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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

*-*-*-* AGRI26_BLK301.tse =]

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 mars 1998

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Bonjour à tous. La séance est ouverte.

M. Proctor est actuellement en discussion avec son caucus, et devrait arriver sous peu. Je pense que les membres du Parti réformiste se réunissent en ce moment pour discuter du débat qui va se tenir aujourd'hui, et ils vont donc arriver un peu en retard. Mais nous allons commencer en donnant tout de suite la parole à notre témoin.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Guy Jacob de la Commission canadienne du lait. Pourriez-vous nous présenter votre collaborateur avant de faire vos remarques liminaires, et ensuite nous passerons aux questions.

M. Guy Jacob (président, Commission canadienne du lait): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné ce matin de Chuck Birchard, qui est directeur de la Politique et des Communications à la CCL, c'est-à-dire la Commission canadienne du lait.

• 0910

[Français]

Je vais faire ma présentation en français et il me fera plaisir de répondre ultérieurement à toutes les questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.

D'abord, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de vous rencontrer et de vous présenter brièvement les rôles et responsabilités de la Commission canadienne du lait. Vous avez reçu le rapport annuel, qui vous donne des informations beaucoup plus détaillées. Globalement, la Commission canadienne du lait est une petite société d'État qui compte 67 employés, dont 62 permanents. Le président de la Commission est assisté de deux commissaires à temps partiel qui complètent l'équipe de la Commission.

La Commission effectue des activités très diversifiées, et c'est ce que je vais tenter de vous démontrer. Son budget de fonctionnement est d'environ 5,4 millions de dollars par année; 2,4 millions de dollars proviennent du gouvernement fédéral, 1,9 million de dollars proviennent des producteurs eux-mêmes et 1,1 million de dollars nous viennent du marché.

Notre mandat officiel, à la Commission canadienne du lait, est d'offrir aux producteurs efficaces une juste rétribution pour leur travail et leurs investissements tout en nous assurant que les consommateurs ont un approvisionnement continu et suffisant de produits laitiers de qualité.

Il est bien évident que même si on ne mentionne pas comme tels les transformateurs dans la loi, les transformateurs sont pour nous des interlocuteurs privilégiés étant donné leur rôle très important dans l'ensemble de la chaîne des produits laitiers.

La CCL administre pour le compte du gouvernement du Canada les subsides laitiers aux producteurs de lait. C'est 146 millions de dollars pour l'année 1997-1998. Vous savez que les subsides laitiers sont réduits de 20 p. 100 par année et qu'ils disparaîtront complètement en février de l'an 2002.

La Commission canadienne du lait préside également les réunions du Comité de gestion des approvisionnements de lait. Le Comité de gestion des approvisionnements de lait est à toutes fins pratiques l'organisme qui gère l'ensemble du système de quotas de lait au Canada. C'est le comité qui est responsable du fonctionnement de l'entente fédérale-provinciale de mise en marché des produits laitiers, ce qu'on appelle communément le Plan national de commercialisation du lait.

Le Comité de gestion des approvisionnements de lait est formé de deux représentants par province, un représentant des producteurs et un représentant des gouvernements provinciaux, auxquels s'ajoutent un représentant des transformateurs et un représentant de l'association qui représente l'ensemble des producteurs de lait du Canada, le groupe Dairy Farmers of Canada.

Ce comité, à toutes fins pratiques, prend les décisions sur la plupart des éléments qui composent le Plan national, notamment la fixation des quotas. C'est ce comité qui décide chaque année des quotas qui sont alloués à chacune des provinces pour combler les besoins intérieurs.

La CCL a donc davantage une capacité d'influence et d'orientation sur le Comité de gestion des approvisionnements qu'un pouvoir décisionnel comme tel. À l'occasion, les commissaires peuvent décider de certains éléments lorsqu'il n'y a pas unanimité autour de la table. C'est aussi la Commission qui fournit l'ensemble de l'aide technique et administrative nécessaire au bon fonctionnement de ce comité à l'échelle canadienne.

La Commission préside également les rencontres de ce qu'on appelle l'entente P9. P9, c'est une entente en vertu de laquelle les neuf provinces canadiennes signataires du Plan national—Terre-Neuve n'en fait pas partie, ne produisant pas encore beaucoup de lait de transformation—font une mise en commun de l'ensemble des revenus provenant de la vente de lait dans les classes spéciales.

• 0915

Que sont les classes spéciales? En passant, ce sont ces classes spéciales qui sont actuellement contestées par les Américains et la Nouvelle-Zélande. Les classes spéciales sont les classes à l'intérieur desquelles les producteurs de lait approvisionnent le secteur de la surtransformation, c'est-à-dire les boulangeries, confiseries, etc, et fournissent du lait destiné à l'exportation à des prix inférieurs.

C'est un système qui a été mis en place à la suite du dernier accord du GATT pour remplacer, en quelque sorte, les prélèvements qui étaient autrefois appliqués sur le lait qui servait à la surtransformation au Canada et à l'exportation.

Par rapport à l'entente P9, la Commission a également la capacité d'influencer ou de tenter d'orienter les applications de l'accord P9. Elle fournit également une aide technique et administrative. De plus, la Commission est l'organisme qui émet les permis qui permettent à des surtransformateurs ou à des exportateurs d'obtenir le lait à des prix inférieurs. En d'autres mots, pour qu'un exportateur obtienne du lait à moindre prix, il doit d'abord obtenir un permis de la Commission canadienne du lait. C'est également la Commission canadienne du lait qui a l'ultime responsabilité de s'assurer que les surtransformateurs ou les exportateurs qui obtiennent du lait à un prix inférieur utilisent effectivement ce lait aux fins pour lesquelles ils ont obtenu un permis.

La Commission préside également l'accord P6. On a P9, on a P6, on a P4 et on a le Comité de gestion des approvisionnements de lait. Donc, P6 est une entente entre six provinces, le Manitoba, l'Ontario, le Québec et les provinces Maritimes, en vertu de laquelle les producteurs ont convenu de mettre en commun les revenus de tout le lait vendu aux fins du marché domestique. Donc, c'est autant le lait nature que l'ensemble des laits qui servent à la production du fromage, du yogourt, de la crème glacée, etc.

Par rapport à l'entente P6, la Commission joue le même rôle que par rapport à l'entente P9, soit un rôle de soutien administratif et technique. Elle joue également un rôle d'influence et même, dans plusieurs cas, un rôle de médiation entre les provinces signataires.

L'entente P4 est une entente similaire à P6 pour les quatre provinces de l'Ouest: la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, mais la Commission ne préside pas les rencontres de P4. Vis-à-vis de P4, qui est une mise en commun des revenus de tout le lait de ces quatre provinces-là, la Commission apporte un soutien administratif et technique. Elle peut aussi, à l'occasion, tenter d'agir comme médiateur pour tenter de résoudre certains différends entre les provinces, mais elle ne préside pas les rencontres de l'entente P4.

La Commission gère également les stocks de beurre et de poudre de lait qui sont nécessaires pour régulariser l'approvisionnement. Lorsque la production est forte sur le marché canadien, la Commission achète des stocks de beurre et de poudre de lait pour les entreposer, pour les remettre sur le marché en période de faible production ou, s'il y a des excédents par rapport aux besoins domestiques, pour exporter ces stocks de beurre ou de poudre de lait, particulièrement de poudre de lait, sur les marchés extérieurs.

Donc, c'est à toutes fins pratiques un rôle régulateur important compte tenu du fait que la production laitière n'est pas une production stable 365 jours par année. La production laitière, par définition, connaît des hausses et des baisses selon les périodes de l'année.

Aux fins de la gestion des stocks de beurre, la Commission établit également ce qu'on appelle le prix de soutien. Le prix de soutien est le prix auquel la Commission annonce qu'elle va racheter les stocks de beurre ou de poudre de lait pour l'année qui vient. C'est ce que la Commission annonçait récemment pour le nouveau prix en vigueur à compter du 1er février dernier.

• 0920

C'est en quelque sorte un prix plancher. Personne ne veut vendre, que ce soit sur le marché domestique ou sur le marché international, à un prix inférieur au prix annoncé par la Commission canadienne du lait pour le retrait du surplus. Ainsi, l'annonce par la Commission d'une augmentation du prix de soutien a nécessairement une influence sur l'ensemble des prix des divers produits laitiers sur les marchés domestiques.

Par contre, ce n'est pas la Commission qui fixe les prix sur les marchés domestiques; ça se fait par le biais de négociations entre transformateurs et producteurs, mais dans certaines provinces, il s'agit d'une décision des autorités gouvernementales provinciales. La Commission ne fait qu'annoncer le prix auquel elle rachète des surplus, tandis que le marché lui-même et les gouvernements provinciaux déterminent les prix de chacune des classes dans chacune des provinces.

La CCL est également l'unique importateur des volumes de beurre importés consentis par le Canada dans le cadre des dernières négociations du GATT. Au cours de l'année qui vient, la Commission importera environ 2 800 tonnes de beurre, en grande partie de la Nouvelle-Zélande, pour satisfaire aux obligations du Canada aux termes du dernier accord du GATT.

La Commission redistribue ce beurre strictement dans le secteur de la surtransformation, de façon à ce que l'arrivée de ces volumes de beurre importé ne crée pas de distorsion sur les marchés domestiques du beurre. Vous ne retrouverez pas ce beurre sur les tablettes; il sera utilisé dans la fabrication de produits surtransformés.

La Commission est également responsable de l'écoulement des surplus. À chaque année, le Comité canadien de gestion des approvisionnements établit les quotas, lesquels sont essentiellement une estimation des marchés domestiques canadiens pour l'ensemble des produits laitiers, plus une marge pour s'assurer que nous aurons en tout temps le lait nécessaire pour répondre aux besoins du marché domestique, plus certains volumes qui sont considérés comme des exportations planifiées vers des marchés que le Canada détient traditionnellement depuis longtemps.

L'excédent de la production par rapport aux quotas émis doit nécessairement être exporté sur les marchés étrangers. Les exportations peuvent se faire par l'entreprise privée, par le biais de permis de classe 5E ou de classe spéciale qui sont émis par la Commission canadienne du lait, ou encore être faites directement par la Commission canadienne du lait.

La Commission canadienne du lait demeure un exportateur important. L'an dernier, ses exportations directes se sont chiffrées à quelque 200 millions de dollars. Ces produits sont exportés par la Commission canadienne du lait dans le cadre de ventes de gouvernement à gouvernement. La Libye, le Mexique, l'Algérie et Cuba sont les quatre pays avec lesquels la Commission canadienne du lait transige de gouvernement à gouvernement. Dans l'ensemble des autres pays, les exportations sont faites par le secteur privé, dans le cadre de permis de classe spéciale ou de classe 5E.

La Commission collabore également avec les ministères de l'Agriculture, des Affaires étrangères, de l'Industrie et du Commerce pour fournir de l'information, y compris dans le cadre de l'actuelle défense du Canada face au défi 301 américain. La Commission possède une solide base de données statistiques sur les producteurs de lait, la production et l'utilisation du lait à diverses fins et la fabrication de produits laitiers.

• 0925

La Commission est également une source d'information pour d'autres ministères, dont Statistique Canada, ainsi que pour les provinces qui viennent consulter les données que possède la Commission.

Je vous ai fait faire un rapide tour d'horizon des activités de la Commission canadienne du lait. Je suis président depuis un peu plus de quatre mois seulement. Je me suis donné comme premier objectif d'accentuer l'harmonisation des divers règlements et façons de fonctionner qui existent dans la gestion du dossier laitier et qui varient énormément d'une province à l'autre.

En réussissant à établir une plus grande harmonisation, on obtiendra nécessairement une plus grande simplification du système. Le système laitier canadien est extrêmement complexe dans chacune des provinces. Il l'est encore davantage à cause des divergences entre les provinces et il est particulièrement complexe au niveau canadien.

Je me donne également comme objectif de contribuer à améliorer les relations entre producteurs et transformateurs, relations qui ne sont pas nécessairement toujours très sereines, particulièrement à l'approche de la prochaine ronde de négociations de l'OMC. Il y aurait profit à ce que les relations entre producteurs et transformateurs soient grandement améliorées.

Finalement, j'aimerais contribuer à ce que l'ensemble de l'industrie, transformateurs comme producteurs, commence ou continue son adaptation à l'éventuel contexte dans lequel l'ensemble du secteur laitier se retrouvera un jour et où il sera obligé de concurrencer dans un contexte de libre marché nord-américain, sinon mondial. À cette fin, on travaille de façon particulière à l'établissement d'un programme optionnel d'exportation qui pourrait ou devrait être plus semblable d'une province à l'autre et qui pourrait permettre à l'industrie, producteurs comme transformateurs, de continuer sa croissance.

C'était un rapide tour d'horizon. Il me fera plaisir de répondre à toutes les questions qui suscitent votre intérêt.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jacob.

J'ai une question à vous poser: puisque vous occupez votre poste actuel depuis quatre mois seulement, pourriez-vous nous dire ce que vous faisiez avant?

M. Guy Jacob: J'ai été sous-ministre au Québec pendant presque neuf ans. Ensuite, au cours des trois années qui ont précédé mon arrivée dans mon poste actuel, j'ai travaillé à titre d'expert- conseil. J'ai un diplôme en agriculture. Je travaille dans le secteur agricole depuis plus de 30 ans.

Pour être précis, de 1986 à 1994, j'étais sous-ministre de l'Agriculture du Québec; c'est-à-dire sous-ministre adjoint pendant trois ans, et sous-ministre pendant un peu plus de cinq ans. Mes antécédents sont donc surtout agricoles.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons passer tout de suite aux questions. Notre premier intervenant sera Jean-Guy Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur Jacob, je voudrais vous féliciter pour votre nomination récente. Je dois vous avouer que tous les messages qui me sont parvenus à votre endroit ont toujours été très favorables à cette nomination. Le passé est garant de l'avenir, et vous avez laissé des traces qui sont à votre honneur un peu partout où vous avez occupé des postes.

Monsieur le directeur général de la Commission canadienne du lait, j'ai rencontré à mon bureau la semaine dernière un producteur qui exploite la Fromagerie La Bourgade dans ma circonscription. J'ouvre ici une parenthèse parce que ça me fait penser un petit peu à la saucisse Hygrade: plus on en mange, plus elle est fraîche, et plus elle est fraîche, plus elle est bonne et plus on en mange. Ce producteur fabrique du fromage d'une qualité exceptionnelle qu'il vend localement. Il ne vient pas voler le marché de Kraft ou d'autres grands fabricants de fromage. Les gens me disent qu'ils consommaient très rarement du fromage avant que le vendeur itinérant ne leur offre le fromage de La Bourgade. Auparavant, ils n'en achetaient pas, tandis que maintenant ils en achètent. Il crée donc un besoin.

• 0930

Au cours de ses deux premières années d'activités, l'entreprise consommait en moyenne 520 000 litres de lait annuellement. On lui a donc dit que dorénavant, ces 520 000 litres de lait représenteraient son quota d'approvisionnement pour la transformation. Mais le problème, c'est que l'entreprise pourrait utiliser ces 520 000 litres de lait en six ou sept mois, après quoi elle serait obligée de fermer faute d'approvisionnement. Le propriétaire se débat comme un diable dans l'eau bénite pour faire augmenter son approvisionnement, mais partout où il frappe, on lui dit que c'est impossible, que telle est l'offre et la demande et que le marché est fermé. S'il n'en vend pas, on n'achètera pas d'autre fromage.

Cela dit, à Lennoxville, dans la circonscription de Jean Charest, à Sherbrooke, il y a une grosse usine de transformation que vous connaissez sûrement. On doit importer du lait d'autres provinces, notamment du Nouveau-Brunswick. Les distances et les coûts de transport sont énormes. Je ne sais pas ce qui se passe.

Côté administration de la disposition du lait, il y a un grave problème. On m'a affirmé qu'on en importe parfois de l'Ontario et parfois du Nouveau-Brunswick. L'usine s'est évidemment améliorée, mais elle fonctionne à peine six mois par année. Des travailleurs de cette usine m'ont également dit que ces produits étaient destinés à l'exportation. Donc, on ne noie pas la consommation intérieure.

Est-ce que cette question fait partie de votre mandat? Avez-vous pour objectif d'apporter des corrections pour Steve Vallée à Thetford Mines, par exemple, et la compagnie Crino à Lennoxville? Bien que je vous cite ces deux compagnies que j'ai en mémoire ce matin, il y en a des dizaines et des dizaines d'autres comme celles-là. Cette situation crée de la frustration, autant chez les producteurs que chez les transformateurs.

M. Guy Jacob: Effectivement, on entend le même message des transformateurs et des producteurs, particulièrement au Québec, depuis un certain nombre d'années. Les transformateurs disent qu'ils auraient des marchés et qu'ils pourraient transformer davantage de lait si la matière première était disponible.

Il y a actuellement beaucoup de lait dans le système dans l'ensemble du Canada. Bien que je n'aie pas les derniers chiffres, je crois que la production actuelle dépasse le quota d'au moins 5 p. 100, ce qui représente des volumes de lait très importants qui seraient disponibles dans le système. Vous avez peut-être pris connaissance des résultats de la conférence sur l'agriculture qui a eu lieu à Saint-Hyacinthe la semaine dernière et qui était présidée par le premier ministre du Québec lui-même. C'est justement cette question qui a fait l'objet des discussions entre transformateurs et producteurs au Québec. On débattait de ces règles d'approvisionnement des usines laitières que se sont données les transformateurs et producteurs dans chacune des provinces, ce qu'on appelle les fameux quotas d'usine selon lesquels une entreprise, particulièrement en Ontario et au Québec, est théoriquement propriétaire d'un volume de lait qu'elle n'acceptera pas de laisser aller à un concurrent qui pourrait l'utiliser à meilleur escient pour des produits à valeur ajoutée.

Ce sont des règles provinciales qui sont appliquées et, à toutes fins pratiques, la Commission canadienne du lait n'a aucune espèce d'autorité pour contrer le problème. Ce que la Commission peut faire, c'est tenter de convaincre les intervenants, particulièrement au niveau du Comité canadien de gestion des approvisionnements de lait, qu'il y aurait avantage à rendre le système plus souple, de façon à ce que le lait soit disponible pour ceux qui peuvent l'utiliser pour leur croissance ou pour la fabrication de produits à valeur plus importante, ce qui génère un revenu plus intéressant pour le producteur.

• 0935

Les provinces demeurent jalouses de leurs juridictions. Ce sont en grande partie les transformateurs qui sont propriétaires de quotas et qui ne veulent pas les perdre, qui s'opposent à toute modification du système existant. Et c'est vrai dans plusieurs provinces au Canada.

La Commission souhaite réussir à amener l'industrie à se donner des règles qui permettront une meilleure flexibilité et une meilleure utilisation du lait.

M. Jean-Guy Chrétien: Je me rappelle avoir rencontré tout à fait par hasard au début des années 1980, à Plessisville, des personnes préposées à l'expédition de camions-remorques remplis de poudre de lait destinée à un pays d'Afrique où sévissait une crise alimentaire terrible. J'exploitais à l'époque ma ferme vaches-veaux et j'achetais du lait en poudre pour nourrir mes veaux. Je payais au-delà de 25 $ le sac et j'apprenais que les mêmes sacs, de la même grosseur, étaient vendus à la Commission canadienne pour 4,50 $, qui les vendait à son tour pour 4,50 $. Nous, sur le marché local, nous devions le payer 25 $, soit cinq fois plus cher et même davantage.

Est-ce que cette politique d'acheter à très bas prix et de revendre à très bas prix aux pays en voie de développement ou aux pays très pauvres prévaut toujours?

M. Guy Jacob: La Commission n'a pas de mandat comme tel d'aide alimentaire aux pays sous-développés. La Commission peut vendre du lait à l'ACDI, mais on va le vendre au prix international, et non pas à un prix réduit. On n'a pas de mandat humanitaire. Par contre, un programme permettait, et permet encore, aux éleveurs de veaux de lait de s'approvisionner en poudre de lait à un prix tout près du prix du marché international. Ce programme a été modifié il y a quelques mois pour permettre aux producteurs de vaches-veaux d'obtenir un permis de classe spéciale et de continuer à se procurer leur poudre de lait à un prix s'approchant du prix international. Il s'agit plutôt d'un permis de classe spéciale, comme tout autre produit destiné aux transformateurs.

M. Jean-Guy Chrétien: Une dernière question, monsieur Jacob. J'ai sursauté un petit peu tout à l'heure, lorsque vous avez dit qu'on vendait à quatre pays étrangers de gouvernement à gouvernement. Vous avez nommé ces pays, dont le Mexique. J'en ai été surpris parce que le Mexique exporte ici de l'huile de beurre. Nous, qu'est-ce qu'on leur vend? Du fromage et du beurre?

M. Guy Jacob: Pour la Commission canadienne du lait, le marché du Mexique se limite strictement à la poudre de lait. Tous les autres produits laitiers qui sont vendus au Mexique et qui proviennent du Canada pourraient s'y retrouver par le biais d'exportateurs privés. La Commission a en quelque sorte l'exclusivité au Mexique pour la poudre de lait seulement.

M. Jean-Guy Chrétien: D'accord.

M. Guy Jacob: C'est une question qu'on se pose: comment peut-on continuer de considérer le Mexique comme un marché de gouvernement à gouvernement alors qu'il fait partie de l'Accord de libre-échange? C'est une question que nous étudions actuellement.

[Traduction]

Le président: Nous passons maintenant à M. Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et bienvenue à nos témoins.

Dans mon autre vie, je suis aviculteur, et par conséquent, je suis directement intéressé dans le système de gestion de l'offre. Dans tous les comités auxquels j'ai été appelé à participer, j'ai bien insisté sur le fait que si je dois défendre le régime de gestion de l'offre au cours des négociations qui vont s'amorcer en 1999 à l'OMC, j'ai besoin d'éléments pour monter cette défense.

Je constate qu'au bas de la page 12, vous dites que vous souhaitez la réalisation «d'une politique laitière à long terme axée sur l'industrie». Je me demande dans quelle mesure cet objectif cadre avec le rôle de l'OMC, puisque vous dites à la page suivante que vous souhaitez «le maintien de la conformité du Canada aux accords commerciaux internationaux». Plus loin, vous dites même que vous envisagez «l'apport de données aux fins des interventions du Canada au Comité sur l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce».

• 0940

Ma question est donc la suivante: pour vous, en quoi doit consister cette politique laitière à long terme axée sur l'industrie? Quels devraient en être les éléments constitutifs? Et quelles sont ces interventions que vous comptez faire auprès de l'Organisation mondiale du commerce?

M. Guy Jacob: Pendant les dernières négociations du GATT, il a fallu éliminer l'ensemble des subventions directes à l'exportation. Alors le secteur laitier a réagi en créant des catégories spéciales afin que certains types de lait puissent être vendus à des exportateurs à des tarifs inférieurs à ceux visant le marché intérieur. Je pense que le gouvernement canadien, de même que la grande majorité des intéressés du secteur au Canada, estiment que cette méthode est parfaitement compatible avec les modalités de l'Accord du GATT de même qu'avec celui qui va suivre. En tout cas, il est certain qu'on en discutera aux prochaines négociations de l'OMC. Quant à savoir si les différents pays membres accepteront de changer le système de tarification actuel pour prévoir des catégories multiples, cette question sera sans doute l'un des principaux enjeux de la prochaine ronde de négociations de l'OMC.

À l'heure actuelle, le gouvernement canadien, plus que la Commission canadienne du lait en réalité, est convaincu que la méthode actuelle est tout à fait compatible avec les obligations du Canada en vertu du dernier accord du GATT. D'ailleurs, d'autres pays ont également modifié leur système de tarification du lait pour prévoir des prix différents en fonction de l'usage qu'on en fait.

Quand nous disons que la politique laitière doit être «axée sur l'industrie», nous voulons simplement dire qu'il faut un système suffisamment souple pour nous permettre d'approvisionner le marché intérieur canadien tout en profitant des possibilités d'exportation qu'il existe. À la fin de mon exposé, j'ai parlé de la possibilité d'un programme optionnel d'exportation, en vertu duquel un agriculteur individuel déciderait—ce serait à lui de prendre la décision pour sa propre entreprise—d'avoir une production supérieure à son contingent en vue de vendre sa production excédentaire sur les marchés d'exportation à des prix jugés acceptables par l'exportateur ou le transformateur.

Supposons que nous arrivions à faire adopter cette formule pour le système canadien. Supposons qu'une entreprise qui vend ses produits à l'étranger s'adresse aux Producteurs laitiers du Canada en offrant d'acheter tant de lait, à tel prix, pendant telle période. Les Producteurs laitiers informent leurs membres qu'ils ont la possibilité de signer un contrat avec l'entreprise en question pour fournir tant de lait, pendant telle période, à tel prix. Si le prix n'est pas suffisamment intéressant, les producteurs laitiers ne vont pas accepter. Si le prix est intéressant ou acceptable—et cela pourrait varier d'une entreprise agricole à l'autre...

Certains dirigeants agricoles nous ont affirmé qu'ils n'ont pas l'intention de produire s'ils ne peuvent couvrir leur coût de production. Bien que ce soit la position de certains producteurs laitiers, d'autres peuvent être tout à fait disposés à le faire. En fait, environ 5 p. 100, et peut-être même plus de 5 p. 100 de la production hors quota est payée au prix international, qui s'élève à environ 20 $.

Alors donnons le choix aux producteurs laitiers, aux transformateurs et aux exportateurs. Nous avons actuellement un système qui permet d'approvisionner le marché intérieur, de même qu'un système parallèle en vertu duquel une personne qui a accès à un marché peut offrir d'acheter une certaine quantité de lait que les producteurs laitiers sont libres de produire pour ce marché-là s'ils le désirent, ou s'ils estiment que le prix est suffisamment intéressant. C'est-à-dire que la dynamique de l'offre et de la demande intervient au-delà du marché intérieur.

• 0945

M. Murray Calder: Oui, mais j'y vois un danger. À l'heure actuelle, notre système de gestion de l'offre est fondé sur le principe que les prix sont contrôlés jusqu'à un certain point. Si nous adoptons une politique en matière d'exportation semblable à celle que vous avez décrite, je me demande ce qui va nous permettre de continuer de contrôler les prix.

Voilà ce qui pourrait arriver: un exportateur pourrait conclure des contrats d'exportation, mais vous me dites que si le producteur laitier décide que le prix qu'on lui offre n'est pas suffisamment intéressant, il va refuser de fournir cette production. Et c'est là qu'il pourrait y avoir un problème, à mon avis. Si l'exportateur a déjà conclu un contrat mais n'arrive pas à obtenir le produit dont il a besoin ici, il va nécessairement s'approvisionner ailleurs. Il va finir par frapper à ma porte, en me disant: «Les producteurs canadiens refusent d'assumer cette production; où vais-je pouvoir l'obtenir? J'ai signé des contrats.»

M. Guy Jacob: On pourrait opter pour l'une ou l'autre des deux formules. C'est-à-dire que nous pourrions très bien décider de nous en tenir au marché intérieur. Nous avons une industrie qui est assez mûre et qui ne va pas continuer de prendre de l'expansion. Bien que les avis soient partagés à ce sujet, il semble peu probable que le marché intérieur se développe encore beaucoup. Par conséquent, pour permettre à l'industrie de prendre encore de l'expansion, il faut obligatoirement cibler les marchés d'exportation qui se développent.

Certains producteurs sont peut-être satisfaits du système actuel, de sorte que si on leur donne le choix, ils voudront s'en tenir à la formule actuelle. D'autres voudront changer ou accroître leurs activités. D'autres voudront peut-être se positionner pour être concurrentiels sur l'ensemble du marché nord-américain et peut-être même sur les marchés mondiaux.

Qu'on le veuille ou non, quand nous avons signé l'Accord du GATT et décidé des tarifs qui viseraient les produits laitiers, nous savions que, par définition, ces tarifs devaient baisser. Quant à savoir combien de temps va durer la prochaine ronde de négociations à l'OMC ou quels en seront les principaux enjeux, personne ne le sait, évidemment. J'ai déjà dit publiquement que même si personne ne sait si ça prendra 10, 15 ou 20 ans, à un moment donné, nous allons nécessairement vendre nos produits sur l'ensemble du marché nord-américain, et pour être concurrentiels, nous devrons aligner nos prix sur les cours mondiaux.

Il va falloir que nous décidions soit de nous en tenir au marché intérieur et continuer de cette façon tant que nous le pourrons—mais évidemment, on ne sait pas ce qui se produira au lendemain de cette décision—soit de nous adapter progressivement— et là je parle des producteurs laitiers qui veulent prendre cette orientation-là—en adoptant un prix pondéré qui se situera entre le prix sur le marché intérieur et le prix international. Ce sera une façon de nous préparer pour cette éventualité.

M. Murray Calder: Une dernière petite question sur le même sujet. En ce qui concerne les produits destinés à l'exportation, quel mécanisme vous permet de déterminer que les produits en question ont effectivement quitté le pays? Parce que s'ils ne quittent pas le pays, il en résultera un excédent sur le marché intérieur qui va faire baisser le prix de gros.

M. Guy Jacob: Ce qu'on envisage de faire dans le cadre du POE... et il existe maintenant un programme optionnel d'exportation dans diverses provinces—au Québec, en Ontario, en Alberta et dans d'autres provinces également. Les modalités d'application varient d'une province à l'autre. Il reste que le principe fondamental d'un POE, c'est qu'une entreprise qui y participe doit exporter à l'étranger l'ensemble des composantes du lait qu'elle achète.

Pour pouvoir acheter ce lait, elle doit tout d'abord s'adresser à la CCL pour se faire attribuer un permis, et ensuite c'est à la CCL de visiter ces diverses entreprises et de s'assurer que les volumes achetés en vertu d'un POE ou d'un permis de catégorie spéciale servent bien aux fins pour lesquelles le permis a été accordé. Donc, notre rôle est de nous assurer, en collaboration avec les autorités provinciales, que lorsqu'une entreprise obtient un permis, soit pour une catégorie spéciale, soit pour participer à un programme d'exportation, le lait qu'elle achète sert bien aux fins pour lesquelles le permis a été délivré au départ.

• 0950

Le président: Merci beaucoup, monsieur Calder.

Autrement dit, monsieur Jacob, le système de gestion de l'offre est voué à disparaître dans le secteur laitier. C'est juste une question de temps. À votre réunion de Vancouver, comment les producteurs ont-ils réagi à cette affirmation de votre part? Je crois savoir que vous leur avez dit exactement la même chose.

M. Guy Jacob: En effet.

Le président: Et quelle a été la réaction des producteurs lors de cette réunion?

M. Guy Jacob: Les producteurs laitiers de l'Ontario m'ont dit exactement la même chose, et il y avait entre 400 et 500 producteurs laitiers dans la salle à ce moment-là. Il y a eu une période de questions mais ils ne me sont pas tombés dessus.

Certains agriculteurs sont venus me demander si j'étais sûr de ce que j'avançais. Je leur ai dit: Écoutez, ou vous me croyez et j'ai raison, de sorte que vous serez heureux de m'avoir cru, ou vous ne me croyez pas et je me trompe, en quel cas, ce sera mieux pour vous. Mais si vous ne me croyez pas alors que j'ai raison, c'est vous qui serez embêtés.

Depuis un moment, nous refusons d'admettre que ça va se produire un jour—mais pas dans les quelques années qui viennent. Disons qu'à la prochaine ronde de négociations de l'OMC, qui devrait théoriquement s'amorcer entre 1999 et 2001... entre l'an 2001 et 2008, la réduction ne sera pas tellement importante, de sorte qu'à la fin de la prochaine ronde de négociations, nous serons encore assez bien protégés contre les importations. Après cela, il y aura une autre ronde de négociations, qui va prendre fin en l'an 2011 ou 2012, mettons. Je suppose que c'est à la fin de cette ronde-là de négociations que les tarifs pourraient être tellement bas qu'il ne serait plus question d'empêcher ni l'entrée au Canada de produits importés, ni l'exportation de nos produits vers l'étranger.

À mon avis, le régime de gestion de l'offre, tel que nous le connaissons actuellement, n'existera pas à tout jamais. Moi j'en suis fermement convaincu. Et il importe de transmettre ce message aux producteurs laitiers, au lieu de leur dire qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, et que ce régime sera toujours là pour les protéger.

Le président: Donc, personne ne peut vous accuser d'avoir jeté du lait sur le feu.

M. Guy Jacob: Non.

Le président: Mais en même temps, le gouvernement affirme qu'en vertu de tout accord multilatéral sur l'investissement, le système de gestion de l'offre devra être protégé. Il affirme que celui-ci est sur la liste des éléments intouchables. Chacun a sa propre liste, et sur la nôtre figure le système de gestion de l'offre. Vous dites que le gouvernement affirme, dans ses discussions avec les producteurs, que le système de gestion de l'offre va continuer d'assurer la protection de ces produits, alors que selon vous, à la prochaine ronde de pourparlers à l'OMC, il est fort probable que nous perdions ce régime et que nous passions à un système de libre-échange.

M. Guy Jacob: Je voudrais faire une mise au point. D'abord, ce que j'ai dit à Vancouver ou à Toronto ne concerne absolument pas le ministre ou Agriculture Canada. Il se trouve que ma conviction personnelle est qu'à un moment donné, les tarifs qui visent actuellement les produits laitiers, qui dans certains cas dépassent 300 p. 100, vont baisser progressivement, surtout qu'au moment d'adopter le système de tarification, il était entendu que ces tarifs diminuent à un rythme qui reste à négocier.

Nous avons négocié le rythme de diminution de ces tarifs pour la première année d'application de l'Accord du GATT jusqu'en l'an 2000. Nous savons quels seront les tarifs en l'an 2001. À la prochaine ronde de négociations de l'OMC, les pays membres vont également négocier le rythme de diminution de ces tarifs.

• 0955

Est-ce que les efforts du Canada vont réussir? Pour ma part, je suis convaincu que le Canada va se battre avec acharnement pour obtenir que ces tarifs diminuent aussi lentement que possible. Mais il arrivera un moment où les tarifs seront tellement bas qu'il ne sera plus question d'empêcher l'entrée au Canada des importations. C'était d'ailleurs clair dès que nous avons décidé de participer au système de vérification des tarifs—pour moi du moins.

Le président: Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais moi aussi vous féliciter, monsieur Jacob, pour les importantes fonctions qui vous ont été confiées, dont vous vous acquittez actuellement et dont vous vous acquitterez au cours des prochains mois et des prochaines années.

Puisqu'on parle d'importations, j'aimerais que vous me parliez du dossier des huiles de beurre et de sucre. Je pense que je ne suis pas le premier à soulever cet important problème. J'aimerais connaître la position de votre organisme là-dessus. Quel appui apportez-vous? Qu'est-ce que vous faites? Quelles pressions pouvez-vous exercer auprès du ministère de l'Agriculture du Canada pour corriger cette situation?

J'ai en main des documents qui disent que l'inertie du gouvernement actuel coûte environ 50 millions de dollars par année à l'économie canadienne et aux producteurs de lait. Je sais que toute la question est actuellement entre les mains d'un tribunal international, mais en attendant, les importations continuent à entrer au Canada et au Québec et ça fait mal aux producteurs laitiers.

J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

M. Guy Jacob: À la Commission, il a été clair dès le début que tout le dossier des huiles de beurre et de sucre était un dossier à caractère politique.

Comme la Commission canadienne du lait se doit d'être un organisme neutre et qu'elle transige autant avec les transformateurs qu'avec les producteurs, elle a adopté dès le début une position de grande neutralité dans ce dossier-là. C'est un dossier à caractère carrément politique, et la Commission veut demeurer à l'extérieur de ce débat-là, comme organisme neutre.

M. Odina Desrochers: Vous n'êtes pas tenté d'émettre une toute petite opinion, quand même?

M. Guy Jacob: Absolument pas.

M. Odina Desrochers: Qu'avez-vous à répondre aux gens qui font confiance à la Commission canadienne du lait lorsque vous optez pour cette neutralité que vous avez l'intention de maintenir?

M. Guy Jacob: Je pense que la garantie, autant pour les producteurs que pour les transformateurs, d'un bon service de la part de la Commission canadienne du lait réside dans sa capacité d'agir comme médiateur ou arbitre dans l'un ou l'autre des dossiers.

M. Odina Desrochers: Est-ce que vous avez l'intention, à ce moment-là...

M. Guy Jacob: À ce moment-là, il est clair que c'est un débat, ou en tout cas un dossier, qui touche à la fois les transformateurs et les producteurs. C'est un dossier qui, dès le début, a pris une tournure politique. Selon un des arguments, des fonctionnaires d'Agriculture Canada auraient à une certaine époque promis que ce serait protégé. Donc, encore une fois, ce n'est pas la Commission ni les gens qui y travaillent. Je pense que notre position de neutralité est bien acceptée par les producteurs. Je ne fais l'objet d'aucune espèce de pression de la part des associations de producteurs pour prendre position dans le débat. J'entends garder cette même position.

M. Odina Desrochers: À ce moment-là, où suggérez-vous aux producteurs laitiers qui sont confrontés à ce problème d'aller?

M. Guy Jacob: Ils savent très bien où aller sans que je le leur dise. Ils sont actuellement dans un débat à caractère politique, avec des politiciens.

M. Odina Desrochers: D'accord, je respecte ça. On a dit tout à l'heure que la question était soumise à un tribunal international. Vous avez dit que vous étiez peut-être prêt à jouer un rôle de médiation. Est-ce que vous seriez prêt à vous substituer au tribunal pour aider à la résolution de ce problème?

M. Guy Jacob: J'ai dit qu'on devait souvent intervenir comme médiateur entre les provinces, ou entre producteurs et transformateurs, dans les dossiers qui touchent le Comité de gestion des approvisionnements de lait ou le fonctionnement de l'entente fédérale-provinciale sur la mise en marché des produits laitiers. À ce que je sache, on est dans un dossier qui est totalement différent des activités normales de la Commission et des activités dans lesquelles on est prêts à agir comme intermédiaire.

• 1000

M. Odina Desrochers: Vous dites que les subsides disparaîtront et qu'il n'y en aura plus en l'an 2000. Est-ce que vous proposerez des mesures palliatives pour remplacer ces sommes d'argent qui ne feront désormais plus partie des revenus des producteurs?

M. Guy Jacob: La décision d'éliminer les subsides laitiers d'ici l'an 2002 est, encore une fois, une décision politique gouvernementale. Par contre, lorsque la Commission canadienne du lait a établi le prix de soutien, prix auquel elle rachète les produits à des fins d'élimination de surplus, et qu'elle l'a annoncé en décembre dernier en vue de sa mise en vigueur le 15 février, elle acceptait de récupérer du marché la partie de subsides qui avait été éliminée.

Est-ce que ça sera la position ou la décision de la Commission pour chacune des années où le subside sera réduit? Je ne le sais pas aujourd'hui et je ne l'annoncerais pas même si je le savais. Pour l'année actuelle, la réduction du subside laitier a été entièrement reprise par le marché.

Dans certaines déclarations publiques que j'ai pu faire, j'ai indiqué que ma compréhension était que le subside aux produits laitiers était, à l'origine, largement un subside aux consommateurs et qu'à partir du moment où ce subside était réduit, il apparaissait aux commissaires, dans le cadre de l'établissement d'une dernière augmentation annoncée, qu'il était logique de récupérer cette partie de la réduction par le marché.

[Traduction]

Le président: Madame Ur et ensuite M. Harvard.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai d'autres questions à poser, mais d'abord, dans le même ordre d'idées, quel est le cours nord-américain des produits laitiers, et comment est-il calculé?

M. Guy Jacob: Vous demandez le cours nord-américain des prix laitiers, mais aux États-Unis, ils ont toutes sortes de catégories différentes de lait, avec une tarification correspondante. Ils n'en ont peut-être pas autant que nous au Canada, mais il existe tout de même des prix différents, selon la région, l'utilisation du produit, etc.

Mme Rose-Marie Ur: Sommes-nous sur un pied d'égalité ici au Canada?

M. Guy Jacob: Ça dépend de la personne à qui vous parlez.

Mme Rose-Marie Ur: La situation du Canada m'inquiète.

M. Guy Jacob: Les avis sont nécessairement partagés. Cela dépend à qui vous vous comparez. Je ne sais pas si nous sommes vraiment beaucoup plus chers qu'aux États-Unis; j'ai vu des chiffres qui indiquent que les prix de nos produits laitiers sont tout à fait comparables à ceux des États-Unis.

Mme Rose-Marie Ur: Je vais passer à autre chose, car j'ai beaucoup de questions à vous poser.

Quelle est la nature du régime de subventions en Europe? Est- il question d'éliminer ce régime quand nous allons rouvrir les négociations? Nous avons déjà fait des concessions importantes, et vous dites bien que nous devons tous être sur un pied d'égalité. Est-ce une possibilité, à votre avis?

M. Guy Jacob: Ce que j'ai affirmé publiquement jusqu'à présent, c'est qu'il faut essayer de mettre toutes les provinces sur un pied d'égalité, dans la mesure du possible, pour qu'elles ne se concurrencent pas l'une l'autre.

Voyez-vous, la situation a pas mal changé. Depuis l'arrivée de Parmalat, Unilever, et Nestlé—et même Saputo jusqu'à un certain point—les entreprises en lice sont des poids lourds. Celles-ci sont actives sur les marchés à la fois national et mondiaux.

J'espère que nous réussirons à créer un système au Canada qui permette de mettre les producteurs et les consommateurs sur un pied d'égalité.

Mme Rose-Marie Ur: C'est très bien pour nous, mais...

M. Guy Jacob: Mais quant aux différences entre le Canada et...

Mme Rose-Marie Ur: ... si nous allons affronter la concurrence mondiale, nous devrons tous le faire.

M. Guy Jacob: ... et l'Europe, les États-Unis, etc., je dois vous dire que ce n'est vraiment pas mon domaine d'expertise. Je sais que vous avez reçu Mike Gifford. C'est lui et ses collaborateurs qui sont les véritables experts, mais...

• 1005

Mme Rose-Marie Ur: Très bien, je vais passer à autre chose. Comme je le disais tout à l'heure, j'ai beaucoup de questions.

Dans votre document, vous dites qu'à la Commission canadienne du lait, vous voulez répondre à toute éventuelle contestation de nos pratiques commerciales. Mais quand la CCL s'est présentée devant le TTCE, les résultats n'ont pas été très positifs. Pourquoi cela n'a-t-il pas donné les résultats escomptés, par votre entremise ou celle du groupe de coordination? Comment se fait-il que la volonté de s'adresser à des organes comme celui-là ne soit pas plus ferme?

M. Guy Jacob: Je suis désolé; peut-être pourriez-vous...

Mme Rose-Marie Ur: Vous dites que la Commission travaille en étroite collaboration avec les principaux dirigeants de l'industrie, c'est-à-dire divers organismes, y compris les Producteurs laitiers du Canada, et il y a une longue liste qui comprend les surtransformateurs et tous les autres. Ensuite vous dites que plusieurs questions touchant l'industrie laitière orientent et influencent les objectifs et le travail de la Commission, et que ces questions comprennent, d'une part, le maintien de la conformité du Canada aux accords commerciaux internationaux et la réponse à toute éventuelle contestation de nos pratiques commerciales... Là je reviens à la question qu'on vous a posée tout à l'heure.

Vous dites que votre groupe n'est pas politisé et que vous n'allez pas vous immiscer dans ce genre de débat, mais...

M. Guy Jacob: Peut-être devrais-je vous donner mon interprétation de ce texte.

Voilà ce que je comprends de ce document: au moment où l'on a rédigé ce texte, la CCL songeait sans doute à la contestation américaine du système canadien de gestion de l'offre, et à la prochaine ronde des négociations de l'OMC. Voilà le genre d'action auquel contribue la CCL en préparant de l'information qui permet de soutenir nos arguments.

Mon impression, et je ne sais pas si Jack voudrait ajouter quelque chose—c'est que nous n'avons jamais dit que nous nous occuperions à l'interne de la question de l'huile de beurre ou du mélange des sucres. Encore une fois, dès le départ, les Producteurs laitiers du Canada ont demandé au gouvernement du Canada de s'en occuper. Il n'en a jamais été question à la CCL. Je suppose que les Producteurs laitier du Canada ont décidé eux-mêmes de soumettre la question au gouvernement du Canada et n'ont jamais ni demandé ni souhaité l'aide de la CCL. Je suppose qu'ils comprennent très bien que, dans le cas de ce dossier, nous devons rester neutres.

Encore une fois, personne n'a jamais demandé à la CCL ni fait pression sur nous pour que nous participions à tout ce débat.

Mme Rose-Marie Ur: Est-ce qu'ils auraient dû le faire, à votre avis? Pensez-vous qu'il y aurait eu une autre solution ou que vous auriez pu apporter votre aide?

M. Guy Jacob: Il s'agit d'une décision politique, et il faut qu'elle le soit, à ce niveau-là.

Mme Rose-Marie Ur: Très bien.

Vous nous avez également fait part ce matin de votre opinion personnelle concernant le système de gestion de l'offre. Exprimez- vous la même opinion à titre de président de la Commission canadienne du lait?

M. Guy Jacob: Cela me rappelle les propos d'un agriculteur qu'on citait dans une revue agricole, et qui disait: Il dit ça maintenant parce qu'il est nouveau; il apprendra; il changera d'avis quand il aura plus d'expérience.

Disons qu'à titre de président de la CCL, j'ai accepté d'exprimer publiquement mes opinions personnelles. Je ne peux pas prétendre qu'elles sont partagées par tous les membres de la CCL, mais je peux vous affirmer que d'autres membres de la Commission sont du même avis.

Mme Rose-Marie Ur: Je trouve ça un peu troublant, c'est un peu comme si l'on demandait au renard de garder le poulailler.

Est-ce qu'ils vont vraiment protéger les intérêts des producteurs laitiers? Si telle est la position prise par les membres de la Commission, il me semble que... Vous n'arrêtez pas de dire que vous êtes neutre. Mais vous tenez un double langage. J'ai du mal à comprendre ce que vous faites. Peut-être pourriez-vous m'éclairer.

M. Guy Jacob: Disons que le système de gestion de l'offre va exister pendant encore quelque temps. Je suppose qu'il convient de le défendre, mais à un moment donné...

Mme Rose-Marie Ur: Vous dites «je suppose». Ce n'est pas...

M. Guy Jacob: J'ai entendu d'autres dirigeants de l'industrie laitière dire que le jour où la tarification a commencé à nous viser, cela signifiait forcément une réduction de ces tarifs. Et c'est un fait, qu'on le veuille ou non. C'est un fait et ça va donc se produire un jour.

• 1010

Cela ne veut pas dire que nous n'allons pas défendre notre système, ni que nous n'allons pas faire l'impossible pour faire durer le système de gestion de l'offre aussi longtemps que possible et pour le rendre aussi efficace que possible. Mais le fait est qu'il va prendre fin un jour, du moins dans sa forme actuelle.

Vous avez donc un choix à faire. Vous pouvez dire aux producteurs: Ne vous en faites pas, il ne va jamais disparaître; soyez heureux, vous serez protégés à tout jamais. Ou alors, vous pouvez leur dire qu'à un certain moment, il n'existera plus. Quant à savoir laquelle des deux positions est plus responsable, disons que moi, j'ai opté pour la deuxième.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur Jacob, d'avoir été aussi franc avec nous en décrivant ce qu'est pour vous l'avenir du système de gestion de l'offre dans le secteur laitier. Je vous en remercie. Je n'ai que deux ou trois questions à vous poser.

Si l'avenir, tel que vous l'avez décrit, se concrétise, qu'est-ce qui va suivre ou remplacer la gestion de l'offre dans le secteur laitier? Aurons-nous un marché entièrement libre où les grands et les forts l'emporteront toujours sur les petits et les faibles? Autrement dit, si nous nous retrouvons avec un marché entièrement libre, est-ce qu'il s'ensuit que les gros exploitants vont balayer les autres et qu'il ne restera plus que quelques gros producteurs laitiers dans une région ou province donnée?

Et si c'est le cas, qu'arrivera-t-il aux prix? Vont-ils nécessairement chuter? Les producteurs laitiers vont-ils gagner moins? Ou pourraient-ils gagner autant qu'à l'heure actuelle? Ou peut-être même davantage?

De plus, même si le système de gestion de l'offre disparaît—du moins, dans sa forme actuelle—serait-il possible d'instituer un autre régime de gestion de l'offre?

Je l'ai déjà dit, et je répète, puisque j'ai déjà évoqué cette analogie, General Motors ne gère pas ses approvisionnements. Si General Motors décide... et bien entendu, il n'y a pas des dizaines de milliers de producteurs laitiers qui participent à la décision; c'est peut-être juste un comité exécutif de General Motors qui détermine ce que le marché canadien, mettons, peut absorber à un moment précis. Ce comité pourrait décider que le marché canadien est en mesure d'absorber environ 4 000 camions. Si c'est ça le résultat de leur analyse—et ils pourraient se tromper—il est évident qu'ils ne vont pas fabriquer 8 000 ou 20 000 camions à vendre sur le marché canadien. Ce serait tout à fait suicidaire, n'est-ce pas? Ils créeraient ainsi une surcapacité, puisqu'il y aurait des camions sur tous les terrains de stationnement, et sur tous les terrains des concessionnaires, et il faudrait bien qu'ils fassent quelque chose.

Cela nous ramène donc à trois questions fondamentales: Le petit producteur est-il voué à disparaître? Les prix vont-ils baisser, et sinon, que leur arrivera-t-il? Et y a-t-il moyen de gérer l'offre de façon à ce que le producteur canadien puisse exercer un certain contrôle sur sa propre vie?

M. Guy Jacob: À mon avis, nous trouverons un mécanisme de commercialisation collective du lait qui va protéger le pouvoir de négociation dont jouissent actuellement les producteurs grâce à l'organisation méthodique du marché actuel.

Pour le moment, on ne nous parle que du prix pour un hectolitre de lait. Ce que nous savons, c'est que nous touchons maintenant 52 $, 53 $ ou 54 $ l'hectolitre de lait, et que si nous le vendons pour les catégories spéciales à 42 $, nous perdons de l'argent. J'imagine qu'il va falloir changer notre mentalité pour tenir désormais compte des revenus nets d'une entreprise laitière plutôt que du prix par hectolitres. C'est comme si je disais: Je gagne 20 $ de l'heure, et je refuse de travailler pour moins. Si nous n'avions pas les catégories spéciales qui existent à l'heure actuelle, qui représentent 16 p. 100 de notre production—et sans doute davantage cette année, puisque la production hors quota est assez importante—nous serions bien obligés de réduire les contingents.

• 1015

Donc, les producteurs laitiers ont fait un choix. Ou alors ils produisent du lait uniquement pour le marché intérieur, ou alors ils acceptent d'en produire pour les transformateurs secondaires à un prix inférieur, et d'accepter une sorte de prix pondéré. À l'heure actuelle, à cause justement de ces catégories spéciales, les producteurs sont payés en fonction d'un prix pondéré. Le prix du lait sur le marché intérieur, plus le prix qui vise les catégories spéciales. Et je suppose que c'est ça qui va se produire de plus en plus.

Certains producteurs voudront probablement avoir quelques vaches de plus et produire du lait à un coût marginal, en se disant que ce qui compte, ce sont les revenus globaux de l'entreprise agricole, et non pas le prix par hectolitre. Certains producteurs voudront agrandir leur grange pour pouvoir y mettre plus de vaches et avoir une production supplémentaire en vertu du POE. En vertu du programme optionnel d'exportation, les produits se sont vendus des fois à 27, 28, et 30 et quelques. Tout dépend du marché que dessert le transformateur. Encore une fois, nous espérons que ce sont les producteurs individuels qui vont décider pour eux-mêmes.

M. John Harvard: Mais allons-nous nous retrouver avec moins de producteurs, mais plus gros?

M. Guy Jacob: J'ai l'impression que oui. C'est la tendance depuis de nombreuses années et elle va sans doute...

M. John Harvard: Jusqu'où cela peut aller?

M. Guy Jacob: Je ne sais pas. Mais ou alors nous acceptons de produire pour les marchés d'exportation, ou alors nous cessons de croître.

M. John Harvard: Mais si la tendance favorise de plus gros volumes avec des marges plus étroites, qu'on doit compenser en ayant un chiffre de ventes plus élevé et une production accrue, pour moi, cela laisse supposer que nous finirons par avoir moins de producteurs, mais des producteurs beaucoup plus importants.

M. Guy Jacob: Certains producteurs laitiers se contenteront peut-être de produire la même quantité de lait qu'à l'heure actuelle, au prix par hectolitre que leur offre le marché intérieur. S'ils sont contents de la situation actuelle, ils vont continuer tant que le régime de gestion de l'offre, tel que nous le connaissons actuellement, continuera d'exister. Par contre, d'autres producteurs... et ils ont déjà fat ce choix. Ils produisent 5 p. 100... alors que certains producteurs laitiers produisent jusqu'à 115 p. 100 de leur contingent à l'heure actuelle; 15 p. 100 du lait qu'ils produisent est vendu par le biais de la CCL à 20 $ ou à 19 $ sur le marché international. Donc, la situation évolue déjà de ce côté-là.

S'il était possible d'instaurer un vrai système, plutôt que d'avoir une production hors quota, qui existe cette année mais n'existera peut-être pas l'année prochaine... c'est-à-dire que personne ne peut vraiment y compter. C'est parfois par hasard qu'un producteur laitier dépasse son contingent. Mais un programme optionnel d'exportation, qui serait semblable dans toutes les provinces, nous permettrait d'établir les paramètres de cette production hors quota et d'obtenir de meilleurs prix sur les marchés internationaux pour cette production excédentaire. Voilà ce que nous essayons de faire.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Monsieur Jacob, vous avez ouvert une boîte de Pandore lorsque vous avez parlé de la disparition de la gestion de l'offre au Canada. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il n'est pas rare d'entendre dire que la valeur du quota d'un producteur laitier représente entre 25 et 50 p. 100 de la valeur totale de sa ferme. La valeur du quota dépasse dans bien des cas un million de dollars.

• 1020

Alors, le producteur laitier qui se fait dire par le président de la Commission canadienne du lait que dans un avenir prévisible son quota ne vaudra plus un cent va peut-être vous tirer du lait, monsieur le président. Si vous ne vous êtes pas fait tirer du lait à Toronto ou à Vancouver, cela pourrait bien vous arriver. Je suis bien conscient qu'on va grincer des dents à certains endroits.

J'ai participé à une rencontre en décembre 1993 à Saint-Georges-de-Beauce où plus de 500 producteurs laitiers étaient présents. C'était à peine quelques jours avant la signature par le nouveau gouvernement, qui venait d'être élu le 25 octobre 1993, des accords du GATT, qui sont devenus ceux de l'OMC. La crainte numéro un des producteurs laitiers portait sur la disparition de leur quota et éventuellement, bien sûr, sur la perte de cette valeur. Encore le mois dernier, on transigeait des transferts de quotas à un prix très élevé. Le gars qui a acheté des quotas d'une valeur de 100 000 $ la semaine passée ou il y a un mois et qui vous entend aujourd'hui ne doit pas se sentir en sécurité. Avez-vous quelque chose pour le réconforter à la suite des propos que vous venez de tenir?

M. Guy Jacob: D'abord, le discours a été fait à Vancouver et il s'adressait aux producteurs de lait du Canada. À cette assemblée, il y avait des producteurs de toutes les provinces, dont une très forte délégation du Québec qui comptait le président de la Fédération des producteurs du lait du Québec et sa directrice générale. Après mon discours, ils sont venus me dire que mon discours était correct et qu'il y en avait pour tout le monde.

Mon discours a paru dans La Terre de chez nous. Il y a eu un très long reportage. La semaine dernière, j'ai assisté pendant trois jours à la conférence de l'agriculture à Saint-Hyacinthe et aucun producteur de lait n'est venu m'engueuler. Je pense que les producteurs de lait apprécient qu'on leur donne l'heure juste. Si on considère une période de 20 ans, ou possiblement plus, il y a encore des producteurs de lait qui achèteront du quota pour lequel ils payent le gros prix, sachant que le retour sur l'investissement sera de sept ans et que la gestion de l'offre sera encore là dans sept ans.

Alors, il est probablement encore intéressant pour les producteurs de lait d'acheter du quota, sauf qu'à long terme, si on mettait en place un programme optionnel d'exportation, le producteur aurait le choix: soit acheter du quota et produire au prix intérieur du quota, soit décider de produire dans le cadre d'un programme optionnel d'exportation pour lequel il n'aurait pas à payer le quota. À ce moment-là, la pression sur la valeur des quotas serait aussi influencée.

M. Jean-Guy Chrétien: Vous avez dit tout à l'heure à John Harvard que certains producteurs produisaient jusqu'à 115 ou 117 p. 100 de leur quota pour la classe spéciale pour l'exportation.

M. Guy Jacob: Des produits hors quota tout simplement.

M. Jean-Guy Chrétien: Mais c'est bizarre. Certains producteurs me disent que pour l'exportation de la classe spéciale, on les paie de 20 à 22 $ l'hectolitre. Alors, ils ne peuvent dépasser le quota que de 2 ou 3 p. 100.

M. Guy Jacob: Au Québec, la Fédération des producteurs de lait a alloué 3 p. 100 de quota pour le programme optionnel d'exportation. Mais tout producteur de lait au Canada peut produire 100 p. 100 de lait hors quota; il n'y a aucune limite à la production hors quota. Les 3 p. 100 sont alloués à un programme optionnel d'exportation. En fait, le Québec a dit qu'il mettrait 1 p. 100 du volume de lait pour le vendre dans le cadre d'un programme optionnel d'exportation et, pour être sûr d'avoir ce 1 p. 100, il établit un quota de 3 p. 100. Cela n'a rien à voir avec la production hors quota. Il n'y a pas d'obligation contractuelle.

• 1025

Donc, actuellement, un producteur du Québec ou de partout au Canada peut produire le double de son quota et obtenir pour ce volume supplémentaire le prix international, soit 19 $ ou 20 $, selon ce que la Commission canadienne du lait est capable d'offrir sur les marchés. Il n'y a aucune restriction à la production hors quota.

M. Jean-Guy Chrétien: Je vous remercie de la précision. Je voudrais vous poser une question assez précise. À la page 15 de la version française de votre document, figure un tableau indiquant la répartition provinciale du quota national de mise en marché. Or, vous donnez la variation en pourcentage depuis août 1992. Je suis surpris de voir que celui de la Colombie-Britannique a augmenté de 10 p. 100, celui de l'Alberta de 3 p. 100 et celui du Québec de 7,6 p. 100. Ce pourcentage varie comme cela un peu partout. Toutes les provinces, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard, ont connu des augmentations. Monsieur le président, c'est bien chez vous, l'Île-du-Prince-Édouard? Est-ce que vous pourriez m'indiquer en quelques mots pourquoi, par exemple, on a connu en Colombie-Britannique une augmentation aussi forte, tandis qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, on a connu une baisse?

M. Guy Jacob: Je ne sais pas si je pourrai vous fournir une explication complète. Il est certain que les provinces ont établi entre elles un programme de bourses de quotas en vertu duquel une province peut acheter des quotas d'une autre province ou des producteurs d'une province peuvent acheter des quotas de l'autre province. En particulier, il y a plusieurs volumes importants de quotas qui ont été achetés par des producteurs du Québec de ceux de l'Ontario, si bien que cette dernière province vient de fermer sa bourse de quotas puisqu'elle a le droit de cesser de vendre des quotas à partir d'une certaine limite.

M. Jean-Guy Chrétien: Cela fait suite à l'accord du P6?

M. Guy Jacob: Oui, bien que je pense que c'est aussi à l'intérieur de P4; c'est vrai dans les deux pools. Je ne sais pas s'il y a d'autres explications, mais c'est sûrement une des raisons pour lesquelles il y a des quotas qui circulent d'une province à l'autre.

M. Jean-Guy Chrétien: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.

Comme c'est le cas de mes collègues des deux côtés de la table, j'étais inquiet en entendant certaines de vos remarques. Vous dites que cela concerne le long terme, mais c'est tout de même inquiétant pour moi et mes collègues, étant donné les engagements qu'ont pris le ministre et le gouvernement.

Je voudrais avoir des éclaircissements concernant le rôle de la CCL, et le vôtre, spécifiquement. Vous êtes nommé par le ministre, par décret, n'est-ce pas?

M. Guy Jacob: Oui.

M. Paul Bonwick: Je viens de lire un passage qui se trouve à la page 5, qui se lit ainsi:

    La CCL constitue un organisme de consultation auprès du ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, en raison de son rôle clé au sein de l'industrie laitière nationale. Elle est en grande partie responsable de l'administration du Plan national de commercialisation du lait.

Je me trompe peut-être mais si je vous ai bien compris, vous dites que le système de gestion de l'offre est voué à disparaître, et que les agriculteurs et les producteurs devraient en réalité se préparer pour cette éventualité. Telle est votre conviction personnelle.

Quand vous parlez en comité ou lors de cette réunion, avez- vous la bénédiction du ministre quand vous faites de telles affirmations? Est-il au courant de vos affirmations, et est-il d'accord? Voilà ma première question.

Si le ministre du gouvernement au pouvoir ou d'un gouvernement futur vous donne—et à plus forte raison à M. Gifford et aux négociateurs—le mandat d'assurer la production de ce système, quoi qu'il arrive, pensez-vous que ce sera possible? Voilà ma deuxième question.

Vous dites que, vu la tendance actuelle, il n'est plus possible de maintenir un système de gestion de l'offre au Canada, et qu'il est inévitable que le marché nord-américain, peut-être même les marchés mondiaux, deviennent des marchés libres. Je me demande si telle est la position que vous avez adoptée à titre de président de la CCL. Cherchez-vous à renseigner les producteurs ou à les préparer pour cette éventualité, avec ou sans l'autorisation du ministre?

C'est tout pour le moment, et quand vous aurez terminé, je voudrais faire une dernière remarque.

• 1030

M. Guy Jacob: Je n'ai pas demandé la bénédiction du ministre avant d'exprimer mon point de vue. La CCL est un organisme assez autonome. À l'occasion, le ministre m'appelle pour me demander conseil, et à ce moment-là, je lui donne mon avis. Mais il sollicite également les opinions d'autres personnes, et décide ensuite quelle orientation il veut prendre.

Donc, je n'ai pas la bénédiction du ministre, mais il ne m'a pas non plus fait de reproches. Je suppose qu'il est au courant des affirmations que j'ai faites tout à fait ouvertement et publiquement.

Il m'est arrivé d'entendre le ministre parler de l'organisation méthodique du marché. À notre avis, nous finirons par avoir une formule quelconque d'organisation méthodique du marché. Tout ne sera pas permis, comme ce sera peut-être le cas aux États-Unis. Nous aurons à nouveau la négociation collective, et nous conclurons un accord sur la gestion de l'offre avec les producteurs, sauf qu'il ne s'agira pas d'un système de gestion de l'offre comme celui qui existe actuellement, et qui nous permet d'empêcher les importations de traverser nos frontières. Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il arrivera un moment où ces importations arriveront bien au Canada.

Est-ce que votre deuxième question concernait le fait de savoir si le ministre peut donner l'ordre à ceux qui le représentent de protéger le système de gestion de l'offre?

M. Paul Bonwick: C'est-à-dire le gouvernement, en passant par le ministre.

M. Guy Jacob: Je suppose que oui, et je crois qu'il a fermement pris position en faveur de la protection du système de gestion de l'offre à la prochaine ronde de négociations—c'est-à- dire que ce système doit en sortir intact. Mais encore une fois, peut-être que je ne m'exprime pas clairement.

M. Paul Bonwick: Si, mais cela m'inquiète.

M. Guy Jacob: La situation que je décris est une situation future. Le jour où nous avons accepté d'appliquer le système de tarification, il était clair que ces tarifs allaient baisser. Tous ceux qui étaient autour de la table ce jour-là savaient que les tarifs allaient baisser. Il s'agit de savoir combien de temps cela va prendre et dans quelle mesure le Canada réussira à la prochaine ronde de négociations de l'OMC à maintenir un rythme de réduction qui soit aussi lent que possible. Une autre question qui va être soulevée à la prochaine ronde de négociations sera celle de l'accès aux différents marchés, et notamment au nôtre.

M. Paul Bonwick: Vous avez dit que vous n'avez pas la bénédiction du ministre, et en tant qu'organisme indépendant, vous n'en avez pas vraiment besoin. En tant que président d'un organisme indépendant, vous avez bien le droit d'exprimer vos propres opinions sur le sujet. Mais à mon avis, vous avez tout de même certaines responsabilités, étant donné que vous êtes nommé par le gouvernement. Vu cette réalité, il me semble normal que vous suiviez l'orientation du gouvernement. Que je sache, le gouvernement n'a pas décidé que nous allons abandonner la gestion de l'offre, ni maintenant, ni dans six ans, dans l'an 2004. En tout cas, je peux vous assurer qu'on ne m'a jamais parlé d'une telle orientation, et je ne crois pas que les autres membres du comité en aient connaissance non plus. Mais si c'est vrai, je trouve ça très inquiétant.

J'essaie de savoir si votre interprétation de la position du gouvernement actuel diffère de la mienne, et vous donne peut-être l'impression qu'il est question de compromis. Vous avez dit que tous ceux qui étaient autour de la table savaient que les tarifs allaient être progressivement éliminés au moment où nous avons accepté cet accord. Je dois dire que c'est la première fois que j'entends parler de ça. On ne m'a jamais donné à entendre que la position de mon gouvernement était qu'à un moment donné—que ce soit demain ou en l'an 2004—nous abandonnerions la gestion de l'offre. Aucun représentant du gouvernement ne m'a jamais affirmé un telle chose.

M. Guy Jacob: Quand l'Article XI a été remplacé par le système de tarification, tous les pays savaient, au moment de signer l'Accord du GATT, que l'objet même des dernières négociations du GATT était d'éliminer progressivement les tarifs. Cette information était du domaine public à l'époque, et elle l'est toujours.

• 1035

Ce qu'a affirmé le Canada—et j'y crois vraiment, j'étais alors sous-ministre du Québec—c'est que nous protégerions notre système de gestion de l'offre en ayant des tarifs élevés. Ces tarifs étaient effectivement très élevés, comme ils le sont toujours. Ils sont suffisamment élevés pour protéger le système de gestion de l'offre.

Quant aux tarifs, un taux de réduction a été négocié et accepté par toutes les parties aux dernières négociations du GATT. Ainsi à la fin de la première ronde, ou dès l'application des premières dispositions du GATT, nous devions avoir réduit nos tarifs de quelque 20 p. 100, si ma mémoire est bonne.

À la prochaine ronde de négociations—je suis sûr que Mike Gifford vous en a déjà parlé—deux questions fondamentales seront discutées: le taux de réduction et le système de tarification à catégories multiples. Ces éléments seront abordés surtout avant la prochaine ronde des négociations.

M. Paul Bonwick: Merci beaucoup. Puis-je finir? Est-ce que mon temps est écoulé?

Le président: J'ai également les noms de McCormick, Ur, Calder et Harvard sur ma liste.

M. Paul Bonwick: Très bien, j'ai fini.

Le président: Parfait. Je passe la parole à M. McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre présence.

Pour en revenir à la question de l'huile de beurre et du mélange des sucres, vous dites qu'il s'agit là d'une question politique. Un jour, j'étais assis à cette même place à côté d'un importateur. Il parlait d'un membre du personnel de sa compagnie d'importation qui s'était adressé deux fois à Revenu Canada pour obtenir un permis pour importer un certain produit au Canada. Il me semble que si vous devez aller deux fois voir les autorités pour importer un nouveau produit... disons qu'ils auraient peut-être dû comprendre plus tôt qu'il se passait quelque chose d'incorrect. Mais le simple fait que cet importateur se soit adressé à un organe ou une autorité gouvernementale pour obtenir ce permis... disons que pour moi, le fait que cela se soit produit ne veut pas dire que la décision sera d'ordre politique.

M. Guy Jacob: Écoutez, dès le départ les Producteurs laitiers du Canada sont allés directement au cabinet du ministre, et même au Cabinet du premier ministre.

M. Larry McCormick: Excusez-moi de vous interrompre. Je suis au courant de tout cela, mais regardons un peu ce qui s'est passé. Tout a commencé lorsqu'une entreprise, ou plutôt un particulier, s'est adressé à Revenu Canada pour demander un permis. Il est vrai qu'on y a donné suite au niveau politique, mais je ne peux m'empêcher de vous dire ceci: est-ce inévitable que ce genre de chose se règle au niveau politique? Qu'y a-t-il de mal à...? Après tout, les faits sont là.

M. Guy Jacob: Eh bien, la décision d'imposer une ligne tarifaire à l'huile de beurre et au mélange de sucres n'a pas été prise par la Commission canadienne du lait; elle a été prise par les Affaires étrangères. Ensuite les Producteurs laitiers du Canada se sont adressés directement au ministère. Même s'ils étaient venus à la CCL, nous n'étions pas du tout en mesure d'imposer une ligne tarifaire. Ce n'est pas notre travail. D'ailleurs, nous n'avons pas le pouvoir de le faire. Ils ne peuvent s'adresser à nous pour empêcher l'importation de l'huile de beurre et du mélange de sucres. Ce n'est pas à notre organisme qu'il fallait s'adresser pour faire faire quelque chose dans ce secteur.

Par conséquent, ils ont eu des discussions avec le ministre, le négociateur canadien lors des dernières négociations commerciales, et avec les représentants d'Agriculture Canada et du ministère des Affaires étrangères—non pas avec les responsables de la Commission canadienne du lait.

M. Larry McCormick: Vous savez, rétrospectivement...

M. Guy Jacob: La CCL n'aurait jamais pu être mêlée à cette question.

M. Larry McCormick: On peut toujours sembler sage rétrospectivement, mais il me semble que quand vous avez eu vos discussions originales—et tous les principaux intervenants étaient présents en Suisse—les Producteurs laitiers du Canada, le gouvernement quand vous avez eu ce résultat de 51 contre 49... c'était tout de même assez serré, et il était normal de penser qu'il se produirait quelque chose. Il était normal de s'attendre à ce qu'il y ait de nouveaux produits.

Voyez-vous, nous constatons qu'il existe une demande à long terme pour ce produit qu'on importe—c'est-à-dire l'huile de beurre et le mélange de sucres. Donc, s'il existe une demande à long terme, vous ne pensez pas qu'il faut tenir compte...? Quand un besoin existe, il faut le satisfaire. D'ailleurs, tout le monde peut en profiter.

• 1040

Votre mandat consiste à acheter et à vendre des produits et à maintenir un marché équilibré. Serait-il possible pour vous de vous charger de ce produit à l'avenir, ou même maintenant?

M. Guy Jacob: En faisant quoi au juste? À condition que la nouvelle ligne tarifaire soit imposée, ou encore qu'on ferme nos frontières. La CCL n'a ni la possibilité d'influencer la situation, ni le pouvoir d'agir de la manière que vous recommandez.

M. Larry McCormick: Très bien. Quand la décision aura été rendue, la vie va continuer, la commercialisation aussi, et cette demande existera toujours. Il me semble que ce serait l'occasion pour votre groupe de s'occuper de ce marché, et de contribuer à satisfaire la demande qui existe.

M. Guy Jacob: Je ne vous dis pas que je suis en faveur, et je voudrais que ce soit bien clair. Mais la réponse est oui; si ce produit pouvait être fourni en vertu d'une catégorie spéciale, à un prix qui serait concurrentiel par rapport au mélange de sucres et huile de beurre importé, il serait possible de le produire au Canada et d'éliminer sans doute le problème qui concerne ce produit en particulier. Mais ce sont les producteurs qui ont décidé de refuser que la crème qui sert à fabriquer la crème glacée puisse être fournie aux transformateurs en vertu d'une catégorie spéciale, plutôt qu'en vertu de la catégorie normale, pour laquelle le prix est plus élevé. Encore une fois, je veux que ce soit bien clair que je ne préconise pas une telle solution.

Les producteurs laitiers ont décidé d'essayer d'obtenir une ligne tarifaire pour faire obstacle à ces importations. Quoi qu'il arrive après que le TCCE aura rendu sa décision, quelle qu'elle soit, si vous me demandez ce que la CCL peut faire, le jour où les producteurs nous diront qu'il faut délivrer, par l'entremise du CCGAL, le Comité canadien de gestion des approvisionnements de lait, des permis en vertu d'une catégorie spéciale pour permettre la fabrication de produits qui remplaceraient le mélange de sucres et huiles de beurre—eh bien, c'est quelque chose que la CCL pourrait faire. Mais ce n'est pas à nous de prendre cette décision. Je vous ai dit au départ, d'ailleurs, que nous sommes un organisme qui exécute les décisions prises par le CCGAL, auquel siègent les producteurs laitiers et les représentants provinciaux et qui représente l'organe décisionnel.

Le président: Chers collègues, je dois vous informer que nous ne pouvons pas passer à la deuxième partie de notre programme, car nous n'avons plus de quorum. Nous le ferons jeudi à la place. Il s'agit d'une motion concernant un voyage. Nous avons besoin de neuf membres.

Est-ce que les Producteurs laitiers du Canada ou vous-même avez déterminé à quel prix il faudrait vendre ce produit pour être concurrentiel par rapport aux mélanges importés?

M. Guy Jacob: Que je sache, cette analyse n'a pas encore été faite, et personne n'est disposé à la faire tant qu'une décision n'aura pas été rendue par le TCCE et ensuite le gouvernement du Canada. Il ne convient pas de préparer une solution de rechange si on estime qu'il est encore possible d'avoir gain de cause.

Il importe que vous compreniez que ce que je viens de vous dire n'était pas du tout une recommandation. Je me contentais de présenter les faits.

• 1045

Le président: Donc, en attendant que la décision soit rendue en juin ou en juillet, les Producteurs laitiers du Canada ne vont pas faire d'analyse pour déterminer à combien ils devraient vendre ce produit pour concurrencer les importations.

M. Guy Jacob: S'ils examinent la question, disons qu'ils ne nous l'ont pas dit.

Le président: Oui.

M. Guy Jacob: Je n'ai pas eu connaissance d'une analyse qui serait en voie de préparation.

Le président: Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

Dans votre mémoire ou plutôt votre rapport annuel, vous parlez de vos marchés d'exportation optionnels. J'aimerais savoir combien de producteurs ont opté pour une production supérieure de 10 p. 100 à leur contingent pour qu'ils puissent la destiner à l'exportation. Je ne m'intéresse pas aux volumes. Je voudrais juste savoir combien de producteurs ont manifesté leur intérêt pour ce programme.

M. Guy Jacob: En ce qui concerne le programme optionnel d'exportation, la semaine prochaine, nous—c'est-à-dire le vice- président de la CCL et moi-même—de même que Richard Doyle des Producteurs laitier du Canada et Kempton Matte du Conseil national de l'industrie laitière, allons faire le tour du pays pour rencontrer les responsables d'organismes représentant des transformateurs et des producteurs en vue de déterminer quelles lignes directrices seraient considérées acceptables par toutes les provinces concernées. Pour le moment, il y a autant de programmes optionnels d'exportation que de provinces. Le Québec vend... c'est- à-dire qu'il a vendu 27 millions d'hectolitres de lait cette année en vertu d'un POE.

Mme Rose-Marie Ur: C'est justement le genre d'information que je ne voulais pas avoir. Je voulais plutôt savoir le nombre de producteurs qui avaient décidé de participer au programme.

M. Guy Jacob: Au Québec, c'est un programme collectif, et par conséquent ce ne sont pas les producteurs individuels qui décident de participer au programme optionnel d'exportation. Disons que quelle que soit la production hors quota, le Québec va toujours en vendre collectivement. En Ontario, du moment que le prix dépasse 32 $, c'est une vente collective. L'Ontario vient tout juste de vendre 17 millions...

Mme Rose-Marie Ur: Je ne suis pas productrice laitière, mais il doit y avoir...

M. Guy Jacob: ... donc, il n'existe pas un vrai programme optionnel d'exportation qui nous permettrait de déterminer combien de producteurs ont fait une demande et ont une production excédentaire en vertu du POE.

Mme Rose-Marie Ur: Je trouve ça un peu difficile à croire, car si vous avez un système de contingent qui vous permet de savoir ce que vous devez produire ou quelle quantité on vous a attribuée, alors qu'il n'y a pas moyen de connaître votre production excédentaire dans le cadre d'un programme optionnel d'exportation... il doit y avoir un système de suivi informatique qui permet d'établir que tel producteur...

M. Guy Jacob: C'est-à-dire qu'à la CCL...

Mme Rose-Marie Ur: Il faut bien qu'ils soient payés.

M. Guy Jacob: ... nous savons avec précision combien de producteurs ont une production excédentaire de 5 p. 100, combien ont une production excédentaire de 10 p. 100, combien, de 15 p. 100, etc. Mais s'ils ont cette production excédentaire, ce n'est pas parce qu'ils participent à un POE, c'est tout simplement parce que leur production est supérieure à leur contingent, ce qui débouche, dans certaines provinces, sur une sorte de vente collective qui est présentée comme une forme de POE. C'est le cas au Québec et en Ontario. En Alberta, des contrats sont conclus entre les producteurs et les transformateurs et leurs associations respectives, ce qui correspond davantage à un vrai programme optionnel d'exportation.

Mais toute la production hors quota, quelle qu'elle soit, est enlevée par la CCL, à part ce qui est vendu dans le cadre d'un programme optionnel d'exportation par une province comme le Québec ou l'Ontario. Le fait d'avoir une production hors quota ne veut pas dire qu'un producteur laitier s'est engagé à le faire dans le cadre d'un POE, du moins pas en Ontario ou au Québec. Ces producteurs ont une production excédentaire sans qu'ils se soient engagés de quelque façon que ce soit à produire une certaine quantité de lait à une certaine période.

Mme Rose-Marie Ur: J'ai du mal à comprendre ça.

Et pensez-vous qu'en ayant cette production excédentaire, ces producteurs favorisent en quelque sorte leur propre disparition? C'est un peu comme—les membres du Parti réformiste ne sont pas là—cette possibilité de système de commercialisation double pour la Commission canadienne du blé. Vous ne pensez pas que le fait d'ouvrir les vannes de cette façon risque d'entraîner l'effondrement du système?

M. Guy Jacob: Mais nous n'ouvrons rien du tout. Le CCGAL, c'est-à-dire le Comité canadien de gestion des approvisionnements de lait, a décidé que la production hors quota ne serait pas limitée. Ce n'est pas la CCL qui a pris la décision. Ce sont les producteurs laitiers eux-mêmes qui l'ont décidé.

Mme Rose-Marie Ur: Mais c'est bien ça que je dis: ce sont les producteurs, pas la CCL ou quelqu'un d'autre, qui ont pris la décision. C'est justement ce sur quoi porte ma question. Ne pensez- vous pas que les producteurs qui décident de faire ça contribuent à affaiblir le système?

M. Guy Jacob: L'année dernière, les contingents ont été réduits de 3 p. 100. Alors le producteur avait le choix de réduire sa production de 3 p. 100. Il pouvait vendre une vache et réduire ainsi ses revenus nets. Mais il était bien obligé de réduire sa production, étant donné que les contingents ont été coupés de 30 p. 100 l'année dernière. Voilà le choix qu'il avait.

• 1050

Par contre, il peut décider de maintenir sa production au même niveau que l'année précédente, de façon à avoir une production qui est supérieure de 30 p. 100 à son contingent. D'un autre côté, il peut arriver une année que les céréales fourragères soient de meilleure qualité, que le temps soit meilleur, et que par conséquent il produise 6 p. 100 de plus que son contingent. À ce moment-là, ce lait est retiré par la CCL au prix international.

Le président: Nous avons encore deux intervenants, et nous devons absolument quitter la salle à 11 heures.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup.

J'ai beaucoup apprécié la discussion de ce matin. Elle m'a beaucoup éclairé et je dois dire que j'apprécie beaucoup votre franchise.

J'ai deux questions à poser et les deux concernent la qualité; l'une, la qualité de la vie au Canada rural, si le scénario que vous avez décrit se concrétise. À l'heure actuelle, par exemple, selon les chiffres de l'OCDE, environ 57 p. 100 de la valeur de la production laitière canadienne est associée à des équivalents subventions à la production et le troupeau moyen au Canada est de 56 vaches. Aux États-Unis, l'équivalent subvention à la production est de l'ordre de 48 p. 100, et le troupeau moyen est de 110. En Nouvelle-Zélande, c'est 2 p. 100, alors que le troupeau moyen est de 205. Donc, automatiquement, s'il est question de réduire les subventions, il est évident que nous allons finir par avoir moins de producteurs laitiers et de plus gros troupeaux, ce qui va certainement beaucoup perturber les régions rurales du Canada. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mon autre question concerne la Nouvelle-Zélande; nous examinons la situation en Nouvelle-Zélande à l'heure actuelle et il semble clair que l'industrie laitière néo-zélandaise a décidé de mettre l'accent sur les exportations. Elle exporte un produit de faible qualité: huile de beurre, beurre bon marché à forte teneur en sel, fromages industriels, et ainsi de suite. Dans votre scénario d'un monde futur où il n'existe plus de système de gestion de l'offre, l'industrie néo-zélandaise serait un très bon exemple de ce à quoi va ressembler l'industrie laitière du futur si nous nous voyons dans l'obligation d'adopter les prix mondiaux. Encore une fois, je vous demande de réagir.

Il convient aussi de vous faire remarquer qu'aux États-Unis, un certain nombre de personnes ont étudié ce même scénario, à telle enseigne que le Northeast Dairy Compact a été formé au Wisconsin, par exemple. Donc, la question de la gestion de l'offre se pose également aux États-Unis en ce moment; quant à l'industrie laitière, je vais m'en tenir à l'exemple que j'ai cité il y a quelques instants.

M. Guy Jacob: Je veux bien répéter, une fois de plus, que nous aurons toujours une forme quelconque d'office de commercialisation ou de système de commercialisation au Canada pour nous assurer, pour reprendre le terme du ministre, d'une commercialisation méthodique de nos produits, ce qui est loin de signifier que désormais tout sera permis.

D'après ce que j'ai pu comprendre, il existe actuellement aux États-Unis une sorte de système de commercialisation méthodique du lait produit dans une zone, et ce genre de système pourrait être maintenu au Canada même si des tarifs sont imposés pour faire obstacle aux importations.

Autrement dit, ne prenons pas les décisions à la place des producteurs. Ne décidons pas qu'il n'est pas souhaitable qu'ils produisent du lait à 30 $ l'hectolitre; laissons à ces hommes ou femmes d'affaires, la possibilité de faire leur propre choix. Laissons-leur la possibilité d'avoir une production excédentaire grâce à un programme optionnel et dans le cadre duquel ils s'engageraient à produire une certaine quantité de lait à un prix qu'ils connaîtraient d'avance. Voilà qui aiderait notre industrie à continuer de prendre de l'expansion en pénétrant de nouveaux marchés. Mais ne prenons pas cette décision à la place des producteurs, comme nous avons été tentés de le faire—notamment les dirigeants agricoles—en affirmant qu'ils ne doivent pas produire s'ils n'arrivent pas à couvrir leurs coûts de production.

• 1055

Pour certains, cela peut être intéressant, du point de vue de leur marge, de produire du lait à 20 $ s'ils font un profit en le vendant à 30 $. Je ne sais pas. Mais n'essayons pas de décider pour eux.

Et quelle en sera l'incidence à l'avenir? Eh bien, qu'arrivera-t-il si nous nous en tenons au marché intérieur, quitte à réduire périodiquement nos contingents étant donné que notre consommation intérieure baisse parce que d'autres ingrédients arrivent au Canada? Je ne sais pas pourquoi, mais jusqu'ici... Pour moi, notre marché au Canada est assez mûr, et donc si nous ne trouvons pas le moyen de prendre de l'expansion, quelle en sera l'incidence sur le Canada rural? Est-il préférable que certains producteurs puissent continuer à produire un peu plus en fonction d'un engagement précis et d'un prix négocié, ou faut-il s'en tenir au statu quo?

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Harvard va poser la dernière question.

M. John Harvard: Monsieur le président, je n'ai pas vraiment de question à poser. Je voudrais simplement dire—et je crois pouvoir parler pour tous les membres de la majorité, que nos avons beaucoup profité de la présence de M. Jacob aujourd'hui. Nous avons certainement apprécié votre franchise. Même si certaines de vos observations inquiètent ceux d'entre nous qui sont en faveur du système de gestion de l'offre, il reste que nous sommes très contents que vous soyez venu nous expliquer comment vous voyez tout cela.

M. Calder a dit que la discussion l'avait éclairé, et je peux en dire autant. Je trouve regrettable, même lamentable, que les membres du Parti réformiste, du Nouveau parti démocratique et du Parti conservateur n'aient pas jugé bon de venir vous entendre aujourd'hui. Je pense qu'il aurait été préférable qu'ils soient là, car nous aurions eu l'occasion de connaître à la fois leurs préoccupations et leur position sur la question. Je tenais à le dire en public.

Encore une fois, merci, monsieur Jacob.

Le président: J'abonde tout à fait dans le sens de mon collègue.

Merci infiniment de votre présence ce matin. Il est fort probable que nous nous reverrons.

M. Guy Jacob: Merci beaucoup de nous avoir invités. Encore une fois, nous sommes en faveur de la gestion de l'offre, mais le fait est qu'il faudra bien que... Et j'en suis fermement convaincu.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.