Passer au contenu

FISH Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PARTIE I


Séances






LES QUESTIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Attitudes générales

12. La plupart des témoins qui ont comparu devant le Comité estimaient que le gouvernement fédéral avait trahi leurs collectivités car il était responsable de la gestion de la pêche, responsabilité à laquelle il a totalement manqué. Les stocks de poisson de fond se sont effondrés, mais le gouvernement fédéral renonce à ses responsabilités à l'égard des gens qui dépendaient de l'exploitation de ces stocks pour subvenir à leurs besoins. Ainsi, le soutien du revenu offert dans le cadre de La Stratégie ne devrait pas être considéré comme une forme d'aide sociale, mais plutôt comme une compensation versée parce que le gouvernement fédéral n'a pas géré les pêches comme il se doit.

13. À Terre-Neuve en particulier, on a signalé que pendant 500 ans les résidents des collectivités côtières ont gagné leur vie en pêchant, sans que les stocks ne s'en ressentent. Même s'il y a eu des années difficiles dans le passé, la morue est toujours revenue. Les stocks de poisson de fond n'ont jamais été aussi faibles. Pour illustrer l'impact de la crise actuelle sur le Canada atlantique, un témoin a demandé au Comité d'imaginer ce qui se passerait si l'industrie automobile de l'Ontario et du Québec devait être fermée pendant 5 à 10 ans, ou si l'industrie pétrolière albertaine ou tout le secteur forestier de la Colombie-Britannique étaient anéantis. Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador n'ont pas à imaginer une telle catastrophe, ils la vivent depuis cinq ans. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la pêche du poisson de fond. Un témoin a fait la comparaison suivante :

«dans 25 ans, Hibernia n'existera probablement plus, mais ce projet aura injecté 16 milliards dans l'économie, ou au moins la valeur du pétrole exploité. En comparaison, on parle d'une ressource qui, [même] à moitié épuisée, vaut 3 milliards par an, une ressource qui, et c'est encore plus important, est renouvelable.»
14. Des témoins estimaient qu'ils avaient été abandonnés par le gouvernement fédéral. Comme un témoin l'a déclaré, «notre sort a été remis entre les mains de ronds-de-cuir et de gratte-papier». Les gens pensent que les Canadiens de l'Atlantique sont mal compris ou oubliés par les autres régions du Canada et qu'ils ont été stigmatisés par des médias peu sympathiques à leur cause. Les habitants de cette région nous ont déclaré qu'ils étaient furieux de devoir quémander de l'argent et d'être dépeints comme des paresseux et des fainéants.

15. De nombreux témoins ont signalé l'apport économique que les ressources de Terre-Neuve, comme celles des chutes Churchill, de Voisey's Bay ou d'Hibernia, ont représenté et continueront à représenter pour le reste du pays. Vu que Terre-Neuve possède ces ressources et qu'elle ne compte que 500 000 habitants, les résidents de cette province jugent qu'elle n'est pas démunie. Ils ont aussi souligné que le coût réel de LSPA, lorsqu'on calcule toutes les recettes fiscales supplémentaires pour les gouvernements fédéral et provinciaux, est plutôt d'environ 900 millions de dollars et non pas de 1,9 milliard2, le chiffre officiel. Ils ont aussi souligné que l'économie est très saine dans d'autres régions du Canada, et ont demandé si le Canada n'avait pas l'habitude de partager ses richesses. Ils ont rappelé qu'ils ne demandaient pas une aide perpétuelle, mais seulement de quoi traverser l'actuelle crise dans l'industrie de la pêche.

16. Certains témoins terre-neuviens ont signalé qu'ils commençaient à se demander s'il avait été sage de se joindre à la Confédération. En cédant la responsabilité de la gestion de la pêche au gouvernement fédéral, Terre-Neuve avait perdu le contrôle de cette ressource. Ils estimaient que leurs intérêts avaient été sacrifiés au profit de grandes entreprises situées principalement ailleurs au Canada et dans l'intérêt des relations que le Canada entretient avec l'étranger. Selon un témoin, «nos ressources halieutiques ont constamment été utilisées par notre gouvernement national comme un pion qu'il pouvait avancer ou reculer sur l'échiquier des affaires étrangères de manière à pouvoir vendre d'autres denrées ou en promouvoir le commerce.»

17. De nombreux témoins ont été en particulier outrés que Développement des ressources humaines Canada (DRHC) décide de dépenser 350 000 $ pour former des fonctionnaires afin qu'ils puissent faire face aux manifestations violentes et aux occupations des locaux qui pourraient, selon ce ministère, se produire lorsque LSPA prendra fin. Plusieurs ont fait remarquer que les Terre-Neuviens n'étaient pas violents et qu'aucune manifestation précédente n'avait donné lieu à des actes de violence ou à des menaces de cet ordre. La décision de ce ministère démontrait donc clairement un manque de sensibilité et de compréhension.

Impacts économiques et sociaux

18. Les moratoires ont eu un effet dévastateur sur la vie de nombreux témoins. Nombre d'entre eux éprouvent de graves problèmes financiers. On a aussi enregistré une augmentation du nombre de divorces, de faillites, de cas de toxicomanie et même de suicides. Certains témoins ont dû faire des choix difficiles. L'un d'entre eux nous a décrit comment il avait dû utiliser l'argent épargné pour l'éducation de sa fille pour boucler les fins de mois.

19. Les conditions étaient difficiles dans les collectivités côtières de l'île de
Terre-Neuve, mais elles l'étaient encore plus au Labrador. À Black Tickle, par exemple, certains habitants ont été forcés de choisir entre acheter des aliments ou du mazout; ainsi, au moins la moitié des enfants devaient se rendre à l'école le ventre vide.

20. La fin prochaine de LSPA et l'incertitude entourant le remplacement de ce programme ont rendu les choses encore plus difficiles. Un grand nombre de témoins étaient d'avis que la promesse originale, qu'ils avaient reçue sous forme de lettre, qu'un soutien du revenu serait versé aux personnes admissibles à LSPA jusqu'en mai 1999, était en fait un contrat que le gouvernement fédéral avait violé. Cette situation causait d'ailleurs des problèmes à plusieurs clients de LSPA qui avaient présenté cette lettre comme garantie afin d'obtenir de la banque une aide financière pour des achats importants.

Impacts sur les collectivités

21. La fermeture de la pêche et des usines de transformation a eu un effet dévastateur pour de nombreuses collectivités. LSPA a permis à de nombreuses familles qui dépendaient directement de la pêche du poisson de fond de se tirer d'affaire, mais cette crise s'est traduite par une diminution marquée des revenus globaux des collectivités. Elle a également entraîné un ralentissement dramatique dans les secteurs du commerce et des services qui dépendaient indirectement de la pêche. Dans nombre de collectivités, quelque 30 p. 100 des résidents ont déménagé au cours des deux ou trois dernières années; la plupart de ceux qui sont partis étaient des jeunes. Plus d'une fois, des témoins ont demandé aux membres du Comité de regarder autour d'eux et de constater que peu de gens avaient moins de 40 ans ou même de 50 ans. Selon un témoin, ce sont principalement des diplômés universitaires qui quittent Terre-Neuve pour déménager ailleurs au Canada.

22. Nombreux sont ceux qui craignent pour l'avenir de leurs collectivités. En l'absence de jeunes pour prendre la relève, elles mourront un jour. En fait, la situation se détériore rapidement dans plusieurs d'entre elles. «La situation se compare au pire des années 1930», de déclarer un témoin. Un autre l'a comparée à un roman de Steinbeck. Il ne pouvait se souvenir du titre3, mais tout le monde a bien saisi l'allusion.

23. Pour de nombreux habitants plus âgés, il n'est pas réaliste de songer à déménager dans une autre région du Canada. La plupart ont travaillé toute leur vie dans l'industrie de la pêche et il leur serait pratiquement impossible de se trouver un autre emploi à leur âge. Même si les perspectives d'emploi étaient bonnes dans d'autres régions, - ce dont on peut douter -, la plupart de ces personnes sont mal préparées pour entreprendre une nouvelle carrière. Bon nombre sont propriétaires de maison mais, en raison des conditions économiques actuelles, ces propriétés n'ont pratiquement aucune valeur. Dans une collectivité, on nous a dit qu'une maison valant normalement 80 000 $ pouvait se vendre pour seulement 2 000 $ ou 3 000 $. Il n'est pas possible de louer ces maisons. Certains de ceux qui sont partis se sont contentés de placarder leurs fenêtres, de charger dans un camion les biens qu'ils pouvaient emporter avec eux et de déménager à un autre endroit en abandonnant tout simplement leur maison.

24. De nombreux témoins ont signalé qu'on risque ainsi de perdre un mode de vie qui dure depuis des siècles et se demandent en fait si on tient compte de la valeur du mode de vie des collectivités côtières. Certains ont même dit que le traitement que le gouvernement réserve à ces collectivités dépassait la simple négligence et faisait partie d'un plan secret pour les éliminer.

LA STRATÉGIE

Soutien du revenu

25. La décision du gouvernement de mettre un terme à LSPA en mai 1998 suscite énormément de colère et presque tous les intéressés estiment qu'on aura encore besoin de soutien du revenu après cette date, au moins jusqu'à l'échéance initiale (mai 1999). La lettre initiale de DRHC qui leur promettait un soutien du revenu jusqu'en mai 1999 représentait pour beaucoup un contrat dont ils se sont servis comme garantie à la banque. La lettre disait : «Vous demeurerez admissibles au soutien du revenu, aux services et aux programmes de LSPA jusqu'au 8 mai 1999.» De nombreux témoins nous ont dit qu'ils avaient pris des engagements financiers sur la foi de cette lettre et qu'ils auraient maintenant du mal à les respecter.

26. Beaucoup de gens sont même allés plus loin et ont dit que les programmes de soutien du revenu devraient être maintenus jusqu'à la reprise de la pêche. En fait, certains nous ont dit qu'ils avaient l'intention de reprendre la pêche lorsque cesseraient les prestations : «…si les prestations prennent fin, cela veut dire que le moratoire a pris fin et nous retournerons pêcher». Ce genre de déclaration a suscité des tonnerres d'applaudissements. Tous les témoins étaient d'avis qu'il faut maintenir le soutien du revenu au moins au niveau actuel. La plupart d'entre eux considèrent que, quoique ces prestations suffisent à peine, elles ont néanmoins permis aux collectivités et à leurs résidents de survivre.

27. De nombreux témoins ont signalé l'application injuste et arbitraire des critères d'admissibilité aux prestations de LSPA. Plusieurs ont critiqué le traitement réservé aux travailleurs d'usine qui, pour une raison ou une autre (peut-être à cause d'une blessure ou d'une grossesse), ont dû cesser momentanément de travailler dans une industrie à laquelle ils participaient depuis longtemps. À cause des critères d'admissibilité, ces personnes ont eu droit à une période de prestations écourtée; en fait, dans certains cas, cette période était même plus courte que celle d'autres personnes qui avaient travaillé moins longtemps qu'elles dans le secteur. Les témoins ont demandé que les programmes d'aide futurs comportent des dispositions spéciales pour les travailleurs ainsi négligés et rétablissent les prestations des travailleurs qui ont été prématurément privés du soutien du revenu.

28. On a aussi cité le cas d'une entreprise exploitant deux usines dans la même région. Une usine était affectée au conditionnement du poisson de fond et l'autre, à celui d'autres espèces; les travailleurs de la première usine étaient admissibles aux prestations de LSPA, mais pas ceux de l'autre, bien que tous les travailleurs aient souffert du ralentissement de l'industrie. Si l'entreprise avait été informée à l'avance du seuil de 25 p. 100 prévu pour les usines, elle aurait facilement pu transformer la proportion requise de poisson de fond dans les deux usines.

29. Au Labrador, des témoins ont dit qu'ils auraient dû être indemnisés pour la disparition des stocks de morue. Les pêcheurs du Nord n'ont pas été traités équitablement par LSPA, soit parce que leur division de pêche n'était pas admissible (par exemple, la division 2H) soit parce qu'ils avaient été affectés par la disparition de la morue bien avant que le moratoire actuel ne soit annoncé.

Formation et éducation

30. Certains ont fait des commentaires positifs sur la valeur des programmes de formation et d'éducation prévus dans le cadre de LSPA mais la majorité ont critiqué ces programmes. Dans l'ensemble, les gens ont l'impression qu'on a gaspillé des millions de dollars qui auraient pu être plus utiles ailleurs. Certains ont dit que des établissements de formation et d'enseignement avaient, dans le cadre de ce volet, agi dans leur propre intérêt plutôt que dans celui des clients; ils ont exigé que l'on procède à une vérification afin de savoir où l'argent était allé.

31. Certains ont dit que la formation avait souvent eu des répercussions doublement fâcheuses sur les gens. Dans de nombreux cas, des clients assez âgés et peu motivés monopolisaient toutes les places dans des programmes établis par DRHC, tandis que des milliers de diplômés du niveau secondaire, motivés et enthousiastes, ne pouvaient participer à des programmes de niveau postsecondaire parce que leurs parents occupaient les bancs d'école.

32. Peu de gens s'opposaient cependant au principe de programmes d'enseignement et de formation, mais la majorité pensait que ces derniers devraient être facultatifs, de haute qualité et axés sur des compétences en demande. On a signalé qu'on n'avait pas besoin de «centaines de menuisiers, d'opérateurs de machinerie lourde et de coiffeurs ou d'autres gens de métier n'ayant que 12 semaines de formation.»

Disposition de récupération

33. La disposition de récupération visant le revenu de LSPA a beaucoup irrité de nombreux bénéficiaires. On dit qu'elle décourage fortement les clients de travailler même quand il y a de l'emploi. Trois éléments de la récupération ont été critiqués dont, premièrement, le seuil qui, pour les bénéficiaires de LSPA, était fixé à 26 000 $. Les prestataires de l'assurance-emploi, en revanche, peuvent gagner jusqu'à 39 000 $ avant que la disposition de récupération ne soit déclenchée. Le deuxième point litigieux tient au fait que, dans le cas de l'assurance-emploi, la récupération se fait au taux de 30 p. 100 des gains dépassant le seuil, tandis que dans le cas de LSPA, chaque dollar gagné au-delà du seuil doit être remboursé. De nombreux témoins nous ont dit que, lorsque leur revenu brut dépassait 26 000 $, leur chèque de prestations dans le cadre de LSPA était saisi en totalité pour recouvrer les montants versés l'hiver précédent; ils ne touchaient donc plus de prestations de LSPA. Bon nombre de témoins ont demandé que les bénéficiaires de LSPA soient traités de la même façon que les bénéficiaires de l'assurance-emploi.

Dépenses des propriétaires de bateaux

34. Les propriétaires de bateaux ne peuvent déclarer des dépenses d'exploitation supérieures à la valeur du quart des débarquements bruts par embarcation. Or, il est souvent arrivé que les dépenses excèdent de beaucoup 25 p. 100 des recettes brutes. Ainsi, le revenu des propriétaires de bateau pouvait en fait diminuer s'ils allaient pêcher. Des ressources halieutiques qui auraient pu être exploitées n'ont donc pas été pêchées, les usines n'ont pu les transformer, et aucun emploi secondaire n'a été créé. Un capitaine des Îles-de-la-Madeleine a expliqué la situation en ces termes :

«Cette année, j'ai pris pour 40 000 $ de poisson, brut. Mes revenus ont été de 16 000 $. J'ai payé 5 500 $ en dépenses de pêche, 5 400 $ en carburant, en huile et en d'autres choses, 5 525 $ en réparations parce qu'on n'a pas été chanceux, 4 775 $ en équipement électronique, 1 500 $ à l'épicerie, 4 000 $ en assurance auto, 1 400 $ à la CSST, et 2 400 $ pour d'autres dépenses. Ensuite, il y a eu l'intérêt sur l'emprunt à la Caisse, et les taxes, soit 25 p. 100 du paiement-bateau. J'ai donc fait un déficit de 30 000 $ et j'ai 10 000 $ de dépenses. Et on veut m'enlever la LSPA par-dessus le marché? Je ne l'accepte pas!»
Retraite anticipée

35. Il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que tous les travailleurs âgés s'orientent vers un autre secteur ou qu'ils déménagent. De nombreux témoins ont suggéré que le gouvernement offre à ces travailleurs un programme de retraite anticipée qui leur permettrait de quitter l'industrie de la pêche avec dignité. La plupart ont proposé que l'on fixe à 50 ans l'âge d'admissibilité à la retraite anticipée; cependant, parce qu'il serait injuste d'offrir ce type de programme à ceux qui n'ont pas travaillé longtemps dans le secteur, des témoins ont recommandé une formule qui tiendrait compte à la fois de l'âge et des années d'expérience dans la pêche.

Rachat de permis de pêche

36. La nécessité de réduire la capacité dans le secteur de la pêche faisait nettement moins l'unanimité, particulièrement dans le cas de la pêche côtière. D'ailleurs, l'idée qu'il y «a trop de pêcheurs pour la quantité de poisson disponible» a souvent été tournée en dérision. Beaucoup de témoins pensent que le vrai problème est celui de l'accès équitable à la ressource. Des témoins ont cependant reconnu que de nombreux pêcheurs aimeraient prendre leur retraite mais n'en ont pas les moyens. Un bon programme de rachat de permis leur permettrait non seulement de prendre leur retraite avec dignité, mais il améliorerait également les chances de survie des autres pêcheurs. Certains pensent qu'un plus grand nombre de pêcheurs accepteraient de quitter le secteur maintenant parce que le rétablissement des stocks va prendre beaucoup plus de temps qu'on ne l'avait prévu au début de LSPA.

37. Tous conviennent que les deux premières rondes de rachats de permis n'ont pas été très utiles, d'une part, simplement parce qu'on n'y a pas mis suffisamment d'argent et, d'autre part, parce qu'on a ciblé surtout les petits exploitants. Ces rachats n'ont pas réduit la capacité, puisque les bateaux, les engins et les autres permis ont été transférés à d'autres pêcheurs professionnels. Pour être efficace, tout nouveau programme de rachat de permis devrait réduire l'effort de pêche et interdire le transfert à d'autres pêcheurs.

MPO ET GESTION DES PÊCHES

38. Les pêcheurs et les populations côtières font bien peu confiance au MPO pour la gestion des pêches. En fait, bien des gens pensent que les politiques du MPO sont conçues essentiellement pour protéger les intérêts des grosses sociétés et que le ministère a pour objectif non avoué la disparition de la pêche côtière. Ces opinions sont dans une certaine mesure renforcées par l'impression qu'ont les gens que les grands décisionnaires du ministère sont bien loin à Ottawa, qu'ils n'ont aucun contact avec les pêcheurs, les travailleurs d'usine et leurs collectivités et qu'ils connaissent peu et apprécient mal la pêche traditionnelle et la vie rurale.

39. En général, les témoins ont du respect pour les fonctionnaires locaux du MPO, mais ils sont souvent frustrés par le peu de latitude dont ces derniers disposent. La centralisation du processus décisionnaire dans les bureaux régionaux entraîne souvent des retards, voire des décisions douteuses. Des pêcheurs ont signalé que parfois le MPO omettait de fournir à temps des renseignements essentiels comme les dates limites applicables aux autorisations, aux demandes, aux permis et aux contingents. On s'est plaint aussi que le MPO ne dispose pas des ressources suffisantes pour assurer un contrôle et une surveillance efficaces.

40. Les pêcheurs côtiers n'ont pas mâché leurs mots au sujet des véritables responsables de la destruction des pêches. Selon eux, les coupables ne sont pas les pêcheurs côtiers, qui se servent d'engins fixes tels les trappes à morue, les palangres, voire les filets maillants, mais les politiques fédérales qui ont laissé le champ libre aux flottilles canadiennes et étrangères de chalutiers dans l'intérêt de la politique étrangère et par patronage politique. Seuls les chalutiers peuvent pêcher à longueur d'année et dans les glaces, et ils étaient les seuls à pouvoir cibler les fortes concentrations de morue dans leurs frayères. La morue du Nord qui avait été protégée par la nature pendant des siècles ne pouvait plus se reproduire comme jadis entre les saisons de pêche traditionnelles.

41. D'autres témoins appuient plutôt la pêche semi-hauturière et hauturière. Les collectivités du sud de Terre-Neuve dépendent dans une grande mesure de la pêche hauturière. Des milliers de résidents de la péninsule de Burin doivent leur niveau de vie aux bons salaires et au travail que leur procure, toute l'année, la pêche hauturière. Ces témoins estiment que les pêcheurs hauturiers de même que les localités et usines qui ont toujours tiré leur gagne-pain de ces stocks devraient avoir un accès prioritaire aux stocks des Grands Bancs lorsque la pêche y sera rouverte.

42. On a signalé que le secteur hauturier avait été plus durement touché que les autres et que beaucoup de pêcheurs hauturiers s'étaient dispersés dans le monde entier. Par contre, un témoin a dit que le secteur hauturier n'était pas tenu d'employer ses techniques traditionnelles auxquelles on a attribué en grande partie la destruction des stocks de poisson de fond.

Volet scientifique du MPO

43. Dans l'ensemble, les témoins avaient bien peu confiance dans le volet scientifique du MPO. Ils jugent que les erreurs commises dans les estimations des stocks de morue ont beaucoup contribué à l'effondrement de ces stocks et que les choses n'ont pas suffisamment changé pour qu'ils aient confiance dans la capacité du ministère à gérer la ressource à l'avenir. On estime que les dirigeants du ministère se soucient surtout de défendre leur réputation après la vague de critiques dirigées contre eux par les scientifiques et d'autres fonctionnaires du ministère qui les accusent de s'immiscer dans des activités scientifiques. Comme le ministère n'a pas admis ses erreurs, on ne peut pas s'attendre qu'il gère mieux les pêches à l'avenir.

44. On a exprimé des doutes sur l'indépendance du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH), créé en 1993 pour fournir au ministre des Pêches et des Océans des avis indépendants sur la gestion des pêches, principalement sur les prises admissibles. On a fait remarquer que le Conseil est installé au ministère et que son secrétariat est assuré par des fonctionnaires du MPO. On pense que la politique continue d'influer sur le Conseil qui est devenu un instrument du ministère.

45. D'autres témoins ont cependant dit du bien du volet scientifique du ministère. Une personne en particulier a admis que les données scientifiques suscitaient beaucoup de scepticisme, mais qu'il fallait néanmoins se garder de «jeter le bébé avec l'eau du bain». Ce n'est pas le volet scientifique en soi qui est en cause, mais les activités scientifiques telles qu'elles sont pratiquées au MPO. Il faudrait que les sciences soient indépendantes de la gestion au ministère ou, à tout le moins, que ces deux volets soient tout à fait séparés.

46. On pense que les scientifiques qui ont surestimé les stocks de poissons de fond et sous-estimé les prises font maintenant preuve d'une prudence excessive dans leurs estimations des stocks de morue. On a signalé à ce propos les relevés acoustiques des stocks de morue. Aux dires des témoins, ces relevés sont effectués le long d'une ligne imaginaire traversant les baies et non sur les hauts-fonds où les morues ont l'habitude de se tenir. Peu de pêcheurs ont été surpris par les faibles densités de morue rapportées à l'issue des relevés acoustiques, pour la simple raison que les scientifiques effectuaient leurs relevés aux mauvais endroits. La plupart des témoins n'avaient donc aucune confiance dans la valeur des résultats. Beaucoup de pêcheurs sont au contraire convaincus qu'il y a suffisamment de morue pour justifier une pêche côtière limitée en 1998.

Pêcheurs étrangers

47. Les quotas accordés aux pêcheurs étrangers irritent particulièrement bon nombre des témoins entendus par le Comité. Pour un pêcheur de la division 3L, la pilule est difficile à avaler : alors qu'il s'expose à des poursuites s'il met un hameçon à l'eau pour attraper une malheureuse morue pour son repas, les pêcheurs étrangers, quant à eux, ont légalement droit à des prises accidentelles de morue du Nord quand ils pêchent le flétan noir exactement au même endroit. «De la rive, on peut voir les bateaux étrangers prendre du poisson tandis qu'on ne peut même pas aller en mer se chercher à manger.» Beaucoup de gens sont convaincus que l'on a accordé des concessions aux pays étrangers pour sauver des accords commerciaux qui profitent surtout aux autres régions du pays.

48. Les concessions apparemment généreuses accordées aux flottilles françaises dans l'ensemble des eaux canadiennes sont aussi une source d'irritation, surtout sur la côte sud de Terre-Neuve. Certains affirment que le Canada a concédé 15,6 p. 100 du contingent de morue dans la division 3P en échange d'un contingent «inexistant» de pétoncle dans la zone française. Pour l'instant, les avantages pour les pêcheurs canadiens sont limités puisque sept bateaux seulement, surtout de gros chalutiers, sont autorisés dans la zone française. On s'interroge aussi sur les efforts réels que déploient les responsables de la surveillance des chalutiers canadiens affrétés pour pêcher les 70 p. 100 du contingent français pêchés dans la zone canadienne de 3Ps.

49. Il y a aussi beaucoup de ressentiment face au traitement différent que reçoivent les pêcheurs selon qu'ils sont dans les zones française ou canadienne de la division 3Ps. Les pêcheurs de Saint-Pierre-et-Miquelon ont continué de pêcher à la fois dans leur zone et à l'extérieur de celle-ci durant tout le moratoire. Durant la saison de 1997, les Français pêchaient encore alors que la pêche canadienne était fermée. En outre, on dit que les pêcheurs de la zone française étaient autorisés à utiliser beaucoup plus d'agrès que les pêcheurs de la zone canadienne. Le fait que les pêcheurs du sud de Terre-Neuve pouvaient voir les bateaux de pêche français opérer en zone canadienne alors qu'il leur était interdit de pêcher portait l'insulte à son comble. Un pêcheur a dit : «Je fais attention à ce que je dis, mais on dit quand même que les bateaux français sont à portée de fusil.»

50. Beaucoup de témoins ont réclamé l'interdiction des navires étrangers en eaux canadiennes ou à tout le moins la récupération des quotas actuellement accordés aux navires étrangers; ils ont également recommandé que le Canada se réapproprie le plus rapidement possible les pêches en développement comme celle du merlu argenté.

51. Certains témoins ont admis que, selon le droit de la mer, le Canada est tenu d'offrir les quotas sous-utilisés aux autres pays, mais ont rappelé que les espèces dites sous-utilisées ont leur place dans l'écosystème et représentent un maillon important de la chaîne alimentaire. On a par exemple réclamé des mesures de contrôle de la pêche au capelan parce que cette espèce constitue la nourriture principale de la morue et que la surexploitation des stocks de capelan pourrait ralentir le rétablissement de stocks de morue.

52. L'affrètement de navires et d'équipages étrangers pour la pêche a aussi suscité des critiques. Certains témoins ont fait valoir que des navires canadiens pouvant pêcher les quotas restent à quai tandis qu'on fait appel à des navires et à des équipages des îles Féroé ou des pays baltes. Beaucoup pensent qu'on a recours à cette formule pour la seule raison que les navires étrangers n'ont pas à respecter les normes canadiennes ou à verser des salaires canadiens. Pour égaliser les chances, on a proposé de forcer les navires étrangers travaillant pour des titulaires de permis canadiens à respecter les normes canadiennes du travail et à verser les salaires minimums en vigueur au Canada quand ils pêchent dans les eaux canadiennes.

53. Les citations suivantes illustrent bien le sentiment des pêcheurs face à la pêche étrangère :

La pêcherie est «le plus important programme d'aide étrangère qui soit».
«Pourquoi ces bateaux étrangers pêchent-ils au large de Black Tickle, dans la zone 2J qui est située en territoire canadien? J'en ai vu un qui battait pavillon étranger et qui pêchait le flétan noir. C'était un immense navire».
Un pêcheur en colère - Mary's Harbour Le 26 novembre 1997

54. La dernière observation est contestée par le MPO :

«Contrairement à ce qui a été déclaré récemment, aucun bateau étranger ne pêche le flétan noir au large de Black Tickle. Black Tickle se trouve dans la division 2J de l'OPANO et le flétan noir qui s'y trouve a été alloué entièrement aux pêcheurs canadiens».
Ministre des Pêches et des Océans Lettre au rédacteur en chef du St. John's Evening Telegram Le 7 janvier 1998

Saumon

55. Parlons de la pêche commerciale du saumon pratiquée dans la zone française 3Ps. Le gouvernement canadien a restreint la pêche commerciale du saumon de l'Atlantique en eaux canadiennes à cause du piètre état des stocks. Cependant, des témoins ont noté que les pêcheurs de Saint-Pierre-et-Miquelon ont continué de pêcher le saumon à l'aide de filets maillants achetés à des pêcheurs commerciaux canadiens dont les permis avaient été rachetés par le gouvernement fédéral. Les poissonneries de France regorgent tellement de saumons de l'Atlantique que ce poisson est devenu moins cher que la plupart des autres espèces et qu'on craint qu'il se pratique une pêche importante au filet maillant sur toute la longueur de la zone française située au sud de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. On a laissé entendre au comité que c'est peut-être une des principales raisons pour lesquelles les stocks de saumon de l'Atlantique ne se rétablissent pas en dépit des restrictions très importantes imposées à la pêche commerciale de cette espèce en eaux canadiennes.

Proximité et participation historique

56. Un grand nombre d'intervenants semblent penser qu'un partage plus équitable des ressources halieutiques permettrait à plus de pêcheurs et à plus de collectivités de survivre. La proximité et la participation historique sont souvent mentionnées comme les deux principes fondamentaux devant être utilisés lors de la distribution de la ressource. L'importance relative de ces deux facteurs est toutefois perçue différemment selon l'endroit visité. Ainsi, au Labrador, on juge la proximité comme particulièrement importante. Les Labradorais ont peu accès aux ressources situées immédiatement au large de leur côte, la plus grande partie des quotas étant allouée à des détenteurs de permis d'ailleurs dans l'Atlantique, en particulier à des pêcheurs du nord-est de Terre-Neuve, et aux pêcheurs étrangers. Les témoins du Labrador sont convaincus que les ressources de leurs eaux devraient être exploitées par des pêcheurs du Labrador et transformées dans des usines situées au Labrador.

57. Ce problème est particulièrement vexant étant donné que la pêche est la seule activité économique dans la plupart des petites collectivités disséminées le long de la côte du Labrador. Une question particulière est la part du quota de crevette allouée aux pêcheurs du Labrador. La plus grande partie du TPA de la zone 6 est allée à des pêcheurs d'ailleurs et tout ce TPA est actuellement alloué au secteur hauturier. Partant du principe de la proximité, les pêcheurs du Labrador estiment qu'ils ont droit à une plus grande part de la ressource en crevette qui vit dans leurs eaux. Ils ont également demandé une allocation de crevettes pour le secteur côtier et indiqué qu'un meilleur accès au crabe des neiges et au flétan noir favoriserait également l'économie des collectivités du Labrador.

58. Dans le détroit de Belle Isle au sud du Labrador, les pêcheurs ont demandé que tout le Labrador soit considéré comme «voisin» pour toutes les espèces, afin que les pêcheurs de la zone 4R aient accès au poisson de la zone 2J.

59. Le manque d'accès aux ressources proches n'est pas le seul obstacle que connaissent les collectivités du Labrador. Les politiques du MPO ont empêché les pêcheurs de moderniser leurs bateaux et d'en accroître la taille pour pêcher la crevette en toute sécurité. Cette politique est perçue comme discriminatoire, parce que les pêcheurs de crabe des neiges avaient déjà été autorisés à accroître la taille de leur bateau. En outre, un moratoire du MPO sur le développement des infrastructures empêche les collectivités du Labrador d'établir des usines de transformation du poisson. On justifie cette mesure en disant que la capacité de transformation disponible est suffisante. Cependant, le fait que les usines soient situées à Terre-Neuve désavantage encore une fois les collectivités du Labrador.

60. On nous a dit que si les collectivités du Labrador jouissaient d'un accès équitable aux ressources au large de leurs côtes, elles n'auraient pas besoin de «paiements humiliants». Les fonds affectés au soutien du revenu pourraient être mieux employés à améliorer ou ouvrir des usines de transformation afin de créer des emplois dans ce secteur.

61. Dans d'autres régions, comme la côte sud de Terre-Neuve, des témoins ont souligné qu'il fallait maintenir l'accès aux zones de pêche traditionnelles afin d'assurer la viabilité des secteurs de la pêche et de la transformation. Plusieurs témoins ont insisté sur le fait qu'ils ne voulaient pas être limités à des zones restreintes de pêche régionales.

Recouvrement des coûts et des droits de permis

62. D'après de nombreux témoins, l'augmentation radicale des droits de permis indique que le gouvernement veut éliminer les petits pêcheurs. Des témoins ont affirmé que leurs droits avaient augmenté de mille pour cent ou plus. En outre, les revenus bruts n'ont pas de lien direct avec la capacité d'un pêcheur de payer. Les capitaines de bateaux de pêche ont mis à pied une partie de leur équipage, car c'était là les seules économies qu'ils pouvaient faire.

63. En outre, les pêcheurs et les collectivités sont frappés par de nombreux autres coûts et droits comme ceux du contrôle à quai obligatoire, des observateurs, des autorités portuaires et ceux qui sont associés aux changements apportés aux règles de l'assurance-emploi. Des partenariats ont été proposés dans le projet de loi C-62 déposé à la législature précédente et les pêcheurs s'attendent qu'une bonne partie des coûts des volets de la gestion et de la science du MPO soient également transférés aux associations de pêcheurs. Tous ces changements surviennent au moment où le secteur est le moins en mesure de les absorber, ce qui accroît les pressions déjà exercées sur les pêcheurs et leurs collectivités. On s'inquiète du «coût» du partenariat avec le MPO. Chaque nouveau «partenariat» entraîne une augmentation des frais qu'assument les pêcheurs. Un pêcheur a décrit cette relation comme celle «de véritables partenaires, jusqu'à ce que vienne le moment de payer la facture».

Permis de non-résident

64. Selon une autre plainte entendue par les membres du Comité sur la côte est, on accorde des permis à des Canadiens qui ne résident plus au Canada. Un témoin s'est plaint qu'un dentiste qui réside maintenant en Floride détenait un permis. Il a dit que ce dernier ne participe aucunement à la gestion ou à l'exploitation d'une entreprise de pêche; il ne fait que recueillir les redevances.

AUTRES QUESTIONS

Quotas individuels transférables

65. On a beaucoup critiqué les quotas individuels transférables (QIT). Ces quotas sont perçus largement comme un moyen de retirer aux petits pêcheurs côtiers traditionnels le contrôle des ressources pour le concentrer finalement entre les mains d'un petit nombre de propriétaires riches ou d'entreprises. Certains témoins ont également critiqué les QIT qui favorisent l'approche à la pêche de type «liste d'épicerie». Ces quotas incitent les pêcheurs à procéder à un tri éliminatoire et à des rejets selectifs; il faut alors de meilleurs contrôles et une surveillance accrue.

66. Dans South West Nova, un représentant des pêcheurs côtiers à engins mobiles avait une toute autre opinion des QIT. Avant la réorganisation du système de quotas, la flottille avait connu une expansion rapide malgré les efforts visant à limiter l'effort de pêche; la capacité avait donc augmenté d'environ 400 p. 100 au-delà des besoins. Les QIT présentent des avantages comme la capacité de planifier les activités de pêche selon les conditions du marché et de la météo, et selon la disponibilité du poisson. Ils ont aussi permis de développer d'autres pêches qui n'auraient pu exister sous le régime de la propriété commune, à cause des dispositions sur les prises accidentelles.

Filets fantômes

67. Le problème du poisson pêché par les filets fantômes a été soulevé par plusieurs témoins. Dans certaines régions, les pêcheurs ne considèrent pas ce problème comme grave, mais ailleurs, des témoins estiment que les filets fantômes contribuent beaucoup à la mortalité du poisson. Le problème vient du fait que le filament de nylon servant à la fabrication des filets maillants ne se décompose pas facilement. Par conséquent, les filets fantômes peuvent continuer de prendre des poissons longtemps après qu'ils ont été perdus. Certains témoins estiment que le programme de remplacement des engins a donné lieu à une attitude très désinvolte face à la récupération des filets perdus et suggèrent de pénaliser les pêcheurs qui perdent une quantité excessive de filets.

68. Un témoin a mentionné un projet en cours dans le golfe du Maine, où 2 240 filets ont été récupérés sur un territoire de 64 milles carrés marins. On estime que les filets fantômes qui se trouvaient dans ce territoire capturaient l'équivalent de 15 p. 100 des prises commerciales. On a recommandé au Comité la création d'un projet de récupération des filets fantômes de grande envergure.

Phoques

69. Bien des pêcheurs ont longuement parlé de la prolifération des phoques sur la côte est du Canada et de leur incidence néfaste sur les stocks, surtout les stocks de morue, et de la menace qu'ils constituent pour le rétablissement de ces stocks. Lors des audiences publiques tenues au Québec, ainsi qu'à Terre-Neuve et au Labrador, les pêcheurs ont décrit dans les moindres détails comment les phoques dévorent l'estomac des morues et sucent les oeufs des lompes, abandonnant leurs carcasses dans l'eau ou sur les plaques de glace. Les phoques déciment aussi d'autres espèces dont se nourrit la morue. L'accroissement des troupeaux de phoques a été décrit comme étant le signe d'un écosystème sérieusement déséquilibré.

70. Bien des pêcheurs se sont moqués du MPO et du milieu scientifique parce qu'ils soutiennent que la croissance de la population de phoques n'a pas un effet marqué sur les stocks de morue. Cela les irrite et les frustre d'entendre les scientifiques affirmer que la morue n'est pas un des aliments de base des phoques et que les chercheurs ont examiné le contenu d'estomacs de phoques pour constater qu'ils se nourrissent essentiellement des mêmes aliments que la morue. Les pêcheurs ont soutenu que, si les scientifiques pouvaient constater de visu comment les phoques dévorent la morue, ils se rangeraient à leur opinion, et ils conviendraient que l'estomac des phoques renferme des estomacs de morue et que la morue constitue un aliment de base des phoques.

71. La frustration des pêcheurs a été poussée à son comble quand ils ont constaté que les éditorialistes des quotidiens de l'est du Canada partageaient le point de vue des scientifiques et qu'une campagne contre la chasse aux phoques, jugée trompeuse par nombre d'entre eux, avait été parrainée par l'International Fund for Animal Welfare. Certains témoins étaient d'avis que cette campagne visait davantage à lever des fonds qu'à protéger les phoques.

72. Dans le sud du Labrador et sur la côte nord du Québec, le Comité a entendu une autre plainte relative à la chasse aux phoques. Dans cette région, la capture traditionnelle des phoques au filet est aujourd'hui interdite par le MPO. En conséquence, les pêcheurs n'ont pas accès aux phoques pour la consommation humaine ou pour nourrir les chiens de traîneau en hiver. Même un phoque trouvé mort dans un engin de pêche ne peut être ramené à terre.

73. Sur la côte nord-est de Terre-Neuve, les pêcheurs se sont plaints de l'interdiction qui leur est faite, en vertu d'un règlement adopté récemment par le MPO, de vendre les peaux des dos bleus même s'ils ont le droit d'en tuer. Les agents des pêches ont précisé que les pêcheurs ont bien le droit de tuer ces phoques et d'en vendre la chair, mais qu'ils ne peuvent pas en vendre les peaux. Le Comité a appris lors des audiences que plus de 100 pêcheurs avaient été accusés d'avoir tenté de vendre des peaux de dos bleus. S'ils sont reconnus coupables, ces pêcheurs s'exposent à des milliers de dollars d'amendes, à la confiscation de leurs bateaux et de leurs engins, voire à des peines d'emprisonnement.

74. Bien des témoins étaient d'avis qu'un des facteurs qui ont contribué à l'explosion démographique des phoques est la limite imposée sur sa chasse et la perte consécutive des marchés pour les produits du phoque. Ils ont aussi exprimé un optimisme modéré face au développement de nouveaux produits du phoque et à l'expansion des nouveaux marchés, surtout ceux d'Asie. Des témoins ont sollicité des appuis en faveur de l'élargissement de la chasse au phoque pour assurer de meilleurs débouchés économiques et contribuer à réduire le déséquilibre actuel entre les populations de phoques et les stocks de poissons.

Global Maritime Distress and Safety System

75. Le Global Maritime Distress and Safety System (GMDSS) est un système destiné à améliorer la sécurité maritime par le recours aux satellites et aux appels numériques dirigés vers les unités côtières de recherche et de sauvetage et les autres navires en cas d'urgence. Ce système sera obligatoire sur tous les bateaux jaugeant plus de 300 tonnes brutes au 1er février 1999. Les exploitants de petits bateaux craignent que les gros navires n'écoutent plus le canal 16 VHF ni le canal de fréquence maritime après cette date et que, par conséquent, les petits bateaux soient davantage en danger. Ce problème se pose particulièrement dans des endroits comme le détroit de Belle Isle où le trafic est dense et le brouillard, fréquent.

Fermeture de la station radio de la Garde côtière des Îles-de-la-Madeleine

76. Une autre question de sécurité a été soulevée devant le Comité aux îles-de-la-Madeleine. En septembre1997, les opérateurs de la station radio de la Garde côtière ont été informés que la station fermerait ses portes à compter du 31 mars 1998, même s'ils avaient déjà reçu l'assurance qu'elle demeurerait ouverte jusqu'en l'an 2000 au moins.

77. On a souligné que la liaison téléphonique avec le continent n'est pas entièrement fiable et qu'elle avait été coupée plusieurs fois en 1997. Malgré les mesures prises pour assurer la liaison en cas de rupture du lien téléphonique, les maires et les diverses associations de pêcheurs continuent de croire que la fermeture de cette station constitue un danger inutile pour la vie des utilisateurs, surtout en hiver lorsque l'équipe de recherche et de sauvetage n'est pas en service. On s'est aussi dit préoccupé quant à la capacité du personnel de la station de Rivière-au-Renard de réagir efficacement en cas d'urgence à cause de la diversité des conditions de navigation au milieu du golfe du Saint-Laurent.

78. Les témoins ont fait remarquer que ni les dirigeants locaux ni les pêcheurs n'avaient été consultés et que le MPO n'avait effectué aucune étude sérieuse pour justifier la fermeture de la station. On a demandé au Comité d'intervenir.

La Miramichi

79. Le déclin des stocks de saumon de la Miramichi inquiète bien des témoins qui ont souligné que le Canada est tenu par la Constitution de veiller à la conservation et à la mise en valeur des salmonidés. Autre grande préoccupation : les motifs du MPO pour se départir de l'écloserie de South Esk.

80. Des témoins représentant les pêcheurs côtiers ont dénoncé la tentative de privatisation des pêches du MPO et ont exprimé leur frustration face à la «pêche intensive et agressive pratiquée par les chalutiers canadiens depuis l'établissement de la zone de 200 milles». Certains témoins ont recommandé que la pêche soit gérée par la collectivité, d'une manière décentralisée, et ont dénoncé l'effet dévastateur d'une technologie trop poussée sur les ressources et de certains types d'engins de pêche sur l'environnement. D'autres ont demandé que le MPO achète les quelques permis de pêche commerciale du saumon qui restent au Nouveau-Brunswick ou qu'il permette à leurs détenteurs de les échanger contre des permis de pêche d'autres espèces. Ils ont aussi dénoncé le manque de collaboration du MPO et son manque de compréhension à l'égard des besoins de ceux qui tentent d'exploiter des parcs à huîtres.

81. Plusieurs témoins ont parlé de la pêche autochtone de subsistance, signalant que les accords ne sont signés que tard durant la saison de pêche, et même après. Des témoins ont aussi dit que l'allocation de 400 000 livres de homard à la première nation de Burnt Church, qui compte moins de 1 000 personnes, pour une pêche de subsistance était irréaliste, et équivalait aux prises de 40 permis commerciaux. Les pêcheurs ont aussi dit au Comité que la taille minimale des homards capturés devrait être uniformisée dans le Golfe et que les pêcheurs qui perdent des casiers pendant la saison de pêche doivent parfois prendre une journée complète pour se rendre au bureau du MPO le plus proche et obtenir de nouvelles étiquettes. Ils ont aussi dit que les pêcheurs devraient obtenir un petit quota de crabe des neiges et le pêcher avec leurs propres bateaux.

82. La flotte de pêche semi-hauturière a souligné le besoin d'adopter des méthodes de gestion permettant de conserver et de mettre en valeur les ressources, et a proposé de répartir les quotas entre les détenteurs de permis.


2 Selon une étude interne de DRHC, le coût différentiel de la partie de La Stratégie attribuable à DRHC s'élevait à 880 millions de dollars après avoir tenu compte d'une contribution de 225 millions provenant du budget de DRHC, des recettes fiscales supplémentaires du gouvernement fédéral et des provinces, et des réductions des dépenses des programmes sociaux comme l'assurance-emploi et l'aide sociale. The Atlantic Groundfish Strate gy: Incremental Net Cost of TAGS/HRDC, Évaluation et exploitation des données, Politique stratégique, Déve loppement des ressources humaines Canada, janvier 1996.

3 Probablement «Les Raisins de la colère».