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CHER Rapport du Comité

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CHAPITRE UN : INTRODUCTION

« Sous toutes ses formes, la culture incarne notre essence et la principale expression de notre identité et de notre héritage comme Canadiens. À l'aube d'un nouveau millénaire où les nouvelles technologies vont continuer de transformer notre vie socio-économique, laquelle sera dominée par l'interdépendance des gens, des pays et des échanges commerciaux, il est indispensable que nous définissions le rôle que le gouvernement fédéral jouera pour encourager la culture1. »

C'est avec ces paroles prononcées en février 1997 que Clifford Lincoln, président du Comité permanent du patrimoine canadien, a lancé l'examen de la politique culturelle canadienne. Le Comité a rencontré des représentants de communautés culturelles du Canada, a reçu des mémoires de particuliers et d'organisme, de tout le pays et s'est entretenu avec des spécialistes. Ses membres se sont rendus dans l'est, dans l'ouest et dans le nord pour écouter les réflexions des Canadiens et leurs réponses à trois questions fondamentales :

  • Quel a été par le passé le rôle du gouvernement fédéral à l'égard des activités culturelles?
  • Quel est son rôle actuel?
  • Le gouvernement fédéral devrait-il continuer de s'occuper de culture?

Les témoignages comme matériau

Le présent rapport constitue une synthèse des témoignages recueillis. C'est un condensé des analyses, des impressions et des renseignements transmis au Comité. À presque toutes les pages, le lecteur trouvera des commentaires qui ont été énoncés avec soin dans un mémoire ou des points de vue formulés dans le cours d'une conversation et en réponse à des questions. De tous les témoignages se dégagent la passion, l'engagement et le sérieux avec lesquels les Canadiens font part de leur façon de voir et de vivre la culture au pays. Le Comité est reconnaissant des observations franches qu'ont communiquées les témoins en personne ou dans leurs mémoires2.

Définir les termes

Quand les Canadiens parlent de culture, ils ne désignent pas seulement les créateurs d'art visuel, les artistes de la scène ou les gens de lettres. Ils se reportent souvent à des établissements culturels comme les musées d'art, les musées, les bibliothèques, les archives, les salles de concert ou les théâtres. Certains s'intéressent aux dispositions sur le contenu canadien en radiodiffusion; d'autres estiment que le lien entre culture et patrimoine est indissociable et que l'expérience des Canadiens dans le passé continue de façonner leur situation actuelle. D'autres encore parlent de l'aspect commercial de la culture, de l'échange de biens et de services culturels sur le marché international. D'aucuns font état de l'importance de promouvoir de nouvelles formes d'expression artistique, susceptibles de refléter la nature en évolution constante de la société canadienne. Par ailleurs, la culture, pour certaines personnes, s'exprime dans le hockey ou encore dans la préservation des paysages des parcs nationaux du Canada.

Plus le Comité entendait les Canadiens discuter de culture, plus il devenait important de trouver une définition pratique qui soit simple et qui englobe le maximum d'expériences différentes. Par le passé, les rapports du gouvernement se sont d'abord astreints à définir la culture, et c'est à peu près ce qui s'est produit également cette fois-ci. Mais les membres du Comité ont tôt fait de constater que la notion de culture d'une personne correspond, chez une autre, à celle de divertissement populaire. Pour certains, la culture est ce qui définit l'âme même de leur pays, tandis que pour d'autres, c'est un moyen de gagner sa vie.

Il existe des centaines de définitions de ce que constitue la culture - sociologiques, anthropologiques, esthétiques. L'écrivain français André Malraux a écrit : « La culture, c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur la terre »3. Voici quelques exemples de définitions formulées au Canada :

  • [L]a culture est une façon d'être, de penser, de sentir; c'est un ensemble de m9urs et d'habitudes, c'est aussi une expérience commune; c'est enfin un dynamisme propre à un groupe qu'unit une même langue. [...] La culture [...] ne détermine pas ce qu'une collectivité pensera ou fera, mais colore sa manière de penser ou de faire.
    Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, 19704.
  • La culture est un système de valeurs dynamique formé d'éléments acquis, avec des postulats, des conventions, des croyances et des règles qui permettent aux membres d'un groupe d'avoir des rapports entre eux et avec le monde, de communiquer et de développer les capacités créatrices qui existent en puissance chez eux.
    Une définition pratique de la culture, Commission canadienne pour l'UNESCO, 19775.
  • Toutefois la culture [...] est au c9ur de tout ce que nous faisons et pensons. [...] Elle représente le monde que nous avons créé et continuons de façonner et conditionne les motifs qui nous poussent à le changer. Elle constitue le moyen par lequel nous apprenons à nous connaître et à connaître les autres, elle tisse le réseau de nos relations personnelles, elle présente les images et les abstractions qui nous permettent de vivre ensemble en tant que collectivités et nations.
    Bernard Ostry, 19786.
  • Ce qui fait la trame de notre pays, c'est précisément notre culture - non seulement notre culture au sens strict, mais aussi nos divertissements, notre mode de vie, nos images, nos institutions, notre bilinguisme et notre multiculturalisme, notre vision du monde et notre mémoire collective. C'est la culture qui exprime, dans une large mesure, l'essence de ce que nous sommes.
    Des liens essentiels, 19877.

En 1994, l'auteur montréalais Neil Bissoondath a défini la culture ainsi :

  • La culture est chose complexe qui vit, respire, en constante évolution. La culture c'est la vie. Elle se transforme sans cesse, n'est jamais la même d'un jour à l'autre. [...] Une culture est faite de petites et de grandes choses. [...] Rien n'est sans conséquence. Le marché aux illusions, 19948.

Lors de la table ronde de Winnipeg, Zaz Bajon, directeur général du Manitoba Theatre Centre, a défini la culture de la façon suivante :

  • La culture est le bien-être psychologique, spirituel et mental d'[une] collectivité9.

Les membres du Comité ont proposé plusieurs définitions de la culture de leur propre cru :

La culture est au c9ur de l'expérience humaine. La culture canadienne est ce à quoi les Canadiens attachent de l'importance. Elle nous renseigne sur ce que nous étions dans le passé et ce que nous sommes dans le présent. Parce qu'elle façonne nos vies, la culture influencera aussi inévitablement ce que nous sommes appelés à devenir dans l'avenir. La culture touche toutes les facettes de notre vie quotidienne, où que nous vivions et quelle que soit la manière dont nous vivons. C'est notre héritage permanent qui fait le lien entre le passé et le présent. La culture est ce que nous avons appris à chérir, parce qu'elle est la somme de toutes les expériences que nous vivrons et de tous les endroits où nous irons un jour. Enfin, la culture est une force qui fournit l'impulsion nécessaire à notre épanouissement en tant que personne.

Le Comité aurait pu passer beaucoup de temps à discuter de définitions, mais il a plutôt choisi d'emprunter à l'UNESCO sa définition directe et pratique de la culture. Dans son rapport de 1996, Notre diversité créatrice, l'UNESCO a adopté comme définition : « des façons de vivre ensemble »10. C'est une définition particulièrement utile dans un contexte où les traditions et les changements technologiques rapides doivent trouver des moyens de c9xister. Tout en reconnaissant qu'il y a matière à écrire des volumes, le Comité, aux fins du présent rapport, a défini ainsi le terme « culture » : les choses créatrices que nous choisissons de faire alors que nous vivons ensemble en tant que citoyens du Canada et du monde.

Enrichissement de la vie

Le Comité éprouve du respect à l'égard des centaines de milliers de Canadiens qui, d'une façon incommensurable, ont contribué et contribuent toujours au développement culturel du pays, qu'il s'agisse des artistes créateurs, des bénévoles, des animateurs communautaires, des collecteurs de fonds ou des parents qui conduisent en hiver leurs enfants à une leçon de piano. Tous semblent remplis de fierté civique et d'une volonté de contribuer au bénéfice des générations à venir. Certains Canadiens réservent une place importante à la culture dans leur vie de tous les jours et, ce faisant, ils préparent celle des générations de demain. Le rapport cite les paroles de quelques-uns de ces remarquables Canadiens, certains bien connus, d'autres moins. Quelques-uns sont des spécialistes, d'autres des artistes, d'autres encore ont un solide engagement à l'égard des arts et de la culture. C'est pourquoi le Comité a choisi de leur laisser ici le plus de place possible.

Rappel du passé

Afin de définir le rôle du gouvernement du Canada en matière de soutien de la culture canadienne, le Comité a tout d'abord relevé trois initiatives fédérales clés en guise de point de départ. La première remonte à 1929, à l'époque où sir John Aird a déposé un rapport recommandant la création d'un réseau de radiodiffusion d'État. La deuxième est l'appui du premier ministre R. B. Bennett à la création de la Commission canadienne de radio-diffusion en 1932, qui est par la suite devenue la Société Radio-Canada (SRC). La troisième réside dans la création de la Commission Massey-Lévesque, en 1951, qui a permis au Conseil des arts du Canada de voir le jour en 1957. Dans l'intervalle, les initiatives fédérales visant à créer des conditions propices à l'affirmation de l'identité et de l'expression culturelles des Canadiens ont été relativement constantes. Le Comité a appris que ces initiatives ont été inspirées par des Canadiens voués à la cause culturelle. Par conséquent, le présent rapport renferme des exemples de la contribution durable de ces distingués Canadiens à la vie culturelle du Canada.

Dans pratiquement tous les domaines culturels, on peut trouver un « visionnaire » de la culture, voire plusieurs. Pourtant, sans eux, la culture canadienne serait profondément différente. Que seraient le Ballet national du Canada sans Celia Franca, le Théâtre du Nouveau Monde sans Jean-Louis Roux ou encore le Centre canadien d'architecture sans Phyllis Lambert?

Les listes sont souvent limitatives puisque d'autres noms peuvent avoir été oubliés. Au cinéma, on a les productions novatrices de Donald Brittain ou de Claude Jutras; et au théâtre, on a aussi les pièces avant-gardistes de Gratien Gélinas, considéré par plusieurs comme le père du théâtre contemporain du Québec, ou de James Reaney qui a empreint de poésie le monde de la scène. Parmi les comédiens, la regrettée Kate Reid et l'actuelle directrice de l'École nationale de théâtre, Monique Mercure, ont atteint des sommets remarquables dans la qualité de leur jeu. La renommée mondiale de Jean Duceppe, de Jean Gascon et de Jean-Louis Roux en tant que metteurs en scène et professeurs de théâtre n'est plus à faire. De fait, il est difficile d'imaginer ce que serait le théâtre régional actuel sans la vision créatrice, à la fin des années 50, des fondateurs de troupes Tom Hendry et John Hirsch.

De même, dans le monde du ballet, Betty Oliphant, Celia Franca, Betty Farrally, Gweneth Lloyd et la regrettée Ludmilla Chiriaeff ont orienté la destinée des plus grandes compagnies de danse : les Grands Ballets canadiens, le Ballet national du Canada et le Royal Winnipeg Ballet. En littérature, Mordecai Richler, Mavis Gallant et Anne Hébert, parmi nombre d'autres, ont attiré l'attention du monde sur les ouvrages canadiens à une époque où les auteurs d'ici étaient pratiquement inconnus à l'étranger. À l'opéra, Edward Johnson, Léopold Simoneau, John Vickers, Raoul Jobin et Maureen Forrester se sont produits dans les plus grandes salles du monde à une époque où le milieu était dominé par les chanteurs européens. Wilfrid Pelletier et Ernest MacMillan ont ouvert la voie à une nouvelle génération de chefs d'orchestre et de compositeurs canadiens. En arts visuels, les 9uvres nées des imaginations débordantes de Jean-Paul Lemieux, Jean-Paul Riopelle, Emily Carr et Michael Snow ont vivement impressionné tant les critiques que les visiteurs de musées d'art. Cette liste n'est certes pas exhaustive, et le présent rapport n'est d'ailleurs pas un ouvrage de référence sur l'histoire culturelle du Canada. L'intention est d'illustrer l'ampleur du talent des visionnaires culturels canadiens qui ont inspiré le public et les artistes qui leur succèdent.

Ces visionnaires et le rôle qu'ils ont joué dans le développement culturel du Canada sont passablement bien connus, mais le fait que Kaye Lamb a conclu un marché avec le premier ministre King pour créer la Bibliothèque nationale ne l'est pas autant. Peu de gens savent que, de même, le Festival de Stratford représente la solution qu'une personne a, à elle seule, trouvé à l'éventuel désastre économique que menaçait de provoquer la disparition d'une entreprise locale importante dans une petite ville. Le Comité en est arrivé à la conclusion que la vision d'un grand nombre de Canadiens a eu une incidence profonde sur ce qu'est devenue la culture canadienne. Ces personnes et leurs concitoyens de toutes les régions du Canada ont servi de phares au gouvernement fédéral, orientant sa contribution au développement de l'identité et de l'expression culturelles de ce pays.

Complexité croissante

Le Comité reconnaît que les critiques pourront trouver sa définition pratique de la culture quelque peu simpliste, compte tenu de la complexité de l'enjeu en cause. Le nombre d'études gouvernementales portant sur la culture et la politique culturelle mise en 9uvre au cours des 50 dernières années suffit à lui seul à le prouver. Au fil du temps, les enjeux sont devenus de plus en plus complexes. La politique culturelle située dans le contexte des échanges commerciaux n'est qu'un exemple pour illustrer cette tendance. Des témoins ont expliqué au Comité les multiples facteurs en jeu dans le secteur culturel, tant au Canada que dans les relations avec les autres pays. Les renseignements qu'ils ont communiqués au Comité lui ont permis de cerner et d'examiner un certain nombre d'enjeux stratégiques.

Organisation du rapport

Le Comité avait la formidable tâche d'organiser une masse de données et d'enjeux de façon à permettre une analyse et une discussion réfléchies. Pour relever ce défi, le Comité a choisi d'innover et d'organiser son rapport de façon tout à fait différente de l'organisation des études antérieures. Habituellement, la méthode retenue consiste à diviser le sujet verticalement par disciplines et par catégories : arts visuels et de la scène, industries culturelles, développement culturel, diffusion, etc., chacune faisant l'objet d'un chapitre et de recommandations distinctes. C'est l'approche dite « par cloisonnement ». Étant donné le réseau d'interconnexions entre les diverses composantes des activités culturelles, le Comité a décidé d'examiner la culture, et notamment le rôle du gouvernement fédéral en la matière, à partir des éléments principaux de l'activité culturelle. Ces éléments peuvent être décrits comme un continuum en six parties.

  • La création
    Les créateurs sont au c9ur du processus artistique.
  • La formation
    Il s'agit des moyens mis à la disposition des créateurs pour les aider à se préparer à une carrière dans les arts et leur permettre de se perfectionner à mesure que leur carrière évolue.
  • La production
    Cet aspect renvoie à la dimension industrielle de la culture : édition et enregistrement, films et émissions de télévision.
  • La distribution
    Cet aspect concerne la façon dont les 9uvres culturelles sont mises en marché et distribuées, pour faire en sorte que ce qui est produit rejoigne un public, au pays comme à l'étranger.
  • La préservation
    Cet aspect se rapporte à la façon dont la société canadienne consigne ses réalisations culturelles et s'assure que la culture, passée et présente, sera accessible aux publics d'aujourd'hui et de l'avenir.
  • La consommation
    Cet aspect porte sur les publics et les nombreux modes de participation des personnes à leur culture.

Organisation par activité

Ces six catégories sont apparues au fil des travaux du Comité. Elles ont été définies à partir des témoignages et des mémoires présentés. À une exception près, chaque activité fait l'objet d'un chapitre du rapport. Le Comité a en effet été sensibilisé par les témoins, à la nature indissociable de la production et de la distribution. C'est pourquoi les deux enjeux (la production et la distribution) ont été combinés en un seul chapitre.

Le travail du Comité comporte un examen détaillé des mesures fédérales de soutien à l'égard de la culture en vigueur à l'heure actuelle. L'annexe 1 dresse une liste détaillée de ces mesures, tandis que l'annexe 2 répertorie les sociétés d'État qui font partie du portefeuille du Patrimoine canadien à l'intérieur du ministère du Patrimoine canadien.

Agir en partenariat

Tout au long du siècle, le gouvernement fédéral a joué un rôle important dans le développement de l'expression et de l'identité culturelles canadiennes. Son intervention a été essentielle dans les deux communautés de langue officielle et, selon les témoignages recueillis par le Comité, elle doit continuer de l'être. Depuis les années 50, la participation du gouvernement fédéral s'est graduellement transformée; les rôles que le gouvernement a assumés se sont multipliés pour répondre à l'élargissement de l'activité culturelle et à l'incidence sociale et économique grandissante de celle-ci. Il importe de noter que le gouvernement fédéral n'a pas agi seul. Comme le montre le présent rapport, le développement culturel au Canada est aussi le fruit d'un partenariat entre le secteur privé, les particuliers et les sociétés de même que l'ensemble des paliers du gouvernement. Les administrations fédérale, provinciales, territoriales et municipales y consacrent chaque année près de 6 milliards de dollars11.

Schéma 1 - Dépenses fédérales, provinciales-territoriales et
municipales au titre de la culture (1996-1997)



En 1996-1997 (données les plus récentes de Statistique Canada), le gouvernement fédéral a consacré 93 $ par personne à la culture, les provinces et les territoires 58 $ et les municipalités 48 $12.

Schéma 2 - Dépenses par habitant des gouvernements fédéral/provinciaux-territoriaux/
municipaux (en dollars) (1996-1997)



Ce niveau de dépenses en matière de culture témoigne d'un solide engagement à l'égard de la culture canadienne, qui met à contribution tous les paliers de gouvernement.

Approche adoptée pour formuler les recommandations

Le Comité est conscient que le gouvernement fédéral n'est qu'un des paliers de gouvernement qui appuient la culture. Certaines de ses recommandations tiennent aussi compte du fait que la culture intéresse d'autres ministères que celui du Patrimoine canadien.

Le Comité a formulé ses recommandations de sorte que leurs résultats soient mesurables et stratégiques. Dans de nombreux cas, il a demandé que le ministère du Patrimoine canadien lui fasse rapport dans un délai précis, pour tenir compte de l'insistance répétée des témoins sur la nécessité d'agir sans tarder. Le Comité s'est aussi gardé de faire la microgestion des questions présentées. Les recommandations visent de grands thèmes et des initiatives mesurables. Enfin, bien que le Comité se soit efforcé d'établir des échéanciers raisonnables dans ses recommandations, celles considérées comme plus pressantes ont été mises en relief.

Parmi les centaines de mémoires que le Comité a reçus figurait un document de principe produit par la Conférence canadienne des arts (CCA), un organisme cadre pour les artistes et les groupes artistiques partout au pays. Au cours de ses délibérations, le Comité est revenu à maintes reprises au document de la Conférence, intitulé Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle13. Le Comité a jugé particulièrement utile le fait que ce document examine sous plusieurs angles les éléments clés de la participation du gouvernement fédéral à la culture. Il apprécie son approche horizontale qui, comme dans le présent rapport, permet de mettre l'accent sur les actions et les thèmes communs, plutôt que sur des disciplines et des programmes particuliers. La CCA souligne aussi l'importance d'encourager la langue et la culture françaises, tant au Québec que dans les autres centres de la vie francophone. En outre, le mémoire reconnaît la diversité culturelle unique du Canada et souligne la contribution culturelle particulière des peuples autochtones du Canada et la nécessité d'aider les Canadiens à mieux apprécier l'expérience et les aspirations collectives de la société canadienne. Le mémoire de la CCA insiste aussi sur l'importance d'une approche multidisciplinaire à l'égard de la politique culturelle, approche qui met à contribution tous les outils dont dispose un gouvernement, y compris la réglementation, les dispositions législatives, le soutien financier et le régime fiscal. Il préconise aussi, en matière d'élaboration de politique, une nouvelle approche qui tient compte de l'évolution des conditions générales, des possibilités et des technologies.

Lorqu'il entreprit son travail, le Comité croyait que la mondialisation, les nouvelles technologies et l'évolution démographique auraient une incidence sur le rôle que jouera à l'avenir le gouvernement fédéral pour soutenir l'expression culturelle. Les témoins avaient donc été invités à traiter de ces questions dans leurs commentaires et leurs mémoires. Si le continuum formé par la création, la formation, la production, la distribution, la préservation et la consommation constitue l'épine dorsale du présent rapport, chaque élément du continuum est façonné par un certain nombre de facteurs horizontaux ou multisectoriels. C'est pourquoi le Comité a consacré beaucoup de temps aux nouvelles technologies, à la mondialisation et à l'évolution démographique du Canada.

Étant donné les questions fondamentales qui inspirent la présente étude, certains sujets ont reçu moins d'attention que d'autres. Il y a deux raisons à cela. D'abord, un certain nombre d'autres études ont été menées pendant les travaux du Comité. C'est le cas des audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) au sujet de l'avenir des nouveaux médias au Canada; des consultations pancanadiennes sur le rôle futur de la Société Radio-Canada; de l'examen entrepris par le ministère du Patrimoine canadien sur la production de longs métrages au Canada; de la loi portant sur la conservation de certaines zones marines du Canada. Sans éviter d'aborder ces sujets, le Comité n'a pas voulu refaire les études déjà faites. La deuxième raison a trait à la nature du mandat confié au Comité qui était de « préciser le rôle du gouvernement fédéral dans le soutien de la culture »14.

Lorsqu'on se reporte aux années 50, on constate qu'avec la création du Conseil des arts du Canada, est apparue une approche canadienne distincte en matière d'appui à la culture. Depuis quelques années, on parle du modèle canadien d'affirmation culturelle. Ce modèle met l'accent sur l'élaboration d'un marché culturel sain, la liberté de choix pour les consommateurs et le principe de l'« accès aux 9uvres canadiennes ». Il préconise la création de partenariats avec d'autres gouvernements, des organismes et le secteur privé. Et, par-dessus tout, ce modèle repose sur le recours à un assortiment des mesures les plus efficaces, pour tenir compte de l'évolution constante des circonstances et des situations.

L'examen des réalisations culturelles des 50 dernières années a permis au Comité de constater l'ampleur et l'importance de la contribution du gouvernement fédéral en vue de créer des conditions propices à l'épanouissement de l'expression et de l'identité culturelles au Canada. Le Comité est persuadé que la perspicacité et la sensibilité dont font preuve les citoyens canadiens et qui ont guidé les initiatives du gouvernement fédéral dans le passé continueront de leur être profitables.

Les Canadiens ont toujours bien accueilli les 9uvres et les services culturels provenant de l'étranger. La grande transformation depuis 50 ans réside dans le nombre croissant d'auteurs et de dramaturges canadiens des deux langues officielles dont les 9uvres sont lues ou montées à l'étranger. Ces auteurs canadiens accumulent les louanges, l'exportation des émissions de télévision et des enregistrements sonores du Canada va en augmentant et les 9uvres des architectes canadiens sont réalisées aux quatre coins du monde. Ce n'est pas d'hier qu'il y a des tiraillements entre les influences et les intérêts nationaux et ceux de l'étranger, et le secteur culturel n'est pas le seul à vivre ces déchirements. Cependant, l'équilibre que les Canadiens ont toujours cherché à atteindre sur le plan de l'identité culturelle sera peut-être plus difficile à réaliser et à conserver à l'avenir. Le Comité estime possible d'évaluer objectivement dans quelle mesure le Canada a réussi à réserver, au pays, une place à l'expression de l'identité canadienne.

Appartenance et identité

Le Comité a examiné les orientations de politique qui appuient la culture au Canada. Au point de départ, il était persuadé que le fait de prendre connaissance de ces orientations et, en même temps, de tirer profit des expériences et de la sagesse des témoins, contribuerait énormément à l'éclairer. Ayant écouté attentivement les Canadiens, le Comité est plus convaincu que jamais qu'avec les recommandations présentées dans le présent rapport, l'appui à la culture que le Canada consent depuis longtemps permettra à tous les Canadiens de développer un sentiment d'appartenance de plus en plus fort.

Au cours des discussions en table ronde tenues à Montréal, Dinu Bumbaru, de la Fondation Héritage Montréal, a formulé un commentaire qui a inspiré le titre anglais du rapport : A Sense of Place - A Sense of Being. Selon lui, la façon de comprendre et de vivre la culture d'une personne est intimement liée au sentiment d'appartenance qu'éprouve cette personne par rapport à son milieu de vie. « Nous n'habitons pas des fourmilières », a affirmé M. Bumbaru, « mais dans des endroits qui signifient quelque chose »15. Chacun tire ce sentiment du paysage, des édifices et des objets qui l'entoure, a-t-il expliqué. Chaque personne leur donne aussi une signification et, ce faisant, elle contribue activement à enrichir la culture de l'endroit où elle habite.

En intitulant le présent rapport Appartenance et identité, le Comité espère qu'il contribuera à l'élaboration d'une nouvelle politique culturelle au Canada. Chaque nouvelle génération laisse quelque chose de son expérience aux suivantes. La vie et la richesse de la culture sont le résultat de ceux qui la vivent et aident à la façonner. Appartenance et identité recommande au gouvernement fédéral de réaffirmer son engagement à l'égard de la création et du soutien de la culture pour les Canadiens.


1 Communiqué, Comité permanent du patrimoine canadien.

2 Voir les annexes 4 et 5 pour la liste des témoins et des soumissions.

3 Cité par Gérard Pelletier lors d'une allocution devant la Chambre de commerce de Montréal, 28 octobre 1968, p. 4.

4 Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport, Introduction générale, Livre 1 : Les langues officielles, Imprimeur de la Reine, 1967, paragraphes 38, 39, et 40, p. xxi-xxii.

5 Commission canadienne pour l'UNESCO, Une définition pratique de la culture aux fins de la Commission canadienne pour l'UNESCO, Ottawa, 1977, p. 6.

6 Bernard Ostry, The Cultural Connection, McClelland and Stewart, Toronto, 1978, p. 1.

7 Nos industries culturelles - Des liens essentiels, ministère des Communications, Ottawa, 1987, p. 77.

8 Neil Bissoondath, Le marché aux illusions - La méprise du multiculturalisme, Boréal, Montréal, 1994, p. 94.

9 Zaz Bajon, Manitoba Theatre Centre, Table ronde de Winnipeg, 23 février 1999.

10 Notre diversité créatrice : Rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement, UNESCO,Paris 1996, p. 24.

11 Statistique Canada, Le Quotidien, 24 septembre 1998.

12 Statistique Canada, Le Quotidien, 24 septembre 1998.

13 Conférence canadienne des arts, Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle, janvier 1998, p. 34.

14 Communiqué, Comité permanent du patrimoine Canadien, Ottawa, 10 février 1997.

15 Dinu Bumbaru, Fondation Héritage Montréal, Table ronde de Montréal, 25 février 1999.