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FISH Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Du 19 au 25 janvier 1998, le Comité permanent des pêches et des océans a visité 10 collectivités de la côte de la Colombie-Britannique afin de consulter les pêcheurs, les organisations de pêche, les dirigeants des collectivités, les organisations communautaires et les citoyens concernant la gestion de la pêche sur la côte ouest canadienne.

Voici les collectivités qui ont été visitées : Prince Rupert, Sechelt, Steveston, Sidney, Ucluelet, Port Alberni, Sointula, Alert Bay, Port Hardy et Campbell River.

Nous avons constaté qu'il existait sur toute la côte un vaste consensus sur un grand nombre de sujets. Toutefois, pour d'autres questions, le Comité a entendu toute une gamme de points de vue, dont certains qui étaient diamétralement opposés. De plus, le Comité a été mis en présence d'un certain nombre de problèmes spécifiques à certaines régions. Des questions assez bien définies qui nécessitaient une attention plus urgente ont déjà fait l'objet du deuxième rapport provisoire du Comité, Rapport : La côte ouest, déposé à la Chambre le 2 avril 1998. Les recommandations formulées dans ce rapport se trouvent à l'annexe C du présent document.


RÉSUMÉ

Les changements apportés dans la pêche sur la côte ouest ont entraîné de nombreux bouleversements pour les pêcheurs, les travailleurs d'usine et les collectivités côtières. Parmi les principales causes de ces changements, notons la restructuration de l'industrie imposée par la Stratégie de revitalisation du saumon du Pacifique (le plan Mifflin), un accroissement des interceptions de saumon par les pêcheurs de l'Alaska en raison de la non-application du Traité canado-américain sur le saumon du Pacifique de 1985 (TSP), et même des changements dans les conditions océaniques.

La flottille de pêche commerciale du saumon réalise toujours la majeure partie des prises, mais elle est menacée par un certain nombre de facteurs dont les prises accrues des Autochtones, la pêche sportive « commerciale » qui se développe rapidement, particulièrement dans le nord, les nombreuses interceptions des pêcheurs de l'Alaska et un contrôle toujours plus grand de l'exploitation par les entreprises.

Ce sont les collectivités rurales, nordiques et autochtones qui ont été les plus durement touchées par ces changements. Des emplois ont été perdus dans le secteur de l'exploitation, non seulement par des détenteurs de permis, mais aussi par des membres d'équipage. Sur la côte, l'emploi a également diminué parce que la transformation a énormément ralenti au cours des dernières années. Des témoins ont signalé que la majeure partie du poisson qui était auparavant transformé dans des centres comme Prince Rupert est aujourd'hui tout simplement débarqué et acheminé ailleurs pour la transformation. Ce ralentissement de l'exploitation et de la transformation a eu un impact majeur sur l'emploi et l'activité économique dans le secteur des services qui appuie tant l'industrie de la pêche que l'ensemble de la collectivité.

De plus, les changements apportés aux règlements de l'assurance-emploi (AE) et une baisse du travail en raison de la réduction de la pêche ont fait en sorte que les travailleurs ont beaucoup plus de difficulté à se qualifier pour des prestations. Comme beaucoup moins de gens sont admissibles à ces prestations, les listes des bénéficiaires de l'aide sociale se sont allongées. Les revenus des particuliers, des familles et de la collectivité ont chuté de manière marquée, ce qui a aggravé les problèmes économiques et sociaux.

Malgré les problèmes des collectivités de pêcheurs de la côte de la C.-B., l'esprit qui règne dans la région est positif. Les gens sont très conscients de la crise qui est survenue sur la côte atlantique et ils souhaitent à tout prix éviter les mêmes erreurs. Les intervenants considèrent que l'industrie de la pêche de la Colombie-Britannique est en expansion et non en déclin.

La plupart des gens reconnaissent que la pêche a changé et que l'industrie et les collectivités doivent également changer. Ils estiment qu'il faut établir une vision de la pêche de l'avenir qui fasse une place aux collectivités rurales, nordiques et autochtones. Plusieurs idées importantes ont été formulées afin d'aider les collectivités à se préparer un meilleur avenir.

Il faut absolument résoudre la question de l'allocation de la ressource. Les pêcheurs commerciaux en particulier doivent connaître la part des prises à laquelle ils auront droit de manière à pouvoir déterminer si elle est susceptible de leur assurer un avenir viable dans cette industrie et à planifier en conséquence.

Le différend avec les États-Unis concernant le Traité sur le saumon du Pacifique doit être réglé. En particulier dans le nord de la province, les pêcheurs ont subi des pertes financières considérables en raison des grandes quantités de poissons interceptées par la flottille de l'Alaska, un phénomène qui menace également la viabilité d'un certain nombre de stocks de saumon. Le gouvernement fédéral doit faire de ce problème l'une de ses priorités.

Tant le gouvernement fédéral que la province n'ont pas réussi à protéger suffisamment les stocks de saumon et certains de leurs habitats importants. La majorité des efforts de conservation et de gestion déployés par le Ministère des Pêches et des Océans (MPO) ont visé les grandes remontes du fleuve Fraser et de la rivière Skeena. On a toutefois négligé des centaines de petites rivières, de ruisseaux et d'autres cours d'eau dont la productivité globale pourrait atteindre ou même dépasser celle des grandes rivières. Souvent, le MPO ne possède plus de données sur l'état de ces cours d'eau parce qu'il ne dispose pas du personnel local nécessaire. Certains ont signalé que les lois environnementales visant à protéger l'habitat du saumon n'ont pas été appliquées par les deux paliers de gouvernement. Les coupes à blanc, l'urbanisation, la pollution, la construction de routes et diverses activités industrielles ont toutes contribué à une perte d'habitat.

La plupart des intervenants sont d'avis que de nombreuses mesures pourraient être prises afin de restaurer et d'améliorer l'habitat du saumon tant sur l'île de Vancouver que sur la côte. Ainsi, on accroîtrait la productivité naturelle du saumon, ce qui profiterait à tous les secteurs de la pêche du saumon, sans compter qu'on pourrait aussi créer des emplois utiles pour de nombreux travailleurs qui ont dû quitter l'industrie de la pêche.

La côte ouest possède beaucoup d'autres ressources biologiques qui sont souvent oubliées en raison de toute l'attention qui est accordée au saumon. Bon nombre de celles-ci sont actuellement sous-exploitées; toutefois, le MPO ne possède pas les ressources voulues pour procéder à des évaluations approfondies de ces stocks. Comme il ne dispose pas des données pertinentes, il a adopté une approche prudente et hésite à délivrer des permis qui vont au-delà d'une pêche minimale. Si le problème était réglé, ces nouvelles pêches présenteraient des possibilités intéressantes pour les intervenants, notamment pour certains de ceux qui ont dû abandonner les secteurs plus traditionnels.

Ce ne sont toutefois pas tous ceux qui travaillent actuellement ou qui travaillaient jusqu'à récemment dans l'industrie de la pêche qui pourront participer à cette pêche du futur. Tous ceux que le Comité a rencontré estimaient qu'il fallait établir une stratégie de transition à long terme, mais de durée déterminée, à l'intention des particuliers et des collectivités de manière à développer de nouveaux types d'emplois et d'industries. Les gens sont motivés et ils ont des idées. Ce dont ils ont besoin, c'est de ressources pour les concrétiser.


VISION DE LA PÊCHE

Bon nombre des témoins qui ont comparu devant le Comité ont signalé qu'il fallait adopter une « vision » pour la pêche de l'avenir sur la côte ouest. De façon générale, les membres ont toutefois été mis en présence de deux visions concurrentes : l'une préconisée par la plupart des pêcheurs indépendants et des collectivités côtières, et l'autre qui serait le programme (non déclaré) du MPO et des entreprises.

Plusieurs croyaient que la vision du MPO consiste en une pêche d'entreprise dominée par l'efficacité économique et faisant appel aux mécanismes du marché. Cette pêche mènerait à une concentration de la propriété (il y aurait moins de bateaux, mais ils auraient une grande capacité et ils seraient exploités par moins de pêcheurs) et à une centralisation des usines de transformation dans les grandes villes. Le rôle du gouvernement se réduirait alors principalement à celui d'un « facilitateur » qui créerait des partenariats avec des intérêts privés. Des témoins ont signalé que le gouvernement avait clairement démontré son intention d'emprunter cette voie avec les accords de gestion des pêches prévus aux articles 17 à 22 de la nouvelle Loi sur les pêches qui a été déposée lors de la législature précédente (projet de loi C-62).

L'autre vision serait celle d'une pêche communautaire de structure traditionnelle qui appuierait les pêcheurs, les travailleurs à terre et les collectivités au sein d'une industrie renouvelée et revitalisée. Des témoins ont signalé que contrairement à ce qui se passait sur la côte est, la majeure partie des stocks de poisson de la côte ouest, comme le hareng et le flétan, sont toujours en bonne santé. Bon nombre des stocks de saumon sont aussi relativement bien portants et d'autres pourraient être reconstitués par des mesures de protection et de remise en état de l'habitat. Pour ce faire, on pourrait faire appel aux collectivités côtières et aux travailleurs qui ont dû quitter l'industrie.

Des témoins ont signalé que plusieurs mesures pourraient être prises afin de promouvoir l'adoption d'une nouvelle vision de la pêche, notamment

    a) le développement, de concert avec tous les secteurs de la flottille, d'une vision consensuelle de la pêche durable de l'avenir;

    b) un programme massif de renouvellement des stocks sauvages et de l'habitat financé par des prêts des gouvernements fédéral et provincial qui pourraient être remboursés sur une période de 40 ans, en partie grâce à une redevance prélevée sur les revenus des pêcheurs; et

    c) la participation directe des collectivités côtières à la mise en valeur, à la surveillance et à la protection de la ressource.

Des représentants du Community Marine Resources Transition Committee (CMRTC) de la région de la Sunshine Coast ont exhorté le Comité à recommander qu'on élabore une vision, portant sur une période de 25 ans, en collaboration avec les collectivités et le gouvernement provincial. Ils ont également suggéré qu'on détermine tout d'abord le résultat qu'on souhaite obtenir à la fin de cette période au lieu de planifier les premières années, qu'on établisse des points de repère pour les périodes intermédiaires et qu'on développe une stratégie afin d'obtenir ces résultats. Ils ont souligné que ce processus devrait porter sur un certain nombre d'éléments comme la réglementation, le niveau d'exploitation, la restauration de l'habitat, les négociations de traités, le nombre de permis, la recherche, l'état des pêches, les mesures de conservation, le niveau d'emploi souhaité, le développement économique et les autres questions qui touchent l'économie maritime et l'ensemble de la collectivité.

Un témoin a dit que : « Le développement économique de la ressource maritime doit être intégré au développement de l'ensemble de la collectivité et non être poursuivi isolément. »

Le Coastal Communities Network (CCN) a présenté sa vision de l'avenir. La gestion directe de la pêche, notamment les plans de gestion, la restauration de l'habitat, la gérance et la protection de la ressource, relèverait de la région et serait assurée par des conseils régionaux de gestion des pêches.

Le Conseil tribal Nuu-chah-nulth a également appuyé le concept des conseils régionaux de gestion de préférence à celui des quotas individuels transférables (QIT) privilégié par le MPO. Selon le Conseil, les objectifs de gestion énoncés par le MPO pourraient être atteints à l'aide d'un modèle de gestion communautaire plutôt que par la privatisation de la ressource au profit d'un petit nombre d'intervenants.

On pourrait en outre réduire les dépenses gouvernementales en confiant à ces conseils de gestion bon nombre des responsabilités courantes en matière de gestion comme la surveillance des prises, l'attribution des permis et l'établissement des quotas en collaboration avec le MPO, les intervenants et les Premières Nations. Le Conseil tribal Nuu-chah-nulth a également suggéré d'étudier les conseils régionaux de gestion qui ont été établis dans d'autres pays comme par exemple pour la pêche au saumon en Alaska et pour les pêches côtières au Japon avant de mettre en place les QIT / QIB (quotas individuels de bateau). D'autres témoins ont également suggéré d'examiner l'approche suivie par l'Alaska tant pour les conseils régionaux de gestion que pour la politique sur les propriétaires-exploitants qui est appliquée pour de nombreuses pêches de cet État afin de garantir la stabilité des collectivités.

D'autres intervenants étaient cependant d'avis qu'aucune de ces visions n'était pratique. Ils jugent qu'il doit y avoir un gestionnaire de la ressource, le gouvernement fédéral. Puisque le saumon migre tout le long de la côte, il ne saurait être géré à l'échelle communautaire ou régionale.


PARTIE I : GESTION DE LA PÊCHE PAR LE MPO

Politique fédérale sur la pêche et MPO

La plupart des témoins étaient très mécontents de l'orientation générale de la politique fédérale sur la pêche et de celle du Ministère des Pêches et des Océans. Cette situation semble en grande partie attribuable à la mise en oeuvre de toute une gamme de politiques malgré les objections des habitants de la côte ouest, ce qui a beaucoup contribué à leur sentiment d'aliénation. Les changements apportés aux politiques n'ont pas tenu compte des points de vue des intervenants malgré les prétendues consultations, pas plus que des besoins des collectivités qui vivent près de la ressource et qui en dépendent. Ces politiques ont entraîné la concentration de la propriété des permis, et leur transfert vers les grands centres, un déclin de l'emploi dans les secteurs de l'exploitation et de la transformation dans les collectivités côtières, la perte d'industries de soutien et de service et d'infrastructure.

De plus, comme aucun programme de transition à long terme n'a été offert aux travailleurs déplacés, beaucoup de personnes étaient d'avis que le gouvernement fédéral aurait fourni une aide plus importante si un bouleversement socio-économique comparable était survenu dans les provinces centrales du Canada. Enfin, le démantèlement de l'infrastructure du transport maritime illustré par l'automatisation des phares et la cession des quais et ports fédéraux était considéré par de nombreux témoins comme un autre exemple de l'insouciance dont fait preuve le gouvernement fédéral à l'égard des collectivités côtières.

Ces opinions ont été résumées par le Coastal Communities Network : « La politique sur la pêche et le transport maritime sur la côte ouest montre parfaitement jusqu'à quel point le Canada ne fonctionne pas et jusqu'à quel point notre système de gouvernement peut se révéler irresponsable et dysfonctionnel ».

De nombreux témoins ont fait valoir, chacun à sa manière, que le MPO avait changé sa façon de procéder, le plus souvent pour le pire. Un témoin a expliqué que les pêches de la côte ouest bénéficiaient avant d'une gestion de classe mondiale, mais que la politique appliquée ces derniers temps était catastrophique, en particulier sur le plan de la gestion des ressources humaines de ce secteur. Selon certains témoins, il faut revoir de fond en comble la formulation de la politique du Ministère et ses processus de consultation.

Les représentants du Community Marine Resources Transition Committee (CMRTC) de la Sunshine Coast estiment que, depuis 30 ans, le MPO s'est progressivement éloigné des intervenants du secteur et de leurs collectivités. Même s'il n'est pas intentionnel, cet éloignement du MPO a fait qu'à la longue s'est installée une profonde méfiance vis-à-vis du Ministère. Un pêcheur a donné un exemple concret de l'inaccessibilité du Ministère lorsqu'il a demandé pourquoi le siège du MPO sur la côte ouest était situé au centre-ville de Vancouver, là où les loyers sont le plus élevés, et non à Steveston ou sur l'avenue Campbell où habitent même certains pêcheurs. Le CMRTC a aussi fait valoir que les relations entre les autorités fédérales et provinciales étaient tendues alors même que les deux paliers devraient travailler de concert pour préserver les stocks de poisson et les collectivités qui en dépendent.

Des témoins ont dit que ceux qui s'opposaient aux plans du Ministère avait été mis sur la touche. Les gens continuent d'avoir beaucoup d'estime pour le personnel local du MPO, mais des témoins ont signalé que le moral de ces employés était très bas du fait que leur opinion à eux aussi ne comptait manifestement pas pour beaucoup et qu'on leur demandait de faire plus de travail avec moins de ressources. C'est au bureau régional de Vancouver et à l'administration centrale d'Ottawa qu'on impute la majeure partie des difficultés. Un témoin a affirmé qu'il y avait « énormément de duplicité au niveau politique et dans les échelons supérieurs du MPO ».

On a à maintes reprises reproché aux bureaucrates du MPO de ne tenir souvent aucun compte de l'opinion des pêcheurs et des autres parties concernées. Apparemment, à une certaine époque, le MPO écoutait ce que les pêcheurs avaient à dire, mais ce ne serait plus le cas. On a expliqué cette situation par deux raisons : les responsables politiques suivaient auparavant la situation de plus près et on n'employait pas le même genre de gestionnaires à l'administration centrale du MPO.

Les témoins estiment que le MPO n'est pas suffisamment tenu pour responsable de ses actions : on ne prend pas la peine de bien évaluer les conséquences des politiques et programmes du Ministère et celui-ci ne se ravise pas même quand on démontre que son action a des conséquences graves et destructives. On a cité en exemple la réallocation des ressources et les modifications apportées aux conditions de base en vertu desquelles les pêcheurs ont accès à la ressource.

Un témoin a donné un exemple précis du manque de responsabilisation du MPO. Au moment de la Table ronde du Pacifique, le ministre des Pêches de l'époque, M. Tobin s'était engagé à garantir l'accès traditionnel par type d'engin et par allocation. Sur cette base, les pêcheurs ont produit une « liste définitive » de réduction des effectifs. Or, le MPO s'est contenté de choisir ce qu'il voulait dans la liste. On a mentionné à titre d'exemple la pêche au saumon rouge du Fraser au large de la côte ouest des îles de la Reine-Charlotte, à laquelle ont traditionnellement accès les pêcheurs du nord. D'après le témoin, le MPO avait fait des pieds et des mains pour empêcher les pêcheurs du nord d'avoir accès à ces stocks, et lorsque le ministre Tobin a été remplacé par le ministre Mifflin, les bureaucrates du MPO en ont profité pour retirer cette question des négociations. Comme l'a dit le témoin, « où est l'honneur de la Couronne? »

Certains témoins ont dit que l'orientation que le Ministère semblait avoir adoptée depuis le début des années 90, à savoir une tendance à la centralisation des activités motivée par la baisse des budgets, avec diminution des effectifs sur le terrain et augmentation des effectifs à Vancouver et à Ottawa, posait des problèmes. Selon les témoins, il faut un nombre suffisant de personnel sur le terrain pour que le Ministère puisse s'acquitter de son rôle fondamental. Des personnes ont dit que le gros du personnel du MPO devrait être affecté sur la côte est et sur la côte ouest de manière qu'il soit proche des pêches au lieu d'en être éloigné, à Ottawa. Dans l'ensemble, on estime qu' : « on a besoin de biologistes et de responsables de l'application sur la côte plutôt que de bureaucrates à Ottawa ».

Une autre critique à l'endroit des politiques du MPO a été présentée par la section locale de Prince Rupert du Native Brotherhood of B.C. Pendant de nombreuses années, les décisionnaires et les gestionnaires fédéraux du secteur des pêches s'étaient intéressés surtout à la biologie et à l'habitat du poisson. Or, selon le Native Brotherhood, les problèmes de l'industrie de la pêche tenaient en majeure partie à des questions d'ordre social et économique comme la surcapitalisation et les allocations sectorielles. Ces problèmes n'ont jamais été résolus en dépit de « révisions périodiques de la gestion des pêches motivées surtout par des considérations politiques ». Le Native Brotherhood est loin d'être persuadée que le plan Mifflin et les autres mesures courantes permettront de remédier aux problèmes sociaux et économiques sous-jacents de l'industrie de la pêche.

On a aussi critiqué le MPO pour avoir usurpé sur les droits de propriété privés dans la région de Langley-Aldergrove de la vallée du Fraser. Des agriculteurs de cette région étaient censés renoncer à l'exploitation de vastes parcelles de leurs propres terres et ce, sans indemnisation, simplement parce que le MPO tenait à convertir ces terres en habitats humides. Certains témoins ont réclamé une enquête judiciaire sur la conduite du MPO.

Processus et consultation

La question qui a dominé, de loin, les audiences du Comité a été celle des répercussions de la Stratégie de revitalisation du saumon du Pacifique appelée couramment le « plan Mifflin ». (Un témoin a dit qu'on aurait mieux fait de l'appeler le « Plan Chamut-Tousignant ».) D'autres l'ont qualifié de « Stratégie de débilitation du Pacifique » à cause de ses conséquences sur la flottille de petits bateaux et sur les collectivités côtières. Beaucoup de personnes ont recommandé l'abandon de la stratégie.

La majorité des témoins ont vertement critiqué le plan Mifflin. On dit qu'il a semé le chaos dans les pêches de la côte ouest et chez les petites collectivités côtières. D'après les témoins, on n'a pas atteint les objectifs du plan, ce qui n'a pas surpris beaucoup de monde. Le plan comportait des lacunes qui avaient été signalées avant même qu'il ne soit mis en oeuvre, mais en vain. Comme un témoin l'a dit : « Je suis venu ici vous dire : je vous l'avais bien dit ».

Le plan Mifflin devait réduire la taille de la flottille avec le résultat que les bateaux qui resteraient auraient plus de chance d'être rentables, que l'effort de pêche serait plus facile à gérer et que la pression exercée sur les stocks de saumon serait réduite. Or, bien qu'on ait éliminé un grand nombre de bateaux, les témoins estiment qu'aucun objectif de conservation de la ressource n'a été atteint et que « en fait, le plan n'a rien fait pour la protection du poisson ».

Au demeurant, beaucoup de témoins affirment que la réduction de la flottille ne semble pas avoir amélioré la situation pour les bateaux qui restent. On pense en général que le plan a nui aux petits pêcheurs au profit des grosses entreprises de pêche. Bien que le volume des prises ait augmenté substantiellement par rapport aux années précédentes et que le nombre des bateaux ait été réduit de 30 p. 100 comme prévu, on a dit au Comité que bien peu de ceux qui pêchaient encore au filet maillant dans le nord avaient gagné suffisamment pour vivre de la pêche en 1997. Cela s'expliquerait par des injustices en ce qui a trait aux zones de pêche auxquelles le MPO n'a pas remédié, par le fait que les prix des permis dépassent leur valeur et par les bas prix du saumon.

Les témoins ont dit que le plan Mifflin avait eu un impact immédiat, mais qu'il avait aussi des répercussions à long terme. On a critiqué la rapidité avec laquelle le plan a été mis en oeuvre. La flottille a été forcée de se restructurer en l'espace de quelques mois. Des témoins ont recommandé au Comité que toute nouvelle restructuration soit étalée sur une plus longue période.

En dépit des critiques générales formulées à l'endroit du plan Mifflin, celui-ci a quand même certains partisans. Un témoin représentant trois groupes (Pacific Gillnetters Association, Area C Salmon Gillnet Association, Coalition of Concerned Fishermen) a déclaré que ces groupes appuyaient le plan, avec certaines réserves cependant. Le témoin a admis que le sort des collectivités côtières, la faible rentabilité des simples pêcheurs, les problèmes financiers des transformateurs et d'autres problèmes étaient souvent attribués au plan Mifflin. Il a signalé cependant qu'une bonne partie des problèmes de la pêche au saumon de la côte ouest résultait d'autres causes. Il a mentionné notamment des conditions océaniques qui ne favorisent pas la survie du poisson, l'allocation gratuite de saumon aux Premières Nations et à d'autres groupes, l'ingérence politique dans les processus de gestion et de consultation, une mauvaise gestion de la ressource par le MPO et les divers Ministères provinciaux, et une diminution des possibilités d'emploi dans les secteurs des forêts et des mines. Le témoin a aussi dit que, si la réduction de la flottille avait eu certaines retombées avantageuses (encombrement moindre, pêches plus sûres et gestion plus facile), elle n'avait pas été suffisante pour garantir la viabilité des pêcheurs restants, et il a ajouté que les pêcheurs pauvres ne font pas de bons partisans de la conservation.

Beaucoup de témoins ont dit trouver que le processus de consultation manquait d'efficacité et qu'il ne leur inspirait pas confiance : « Tout cela, c'est de la frime ».

Certains ont dit qu'ils avaient passé des années à aller à des réunions et à participer à toutes sortes de conseils et de comités, le plus souvent sans même être payés. Ils ont fait remarquer que leurs conseils avaient rarement été suivis : « Nous avons payé cher, avec de l'argent qui aurait pu servir à rétablir nos stocks, pour avoir toutes sortes d'assemblées et de rapports finals qui n'ont jamais rien donné ». Les témoins ont dit au Comité qu'il fallait responsabiliser de nouveau le système. Ils ont aussi affirmé que le MPO avait toujours pour stratégie de « diviser pour régner », semant la zizanie parmi les pêcheurs et utilisant chaque fois les mêmes représentants nommés par le Ministère.

On a en particulier reproché au MPO de refuser de reconnaître les associations formées pour représenter les huit zones de permis créées dans le plan Mifflin. Dans l'intervalle, le MPO continue de financer le Canadian Fishing Industry Council (CFIC) sachant fort bien que celui-ci n'est pas représentatif de l'industrie, parce que ses statuts exigent qu'une association existe au moins depuis deux ans pour pouvoir prendre place à la table. Concrètement, cela signifie que, lorsqu'une association obtient finalement voix au chapitre, les processus et politiques qui influent sur les allocations de poisson à ses membres sont déjà établis.

Un certain nombre de témoins se sont plaints du fait que des ententes qu'ils pensaient conclues avaient été changées après coup à la suite d'activités de lobbying.

Beaucoup de pêcheurs ont critiqué le processus qui a abouti au plan Mifflin. Certains ont dit que la Table ronde du Pacifique s'était déroulée trop rapidement. Une délégation de pêcheurs et de personnalités locales qui s'était rendue à Ottawa pour combattre le plan n'a eu droit qu'à un entretien de 15 minutes avec le ministre Mifflin. On avait aussi assuré aux pêcheurs que le plan Mifflin reposerait sur les recommandations de la Table ronde du Pacifique. Or, le plan ne tient aucun compte de certains éléments clés énoncés lors de la Table ronde.

Même les partisans du plan Mifflin ont reproché au gouvernement fédéral de ne pas avoir respecté les engagements décrits dans des lettres adressées par les anciens ministres des Pêches Brian Tobin et Fred Mifflin aux participants de la Table ronde du Pacifique. On avait entre autres promis de pratiquer une gestion de minimisation des risques. Cette politique a été effectivement employée en 1996, mais abandonnée en 1997; ainsi en 1997, il y a eu de graves lacunes au chapitre de l'application des règlements sauf sur le fleuve Fraser durant le mouvement de protestation contre les ventes pilotes associées à la Stratégie relative aux pêches autochtones (SPA).

Vote sur le cumul de permis

Selon certains témoins, le « fiasco » du cumul des permis est un exemple éloquent de l'échec du processus. La Table ronde du Pacifique n'avait pas approuvé le cumul de permis. Les groupes de l'industrie de la pêche avaient demandé que le vote soit différé jusqu'à ce qu'on puisse effectuer un examen des répercussions du cumul, mais le MPO a annoncé que la question ferait d'abord l'objet d'un scrutin et qu'on pourrait éventuellement procéder à un examen de la situation, mais seulement après le vote.

La United Fishermen and Allied Workers Union (UFAWU) a organisé son propre scrutin parmi les pêcheurs de la côte sur cette question, et les résultats ont montré que plus de 90 p. 100 des personnes qui avaient voté s'opposaient au cumul de permis. Le MPO ne s'est pas laissé arrêter pour autant.

Des témoins ont aussi dit que le scrutin avait été faussé. Pour mettre un terme au cumul des permis, il ne suffisait pas que la majorité des personnes qui ont effectivement voté se prononcent contre, mais il aurait fallu que la majorité des personnes ayant droit de vote s'opposent à cette proposition. Ainsi, les instructions précisaient que tout titulaire de permis qui s'abstiendrait (ou qui annulerait son bulletin de vote) serait considéré comme ayant voté en faveur du cumul de permis.

Ce geste antidémocratique n'a fait qu'accroître la méfiance à l'égard des motifs du MPO.

Responsabilité de la gestion des pêches

Des opinions très diverses ont été exprimées. Certains témoins ont dit que le MPO avait bien mal géré les pêches de la côte ouest. Un pêcheur a pour sa part exprimé l'opinion suivante :

Les décisions qui concernent la côte ouest doivent être prises par des fonctionnaires du Ministère qui travaillent sur la côte ouest, et il faut que ça se sache. En dépit des critiques que j'ai formulées, ces fonctionnaires constituent le seul groupe qui possède les connaissances et l'infrastructure nécessaires. La province ne devrait participer à la prise de décisions que dans la mesure où elle a des intérêts à défendre.

Certains témoins sont d'avis que c'est la province de la Colombie-Britannique qui devrait gérer les pêches, tandis que d'autres ont signalé que la province n'avait pas un dossier bien reluisant sur le plan de la gestion des industries fondées sur les ressources et sur celui de la protection de l'environnement, et en particulier de l'habitat du poisson. Certains témoins pensent que le gouvernement provincial pourrait avoir un rôle plus important à jouer, mais que le gouvernement fédéral doit conserver la responsabilité globale des pêches.

On a dit au Comité que, en dépit du protocole d'entente entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, on continue d'observer des doubles emplois et des chevauchements des services. Dans les zones grises, les décisions sont trop souvent prises pour des motifs politiques. Des témoins ont signalé que même si les résidents de la Colombie-Britannique aimeraient bien que les pêches soient gérées de moins loin, ils jugent que le gouvernement provincial doit se mériter le respect et la confiance nécessaires pour s'acquitter de cette tâche avec succès.

La British Columbia Wildlife Federation a vertement critiqué les priorités politiques. Elle a signalé par exemple qu'on avait l'intention de créer un conseil de conservation du Pacifique aux termes de l'entente fédérale-provinciale sur les pêches alors que, à cause de contraintes budgétaires, le MPO avait fermé des bureaux locaux, qu'il avait aussi dû fermer une pêche sportive sur le Fraser par manque d'agents, et qu'il menaçait de fermer jusqu'à 18 écloseries communautaires pour réduire les dépenses. Elle a aussi fait remarquer que les agents de conservation et les biologistes de la province avaient été confinés à leurs bureaux une partie de l'année parce que leur budget d'exploitation ne leur permettait pas d'acheter de l'essence pour leurs véhicules. Les deux paliers de gouvernement n'ont pas suffisamment d'argent pour exécuter les activités les plus fondamentales d'évaluation des stocks. D'après cette organisation, cela n'empêche pas les politiciens et les bureaucrates de vouloir créer une nouvelle entité qui ne saura pas gérer les pêches, produire davantage de poisson ou restaurer les habitats, mais qui se contentera plutôt de surveiller et de critiquer les fonctionnaires chargés de ces tâches qui, eux, ne peuvent pas bien faire leur travail par manque de ressources financières.

Les agences de surveillance, c'est bien beau, mais les politiciens et les « mandarins » ratent le coche. Ce qu'il nous faut, c'est du poisson et des bottes de caoutchouc, pas d'autres bureaucrates ni des biologistes de salon.

Le Comité a noté à de nombreux endroits, particulièrement dans l'île de Vancouver, un vif appui pour divers régimes de gestion régionale ou communautaire pouvant résoudre les questions de gestion à l'échelle locale. La principale fonction de MPO serait alors d'assurer un appui dans les secteurs de la technique, de la science et de l'exécution. Des témoins ont dit que des programmes intégrant conservation et durabilité doivent être gérés et appuyés à l'échelle locale.

Le Comité a été impressionné par la volonté des communautés autochtones et non autochtones de travailler ensemble pour trouver des solutions locales dans l'intérêt de tous les intervenants, des collectivités et de l'ensemble de la région.

À Alert Bay, un représentant de la Kwakiutl Territorial Fisheries Commission a signalé qu'une lettre que le ministre adressait à cet organisme, en octobre 1997, laissait entrevoir la possibilité d'établir un régime de gestion locale. Cependant, le ministre indiquait également dans cette lettre que l'organisme n'aurait aucun pouvoir réel et qu'un plan avait déjà été conçu. Le témoin a demandé au Comité d'appuyer la dévolution de la gestion à un organisme local : « Les gouvernements fédéral et provincial doivent offrir aux gestionnaires régionaux autochtones et non autochtones une aide sous forme de conseils techniques. »

D'autres témoins ont souligné que puisque les stocks de saumon migrent sur de grandes distances le long de la côte ouest, une instance de gestion centrale s'impose. Dans certaines régions, on préconise les quotas communautaires, mais certains s'inquiètent de l'organisation bureaucratique nécessaire à l'administration de tels systèmes.

Selon un autre modèle, la propriété du poisson dans chaque rivière et zone côtière serait dévolue à un consortium de groupes communautaires, les Premières Nations ayant des territoires dans la zone touchée figurant comme principaux participants. Ces consortiums seraient chargés de la conservation des stocks et de l'exécution de la loi dans leur zone et tireraient des redevances de la vente du poisson pêché par les pêcheurs commerciaux actuels le plus près possible des cours d'eau par souci de sélectivité. En outre, les consortiums pourraient louer des droits de pêche non seulement aux pêcheurs qui ont déjà un permis, mais aussi à d'autres utilisateurs comme les camps de pêche, les transformateurs à valeur ajoutée et même les pêcheurs commerciaux et sportifs alaskiens.

L'on a même suggéré la tenue d'une sorte de tribune, libre des pressions politiques inévitables dans un organisme de gestion, pour étudier les propositions mises de l'avant pour régler les problèmes socio-économiques à long terme des communautés de pêche de la Colombie- Britannique.

Science

Un représentant de la B.C. Wildlife Federation a soulevé la question de l'ingérence bureaucratique ou politique dans la production et la diffusion d'informations scientifiques. Il a affirmé qu'il y avait eu manipulation de l'opinion scientifique par des éléments politiques et bureaucratiques (l'affaire Nechako en est un exemple flagrant). Cependant, il a également pris à partie la communauté scientifique qui laisse entendre être le seul groupe en possession des faits et qui accuse d'« ingérence politique » toute personne mettant en doute ses conclusions.

Le représentant de la B.C. Wildlife Federation a également suggéré à la direction scientifique du MPO de cesser d'être si secrète et de permettre aux intervenants et à la collectivité d'examiner ses travaux et ses documents avant de prendre des décisions irrévocables; de cette façon, les intéressés pourraient mieux comprendre les conclusions tirées et les problèmes qui découlent du fait de travailler avec des données limitées et une ressource que l'on voit rarement à moins qu'elle ne soit dans un filet ou une frayère.

Un témoin représentant le Canadian Ocean Frontiers Research Institute (COFRI) a souligné que la recherche est essentielle aux décisions que prennent le MPO et Ressources naturelles Canada. Cependant, à cause de la place prépondérante qu'occupe le financement fédéral dans la recherche sur les océans, l'ensemble du système souffre de l'absence du choc des idées et de projets que favoriserait une structure plus pluraliste. Le gouvernement fédéral devrait donc financer des groupes extérieurs pouvant réaliser des travaux de recherche parallèlement aux siens.

Ce témoin a précisé qu'une telle structure ne serait pas créée pour faire opposition aux travaux de recherche du gouvernement, mais bien pour constituer une seconde source, indépendante celle-là, de vues légitimes. Un tel organisme accueillerait toutes les propositions de recherche offertes par des sources canadiennes, y compris les laboratoires du gouvernement fédéral, et tirerait son financement de sources multiples dans les secteurs public et privé. Il pourrait également s'associer à des activités de recherche internationale puisque la recherche et le développement (R-D) dans le secteur des océans ne sont pas vraiment limités par les frontières nationales. Le COFRI est un exemple du genre d'organisme qui pourrait jouer ce rôle.

Loi sur les pêches

De nombreux témoins ont exprimé des craintes au sujet des mesures de partenariat prévues dans le projet de modification de la Loi sur les pêches, le loi C-62 déposé à la législature précédente. En effet, d'après eux, ces dispositions auraient habilité le ministre des Pêches et des Océans à octroyer un droit privé de pêche à des fins sportives ou commerciales, à tout groupe jouissant de la faveur politique, sans pour autant qu'avis en soit donné au public. Le projet de loi C-62 aurait changé la prémisse même de l'actuelle Loi sur les pêches, soit que la pêche est une ressource publique à laquelle tous les Canadiens ont un accès égal.

Selon le Coastal Communities Network (CCN), le projet de loi C-62 n'a pas défini la nature des partenariats et il est clair, d'après les politiques du Ministère, qu'il s'agit d'une autre mesure de privatisation de la part du MPO. Il a d'ailleurs noté que le projet de loi ne faisait pas vraiment mention des collectivités.

Le CCN a exprimé un point de vue légèrement différent au sujet de l'incidence possible de la Loi sur les pêches sur la « privatisation » : les systèmes de quotas ont déjà servi à privatiser la gestion de bon nombre de pêches sur les côtes est et ouest et les dispositions du projet de loi concernant les partenariats regrouperaient encore plus les fonctions de gestion et de conservation entre les mains de sociétés ou de détenteurs de permis bien nantis; ainsi les ressources seraient gérées uniquement par les personnes ayant des intérêts économiques directs, à l'exclusion d'intérêts plus vastes comme ceux des collectivités côtières et des Premières Nations. De plus, il pourrait devenir presque impossible d'obtenir des renseignements sur les prises et les stocks des sociétés privées créées pour gérer et exploiter cette ressource.


PARTIE II : TRAITÉ SUR LE SAUMON DU PACIFIQUE

Le ministre a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des témoins pour n'avoir pas su appuyer les pêcheurs canadiens. En effet, il a tardé à se rendre à Prince Rupert au moment du blocus fait au traversier alaskien, Malespina; certains ont dit que l'attitude du ministre à l'égard des États-Unis était trop conciliante. De dire un témoin : « Il nous faut un ministre des Pêches qui se tiendra debout au nom du Canada, pas quelqu'un qui se rendra à Washington, D.C. pour dire à l'Alaska que si elle ne met pas fin à sa surpêche, le Canada diminuera de moitié ses propres prises. »

Au déséquilibre croissant entre les interceptions américaines et canadiennes s'est ajoutée la diminution des stocks de coho de la côte ouest, ce qui a empiré la situation en 1997. Pendant que le Canada se forçait à réduire ses prises à des fins de conservation, les États-Unis refusaient d'apporter autre chose que des changements mineurs à leurs interceptions au sud et au nord.

Selon l'UFAWU, l'Alaska a effectué dans le district 104 du sud-est de l'Alaska des pêches qui violaient clairement le Traité sur le saumon du Pacifique (TSP) de 1985. En réaction, les pêcheurs de la Colombie-Britannique ont bloqué pendant trois jours le traversier alaskien, Malespina. Des témoins ont expliqué au Comité que la pêche de Noyes Island a sans doute été la principale cause de l'incident. Comme la flottille du nord du Canada estimait que l'Alaska l'avait « volé » et que le MPO et le gouvernement fédéral l'avaient trahie, les pêcheurs ont réagi, frustrés qu'ils étaient par la réticence du ministre des Pêches à confronter les Alaskiens au sujet de leur surpêche.

On admet de façon générale qu'à certains égards, le Canada n'a pas la main haute lorsqu'il s'agit de négocier en vertu du TSP, mais on estime également qu'il n'a pas utilisé tous les outils à sa disposition pour régler le différend. Il aurait pu notamment faire pression sur les États-Unis, peut-être sur la scène internationale, pour qu'ils respectent leurs obligations en vertu de la Convention des Nations Unies (UNCLOS) sur le droit de la mer, et également exercer des pressions juridiques et politiques sur l'État de l'Alaska. Or Ottawa n'a eu recours à aucune de ces deux mesures. En fait, on semble penser de façon générale qu'Ottawa, et le ministre, ont fait des pieds et des mains pour éviter de vexer les États-Unis.

Des témoins ont recommandé au Comité que le Canada réunisse tous ses arguments et ses pouvoirs de négociation et que le ministre, fort de la position légitime du Canada, fasse preuve de leadership. Des témoins ont exhorté le Comité à insister auprès du premier ministre et du Cabinet pour qu'ils élèvent la question au niveau de priorité nationale. On a recommandé une approche du genre « Équipe Canada », dans le cadre de laquelle la population et l'industrie de la pêche de la Colombie-Britannique pourraient réellement participer au processus de négociation : « Les Américains sont des négociateurs coriaces qui savent se serrer les coudes pour appuyer les intérêts nationaux. Nous devons apprendre à en faire autant. »

Certains témoins ont demandé pourquoi Ottawa s'en était pris à la Colombie-Britannique, alors que le Canada était clairement dans son droit. Selon eux, le gouvernement fédéral aurait dû s'unir au gouvernement de la Colombie-Britannique pour défendre sa cause dans l'État de Washington à la suite des violations du Traité par l'Alaska et pour défendre les pêcheurs nommés dans la poursuite en dommages-intérêts menée par l'Alaska à la suite de l'incident du Malespina. Or, selon un des témoins, l'Alaska a déjà été dédommagé pour les préjudices qu'il considère avoir subis au cours de la manifestation de l'été dernier, de par tout le saumon que ses pêcheurs ont volé au cours des 15 dernières années. Selon lui, ce serait plutôt les pêcheurs canadiens qui auraient droit à un dédommagement en raison des énormes pertes financières subies à la suite des interceptions alaskiennes.

Selon d'autres témoins, des résidents du Washington et de l'Oregon sont d'accord avec les principes du Traité. Il a été suggéré que le Canada cherche à faire front commun avec ces personnes contre les partisans de la ligne dure en Alaska qui refusent de reconnaître qu'ils causent des problèmes de conservation par leur surpêche des stocks provenant de la Colombie-Britannique et du nord-ouest des États-Unis.

D'après des témoins, le rapport Strangway-Ruckelshaus justifie la position du Canada sur le TSP. Selon un témoin : « Il ne faut pas sous-estimer le fait qu'un Américain de la stature de William Ruckelshaus a affirmé que, dans l'éventualité d'une entente, il faudrait nécessairement en venir à un compromis et ramener une partie du poisson au Canada. » Cependant, le témoin a aussi rappelé la mise en garde de M. Strangway-Ruckelshaus à l'effet que le Canada doit être prêt à accepter qu'il ne récupérera pas tout le poisson qu'il juge être le sien.

Selon de nombreux témoins, le rapport Strangway-Ruckelshaus confirme la surpêche de poissons canadiens par les pêcheurs américains. Il confirme également le point de vue de nombreux participants à l'effet que le processus axé sur les intervenants risque d'échouer et que des négociations entre gouvernements sont nécessaires au règlement du différend. Le choix de M. Yves Fortier comme négociateur a joui d'un vaste appui. (M. Fortier a depuis démissionné et été remplacé.)

Les États-Unis ont été généralement dénoncés pour leur façon d'adopter deux poids deux mesures à l'égard de l'article 62 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. En effet, quand ils ont voulu mettre fin à la pêche en haute mer du saumon du Pacifique venu des rivières de l'Alaska, ils ont invoqué cet article, mais ils feignent d'ignorer ce même principe quand il s'applique à leur différend avec le Canada.

Incidences de l'échec du Traité sur le saumon du Pacifique

L'Alaska continue de pêcher le saumon à un rythme qui ne peut durer. Au même moment, le MPO a adopté des mesures de conservation qui rendent la vie très difficile aux pêcheurs commerciaux canadiens. À Prince Rupert, une femme a expliqué au Comité que l'usine de transformation pour laquelle elle travaillait, J.S. McMillan, a été obligée, en novembre 1997, d'invoquer la protection assurée par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, principalement à cause de la mauvaise gestion des pêches sur la côte ouest et du fait que le gouvernement fédéral n'a pas su faire respecter le Traité sur le saumon du Pacifique.

On a souligné qu'en 1993, dernière année des quotas établis en vertu du Traité, la flottille de l'Alaska a été autorisée à des prises maximales de 160 000 poissons au cours des trois premières semaines de la saison de pêche au saumon. En l'absence de quotas annuels négociés, les prises alaskiennes ont monté en flèche chaque année pour atteindre, en 1997, quelque 573 000 saumons. Le différend qui continue de faire rage a été particulièrement dévastateur pour la ville de Prince Rupert, où des employeurs ont fait faillite et des familles ont été déchirées.

Selon ce témoin, il incombe au gouvernement fédéral de négocier une entente qui rétablira les quotas du Canada bien avant la saison 1998; sinon, la collectivité ne pourra survivre.

Selon des témoins, les Alaskiens se sont servis des échappées plus importantes que prévu de saumon rouge de la rivière Skeena pour justifier leurs interceptions du saumon canadien. Un témoin a signalé que si les pêcheurs commerciaux de la Colombie-Britannique étaient autorisés à puiser dans ces énormes dépassements des objectifs d'échappée de saumon rouge attribuables aux récents changements apportés à la politique des pêches, il serait peut-être possible de conclure une entente plus satisfaisante avec l'Alaska (et les pêcheurs de l'État de Washington qui se rendent pêcher chaque saison en Alaska). On a également proposé un échange de droits de pêche à l'endroit de ces stocks afin que les pêcheurs canadiens puissent pêcher dans les eaux alaskiennes avec leur permis canadien.

On a également suggéré que le Canada déclare les eaux au large de l'enclave alaskienne zone canadienne, comme l'ont fait les États-Unis avec l'entrée Dixon. On a aussi proposé que le Canada saisisse la Cour internationale de justice de cette affaire, que les États-Unis soient prêts ou non à s'incliner devant la décision du tribunal. Comme le droit international de la mer donne raison au Canada, celui-ci devrait en profiter.

Stocks de coho

On a porté à l'attention du Comité un rapport préparé pour l'American Fisheries Society selon lequel 142 stocks de saumons et de truites sont disparus au cours de ce siècle en Colombie-Britannique et 624 autres sont en grave danger d'extinction. Les cohos figurent parmi les stocks menacés. Selon le rapport du Comité d'examen de l'évaluation des stocks du Pacifique, les échappées de cohos géniteurs dans les stocks témoins sont à la baisse depuis 12 ans et étaient extrêmement faibles en 1997, particulièrement dans l'île de Vancouver et dans le réseau fluvial de la Thompson. Selon des témoins, le MPO était pleinement conscient de la baisse des stocks de coho mais n'avait pas agi pour réduire les prises.

Des représentants du groupe « Speak for the Salmon » ont supplié le Comité de prendre des mesures extrêmes pour sauver ce qui reste des stocks de coho sauvage. Parmi les mesures proposées : une approche proactive afin d'améliorer les habitats en eau douce et accroître le taux de survie des saumoneaux cohos, y compris des dispositions législatives à l'échelle de la province pour protéger les zones riveraines, dispositions au moins équivalentes au Land Development Guidelines for the Protection of Aquatic Habitat (lignes directrices pour l'aménagement des terres et la protection des habitats aquatiques), et un moratoire de deux ans sur toute pêche sportive du coho.

D'autres témoins ont recommandé un moratoire pouvant durer jusqu'à quatre ans sur la pêche commerciale du saumon, afin de rétablir les remontes extrêmement affaiblies de saumon coho, de truite arc-en-ciel anadrome et de saumon quinnat, et un moratoire de quatre ans sur les pêches sportives sélectives du saumon coho et quinnat. On a également suggéré la fermeture permanente de la pêche des oeufs de hareng dans le détroit de Georgia (pour favoriser l'accroissement des stocks de poisson fourrager dans le secteur), l'établissement de la priorité de pêches plus sélectives du saumon et l'élimination progressive des composantes de la flottille qui nuisent le plus à l'environnement et qui sont les plus socialement destructives, c'est-à-dire les senneurs et chalutiers à très grande capacité. On a fait remarquer que ce genre de politique est en voie d'application aux États-Unis.


PARTIE III : STRATÉGIE DE REVITALISATION DU SAUMON DU PACIFIQUE

Rachat de bateaux

Les pêcheurs ont dit au Comité qu'ils avaient proposé un vaste programme de rachat de la flottille qui aurait été autofinancé et échelonné sur une longue période, mais la proposition a été rejetée. Le rachat s'est plutôt déroulé d'une façon qui a entraîné la retraite prématurée des pêcheurs, dont beaucoup n'avaient aucune possibilité de réembauche. Le nombre de travailleurs a donc diminué dans les collectivités de pêche, ce qui a eu un effet négatif sur ces dernières, plusieurs n'ayant guère d'autres activités économiques vers lesquelles se tourner et trop peu de temps pour s'adapter.

Un témoin, soulignant que les stocks de saumon ont été presque anéantis dans les années 50 et 60, a fait valoir qu'il y avait encore beaucoup trop de bateaux de pêche sur la côte de la Colombie-Britannique et que le gouvernement doit toujours offrir un programme de rachat de bateaux et de permis. (Voir également la recommandation 5 à l'annexe C)

Rachats de permis

D'autres témoins ont dit que la première ronde de rachats de permis, qui a couté 80 millions de dollars, avait éliminé surtout des bateaux marginaux et qu'elle n'avait pas réduit la capacité. Ils ont recommandé que l'on tienne une deuxième ronde de rachats de permis afin de réduire suffisamment la capacité pour que le reste de la flottille soit viable.

Capacité et capitalisation de la flottille

Des témoins ont soutenu que le plan Mifflin n'avait pas réduit la surcapacité de la flottille commerciale. En fait, d'aucuns ont affirmé qu'il avait plutôt accru la capacité puisque le cumul des permis avait favorisé leur transfert à des bateaux plus gros et plus puissants.

Des témoins ont également fait valoir que le plan avait augmenté plutôt que réduit la capitalisation de la flottille, en grande partie parce que le cumul et le rachat s'étaient produits en même temps, faisant monter le coût des permis. Les pêcheurs qui ont accumulé des permis ont donc maintenant un investissement beaucoup plus important dans leurs permis.

D'après certains témoins, comme il y a encore une surcapacité dans le secteur commercial, le besoin de rachats financés par le gouvernement demeure. Ils ont fait remarquer que, des 80 millions de dollars dépensés jusqu'à maintenant, seulement 15 millions provenaient du gouvernement, les 65 autres ayant été obtenus de la flottille commerciale par l'entremise d'une augmentation des droits de permis imposés pour financer les rachats. Les témoins ont signalé qu'il ne faudrait pas poursuivre plus avant la restructuration de l'industrie tant qu'une évaluation en profondeur n'aura pas été effectuée.

Réductions de la flottille

Malgré les garanties formulées avant la mise en oeuvre du plan Mifflin, le Comité a appris que les réductions n'avaient pas été appliquées uniformément dans tous les secteurs de la flottille. C'est le secteur des senneurs qui en a subi le moins, suivi de celui des bateaux à filet maillant, alors que la flottille de pêche à la traîne a été réduite de façon disproportionnée. Malgré une entente dans l'industrie visant le partage de la ressource sur une base de 30-30-40 entre les flottilles de pêche à la traîne, au filet maillant et à la senne respectivement, la première catégorie a été limitée à seulement 16,5 p. 100 des prises durant les deux années d'application du plan Mifflin. Lorsqu'on a saisi le MPO du problème, sa réponse, d'après ce que le Comité a appris, a été de comparer les valeurs au débarquement plutôt que le nombre de saumons. Les pêcheurs de cette flottille ont eu l'impression que le MPO les pénalisait pour leur produit de qualité supérieure.

Permis de zone et cumul de permis

La plupart des témoins ont critiqué la délivrance de permis de zone principalement parce que cette pratique leur donne moins de latitude rendant ainsi la saison beaucoup plus incertaine. D'aucuns ont convenu que la réduction de la flottille s'imposait mais ils ont signalé que les rachats, combinés à la délivrance de permis de zone, avaient affecté davantage les collectivités de pêche des régions rurales et septentrionales que les centres urbanisés du sud de la province. Bon nombre de communautés des Premières Nations avaient d'ailleurs été touchées d'une façon disproportionnée.

Les pêcheurs du nord en ont tout particulièrement contre les permis de zone. En raison des faibles remontes prévues pour le Fraser, la délivrance de ces permis a occasionné un encombrement du secteur nord en 1997. Voici comment un pêcheur du nord décrit le problème : « La délivrance des permis de zone semble avoir confiné plus de bateaux que jamais dans ma zone, celle des pêcheurs au filet maillant du nord. Donc maintenant, lorsqu'il n'y a plus de poissons dans le nord, nous sommes faits. Est-ce que quelqu'un voit la logique dans tout cela? ».

D'après certains, jusqu'à 25 p. 100 des emplois liés au saumon ont disparu sur la côte nord de la Colombie-Britannique. L'un d'eux a dit que les permis de zone ont entraîné la « ghettoïsation de la pêche ». Encore une fois, en raison de la mobilité réduite par les permis de zone, les pêcheurs des secteurs nord sont d'avis qu'ils ont souffert tout particulièrement des interceptions de l'Alaska. Comme l'a dit un pêcheur, « nous avons été laissés aux pas très bons soins de l'Alaska ».

Les permis de zone et le cumul des permis auraient réduit les possibilités de pêche et entraîné la perte des bateaux d'un certain nombre de pêcheurs, parce qu'ils n'ont pu rembourser leurs emprunts. D'après ce qu'on a dit au Comité, nombre de ces pêcheurs n'avaient guère de capitaux propres et, sans l'aide de programmes efficaces, ceux dont le niveau d'instruction et d'expérience à l'extérieur des pêches était faible n'avaient que peu d'avenir. Des pêcheurs ont dit au Comité qu'ils devaient disposer de la latitude nécessaire pour pêcher tout le long de la côte afin de survivre et, d'après eux, cela servirait également les objectifs de conservation en réduisant les pressions exercées sur les stocks plus faibles.

Des témoins de la pêche au filet maillant et à la traîne ont soutenu que la délivrance de permis de zone avait entraîné l'expropriation des deux tiers de la zone où ils pêchaient; plusieurs croyaient d'ailleurs qu'ils auraient dû recevoir une quelconque indemnisation.

Il y a également eu d'autres effets négatifs non voulus. Par exemple, les spéculateurs qui se sont « emparés » de permis juste avant les changements en ont vu la valeur tripler étant donné la demande créée par le cumul et les permis de zone. Par contre, des capitaines de senneurs appartenant à une compagnie qui possédaient leurs propres sennes ont été déplacés par les permis de zone. Ces capitaines n'avaient plus aucun moyen de récupérer ce qu'ils avaient investi dans leurs engins, puisqu'aucun programme ne les visait et que la demande était très faible. Neuves, les sennes coûtent environ 65 000 $, mais le prix des sennes usagées a chuté de 30 000 $ à 15 000 $.

Des témoins ont dit que si le gouvernement tenait absolument à instaurer un régime de permis de zone, il aurait du prévoir une période plus longue que quatre ans.

Flottille des petits bâteaux de pêche

La flottille des petits bâteaux de pêche se compose surtout de ce qu'on appelle des « bateaux polyvalents ». Bien qu'on ait dit au Comité que le groupe de la pêche au filet maillant avait recommandé, lors de la table ronde du Pacifique, d'éliminer graduellement les bateaux polyvalents sur une période de 10 ans, ces bateaux ont disparu par suite du plan Mifflin. Les exploitants des bateaux polyvalents ont été forcés de choisir parmi les types d'engins. Certains pêcheurs utilisant un bateau polyvalent ont dit au Comité que ni eux ni leurs collègues ne pouvaient désormais pêcher à la traîne puisqu'ils avaient opté pour les filets maillants; le problème, c'est que leurs bateaux représentaient un compromis et qu'ils se prêtent moins à la pêche au filet maillant.

Équipages déplacés

Les rachats n'ont été offerts qu'aux détenteurs de permis. Les membres d'équipage n'ont rien reçu même si, eux aussi, jugeaient avoir des intérêts dans la pêche. Le Comité a appris que, lors de la restructuration des flottilles de pêche de l'Alaska, les membres d'équipage avaient été inclus. Les équipages reconnaissent qu'une rationalisation s'impose et que, par conséquent, des membres d'équipage seraient déplacés, mais ils affirment qu'ils auraient dû être consultés et inclus comme parties prenantes. On a dit qu'un représentant du MPO aurait promis que les membres d'équipage seraient indemnisés mais cela ne s'était pas produit.

Nombre de collectivités dont Prince Rupert ont souffert des pertes successives d'emplois de membres d'équipage. Un représentant de la B.C. Deep Sea Fishermen's Union a fait observer que les membres d'équipage gagnaient de bons salaires mais que, au fil des années, ils avaient essuyé de terribles pertes d'emploi. Un témoin a dit : « Mes 20 ans de métier m'ont été enlevés et ont été échangés comme un produit à la Bourse de Toronto ». Ainsi, des emplois ont disparu lorsque les quotas ont remplacé le « système derby »; quand les quotas ont été adoptés pour la morue charbonnière, le nombre de bateaux a chuté de 146 à 12; enfin, quand le hareng a fait l'objet de permis de zone, la moitié des équipages de cette flottille ont perdu leur emploi.

Stabilité

Le Comité s'est fait dire que le ministre changeait les règles du plan Mifflin avant la fin des quatre années prévues comme temps de réaction. Certains ont signalé que si le Comité et le reste du gouvernement n'obligent pas le MPO à respecter ses engagements il s'ensuivra une agitation sociale plus marquée et la désobéissance civile. Les pêcheurs ont pris des décisions en se fondant sur les politiques annoncées, qu'ils les aient appuyées ou pas. Toutefois, ils ont besoin de stabilité. Si, par exemple, certains secteurs comme celui de la pêche à la traîne sont assujettis à des règles moins rigoureuses concernant les permis de zone et la gestion de minimisation des risques, les autres secteurs d'engins voudront le même traitement. Et si cela se produisait de l'avis d'un témoin : « Le plan Mifflin n'est plus ».

Transition et renouveau

Bien des témoins ont critiqué l'absence de mesures gouvernementales visant à atténuer les perturbations sociales et économiques causées par le plan Mifflin. On y voit un abandon des particuliers et des collectivités qui dépendent de la pêche. Les témoins ont fréquemment rappelé la promesse non tenue de l'ancien ministre des Pêches, l'honorable Fred Mifflin, de fournir « 30 millions de dollars ou ce qu'il faut » pour aider les travailleurs à terre et les pêcheurs déplacés.

Plusieurs nient l'affirmation de l'actuel ministre voulant que l'engagement fédéral à l'égard des personnes déplacées ait été rempli par une dépense de 136 millions de dollars. La majeure partie des 136 millions, d'après les témoins, n'est pas allée à des programmes de perfectionnement et d'adaptation. Une bonne part de l'argent - environ 80 millions - a été consacrée au programme de rachat des permis et à d'autres programmes, dont 7,7 millions à un programme de retraite anticipée conditionnel à un financement de contrepartie par la province. L'engagement réel à l'égard des programmes de transition se rapproche davantage des 24 millions de dollars, ce qui est beaucoup moins que le financement accordé pour les programmes d'adaptation sur la côte est et loin de satisfaire aux besoins.

Quelques témoins ont mentionné le refus de la province de la Colombie-Britannique de doubler l'offre fédérale de 7,7 millions de dollars pour un programme de retraite anticipée puisque, les pêcheurs ayant été déplacés en raison de politiques fédérales, il incombait au gouvernement fédéral de financer un régime de retraite anticipée. On craint cependant qu'Ottawa revienne sur sa promesse d'affecter 7,7 millions de dollars à un programme de retraite si la province ne fournit pas sa part. Des témoins ont confirmé que le régime de retraite était une réelle option puisque bon nombre des pêcheurs n'étaient pas disposés à faire des investissements supplémentaires pour le cumul de permis.

D'après le Community Marine Resources Transition Committee (CMRTC) de la Sunshine Coast, les deux paliers de gouvernement doivent examiner deux composantes très différentes d'une stratégie de transition : les mesures palliatives et les débouchés. Même s'il doit y avoir des stratégies palliatives humanitaires et réalistes, il faut donner autant d'attention aux débouchés. ainsi que l'a formulé le CMRTC, « Les mesures correctrices ne servent à rien si elles encouragent quelqu'un à sauter d'un bateau en perdition à un autre ».

Imposition des immobilisations

Des témoins ont mentionné le cas de pêcheurs qui ont vendu leurs permis en vertu du programme de rachat de 80 millions de dollars et qui n'ont pu se retirer de l'industrie sans heurt. En raison du marché défavorable pour les bateaux et les engins, ces pêcheurs avaient été forcés en quittant le secteur de vendre leurs biens à un prix beaucoup moindre que la valeur réelle. Selon des témoins, l'impôt sur les gains en capital, l'impôt sur le revenu et la récupération de l'AE et de la pension avaient réduit encore davantage la valeur des biens, laissant aux intéressés insuffisamment d'avoirs pour investir dans une autre entreprise ou pour bénéficier d'un revenu de retraite. Les témoins ont insisté sur la nécessité de prévoir un allégement fiscal quelconque pour permettre aux pêcheurs de quitter le secteur.

programmes de transition

D'après l'estimation de représentants du Community Fisheries Development Centre (CFDC), au cours des 12 derniers mois, Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a dépensé approximativement 20,5 millions pour financer diverses activités destinées aux travailleurs des pêches de la Colombie-Britannique. Selon le CFDC, non seulement à peine 18 p. 100 des 136 millions sont-ils directement allés au financement de la transition, mais la grande partie de ces 18 p. 100 auraient de toute façon été couverts par les prestations d'AE. Toujours selon le CFDC, seul le fonds de 20,5 millions du programme du DRHC et 3,79 millions du programme de remise en état de l'habitat et de mise en valeur du saumon ont réellement servi à remplir les engagements fédéraux.

L'un des principaux problèmes des programmes de financement du DRHC pour la transition d'emploi est qu'ils étaient offerts uniquement à ceux qui pouvaient recevoir de l'aide en vertu des règlements du DRHC. Le Comité a appris que 75 p. 100 des demandeurs du CFDC étaient inadmissibles au financement ou à la formation de DRHC en raison de ces règles.

Un grand nombre de travailleurs qui, par suite de la politique fédérale, ont été évincés de l'industrie ne recevaient aucune aide même si on leur avait promis « ce qu'il faut ». L'opinion générale en Colombie-Britannique est qu'il n'y a pas d'aide pour les pêcheurs et les travailleurs de la pêche dans la province parce que la région centrale du Canada croit que la Colombie-Britannique est extrêmement riche et qu'elle peut s'occuper de ses gens.

Plusieurs témoins ont fait remarquer l'inégalité de traitements entre les travailleurs déplacés et les collectivités touchées sur la côte est et sur la côte ouest, et l'on réfute l'affirmation des politiciens et des bureaucrates que cet état de choses se justifie du fait que les problèmes de la côte ouest ne sont ni aussi étendus ni aussi graves que ceux de la côte est. Or, d'après les témoins, aux yeux du travailleur peu importe qu'il vive à Bonavista, Terre-Neuve ou à Sointula, Colombie- Britannique : la mer est son gagne-pain et on l'en prive sans qu'il l'ait mérité.

On a mentionné l'engagement pris par le gouvernement fédéral de financer à long terme les programmes de transition destinés aux pêcheurs de la côte est et on a signalé que cette mesure est encourageante pour les intervenants du secteur des pêches en Colombie-Britannique qui attendent impatiemment que le gouvernement en fasse autant pour la côte ouest.

Selon le CFDC, ceux qui ont déjà suivi une formation, ainsi qu'un nombre croissant de nouveaux candidats, attendent l'occasion de poursuivre leur perfectionnement, d'acquérir une expérience de travail et d'améliorer leurs compétences. Ils pourront ainsi quitter le domaine de la pêche, ou diversifier leurs possibilités de travail hors saison, ou encore participer à de nouveaux secteurs de l'industrie de la pêche.

Le CFDC a indiqué que plus de 4 500 personnes étaient actuellement inscrites auprès de ses bureaux de la côte ouest et qu'elles espéraient que des fonds de DRHC seraient affectés au financement d'activités existantes et nouvelles dans le cadre des programmes de transition, de manière à favoriser l'établissement d'un programme complet d'adaptation de l'industrie en Colombie-Britannique.

Le CFDC avait prévu que le financement des programmes de transition demanderait un budget maximum de 375 millions de dollars sur trois ans. Ce montant permettrait à 5 000 participants, pêcheurs déplacés des collectivités côtières de la Colombie-Britannique, d'acquérir la formation, l'expérience de travail et les compétences propres à leur assurer une indépendance économique. Ce programme d'adaptation de l'industrie retiendrait comme critères d'admissibilité la participation à l'industrie et non pas « l'ensemble de règles incompréhensibles et insensées auxquelles les candidats doivent se plier » dans le système actuel. On a dit qu'un programme de ce genre pourrait facilement être financé à même l'excédent du fonds de l'AE, qui dépassera 14 milliards de dollars en 1998.

Parmi les problèmes que le président de la Cowichan Regional Fishers Co-operative a porté à l'attention du Comité, il faut citer les débouchés limités offerts aux pêcheurs déplacés une fois qu'ils ont reçu une formation. Il a cité le cas de 33 pêcheurs de la région de Cowichan qui avaient suivi, en 1997, un stage de formation de 26 semaines en répertoriage environnemental, en évaluation de l'habitat et en cartographie des cours d'eau, grâce à des fonds provenant des Partenariats pour la création d'emplois de DRHC. Ils ont acquis des connaissances précieuses, mais n'ont pas trouvé d'emploi. En janvier 1998, 12 autres pêcheurs de la région de Cowichan étaient sur le point de commencer le même stage de formation. D'après une enquête préliminaire sur le marché et sur l'emploi menée auprès des sociétés forestières, des promoteurs et des administrations locales, même s'il existe une certaine demande dans ces domaines, il n'y a pas assez de travail pour employer 45 personnes à longueur d'année dans la région de Cowichan. Devant cette situation, un groupe de pêcheurs locaux ont proposé la formation d'une nouvelle coopérative de travailleurs qui assurerait un revenu supplémentaire et des emplois de rechange aux pêcheurs et qui s'occuperait de promouvoir et d'améliorer la viabilité de l'industrie de la pêche.


PARTIE IV : QUESTIONS TOUCHANT LES AUTOCHTONES

Communautés autochtones

Selon un représentant de la nation tsimshian (environ 10 000 personnes), du nord de la Colombie-Britannique, la restructuration a eu des retombées négatives sur les collectivités tsimshian. Nombre d'entre elles sont en effet des localités satellites de villes comme Prince Rupert, Terrace et Kitimat. « Si ces dernières ont souffert», a-t-il dit, «les villages tsimshian ont souffert 10 fois plus ». À longueur d'année, le taux de chômage y atteint 63 p. 100, et même 96 p. 100 dans un cas.

La restructuration visait, entre autres choses, à assurer la viabilité des intervenants qui demeuraient dans le secteur. Cet objectif n'est pas réaliste. Puisque la pêche n'est pas toujours rentable, les communautés perdent des permis. On nous a dit qu'une collectivité a perdu tous ses permis.

Un bon développement économique s'impose dans le nord, mais il faudra procéder à de nombreux travaux scientifiques avant d'aller plus loin afin d'assurer que ces développements seront durables.

Les fonds destinés à aider les travailleurs déplacés ont été gérés de telle manière que les pêcheurs autochtones déplacés, surtout ceux des localités éloignées, n'y ont pas eu un accès équitable. Les membres des Premières Nations doivent participer à tous les volets des initiatives, y compris la prestation des services.

Dans la zone de la Sunshine Coast, la bande indienne sechelte a pris une mesure très progressiste en créant, en 1993, un Service de consultation en matière de pêche. Il s'agit d'un « guichet unique » pour l'évaluation des pêches et des conditions environnementales, qui offre une large gamme de services de consultation sur la pêche, la protection de l'environnement et diverses autres questions liées aux ressources. La clientèle de ce service provient des secteurs privé et public. Ce service appuie fermement les collectivités et les groupes sans but lucratif qui participent à des projets de rétablissement de la pêche.

La Première Nation huu-ay-aht a décrit au Comité l'état dans lequel se trouvent les cours d'eau du territoire de ces bandes. Les cinq espèces de saumon ainsi que la truite arc-en-ciel anadrome qui y vivaient autrefois ont pratiquement disparu par suite de la surpêche et des mauvaises méthodes d'exploitation forestière. Un témoin a fait la description des travaux de rétablissement et de mise en valeur que les Huu-ay-aht ont réalisés et qui commencent à porter fruit. Toutefois, malgré le temps et les efforts que les Huu-ay-aht y ont consacrés, ce ne sont pas eux qui en profitent.

En 1997, la bande a acheté deux bateaux de pêche dans l'espoir de ressusciter chez la jeune génération un intérêt pour la pêche en tant que gagne-pain, grâce à un programme d'encadrement, de même que pour préserver les connaissances des aînés, qui risquaient de se perdre. Les huu-ay-aht ont fait savoir qu'ils étaient disposés à collaborer avec le MPO afin d'établir des objectifs de gestion du saumon. Ils ont suggéré la création, à cette fin, d'une commission administrée par la communauté autochtone, semblable aux commissions de gestion des myes qui sont à l'essai. Ils ont également recommandé que la gestion du saumon soit axée davantage sur la pêche en fin de migration, ce qui assurerait une meilleure protection des stocks moins abondants.

Stratégie relative aux pêches autochtones

Beaucoup de témoins ont critiqué la Stratégie relative aux pêches autochtones (SPA). Néanmoins, tout en se faisant les détracteurs de certains aspects de la SPA, plusieurs ont reconnu qu'elle comportait plusieurs bonnes politiques.

Le programme pilote de ventes a été l'un des aspects les plus critiqués de la SPA. Certains ont dénoncé les affirmations du MPO selon lesquelles la SPA faisait partie des prescriptions du jugement Sparrow. En fait, ont-ils souligné, celui-ci affirme que les Autochtones ont le droit de pêcher « à des fins alimentaires, sociales et rituelles », mais non pas qu'ils possèdent des droits spéciaux en ce qui concerne la vente du poisson.

L'une des caractéristiques les plus inacceptables du programme pilote de ventes réside dans le fait qu'il a entraîné une division fondée sur la race dans le secteur de la pêche commerciale, une division qui crée un malaise social. Les pêcheurs commerciaux non autochtones s'entendent pour dire que tous les pêcheurs commerciaux devraient être traités de la même façon. Une pêche commerciale « à deux vitesses » est vouée à l'échec.

Voici les reproches que certains ont faits au programme pilote de ventes de la SPA :

  • il a augmenté les tensions raciales parmi les pêcheurs;
  • il a entraîné beaucoup d'activités de « blanchiment » du saumon (capturé illégalement);
  • la Cour suprême du Canada a limité les droits des Autochtones en matière de pêche commerciale;
  • il va à l'encontre de la Charte des droits et libertés, en vertu de laquelle tous les Canadiens ont le droit de pêcher;
  • il a entraîné des problèmes administratifs supplémentaires pour le MPO, qui avait déjà du mal à gérer les pêches en Colombie-Britannique avant la SPA.

Certains ont critiqué tout particulièrement les rachats des permis commerciaux. Le Ministère aurait déclaré qu'il avait racheté 75 permis moyennant 5,95 millions de dollars; ces permis auraient pu être employés pour pêcher 1,6 p. 100 du total autorisé des captures (TAC), en équivalents de saumon rouge. En 1995, toutefois, ceux qui participaient à la SPA ont pêché la moitié du TAC pour le Fraser, soit environ 25 fois la quantité que le ministre et le MPO avaient annoncée. De surcroît, les permis rachetés ne représentent pas vraiment 1,6 p. 100 du TAC, puisqu'ils ont été repris de bateaux vétustes, délabrés, mal équipés et inefficaces, exploités par des pêcheurs qui n'avaient jamais pêché toute la part à laquelle ils avaient droit.

La plupart des pêcheurs commerciaux ne s'opposent aucunement à une plus grande participation des Premières Nations à la pêche commerciale; ils estiment cependant qu'elles devraient faire partie de la flottille commerciale ordinaire, et non pas d'une catégorie spéciale fondée sur la race. Les pêcheurs commerciaux estiment également qu'on devrait leur accorder une compensation si l'on transfère une partie de l'allocation de leur secteur aux pêcheurs autochtones. L'une des méthodes proposées, dite « solution industrielle », consisterait pour le gouvernement fédéral à racheter les permis commerciaux pour les transférer ensuite aux pêcheurs autochtones.

Les permis transférés aux bandes autochtones dans le cadre de la SPA devaient représenter moins de 1 p. 100 de l'allocation commerciale. Or, la plus grande part des prises de saumon du Fraser serait aujourd'hui le fait de la SPA.

On a également critiqué la pratique selon laquelle, dans le cadre de la SPA, le MPO attribue les quotas sous forme de nombre de poissons. Le témoin a évoqué le rapport de MM. Pearse et Larkin, intitulé Managing Salmon in the Fraser rédigé à la demande du ministre des Pêches et des Océans après la saison 1992. Ce document recommande que les quotas attribués, s'il en est, représentent un pourcentage des prises. Il semble que lors de la « débâcle » de 1995, des dires du témoin, les prises de saumon rouge dans le cadre de la SPA ont atteint le niveau de celles des flottilles de pêche à la senne, au filet maillant et à la traîne réunies; cette situation découle directement de l'attribution de nombres fixes de saumons, à un moment où il est impossible de savoir quelle sera la taille des remontes. Selon certains, la pêche commerciale autochtone devrait être assujettie aux mêmes contraintes que la pêche commerciale ordinaire, c'est-à-dire à une fluctuation de l'allocation réservée à chaque type d'engin pendant la saison de pêche, en fonction de la taille des remontes.

Quelques témoins ont critiqué un examen récent des politiques de la SPA, soulignant que l'étude avait été effectuée par les responsables du programme eux-mêmes.

Certains témoins ont déploré le fait que les Autochtones pêchent en rivière. Ils s'inquiètent de l'accroissement de ce type d'activité. Certains ont également souligné que la pêche en rivière avait un effet dévastateur sur les stocks, car le saumon se dirige alors vers sa zone de frai. Les témoins ont également remis en question la valeur de cette pêche, puisque la qualité du poisson commence alors immédiatement à se détériorer. Sa valeur commerciale est donc beaucoup plus faible que celle du poisson capturé en mer.

Un représentant de la Sts'wan Society a, par contre, soutenu que le ministre avait l'obligation juridique d'accorder des quotas de saumon aux pêcheurs autochtones de l'intérieur du pays. Les Autochtones qui vivent au-dessus du canyon du Fraser n'avaient pu pêcher en moyenne qu'un poisson par année. Cette situation, qui avait suscité une grande colère, est en partie à l'origine de l'incident du lac Gustavson. Ce témoin a également accusé les responsables de l'application des règlements du MPO de pratiquer des « tactiques illégales de terreur », notamment en survolant le territoire en hélicoptère, à basse altitude.

Un représentant du Native Brotherhood of British Columbia (NBBC) a indiqué que, par suite des décisions judiciaires récentes (Sparrow, Gladstone, NTC Smokehouse, Van der Peet et Delgamuukw, entre autres), il faudra peut-être revoir la priorité accordée aux pêcheurs commerciaux autochtones dans le nord. Ce témoin a indiqué que l'exploitation des eaux septentrionales, adjacentes aux territoires des Haida, Tsimshian, Nisga'a et Haisla, avait toujours représenté le gagne-pain de ces gens et que leur droit d'exploiter ainsi cette ressource devrait avoir la priorité par rapport à ceux des pêcheurs sportifs et des pêcheurs commerciaux non autochtones.

Selon la NBBC, la SPA ne profite pas aux pêcheurs commerciaux actuels, puisque le dépassement des objectifs de remonte a été alloué aux bandes autochtones et aux conseils tribaux, et non pas aux simples pêcheurs commerciaux. Les récents jugements de la Cour suprême du Canada, a-t-on ajouté, ont mentionné que les membres des Premières Nations pourraient tirer un revenu modeste de la pêche pratiquée dans leurs territoires, s'ils avaient pratiqué cette pêche dans le passé. Les membres de la NBBC, a-t-on affirmé, ont ce droit, et cette question devrait être examinée à l'échelon politique, pour éviter tout litige à l'avenir. La NBBC recommande également que toute nouvelle initiative prise dans le cadre de la SPA prévoie une participation directe des pêcheurs commerciaux des Premières Nations.

Exécution des traités

Des témoins on dit que le gouvernement fédéral remplit ses obligations en vertu du traité conclu avec les Nisga'a au détriment des résidents et des pêcheurs du Nord. Beaucoup jugent cette situation injuste. Certains témoins sont fermement d'avis que tous les Canadiens, et non pas seulement les pêcheurs de la Colombie-Britannique et leurs familles, devraient payer la note de l'exécution de ces traités.

Plan de gestion des ressources halieutiques de la rivière Nimkish

À Alert Bay, un représentant de la Première Nation `namgis a décrit un projet lancé par cette bande pour accroître la production de saumon kéta dans son écloserie très moderne installée à Gwa'ni. L'objectif est de porter le nombre d'alevins, qui est actuellement de 2 millions, à 10 millions par année. Cette écloserie a été conçue avant tout pour la production de saumon quinnat, coho et kéta, afin de reconstituer ces stocks. L'incertitude qui règne au sujet du financement a toutefois empêché la planification à long terme et l'exploitation de l'écloserie à sa pleine capacité.

Le témoin a fait remarquer que les collectivités du nord de l'île de Vancouver avaient souffert du déclin de l'activité dans les industries de l'extraction des ressources. Étant donné l'actuelle situation financière du gouvernement, ce projet représente la meilleure façon d'atteindre les objectifs visés : la création d'une écloserie autonome sur le plan financier, une pêche de subsistance viable pour les autochtones de la région et, enfin, des pêches commerciale et sportive lucratives.

La nation `namgis a déjà commencé à solliciter l'appui des collectivités locales, des pêcheurs sportifs et des pêcheurs commerciaux, ainsi que des administrations locales; la réponse est positive. Toutefois, pour que le projet puisse aller de l'avant, ce groupe a encore besoin de l'appui de tous les autres groupes d'intérêt et groupes d'usagers, et particulièrement celui du MPO. La nation `namgis a demandé au Comité d'examiner son projet et de l'aider si possible.


PARTIE V : CONSERVATION

L'un des sujets qui a été abordé le plus souvent au cours des audiences du Comité sur la côte ouest est celui de la conservation. Tous les intervenants s'entendent pour dire que les gouvernements, à tous les paliers, ont mal assumé leurs responsabilités de protection et de restauration de l'habitat du saumon. La détérioration de cet habitat est l'une des causes majeures des problèmes que connaît l'industrie de la pêche sur la côte ouest. Comme l'a dit un témoin, ce qu'il faut, c'est « non pas moins de pêcheurs, mais plus de poisson ».

Alors que les gouvernements ne protègent pas adéquatement l'habitat du poisson, l'engagement populaire et communautaire à corriger ces lacunes est manifeste, comme en témoignent des projets comme l'impressionnante remise en état de la rivière Campbell, la Goldstream Salmon Hatchery, une écloserie de salmonidés dont l'exploitation est assurée en grande partie par des bénévoles, la Craig Flower Habitat Restoration, un projet de restauration de l'habitat, ainsi que les programmes éducatifs et des projets pratiques mis en oeuvre dans les écoles pour sensibiliser les étudiants et le public à l'importance du saumon.

Malgré le caractère louable de ces activités, la majorité juge qu'il serait possible de faire beaucoup plus pour protéger, restaurer et remettre en état l'habitat du saumon. L'essentiel du travail de restauration pourrait être confié à des travailleurs de l'industrie des pêches déplacés. L'adoption d'une telle mesure permettrait de faire d'une pierre deux coups puisqu'elle fournirait à ces travailleurs un emploi intéressant dans un domaine connexe au leur et contribuerait à accroître la productivité des rivières de la côte ouest pour le bénéfice de l'ensemble des utilisateurs. Un certain nombre d'organismes ont réussi à former des travailleurs déplacés pour effectuer le travail d'évaluation et de restauration nécessaire; il n'y a toutefois pas suffisamment de ressources financières à l'heure actuelle pour employer à temps plein tous ces travailleurs nouvellement formés, même si le travail, lui, ne manque pas. Certains ont aussi proposé au Comité de créer un organisme « poisson illimité » du genre de Canards Illimités Canada qui aurait pour rôle d'acheter l'habitat et de sensibiliser le public. À leur avis, ce genre de mesure serait préférable à des projets de création d'emplois d'un an, qui ne sont guère plus que des solutions de fortune.

Même si les collectivités d'un bout à l'autre de la côte partagent à peu près les mêmes préoccupations en matière de conservation, bon nombre d'entre elles ont aussi porté à l'attention du Comité des problèmes à caractère plus régional. Il en est question plus en détail ci-dessous.

Côte centrale

Bien des témoins estiment que le MPO a concentré tous ses efforts sur la gestion des stocks principaux du fleuve Fraser et de la rivière Skeena, mais qu'il n'a pas fait grand-chose pour conserver les stocks de saumon provenant de la multitude de petites rivières et cours d'eau de la côte de la C.-B. Certains affirment que les stocks de la côte centrale produisaient d'énormes quantités de poisson (plus que le fleuve Fraser), mais qu'ils sont épuisés depuis une vingtaine d'années. On accuse le Ministère d'avoir été très négligent à cet égard. « Jusqu'ici, le MPO s'est croisé les bras lorsqu'est venu le temps de trouver une solution à la disparition de ces stocks. »

Rivière Skeena

Selon un représentant de la Native Brotherhood of British Columbia, certains éléments de l'actuelle stratégie de gestion des pêches, qui sont présentés comme des mesures axées sur la conservation, sont en fait des décisions politiques déguisées visant à modifier la répartition du poisson d'un secteur à l'autre. La fermeture de la pêche commerciale sur la Skeena a été présentée comme une mesure visant à préserver les petits stocks menacés de truite arc-en-ciel anadrome et de saumon coho sauvages; elle a toutefois fait augmenter le nombre de saumons qui ont échappé vers les frayères bien au-delà des besoins. Cette stratégie a été tout à fait nuisible à la flotte commerciale qui, jusqu'à ces dernières années, pêchait ce poisson. Elle n'a pas su non plus régler la situation qui est à l'origine du problème, soit l'énorme déséquilibre existant entre les imposantes montaisons de saumon rouge, qui ont été mises en valeur, et les montaisons extrêmement modestes de truite arc-en-ciel anadrome et de saumon coho sauvages. Aucun plan de pêche ni aucun moyen technologique n'est en mesure de remédier à ce déséquilibre. Le MPO n'a pas cherché à mettre en valeur ces espèces sportives privilégiées en raison des pressions exercées par les pêcheurs sportifs et d'autres intervenants qui préfèrent les stocks sauvages. On a fait valoir que la pêche commerciale ne saurait être florissante si les plus petites montaisons n'étaient pas mises en valeur. De plus, cette stratégie a permis aux pêcheurs de l'Alaska de justifier en partie leur interception des stocks canadiens en faisant valoir qu'il y avait un nombre beaucoup trop grand de saumons rouges qui atteignent les frayères de la Skeena.

Bas Fraser

Même si l'essentiel des préoccupations exprimées en matière de conservation ont porté sur la disparition des habitats qui conviennent aux frayères de saumon, les témoins entendus à Steveston ont attiré l'attention du Comité sur l'importance vitale d'autres zones, comme l'estuaire du bas Fraser. Cette région occupe en effet une place cruciale comme principale zone d'alevinage du saumon. Dans les périodes où l'alevinage atteint son point culminant, près d'un milliard de jeunes saumons peuplent l'estuaire du bas Fraser, s'y nourrissant et s'y acclimatant à l'eau salée. Au retour, les marais de l'estuaire offrent aux saumons adultes une zone de repos salutaire avant d'entreprendre la dernière étape de leur remonte vers les zones de frai qui, parfois, se trouvent à mille kilomètres en amont. Une vaste gamme d'autres espèces fauniques, notamment la sauvagine, y ont aussi leur habitat.

L'aménagement urbain et industriel a déjà détruit l'essentiel de l'habitat de l'estuaire et ce qui en reste risque de disparaître bientôt en raison de l'aménagement résidentiel, commercial et industriel et de son utilisation de plus en plus grande à des fins récréatives. (Selon ce qu'a appris le Comité, l'habitat du bras nord du fleuve Fraser aurait déjà été complètement détruit.) L'invasion d'espèces végétales exotiques comme la salicaire pourpre et la mûre sauvage a accentué le problème. La Pacific Coast Cannery Society a insisté sur l'urgence de restaurer ce qui reste de l'habitat du saumon et de le préserver. Lancé en 1996, le programme de gestion de l'estuaire du bas Fraser a été mis sur pied pour encourager la prise en charge par les autorités locales et pour permettre à la population de la région de jouer un rôle direct dans sa conservation.

La Pacific Coast Cannery Society reproche aux divisions des ports pour petits bateaux du MPO d'avoir démoli l'immeuble de la Pacific Coast Cannery, qui aurait pu abriter l'« estuarium », dont elle-même et les responsables du programme de gestion avaient proposé la création pour servir de centre d'éducation et de recherche pour l'estuaire du bas Fraser.

Dans son exposé devant le Comité, le Steveston Group of Coastal Communities Conservation a reproché au MPO son incapacité à protéger adéquatement les habitats fragiles. Il a soulevé plusieurs problèmes importants en ce qui concerne la protection de l'estuaire du bas Fraser!

Le Programme d'aménagement de l'estuaire du fleuve Fraser (PAEFF), qui est notamment financé par les gouvernements fédéral et provincial, les deux commissions portuaires et le district régional de Vancouver, n'a pas facilité la participation des principaux intéressés à la prise de décision; il est plutôt devenu une filière administrative rigide gérée par la province et par Ottawa.

Les responsables du PAEFF ont décidé de redéfinir la protection de l'habitat dans les zones d'habitat fragiles considérées comme « menacées » et les ont transférées de la catégorie « aménagement interdit » à la catégorie « aménagement autorisé », malgré les rapports de nombreux scientifiques, dont des biologistes du MPO, qui estiment nécessaire de protéger ces dernières zones riveraines hautement productives.

Le rejet en mer (dont la gestion relève d'Environnement Canada) a encore cours pendant les périodes de migration du saumon aux deux sites d'élimination du fleuve Fraser, malgré les nombreux cas de dérogation relevés par le passé et les nombreuses études effectuées par Environnement Canada. On a fait valoir que ces sites d'élimination étaient situés près d'endroits où la crevette et le crabe abondent.

Le MPO n'est pas intervenu pour empêcher le rejet dans le fleuve Fraser de percolats toxiques provenant de nombreux sites contaminés, prétendument en contravention de la Loi sur les pêches.

Les scientifiques craignent que l'exploitation d'une carrière de gravier sur le bras principal du fleuve Fraser en aval de Hope, dont la réglementation relève du MPO, n'entraîne la détérioration à long terme de l'habitat du saumon, de la truite et de l'esturgeon. Ces activités, soutient-on, vont à l'encontre de la politique actuelle du MPO qui vise à protéger l'habitat essentiel.

Rivière Nechako

Un témoin de la Fondation T. « Buck » Suzuki a indiqué au Comité qu'étant donné que le gouvernement provincial avait adopté une loi pour annuler le projet d'achèvement Kemano en 1997, le gouvernement fédéral n'avait plus d'excuse pour se dérober à ses responsabilités en ce qui a trait à la restauration des rivières Nechako et Stuart et de leurs tributaires. Selon ses dires, le gouvernement fédéral devrait à son tour injecter les 50 millions de dollars que se sont déjà engagés à verser le gouvernement provincial et Alcan, pour créer le Fonds d'amélioration de la qualité de l'environnement de la rivière Nechako et financer la construction de l'installation de décharge d'eau froide du barrage Kenny. Il devrait aussi veiller à ce que le débit de la rivière Nechako soit suffisant pour protéger le saumon et participer au Fonds d'amélioration de la qualité de l'environnement de la rivière Nechako en nommant un haut fonctionnaire du MPO pour siéger au comité tripartite. Des témoins ont proposé que l'on procède à une enquête indépendante sur la question.

Rivière Chilliwack

On reproche au MPO et au Ministère de l'Environnement de la C.-B. de ne pas intervenir pour freiner la grave érosion qui entraîne le dépôt d'argile et de limon dans la rivière Chilliwack. Ainsi, même si le MPO avec la collaboration (supposée) du Ministère provincial a prélevé des échantillons dans la rivière pour déterminer l'étendue des dégâts causés par le glissement survenu en janvier 1997 au parc Slesse, les résultats n'ont pas été rendus publics. Le principe apparemment observé par le Ministère provincial de l'Environnement et le MPO, qui consiste à laisser la nature faire son oeuvre, est perçu comme une excuse pour ne rien faire.

Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique

On a souligné qu'il s'était écoulé 36 mois depuis le dépôt du rapport du Comité d'examen public du saumon rouge du Fraser, dans lequel on recommandait de créer un conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique afin de faire rapport aux ministres fédéral et provincial ainsi qu'au public sur l'état des stocks de poisson et de leur habitat. Pour que le conseil soit mieux en mesure de défendre les intérêts publics, d'aucuns insistaient pour que son fonctionnement demeure indépendant des intérêts politiques et des intérêts des différents intervenants.

Faisant écho à cette préoccupation concernant l'autonomie d'un tel conseil, un autre témoin a réclamé la création immédiate d'un nouveau conseil scientifique pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique, dont les membres seraient entièrement à l'abri des influences politiques ou de celles des multiples intervenants concernés.

Méthodes d'exploitation forestière

Les conséquences de l'exploitation forestière sur l'habitat du saumon ont été soulevées à un certain nombre d'endroits. La plupart des témoins estiment que les méthodes d'exploitation forestière ont contribué à la disparition de l'habitat en raison du ruissellement et de l'envasement accrus et de l'augmentation de la température de l'eau dans les cours d'eau à saumon. L'un d'eux a décrit la pratique de la coupe à blanc comme un euphémisme pour désigner le déboisement, qui a pour effet de réduire le niveau d'eau dans les cours d'eau et d'en augmenter la température au détriment du saumon. Selon ce témoin, l'imposition d'une interdiction à l'égard du déboisement et l'adoption de normes d'« écoforesterie » en matière de gestion des forêts feraient augmenter le nombre de saumons et procureraient davantage d'emplois dans l'industrie des pêches.

Un autre témoin s'est dit préoccupé par la coupe des vieux peuplements et des peuplements de seconde venue sur les terres privées qui recouvrent les pentes escarpées des montagnes du chaînon Beaufort, du côté d'Alberni; il a souligné également qu'il n'existait aucune loi en C.-B. pour réglementer la coupe sur les terres privées. Le B.C. Forest Practices Code ne s'applique pas aux terres privées, de sorte qu'il n'existe aucun règlement pour obliger les exploitants à laisser intactes des bandes de forêt sur les zones riveraines en amont des ruisseaux et des cours d'eau qui traversent les terres privées. Le témoin a signalé qu'il appartient aux sociétés forestières de prendre, de leur propre chef, des mesures pour réduire au minimum les dommages causés aux eaux en amont.

En outre, selon ce témoin, le paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches qui interdit la destruction de l'habitat du poisson, laisse l'interprétation de l'expression « habitat du poisson » à la discrétion des tribunaux. Or, le cours supérieur des ruisseaux à poissons n'est pas toujours considéré par les tribunaux comme étant visé par cette définition. Le témoin a demandé au Comité de recommander que le MPO modifie la Loi sur les pêches de façon à y faire expressément mention des eaux d'amont des ruisseaux à poissons. Il a aussi demandé à ce que le MPO fasse pression sur la province afin que celle-ci légifère pour réglementer l'exploitation forestière sur les terres privées.

Protection de l'habitat et prévention de la pollution en vertu de la Loi sur les pêches

Étant donné que la destruction de l'habitat est largement perçue comme un facteur déterminant dans la disparition des stocks de saumon, bon nombre de témoins se disent frustrés par le fait que le MPO ne porte pas d'accusations contre ceux qui sont responsables de la destruction de l'habitat.

Certains ont fait valoir que malgré la rigueur de la Loi sur les pêches fédérale en matière de protection de l'habitat du poisson et de la qualité de l'eau, ceux qui y dérogent s'exposent à très peu de conséquences. La B.C. Wildlife Federation a souligné que, malgré les affirmations de ceux qui appliquent la loi, cette dernière confère le pouvoir juridique d'empêcher que l'habitat ne subisse des dommages; toutefois, « les sanctions qu'elle prévoie, les rares fois où on y a recours, ne s'appliquent qu'une fois que le dommage est fait. »

On reproche au Ministère de ne pas jouer un rôle plus proactif dans l'engagement de poursuites contre les contrevenants. Par exemple, il ne devrait pas incomber aux simples citoyens et aux groupes de poursuivre les grands pollueurs comme les municipalités qui continuent à rejeter des eaux usées non traitées dans les estuaires des rivières à saumon.

Les administrations provinciales et municipales ont aussi été la cible de critiques. Certains ont souligné que, compte tenu du manque de personnel affecté à l'application et à la protection de l'habitat aux deux paliers et de la nécessité de normaliser la protection de l'habitat, l'adoption d'une loi en la matière s'imposait au niveau provincial. La Fish Protection Act récemment adoptée par la C.-B. est toutefois décrite comme une mesure qui laisse tristement à désirer, la version originale ayant été édulcorée afin d'en permettre l'adoption.

La loi provinciale qui habilite les administrations municipales et régionales à protéger les habitats du poisson à l'intérieur de leur territoire de compétence est considérée comme une perte de temps et d'énergie, étant donné que les municipalités possèdent déjà ce pouvoir en vertu de la B.C. Municipal Act. Le véritable problème réside dans le manque de volonté politique, soit parce qu'un trop grand nombre d'élus ne comprennent pas l'importance de l'habitat du poisson, soit parce qu'ils ont peur de froisser les promoteurs ou les autres groupes intéressés de la collectivité.

Voici quelques-unes des suggestions faites au Comité à cet égard :

  • augmenter le nombre d'agents chargés de l'application sur le terrain;
  • utiliser les amendes perçues à la suite des poursuites fructueuses intentées en vertu de la Loi sur les pêches pour financer la restauration de l'habitat;
  • confier à un agent du MPO le mandat exprès d'appliquer la politique relative à la protection de l'habitat aux grands projets comme celui visant la construction d'une autoroute sur l'île de Vancouver;
  • tenir le MPO financièrement responsable du laxisme dont il fait preuve à l'égard de l'application de la politique sur la protection de l'habitat;
  • faire en sorte que le MPO investisse davantage dans des projets de restauration;
  • reconnaître l'apport des organismes bénévoles qui contribuent à la protection de l'habitat comme source d'information sur le bassin hydrographique.

Rapport sur la protection de l'habitat

On reproche au Ministère de ne pas respecter son mandat qui l'oblige à publier chaque année un rapport détaillé sur les mesures mises en oeuvre pour protéger l'habitat du poisson et la qualité de l'eau. Aux dires des témoins, le dernier rapport publié par le Ministère remonte à 1994. Ce manquement est perçu comme inacceptable, car non seulement le MPO devrait-il avoir davantage de comptes à rendre au public, mais les rapports devraient être plus détaillés et approfondis que le plus récent document. (En 1997, le MPO a déposé deux rapports annuels au Parlement sur l'administration et l'application des dispositions de la Loi sur les pêches relatives à la protection de l'habitat du poisson et à la prévention de la pollution pour les années 1994-1995 et 1995-1996. Le rapport pour l'année se terminant en mars 1997 a été déposé à la Chambre des communes en mai 1998.)

On a aussi recommandé que le Ministère publie un « rapport sur l'état de l'habitat », qui préciserait à quel endroit l'habitat du saumon, en particulier celui du saumon coho, a été détruit et à quel endroit il est menacé. Certains ont fait valoir que beaucoup de travail de recherche et d'établissement de cartes avait été effectué en vertu du Plan d'action du Fraser (PAF), mais que cette information demeurait inaccessible au public, qui en est pourtant le bailleur de fonds. Puisque le PAF en est à sa dernière étape de financement, on estime que l'accès à cette information devrait être une priorité.

Programmes de mise en valeur du saumon

Plusieurs groupes ont demandé qu'on appuie davantage les programmes de mise en valeur du saumon et les écloseries de saumon. On a toutefois conseillé au Comité d'appliquer les programmes d'amélioration de l'habitat et de mise en valeur des écloseries à tous les stocks de saumon sauvage afin de garantir un mélange équilibré de poissons. Mettre en valeur certains stocks tout en en gardant d'autres à l'état `naturel' ne saura fonctionner.


PARTIE VI : QUESTIONS INTÉRESSANT LES INTERVENANTS

Allocation intersectorielle

Bon nombre des témoins croient fermement qu'il aurait fallu régler la question des allocations avant de mettre en oeuvre le plan Mifflin. On avait demandé aux pêcheurs de décider s'ils allaient vendre leurs permis, continuer de faire de la pêche avec un permis unique et être restreints à une zone de pêche ou acheter des permis supplémentaires. De plus, le MPO pourrait empêcher à l'avenir le cumul de permis. Comme l'a dit un pêcheur, « Comment les pêcheurs peuvent-ils prendre de saines décisions d'affaires? »

La plupart des témoins sont d'avis qu'il faut s'occuper bientôt des allocations sectorielles. La répartition des allocations entre les secteurs de la pêche commerciale, de la pêche autochtone et de la pêche sportive « commerciale » pose de graves problèmes. Il faut également régler le problème des allocations entre les trois secteurs d'engins (pêche à la traîne, pêche au filet maillant et pêche à la senne) de la flottille de pêche commerciale du saumon.

Les allocations intersectorielles sont une question controversée. La plupart des témoins estiment qu'il y a eu une importante réallocation du saumon de la flottille commerciale vers les secteurs de la pêche récréative et de la pêche autochtone. S'il doit y avoir réallocation, il doit aussi y avoir indemnisation.

Dans son rapport sur les allocations intersectorielles de saumon, M. Art May propose que dans les années de faible abondance, on accorde au secteur de la pêche sportive un accès prioritaire au saumon quinnat et au saumon coho, mais que les pêcheurs sportifs soient tenus d'indemniser le secteur commercial au moyen d'une augmentation de leurs droits de permis lorsque leur allocation dépassera une proportion prédéterminée du total des prises admissibles (TPA). Ce concept a été carrément rejeté par la B.C. Wildlife Federation (BCWF), qui soutenait que le poisson est une ressource dont la propriété est commune, qui n'appartient pas aux intérêts privés; la BCWF a signalé que les propriétaires de cette ressource ne devraient pas être tenus d'indemniser les pêcheurs commerciaux, car on retirerait les plus grands avantages économiques et sociaux des quelques poissons disponibles en les allouant au secteur de la pêche sportive.

Processus d'allocation

L'une des questions les plus controversées qui ont été portées à l'attention du Comité est celle des allocations. On a signalé que les intéressés avaient appuyé le plan Mifflin parce que le gouvernement fédéral avait promis de régler deux questions touchant les allocations : les allocations intersectorielles et les allocations entre les secteurs d'engins dans la pêche commerciale.

Les témoins étaient d'avis que le processus Art May/Samuel Toy avait déjà duré trop longtemps et qu'il s'était éloigné de son objectif de départ. La majorité d'entre eux reconnaissaient qu'il fallait immédiatement régler la question des allocations. Un témoin a dit que : « Depuis le plan Mifflin, MM. Art May, Stephen Kelleher et Sam Toy ont tous essayé de résoudre ce problème difficile. » D'aucuns doutent qu'ils y parviennent surtout si la solution leur a déjà été prescrite.

Malgré la promesse du ministre Mifflin, la réallocation « gratuite » du saumon du secteur commercial au programme des ventes pilote va toujours bon train.

M. Art May

Certains témoins ont critiqué le rapport de M. Art May sur les allocations et ont signalé que la rentabilité économique n'était pas le seul problème. Ils ont également fait remarquer qu'on avait consulté les groupes environnementaux, mais pas les chambres de commerce.

Des témoins se sont dit déçus de ce rapport qui, selon eux, n'avait pas réussi à garantir l'accès à tous les secteurs et à quantifier la part de chacun; de plus il avait fait fi du secteur autochtone et n'avait rien quantifié du tout. L'auteur n'a pas su élaborer des méthodes transparentes de transfert des allocations.

On a accusé M. May d'avoir fondé ses recommandations concernant le secteur de la pêche sportive sur le rapport du groupe ARA1 et sur ce que lui avait dit le Sports Fishing Institute. On a dit au Comité que si M. Tousignant avait voulu faire une étude exhaustive sur l'allocation intersectorielle, il aurait pu faire appel à un certain nombre d'experts indépendants, comme M. Donald Cruikshank qui connaît bien la situation en C.-B.2

M. le juge Samuel Toy

On a rappelé que le juge à la retraite de la Cour suprême de la C.-B., M. Samuel Toy, avait été chargé de mettre en application les recommandations du rapport May : « Nous avons maintenant la version du juge Toy pour essayer de clarifier celle d'Art May. » On a toutefois fait remarquer que le juge Toy n'avait pas été mis au courant de la situation qui avait mené au rapport de M. May.

Processus Kelleher

On a aussi critiqué le processus Kelleher d'allocations entre les trois secteurs d'engins commerciaux en raison de l'incapacité de la direction du MPO à prendre des décisions. On a signalé que « tout ce qui compte c'est le lobbying; on se balance des règlements et de l'équité ». On s'est plaint également du fait que le ministre, M. Anderson, ait ordonné à M. Stephen Kelleher d'élargir le processus des allocations commerciales au-delà du secteur commercial de façon à inclure toute tierce partie intéressée, contrairement à ce qui avait été promis.

Le processus Kelleher était devenu trop général et trop lourd par suite des instructions du ministre. Ce geste était considéré comme un important changement de cap en ce qui concerne les allocations. On a prétendu que ce revirement permettait aux lobbyistes les plus efficaces de contrôler les allocations.

Certains ont reproché à M. Stephen Kelleher de ne pas connaître les pêches et de ne pas s'être rendu dans le nord pour rencontrer les intéressés.

Pêches récréative et sportive

Les pêcheurs commerciaux s'inquiètent beaucoup de la croissance rapide de ce qu'on a appelé la « pêche sportive commerciale », qui se distingue de la pêche sportive récréative où les gens pêchent pour leur propre plaisir. Peu de témoins ont critiqué la pêche récréative, mais quelques pêcheurs commerciaux ont critiqués la pratique d'un sport qui tue. La pêche sportive commerciale dont il est question ici désigne principalement l'industrie des camps de pêche.

Au cours des quelque 12 dernières années, l'industrie de la pêche sportive récréative a pris une expansion rapide qui, selon les pêcheurs commerciaux, s'est produite surtout aux dépens de la flottille commerciale. Cette dernière est de plus en plus refoulée vers de petits secteurs de ses anciennes zones de pêche. Dans la zone 6, a-t-on dit au Comité, la saison de pêche des pêcheurs commerciaux est passée de 30 jours il y a 20 ans à 1 à 3 jours à l'heure actuelle; la saison est donc10 fois moins longue.

Il y a eu une réallocation de facto des prises de saumon du secteur commercial vers celui de la pêche sportive récréative. Cette initiative comporte plusieurs lacunes : la réallocation s'est produite sans consultation ni planification et l'on n'en voit pas encore la fin; de plus elle s'est produite sans qu'on indemnise les pêcheurs commerciaux qui avaient perdu des occasions et des revenus à la suite de cette décision.

Les pêcheurs commerciaux soutiennent que les camps de pêche sportive récréative sont des entreprises commerciales qui exploitent des stocks de salmonidés, surtout le saumon coho et le saumon quinnat, mais qui ne sont pas tenues de payer des droits de permis pour ce privilège comme doit le faire la flottille commerciale. De plus, les clients de ces centres peuvent pêcher à longueur d'année et ne sont pas assujettis au même genre de mesures de conservation que la flottille commerciale, comme les saisons fermées et à un nombre total de prises autorisées. Les pêcheurs commerciaux ont dit que le secteur de la pêche sportive ne présente pas de rapports exacts sur son taux de prises. On a dit que lors des rapports radio les prises déclarées sont trop faibles et un témoin a dit : « Il faut savoir ce qu'on retire d'un stock pour pouvoir le gérer ». De nombreux témoins croient fermement que le secteur de la pêche sportive commerciale devrait être tenu d'observer les mêmes règles du jeu que celui de la pêche commerciale et doit, notamment respecter les mêmes exigences en matière de déclaration.

Certains témoins disent que les chalets de pêche ne sont pas réglementés par le MPO. On a expliqué que c'est parce qu'ils s'appellent « hôtels » plutôt que « chalets de pêche » et que, comme tels, ils sont visés par des règlements provinciaux. Des témoins on dit que le MPO est lui aussi frustré par cette situation.

La concurrence a touché certains secteurs de la flottille commerciale plus que d'autres. La flottille de pêche à la traîne du nord a été empêchée de pêcher dans certaines de ses zones traditionnelles au large de l'île Langara et de Naden Harbour, à l'extrémité nord des îles de la Reine-Charlotte. Des témoins se sont plaints du nombre de chalets de pêche qui ont été construits dans cette région au cours des 10 dernières années. Quatre grands chalets possèdent une centaine de petites embarcations de pêche. Chaque embarcation peut transporter deux pêcheurs et au maximum quatre cannes à pêche. Selon des témoins, les clients peuvent prendre au plus deux saumons quinnat par jour, ce qui pourrait donner un nombre total de prises important. On rapporte que les prises ont augmenté de 5 800 p. 100 depuis 10 ans dans cette région.

Un autre facteur a été mentionné, soit la fermeture de la rivière Skeena en 1996. Les objectifs d'échappées de saumon rouge ont été respectés, mais on a fermé la pêche parce qu'on craignait que des saumons coho soient pêchés en dépit des faibles taux d'interception; tout cela pour que quelques pêcheurs récréatifs puissent pêcher du coho de la Skeena. On a signalé au Comité que 2 millions de saumons rouges, d'une valeur de 28 millions de dollars pour les pêcheurs commerciaux et de près de 60 millions de dollars pour l'industrie, ont été électrocutés dans la rivière pour empêcher l'encombrement des canaux de frai.

Le maire de Masset, village situé sur la côte nord des îles de la Reine-Charlotte, a signalé que les chalets de pêche n'avaient eu aucune retombée économique pour les résidents des îles de la Reine-Charlotte ni pour ceux de la ville de Masset. De plus, ces établissements représentent un montant déductible aux fins de l'impôt sur les sociétés, ce qui équivaut ni plus ni moins à une subvention gouvernementale. Voilà un autre facteur dont le rapport du Goupe conseil ARA n'a pas tenu compte. Des témoins ont aussi soulevé la question des chalets de pêche flottants dont les propriétaires réussissent à éviter de payer de l'impôt.

La réallocation du saumon quinnat du secteur commercial à celui de la pêche sportive est, selon des témoins, une des principales raisons pour lesquelles la B.C. Packers a quitté Masset et Skidegate et le réservoir de combustible en vrac de Petro Canada a fermé ses portes à Masset. Ce dernier événement a entraîné Masset dans une spirale descendante qu'il est pratiquement impossible d'arrêter.

Des témoins du secteur commercial ont mis en doute l'efficacité de la pêche avec remise à l'eau comme moyen de conservation dans le secteur de la pêche sportive. Ils ont signalé que, même s'ils sont relâchés vivants, les poissons sont épuisés et donc plus susceptibles d'être la proie des phoques ou de mourir des suites d'autres pressions avant de remonter la rivière pour se reproduire. Plusieurs témoins ont dit que l'utilisation d'hameçons sans barbe pourrait réduire la mortalité.

La majorité des intervenants du secteur commercial sont d'avis que le lobby de la pêche sportive exerce une influence indue sur le MPO et que le Ministère accorde la priorité à la pêche récréative. Le secteur commercial met en doute l'affirmation voulant que le secteur de la pêche sportive obtienne un meilleur rendement économique par prise. On a dit qu'il s'agissait d'une « propagande flagrante de l'industrie ». Des témoins ont cité le rapport du Groupe ARA, intitulé The Economic Value of Salmon, sur lequel l'industrie de la pêche récréative fonde son affirmation récente selon laquelle elle produit un meilleur rendement économique par prise que le secteur commercial. On dit que « le MPO considère ce rapport comme parole d'évangile ».

Certains ont dit que l'analyse et les conclusions du rapport comportent beaucoup de lacunes. Entre autres, des témoins ont accusé le groupe ARA de ne pas avoir tenu compte de l'activité économique indirecte générée par le secteur de la pêche commerciale. Selon les estimations d'un témoin, si on utilise des multiplicateurs normaux pour calculer l'activité économique indirecte, on constate que la pêche commerciale a produit environ 4 milliards de dollars par année comparativement à environ 1,5 milliard de dollars pour le secteur de la pêche récréative. Un témoin a signalé, par exemple, qu'un saumon quinnat fumé de 20 livres pourrait valoir jusqu'à 2 560 $ dans un supermarché de Toronto et non seulement 26 $ comme l'affirme le Groupe ARA.

On s'inquiète également que, si l'on tient compte de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ou de l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), le Canada pourrait ne plus être responsable de la ressource dans 10 ans, si l'on gérait la ressource sur un plan strictement commercial : « Avec une mine d'or de 40 millions de dollars comme l'île Langara, les intérêts étrangers nous envahiront et nous n'aurons plus notre mot à dire ».

On a suggéré au Comité que les pêcheurs sportifs ne devraient pouvoir pêcher qu'un saumon quinnat par jour et deux par semaine. On a également proposé d'obliger les pêcheurs à acheter une étiquette pour la pêche du saumon quinnat; l'étiquette coûterait 100 $ aux non-résidents de la C.-B. et 25 $ aux résidents. De plus, certains ont suggéré que les bateaux de pêche sportive « commerciale » paient des droits de permis de 1 000 $ par année.

Les témoins représentant le secteur de la pêche récréative, qui comprend la pêche sportive commerciale, pensaient tout à fait autrement. Ce secteur reconnaît que certains segments de l'industrie de la pêche commerciale le blâment ont pour les problèmes que cette dernière éprouve, mais il réfute les arguments voulant qu'il soit en train de croître de façon exponentielle au détriment du secteur commercial.

Selon ces témoins, leur secteur ne pêche que 3 p. 100 des prises globales de saumon, mais génère une activité économique que l'on estime maintenant égale à celle du secteur commercial. Le secteur de la pêche sportive soutient que, sur toute la côte, il pêche moins de 20 p. 100 du saumon coho, moins de 30 p. 100 du saumon quinnat et moins de 1 p. 100 du saumon kéta, du saumon rose et du saumon rouge. Les témoins de ce secteur ont affirmé que la pêche sportive en eaux à marée et en eaux sans marée était la principale raison pour laquelle les visiteurs vont en C.-B. et qu'elle a des retombées économiques pour le pays.

Citant le rapport du groupe ARA sur la valeur économique du saumon, la B.C. Wildlife Federation a affirmé que la pêche sportive en C.-B. a généré une activité économique dépassant 1 milliard de dollars chaque année, la pêche en eaux à marée intervenant à elle seule pour 700 millions de dollars. On estime à environ 70 millions de dollars les contributions de ce secteur aux coffres du gouvernement en revenus directs et en impôts. Par ailleurs, l'organisme a déclaré que le groupe de pêcheurs commerciaux qui pêchent le saumon quinnat et le saumon coho, principales espèces ciblées par le secteur sportif, a en fait coûté au gouvernement deux millions de dollars par année.

Les représentants du secteur sportif ont signalé que la stabilité de l'industrie ne dépendait pas directement du nombre de poissons pêchés, mais plutôt de ces deux atouts : la possibilité d'aller à la pêche et la perspective raisonnable d'une prise. Un témoin a souligné ce point, prétendant que les règlements sur la remise à l'eau imposés en 1996 pour le saumon quinnat au large de la côte ouest de l'île de Vancouver et des îles de la Reine-Charlotte avaient eu des répercussions plus importantes sur l'économie de la Colombie-Britannique que la mise en oeuvre du plan Mifflin.

Le secteur de la pêche récréative voulait une politique qui lui aurait donné un accès prioritaire aux stocks de quinnat et de coho, une fois satisfaites les exigences des Premières Nations en matière de pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Il a appuyé la recommandation faite par M. Art May dans son rapport, Altering Course, selon laquelle le secteur de la pêche récréative devrait avoir un accès prioritaire aux stocks de quinnat et de coho dans les années de faible abondance, mais il n'était pas d'accord avec sa recommandation selon laquelle le secteur récréatif devrait alors compenser le secteur commercial.

Le secteur de la pêche récréative a aussi proposé que, si les quotas de prises commerciales de flétan étaient augmentés en 1998, il devrait en être de même pour ses prises. Ce secteur pêche actuellement quelque 5 p. 100 des prises annuelles; toutefois on a dit au Comité que le secteur de la pêche commerciale au Canada cherche à réduire la part accordée au secteur récréatif. Le témoin a soutenu que le flétan est une ressource de propriété commune, qui n'appartient pas au secteur commercial, et que la tendance actuelle à concentrer les QIB entre les mains de groupes de plus en plus petits n'aide aucunement les petites collectivités côtières.

Le Comité s'est aussi fait dire que les diverses espèces de sébaste et de morue-lingue qu'on trouve dans des eaux côtières sont des espèces importantes pour la pêche récréative. Elles ont toutefois été soumises à une pêche intense par les pêcheurs commerciaux. Ces espèces vivent longtemps et, quand ils sont surexploités, ces stocks prennent du temps à se rétablir. Le témoin a affirmé que le secteur de la pêche récréative était d'accord avec la recommandation récente du Comité d'examen de l'évaluation des stocks du Pacifique, selon laquelle il faudrait diminuer grandement la pêche côtière du poisson de fond; il a ensuite proposé d'établir des zones d'exclusion près de certaines communautés côtières. La surexploitation du secteur de pêche à la palangre commerciale qui a décimé les stocks de morue-lingue et de sébaste dans le détroit de Georgia est une situation qu'on ne peut laisser se reproduire. Le témoin a aussi proposé de réserver des zones pour la pêche récréative du crabe et de la crevette.

Un témoin représentant la B.C. Wildlife Federation a contesté l'allégation du secteur commercial selon laquelle des camps de pêche sportive retardaient à déclarer leurs prises. Il a fait remarquer que des questions avaient été posées à cet égard à la Chambre des communes, à la suite de quoi des actions ont été intentées par le Ministère de la Justice. Par ailleurs, le MPO n'a toujours pas reçu du secteur commercial les borderaux de vente de la saison 1997 pour un million de saumons sockeye même si la loi exige que les prises soient rapportées dans les sept jours. Selon le témoin, les rapports annuels sur les prises étaient toujours en retard parce que les bordereaux de vente ne sont disponibles parfois que deux ans après la pêche. De plus, il semble qu'aucune action n'ait été intentée à cet égard et qu'aucune question n'ait été soulevée à la Chambre. Le témoin a insisté pour que tous les secteurs soumettent rapidement des déclarations exactes de leurs prises et a prié le Comité d'aborder la question avec le ministre.

Des représentants du secteur de la pêche récréative ont aussi contesté l'allégation d'influence politique abusive, alléguant que ce n'est que depuis quelques années que le MPO lui accorde un peu plus qu'un minimum d'attention.

Enjeux sociaux et économiques

Bien des pêcheurs ont dit au Comité que leurs revenus sont insuffisants pour assurer la survie des collectivités. À Prince Rupert, un représentant du Community Fishing Development Centre (CFDC) local a décrit l'effet qu'a eu la restructuration sur la côte nord de la C.-B. Depuis sa création le 1er août 1997, le centre a reçu plus de 500 demandes. Si on compte les demandes antérieures de postulants au North Coast Fishing Industry Jobs Program, la liste du centre comptait plus de 900 noms.

Le centre estime que, d'après les données de DRHC sur les anciens clients réadmissibles à l'assurance-emploi, au moins 40 p. 100 des postulants n'étaient pas admissibles et ne pourraient donc pas participer aux programmes de formation et d'emploi. Les répercussions sociales de cette situation sur les familles et les collectivités sont, dit-on, énormes. Le témoin a demandé comment le gouvernement pouvait appliquer le plan Mifflin qui a réduit considérablement la taille de la flottille de pêche et, partant, les emplois pour les travailleurs à terre, puis douter de la nécessité d'offrir un programme de transition.

Des représentants des CFDC d'autres régions ont répété les mêmes préoccupations. À Campbell River, on a souligné que les travailleurs déplacés faisaient face à une série de difficultés allant d'une faible aptitude aux études à des possibilités de perfectionnement limitées. Ceux qui ne détenaient pas de permis étaient aux prises avec des difficultés encore plus grandes, n'ayant aucun actif à réinvestir dans d'autres carrières. Souvent, les jeunes travailleurs doivent subvenir aux besoins d'une jeune famille. Par conséquent, de nombreux travailleurs de l'industrie qui faisaient partie de la classe moyenne n'ont plus que le strict nécessaire. L'économie, déjà touchée par des réductions massives dans d'autres industries axées sur les ressources, s'est détériorée à cause de ces problèmes, il faut donc attirer de nouvelles industries et mettre sur pied un programme de transition viable.

À Alert Bay, un témoin représentant la North Island Fisheries Initiative a fait remarquer que le plan Mifflin avait eu un effet dévastateur sur la collectivité. Le taux de chômage a grimpé et les prestations se tarissent pour bien des gens qui devront alors s'en remettre à l'aide sociale dont vivent déjà un nombre renversant de gens, soit 85 p. 100 des habitants de North Island. Il a expliqué qu'une collectivité comme Alert Bay ne pouvait se comparer aux grands centres urbains où il y a des possibilités d'emploi dans d'autres secteurs. Ici, les gens vivent sur une île où ils dépendent entièrement des ressources environnantes. Il faut créer de vrais emplois là même où les gens vivent. Par conséquent, la collectivité a désespérément besoin d'aide pour développer des marchés pour son poisson et diversifier ses activités économiques afin d'assurer sa survie; il importe, selon ce témoin, que le gouvernement fédéral commence à le reconnaître.

Des programmes de formation et d'emploi s'imposent pour créer des emplois en dehors de l'industrie de la pêche ou durant la saison morte. Même si des mesures initiales importantes ont été prises pour assurer la transition, les critères actuels (comme les conditions de réadmissibilité à l'assurance-emploi) laissent trop de gens pour compte. Le témoin a insisté sur la nécessité d'un programme de transition à long terme beaucoup plus souple.

Des témoins ont dit que le gouvernement doit aider les travailleurs qui ont été déplacés à cause de la restructuration et qui ne sont plus admissibles aux prestations de l'assurance-emploi à cause des modifications apportées au régime. Ils ont dit qu'ils n'acceptaient pas que l'honorable Paul Martin leur réponde que le surplus du fonds de l'assurance-emploi devait revenir au gouvernement. Selon eux, en utilisant une partie de ce surplus pour diminuer les cotisations de l'employeur et de l'employé, on n'a rien fait pour aider les gens qui sont au chômage à cause de l'incapacité du gouvernement de résoudre le différend avec les É.-U. au sujet du Traité sur le saumon du Pacifique. Ils ont exhorté le Comité à appuyer leur demande pour qu'on rétablisse les prestations d'assurance-emploi dont on a privé les travailleurs de l'industrie de la pêche de la côte ouest. Ils ont aussi demandé au Comité d'appuyer la B.C. Federation of Labour qui demande qu'on règle immédiatement le différend concernant le saumon du Pacifique et qu'on modifie la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour protéger les travailleurs au même titre que les créanciers et les employeurs.

La saison 1997 a été désastreuse sur la côte nord, les rares possibilités de pêche de la flottille ayant donné peu de travail aux travailleurs d'usine. Ainsi bien des gens n'ont pas satisfait aux exigences minimales pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi et ont dû s'en remettre à l'aide sociale. En août 1997, les demandes d'aide sociale ont grimpé de 30 p. 100 par rapport à 1996 et le nombre de prestataires d'aide sociale à Prince Rupert en décembre 1997 était de 1 560 sur une population active évaluée à quelque 8 000 personnes. Pourquoi, a demandé un témoin, punir ceux dont les problèmes sont attribuables à une mauvaise politique du gouvernement? Si le gouvernement fédéral crée ces problèmes, il devrait créer un fonds de transition pour aider les travailleurs déplacés du secteur de la pêche qui choisissent de quitter l'industrie.

La menace de fermeture de l'usine J.S. McMillan (Fisheries Limited) ne ferait qu'ajouter à la crise à Prince Rupert. Des témoins ont blâmé le ministre Anderson et ses fonctionnaires. Selon eux, le ministre ignore ou refuse de reconnaître la crise qui sévit à Prince Rupert et en Colombie-Britannique. Certains ont dit que lors de réunions avec ses fonctionnaires tout ce qu'ils avaient obtenu lorsqu'ils ont soulevé ces questions, sont des « réactions d'irritation et des promesses vaines ».

Des représentants locaux ont aussi relaté une rencontre avec le secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines qui avait expliqué qu'il restait encore 35 millions de dollars pour des programmes d'aide; ils n'ont toutefois plus entendu parler de lui ou du ministre depuis. Des témoins ont demandé qu'Ottawa s'engage à former avec eux un partenariat pour résoudre la crise.

Viabilité des pêcheurs commerciaux

De nombreux pêcheurs commerciaux jugent que leur viabilité est en péril. Le gagne-pain de bien des pêcheurs commerciaux de saumon a été compromis par les changements survenus dans les pêches. Nombre de pêcheurs habitués à un niveau de vie décent ont maintenant peine à survivre. Un pêcheur au filet maillant dont le revenu net atteignait 45 000 $ a dit au Comité que, durant la saison 1997, il n'avait pas fait un sou :

J'ai du mal à me lever le matin. Je gagnais bien ma vie comme pêcheur commercial, mais je ne sais pas si je peux faire l'année... J'ai le privilège de pouvoir pêcher. Ce n'est pas un droit, je le sais, mais je ne peux pas vivre sans la possibilité de pêcher.

La viabilité des pêcheurs dépend de plusieurs facteurs, surtout dans le nord de la C.-B. Le règlement de revendications des Nisga'a leur garantit une certaine quantité de poisson plutôt qu'un pourcentage de la remonte. Il se pourrait ainsi qu'en année de faibles remontes les pêcheurs commerciaux ne puissent pêcher. Le secteur récréatif a aussi été touché par cette décision. Les pêcheurs commerciaux conviennent que les gens ont le droit de pêcher, mais signalent que le secteur de la pêche sportive commerciale, en particulier, s'est développé sans entraves.

On a demandé au Comité quelle devrait être la taille réaliste de la flottille de pêche à la traîne. Des témoins ont rappelé qu'elle avait été réduite de 37 p. 100 au cours des deux dernières années. Comme un témoin l'a dit : « le secteur meurt à petit feu ». Il désire qu'on essaie vraiment de trouver réponse à cette question afin que la flottille commerciale aie suffisamment de poisson pour survivre.

Un autre facteur qui menace la viabilité économique des pêcheurs est le faible prix du saumon. Les prix sont bas, surtout à cause de la concurrence du saumon d'élevage. Les pêcheurs se sont plaints de n'obtenir maintenant presque rien pour leur saumon alors qu'ils obtenaient des prix élevés auparavant. L'effet négatif d'un prix faible s'est aggravé depuis que le plan Mifflin a diminué la marge de manoeuvre des pêcheurs qui pouvaient combler les écarts de prix en pêchant dans d'autres zones. Un pêcheur de Sointula a dit qu'il s'était senti forcé d'opter pour le cumul de permis. Il a dit qu'il avait pas le choix : « C'est la loi de la jungle »

Intérêts des entreprises

Plusieurs pêcheurs ont exprimé leur inquiétude face à l'influence que les grandes sociétés semblent pouvoir exercer sur la politique des pêches. Les gens pensent, en général, que les politiques du MPO ont été conçues pour permettre au secteur des entreprises de s'approprier les ressources halieutiques. Certains pêcheurs se sont demandé pourquoi les grandes sociétés semblent exercer tant de contrôle sur les pêches. Par exemple, on a fait remarquer que, puisque la flottille de senneurs est effectivement contrôlée par la grande entreprise, le MPO a eu tendance à privilégier ce secteur parce qu'il juge qu'un système d'utilisateur-payeur serait plus facile à établir et à administrer.

On a aussi affirmé que le plan Mifflin avait profité à la grande entreprise. À cause du plan, sa part serait passée de 50 à 75 p. 100 des prises.

Certains témoins ont dénoncé les grandes sociétés internationales comme B.C. Packers en disant qu'« il ne faut pas capituler devant le capitalisme ». Le Comité s'est fait dire que les entreprises ont éliminé les bateaux à filet maillant. Un témoin a demandé « Lorsque tous les pêcheurs à filet maillant auront fait faillite, les usines de transformation manqueront-elles de poisson? ». Selon plusieurs témoins, au bout du compte, seules les grandes entreprises pourront pêcher et elle le feront au plus faible coût possible.

Gestion par quotas

Certains se sont dits en faveur de régimes de quotas qui assureraient une plus grande sécurité aux pêcheurs tout en faisant diminuer les pressions, qui garantiraient un produit de meilleure qualité, qui pourraient leur assurer de meilleurs prix et diminuer la surcapitalisation des flottilles. On a fait remarquer qu'un avantage indirect d'un régime de quotas serait de faciliter les allocations intersectorielles.

Des témoins ont dit au Comité que le MPO favorisait des régimes de quotas pour la plupart des types de pêche afin de respecter des contraintes financières serrées et que son objectif ultime est un système d'« utilisateur-payeur ». « Le Ministère est tellement en mal de recouvrer ses coûts pour financer la gestion des pêches qu'il est prêt à privatiser les ressources halieutiques pour atteindre son objectif ». On a souligné que cette approche n'avait pas pour but de veiller au meilleur intérêt des collectivités côtières ou de la ressource, mais plutôt à celui du MPO.

D'autres témoins et organismes, dont le Native Brotherhood of British Columbia et le Conseil tribal Nuu-chah-nulth s'opposent aux QIT. Selon le Conseil tribal Nuu-chah-nulth, les systèmes de QIT ont eu de graves conséquences qui se sont surtout fait sentir dans les collectivités côtières, tant autochtones que non autochtones, et chez les petits pêcheurs dont les activités nuisent peu à l'environnement. « Nous croyons que la généralisation des QIT aura des conséquences désastreuses pour les pêcheurs et les collectivités côtières ». En effet, la transférabilité des permis en fait considérablement monter la valeur et seuls les nouveaux intervenants bien nantis peuvent alors se les procurer. Le Conseil tribal a aussi soutenu que si une pêche assujettie à un régime de QIT faisait partie d'un futur règlement issu d'un traité, le coût de rachat de cette partie du TPA serait beaucoup plus élevé autant pour les Premières Nations que pour le gouvernement.

Droits de permis

Plusieurs pêcheurs ont exprimé leur inquiétude face aux droits de permis qui ne semblent pas être établis en fonction de la capacité de payer. Certains y voient aussi des inéquités entre les secteurs de la pêche à la traîne, au filet maillant et à la senne.

Certains ont suggéré de remplacer le régime actuel qui impose à toutes fins pratiques des droits fixes à tous les pêcheurs par un système qui imposerait un droit minimum plus un taux basé sur les prises du détenteur de permis. Un témoin a proposé un système de type « droit de coupe », comme on retrouve dans le secteur forestier.

Quotas et propriétaires-exploitants

Plusieurs témoins ont critiqué la location des permis. Un pêcheur a expliqué que lorsque le système de permis à accès limité est entré en vigueur, on n'avait pas réalisé que le permis deviendrait en soi un bien qu'un non-pêcheur pourrait posséder à des fins de location. Il en est résulté une fuite vers l'extérieur des profits de l'industrie. Par exemple, a-t-on dit, le propriétaire d'un permis de hareng pouvait gagner l'équivalent du revenu d'un an simplement en louant son permis. On a également donné l'exemple des quotas de flétan; les pêcheurs qui louaient ces quotas devaient payer 2,40 $ la livre en frais de location, alors que la valeur au débarquement était de 3,40 $ la livre. Ainsi, 70 p. 100 de la valeur des prises échappaient à la collectivité.

Selon plusieurs témoins, il devrait être possible de limiter la propriété du permis au pêcheur. Pour résoudre le problème, on a proposé d'adopter une recommandation venant des pêcheurs et contenue dans le rapport Cruickshank et selon laquelle il faut être propriétaire-exploitant pour détenir un permis. Cela permettrait de retourner les permis aux pêcheurs et aux collectivités côtières et de revitaliser la pêche. Un témoin a fait remarquer que, même si les bureaucrates du MPO appuient cette mesure, mais qu'il n'y avait pas de volonté politique pour la mettre en application.

On a proposé de plafonner le cumul des quotas comme cela a été fait pour la pêche du flétan.


PARTIE VII : NOUVELLES PÊCHES

Pêche de la crevette

Un pêcheur de crevette a soulevé une question pressante au sujet de la politique du MPO sur le coût des permis de pêche à la crevette et ses répercussions sur ce secteur. Le prix du permis est fixe et les pêcheurs rentabilisent cet investissement en proportion de leurs prises. On a souligné que cette politique nuit à la conservation de la ressource car elle encourage les pêcheurs à accroître le volume de leurs captures en remontant leurs casiers deux ou trois fois plutôt qu'une, à investir dans des bateaux plus gros et plus rapides et à pêcher sans relâche pendant toute la saison. En conséquence, la saison de pêche a été raccourcie et la proportion de crevettes de premier choix a diminué. Si cette tendance se maintient, le prix sur le marché fléchira et la qualité globale du produit débarqué diminuera.

Aux dires du témoin, les pêcheurs de crevette se déplacent actuellement sur toute la côte pour pêcher, sans souci aucun pour l'avenir de la ressource. Les contrôles exercés sur la pêche comme la durée de la saison ainsi que la taille, le type et le nombre de casiers n'ont pas été efficaces car le volume des prises de deuxième choix continue d'augmenter.

Il recommande d'adopter une formule différente fondée sur une nouvelle politique de prix qui encouragerait les pêcheurs à conserver la ressource et assurerait à la population du Canada un rendement satisfaisant sur celle-ci. La tarification proposée comprendrait un droit nominal d'immatriculation du bateau et des droits supplémentaires établis en multipliant un droit fixe la livre par le poids débarqué. Le deuxième volet de la proposition porte sur l'attribution de zones de pêche précises aux pêcheurs et sur la délimitation de certaines zones communes. Il incomberait aux pêcheurs de veiller à la qualité des prises et à la conservation de la ressource dans leur propre zone. L'État et les Canadiens obtiendraient un rendement raisonnable, qui n'exigerait aucun investissement de la part du gouvernement.

Pêches en développement

En plusieurs endroits, de nouvelles pêches pourraient être développées. En raison de sa politique de minimisation des risques, le MPO n'accorde que des allocations minimales tant qu'il n'y a pas eu d'évaluation biologique de la viabilité du stock. Le Ministère ne dispose cependant pas du personnel voulu pour effectuer ces évaluations et, par conséquent, les projets qui auraient permis de développer ces nouvelles pêches n'avancent pas.

Le MPO n'a pas approuvé les demandes de permis pour des espèces prometteuses de mollusques et de crustacés; on avait proposé notamment la pêche expérimentale de la moule et du buccin à Port Hardy et la pêche du crabe à pattes trouées et l'élevage de l'ormeau à Sointula.

Des témoins ont fait observer que l'ormeau se vend 30 $ la livre sur le marché et qu'il pourrait être transformé à Sointula. Le MPO n'a pas autorisé l'élevage de ce mollusque sous prétexte que cela encouragerait le braconnage. Le Ministère a mis un terme à la pêche de l'ormeau tout le long de la côte en 1988 et il n'y a pas eu de pêche récréative ou commerciale depuis. Les braconniers s'en donnent pourtant à coeur joie et il y a moins d'ormeaux aujourd'hui qu'au moment de l'entrée en vigueur du moratoire. Dans plusieurs endroits le long de la côte, tout particulièrement dans le sud, les ormeaux sont si rares qu'il n'y a pas de reproduction.

Les porte-parole de la Malcolm Island Abalone Co-operative (de Sointula) ont précisé qu'ils ne cherchent pas à obtenir des subventions du gouvernement :

Nous avons vu d'autres entreprises obtenir des subventions du gouvernement, tout dépenser et se retrouver devant rien. Nous voulons que les fonctionnaires nous assurent que si nous investissons, nous aurons une chance raisonnable de prendre de l'expansion en bout de ligne. Malheureusement, aucun d'entre eux n'est d'un rang assez élevé pour nous être utile en quoi que ce soit; ils nous renvoient d'un bureau à l'autre, ils ne répondent pas à nos lettres; cela revient à une tentative délibérée pour nous décourager. Mais les perspectives sont si spectaculaires que nous revenons constamment à la charge en espérant chaque fois que nous réussirons à faire débloquer les choses.

Cette entreprise demande que le MPO nomme un haut fonctionnaire qui défendra les intérêts de la côte ouest.

Les porte-parole de la Malcolm Island Abalone Co-operative ont expliqué qu'on peut utiliser le varech rouge, plutôt que le varech vert qui est privilégié dans l'alimentation des ormeaux d'élevage afin de faire apparaître sur leur coquille une bande rouge (ou même plusieurs, si l'on veut). Cette technique éliminerait toute difficulté que le MPO pourrait avoir à différencier les ormeaux d'élevage des ormeaux sauvages. Cette technique a été mise à l'essai pour la première fois à Saanich Inlet par Guy White.

À Sointula, des témoins ont mentionné qu'ils souhaitaient se lancer dans l'élevage de l'huître et de la mye, mais que le MPO craignait d'autoriser ce type d'exploitation. Un des problèmes qui se posent est le manque d'agents du MPO affectés à l'application de la loi. Comme l'a fait remarquer un témoin, « On approuve cependant plusieurs projets d'élevage du saumon de l'Atlantique en dépit de tous les problèmes que connaît ce secteur. ».

Les représentants des Premières Nations ont signalé que tout projet faisant intervenir des techniques et des stocks nouveaux ne devrait être réalisé que si on y associe à part entière les Premières Nations dont les eaux territoriales seront utilisées. On devrait tirer des leçons des résultats désastreux de la pêche de l'ormeau, pour laquelle le gouvernement fédéral avait octroyé des permis malgré les protestations des Premières Nations. La pêche a en effet presqu'épuisé les stocks de ce mollusque.

Les représentants autochtones ont recommandé que le MPO établisse des lignes directrices claires en ce qui a trait à l'examen des projets de pêche expérimentale; le processus devrait être transparent, et les pêcheurs commerciaux autochtones devraient avoir les mêmes possibilités que les autres intervenants de présenter des propositions. Les témoins ont fait remarquer que le Ministère n'a pas toujours procédé de cette façon. On a aussi recommandé que si de nouveaux agrès comme les nasses était autorisés, même à titre expérimental, leur utilisation soit réservée aux pêcheurs et aux bateaux autorisés afin que ce soit ceux qui vivent à même la pêche et non des fonctionnaires ou des nouveaux intervenants qui en bénéficient.

Élevages en cage du saumon

Un grand nombre de pêcheurs commerciaux ont soulevé des problèmes relatifs aux élevages en cage du saumon, notamment les maladies qui pourraient être transmises par ces stocks et l'impact de ces élevages sur la qualité de l'eau. Des témoins ont indiqué au Comité que, contrairement aux assurances données par le Ministère et par l'industrie, le saumon de l'Atlantique élevé dans des cages survit à l'extérieur de celles-ci; en fait, on en a capturé, dans certains cas, à plusieurs centaines de kilomètres de l'installation d'élevage la plus proche.

Certains ont dit que la salmoniculture va à l'encontre de la conservation du saumon sauvage; ce dernier transmet également des maladies au saumon d'élevage. On a prétendu que la disparition du saumons sauvage est dans l'intérêt des éleveurs de saumon car la présence de saumon sauvage frais sur le marché serait économiquement préjudiciable à ce secteur.

On a également fait remarquer au Comité que les fanaux qui éclairent les parcs attirent d'autres poissons qui sont alors la proie des saumons.

Le NBBC s'oppose à l'élevage du poisson en raison de la dégradation des stocks et de la transmission de maladies au saumon sauvage. Le seul type d'installation acceptable consisterait en des enclaves artificielles où les saumons seraient complètement isolés de l'écosystème et des stocks sauvages. D'autres témoins étaient du même avis.

Certains ont recommandé de supprimer graduellement les élevages de saumon en cage parce qu'ils pourraient détruire les stocks de saumon sauvage et, partant, les intervenants et les entreprises qui en vivent.

Pêche de la mye

Un représentant de la Area C Clam Harvester's Association a critiqué le refus du MPO de renoncer à son « mandat législatif », et dit que cela a donné lieu à une foule de règles rigides qui font obstacle au développement de la culture de la mye. On estime que cette activité rapporte actuellement un million de dollars aux pêcheurs, alors que les coûts de la gestion s'élèvent à près de deux millions de dollars. Le témoin a fait valoir qu'il serait possible de créer une industrie viable qui injecterait 10 millions de dollars dans l'économie locale. Le meilleur moyen d'atteindre cet objectif serait de confier aux conseils de gestion locaux diverses responsabilités au chapitre des ouvertures et des fermetures, de l'établissement des quotas, du contrôle de la qualité de l'eau et des stocks, de l'octroi des permis et de la mise en valeur de la ressource. On a dit au Comité que les fonctionnaires fédéraux et provinciaux n'accepteraient jamais de se départir de ces responsabilités et qu'il fallait donc prendre les devants à cet égard.

On a proposé un cadre législatif qui définirait clairement les rôles et les responsabilités des gouvernements fédéral et provincial et du conseil de gestion local, et qui permettrait au MPO de conclure, avec les groupes d'utilisateurs regroupés en conseils de gestion locaux, des ententes de gestion à long terme liant les parties. « Pour assurer la viabilité des pêches, il faut d'abord habiliter véritablement les collectivités. »

Aquaculture des mollusques et des crustacés

Le Comité a entendu plusieurs représentants des éleveurs de mollusques et de crustacés. Ce secteur, a-t-on dit, présente un excellent potentiel de croissance sans nuire à l'environnement. On a ajouté que la pêche des mollusques et des crustacés sauvages est très lucrative mais que la ressource est de plus en plus surexploitée.

Par contre, les élevages sont plus productifs et écologiques que l'exploitation d'espèces sauvages et créent davantage d'emplois à temps plein. La culture de la mye s'apparente cependant davantage à l'agriculture qu'à l'aquaculture classique. Il n'en demeure pas moins que le MPO a pour mandat de gérer l'exploitation d'espèces sauvages, ce qui défavorise les éleveurs de myes. Jusqu'à présent, le Ministère s'est montré insensible aux préoccupations des éleveurs de mollusques et de crustacés.

La Colombie-Britannique compte 423 installations d'élevage de mollusques et de crustacés réparties sur 1 750 hectares le long de la côte, soit une superficie moins grande que celle de la nouvelle piste de l'aéroport international de Vancouver. En fait, cela représente 0,5 p. 100 de la totalité des estrans exploités dans la province. On a fait observer que la valeur économique de l'élevage de la mye dépasse en fait celle de l'exploitation des espèces sauvages, alors que la superficie exploitée par les aquicultueurs est 10 fois moins grande.

L'industrie présente un potentiel de croissance très élevé. En faisant tout simplement passer la superficie d'exploitation de 1 750 à 3 500 hectares, on pourrait faire passer les revenus enregistrés en 1995, 10,9 millions de dollars, à 100 millions de dollars en 2006. Cette expansion créerait 1 000 emplois directs dans les collectivités côtières de la Colombie-Britannique et offrirait des débouchés aux collectivités autochtones.

Les règlements imposés par le gouvernement et l'incertitude créée par les divers paliers administratifs freinent toutefois sérieusement la croissance de ce secteur. Le Comité a appris qu'au moins 10 ministères provinciaux et fédéraux influent actuellement sur l'élevage des mollusques et des crustacés en Colombie-Britannique On a fait remarquer qu'il était difficile de voir comment l'aquaculture pourrait prospérer étant donné que le Ministère concentre ses efforts sur la gestion des pêches traditionnelles.

La restriction imposée à l'égard de nouveaux baux pour la culture de la mye préoccupe sérieusement l'industrie. Tous les sites de culture de ce mollusque se trouvent dans d'anciennes installations d'élevage des huîtres.

Des témoins ont rappelé l'engagement pris par les libéraux, dans leur livre rouge, de procéder à une étude de l'impact de tous les droits perçus auprès des aquiculteurs dans le cadre du programme de recouvrement des coûts. Non seulement cet engagement n'a t-il pas été respecté, mais le secteur aquicole a été menacé de la fermeture de certaines zones à partir du 1er avril 1998 par suite de la réduction du budget du Programme des relevés hydrographiques d'Environnement Canada. Le Ministère prévoyait percevoir 80 000 $ auprès de la British Columbia Shellfish Growers Association dans le cadre de son projet de recouvrement des coûts. Or, l'association ne disposait d'aucun moyen légal pour réunir un tel montant; de plus, tous les groupes qui profiteraient de ce programme ne seraient pas mis à contribution. D'aucuns ont dit qu'Environnement Canada cherchait principalement à protéger des emplois au Ministère.

Des représentants du secteur ont critiqué les deux paliers de gouvernement pour n'avoir pas pris de mesures pour appuyer l'industrie aquicole. Pour bien faire comprendre que cet appui est indispensable au développement du secteur, ils ont cité la dernière recommandation du rapport du comité d'étude du Parti libéral sur l'aquaculture : « Nous recommandons de mettre un terme aux discours, aux rapports et aux débats, et de passer dès maintenant à des actions concrètes ».

À Prince Rupert, un témoin a fait valoir les avantages de la mariculture. Puisque cette activité exige beaucoup de main-d'oeuvre, 1 000 emplois de techniciens et de pêcheurs pourraient facilement être créés dans le nord de la Colombie-Britannique. Le développement de la mariculture pourrait alléger le fardeau du gouvernement fédéral, qui doit cependant adopter une nouvelle attitude.

Des représentants du secteur ont recommandé de modifier la politique du MPO et de nommer au Ministère un fonctionnaire qui fera la promotion de l'élevage des mollusques et des crustacés afin d'aider le secteur à prospérer sur la côte ouest.


1 ARA Consulting Group, The Economic Value of Salmon, Chinook and Coho in British Columbia, 1996. Rapport généralement appelé le ``rapport du gourpe ARA''.

2 M. Don Cruickshank est l'auteur de deux rapports sur les pêches en Colombie-Britannique. Le premier, Report of the Fleet Rationalization Committee, a été publié en 1982. Le rapport sur la rationalisation de la flottile avait été demandé par le ministre des Pêches et des Océans d'alors, M. Romeo LeBlanc. Le deuxième rapport, publié en 1991, a été préparé par la Commission of Inquity Into Licensing and Related Policies of the Department of Fisheiries and Oceans. Cette étude a été effectuée à la demande huit organisations du secteur de la pêche qui désiraient qu'une entité ``pleinement indépendante'' du gouvernement se penche sur la question. M. Cruikshank était le seul membre de cette commission. Intitulé The Fisherman's Report, on l'appele généralement le ``rapport Cruikshank''.