Passer au contenu
;

FAIT Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.


LE CANADA ET L'AVENIR DE L'OMC : POUR UN PROGRAMME DU MILLÉNAIRE QUI SERT L'INTÉRÊT PUBLIC

RAPPORT DISSIDENT DU BLOC QUÉBÉCOIS SUR LE RAPPORT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

JUIN 1999

I. Introduction

C'est avec un esprit d'ouverture et de collaboration que le Bloc Québécois a participé aux travaux du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international portant sur le prochain cycle des négociations commerciales multilatérales de l'Organisation mondiale du commerce, dont le lancement est prévu lors de la conférence ministérielle de Seattle en novembre 1999. En effet, au cours des derniers mois, les députés du Bloc Québécois ont eu le privilège d'entendre de nombreux témoins venus exposer leurs points de vue sur les questions devant faire l'objet de négociations lors du cycle du millénaire.

Les députés du Bloc Québécois siégeant au Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international ont été grandement impressionnés par la qualité et la pertinence des témoignages et des mémoires reçus. Ils aimeraient donc remercier l'ensemble des témoins qui ont comparu devant le Comité. Les députés aimeraient également remercier l'équipe des recherchistes du Comité pour leur travail soutenu lors de la rédaction de ce rapport.

Nous déplorons toutefois le manque de temps auquel les députés ont été contraints pour examiner le rapport en Comité, pour apprécier et discuter l'importante synthèse des témoignages effectuée par les recherchistes du comité et pour débattre des 45 recommandations formulées dans le rapport.

Le Bloc Québécois s'attendait toutefois à ce que le rapport du Comité énonce clairement les positions et les orientations que le gouvernement fédéral devrait adopter en prévision des négociations du cycle du millénaire. Malheureusement, la majorité des recommandations du présent rapport sont trop vagues du point de vue du Bloc Québécois et ne comportent pas d'orientations précises pour le gouvernement.

Cependant, à la recommandation 4, notre formation politique a quand même réussi à faire intégrer ou maintenir dans le rapport, deux recommandations importantes. La première est la recommandation visant l'institutionnalisation de la participation de la société civile au processus de négociation de l'OMC. La deuxième touche la création d'une conférence permanente des parlementaires de l'OMC, composée de délégations représentatives des parlements des pays membres, auxquelles pourraient participer des élus québécois.

II. La participation du Québec aux négociations

Le Bloc Québécois considère que les intérêts supérieurs du Québec seraient mieux servis dans le cadre d'un Québec souverain qui parlerait en son propre nom à la table des négociations de l'OMC. En effet, dans le contexte de la mondialisation de l'économie, les États procèdent à des transferts de compétences à des organisations internationales comme l'OMC. En contrepartie, ils obtiennent de larges parts de la souveraineté de leurs partenaires commerciaux. Le gouvernement fédéral, à ce jour, est le seul à pouvoir décider de tels transferts. Le Québec demeure ainsi tributaire de ce gouvernement en ce domaine et considère que cette situation ne saurait durer.

Ainsi, lors de l'examen du rapport, le Bloc Québécois a proposé des modifications à la recommandation 8 visant à autoriser le Québec à parler de sa propre voix à l'OMC. Cette recommandation a été rejetée par la majorité libérale. En se fondant sur la doctrine Gérin-Lajoie sur le prolongement international des compétences du Québec, nous sommes d'avis que si le Québec doit mettre en oeuvre sur son territoire des accords internationaux négociés sous l'égide de l'OMC, il doit également pouvoir participer à la négociation de tels accords.

Ainsi, les négociations du cycle du millénaire devraient porter sur des matières ressortissant directement des champs de compétences du Québec ou qui pourraient grandement affecter son exercice. À cet égard, pour s'assurer que les intérêts québécois soient bien défendus à l'OMC, le Québec doit être en mesure d'y siéger à titre de gouvernement participant. Un tel statut est reconnu au Québec au sein de l'Agence de la Francophonie où il intervient en son nom lorsque ses intérêts sont en jeu. Un tel accommodement est donc possible et souhaitable de la part du gouvernement fédéral.

Il est malheureux de constater qu'un tel accommodement ait fait l'objet d'un refus catégorique de la part de la majorité libérale et que celui-ci ait rejeté le projet de recommandation en vertu duquel le Québec pourrait être représenté par ses propres porte-parole lors des prochaines négociations. Ce refus n'est guère surprenant, dans la mesure où le gouvernement fédéral n'a pas voulu associer le Québec à la défense de ses propres intérêts dans le dossier de l'amiante et qu'il a également tergiversé lorsqu'il s'est agi de conférer un droit de parole au Québec dans des forums internationaux s'intéressant à la diversité culturelle.

D'ailleurs, sur cette dernière question, le Québec a un intérêt certain dans la promotion et l'affirmation de la diversité culturelle et le gouvernement fédéral n'est certes pas le mieux habilité à défendre la culture québécoise lorsqu'il qualifie celle-ci de composante régionale de la culture canadienne. C'est pourquoi le Bloc Québécois continuera d'insister pour que le Québec puisse parler de sa propre voix à l'OMC et notamment y exprimer ses points de vue sur la question fondamentale de l'inclusion d'une exception culturelle dans les accords de l'OMC.

III. L'exception culturelle et la promotion de la diversité culturelle

Les recommandations 28 et 29 portant sur la culture ne traitent nullement de la défense du principe d'une exception culturelle de portée générale et auto-définie. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, dans le cadre des négociations de l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), le gouvernement fédéral affirmait dans sa réponse au rapport du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international sur le Canada et l'Accord multilatéral sur l'investissement :

« Dans les négociations sur l'AMI, le Canada, avec la France et d'autres pays, défend une proposition réclamant une exclusion générale auto-définie pour la culture. Le Canada restera au sein de la coalition de pays supportant cette proposition et recherchera des alliances avec d'autres pays membres de l'OCDE pour seconder cette position. En résumé, la culture canadienne n'est simplement pas négociable ».

Pourquoi le Canada a-t-il abandonné cette position? Nous estimons que le Canada devrait plutôt chercher à promouvoir le principe de l'exception culturelle de portée générale et auto-définie lors du cycle du millénaire. Les négociations qui débutent à l'OMC dureront plusieurs années et il est moins que certain qu'un instrument international sur la diversité culturelle voit le jour dans le cadre de l'OMC. Comme l'affirmait monsieur Ivan Bernier, professeur de droit à l'Université Laval, lors des audiences du Comité le 22 mars dernier : « J'ai effectivement voulu souligner, à Ottawa, qu'il était probablement inutile de songer à conclure une convention culturelle dans le cadre de l'OMC parce que c'était déjà trop tard ». D'autres témoins sont venus corroborer l'opinion exprimée par le professeur Bernier et ont été d'avis qu'il fallait donner priorité à l'inclusion d'une exception culturelle générale et auto-définie.

Ainsi, en attendant la réalisation probablement lointaine d'un tel accord sur la diversité culturelle, le Canada se doit d'avoir une position ferme sur la culture en continuant de privilégier, à l'OMC, l'adoption d'une exception culturelle de portée générale et auto-définie. Cette exception culturelle devrait d'ailleurs assurer une protection plus adéquate que celle contenue dans l'ALÉNA et ne pourrait reconnaître la possibilité de mesures de représailles lorsqu'elle serait invoquée.

IV. L'inclusion d'une clause sociale

Le Bloc Québécois désapprouve la recommandation 35 car il la juge beaucoup trop faible. Tout comme bon nombre d'organismes non gouvernementaux et plusieurs syndicats, notre formation politique favorise l'inclusion, dans les règles de l'OMC, d'une clause sociale qui protégerait adéquatement les travailleurs et travailleuses à travers le monde.

La clause sociale pourrait faire référence à l'obligation, pour les États, de respecter les règles contenues dans les sept conventions fondamentales du travail de l'Organisation internationale du Travail (O.I.T.). Ces sept conventions sont la convention 29 sur le travail forcé, la convention 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la convention 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, la convention 100 sur l'égalité de rémunération, la convention 105 sur l'abolition du travail forcé, la convention 111 sur la discrimination dans l'emploi et la convention 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi. La ratification, par le Canada, des conventions portant sur la négociation collective et la protection contre le travail forcé (esclavage) et celle sur l'âge minimum de travail, contre l'exploitation des enfants, plus précisément, les conventions numéro 29, 98 et 138 de l'OIT, se fait toujours attendre et l'inclusion d'une clause sociale, telle que nous la préconisons, pourrait l'obliger à respecter ces conventions fondamentales.

L'introduction de ces conventions dans les accords de l'OMC contribuerait à prévenir les formes les plus extrêmes d'exploitation dont les femmes et les enfants sont particulièrement victimes. En inscrivant ces conventions dans les accords de l'OMC, le Bloc Québécois croît que les injustices dont sont victimes plusieurs travailleurs à travers le monde seraient enfin éliminées et le respect des droits fondamentaux de la personne amélioré.

V. La nécessité d'une clause environnementale

Le Bloc Québécois considère que les recommandations 37 et 38 qui portent sur l'environnement sont beaucoup trop vagues. Le Bloc Québécois recommande, quant à lui, l'insertion, au sein des règles de l'OMC, d'une clause de protection environnementale. Cette clause devrait stipuler que les États membres de l'OMC sont tenus de respecter leurs obligations au terme des accords et traités en matière d'environnement.

VI. L'OMC et le respect des droits de la personne

Le Bloc Québécois estime que la recommandation 35 n'est pas assez vigoureuse au chapitre de la défense des droits de la personne. Pour notre formation politique, il apparaît de façon assez claire que le commerce international n'est pas incompatible avec la promotion des droits de la personne. De plus, nous constatons que le gouvernement canadien a un langage ambivalent lorsqu'il s'agit de promouvoir le respect des droits de la personne dans le cadre de ses relations commerciales internationales.

Notre formation politique pense que dans le cadre du cycle du millénaire, le Canada devrait se faire l'ardent promoteur de l'inclusion des principes de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de l'ONU et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, dans les règles de l'OMC. Les membres de l'OMC et ceux qui y accèdent seraient dès lors tenus de respecter les principes fondamentaux de ces déclarations et instruments.

En ce sens nous appuyons les propos de monsieur Warren Allmand, président du Centre pour les droits de la personne et le développement démocratique, qui affirmait le 24 mars dernier devant le Comité : « Succinctement donc, nous soutenons que la Charte de l'ONU et le droit international en matière de droits de la personne l'emportent sur tous les accords commerciaux internationaux, y compris l'OMC et qu'un tel état de fait devrait être reconnu dans le cadre d'une OMC repensée ». Le Bloc Québécois croit donc nécessaire de préciser que les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU, notamment au chapitre de l'imposition de sanctions économiques à un État qui viole les droits de la personne, devraient avoir préséance sur les obligations économiques contenues dans les accords de l'OMC.

VII. L'OMC et le processus de négociations continues

Le Bloc Québécois aurait aimé que le Comité propose au gouvernement que les futures négociations se fassent de manière continue et non sous la forme de cycles de négociations comme ce fut le cas lors des cycles du GATT.

Notre formation politique partage l'idée avancée par Jeffrey Schott du Institute of International Economics in Washington qui souligne que l'OMC est maintenant une institution permanente et qu'il faudrait que les négociations se fassent sur une base continue. À ce sujet monsieur Schott affirmait le 12 mai dernier devant le Comité : « J'envisage des négociations permanentes et la possibilité pour les ministres du Commerce de mettre à profit tous les deux ou trois ans leurs réunions régulièrement prévues pour passer à l'action et étudier un ensemble d'accords commerciaux qui ne règlent pas nécessairement toutes les questions sur tous les points... ». Ce mécanisme permettrait de moderniser le processus des négociations commerciales. Évidemment, le Québec devrait participer à de telles négociations continues et ce, avant et après son accession à la souveraineté.

VIII. Le suivi parlementaire des négociations du cycle du millénaire

Non seulement est-il essentiel qu'une surveillance parlementaire des négociations du cycle du millénaire puisse être effectuée comme le propose la recommandation 2 du rapport, mais il importe que le Parlement donne son assentiment à l'acceptation par le Canada des accords issus du cycle du millénaire. S'agissant de traités importants il serait opportun, qu'après la signature de ces accords par le gouvernement, que ceux-ci soient déposés au Parlement et fassent l'objet de débats s'achevant avec l'adoption d'une résolution d'approbation. Fort d'une telle approbation, le gouvernement pourrait ensuite exprimer son consentement à être lié par ces accords et procéder au dépôt de l'instrument d'acceptation de ces accords.

Le Bloc Québécois trouve inacceptable que la majorité libérale ait rejeté sa proposition visant à ce que le Parlement donne son approbation après leur signature, mais avant leur ratification, aux accords adoptés dans le cadre du cycle du millénaire.

IX. Conclusion

Le Bloc Québécois a participé activement à l'exercice de consultation des citoyens du Canada et du Québec sur le prochain cycle des négociations commerciales multilatérales sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce. Cette consultation aura permis au Bloc Québécois de constater l'importance que revêtent ces négociations et de démontrer l'impérieuse nécessité de se préparer adéquatement aux négociations. Elle aura permis de constater également que la majorité libérale n'était aucunement disposée à formuler des recommandations qui donneraient des orientations claires au gouvernement et qu'elle voulait essentiellement lui préserver une très large marge de manoeuvre.

La même majorité libérale aura également montré son intransigeance devant la revendication du Québec de participer aux négociations de l'OMC et d'avoir un véritable droit de parole et de regard sur les questions relevant de ses compétences. La majorité libérale refuse même l'idée d'une participation des autres provinces aux négociations. Le Bloc Québécois entend continuer de réclamer une participation réelle du Québec aux négociations du cycle du millénaire pour qu'il puisse faire valoir des positions qui ne compromettent pas son développement économique, social et culturel. Le Bloc Québécois poursuivra ainsi la défense des véritables intérêts du Québec et continuera d'exercer une vigilance de tous les instants dans le dossier des négociations du cycle du millénaire de l'OMC.

Benoît Sauvageau, député de Repentigny
Maud Debien, députée de Laval-Est
Daniel Turp, député de Beauharnois-Salaberry