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FINA Rapport du Comité

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L'ÉQUITÉ POUR LES PARENTS ET LES ENFANTS
OPINION DISSIDENTE PAR MICHELLE DOCKRILL
PORTE-PAROLE NÉO-DÉMOCRATE EN MATIÈRE DE
CONDITION FÉMININE
JUIN 1999

Le Comité a reçu le mandat « d'examiner les modalités d'application du régime fiscal et du système de transferts aux familles avec enfant à charge . . . et [de] déterminer si ces politiques traitent équitablement les familles avec enfant à charge ». Le défi pour le Comité consistait à s'élever au-dessus du débat étroit et sans pertinence sur la question de savoir si les parents - surtout les mères - qui restent au foyer méritent plus ou moins le soutien de l'État que celles qui ont un travail rémunéré à l'extérieur, et à déterminer - question cruciale - si le Canada soutient équitablement les familles.

Malheureusement, si le Comité a, à certains moments, admis en substance que le débat était dominé par des considérations sans rapport avec son mandat et que le régime fiscal ne semblait pas favoriser un type de famille avec enfant par rapport à un autre, il reste qu'en bout de ligne, il n'a pas examiné les besoins de l'ensemble des familles canadiennes.

En réalité, tous les parents tiennent à faire ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants et s'imposent des sacrifices pour eux. Pour la plupart des familles, l'important est de gagner un revenu décent et d'assurer à leurs enfants la sécurité, l'attention et la stimulation dont nous avons tous besoin pour nous développer, grandir et nous épanouir.

Mais notre régime fiscal et le système de transferts aux familles est, hélas, discriminatoire envers tous les enfants, car il en fait, aux fins de l'impôt, un bien de consommation au même titre que des vacances d'hiver ou une mini-fourgonnette. En matière fiscale, il s'agit moins de savoir si la famille avec enfant à charge à un revenu est plus ou moins désavantagée que la famille avec enfant à charge à deux revenus que de déterminer si le régime fiscal attache une valeur quelconque aux enfants et au rôle que jouent les parents en éduquant la prochaine génération de citoyens.

L'optique limitée du Comité occulte le fait qu'au cours des 15 dernières années, le Canada, comme toutes les autres économies fortes, s'est lentement mis à dévaloriser les enfants. (Sylvia Ann Hewlett, « Child Neglect in Rich Nations », rapport à l'UNICEF). Voici les faits :

  • le Canada est le seul pays industrialisé à ne pas tenir compte universellement du coût et de la valeur de l'éducation des enfants;
  • en termes réels, le Canada affectait près de 2 milliards de dollars de plus aux enfants en 1984 qu'aujourd'hui;
  • la Prestation fiscale canadienne pour enfants est l'une des formes de soutien des familles à revenu faible ou moyen les plus timides que l'on puisse trouver dans les pays de l'OCDE;
  • le principal programme canadien de soutien fiscal et de transferts à l'égard des enfants, la Prestation fiscale canadienne pour enfants, n'est versée qu'à 36 p. 100 des familles pauvres (Conseil national du Bien-être, Les enfants ont encore faim).
Pour savoir si le Canada traite équitablement les familles avec enfant à charge, il aurait été plus qu'indiqué d'essayer de savoir s'il serait possible d'améliorer ou même d'évaluer la principale mesure fiscale et de transfert axée sur les enfants, la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Mais en dépit d'une mine de témoignages sur la question, le Comité se contente de répéter qu'il n'y a pas de mesure de récupération, mais seulement une réduction. Ce faisant, il ramène une question d'une importance exceptionnelle - le fait que la principale mesure canadienne de lutte à la pauvreté accorde encore moins aux plus pauvres d'entre les pauvres - à un débat de sémantique.

Le Comité réclame plutôt le réexamen de la déduction pour frais de garde d'enfants (DFGE), la seule mesure fiscale aux fins de laquelle les frais de garde d'enfants soient considérés comme dépense afférente à un revenu. La DFGE cause des difficultés. En effet, à l'heure actuelle, beaucoup de gens qui recourent à des services de garde - à leurs propres frais - ne peuvent réclamer la déduction parce qu'ils n'ont pas accès à des services assortis de reçus. Mais l'important, c'est que pour offrir des choix valables aux parents, le Comité aurait pu insister pour que le gouvernement rende cette disposition moins restrictive à court terme et recommander, comme meilleure façon de conférer ces choix, d'instaurer pour tous les enfants un régime abordable et universel d'aide précoce à l'apprentissage et de soins et de faire en sorte que les enfants y aient accès à plein temps ou à temps partiel, que leurs parents fassent ou non partie de la main-d'oeuvre active.

Dans ses conclusions, le Comité demande au gouvernement d'offrir, dans le cadre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, un nouveau crédit d'impôt remboursable aux parents qui s'occupent eux-mêmes de leurs enfants. Bien que conçue pour élargir le choix dont disposent les parents, cette mesure ne s'adresse qu'à ceux qui renoncent au travail rémunéré. Le Comité a souvent déclaré en substance que la politique du gouvernement ne devrait ni favoriser, ni défavoriser certaines formules en matière de soins aux enfants. Hélas, cette politique n'a pas été appliquée intégralement, puisque la recommandation nie en fait aux mères qui vivent de prestations de bien-être social la possibilité de choisir de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants.

La décision d'un parent de demeurer au foyer ou de travailler à temps partiel pendant la première enfance de leurs enfants est une des possibilités que la politique publique devrait soutenir. Mais l'appui ne devrait pas être tributaire du revenu. Des douzaines de témoins ont comparu devant le Comité pour réclamer l'équité et la véritable liberté de choix pour toutes les familles. Comme Rita Chudnovski l'a en substance soutenu,

« Qu'elles fassent ou non partie de la main-d'oeuvre active, les familles ont plus de points en commun que de particularités distinctives. Leurs enfants ont tous besoin, dans la première enfance, d'expériences et de services de qualité, quelles que soient la profession et la situation financière de leurs parents. Tous les parents, qu'ils restent au foyer à plein temps ou qu'ils travaillent à l'extérieur du foyer, travaillent sans compter les heures et sans être payé à s'occuper de leurs enfants et de leurs familles, et ce travail doit être reconnu [. . .] toutes les familles ont besoin de politiques sociales, financières et fiscales qui se complètent et se soutiennent mutuellement et qui accroissent et appuient véritablement le choix des parents tout en favorisant l'égalité sociale et économique des femmes. Et surtout, toutes les familles ont besoin de politiques cohérentes qui soulignent la responsabilité qu'ont tous les citoyens de favoriser la croissance et le sain développement de tous les enfants du Canada. »
À certains égards, la politique familiale du Canada est enfermée dans ce que Judith Maxwell appelle un modèle sclérosé, coincé entre des idéologies différentes et découlant d'une éthique qui valorise le travail rémunéré, mais fait peu pour le soutenir. Les deux tiers des Canadiennes ayant des enfants travaillent à l'extérieur du foyer, mais le marché du travail est, dans l'ensemble, hostile aux familles. La propagation des emplois à temps partiel ou à horaire atypique faiblement rémunérés engendre une montée de la charge de travail, une baisse de la rémunération et une réduction du temps qu'on peut consacrer aux enfants. Le travail « à horaire souple » se fait surtout aux heures choisies par l'employeur et coûte très cher sous les rapports de la vie familiale et de la sécurité financière. L'accès limité à des services de garde de qualité et les emplois qui paient le minimum vital sont au coeur des difficultés qu'éprouvent les familles modernes lorsqu'elles tentent d'atteindre à la fois les objectifs concurrents consistant à assurer leur sécurité financière et à garantir aux enfants un environnement enrichissant et sain. Ces réalités débordent peut-être ce que le Comité considérait être son mandat, mais elles sont au centre des préoccupations de chaque famille canadienne et des dilemmes qu'elles doivent résoudre.

Le Comité a reconnu qu'il était nécessaire d'aider les familles à atteindre cet équilibre à un égard très important. Les néo-démocrates s'inquiètent de l'orientation générale du rapport, mais ils appuient vigoureusement sa troisième recommandation - prolonger le congé de maternité et le congé parental et éliminer les périodes de carence qui empêchent les deux parents de s'en prévaloir. En ce qui nous concerne, nous serions allés plus loin que cela.

Recommandations du NPD

Prolonger le congé de maternité et le congé parental afin de les mettre à la portée d'un plus grand nombre de femmes travaillant à temps partiel, à leur propre compte ou à des horaires atypiques. Il nous faut un train de mesures encourageant et aidant les deux parents à combiner leurs responsabilités professionnelles et familiales, notamment une période de prestations plus longue et des modalités d'application plus souples, un taux d'indemnité de traitement plus élevé et d'autres mesures d'encouragement propres à aider les deux parents à se partager plus également l'éducation des enfants.

Mettre en oeuvre un programme de puériculture exhaustif et universel à l'intention de tous les enfants, que leurs parents fassent ou non partie de la main-d'oeuvre active, et qui serait implanté graduellement par étapes d'un an, c'est-à-dire offert à tous les enfants de 5 ans au cours de la première année, à tous les enfants de 4 ans au cours de la seconde année, à tous les enfants de 3 ans au cours de la troisième année, et ainsi de suite. Des prestations et des soins pourraient être offerts à l'intention des enfants plus jeunes au moyen de congés de maternité ou parentaux plus longs et de programmes de puériculture.

Faire en sorte que le régime fiscal et le système de transferts du Canada reconnaissent de nouveau les enfants de façon universelle au moyen d'un transfert universel - par exemple en accordant à toutes les familles avec enfant à charge la Prestation fiscale canadienne pour enfants ou un crédit d'impôt non remboursable. Élargir graduellement la clientèle de la Prestation nationale pour enfants afin d'assurer un soutien du revenu plus adéquat aux familles à revenu moyen, indexer les prestations et les seuils d'admissibilité et éliminer la disposition de récupération.