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FAIT Rapport du Comité

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Rapport minoritaire du NPD

1. Le NPD signale que le rapport du Comité fait référence aux propos qu'a tenus le ministre du Commerce, M. Sergio Marchi, à savoir que « le commerce nous permet d'exporter non seulement nos produits, mais également nos valeurs ». Le NPD dépose le présent rapport minoritaire sur la position canadienne relativement à l'Organisation mondiale du commerce, car il estime que, contrairement à ce qu'espère M. Marchi, l'OMC est devenue, comme elle était censée le devenir, une institution qui, inspirée du même esprit que l'ALENA, a pour résultat, non pas d'exporter la plupart des valeurs les plus chères au Canada, mais plutôt de les exterminer, en les rendant illégales.

2. À la même page du rapport du Comité, se trouve la réponse de l'ancien directeur général de l'OMC, M. Renato Ruggiero, à ceux qui voudraient que l'OMC traite de questions environnementales et sociales : « désirons-nous vraiment que l'OMC soit juge, jury et gendarme relativement à nos valeurs en matière environnementale, sociale et morale? » La réponse à la question de M. Ruggiero est que l'OMC joue déjà ce rôle, mais que personne ne l'admet. Les règles commerciales, les intérêts en matière de commerce et d'investissement et un dogmatisme en matière de libéralisation des échanges faussent de nombreuses pratiques bien établies au Canada et ailleurs, pratiques qui reposent sur la primauté des objectifs sociaux et culturels et des normes morales et environnementales sur les objectifs économiques.

3. Malheureusement, malgré les ententes et les institutions internationales traitant de ce qu'on appelle les questions non commerciales, seules les règles commerciales peuvent être applicables et imposées. C'est pour cette raison, comme le note le Comité, que la question de la propriété intellectuelle ressortit à l'OMC, sous forme d'un Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord TRIPS). L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle existe depuis 1967, mais ne dispose d'aucun mécanisme pour faire appliquer ses règles. Dans l'OMC, les multinationales de produits pharmaceutiques, entre autres, qui détiennent des brevets pour l'ensemble du monde, ont trouvé ce qu'elles cherchaient. Pour le NPD, cela pose la question de savoir pourquoi un tel mécanisme ne pourrait être réalisé dans d'autres domaines d'intérêt public. Si la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) avait autant de pouvoir que les multinationales de produits pharmaceutiques, n'aurions-nous pas déjà un accord sur les aspects des normes de travail qui touchent au commerce?

4. Il n'y a donc que deux approches politiquement et moralement justes en ce qui concerne l'OMC. La première consiste à insister pour que l'OMC prenne des mesures exécutoires relativement à des questions sociales et écologiques et des questions relatives aux droits des ouvriers et aux droits de la personne, avant d'aller plus loin sur la voie de la libéralisation des échanges. La seconde consiste à insister pour que, avant que la libéralisation du commerce ne se poursuive, les autres ententes et institutions internationales, comme l'Organisation internationale du travail (OIT), obtiennent les pouvoirs nécessaires pour sanctionner véritablement tout comportement enfreignant certaines règles convenues.

5. La mise en place de l'une ou l'autre de ces deux approches prendra un certain temps, ce qui cadre avec les opinions exprimées par de nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité et que partage le NPD, à savoir qu'il faut encore du temps pour assimiler les modalités convenues durant le cycle d'Uruguay en 1994, au cours duquel l'OMC a vu le jour. Certains pays en développement ont besoin de davantage de temps ne serait-ce que pour mettre en place les mécanismes décidés lors du dernier cycle. D'autres, comme le Canada, devraient au moins prendre le temps, avant d'aller plus avant, de réfléchir à ce qui s'est déjà produit et d'analyser la situation.

6. Le Comité ne recommande aucune des deux approches suggérées ci-dessus. Tout en recommandant une participation pleine et entière du Canada aux prochaines négociations, il ne fait que suggérer que le Canada présente des options visant à intégrer les « dimensions sociales liées au commerce » aux « structures d'activités, ententes et principes constitutionnels en vigueur à l'OMC » Cela ne remet pas vraiment en question le statu quo. Par ailleurs, le Comité déclare dans son rapport que la conformité des règles et des pratiques de l'OMC avec les autres obligations multilatérales dans les domaines tels que les droits des ouvriers et les droits de la personne devra être envisagée « à plus long terme ».

7. Comme le NPD l'a déjà dit dans son rapport minoritaire sur l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), ceux qui peaufineraient l'intégration et le respect des droits des sociétés et laisseraient pour un autre jour, voire même une autre génération, l'exercice des responsabilités des sociétés, les droits des travailleurs, l'environnement et les droits des sociétés auront à répondre de leur moralité.

8. Le NPD n'appuie pas un régime commercial mondial fondé sur des règles ou une économie mondiale fondée sur des règles. Nous croyons dans les règles pour deux raisons. Tout d'abord, le Canada étant une nation exportatrice, il doit pouvoir avoir accès aux autres marchés pour connaître la prospérité. La seconde raison, toute aussi importante, est qu'il est nécessaire de réglementer l'activité économique dans l'intérêt public. Nous contestons l'OMC, car cet organisme est fondé sur une vision dénuée de sens critique selon laquelle le libre jeu des forces du marché est la solution à tous les problèmes de l'humanité. Au lieu de réglementer le pouvoir économique de manière à servir le bien commun, le but premier de l'OMC est de réglementer ou de limiter le pouvoir qu'ont les gouvernements de s'opposer aux stratégies axées sur le profit des multinationales. Le mandat de l'OMC dépend trop de la libéralisation du commerce comme fin en soi et trop peu de la promotion de la justice sociale, économique et écologique. Au lieu de reconnaître que le fossé entre les riches et les pauvres et les clivages dans et entre les pays ne cessent de croître et que l'iniquité due à la mondialisation se fait toujours plus grande, les responsables de l'OMC continuent de prétendre qu'il faut continuer dans la même voie pour tout régler.

9. Depuis ses origines, l'OMC reflète un certain triomphalisme et fondamentalisme en matière d'économie de marché, qui ne tolère aucune diversité idéologique ou politique, même si celle-ci est le produit d'un processus démocratique. Les entreprises commerciales d'État, comme la Commission canadienne du blé, et autres hybrides idéologiques tels que la commercialisation ordonnée et la gestion de l'offre, sont sur la liste des choses à abattre. Les politiques canadiennes en matière de tarification des médicaments génériques et de magazines à édition dédoublée ont déjà été victimes de l'OMC. Les pays comme le Canada, qui ont une longue tradition de diversité idéologique, vont être homogénéisés et assimilés de manière à adopter ce que constitue essentiellement une vision américaine d'une politique correcte. Les choix démocratiques de pays ayant des traditions politiques différentes et des visions divergentes de l'avenir mondial sont traités comme des formes de déviances politiques, à supprimer par l'entremise du rouleau compresseur que constitue la monoculture politique dont l'OMC est devenue le laquais.

10. Selon le NPD, parmi tous ceux qui ont exprimé une opinion sur l'OMC elle-même, la plupart envisageaient la nature et le mandat actuel de l'OMC avec un certain scepticisme. Bien sûr, de nombreux autres témoins, surtout ceux représentant des secteurs économiques particuliers, n'ont pas remis en question l'existence de l'OMC et ont évoqué pour le Comité la façon dont leurs intérêts particuliers pourraient être encouragés ou protégés par le gouvernement lors des prochaines négociations. Cela est parfaitement compréhensible. Mais le rôle d'un parti d'opposition n'est pas de tenir pour acquis les choix politiques du gouvernement, même si ceux-ci sont établis de longue date.

11. Le NPD estime que sa position critique envers l'OMC reflète davantage les véritables sentiments des Canadiens relativement à un gouvernement mondial. Abandonner sa souveraineté pour le bien supérieur de la justice mondiale ou de la survie écologique de la planète est une chose, que les Canadiens pourraient appuyer. Mais abandonner sa souveraineté pour que les pays puissants et économiquement agressifs puissent avoir toute liberté dans un monde sans obstacle, c'est là quelque chose que le NPD n'appuie pas. Nous croyons qu'une majorité de Canadiens partagent notre point de vue sur la question, et c'est la raison pour laquelle nous présentons le présent rapport minoritaire.

Bill Blaikie, député

Winnipeg-Transcona

Porte-parole NPD en matière de commerce international