JURI Rapport du Comité
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CHAPITRE 2 - DÉVELOPPER UNE STRATÉGIE POUR LES VICTIMES
L'ÉLABORATION DE LA POLITIQUE À CE JOUR
Pour comprendre la direction dans laquelle le Comité croit que le Parlement devrait s'engager, il est important de revoir brièvement les réalisations au Canada en matière de politique, de programmes et de législation. La connaissance des événements précédents fournit une partie du contexte qui permet de comprendre les conclusions et recommandations du Comité. Elle permet d'apprécier ce qui a déjà été fait à l'égard des victimes dans le système de justice pénale et sert de fondement sur lequel les changements proposés peuvent s'appuyer.
L'intérêt des gouvernements à l'égard des victimes d'actes criminels remonte à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix avec les premiers régimes d'indemnisation des victimes6. En 1973, le gouvernement fédéral a participé à un programme à frais partagés avec les gouvernements provinciaux et territoriaux d'indemnisation des victimes - cette participation a duré jusqu'en 1992 alors que le gouvernement fédéral a retiré son appui.
L'événement suivant a été la formation, en 1981, du Groupe de travail fédéral- provincial sur la justice envers les victimes d'actes criminels. Ce groupe de travail a été constitué afin d'examiner le rôle des victimes dans le système de justice pénale. Ses recommandations de 1983 tendaient à donner de l'information aux victimes, de leur fournir des services et à instituer la déclaration de la victime au moment du prononcé de la peine et à dédommager du préjudice le cas échéant. Le Groupe de travail a affirmé qu'un grand nombre de droits des victimes ne pouvaient pas être incorporés au droit criminel. Il a estimé que leurs droits seraient mieux réalisés grâce à des procédures et des pratiques administratives.
En 1984, le Solliciteur général a constitué le Centre national de documentation sur les victimes afin de recueillir et disséminer de l'information sur les recherches relatives à la victimisation, sur l'élaboration et l'évaluation de programmes et sur les services et les programmes en faveur des victimes. Ce centre a été intégré au ministère de la Justice en 1988 et fermé en 1995.
En novembre 1985, les Nations Unies ont adopté la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir à laquelle le Canada a souscrit. (Le texte de cette Déclaration se trouve à l'annexe G.) En adoptant cette déclaration l'Assemblée générale des Nations Unies a invité les États membres à mettre en oeuvre la philosophie sur laquelle elle repose par l'adoption de politiques, de programmes et de mesures législatives.
Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont adopté en 1988 l'Énoncé de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels (appelé l'Énoncé). Rappelant la philosophie de la Déclaration des Nations Unies de 1985 et s'en inspirant, l'Énoncé est destiné à servir de guide pour tous les paliers de gouvernement dans l'élaboration et la mise en oeuvre de mesures législatives, de programmes et de politiques à l'intention des victimes.
Parce que le Comité considère que l'Énoncé est non seulement un document important par lui-même, mais qu'il est aussi essentiel à ses recommandations, nous en reproduisons le texte intégral ci-après. Il est ainsi conçu :
En reconnaissance de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité adoptée par les Nations Unies, les ministres fédéral et provinciaux compétents en matière de justice pénale conviennent que la société canadienne devrait s'inspirer des principes énoncés ci-après afin de mieux assurer aux victimes d'actes criminels la justice, le traitement équitable et l'aide dont elles ont besoin.
1. Les victimes devraient être traitées avec courtoisie, compassion et dans le respect de leur dignité et de leur intimité, et leur participation au travail de l'appareil de justice pénale devrait leur causer le moins d'inconvénients possible.
2. Les victimes devraient avoir droit, par des moyens formels et informels, à la réparation prompte et équitable des torts qui leur ont été causés.
3. Les victimes devraient recevoir toute l'information voulue sur les recours à leur disposition et sur les moyens de s'en prévaloir.
4. Les victimes devraient recevoir toute l'information voulue sur leur participation aux procédures pénales et sur l'échéancier, le progrès et le résultat final de ces dernières.
5. Au besoin, l'appareil pénal devrait s'enquérir des opinions et des préoccupations des victimes et leur fournir l'aide dont elles ont besoin tout au long des procédures.
6. Lorsqu'il est porté atteinte aux intérêts personnels d'une victime d'actes criminels, ses opinions et préoccupations devraient être signalées au tribunal lorsque c'est indiqué et conforme au droit et à la procédure pénaux.
7. Au besoin, des mesures devraient être prises pour assurer la sécurité des victimes d'actes criminels et de leurs familles et les mettre à l'abri de l'intimidation et des représailles.
8. Le personnel de l'appareil de justice pénale devrait recevoir une formation poussée propre à le sensibiliser aux besoins et aux préoccupations des victimes d'actes criminels, et il y aurait lieu d'élaborer, au besoin, des lignes directrices en ce sens.
9. Les victimes devraient être informées des services de santé, d'aide sociale ou autres services pertinents afin de pouvoir continuer de recevoir l'aide médicale, psychologique et sociale dont elles ont besoin dans le cadre des programmes et des services existants.
10. Les victimes devraient signaler les crimes dont elles ont été la cible et coopérer avec les autorités chargées de l'application des lois.
En 1988, le projet de loi C-89 a modifié le Code criminel afin de permettre les déclarations des victimes, les suramendes compensatoires et d'améliorer les dispositions sur la restitution et l'indemnisation. À cause de leur complexité et de leur coût de mise en oeuvre, les dispositions relatives à la restitution n'ont jamais été mises en vigueur.
En janvier 1988, le projet de loi C-15 qui modifie le Code criminel afin de corriger plusieurs problèmes auxquels les enfants victimes d'actes criminels étaient soumis dans les tribunaux a été mis en vigueur. Il édictait de nouvelles dispositions au sujet des infractions d'abus sexuels envers les enfants et de nouvelles mesures de preuve dans le même domaine. Elles permettaient à un jeune plaignant dans les procédures relatives à une infraction sexuelle de témoigner derrière un écran ou hors du tribunal par télévision en circuit fermé. Elles permettaient aussi au plaignant de déposer par enregistrement magnétoscopique, pour autant que le témoignage soit donné dans un délai raisonnable après la perpétration de l'infraction et que le témoin confirme ce témoignage lors du procès.
En 1992, le Parlement a édicté la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, étant le projet de loi C-36, lequel porte sur le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles, entre autres choses. Cette loi autorise la communication de renseignements par les victimes à ces deux organismes et par ces deux organismes à ces dernières. Elle permet aussi la présence des victimes, à titre d'observateurs, aux audiences de la Commission.
En 1995, le projet de loi C-37 a modifié la Loi sur les jeunes contrevenants afin de permettre la réception des déclarations des victimes dans les tribunaux pour la jeunesse. Ceci a été réalisé par inclusion par renvoi à des dispositions pertinentes du Code criminel. En 1996, le projet de loi C-41 modifiait et codifiait les dispositions relatives à la détermination de la peine. Le projet de loi énonce des principes de détermination de la peine relatifs aux victimes, rendant notamment la réception des déclarations des victimes obligatoire en plus d'abroger les dispositions sur la restitution qui n'avaient jamais été mises en vigueur et en les remplaçant par d'autres dispositions.
Le Parlement a adopté d'autres dispositions au cours des dernières années - ces dispositions sont présentées dans le Rapport de 1997 du Groupe de travail fédéral, provincial et territorial sur les victimes d'actes criminels mentionné ailleurs dans le présent rapport. Ces mesures législatives et de politique sont les principales mesures entreprises par le gouvernement fédéral et fournissent l'arrière-plan des propositions du Comité dans la suite du présent rapport.
Il est difficile de donner un compte rendu complet des initiatives provinciales et territoriales dans une forme raisonnablement concise. Ici, nous donnerons une brève énumération générique de leurs principales caractéristiques. Toutes les provinces et territoires ont des mesures législatives, des programmes et des politiques visant à répondre aux besoins des victimes dans le système de justice pénale. Ceux-ci correspondent à l'engagement pris dans l'Énoncé. Les mesures législatives édictées déterminent les droits des victimes. La plupart de ces textes comportent des énoncés d'objet et de principes. La plupart des ressorts pourvoient à des régimes d'indemnisation des victimes pour le préjudice subi à cause de leur victimisation.
Les programmes de services en faveur des victimes prennent différentes formes - ils sont liés soit aux corps de police, soit aux tribunaux ou constituent un système distinct. La méthode varie d'un ressort à l'autre. La plupart des ressorts ont des programmes spécialisés en faveur des victimes à l'égard des besoins des femmes, des enfants, des personnes âgées, des groupes minoritaires, des autochtones et des autres groupes vulnérables de la collectivité.
Cette évolution est relatée afin d'établir qu'il y a eu beaucoup d'initiatives à tous les paliers de gouvernement et dans la collectivité afin de fournir soutien et assistance aux victimes dans leur rôle dans le processus de justice pénale. Il reste encore des choses à accomplir pour faire en sorte que les victimes ne soient pas marginalisées dans le système de justice pénale et qu'elles y occupent leur propre place même si elles y sont entraînées contre leur gré.
Quant à sa façon d'aborder les problèmes traités dans le présent rapport, le Comité s'inspire de la déclaration promulguée en décembre 1997 par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice mentionnée ailleurs dans le présent rapport. L'Énoncé de 1988 a établi les principes auxquels tous les paliers de gouvernements ont souscrit relativement aux besoins des victimes. Tous les gouvernements ont agi dans le cadre de leur compétence afin de prendre des mesures conformes à ces principes. Chaque ressort a abordé les difficultés inhérentes à l'application de ces principes à sa propre manière. Il n'y a pas d'uniformité de méthode - il n'est pas nécessaire qu'il y en ait.
Le Comité croit que le temps est venu pour tous les paliers de gouvernement de coordonner leur stratégie afin de répondre aux besoins des victimes de la criminalité d'une manière efficace en maintenant au minimum les disparités entre les ressorts, en favorisant l'échange de renseignements et en améliorant la coopération dans l'élaboration des politiques. On peut y arriver en adoptant une stratégie qui reconnaît expressément le rôle principal des provinces et des territoires à l'égard des victimes de la criminalité et le rôle complémentaire du Parlement et du gouvernement fédéral, que ceux-ci exercent principalement dans le cadre de la compétence en droit criminel. Le succès d'une telle stratégie dépendra de la permanence de la coopération et de la coordination entre tous les paliers de gouvernement pour le plus grand bien des victimes de la criminalité.
Le Comité recommande par les présentes, à titre de principe, l'élaboration par le ministre de la Justice d'une stratégie en faveur des victimes de la criminalité dont la mise en oeuvre respecte les limites de la compétence fédérale et qui reconnaît la primauté du rôle des autres paliers de gouvernement, par le développement de mécanismes qui favorisent la coopération et la collaboration de toutes les parties engagées dans le processus de justice pénale. À partir de cette recommandation de base, le présent rapport énonce les mesures à prendre pour réaliser cet objectif.
RECOMMANDATION 1
Le Comité recommande que le ministre de la Justice élabore une stratégie en faveur des victimes d'actes criminels qui reconnaît la primauté du rôle des autres paliers de gouvernement à l'égard du processus de justice pénale et qui s'appuie sur le rôle complémentaire du gouvernement fédéral afin de faciliter la coopération et la coordination entre tous les intervenants de ce système. Dans le cadre de cette stratégie, le ministre devrait établir les modifications législatives de la compétence du Parlement nécessaires pour améliorer davantage la situation des victimes dans le système de justice pénale.
AMÉLIORER L'ÉNONCÉ DE PRINCIPES FONDAMENTAUX DE JUSTICE RELATIFS AUX VICTIMES D'ACTES CRIMINELS
Depuis son adoption en 1988, l'Énoncé a établi les principes qui ont guidé tous les paliers de gouvernement dans l'élaboration et la mise en oeuvre de mesures législatives, de programmes et de politiques en faveur des victimes d'actes criminels. Au cours des dix dernières années, il y a eu beaucoup d'élaboration de politique dans toutes les régions du pays. De nombreuses mesures législatives non seulement servent de fondement à des services en faveur des victimes et à leur dédommagement, mais énoncent l'objet, les principes et la philosophie qui doivent régir la mise en application de ces programmes. Ces dernières années, la Colombie-Britannique, le Manitoba et l'Ontario ont soit adopté, soit envisagé d'adopter de nouvelles mesures législatives d'envergure en faveur des victimes d'actes criminels. Ces dix dernières années, le Parlement a édicté plusieurs mesures législatives portant, entre autres, sur les besoins des victimes d'actes criminels.
Dans toutes ces élaborations de politique, l'Énoncé a servi de référence afin d'établir les critères en vertu desquels l'efficacité de ces politiques doit être mesurée. Le Comité adopte le même point de vue sur l'Énoncé. En raison de la division des compétences sur les différents éléments du système de justice pénale au pays, aucun palier de gouvernement ne peut seul déterminer tous les droits des victimes d'actes criminels. Cette détermination ne peut se produire que si tous les paliers de gouvernement agissent, dans leur domaine de compétence respective, de concert, en coordonnant leurs actions et en coopération les uns avec les autres. En mettant en l'oeuvre l'Énoncé dans leur domaine de compétence, tous les niveaux de gouvernement ont, en réalité, mis en place une déclaration complète des droits des victimes d'actes criminels.
Il s'est cependant écoulé dix ans depuis l'adoption de l'Énoncé lui-même par tous les paliers de gouvernement. De nombreuses mesures, législatives ou autres, ont été prises depuis lors. L'Énoncé a bien servi les décideurs, mais il est temps de le réexaminer et de l'évaluer. Il faut déterminer ce qui a été réalisé par les mesures législatives et les programmes et de formuler et de promulguer les principes qui se sont fait jour depuis dix ans. Le moment opportun de procéder à cet examen devrait être la prochaine réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice.
RECOMMANDATION 2
Le Comité recommande que le ministre de la Justice mette à l'ordre du jour de la prochaine réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice l'examen, l'évaluation et le renouvellement de l'Énoncé des principes fondamentaux de justice envers les victimes d'actes criminels, l'accent devant être mis sur la mise en oeuvre.
Le comité qui a précédé celui-ci, dans son rapport intérimaire de 1997, a recommandé que le gouvernement fédéral adopte les principes inclus dans l'Énoncé des droits des victimes et, qu'en collaboration avec les autres paliers de gouvernement, il explore les façons d'informer les Canadiens de l'existence de cette politique. Le reste du présent chapitre décrit comment, de l'avis du Comité, ces recommandations d'avril 1997 pourraient être mises en oeuvre.
UN BUREAU POUR LES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS
La manière selon laquelle les services et l'indemnisation sont fournis aux victimes d'actes criminels varient d'un ressort à l'autre. L'accessibilité à ces programmes et à ces services diffère tant entre les ressorts qu'à l'intérieur de chacun d'eux. Cet état de chose a été une source importante de frustration pour les victimes et pour ceux qui les représentent. Elles ont aussi signalé qu'il n'y a pas de moyen efficace pour elles de formuler des plaintes et d'obtenir une solution satisfaisante si l'aide et les services sont inexistants ou insatisfaisants. Elles ont soutenu que la situation est compliquée par le fait que les renseignements et les services sont rendus à la fois par différents paliers de gouvernement et par différents établissements gouvernementaux dans chaque palier de gouvernement.
De ces problèmes, il est découlé une proposition de créer un bureau de l'ombudsman des victimes qui aurait deux fonctions. La première fonction de ce bureau consisterait à faire enquête sur les plaintes sur la qualité ou la justesse des renseignements et des services fournis. La seconde fonction de ce bureau consisterait à agir comme centre d'information sur les programmes en faveur des victimes d'actes criminels et les autres sujets qui intéressent ces dernières.
Ce sont-là de graves problèmes qu'il faut régler avec sérieux et après examen approfondi. Comme on le mentionne ailleurs dans le présent rapport, le Comité reste dans les limites de la compétence du Parlement dans ses conclusions et ses recommandations. Quant à ce qui a trait au rôle du bureau proposé des victimes relativement aux enquêtes et au traitement des plaintes, le Comité ne peut se prononcer que sur ce qui concerne le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles, constitués en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Le 8 juin 1998, la Chambre des communes a débattu la motion no 386, soumise par le député Peter MacKay, tendant à établir un bureau semblable à celui de l'Enquêteur correctionnel afin de faire valoir les droits des victimes d'actes criminels. Le bureau de l'Enquêteur correctionnel agit comme ombudsman indépendant du système correctionnel chargé de faire enquête sur les plaintes des détenus et des délinquants. Le Comité a entrepris l'examen prescrit par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition adoptée en 1992. Il examinera, dans le cadre de cet examen, la nécessité d'un commissaire aux droits des victimes d'actes criminels dont les fonctions seraient semblables à celles de l'Enquêteur correctionnel.
Le Comité croit qu'il est nécessaire d'établir un bureau pour les victimes d'actes criminels afin de remplir la seconde fonction de l'ombudsman des victimes d'actes criminels proposé par les défenseurs des droits des victimes. Il existe déjà des mesures de coordination, de coopération et d'échange de renseignements par suite des réunions du Groupe de travail fédéral, provincial et territorial sur les victimes de la criminalité et des directeurs des services aux victimes. Ces mesures doivent être regroupées et étendues.
Susanne Dahlin, directrice de la section d'aide aux victimes de la Colombie- Britannique nous a dit lors du Forum national :
« Je verrais très bien le gouvernement fédéral offrir un bureau pour la communication des renseignements. Il peut offrir une optique assez générale. Il peut apporter la perspective des victimes dans tous les domaines de compétence fédérale, au niveau des services de police, des libérations conditionnelles, du service correctionnel, des juges également, et offrir une formation.
« Il peut fournir des ressources pour la recherche et l'échange d'information aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Bien que je sois heureuse que l'on ait reconnu ce qu'a fait la Colombie-Britannique dans ce domaine, je dois vous dire que lorsque je rencontre mes collègues des provinces et des territoires, ils me parlent des initiatives qu'ils ont prises dans divers domaines et j'apprends aussi. En mettant en commun et en échangeant l'information, nous pouvons aussi progresser ».
Le ministre de la Justice et procureur général de la Saskatchewan a dit dans son mémoire :
« La Saskatchewan appuie la création d'un bureau fédéral ou groupe de définition de politique qui ne ferait pas double emploi avec les mesures des programmes provinciaux et territoriaux ni n'empiéterait sur la compétence provinciale. Le bureau pourrait aider à coordonner la politique fédérale sur les victimes d'actes criminels et appuyer ou faciliter l'échange d'information et les recherches au sujet des questions concernant les victimes. Il pourrait favoriser les mesures existantes d'échange d'information telles les réunions des directeurs des services aux victimes et des fonctionnaires supérieurs de la justice, lesquelles ont reçu l'appui financier de Justice Canada. Dans ces fonctions, un tel bureau appuierait le travail des programmes provinciaux et territoriaux et des organismes locaux d'assistance aux victimes de la criminalité » 7.
Joanne Marriott-Thorne, directrice de la Division des services aux victimes de la Nouvelle-Écosse nous a dit dans son mémoire:
« La prestation des services aux victimes d'actes criminels est de compétence provinciale, mais il serait utile que Justice Canada assure la coordination et l'initiative relativement aux questions relatives aux victimes. Cela devrait également inclure l'examen de toute proposition de politique ou de législation fédérale en vue de déterminer leur incidence éventuelle sur les victimes ou les services aux victimes au Canada. Ce rôle pourrait être officialisé à Justice Canada au moyen de l'établissement d'une unité qui s'occuperait de la politique relative aux victimes ou d'un centre relatif aux connaissances spécialisées. Le financement et les initiatives actuelles de Justice Canada relativement aux victimes devraient être intégrés dans cette unité. Ce centre constituerait également pour les provinces et les territoires un centre de consultation et de distribution de l'information. Cette unité pourrait être de dimension réduite, car il s'agirait uniquement d'une unité chargée d'élaborer des politiques et ne serait pas chargée de fournir directement des services »8.
Le Comité souscrit à ces représentations qui lui sont faites et énonce maintenant son projet de Bureau pour les victimes d'actes criminels, à être constitué au sein du ministère de la Justice. Avant tout, le Comité estime que le Bureau doit avoir un énoncé de mission, qui définisse la mise en oeuvre de son mandat et en vertu duquel son fonctionnement au jour le jour puisse être évalué. Comme on le dit ailleurs dans le présent rapport, le Comité croit que l'Énoncé de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels est crucial à l'élaboration d'une stratégie en faveur des victimes d'actes criminels. À cette fin, le gouvernement fédéral devrait officiellement adopter les principes formulés dans l'Énoncé, comme le comité précédent a recommandé de le faire dans son rapport intérimaire d'avril 1997. Une façon de procéder consisterait à adopter l'Énoncé dans sa rédaction présente et plus tard, dans sa version renouvelée, (comme on le propose ailleurs dans le présent rapport) comme énoncé de mission du Bureau pour les victimes d'actes criminels proposé par le Comité.
Bien que le Comité ait des choses à proposer relativement aux rôles que le Bureau devrait remplir, il croit que le ministre devrait constituer un comité consultatif composé de représentants, provenant, de l'intérieur et de l'extérieur du gouvernement, de tous les secteurs du processus de justice pénale. Ce groupe de personnes aviserait le ministre de la Justice sur la composition du Bureau pour les victimes d'actes criminels et sur les rôles qu'il devrait remplir. Une fois établi, le comité consultatif devrait rester en fonction à titre de conseiller permanent du Bureau lui-même et du ministre de la Justice sur les questions concernant les victimes dans le système de justice pénale.
Cette forme de corps consultatif n'est pas tout à fait nouvelle, même dans le domaine des services et des programmes aux victimes d'actes criminels. L'Île-du-Prince-Édouard a établi, en vertu de la Victims of Crime Act, un Comité consultatif des services aux victimes composé de représentants nommés par le ministre, venant de l'intérieur et de l'extérieur du gouvernement et appartenant à tous les secteurs du système de justice pénale. Ce comité se réunit régulièrement et fournit des avis sur les questions relatives aux services aux victimes et sur les propositions législatives9. La Saskatchewan a un Comité consultatif des programmes en faveur des victimes, composé de personnes appartenant au gouvernement et provenant de différents secteurs du système de justice. Ce comité est chargé de conseiller le sous-ministre de la Justice10.
Il a existé et il existe encore de tels corps consultatifs au niveau fédéral. Avant la création récente du Centre national de prévention du crime, le gouvernement avait constitué un Conseil de la prévention du crime composé de Canadiens intéressés au sujet et représentant une grande diversité d'intérêts et de points de vue. Ce Conseil fournissait au ministre de la Justice et au Parlement des avis sur de nombreux sujets. Ses travaux ont permis d'établir le Centre national de prévention du crime et la stratégie que celui-ci poursuit.
Le solliciteur général actuel a établi un Groupe national de référence largement représentatif qu'il a consulté à plusieurs reprises au cours de l'année écoulée afin d'obtenir leur avis sur la remise en liberté sous condition et d'autres questions de justice pénale.
La Commission du droit du Canada récemment reconstituée a, comme l'exige sa loi constitutive, établi un conseil consultatif composé de particuliers et d'experts représentant des intérêts socio-économiques et culturels divers du Canada. Ce conseil consultatif a pour fonction de donner, à la Commission du droit, des conseils sur ses orientations, sur le programme à long terme de ses travaux et sur l'examen de son fonctionnement.
Bien que le Comité croie que le ministre de la Justice devrait constituer le conseil consultatif et prendre son avis, sur le rôle d'un Bureau pour les victimes d'actes criminels, le Comité a des propositions à soumettre quant à l'application de ce processus. Les rôles ainsi suggérés, qui prolongent ce qui a été fait à date à tous les paliers de gouvernement, visent à pourvoir à un mécanisme de coordination, de coopération et de concertation dans le développement de politiques. Ce peut être réalisé par l'échange de renseignements et par la constitution d'inventaires de ce qui se fait de mieux. Ce peut être réalisé en établissant des liens entre les programmes destinés aux victimes partout au pays, ce qui aura pour effet de rendre ces programmes plus accessibles aux victimes d'actes criminels. Ce peut être réalisé en s'assurant que le point de vue des victimes constitue un élément essentiel de l'élaboration de la politique dans tous les éléments du processus du système de justice pénale.
Ce peut aussi être réalisé si le Bureau joue un rôle actif dans l'élaboration des mesures législatives, des politiques et des programmes au niveau fédéral. Pour les autres paliers de gouvernement, le Bureau peut fournir la possibilité aux provinces et territoires, qui ont la compétence principale en matière de victimes d'actes criminels, d'échanger et d'agir les uns sur les autres dans l'élaboration de mesures législatives, de politiques et de programmes.
Voici certains des rôles précis que le Bureau pour les victimes d'actes criminels, comme élément du ministère de la Justice, peut remplir :
1. Suivre l'élaboration des mesures législatives, des politiques et des programmes de justice pénale, au niveau fédéral, et évaluer leur impact sur les victimes d'actes criminels.
2. Fournir un secrétariat aux réunions des directeurs des services aux victimes et au Groupe de travail fédéral, provincial et territorial sur les victimes d'actes criminels ou ses successeurs.
3. Concevoir et se constituer à titre de centre d'échange d'information, de documentation sur ce qui se fait de mieux et de source de méthodologies d'évaluation de programme en matière de services et de programmes en faveur des victimes.
4. Participer aux mesures internationales liées aux victimes d'actes criminels.
5. Élaborer, en collaboration avec les autres paliers de gouvernement, des stratégies et des programmes d'éducation sur le rôle des victimes dans le système de justice pénale.
6. À la demande du ministre ou du conseil consultatif, examiner tout sujet lié aux victimes d'actes criminels.
Ce ne sont-là que quelques-uns des rôles qu'un bureau pourrait remplir - il y en a certainement d'autres - et ils pourraient être définis et classés autrement. C'est dans cette perspective que le Comité formule la recommandation suivante.
RECOMMANDATION 3
Le Comité recommande que le ministre de la Justice établisse, à l'intérieur du ministère de la Justice, un Bureau pour les victimes d'actes criminels entièrement provisionné. Un nouvel Énoncé de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels devrait servir d'énoncé de mission de ce bureau. Le ministre devrait constituer un comité consultatif, représentatif de la diversité canadienne et de tous les éléments du système de justice pénale, notamment les victimes et les organismes qui les représentent, pour le conseiller dans l'identification des rôles que le Bureau devrait remplir et, après la constitution du Bureau, pour fournir des avis et de l'aide sur une base permanente et autonome. Au moment de déterminer les rôles que le Bureau devrait remplir, le ministre de la Justice et le Comité consultatif devraient tenir compte des suggestions formulées par le Comité dans le texte précédant la présente recommandation.
ÉMERGENCE DE LA JUSTICE RÉPARATRICE
Ces dernières années, les idées découlant des principes de la justice réparatrice ont mis en cause les vues traditionnelles sur le système de justice pénale. Ces façons différentes de traiter la criminalité et la victimisation ont leur source dans les traditions et les philosophies préconisées et pratiquées par les organismes confessionnels et les peuples autochtones. On peut retracer leur origine plus récente (des années 1970) dans le programme de réconciliation entre le contrevenant et la victime pratiqué à Kitchener-Waterloo, en Ontario, par le Comité central ménnonite. De même, de nombreuses collectivités autochtones ont ressuscité et adopté les méthodes du cercle de guérison et de médiation entre le contrevenant et la victime. En 1989, l'idée de réunions familiales pour les jeunes contrevenants, selon les traditions des Maori, a été adoptée en Nouvelle-Zélande et a été largement pratiquée en Australie, au Canada et dans d'autres pays.
Il existe différentes méthodes d'appliquer la philosophie de la justice réparatrice, mais les principes de base en sont les suivants :
1. Donner l'occasion à la victime de dire au contrevenant les répercussions que la conduite répréhensible de ce dernier a eues sur elle.
2. Donner l'occasion au contrevenant d'assumer la responsabilité de sa conduite répréhensible et des répercussions de celle-ci sur la victime.
3. Donner l'occasion à la victime, au contrevenant, à leurs familles et à leurs alliés de chercher des moyens de réparer le tort causé en trouvant des moyens de restitution, d'indemnisation et de travaux communautaires à faire par le contrevenant.
4. Donner l'occasion à la victime, au contrevenant, à leurs familles et à leurs alliés de chercher des moyens d'arriver à une réconciliation, à la compréhension des facteurs qui ont donné lieu à la conduite répréhensible, à la guérison et à la réintégration du contrevenant dans la collectivité comme citoyen respectueux des lois.
Ces principes sont appliqués de manière différente d'une partie à l'autre du pays - il n'y a pas de modèle universel correspondant à toutes les circonstances. Les initiatives de justice réparatrice peuvent constituer des mesures de rechange antérieures ou postérieures à la mise en accusation pour les jeunes contrevenants ou les contrevenants adultes; il peut s'agir encore de conférences familiales antérieures ou postérieures à la mise en accusation ou concomitantes à la détermination de la peine pour les jeunes contrevenants, de cercles de détermination de la peine pour les jeunes contrevenants ou les contrevenants adultes, ou encore de cercles de guérison à toutes les étapes du processus de justice pénale. Leur but commun est d'amener la victime et le contrevenant à chercher la réconciliation et la résolution de la situation.
Le Comité a pris connaissance de différentes façons d'appliquer les principes de la justice réparatrice. Carole Eldridge nous a parlé, lors de son témoignage, des efforts de médiation faits par le Centre de résolution des conflits d'Ottawa-Carleton à l'égard des affaires criminelles dans un environnement urbain. Le sergent Randy Wickins, du service de la police d'Edmonton a parlé, lors du Forum national, de la mise sur pied d'un programme de réunion des contrevenants et des victimes dans sa ville. Arnold Blackstar, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, qui était au Forum national, nous a décrit le programme communautaire de justice réparatrice dans sa province. La Colombie-Britannique a adopté une démarche de justice réparatrice à l'occasion de sa réforme de la justice pénale - dans cette perspective, la province a décrit dans son mémoire ses vues sur les mesures de rechange.
L'application de la justice réparatrice aux problèmes de justice pénale a de nombreux adhérents. Ils soutiennent que le système actuel caractérisé par la confrontation et la vengeance, ne peut répondre aux besoins ni des victimes, ni des contrevenants. Selon eux, la pratique actuelle se concentre sur la tenue de rôles commandés par le système judiciaire plutôt que s'attacher aux conditions relatives à la conduite répréhensible et à sa solution. Ils affirment que le présent système marginalise à la fois la victime et le contrevenant - le contrevenant n'est pas tenu d'assumer la responsabilité de l'acte répréhensible ni de réparer le préjudice causé - la victime n'a pas la possibilité d'affronter le contrevenant directement sur les conséquences pour elle de cette conduite répréhensible.
La justice réparatrice a aussi ses détracteurs et ses adeptes prudents. On s'inquiète de ce que ces programmes soient appliqués à mauvais escient à certaines infractions et à certains contrevenants. D'autres croient que les sanctions utilisées dans ces méthodes ne soient pas suffisantes pour dénoncer et décourager les infractions criminelles graves. On s'inquiète que dans certaines circonstances on ait appliqué des méthodes de justice réparatrice hors de la présence de la victime ou en présence d'une victime qui est réticente et forcée d'y participer. Enfin, certains défenseurs des victimes ont soutenu que des initiatives de justice réparatrice ont été conçues et appliquées sans suffisamment tenir compte du point de vue des victimes, ce qui a pour effet de les marginaliser davantage. Elles croient que ces initiatives servent surtout les intérêts du contrevenant.
Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crime a exprimé ce point de vue dans son rapport de janvier 1998 intitulé Équilibrer la balance : l'état des droits des victimes au Canada en disant ceci :
« Les victimes ont exprimé certaines préoccupations à l'égard de cette initiative, non parce qu'elles ne sont pas d'accord avec le concept mais qu'elles mettent en doute certaines modalités de sa mise en oeuvre. Les victimes appuient entièrement le choix qu'on leur offre de participer ou non à ce genre de programme mais elles ont des réserves lorsque les victimes sont « incitées » à y participer.
« Il s'agit vraiment de savoir à qui ces programmes de médiation sont destinés. Jusqu'à présent, ils sont largement le fruit de l'initiative de la communauté des croyants au sein du service correctionnel et des organismes qui travaillent avec les contrevenants qui les soutiennent. Peu de gens s'occupant uniquement des victimes y ont participé. Par conséquent, les groupes de victimes craignent que le processus ne soit axé sur le contrevenant et mettent excessivement l'accent sur les besoins de ce dernier, reléguant ainsi au second plan les besoins de la victime. Tous en admettant que là n'est pas l'intention des personnes qui participent à ce processus, elles devront néanmoins se pencher sur ce problème dans une avenir rapproché11 ».
Joanne Marriott-Thorne, directrice de la Division des services au victimes de la Nouvelle-Écosse a exprimé le même avis lors du Forum national lorsqu'elle a dit :
« Si nous voulons assurer le succès de ces programmes, et je crois que dans de nombreux cas les victimes peuvent être mieux servies par une justice réparatrice plutôt que par les formes de justice traditionnelles, il faut qu'ils soient planifiés, administrés et mis en oeuvre en tenant réellement compte du point de vue des victimes ».
Le Comité croit que l'application des méthodes réparatrices aux problèmes de justice pénales doit être encouragée et développée. Elle devrait découler de ce qui a déjà été appris et réalisé. Les initiatives de justice réparatrice ne peuvent complètement remplacer les pratiques et les principes de justice pénale qui ont été appliqués depuis plusieurs années. Elles peuvent cependant, quand les circonstances s'y prêtent, s'appuyer sur le processus actuel et le compléter.
Même s'il est arrivé à cette conclusion, le Comité l'a fait avec une certaine prudence. Il faut prendre au sérieux les critiques déjà formulées à l'égard des initiatives de justice réparatrice et y donner suite. On le fera en examinant et en évaluant, du point de vue des victimes, l'expérience faite à date au Canada de la justice réparatrice dans ses différentes manifestations.
Le Comité croit qu'il s'agit d'une tâche dont le Bureau proposé pour les victimes d'actes criminels et le comité consultatif devraient se charger dès le début de leur existence. En réunissant des renseignements et des données et en recensant les meilleures pratiques, il seront en mesure de fournir au ministre de la Justice une vue d'ensemble et une évaluation, selon la perspective des victimes, de l'état des initiatives de justice réparatrice au Canada. Ils devraient aussi être en mesure de déterminer s'il faut apporter des changements aux principes, aux lignes directrices et à la législation concernant la justice réparatrice afin que les intérêts des victimes soient entièrement respectés. Enfin, il devraient alors être en mesure de formuler les principes, les lignes directrices et les mesures législatives qu'ils jugent nécessaires.
RECOMMANDATION 4
Le Comité recommande que le ministre de la Justice demande au Bureau proposé pour les victimes d'actes criminels et au comité consultatif, dans le cadre des fonctions du Bureau de faciliter l'échange d'information, de veiller à la cueillette de données et d'établir l'inventaire de ce qui se fait de mieux, d'examiner et évaluer l'état des initiatives et des pratiques de justice réparatrice, tout en respectant les sphères de compétences provinciales et territoriales. S'ils le jugent à-propos, le Bureau et le comité consultatif devraient formuler les principes, les lignes directrices et les propositions de modifications législatives nécessaires afin d'assurer le respect et la protection des intérêts des victimes.
L'un des éléments clefs de la stratégie relative aux victimes d'actes criminels proposée par le Comité consiste à préparer et à présenter au Parlement les modifications législatives nécessaires pour renforcer les droits actuels. À partir de ce qui a été réalisé jusqu'à maintenant dans le cadre de la compétence fédérale, ces propositions de réforme du droit devraient favoriser la participation des victimes dans le système de justice criminelle. Le reste du présent rapport fait état des changements que le Comité estime qu'il est nécessaire d'apporter au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Le Comité estime que le ministre de la Justice doit préparer et présenter ces réformes législatives au Parlement sous forme de projet de loi omnibus.
Le projet de loi omnibus devrait non seulement comporter les modifications législatives proposées, mais aussi énoncer la philosophie qui les sous-tend et les principes qu'ils mettent en application. En énonçant la philosophie et les principes sur lesquels les dispositions législatives reposent, le Parlement annonce clairement aux institutions du gouvernement, à l'appareil judiciaire et aux Canadiens comment il veut que les lois, les politiques et les programmes soient instaurés, appliqués et mis en oeuvre.
Cette forme d'énoncé de politique législative de la part du Parlement n'est pas inusitée. Elle a été utilisée de différentes façons dans des préambules, des énoncés d'objet et des déclarations de principe. Certaines mesures législatives comportent ces trois formes d'énoncés. Les projets de loi établissant ou modifiant la législation comportent habituellement ces énoncés d'objet et déclarations de principes.
Il existe plusieurs exemples illustrant l'utilisation de différentes méthodes. La Loi sur les jeunes contrevenants comporte une déclaration de principes. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a à la fois un énoncé d'objet et une déclaration de principes. Les dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine comportent un énoncé d'objectif et de principes. Les projets de lois suivants de la présente session de la législature courante comportent un préambule : le projet de loi S-5 (modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne, au Code criminel et à d'autres lois relativement aux personnes handicapées), le projet de loi C-16 (modifications au Code criminel et à la Loi d'interprétation relativement à l'arrestation et à l'entrée dans les habitations), le projet de loi C-50 (loi d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil). Le projet de loi d'initiative parlementaire C-294, proposé par le député Chuck Cadman, soit un projet de loi omnibus modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition relativement aux droits des victimes d'actes criminels, comporte un préambule.
Parce qu'un projet de loi omnibus modifie plus d'une loi, ainsi qu'il est proposé dans le reste du présent rapport, le Comité est arrivé à la conclusion que l'inclusion d'un préambule constitue le meilleur moyen pour le Parlement d'énoncer l'objet de sa politique législative.
Le Comité estime qu'il doit être apporté une attention considérable à ce qui devrait être inclus dans un tel préambule. En plus d'énoncer l'objet de la politique législative du Parlement, le préambule devrait faire état des questions dont il veut traiter par voie législative et de sa mise en oeuvre et fournir des critères permettant aux Canadiens d'évaluer l'action gouvernementale. On peut s'inspirer des documents suivants pour élaborer ce préambule : La Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir des Nations Unies, l'Énoncé de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels adopté par le gouvernement fédéral, les provinces et les Territoires (dans sa version actuelle ou modifiée, tel qu'il est recommandé par le Comité) et les principes fondamentaux concernant les droits des victimes d'actes criminels contenus dans les lois provinciales et territoriales.
L'examen de ces documents et les mémoires reçus a amené le Comité à conclure que le préambule du projet de loi omnibus doit comporter, entre autres, les principes suivants, qui expriment la politique législative du Parlement :
1. Les victimes, à titre de participants involontaires dans le système de justice pénale, qui ont subi un préjudice et/ou dont les biens ont été endommagés par suite d'infractions criminelles, doivent être traitées avec respect et compassion.
2. Les victimes doivent être informées au moment opportun et de manière convenable de leur rôle et de leurs droits ainsi que des politiques ou programmes établis pour leur venir en aide.
3. Les victimes qui le désirent doivent être informées au moment opportun et de manière convenable des développements importants dans la cause les concernant.
4. Les victimes doivent avoir la possibilité d'intervenir dans le traitement, par le système de justice pénale, de la cause les concernant d'une manière qui ne les marginalisera pas et qui ne présentera pas d'effet abusif pour l'accusé ou l'auteur d'une infraction.
5. Les victimes devraient avoir le droit d'exiger d'être dédommagées, indemnisées, réconciliées et soignées afin de retrouver, dans la mesure du possible, leur bien-être personnel et familial.
6. Le rôle et les droits des victimes ne sont pas incompatibles avec les droits de l'accusé ou de l'auteur de l'infraction ou avec ceux garantis par la Charte, mais leur sont complémentaires et peuvent coexister avec ceux-ci.
RECOMMANDATION 5
Le Comité recommande au ministre de la Justice de préparer et de déposer devant le Parlement un projet de loi omnibus comportant des modifications au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui sont nécessaires pour mettre en valeur le rôle des victimes dans le système de justice pénale. Un tel projet de loi omnibus devrait énoncer l'objet de la politique législative du Parlement dans un préambule. Un tel préambule devrait être formulé à partir de la Déclaration des Nations Unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, de l'Énoncé de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels adopté par le gouvernement fédéral, les provinces et les Territoires, des énoncés de principes concernant les droits des victimes contenus dans les lois provinciales et les lois des Territoires et des principes proposés et énoncés par le Comité dans le texte qui précède la présente recommandation.
6 La présente partie du rapport ne fournit que les points saillants de l'élaboration des mesures législatives et des politiques avec une emphase sur les réalisations et du Parlement et du gouvernement fédéral. On en trouvera un compte rendu plus complet dans le Rapport du Groupe de travail des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, novembre 1997, pp. 2 à 16.
7 Mémoire présenté au comité, pp. 9-10.
8 Mémoire présenté au comité, p. 34.
9 PEI, « Victims of Crime Act », Eighth Annual Report, 1996-97, pp. 5-8.
10 Saskatchewan, ministère de la Justice, « 1996-97 Annual Report of the Victims Services Program », p. 4.
11 pp. 55 et 56.