. La Yougoslavie a été témoin d'un massacre de militaires et de civils au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Au moment de la partition de l'Inde, en 1947 et 1948, deux millions de personnes ont perdu la vie dans les affrontements auxquels la délimitation de la frontière indo-pakistanaise a donné lieu. Ce fut une terrible tragédie que personne n'a voulue, sinon l'inhumanité de l'homme pour l'homme.

Pendant la période où j'ai eu l'honneur d'être député, nous avons été témoins des horribles massacres de la Bosnie et du Rwanda.

La motion d'aujourd'hui ne vise pas qu'à reconnaître ce qui est arrivé en 1915 en Arménie. Il s'agit pour tous les Canadiens de prendre conscience de ce qui s'est passé, de ces drames, de ces morts, de ces cruautés. Nous avons peu de moyens d'assurer cette prise de conscience, et cette résolution est l'un d'eux.

Nous voulons aussi, si nous le pouvons, nous réconcilier avec l'histoire. Dans ce cas-ci, je crois que les manuels d'histoire ne disent pas exactement ce qui s'est passé. J'ai peut-être tort. Pardonnez-moi si j'ai pas pu lire tous les livres et articles qui ont été écrits sur le sujet. Dans mes études au Canada, qui ont duré de longues années, on ne m'a pas parlé de ce massacre, on ne m'en a pas expliqué l'ampleur. Je déplore que nous ne fassions pas un effort concerté pour donner à nos élèves des connaissances sur certains aspects de l'histoire.

(1650)

À propos d'une motion qui concerne 1,5 million de morts, je crois qu'il faut éviter le sectarisme. J'espère qu'il y aura moyen de concilier la motion de l'opposition, l'amendement du gouvernement et le sous-amendement du tiers parti et que nous pourrons adopter à l'unanimité un texte de motion. Il serait difficile pour


1860

n'importe qui de voter contre la motion, compte tenu du grand nombre de morts.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour son excellente intervention.

Nous avons eu l'occasion de parler à maintes reprises à la Chambre des génocides qui se produisent dans diverses régions du monde, de l'Arménie au Cambodge, de même qu'au Rwanda et au Burundi.

Nous avons souvent déploré ces regrettables tragédies. Mais qu'avons-nous fait pour prévenir les génocides?

Le député a-t-il idée des mesures que le gouvernement canadien pourrait prendre et envisage de prendre pour inciter le ministre des Affaires étrangères à faire des suggestions constructives sur la façon dont le Canada pourrait collaborer avec ses partenaires de la communauté internationale afin d'agir de façon concertée et de prévenir les génocides?

M. Lee: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Je résiste à la tentation d'aborder de façon trop philosophique l'une des solutions possibles. Je suis convaincu que tous les députés sont prêts à faire l'impossible en tant que législateurs pour promouvoir le rôle que le Canada peut jouer sur la scène internationale, de façon à éliminer, nous l'espérons, la nécessité de parler à l'avenir de ce genre de tragédies.

Je ne peux m'empêcher de me rappeler une observation que m'a faite un jour un législateur du Parlement indien. Au cours d'une discussion que nous avions sur un sujet tout autre, ce parlementaire a déclaré qu'on ne pouvait répondre aux armes que par les armes. À mon avis, cela signifie que, en cas de génocide ou de massacre appréhendé, que ce soit au moyen de machettes, de fusils ou de poison, il faut réagir par la force. Cela signifie aussi que les Nations Unies, dont fait partie le Canada, doit prêter davantage attention à la proposition visant la création d'une force d'intervention rapide. Il faut répondre aux attaquants par les mêmes armes qu'ils utilisent.

Si nous décidons de philosopher pendant les 50 prochaines années et de débattre les raisons pour lesquelles ces tragédies ne devraient plus se produire, nous pourrions être contraints à assister à d'autres massacres comme ceux qui ont eu cours au Rwanda et au Cambodge, sans pourvoir réagir. Nous nous en tordrions les mains de désespoir.

La seule solution à court terme pour mettre un terme aux conflits dès que des troubles commencent à fomenter est de créer une force d'intervention rapide chargée de protéger les victimes et de mettre fin à ce qui ressemblera à une tentative de génocide.

[Français]

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, au début de sa réponse à la question de mon collègue, l'honorable député avait mentionné le symbolisme de la motion d'aujourd'hui. J'ai été un peu choqué parce que, pour moi, c'est beaucoup plus qu'un symbole.

(1655)

Une des premières choses qui m'a marqué lorsque j'ai commencé à travailler sur le dossier de la commémoration du génocide arménien était l'affirmation d'Adolf Hitler qui, au moment où il commençait ses exactions contre les Juifs, aurait mentionné à ses collègues SS: «Qui se souvient aujourd'hui du génocide arménien?»

La première mesure qu'un pays doit prendre face à un génocide, c'est d'éviter qu'il ne sombre dans l'oubli. C'est de rappeler aux dictateurs de la planète que ce sera un facteur dans l'évaluation de ce pays vis-à-vis de la communauté internationale. Dans ce sens, nous, du Bloc, de l'opposition officielle, du Parti réformiste, souhaitons garder dans la motion le terme génocide.

Le mot tragédie diminue, affaiblit le sens. J'inviterais le député à réfléchir à l'essence même de la motion et à se joindre à nous pour adopter cette motion dans son sens strict, celui de génocide arménien et celui d'action concrète que notre gouvernement doit rappeler à la communauté internationale par rapport à ces actes qui sont commis trop régulièrement.

Donc, dans ce sens, c'est un commentaire. J'inviterais mon collègue à me faire part de ses réflexions à ce sujet.

[Traduction]

M. Lee: Monsieur le Président, j'approuve presque tout ce que dit le député. Je le félicite d'avoir proposé la motion. Si l'on a employé le mot «symbolique» en traduisant mes propos, je ne me souviens pas de l'avoir employé ou du moins d'avoir voulu l'employer. Je ne vois absolument rien de symbolique là-dedans. Cela dit bien ce que cela veut dire.

En ce qui concerne le déroulement et la terminologie de la mise aux voix des motions, j'ai déjà précisé que je ne voulais rien savoir de cela. Il y a longtemps que je me suis fait une idée sur ce qui s'est passé il y a 81 ans. Je veux simplement que la Chambre adopte une résolution visant à atteindre le but très louable poursuivi par le député d'en face.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, la journée de l'opposition officielle consacrée au génocide arménien me permet de prendre la parole aujourd'hui sur ce sujet très important. Les débats entourant cette question voudraient inciter le gouvernement canadien à reconnaître officiellement le génocide de 1915. Ce crime contre la personne, croyons-nous, ne doit pas sombrer dans l'oubli et dans l'indifférence.

La motion présentée par le Bloc québécois stipule qu'à l'occasion du 81e anniversaire de ce génocide, le gouvernement désigne la semaine du 20 au 27 avril de chaque année Semaine de commémoration de l'inhumanité de l'homme envers son prochain, reconnaître qu'il s'agit de gestes hautement condamnables et dont tous les peuples de la terre doivent témoigner.

D'ailleurs, le Bloc québécois reprend essentiellement l'esprit d'une motion qu'avait déposée le député libéral de Don Valley-Nord en avril 1995. Malheureusement, devant l'opposition de certains de ses collègues, la motion n'a pu faire l'objet d'un vote en cette Chambre.


1861

C'eut été pour le gouvernement ajouter un nouveau fleuron à sa réputation exemplaire de défenseur des droits de la personne. Dans les faits, nous assistons à un changement de cap étonnant.

L'attitude du gouvernement libéral dans ce dossier est décevante, mais pas vraiment étonnante. Alors qu'ils siégeaient sur les banquettes de l'opposition, les députés libéraux n'hésitaient pas à réclamer une reconnaissance explicite en cette Chambre du génocide arménien. Depuis leur retour au pouvoir, les libéraux ont «viré leur capot de bord», comme on dit chez nous. Les droits de la personne ne sont plus maintenant nécessairement prioritaires, mais souvent subordonnés aux intérêts économiques.

(1700)

Encore récemment, le tout nouveau ministre de la Coopération internationale exerçait des pressions auprès du maire de Montréal afin que celui-ci abandonne son projet d'ériger un monument à la mémoire des peuples victimes de génocide, dont le peuple arménien. Le ministre aurait préféré qu'on substitue au mot «génocide», ceux d'«événements tragiques». La dilution des mots dans un tel contexte revient à confirmer que l'étape ultime d'un génocide est de tenter, après coup, d'en nier l'existence même ou à tout le moins d'en minimiser l'importance et c'est ce que nous vivons aujourd'hui.

C'est ce que tente, encore une fois, le gouvernement libéral en proposant un amendement dont la teneur est réductrice et indigne. S'il refusait d'appuyer la motion de mon ami et collègue, le député d'Ahuntsic, le gouvernement libéral accorderait implicitement son appui aux plus extrémistes qui veulent bâillonner la mémoire historique. Ce faisant, le gouvernement libéral ne reflète aucunement les valeurs fondamentales des Québécois et des Canadiens.

Heureusement, les gouvernements québécois et ontarien ont favorisé depuis longtemps, dans ce dossier, les valeurs universelles que constituent les droits de la personne. En 1980, les deux gouvernements provinciaux ont adopté des motions reconnaissant le génocide arménien et réclamé du gouvernement fédéral qu'il en fasse autant.

Il est quand même incongru, 16 ans plus tard, que nous soyions toujours en cette Chambre en train de réclamer que le gouvernement canadien agisse. Le gouvernement fédéral refuse-t-il de reconnaître cette réalité? Au cours de la Première Guerre mondiale, des atrocités ont été commises par le gouvernement turc ottoman contre le peuple arménien.

L'Empire ottoman a exécuté 1,5 million d'Arméniens et en a déporté plus de 500 000 autres. Ce qui est grave, c'est que cette situation semble être partiellement occultée par plusieurs.

Si nous voulons qu'un jour l'impunité n'incite pas d'autres peuples à de semblables exactions, et malheureusement nous en avons des exemples encore récents et tout frais à la mémoire, le Parlement canadien doit reconnaître dès aujourd'hui que le génocide dont la communauté arménienne a été victime est l'une des plus grandes tragédies de ce siècle. Il faut surtout éviter les euphémismes et donner aux mots leur justesse et ce, en corrélation avec les événements survenus. «Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et les mots pour le dire nous viennent aisément», dit le proverbe.

C'est en appelant les choses par leur nom et en exerçant des pressions internationales qu'un jour prochain la Turquie assumera la responsabilité de ce génocide. Il ne faudrait pas fermer les yeux face à de tels crimes et laisser passer le temps pour oublier.

L'attitude du gouvernement, je le disais plus tôt, est décevante quant à sa position concernant les droits de la personne. Pour le gouvernement canadien actuel, seuls le commerce et les exportations comptent. Les affaires étrangères ne riment qu'avec les affaires tout court et les droits de la personne se confondent avec les droits de l'homme d'affaires.

Le gouvernement libéral est tellement obnubilé par la simple rationalité de l'argent et du commerce qu'il en oublie l'essentiel et qu'il se le fait rappeler par l'Association des exportateurs canadiens. Lors d'un colloque organisé par le Centre international des droits de l'homme, le président de l'Association des exportateurs canadiens soulignait que le commerce international et la recherche d'un respect accru des droits de la personne ne s'excluent pas et que le gouvernement devait sérieusement poursuivre les deux. Il a de plus ajouté que les entreprises devraient adopter volontairement des règles de conduite régissant leurs activités à l'étranger.

Finalement, et c'est ce qui est le plus important, il soulignait que le commerce et les investissements à l'échelle internationale ne suffiront pas à eux seuls à améliorer de façon sensible le respect des droits de la personne. C'est l'Association des exportateurs canadiens qui dit ces mots. A contrario, c'est ce que le premier ministre nous serine depuis son arrivée au pouvoir. C'est le monde à l'envers.

Les priorités gouvernementales en cette matière ne reflètent pourtant pas les valeurs que partagent l'ensemble des Québécois et des Canadiens.

(1705)

Récemment, un sondage d'opinion questionnait les Québécois et les Canadiens quant à l'importance qu'ils accordent aux différents objectifs de la politique étrangère du Canada. Cinquante-trois pour cent des Québécois, 48 p. 100 des Canadiens jugeaient que la défense des droits de la personne est d'une très grande importance.

Au Québec, la défense des droits de la personne était même jugée plus favorablement que la promotion du commerce. Heureusement, les populations québécoise et canadienne font preuve de beaucoup plus de compassion humaine à l'endroit des peuples victimes de terreur que leur gouvernement.

Ces valeurs que partagent l'ensemble des peuples québécois et canadien sont évidemment des valeurs universelles que l'on retrouve notamment dans la Charte universelle des droits de l'homme. Elles doivent inspirer toutes les politiques gouvernementales canadiennes sur la scène internationale. Ces valeurs d'égalité, de justice et de respect des droits fondamentaux transcendent les cultures, les langues, les continents et le temps.

Il serait trop facile de poursuivre, par exemple, nos relations commerciales avec la Chine, tout en ne disant pas un mot sur la violation éhontée des droits de la personne dans ce pays. On ne me fera pas croire que les Chinois ont une propension marginale supé-


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rieure ou une culture propre qui les incitent à vivre dans un régime dictatorial.

Dans le même ordre d'idée, on ne peut cautionner l'idée que la femme doit être considérée comme une citoyenne de seconde zone parce qu'elle est femme et juger cela normal, compte tenu des croyances religieuses locales.

Autre exemple, le gouvernement canadien doit réagir quand il commerce avec un pays partenaire où les enfants en bas âge travaillent dans des conditions inacceptables, et ainsi de suite. Le gouvernement a un rôle moral de promotion et de défense des droits de la personne. C'est l'une des raisons principales de son intervention au niveau international.

Comme le rappelait la semaine dernière un journaliste montréalais: «Ce problème pose enfin-et c'est ce qui est le plus important je crois-la question de l'universalité des droits. Le relativisme et le cas par cas, qui sont l'essence même de la politique et de la diplomatie, ne vont-ils pas trop loin lorsqu'on entend de grands leaders occidentaux reprendre l'antienne de la relativité des valeurs universelles?» C'est le débat qui nous interpelle actuellement. On disait aussi que c'est «un thème particulièrement populaire chez les despotes africains et asiatiques.»

En terminant, j'inciterais mes collègues à appuyer la motion du député d'Ahuntsic et à faire en sorte que nous ayons une semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain. Nous aurions ainsi l'occasion de nous rappeler chaque année les erreurs du passé, et proposer sur le plan international une image du Canada qui corresponde à l'expression des valeurs des peuples québécois et canadien.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je veux poser une question au député de Scarborough-Rouge River. Je pose aussi la même question à mon collègue du Bloc québécois. Celle-ci concerne l'enseignement que l'on donne dans les écoles sur l'histoire du génocide et de l'holocauste.

Mais d'abord, j'ai une déclaration à faire. Je m'occupe de cette question depuis 1965, c'est-à-dire depuis 31 ans, et c'est la première fois que nous tenons un débat d'une durée de sept heures sans que le mot «prétendu» ne soit employé. Je remercie la Chambre et les députés de ne pas avoir employé le mot «prétendu» dans les discussions générales que nous avons eues jusqu'à maintenant.

Je tiens à faire valoir que personne n'a jamais nié que 1,5 million d'innocents ont péri au cours de la Première Guerre mondiale, en 1915, dans ce qui constitue le premier génocide de ce siècle.

Je suis absolument persuadé que les Arméniens du Canada et du monde entier sont disposés à faire ce que les Juifs ont fait après l'holocauste. Une fois que le gouvernement turc aura réglé cette question, ils seront prêts à pardonner, mais jamais à oublier. Si l'on oublie, cela se reproduira. J'espère que le présent débat fera ressortir le fait que même les victimes sont aujourd'hui prêtes à pardonner si on le leur demande, mais elles n'oublieront pas, car si l'on oublie, cela se reproduira.

(1710)

Pour revenir à mon premier point, le député serait-il d'accord pour que le génocide ou les crimes contre l'humanité ou quel que soit le nom qu'on donne à la chose, l'événement tragique, les massacres, fassent partie du programme scolaire pour que les jeunes générations, les collégiens et les autres, sachent bien ce qui s'est passé? La conscientisation est un élément clé. S'ils connaissent l'histoire, ils ne risqueront pas de la répéter. C'est à espérer du moins. Le problème, c'est que l'histoire se répète encore et encore.

[Français]

Mme Debien: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Don Valley-Nord de sa question et de ses commentaires.

La plupart des commentaires qu'il a faits, au départ, vous vous imaginez bien, monsieur le Président, que je les entérine entièrement, sauf une chose. Il a dit que personne n'a nié ou a refusé de dire qu'il y avait eu un génocide arménien. Il a dit que personne ne l'avait nié, et je suis parfaitement d'accord avec lui. Sauf que devant ce que le député nous dit, la question que je me pose est la suivante: Si personne ne le nie, pourquoi se refuse-t-on à le reconnaître officiellement? C'est ce que je ne comprends pas de la part des députés libéraux.

Quant à sa deuxième question concernant l'enseignement dans l'histoire du Québec et dans l'histoire du Canada de ce qui s'est passé avec tous les génocides qui ont eu lieu dans le monde, je suis aussi en parfait accord avec ce fait. Étant une pédagogue, ayant été dans l'enseignement pendant de nombreuses années, principalement au niveau primaire, il est évident que je considère qu'au niveau des apprentissages de la conscience historique, de la conscience collective, il est très important que l'enseignement de l'histoire fasse part de toutes ces erreurs tragiques ou de tous ces génocides qui ont eu lieu dans le monde, afin que nos enfants aient cette conscience historique, aient cette conscience collective pour qu'une fois adultes, ils fassent eu aussi les pressions qui s'imposent auprès de leur gouvernement afin que ces erreurs ne se répètent pas.

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, je dois avouer qu'il m'est très difficile de prendre la parole aujourd'hui sur la motion présentée par mon collègue, député d'Ahuntsic, non pas parce que je serais en désaccord avec cette motion, bien au contraire, mais plutôt parce que le sujet est d'une très grande tristesse.

Si j'ai accepté d'en débattre aujourd'hui, c'est que je crois que les événements auxquels cette motion fait référence ne doivent jamais être oubliés par les générations présentes et futures.

Qui n'a pas entendu parler de la violence et des exactions dont a été victime le peuple arménien au début de ce siècle. Cette violence fut d'une telle ampleur qu'il n'y a aucune hésitation à utiliser le mot génocide, tel que défini par les Nations Unies en 1948. Et toute manoeuvre visant à escamoter le terme génocide serait, à mon point de vue, purement fallacieuse ou hypocrite.

En résumé, génocide signifie élimination systématique et orchestrée de groupes humains entiers, que ceux-ci soient d'ordre national, ethnique ou religieux. À n'en pas douter, le peuple arménien a bel et bien été victime d'un génocide. Il est donc pénible mais nécessaire de rappeler les faits tragiques ayant débuté le 24 avril


1863

1915. C'est à cette date que le génocide arménien, le premier génocide de notre siècle et l'un des plus importants par le nombre de victimes, débute dans ce qui était alors appelé l'empire ottoman.

Plus de 1,5 million de victimes innocentes seront alors assassinées ou déportées, sans trop savoir pourquoi; leurs temples et monuments seront détruits; les noms de leurs villes seront changés. On aura même voulu effacer de la mémoire de l'histoire tout souvenir de leur existence.

(1715)

Tout cela ne pouvait être le fruit d'événements fortuits, mais bien d'actions soigneusement planifiées, ordonnées et méthodiquement appliquées. Le Bloc québécois croit que le génocide du peuple arménien doit constamment être rappelé à la mémoire de l'humanité. Pourquoi, me demanderez-vous? Pour que ce type de violence orchestrée à l'égard de nos semblables ne puisse jamais se reproduire.

Nous pouvons quelquefois avoir l'impression que le génocide est un phénomène rare et dépassé. Il est extrêmement désolant de réaliser qu'il s'agit d'une pratique toujours en vigueur aujourd'hui. Nous ne pouvons, ni ne devons, oublier que depuis 1915, beaucoup de dirigeants de cette planète ont ordonné l'exécution d'actions radicales, extrémistes et immorales. Le trop grand nombre de génocides ayant eu lieu depuis est très représentatif de cette réalité.

Comment oublier le sort qu'a fait subir le régime hitlérien aux peuples juif et tsigane? Comment oublier le sort qu'ont fait subir les Khmers rouges à la population cambodgienne en 1975? Comment oublier, en 1994 cette fois, le sort subi par plus de 500 000 Tutsi au Rwanda? Comment oublier les opérations de purification ethnique qui ont été imposées aux populations civiles de l'ex-Yougoslavie? Comment oublier le sort que fait toujours subir l'occupant chinois à la population du Tibet? Comment oublier le régime de terreur qu'entretient l'Indonésie au Timor oriental? Et j'en passe.

J'en passe, car ces quelques cas, déjà trop nombreux, sont assez éloquents. Des millions et des millions de personnes furent assassinées sans compter les millions et les millions de personnes déportées, réfugiées, sans pays et sans famille. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 27 millions de personnes, de par le monde, vivent actuellement à l'extérieur de leur pays afin de fuir la guerre ou les répressions. C'est 27 millions de personnes qui sont aujourd'hui même des réfugiés dans ce siècle que l'on voudrait qualifier de moderne.

C'est avec horreur que nous constatons tous les jours les relents de ces pratiques barbares et inhumaines que nous pensions reléguées aux oubliettes de l'histoire. L'être humain finira-t-il par comprendre de ses erreurs? Ce qui est frappant par rapport à ces génocides et aux conséquences qui en découlent, c'est que trop souvent, les auteurs de ces crimes ne sont jamais punis, c'est que trop souvent les tortionnaires agissent dans la plus grande impunité. Mais qui sont responsables de ces morts? Qui sont responsables de ces souffrances?

De par son ampleur, un génocide ne peut être perpétré par des individus isolés. Il faut nécessairement que les dirigeants des États participent, ou du moins y apportent leur consentement.

Trop fréquemment par le passé, les responsables de ces génocides sont demeurés impunis. Un effort louable est maintenant en cours et on ne peut que se féliciter de la création du Tribunal pénal international de La Haye. Ce Tribunal, créé en 1993 par le Conseil de sécurité des Nations Unies et chargé de juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie, est un pas dans la bonne direction. Surtout qu'en 1995, un autre tribunal international fut instauré pour juger, cette fois, les crimes ayant eu lieu au Rwanda.

Ces deux instances en sont encore à leurs premiers balbutiements. Il est à espérer qu'elles auront bientôt des moyens réels de rendre justice. En ex-Yougoslavie, plus d'une cinquantaine d'accusations ont été portées, parmi lesquelles les chefs serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Mais un problème de taille demeure et est vécu de la même façon en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Ce problème est relié à l'impossibilité de mettre la main au collet des criminels qui se placent sous la protection des gouvernements ou qui se réfugient dans d'autres pays.

Les crimes de guerre ne doivent pas et ne devront jamais demeurer impunis. La Communauté internationale, le Canada y compris, a l'obligation juridique et morale de retrouver les criminels. Certains vont même jusqu'à dire qu'il faudrait que la Cour internationale puisse compter sur le concours d'une police internationale qui aurait le pouvoir d'appréhender les suspects où qu'ils se trouvent.

Pour le moment, le Bloc québécois réitère l'opinion qu'il avait exprimée lors de la mise en oeuvre des accords de paix de Dayton. Le Tribunal pénal international de La Haye doit poursuivre ses travaux et juger les criminels de guerre. Il est important que le Tribunal conserve son autonomie et que sa mission ne soit pas entravée par d'éventuelles amnisties négociées et accordées par les parties en cause. Il ne devrait pas être permis de marchander des remises de peine et des demandes de pardon à des criminels accusés de génocide.

Nous savons que le Canada a été fort longtemps considéré comme l'un des chefs de file au niveau mondial pour la promotion et la protection des droits de la personne. Cette excellente réputation n'est pas simplement née de l'importance accordée au commerce.

(1720)

Cette enviable réputation découle des priorités définies par d'anciens premiers ministres canadiens comme Lester B. Pearson, qui reçut le Prix Nobel de la paix en 1957 pour avoir initié la création des forces de maintien de la paix des Nations Unies, ou encore John Diefenbaker, qui défendit sans relâche les droits de la personne, notamment en prenant position en 1961 contre le régime d'apartheid qui prévalait en Afrique du Sud.

Aujourd'hui, le Bloc québécois croit qu'il est plus que temps que la Chambre des communes reconnaisse finalement le génocide arménien. Un rejet de cette motion viendrait confirmer nos plus sombres appréhensions quant à l'importance réelle que la majorité libérale accorde à la question des droits de la personne. Ce n'est pas


1864

parce que le Canada entretient un commerce prospère avec la Turquie qu'on doit fermer les yeux sur une réalité historique.

Déjà, en 1980, l'Assemblée législative de l'Ontario reconnaissait le génocide arménien et, en 1985, l'Assemblée nationale du Québec reconnaissait à son tour ce génocide. L'année dernière encore, en avril 1995, le Parlement russe a lui aussi reconnu le génocide arménien. Qu'attend donc la majorité libérale pour elle aussi reconnaître ce génocide?

Même si souvent nous avons l'impression que ce qui régit nos vies est l'argent, la productivité et le commerce, il ne faudrait pas perdre de vue que d'autres valeurs doivent être considérées lorsqu'on envisage nos échanges avec d'autres pays. À l'ère de la mondialisation des marchés, il importe de s'assurer que les droits de la personne soient respectés.

Depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux croient pouvoir faire du «surf» sur l'excellente réputation du Canada à l'étranger afin de mettre l'accent sur des relations strictement commerciales. Au mois d'avril 1994, en cette Chambre, le premier ministre lui-même prétendait, et je cite: «Nous avons une politique de protection des droits de la personne et nous soulevons cette question dans tous les pays avec lesquels nous commerçons». Mais le dernier voyage d'Équipe Canada en Asie a été un révélateur puissant du peu d'importance que le gouvernement libéral accorde à la question des droits de la personne.

Il aura fallu qu'un jeune canadien de 13 ans, Craig Kielburger, accoste le premier ministre en Inde pour finalement illustrer au grand jour la triste réalité de non-respect des droits fondamentaux des enfants. La cause défendue par ce jeune homme a immédiatement recueilli la sympathie des Québécois et des Canadiens, prouvant ainsi que nos concitoyennes et nos concitoyens sont préoccupés par cette importante question des droits de la personne.

C'est pourquoi le Bloc québécois veut, comme tous les Québécois et Canadiens, que tous les peuples de ce monde puissent s'épanouir sur cette planète sans crainte de voir leur existence et leur liberté être menacées de quelque façon que ce soit. C'est pourquoi il faut agir afin que le gouvernement ne devienne pas, par son silence, un partisan et un complice de l'indifférence et de l'individualisme qui semblent trop souvent être devenus l'apanage de ce siècle.

Les gouvernements doivent être parfois rappelés à l'ordre sur la question des droits humains fondamentaux. La Chambre des communes et la majorité gouvernementale se doivent donc de poser un geste spécial afin que le génocide arménien ne tombe pas dans l'oubli, tout comme les autres opérations violentes orchestrées contre des populations civiles innocentes.

C'est pourquoi j'appuie avec toute l'énergie, toute la ferveur dont je peux être capable, la motion demandant à ce que la période du 20 au 27 avril de chaque année commémore l'inhumanité occasionnelle de l'être humain envers son prochain. Même s'il est parfois plus facile d'oublier les événements passés et de choisir la fuite en avant, la Chambre des communes et la majorité libérale se doivent de reconnaître officiellement le génocide de 1915 afin d'éviter que de telles tragédies puissent se répéter.

Pour terminer, je voudrais saluer tous nos concitoyens et concitoyennes d'origine arménienne dans leur belle langue.

[Le député s'exprime en arménien.]

[Traduction]

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député d'Ahuntsic d'avoir porté cette motion à l'attention de la Chambre. Les questions que soulève le député ont une vaste portée et présentent un intérêt universel.

Dans l'histoire, la brutalité n'a pas été canalisée. La cruauté ne s'est pas limitée à une collectivité ou à un peuple. Les tragédies de l'histoire n'ont pas établi de distinctions en fonction de la race, de la religion ou de l'origine ethnique: elles ont frappé l'ensemble de l'humanité. Lorsque, en raison de leur origine ethnique, de leur religion ou de leur race, des hommes, des femmes et des enfants innocents meurent victimes de la tyrannie, c'est une tragédie pour l'ensemble de l'humanité.

(1725)

Les Canadiens doivent être sensibilisés à cette réalité et reconnaître que l'histoire d'un grand nombre de nos concitoyens ne commence pas sur nos rives. Nous devons être sensibilisés au fait que certains d'entre eux ont pu, à cause de leur origine ou de leurs ancêtres, être victimes d'oppression et de guerres inhumaines.

En montrant de la compassion et en comprenant que pareilles expériences laissent des cicatrices profondes à certains individus et groupes, nous contribuons au processus de guérison. Si ce que nous faisons aujourd'hui aide à apaiser la douleur, il faut néanmoins savoir que les cicatrices, elles, ne disparaîtront jamais.

Notre pays a été, dans une large mesure, une terre d'accueil pour de nombreux immigrants venus au Canada de toutes les régions du monde. C'est pour cela que les Canadiens ont à coeur leur patrimoine diversifié. Les Canadiens sont fiers de ce que la diversité de leur patrimoine fasse du Canada un pays unique.

Nous voulons bâtir une société juste et équitable, qui respecte la dignité des individus et qui soit adaptée aux besoins des Canadiens de toutes les origines ethniques, culturelles, religieuses, linguistiques et raciales. Le défi que nous devons maintenant relever consiste à bâtir une société plus unie, respectueuse, universelle et démocratique et à renforcer le sentiment d'identité commun témoignant de la diversité des Canadiens.

Qu'est-ce qui fait qu'une société est unie? Trois éléments fondamentaux, selon moi: la justice sociale, la participation des citoyens et le sentiment d'identité. Comment créer une société unie qui intègre ces trois principes?

Premièrement, nous offrons à tous les Canadiens, indépendamment de leurs origines ethniques, de leur race ou de leur religion, la possibilité de contribuer à l'édification de notre société et de jouir pleinement des avantages qui en découlent.


1865

Deuxièmement, nous veillons à ce que les Canadiens, quels que soient leurs antécédents, puissent participer à l'édification de la société. Pour favoriser cette relation symbiotique très importante, le Canada et les Canadiens doivent travailler sans relâche.

La mosaïque canadienne nous oblige à tenir compte des différents besoins que d'autres pays se sentiraient libres d'ignorer. Le Canada a une solide tradition fondée sur le respect de chaque culture et sur le fait que nous ayons compris que la diversité constitue une richesse pour nous. Nous travaillons avec d'autres paliers de gouvernement, avec d'importantes institutions, avec des organismes, des entreprises, des syndicats et des particuliers pour veiller à ce que tous puissent participer pleinement à l'édification de la société.

Pourquoi le faisons-nous? Qu'est-ce qui nous motive? Nous le faisons parce qu'en traitant les Canadiens de manière juste et équitable, en faisant en sorte qu'ils aient un sentiment d'appartenance et qu'ils puissent contribuer, nous assurons notre croissance et notre prospérité futures. Nous le faisons parce que le Canada, dans sa diversité, est un miroir pour le reste du monde. Nous osons espérer que les autres pays qui se voient refléter dans notre diversité seront convaincus de nous suivre sur la voie de la paix, de la compréhension et de la justice pour tous.

Depuis les débuts de notre pays, la diversité a été une réalité de tous les jours pour les Canadiens. La question n'est pas de savoir si nous sommes différents du point de vue culturel, mais plutôt si nous avons l'intention de veiller à ce que notre diversité continue de nous renforcer en tant que pays.

Même aujourd'hui, au moment où les conflits religieux et ethniques font beaucoup de victimes partout dans le monde, le Canada brille par le règlement démocratique de divergences politiques profondes. Nous avons été un phare pour les personnes déplacées du monde entier qui savent ce que peuvent causer le racisme, les préjugés et l'ignorance. Nous sommes un exemple du respect et de la tolérance qui ont cruellement fait défaut dans d'autres régions du monde.

Nos efforts en cette matière ont été reconnus par Nelson Mandela, président de la République d'Afrique du Sud. Dans son message aux Canadiens, le président Mandela a fait allusion à la longue tradition de respect des droits de l'homme du Canada et a dit espérer que nos efforts continueront «d'enrichir l'humanité».

Gardant ce souhait à l'esprit, le gouvernement demeure déterminé à maintenir une politique multiculturaliste fondée sur les piliers que sont l'identité, la participation civile et la justice sociale. Ce sont les principes sacrés de la démocratie qui sont les meilleurs remparts contre la tyrannie et l'oppression. Ce sont les valeurs qui unissent tous les Canadiens et en font une nation.

Certes, l'allure des changements constituera un défi et sera même effrayante, mais nous voulons nous assurer que tous ceux qui considèrent le Canada comme leur pays soient en mesure de participer activement et pleinement aux affaires de leur collectivité et de leur pays, que les Canadiens soient reconnus pour leur contribution individuelle, pour leur valeur en tant qu'êtres humains et qu'ils ne soient pas jugés en fonction de leur appartenance à quelque groupe identifiable que ce soit.

(1730)

Donc, à tous les Canadiens, je demande de vous rappeler qui vous êtes et d'où vous venez, mais de ne pas oublier que l'avenir du Canada est devant nous et qu'il dépend de notre capacité de travailler tous ensemble.

Nous formons une société diversifiée. Nous demeurerons une société diversifiée. Notre tâche consiste à faire en sorte que cette diversité nous soit profitable à tous. C'est cette vision compatissante de notre collectivité qui a fait du Canada un pays-phare pour les victimes de violence et d'oppression partout dans le monde.

Le 24 avril est un jour rempli d'émotion pour les Canadiens d'ascendance arménienne, car ils se souviennent des événements douloureux et tragiques du passé. Le gouvernement du Canada a toujours exprimé sa tristesse sincère en ce jour éprouvant.

Cependant, la motion, telle que formulée, ne reflète pas avec exactitude la position du Canada. Le gouvernement du Canada ne nie pas les événements tragiques qui ont frappé la communauté arménienne. En fait, il sympathise avec les victimes des événements tragiques de 1915 et avec leurs descendants, particulièrement avec ceux qui sont venus au Canada refaire leur vie.

En mémoire des victimes de l'inhumanité, Arméniens, Juifs, Bosniaques, Cambodgiens, autochtones, gays, lesbiennes et gens de couleur, j'exhorte la Chambre à appuyer l'amendement proposé par le secrétaire d'État au Multiculturalisme.

Le gouvernement reconnaît que nous devons toujours être vigilants dans notre défense des valeurs communes à tous les Canadiens. Le gouvernement s'engage à ne jamais oublier et à oeuvrer pour la réconciliation et la compréhension.

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la motion du député d'Ahuntsic concernant la commémoration du génocide arménien.

Le député d'Ahuntsic se souviendra que mon collègue, le député de Don Valley-Nord, avait présenté, le 3 avril 1995, une motion d'initiative parlementaire, la motion no 282. Cette motion, que le député d'en face avait appuyée, proposait de proclamer la période du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine de la commémoration de l'inhumanité de l'Homme envers son prochain.

Voici le texte de cette motion:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait désigner la période du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine de la commémoration de l'inhumanité de l'Homme envers son prochain afin de rappeler aux Canadiens que tout pays ou groupe qui font du recours au génocide et à la violence un instrument de politique nationale commettent un crime contre l'humanité et que ce crime doit être condamné pour ne pas sombrer dans l'oubli.


1866

J'ai choisi de parler de l'inhumanité de l'Homme envers son prochain pendant la semaine où nous commémorons la tragédie du génocide arménien, pour une raison précise. Pendant les années qui ont suivi le génocide, il était très difficile à de nombreuses personnes d'origine arménienne d'accepter le génocide causé par l'armée turque et de comprendre pourquoi les victimes avaient été fouettées, matraquées, et pourquoi on leur avait refusé de l'eau lorsqu'elles passaient près de cours d'eau ou de puits. Il s'agissait d'hommes, de femmes et d'enfants. Ceux et celles qui traînaient de l'arrière recevaient des coups de fouet.

Les télégrammes aux capitales provinciales interceptés par l'armée britannique et les comptes rendus de témoins comme l'ambassadeur américain en Turquie, M. Henry Morgenthau, prouvent que l'extermination des Arméniens avait été planifiée et organisée par le gouvernement central.

La semaine de la commémoration de l'inhumanité de l'Homme envers son prochain ne concerne pas que le meurtre de 1,5 million d'Arméniens par les autorités turques. Le député a choisi la période du 20 au 27 avril parce que les 19 et 20 avril ont marqué le début de l'holocauste, l'extermination des juifs par les nazis. Le 27 avril coïncide également avec la fin de l'apartheid en Afrique du Sud et l'obtention du droit de vote pour la population noire selon le principe: une personne, un vote.

L'Histoire comporte des exemples terribles d'inhumanité de l'Homme envers son prochain. L'holocauste a entraîné l'extermination de six millions de juifs dans des camps de concentration dispersés dans toute l'Europe. Plus d'un million de tziganes, homosexuels et autres minorités jugées inacceptables par les dirigeants du Troisième Reich ont également été exterminés par les nazis. L'holocauste était à la fois un rejet de Dieu et de l'Homme. C'était la destruction du monde en miniature.

(1735)

Hitler et ceux qu'il a nommés à son gouvernement mythique considéraient les juifs comme un problème politique, un problème dont la solution devait s'inscrire dans la politique nationale et étrangère de l'Allemagne. Les nazis ont eu recours à la terreur, au travaux forcés, aux privations, à l'immigration forcée, à la déportation et à toutes sortes d'autres formes d'oppression pour atteindre leur but: la destruction et l'anéantissement du peuple juif.

En 1975, après cinq ans de guerre civile, les khmers rouges ont remporté la victoire et ont pris le pouvoir au Cambodge. Ils ont fait évacuer toutes les villes, y compris Phnom Penh, la capitale qui avait connu une poussée démographique avec près de trois millions de réfugiés. Tous furent brutalement chassés, certains tués sans attendre.

Toute personne considérée par Pol Pot et son petit groupe de dirigeants communistes comme un ennemi potentiel de l'État idéal qu'ils voulaient bâtir était exécutée. Parmi les personnes qui ont trouvé ainsi la mort se trouvaient des officiers de l'armée, des fonctionnaires, des intellectuels, des personnes instruites et des membres de professions libérales comme des enseignants et des médecins.

Les communistes qui devenaient victimes de luttes intestines étaient souvent interrogés avant d'être tués. Les meurtres variaient selon les régions. Ils étaient plus nombreux dans certaines régions et à certaines époques. Les meurtres sont devenus plus répandus juste avant la chute du régime des khmers rouges en 1979.

Le Rwanda est un autre exemple récent où un groupe était opposé à un autre; l'incurie du monde a permis le massacre de centaines de milliers de personnes. Le génocide du Rwanda a commencé en avril 1994. Une guerre contre le gouvernement hutu, amorcée par la guérilla tutsie du Front patriotique rwandais, l'avait précédé.

Avant ces événements, le Rwanda était déjà l'un des pays les plus pauvres d'Afrique. Les origines de cette guerre remontent à une vague de violence qui avait déferlé de 1959 à 1966, quand les Hutus avaient renversé la monarchie tutsie, qui régnait depuis des siècles. Entre 20 000 et 100 000 Tutsis avaient été tués dans une hécatombe que le philosophe britannique Bertrand Russell avait décrit comme le massacre le plus horrible et le plus systématique qu'on ait eu l'occasion de voir depuis l'extermination des juifs par les nazis. La violence avait poussé quelque 150 000 exilés tutsis à fuir de nouveau vers l'Ouganda, le Burundi, la Tanzanie et le Zaïre.

Les combats récents qui se sont produits à partir de septembre 1994 ont commencé quand le président du Rwanda, M. Juvenal Habyarimana, a été tué dans un mystérieux écrasement d'avion, en avril. On croit qu'au moins 500 000 personnes ont été tuées dans des massacres qui ont incité l'ONU à faire enquête, devant les accusations de génocide.

La liste des horreurs se poursuit avec des déportations massives et ce qu'on a qualifié de purification ethnique, dont le monde a été témoin dans l'ancienne Yougoslavie. Ce n'est que maintenant que les observateurs indépendants sont libres de faire enquête et que l'on constate l'ampleur de la tragédie en découvrant que des exécutions de masse ont été commises.

Comment peut-on prétendre vivre dans un monde civilisé alors que chaque décennie nous apporte de nouveaux crimes aussi terribles? Nous devons condamner ces crimes passés, présents et futurs. Nous devons le faire en reconnaissant le génocide arménien pour ce qu'il a été, non pas en permettant aux révisionnistes de récrire l'histoire sur ce point et sur bien d'autres atrocités qui ont été commises dans le monde.

Le Canada est un pays tolérant. Plus de la moitié de sa population est d'origine étrangère. Je crois que nous vivons dans une société très tolérante, caractérisée par le respect mutuel et le respect de la loi. Je crois que nous devons faire quelque chose et encourager l'ONU à mettre en oeuvre un instrument universel qui permettrait de codifier les crimes contre l'humanité. Chaque fois qu'un crime contre l'humanité est commis quelque part, ce ne sont pas seulement les gens directement visés qui en souffrent, mais nous tous, où que nous vivions.


1867

J'aimerais que nous puissions trouver un moyen d'accélérer la pacification du monde.

(1740)

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement mon collègue d'en face et, à la fin entre autres, je retiens qu'il est d'avis que l'Organisation des Nations Unies devrait trouver une façon de pouvoir intervenir contre les crimes contre l'humanité.

Je pense que le gouvernement canadien, d'après moi, se retrouve dans une situation un peu en porte-à-faux entre ce qu'on entend aujourd'hui et la réalité.

Je rappelle que le président d'Amnistie Internationale, Pierre Sané, était de passage à Ottawa, le 11 avril. Son intervention portait sur les droits de la personne et le commerce.

Je mets en relief un certain nombre d'éléments qu'il a rappelés, et je pense qu'il avait raison de dire ceci: «Le combat pour le respect des droits de la personne ne peut être que global, sans quoi il est perdu d'avance.» Il disait aussi: «En ces temps de mondialisation, la question est de savoir comment s'assurer que les échanges ne se limitent pas uniquement aux marchandises, à l'information et à l'argent, mais incluent aussi les valeurs.»

Est-ce que mon collègue d'en face pourrait m'expliquer en vertu de quelle magie son premier ministre croit que le fait d'entretenir des relations commerciales avec des pays où les droits de la personne ne sont pas respectés va, comme dans une boule de cristal, régler la question des violations des droits de la personne? À ce sujet, je rappelle, entre autres choses, qu'en 1994 le premier ministre disait ceci: «Je pourrais faire un discours fracassant sur le sujet et faire les manchettes, mais je préfère ouvrir des marchés, faire du commerce; les murs finiront par tomber.» Et ma collègue de Laval-Est rappelait tout à l'heure que même l'Association des exportateurs canadiens songe à se donner un code volontaire, dans leurs relations commerciales avec les pays où les droits de la personne ne sont pas respectés.

Alors comment le gouvernement peut-il croire que la question des droits de la personne se réglera par magie?

[Traduction]

M. Ianno: Monsieur le Président, c'est au chef de gouvernement qu'il appartient de décider comment il s'occupera des droits de la personne. Je crois que le premier ministre a adopté la bonne attitude.

L'isolement ne permet pas le partage des valeurs que nous pouvons apporter d'après notre perspective à de nombreux peuples. Prenons la Chine, par exemple. Je crois qu'en accroissant nos relations mutuelles avec les Chinois et grâce aux échanges dans les domaines de l'éducation et des affaires de même qu'aux autres valeurs que nos deux pays sont en mesure de partager l'un avec l'autre, ils commencent à avoir une idée de ce qui fait vraiment le Canada et des valeurs que nous cultivons comme Canadiens.

Je puis vous en donner un exemple. Samedi dernier, j'ai rencontré 40 visiteurs chinois appartenant au mouvement syndical. Ils avaient suivi un cours au Canada et avaient rencontré de nombreux syndicalistes. Ils avaient appris beaucoup en peu de temps. Quand j'ai discuté avec eux, ils ont dit dans l'ensemble que ce qu'ils observaient au Canada, c'était la tolérance et le respect mutuel. Je leur ai demandé en quoi ils pensaient que cela pourrait les aider en Chine. Ils ont répondu: «Nous avons constaté que le partenariat qui s'opère au Canada entre le monde syndical, le monde des affaires et le gouvernement donne lieu à un partage des objectifs, des idéaux et, bien sûr, de la valeur économique.» Ils se rendent compte que, si les travailleurs qui touchent de très maigres salaires en Chine pouvaient améliorer leur sort, en faisant valoir les avantages du partenariat et en montrant que les entreprises en profiteraient si tout le monde pouvait avoir sa part du gâteau, ils atteindraient leur but.

(1745)

Quand on voit ce genre d'exemple, et jamais nous n'aurions cru que les Chinois auraient des syndicats d'après ce qu'on en entend dire, il y a de l'espoir. Tant que nous continuons à entretenir des relations mutuelles et à partager des valeurs, des idées, des études et ainsi de suite, il y aura des améliorations, surtout quand on songe à la nouvelle économie mondiale et aux communications par satellite. Il est très difficile d'imaginer que la Chine méridionale est isolée quand on considère que cette région reçoit des émissions de télévision de Hong Kong et d'ailleurs. Les Chinois commencent à voir comment vit le reste du monde.

Le partage, c'est ce qui permettra d'atteindre l'objectif d'une société plus libre. Cela nous donnera également l'occasion de travailler à faire cesser la discrimination à l'endroit des gens partout dans le monde. Je suis convaincu que, grâce à la communication, nous réussirons à atteindre notre but.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, il y a 50 ans, le monde renaissait après l'un des conflits les plus sanglants de son histoire. La communauté internationale a tenté de rebâtir la structure des échanges entre les nations afin de prévenir toute répétition d'une telle tragédie. De cette catharsis sont nés les accords de Bretton Woods et les Nations Unies.

Malheureusement, les 50 dernières années ont bien prouvé que nous n'avons pas réussi à prévenir les génocides, les conflits et les désastres inhumains. De la Tchétchénie à l'Angola, du Cambodge au Rwanda, le monde n'a pas su prévenir les guerres. Au lieu de les empêcher, nous nous sommes embourbés dans la gestion de ces conflits.

Au lieu de parler du génocide de 1915 en Arménie, de l'holocauste et du Cambodge, au lieu de parler de ces événements historiques et de nous prosterner devant Dieu en promettant qu'ils ne se reproduiront plus, nous devrions examiner plutôt ce qui se passe maintenant et ce qui risque de se produire demain sur la planète pour vraiment prévenir les éventuels conflits et tragédies.

La lutte entre la Corée du Nord et la Corée du Sud crée l'un des points chauds du globe, une zone de guerre où l'opposition pourrait facilement dégénérer en conflit nucléaire. On voit se répéter les


1868

événements du Soudan, du Rwanda et du Burundi. On voit, au Kenya, la tribu Kelenjin décimer les Kikuyu avec la participation implicite de M. Moi. On assiste à la décimation du peuple ogoni au Nigéria. On voit que la Chine et Taiwan pourraient s'engager dans une conflagration qui coûterait des millions de vies. On voit ce qui se passe au Tadjikistan.

Au Kurdistan turc, en ce moment même, des députés kurdes élus au Parlement turc sont détenus après avoir été incarcérés sans procès, ils sont torturés et des exécutions sommaires ont eu lieu. On voit ce qui se passe au Moyen-Orient. Notre Parlement a protesté avec véhémence contre les événements tragiques qui se produisent là-bas, dans l'espoir que la paix s'installe enfin dans cette région ravagée. Mais il est peu probable que la paix règne un jour dans cette région, à moins que des mesures décisives ne soient prises.

Voilà les conflits et les génocides de demain. Ce sont des problèmes que nous devons régler si nous voulons empêcher que des millions de personnes ne meurent inutilement et que des pays ne soient dévastés.

(1750)

Ce que je trouve triste, c'est que les paroles qui ne sont pas suivies d'actions sont totalement inutiles. Au lieu d'être simplement un recueil de mots vains, j'espère que le débat d'aujourd'hui se traduira par des mesures concrètres pour empêcher d'autres génocides. Si nous ne faisons rien, tous les innocents qui sont morts dans les génocides antérieurs seront morts pour rien.

Comme je l'ai dit auparavant à la Chambre, nous avons une situation très difficile. Il est difficile d'empêcher les conflits, mais ce n'est pas impossible. Il y a des solutions que nous pouvons utiliser et des solutions dans lesquelles le Canada peut jouer un rôle de leader.

Il est plus facile de prévenir un conflit que d'y mettre fin, une fois qu'il a commencé. Après qu'un conflit a commencé, la haine ethnique, la mort, la destruction et la guerre sont là pour des générations. Une fois que les assassinats commencent, il est impossible de faire faire marche arrière au temps. Il nous faut donc résoudre les conflits avant qu'ils ne commencent. C'est possible. C'est ça le défi de l'après-guerre froide. C'est ça le défi que notre pays, avec les nations qui pensent comme lui, peut relever. Cela ne nous coûtera pas plus d'argent. Au contraire, cela nous économisera des milliards de dollars chaque année, et je vais y revenir.

Nous devons étudier les précurseurs des conflits, comme les militarisations indues. Très souvent, un groupe porte atteinte aux droits de la personne fondamentaux. Lorsqu'un groupe fait l'objet d'un traitement préférentiel par rapport à un autre, il en résulte un déséquilibre. La conséquence est souvent une atteinte aux droits d'un certain groupe. Et c'est alors l'escalade, le conflit dégénère. Ce qui arrive en dernier, c'est souvent la destruction des structures démocratiques et judiciaires du pays. Mais, il y a des signes avant-coureurs de conflit potentiel.

Nous devons mettre sur pied un système d'alerte qui utiliserait les organisations non gouvernementales, les institutions et les pays qui travaillent pour la paix, puis les observateurs diplomatiques des Nations Unies. Ces groupes peuvent obtenir des renseignements qu'ils pourraient communiquer au centre de crise de l'ONU, à New York. Ces renseignements iraient directement à un conseil de sécurité, pas celui que nous avons actuellement, mais un conseil de sécurité modifié, et je vais y revenir. Ce conseil de sécurité devrait proposer des initiatives non militaires pour essayer de désamorcer la situation. Pour s'attaquer à ces éléments précurseurs de conflits, on pourrait prendre les initiatives suivantes.

Il faudrait que les Nations Unies prennent des initiatives diplomatiques pour essayer de réunir les éventuels belligérants. Il faut diffuser de l'information positive pour exorciser les mythes qui sont souvent colportés au début d'un conflit. Il suffit de songer à la tragédie survenue dans l'ancienne Yougoslavie ou aux événements du Rwanda et du Burundi pour voir qu'un des premiers signes, c'est le fait qu'un groupe mène une propagande haineuse extrêmement vigoureuse contre un autre groupe. Puis c'est la polarisation et l'affrontement. ll est possible de désamorcer une telle menace. Les Nations Unies disposent actuellement de mécanismes pour cela, mais elles n'y recourent pas avec suffisamment de vigueur. J'espère que M. Fowler, notre représentant là-bas, pourra insister là-dessus aux Nations Unies.

Pour prévenir les conflits, nous pouvons exercer des pressions économiques sur les belligérants par le truchement des institutions financières internationales. Il s'agit là d'un arme des plus sophistiquées, mais il faut auparavant réformer les IFI et leur confier un nouveau mandat.

Voici quelques types d'interventions possibles: exercer des pressions économiques sur les groupes qui sont en conflit; fournir une aide économique et technique aux belligérants en puissance; contribuer à l'instauration des principes d'un bon gouvernement et à la mise en place de l'infrastructure démocratique; consentir des prêts à des groupes voués à l'édification de la paix afin qu'il leur soit possible d'amener les gens du pays à se lancer dans des initiatives en ce sens. Ces institutions pourraient consentir de petits prêts remboursables comme le fait la banque Grameen à des groupes qui subissent des violations des droits de la personne ou encore quand on exerce des pressions économiques sur eux pour les priver de tout.

(1755)

Il faut faire preuve de prudence dans le recours aux sanctions de façon à ne pas faire souffrir davantage les innocentes victimes de ces conflits.

Une autre approche qui n'est pas tentée assez souvent, c'est de geler les avoirs des dirigeants qui violent de façon flagrante les droits de leurs citoyens. Cela peut se révéler très efficace. À moins de recourir à des mesures qui touchent ces dirigeants dans ce qu'ils ont de plus cher, à savoir leur porte-feuille, il sera très malaisé de modifier leur comportement. Cette mesure pourrait être appliquée à des créatures comme le général Abacha du Nigéria, à M. Moi du Kenya et à d'autres. En leur imposant des restrictions d'ordre


1869

financier et en gelant leurs avoirs, on dispose d'un moyen puissant pour modifier leur comportement.

Mais avant tout, il faut apporter des changements au Conseil de sécurité des Nations Unies. Compte tenu de sa structure actuelle, les mesures que je viens de mentionner ne donneront aucun résultat. Je propose que l'on invite à siéger au Conseil de sécurité des Nations Unies les 32 pays les plus importants au monde sur le plan économique. D'aucuns diront que c'est injuste. Mais on connaît le principe qui veut que qui paie les violons choisit la musique. Telle est en gros l'idée. Ce n'est peut-être pas juste, mais ça vaut certainement mieux que la situation qui prévaut actuellement. Il faut aussi se débarrasser du droit de veto. Les décisions du Conseil de sécurité doivent toutes être prises à la majorité des deux tiers.

Ces changements s'imposent. Nous ne pouvons utiliser le modèle des années 40 de la coopération internationale qui ne permet pas de faire face à cette situation géopolitique dans le monde d'aujourd'hui qui ne ressemble en rien à la situation mondiale en 1945. La structure actuelle réduit notre capacité de poursuivre la paix et d'éviter des génocides comme celui dont nous parlons aujourd'hui.

Certains vont prétendre que les interventions musclées auxquelles j'ai fait allusion aujourd'hui ne vont pas être utiles, qu'elles ne sont pas tolérées et sont illégales en quelque sorte. Ce n'est tout simplement pas vrai. La Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies part du principe que les affaires d'une nation ne sont pas sacro-saintes. Ce qui l'est, ce sont les droits fondamentaux de l'individu. En d'autres termes, le droit international protège l'individu et non l'intégrité d'un État. Ce devrait être une considération très importante si on doit apporter ces modifications.

Il y a également des motifs économiques qui justifient l'intervention rapide dans ces régions pour prévenir un conflit, plutôt que de devoir gérer ce conflit plus tard. Il suffit de se pencher sur les statistiques des cinq dernières années pour voir que les coûts du maintien de la paix montent en flèche, de façon disproportionnée, et que les besoins dans le domaine du maintien de la paix vont s'accroître dans l'avenir. Nous ne pouvons laisser cela se produire. Nous n'en avons tout simplement pas les moyens. Ainsi, il faut prévenir ces conflits.

Tous les pays, le Canada y compris, sont limités par notre situation économique actuelle, notre dette et notre déficit. Nous n'avons pas l'argent nécessaire pour nous occuper de ces conflits. Viendra un temps où nous ne serons plus en mesure de nous charger des missions de maintien de la paix dont nos militaires, hommes et femmes, s'acquittent de façon si admirable et honorable, et avec tant de bravoure, depuis si longtemps.

Je prétends que le Canada ne peut agir seul. Il a une réputation internationale sans pareille d'équité. On vante partout ses bonnes initiatives diplomatiques. Le Canada est reconnu pour être juste et impartial, contrairement à de nombreux autres pays du monde. Nous devons réunir des nations qui partagent les mêmes idées, comme la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Norvège, la Suède, les Pays-Bas et la Belgique pour essayer d'influencer les structures internationales destinées à favoriser la paix. Je le répète, nous ne pouvons le faire seuls. Nous devons agir de façon multilatérale. Pour commencer, nous pouvons réunir ces groupes.

(1800)

Si nous voulons parvenir à la paix, il faudra que toutes les parties en cause dans un conflit possible soient d'accord. Nous ne pouvons rejeter l'apport d'un groupe représentant des gens. Nous devons également, dans le cas de conflits possibles, poursuivre, sur les plans démocratique et judiciaire, des initiatives pour édifier la paix.

Une autre question que nous évitons dans le contexte de l'édification de la paix, c'est le problème économique. Un pays ne sera jamais en mesure de se relever s'il ne peut compter sur les structures économiques voulues pour que les gens puissent subvenir eux-mêmes à leurs besoins.

L'ex-Yougoslavie est un excellent exemple. Le plan de paix de Dayton qui prévoit une force de mise en oeuvre internationale qui est présente aujourd'hui sur le terrain est une bonne solution, très noble, à court terme. Cependant, elle n'assurera pas la paix en Bosnie à long terme. La raison est bien simple. À moins que les habitants de la Bosnie puissent compter sur l'infrastructure économique voulue, et subvenir à leurs propres besoins, il y aura toujours des conflits. Il y aura toujours des gens qui ont du mal à répondre à leurs besoins de base.

Cela fait que la population est alors désespérée et qu'elle est prête, par nécessité, à faire n'importe quoi, même à se battre, pour répondre à ces besoins de base.

Il faut donc les assurer. Nous ne pouvons le faire nous-mêmes, et ce n'est pas ce que je propose. La communauté internationale doit collaborer avec les pays et les belligérants en cause pour bâtir l'infrastructure. Dans l'ancienne Yougoslavie, l'Union européenne doit assumer une plus grande responsabilité.

Depuis 50 ans, le nombre de conflits de destruction réciproque a augmenté considérablement. La communauté internationale a été totalement incapable de les prévenir. Nous les avons gérés tantôt bien, tantôt mal, mais nous avons été négligents et incapables de prévenir les génocides.

Nous pouvons et devons agir. J'ai fait des suggestions que, je l'espère, le ministre des Affaires étrangères prendra en considération. Le moyen de les faire accepter autant par les Canadiens que par d'autres pays, c'est d'invoquer non seulement des motifs humanitaires, qui sont amplement suffisants, mais également les intérêts de chaque partie.

Malheureusement, nous n'arriverons à rien sans invoquer ces intérêts. Si nous ne prévenons pas les conflits, des pays sont dévastés, les réfugiés se déplacent en grands nombres et nos forces de défense, nos programmes d'aide étrangère et nos programmes sociaux sont mis de plus en plus à contribution. Ce sont des coûts qui nous touchent directement. Nous pouvons prévenir ces coûts. Il faut investir maintenant, mais les économies à long terme seront de


1870

beaucoup supérieures à l'investissement que nous ferons aujourd'hui.

Un négociateur dans le processus de paix en Palestine a déclaré un jour que la paix, c'est lorsqu'un enfant enterre ses parents, et la guerre, c'est lorsqu'un parent enterre son enfant. J'espère que nous pourrons agir pour empêcher que d'autres enfants ne soient enterrés inutilement à l'avenir.

[Français]

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter le député de son discours et de sa connaissance du droit international, ainsi que des excellentes suggestions de réformes de nos institutions internationales qu'il a faites. Au moment où ce débat s'achève, j'aimerais rappeler à notre auguste assemblée que nous sommes présentement sous les yeux de l'ensemble de la communauté arménienne canadienne et des membres du Comité national arménien qui sont dans les tribunes, lesquels je salue. Comme le député le disait tantôt, les mots sans action ne veulent rien dire.

(1805)

Nous aurons tantôt à nous prononcer, par différents votes, sur la proposition que j'ai mise de l'avant. Nous avons réalisé beaucoup aujourd'hui par cette conscientisation à la cause arménienne, par cette sensibilisation à l'histoire des peuples, l'histoire de l'humanité, mais les mots ont un sens.

À cet effet, je salue l'intervention de son parti pour empêcher la dilution de la motion, pour empêcher qu'on appelle tragédie ce qui est un génocide. J'aimerais l'entendre quelques instants particulièrement sur cette tentative de dilution.

[Traduction]

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, nous tentons d'appliquer la tragédie qui s'est produite en Arménie en 1915 à ce qui se passe aujourd'hui dans notre monde et à ce qui pourrait se produire à l'avenir.

J'espère que la motion n'a pas seulement pour objet de pleurer et de commémorer cette tragédie et de nous renseigner sur ce qui est arrivé, mais aussi d'utiliser cette tragédie et d'autres génocides, comme ceux qui se sont produits en Europe avec l'holocauste et au Cambodge sous l'odieux régime de Pol Pot, pour dresser pour l'avenir du Canada et des autres membres de la communauté internationale un plan formel et efficace, afin d'éviter que de tels événements se produisent de nouveau.

Comme je l'ai déjà dit, le sang des victimes des génocides passés aura été versé en vain, si nous ne faisons rien aujourd'hui. Il nous revient à tous de tirer une leçon de l'histoire et de bâtir un avenir meilleur, plus solide et plus pacifique pour tous les peuples du monde.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le débat se situe aujourd'hui à un très haut niveau et est de nature à redonner à la population le sentiment que c'est ici le lieu où l'on traite de questions importantes et significatives non seulement pour notre pays, mais encore pour toute l'humanité.

J'ai particulièrement goûté la dernière observation de mon collègue d'en face voulant qu'on ne fasse pas aujourd'hui que se souvenir des événements tragiques de l'histoire de l'humanité, mais que l'on se décide à agir.

Je veux rendre hommage à mon collègue, le député de Don Valley-Nord, qui a d'abord présenté une motion de ce genre l'an dernier à pareille date. Il est très satisfait du débat qui a eu lieu à la Chambre.

Il ne fait aucun doute que, quelles que soient les formes qu'il a prises au cours de l'histoire, le génocide des manifestations primaires de l'inhumanité d'un peuple à l'égard d'un autre.

Le député ne conviendra-t-il pas que les crimes contre l'humanité vont au-delà du génocide, qu'ils prennent de nombreuses formes? Les crimes de guerre en font certes partie. Le fait d'affamer délibérément un peuple et d'en détruire délibérément les habitations sont aussi des crimes contre l'humanité. Ce sont toutes des tragédies.

Je préfère la formulation qui nous est proposée dans l'amendement. Elle renvoie plus largement aux crimes contre l'humanité et à la tragédie de tels événements. Je me demande pourquoi le député veut ramener cela à la notion étroite de génocide.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je crois que cette déclaration signifie implicitement que la motion ne porte pas uniquement sur le génocide, comme ma vis-à-vis l'a affirmé, mais sur les autres tragédies humaines qui se déroulent en ce moment même.

(1810)

La députée en a mentionné quelques-unes parmi les plus graves, allant du viol de femmes innocentes dans l'ancienne Yougoslavie jusqu'à la torture, à la privation de nourriture et aux exécutions sommaires dans des endroits éloignés comme le Timor oriental, la Tchéchénie et le Soudan. Tous ces drames ont lieu en ce moment même. Notre débat d'aujourd'hui sur le génocide doit nous servir de tremplin pour arriver à discuter des autres tragédies humaines.

Je sais que beaucoup de bonnes idées ont été mises de l'avant à la Chambre aujourd'hui, que beaucoup ne s'appliquent pas uniquement aux génocides du passé et à ceux qui viendront encore, mais à toutes les tragédies humaines qui entachent notre planète.

Il faut intervenir tôt dans ces situations. Il est préférable de prévenir les drames que de réagir à leurs conséquences. J'aimerais que tous les députés s'unissent pour présenter leurs bonnes suggestions au comité des affaires étrangères ou peut-être même directement au ministre des Affaires étrangères. Lorsque le Canada le peut, il devrait s'affirmer et jouer un rôle de premier plan dans la recherche de solutions aux tragédies humaines qui surviennent.

Aujourd'hui, nous vivons en démocratie. Nous avons l'immense chance d'être libres de mettre nos idées de l'avant et de les transformer en actions. Je ne doute pas que certaines des bonnes idées entendues aujourd'hui seront mises en application et que certains des énormes problèmes auxquels mon collègue a fait allusion pour-


1871

ront être réglés. Le Canada peut jouer un rôle de premier plan en mettant ces idées de l'avant sur la scène internationale.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, je veux moi aussi remercier et féliciter le député de Esquimalt-Juan de Fuca pour le discours qu'il vient de faire.

On a souvent enfermé les députés réformistes dans un discours étroit. Cela n'a pas été le cas. Je pense que le député qui vient de prendre la parole a su ouvrir le débat, a su parler des génocides parce que c'est ce qui est au coeur de la motion dont nous débattons aujourd'hui. Il a su ouvrir d'une façon plus large et englober toute la grande question des droits de la personne.

Le débat d'aujourd'hui a permis, je pense, de toucher des points absolument importants pour l'avenir de l'humanité. Il reste des grandes questions dont on n'a à peu près pas parlé. Ce matin dans ma voiture j'écoutais les nouvelles; on disait que présentement il y a sur la planète un million de bombes antipersonnel. Au rythme où on les enlève, on disait que cela prendra 1 000 ans pour les enlever. Ce qui est le plus bête, c'est qu'on continue d'en poser. Je peux donc en conclure qu'on n'aura jamais fini.

Il y avait un autre reportage hier à Radio-Canada, portant sur les enfants soldats. Au Liberia on confie à des enfants de sept, huit ou dix ans le mandat d'aller assassiner, chose que les militaires n'osent pas toujours faire parce qu'ils ont peur d'encourir des conséquences. On envoie des enfants le faire. Le collègue du Parti réformiste a parlé également de la réforme du Conseil de sécurité. Je pense qu'il y a là des réponses aux problèmes dont on parle aujourd'hui.

Je voudrais terminer avec une question. Dans son intervention, à un moment donné, il a dit qu'on pourrait utiliser les leviers économiques pour intervenir dans des conflits. Est-ce qu'il n'est pas d'avis que le gouvernement canadien, par la politique étrangère qu'il a choisie et qui est axée totalement sur le commerce, ne s'est pas enlevé des leviers auxquels il avait accès dans le passé?

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je suis parfaitement d'accord avec lui pour dire que le gouvernement a, dans une certaine mesure, renoncé à ses responsabilités en faisant passer les considérations commerciales avant les droits de la personne.

Les deux ne sont pourtant pas incompatibles. Ils peuvent aller de pair. Il n'est pas nécessaire de se dérober à ses responsabilités envers les entreprises canadiennes pour ne se préoccuper que des droits de la personne, ce qui serait injuste pour les entreprises.

Cependant, ne pas tenir compte des droits de la personne, c'est oublier que les interactions économiques constructives et efficaces entre les pays reposent sur la paix. Sans paix, il n'y a pas d'échanges commerciaux. Les deux aspects font donc partie d'un tout, et il faut les envisager dans un esprit de coopération. À mon avis, la communauté internationale et le milieu des affaires ont tout intérêt à participer à l'établissement de la paix. Je sais que le gouvernement peut s'occuper de ces deux questions qui n'ont rien d'incompatible.

(1815)

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir participer à ce débat sur le génocide arménien et je tiens à saluer mes amis de la communauté arménienne de Montréal qui se trouvent dans les tribunes.

Une voix: Et de Toronto.

M. Nunez: Oui, mes amis de Toronto et de partout au Canada.

Il va sans dire que j'appuie vigoureusement la motion du Bloc québécois proposant qu'à l'occasion du 81e anniversaire du génocide arménien survenu le 24 avril 1915, la Chambre et le gouvernement fédéral reconnaissent la semaine du 20 au 27 avril de chaque année comme la semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain.

Je ne peux pas appuyer l'amendement du gouvernement. Il s'agit d'un génocide et non pas d'une tragédie. L'extermination de un million et demi d'êtres humains, c'est un génocide et pas seulement une tragédie. Je félicite mon collègue, le député d'Ahuntsic, un comté voisin du mien, qui fait un travail formidable dans ce dossier.

Comme vous le savez, je suis originaire d'Amérique latine, une région qui a vécu des dictatures et des guerres civiles qui ont entraîné des milliers d'assassinats, de disparitions et de violations flagrantes des droits humains les plus élémentaires. Je suis donc très sensible aux tragédies vécues par le peuple arménien. Depuis des siècles, ce peuple a été victime de persécution, mais l'événement qui dépasse l'imagination, c'est le génocide qui a coûté la vie à un million et demi d'Arméniens, hommes, femmes et enfants, durant la période de 1915 à 1917. Il faut ajouter qu'il s'agissait d'une population civile, non armée et souvent, sans défense.

De plus, cette période tragique de l'histoire a vu la profanation et la destruction de plus de 2 000 églises et de plus de 200 monastères et un demi-million de survivants ont été contraints à l'exode et à l'exil dans d'autres pays et dans d'autres cultures. Malheureusement, il n'y a jamais eu de réparation ou de sanctions à l'endroit des responsables de ce génocide.

Aujourd'hui, les Arméniens sont dispersés à travers le monde, notamment aux États-Unis, au Canada, en Égypte, en Irak, en Iran, en France, au Liban, en Syrie, etc. Mais la moitié d'entre eux vivent encore en Arménie. Le Canada a été enrichi par la venue, à ce qu'on m'a dit, de 60 000 Arméniens dont plus de 25 000 vivent au Québec.

En tant qu'immigrant moi-même et à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de citoyenneté et d'immigration, je tiens à saluer tous nos compatriotes d'origine arménienne et à souligner leur apport et leur contribution exceptionnels au Canada et au Québec. C'est une communauté très active et dynamique. Ils sont présents dans tous les secteurs de la société: l'économie, le commerce, les organismes sociaux et communautaires, la culture, la politique.


1872

Au passage, j'aimerais saluer également mon collègue de Don Valley-Nord, le premier député d'origine arménienne en cette Chambre. Vous savez, je suis moi-même le premier député d'origine latino-américaine au Canada. Nous pouvons partager cette même responsabilité et ce même honneur.

La communauté arménienne s'est très bien intégrée à sa société d'accueil et elle est très bien structurée. Elle s'est dotée de ses propres écoles, de ses églises, de ses centres culturels. Malgré l'adversité, les Arméniens ont réussi à préserver leur langue, leur culture, leurs traditions et leurs valeurs. J'ai participé et j'ai pris la parole, dimanche dernier, à l'école Alex Manoogian, à ville Saint-Laurent, lors de la cérémonie de commémoration du 81e anniversaire du génocide.

(1820)

J'ai été très touché par le dépôt d'une couronne en souvenir des martyrs par un homme âgé de plus de 85 ans, un survivant de ce génocide qui avait vécu justement en Arménie en 1915.

Je suis fier du fait que le gouvernement et l'Assemblée nationale du Québec aient reconnu le génocide arménien, de même que l'Ontario, la Russie, Israël et le Parlement européen. Aussi, je souligne avec plaisir l'attitude et le geste posé par le président de l'Uruguay, qui a participé à une cérémonie de commémoration de ce génocide.

Pour sa part, le Comité sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités de l'ONU a adopté le 29 août 1985 un rapport qui déclare l'extermination des Arméniens de 1915 comme un exemple de génocide.

Quant au gouvernement canadien, il s'est limité à déplorer le fait «qu'un grand nombre d'Arméniens ont été tués pendant les guerres qui ont marqué la fin de l'Empire ottoman et témoigne sa sympathie à la communauté arménienne.» Ayant une tradition démocratique et de respect des droits de la personne, j'espère que le Canada reconnaîtra formellement et clairement un jour le génocide arménien. Qu'attend le gouvernement canadien pour prendre cette décision tant attendue par les Arméniens et, je pense, par le peuple du Québec et du Canada? Il devrait passer des discours aux gestes concrets. Même le sénateur Bob Dole, aujourd'hui candidat à la présidence des États-Unis, a critiqué la Turquie, qui nie le génocide arménien.

J'aimerais témoigner également de mon appui à la construction d'un monument commémoratif à la mémoire des martyrs arméniens par la ville de Montréal. C'est une promesse de l'administration du maire Pierre Bourque d'ériger ce monument au parc Marcelin-Wilson, à l'intersection des boulevards Henri-Bourassa et l'Acadie, pas très loin de mon comté. La première pelletée a eu lieu en présence de personnalités, le 22 avril 1995, et à la suite, semble-t-il, de pressions de la Turquie et du gouvernement canadien, les travaux se sont arrêtés.

Il faut noter, cependant, que de tels monuments ont été déjà érigés dans plusieurs villes du monde, notamment dans des villes de France, au Liban, aux États-Unis, en Suisse, en Syrie, en Colombie, en Argentine, et même au Canada, à Toronto et à Ville-Saint-Laurent. À Los Angeles, il existe un projet pour construire un musée du génocide arménien. Je lance donc un appel au maire de Montréal pour qu'il respecte sa promesse d'ériger un monument aux martyrs arméniens.

Je profite de cette occasion pour signaler que la situation des droits de la personne dans le monde est inquiétante. Selon Amnistie Internationale, plus de cent pays pratiquent encore la torture. Les droits humains fondamentaux sont violés au Liberia, en Algérie, en Indonésie, en Chine et dans d'autres pays. Même en Amérique latine, malgré une certaine amélioration de la situation, Amnistie Internationale, la Commission interaméricaine des droits humains et plusieurs ONG ont dénoncé le recours dans certains pays à la torture, à la violence, la répression, les déplacements forcés des communautés indigènes, l'émergence de groupes paramilitaires, la disparition de personnes et l'impunité.

Je me dois de dénoncer dans cette Chambre les contradictions et le manque de cohérence du gouvernement canadien en ce qui a trait à la promotion de la démocratie et des droits de la personne. Lorsqu'ils se trouvaient dans l'opposition, les libéraux parlaient beaucoup de ces sujets. Aujourd'hui au pouvoir, ils font en sorte que le commerce ait préséance sur les droits de l'homme.

Ce gouvernement ne fait rien pour dissuader les compagnies canadiennes qui investissent dans des pays qui ne respectent pas les droits de la personne. Il devrait suivre l'initiative de l'Union européenne qui, par exemple, interdit l'importation de tapis fabriqués par des enfants.

Le gouvernement canadien devrait s'assurer de l'inclusion dans ses accords commerciaux de clauses reliées au respect des droits humains. Il faut dire que les gouvernements répressifs constituent une cause d'instabilité, ce qui n'est pas propice au commerce et aux investissements.

Je remercie la communauté arménienne de nous rappeler chaque année ce triste anniversaire du génocide. Elle mérite toute mon admiration et toute mon estime pour sa lutte, son courage et sa fidélité à sa langue, à sa culture et à ses traditions.

Elle n'a pas oublié et n'oubliera jamais cet événement tragique. Je souligne ses efforts et sa ténacité à persuader la Communauté internationale à rendre justice à sa nation. Je salue tous mes compatriotes d'origine arménienne et je leur manifeste ma sympathie et ma solidarité indéfectible.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais profiter de cette occasion pour remercier ceux qui ont pris part au débat. C'est la première fois que cette question est débattue dans toute l'histoire du Canada.

Je voudrais également remercier les partis qui y ont participé, à savoir le Bloc québécois, le Parti réformiste et le Parti libéral. Je regrette que le NPD et le Parti progressiste conservateur ne l'aient pas fait.

J'estime qu'il nous incombe à tous de garder un moment de silence pour les victimes de génocides.


1873

[Note de l'éditeur: La Chambre garde un moment de silence.]

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 18 h 27, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire à l'expédition des travaux des subsides.

[Traduction]

Le vote porte sur le sous-amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter le sous-amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

(Le sous-amendement, mis aux voix, est rejeté.)

(Vote no 38)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bhaduria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré

Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Ringma
Robinson
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -93

CONTRE

Députés
Alcock
Allmand
Anawak
Arseneault
Augustine
Barnes
Bélair
Bélanger
Bertrand
Bevilacqua
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Byrne
Caccia
Calder
Campbell
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lincoln
Loney
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
McCormick
McGuire
McKinnon
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Patry
Peters
Pettigrew
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Szabo
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-118


1874

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Canuel
Caron
Cohen
Gallaway
Kirkby
St-Laurent
Venne
Wells

(1855)

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare le sous-amendement rejeté.

Le prochain vote porte sur l'amendement.

M. Boudria: Monsieur le Président, je me demande s'il y aurait consentement unanime de la Chambre pour considérer que l'amendement a été mis aux voix et pour appliquer le résultat du vote précédent à l'inverse à cet amendement?

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): L'honorable whip de l'opposition officielle est-elle d'accord?

Mme Dalphond-Guiral: D'accord.

[Traduction]

M. Ringma: D'accord.

M. Peterson: Monsieur le Président, je tiens à signaler que je voterai comme le gouvernement sur cette question.

Mme Bakopanos: Monsieur le Président, je voudrais voter en faveur de l'amendement.

M. Assadourian: Monsieur le Président, je voterai comme le gouvernement.

M. Ianno: Monsieur le Président, je voterai moi aussi comme le gouvernement sur cet amendement.

M. Telegdi: Monsieur le Président, je voterai comme le gouvernement sur cet amendement.

Le président suppléant (M. Kilger): Pendant le déroulement du scrutin, pendant que les députés se lèvent pour dire comment ils votent, les greffiers au Bureau et moi-même avons beaucoup de mal à entendre la réponse des députés qui se prononcent. Je demanderais donc aux députés de faire preuve d'un peu d'indulgence et de coopération.

M. Valeri: Monsieur le Président, j'aimerais signaler que je voterai comme le gouvernement sur l'amendement.

M. McTeague: Monsieur le Président, je tiens à signaler que je voterai comme le gouvernement sur l'amendement.

(1900)

M. Lee: Monsieur le Président, j'aimerais signaler que je voterai comme le gouvernement sur l'amendement.

Mme Beaumier: Monsieur le Président, j'aimerais signaler que je voterai comme le gouvernement sur l'amendement du gouvernement.

M. Cannis: Monsieur le Président, je tiens à signaler que j'appuie cet amendement.

M. Peric: Monsieur le Président, j'aimerais signaler que je vote pour le gouvernement sur cet amendement.

Le président suppléant (M. Kilger): Pourrais-je demander au whip du Nouveau Parti démocratique de me dire comment son parti va voter?

M. Riis: Monsieur le Président, nous suivons la suggestion du whip du gouvernement.

M. Bhaduria: Monsieur le Président, je voterai contre l'amendement.

(L'amendement, mis aux voix, est adopté.)

(Vote no 39)

POUR

Députés
Alcock
Allmand
Anawak
Arseneault
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bertrand
Bevilacqua
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Byrne
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
McCormick
McGuire
McKinnon
McTeague
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-129

1875

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bhaduria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Ringma
Robinson
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -93

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Canuel
Caron
Cohen
Gallaway
Kirkby
St-Laurent
Venne
Wells

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

[Français]

La prochaine mise aux voix porte sur la motion principale, telle que modifiée.

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion, telle que modifiée?

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée.)

______________________________________________


1875

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES BANQUES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le jeudi 18 avril, de la motion: Que le projet de loi C-15, Loi modifiant la législation sur les institutions financières et édictant une loi nouvelle, soit maintenant lu pour la troisième fois et adopté.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre va maintenant procéder au vote par appel nominal différé sur la motion de troisième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la législation sur les institutions financières et édictant une loi nouvelle.

M. Boudria: Monsieur le Président, je désirerais solliciter le consentement unanime pour que le vote des députés sur l'amendement du secrétaire d'État soit appliqué à la motion soumise à la Chambre, étant entendu que, dans ce cas, les députés libéraux voteraient oui.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, les députés de l'opposition officielle voteront non à cette motion.

[Traduction]

M. Ringma: Monsieur le Président, les députés réformistes voteront non, à l'exception de ceux qui désirent voter oui.

(1905)

M. Riis: Monsieur le Président, le Nouveau Parti démocratique vote non.

M. Bhaduria: Monsieur le Président, je voterai contre la motion.

Mme Parrish: Monsieur le Président, je voudrais être inscrite comme ayant voté en faveur de cette motion.

M. Dromisky: Je vote en faveur du projet de loi C-15.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 40)

POUR

Députés
Alcock
Allmand
Anawak
Arseneault
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bertrand
Bevilacqua
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Byrne
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Culbert


1876

Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Dromisky
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
McCormick
McGuire
McKinnon
McTeague
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-131

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bhaduria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob

Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Ringma
Robinson
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -93

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Canuel
Caron
Cohen
Gallaway
Kirkby
St-Laurent
Venne
Wells

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

* * *

[Français]

LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 19 avril, de la motion: Que le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit maintenant lu une troisième fois et adopté, ainsi que de l'amendement.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé de l'amendement de Mme Lalonde, à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois.

Le mise au voix porte sur l'amendement.

M. Boudria: Monsieur le Président, si la Chambre est disposée à accorder son consentement unanime, je suggère que le résultat du vote pris sur la motion précédente soit appliqué à la motion présentement devant la Chambre, mais à l'inverse.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

M. Bhaduria: D'accord, monsieur le Président.


1877

[Français]

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté)

(Vote no 41)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bhaduria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Ringma
Robinson
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -93

CONTRE

Députés
Alcock
Allmand
Anawak
Arseneault
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair

Bélanger
Bertrand
Bevilacqua
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Byrne
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Dromisky
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
McCormick
McGuire
McKinnon
McTeague
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-131

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Canuel
Caron
Cohen
Gallaway
Kirkby
St-Laurent
Venne
Wells

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare l'amendement rejeté.


1878

[Traduction]

LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

La Chambre reprend l'étude, interrompue le lundi 22 avril, de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-118, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois.

[Français]

M. Boudria: Monsieur le Président, si la Chambre donne son consentement unanime, je crois que nous pourrions enregistrer tous les députés qui ont voté sur la motion précédente comme ayant voté sur la motion présentement devant la Chambre, en enregistrant les députés libéraux comme ayant voté oui.

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, les députés de l'opposition officielle voteront non.

[Traduction]

M. Ringma: Monsieur le Président, le Parti réformiste vote contre, à l'exception des députés qui souhaitent exercer leur droit de voter librement.

M. Riis: Monsieur le Président, les néo-démocrates votent contre.

M. Ringma: Monsieur le Président, puis-je obtenir un éclaircissement? Votons-nous sur le projet de loi C-11 ou sur le C-18?

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre se prononce sur le projet de loi C-18.

M. Ringma: Monsieur le Président, en ce cas, puis-je me rétracter et dire que les réformistes votent en faveur, à l'exception des députés qui souhaitent voter autrement.

M. Bhaduria: Je suis en faveur, monsieur le Président.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 42)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Alcock
Allmand
Anawak
Arseneault
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Benoit
Bertrand
Bevilacqua
Bhaduria
Bodnar
Bonin
Boudria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Byrne
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chatters
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling

Crawford
Culbert
Cullen
Cummins
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Dromisky
Duhamel
Duncan
Easter
English
Epp
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Forseth
Frazer
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grey (Beaver River)
Grose
Grubel
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harper (Simcoe Centre)
Harvard
Hayes
Hermanson
Hickey
Hill (Macleod)
Hoeppner
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Kerpan
Keyes
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Manning
Marchi
Marleau
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McCormick
McGuire
McKinnon
McTeague
Meredith
Mifflin
Milliken
Mills (Red Deer)
Minna
Mitchell
Morrison
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringma
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Scott (Skeena)
Serré
Shepherd
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Solberg
Speaker
St. Denis
Steckle
Stinson
Strahl
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Thompson
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams
Wood
Young
Zed-172

CONTRE

Députés
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Bergeron


1879

Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brien
Chrétien (Frontenac)
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Fillion
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
McLaughlin
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Robinson
Sauvageau
Taylor
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont) -52

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Canuel
Caron
Cohen
Gallaway
Kirkby
St-Laurent
Venne
Wells

(1910)

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

* * *

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit maintenant lu une troisième fois et adopté.

M. Boudria: Monsieur le Président, si vous deviez le demander, j'estime que vous constateriez que la Chambre donnerait le consentement unanime à l'application à l'inverse du résultat du vote sur la motion principale pour la troisième lecture du projet de loi C-11 au vote sur l'amendement proposé à la motion, dont la Chambre a été saisie un peu plus tôt.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît! Y a-t-il consentement unanime pour appliquer le vote, comme l'a indiqué le whip en chef du gouvernement?

Des voix: D'accord.

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, les députés de l'opposition officielle voteront non.

[Traduction]

M. Ringma: Monsieur le Président, puis-je avoir d'autres explications? Le whip en chef du gouvernement a inversé les choses. Nous sommes passés de l'amendement proposé au projet de loi C-11 au projet de loi C-18, et maintenant nous revenons au projet de loi C-11. Êtes-vous certain qu'il est maintenant question de la motion principale relative au projet de loi C-11?

Le président suppléant (M. Kilger): Il est maintenant question de la motion principale relative au projet de loi C-11.

M. Ringma: Les députés réformistes voteront non, sauf ceux qui souhaitent exercer leur droit de voter autrement.

M. Riis: Monsieur le Président, les députés néo-démocrates voteront non.

M. Bhaduria: Je voterai en faveur de la motion.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 43)

POUR

Députés
Alcock
Allmand
Anawak
Arseneault
Assadourian
Augustine
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bertrand
Bevilacqua
Bhaduria
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Byrne
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Dromisky
Duhamel
Easter
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
McCormick
McGuire
McKinnon
McTeague
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-132

1880

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Ringma
Robinson
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams-92

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Canuel
Caron
Cohen
Gallaway
Kirkby
St-Laurent
Venne
Wells

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

Le président suppléant (M. Kilger): Je tiens à faire savoir aux députés que, en raison du retard, il n'y aura pas d'initiatives parlementaires aujourd'hui. Par conséquent, le sujet inscrit à l'ordre du jour d'aujourd'hui sera inscrit à celui d'une autre séance.


1880

MOTION D'AJOURNEMENT

(1915)

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

FEDNOR

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, les changements apportés récemment à FEDNOR touchent directement de nombreux habitants de ma circonscription, Parry Sound-Muskoka. Ce nouveau programme aura des effets positifs sur les entreprises de ma région.

J'appuie avec enthousiasme le soutien renouvelé du gouvernement au développement économique régional du nord de l'Ontario. Le budget de ce programme a été accru et sera de 60 millions de dollars sur trois ans. Le gouvernement veillera à ce que cet argent soit investi dans des programmes et services qui contribueront à accroître le potentiel économique et les possibilités d'emploi dans le nord ontarien.

Dans sa réponse à ma première question, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie avait déclaré que l'accès des petites entreprises du nord de l'Ontario au financement assuré par les institutions financières canadiennes allait quintupler.

Ce partenariat est un excellent exemple de la façon dont le gouvernement et le secteur privé peuvent collaborer dans l'intérêt des petites entreprises. Voilà de très bonnes nouvelles pour le nord de l'Ontario. Un meilleur accès aux capitaux figure toujours en tête de liste des désirs de la petite entreprise. C'est un élément très important des initiatives annoncées récemment dans le cadre de FEDNOR. Mes collègues du nord de l'Ontario et moi-même avons travaillé très fort pour obtenir sa réalisation.

Notre gouvernement a aussi constamment cherché à faire en sorte que les petits entrepreneurs du Canada, hommes et femmes, aient plus d'argent à investir dans leurs entreprises pour élargir leur éventail de services et, surtout, engager des Canadiens.

La nouvelle initiative FEDNOR du gouvernement favorise la collaboration avec des partenaires des secteurs privé et public pour l'atteinte de cinq objectifs: l'accès aux capitaux, dont j'ai déjà parlé; une concurrence accrue; le développement économique des collectivités; la création de réseaux et la mise en valeur des capacités du nord de l'Ontario.

J'appuie vivement l'idée de partenariat dans la nouvelle initiative visant à établir un climat qui permettra aux petites entreprises de créer la richesse et des emplois dans le nord de l'Ontario.

1881

Il est également important de noter non seulement que les programmes s'améliorent, mais aussi que la distribution des services devient plus efficace. Les dépenses de fonctionnement de FEDNOR seront réduites de 40 p. 100.

La Société de développement des collectivités jouera un rôle important dans l'exécution de ce programme, faisant un usage extrêmement efficace des ressources déjà en place dans le nord de l'Ontario. Ces organisations se verront accorder de nouveaux capitaux et fournir les outils nécessaires pour attirer d'autres investissements privés.

Par ailleurs, le nouveau programme FEDNOR permettra d'investir directement 4 millions de dollars dans le tourisme, un autre secteur très important de l'économie de ma circonscription, Parry Sound-Muskoka. Cela se fera grâce à des initiatives de marketing, d'organisation de voyages et de formation.

Le gouvernement s'intéresse au nord de l'Ontario. Il comprend qu'il doit établir un climat qui permette aux petites entreprises du nord de l'Ontario de créer des emplois. Les changements apportés à FEDNOR montrent l'engagement du gouvernement libéral à l'égard de la création d'emplois et de la croissance.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, en 1995, on a organisé une conférence importante à Timmins sur les besoins du nord de l'Ontario en matière de développement économique. Plus de 200 intéressés du nord de l'Ontario y ont assisté.

Des groupes d'experts ont analysé les résultats de la conférence et formulé des recommandations que des conseils régionaux représentatifs des intérêts régionaux ont davantage raffinées.

La nouvelle FEDNOR travaillera en étroite collaboration avec tous les intervenants régionaux en matière de développement économique, y compris la province. Elle cherchera à créer un ensemble permanent de capacités locales pour soutenir l'emploi et la croissance tout en réduisant les chevauchements et les dédoublements. Dans le cadre du nouveau programme FEDNOR, les petites entreprises auront un meilleur accès à l'information, aux services et aux capitaux dont elles ont besoin pour réussir.

(1920)

La FEDNOR accroîtra la disponibilité des capitaux dans le nord de l'Ontario en formant des partenariats avec des institutions financières pour offrir de nouvelles formes de financement plus risquées des petites entreprises. Elle fournira également des capitaux supplémentaires aux sociétés d'aide au développement des collectivités pour qu'elles puissent développer davantage leurs programmes de très petits prêts.

Enfin, la FEDNOR offrira des capitaux de lancement pour des petites entreprises naissantes et innovatrices, ainsi que pour des activités comme la recherche et le développement et la formation spécialisée, que les banques ne veulent pas financer.

La FEDNOR va continuer d'évoluer pour répondre aux besoins du nord de l'Ontario. Les priorités futures comprennent des programmes pour répondre aux besoins de fonds propres et de quasi-fonds propres des petites et moyennes entreprises qui ont du mal à attirer du capital de risque, des initiatives pour répondre aux besoins spéciaux des entrepreneurs autochtones et des collectivités francophones du nord de l'Ontario, ainsi que des mesures pour améliorer les perspectives économiques des femmes et des jeunes.

LES PÊCHES

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, cette intervention vise essentiellement à exhorter le ministre des Pêches et des Océans à ne pas céder des pouvoirs fondamentaux du gouvernement fédéral.

Je m'explique. La semaine dernière, j'ai demandé au ministre des Pêches et des Océans de ne pas déléguer aux provinces les pouvoirs d'application du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. En bref, cette disposition interdit d'entraîner la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, sauf dans des circonstances autorisées par le ministre.

Si les pouvoirs d'application du paragraphe 35(2) étaient délégués aux provinces, la disposition cesserait d'être la détente pour la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Nos cours d'eau, nos rives et nos terres marécageuses se trouveraient moins bien protégés dans le cadre du processus d'évaluation environnementale.

On songe plutôt, comme le suggèrent d'aucuns, à limiter l'évaluation environnementale à des projets d'envergure. Je suis d'avis que ce n'est pas souhaitable parce qu'à s'en tenir aux grands projets, on néglige les effets cumulatifs des petits.

Il nous est déjà arrivé de déléguer aux provinces certains pouvoirs en vertu de la Loi sur les pêches. Mais il faut user de prudence et mettre à profit l'expérience. Ainsi, dans son rapport 1990, le vérificateur général fait observer que, quand des pouvoirs ont été délégués aux provinces en matière de surveillance et d'application du règlement sur les effluents des mines, le pourcentage de conformité est passé de 85 p. 100 qu'il était en 1982 à 48 p. 100 en 1988.

À ce rendement médiocre s'ajoute le fait que certains gouvernements provinciaux, notamment le gouvernement Harris en Ontario, effectuent des compressions importantes au sein de leurs ministères de l'Environnement et des Ressources naturelles. Or, ce sont ces ministères qui seraient chargés d'assumer les pouvoirs fédéraux de contrôle et d'exécution tels que la protection de l'habitat des poissons d'eau douce en vertu du paragraphe 35(2).

À titre d'exemple, le gouvernement de l'Ontario est en train d'éliminer 752 postes au ministère de l'Environnement et de l'Énergie et 2 170 au ministère des Ressources naturelles. En outre, par suite de la mise en oeuvre de la loi 26 et de l'abrogation de la Loi sur l'aménagement du territoire, le gouvernement Harris a pour ainsi dire éliminé la protection des zones écologiquement sensible en Ontario.

1882

Compte tenu de l'érosion massive de la réglementation environnementale, le ministre d'État responsable des ressources naturelles peut-il assurer à la Chambre que lui et son gouvernement ne vont pas céder la responsabilité liée au paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches et que cette disposition va continuer de relever du fédéral, afin que l'impulsion donnée par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne soit pas perdue et que ses avantages pour la population canadienne et les ressources naturelles ne soient pas compromis?

[Français]

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire, Pêches et Océans), Lib.): Monsieur le Président, le ministère des Pêches et des Océans administre une loi, la Loi sur les pêches, qui contient des interdictions de très grande portée contre la destruction du poisson et de son habitat. En termes simples, personne ne peut modifier un habitat du poisson à moins d'y être autorisé par le ministre des Pêches et des Océans qui, à propos, est la seule entité habilitée à émettre cette autorisation.

De nombreuses activités de l'homme peuvent altérer l'habitat du poisson, allant de la construction d'un ponceau à l'endiguement de grands cours d'eau pour la production d'électricité.

L'examen de propositions de développement afin d'y relever des impacts potentiels sur l'habitat du poisson est une importante composante du programme de gestion de l'habitat du MPO. Ce travail, comme toutes les autres activités du MPO, a été soumis aux évaluations menées dans le cadre de l'examen des programmes.

En d'autres mots, le ministère s'est demandé s'il était justifié de maintenir cette fonction. Les provinces passent aussi en revue bon nombre de ces propositions de développement, conformément à leurs propres lois sur l'environnement et l'utilisation des sols et des eaux.

Le MPO s'est donc demandé s'il était justifié que deux paliers de gouvernement étudient des projets aussi peu importants que la construction d'une tranchée de drainage, ou si des efforts devaient être faits pour identifier tout chevauchement et dédoublement potentiels, et les rationaliser. Je crois que la réponse est claire.

Comme l'honorable député le sait, le discours du Trône a fait ressortir les intentions de ce gouvernement de travailler plus efficacement avec les provinces et de renforcer les partenariats avec ces dernières dans le domaine de la gestion de l'habitat du poisson d'eau douce. Le défi pour tous les paliers de gouvernement sera d'identifier les secteurs où les activités peuvent être rationalisées, tout en fournissant le niveau de protection que nous voulons tous donner à l'environnement et aux ressources halieutiques.

En résumé, je peux assurer l'honorable député que le gouvernement accorde une grande importance à la protection de l'habitat du poisson et à l'intégrité du processus d'évaluation environnementale et qu'il continuera de le faire.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): La motion d'ajournement étant adoptée d'office.

La Chambre s'ajourne à 14 heures demain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 27.)