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STIMULER LA PRODUCTIVIÉ POUR RELEVER LE NIVEAU
DE VIE DES CANADIENS
INTRODUCTION
Toutes les politiques gouvernementales visent, en dernière analyse,
à hausser le niveau de vie des Canadiens. Elles y contribuent en
assurant des fonctions fondamentales : le cadre juridique dans lequel l'économie
fonctionne, des systèmes fiscaux, monétaires et financiers
stables, les équipements publics, ainsi que des mesures destinées
à protéger l'environnement et à inspirer un sentiment
de sécurité économique. Ce sont des éléments
du bien public que, de manière générale, le secteur
privé ne saurait assurer et qui peuvent, si le gouvernement peut
s'en charger efficacement, appuyer une économie bien huilée
et en plein essor. Les gouvernements assurent aussi des services publics,
peut-être parce que les Canadiens préfèrent ne pas
avoir à compter sur le secteur privé, mais aussi parce que
c'est peut-être plus efficace. Les soins de santé de base
en sont le meilleur exemple au Canada.
Les politiques gouvernementales ont un rôle vital dans la création
d'une conjoncture économique propice à une forte croissance
de la productivité, à une croissance soutenue du PIB et,
par conséquent, à une hausse du niveau de vie de tous les
Canadiens.
Nancy Hughes Anthony
Tous ces produits et services exigent des ressources économiques,
ce qui signifie simplement qu'il faut, pour en jouir, abandonner certains
avantages qu'offre le secteur privé. Tous les biens et services,
tant privés que publics, consommés par les Canadiens doivent
être produits et c'est la valeur de cette production qui, ultimemment,
fait plafonner notre niveau de vie.
Si nous jetons un regard sur le passé, l'énorme progression
de notre niveau de vie saute aux yeux. À tous égards, nous
vivons beaucoup mieux aujourd'hui qu'il y a quelques générations.
Paul Kovacs l'a très bien exprimé en affirmant devant le
Comité que « si vous comparez la famille canadienne moyenne
d'il y a environ 40 ans à une famille actuelle, même en tenant
compte de l'inflation et d'autres choses du genre, ses membres seraient
considérés aujourd'hui comme pauvres. ».
Ce phénomène ne s'est pas produit du jour au lendemain,
et ne découle pas d'un événement particulier. C'est
plutôt le résultat cumulatif d'une masse de changements qui
se sont produits au cours des décennies; bref, le résultat
de la croissance économique.
Des taux de croissance économique même relativement élevés
n'ont pas d'effets frappants d'une année à l'autre. Avec
le temps, cependant, leur effet cumulatif peut étonner. Un taux
de croissance annuel de 2,0 p. 100 double presque le niveau de revenu en
30 ans, et un taux de 3,5 p. 100 le triplera presque sur la même
période, ce qui correspond, grosso modo, à une génération.
La différence, après une génération, correspond
à peu près au revenu initial.
La croissance économique est donc manifestement un phénomène
de longue haleine. Elle est à l'origine de notre niveau de vie actuel
et elle déterminera notre niveau de vie de demain. C'est donc l'avenir
de nos enfants et de nos petits-enfants qui est en jeu.
Les gouvernments doivent envisager des défis de long terme. La
croissance correspond à l'un de ces défis; à long
terme, elle tend à remédier en grande partie aux problèmes
perçus comme courants. Revenons aux leçons d'arithmétique
qu'offre la croissance économique. À la fin de 1999, le produit
intérieur brut (PIB) du Canada sera d'environ 900 milliards de dollars.
Si le taux de croissance est de 2,5 p. 100, ce chiffre atteindra 1 018
milliards en cinq ans, par rapport à 1 070 milliards si le taux
de croissance était de 3,5 p. 100. Ces taux de croissance réelle
tout à fait plausibles portent à croire que dans cinq ans
les recettes fiscales annuelles des administrations fédérales
et provinciales auront augmenté globalement de 38 à 55 milliards
de dollars, soit au moins la moitié de ce que le pays dépense
aujourd'hui en services de santé.
Nombreux sont ceux pour qui le budget fédéral de 1999
est un budget de « santé », surtout à cause des
transferts additionnels, qui totalisent 11,5 milliards sur cinq ans. Comme
le seul fait de hausser le taux de croissance annuel de 2,5 à 3,5
p. 100 permettrait d'absorber le coût des initiatives budgétaires
dans ce domaine, et bien d'autres, le gouvernement serait en mesure d'en
lancer d'autres.
Dans le budget de 1999 les transferts supplémentaires au titre
de la santé représentaient une somme de 11,5 milliards de
dollars étalée sur les cinq prochaines années.
Voilà l'argument en faveur de la croissance économique.
Les familles canadiennes sont actuellement aux prises avec un endettement
élevé et un niveau de revenu disponible qui stagne. Chacun
connaît les répercussions que l'évolution démographique
aura sur la demande en soins de santé en particulier, et sur notre
société et notre économie en général.
Le nombre de personnes âgées doublera pratiquement d'ici 2030
et le ratio d'actifs par rapport aux retraités chutera de 5 à
3 pour 1. Cela représente une baisse de 40 p. 100 du nombre de Canadiens
d'âge actif, par retraité, et montre clairement à quel
point les travailleurs devront se montrer plus productifs simplement pour
maintenir le niveau de vie actuel des Canadiens.
La croissance économique n'est donc pas destinée à
favoriser le milieu des affaires. Elle favorise les travailleurs, les consommateurs
et les contribuables, bref l'ensemble des Canadiens. L'histoire a révélé
que dans les économies de marché où il existe de solides
institutions démocratiques la croissance économique avantage
sensiblement l'ensemble des citoyens. Comme l'affirmait Jim Stanford des
Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile, « la
productivité figure au programme de chacun; [...] il est extrêmement
rare que les économistes, qu'ils soient de droite, de gauche ou
du centre, s'entendent sur une question, mais la productivité semble
faire l'unanimité [...] une hausse de la productivité, sa
relance, est une condition préalable à toute amélioration
du niveau de vie ».
Bien des aspects déterminants de la productivité nous
restent inconnus, comme nous le verrons plus loin. Les façons de
la mesurer et d'autres aspects suscitent beaucoup de confusion. Mais il
ne faudrait pas, pour reprendre l'expression de Thomas d'Aquino, du Conseil
canadien des chefs d'entreprise (CCCE), « s'enliser dans les détails
». Il faudrait au contraire se fixer comme objectif de relever le
niveau de vie des Canadiens, « Quelle que soit la façon dont
on la mesure, il faut accroître la productivité pour atteindre
cet objectif ».
Fred Bienfeld
OÙ EN SOMMES-NOUS?
Le niveau de vie des Canadiens
Beaucoup de Canadiens ont le sentiment très net que leur situation
ne s'est pas améliorée depuis 10 ans. Selon Mike McCracken,
d'Informetrica Inc., le revenu disponible réel des ménages1
a baissé d'environ 6 p. 100 depuis 1981. D'autres témoins
ont évoqué des statistiques semblables qui pointent vers
des résultats analogues.
Le graphique 1 donne un aperçu historique du niveau de vie des
Canadiens. En prenant 1971 comme année de base, il montre l'indice
du PIB réel par habitant et du revenu disponible réel par
habitant. On y constate que la croissance du revenu disponible éclipsait
celle du PIB pendant les années 1970 et 1980. Depuis le début
de la présente décennie, par contre, le revenu disponible
est en baisse alors que le PIB reprend son élan. Cette baisse prolongée
du revenu disponible montre clairement les difficultés financières
éprouvées par les familles canadiennes au cours des années
1990; leur pouvoir d'achat ayant diminué par rapport à ce
qu'il était 10 ans plus tôt.
Comparaisons entre le Canada et les États-Unis
Dans la plupart des pays, le niveau de vie est calculé comme
un coefficient du PIB par habitant. Sans être parfaite, c'est une
mesure qui, en plus d'être facile à calculer, fait intervenir
peu de jugements de valeur. Elle détermine les ressources disponibles
pour la consommation et les investissements courants, c'est-à-dire
la capacité d'une économie de fournir aux citoyens les produits
et services désirés.
Performance et potentiel de 1998, Le Conference Board
du Canada
L'économie américaine a réussi, depuis deux décennies
et demie, à assurer à ses citoyens un niveau de vie supérieur
à celui des Canadiens. Le graphique 2 compare le PIB par habitant
du Canada et des États-Unis. En prenant 1971 comme année
de base2,
le PIB par habitant du Canada exprimé en dollars américains
constants ne s'était accru, en 1997, que de 13,7 p. 100. (Le PIB
du Canada est converti en dollars américains en se fondant sur les
taux de change indiqués sous forme de barres dans le graphique.)
En 1990, le PIB par habitant c'est accru de 30 p. 100. Cependant, à
cause de la récession et du déclin relatif de la valeur de
notre dollar, cette mesure du niveau de vie a connu une chute significative
par rapport à celle des États-Unis qui s'est accrue de 54
p. 100 depuis 1971.
Notre incapacité d'égaler le taux de croissance des Américains
au chapitre du niveau de vie de 1990 à 1997 s'explique à
parts à peu près égales par une productivité
relativement plus faible, une réduction relativement moindre du
taux de chômage et un taux de participation relativement plus faible
à la population active.
Dale Orr
Alors que les médias font constamment de telles comparaisons,
ces tendances sont lourdement tributaires des très fortes chutes
du taux de change et ne sont pas de bons indicateurs des fluctuations du
niveau de vie. Celles-ci s'atténuent lorsqu'on substitue la parité
de pouvoir d'achat (PPA) aux taux de change. On constate d'abord que la
croissance du PIB par habitant au Canada suit de plus près celle
des États-Unis, puisque l'écart entre les deux pays s'est
en réalité rétréci depuis 10 ans. La différence
est frappante par rapport aux conclusions tirées des mesures du
PIB fondées sur les taux de change, qui, dans ce cas, montrent un
écart marqué.
18 La parité de pouvoir d'achat est une technique qui permet
de comparer les données de plusieurs pays. En comparant le prix
d'achat d'un panier normalisé de produits et services dans divers
pays, elle tient compte du fait que beaucoup de biens et services sont
produits et consommés sur place. Si le taux de change est important
pour les Canadiens qui veulent voyager aux États-Unis ou en importer
des marchandises, ce n'est pas le cas de tout le monde. Les Canadiens consomment
plutôt des biens et services semblables à ceux des Américains
qu'ils trouvent au Canada.
En 1997, selon la formule de la parité de pouvoir d'achat, un
dollar canadien valait environ 77,7 cents américains. Autrement
dit, lorsqu'un Américain achetait aux États-Unis un panier
de biens et services qui lui coûtait 100 $ américains, un
Canadien devait débourser 129 $CAN pour acheter la même chose
au Canada. Selon le Conference Board du Canada, le dollar canadien vaut
aujourd'hui 87 cents américain, en se fondant sur la formule de
la parité de pouvoir d'achat, de sorte qu'il ne coûterait
que 115 $CAN pour acheter ce qui coûte 100 $ US à un Américain
aux États-Unis.
Lorsqu'on utilise la parité de pouvoir d'achat pour comparer
les niveaux de vie de divers pays, celui des Canadiens avait augmenté
de 46,4 p. 100 de 1971 à 1997, contre 54 p. 100 aux États-Unis.
Le niveau de vie des Canadiens se serait donc accru plus vite que celui
des Américains au cours de la présente décennie, ce
qui va à l'encontre des idées reçues.
En plus de modifier sensiblement les tendances du niveau de vie dans
le temps, la notion de parité de pouvoir d'achat influe aussi sur
son niveau relatif. Tout porte à croire que, si l'on se sert des
taux de change, les Japonais avaient un niveau de vie sensiblement supérieur
à celui des Américains en 1997. Toutefois, lorsqu'on se fonde
sur la parité de pouvoir d'achat, leur niveau de vie était
légèrement inférieur à celui des Américains.
Ce résultat n'est guère étonnant lorsqu'on pense au
coût de la vie au Japon.
D'autre part, la valeur externe du dollar laisse croire que le niveau
de vie au Canada est inférieur à ce qu'il n'est en réalité.
Le recours à la parité de pouvoir d'achat, par opposition
au taux de change, fait disparaître plus de la moitié de l'écart
de niveau de vie entre le Canada et les États-Unis. (Voir le graphique
3) En fait, le niveau de vie des Canadiens s'améliore également
par rapport à celui des autres pays du G-7.
Il est important de bien comprendre ce que révèlent ces
graphiques. Le graphique 2 porte sur les tendances de 1971. Même
si la croissance du PIB par habitant au Canada n'a guère été
inférieure à celle des États-Unis depuis 1971, ce
graphique camoufle l'énorme écart qui existait à l'époque
et que l'économie canadienne n'a pas réussi à combler.
Selon le Conference Board du Canada, le PIB par habitant du Canada, calculé
en se fondant sur la parité de pouvoir d'achat, reste à 80
p. 100 de celui des États-Unis. Rien n'indique, d'après l'organisme,
que la situation soit sur le point de changer.
Industrie Canada a aussi communiqué au Comité des estimations
de l'écart, exprimé en dollars canadiens, entre le niveau
de vie des Canadiens et des Américains. Selon la façon de
le mesurer, cet écart annuel se situerait entre 7 500 $ et 8 750
$ en 1998.
Il est important de faire une distinction entre notre niveau de vie
et l'évolution du niveau de vie. Depuis 25 ou 30 ans, la hausse
de notre niveau de vie a été un peu plus lente qu'aux États-Unis.
Nous perdons donc un peu de terrain sur nos voisins du sud, alors que notre
niveau de vie réel est sensiblement inférieur au leur. Industrie
Canada estime que cet écart se situe entre 7 500 $ et 8 750 $ canadiens,
par habitant. L'écart, qui ne date pas d'hier, ne peut être
comblé que si notre taux de croissance dépasse celui des
États-Unis pendant une période prolongée.
Productivité
Dans son rapport de l'an dernier sur ses consultations prébudgétaires
intitulé Affronter l'avenir : Les défis et les choix d'une
ère nouvelle, le Comité permanent des finances de la
Chambre des communes incitait le gouvernement fédéral à
lancer un Pacte de productivité, convaincu que la croissance de
la productivité était en perte de vitesse au Canada. Il donnait
à titre de preuve que non seulement le rythme d'accroissement de
la productivité avait sensiblement régressé dans les
années 1990 par rapport aux décennies antérieures,
mais aussi que le Canada accusait depuis dix ans un recul par rapport aux
États-Unis, surtout dans le secteur manufacturier.
À cet égard, la question de la mesure est importante,
mais il faut se rappeler que la mesure est rétrospective, et non
prospective, ce qui pose un problème qui n'est pas négligeable.
Rick Harris
De 1990 à 1999, la hausse de productivité des travailleurs
canadiens du secteur manufacturier n'a dépassé celle des
États-Unis qu'à trois reprises, selon les données
communiquées par le Conference Board du Canada. Au cours des sept
autres années, la croissance de la productivité a été
plus forte aux États-Unis qu'au Canada, et de loin dans plusieurs
cas. L'incidence cumulative révèle même un rythme de
croissance du secteur manufacturier de 40 p. 100 supérieur aux États-Unis
qu'au Canada, ce qui équivaut à un taux de croissance annuel
composé de 3,1 p. 100 aux États-Unis contre 2,2 p. 100 au
Canada.
Si l'on considère, au-delà du secteur manufacturier, l'ensemble
de l'économie, les chiffres portent à croire que la productivité
du travail s'est accrue au Canada à un rythme qui ne diffère
guère de celui des États-Unis. Toutefois, le taux de croissance
de la dernière décennie est sensiblement inférieur
à celui des années 60.
Notre niveau de vie : le rôle de la productivité
Pour parler simplement, notre niveau de vie est déterminé
par le volume d'intrants qu'absorbe le processus de production et l'efficacité
avec laquelle ces intrants sont utilisés. La productivité
est la mesure de cette efficacité. En situation de faible productivité,
il faut plus d'intrants pour maintenir notre niveau de vie. Il faut être
plus nombreux à travailler ou travailler plus longtemps. Par contre,
si la productivité est élevée, nous pouvons maintenir
notre niveau de vie tout en se permettant plus de loisirs.
En moyenne, les Canadiens ne sont pas aussi à l'aise que les
Américains; c'est un fait bien connu. Mais l'étendue de l'écart,
et sa persistance, l'est beaucoup moins. Selon Industrie Canada, cet écart,
mesuré en s'appuyant sur le PIB par habitant, était d'environ
25 p. 100 en 1998, soit à peu près le même qu'en 1961.
Il varie bien sûr d'année en année. Une détérioration
notable du niveau de vie des Canadiens s'est produite dans les années
1980, et surtout depuis dix ans, par rapport à celui des Américains.
Le niveau de vie comporte trois éléments de base. Sur
le plan mathématique, c'est le produit du taux de productivité
multiplié par le taux d'emploi, lui-même multiplié
par le taux d'activité. La productivité est le ratio du PIB
par rapport au nombre d'employés ajusté de manière
à tenir compte des fluctuations du nombre moyen d'heures de travail3.
Le taux d'emploi est la proportion de la population active qui détient
effectivement un emploi; l'inverse donc du taux de chômage4.
Par contre, le taux d'activité mesure simplement la proportion de
la population qui fait partie des actifs.
Le ralentissement global, que nous connaissons depuis 25 ans, au chapitre
du niveau de vie est attribuable, pour une grande part, au ralentissement
de la hausse de productivité.
Andrew Sharpe
La productivité n'est pas une notion facile à comprendre.
Rick Harris l'a bien située en expliquant ce que la productivité
n'est pas : « La productivité n'est pas assimilable à
la consommation. La productivité n'est assimilable ni aux revenus,
ni aux salaires, ni aux profits, ni à l'emploi. Il s'agit d'une
mesure de l'efficience avec laquelle nous produisons ce que nous produisons,
de l'efficience avec laquelle l'économie utilise ses ressources
pour produire des biens et services ».
Thomas d'Aquino du Conseil canadien des chefs d'entreprises l'a dit
de façon encore plus succincte en décrivant la productivité
comme étant « ... la valeur des biens et des services produits
en fonction du temps, de l'argent et des ressources consacrées à
leur production. Le rendement du Canada en terme de productivité
détermine combien un Canadien gagne par journée de travail
». Selon Jim Stanford, la productivité « ...implique
que l'on possède plus, et non moins ».
Bien que cela puisse paraître simple, le Comité a pu constater
que le concept de productivité n'est pas bien compris. Peter Smith,
de l'Association des industries aérospatiales du Canada, l'a exprimé
clairement en disant que bien des Canadiens ne comprennent pas «
[...] le lien immédiat qui s'établit entre productivité
et niveau de vie. Sans cette compréhension de base, beaucoup de
Canadiens sont incapables de reconnaître les défis que la
productivité pose au Canada aujourd'hui. On constate donc une inertie
troublante qui, si elle n'est pas corrigée, ne cessera de miner
le niveau de vie des Canadiens ».
Cependant, la productivité n'est pas la fin des fins de la vie
économique. Essentiellement, l'objectif consiste à améliorer
la qualité de vie des Canadiens, ce qui est une notion beaucoup
plus large que, disons, le PIB par travailleur ou le PIB par habitant.
Andrew Sharpe
Même si la productivité est manifestement un facteur du
niveau de vie, ce sont deux choses différentes. En réalité,
ce n'est qu'un des éléments qui détermine le niveau
de vie. Cette confusion ressortait clairement de certains témoignages
entendus. Certains témoins faisaient une nette distinction, par
exemple, entre les gains de productivité des industries ou des entreprises
où l'emploi était en hausse, par rapport à celles
où le nombre d'emplois régressait, en faisant valoir que
les gains de productivité dans des industries stables ou en régression
n'ajoutaient rien à la productivité de l'économie.
C'est tout à fait faux. La productivité mesure l'efficacité
du processus de production. Cela se mesure en tenant compte des ressources
effectivement utilisées, à l'exclusion de celles qu'on écarte.
Par conséquent dans une industrie où le nombre d'emplois
régresse, les gains de productivité augmentent la productivité
globale de l'économie tout autant que ceux constatés dans
les industries en plein essor. Il pourrait cependant ne pas contribuer
directement à améliorer globalement notre niveau de vie mesuré
en se fondant sur le PIB par habitant.
Tout en étant un facteur important de notre niveau de vie, la
productivité ne doit pas être considérée comme
un but en soi. Autrement dit, il ne faudrait pas chercher à la hausser
comme si c'était une fin en soi. Prenons l'exemple donné
par Fred McMahon pour illustrer notre propos. Lorsque des assistés
sociaux trouvent de l'emploi, il y a toutes les chances pour que ce soit
des emplois mal rémunérés, peu spécialisés
et peu productifs. Cela se traduira donc par une baisse, pour l'ensemble
de l'économie, du niveau moyen de productivité, mais le niveau
de vie augmentera. Si l'objectif est d'accroître la productivité,
plutôt que d'améliorer le niveau de vie des Canadiens, un
tel résultat serait perçu comme négatif. Le bon sens
indique cependant que le contraire est en réalité vrai.
McMahon a aussi laissé entendre qu'un tel exemple pourrait expliquer
une partie de l'écart apparent entre l'augmentation de la productivité
aux États-Unis par rapport aux pays européens. Alors que
les États-Unis créaient des emplois qui exigent une gamme
étendue de niveaux de compétence, les pays européens
n'en créaient pas et les ouvriers peu qualifiés étaient
tenus à l'écart du marché du travail. Cela fait bien
paraître la productivité européenne, mais n'augmente
en rien le niveau de vie des Européens.
18 Selon le Centre d'étude du niveau de vie, si l'on s'intéresse
à l'impact sur le niveau de vie, la mesure pertinente est celle
de la productivité du travail. Cette mesure nous indique «
...combien chaque travailleur produit et par conséquent le montant
de revenu réel à répartir parmi la population »5.
Repris par Andrew Sharpe devant le Comité, cet argument n'a toutefois
pas fait l'unanimité. Pour le professeur Rick Harris, la hausse
globale de la productivité est plus importante sur le plan des gains
dynamiques qu'en tire l'économie. Selon lui, les investissements
ont une incidence sur l'ensemble de la productivité des facteurs,
et pas juste sur la productivité du travail. Stewart Wells, de Statistique
Canada, partageait cet avis, mais le professseur Diewert se rangeait plutôt
de l'avis de Sharpe.
Incidences à court et à long terme
Selon une étude de Dale Orr et Bob Dungan6,
la piètre performance du marché du travail explique presque
totalement l'évolution négative récente du niveau
de vie des Canadiens. De 1990 à 1997, la productivité du
travail s'est accrue de près de un pour cent par an. C'est la baisse
du taux d'activité et du taux d'emploi qui a limité les hausses
du niveau de vie à environ 0,5 p. 100 par an, alors qu'au cours
des années 1980 le niveau de vie augmentait d'environ 1,7 p. 100
par an sous l'effet d'une hausse de productivité de plus d'un pour
cent par an et d'une hausse du taux d'activité supérieure
à 0,5 p. 100 par an.
Dale Orr
Par rapport à la décennie précédente, l'augmentation
de la productivité n'a que légèrement fléchi
dans les années 1990. L'amélioration du niveau de vie est
cependant beaucoup moindre et cette baisse est attribuable en grande partie
à la réduction du taux d'activité.
La productivité est mesurée en se fondant sur le PIB par
travailleur. Le dénominateur ne fait que mesurer les intrants du
processus de production. Au cours d'un cycle économique, les intrants
ne varient pas nécessairement en fonction de la production; c'est
particulièrement le cas de l'emploi. Par conséquent, la productivité
du travail peut varier au cours d'un cycle économique, même
si le processus de production n'a subi aucun changement fondamental. La
productivité chute fortement lorsque l'économie entre en
récession et augmente lorsqu'une reprise s'amorce.
À court terme, la productivité du travail est résiduelle.
La production augmente d'un certain volume, et les facteurs du travail
ne s'ajustent que lentement à l'augmentation de la production, de
sorte que la productivité du travail peut monter ou baisser. À
long terme, toutefois, les entreprises sont susceptibles d'avoir une idée
de la fluctuation de la productivité du travail. Leurs décisions
d'embauche seront alors fondées sur les prévisions de la
demande et leurs estimations de la hausse de productivité. Les décisions
d'embauche et de mise à pied en découleront.
Rick Harris
À plus long terme, les tendances de la productivité du
travail sont toutefois influencées par des événements
qui vont bien au-delà du cycle économique. L'importance de
la notion de la productivité du travail vient de son incidence possible
sur la production économique, même en situation de pleine
utilisation de la capacité, c'est-à-dire lorsque le taux
de chômage touche le fond, que le taux d'activité est aussi
élevé qu'on puisse espérer, et que les stocks de capital
sont utilisés au maximum. Faut-il en conclure qu'une fois que le
cycle économique atteint son apogée il n'y a plus rien à
faire pour rehausser la production ou le taux de croissance économique?
Pas du tout.
C'est à ce stade que l'innovation et le progrès technologique
laissent entrevoir une croissance économique et des niveaux de vie
supérieurs à ce que permet le plein emploi. Malgré
son importance à court terme, la recherche du plein emploi plafonne
le niveau de vie que l'économie peut assurer. Le seul moyen d'aller
au-delà est de chercher à accroître la productivité.
Le débat public s'enlise malheureusement dans les limites du
cycle économique. Les médias comprennent la notion de chômage,
et en publient les statistiques chaque mois. Ils sont moins à l'aise
avec la notion de productivité, beaucoup plus difficile à
saisir et sur laquelle moins de statistiques paraissent périodiquement.
Alors qu'Andrew Sharpe et Dale Orr concentraient leur attention sur
la piètre performance du marché du travail canadien au cours
des années 1990 comme facteur expliquant la stagnation de notre
niveau de vie, Rick Harris avait une vision de long terme : « Par
définition, les fluctuations de la productivité sont des
fluctuations à long terme. C'est dans la nature du problème.
Songeons au perfectionnement des ressources humaines. Les pédopsychologues
et d'autres ont produit des études convaincantes qui montrent que
le développement du tout jeune enfant revêt une extrême
importance du point de vue de la formation ultérieure du capital
humain. Lorsqu'il s'agit du perfectionnement de ce genre de ressources,
il faut pratiquement un horizon de 30 ou 40 ans ».
C'est exactement ce que faisait valoir Fraser Mustard, qui a parlé
de la « réelle fuite des cerveaux », à savoir
les problèmes d'alphabétisme, de vocabulaire actif, et d'apprentissage
des très jeunes enfants. Les interventions sociales, au moment où
les cerveaux des enfants sont encore malléables, peuvent produire
d'énormes rendements économiques et sociaux en rehaussant
le capital humain que les jeunes Canadiens peuvent acquérir. Cela
augmenterait leurs chances de s'intégrer à la population
active et d'accroître leur productivité une fois qu'ils en
font partie. Ces deux répercussions pourraient contribuer à
améliorer le niveau de vie, mais beaucoup plus tard.
De tous les témoins, Maureen Farrow est celle qui a le plus insisté
pour faire une distinction entre le court et le long terme. Selon elle,
la productivité se situe à long terme et ne saurait donc
faire l'objet de solutions miracles. Comme elle l'a affirmé devant
le Comité, « Je pense qu'il est très important pour
votre Comité de faire une distinction entre le débat sur
la productivité, le débat sur le chômage élevé
et le débat sur les impôts. Ils sont liés, mais l'un
d'entre eux est tout à fait à court terme, et la productivité
est, en réalité, une préoccupation à long terme
[...] »
Elle est revenue à la charge pour renforcer son argumentation
en affirmant que « [...] la productivité à long terme
nous aidera infiniment à préserver notre qualité de
vie et à jouir du plein emploi et de tous les avantages qui en découlent
».
Dans une optique à plus long terme, la productivité du
travail est clairement le principal facteur qui détermine notre
niveau de vie. En 1998, 83 p. 100 de l'écart de revenu entre le
Canada et les États-Unis lui était attribuable selon Industrie
Canada, ce qui est faible par rapport au passé. Au cours de la dernière
décennie, selon ce même ministère, la faible productivité
du travail était à l'origine de 96 p. 100 de l'écart
de revenu entre Canadiens et Américains.
Niveaux de productivité par opposition à hausse de productivité
La distinction entre la productivité à court et à
long termes peut s'assimiler à la distinction entre les niveaux
de productivité et le taux de croissance de la productivité.
Lorsqu'il est question de la pleine utilisation de la capacité,
tant en capital qu'en main-d'oeuvre, le but est de s'assurer que le niveau
de productivité est le plus haut possible, compte tenu de notre
stock de capital et de la technologie actuelle. Mais que se passe-t-il
lorsque la capacité est pleinement utilisée et que la productivité
plafonne?
Je crois que la hausse de productivité, correctement mesurée
et correctement ciblée, implique l'amélioration du niveau
de vie et de la croissance, ce qui implique que l'on possède plus,
et non moins.
Jim Stanford
La réponse se trouve du côté de la hausse de productivité,
qui est l'aptitude de notre économie d'accroître à
terme le niveau mesuré de productivité même en situation
de pleine utilisation de la capacité. Les inquiétudes à
court terme peuvent ainsi être perçues comme des défis
qui poussent à utiliser à fond et de façon efficace
les ressources. Ces inquiétudes portent sur le niveau de productivité.
Les inquiétudes à plus long terme peuvent s'assimiler
au défi à relever, qui est de hausser les niveaux de productivité,
et peut-être même d'en accélérer constamment
la hausse. Beaucoup plus une question de dynamique, cet enjeu n'est pas
tant fonction de la technologie actuelle que de l'innovation technologique.
Il est l'aboutissement des inventions et de l'innovation en sciences, en
affaires, en éducation, et en techniques de gestion.
Productivité, relations ouvrières et chômage
L'impact sur le niveau de chômage est l'une des plus grandes inquiétudes
que suscitent l'innovation technologique et l'accroissement de la productivité.
Nombreux sont ceux pour qui le recours croissant aux technologies signifie
une réduction de la main-d'oeuvre et une menace pour l'emploi et
le niveau de vie des ménages canadiens.
Malgré la forte évolution de la technologie dans les économies
modernes au cours des dernières décennies, la proportion
de la population adulte qui travaille dans les économies de marché
s'est accrue. Il n'est donc pas du tout évident que les nouvelles
technologies menacent de quelque façon les possibilités d'emploi.
Au contraire, elles sont susceptibles de changer la nature du travail et
les qualifications requises des travailleurs. L'évolution de la
nature du travail peut, tout en reléguant les travailleurs peu qualifiés
à des emplois mal rémunérés, accroître
les possibilités de travail et la satisfaction professionnelle des
travailleurs. Garnett Picot, de Statistique Canada, nous en a apporté
la preuve en informant le Comité qu'environ 60 p. 100 des emplois
créés dans les années 1990 étaient des postes
professionnels ou de gestion, alors que le nombre de cols bleus n'a pratiquement
pas augmenté.
Le recours croissant à la technologie a plutôt une incidence
positive sur l'emploi dans le secteur des services. Les appareils comme
les guichets automatiques, les ordinateurs, les lecteurs optiques, et autres
dispositifs du genre, permettant de réduire la main-d'oeuvre, peuvent
contribuer directement à déplacer les travailleurs, mais
elles augmentent aussi la demande de services en haussant les revenus.
Cela vient de ce que la demande de services est proportionnellement plus
forte que la hausse des revenus. Il y a donc, selon l'OCDE, un rapport
positif entre l'emploi et les investissements dans la technologie de l'information7.
Le professeur Richard Lipsey parle de la nécessité d'apporter
des changements à la façon dont la production est organisée.
Selon lui, « les descriptions d'emploi rigides deviennent désuètes
dans plus en plus d'industries. Comme c'est le cas pour beaucoup de changements
qu'il faut apporter à la structure d'encadrement à la suite
des changements technologiques, les modifications requises de l'organisation
du travail donnent de nouveau lieu à de nombreux conflits »8.
Le génie et les sciences physiques sont vitales au progrès
technologique, mais il en va de même des sciences de la gestion,
y compris de la gestion des ressources humaines.
Des témoins des Réseaux canadiens de recherche en politiques
publiques et du Centre canadien du marché du travail et de la productivité
ont insisté devant le Comité sur l'importance de la gestion
des ressources humaines. Les entreprises canadiennes ne semblent pas conscientes
de la valeur des innovations dans le domaine des relations patronales-syndicales.
Environ 70 p. 100 d'entre elles gèrent encore leurs ressources humaines
de manière traditionnelle. Selon Shirley Seward du CCMTP, nous aurions
tort de ne penser aux relations patronales-syndicales qu'en terme de jours
de grève. Pour elle, « [...] l'interaction quotidienne entre
le patronat et les syndicats sur les lieux de travail et tout ce qu'ils
font en collaboration » se répercutent sur la productivité
du travail.
Nous pensons donc que ces relations entre le patronat et les syndicats
sont cruciales pour améliorer la productivité, et c'est un
facteur qui est presque toujours passé sous silence. On parle du
besoin de formation, du besoin d'investissement et du besoin d'une bonne
technologie, mais combien de fois entendons-nous les gens parler du besoin
de meilleures relations patronales-syndicales sur le lieu de travail pour
stimuler la productivité? On n'en entend parler que lorsqu'il y
a des grèves.
Shirley Seward
Le professeur Lipsey ajoute que la mondialisation du marché place
la main-d'oeuvre en situation de forte concurrence. Le capital humain prime
maintenant. Il est donc important que chacun acquière les compétences
requises pour former ce capital humain.
L'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis existe-t-il ?
En janvier 1999, le Centre d'étude du niveau de vie a publié
un court rapport sur l'écart de productivité entre les industries
manufacturières canadiennes et américaines dans lequel il
examine les tendances dans les deux pays. Il conclut que non seulement
l'écart n'a pas été comblé, mais qu'il s'est
considérablement élargi. Depuis 1981, la productivité
manufacturière aux États-Unis s'est accrue de 3,2 p. 100
par rapport à 1,9 p. 100 au Canada. La piètre performance
canadienne s'est fortement détériorée dans les années
90, de sorte qu'en 1996, notre niveau de productivité n'était
plus qu'à
72 p. 100 de celui des manufactures américaines.
Andrew Sharpe
Cette tendance s'est manifestée dès le début des
années 80. La conclusion est basée sur des mesures de productivité
de la main-d'oeuvre, mais si la productivité globale des facteurs
était mesurée, les résultats seraient essentiellement
les mêmes. Il est également préoccupant de savoir que
la croissance manufacturière est supérieure à celle
de l'économie dans son ensemble. Durant la période de 1981
à 1996, la productivité du Canada était nettement
inférieure à celle d'autres pays du G-7, ne représentant
que 60 p. 100 de la moyenne du G-7.
Étonnés par ce résultat, les auteurs du rapport
ont proposé quelques explications. D'abord, la croissance de la
productivité américaine était presque entièrement
attribuable aux innovations dans le secteur de la haute technologie, secteur
qui représente une part beaucoup plus large de l'économie
aux États-Unis qu'au Canada. En excluant ce secteur, la performance
canadienne serait supérieure à la croissance de la productivité
américaine.
Une autre explication de la différence est la performance relativement
faible de l'économie canadienne. La croissance de la production
stimule la productivité en permettant aux entreprises de mieux exploiter
leur capacité, ce qui donne des économies d'échelle
grâce à de longs cycles de production. Une sous-utilisation
de la capacité n'incite pas à la recherche de gains de productivité.
Il a en outre été avancé que les entreprises canadiennes
n'adoptent pas les innovations aussi rapidement que les américaines.
Le graphique 4 compare le taux d'utilisation des technologies par les manufactures
américaines et canadiennes, selon la taille, de 1989 à 1993.
On y voit que le taux d'utilisation des technologies par les entreprises
canadiennes a augmenté au cours de ces quatre années. Les
grandes entreprises canadiennes investissent dans les nouvelles technologies
à peu près au même rythme que les américaines.
En 1989, ce sont les petites entreprises qui retardaient, mais elles ont
fait des progrès importants depuis, de sorte que la moyenne canadienne
s'est accrue.
[...] en m'appuyant encore une fois sur des travaux de recherche effectués
par d'autres, les petites entreprises américaines sont beaucoup
plus dynamiques et deviennent plus rapidement, en prenant de l'expansion,
des entreprises de taille moyenne.
Daniel Schwanen
Nous avons tendance à croire que la recherche et le développement
sont l'affaire des grandes entreprises, des instituts de recherche, des
laboratoires du gouvernement ou des universités. Mais les petites
entreprises elles aussi doivent innover pour améliorer leurs produits,
leurs méthodes de fabrication et leurs services. De l'avis de l'Association
des collèges communautaires du Canada, notre approche « rate
la cible pour ce qui est des besoins des PME canadiennes en matière
d'innovation ».
Pour Pierre Killeen, les collèges communautaires sont des institutions
uniques, destinées à stimuler le développement économique
des collectivités locales, notamment la communauté des petites
entreprises. Ces collèges, qui sont eux-mêmes des entrepreneurs
puisqu'ils se font payer leurs services, apportent une aide précieuse
aux PME.
Le rapport du Centre estime que le capital humain au Canada vaut le
capital humain aux États-Unis. D'après les indicateurs des
inscriptions dans les établissements postsecondaires, du niveau
d'alphabétisation des adultes, ou des sommes consacrées à
la formation de la main-d'oeuvre, le Canada se compare favorablement aux
États-Unis.
Récemment, le Centre a publié une autre étude,
intitulée New Estimates of Manufacturing Productivity Growth
for Canada and the United States . À partir de données
légèrement différentes, l'étude arrive à
la conclusion que les derniers taux de croissance de la productivité
sont à peu près identiques dans les deux pays. Ce n'est que
dans le secteur manufacturier que la différence est importante.
Tel qu'indiqué dans le rapport précédent, cette
étude constate qu'aux États-Unis la croissance de la productivité
manufacturière se limite presque exclusivement à deux secteurs,
le secteur machinerie industrielle et le secteur matériel électrique
et électronique, - qu'on appelle couramment le secteur de la haute
technologie. D'après des données fournies par Statistique
Canada, les percées dans ce secteur aux États-Unis sont plutôt
impressionnantes. De 1990 à 1995, la productivité multi-facteurs
de ce secteur a augmenté de plus de 8 p. 100 par année, alors
qu'elle n'était que de 1,5 p. 100 au Canada. Dans le secteur des
machines commerciales et industrielles, la croissance de la productivité
américaine était presque le double de celle du Canada, soit
presque 4 p. 100 par rapport à un peu plus de 2 p. 100.
De fait, la croissance de la productivité globale des facteurs
au Canada était supérieure à celle des États-Unis,
contrairement aux constatations de l'étude précédente.
Le Centre conclut donc qu'il pourrait être prématuré
de chercher à expliquer la différence entre les taux de croissance
de la productivité au Canada et aux États-Unis, alors qu'il
pourrait ne pas y avoir de différence.
Mais le fait que la forte productivité du secteur manufacturier
américain se concentre dans la haute technologie n'est pas une raison
pour se croiser les bras. Si cette concentration est due à une erreur
de données ou de mesure, cela est une chose. Mais si cela signifie
que les secteurs porteurs tendent à se concentrer aux États-Unis
plutôt qu'au Canada, il y a tout lieu de s'inquiéter.
Il semble aujourd'hui que la performance de la productivité canadienne
n'ait pas été aussi morose qu'on ait pu le croire. De récentes
révisions au système de comptabilité nationale indiquent
que la croissance de la productivité des années 70, 80 et
90, en général, a été relativement stable,
bien qu'elle soit substantiellement inférieure à ce qu'elle
était avant 1973. En outre, il est maintenant reconnu que les statistiques
de l'OCDE faussent la croissance de la productivité canadienne du
fait qu'elles utilisent le facteur du chômage plutôt que les
heures travaillées. Cela fausse complètement les tendances
de la productivité puisqu'il n'est pas tenu compte de l'incidence
grandissante des emplois à temps partiel.
Néanmoins, si l'écart entre les taux de productivité
de nos deux pays n'est pas aussi large qu'on l'avait cru, les statistiques
révisées indiquent une forte accélération de
la croissance de la productivité américaine vers le milieu
de la décennie.
Fred Bienfeld
Bien que la croissance de la productivité au Canada n'ait pas
été très différente de celle des États-Unis
depuis deux décennies, il existe néanmoins un fossé
entre les niveaux de productivité des deux pays. Selon Andrew Sharpe,
cet écart est de quelque 20 p. 100 du PIB et est demeuré
inchangé depuis 1973. C'est une conclusion que partagent plusieurs
des témoins entendus par le Comité.
Distorsion statistique
Il y a plusieurs explications au fait que les mesures officielles de
la productivité, et de sa croissance, peuvent être trompeuses
et au fait que les comparaisons internationales peuvent donner une image
fausse. D'abord, les statistiques canadiennes ne prennent en compte que
le secteur commercial, laissant de côté le secteur public,
de même que la santé et l'éducation. Dans d'autres
pays, dont les États-Unis, l'éducation et la santé
sont plutôt assurées par le secteur privé, de sorte
qu'elles sont comprises dans la mesure de la productivité. Il n'est
toutefois pas clair de quelle façon cela fausse l'apparent écart
de productivité entre nos deux pays.
Il est néanmoins clair que les statistiques n'ont pas suivi l'évolution
de l'économie. Comme l'a dit le professeur Diewert, « l'appareil
statistique demeure empêtré dans la structure mise sur pied
dans les années 40 et 50, et tout cela n'a pas bougé de façon
à mieux couvrir les services ». Certains de ces points sont
examinés plus loin dans le rapport.
Cette distorsion peut être due à plusieurs facteurs. Comme
John Baldwin de Statistique Canada l'a signalé, les estimations
de productivité sont en quelque sorte au haut de la pyramide, de
sorte qu'on y trouvera toutes les erreurs des parties composantes. Également,
ces estimations sont très sensibles à la façon dont
les statistiques nominales sont ajustées pour calculer la production
réelle.
John Baldwin
QU'EST-CE QUI EXPLIQUE LES RÉCENTES TENDANCES DE LA PRODUCTIVITÉ ?
Comme il a été dit, depuis trente ans, on assiste à
une baisse nette de la productivité de la main-d'oeuvre au Canada,
aux États-Unis et dans d'autres pays industrialisés. Plusieurs
facteurs expliquent ce fléchissement, comme la baisse du taux d'accumulation
de capital, l'importance grandissante des services, le peu de progrès
technologique dans certaines industries et la réglementation accrue
des pays industrialisés9.
L'accumulation du capital
Le taux de croissance des investissements commerciaux non résidentiels
a diminué depuis des années. Dans les années 70, il
augmentait de plus de 8 p. 100 par année, pour tomber à 3,2
p. 100 dans les années 80 et à un peu plus de 1 p. 100 dans
la première moitié des années 90. Cette baisse suivait
la tendance de la croissance. Lorsque l'économie marchait bien,
les taux d'investissement étaient élevés. Maintenant
que les taux de croissance ont fléchi, le taux d'investissement
fait de même.
L'OCDE publie les statistiques de comptabilité nationale pour
ses pays membres. D'après celles-ci, l'investissement net l'investissement
brut moins les amortissements a connu une baisse significative. Dans les
années 70, le taux dépassait les 10 p. 100 du PIB, pour atteindre
14,7 p. 100 en 1974. Dans les années 90, le taux s'est maintenu
au niveau des 5 à 6 p. 100 du PIB.
Cette tendance se voit dans le graphique 5. Mais ce n'est qu'une partie
du tout. Jim Stanford a présenté au Comité des données
sur l'investissement, exprimé comme pourcentage du capital social.
Alors que l'investissement net représentait en moyenne 5 p. 100
du capital social dans les années 60 et 70, il est en déclin
constant depuis une vingtaine d'années. Il ne représente
aujourd'hui que 2 à 3 p. 100 du PIB.
Ce qui implique que le ratio capital/main-d'oeuvre n'a pas augmenté.
C'est ce ratio qui favorise la productivité de la main-d'oeuvre,
car cela signifie de meilleurs outils pour les travailleurs, et le nouveau
capital comprend souvent de nouvelles technologies. Aujourd'hui, le ratio
capital/main-d'oeuvre canadien est à peine supérieur à
celui de 1982, alors qu'aux États-Unis, ce ratio s'est accru d'environ
15 p. 100.
Mike McCracken signale une tendance semblable dans l'investissement
public réel en capital fixe. Alors que cet investissement était
de presque 5 p. 100 du PIB au milieu des années 60, il en représente
aujourd'hui à peu près la moitié.
L'importance grandissante du secteur des services
Aujourd'hui, environ les deux tiers du PIB total et les trois quarts
de la production totale sont dus au secteur des services. Il y a cinquante
ans, c'est à peine la moitié du PIB qui était attribuable
aux services. Comme la croissance de la productivité de ce secteur
est historiquement moins forte que celle du secteur de la transformation,
certains analystes suggèrent que ce changement dans la composition
de la production pourrait être un important facteur expliquant les
tendances à la baisse de la croissance de notre productivité.
Comme il a été dit, la croissance de la productivité
américaine est pour une large part concentrée dans le secteur
de la haute technologie. Cela n'a rien d'étonnant, et n'est pas
particulier aux États-Unis. Un rapport récent de l'OCDE,
comparant la croissance de la productivité de la main-d'oeuvre dans
divers secteurs de l'économie, conclut que c'est dans celui des
industries de haute et moyenne technologie qu'elle a été
la plus rapide, suivi du secteur manufacturier, de l'ensemble des industries
et, en dernier, des services. Pour la période de 1980 à 1995,
l'écart entre les services et la haute technologie était
important dans tous les pays10.
OCDE, Technologie, productivité et création
d'emplois-Politiques exemplaires
D'après une étude de la Banque du Canada, la croissance
de la productivité dans le secteur de la transformation était
presque deux fois plus élevée que dans celui des services
pour la période de 1964 à 199411.
Plus récemment, l'écart entre les deux secteurs s'est rétréci,
mais cela est dû au fléchissement du taux de croissance de
la productivité du secteur de la transformation.
Pourquoi le secteur des services a-t-il une croissance de productivité
aussi faible ? Une raison évidente est le fait que c'est un secteur
de main-d'oeuvre, qui ne peut utiliser des quantités croissantes
d'équipements, nouveaux et meilleurs, comme le fait le secteur de
la transformation. Un coiffeur ne peut faire qu'un certain nombre de coupes
de cheveux par jour, par exemple. Cet argument néglige toutefois
la nature fortement hétérogène du secteur des services
et la variété croissante des services qui sont fournis.
Le secteur des communications est celui qui a connu le taux de croissance
le plus fort de toutes les industries. De 1961 à 1994, la productivité
y a augmenté de presque 6 p. 100 par année, soit le double
de la croissance du secteur de la transformation.
Il faut dire que les télécommunications constituent une
sorte d'anomalie. Étonnamment, le secteur des finances, des assurances
et de l'immobilier enregistre la pire performance des industries de service
pour l'ensemble de l'économie. Bien que les données s'arrêtent
en 1994, elles concernent néanmoins une période où
le secteur a connu des changements profonds, avec un investissement à
grande échelle dans l'informatique et la technologie de l'information.
Le secteur a connu la plus forte accumulation de capital informatique de
tous les secteurs de l'économie. Pourtant, durant la période
de 1981 à 1994, où bon nombre de ces changements se sont
produits, la productivité par personne n'a augmenté que de
un dixième de 1 p. 100 par année.
Un des problèmes de la mesure de la productivité dans
le secteur des services est le fait qu'il est très difficile de
mesurer l'unité produite. Plus important encore est le fait que
les changements qualitatifs ne sont pas faciles à mesurer. Étant
donné ces deux problèmes, les analystes soupçonnent
que les mesures de productivité du secteur des services ne sont
pas exactes et qu'elles sous-estiment vraisemblablement le taux de croissance
réelle. Le secteur financier est un cas intéressant à
observer. Non seulement il a changé ses façons de faire par
l'adoption à grande échelle de l'informatique et du matériel
de télécommunication mais il a profondément modifié
la nature de ses produits. Les Canadiens ont maintenant accès à
leurs fonds et à leur crédit 24h00 par jour, à partir
de presque n'importe où dans le monde. Ils peuvent payer leurs factures
sans bouger de chez eux, soit par téléphone ou par ordinateur.
Ils peuvent jouer à la bourse sur Internet pour une fraction de
ce qu'il leur en coûtait il y a dix ans.
Jim Frank
Il est peu probable que les mesures de productivité aient pu
suivre le rythme de ces changements. L'adoption par les consommateurs des
fonds mutuels au détriment des dépôts bancaires en
est un exemple. De plus en plus, les revenus des banques proviennent des
services qu'ils se font payer plutôt que des marges de taux d'intérêt,
et pourtant, c'est d'après ce dernier élément que
la productivité est mesurée.
Parfois, les statistiques officielles présument simplement qu'il
n'y a aucune croissance de productivité pour tel secteur de services.
Pour bien des services, la production est mesurée d'après
les heures d'intrant, de sorte qu'il ne peut y avoir d'augmentation de
productivité12.
Cela est vrai du Canada tout autant que des États-Unis. Pour des
institutions comme les caisses de crédit, les fonds d'investissement
et la Banque du Canada, la production est mesurée d'après
les coûts de fonctionnement13.
Une autre explication possible des distorsions serait la façon
dont la productivité est mesurée dans le secteur informatique.
Le rapport de la Banque du Canada suggère que la façon dont
les indicateurs de productivité sont conçus au Canada pourrait
gonfler indûment la production du secteur de la fabrication informatique
aux dépens des industries de consommation informatique14.
Cette distorsion pourrait être lourde de conséquences pour
le secteur bancaire étant donné son investissement considérable
dans le matériel informatique. En 1991, dans le secteur du commerce,
des finances et des affaires, les investissements informatiques représentaient
43 p. 100 de l'investissement total dans le matériel et l'équipement.
Ce chiffre était de beaucoup supérieur à celui de
tout autre secteur de l'économie.
Le graphique 6, qui concerne les services, tente d'établir un
lien entre l'investissement dans l'informatique et la technologie de l'information
et la croissance de la productivité globale des facteurs. Trois
variables y sont examinées. La variable « ordinateurs »
concerne la proportion de l'investissement total en 1995 qui était
consacrée aux ordinateurs. La variable « investissement informatique
» concerne le changement relatif dans le parc d'ordinateurs pour
la période de 1992 à 1995. La variable « PGF »
concerne la croissance de la productivité globale des facteurs pour
la même période.
Ce graphique donne une idée très négative du rôle
des ordinateurs dans la croissance de la productivité.
Les statistiques du gouvernement américain sur la production
et la productivité du secteur des services n'échappent pas
aux erreurs de mesure qui sont le lot des statistiques canadiennes. Les
banques américaines ont adopté les nouvelles technologies
au même rythme que le secteur bancaire canadien. Et pourtant, les
statistiques officielles indiquent que la productivité des banques
américaines n'est aujourd'hui qu'à 80 p. 100 de ce qu'elle
était en 1977. Peu d'analystes de l'industrie seraient d'accord
avec cette conclusion.
Les statistiques officielles indiquent que la productivité des
banques américaines n'est aujourd'hui qu'à 80 p. 100 que
ce qu'elle était en 1977.
En outre, les investissements technologiques qui ont été
faits depuis dix ans excluent largement les investissements liés
à Internet. Et pourtant, c'est en rapport avec Internet qu'une large
part des investissements de pointe se fait aujourd'hui, et c'est là
que les grandes innovations devraient survenir dans l'avenir. Ainsi, s'il
est vrai que les gains de productivité liés à la technologie
informatique et de l'information ne se manifestent qu'en différé,
alors on devrait pouvoir s'attendre à des gains de productivité
encore plus importants dans un avenir rapproché.
Ordinateurs, technologie de l'information et productivité, un cas spécial
Un point qui laisse perplexe à propos de l'impact de l'informatisation
accrue de l'économie est l'absence apparente de gains de productivité
appréciables, ou mesurables. Non seulement les entreprises investissent
largement dans l'informatique et la technologie de l'information sans gains
de productivité appréciables mais les secteurs de l'économie
qui sont les plus gros usagers de cette technologie semblent être
ceux qui performent le moins bien. Le Centre d'étude du niveau de
vie15
a examiné cette question, et il reconnaît que le problème
pourrait tenir à la mesure de la production dans le secteur des
services. Mais il ne s'arrête pas à la possibilité
évoquée par la Banque du Canada, à savoir que la productivité
est peut-être mesurée correctement, mais n'est pas attribuée
au bon secteur.
Trois explications sont habituellement avancées pour résoudre
ce paradoxe. D'abord, il est possible que les ordinateurs aient l'effet
attendu, mais que les données statistiques ne parviennent pas à
le mesurer.
La deuxième explication concerne le décalage entre l'introduction
d'une nouvelle technologie et la manifestation de ses effets positifs.
Tous les grands changements technologiques exigent une longue période
au cours de laquelle la nouvelle technologie pénètre dans
l'ensemble de l'économie et les usagers apprennent à s'en
servir efficacement. Cela peut prendre des décennies parfois.
Enfin, certains sceptiques prétendent qu'on aurait largement
surestimé la valeur des ordinateurs et de la technologie de l'information
pour le travail. C'est une technologie qui coûte cher, qui demande
une longue formation et qui risque de perturber le milieu de travail.
Le Centre conclut que le gouvernement devrait se fixer comme priorité
d'élaborer de meilleures mesures de production, notamment pour le
secteur des services. Le Comité est d'accord avec cette conclusion,
ayant entendu nombre de témoins abonder dans ce sens.
Des signes de gains dus à la haute technologie
Aux États-Unis, des économistes reconnaissent désormais
que la haute technologie a effectivement la capacité de stimuler
la productivité. Ils citent le fait que la productivité s'est
accrue depuis quelques années, alors que le cycle économique
est déjà fort avancé. Habituellement, les gros gains
de productivité se produisent dans les débuts du cycle économique,
alors que la production augmente et qu'on ne réembauche pas encore.
D'après des économistes de la Federal Reserve Board américaine,
cela tient au fait que les ordinateurs n'ont pas eu beaucoup d'impact sur
la productivité au début de la décennie, mais qu'ils
contribuent désormais de façon importante à la croissance.
Le président de la Federal Reserve Board, Allan Greenspan, parle
maintenant «d'une croissance de la productivité impulsée
par la haute technologie». Il est donc possible que l'hypothèse
des gains différés soit bonne après tout.
En tant que président de la Federal Reserve Board, Greenspan
est naturellement préoccupé par l'inflation. De sorte que
lorsqu'il parle de croissance, il essaie toujours de voir en quoi cela
influe sur l'utilisation de la capacité et, par conséquent,
sur les forces inflationnistes.
Depuis 1994, le taux de chômage aux États-Unis ne cesse
de baisser, et pourtant le taux d'utilisation de la capacité est
en chute. Au Canada par contre, le taux d'utilisation de la capacité
augmente alors que le chômage diminue. Bien que le taux de chômage
canadien soit supérieur au taux américain, notre taux mesuré
d'utilisation de la capacité est supérieur de quelque 4 p.
100 à celui des États-Unis. Ce qui est inquiétant.
En termes de cycle économique, cela indique que l'économie
américaine a une capacité d'expansion supérieure à
l'économie canadienne, même si notre taux de chômage
est nettement plus élevé (voir le graphique 7).
Daniel Schwanen de l'Institut C.D. Howe suggère que la composition
de notre économie est un facteur qui pourrait expliquer notre productivité
relativement faible par rapport aux États-Unis. À son avis,
nous perdons jusqu'à 0,4 p. 100 en hausse de productivité
chaque année parce que notre économie comprend des secteurs
où la productivité tend, par nature, à croître
plus lentement. Autrement dit, si l'économie américaine avait
la même composition que la nôtre, sa productivité serait
moins forte.
LES STIMULANTS DE LA PRODUCTIVITÉ ET DE LA CROISSANCE
D'après le professeur Richard Harris, trois grands facteurs agissent
sur la productivité. Le premier est l'investissement. Plus le taux
d'investissement représente un pourcentage élevé du
PIB, plus la croissance de la productivité est forte. Le deuxième
facteur est le capital humain et les compétences de la main-d'oeuvre.
Une main-d'oeuvre instruite et formée stimule la productivité,
les employés travaillant mieux et utilisant de nouvelles technologies.
Enfin, le libre-échange est un facteur important de la croissance
de la productivité, en particulier dans les petites économies
ouvertes. De fait, M. Harris croit que la chose la plus importante que
le gouvernement canadien pouvait faire et qu'il a faite pour stimuler la
productivité était d'adopter le libre-échange à
grande échelle. C'est le libre-échange qui a permis à
l'économie canadienne de « réorienter le milieu patronal,
le monde syndical et toute la panoplie des pratiques industrielles pour
que nous en arrivions à nous intégrer à ce système
manufacturier nord-américain ».
[I]l n'y a aucun consensus sur la manette que nous devrions tirer pour
améliorer la productivité. Certains insisteront sur la réduction
des impôts, d'autres sur la nécessité d'investir dans
n'importe quoi depuis les garderies jusqu'à la R-D, la recherche
universitaire, et je ne sais quoi encore. Je ne crois pas que nous ayons
les connaissances nécessaires pour quantifier l'impact de chacune
de ces choses.
John McCallum
Investissement et formation de capital
Il y a de nombreux indices que la productivité est liée
à l'investissement. Les économies qui économisent
et investissent plus que les autres tendent à avoir une croissance
de productivité, une production et un niveau de vie plus élevés.
Ce qui n'est pas étonnant. Plus il y a de capital, plus la productivité
de la main-d'oeuvre est forte.
Mais il y a plus que cela. Les gains de l'investissement se répercutent
souvent sur d'autres entreprises ou industries qui n'ont pas fait cet investissement.
Ces effets externes sont liés à des facteurs comme l'apprentissage
sur le tas et l'effet de démonstration. Et comme il a été
dit, la nouvelle technologie est intégrée dans les nouveaux
biens d'équipement.
L'investissement est très sensible aux politiques fiscales. Des
taux marginaux d'imposition élevés réduisent le rendement
net des investissements et découragent l'accumulation de capital.
Dans un contexte d'inflation, cette désincitation est accrue du
fait que l'impôt s'applique au rendement nominal et non au rendement
réel. Avec une forte inflation, il est possible que le rendement
net des investissements soit nul ou même négatif.
L'investissement est également sensible au climat économique
avec lequel les entrepreneurs doivent composer. Tout ce qui assombrit leur
vision de l'avenir les découragera d'investir. Par exemple, un lourd
déficit gouvernemental qui est vu comme insoutenable évoque
la menace de futures augmentations d'impôts. Ceci décourage
les investissements tout autant que des augmentations d'impôts réelles.
L'investissement dans le capital et la technologie modernes est à
la fois coûteux et risqué. Il exige un système financier
capable de transférer les ressources des épargnants aux investisseurs.
Les politiques monétaire et financière sont cruciales à
cet égard, car elles doivent contribuer au maintien d'un système
financier qui fonctionne bien.
Le rôle de l'éducation et du capital humain
Il existe plusieurs moyens par lesquels l'éducation peut contribuer
à rehausser le niveau de vie des Canadiens. Le premier est le constat
évident que les personnes plus scolarisées sont moins touchées
par le chômage et ont en moyenne un revenu plus élevé
que les personnes moins scolarisées. Sally Brown, de l'Association
des universités et collèges du Canada, a présenté
au Comité des statistiques selon lesquelles le taux de chômage
des diplômés universitaires en milieu de carrière se
situait à 4 p. 100, comparativement à 7,7 p. 100 pour les
diplômés de l'école secondaire et à plus de
14 p. 100 pour ceux qui n'ont pas terminé leurs études secondaires
Malgré quelques essais sérieux, je pense que l'une de
nos grandes omissions a été, sur le plan tant de la formation
que de la valorisation de leur rôle et de leur contribution, de ne
pas s'assurer de produire des d'artisans bien qualifiés. Il ne suffit
pas de multiplier les diplômés d'université à
tout prix.
David Slater
Le graphique 8, créé à partir de données
fournies au Comité par l'Association des universités et collèges
du Canada, montre clairement comment le revenu est fonction de l'éducation
et de l'âge (c.-à-d. de l'expérience). Non seulement
les personnes plus scolarisées jouissent-elles d'un surplus de revenu
par rapport aux autres, mais ce surplus s'accroît avec l'expérience.
Le fait que ces personnes ont tendance à être engagées
plus souvent et à gagner un salaire plus élevé montre
clairement que leur productivité est meilleure que celle des personnes
moins scolarisées. Elles contribuent donc davantage à l'économie.
L'éducation favorise le développement du capital humain.
Ce capital peut avoir des retombées assez importantes, comme nous
le verrons plus loin dans la section sur l'exode des cerveaux. L'existence
d'une main-d'oeuvre instruite a aussi une incidence sur les décisions
d'investissement des entreprises. Les entreprises bien pourvues en travailleurs
spécialisés sont plus susceptibles d'investir dans des immobilisations
nécessitant les compétences de ces travailleurs. Cela accroît
nettement la productivité. Si elles sont dépourvues de travailleurs
spécialisés, les entreprises décideront d'investir
ailleurs ou opteront pour des technologies qui ne nécessitent pas
de main-d'oeuvre aussi spécialisée. La productivité
mesurée de la main-d'oeuvre sera alors moins élevée.
Nous sommes convaincus que c'est grâce à l'apprentissage
et à la formation qu'on peut améliorer la productivité
humaine et que les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour stimuler
la productivité devraient être principalement axés
sur ces activités. Dans cette optique, notre cri de ralliement devrait
être « Mettons-nous à apprendre » et non pas «
Soyons plus productifs », ce qui, pour la plupart des Canadiens,
correspond à travailler plus pour moins d'argent de crainte d'être
remplacés ou victimes de compressions.
Pierre Killeen
L'autre rôle important de l'éducation a trait à
la répartition de la croissance économique. L'éducation
étant offerte à tous les Canadiens, les débouchés
économiques sont largement répartis parmi les Canadiens.
Ainsi, la distribution du revenu est susceptible d'être plus égale
dans un contexte où l'éducation est subventionnée
par les fonds publics que dans un contexte où l'éducation
est payée par les particuliers. Voilà pourquoi le financement
public des niveaux supérieurs d'éducation et de la formation
continue de la main-d'oeuvre, de même que l'utilisation des recettes
fiscales pour subventionner l'éducation continue, contribuent à
distribuer encore plus également les revenus et la richesse au Canada.
Le capital humain est le produit de l'éducation et de la formation.
L'économie canadienne peut fournir ce capital humain ou peut l'importer.
Parlant des facteurs qui ont mené à l'âge d'or de la
croissance d'après guerre, David Slater a reconnu l'importance du
capital humain importé lorsqu'il a fait référence
aux arrivages très importants d'immigrants bien formés. La
connaissance du travail de la pierre et de la brique a connu un essor fantastique
avec l'arrivée des immigrants italiens. Le Canada a dû compter
beaucoup sur l'importation pour se doter d'artisans très spécialisés,
notamment des machinistes, des gabarieurs et ainsi de suite, au lieu de
produire de tels spécialistes .
Commerce international et concurrence
Le commerce est un facteur important de la productivité à
cause de la concurrence, mais aussi parce qu'il permet aux entreprises
d'une petite économie de récolter les avantages des longs
cycles de production et des économies d'échelle dont peuvent
bénéficier les entreprises des grandes économies.
Le professeur Daniel Trefler a dit au Comité que les preuves ne
manquaient pas pour montrer que l'Accord de libre-échange (ALE)
entre le Canada et les États-Unis avait stimulé la productivité
des secteurs dont la protection tarifaire avait été réduite.
Il estime que l'ALE a permis à ces secteurs d'enregistrer une augmentation
de la productivité de 0.5 p. 100 par année, ce qui est beaucoup
à son avis.
Les politiques commerciales des gouvernements intensifient la concurrence
et permettent aux pays de se spécialiser dans les secteurs où
ils excellent, ce qui accroît la productivité et la compétitivité.
Ce résultat s'explique notamment par le fait que le commerce
expose les entreprises à des concurrents nouveaux et innovateurs
et leur permet de copier et d'adapter ces innovations. Ces avantages dépendent
toutefois des partenaires avec qui on commerce. D'après Trefler,
il existe une foule de raisons pour conclure un accord de libre-échange
avec le Chili par exemple. Mais si nous nous intéressons à
la productivité, nous devons nous intégrer avec l'Europe,
l'Allemagne, l'Italie, le Japon, les États-Unis. »
La concurrence contribue beaucoup à stimuler l'innovation et
le changement technologique. En fait, le progrès technologique s'apparente
au phénomène dynamique de la concurrence illustré
par l'expression « destruction créatrice .
Le Canada est le deuxième pays au monde dans le domaine de la
biotechnologie selon le critère du nombre absolu d'entreprises.
Je trouve cela absolument époustouflant. Nous sommes un petit pays.
Nous avons un dixième de la population des États-Unis et,
pourtant, c'est le seul pays du monde qui nous dépasse en ce qui
concerne le nombre d'entreprises existantes.
Barry McLennan
La concurrence force les entreprises à s'améliorer continuellement
à défaut de quoi elles perdent une part du marché
et des profits et même mettre leur existence en danger. La concurrence
force les entreprises à garder leurs prix bas, à assurer
une qualité élevée et à toujours essayer d'offrir
des produits nouveaux et meilleurs, et ce, par des procédés
également nouveaux et meilleurs.
Cela n'est possible que si les obstacles à l'entrée des
produits sur les marchés sont inexistants ou minimes. Les marchés
nationaux doivent donc être ouverts aux fournisseurs étrangers
aussi bien que locaux. Et les règlements ne doivent pas non plus
empêcher les nouvelles entreprises, ou les nouveaux propriétaires
d'entreprises existantes, de pénétrer les marchés.
La concurrence contribue à rendre l'environnement propice à
la croissance de la productivité. Comme l'a résumé
le professeur Lipsey, la concurrence entre trois ou quatre grandes entreprises
est souvent source d'innovation alors qu'une entreprise seule, surtout
si elle dessert un marché local sûr et protégé
par des barrières tarifaires, sera moins encline à innover16.
Les entreprises exposées à la concurrence doivent faire
place à la technologie moderne pour survivre, surtout si cette concurrence
provient d'entreprises qui recourent aux meilleures pratiques. Cela ne
vaut pas pour les entreprises qui sont à l'abri de la concurrence.
En fait, cette protection leur permet de survivre même si elles sont
inefficaces et utilisent une technologie dépassée.
Dans les petites économies, ce genre de concurrence provient
généralement du commerce international. Le libre-échange
a en outre l'avantage d'élargir les marchés où les
entreprises évoluent et permet donc à celles-ci de réaliser
des économies d'échelle qui ne seraient pas possibles dans
un petit marché national. C'est pour cette raison que les entreprises
exportatrices du Canada ont généralement des niveaux de productivité
plus élevés que les entreprises limitées au marché
national. Aux États-Unis, la concurrence des importations a une
incidence positive sur la productivité17.
On peut en conclure que les économies d'échelle réalisées
grâce aux exportations attribuables au libre-échange sont
importantes pour la croissance de la productivité au Canada. Aux
États-Unis, les entreprises qui approvisionnent le marché
national ont peut-être déjà réalisé ces
économies.
L'investissement étranger direct est souvent considéré
comme un facteur propice à la productivité. C'est surtout
parce qu'il permet aux économies d'importer la technologie d'économies
plus avancées sur le plan technologique. Il permet en outre d'accroître
la concurrence. Mais lorsque l'investissement étranger direct résulte
de la tentative d'une entreprise étrangère d'éviter
des barrières tarifaires ou non tarifaires, l'impact sur la productivité
est souvent minime18.
Cela confirme l'opinion répandue au Canada selon laquelle les succursales
sont peu avantageuses pour l'économie canadienne. En d'autres termes,
l'investissement étranger direct que le Canada reçoit dans
un monde de libre-échange sera probablement plus avantageux sur
le plan économique que celui que nous recevons dans un monde caractérisé
par des droits de douane élevés.
Progrès technologiques
Par rapport aux normes internationales, le niveau de recherche et de
développement au Canada, qui correspond à environ 1,4 p.
100 du PIB, est faible.
Or la recherche et le développement constituent un important
facteur de progrès technologique. Même si le Canada n'est
pas très actif dans ce domaine, cela ne veut pas dire qu'il ne peut
pas profiter des recherches effectuées ailleurs. Il reste à
savoir cependant dans quelle mesure nous sommes capables d'adapter et d'utiliser
les résultats de travaux ainsi importés. Il semble que la
capacité d'exploiter les travaux de recherche soit liée au
nombre d'études entreprises localement.
On trouve au Canada plusieurs grandes entreprises multinationales, comme
Nortel, Pratt & Whitney et Frosst, et trois de ces entreprises comptent
d'ailleurs pour 44 p. 100 des dépenses canadiennes en R-D.
Arthur J. Carty
Cette relation s'accentue dans un monde de plus en plus dominé
par la spécialisation, et ce à cause de la difficulté
d'importer des idées. Pour adapter aux conditions locales la recherche
effectuée à l'étranger, il faut bien comprendre la
technologie, savoir pourquoi elle fonctionne et connaître ses limites,
particulièrement dans le domaine de la gestion et des innovations
organisationnelles. Par exemple, les fabricants d'automobiles américains
ont fait face à de nombreuses difficultés quand ils ont essayé
d'adapter les techniques de gestion japonaise dans leurs propres usines19.
Le progrès technologique n'est pas donc uniquement une question
de recherche et de développement scientifiques; il dépend
aussi beaucoup des institutions et de la façon dont nous organisons
notre vie politique et économique. Selon un classique de l'histoire
économique intitulé « How the West Grew Rich »
(Comment l'Occident s'est enrichi), le progrès technologique n'est
possible qu'en présence d'attitudes sociales favorables au changement.
Selon cette étude, les sociétés occidentales se sont
enrichies parce qu'elles étaient prêtes à tolérer
et à accepter des changements sociaux et politiques; l'Occident
a prospéré, en comparaison des autres économies, parce
qu'il a accordé au secteur économique l'autonomie nécessaire
pour essayer de mettre au point de nouveaux produits, méthodes de
fabrication, modes d'organisation de l'entreprise, relations du marché,
modes de transport et de communication et relations entre capital et main-d'oeuvre20.
L'histoire montre qu'une efficacité statique ou une simple augmentation
du travail ou du capital ne suffisent pas pour assurer une croissance économique.
Cette dernière est surtout tributaire de changements technologiques
qui nous permettent de produire de nouveaux biens et services selon des
méthodes innovatrices. Elle dépend de la capacité
d'inventer et d'innover, des essais scientifiques et des nouvelles techniques
de gestion. Et il devient de plus en plus manifeste que le taux de croissance
économique n'est pas uniquement le résultat de facteurs qui
échappent à notre maîtrise puisque la politique gouvernementale
peut avoir une incidence sur ce taux. Les économistes l'expliquent
en disant que la croissance des économies modernes est endogène
: on ne peut pas totalement la maîtriser, mais on peut l'encourager
par l'adoption d'un train de mesures appropriées.
Le progrès technologique est autant une question d'adoption et
de diffusion des connaissances existantes que de création de nouvelles
connaissances. L'économie canadienne n'est pas un poids lourd sur
la scène internationale. Nous avons beaucoup à gagner si
nous puisons à même les découvertes des autres, et
la diffusion de technologies permet aux entreprises de mettre en application
à titre individuel les connaissances scientifiques existantes. Pour
elles, peu importe que ces connaissances aient été mises
au jour au Canada ou ailleurs.
18 Nous avons, au Canada, un exemple fort intéressant d'un secteur
de haute technologie qui, quoique prospère, ne parvient pas à
utiliser les programmes gouvernementaux servant à la diffusion de
techniques. Ainsi, le secteur canadien de la biotechnologie semble connaître
un grand succès international puisqu'il est deuxième au monde
en ordre d'importance. Pourtant, Partenariat technologique Canada (PTC)
semble avoir oublié ce secteur. D'après M. Barry McLennan,
PTC a financé 70 projets au cours des dernières années,
dont deux seulement dans le secteur de la biotechnologie.
L'industrie de l'aérospatiale illustre bien l'effet de l'innovation
sur la productivité et sur la compétitivité mondiale.
Ce secteur de technologie de pointe est l'un des principaux investisseurs
en R-D au Canada. Au cours des cinq dernières années, les
ventes de l'industrie ont augmenté trois fois plus rapidement que
le PIB du Canada, propulsées par des exportations qui représentent
maintenant 80 p. 100 des ventes. Cependant, malgré ce rendement
impressionnant nous sommes confrontés à une productivité
et à une compétitivité accrue sur la scène
internationale, car nos concurrents étrangers investissent encore
plus que nous dans la R-D et l'innovation.
Peter Smith
Le rôle de l'imposition
Le lien entre l'imposition, la croissance économique et le niveau
de vie a alimenté récemment le débat public. En effet,
le revenu disponible des familles diminue à mesure qu'augmente le
niveau d'imposition, de sorte qu'il semble exister, du point de vue du
public, un lien entre les taxes et le niveau de vie. Par conséquent,
un allégement fiscal augmenterait le revenu disponible des Canadiens,
qui pourraient ainsi acheter davantage de produits.
Or d'après le professeur Jonathan Kesselman, de l'Université
de la Colombie-Britannique, ce point de vue est trop simpliste. La réforme
fiscale doit viser selon lui la réalisation de trois objectifs.
À court terme, elle favoriserait l'efficacité économique
en améliorant la répartition des ressources. Ensuite, elle
encouragerait l'augmentation des l'emplois et, à long terme, de
la productivité. Selon Kesselman, il importe davantage d'effectuer
une réforme de l'assiette fiscale que de réduire les taux
d'imposition.
Il est donc préférable d'examiner le lien entre l'imposition
et le niveau de vie en fonction de l'effet des incitatifs offerts aux particuliers
et aux entreprises. Ce n'est pas uniquement le niveau d'imposition qui
compte, mais bien la combinaison de ces taxes et de leur mode d'application.
Ainsi, plusieurs pays européens plus lourdement taxés que
le Canada réussissent néanmoins à obtenir une meilleure
productivité et une croissance plus rapide que nous21.
Pourquoi en est-il ainsi?
En fait, dans de nombreux pays d'Europe où les impôts sont
lourds la croissance de la productivité a été, à
long terme, meilleure qu'aux États-Unis où le fardeau fiscal
est léger.
Jonathan Kesselman
Une explication possible est que le régime fiscal canadien est
trop dépendant de taxes qui déforment considérablement
l'économie, c'est-à-dire des taxes plus susceptibles de décourager
les activités, comme l'épargne et l'investissement qui favorisent
l'accroissement de la productivité. À cet égard, les
taxes les plus coûteuses sont l'impôt sur le revenu touchant
le capital et les moins coûteuses sont celles imposées à
la consommation et sur la main-d'oeuvre. La raison en est fort simple :
le capital est indispensable pour accroître et accélérer
les gains de productivité. Or, à l'ère de la mondialisation,
le capital est extrêmement mobile, de sorte que toute mesure prise
pour l'imposer à des taux relativement élevés aura
pour effet de le chasser.
La réforme de l'impôt des particuliers doit viser une amélioration
sur trois plans : à court terme, l'efficience économique,
c'est-à-dire dans quelle -mesure les ressources sont bien réparties;
à moyen terme, l'accroissement de l'emploi; et à long terme,
la croissance de la productivité. Tous ces résultats contribueront
à relever le niveau de vie réel des Canadiens.
Jonathan Kesselman
Comparativement à d'autres pays, le Canada dépend énormément
de l'impôt sur le revenu des particuliers, et les taux d'impôt
sur le revenu du capital sont beaucoup plus élevés qu'ailleurs,
non seulement aux États-Unis, mais aussi dans des pays européens
comme la Suède, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et l'Italie. Cela
s'explique en partie par le fait que les taux de taxation sur la consommation
et sur le revenu du travail, soit les charges sociales, sont considérablement
inférieurs à ceux d'autres pays, de sorte que le Canada doit
compter davantage sur un impôt sur le revenu établi sur une
large base.
Le Comité a été saisi de plusieurs questions concernant
les entreprises, la première étant la différence dans
le traitement des divers secteurs, certains étant privilégiés
par rapport à d'autres. Des témoins, dont Kesselman, ont
affirmé qu'une telle situation déforme les décisions
d'affaires et entrave l'attribution des ressources. Rick Eggleton, de la
Banque de Montréal, renchérit, en ajoutant que les taux d'imposition
les plus élevés visent les secteurs liés à
la nouvelle économie, par exemple ceux des services, alors que les
secteurs de l'ancienne économie sont imposés à un
moindre degré.
M. Kesselman suggère en outre que les primes d'assurance-emploi
versées par l'employeur soient établies en fonction des antécédents,
de façon à que les secteurs qui exigent davantage du régime
paient des primes plus élevées.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante
a insisté sur les effets néfastes d'un impôt établi
sans égard aux bénéfices. Le gouvernement a de plus
en plus recours à l'impôt sur le capital et aux charges sociales,
ce qui nuit considérablement à la capacité d'autofinancement
des petites entreprises, même si celles-ci ne touchent que de petits
bénéfices ou accusent des pertes.
Un autre élément de l'impôt des sociétés
et des particuliers qui a suscité des critiques est le traitement
fiscal des gains en capital, car une lourde imposition de ces gains nuit
à l'investissement dans les entreprises comportant des risques élevés,
par exemple les petites entreprises axées sur le savoir. Selon les
données américaines présentées au Comité
par Douglas J. Porter, de Nesbitt Burns, il existe un rapport inversement
proportionnel entre le taux d'imposition des gains en capital et les recettes
fiscales à ce chapitre, ce qui permet de supposer non seulement
que les gains en capital augmentent quand les taux d'imposition sont faibles,
mais aussi que ces derniers encouragent l'investissement qui génère
ces gains. Le taux d'imposition des gains en capital s'élève
à environ 20 p. 100 aux États-Unis, alors qu'il atteint presque
40 p. 100 au Canada pour la tranche de revenu la plus élevée.
Selon M. Mustard, le régime fiscal canadien ne prévoit pas
d'incitatifs pour les engagements à long terme qui contribuent à
la richesse. Il a affirmé lors de son témoignage n'être
guère enchanté par les politiques fiscales et la taxe sur
les gains en capital pour les entreprises comme Ballard, où l'on
motive le personnel en le rémunérant en partie avec des actions».
L'exode des cerveaux
De l'avis de M. Kesselman, la fuite de l'élite de la main-d'oeuvre
canadienne peut nuire considérablement à la productivité,
à la croissance économique et, par conséquent, au
niveau de vie de tous les Canadiens, et ce pour plusieurs raisons.22.
En premier lieu, les travailleurs hautement spécialisés génèrent
des bénéfices qui profitent à l'ensemble de l'économie.
Ils assurent la compétitivité des entreprises canadiennes
sur la scène internationale, assurant ainsi de l'emploi pour tous
les Canadiens, même ceux qui sont moins spécialisés.
Ils constituent des facteurs essentiels de production dans des industries
fortement axées sur la connaissance et favorisent ainsi l'évolution
de l'économie canadienne dans ce domaine.
À mon avis, ce qui est beaucoup plus important en ce qui concerne
l'émigration de nos récents diplômés et de nos
très jeunes gens, c'est tout simplement le manque d'emplois au Canada,
au cours des années 90, par comparaison avec le taux de chômage
très peu élevé enregistré aux États-Unis.
Lars Osberg
Les travailleurs hautement qualifiés sont également très
bien payés, de sorte qu'ils sont la source de recettes fiscales
élevées. De plus, ils ont moins tendance à dépendre
des services du gouvernement. Par conséquent, ils sont généralement
des cotisants nets à la situation budgétaire des gouvernements,
et leur départ signifie que ceux qui restent au Canada doivent payer
des taxes plus élevées pour obtenir le niveau de services
dont ils ont l'habitude. Or ces taxes plus élevées freineront
la croissance de la productivité et de l'économie.
L'exode des cerveaux est un phénomène qui, non seulement
influe sur l'augmentation de la productivité, mais est à
son tour le résultat du rendement, puisque les augmentations de
salaire et de rémunération sont en bout de ligne liées
aux augmentations de productivité. Les Canadiens hautement qualifiés
sont attirés aux États-Unis par les revenus élevés
qu'ils peuvent y toucher, et l'écart entre les deux pays est directement
tributaire du faible rendement du Canada.
La question de savoir si le Canada vit ou non un exode des cerveaux
fait l'objet de nombreux débats. Selon Statistique Canada, nous
sommes dans l'ensemble un bénéficiaire net de main-d'oeuvre
qualifiée. Une étude effectuée récemment par
la Banque de Montréal sur les tendances migratoires à long
terme en vient à la même conclusion23.
Pourtant, les nombreux cas rapportés çà et là
indiquent qu'un nombre croissant de Canadiens hautement qualifiés
quittent le pays. Durant la deuxième moitié des années
80, le Canada a perdu chaque année, au profit des États-Unis,
quelque 15 000 travailleurs qualifiés, dont le tiers environ étaient
des migrants permanents. Au cours des années 90, la migration vers
les États-Unis a augmenté considérablement, quoique
le nombre de migrants permanents n'ait pas beaucoup changé. C'est
plutôt le nombre de migrants temporaires aux États-Unis qui
est en train d'augmenter24.
Qu'il s'agisse de migrants permanents ou de travailleurs temporaires,
il est clair que le Canada perd plus d'ouvriers qualifiés au profit
des États-Unis qu'il n'en reçoit. Dans certains domaines
de spécialisation, l'écart est important : le Canada perd
quatre fois plus d'ingénieurs qu'il n'en gagne, neuf fois plus de
professionnels de la santé, presque six fois plus de professionnels
de la gestion et deux fois et demie plus de professeurs et d'enseignants25.
La question de l'exode des cerveaux baigne dans la controverse, et les
mesures sont inadéquates. Les données que Statistique Canada
a présentées au Comité n'indiquent pas la perte généralisée
et systématique d'ouvriers hautement qualifiés. Au contraire,
elles laissent supposer que nous sommes les bénéficiaires
nets d'ouvriers très instruits et qualifiés. De plus, les
données sur les migrants temporaires sont très peu fiables
puisqu'elles font l'objet de pratiques administratives qui changent sans
cesse. Par exemple, chaque fois qu'une équipe de hockey canadienne
traverse la frontière pour jouer aux États-Unis, Statistique
Canada y voit une migration temporaire d'ouvriers, et inversement quand
des équipes américaines viennent au Canada.
On ne peut pas comparer directement ces immigrants et les gens qui partent
aux États-Unis, mais si l'on fait une comparaison entre les immigrants
et l'ensemble des Canadiens qui sont nés ici, en toute probabilité,
il y a parmi les immigrants 1,6 fois plus de gens qui détiennent
un baccalauréat et trois fois plus de gens qui ont obtenu une maîtrise,
un doctorat ou un diplôme médical. Ils sont donc extrêmement
qualifiés.
Scott Murray
Par ailleurs, le Comité est saisi de données non scientifiques
indiquant que l'exode des cerveaux est un très grave problème
dans certains secteurs de l'économie. Ainsi, les recruteurs de cadres
et de professionnels ont beaucoup de difficulté à attirer
au Canada des non-résidents. C'est le cas, selon Peter Smith, de
Bombardier, le troisième manufacturier d'avions au monde. De plus,
Sally Brown, de l'Association des universités et collèges
du Canada, nous a affirmé que les universités canadiennes
perdent des enseignants chevronnés au profit non seulement des États-Unis
mais d'autres pays aussi. Or les établissements canadiens d'enseignement
supérieur sont si peu concurrentiels qu'ils ne réussissent
pas à attirer les meilleurs professeurs et doivent donc remplacer
les enseignants qui quittent par d'autres, moins expérimentés.
L'exode des cerveaux n'a peut-être pas une profonde incidence
sur l'ensemble de la capacité de production du Canada, mais l'existence
de ce phénomène, même sur une petite échelle,
nous dit quelque chose au sujet de la nature de l'économie du pays
et de sa capacité d'attirer les citoyens canadiens, particulièrement
les plus jeunes, dans certains secteurs. Telle une fièvre, le symptôme
lui-même n'est pas menaçant, mais il indique que le patient
est malade. Il est donc important de retenir que 40 p. 100 des infirmières
diplômées quittent le Canada et que les cabinets de droit
de New York, s'ils ne recrutent pas une forte proportion des diplômés
en droit au Canada, réussissent toutefois à attirer un grand
nombre des meilleurs, soit la moitié des étudiants qui réussissent
le mieux à Osgoode Hall Law School, par exemple.
En résumé, de façon globale, y a-t-il au Canada
une fuite des cerveaux vers les États-Unis? La réponse est
sans aucun doute oui, surtout dans toute une gamme de professions des industries
de la santé, ce qui est presque certainement l'aboutissement direct
d'un manque de débouchés pour ces travailleurs au Canada.
Scott Murray
QUELQUES LEÇONS FONDAMENTALES POUR LE COMITÉ
L'examen qui précède donne une idée de ce que l'on
sait au sujet de la productivité et de son rapport avec le niveau
de vie. Le Comité poursuivra son enquête dans le cadre des
consultations prébudgétaires et formulera des recommandations
à l'intention du gouvernement, l'automne prochain.
Il est clair néanmoins qu'il faut de meilleures analyses statistiques
dans ce domaine, car notre façon d'envisager la productivité
et les données à l'appui sont encore fondées sur l'ancienne
économie. Si les gouvernements souhaitent promouvoir des politiques
propres à la nouvelle économie, celle de l'avenir, ils doivent
disposer des connaissances fondamentales nécessaires pour formuler
des politiques appropriées et en juger l'efficacité.
Le Comité recommande par conséquent que le gouvernement
fédéral charge Statistique Canada de formuler un programme
de recherche pour améliorer le dépouillement des statistiques
servant à mesurer la productivité et qu'il fournisse les
appuis nécessaires à la réalisation de ce programme.
Même s'il reste beaucoup à apprendre au sujet du processus
nécessaire pour améliorer la productivité et l'accroître
avec le temps, plusieurs sujets ont fait l'objet d'un consensus et peuvent
être résumés dans trois grandes catégories.
La première concerne l'environnement économique et institutionnel
créé par les gouvernements, ce que l'on pourrait appeler
le macroenvironnement. La deuxième concerne la place de l'accumulation
du capital dans l'équation de la productivité. La troisième
catégorie vise l'innovation.
Il incombe au gouvernement, et en particulier au gouvernement fédéral,
d'offrir l'environnement macroéconomique nécessaire, au moyen
de la politique monétaire, de la politique budgétaire et
de la politique touchant le commerce et la concurrence. La politique budgétaire
se doit d'être prudente et responsable, caractérisée
par des budgets équilibrés et une faible dette gouvernementale.
La politique monétaire doit viser des taux d'inflation et d'intérêt
faibles et stables. La politique en matière de commerce et de concurrence,
en vue de favoriser la croissance de la productivité, doit réduire
les entraves à la pénétration des marchés internationaux
et accroître l'accès à ces marchés. Sur le plan
commercial, il importe de poursuivre une plus grande intégration
économique avec les pays les plus développés afin
de récolter les avantages de leurs meilleures pratiques.
Le message des petites entreprises aux gouvernements au cours de cette
période a été constant. Réduisez les impôts,
réduisez la dette nationale et allégez la réglementation
complexe et coûteuse, ainsi que les droits d'usager, si vous voulez
que la productivité du secteur des petites entreprises s'améliore.
Catherine Swift
Le capital peut être décomposé en trois éléments
distincts, soit le capital matériel, le capital humain et le capital
social. Ils sont liés dans une certaine mesure, mais ont néanmoins
chacun un rôle distinct à jouer. Le capital matériel,
qui comprend les machines l'équipement et l'infrastructure publique,
a été traditionnellement la plus importante source de gains
de productivité car le rendement du travail augmente en même
temps que le ratio capital-travail. L'infrastructure publique par exemple
les routes, les égouts, les systèmes d'approvisionnement
en eau permet à l'économie de marché de fonctionner
de façon efficace. Il est donc clair que le capital matériel
provient à la fois du secteur privé et du secteur public,
et le gouvernement a un rôle important à jouer dans les deux
puisqu'il finance, et fournit souvent directement l'infrastructure publique.
L'environnement macroéconomique et le régime fiscal influent
sur l'investissement dans le capital privé. Le gouvernement doit
donc faire en sorte que le niveau d'imposition et la composition des taxes
ne nuisent pas à l'accumulation du capital privé.
Un environnement macroéconomique stable où le taux d'inflation
est bas contribue à réduire les taux d'intérêt
et à augmenter la confiance, ce qui encourage les investissements
et favorise du même coup l'augmentation de la productivité
et la relance de l'emploi.
Des faits et des chiffres
Ministère des Finances, La Mise à jour économique
et financière, 1998
Le capital humain reflète les compétences de la main-d'oeuvre
et la capacité de cette dernière d'en acquérir de
nouvelles. Elle est donc le résultat de l'éducation et de
la formation des travailleurs. Toutefois, on tend de plus en plus à
penser que le capital humain est le résultat du développement
durant la petite enfance, lequel détermine essentiellement le degré
d'efficacité de l'éducation et de la formation professionnelle.
Le capital humain est donc entre les mains des particuliers qui le façonnent
par leur décision d'y investir ou non. Par ailleurs, le gouvernement
est le principal fournisseur de l'enseignement de base et, par le biais
du régime fiscal, influe sur les facteurs pouvant motiver l'acquisition
d'un tel capital.
Le capital social est une notion plus floue, mais plusieurs témoins
ont parlé de son importance. Par exemple, Mike McCracken considère
qu'il s'agit d'un élément important de l'équation
de la productivité puisque le capital social comprend notamment
la distribution équitable du revenu. Une distribution plus équitable
du revenu peut entraîner un niveau de vie plus élevé,
mais elle semble être davantage un résultat de la croissance
économique qu'un déterminant. Selon Fred McMahon, les politiques
conçues pour favoriser la croissance économique peuvent au
début avoir une influence néfaste sur la répartition
du revenu, mais finiront par encourager cette dernière. En parlant
du ralentissement de la croissance après 1975, M. Mustard a souligné
que l'absence partielle ou totale de croissance de l'économie et
des revenus rend difficile la redistribution du revenu. Sur ce plan, la
cohésion sociale est le résultat, et non la cause, de l'amélioration
de la productivité et de la croissance économique. En d'autres
mots, il faut cuire le gâteau avant de le découper en parts
et de les distribuer. Plus le gâteau est gros, plus le nombre de
parts - ou leur taille - augmentera.
On peut en dire autant de la santé des Canadiens. Est-ce qu'une
société en santé favorise la croissance ou est-ce
que la croissance nous permet d'avoir une société en santé?
Selon certains témoignages entendus, des fabricants d'automobiles
américains ont décidé d'ouvrir des usines au Canada
à cause de la qualité de la main-d'oeuvre : les travailleurs
canadiens montrent plus d'ardeur au travail et ne souffrent pas des problèmes
de drogue ou de santé qui affligent les ouvriers américains.
Cela est sans doute vrai, et une main-d'oeuvre en santé est essentielle
à la productivité. Cependant, comme l'a souligné Thomas
d'Aquino, il faut une économie productive pour pouvoir faire les
investissements nécessaires pour assurer la santé des travailleurs.
On peut y voir une sorte de cercle « vertueux », où
une main-d'oeuvre en santé entraîne une plus grande productivité,
qui donne lieu à une main-d'oeuvre en meilleure santé.
Le gouvernement est le principal fournisseur de ce capital social.
Le dernier élément est celui de l'innovation. Il est aussi
lié à certains des éléments susmentionnés
mais, à divers égards, sa valeur pour la productivité
découle des institutions, du marché qui donne lieu à
un processus dynamique de concurrence, de la structure des entreprises
qui détermine comment les changements sont choisis et mis en oeuvre,
et de la structure des incitatifs qui influe sur la volonté d'entreprendre
de tels changements.
L'innovation a tendance à créer une importante réaction
en chaîne, de sorte que les décisions privées entraînent
généralement un manque à investir. C'est pourquoi
la plupart des pays ont des politiques conçues pour encourager la
création et la diffusion d'information. Dans une petite économie
ouverte, il est important de déterminer l'importance relative de
la diffusion et de la création d'information et les liens qui peuvent
exister entre les deux activités.
Le gouvernement agit sur l'innovation dans la mesure où il permet
à la société d'être ouverte et d'échanger
librement des idées. Les règlements qui ont un effet sur
la façon dont les idées sont utilisées et diffusées
auront aussi des répercussions sur l'innovation.
Le Comité a également appris à distinguer entre
le court et le long terme. Le rendement de l'économie canadienne
est peu reluisant depuis 10 ans, et nombre des problèmes économiques
du pays découlent des lacunes à ce chapitre. Il s'agit là
de questions importantes sur lesquelles doit se pencher le gouvernement.
Par ailleurs, nous savons maintenant que le niveau de vie et la productivité
sont des concepts que le gouvernement doit considérer en regardant
à très long terme, au-delà du cycle économique.
Il n'y a pas de solution éclair; l'accroissement de la productivité
est un objectif qui ne pourra être réalisé qu'à
longue échéance.
Je pense qu'il est très important, pour votre comité,
de faire une distinction entre le débat sur la productivité,
le débat sur le chômage élevé et le débat
sur les impôts. Ils sont liés, mais l'un d'entre eux est tout
à fait à court terme, et la productivité est, en réalité,
une préoccupation à long terme que notre pays devrait avoir.
Ce n'est pas quelque chose qu'on peut corriger rapidement. Une simple réduction
des impôts ne se traduira pas demain par l'augmentation de la productivité
qu'on peut désirer.
Maureen Farrow
Trois points de vue sur le pacte de productivité
Il est essentiel que la politique gouvernementale exploite les avantages
qui découlent de l'amélioration de la productivité.
Le gouvernement fédéral devrait donc s'engager à passer
un pacte de productivité avec les Canadiens. Tout comme l'examen
des programmes constitue un processus permanent de révision des
initiatives de dépenses, ce pacte devrait assujettir toutes les
mesures existantes de l'administration publique (dépenses, impôt
et réglementation) à une évaluation qui en mesurerait
les effets attendus sur la productivité et, par conséquent,
sur le niveau de vie des Canadiens. En outre, il faudrait que toute nouvelle
initiative budgétaire soit jugée en fonction de ce nouveau
point de repère. (Comité permanent des finances de la Chambre
des communes, Affronter l'avenir : les défis et les choix d'une
ère nouvelle)
« Je me rappelle qu'il y a un certain nombre d'années,
tous les programmes gouvernementaux étaient censés faire
l'objet d'une évaluation environnementale [...]. Peut-être
le moment est-il venu de nous demander si les mesures que nous proposons,
par exemple un budget, sont respectueuses de la croissance de la productivité.
Nous ne sommes peut-être pas capables de la mesurer, mais nous pouvons
examiner la mesure en question et dire que ce changement fiscal va nuire
à la croissance de la productivité. Est-ce vraiment ce que
nous voulons? C'est peut-être cet état d'esprit que nous devrions
adopter à l'avenir ». (Rick Eggelton, Banque de Montréal)
« Le consensus est si limité que nous courrons le risque
est que toutes les personnes ici présentes aient chacune leur propre
projet favori et le présentent de telle façon qu'il semble
être lié à la productivité. Nous allons vous
dire 101 choses différentes que vous devriez faire pour augmenter
la productivité, en citant des arguments en faveur de tous nos différents
projets. Nous aurons peut-être raison, et nous aurons peut-être
tort mais c'est une chose tellement vaste et informe que vous ne saurez
pas nécessairement si un projet donné favorise ou non la
productivité.». (John McCallum, Banque Royale du Canada)
INITIATIVES GOUVERNEMENTALES À CE JOUR
Tel que souligné précédemment, la croissance économique
et l'augmentation de la productivité sont des objectifs à
long terme qui sont tributaires de l'investissement et de l'innovation,
deux activités hasardeuses. Elles ne sont donc possibles que dans
un environnement où l'on a réduit le risque et l'incertitude.
Mettre en place des assistes économiques solides
Le gouvernement fédéral a entrepris deux grandes initiatives
pour favoriser un milieu propice : il s'est engagé à stabiliser
les prix; et, il a éliminé le déficit fédéral
et a promis de réduire graduellement le fardeau de la dette.
Thomas d'Aquino
Le modèle financier adopté qui donnait lieu à une
dette croissante s'approchant des niveaux du PIB était généralement
jugé non viable et nuisible, nuisible parce qu'il drainait les économies
qui auraient dû normalement être investies dans des actifs
productifs. Nuisible aussi parce que l'augmentation des primes de risque
causée par l'augmentation de la dette du gouvernement entraînait
des taux d'intérêts réels plus élevés.
Or de tels taux découragent toute initiative - investissement ou
innovation - qui ne produit des retombées qu'à longue échéance.
La recherche de la stabilité des prix est aussi un élément
essentiel à la prise de décisions économiques à
long terme. La stabilité des prix fait baisser les taux d'intérêt
mais surtout, elle rétablit la valeur informative du système
des prix, de sorte que les investisseurs peuvent alors prendre des décisions
plus éclairées sur la façon d'investir leurs capitaux
de façon productive. En outre, la stabilité des prix élimine
certaines des déformations que cause le régime fiscal. D'après
Peter Howitt, «l'inflation nuit au fonctionnement des marchés
de capitaux de long terme, essentiels à la réalisation de
techniques de production efficaces mais très indirectes, puisqu'elle
oblige les épargnants et les investisseurs qui ont recours à
ces marchés à prendre des risques par rapport à l'inflation.
Elle décourage en outre l'épargne car elle intensifie l'incertitude26.»
Banque du Canada, Rapport sur la politique monétaire
mai 1999
Dans de telles situations, plusieurs phénomènes sont à
l'oeuvre. Un des effets les plus pernicieux de l'inflation est de réduire
la formation de capital parce que les taxes sont imposées sur la
valeur nominale des rendements et non sur leur valeur réelle, ce
qui réduit le rendement réel après impôt de
l'investissement et décourage donc la formation de ce dernier. En
plus de réduire la formation de capital à long terme, l'inflation
a tendance à changer la composition de l'investissement, l'éloignant
des usines et de l'équipement au profit de l'immobilier. Or une
importante proportion des progrès technologiques, soit environ 80
p. 10027,
dépend de nouvel équipement, et tout ce qui nuit à
l'investissement à ce chapitre fait obstacle au progrès technique.
En voulant mettre en oeuvre ces grandes orientations, c'est-à-dire
en « mettant en place des assises économiques solides »,
le gouvernement fédéral a réinjecté dans l'économie
canadienne deux éléments essentiels à la croissance
et a préparé le terrain pour assurer l'efficacité
d'autres mesures politiques.
Accroître la concurrence
L'évolution technologique réagit aux signaux économiques,
aux prix et aux bénéfices, et la stabilité des prix
aide à faire en sorte que ces signaux soient corrects. La concurrence,
quant à elle, garantit que les prix relatifs reflètent les
conditions du marché.
Le principal recours d'une économie de faible poids qui veut
assujettir ses marchés à la concurrence est d'ouvrir ses
frontières au libre-échange. C'est ce que fait le Canada
avec l'Accord de libre-échange (ALE) conclu avec les États-Unis
et l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé
avec les États-Unis et le Mexique. D'autres accords de libre-échange,
avec le Chili et Israël, favorisent aussi la concurrence sur les marchés
nationaux.
Jim Frank
Pour comprendre toute l'ampleur de l'incidence du libre-échange,
il suffit d'examiner les données sur les échanges commerciaux
avec les États-Unis. Depuis 1990, tant les importations que les
exportations ont plus que doublé. En effet, les échanges
commerciaux canadiens représentent maintenant plus de 70 p. 100
du PIB alors qu'au milieu des années 80, ils ne représentaient
que 55 p. 100, et au milieu des années 50, seulement 30 p. 100 du
PIB. Les secteurs qui ont connu la plus forte croissance commerciale sont
ceux qu'a libéralisés l'Accord de libre-échange entre
le Canada et les États-Unis28.
Il est également possible d'accroître la concurrence en
assurant le libre-échange au sein du pays. À cet égard,
l'accord interne, bien qu'il ne soit pas parfait, soumet aussi les producteurs
nationaux à une plus grande compétitivité. Grâce
à la technologie moderne, la distance et les coûts de transport
ne sont plus des entraves à la concurrence, mais il faudra des changements
de réglementation et des accords commerciaux pour faire disparaître
complètement ces éventuels obstacles.
La réforme de la réglementation a aussi entraîné
une plus grande concurrence sur les marchés nationaux, le principal
exemple étant le marché des télécommunications
et celui des transports, bien que des initiatives semblables aient été
entreprises aussi dans le secteur des finances. Citons à titre d'exemple
l'effondrement des piliers financiers, une plus grande ouverture à
l'égard des institutions financières étrangères
et une nouvelle façon d'organiser les établissements financiers.
À cet égard, le gouvernement fédéral propose
de permettre aux banques étrangères de s'établir directement
au Canada et envisage sérieusement de permettre aux établissements
financiers établis en coopératives de se constituer en banques.
En publiant et en examinant le rapport du Groupe de travail sur l'avenir
du secteur des services financiers canadien, le gouvernement fédéral
a ouvert la porte à la possibilité d'une profonde modernisation
de ce secteur.
La réforme de la réglementation a aidé à
accroître la compétitivité, mais les services ont souvent
été protégés contre la concurrence étrangère
par des restrictions imposées à l'investissement et aux échanges
commerciaux. De plus, la technologie du secteur des services rend difficile
l'échange de services sur de longues distances, mais la situation
est en train de changer. De plus, l'accord de l'Organisation mondiale du
commerce sur les services financiers aidera à supprimer certains
obstacles et à accroître par conséquent la concurrence.
Les gouvernements peuvent entraver l'esprit d'entreprise et le font
souvent, en imposant des règlements et des contraintes juridiques
qui font obstacle au changement et à l'innovation dans les entreprises
de toute taille, et non pas seulement les grandes. Ils peuvent saper la
motivation à livrer concurrence en protégeant et limitant
des marchés.
Jim Frank
L'imposition
Ayant supprimé le déficit fédéral, le gouvernement
du Canada peut maintenant entreprendre une réduction du niveau d'imposition
des contribuables. Le système de l'impôt et des transferts
peut avoir une incidence considérable sur le rendement de l'économie.
L'imposition, en plus de réduire le revenu disponible des foyers
canadiens, a des répercussions sur les incitatifs. Les premières
réductions offertes par le gouvernement visaient à réduire
le fardeau fiscal des familles à revenu modeste ou moyen et à
aider à supprimer certains des obstacles qui empêchent les
familles ayant des enfants de faire partie de la population active. Un
allégement fiscal a maintenant été accordé
à tous les Canadiens.
Le budget de 1999 a éliminé la surtaxe de 3 p. 100 pour
tous les autres contribuables.
Mais il reste encore beaucoup à faire. Les taux marginaux d'imposition
élevés ont aussi un effet sur les mesures incitant à
travailler et à économiser. Des initiatives modestes ont
été entreprises à cet égard. Ainsi, tous les
taux marginaux d'imposition ont été réduits grâce
à la suppression de la surtaxe de 3 p. 100. Néanmoins, ces
taux restent considérablement plus élevés au Canada
qu'aux États-Unis, qu'ils soient liés aux revenus de travail
ou aux revenus d'investissement.
Investir pour une économie productive
Dans ses derniers budgets, le gouvernement fédéral a pris
des mesures pour accroître l'infrastructure, tant matérielle
qu'humaine, de l'économie canadienne. Sur le plan matériel,
le programme d'infrastructure tripartite Programme Canada au travail a
aidé à améliorer le réseau de transport et
le système d'infrastructure municipal au Canada.
[...] la productivité permet à un pays de se bâtir
et de continuer à offrir une excellente qualité de vie. Il
n'est donc pas fortuit que le ralentissement de la productivité
ait concouru à remettre en question les programmes sociaux mis en
place dans les années 1960, une décennie où la productivité
s'accroissait rapidement.
Performance et potentiel de 1998, Le Conference Board du
Canada
Des mesures semblables ont été prises pour favoriser l'infrastructure
de la recherche et le développement du capital humain. Ainsi, la
Fondation des bourses du millénaire du Canada et le Fonds de dotation
fédéral de deux milliards de dollars permettront à
de jeunes Canadiens de suivre des études postsecondaires.
La création de la Fondation canadienne pour l'innovation, l'accroissement
des fonds pour les conseils subventionnaires et la création des
Instituts canadiens de recherche en santé ont enrichi la capacité
de recherche et de développement au Canada. Tout aussi important,
ces initiatives aideront à freiner l'exode des cerveaux, retenant
au pays certains des éléments les meilleurs et les plus brillants.
Un montant de 200 millions de dollars a été investi dans
la création de la Fondation canadienne pour l'innovation.
Étant une économie de petite taille, le Canada ne peut
espérer réaliser des activités de recherche - développement
comparables à celles de pays plus importants, que ce soit en termes
absolus ou relatifs. On a souvent pensé que le Canada pouvait profiter
des activités scientifiques réalisées dans le reste
du monde, et se contenter d'adapter les nouvelles inventions et innovations
à l'environnement canadien. Mais dans de nombreux cas, l'adaptation
est aussi complexe et coûteuse que les travaux de recherche - développement.
Le cas échéant, les économies qui produisent la recherche
fondamentale ont un avantage certain sur celles qui essaient simplement
de les copier.
Par conséquent, des initiatives gouvernementales qui encouragent
les activités de recherche - développement sont nécessaires
pour promouvoir l'innovation et le développement technologique,
d'où l'importance d'un soutien accru aux conseils subventionnaires
et de la création d'institutions de recherche pour augmenter la
croissance économique, et l'importance d'incitatifs fiscaux généreux
en matière de recherche et de développement au Canada.
Une somme de 90 millions de dollars sera investie au cours des trois
prochaines années en vue du développement des Centres d'excellence.
La réforme de l'assurance-chômage
En 1996, le gouvernement fédéral a remanié le régime
d'assurance-chômage, le rebaptisant assurance-emploi, et en a considérablement
modifié certains paramètres. En effet, on avait constaté
notamment que des changements dans la structure de l'économie étaient
en train d'exclure du programme une importante proportion de la population
active et que, par ailleurs, la nature du régime incitait tant les
travailleurs que les employeurs à adopter un comportement non productif.
Certains employeurs offraient à leurs employés l'assurance-chômage
dans le cadre du régime de rémunération, à
titre de supplément de revenu. Dans d'autres cas, des employeurs
devaient faire concurrence à l'assurance-chômage pour obtenir
des travailleurs, notamment parmi les chômeurs qui ne subissaient
aucune sanction s'ils prolongeaient la durée de leur chômage.
Par conséquent, le salaire d'acceptation (c'est-à-dire le
salaire que des chômeurs s'attendent à recevoir avant d'accepter
une offre d'emploi) et la durée de l'inactivité ont atteint
des niveaux élevés, gonflés artificiellement par le
régime d'assurance-chômage.
Selon Fred McMahon, le régime d'assurance-chômage a aussi
contribué à l'inefficacité économique : «
Au Canada atlantique, [...] il y avait pendant de nombreux mois deux fois
plus de gens qui touchaient des prestations d'assurance-chômage qu'il
n'y avait de gens au travail, et le nombre de ceux qui touchaient des prestations
d'A-C ordinaires était plus élevé des deux tiers que
le nombre de gens qui étaient vraiment en chômage »
au moment où même pendant les périodes d'inflation
élevée, il y avait des pénuries de travailleurs partout
dans l'Atlantique.
Les réformes effectuées récemment ont complètement
changé les données. Néanmoins, certains réclament
des réformes supplémentaires, particulièrement la
suppression de la subvention salariale implicite que le régime d'assurance-emploi
offre à certaines industries, de sorte que les employés de
certains secteurs dépendent moins des prestations d'assurance-emploi.
Une solution proposée est de calculer la prime de l'employeur en
fonction des antécédents en matière de mises à
pied dans le secteur.
Dans le budget de 1999, les cotisations d'A-E ont été
réduites. Les cotisations des employés s'élèvent
actuellement à 2,55 $ comparativement à 2,70 $ en 1998. Cette
mesure permettra de réduire les cotisations d'A-E de 1,1 milliard
de dollars d'ici la fin de 1999.
18 Le produit intérieur brut (PIB) par habitant a été
utilisé ici comme mesure du niveau de vie, car il permet d'évaluer
la capacité d'un pays de répondre aux besoins de ses citoyens
et comporte plusieurs avantages : les données sont faciles à
obtenir et sont, pour la plupart, libres de jugements de valeur. De plus,
elles sont recueillies de façon relativement uniforme d'un pays
à l'autre, ce qui facilite les comparaisons sur le plan international.
Cependant, le PIB n'est pas sans défaut : il ne reconnaît
pas la valeur de la production ou de la consommation non marchandes, et
le PIB annuel ne tient pas compte du calendrier de la consommation. En
effet, au cours d'une année, les Canadiens peuvent emprunter considérablement
à l'étranger pour financer leur consommation alors que l'année
suivante, le PIB sera au même niveau sans emprunts à l'étranger.
Le PIB par habitant ne tient pas compte non plus des activités de
loisir.
En dernier lieu, le PIB ne tient pas compte des diverses conséquences
négatives de l'activité économique et des conditions
sociales. Il ne prend pas en considération les effets de la pollution,
de la criminalité, de la congestion, de la mauvaise santé,
etc. Il ne prend pas non plus en ligne de compte des éléments
comme l'inégalité ou l'insécurité du revenu,
le risque de chômage, etc.
REMARQUES FINALES
Il est apparu aux membres du Comité, pendant les audiences, que
stimuler la productivité n'est pas un but privilégié
par rapport à d'autres objectifs idéologiques. Loin d'être
une aspiration exclusive, il s'agit plutôt d'un but recherché
afin d'avoir les ressources requises pour en atteindre d'autres.
Il ne faudrait donc pas chercher à accroître la productivité
aux dépens d'autres objectifs sociaux et économiques. Au
contraire, nous devrions y aspirer dans le cadre d'une campagne plus vaste
destinée à hausser le niveau de vie de tous les Canadiens.
Il ne faudrait pas, dans la même veine, lancer une telle campagne
pour combler un écart, réel ou apparent, entre le niveau
de productivité du Canada et celui d'autres pays, notamment celui
des États-Unis. Si les comparaisons internationales sont utiles
pour évaluer les résultats, elles ne devraient pas dicter
les priorités du Canada sur le plan des orientations à prendre.
L'objectif n'est pas de ressembler davantage aux Américains, aux
Allemands ou aux Japonais, mais bien de réaliser notre potentiel
et d'atteindre, dans l'immédiat et dans l'avenir, le niveau de vie
le plus élevé possible. Par contre, que notre productivité
soit légèrement meilleure ou pire que nous ne le pensions,
Il y a manifestement moyen de faire mieux.
L'idée de stimuler la productivité se résume à
produire plus de ressources pour répondre aux besoins et aux désirs
des Canadiens. Les citoyens disposent ainsi d'un revenu plus élevé,
tandis que le gouvernement, dont les ressources augmentent sans hausser
les impôts, peut faire plus.
C'est le mot « investissement » qui correspond sans aucun
doute le plus à la notion de productivité, et ce pour diverses
raisons. L'investissement est d'abord une activité qui, comme elle
produit des bénéfices futurs, exige une optique plus longue.
Il en va de même de la productivité. Il n'y a pas de façon
rapide de réaliser le potentiel de productivité, et les retombées
d'une productivité accrue ne se manifesteront que plus tard. Les
politiques gouvernementales de stimulation de la productivité doivent
donc s'insérer dans une perspective à long terme.
Le gouvernement aurait tout intérêt à se donner
un horizon de planification plus lointain s'il veut faire de la hausse
de productivité un de ses grands objectifs, tel qu'il l'a fait avec
la réduction du déficit sur deux ans et qui a donné
de bons résultats.
L'investissement est aussi un mot clé parce que c'est par lui
que, en dernière analyse, la productivité augmente. Qu'il
s'agisse d'investissements privés en machines et en équipement,
d'investissements privés en recherche - développement, d'investissements
publics en infrastructures ou en éducation, ou d'investissements
personnels en formation de capital humain, la clé d'une hausse de
productivité à terme est la création d'une certaine
forme de capital.
Si le gouvernement a un rôle direct à jouer lorsqu'il s'agit
d'accroître la productivité de ses propres activités,
c'est cependant surtout dans le secteur privé que se produit la
hausse de productivité. Il incombe au secteur des affaires et à
chaque Canadien d'accroître la productivité, et ce par les
investissements en usines, en équipements et en nouvelles technologies,
par les travaux de recherche - développement, par l'innovation,
par la prise de risques, et par les investissements constants dans leur
propre capital humain.
Même si le travail des ouvriers, la gestion centrale des sociétés
et les recherches sont déterminants pour la productivité,
le gouvernement a néanmoins un rôle notable à jouer
dans les décisions prises par les entreprises. Il lui incombe de
créer un milieu propice au bon fonctionnement de l'économie.
Le climat monétaire et financier dont il l'enveloppe a une incidence
sur la confiance des entreprises et des consommateurs. Le régime
fiscal se répercute sur les incitatifs des travailleurs, des épargnants,
des investisseurs et des entrepreneurs. Enfin, le gouvernement a un rôle
à jouer lorsque les avantages sociaux de certaines activités
diffèrent des avantages privés. Il joue, à cet égard,
un rôle complémentaire au marché, sans s'y substituer.
LE GUIDE DU COMITÉ POUR REHAUSSER LA PRODUCTIVITÉ
Voici une liste de principes directeurs qui, de l'avis du Comité,
peuvent aider à rehausser la productivité. Elle définit
le rôle du gouvernement pour ce qui est de créer un climat
propice à une croissance économique améliorée.
Amélioration des éléments fondamentaux
Le cadre stratégique global du gouvernement joue un rôle
essentiel dans l'établissement du climat économique au sein
duquel fonctionne le secteur privé.
- Réduction du ratio et de la dette par rapport au PIB
- Faible inflation
- Faibles taux d'intérêt à court et à moyen
termes
- Examen continu des programmes afin de centrer l'attention du gouvernement
sur les secteurs où il a un rôle à jouer et une contribution
à apporter quant au niveau de vie des Canadiens
- Une convention de productivité afin de fournir un modèle
de référence permettant de juger les politiques du gouvernement
et de faire en sorte qu'elles favorisent une amélioration de la
productivité.
Politique fiscale
Les charges fiscales ont une incidence importante sur les motivations
des particuliers et des entreprises. La politique fiscale ne concerne pas
uniquement le fardeau fiscal global. Les taux marginaux d'imposition et
la définition de l'assiette fiscale peuvent aussi influer de façon
marquée sur les motivations en question.
- Élimination de la surtaxe de 5 p. 100
- Exemptions personnelles de base plus élevées afin d'augmenter
le nombre de familles à faible revenu non imposées.
- Réduction des taux marginaux d'imposition
- Neutralisation du régime d'impôt sur les sociétés
par la réduction des divergences que présentent les taux
d'imposition
- Imposition des sociétés en fonction de leur rentabilité,
dans la mesure du possible
- Taux d'imposition concurrentiels par rapport aux pays étrangers
- Impôt sur les gains en capital qui encourage la prise de risques
- Dispositions fiscales comme le Régime d'options d'achat d'actions
qui relèvent la productivité en encourageant les employés
à partager les risques et les profits des entreprises
- Réexamen du seuil d'imposition pour les petites entreprises
Aide à l'enseignement et au perfectionnement
Ces mesures tiennent compte du fait que notre avantage compétitif
dépend de plus en plus de notre population active.
- Possibilités accrues de faire des études post secondaires
- Aide fiscale aux études supérieures et à l'éducation
permanente
- Aide fiscale à l'épargne-études
Aide à la R-D
La nouvelle technologie étant la clé d'une meilleure productivité
à long terme, ces mesures visent à promouvoir le développement
et la diffusion de nouvelles technologies.
- 18 Aide fiscale à la recherche et au développement
- Programmes de diffusion de la technologie
- Aide aux infrastructures de recherche
- Conseils subventionnaires bien nantis
Réforme sociale et du marché du travail
Des marchés du travail efficients sont aussi importants pour
l'amélioration de la productivité que des marchés
efficients de capitaux et de produits.
- Réforme de l'A-E
- Mesures permettant d'échapper au « piège de l'aide
sociale »
- Solide filet de sécurité sociale
Politique commerciale
La politique commerciale permet de rehausser la concurrence et d'élargir
les marchés. Grâce à elle, les entreprises canadiennes
réalisent des économies d'échelle et de longs cycles
de production qui ne seraient peut-être pas possibles si les entreprises
se limitaient au marché interne.
- Autres accords de libre-échange comme l'ALENA
- Accords multilatéraux comme celui de l'OMC
- Libre-échange interne amélioré
Laisser agir les forces du marché
Puisque les mesures d'amélioration de la productivité
seront vraisemblablement appliquées par le secteur privé,
il importe que les marchés fournissent à ce dernier les signaux
et mesures d'encouragements appropriés.
- Réduction des subventions aux entreprises
- Privatisation
- Atténuation du recours à la réglementation économique
pour restreindre la compétition et l'ouverture du marché
- Réduction du fardeau de la conformité réglementaire,
surtout pour les PME, par la rationalisation des règlements, l'élimination
de la réglementation inefficace et anticompétitive, et la
substitution de programmes gouvernementaux directs à la réglementation
sociale
- Utilisation rigoureuse de Résumés de l'étude d'impact
de la réglementation
Beaucoup de témoins nous ont mis en garde contre la tentation
de fixer trop précisément nos choix. Il n'y a pas de formule
magique pour faire augmenter la productivité. Certes, le gouvernement
peut avoir recours à des mesures macro- ou micro-économiques,
et les deux avenues méritent d'être explorées. Mais,
dans un contexte d'incertitude, il vaut sans doute mieux privilégier
les initiatives à large portée. Assurer la qualité
des bases économiques et financières est l'exemple parfait
de ce genre de mesures. Les initiatives en ce sens seront certainement
d'importants facteurs dans l'accroissement de la productivité et
ne pourront qu'améliorer la performance économique future.
Un autre facteur évident réside dans l'ouverture et la
souplesse de l'économie. Le gouverneur de la Banque du Canada, Gordon
Thiessen, a affirmé que l'une des mesures les plus utiles que le
gouvernement pouvait prendre pour hausser la capacité de production
de l'économie était de chercher à l'assouplir. Cette
souplesse concerne à la fois le marché des produits, le marché
du travail et le marché financier.
Nous pensons que notre approche de la déréglementation
du secteur des services financiers au Canada, exposée dans L'avenir
commence maintenant. Une étude du secteur des services financiers
au Canada , constitue un bon exemple. Abstraction faite des soucis légitimes
concernant la protection des consommateurs, la sécurité,
la santé financière ou la concurrence, nous recommandons
que les institutions financières soient aussi libres que possible
de chercher de nouveaux débouchés. La même approche
pourrait aussi bien s'appliquer à d'autres industries.
Dans la même veine, les mesures visant à encourager l'investissement,
la participation à la vie active, la prise de risques, etc. jouent
indubitablement en faveur d'une meilleure productivité. L'instrument
le plus important dont dispose le gouvernement à cet égard
est le système fiscal. Les effets des modifications apportées
à ce système varient selon leur nature (concernent-elles
l'investissement ou le revenu des travailleurs? amènent-elles la
réduction des taux marginaux d'imposition ou de la fiscalité
des sociétés? s'appliquent-elles aux taxes sur le capital,
le revenu ou la rémunération?). En tout cas, toute réduction
équilibrée des taxes ne peut avoir que des effets bénéfiques
sur la productivité.
Comme nous l'avons souligné plus haut, le gouvernement a pris
une série d'initiatives qui répondent à nos principes
directeurs pour une amélioration de la productivité. Bien
entendu, le Comité appuie la poursuite et la multiplication de ces
initiatives. Néanmoins, il existe plusieurs secteurs que, selon
nous, le gouvernement devrait prendre en considération au départ
et dans lesquels il pourrait commencer à agir rapidement.
Le gouvernement fédéral a commencé à réduire
l'impôt sur le revenu des particuliers, d'abord de façon ciblée,
puis de façon générale, mais il y a encore bien des
choses à faire au chapitre des allégements fiscaux. La surtaxe
sur les revenus élevés est encore en place. La taxe sur les
gains en capital est à peu près deux fois plus élevée
qu'aux États-Unis. Par rapport aux contribuables américains,
le taux marginal d'imposition le plus élevé frappe les contribuables
canadiens à un niveau de revenu bien inférieur. Le taux marginal
médian est encore au-dessus du niveau où il devait se situer
au départ. Les gouvernements fédéral et provinciaux
continuent de taxer le capital des institutions financières et des
autres grandes sociétés. Le seuil à partir duquel
le taux d'imposition des petites entreprises cesse de s'appliquer s'est
érodé avec le temps et doit être réexaminé.
Le système fiscal pourrait ne pas être approprié à
la « nouvelle économie » et pourrait devoir être
restructuré de manière à appuyer des mesures comme
les régimes d'actionnariat ouvrier, qui recèlent un potentiel
d'amélioration de la productivité.
La libéralisation des échanges est l'autre domaine où
les mesures d'amélioration de la productivité pourraient
avoir des effets notables. Il faudrait la pousser plus loin, car elle stimule
la concurrence et ouvre de vastes marchés aux sociétés
canadiennes. Outre l'ALENA, le Canada a signé des accords de libre-échange
avec le Chili et Israël. L'Amérique du Sud offre encore beaucoup
de possibilités à cet égard. C'est également
vrai de l'Europe, continent qui, maintenant qu'il s'est donné une
devise unique, forme un marché économique capable de rivaliser
avec les États-Unis. Des échanges plus libres et l'absence
de restrictions sur l'investissement entre l'Europe et le Canada inciteront
les entreprises canadiennes à être plus productives, car elles
seront en concurrence avec les sociétés les plus performantes
du monde, aux côtés de leurs homologues des États-Unis
et du Japon.
Enfin, nous estimons qu'une déréglementation accrue de
l'économie canadienne pourrait apporter beaucoup. La réglementation
économique, qui restreint l'entrée et frappe les prix et
les activités commerciales de contrôles, n'est pas aussi répandue
qu'autrefois. Plusieurs industries, autrefois lourdement réglementées,
font maintenant l'objet d'une forte concurrence. Les télécommunications
et les transports en sont deux exemples, mais ce type de réglementation
n'a pas été entièrement supprimé dans ces secteurs.
Toutefois, il reste encore du chemin à parcourir. Le secteur
financier, même s'il a déjà bénéficié
d'une réforme législative et réglementaire considérable
par le passé, est loin d'être aussi souple qu'il pourrait
l'être. Et puisque les États-Unis mènent enfin une
profonde réforme de leur propre réglementation, les pressions
en faveur du changement ne pourront qu'augmenter au Canada. De plus, lorsque
nous reconnaîtrons que les innovations en matière de communications,
comme lnternet, permettront vraiment aux Canadiens, aux Américains
et à d'autres d'obtenir les services financiers dont ils ont besoin
un peu partout dans le monde, les établissement canadiens devront
hausser leur productivité au niveau des établissements étrangers.
Il n'y a pas que la réglementation économique qui influe
sur la productivité. Tout règlement impose un fardeau aux
entreprises, et en particulier aux PME. Il faut du temps et des efforts
pour s'y conformer. À moins que les règlements répondent
à des objectifs valables ou avantagent les Canadiens, il vaudrait
mieux consacrer ce temps et ces efforts à rehausser l'efficacité
des entreprises.
Ces grands secteurs ne forment pas une liste exhaustive des initiatives
que le gouvernement peut encore prendre. Ils s'ajoutent dans notre esprit
aux autres conditions citées dans notre guide sur l'accroissement
de la productivité, qui sont tout aussi vitales pour mousser la
productivité. Le gouvernement doit continuer, il va de soi, à
épauler l'éducation et la formation, ainsi que la recherche
- développement, à créer un climat fiscal et monétaire
favorable, et à investir dans les infrastructures. Le Comité
pense que ces aspects comptent parmi ceux sur lesquels le gouvernement
pourrait se pencher en premier lieu.
LE MODÈLE DE SECTEUR DES SERVICES FINANCIERS PROPOSÉ PAR LE COMITÉ
Dans sa réponse au Groupe de travail sur l'avenir du secteur
des services financiers canadien, le Comité a proposé un
modèle d'institutions financières contenant la plupart des
facteurs qui lui semblent contribuer dans une large mesure à accroître
la productivité. Nous présentons ce modèle ci-après,
illustré par les mesures que nous appuyons. Ce modèle ne
constitue pas à nos yeux la meilleure ou la plus souhaitable des
options. Il représente néanmoins une approche qui; est compatible
avec les conditions préalables à l'accroissement de la productivité
que nous avons définies plus haut; il est appropriée compte
tenu de la nature du secteur financier; elle et pourrait être adaptée
au reste de l'économie.
Souplesse structurelle
- Modèle de société financière de portefeuille
soumis à une réglementation légère
- Régime de propriété unique qui s'appliquerait
aux institutions financières sur la base de la taille et non du
type de l'institution
- Définition souple de ce que constitue la large répartition
du capital
- Démutualisation des sociétés d'assurance, qui
pourront procéder à des fusions au cours de la période
de transition, après être passées d'un statut de société
mutuelle à celui de société par actions
- Possibilité pour les petites banques de l'annexe I de changer
de catégorie en fonction du régime de propriété
recommandé
Concurrence
- Élargissement de l'accès grâce à une réduction
des fonds propres exigés dans certains cas, une rationalisation
du processus d'approbation et l'élimination de l'approche globale
en ce qui concerne la réglementation
- Possibilité pour les banques étrangères d'établir
des succursales au Canada (projet de loi C-67)
- Élargissement de l'accès au système des paiements
pour les institutions autres que de dépôt
- Mesures visant à assurer l'accès aux autres réseaux
financiers
- Amélioration de la fonctionnalité des guichets automatiques
- Création de coopératives bancaires
- Augmentation des pouvoirs des centrales de coopératives de crédit
Fiscalité
- Élimination de la retenue fiscale sur les emprunts sans lien
de dépendance
- Élimination des impôts spéciaux sur le capital
- Réduction des impôts sur le capital en général
- Promotion de la base de capital commune
- Soutien général en faveur du recours aux taxes et impôts
en fonction des bénéfices
- Contexte macroéconomique et cadre de réglementation favorables
- Mesures visant à rendre la législation compatible avec
le commerce électronique
- Nouvelles directives dans le domaine de la comptabilité
- Création d'un processus clairement défini de révision
des projets de fusion des institutions financières
- Régime de protection des consommateurs dans le contexte des
réformes du secteur financier à l'étranger
- Mesures visant à améliorer les services fournis aux entreprises
du savoir et aux petites et moyennes entreprises
- Centralisation des fonctions de supervision au sein du BSIF
- Réduction des chevauchements et doubles emplois dans le domaine
de la réglementation
- Négociation d'un ensemble de règles avec les États-Unis
régissant la prestation de services par des institutions financières
« virtuelles »
Les audiences que nous avons tenues ont dans une certaine mesure, mis
en lumière la confusion dans le domaine statistique entourant le
débat sur la productivité au Canada. Que des institutions
internationales et nationales réputées en arrivent à
des conclusions différentes sur la tenue du Canada au chapitre de
la productivité indique à quel point il est difficile de
mesurer cette variable. Le fait qu'il soit effectivement ardu de mesurer
un segment croissant de l'économie est également révélateur
des problèmes de statistique et de mesure auxquels il faut faire
face.
Même s'il est vrai que la fiabilité des données
est importante, les difficultés et la controverse actuelles dans
le domaine statistique ne doivent pas nous faire perdre de vue que nous
connaissons les facteurs propices à une augmentation de la productivité.
Le Comité est d'avis que l'on en sait suffisamment sur le sujet
pour établir un programme en matière de productivité
qui soit une pièce maîtresse de la politique gouvernementale.
Et les mesures que prendra le gouvernement devront être jugées
en fonction de ce programme. Nous estimons donc que le gouvernement devrait
s'assurer que toutes les mesures qu'il prend contribuent à une augmentation
de la productivité.
1 Outre le
revenu par habitant, l'évolution de la taille moyenne des ménages
se répercute sur les tendances du revenu par ménage
2 Ces graphiques
fixent le niveau du PIB à 100 en 1971, ce qui ne veut pas dire que
le Canada et les États-Unis avaient alors le même PIB par
habitant. Cette technique sert uniquement à comparer la croissance
cumulative des diverses économies dans le temps.
3 Les mesures
de la productivité ont souvent comme dénominateur le nombre
d'heures de travail. Tant qu'il n'y a aucune tendance à augmenter
les emplois à temps partiel ou à temps plein, le nombre d'employés
permet de mesurer avec précision les niveaux et fluctuations de
la productivité.
4 C'est la
convention utilisée par Orr et Dugan. Le taux d'emploi correspond
souvent à la proportion de la popu lation d'âge actif qui
détient un emploi.
5 Centre
d'étude du niveau de vie, « La productivité : clé
du succès économique », page 9.
6 Dale Orr
et Bob Dugan, « Our Standard of Living-Our Productivity : How Are
We Doing? » WEFA Inc., 1999.
7 OCDE, 1998,
p. 51.
8 Richard
G. Lipsey « Economic Growth, Technological Change, and Canadian Economic
Policy », C.D. Howe Institute Benefactors Lecture, 1996, p. 25.
9 R. Salgado,
« Productivity Growth in Canada and the United States », Finance
& Development, déc. 1997.
10 OCDE,
Technologie, productivité et création d'emplois - Politiques
exemplaires, 1998, p. 46.
11 Dinah
Maclean, « Lagging Productivity Growth in the Service Sector : Mis-measurement,
Mismanagement or Misinformation? », document de travail 97-6, Banque
du Canada.
12 Michael
R. Darby, « Causes of Declining Growth », Policies for Long-Run
Economic Growth, Federal Reserve Bank of Kansas City, 1992, p. 6.
13 Dinah
Maclean, « Lagging Productivity Growth in the Service Sector: Mis-measurement,
Misman agement or Misinformation? », Banque du Canada, document de
travail 97-6, p. 14.
14 Ibid.,
p. 14.
15 A.
Sharpe, Productivity : Key to Economic Success, pp. 31-33.
16 Richard
G. Lipsey, « Economic Growth, Technological Change, and Canadian
Economic Policy », CD Howe Institute Benefactors Lecture, 1996, p.
4.
17 Dirk
Pilat, « Competition, Productivity and Efficiency », Études
économiques de l'OCDE, no 27, 1996/II, p. 124.
18 K.
Shigehara, « Causes of Declining Growth in Industrialized Countries
», dans Policies for Long-Run Eco nomic Growth, p. 30.
19 Peter
Howitt, « Endogenous Growth Theory: Taming the Winds of Change, or
Tweaking Neoclassical Eco nomics? » dans Stabilization, Growth
and Distribution: Linkages in the Knowledge Era, The Bell Canada Papers
on Economic and Public Policy, 1994, p. 133.
20 Nathan
Rosenberg et L.E. Birdzell, Jr., How the West Grew Rich: The Economic
Transformation of the Industrial World, Basic Books, Inc., New York,
1986, p. 332.
21 Jonathan
R. Kesselman, « Tax Cuts for Growth and Fairness », Policy
Options, décembre 1998.
22 Jonathan
R. Kesselman, Policies to Stem the Brain Drain Without Americanizing
Canada, mars 1999.
23 «
Trends in Canada-U.S. Migration: Where's the Flood? », Economic
Analysis, Banque de Montréal. Le 24 mars 1999.
24 Le
Conference Board du Canada, « Performance and Potential, 1998
», Ottawa, 1998, p. 111.
25 Ibid.
p. 109.
26 Peter
Howitt, « Endogenous Growth Theory: Taming the Winds of Change, or
Tweaking Neoclassical Eco nomics? », dans Thomas J. Courchene, éditeur,
Stabilization, Growth and Distribution: Linkages in the Knowledge Era,
The Bell Canada Papers on Economic and Public Policy, Queen's University,
Kingston, Ontario, p. 141.
27 Centre
d'étude du niveau de vie, « La productivité : secret
de la réussite économique », Rapport préparé
pour l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, mars
1998, p. 26.
28 Daniel
Schwanen, « Trading Up: The Impact of Increased Continental Integration
on Trade, Investment, and Jobs in Canada », CD Howe Institute, mars
1997.