SCRA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 février 1999
Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance est ouverte. Nous sommes au Sous-comité sur la Loi sur les services correctionnels et la mise en libération conditionnelle du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Nous accueillons cet après-midi un groupe de témoins. Je demanderais aux députés de rester ici lorsque nous aurons fini de poser des questions aux témoins car nous devons parler de nos travaux futurs.
Nous accueillons aujourd'hui, Mme Marie Beemans, du Conseil des Églises pour la justice et la criminologie,
[Français]
de l'Office des droits des détenus, M. Sébastien Brousseau; et de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, M. Jean-François Cusson.
Nous entendrons les présentations de nos témoins l'une après l'autre. Nous leur accorderons environ 10 minutes chacun, après quoi nous leur poserons des questions.
Avez-vous décidé d'un ordre pour la présentation de vos exposés? Bien.
[Français]
M. Jean-François Cusson (agent de projet, Association des services de réhabilitation sociale du Québec): Je m'appelle Jean-François Cusson. Je suis criminologue et je travaille à l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. Je tiens d'abord à remercier le comité de nous permettre de comparaître et de compléter nos commentaires concernant la loi qui nous préoccupe aujourd'hui.
L'Association des services de réhabilitation sociale a été créée en 1961 et regroupe une soixantaine d'organismes communautaires à but non lucratif partout au Québec. Nos membres offrent une gamme de services assez étendue; ils travaillent dans des maisons de transition et dans des organismes visant à promouvoir l'employabilité, ainsi qu'au niveau de l'accompagnement des personnes détenues et des personnes prévenues. Nous comptons sur plus de 2 000 bénévoles et professionnels qui assurent un suivi de qualité.
Notre association constate que ses commentaires face au projet de loi sont à peu près les mêmes que ceux qu'elle avait formulés en 1992. À l'époque, nous considérions que le projet de loi C-36 n'allait pas assez en profondeur puisque son principal objectif était de rassurer avant tout la population et de donner plus de crédibilité au Service correctionnel. Nous critiquions également la faible importance accordée à l'aspect clinique et aux pratiques d'intervention. Sept ans plus tard, on formule les mêmes inquiétudes et on regrette qu'il n'y ait toujours pas de volonté d'aller en profondeur au niveau de la détermination de la peine. Sans cela, on fait fausse route et, à plus ou moins long terme, il va falloir ramener cette question au premier plan.
Je traiterai d'abord de la place des organismes communautaires au sein du système judiciaire et correctionnel. Je parlerai ensuite des programmes de libération, de la gestion du risque, des victimes et de la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Nos membres s'inquiètent du rôle qu'on donne aux organismes communautaires au niveau de la surveillance des personnes détenues qui passent dans notre réseau. De plus en plus, on a l'impression que nos intervenants doivent faire un travail qui est axé sur la surveillance statique. Cette nouvelle exigence ne correspond pas au rôle de nos intervenants, qui doivent établir un lien de confiance avec le client, puis ensuite l'accompagner. De plus, nos intervenants ne sont pas formés pour travailler à ce niveau-là. Cette exigence ne correspond pas à la mission de nos ressources, qui risquent d'avoir énormément de difficulté à concilier l'appui et la surveillance statique. On remarque de plus en plus que nos intervenants ont de moins en moins de temps à consacrer à l'intervention auprès des clients, ce qui est très dommage.
Il est important de bien comprendre que la mission des ressources communautaires consiste à appuyer et accompagner les délinquants dans un processus de réinsertion graduelle. C'est pourquoi nous estimons que la communauté est extrêmement importante au niveau de la réinsertion. Selon nous, le pénitencier n'est pas le meilleur endroit où régler des problèmes sociaux, qu'on parle de violence ou de toxicomanie. Malheureusement, le Service correctionnel met beaucoup plus d'accent sur les programmes à l'intérieur des murs que dans la communauté. Selon nous, il faudrait peut-être réorienter le cap à ce niveau-là.
Il va sans dire que nous défendons l'importance de viser une libération graduelle des détenus, cela le plus rapidement possible. Nous croyons que, dès que la personne est prise en charge par le système, il faut immédiatement viser à la ramener dans la société le plus rapidement possible. Beaucoup de détenus sortent du pénitencier beaucoup trop tard, ce qui fait en sorte qu'il devient extrêmement difficile pour les intervenants d'agir efficacement.
• 1540
C'est ce qui m'amène à parler des détenus qui sont
libérés à la période de libération d'office et en
fin de mandat. Presque tous les intervenants
reconnaissent que ces détenus constituent
une clientèle difficile puisque, souvent, ils n'ont été
que très peu impliqués au niveau de leur
projet de sortie. Un des
seuls moyens de contrer ce problème, c'est de les
impliquer le plus rapidement possible et de ne pas attendre
à la toute fin, comme on le voit à l'occasion, avant de
leur permettre de retourner dans la société.
Trop souvent, on voit des personnes qui touchent à la fin de leur mandat, qui n'ont jamais profité de la libération graduelle et qui se retrouvent carrément dans la rue, sans aucune ressource. On leur demande de réintégrer la société alors qu'ils ne la connaissent pas vraiment, cette société. Il faudrait essayer de clarifier certaines choses à ce niveau.
L'utilisation de la semi-liberté a grandement chuté au fil des ans. Entre 1992 et 1997, on a constaté une diminution de 55 p. 100 des octrois de semi-liberté, sans qu'on ait réussi à augmenter le taux d'efficacité de cette mesure de façon significative. Nous comprenons difficilement le bien-fondé de cette diminution, d'autant plus que les ressources communautaires sont là pour accueillir la clientèle.
On peut se demander si les détenus qui sortent de prison sont plus dangereux qu'avant. Notre réponse est qu'ils ne le sont probablement pas. On a parfois l'impression que les libérations et le taux d'octroi varient selon la saveur politique du jour et que certains événements spectaculaires qu'on connaît peuvent avoir provoqué des refus systématiques pendant des mois. On doit être conscient que de tel refus peuvent avoir des effets extrêmement pervers chez les détenus qui méritent de sortir. Comme on le sait bien, il existe un moment opportun auquel le détenu doit sortir de l'établissement. Si on retarde ce moment-là, on ne fait que compromettre les efforts de réinsertion qui ont été faits jusqu'à ce moment. Au point de vue clinique, c'est très dangereux, et il y aussi une perte financière puisqu'on a investi beaucoup d'argent au niveau de la réinsertion. C'est dommage de voir qu'on peut gâcher aussi facilement les efforts qui ont été faits.
Selon nous, les intervenants qui travaillent auprès des délinquants, autant en milieu carcéral qu'en communauté, utilisent beaucoup trop ce qu'on appelle les outils statistiques et ont de moins en moins recours à leur jugement professionnel. On fait ainsi beaucoup d'erreurs d'évaluation et on se retrouve à l'occasion avec des détenus qui mériteraient de sortir, mais qu'on préfère garder à l'intérieur parce que la probabilité de récidive nous inquiète.
La clientèle est probablement plus dangereuse, mais elle sort aussi beaucoup plus carencée qu'avant. Elle est beaucoup plus amochée parce qu'on lui a fait passer beaucoup plus de temps en établissement et qu'il a été par la suite encore plus difficile de travailler auprès d'elle.
On a ici l'exemple du programme de permissions de sortir. En plus d'une baisse importante de la semi-liberté, on a remarqué que le nombre de permissions de sortir avait diminué considérablement. C'est un peu surprenant puisqu'on a vu que le taux de réussite était extrêmement élevé, soit environ 99 p. 100. Cette forme de libération permet au détenu d'amorcer avec sérieux ses efforts de réinsertion, et c'est probablement le premier contact qu'il peut avoir avec la communauté depuis son arrivée au pénitencier. Il est dommage que les détenus dans les établissements carcéraux à sécurité moyenne n'aient pas ou aient difficilement accès à ce genre de permissions.
On s'inquiète de l'utilisation de bénévoles comme escortes de détenus qui ont obtenu la permission de sortir. Notre expérience nous a souvent démontré que les bénévoles étaient en quelque sorte utilisés comme de la main-d'oeuvre à bon marché pour remplacer des agents de correction. On s'attend à ce que ces bénévoles s'acquittent d'à peu près les mêmes fonctions que les agents ou les gardiens. Le rôle des bénévoles est pourtant tout autre et consiste plutôt à accompagner la personne. Ils peuvent lui apporter beaucoup, mais si on les intègre dans un cadre sécuritaire, ils ne pourront pas vraiment mener à bien leurs fonctions.
Il est d'ailleurs dommage de constater que les placements extérieurs sont si peu utilisés, soit dans environ 2 p. 100 des cas. On constate souvent que les personnes qui profitent de ces placements profiteraient davantage d'une semi-liberté.
• 1545
Les placements extérieurs permettent à certains
détenus d'aller compléter leurs études
ou de participer à des stages d'emploi.
Le niveau de sécurité qu'on utilise pour cette mesure
est très intéressant. Il n'y a pas
beaucoup de risques. On aimerait que ce
programme soit davantage offert aux contrevenants et
qu'il soit possible que le contrevenant puisse
profiter de placements extérieurs avant la date prévue
de sa semi-liberté.
Notre association déplore la pratique qui consiste à classer les détenus selon la nature de leur délit. On détermine actuellement si l'acte a été violent ou non violent. Dans le contexte actuel, on considère qu'une personne dangereuse est celle qui a commis un geste violent, alors qu'on sait très bien, cliniquement, que ce n'est pas nécessairement un bon facteur d'évaluation. Il arrive qu'une personne qu'on avait classée comme non dangereuse soit en pleine ascension criminelle et qu'elle ait besoin d'une intervention accrue. À elle seule, la nature du délit ne peut justifier une surveillance plus étroite ou expliquer des conditions de détention plus difficiles, à moins qu'un cas particulier ne soit appuyé par des considérations cliniques. C'est là la base de notre intervention, soit de ramener les considérations cliniques. La catégorisation actuelle rend le traitement ou l'intervention auprès des délinquants très difficile parce qu'il n'y a pas individualisation.
Ceci m'amène à parler des examens expéditifs. Notre association demande que cette procédure soit abolie puisqu'elle va à l'encontre des principes de justice. Selon nous, il est important que tous les détenus soient traités de la même façon et que leurs dossiers soient évalués selon les mêmes critères. De plus, on sait que les examens expéditifs portent généralement sur des cas qui font partie d'une clientèle difficile.
J'aborderai rapidement la question de la présence des victimes et des observateurs lors des audiences. Tout comme en 1992, notre association se prononce contre la présence de victimes et d'observateurs, à moins, bien sûr, que les détenus n'y consentent. Nous croyons que l'audience n'est pas un procès, mais plutôt une étude sur le cheminement du détenu depuis le début de son incarcération. Il arrive souvent que les renseignements qui y sont dévoilés sont de nature confidentielle. La présence d'observateurs pourrait facilement compromettre l'échange entre les détenus et les commissaires.
Finalement, je traiterai de la nomination des commissaires. Notre association recommande encore une fois qu'on se penche sur la possibilité de créer un comité de sélection en vue de s'assurer que les personnes engagées à titre de commissaires possèdent les compétences nécessaires. Nous concédons que certaines modifications récentes ont amélioré la situation, mais trop souvent encore, il y a des nominations politiques, ce qui est dommage. La nomination des commissaires est une question très importante. À tous les niveaux dans le système, on s'assure de retenir les gens qui ont le plus de connaissances et les meilleures compétences. On leur fait passer plusieurs entrevues. Il faudrait faire à peu près la même chose au niveau des commissaires.
Il est assez difficile d'accepter que certains détenus aient de la difficulté à être libérés parce qu'ils ont des problèmes de santé mentale. On n'est pas plus dangereux parce qu'on est malade. C'est là une des raisons pour lesquelles les commissaires doivent bien connaître tous les aspects de la clientèle.
Comme dernier point, j'aimerais rapidement parler des tests d'urine. Nos intervenants nous disent sans cesse qu'on fait une très mauvaise utilisation des tests d'urine. Au début de ma présentation, j'ai parlé du fait que les intervenants étaient de plus en plus portés à faire des interventions axées sur la surveillance statique. Le test d'urine en est un bon exemple.
Normalement, on devrait utiliser le test d'urine à des fins cliniques, l'inscrire dans une démarche clinique et s'en servir pour faire du travail avec le délinquant. Il arrive très souvent de nos jours que, dès qu'un test est positif, on procède à une suspension alors que ce n'est pas nécessairement la meilleure solution, d'autant plus que les intervenants mettent généralement en place des structures pour encadrer davantage le délinquant. Il arrive souvent qu'on décide de révoquer les droits de la personne sans tenir compte de la réalité au niveau des organismes communautaires.
• 1550
En conclusion, la révision de la loi est une
excellente occasion d'améliorer l'encadrement
des délinquants, et nous espérons
que les modifications sauront répondre aux
attentes des intervenants qui travaillent sur le
terrain.
Le président: Merci, monsieur Cusson.
Madame Beemans.
[Traduction]
Mme Marie Beemans (membre, Conseil des Églises pour la justice et la criminologie): Le Conseil des Églises pour la justice et la criminologie est un groupe oecuménique dont les membres viennent de 10 des principales Églises canadiennes de tout le pays. Nous avons des représentants d'un bout à l'autre du Canada. Nous nous intéressons aux besoins des victimes, de la collectivité et des délinquants, cherchant à atteindre ce que nous appelons une justice réparatrice qui répondra aux besoins de réconciliation des communautés où l'harmonie a été rompue.
Nous avons été ravis d'apprendre l'an dernier qu'il y aurait des consultations sur cette loi. M. Scott a fait organiser des comités puis des consultations locales. Nous avons apprécié les documents que nous avons reçus.
Cette loi a certes du bon. Elle nous a donné la possibilité d'intégrer à la loi beaucoup de choses arbitraires et non obligatoires et on a pu tout bien ficeler. Malheureusement, il y a eu des problèmes, notamment au chapitre de l'application de la loi. Nous sommes très inquiets du fait que même si le taux de criminalité n'a pas augmenté au Canada, des gens passent de plus en plus de temps en prison. En comparaison d'autres pays, nous sommes l'un de ceux où il y a plus de temps passé en incarcération.
Cela nous inquiète beaucoup, puisque les détenus sont aussi des membres de notre société. Le détenu est un membre de notre société qui a de la difficulté à y fonctionner, qui a causé des torts à autrui et qui a rompu l'harmonie de la collectivité, certes, mais il est tout de même un membre de notre société. Notre objectif devrait être de le réintégrer dans la société. C'est pour cela que nous utilisons l'expression «services correctionnels».
Pourtant, le Service correctionnel semble s'orienter tout autrement. Nous constatons que de moins en moins de détenus obtiennent une libération conditionnelle. Ils sont incarcérés plus longtemps. Les genres de programmes de libération qui fonctionnent le mieux sont ceux auxquels on a de moins en moins recours. De plus en plus de détenus sortent à la libération d'office, alors que nous savons que s'ils étaient en libération conditionnelle, avec tout le soutien nécessaire, ou en semi-liberté, ils fonctionneraient mieux. Pourquoi abandonnons-nous les programmes qui fonctionnent bien, en incarcérant de plus en plus, alors que ces problèmes doivent être réglés? Ces problèmes sont ceux de la collectivité et doivent être réglés dans la collectivité.
De plus en plus, les détenus sortent au moment de leur libération d'office, soit à l'expiration du mandat. Les raisons de tout cela semblent liées à notre façon de voir le détenu: le classement des détenus selon le niveau de sécurité.
Comme bénévole, depuis de nombreuses années, je travaille au sein du système carcéral. J'ai vu une évolution: autrefois, une peine était fixée, une personne était jugée et recevait sa peine, elle la purgeait, en partie derrière les barreaux et en partie en libération conditionnelle, dans la collectivité. La peine était tout de même purgée. Nous nous occupions du détenu là où il était. Désormais, avec le classement en niveau de sécurité, nous nous occupons davantage du passé du détenu, de ce qu'il a fait, que de ce qui s'est produit depuis. C'est comme si l'on disait que le travail des Services correctionnels est mauvais, puisque nous considérons le détenu comme ce qu'il était lorsqu'il a commis l'infraction, plutôt qu'en fonction de ce que les Services correctionnels et nos programmes ont pu l'aider à accomplir.
• 1555
Il y a donc des gens qui sont en prison pour longtemps.
Certains y sont très longtemps, puis à leur sortie, sont suspendus
pour bris de condition. Ils sont tellement institutionnalisés qu'à
leur sortie en libération conditionnelle ou à leur libération
d'office, ils ont de la difficulté à fonctionner. Ils n'ont pas
accès à un système de soutien progressif. On les remet en prison et
s'ils sont condamnés à perpétuité, ils ne peuvent faire de nouvelle
demande avant deux ans. Ils restent de plus en plus longtemps en
prison et à chaque sortie, ils sont plus institutionnalisés et il
devient plus difficile de les réintégrer dans la société, surtout
quand on sait que pour un quinquagénaire sans casier judiciaire, ou
pour quelqu'un de plus de 40 ou 45 ans, il est déjà difficile de
trouver un emploi. Imaginez quelqu'un qui sort de prison après
30 ans de détention, qui a 55 ans et qui voudrait travailler.
Les commissaires ne tiennent pas compte, notamment, du fait qu'une personne est un malade en phase terminale; d'après eux, cela ne fait pas partie de leur mandat. Ils affirment que l'état de santé, ou la maladie, ne fait pas partie de leurs critères. Ils ne tiennent pas compte de l'espérance de vie, mais c'est un facteur très important pour la réintégration d'une personne dans la société.
En criminologie, nous savons qu'il y a une sorte d'âge limite, après lequel les gens commettent beaucoup moins de crimes, de la même façon qu'après un certain âge, on ne grimpe plus aux arbres ou on ne fait plus ce qu'on aimait quand on était bien plus jeune. Après un certain âge, on ne prend plus de risques. Il y a donc une certaine courbe dans le comportement criminel mais cela ne semble pas être pris en considération. On garde les gens en prison de plus en plus longtemps et on ne tient compte que de ce qui s'est passé dans leur jeunesse, plutôt que de ce qui s'est produit au cours des 10 ou 20 dernières années.
Par ailleurs, on dit qu'on fera de la place, grâce à la procédure d'examen expéditif. En théorie, cette procédure nous plaît, mais le problème, c'est qu'on ne semble l'appliquer qu'à deux types de personnes. D'abord, les criminels d'affaires. Nous sommes tous au courant de la gêne causée aux commissions de libération conditionnelle par ces causes célèbres. Mais cette gêne n'est pas notre principale préoccupation; c'est plutôt la perception qu'on a de la justice.
Lorsque d'autres prisonniers, qui ont commis des vols, des crimes ou des vols qualifiés pour quelques centaines de dollars, se retrouvent au bas de l'échelle et qu'ils voient une personne dont on a beaucoup parlé réussir à blanchir des centaines des milliers ou de millions de dollars et s'en sortir, que perçoivent-ils? Ils ont l'impression que la justice, c'est pour les riches. C'est très dangereux, parce que nous voulons au contraire leur donner un sens de la justice, les responsabiliser et les inciter à respecter les lois. L'impression qui reste, c'est que les personnes célèbres et riches sortent très vite. Ce dont nous entendons parler, c'est de l'incidence sur les autres détenus, et ce sont ces problèmes qui nous préoccupent.
Par ailleurs, comme Jean-François l'a dit, je crois, nous n'avons pas le temps de nous occuper des jeunes qui viennent de commencer leur carrière criminelle. Ils traversent les procédures en pensant que c'est sans importance; ils ne se rendent pas compte de la gravité des choses. La procédure d'examen expéditif n'a pas fait tant de place puisque nous savons qu'il y a un taux élevé de retour pour ceux qui n'en étaient qu'à leur première infraction. Nous ne réglons pas le problème, nous faisons simplement un traitement plus rapide.
Nous aimons beaucoup les programmes de placement à l'extérieur. Nous pensons qu'ils répondent à un grand besoin. Malheureusement, on n'y a pas suffisamment recours. Il semble qu'on ne se serve pas des programmes efficaces. En revanche, nous gardons les détenus de plus en plus longtemps en prison et quand nous les faisons sortir, ils ne récidiveront pas parce qu'ils ont passé l'âge.
• 1600
Au sujet du rôle des victimes aux audiences, je crois que le
droit criminel est né parce que l'État voulait mettre fin aux
vendettas et aux vengeances particulières, et que pour cette
raison, les victimes ont cédé leurs droits à l'État, qui devait
rendre justice.
Nous sommes peut-être allés trop loin et les victimes ont été oubliées, ou se sont senties oubliées. En revanche, nous ramenons les victimes, à la fin des procédures. Il faut se fixer. Nous ne pouvons pas tout avoir. Ramener les victimes au moment de l'audience en libération conditionnelle, surtout si un membre de la famille était impliqué et qu'un crime terrible a été commis, ne sert qu'à tourner le fer dans la plaie. Je ne pense pas que ce soit juste. Au Québec, il n'y a pas beaucoup de victimes qui ont voulu être présentes aux audiences, mais même pour une seule personne, il est pénible de ramener de mauvais souvenirs.
Je ne pense pas que cela contribue à la réintégration sociale du détenu. Cela n'aide pas les parents de la victime. Nous préférerions un processus où la participation des victimes, s'il y en a, comme nous le souhaitons, se produirait plus tôt. Il devrait y avoir un mécanisme par lequel on donne une chance au contrevenant, puisque cela ne se produit pas au moment du procès. Il y a alors beaucoup de tension, tout notre système accusatoire sert à prouver la culpabilité, que l'accusé soit innocent ou non. La personne qui a commis le crime n'a même pas la possibilité de dire qu'elle regrette, ni d'entendre la victime dire ce qu'elle a souffert.
Il y a quelques projets pilotes, un dans l'Ouest et un autre, mis sur pied par les Mennonites, où des rencontres ont eu lieu entre la victime et le contrevenant, avec de très bons résultats. Il y a beaucoup de travail à faire. C'est nouveau. Je voudrais qu'il y ait davantage de mécanismes de réconciliation au pays, mais beaucoup plus tôt dans la procédure; pas des années après le prononcé de la sentence, quand tout a été oublié.
Au sujet du registre des renseignements, nous encourageons nos détenus, lorsqu'ils reviennent dans la société, à tourner la page sur leur vie criminelle, sur leurs anciens comportements et attitudes. Mais s'il doit y avoir un étiquetage et que chacun sait ce qu'ils ont fait, ils ne peuvent pas tourner la page.
Un détenu en libération conditionnelle doit se rapporter à la police. Les services policiers de la communauté sont au courant et ce sont eux qui doivent l'être. Si le détenu a commis un certain type de crime, par exemple des infractions de nature sexuelle contre des enfants, il pourrait y avoir une liste—nous ne nous y opposons pas—et les garderies et les écoles pourraient téléphoner et demander si un tel fait partie de la liste. Mais comment aider quelqu'un à tourner la page. Comment opérer un changement si on continue de l'étiqueter?
L'autre danger de cet étiquetage, c'est que les détenus auraient alors tendance à disparaître dans la nature, particulièrement les agresseurs sexuels qui sont restés en prison jusqu'à l'expiration du mandat. S'il y a cet étiquetage, qu'on les suit et qu'on sait qu'ils vivent dans la collectivité, ils disparaîtront. Ceux qui ont déjà travaillé avec des agresseurs sexuels savent que la tension est un facteur déclencheur de ce type de comportement. Si on leur fait subir ce genre de tension, on risque de faire augmenter le taux de criminalité.
Le président: Je vais vous demander de conclure.
Mme Marie Beemans: En terminant, j'aimerais vous parler d'une autre de nos préoccupations au sujet des soins aux détenus. Je vous ai parlé des condamnés à perpétuité, puisque cela a beaucoup préoccupé le Conseil des Églises, et aussi des détenus âgés. Il faut aussi vous parler de soins de santé, physique et mentale.
Au sujet des soins en santé mentale dans les pénitenciers, il y a là beaucoup de gens qui ont des problèmes de fonctionnement. À mesure que la population carcérale vieillira, il y aura une augmentation de la sénilité. Comment répondrons-nous à ces besoins?
• 1605
Je connais quelques détenus qui sont séniles et l'un des
critères appliqués par la Commission des libérations
conditionnelles, c'est que les problèmes de santé mentale
accroissent le risque. Je ne dis pas que ces détenus n'ont pas
besoin d'aide, mais je crois qu'ils auraient besoin d'un soutien
progressif... On a tendance à les incarcérer plus longtemps mais
ensuite, on ne peut pas simplement les renvoyer aux ressources
communautaires qui les aideront et leur donneront de l'encadrement,
la structure d'aide et de protection facilitant la réintégration,
à l'approche de l'expiration du mandat. Il semble donc que pour les
détenus ayant des problèmes de santé mentale, on ait moins à
offrir.
En terminant, nous avons constaté récemment, entre autres choses, que les services d'aumônerie subissent des compressions budgétaires et des restrictions.
Les services d'aumônerie jouent un rôle très important dans chaque pénitencier. Ils représentent les valeurs; ils donnent aux détenus quelqu'un vers qui se tourner. L'aumônier est une personne clé. Dans certains endroits, les aumôniers ne sont pas remplacés. On considère que c'est un programme comme un autre, un autre des programmes «socio-quelque chose» du pénitencier.
Je sais qu'en vertu de la Charte, on a droit à l'observation religieuse. Dans une société pluraliste, cela peut devenir compliqué, parce que diverses religions se retrouvent dans les pénitenciers. Nous voudrions toutefois qu'un mécanisme garantisse l'indépendance de l'aumônerie dans chaque pénitencier, son maintien et sa capacité de fonctionner.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Beemans.
[Français]
Monsieur Brousseau, vous avez 10 ou 12 minutes.
M. Sébastien Brousseau (président, Office des droits des détenus): Oui, parfait.
Bonjour. Je m'appelle Sébastien Brousseau. J'ai une formation en droit et je termine présentement une formation en criminologie. Je m'intéresse aux questions carcérales depuis environ huit ans. Je suis président de l'Office des droits des détenus. C'est un organisme à but non lucratif qui vise à défendre et à promouvoir les droits des personnes incarcérées.
On nous a avertis seulement le 5 février que nous devions nous présenter ici aujourd'hui. Ma présentation sera donc assez brève. Vous savez que les organismes communautaires ne reçoivent pas beaucoup d'argent des gouvernements. Donc, on fait ce qu'on peut. Pour ma part, je suis bénévole et j'ai préparé hier mon texte sur la révision de la loi.
Je voudrais d'abord vous parler des soins médicaux. Dans la loi, l'article 86 crée l'obligation, pour le Service correctionnel, de donner les soins essentiels. Du point de vue de notre organisme, cette disposition sur les soins essentiels est discriminatoire parce que, comme vous le savez, nous avons au Canada un système de santé. Si vous alliez à l'hôpital, vous auriez accès à plus que les services essentiels. Donc, nous croyons que cet article devrait être reformulé et se lire plutôt dans le genre de ce qui suit: «Le Service correctionnel devrait offrir une qualité et une quantité de soins identiques à ce que la population en général peut obtenir.»
Mon deuxième point concerne l'occupation double, soit lorsque deux personnes sont placées dans une même cellule. La Loi sur le Service correctionnel et la mise en liberté sous condition, adoptée en 1992, est muette à ce sujet. Le Canada a adhéré en 1955 à ce qu'on appelle les règles minimums sur les conditions des personnes détenues ou, plutôt, le Canada y a adhéré en 1975; ce texte a été adopté en 1955 par l'ONU. On y mentionne explicitement que deux personnes ne devraient pas se trouver dans une même cellule, sauf dans des cas exceptionnels.
On peut comprendre qu'au Canada, où il y a actuellement de plus en plus de gens incarcérés et peu de pénitenciers, on ait tendance à augmenter les cellules à occupation double. Selon nous, c'est un environnement qui n'est certainement pas favorable à la réinsertion sociale. Nous pensons qu'à tout le moins, alors qu'on a la possibilité d'amender la loi, on devrait y limiter le nombre de cellules occupées par deux personnes ou à tout le moins arrêter son augmentation. Ce qu'on constate, en effet, c'est que la criminalité diminue mais qu'on incarcère beaucoup plus de gens. C'est paradoxal et c'est un système qui, d'après nous, ne fonctionne pas.
On sait que les prisons ne réhabilitent pas vraiment les gens et que les programmes ne fonctionnent pas. Le Canada incarcère beaucoup. Il est le deuxième pays après les États-Unis, si je ne me trompe. On peut voir qu'aux États-Unis, par exemple en Californie, les budgets pour les services correctionnels sont devenus plus gros que les budgets pour l'éducation et la santé.
Je ne veux pas me retrouver dans un État dépenserait davantage d'argent pour le système correctionnel que pour l'éducation. Je pense qu'une telle société serait complètement aberrante.
• 1610
Donc, il faudrait peut-être ralentir l'incarcération.
Pour ce faire, il faudrait peut-être informer la
population. On peut penser à informer les procureurs
de la Couronne et les juges, à changer les lois,
à mettre une limite aux occupations doubles ou
à favoriser les libérations conditionnelles.
À l'article 121 de la loi, on parle des libérations pour cause humanitaire. Par exemple, un détenu qui serait en phase terminale pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle. Mais il y a des exceptions.
Par exemple, la loi mentionne que les gens condamnés à perpétuité ne peuvent obtenir une telle libération. Selon nous, c'est encore une aberration; un détenu en phase terminale, sur le point de mourir, qui ne représente pas un risque pour la société, ne pourrait pas obtenir une libération conditionnelle.
Ces exceptions devraient être abolies simplement parce que, d'une part, il s'agit d'une raison humanitaire et, d'autre part, parce que la Commission nationale des libérations conditionnelles peut étudier le cas et décider si la personne représente, oui ou non, un risque. Si elle ne représente pas un risque, nous croyons qu'elle doit pouvoir bénéficier de cet article comme tous les autres détenus.
Mme Beemans et M. Cusson ont parlé de la présence des victimes aux audiences des libérations. Je partage tout à fait le point de vue de Mme Beemans sur la question. Nous croyons que ce n'est pas la meilleure place pour les victimes et qu'elles devraient être autorisées à assister aux audiences des libérations seulement en autant que le détenu y consente.
Depuis 1970, il y a eu une évolution considérable des droits des victimes. Par exemple, on parle de lois provinciales pour indemniser les victimes; on parle de formation des policiers pour les amener à comprendre la psychologie des victimes et leur apprendre comment apporter confort et secours; on parle de lois qui informent des procédures judiciaires encourues; on parle de modifications au Code criminel pour limiter les contre-interrogatoires des victimes; on parle de modifications pour ajouter le témoignage des enfants par vidéo.
Donc, plusieurs modifications ont été apportées. Un des ajouts qui ont été faits, qui est très important, est ce qu'on appelle la déclaration de la victime, la victim statement. Si je me rappelle bien, cela a été introduit en 1996 dans le Code criminel. La victime peut, par cette procédure, mentionner quelles ont été les conséquences du crime.
Vous savez, tout le dossier pénal suit le détenu dans le monde carcéral. Donc, les personnes qui siègent à la Commission des libérations conditionnelles peuvent voir la déclaration de la victime et connaître les conséquences qu'elle a subies.
On se rend compte, à la lecture des statistiques, que lorsque les victimes sont présentes aux audiences, on a beaucoup plus tendance à refuser aux gens la libération conditionnelle. C'est le côté émotif qui vient un peu jouer. On sait pourtant que le droit est basé beaucoup plus sur la rationalité, sur la logique et sur les faits. La déclaration que la victime a déjà faite au niveau criminel, au niveau pénal, nous semble amplement suffisante pour éclairer les personnes chargées des libérations conditionnelles. La présence des victimes n'ajoute rien.
Les personnes chargées des libérations conditionnelles sont là pour vérifier si le détenu représente un risque pour la société, s'il a fait des progrès en prison, s'il a subi des thérapies. Donc, entre le moment de l'accusation, le moment de la condamnation et le moment où on passe aux libérations conditionnelles, la victime, à mon humble point de vue, ne peut rien ajouter.
Il manque également un point important dans la loi. Il est de plus en plus question de justice communautaire. De plus en plus, le gouvernement délègue des pouvoirs à la justice communautaire. Les programmes fonctionnent beaucoup plus aussi pour la justice communautaire.
Cependant, les organismes communautaires n'ont souvent pas les ressources financières suffisantes pour assumer leurs plus grandes responsabilités. De plus, les détenus ne sont pas informés de ces recours à leur disposition. Souvent, on libère des détenus d'office ou bien ils arrivent au terme de leur détention et ne savent plus trop quoi faire. Ils sont handicapés par un casier judiciaire. Souvent, leurs liens familiaux se sont brisés durant leur période d'incarcération. Souvent, ils ont peu d'éducation et ont des problèmes de toxicomanie ou autres. Donc, ces gens-là sont un peu démunis vis-à-vis de la société.
À mon humble point de vue, c'est ce qui explique un taux de récidive aussi élevé, en plus du fait que, durant leur période d'incarcération, ils peuvent avoir créé des liens avec d'autres criminels. Donc, on devrait mettre plus de ressources au niveau communautaire et informer les détenus que ces ressources existent.
• 1615
Quant aux commissaires aux libérations
conditionnelles, nous sommes un peu opposés
à l'idée qu'ils soient nommés pour des raisons
politiques. Les juges, habituellement, sont nommés
pour des raisons politiques, mais au moins on choisit
des personnes qui ont une formation juridique.
C'est un minimum. Dans la loi actuelle, il
n'y a aucun critère, à mon humble avis, qui encadre la
nomination des commissaires. Il faudrait
chercher à nommer des personnes compétentes, ayant une
certaine formation, si on veut que le système des
libérations conditionnelles s'améliore.
Il y a un deuxième problème concernant la nomination des commissaires. Les commissaires qui siègent en appel sont choisis parmi ceux du premier groupe, parmi les commissaires de première instance. Cela pose un grave problème quant à l'impartialité. Par exemple, Jean-François et moi pourrions avoir à juger une cause ensemble. Il est possible que deux ou trois semaines plus tard, j'aie à juger en appel une cause où Jean-François était juge de première instance, sans moi. À la limite, cela pose un problème grave quant à l'impartialité dont je pourrais faire preuve, et les détenus pourraient facilement critiquer le fait que l'indépendance entre les commissaires qui siègent en appel et ceux de première instance n'est pas assez grande. La loi devrait donc être modifiée pour qu'il y ait vraiment étanchéité entre les deux niveaux.
La troisième partie de la loi parle de l'enquêteur correctionnel. La juge Arbour, qui est présentement procureur au Tribunal pénal international, dans son rapport sur les événements survenus à Kingston en 1994, a mentionné l'importance de l'enquêteur correctionnel.
Actuellement, il existe une politique voulant que l'enquêteur correctionnel n'accepte que les plaintes soumises par écrit. Auparavant, les détenus pouvaient porter plainte par téléphone. Le problème que cela pose, entre autres à cause des coupures provinciales à l'aide juridique et dans les services des avocats, c'est que les détenus sont habituellement peu fortunés et peuvent difficilement... Il y a beaucoup de détenus qui sont analphabètes. C'est beaucoup plus difficile pour les détenus de porter plainte lorsqu'il faut le faire par écrit.
Donc, l'article 170 de la loi devrait permettre aux détenus de porter plainte non seulement par écrit, mais aussi verbalement. Ce n'est pas précisé dans la loi; tout ce qu'on dit, c'est que «l'enquêteur correctionnel peut instituer une enquête sur une plainte». On devrait ajouter «écrite ou verbale».
Je termine ma présentation en remerciant le comité de nous avoir invités.
Le président: Merci, monsieur Brousseau. Nous pouvons maintenant passer aux questions des députés.
[Traduction]
Nous commencerons par des rondes de questions de sept minutes et après la première ronde, il y aura alternance entre l'opposition et le parti ministériel. Monsieur Gouk.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Merci.
Vous nous avez donné beaucoup d'information et il sera difficile de décider par où commencer. Je vais d'abord formuler quelques commentaires, particulièrement à l'intention de Mme Beemans.
Vous avez notamment parlé d'un système de soutien et de réintégration progressif, du fait que les détenus ont été écartés de la société et des différences entre la vie en pénitencier et en société. Je dirais qu'il faut aller encore plus loin. Dans de trop nombreux cas, je crois, en prison, on n'impose pas aux détenus les mêmes responsabilités et les mêmes exigences pour gagner des droits et des privilèges qu'à ceux qui vivent dans la société. Il y a beaucoup de gens qui, du simple fait qu'ils sont en prison, vivent bien mieux que des gens qui travaillent fort, à l'extérieur, en suivant les règles de la société. Je comprends ce que vous nous dites, mais je pense qu'il faut aussi voir l'importance de ce que je dis.
Vous avez aussi affirmé que les déclarations des victimes qui sont fournies à la fin du processus devraient l'être au départ, et qu'il ne fallait pas les reporter à la fin. Je veux qu'il soit clair, et j'espère que vous pensiez de même, qu'on n'a pas le choix. C'est certainement au départ que la déclaration a le plus d'importance, mais je crois aussi qu'il est très important...
• 1620
Prenons un exemple. Clifford Olson a eu une audience au sujet
de son admissibilité à la libération conditionnelle et je pense
qu'il est très important que 15 ans après l'infraction, lorsque des
personnes qui considèrent la demande ne sont peut-être plus au
courant des sentiments et des horreurs vécues par les familles des
victimes, celles-ci aient encore le droit de s'exprimer. On
pourrait dire la même chose pour tous les témoins.
La troisième chose dont je voulais parler et que vous avez mentionnée, c'est l'idée de l'étiquetage des gens, en société. Je pense que vous avez raison, mais une partie du problème vient du fait que parfois, et il y a des cas de ce genre qui sont bien connus, on libère des détenus alors que les fonctionnaires déclarent qu'ils risquent de récidiver.
Il y a eu un cas de ce genre, récemment: un agresseur sexuel, dont l'affaire a fait beaucoup de bruit, a refusé toute thérapie. On lui a offert des traitements mais il a refusé. Il n'a pas obtenu de libération conditionnelle mais il a purgé toute sa peine. Il n'est donc pas en libération conditionnelle et il est libre comme l'air. Personnellement, je crois que si un délinquant est aussi dangereux, et que les autorités le croient bien capable de récidiver, et qu'il a refusé tout type de thérapie qui lui a été offert, il ne devrait pas sortir. Il faut protéger la société.
Peut-être qu'il ne récidivera pas et peut-être qu'on l'empêche d'agir. En toute franchise, je vous dis tant pis, la protection de la société est bien plus importante que les droits d'un détenu impénitent.
Si vous voulez faire un bref commentaire sur ce que j'ai dit, j'aimerais ensuite poser des questions.
Mme Marie Beemans: Tout d'abord, je songeais au contexte aussi pour la victime car ce que nous voulons lorsque nous réunissons la victime et le contrevenant, c'est que la victime ait la possibilité d'exprimer sa douleur mais au sein d'un système de soutien, parce qu'il existe du soutien et une préparation pour la victime et le contrevenant. Donc, au lieu d'un processus accusatoire, il s'agit d'un processus de guérison où vous tâchez de donner à la victime la possibilité d'exprimer à la personne ce qu'elle a vécu. Les perceptions changent en dix ans. On rouvre des blessures, et cela peut être très difficile. Mais je crois qu'il est possible au début du processus de permettre à la victime de tourner la page. C'est ce que je vise pour les victimes.
J'aimerais apporter une précision. Vous avez dit que M. Olson a eu une audience de libération conditionnelle. Ce n'est pas le cas.
M. Jim Gouk: Non, il a fait une demande de libération conditionnelle.
Mme Marie Beemans: Il a fait l'objet d'un examen judiciaire, ce qui est différent d'une audience de libération conditionnelle.
Je crois qu'il est nécessaire de conserver les examens judiciaires parce que cet examen judiciaire a permis à certaines victimes de constater par la suite qui il était. Je suis au courant des lettres empoisonnées qu'il a écrites et tout cela, mais elles ont vu qui il était. Il ne s'agissait toutefois pas d'une audience de libération conditionnelle.
M. Jim Gouk: Non, je m'en rends compte. Et au lieu de faire comparaître les victimes à un tel stade, je préférerais que ce privilège particulier pour des gens comme M. Olson leur soit retiré.
Mme Marie Beemans: Nous avons un M. Olson mais nous avons beaucoup d'autres gens que nous tâchons de réinsérer dans la société. Malheureusement, nous avons un Olson mais il n'est pas le seul détenu; il y en a beaucoup d'autres.
Quant à l'étiquetage, et aux détenus qui sortent à la date d'expiration de leur peine, effectivement c'est un problème. Nous sommes préoccupés par la situation des détenus qui sortent à la date d'expiration de leur peine. À Toronto, l'un des membres du Conseil des Églises a formé des cercles de soutien à l'aide de bénévoles, parce que la participation du Service correctionnel du Canada cesse après la fin du mandat. Donc il a formé des bénévoles avec l'aide d'un spécialiste. Toutes ces personnes travaillent de façon bénévole et entourent le contrevenant pour qu'il se sente appuyé jusqu'à un certain point chaque fois qu'il sort.
Ce n'est pas la même chose que d'afficher son nom partout, parce que le grand danger lorsqu'on affiche leurs noms et qu'on les publie dans les journaux, c'est que ces personnes entrent dans la clandestinité. Je pense que la loi a été modifiée pour permettre une surveillance à long terme.
M. Jim Gouk: J'aimerais revenir à la liste des énoncés, monsieur Cusson.
Vous avez proposé, au numéro 6 de votre liste, qu'il faut que «les interventions et les décisions soient appuyées par des considérations cliniques et qu'elles ne soient pas le reflet de pressions politiques ou médiatiques». Est-ce que vous incluez là- dedans les pressions du public? Voulez-vous dire qu'en ce qui concerne les interventions et les décisions de libération conditionnelle et ainsi de suite, le public ne devrait pas avoir son mot à dire, qu'il ne faudrait pas tenir compte d'une certaine attitude sociétale? Ou faites-vous allusion particulièrement aux médias et à des gens comme nous?
M. Jean-François Cusson: Sur ce point, je veux d'abord préciser qu'on ne vise pas à empêcher le public de s'exprimer. On sait qu'il y a des considérations, sur le plan criminel, qui concernent la population. On est des organismes communautaires vivant au sein de la communauté. On est très mal placés pour empêcher les membres de cette même communauté de s'exprimer.
Nos préoccupations portent davantage sur l'utilisation de l'information qui est souvent faite par les médias. On sait très bien que ce sont toujours les cas qui ne fonctionnent pas qui se retrouvent dans les journaux, comme les récidives spectaculaires. Souvent, l'opinion publique se fonde sur ces témoignages. Dans le fond, cette réaction est tout à fait normale puisque ce qu'on connaît, c'est vraiment ce qui ne fonctionne pas.
On peut rappeler brièvement l'affaire Bolduc, qu'on connaît tous et qui date d'il y a quelques années. Ce fut un événement fort regrettable après lequel presque personne ne pouvait obtenir une libération conditionnelle, même les personnes qui avaient un très bon dossier et avaient effectué un cheminement très positif. On s'est rendu compte que, pour ces individus, cela devenait de plus en plus difficile. On s'en est également rendu compte dans les maisons de transition, où on avait énormément de difficulté à avoir un nombre suffisant de résidants. Certaines maisons, à certains moments, ont connu énormément de difficultés financières à cause de cela.
Donc, on croit qu'il faut travailler beaucoup à la sensibilisation de la population. On ne dit pas que cette sensibilisation doit être faite uniquement par les instances gouvernementales ou divers services comme le Service correctionnel ou le Solliciteur général. Tout le monde doit travailler dans ce sens parce que tout le monde poursuit les mêmes objectifs, soit protéger la société et assurer un milieu sain pour tous.
C'est pourquoi il faut faire attention aux effets sur l'opinion publique. Certaines recherches démontrent que, parfois, la société peut être a priori très répressive sur certains points. On remarque, par contre, que lorsqu'elle est renseignée sur les faits, par exemple sur la façon dont fonctionnent les libérations conditionnelles, lorsqu'on lui explique le processus, elle devient tout à coup moins répressive et se montre prête à ce qu'on utilise des solutions de rechange ou davantage de ressources communautaires.
[Traduction]
M. Jim Gouk: Monsieur le président, puis-je interrompre un moment? Je sais que mon temps est écoulé de toute façon, mais pourrions-nous peut-être préciser qu'étant donné que nous n'avons que sept minutes et que les témoins ont déjà présenté leur exposé, nous ne voulons pas de réponses qui frisent les sept minutes. Autrement, nous n'arriverons jamais à poser nos questions.
[Français]
Le président: Oui, c'est compris. Pourrait-on comprimer quelque peu les réponses?
M. Jean-François Cusson: Il n'y a pas de problème. J'avais terminé.
Le président: Monsieur Marceau, cinq minutes, s'il vous plaît.
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Je voudrais d'abord vous remercier, tous les trois, d'être venus aujourd'hui. J'ai pris plusieurs notes. Malheureusement, je n'ai que sept minutes pour des mémoires qui en demanderaient chacun davantage. Monsieur Cusson, comme vous avez été le premier à passer au bâton, je vais vous lancer les premières balles.
Dans ce genre de débat, j'ai habituellement tendance à être du côté de la réhabilitation et non de la coercition ou de la répression. Cela étant dit, vous savez aussi bien que moi que la société n'est pas toujours de notre avis, et souvent, au comité et à l'extérieur, nous avons le fardeau de la preuve en quelque sorte.
Comme vous le disiez tout à l'heure, les médias ont tendance à publier les trucs qui n'ont pas fonctionné. Malheureusement, c'est ainsi. C'est aussi comme cela en politique, je puis vous le dire. J'espérais, à la lecture de votre mémoire, trouver certains arguments à l'appui de votre point 1, où vous dites qu'il ne faut pas rendre le système plus coercitif. Cependant, je n'en trouve pas.
M. Jean-François Cusson: Pour ce qui est des arguments, lorsqu'on fait le tour de tout ce qui se fait au niveau clinique, les intervenants n'arrêtent pas de nous dire... Je pense que Mme Beemans en est un bon exemple car elle accueille chez elle des détenus qui sortent très tardivement. Le point principal, le point le plus important, c'est que plus on rend le système répressif, plus la réinsertion est difficile et coûteuse par la suite. De ce strict point de vue, je pense que nous sommes amenés à réfléchir.
• 1630
On connaît les coûts rattachés à l'incarcération,
ainsi que ceux du processus judiciaire,
pénal, correctionnel et tout ce qui s'ensuit. Donc, un
des arguments serait vraiment que, si la personne n'est
pas prise en charge rapidement, si on n'essaie pas de
travailler avec elle le plus tôt possible, le problème
sera simplement remis à plus tard et, à ce moment-là,
on devra recommencer à zéro.
M. Richard Marceau: Voici une deuxième question déjà abordée par mon ami Jim Gouk. Votre point 6), à la page 4, se lit comme suit:
-
Il faut que les interventions et les décisions soient
appuyées par des considérations cliniques et qu'elles
ne soient pas le reflet de pressions politiques ou
médiatiques.
On ne vit pas en vase clos. Il y a une société dont il faut tenir compte. Il faut répondre, bien sûr, aux besoins des détenus, aux besoins des gens qui sont incarcérés, mais il faut aussi garder en tête qu'on doit s'adapter à ce que la société veut. Qu'est-ce que vous voulez dire par «pas le reflet de pressions politiques»?
M. Jean-François Cusson: Je vais reprendre rapidement l'exemple que je donnais tout à l'heure. Peut-être que les mots «pressions politiques» sont mal choisis, j'en conviens. Souvent, les intervenants ont l'impression que les diagnostics posés ou le travail accompli ne sont pas suffisamment pris en considération.
J'ai parlé des tests d'urine, qui sont un exemple flagrant qui peut permettre de comprendre. Dans une maison de transition, un détenu est suivi. Un test d'urine se révèle positif. On a déjà pu observer comment le délinquant cheminait dans la société et qu'il allait bien. Bon, il a fait un petit accroc. On connaissait son problème de toxicomanie. On a la preuve qu'il a eu une rechute. Que doit-on faire? Travailler sur le problème ou simplement décider, parce qu'on a peur de se faire taper sur les doigts en cas de récidive spectaculaire...
Un tel cas est peu probable étant donné que les intervenants ont déjà fait une évaluation qui les a amenés à conclure que cette personne constituait un risque assumable par la communauté. Donc, on serait prêts à mettre en oeuvre un plan d'encadrement différent et à le suivre. Or, souvent, dès qu'un test d'urine est positif, on renvoie le prisonnier au pénitencier, ce qui ne règle pas le problème.
C'est en ce sens qu'au point 6, on dit avoir l'impression que l'intervention que recommanderait une stratégie clinique n'est pas respectée pour des considérations autres.
M. Richard Marceau: D'accord.
Nous, politiciens, nous nous faisons souvent dire à différents endroits que nous avons tort. Je vous soumettrais humblement que votre proposition 19) n'a pas de bon sens:
-
À moins que le détenu y consente, il ne devrait pas y
avoir d'observateurs ni de victimes lors
des audiences devant la Commission nationale des libérations
conditionnelles.
Les victimes se sentent exclues. On a eu un colloque de deux jours ici. Le Comité permanent de la justice a adopté un rapport là-dessus. Nous n'étions pas d'accord sur plusieurs points, mais pas sur celui-là. Les victimes se sentant déjà tellement exclues du processus judiciaire, le moins qu'on puisse faire est de leur donner une voix quelque part, et cette voix devrait être entendue non seulement devant le tribunal, mais aussi devant la Commission nationale des libérations conditionnelles.
J'ai lu avec intérêt les pages 15 et 16 et, je m'en excuse, elles ne m'ont pas du tout convaincu qu'on ne devait pas autoriser la présence des victimes là.
M. Jean-François Cusson: Il est important de préciser que les victimes doivent être entendues; d'autres intervenants l'ont dit. Il est important également qu'elles puissent le faire dès le début du processus.
La raison pour laquelle nos membres ont de la difficulté à accepter leur présence à ces audiences, c'est que le cheminement depuis le début de l'incarcération est un fait nouveau. Ce sont des faits nouveaux qui n'ont rien à voir avec... Non, je dirais plutôt qu'ils ont à voir parce qu'ils sont en continuité avec ce qui s'est produit.
Ce qu'on veut surtout éviter, c'est, comme cela arrive souvent actuellement, de mettre en opposition les victimes et les délinquants. Les audiences en sont un bel exemple. On préférerait qu'on travaille avec les victimes de façon différente.
• 1635
On sait que les victimes ont énormément de besoins et,
dans le moment, le système ne réussit pas encore à les
combler tous. Mais est-ce que cela doit se faire dans
un cadre conflictuel? On en doute. Pour
nous, il est important d'ajouter des services. Il est
extrêmement important que les victimes puissent
recevoir des services psychologiques. On en donne
beaucoup aux détenus, mais il est important que les
victimes en aient également.
Il ne faudrait pas croire que les problèmes des victimes vont tous être réglés par leur présence aux audiences. Il faut les prendre en charge avant et leur permettre d'expliquer leur situation à d'autres instances pour arriver à s'en libérer.
Par ailleurs, on sait par des observations cliniques que certains détenus ont énormément de difficulté à avoir un échange constructif quand ils se sentent observés par plusieurs personnes autour d'eux.
M. Richard Marceau: Mon temps est-il expiré?
Le président: Oui. Il y aura un deuxième tour de questions.
[Traduction]
Monsieur Wappel, sept minutes.
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Je tiens à vous remercier, messieurs, de comparaître devant nous aujourd'hui. Mes questions seront relativement courtes et directes et j'apprécierais vraiment que vos réponses le soient aussi.
J'aimerais commencer par M. Brousseau. L'Office des droits des détenus a comparu devant le comité qui étudiait ce projet de loi en 1992, et dont M. Jean-Claude Bernheim était le président. Est-ce le même office que vous représentez, monsieur Brousseau?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Oui.
[Traduction]
M. Tom Wappel: À l'époque, un membre du comité a demandé à M. Bernheim: «À votre avis, devrait-il y avoir des prisons?» et M. Bernheim avait répondu que l'Office était partisan de les abolir. Est-ce toujours la position de l'Office?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Oui, en général.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Vous avez parlé d'un niveau minimum de formation pour les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Quel type de formation?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Pour les commissaires?
[Traduction]
M. Tom Wappel: Oui.
[Français]
M. Sébastien Brousseau: On peut penser, par exemple, à une formation criminologique, pour savoir quels sont les facteurs de récidive, comment fonctionnent les programmes de thérapie, etc. On peut aussi penser à une formation juridique, pour savoir quelles sont les preuves pertinentes dans le domaine des libérations conditionnelles, quelles sont les preuves admissibles, comment appliquer les règles de stare decisis.
Disons que lorsqu'on parle de libérations conditionnelles, les critères dans la loi sont définis dans l'article 102. En gros, c'est le critère du risque assumable. Le risque assumable est un critère assez large et difficile à cerner. Donc, personnellement, je crois que ces gens devraient avoir une formation, soit en psychologie, soit en criminologie, pour pouvoir assumer le fardeau du rôle de commissaire. En effet, il est très difficile de discerner si la personne qui est devant vous...
[Traduction]
M. Tom Wappel: Donc, vous n'envisagez pas que des gens qui ne font pas partie du système puissent jouer un rôle au sein de la Commission des libérations conditionnelles?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Je ne comprends pas votre question.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Vous dites qu'elles devraient avoir une formation juridique et qu'elles devraient avoir une certaine formation au sein du système carcéral. Autrement dit, vous n'envisagez pas, par exemple, qu'un membre de la collectivité comme un agent d'assurance, un ancien maire ou une ménagère puisse y jouer un rôle?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Personnellement, non, parce que les commissaires ont un peu le rôle d'un juge, d'un tribunal quasi judiciaire. Donc, la libération d'un détenu n'est pas, selon moi, un rôle qui doit être assumé par la communauté. C'est une question juridique, une question criminologique, une question...
[Traduction]
M. Tom Wappel: Mais d'après ce que je crois comprendre, la loi veut qu'il y ait un échantillon de la population qui permette de représenter la société au moment d'examiner les demandes de libération conditionnelle. Si mon interprétation de la loi est correcte, dois-je en déduire que votre office n'approuve pas le principe fondamental de la loi?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Prenons l'exemple du juge Lamer, juge en chef de la Cour suprême, qui donnait une entrevue sur les ondes de CBC, au lendemain du renvoi sur le droit de sécession du Québec, l'an dernier.
• 1640
À la question qu'on lui posait, «est-ce que les juges
doivent tenir compte de l'opinion publique dans
l'exercice de leurs fonctions?», le juge Lamer a répondu
qu'il n'en était rien, que les juges étaient là pour
interpréter et appliquer la loi. Selon moi,
il en va de même pour un commissaire des libérations
conditionnelles.
Par contre, le juge Lamer faisait très sagement remarquer que les juges ne sont pas déconnectés de la réalité; ils lisent les journaux; ils vivent en société; ils voient ce qu'ils sont et sont influençables. Cependant, leur rôle est d'appliquer la loi. Donc, lorsqu'il faut interpréter un critère de risque assumable contenu dans la loi, un critère juridique contenu dans l'article 102, cela devrait être fait par des gens formés sur les plans juridique, criminologique ou psychologique.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Si nous passons maintenant à l'enquêteur correctionnel, vous avez dit que l'enquêteur correctionnel accepte les plaintes uniquement par écrit. Cela est-il prévu par la loi ou s'agit-il d'une décision administrative de l'enquêteur en question?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: À ce que je sache, c'est une décision administrative.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Estimez-vous que c'est une lourde responsabilité, le fait de demander à un détenu d'écrire une lettre de plainte?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Le rôle de l'enquêteur correctionnel est tellement important—il vise à prévenir les abus et doit s'assurer que la loi est appliquée—qu'un détenu devrait pouvoir, à mon humble avis, tout simplement téléphoner pour porter plainte, comme cela existait il y a trois, quatre ou cinq ans. Pour moi, c'est la moindre des choses.
Dans la société en général, si vous n'êtes pas satisfait du gouvernement, vous pouvez appeler au Parlement, appeler votre député, appeler à Radio-Canada et ainsi de suite. Le problème des détenus, c'est qu'ils doivent appeler à frais virés à cause des téléphones. C'est difficile pour eux de communiquer avec une personne de l'extérieur. Si, en plus, on leur impose d'écrire... Pour des gens qui ne sont pas très scolarisés, c'est une barrière de plus quant aux droits minimaux que leur reconnaît la loi.
Donc, pour nous, étant donné que c'est un rôle très important et qu'ils ont de la difficulté à avoir accès aux services juridiques, ils devraient pouvoir le faire à tout le moins oralement par téléphone, et cela devrait être inscrit dans la loi.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Il me reste moins d'une minute donc ce seront des questions auxquelles il faudra répondre par oui ou par non.
Votre comité a-t-il participé aux consultations tenues par le solliciteur général?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Je n'en ai pas d'idée. Oui? On me dit que oui.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Avez-vous reçu un exemplaire du rapport?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Moi, non.
[Traduction]
M. Tom Wappel: D'accord, c'est tout pour ce tour. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Wappel.
Monsieur Gouk, vous avez un deuxième tour de trois minutes, je vous prie.
M. Jim Gouk: Je vous remercie.
Je commencerai par M. Cusson. J'ai quelques questions.
Dans votre recommandation 13, vous dites que pour assurer une réinsertion efficace de tous les détenus, il faut s'assurer qu'ils profitent le plus rapidement d'un élargissement graduel. Voulez- vous dire au début de la peine, que si quelqu'un a reçu une peine d'emprisonnement de 10 ans par exemple nous devrions commencer au début de cette période de 10 ans?
[Français]
M. Jean-François Cusson: À propos de la libération graduelle, en principe, actuellement, tout est en place pour que cela fonctionne. On sait qu'il y a certains problèmes concrets et que, de plus en plus, les détenus sortent de plus en plus tard alors qu'ils devraient pouvoir sortir plus rapidement. Donc, lorsqu'on parle de libération graduelle, on aimerait qu'à peu près tout le monde passe par des permissions de sortir, que certains soient placés à l'extérieur, etc., afin qu'au moment de la libération d'office ou au terme du mandat, il ne se trouve personne qui ne soit jamais sorti.
[Traduction]
M. Jim Gouk: Même dans le cas de libération conditionnelle régulière, on parle de sortie après qu'un tiers de la peine a été purgé. Je pense que bien des gens de la société seraient horrifiés d'apprendre qu'une personne condamnée à 10 ans d'emprisonnement sort, même sur une base temporaire, en moins de trois ans. Nous avons déjà entendu des témoignages à cet égard.
• 1645
En ce qui concerne la recommandation numéro 17, vous parlez
des tests d'urine, si le principal problème de quelqu'un... Peut-
être ont-ils été condamnés pour vols qualifiés, mais que leur
principal problème c'est la toxicomanie, que ce soit en prison ou
pendant la libération conditionnelle ou une situation particulière.
Comment pouvez-vous piéger quelqu'un en lui administrant des tests?
Les résultats ne peuvent être que positifs ou négatifs. Vous ne
pouvez leur faire ingérer de l'alcool ou des stupéfiants puis leur
administrer des tests. Si une condition de leur libération
conditionnelle ou de leur situation particulière en prison est
qu'ils ne consomment pas, comment allez-vous les piéger en
vérifiant s'ils répondent aux exigences?
[Français]
M. Jean-François Cusson: Il faut faire attention lorsqu'on parle de piège. Cela concerne davantage la réaction aux tests d'urine et leur utilisation. Quelqu'un dont le test est positif ne représente pas nécessairement un danger accru. Tout dépend de la nature de son problème. Pour certains, ce sera oui, pour d'autres, non. C'est là qu'il faut s'ajuster.
Il arrive qu'un détenu, avant même de subir le test, reconnaisse avoir consommé. À partir de là, l'intervenant décide de procéder à un test d'urine qui confirme qu'il y a eu consommation. Si on décide de réagir immédiatement de façon répressive et à chaque fois, plus personne ne voudra parler de ses rechutes. On essaiera de les cacher le plus longtemps possible. On ne fera plus confiance si on décide d'appliquer tout le temps une répression accrue.
C'est donc par rapport à l'utilisation qui en est faite. On devrait les utiliser comme des outils cliniques qui permettraient de poursuivre l'intervention. Et si jamais on décide que les détenus représentent un risque accru à cause de leur consommation, eh bien alors, parfait.
Le président: Merci.
Monsieur Saada, vous avez trois minutes.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Si vous me le permettez, monsieur Brousseau, et je vous dis cela en toute amitié, je me pensais un député de centre gauche, mais quand vous me parlez d'abolition des prisons, j'ai l'impression d'être un député d'extrême droite.
J'apporterai d'abord deux petites corrections et je vous poserai une question. D'abord, sur le plan des nominations politiques, j'aimerais seulement apporter une correction concernant le processus parce qu'il y a peut-être des mythes voulant que, de ce côté-ci aussi, il faut détruire. Il y a un processus en place, qui fonctionne selon des critères très précis; un comité de sélection de gens très compétents est mis sur pied et ce n'est qu'une fois ce processus terminé que les candidatures éventuelles, celles qui sont retenues, sont soumises au solliciteur général. Celui-ci recommande au gouverneur en conseil la décision sur les choix à faire.
Il y a toujours des choses qui sont améliorables dans n'importe quel système, mais je ne voudrais pas qu'on conserve l'idée que c'est un système purement politique. Il y a un système hautement professionnel en place, hautement professionnel.
Je suis tout à fait d'accord avec vous tous.
[Traduction]
Nous ne devons pas confondre la sécurité du public et l'apparence de la sécurité du public. D'un côté, nous rendons service à la collectivité. De l'autre, nous prétendons servir la collectivité mais c'est faire preuve de courte vue.
[Français]
Voici une petite remarque à l'intention de mon collègue M. Gouk.
[Traduction]
Je sais que chaque fois que nous avons un problème avec ces questions de libération conditionnelle et ainsi de suite, il est tentant de mentionner l'affaire Olson. J'aimerais vous rappeler humblement que, tout d'abord, cet aspect a été traité par nos lois qui ont été modifiées en conséquence. Deuxièmement, nous avons environ une douzaine de cas de ce genre au pays. Nous avons plus de 14 000 détenus. Je ne crois pas que nous devrions adopter des lois en fonction d'une si petite minorité dont nos lois actuelles s'occupent d'ailleurs déjà.
[Français]
Il y a deux problèmes qui me paraissent importants, et j'aimerais que vous me donniez votre avis là-dessus. Le premier, c'est que vous parliez de la procédure d'examen expéditif et que dans deux mémoires au moins—je m'excuse de ne pas avoir eu le temps de les lire en détail—, vous maintenez qu'il faudrait la maintenir. Que faites-vous de la question du crime organisé et des criminels associés ou affiliés au crime organisé?
La seconde chose porte sur la santé. Je crois que M. Brousseau y a fait allusion. Certains intervenants semblent nous dire qu'il y a de plus en plus de cas psychiatriques qui sont traités à l'intérieur même du Service correctionnel, par opposition aux détenus qui sont traités dans des institutions psychiatriques spécialisées. J'aimerais entendre votre point de vue sur ces deux points-là.
Mme Marie Beemans: Pourrais-je répondre à la question sur les soins psychiatriques puisque je suis membre du conseil d'administration de l'Institut Philippe-Pinel?
M. Jacques Saada: D'accord.
Mme Marie Beemans: L'Institut Philippe-Pinel est un institut psychiatrique qui traite des gens qui ont un problème de dangerosité. Les patients arrivent rarement du pénitencier; la majorité arrivent plutôt directement de la cour ou de certains hôpitaux qui ne peuvent pas s'en charger.
Depuis un certain temps, on a ouvert des unités de santé mentale dans les pénitenciers un peu partout au Canada. Certains de leurs programmes s'avèrent très efficaces pour des gens qui ont des problèmes de fonctionnement. Ils ne possèdent toutefois pas l'expertise nécessaire pour traiter les cas psychiatriques graves. Lorsqu'ils s'aperçoivent juste avant la fin de la sentence ou à la toute fin qu'ils n'ont pas réussi à bien traiter un cas, on l'envoie à l'Institut Philippe-Pinel.
L'Institut Philippe-Pinel est une Cadillac, un institut très spécialisé dont l'expertise est reconnue mondialement et qui traite les cas graves. Lorsqu'on nous envoie la personne à la fin de sa sentence, nous n'avons ni le temps ni la marge de manoeuvre de lui offrir un programme bien adapté à ses besoins. Les cas psychiatriques graves devraient être traités dans un institut spécialisé.
Je concède, bien sûr, qu'il y a place pour des unités de santé mentale dans le milieu pénal pour des cas moins graves ou des urgences. Ces unités puisent parfois leur personnel parmi les gardiens, qui n'ont pas nécessairement reçu une formation adéquate. On adopte une approche bien différente dans ce milieu.
J'ai déjà parlé avec des délinquants sexuels qui ont participé à des programmes très behavioristes. Beaucoup d'entre eux ont avoué avoir joué le jeu. Par contre, certains d'entre eux qui sont allés à l'Institut Philippe-Pinel m'ont dit qu'ils étaient allés jusqu'au fond des choses, qu'ils avaient pleuré pour la première fois de leur vie. Ce n'était pas un programme pas de deux ou trois heures par jour, mais un programme de 24 heures par jour pendant un an.
Je crois qu'en créant ces unités, on a voulu réaliser des économies. Mais il faut parfois avoir recours aux centres spécialisés dans la communauté.
Le président: Merci, madame Beemans.
Monsieur Marceau.
M. Jacques Saada: Mais je n'ai pas eu réponse à toutes mes questions, monsieur le président.
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
Monsieur Cusson, une affirmation qui figure au point 8 à la page 5 de votre mémoire m'a surpris à première vue. Vous disiez:
-
On doit dorénavant viser la protection à long terme de
la communauté...
Il est évident que la première question qui me vient à l'esprit est: Que dire de la protection à court terme? Est-ce que dans ma rue, dans mon quartier ou au centre commercial, je suis en sécurité? Pourquoi avez-vous parlé de long terme et non pas de court terme?
M. Jean-François Cusson: Le court terme est également important. La raison pour laquelle on a évoqué ici la notion de long terme, c'est que dans la pratique, on se rend souvent compte qu'il faut peut-être viser la neutralisation sans trop se préoccuper de ce qui pourra survenir dans 10 ou 15 ans.
M. Richard Marceau: La neutralisation?
M. Jean-François Cusson: C'est-à-dire mettre les délinquants dans les pénitenciers et ne s'occuper d'eux qu'au moment de leur sortie d'une autre manière. Mais en attendant, on les met là et on attend. La notion de court terme est très importante. On doit vivre en toute sécurité dans une société; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les pénitenciers existent. Par contre, on se rend compte trop souvent que l'accent est mis sur le court terme. On entrepose les gens et on essaie de les faire passer par certains programmes, lesquels sont bons à l'occasion, mais aussi parfois mauvais. C'est simplement cela.
M. Richard Marceau: Mais pourquoi doivent-ils nécessairement, si je puis dire, être antagonistes? Pourquoi le court terme va-t-il nécessairement contre le long terme?
M. Jean-François Cusson: Non, pas nécessairement.
M. Richard Marceau: C'est pourtant ce que vous laissez entendre lorsque vous dites qu'on doit viser le long terme.
M. Jean-François Cusson: Il est important que la loi indique qu'on se préoccupe de la sécurité à long terme. Au niveau de la sécurité à court terme, il y a différentes façons de procéder. Bien qu'on parle de neutralisation, il faut aller au-delà. Il faut offrir des programmes de libération graduelle aux détenus et leur permettre d'y participer le plus rapidement possible.
M. Richard Marceau: La philosophie qui se dégage de votre mémoire semble appuyer les études cas par cas ou l'approche clinique. Est-ce exact?
M. Jean-François Cusson: Oui.
M. Richard Marceau: Selon vous, on ne devrait pas faire de dichotomie entre les crimes violents et non violents, mais plutôt se pencher sur le cas de chaque personne. Je ne me trompe pas quand je dis cela.
M. Jean-François Cusson: C'est cela.
M. Richard Marceau: Au point 12 de votre mémoire, vous dites:
-
La CNLC devrait revenir à son ancienne pratique où elle
examinait automatiquement tous les cas de semi-liberté.
Cette affirmation semble aller complètement à l'encontre de votre philosophie. Pourquoi proposez-vous qu'on examine désormais les cas cliniques qui fonctionnaient bien dans certains cas au lieu de les étudier cas par cas?
M. Jean-François Cusson: Nous aimerions que la commission revienne à son ancienne pratique parce qu'il arrive souvent que des détenus—c'est notamment le cas de certains détenus qui souffrent de maladie mentale—ne comprennent pas vraiment comment le système fonctionne, qu'ils sont un peu victimes des circonstances et qu'ils ne profitent pas vraiment de tout ce à quoi ils ont droit.
Auparavant, la commission étudiait le cas de toute personne admissible. Elle pouvait refuser ou accepter d'accorder la semi-liberté. Le détenu avait même le droit de la refuser. Cette recommandation vise à protéger ces personnes et à s'assurer qu'elles pourront avoir accès à ce programme.
M. Richard Marceau: Ne serait-il pas préférable que ce soit une personne à l'intérieur qui assure le suivi du suivi du détenu, qui l'aide pendant sa période de détention et qui lui dise: «Écoute, mon chum, tu as la possibilité de faire réviser ton cas», au lieu que la commission entreprenne automatiquement l'étude de son cas?
M. Jean-François Cusson: Non, pas nécessairement. Pour que le détenu puisse comparaître devant la commission qui étudiera la possibilité qu'il puisse obtenir une libération graduelle, l'équipe de gestion de cas qui entoure le détenu doit donner son accord. Si l'équipe n'est pas d'accord, le détenu ne pourra jamais présenter son projet de sortie à la commission. Il revient à la commission de décider, et non à l'équipe d'intervention, si le projet de sortie est réaliste.
Les intervenants peuvent appuyer ou non un projet de sortie, mais il ne devrait pas leur appartenir de décider si le détenu pourra comparaître devant la commission ou non. C'est la commission qui détient ce rôle et il faut lui permettre de l'exercer.
M. Richard Marceau: D'accord.
[Traduction]
Le président: Monsieur Wappel, pour un tour de trois minutes.
M. Tom Wappel: Je cède mon tour à tous ceux qui veulent poser des questions.
Le président: Monsieur Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Non, je n'ai pas vraiment de questions à poser. Je tiens simplement à faire une observation.
M. Tom Wappel: Allez-y.
M. Ivan Grose: Très bien et j'adresserai mes premières observations à M. Brousseau.
Votre idée d'éliminer les prisons est bien entendu tellement farfelue qu'il ne vaut même pas la peine d'en parler. Ce qui me préoccupe, c'est la composition de la Commission des libérations conditionnelles que vous proposez. D'après ce que vous proposez, il s'agirait en fait des mêmes gens qui ont condamné le détenu en premier lieu. Il se trouve par conséquent condamné une nouvelle fois. Je veux qu'un groupe de gens qui ne font pas partie du système judiciaire examinent son cas et disent que ce qu'il a fait est ignoble, lui demandent ce qu'il a fait au cours des 15 dernières années ou quelle que soit sa peine d'emprisonnement, et décident s'ils estiment qu'il est prêt à réintégrer leur collectivité.
J'aimerais vous lire quelques extraits des recommandations formulées par l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. La raison pour laquelle je m'en prends à vous c'est que je préfère utiliser une carabine plutôt qu'un fusil de chasse, bien que dans ce cas-ci ce ne soit pas une très bonne analogie. Quoi qu'il en soit, l'Association dit ce qui suit:
-
1. Il ne faut pas rendre le système plus coercitif.
-
3. La communauté demeure le meilleur endroit pour la réinsertion,
il faut donc prioriser le développement de programmes qui seront
suivis à l'extérieur des établissements pénitenciers.
-
5. La pratique de catégoriser les délits selon leur caractère
violent ou non violent doit cesser. Elle ne tient aucunement compte
des considérations cliniques. Il est primordial que l'intervention
soit individualisée en fonction des besoins et de la dynamique de
chacun des délinquants.
-
7. Il faut enlever aux juges le pouvoir d'étendre la période
d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.
Tout gouvernement qui mettrait en oeuvre ces recommandations—même si je suis peut-être d'accord avec ce qu'elles proposent—ne serait plus au pouvoir après les prochaines élections. Vous avez mis la charrue tellement loin avant les boeufs qu'on ne la voit même plus. Le grand public ne comprend pas le système de justice pénale que nous avons à l'heure actuelle; nous n'imposons pas des peines suffisamment longues; nous laissons les gens sortir trop tôt. Je sais que les faits réfutent ce genre de déclaration, mais la population ne le sait pas. C'est un exemple, et c'est tout ce que je vais dire.
En ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants, les policiers ne la comprennent pas et ne l'ont pas lue. Certains juges ne la comprennent pas et ne l'ont pas lue. Lorsque des gens me téléphonent pour critiquer la Loi sur les jeunes contrevenants, je leur propose un marché. Je leur dis que je leur enverrai un exemplaire de la loi, qu'il le veuille ou non. Certains disent qu'ils n'en veulent pas parce qu'ils ne veulent pas être embrouillés par les faits. Une fois qu'ils l'ont lue, ils pourront me rappeler—et lorsqu'ils le feront, ils ont intérêt à l'avoir lue car je vais leur poser des questions. Je leur ferai passer un examen pour m'assurer qu'ils l'ont lue. Mais il est très rare qu'ils me rappellent. Ceux qui m'appellent disent que la loi ne correspond absolument pas à l'interprétation qu'ils s'en faisaient puisqu'ils ont obtenu cette interprétation des médias, qui se trompent toujours bien entendu. Donc je dois corriger ces gens.
• 1700
Ce n'est qu'une petite partie du système judiciaire. Nous
devons expliquer à la population en quoi consiste le système
judiciaire actuel, bien le leur faire comprendre et leur expliquer
ce que nous aimerions faire. Mais ce qui est proposé ici ne
marchera pas.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Y a-t-il des témoins qui souhaitent commenter sur le sort de M. Grose?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Si vous me le permettez, j'aimerais répondre.
L'opinion que j'ai exprimée au sujet de l'abolition des prisons est celle de l'organisme que je représente, et non pas nécessairement la mienne. Je crois que si demain matin on fermait les portes de la moitié des pénitenciers au Canada, vous ne verriez même pas de différence. Il n'y aurait pas de différence au niveau de votre sécurité. Est-ce que quelqu'un ici se sent en danger? Je ne le crois pas.
[Traduction]
Une voix: Moi oui.
M. Tom Wappel: S'ils fermaient les prisons, je me sentirais en danger.
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Monsieur Wappel, j'ai été incarcéré dans un pénitencier en 1991 pour homicide involontaire. Je suis aujourd'hui devant vous et je ne suis pas plus dangereux aujourd'hui, et je n'étais pas moins dangereux alors. Il arrive que des gens qui ont commis une erreur ne récidivent pas et se réhabilitent.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Absolument.
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Comme le soulevait M. Saada, il y a gens qui souffrent de problèmes de santé mentale dans les prisons et, à mon avis, il y en a beaucoup trop. Ces gens-là devraient être dans les hôpitaux. À la limite, je suis d'accord qu'on emprisonne les gens qu'on doit punir et qui ont récidivé, mais il y a des gens qui n'ont pas nécessairement besoin de cette punition et pour qui l'emprisonnement n'est pas la bonne solution. Il faut donc avoir d'autres solutions.
Monsieur Saada, vous avez parlé de nominations politiques. La semaine dernière, je dînais avec M. Yves Léveillée, un criminologue et ancien directeur de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Lorsque je lui ai demandé d'identifier les problèmes qui existent au niveau de la justice pénale, il m'a d'abord répondu qu'on devait fermer les prisons et les pénitenciers. M. Léveillée avait démissionné de son poste au palier fédéral où, selon lui, il y avait trop de nominations politiques et où on manquait de compétences. Il travaille actuellement au palier provincial, où il croit pouvoir apporter une meilleure contribution.
M. Saada a demandé si les gens qui font partie du crime organisé devaient profiter des procédures expéditives. Je vous dirai d'abord que faire partie du crime organisé représente déjà un facteur aggravant au niveau des sentences. Ces gens-là doivent donc normalement servir des sentences plus élevées. Deuxièmement, le Code criminel renferme des dispositions précises qui permettent à un juge de donner une peine d'incarcération minimale. Par exemple, il peut condamner une personne à purger une peine de cinq ans et préciser qu'elle n'aura aucune possibilité de libération conditionnelle avant deux ans d'emprisonnement. Certaines dispositions visent donc le crime organisé.
Dans cette procédure d'examen expéditif, il existe une dichotomie entre les crimes violents et non violents. Comme on le mentionnait plus tôt, l'opinion publique fait une distinction au niveau de la gravité du crime. On invoque comme critère le risque assumable. En tant que citoyen, et non en tant qu'expert dans ce domaine, je crois qu'un crime non violent est un risque beaucoup plus facile à accepter. La personne qui a commis un crime non violent devrait pouvoir bénéficier beaucoup plus facilement d'une remise en liberté. C'est la position que j'adopte face aux procédures expéditives.
Le président: Oui, monsieur Saada.
M. Jacques Saada: J'aimerais simplement faire deux petites mises au point très rapides. Bien que je ne veuille pas entrer dans les moindres détails, je crois qu'il est important de souligner le fait que les méthodes de nomination ont changé il y a quelques années.
Deuxièmement, il y a une question que vous n'avez pas abordée, et j'aurais souhaité qu'on ait plus de temps pour en parler. Nous pourrons peut-être le faire une autre fois. Vous parlez de la procédure d'examen expéditif. Lorsque je vous ai posé une question au sujet du crime organisé en particulier, c'est à la dimension de violence que je voulais surtout faire allusion.
Par exemple, si je ne suis pas violent mais que mes actions font en sorte que je crée des conditions de violence, les tribunaux ne considèrent pas à l'heure actuelle que je suis violent. J'ai pourtant un rôle et une responsabilité dans cette violence que j'ai engendrée par mon action. C'est de cela que j'aurais aimé qu'on parle en matière d'examen expéditif.
Mme Marie Beemans: Nous croyons que dans de tels cas, l'examen expéditif ne nous a pas bien servis. On voulait libérer des places dans les prisons.
• 1705
On a l'impression qu'il y a injustice face aux
détenus les plus démunis qui ne sont pas des chefs de
file et qui ont fait de petits coups. Ils
ont peut-être été un peu violents et ont peut-être
utilisé une fausse
arme. Lorsqu'on libère un détenu qui a fait la
manchette, on sait très bien qu'il a les moyens
de se défendre et qu'il connaît tous les mécanismes.
M. Jacques Saada: Dois-je en déduire, madame Beemans, que votre organisation n'est pas en faveur de la procédure d'examen expéditif?
Mme Marie Beemans: Selon nous, ce fut un échec.
D'autre part, nous croyons que cette mesure avait pour but de faire de la place dans les prisons. Il est inquiétant de voir des détenus libérés après avoir servi des peines de 15 ou 20 ans être si démunis qu'ils commettent un crime stupide comme fracasser une vitre afin de pouvoir retourner en prison parce qu'ils ne peuvent plus fonctionner en société. Il est difficile d'apprendre à vivre de façon responsable quand on se voit retirer toute responsabilité et toute décision. On n'apprend pas à se prendre en mains quand on n'a plus de factures ou de comptes à payer et qu'on vit en prison. Je pense qu'on a déjà soulevé ces questions.
M. Jacques Saada: Malgré les questions qui ont été posées et après avoir entendu des positions un petit peu plus extrêmes que ce à quoi je me serais attendu, je veux quand même vous assurer que je comprends parfaitement ce que vous me dites.
Mme Marie Beemans: D'accord.
[Traduction]
Le président: Très bien, nous allons laisser M. Gouk poser une autre question rapide, et M. Wappel veut aussi en poser une. J'aimerais ensuite que nous ayons une quinzaine de minutes pour discuter des travaux futurs du comité avant le vote.
Monsieur Gouk.
M. Jim Gouk: Je vous remercie.
J'aimerais adresser ma question à M. Brousseau mais je glisserai sur l'idée de fermer toutes les prisons. Après avoir entendu cette proposition, je dirais que les criminologues qui l'ont qualifié d'incompétent avaient certainement raison.
Vous avez mentionné entre autres qu'il faudrait cesser de mettre deux détenus par cellule. Mon adjoint ici a été un officier de marine. Pendant toute sa carrière, il a eu un camarade de chambre ou plus. Sa femme était agent de la GRC, et elle a eu un camarade de chambre ou plus pendant sa formation. Lorsque mon fils est allé à l'Université de la Colombie-Britannique, il a dû partager sa chambre pour des raisons économiques. Lorsque j'ai commencé ma carrière, nous n'avions pas les moyens de nous payer un appartement de deux chambres. Je ne pouvais pas me permettre un appartement d'une chambre lorsque j'étais seul, donc j'avais un colocataire. Pouvez-vous donc me dire pourquoi des gens qui ont enfreint la loi et qui ont été emprisonnés ne devraient pas être assujettis à cette restriction, si vous voulez l'appeler ainsi, ou à cette condition de vie que le reste d'entre nous ont dû accepter?
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Premièrement, je vous dirai que par sa signature, en 1975, le Canada a pris une obligation internationale.
Deuxièmement, bien que l'opinion publique veuille nous faire croire que les détenus sont très à l'aise et vivent très bien, je vous dirai que personne ne désire vivre en prison, que personne n'aime y être. On n'y trouve pas nécessairement les conditions extraordinaires dont certains nous parlent. Une cellule mesure 6 pieds par 10 ou 12 pieds.
[Traduction]
M. Jim Gouk: J'en ai visité quelques-unes, mais j'aimerais savoir pourquoi selon vous ils ont droit à plus que les membres de la société qui n'ont pas enfreint de lois.
[Français]
M. Sébastien Brousseau: Moi aussi, quand j'étais étudiant, je partageais ma chambre et j'avais des colocataires. C'est une situation bien normale. Ce n'est pas là qu'est le problème. Le système correctionnel vise à responsabiliser, à corriger et à réhabiliter les détenus. On ne recourt pas une approche thérapeutique quand on met deux personnes ensemble dans une petite cellule où elles n'ont pas de vie privée. À tout moment, on porte atteinte à leur dignité. Bien que les personnes qui ont commis un acte criminel soient condamnées à perdre leur liberté, elles ont droit à leur dignité et au respect. Ce sont des droits fondamentaux. Lorsqu'on les entasse comme ça dans de petites cellules, elles perdent ces droits.
En 1980, dans le jugement Solosky, la Cour suprême a reconnu que les détenus avaient droit à tout ce à quoi les autres citoyens ont droit, à l'exception de leur liberté, et devaient subir les conséquences qui en découlaient.
Je ne crois que ce soit une solution que d'entasser des gens dans de petites cellules. Il est paradoxal de constater que la criminalité diminue et qu'on incarcère de plus en plus de gens. Voudrions-nous devenir comme les États-Unis, qui incarcèrent cinq ou six fois plus de gens que nous ne le faisons? Pensez-vous que le taux de criminalité est plus bas là-bas? Sûrement pas. Selon moi, cela pourrait être une solution.
M. Jim Gouk: Je n'arrête pas d'entendre dire que s'il y a moins de crimes, comment pouvons-nous avoir plus de détenus, à moins qu'on arrête des innocents.
Le président: Nous laisserons M. Wappel poser la dernière question.
M. Tom Wappel: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais faire une très brève observation. Je tiens à féliciter M. Cusson d'avoir présenté des recommandations en bonne et due forme. Car bien des témoins qui comparaissent devant nous, et je ne le dis pas de façon irrespectueuse, formulent diverses critiques, mais ne présentent pas de recommandations substantielles au sujet desquelles nous pourrions interroger d'autres témoins. Je tiens donc à vous féliciter de l'avoir fait. Bien entendu, je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous recommandez, mais il y a certaines recommandations que je trouve intéressantes.
J'ai cinq questions très simples auxquelles vous n'avez à répondre que par un oui ou par un non et que j'adresse à Mme Beemans et à M. Cusson.
Avez-vous participé aux consultations du solliciteur général, oui ou non?
Mme Marie Beemans: Oui.
M. Jean-François Cusson: Oui.
M. Tom Wappel: Avez-vous reçu un exemplaire du rapport?
Mme Marie Beemans: Oui.
[Français]
M. Jean-François Cusson: Oui.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Vos groupes ont-ils été mentionnés dans le rapport?
Mme Marie Beemans: Oui, nous l'avons été.
[Français]
M. Jean-François Cusson: Oui.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Est-ce qu'il énonce correctement votre position?
Mme Marie Beemans: Oui, et nous espérons qu'on y donnera suite.
[Français]
M. Jean-François Cusson: Oui.
[Traduction]
M. Tom Wappel: Êtes-vous en désaccord avec quoi que ce soit dans le rapport qui concerne la position de votre groupe?
Mme Marie Beemans: Non.
M. Jean-François Cusson: Non.
M. Tom Wappel: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Je remercie les personnes qui sont venues témoigner ici aujourd'hui. Je demanderais aux députés de demeurer ici afin que nous puissions poursuivre nos discussions.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]