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OPINION DISSIDENTE DU
NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE
« L'avenir commence maintenant »
"J'ai vu l'avenir, il est meurtrier..."
« Lorsque la mobilisation des capitaux dans un pays devient
un
sous-produit des activités d'un casino, l'économie sera probablement
laissée pour compte. »
Préamble : Exposé des faits au sujet du processus
suivi par le Comité permanent des finances
Les membres néo-démocrates du Comité permanent
des finances sont d'avis qu'il est nécessaire de porter au registre
officiel notre plainte et de déclarer haut et fort que le processus
suivi par le Comité devra être changé pour que, plus
jamais, un rapport majoritaire de 250 pages ne soit envoyé aux membres
du Comité sans que ceux-ci aient suffisamment de temps pour examiner,
débattre et améliorer le document. Dans le cas qui nous préoccupe,
les membres de l'opposition au sein de ce Comité ont eu moins de
24 heures pour réagir au rapport majoritaire, sans avoir pu participer
à sa rédaction. Si nous voulons veiller à ce que les
comités demeurent un élément essentiel de la démocratie
parlementaire et que l'intérêt public soit protégé,
il est absolument primordial que les préoccupations soulevées
soient clairement entendues et que des mesures soient prises pour y répondre.
Le rapport majoritaire du Comité permanent des finances appuie
dans l'ensemble la vision et les recommandations présentées
par le Groupe de travail McKay. L'une des principales exceptions du rapport
est que ses auteurs s'opposent à ce que les banques soient autorisées
de vendre au détail des produits d'assurance. Les néo-démocrates
appuient totalement la position du Comité permanent des finances
au sujet de la restriction imposée aux banques et aux compagnies
d'assurances concernant la vente de produits d'assurance et de crédit-bail
automobile.
Les membres néo-démocrates du Comité permanent
des finances sont enchantés que le Groupe de travail ait adopté
certaines des recommandations dont le Nouveau Parti démocratique
se fait le défenseur depuis des années, comme la nomination
d'un ombudsman indépendant pour le secteur financier (quoique moins
de pouvoirs lui sont accordés); le renforcement du système
des coopératives de crédit; et une amélioration de
l'accès au système canadien de paiements et aux services
financiers de base. Nous sommes aussi heureux de constater que le rapport
majoritaire exhorte le gouvernement à créer un bureau de
protection des consommateurs et appuie l'établissement d'un organisme
d'information financière à l'intention des consommateurs
comme le proposait le Coalition canadienne pour le réinvestissement
communautaire. Toutefois, nous croyons (comme cela était formulé
dans le rapport MacKay) qu'il n'est peut-être pas dans l'intérêt
public qu'un gouvernement refuse d'accorder un appui financier à
un groupe de défense des consommateurs.
Depuis 10 ans, les Néo-démocrates font la promotion de
politiques visant à protéger efficacement les petites entreprises
rentables contre le resserrement du crédit et les consommateurs
contre des frais de service abusifs ou des écarts injustifiés
entre les taux d'intérêt débiteurs et créditeurs.
Il est inacceptable que des entreprises s'effondrent pour des raisons entièrement
artificielles.
Nous sommes enchantés de voir que le Groupe de travail libéral
sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada ait recommandé
des politiques dont le NPD se fait depuis longtemps le promoteur - par
exemple a) maintenir la politique du «Gros poisson ne mangera du
gros poisson - Big shall not buy big» (et le rejet des fusions proposées
entre d'une part la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal
et d'autre part la Banque Toronto-Dominion et la Banque canadienne impériale
de commerce); b) présenter une loi canadienne sur le réinvestissement
dans la communauté; c) créer la fonction d'un ombudsman indépendant
des services financiers ayant des pouvoirs exécutoires; d) exiger
des organismes émetteurs de cartes de crédit que le mode
de calcul des frais d'intérêt crédite totalement tout
paiement partiel fait par le détenteur de la carte; et e) imposer
un plafond sur les taux d'intérêt des cartes de crédit.
Malheureusement, le rapport majoritaire du Comité permanent a décidé
d'exclure ces recommandations.
Le rapport McKay n'a pas su atteindre son objectif fondamental, à
savoir façonner une politique d'ensemble concernant le secteur financier
qui aurait permis d'établir un juste équilibre entre les
intérêts privés des institutions financières
et l'intérêt public. Nous expliquons dans les pages suivantes
pourquoi le NPD trouve inacceptable le rapport du Groupe McKay et le rapport
majoritaire du Comité permanent et pourquoi le rapport minoritaire
du NPD doit devenir un document public:
1) Les assises du rapport McKay (et du rapport majoritaire) reposent
sur une définition très étroite et à court
terme du bien public qui n'est en fin de compte que la somme des intérêts
privés qui auront préséance sur l'intérêt
public. C'est faire preuve d'un simplisme risqué que de supposer
qu'un système financier ouvert et déréglementé
se trouvera comme par enchantement à soutenir l'intérêt
public. L'incapacité des décideurs financiers d'endiguer
la crise financière mondiale démontre que rien, ni personne
ne peut affirmer avec certitude qu'un système financier déréglementé
est efficace, tout particulièrement à long terme, ou encore
qu'une mondialisation du secteur financier sera synonyme de stabilité.
Un certain nombre de banques internationales se sont soit effondrées
ou encore ont été sauvées par une importante infusion
de deniers publics. Des spéculateurs voraces parviennent à
générer des profits exorbitants au détriment des pauvres
en dressant les pays, les compagnies et les communautés les uns
contre les autres dans une course vers l'abîme.
Une réglementation rigoureuse des institutions financières
et le démantèlement du casino mondial sont absolument nécessaires.
Il nous faut aussi se demander comment nous mesurons la richesse et la
créons. Notre immense capacité à générer
de la richesse fait aussi ressortir deux constats atterrants. Il y a de
moins en moins de gens qui sont en mesure de profiter et de jouir de cette
richesse et la contraction du pouvoir d'achat provoque l'effondrement de
la demande mondiale. Au Canada, les conséquences de cette situation
se font déjà sentir - la chute du prix des produits de base
et la pire crise agricole financière depuis la Crise économique
des années 30. La présente situation chaotique est essentiellement
imputable à la déréglementation des marchés
financiers internationaux, la poursuite aveugle d'excédents budgétaires
ainsi que la cupidité cannibalesque des spéculateurs. Il
nous faut façonner une nouvelle vision économique pour le
21e siècle qui sera fondée sur un accroissement de la richesse
réelle et une réduction des inégalités.
La vision que les néo-démocrates ont du secteur financier
canadien met l'accent sur une définition bien plus large de l'intérêt
public et comporte les éléments fondamentaux que sont le
plein emploi et la coopération entre les syndicats, les petites
et grandes entreprises, les organismes communautaires, les gouvernements,
le secteur financier, et surtout un rôle proactif pour la Banque
du Canada. Une perspective sociale- démocratique doit aller bien
au-delà de l'image traditionnelle de la société financière
et exige des institutions financières qu'elles n'aient pas à
rendre des comptes uniquement à leurs actionnaires. Il s'agit là
d'une responsabilité proportionnelle aux vastes pouvoirs et privilèges
que la population accorde aux institutions financières par le biais
du Parlement. La réglementation financière doit donc amener
les institutions financières à charte à prendre l'engagement
de poursuivre le bien commun et de favoriser le développement des
communautés qu'elles servent et le pays qui les appuie.
2) Il est regrettable que le rapport McKay et le rapport majoritaire
recommandent la poursuite de la déréglementation; cela ne
fera qu'intensifier la stratégie des institutions financières
qui cherchent à tirer partie de la déréglementation
pour maximiser leurs revenus en finançant de gigantesques investissements
de nature spéculative.
Témoins de l'effondrement d'un nombre toujours plus grand d'institutions
financières aux États-Unis, de plus en plus de politiciens
et banquiers américains reconnaissent que les mécanismes
existants de contrôle sont impuissants. Pendant ce temps, il est
troublant de constater que les engagements totaux des cinq grandes banques
à charte canadiennes sur les marchés asiatiques malades s'élèvent
à plus de 40 milliards de dollars - ou plus de 100% de leur capitalisation
totale. Le gouvernement canadien doit reconnaître qu'il est absolument
nécessaire de procéder à une re-réglementation.
Les organismes de réglementation doivent composer avec des innovations
financières qui perturbatent ou déstabilisent l'économie
(Voir les points 4 &12). Le Groupe de travail n'a pas mené de
recherche sur cette question.
3) Ni le rapport McKay, ni le rapport majoritaire du Comité
permanent n'examinent adéquatement le rôle crucial des banques.
Le NPD rejette la notion voulant que les banques ne soient qu'une catégorie
spéciale d'intermédiaires financiers. Les banques sont la
pierre angulaire de notre système économique. Si nous ne
pouvons réglementer correctement les banques, nous nous trouvons
à renoncer à notre souveraineté financière
et politique. Les banques décident quelles entreprises survivront
et lesquelles flancheront; quels emplois seront créés et
lesquels seront supprimés; qui aura une maison et qui n'en aura
pas. On voit bien que les banques ne sont pas des sociétés
comme les autres. Le secteur bancaire fait bien plus que simplement prêter
les dépôts des épargnants. Les institutions bancaires
créent de l'argent en consentant des prêts aux entreprises,
aux consommateurs ou aux gouvernements. Elles créent aussi de l'argent
par des moyens indirects comme la titrisation et les activités hors
bilan. Les banques ne sont donc pas de simples intermédiaires. Par
exemple, aux États-Unis, cette réalité trouve son
reflet dans la Community Reinsvestment Act (CRA) qui créé
un cadre de responsabilisation entre les banques et les communautés
qu'elles servent. La rapport majoritaire du Comité permanent s'oppose
au principe fondamental qui sous-tend la CRA. En fait, le rapport majoritaire
s'éloigne de la notion d'imputabilité envers la communauté
en recommandant que les institutions financières ne soient pas tenues
de rendre des comptes à la communauté, comme le propose le
rapport McKay. Les néo-démocrates croient qu'il est essentiel
que le Parlement mette sur pied un comité multipartite qui examinerait
le système américain de réinvestissement dans la communauté
et son incidence sur la création d'emplois, la disponibilité
de logements à un coût abordable et le développement
communautaire.
4) Les deux rapports négligent aussi le rôle crucial de
la Banque du Canada et les relations que notre banque centrale entretient
avec les banques à charte. Au Canada, la création de l'argent
(la Monnaie) est essentiellement le fait du secteur privé depuis
la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Une politique monétaire
efficace ne doit pas seulement aborder la politique de la banque centrale,
elle doit aussi réglementer le rôle des banques privées
dans la création de l'argent. En exigeant des banques qu'elles tiennent
en réserve jusqu'à 100% de la valeur d'une catégorie
de prêts, la Banque du Canada pourrait influencer d'une façon
sélective les pratiques de prêts. Des exigences sélectives
concernant les prêts doivent constituer l'un des outils de la politique
monétaire dans les années 1990, comme l'imposition d'un coefficient
de couverture de 100% sur les prêts qui ne ciblent pas la création
directe de richesse, des investissements productifs ou le paiement de salaires
(par exemple, une réserve de 0% pourrait être exigée
pour les prêts qui soutiennent la création d'emplois, le réinvestissement
dans la communauté ou le réaménagement de terrains
pollués). N'oublions pas l'avertissement lancé par l'ancien
Premier ministre du Canada Mackenzie King : «Une fois qu'un pays
abandonne le contrôle de sa monnaie et de son crédit, il n'est
plus important de savoir qui fait les lois du pays...Tant et aussi longtemps
que le gouvernement national n'a pas repris le contrôle de la monnaie
et du crédit et qu'il ne reconnaît pas qu'il s'agit de sa
plus importante responsabilité, tous les grands discours sur la
souveraineté du Parlement et sur la démocratie sont creux
et futiles.»
5) Les deux rapports présentent une vision purement micro-économique
du secteur financier qui est celle des chefs de la direction et des administrateurs.
Ils proposent cette vision étroite des choses en affirmant qu'elle
est dans l'intérêt public. Cela est tout particulièrement
dangereux dans un monde où les banquiers qui se vantaient autrefois
d'être prudents et diligents affirment maintenant que leur plus grand
désir est d'être des matadors financiers partout sur le globe.
6) En établissant une corrélation entre l'augmentation
des revenus des banques à charte et la mondialisation de leurs services,
le rapport McKay néglige le fait que l'essentiel de l'augmentation
des profits réalisés par les banques provient de leur position
de force sur le marché intérieur. Cette position permet aux
banques d'imposer impunément des frais de service sur une vaste
gamme d'opérations, tout en menant des activités spéculatives
hautement rentables par le biais de leurs filiales du secteur des valeurs
mobilières. Comme les banques canadiennes s'efforceront d'obtenir
les mêmes taux de rendement sur les marchés spéculatifs
que les grandes banques étrangères, les banquiers canadiens
s'attendront à obtenir des taux de rendement bien plus élevés
sur leurs activités productives au pays. La mondialisation du secteur
bancaire incitera les banques canadiennes à remplacer l'offre de
prêts productifs à des entrepreneurs canadiens par des prêts
de nature spéculative.
7) Les deux rapports recommandent le relâchement de la
règle du 10% des droits de propriété, règle
qui a su protéger l'intérêt public en empêchant
que des intérêts étrangers ne prennent le contrôle
des banques à charte canadiennes ou encore que nos banques soient
dominées par des propriétaires qui utiliseraient la banque
pour promouvoir leurs propres intérêts (la règle du
10% a été adoptée dans les années 1960 lorsque
la Chase Manhattan Bank de New York a tenté d'acquérir la
Banque Toronto-Dominion). Cette recommandation signifie que ces institutions
financières mettront tôt ou tard fin a leur option préférentielle
pour l'économie nationale canadienne. Les institutions financières
étrangères, comme la Wells Fargo et la ING ne sont intéressées
qu'à ramasser les meilleurs clients, rendant ainsi la vie plus difficile
aux institutions financières canadiennes qui cherchent à
servir tous les Canadiens. À long terme, les multinationales financières
étrangères présentes au Canada imposeront leurs marges
de profit au consommateur canadien, et les banques menant des activités
au pays ne prêteront au consommateur canadien que si elles peuvent
générer les mêmes profits qu'elles réalisent
avec leurs activités financières internationales hautement
lucratives. Mais surtout, elles demanderont à la population canadienne
de les indemniser pour les pertes encaissées comme elles l'ont fait
par le passé.
8) Les deux rapports abandonnent la politique du «Gros
poisson ne mangera du gros poisson - Big shall not buy big» et encouragent
donc implicitement les fusions de mégabanques. Ils déclarent
que les fusions devraient être acceptées si le ministre des
Finances croit qu'elles sont dans l'intérêt public. Le ministre
n'aura pas la vie facile car, selon ces rapports, l'un des principaux facteurs
définissant l'intérêt public est l'intensification
future de la concurrence sur le marché mondial. Qu'est-ce que cela
veut dire précisément? Les banques pourront toujours faire
la démonstration que les fusions les rendront plus compétitives
face à leurs concurrents sur les marchés mondiaux. En concentrant
plus de pouvoirs dans les mains du ministre des Finances, le rapport McKay
réduit encore plus la marge d'intervention des parlementaires et
de la démocratie à l'égard de questions qui concernent
directement l'intérêt public.
9) Les rapports défendent implicitement une intégration
complète du système financier canadien au sein d'un système
financier global américanisé. Encore une fois, cette recommandation
néglige le fait que le secteur financier n'est pas un secteur comme
les autres. Une intégration complète nous ferait perdre le
contrôle de notre politique monétaire et surtout affaiblirait
notre souveraineté nationale.
10) Les rapports ne s'intéressent pas aux conséquences
des défaillances systémiques qui pourraient être provoquées
par l'effondrement de banques fusionnées. Dans une économie
dont le secteur financier connaît l'instabilité, les grandes
banques peuvent être bien plus exposées au risque que les
plus petites, et plus une banque est de grande taille, plus elle chutera
de haut et plus il sera difficile au gouvernement de la laisser se débrouiller
seule. Par exemple, la clause 39 des recommandations autorise le ministre
des Finances à vendre une banque à charte canadienne à
des intérêts étrangers dans des circonstances exceptionnelles
et si la vente est dans l'intérêt public. M. MacKay lui-même
a déclaré devant le Comité des finances que l'objet
de la recommandations 39 consistait à donner au ministre des Finances
une solution peu coûteuse pour composer avec l'effondrement d'une
mégabanque. En supposant qu'une mégabanque au Canada connaisse
une grave crise en raison de pertes survenus sur des marchés spéculatifs
(comme cela est survenu au Japon récemment), cela signifie qu'il
n'y aura plus aucune institution financière canadienne suffisamment
grosse pour acheter la mégabanque en difficulté. Confier
aux contribuables canadiens le soin d'assumer les coûts de l'effondrement
constituerait un fardeau bien trop grand. Selon le rapport MacKay, la solution
serait alors de vendre la mégabanque à des acheteurs étrangers.
À long terme, ces méga-fusions pourraient ainsi accélérer
la vente de notre système bancaire à des intérêts
étrangers.
11) Le rapport MacKay ne parle que brièvement de la réglementation
et de la notion de gouvernement d'entreprise. Les Canadiens devraient être
tout particulièrement préoccupés par la croissance
explosive des produits dérivés et des engagements hors bilan.
Les produits dérivés sont très risqués et la
principale cause des faillites bancaires. À l'instar des opérations
pyramidales, ces produits financiers ne sont pas soutenus par une véritable
activité économique et ont entraîné l'échec
de contrats hautement spéculatifs de plusieurs billions de dollars.
Les produits dérivés, qui peuvent entraîner l'effondrement
d'une grande banque (par ex. : la Barings), sont utilisés principalement
à des fins spéculatives et non dans le but de couvrir les
risques, ce qui est leur objectif théorique. Ces pertes financières
énormes se répercutent alors sur toutes les parties concernées
et en bout de ligne ont un impact sur l'activité économique.
La théorie économique et la réglementation du secteur
n'ont pas encore rattrapé cet important marché en pleine
croissance et personne, pas même la U. S. Federal Reserve, ne saisit
véritablement l'ampleur potentielle du désastre. Il est intéressant
de constater que Robert Merton et Myron Scholes qui ont tous les deux gagné
le Prix Nobel pour leur travail théorique sur les produits dérivés
ont dû assumer la responsabilité de l'effondrement du Long
Term Capital Management, un fonds de recouvrement qui a perdu son avoir
propre et a dû être rescapé. Il est très inquiétant
de constater que la rapport majoritaire n'a pas tenu compte des nouveaux
dangers que représentent les produits dérivés et n'a
pas pris conscience que l'auto-réglementation ne peut à elle
seule prévenir des pertes énormes qui devront être
directement ou indirectement assumées par les contribuables.
12) Pour contrôler les produits dérivés ou
pour atténuer la propagation d'une défaillance, les pouvoirs
du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) devraient
être élargis. En cette époque de complexité
croissante, les rapports auraient dû recommander la création
de structures et règles financières qui auraient renforcé
l'efficacité du travail accompli par le surintendant. Le vérificateur
général a écrit au sujet de «la capacité
du Bureau du surintendant des institutions financières d'évaluer
le risque de crédit auquel s'exposent les banques avec les produits
dérivés et les activités liées aux valeurs
mobilières (Globe and Mail, 12 mai 1995, p. B1). Ces engagements
financiers et les risques qu'ils comportent doivent être soumis à
des règles comptables formelles étayées d'une réglementation
et supervision adéquates. Les règles comptables actuelles
concernant les produits dérivés et d'autres activités
financières semblables laissent impuissants les organismes de réglementation
et les investisseurs. Nous devrions chercher de nouvelles méthodes
comptables qui permettraient d'intégrer dans le bilan les risques
hors bilan. Il s'agit là d'une question que les deux rapports n'abordent
aucunement. L'option préférée du NPD serait d'interdire
directement ou indirectement le financement des produits dérivés
par le crédit bancaire.
À la place, les rapports recommandent que les institutions financières
jouissent de la plus grande marge de manoeuvre organisationnelle possible
et aient la possibilité de mettre sur pied des sociétés
financières de participation (SFP) qui seraient soumises à
des règles de propriété plutôt lâches
et une réglementation aussi peu interventionniste que possible.
Dans un environnement mondial déréglementé, ces
groupes financiers rendraient à toute fin pratique impossible le
travail des organismes de réglementation. Les SFP de portée
mondiale seront très difficiles à superviser et auront tendance
à s'adonner à l'évasion fiscale. Toutefois, au moyen
d'une réglementation adéquate, et de dispositions qui permettront
de garantir que les sièges sociaux des sociétés mères
et leurs filiales demeureront au Canada, les SFP pourront peut-être
ouvrir une avenue pour distinguer les activités à plus haut
risque (comme les produits dérivés) de celles qui en comportent
moins et pour contenir les premières. Sur la scène nationale,
la structure des SFP pourrait être utilisée pour agencer une
réglementation innovatrice visant la spéculation (comme des
exigences relatives aux réserves sélectives) à une
réglementation de nature fonctionnelle. Ce dernier type de réglementation
permettrait de faire une distinction entre les activités spéculatives
et les activités bancaires de base. Cela pourra aider à prévenir
des tempêtes spéculatives et à endiguer d'une certaine
façon la contagion en protégeant les déposants et
les contribuables. Par exemple, si une banque à charte était
impliquée dans une grave tornade financière imputable aux
produits dérivés, les dommages se limiteraient à sa
filiale du secteur des valeurs mobilières. Au mieux, le système
des SFP devrait être considéré comme un véhicule
de transparence et de ré-réglementation et non de déréglementation
comme le suggère le rapport.
Somme toute, le rapport MacKay favorise l'intégration
du système financier canadien à un modèle chaotique
et coûteux de mondialisation financière au moment où
bon nombre cherche un modèle de rechange plus équitable.
Il est regrettable que le rapport MacKay, dont la réalisation a
coûté 3,5 millions de dollars, fournisse peu d'encadrement
à un système bancaire qui doit promouvoir la stabilité
et servir le plus équitablement tous les Canadiens au 21e siècle.
L'HON. LORNE NYSTROM, DÉPUTÉ - REGINA-QU'APPELLE
CRITIQUE DU NPD POUR LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES