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36e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 199
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 18 mars 1999
AFFAIRES COURANTES |
LE RÉGIME D'ASSURANCE-EMPLOI |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Peter Adams |
LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU TOURISME |
Projet de loi C-75. Présentation et première lecture |
L'hon. Paul Martin |
CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-489. Présentation et première lecture> |
M. Rick Casson |
LA LOI SUR LE TRANSPORT AÉRIEN |
Projet de loi S-23. Première lecture |
L'hon. Jane Stewart |
PÉTITIONS |
Les droits de la personne |
M. Paul Szabo |
Les droits des grands-parents |
M. Mac Harb |
La néphropathie |
M. Peter Adams |
La justice |
M. Svend J. Robinson |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
L'hon. Martin Cauchon |
M. Rick Casson |
DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE |
L'agriculture |
M. Howard Hilstrom |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI DE 1998 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU |
Projet de loi C-72. Deuxième lecture |
L'hon. Jane Stewart |
M. Tony Valeri |
M. Gerry Ritz |
Amendement |
M. Leon E. Benoit |
M. Odina Desrochers |
Mme Libby Davies |
M. Nelson Riis |
M. Tony Valeri |
M. Scott Brison |
M. Mac Harb |
M. Paul Szabo |
M. Tony Valeri |
M. Steve Mahoney |
M. Jim Abbott |
M. Paul Szabo |
M. Ken Epp |
M. Ken Epp |
M. Rob Anders |
M. Tony Valeri |
M. Yvan Loubier |
M. Rob Anders |
M. Paul Szabo |
DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE |
Décision de la présidence |
Le Président |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LES JEUNES |
Mme Sophia Leung |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Mike Scott |
LA FRANCOPHONIE CANADIENNE |
M. Ted McWhinney |
L'ASSOCIATION DES FEMMES EN COMMUNICATIONS |
Mme Sarmite Bulte |
LA FRANCOPHONIE CANADIENNE |
M. Bernard Patry |
LE PARTI LIBÉRAL |
M. David Chatters |
LE NUNAVUT |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
CATHERINE GIRARDIN |
M. Yvan Loubier |
LE PARTI QUÉBÉCOIS |
M. Yvon Charbonneau |
LES AGRICULTEURS CANADIENS |
M. Howard Hilstrom |
LE PARTI RÉFORMISTE |
M. Steve Mahoney |
LA FRANCOPHONIE CANADIENNE |
Mme Angela Vautour |
LA LANGUE FRANÇAISE |
M. Paul Mercier |
LE PARTI RÉFORMISTE |
M. Murray Calder |
L'ANNÉE DE LA FRANCOPHONIE |
M. Rick Borotsik |
LE RACISME |
Mme Raymonde Folco |
QUESTIONS ORALES |
L'ÉCONOMIE |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
L'hon. John Manley |
M. Preston Manning |
L'hon. John Manley |
Mme Deborah Grey |
L'hon. John Manley |
Mme Deborah Grey |
L'hon. John Manley |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Paul Crête |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Paul Crête |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LE COMMERCE |
M. Rick Borotsik |
L'hon. Lyle Vanclief |
M. Rick Borotsik |
L'hon. Lyle Vanclief |
L'ÉCONOMIE |
M. Gerry Ritz |
L'hon. John Manley |
M. Gerry Ritz |
L'hon. John Manley |
LES LANGUES OFFICIELLES |
Mme Monique Guay |
M. Mauril Bélanger |
Mme Monique Guay |
M. Mauril Bélanger |
LE FONDS TRANSITOIRE POUR LA CRÉATION D'EMPLOIS |
M. Chuck Strahl |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Chuck Strahl |
LES FORUMS CULTURELS INTERNATIONAUX |
M. Daniel Turp |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Daniel Turp |
Le très hon. Jean Chrétien |
LE FONDS TRANSITOIRE DE CRÉATION D'EMPLOIS |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LES FORUMS CULTURELS INTERNATIONAUX |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Stéphane Dion |
LA PÉRÉQUATION |
M. Claude Drouin |
Le très hon. Jean Chrétien |
LA FISCALITÉ |
M. Jason Kenney |
Mme Beth Phinney |
M. Jason Kenney |
L'hon. Marcel Massé |
LE CODE RÉGISSANT LES CONFLITS D'INTÉRÊT |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Jim Jones |
L'hon. John Manley |
M. Jim Jones |
L'hon. Alfonso Gagliano |
LE BOIS D'OEUVRE |
M. Darrel Stinson |
L'hon. Sergio Marchi |
L'AGRICULTURE |
M. John Harvard |
L'hon. Lyle Vanclief |
LA PRODUCTIVITÉ |
M. Antoine Dubé |
L'hon. Paul Martin |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
Mme Bev Desjarlais |
L'hon. Allan Rock |
LA PRODUCTIVITÉ |
M. Scott Brison |
L'hon. Paul Martin |
LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES |
M. Eugène Bellemare |
M. Mauril Bélanger |
PRÉSENCE À LA TRIBUNE |
Le Président |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
M. Gurmant Grewal |
L'hon. Don Boudria |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Les commentaires d'un ministre |
M. Jason Kenney |
L'hon. Don Boudria |
Le Président |
M. Jay Hill |
La période des questions |
M. Jay Hill |
M. Mauril Bélanger |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
L'hon. Don Boudria |
M. Stéphane Bergeron |
M. Bill Blaikie |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI DE 1998 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU |
Projet de loi C-72. Deuxième lecture |
M. Jason Kenney |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
L'hon. Don Boudria |
Motion |
M. Charlie Penson |
LOI DE 1998 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU |
Projet de loi C-72. Deuxième lecture |
M. Jason Kenney |
M. Roy Cullen |
M. Maurice Vellacott |
M. Mark Assad |
M. Keith Martin |
M. Maurice Dumas |
M. Keith Martin |
M. Tony Valeri |
M. Rob Anders |
M. Stéphan Tremblay |
M. Svend J. Robinson |
M. John Williams |
M. John Finlay |
M. Andrew Telegdi |
M. Grant McNally |
M. René Canuel |
M. Rob Anders |
M. John Williams |
M. Roy Cullen |
M. Werner Schmidt |
M. Rob Anders |
M. Rob Anders |
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LOI MODIFIANT LA LOI CONSTITUANT EN PERSONNE MORALE |
Mme Karen Redman |
Motion |
Projet de loi S-20 |
Deuxième lecture |
Mme Karen Redman |
MOTION D'AJOURNEMENT |
L'assurance-emploi |
M. Yvon Godin |
Mme Bonnie Brown |
DÉBAT D'URGENCE |
LA MANUTENTION DU GRAIN |
M. Howard Hilstrom |
Motion |
L'hon. Marcel Massé |
M. Yves Rocheleau |
M. Bill Blaikie |
M. Gerald Keddy |
M. Dale Johnston |
M. Wayne Easter |
M. Larry McCormick |
Mme Hélène Alarie |
M. Garry Breitkreuz |
M. Garry Breitkreuz |
Mme Sophia Leung |
M. John Bryden |
M. Charlie Penson |
M. Tony Ianno |
M. Jake E. Hoeppner |
M. Jason Kenney |
M. Werner Schmidt |
(La motion est adoptée.) |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 199
CHAMBRE DES COMMUNES
Le jeudi 18 mars 1999
La séance est ouverte à 10 heures.
Prière
AFFAIRES COURANTES
[Français]
LE RÉGIME D'ASSURANCE-EMPLOI
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 3(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, j'ai le plaisir de soumettre à la Chambre deux copies du deuxième rapport de contrôle et d'évaluation du régime d'assurance-emploi 1998, et ce, dans les deux langues officielles.
* * *
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 3 pétitions.
* * *
[Traduction]
LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU TOURISME
L'hon. Paul Martin (au nom du ministre de l'Industrie, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-75, Loi constituant la Commission canadienne du tourisme.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
CODE CRIMINEL
M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-489, Loi modifiant le Code criminel (confiscation).
—Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter mon premier projet de loi d'initiative parlementaire au nom des citoyens de Lethbridge et, en fait, des enfants du Canada.
Cette mesure vise à modifier le Code criminel de manière à permettre aux tribunaux qui condamnent des personnes pour des infractions aux dispositions du Code criminel relatives à la pornographie juvénile d'ordonner la confiscation de tout ce qui a servi à commettre lesdites infractions.
Cette modification au Code, une fois adoptée, donnera aux tribunaux et aux autorités policières un outil de plus à utiliser dans leur lutte contre la pornographie juvénile.
J'espère que mes collègues de tous les partis se joindront à moi et appuieront le projet de loi. Celui-ci donne aux tribunaux le même pouvoir de sévir contre ceux qui se livrent à la pornographie juvénile que celui que leur confère 55 autres lois fédérales. Ainsi, les enfants bénéficieront d'une protection dont ils devraient jouir depuis déjà longtemps.
Je termine en signalant les efforts déployés par nos autorités policières qui luttent contre la propagation de la pornographie juvénile et qui ont contribué à l'élaboration du projet de loi. Je tiens à remercier spécialement l'inspecteur détective Robert Matthews, du Projet P, l'unité de lutte contre la pornographie juvénile de la Police provinciale de l'Ontario, et j'encourage tous ceux et celles qui combattent sans relâche ce fléau à continuer leur excellent travail.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LA LOI SUR LE TRANSPORT AÉRIEN
L'hon. Jane Stewart (au nom du ministre des Transports, Lib.) propose: Que le projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur le transport aérien et portant mise en oeuvre d'un protocole portant modification de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international et portant mise en oeuvre de la Convention, complémentaire à la Convention de Varsovie, pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international effectué par une personne autre que le transporteur contractuel, soit lu pour la première fois.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la première fois.)
* * *
PÉTITIONS
LES DROITS DE LA PERSONNE
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter une pétition signée par un certain nombre de Canadiens, dont des électeurs de la circonscription de Mississauga-Sud que je représente, et ayant trait aux droits de la personne.
Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que les violations des droits de la personne sont monnaie courante dans un grand nombre de pays, et plus particulièrement en Indonésie. Ils font également remarquer que le Canada est reconnu dans le monde comme le grand défenseur des droits de la personne.
Par conséquent, les pétitionnaires exhortent le Parlement à continuer de condamner les violations des droits de la personne partout dans le monde et à essayer de traduire en justice les responsables.
LES DROITS DES GRANDS-PARENTS
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une pétition signée par de nombreux électeurs qui demandent au Parlement de modifier la Loi sur le divorce pour y inclure la disposition prévue au projet de loi C-340 concernant les droits de garde ou de visite des enfants par les parents des époux, c'est-à-dire les grands-parents.
LA NÉPHROPATHIE
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une autre pétition signée par plusieurs électeurs de Peterborough au nom des 18,000 Canadiens qui souffrent de néphropathie au stade terminal.
Les pétitionnaires appuient le projet de recherche sur le rein artificiel. Ils font remarquer que la dialyse et la greffe de reins constituent des traitements salutaires très importants, mais que les services de dialyse sont inadéquats et que les taux de dons d'organes ne sont pas suffisants pour satisfaire à la demande.
Ils demandent donc au Parlement d'appuyer le projet de rein bioartificiel qui pourrait rendre inutiles la dialyse et la greffe pour ceux qui souffrent de maladie rénale.
LA JUSTICE
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter ce matin une pétition signée par plus de 100 habitants de ma circonscription, Burnaby—Douglas. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que les ristournes accordées aux violeurs et aux meurtriers en vertu de la loi en vigueur aujourd'hui au Canada font peu cas de la vie des victimes, qu'en moyenne un meurtre est commis chaque mois dans notre pays par une personne bénéficiant d'une libération conditionnelle, que la vie des victimes n'entre pas en ligne de compte dans l'équation au moment de déterminer la peine et que la souffrance, la douleur et la mort de la 2e, 3e ou 11e victime n'ont aucun poids devant les tribunaux.
Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative en vue de réduire la cruauté envers les familles des victimes, de redonner un peu de réalisme aux peines. Ils demandent par ailleurs au Parlement d'adopter le projet de loi C-251 afin d'empêcher que les meurtriers et les violeurs récidivistes ne purgent qu'une seule peine pour les multiples crimes qu'ils ont commis et afin de combler l'écart entre la justice et notre système de justice.
* * *
[Français]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 135. .[Texte]
Question no 135—M. Jean-Guy Chrétien:
À propos du Fonds de développement industriel régional de Thetford Mines Inc.: a) à quelle date ce fonds a-t-il été créé; b) quel montant d'argent le gouvernement fédéral y a-t-il injecté; c) quel est le mode de nomination des administrateurs?
L'hon. Martin Cauchon (sécretaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): a) 15 avril 1988.
b) Subventions de 1 million de dollars en avril 1988 et de 504 805 $ en avril 1993.
c) À la création du Fonds, tous les administrateurs (6) devaient être nommés par le ministre de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie du gouvernement du Canada. Le Fonds a toutefois été libéré de cette obligation, dans l'année suivant sa création, après s'être soumis aux conditions d'incorporation et une fois la subvention versée. En avril 1993, comme condition de l'octroi de 504 805 $, le ministre devait nommer deux administrateurs. Les autres administrateurs (total porté à 9) sont nommés selon les procédures normales de présentation de candidatures et d'élection. Depuis le 30 septembre 1998, il n'existe plus de liens entre le Fonds et l'agence.
[Français]
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.
[Traduction]
M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
J'ai trois questions inscrites au Feuilleton, les questions nos 166 et 167, qui sont là depuis 120 jours, et la question no 183, qui est inscrite depuis 100 jours exactement. Elles portent sur la décontamination des sites du réseau d'alerte avancée dans le nord du Canada et sur l'affectation des fonds par la ministre de l'Environnement.
Je voudrais obtenir une réponse à ces questions. Je me demande pourquoi il faut tant de temps.
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je prends de nouveau note de l'intérêt manifesté par le député pour les questions nos 166, 167 et 183.
Je sais que cela peut être contrariant pour les députés qui s'intéressent de près à des sujets comme celui-ci, mais j'ai fait remarquer à quelques reprises que certaines questions concernent un grand nombre de ministères et doivent passer de l'un à l'autre. Il arrive parfois que la question, après avoir reçu une réponse dans un ministère, doive être renvoyée à l'un des autres.
Dans ce cas-ci, il y a un certain nombre d'instances qui sont en cause, mais je donne au député l'assurance que je vais m'occuper de cette affaire très importante.
Le Président: Est-ce d'accord pour que les autres questions restent au Feuilleton?
Des voix: D'accord.
* * *
DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE
L'AGRICULTURE
Le Président: J'ai reçu du député de Selkirk—Interlake une demande pour la tenue d'un débat d'urgence.
Je crois savoir qu'une demande similaire a été déposée l'autre jour. Je demande au député d'être très bref dans sa présentation.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, le principal problème est qu'il ne se passe en fait rien. Les négociations en sont arrivées à une impasse et le gouvernement n'a donné aucun signe de la façon dont il compte faire avancer les choses.
Le syndicat et le gouvernement continuent de se disputer et à mon avis, compte tenu des pertes financières, du manque de productivité et des difficiles conditions économiques qui sévissent dans le domaine de l'agriculture, il me semble urgent que les députés se penchent sur la question à la Chambre des communes et qu'on en arrive à un consensus ou à tout le moins qu'on mette sur la table tous les éléments de cette mesure de grève ainsi que les conséquences qu'elle entraînera au pays en entier.
Je crois que ce débat pourrait permettre de faire avancer les choses. Le gouvernement et les syndicats savent depuis 1993 que le gel des salaires qui avait été imposé ne durerait pas toujours, et il a d'ailleurs pris fin. Je ne comprends vraiment pas pourquoi on n'avait rien prévu à cet effet.
Je ne demande pas la tenue de ce débat d'urgence dans le but de déterminer pourquoi les choses se sont produites ou pourquoi il ne se passe rien, mais plutôt pour insister sur le fait que la situation est critique pour l'économie canadienne. La situation est critique pour les agriculteurs et leurs familles ainsi que pour les membres du syndicat et leurs familles. Les députés ont le devoir de faire tout ce qu'ils peuvent pour leur venir en aide. À mon avis, il s'agit bien là d'une urgence.
Le Président: La demande de débat d'urgence m'a été transmise à 15 heures hier. J'ai demandé qu'on me fasse parvenir des renseignements supplémentaires et je rendrai ma décision d'ici la période des questions. J'en ferai alors part à la Chambre.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI DE 1998 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU
L'hon. Jane Stewart (au nom du ministre des Finances) propose: Que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mettant en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis et modifiant la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Madame la Présidente, les députés d'en face devraient être assez bons pour appuyer le projet de loi C-72, la loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, faisant suite au budget de 1998 et mettant en oeuvre des mesures administratives. Ce faisant, ils appuieraient un allégement fiscal juste et établi sur une large assiette fiscale à l'intention des Canadiens à revenu faible et moyen et de leur famille, ainsi qu'un allégement conçu pour aider les Canadiens qui en ont le plus besoin.
Je soupçonne cependant que, comme par le passé, ils nieront ce droit des Canadiens et continueront à critiquer et à faire des projections non fondées pour atteindre des objectifs qui, en fait, mettraient en danger l'objectif d'éliminer le déficit, que les Canadiens ont réussi à atteindre dernièrement. Un vote en faveur du projet de loi C-72 équivaut à appuyer la réduction des impôts de 14 millions de Canadiens, le retrait de 400 000 Canadiens du rôle d'imposition, des crédits d'impôt pour paiement d'intérêts sur les prêts étudiants des gouvernements fédéral et provinciaux, la possibilité pour les Canadiens de retirer des REER pour payer des études et de la formation à plein temps, l'application du crédit d'impôt pour études aux étudiants à temps partiel, un crédit d'impôt pour les personnes qui s'occupent d'un parent adulte à la maison et certainement beaucoup plus.
Cependant, je le répète, j'ai de sérieux doutes quant à la réputation des députés d'en face en matière de réduction d'impôts. J'ai peut-être la mémoire qui flanche, mais je ne me rappelle pas qu'ils aient jamais appuyé une seule des mesures de réduction d'impôts que nous ayons proposées au cours des deux dernières législatures.
Le projet de loi C-72 leur donne clairement l'occasion de manifester tangiblement qu'ils veulent réellement réduire les impôts de façon durable.
Quand on procédera au vote par appel nominal sur le projet de loi C-72, les députés d'en face pourront voter en faveur des allégements fiscaux pour les contribuables canadiens et leur famille, ou voter contre. C'est aussi simple que cela.
Comme le ministre des Finances l'a fait remarquer en présentant le budget de 1998, les mesures proposées dans le projet de loi C-72 représentent les premiers pas vers un allégement général de l'impôt sur le revenu. J'ajouterai que le gouvernement a déjà poursuivi sur la lancée de ces premiers pas avec le budget de 1999. En effet, les deux budgets offrent ensemble un allégement fiscal global de 16,5 milliards de dollars pour les trois prochaines années. De plus, comme le ministre l'a fait remarquer récemment, ce n'est qu'un début.
Maintenant que nous avons réussi à éliminer le déficit, les Canadiens peuvent dorénavant s'attendre à ce que les budgets à venir annoncent des allégements fiscaux les uns après les autres dans un avenir prévisible. Au début, étant donné que le dividende budgétaire permettant d'accorder un allégement fiscal général est modeste, l'allégement initial devra bien sûr être lui aussi modeste.
Nous ne devons pas accorder un allégement fiscal que nous n'avons pas les moyens d'offrir et qui risquerait de compromettre notre santé financière fraîchement recouvrée et d'empiéter sur des priorités canadiennes comme la santé et l'éducation. Par conséquent, et conformément aux priorités du pays, les mesures proposées dans le projet de loi C-72 visent d'abord à réduire les impôts pour ceux qui sont le moins en mesure d'en payer, les Canadiens à faible et moyen revenu.
Le projet de loi propose deux mesures offrant un allégement fiscal général. La première consiste à hausser le montant du revenu que les Canadiens à faible revenu peuvent gagner en franchise d'impôt. Comme les députés le savent, le crédit d'impôt personnel permet de ne payer aucun impôt sur un montant de revenu de base. Cela contribue à rendre équitable le régime fiscal du Canada.
Avant le budget de 1998, le montant personnel de base que les Canadiens pouvaient gagner sans payer d'impôt était fixé à 6 456 $ alors que le montant pour conjoint et l'équivalent du montant pour conjoint étaient de 5 380 $ au maximum. Le projet de loi C-72 propose d'augmenter ces montants de 500 $ pour les Canadiens à faible revenu à compter du 1er juillet 1998. Cela aura pour effet d'augmenter de 500 $ le revenu non imposable des particuliers gagnant moins de 20 000 $, et de 1 000 $ celui des familles ayant un revenu de moins de 40 000 $. Du fait de cette mesure, quelque 400 000 particuliers à faible revenu ne figureront plus sur le rôle de l'impôt et 4,6 millions de contribuables de plus payeront moins d'impôt.
La Chambre n'est pas sans savoir que le budget de 1999 prévoit d'étendre cette mesure à l'ensemble des contribuables canadiens et d'accroître l'exemption personnelle de base de 175 $ de plus, ce qui donnera une augmentation totale de 675 $. Cela veut dire que, à compter du 1er juillet 1999, le montant de base que les Canadiens peuvent gagner en un an sans payer d'impôt sera de 7 131 $. À compter de cette même date, le montant pour conjoint et l'équivalent du montant pour conjoint passeront à 6 055 $ au maximum. Cette augmentation fera plus que compenser les effets de l'inflation sur ces montants depuis 1992.
Par souci d'équité, ces mesures profiteront proportionnellement plus aux Canadiens à faible revenu. En plus des 400 000 Canadiens à faible revenu qui ne paieront plus d'impôts du fait des mesures contenues dans le projet de loi C-72, 200 000 Canadiens supplémentaires seront radiés du rôle des impôts à la suite du budget de 1999, portant le total à 600 000.
Pour continuer sur la lancée des mesures visant à offrir des réductions d'impôts généralisées, le projet de loi C-72 propose d'éliminer la surtaxe générale de 3 p. 100 pour les contribuables dont le revenu est inférieur à 50 000 $ et de la réduire pour ceux dont le revenu s'établit entre 50 000 $ et 65 000 $. Mes collègues se souviendront que le gouvernement précédent avait imposé la surtaxe générale à titre de mesure anti-déficit. Par conséquent, maintenant que le déficit a été éliminé, le moment est venu d'éliminer la surtaxe. Cette mesure élimine la surtaxe de 3 p. 100 pour presque 13 millions de contribuables et un million de plus payeront une surtaxe bien moindre.
Ayant entamé le processus d'élimination de la surtaxe de 3 p. 100 dans le budget de 1998, nous proposons, avec le budget de 1999, de mener ce processus à bonne fin et d'éliminer la surtaxe générale pour tous les Canadiens. Ainsi les 2,7 millions de contribuables qui la payent encore en partie ou dans sa totalité depuis le budget de 1998, n'y seront plus assujettis. Par conséquent, au 1er juillet 1999, la surtaxe de 3 p. 100 aura été éliminée pour l'ensemble des 15,1 millions de contribuables canadiens.
Avant d'aborder certaines des mesures ciblées que renferme ce projet de loi, je rappelle que ces deux mesures prévues dans le projet de loi C-72 accordent un allégement fiscal progressif étant donné que, en pourcentage de l'impôt actuel, les réductions les plus importantes sont consenties aux contribuables touchant les revenus les moins élevés.
Dans chacun des budgets que nous avons présentés depuis notre arrivée au pouvoir, y compris dans le budget de 1998, nous avons prévu des allégements fiscaux ciblés pour les plus nécessiteux et obtenu des résultats convaincants. Conformément à cette tradition, le projet de loi C-72 contient plusieurs mesures ciblées, notamment celles visant la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances. L'économie mondiale, dont fait partie le Canada, est interdépendante, très concurrentielle, en constante évolution et repose de plus en plus sur l'information.
Les faits parlent d'eux-mêmes. Depuis 1981, le nombre d'emplois offerts aux Canadiens qui ont complété des études secondaires ou moins a diminué de deux millions, alors que plus de cinq millions d'emplois ont été créés pour les personnes qui ont plus qu'un diplôme d'études secondaires.
Malheureusement, comme les députés le savent, tous les Canadiens ne sont pas en mesure d'acquérir les connaissances et les compétences dont ils auront besoin durant leur vie pour trouver et conserver de bons emplois sur un marché du travail qui se transforme.
Des barrières, le plus souvent d'ordre financier, restreignent l'accès à l'enseignement postsecondaire de bon nombre de nos concitoyens. Par conséquent, le budget de 1998 et le projet de loi C-72 proposent plusieurs mesures fiscales afin d'offrir de l'aide financière aux étudiants.
L'endettement des étudiants est devenu un lourd fardeau pour de nombreux Canadiens. En 1990, après quatre années d'études postsecondaires, un diplômé avait contracté en moyenne une dette d'environ 13 000 $. Cette année, la dette moyenne d'un tel diplômé aura presque doublé et atteindra près de 25 000 $. En outre, au début de la décennie, moins de 8 p. 100 des étudiants ayant contracté des emprunts avaient des dettes supérieures à 15 000 $. Aujourd'hui, près de 40 p. 100 se trouvent dans cette situation.
Le fardeau financier des étudiants doit être réduit, et il le sera. À cette fin, le projet de loi C-72 renferme des mesures visant à offrir à tous les étudiants une réduction d'impôt pour les intérêts acquittés sur leurs prêts fédéraux et provinciaux. Cette réduction prendra la forme d'un crédit d'impôt fédéral de 17 p. 100 qui s'appliquera aux programmes fédéraux et provinciaux de prêts aux étudiants.
Ainsi, dans le cas d'un étudiant ayant contracté un emprunt de 25 000 $, ses impôts fédéraux et provinciaux seront réduits de 530 $ la première année seulement. Sur une période de remboursement de 10 ans, le nouveau crédit d'impôt pourrait représenter jusqu'à 3 200 $ en allégement fiscal. Cette mesure bénéficiera à environ un million de Canadiens.
Le budget de 1998 contient plusieurs autres mesures destinées à aider à gérer la dette des étudiants. Elles ne sont pas comprises dans ce projet de loi, mais je prendrai tout de même quelques instants pour rappeler à mes collègues ces mesures importantes.
Par exemple, outre le crédit d'impôt, nous avons accru de 9 p. 100 le seuil de revenu donnant droit à l'allégement des intérêts sur les prêts canadiens aux étudiants. Nous avons lancé un programme d'allégement des intérêts des diplômés qui viendra en aide à davantage de diplômés qui se situent plus haut sur l'échelle des revenus.
Nous avons demandé aux établissements de crédit d'étendre à 15 ans la période de remboursement des prêts des personnes qui auront bénéficié de 30 mois d'allégement des intérêts. De plus, si, après avoir vu sa période de remboursement étendue à 15 ans, un emprunteur éprouve encore des difficultés financières, nous lui accorderons une autre période d'allégement des intérêts. Pour la minorité des diplômés qui connaissent encore des difficultés financières après avoir profité de ces mesures, nous réduirons d'au plus la moitié le principal du prêt.
Ensemble, ces nouvelles mesures d'allégement des intérêts vont aider jusqu'à 100 000 emprunteurs supplémentaires.
Afin de garder leur emploi ou d'en trouver un autre, beaucoup de Canadiens qui font déjà partie de la population active veulent prendre un congé pour poursuivre des études à plein temps et se perfectionner. Il y a beaucoup de personnes dans ce cas et, dans nos circonscriptions, elles nous font part de ce désir.
Il y a des gens qui souhaitent se perfectionner et qui doivent s'absenter de leur travail pour le faire. Souvent, il leur manque les ressources nécessaires pour payer ces programmes et ces cours de perfectionnement. Le projet de loi dont la Chambre est saisie renferme plusieurs nouvelles mesures qui faciliteront l'accès des Canadiens aux études tout au long de leur vie.
La première consiste en retraits non imposés de REER aux fins d'acquisition continue du savoir. La personne qui a un REER et qui s'inscrit à un programme de formation ou d'études supérieures à plein temps pendant au moins trois mois au cours de l'année pourra retirer jusqu'à 10 000 $ de son REER et jusqu'à un maximum de 20 000 $ pour poursuivre ses études.
Bien sûr, pour préserver le rôle des REER, c'est-à-dire assurer un revenu de retraite, les montants ainsi retirés devront être remboursés en dix ans. À bien des égards, ce que nous proposons dans le projet de loi C-72 ressemble au régime d'accession à la propriété qui est fort populaire et qui permet aux Canadiens de retirer des sommes de leurs REER pour faire l'acquisition d'une maison.
Tous les députés et tous les Canadiens conviendront sans doute de la nécessité d'améliorer constamment le savoir et la compétence. Cela peut se révéler particulièrement difficile pour le nombre croissant de Canadiens qui étudient à temps partiel, en essayant de composer avec le difficile équilibre entre le travail et la famille. Nous proposons donc d'étendre l'admissibilité au crédit pour études aux étudiants à temps partiel.
Aux termes du projet de loi, un étudiant à temps partiel peut demander un montant de 60 $ pour chaque mois où il est inscrit à un cours agréé d'une durée d'au moins trois semaines auquel il doit consacrer au moins 12 heures de travaux par mois. Cette mesure réduira le coût des études et facilitera l'accès à l'éducation permanente pour plus de 250 000 étudiants à temps partiel.
De plus, je rappelle aux députés que, pour aider les parents à économiser pour l'avenir de leurs enfants, le budget de 1998 a mis en place une subvention canadienne pour l'épargne-études qui rend encore plus attrayants les régimes enregistrés d'épargne-études. Ainsi, le gouvernement accorde une subvention de 20 p. 100 sur la première tranche de 2 000 $ versés dans un régime enregistré d'épargne-études à l'intention d'enfants de 18 ans ou moins, pour une subvention annuelle maximale de 400 $ par enfant. Grâce à cette disposition, les REEE compte parmi les régimes d'épargne les plus avantageux qui sont à la disposition des parents qui tiennent à l'éducation de leurs enfants.
Depuis un an, nous avons déjà constaté l'effet de cette mesure particulière avec le succès des REEE, puisque l'épargne est passée de 2,5 milliards de dollars qu'elle était auparavant à quelque 4 milliards de dollars tout dernièrement.
Les paiements de soutien aux études sont destinés aux étudiants à plein temps. Cependant, tenant compte des besoins spéciaux des personnes handicapées, le projet de loi C-72 propose de permettre aux étudiants à temps partiel handicapés d'être admissibles à des paiements d'aide aux études.
De plus, le projet de loi propose d'aider les familles à revenu restreint en augmentant le montant qu'elles peuvent transférer de leurs REEE dans leurs REER au cas où leurs enfants ne poursuivraient pas des études supérieures. Plus particulièrement, le montant passerait de 40 000 $ à 50 000 $.
Le projet de loi C-72 renferme également plusieurs autres mesures ciblées qui méritent d'être appuyées par la Chambre. Il y a notamment le nouveau crédit d'impôt pour aidants naturels. Ce crédit va réduire l'impôt prélevé par les gouvernements fédéral et provincial de jusqu'à 600 $ pour les Canadiens qui s'occupent d'un parent âgé ou d'un proche parent handicapé. Il va venir en aide à environ 450 000 aidants naturels qui normalement n'auraient pas droit au crédit pour une personne handicapée à charge.
Pour améliorer l'équité du traitement des travailleurs autonomes et des entreprises constituées en personne morale—et je sais que nos vis-à-vis voudront appuyer cette mesure—le projet de loi C-72 propose que les travailleurs autonomes puissent déduire les primes versées à un régime privé d'assurance-maladie ou d'assurance dentaire de leurs revenus d'entreprise.
Je suis persuadé que les députés voudront également souscrire à cette initiative. Pour appuyer les collectivités et les milliers de bénévoles canadiens qui offrent des services d'urgence essentiels, le projet de loi dont nous sommes saisis propose de doubler la déduction maximale accordée aux pompiers volontaires pour la faire passer de 500 $ à 1 000 $. Cette mesure s'appliquera également à d'autres volontaires des services d'urgence.
Faute de temps, je ne pourrai me pencher longuement sur les nombreuses autres mesures contenues dans ce projet de loi, mais je suis persuadé que mes collègues aborderont ces questions dans le cadre du débat ou au comité.
Même si nous avons parfois des points de vue divergents de ce côté-ci et de l'autre, je suis persuadé qu'à cette occasion, nous nous entendrons, étant donné que le projet de loi C-72 renferme des mesures tendant à alléger le fardeau fiscal des Canadiens, comme le gouvernement a continué de le faire dans le budget de 1999.
Je suis sûr que mes vis-à-vis peuvent mettre de côté leurs paroles creuses habituelles et souscrire aux débuts de ce que nous considérons de ce côté-ci comme un plan pour offrir un allégement général du fardeau fiscal dans tous les budgets, année après année. J'exhorte mes vis-à-vis, les partis d'opposition, à souscrire au projet de loi C-72.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de prendre aujourd'hui la parole à propos du projet de loi C-72. Je voudrais maintenant avoir le consentement unanime de la Chambre pour partager le temps mis à ma disposition avec le député de Lakeland.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
M. Gerry Ritz: Madame la Présidente, je remercie les députés de leur considération.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-72, la Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mettant en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. Ce n'est pas dire. Très franchement, ce projet de loi a un titre aussi long que tous les articles et paragraphes qui le composent, beaucoup de dispositions creuses et beaucoup de zones grises. Le gouvernement devrait avoir honte.
C'est là un gouvernement qui est tellement impatient de réaliser son programme législatif qu'il a invoqué 49 fois la clôture jusqu'à maintenant. Il veut tellement réduire l'opposition au silence qu'il a muselé le débat projet de loi après projet de loi. Pourquoi?
M. Peter Adams: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Ce que j'entends depuis deux ou trois minutes, c'est un exposé sur la clôture et diverses choses...
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député commence à peine son allocution. Je suis persuadé que ses propos se révéleront bientôt pertinents.
M. Gerry Ritz: Madame la Présidente, je me mets en train. Tout cela est pertinent car nous pourrons maintenant renvoyer le projet de loi à un comité contrôlé par les libéraux, où le débat subira également le poids d'une démocratie autoritaire.
L'ordre du jour compte de nombreux projets de loi très importants et tout le monde attend impatiemment les nouvelles perles de sagesse du gouvernement. Mes électeurs me font savoir, jour après jour, qu'ils accueilleraient la suggestion de façon plutôt rude et en des termes que je ne saurais répéter ici.
Il semble que des projets bâclés, mal conçus et répondant très peu à ce dont les Canadiens ont le plus besoin, c'est-à-dire de véritables allégements fiscaux, nous attendent au cours des prochains jours. Les Canadiens auront beaucoup à faire pour réparer des décennies de négligence et de mauvaise administration. Nous pouvons encore nous rappeler vaguement l'époque où le dollar canadien s'échangeait au pair avec la devise américaine et où un taux de chômage supérieur à 5 ou 6 p. 100 était considéré comme une véritable tragédie.
Les libéraux sont passés maîtres dans l'art de s'approprier les idées des autres, de les diluer et de prendre à témoin les difficultés des Canadiens moyens comme preuves de la qualité de leurs gouvernements. Il n'en est rien cependant. Nous n'avons jamais eu autant de témoignages que maintenant de la lutte que livrent les Canadiens aux intrusions étouffantes et pharisaïques de ce gouvernement. Lorsqu'ils réussissent, les particuliers et les petites entreprises le font en dépit de ce gouvernement et non pas grâce à ses programmes mal inspirés.
Ce qui ne veut pas dire que le gouvernement n'a pas une bonne idée de temps à autre. Ainsi, le projet de loi C-72 contient une disposition qui rétablit l'ancien crédit de 5 000 $ au titre des investissements dans des fonds à capital de risques de travailleurs. Certains de ces fonts sont très actifs et utiles.
De nombreuses personnes ont effectué des pressions en faveur de l'inclusion de cette disposition l'an dernier. Le ministre des Finances n'aura mis que 12 mois à rattraper le bateau. Nous pouvons ainsi espérer qu'il tiendra compte d'autres propositions intéressantes pour les Canadiens.
La déduction pour frais de garde d'enfants a été haussée à 7 000 $. C'est un bon début. Nous sommes toujours en faveur de laisser les Canadiens garder leur argent. Ce ne sont toutefois pas tous les parents qui peuvent se prévaloir de cette déduction, et c'est extrêmement regrettable.
Nous avons entendu à maintes occasions des ministres prendre la parole, tenir des propos ridicules et faire perdre à la Chambre du temps précieux en tentant d'expliquer ce qu'ils voulaient vraiment dire et qui ils voulaient insulter ou non. Nous avons perdu du temps à discuter à la Chambre de qui se soucie des Canadiens et de qui s'en fiche, et je pense que nous avons réussi à montrer à la majorité des Canadiens qu'on se livre ici davantage à de la politicaillerie que l'on ne s'emploie à élaborer des politiques gouvernementales. C'est ridicule.
La vérité c'est que certaines dispositions du projet de loi sont louables, en principe. Le régime de formation continue permet aux Canadiens de sortir de l'argent de leur REER, s'ils ont les moyens d'en avoir un, pour payer leur formation à plein temps ou celle de leur conjoint. C'est une excellente idée. Je ne sais pas si quelqu'un dans cette situation peut se permettre de recevoir une formation à plein temps plutôt qu'une formation un peu plus souple, mais l'intention est fort louable.
Nous savons que les cotisations au REER ont également chuté depuis deux ans. Actuellement, les droits inutilisés de cotisation atteignent 126 milliards de dollars. Comme je l'ai dit, c'est une intention fort louable et il est à espérer que quelques Canadiens puissent se permettre de recevoir une nouvelle formation et de mettre celle-ci en pratique au Canada, au lieu de s'exiler à l'étranger à cause des impôts trop élevés chez nous.
Je pense que la même analyse vaut pour tout autre programme d'éducation à temps partiel. Les étudiants à temps partiel admissibles peuvent utiliser les crédits d'impôt pour études et les déductions pour frais de garde d'enfants pour retourner aux études. Je suppose que cela aide les jeunes mères célibataires en particulier. C'est une très bonne chose.
Je voudrais bien être plus précis à propos de ces mesures, mais le fait est que le gouvernement nous a joué un tour à tous. La Bibliothèque du Parlement a été prise de court avec ce projet de loi et elle s'est dite profondément mécontente du fait de ne pas disposer du temps voulu pour étudier en profondeur les articles du projet de loi.
Même si le projet de loi C-72 a été imprimé le 9 mars, selon la date inscrite, la Bibliothèque n'a eu son exemplaire que le 17 mars. L'attaché de recherche s'est plaint que ce projet de loi d'ensemble était trop volumineux et qu'il fallait plus d'une semaine pour bien l'analyser et le comprendre. Or, le gouvernement s'attend à ce que nous en parlions à deux jours d'avis. Que trame donc le gouvernement? Veut-il encore une fois nous faire étudier ce projet de loi à toute vapeur? Le programme législatif n'est pourtant pas chargé au point de justifier ce genre d'intimidation.
De plus, nous étudions le code fiscal, le document sans doute le plus mal écrit, le plus complexe, le plus confus et le plus touffu jamais écrit. Les avocats ont ajouté leurs propres codes secrets dans ces 1 600 pages renfermant quantités de définitions sur tout ce qui se puisse imaginer, ce qui ne les empêche pas de s'adresser aux tribunaux pour appliquer la loi. Il semble que le Québec fasse l'effort de rédiger ses lois dans une langue simple pour que le commun des mortels puisse les comprendre, mais le gouvernement fédéral ne s'intéresse pas à cela.
Chaque année, au Canada, des milliers de particuliers et d'entreprises se font coincer et doivent se conformer à un imbroglio de jargon juridique et de mots de passe secrets si compliqué que même Revenu Canada est forcé d'admettre qu'il commet des erreurs à l'occasion. Toutefois, il ne le fait pas souvent parce que, tout comme l'ensemble de ce gouvernement, il a adopté l'attitude arrogante selon laquelle il ne peut pas se tromper.
Ce que nous ne voyons pas dans le projet de loi C-72, c'est un aveu de la part du ministre des Finances, de ses bureaucrates ou de tout membre libéral du Comité des finances, disant que le régime fiscal est devenu beaucoup trop complexe. Nous ne pouvons pas nous permettre cela. Nous voyons une disposition visant à réduire de quelques dollars de plus la surtaxe des particuliers. Bonne idée, mais qui du côté du gouvernement oserait prendre la parole pour défendre l'imposition d'une taxe sur les impôts? Pourtant, cela se fait année après année. Les Canadiens attendent encore que le gouvernement actuel se réveille et mette de l'ordre dans le fouillis que lui et son prédécesseur ont créé.
La surtaxe de 5 p. 100, qui n'a pas encore été touchée jusqu'à maintenant, s'applique aux revenus de 60 000 $ et plus. Des milliers de travailleurs dans le secteur de la haute technologie ou dans le secteur de la fabrication de produits spécialisés peuvent avoir un tel revenu. Que font-ils? Ils prennent leurs compétences et leur argent et s'en vont aux États-Unis. C'est l'exode des cerveaux, un phénomène très courant. Les libéraux maintiennent leur régime fiscal punitif et se demandent pourquoi les artistes, entrepreneurs, médecins et scientifiques canadiens s'en vont vivre là où le climat est moins hostile. Nous pouvons ajouter les joueurs de hockey à cette liste.
Ce n'est pas comme si c'était une surprise. Ma province, la Saskatchewan, a commencé à se fermer aux possibilités d'emploi et à l'entreprenariat il y a des années. En guise de récompense, elle a été désignée comme une province pauvre par Ottawa. Ce n'est pas surprenant que Roy Romanow et le premier ministre s'entendent si bien. Ils ont la même conception de l'impôt. C'est un gouvernement qui ne voit rien de mal à faire preuve de discrimination à l'endroit des familles à revenu unique, qui accroît sans cesse les impôts et qui punit les personnes mêmes sur lesquelles il compte pour régler la note en versant des impôts.
Le gouvernement n'a vraiment aucune contribution importante à apporter. C'est pourquoi il garde un profil bas et il tente d'éviter de contrarier qui que ce soit pendant qu'il tente de faire adopter à toute vitesse par la Chambre une loi boiteuse. Il se cache derrière des sondages d'opinion favorables et des études commandées qui lui disent ce qu'il veut penser. Cela ne fait qu'ajouter à la pile de documents qui constitue le code fiscal. C'est pourquoi il ne pense jamais qu'il existe quelque chose de valable sous cette pile, ou une autre façon d'aborder le dossier.
Il a été prouvé qu'une réduction des impôts entraîne une hausse des recettes. L'Alberta et l'Ontario en ont certainement fait la preuve. L'Irlande vient tout juste de réduire ses impôts et elle est en plein essor. Pourquoi n'arrive-t-on pas à adhérer à cette idéologie?
Le pire, c'est qu'il dépose un projet de loi comme celui-ci qui reprend des thèmes que les Canadiens connaissent déjà et pour lesquels ils ont déjà payé dans le budget précédent.
Le gouvernement cherche à profiter de tout élément positif sur le plan des relations publiques. Ainsi, le ministre des Finances a déclaré que le pays ne peut se permettre que les ajustements mineurs qu'il a concoctés et qu'il est onéreux pour le gouvernement de rendre aux gens leur argent. C'est risible. Il existe un nouveau programme d'aide à l'intention des agriculteurs des Prairies. Il prévoit 85 millions de dollars sous forme de complément à leurs CSRN. Il faut malheureusement dire que c'est une insulte. Il est rare qu'un agriculteur ait droit au CSRN. C'est un programme fondé sur le revenu net. Par conséquent, les 85 millions de dollars ne sont vraiment qu'un leurre.
Nous savons ce qu'il en coûte car, année après année, le ministre des Finances annonce que ses programmes coûteront tant de milliards de dollars au Trésor. Il va de l'avant et soustrait ce montant des comptes de la nation. Il pige directement dans le gousset des contribuables.
J'ignore si les Canadiens commencent à comprendre, mais je suis sûr qu'il ne faudra pas longtemps avant qu'ils découvrent ce qui les irrite vraiment au sujet de ce gouvernement. Le vérificateur général a très bien décrit le petit jeu du ministre et de ses copains des Finances. Peut-être les Canadiens perçoivent-ils la comptabilité comme le code fiscal, c'est-à-dire comme un système extrêmement complexe que personne ne comprend vraiment. Cependant, la méthode du ministre des Finances est très facile à suivre.
Le ministre annonce un programme, disons de 2,5 milliards de dollars. Sans approbation du Parlement, il l'inscrit dans la colonne des dépenses. Puis, il dit qu'il aurait bien aimé alléger les impôts, mais qu'il ne le peut pas parce qu'il ne reste plus d'argent. L'argent s'est envolé. Il a été englouti dans un fonds de bourses d'étude que personne n'avait demandé. Peu de gens pourront en profiter et ces bourses ne seront pas versées avant un délai d'encore un an. Au rythme où notre dollar se dévalue, les étudiants obtiendront peut-être alors une valeur de 50 cents au dollar. Selon notre code fiscal, toute personne qui voudrait gérer son entreprise en inscrivant ainsi ses dépenses aurait de sérieux problèmes avec Revenu Canada.
Nous réussissons à camoufler la véritable situation assez bien au Canada avec notre faible productivité et le reste. Nous profitons de la force de l'économie des États-Unis, mais nous ne pouvons pas compter là-dessus pour toujours. Nous devons devenir autonomes. Il faudra payer les comptes et tout le monde verra alors où ces années de gabegie libérale nous ont conduits.
Nous avons vraiment du retard en ce qui concerne la productivité par rapport à nos homologues américains et les autres pays du G7. Nous avons un dollar faible, des impôts très élevés et une faible productivité. Les sondages nous montrent que personne ne s'identifie vraiment à cette notion de productivité. C'est peut-être parce que cela fait tellement longtemps que nous n'en avons pas que personne ne peut plus reconnaître ce que c'est exactement.
Le ministre de l'Industrie a formulé des observations à ce sujet et je voudrais vous les citer. En parlant du niveau de vie au Canada, il a signalé que depuis 1987, il y a à peine une décennie, le niveau de vie du Canada n'a augmenté que de 7 p. 100, alors que cette augmentation a été de 17 p. 100 aux États-Unis. C'est une différence de 10 p. 100.
Si on en croit la diapositive qu'il montrait, l'écart dans les revenus entre les États-Unis et le Canada est de 30 p. 100 et augmente toujours. Cela équivaut à une différence d'environ 9 000 $ par personne entre le Canada et les États-Unis, ce qui représente autour de 28 000 $ pour une famille de quatre. Ce sont les propres chiffres de Statistique Canada.
En ce qui concerne les répercussions sur la productivité du Canada, le ministre de l'Industrie a déclaré que Canada avait le plus faible taux de croissance en matière de productivité des pays du G7. Nous sommes au 17e rang dans le monde, ce qui est certes tout à fait inadmissible. Pourquoi? Cela s'explique par des impôts élevés et la faiblesse de notre dollar. Nous payons davantage et obtenons moins. C'est tout à fait regrettable.
Le ministre de l'Industrie a également signalé que nous avons des impôts beaucoup plus élevés au Canada qu'aux États-Unis. Notre taux d'imposition équivaut à 130 p. 100 de celui des États-Unis. Si on ajoute cela à la faiblesse de notre dollar, nous sommes sur une pente descendante. Nous voyons des projets de loi d'ensemble comme celui-ci, qui ne font que plonger encore davantage les Canadiens dans le désespoir.
À ce stade-ci, je voudrais présenter un amendement. Je propose:
Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mettant en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis et modifiant la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, puisque le principe du projet de loi n'aborde pas le régime fiscal fédéral afin de mettre fin à la discrimination envers les familles avec enfants ayant un seul revenu.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): À mon avis, l'amendement est recevable.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir intervenir au sujet de ce projet de loi portant mise en oeuvre du budget. Il a déjà suscité beaucoup de commentaires, et je suis certain que ce n'est pas fini.
Je voudrais simplement parler en termes très généraux de ce qu'impliquera la mise en oeuvre de certains éléments du budget et de l'effet qu'ils auront ou n'auront pas sur les familles canadiennes.
Ces deux derniers mois, depuis que les échanges ont vraiment commencé à s'animer dans l'attente du budget du ministre des Finances, et même depuis que je suis député fédéral, soit depuis cinq ans, je n'ai cessé d'entendre des Canadiens dire qu'ils se sentent coupables, comme parents ou propriétaires de petites entreprises désireux de léguer leurs entreprises à leurs enfants, de ne pas mettre de côté autant d'argent qu'ils devraient pour aider leurs enfants à les relever à la tête de l'entreprise familiale, à élever leurs familles ou à faire des études supérieures. J'entends des gens dire qu'il se sentent coupables de ne pas pouvoir faire ce qu'ils estiment devoir faire pour aider leurs enfants à prendre la relève. Cela me préoccupe vraiment. Ils ont tort, pour la plupart, de se sentir coupables, parce que ce n'est quand même pas leur faute s'ils manquent d'argent.
Nous avons entendu beaucoup de choses, ces derniers temps, des choses étayées par les économistes en chef des banques et par les publicités du gouvernement lui-même, selon lesquelles la productivité diminue constamment au Canada. Les Canadiens ignorent probablement pour la plupart ce que c'est que la productivité. Mais ce qu'ils comprennent parfaitement, par contre, c'est que leur niveau de vie ne cesse de baisser. Il faut se rappeler qu'au cours des dix dernières années, les Canadiens ont perdu de plus en plus de pouvoir d'achat. Leur niveau de vie n'a cessé de diminuer.
Quand j'entends les gens dire qu'ils se sentent coupables parce qu'ils auraient dû économiser davantage pour aider leurs enfants aux études, pour être en mesure de léguer leur ferme à la prochaine génération, je pense qu'il importe que je leur fasse comprendre que, dans la plupart des cas, ce n'est pas de leur faute.
Je pense qu'il est important de préciser à qui c'est la faute. C'est manifestement la faute du gouvernement, c'est à cause de ce qu'il a fait ou n'a pas fait au cours des cinq dernières années. C'est la faute du Parti conservateur qui, pendant les neuf années qu'il a été au pouvoir, n'a eu de cesse d'imposer des augmentations de taxes. J'en ai même oublié le compte, mais le Parti conservateur a augmenté les taxes de diverses façons des dizaines et des dizaines de fois. C'est de sa faute et c'est aussi la faute des gouvernements libéraux précédents et dont bon nombre de députés sont encore à la Chambre aujourd'hui. Ils ont augmenté les impôts et se sont lancés dans les dépenses, et les voilà qui sont prêts à recommencer. Ce faisant, ils ont pénalisé les familles canadiennes, les parents d'enfants qui ont décidé de poursuivre leurs études, ainsi que les agriculteurs qui désirent léguer leur ferme à la prochaine génération. Ce n'est pas une sinécure aujourd'hui. C'est la faute du gouvernement qui pénalise ces gens par des taux d'imposition élevés et par une faible croissance.
C'est la faute des gouvernements et je tiens à ce que la population le sache. Je voudrais que les gens qui m'ont dit se sentir coupables sachent qu'ils n'ont pas raison de se sentir coupables. Je suis persuadé que la plupart d'entre eux ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour économiser de l'argent. Ils sont très prudents. Ils ne dépensent pas beaucoup et ils se contentent souvent de très peu, mais ils n'ont tout de même pas d'argent à mettre de côté.
J'entends les députés d'en face crier que ce n'est pas juste, que tout cela est faux. Regardons un peu ce que disent les statistiques. Les familles canadiennes font de moins en moins d'économies et les chiffres le prouvent encore une fois cette année. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Les Canadiens économiseront moins d'argent cette année qu'ils ne l'ont fait l'an dernier. C'est une tendance que l'on constate depuis quelque temps déjà. C'est une grave préoccupation que le budget ne permettra pas de régler, surtout pas les dispositions que nous songeons à adopter ici. Dans ce cas, je ne vois pas comment je pourrais appuyer cette mesure législative.
Lorsque des gens sont venus me voir en me disant qu'ils se sentent coupables parce qu'ils n'économisent pas autant d'argent qu'ils le voudraient pour toutes les choses qui leur importent, je n'ai pas pensé à leur dire que ce n'est pas leur faute, qu'ils doivent tenir compte de ce qui se passe et du fait que, chaque année, une partie de plus en plus importante de leurs gains leur est subtilisée et qu'ils ne peuvent donc pas l'utiliser comme bon leur semble. Les gouvernements arrachent de plus en plus d'argent aux contribuables et ils consacrent ces sommes à toutes sortes de choses qui, à leur avis, importent plus que ce que les familles elles-mêmes jugent important.
Cette attitude me contrarie vraiment et je pense qu'elle irrite aussi la plupart des Canadiens, parce que le gouvernement et le ministre des Finances ont l'impression de mieux savoir comment les Canadiens en général, y compris les parents, devraient dépenser leur argent, comment ils veulent le dépenser et ce qui est important pour eux.
Nous pourrions peut-être changer cette attitude et convaincre le ministre des Finances et le premier ministre que ce sont les Canadiens mêmes, des mères et des pères de famille, qui tentent désespérément de réunir l'argent nécessaire pour que leurs enfants fréquentent l'université ou une école technique et puissent décrocher un emploi intéressant. Si seulement nous pouvions faire comprendre au gouvernement que les familles sont le mieux placées pour savoir ce qui est bon pour elles et comment dépenser leur argent. Nous voudrions tant convaincre nos gouvernements de laisser l'argent dans les poches des gens qui le gagnent.
Je tiens à préciser que je ne suis pas contre l'imposition et que je ne suis pas en train de proposer d'éliminer complètement l'impôt sur le revenu. Je ne veux pas qu'on élimine toutes les taxes, même si certaines devraient disparaître. Je pense que le niveau d'imposition dépasse totalement les bornes. Quand à peu près la moitié de ce qu'on gagne s'en va dans les coffres du gouvernement, on sait que les impôts sont trop élevés.
Au lieu de 50 p. 100, il serait nettement plus raisonnable de réduire l'ensemble des impôts à un niveau de 20 à 30 p. 100. Je pense toutefois qu'il y a des choses, comme les soins de santé, qui sont vraiment importantes pour les Canadiens. La population ne s'oppose pas aux dépenses consacrées aux soins de santé, dans la mesure où elles sont faites d'une façon judicieuse. Le problème en matière de soins de santé vient en partie du fait que les dépenses ne sont pas bien gérées.
Mais il y a aussi le fait que le gouvernement en place a réduit les paiements de transfert aux provinces de presque 7 milliards de dollars par an. Or, ces paiements doivent servir au financement des soins de santé et de l'enseignement supérieur. Ainsi, l'autre cause du problème, c'est que le financement a été réduit de façon drastique.
Le député d'en face dit que ce budget redonne une petite partie de cet argent. Il ne saurait si bien dire. Ils en rendent une petite partie en disant «ne sommes nous pas formidables?». Auparavant, ils ont éliminé quelque 20 milliards de dollars—je ne me rappelle pas du montant cumulatif—au cours des cinq dernières années et maintenant ils proposent de réinvestir un ou deux milliards au cours des deux prochaines années. Ça ne suffit pas et il n'y a pas de quoi se vanter. D'une part, ils ont réduit les montants transférés aux provinces au titre des soins de santé, ce qui a rendu la tâche extrêmement difficile aux provinces dans le domaine des soins de santé.
D'autre part, dans de nombreux cas, les provinces ne peuvent pas, en partie à cause des restrictions déraisonnables imposées par le fédéral, faire ce qui s'impose pour que le système fonctionne correctement.
Le problème d'attitude dont souffre le gouvernement actuel et dont souffraient son prédécesseur conservateur et le gouvernement libéral d'avant doit disparaître. Si nous arrivons à modifier cette attitude, nous pourrons accomplir de véritables progrès. Nous pourrons alors laisser plus d'argent dans la poche des gens qui le gagnent. Si les impôts pouvaient être réduits immédiatement, dans cinq ans, je commencerais à entendre les gens dire qu'ils peuvent enfin se permettre d'économiser un peu d'argent et avec ces économies ils pourront aider un peu leurs enfants à faire des études.
Comme je viens d'une localité rurale, je parle d'agriculture parce que c'est extrêmement important pour moi. Les gens me diraient qu'ils peuvent mettre un peu d'argent de côté parce qu'ils ne paient plus autant d'impôts. Le prix du carburant est composé pour plus de la moitié de taxes. C'est complètement exagéré. Les agriculteurs payent très cher en impôt sur le revenu, mais pas cette année. Ils n'ont pas gagné grand-chose parce que l'industrie est en crise. Cependant, au fil des ans, ils ont payé très cher en impôt sur le revenu et autres formes d'impôt. Il ne fait aucun doute qu'ils sont écrasés par un fardeau fiscal excessif.
De plus, et à cause de cela, de nombreuses familles d'agriculteurs ne pourront pas aider la génération suivante à acheter une entreprise agricole et à la faire prospérer. Cela est directement attribuable à des impôts trop élevés et à une absence totale de volonté de la part du gouvernement pour corriger la situation.
Avant que le ministre des Finances ne présente son budget, nous avons exposé un programme qui aurait accordé aux Canadiens une réduction d'impôt de 25 milliards de dollars. Il ne s'agissait pas d'un quelconque programme déraisonnable. Quelques-uns des meilleurs économistes du pays l'ont vérifié et l'ont jugé fort valable. En nous fondant sur les travaux que nous avons effectués, nous savons que c'est un programme fort valable. Dans notre programme, nous avons prévu des paiements annuels de la dette et l'accroissement, dans une certaine mesure, du financement dans le secteur de la santé et dans d'autres secteurs importants. Il s'agit là d'une perspective fort raisonnable.
Le ministre des Finances a eu sa chance. J'ignore ses motifs, mais s'il avait pu agir à sa guise, peut-être aurait-il suivi davantage la ligne tracée dans notre programme. Il est probable que d'autres ministres du Cabinet l'en ont empêché. Est-ce que je blâme le ministre des Finances? Oui, je le blâme. Je lui jette carrément tout le blâme, car il doit avoir suffisamment de fermeté et de leadership pour corriger la situation. Il doit la corriger et il ne l'a pas fait. Il a échoué lamentablement.
Je n'entends pas imputer des motifs. J'ignore quels sont les motifs du ministre des Finances, mais ce budget est en réalité un budget futile. Le gouvernement parle déjà du budget de l'année prochaine. Il cherche à oublier celui-ci. Nous nous en sommes aperçus au cours de la période des questions. Il parle du budget de l'année prochaine, alors qu'il vient de présenter le budget de cette année. C'est incroyable. De toute évidence, il sait que le budget de cette année était un échec, tant pour le ministre des Finances que pour le gouvernement.
Je dois me demander pourquoi. Est-ce parce que le ministre des Finances ne voulait pas faire quelque chose en particulier? C'est possible. Le premier ministre se retirera d'ici un an ou deux. Tous les Canadiens s'y attendent, je crois. Nous savons que le ministre des Finances sera probablement en bonne posture pour devenir le chef du Parti libéral. Comme la course à la direction du parti se tiendra dans un peu plus d'un an, on peut penser que le ministre des Finances voudra présenter un budget sensationnel l'an prochain.
Certains diront peut-être que l'an prochain, ça va. Il y a cependant deux aspects contestables à cet égard. Premièrement, les Canadiens qui tentent désespérément d'épargner pour payer des études collégiales ou techniques à leurs enfants, ou qui tentent désespérément d'épargner de sorte qu'ils puissent céder leur petite entreprise ou leur exploitation agricole à d'autres, n'y réussissent tout simplement pas. Ils ont besoin de cet allégement dès maintenant. Il y a des familles qui ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Je parle des dépenses de base pour la nourriture et le vêtement. Il y a beaucoup de familles dans cette situation, mais elles ne voient venir pratiquement aucun secours avant l'an prochain.
Qu'arrivera-t-il l'an prochain? Nous avons vu à quel point le Cabinet actuel a déjà influencé le ministre des Finances. Il est peut-être animé des meilleures intentions pour présenter un budget qui ressemblerait beaucoup à ce que nous avons proposé, et pour le faire l'an prochain. Mais le Cabinet le lui permettra-t-il? La ministre du Patrimoine, par exemple, ne songe qu'à dépenser encore et toujours, quand elle ne s'obstine pas à faire adopter une mesure législative stupide comme son projet de loi sur les tirages dédoublés de magazines. Mais c'est là une tout autre histoire, que je n'aborderai pas aujourd'hui.
Il y a plusieurs ministres comme cela. Ils veulent dépenser. Ils pensent que les élections se gagnent en achetant les votes. Ça leur est vraiment égal, je suppose. Je ne devrais pas dire cela en réalité, car je n'en sais rien. Je sais qu'ils ont à coeur l'intérêt du pays. Autrement, ils ne seraient pas ici. Ils ne comprennent pas de toute évidence que ce qu'ils doivent faire, c'est limiter les dépenses et donner l'argent aux Canadiens ou plutôt leur laisser leur argent. Ils ne devraient pas leur prendre leur argent pour le leur redonner ensuite. Qu'ils leur laissent leur argent autant que possible. Ce n'est âs ce qu'ils ont fait cette année. S'ils ne comprennent pas ça, s'ils ne sont pas prêts à laisser le ministre des Finances faire ça, il est probable qu'ils ne le laisseront pas aller aussi loin qu'il voudrait l'an prochain.
Il est possible que le budget de l'an prochain prévoie une réduction d'impôt de 15 milliards de dollars. Ce n'est pas suffisant. Les familles ont besoin d'un montant raisonnable pour prévoir un coussin en cas de ralentissement de l'économie et ce genre de choses. Notre plan le fait. Il prévoit un coussin. Nous ne voulons accumuler de déficit en aucune circonstance, pourtant, les mesures que nous proposons prévoient un allégement fiscal de 25 milliards de dollars.
Que le ministre des Finances se dise prêt à accorder un allégement fiscal de 15 milliards au cours de la même période, ce n'est pas suffisant. Il pense peut-être que cela va lui permettre de remporter la course au leadership. Je crois que de toutes façons, il va l'emporter. Va-t-il en revanche remporter les prochaines élections avec de telles mesures? Je ne crois pas. Pas avec ce type de budget.
Les Canadiens commencent à comprendre ce qui se passe. Ils ont toujours su qu'ils étaient surimposés, mais ils commencent maintenant à voir exactement quelles sont les possibilités. Ils savent enfin qu'ils sont trop imposés, que leur niveau de vie a régulièrement baissé, qu'il est difficile de joindre les deux bouts et qu'ils ne peuvent pas épargner pour des choses qui sont vraiment importantes pour eux. Ils commencent désormais à voir pourquoi. Cela explique ce qui se passe à l'heure actuelle. Les Canadiens examinent la question vraiment en profondeur. Ils comprennent de plus en plus que le gouvernement aurait pu faire beaucoup plus. Il a très peu fait au moyen du budget. Le projet de loi C-72 met en oeuvre des mesures prévues dans un budget où l'on n'a pas fait ce qu'il aurait fallu faire. Cela me préoccupe vraiment.
Il y a des gens qui se sentent coupables parce qu'ils n'arrivent pas à épargner, mais ce ne sont pas eux qui devraient se sentir coupables. Ce sont les ministériels qui devraient se sentir coupable de ne rien faire. Ils ont eu l'occasion d'agir très vite sur cette question. Ils auraient pu, par exemple, offrir un allégement fiscal de 2 500 $ aux familles qui touchent 30 000 $. Celles-ci auraient ainsi disposé de 2 500 $ de plus.
Un plus grand nombre de familles auraient ainsi pu cotiser un peu à un régime enregistré d'épargne-retraite en vue de réduire davantage leurs impôts. Un plus grand nombre de familles auraient pu épargner un peu plus pour envoyer leurs enfants à l'école technique, au collège ou à l'université après leurs études secondaires.
Voilà ce qui serait arrivé. En outre, on aurait pu améliorer notre système de soins de santé de telle sorte que les listes d'attente ne continuent pas à s'allonger comme elles le font depuis déjà de nombreuses années. De plus en plus de gens souffrant de maladies très graves doivent attendre avant de recevoir des services médicaux, parce que le gouvernement a pris de mauvaises décisions et n'a pas agi.
Je suis absolument ravi que les Canadiens en général, après avoir examiné les choses de beaucoup plus près, reconnaissent que le gouvernement a effectivement et misérablement échoué. Je peux dire à coup sûr que les électeurs de Lakeland et de beaucoup d'autres circonscriptions du Canada feraient à peu près la même chose que moi s'ils étaient à ma place aujourd'hui lorsque le projet de loi sera mis aux voix. Ils voteraient contre ce projet de loi, qui met en oeuvre des mesures prévues dans un budget qui est parfaitement insuffisant. C'est un fiasco et je crois que je dis ce qu'ils diraient.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole, aujourd'hui, sur le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et qui vient mettre en oeuvre certaines mesures qui ont été annoncées dans le cadre du budget de 1998.
D'ores et déjà, je veux signaler qu'il est très difficile pour le Bloc québécois d'appuyer le projet de loi C-72, parce qu'on réalise, encore une fois, que les priorités de ce gouvernement ne sont pas à la bonne place.
Certaines choses sont à retenir, mais cela ne règle pas en profondeur la situation des Québécois et des Québécoises.
Même si je suis ici seulement depuis juin 1997, je réalise que c'est toujours la même chose qui se passe de l'autre côté, que l'on soit en 1997, 1998 ou 1999.
Hier, j'ai commenté le budget de 1999. Le programme du gouvernement d'en face est souvent difficile à suivre. On essaie, je ne sais par quel moyen, de nous ramener sur les dispositions de 1998, alors que peu importe qu'il s'agisse de 1997, 1998 ou 1999, c'est toujours la même chose.
Ce gouvernement a utilisé les fonds de la caisse de l'assurance-emploi, a coupé dans les transferts aux provinces et, par toutes sortes de petites taxes indirectes, a trouvé le moyen, l'an dernier, de ramener son déficit à zéro.
Mais si ce gouvernement avait voulu utiliser de façon plus logique les surplus qui étaient à sa disposition, non seulement aujourd'hui, dans le cadre de la mise en oeuvre du budget de 1998, on retrouverait des mesures qui sont beaucoup plus intéressantes pour les Québécois, les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes.
Par exemple, l'an dernier, en 1998, lorsque le budget a été déposé, les chômeurs, les chômeuses, les étudiants et les malades sont restés sur leur appétit. Ils ont cru que cette année, en 1999, le ministre des Finances aurait annoncé des mesures beaucoup plus justes, plus équitables, qui leur permettraient de souffler.
L'an dernier, les chômeurs, les chômeuses, les malades, les jeunes, les étudiants et les personnes les plus démunies ont compris qu'il fallait peut-être encore faire un effort pour permettre à ce gouvernement d'atteindre le déficit zéro.
D'ailleurs, il est difficile de comprendre comment ce gouvernement planifie ses budgets. Je ne connais aucune entreprise, québécoise ou canadienne, qui fonctionnerait avec de telles prévisions. C'est facile de prédire un déficit zéro en 1998, 1999 et encore en l'an 2000. Mais ensuite, que fait le ministre des Finances avec ses fonctionnaires? Il tripote les chiffres. Tripoter les chiffres, cela veut dire qu'on joue avec les chiffres sur tous les plans. On commence tout d'abord par dire qu'il n'y a presque pas de surplus dans la caisse de l'assurance-emploi. Cependant, pour l'année actuelle, 1999, les surplus vont atteindre 26 milliards de dollars.
L'an dernier, les surplus étaient très élevés, et je suis à peu près certain que dans le document qui a été déposé ce matin par le ministre du Développement des ressources humaines, rapport qui fait état du régime d'assurance-emploi actuellement, on va retrouver des choses à corriger.
Ce gouvernement, depuis qu'il est au pouvoir, tente de créer deux classes dans la société canadienne: les riches et les pauvres. Ce qui est le plus révoltant, c'est qu'on utilise l'argent des plus démunis pour favoriser les plus riches. Le Bloc québécois demande depuis plusieurs années, lorsqu'il y a des baisses d'impôt, que ce soit des baisses d'impôt ciblées, ce qui permettrait à ceux et à celles qui ont payé le déficit, de pouvoir récupérer une partie de leur investissement. Mais ce n'est pas ce qui se produit ou ce qui s'est produit en 1997, 1998 et encore moins en 1999.
L'assurance-emploi appartient aux chômeurs, aux chômeuses et aux employeurs. Ce gouvernement n'investit pas un sou dans la caisse. Que fait-il avec l'argent de la caisse de l'assurance-emploi? Il le récupère, il l'intègre dans le Fonds consolidé, il le reprend, non seulement pour le donner aux plus riches, mais aussi pour entrer de plein fouet dans des champs de compétence provinciale.
Les exemples sont nombreux. On se souvient très bien, lors de la lecture du discours du Trône, au mois de septembre 1997, que déjà, on voyait la trame de ce gouvernement de propagande, qui était prêt à s'immiscer dans tous les champs de compétence provinciale.
Le ministre des Affaires intergouvernementales a dit ici, à la Chambre, que nous avions l'une des constitutions les plus décentralisées. Ils travaillent quotidiennement pour faire de cette Constitution, de ce Canada de plus en plus unitaire, un gouvernement centralisé. Pourquoi? Parce qu'on va négocier sur le plan international. Le droit international va avoir sa place.
Les députés de l'autre côté de la Chambre et le Canada anglais ne comprennent pas les enjeux de la mondialisation. Pourtant, on sait très bien que s'ils arrivent à la table de négociation alors que le ménage n'est pas fait dans leur cour et que ce n'est pas clair, ils pourraient se faire dire: «Mettez donc de l'ordre dans votre Constitution; mettez de l'ordre dans vos affaires; respectez donc vos partenaires et, à ce moment-là, on va commencer à négocier.»
Ce gouvernement s'applique quotidiennement à s'immiscer dans des champs de compétence provinciale, de façon à démontrer, au plan international, qu'il est maintenant un gouvernement central ayant une Constitution qui lui permet de le faire.
Tous les gestes sont posés de cette façon. C'est pourquoi dans le cadre d'un projet de loi comme celui-ci, le projet de loi C-72, on ne retrouve que des mesures mineures, que de petites miettes pour aider les gens qui en ont besoin.
Je reviens encore à l'assurance-emploi. Y a-t-il quelque chose de plus angoissant dans la vie que de perdre son emploi? Dans le cadre d'une restructuration, dans le cadre de réajustements de nombreuses entreprises, des gens perdent leur travail et ils ont besoin d'une nouvelle formation. Ces gens ont besoin de respirer. Lorsqu'ils se présentent dans les bureaux du Développement des ressources humaines, ils ne savent pas s'ils recevront des prestations d'assurance-emploi. Les chômeurs et les chômeuses sont de plus en plus inquiets. On sait maintenant que 40 p. 100 seulement des gens qui paient des cotisations à l'assurance-emploi ont droit à des prestations. C'est inquiétant.
Ce qui est le plus révoltant, c'est de voir que ces personnes, les plus démunis, les chômeurs, les chômeuses, les femmes monoparentales, les étudiants ont fait des sacrifices et maintenant, ils voient cet argent incorporé au Fonds consolidé du gouvernement canadien pour que le ministre des Finances puisse le prendre par la suite et le distribuer partout.
Dans le projet de loi C-72, on ne parle pas des bourses du millénaire. Mais les bourses du millénaire ont été présentées dans le budget de 1998. On sait qu'elles entreront en vigueur bientôt. Qu'est-ce que cela représente pour la population étudiante québécoise et pour la population étudiante du reste du Canada?
Au Québec, on est dotés d'un très bon programme de prêts et bourses, l'un des meilleurs en Amérique du Nord, qui a fait ses preuves. Maintenant, par une manigance du gouvernement fédéral, on va venir jouer dans ces champs de compétence. L'étudiant qui fera des démarches auprès de la Fondation devra par la suite faire un rapport pour avoir droit aux prêts et bourses. Il se pourrait que des jeunes soient pénalisés par cette ambiguïté administrative, d'autant plus que le gouvernement du Québec, avec son programme de prêts et bourses, a déjà en place une infrastructure qui permet de donner de très bons services.
Ici, au gouvernement fédéral, qui administrera la Fondation? C'est un conseil privé, un conseil qui est entre les mains du président de Bell Canada. C'est inquiétant. On ne sait pas combien cela coûtera. On ne sait pas comment ça fonctionnera, mais on sait surtout que ça enlève des centaines des millions de dollars de la poche des étudiants et étudiantes du Québec.
On comprendra que lorsqu'est arrivée l'union sociale, lorsqu'on a négocié pour s'entendre avec les autres provinces, le premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, ne pouvait pas signer cette entente. On a d'ailleurs vu les résultats du dernier budget.
On voit également comment ce gouvernement s'aligne pour pouvoir distribuer ses cadeaux dans toutes les provinces et surtout s'immiscer dans les champs de compétence provinciale.
Une entreprise aux prises avec des difficultés financières commence normalement par regarder à l'intérieur de son entreprise pour voir de quelle façon elle pourrait diminuer ses dépenses pour avoir plus de revenus.
J'ai siégé au Comité permanent des comptes publics et j'ai réalisé à maintes reprises que les ministères n'avaient pas encore fait leurs efforts. Oui, on a fait des efforts en ce qui concerne les coupures de personnel et sur les services qui sont donnés à la population. Mais lorsqu'il est question de gros salaires, de cadres et de montants d'argent qui peuvent favoriser de généreux donateurs du Parti libéral du Canada, on a beaucoup de difficulté à faire le ménage.
Que fait le gouvernement fédéral pour payer son déficit? Il pompe dans les surplus de l'assurance-emploi. Il a coupé de façon draconienne les paiements de transfert en santé, en éducation et dans les programmes sociaux. De plus, ce gouvernement est devenu le champion de l'instauration de petites taxes imposées à tous les services qui sont donnés à la population: passeports, parc nationaux.
Aujourd'hui, ce gouvernement ne donne plus de services gratuitement. Pourtant, dans une collectivité comme la nôtre, l'État a sa part à faire. On est rendus à débourser continuellement pour des services qui sont payés par des taxes et des impôts puisés dans la poche des contribuables et, de plus, on est sur-imposés.
Je reviens au projet de loi C-72. Le gouvernement fédéral s'y est pris d'une autre façon pour avoir plus d'argent dans ses poches, et c'est par l'harmonisation de la TPS. Au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas eu de problème, mais lorsque cela s'est fait au Québec, il y a eu des problèmes. On tombe dans une guerre de chiffres et de statistiques.
L'actuel ministre des Finances est un spécialiste du tripotage des chiffres. Ce ministre a le championnat du truquage. Dans le budget de 1998, il y a des écarts de 40 p. 100 à 50 p. 100 entre les prévisions et la réalité. Comment pouvons-nous croire un tel ministre des Finances? C'est la crédibilité de tout un pays.
Le ministre des Finances, c'est le ministre le plus important après le premier ministre. Mais de la façon dont il agit, et le fait qu'il ne soit pas plus sérieux dans ses prévisions budgétaires, c'est toute la crédibilité de l'État qui est en jeu. On a dénoncé cette situation à maintes et maintes reprises, ici à la Chambre, au Comité permanent des finances et partout où on a l'occasion de s'exprimer. On voit que les gens ont de la difficulté à comprendre les comportements et, surtout, le véritable objectif de ce gouvernement.
En septembre 1997, ce gouvernement s'apprêtait à débarquer dans les champs de compétence provinciale, à renforcer sa Constitution pour tenter de démontrer au reste du Canada qu'il était un Canada unitaire. Mais heureusement, les Québécois et les Québécoises ont plus de discernement. D'ailleurs, un récent sondage publié par le Globe and Mail de Toronto démontre que si on allait en référendum, on obtiendrait 49,2 p. 100 de la faveur populaire. Ce sondage a été fait avant le dépôt du budget du ministre québécois des Finances, M. Bernard Landry.
Ce même gouvernement a envoyé ses ministres, des sénateurs, des secrétaires d'État et des députés patrouiller tout le Québec pendant la semaine de relâche. Malgré tout cela, ils ont chuté de 4 p. 100 au Québec. Le Bloc québécois obtient maintenant 46 p. 100 des intentions de vote au Québec.
Tout cela pour dire que même si ce gouvernement essaie de berner les autres provinces canadiennes, les Québécois et les Québécoises voient clair et comprennent que s'ils veulent que le Québec ait véritablement sa place sur le marché mondial, il n'y a qu'une solution, c'est la souveraineté du Québec. C'est de cette façon que l'on pourra continuer à faire avancer les idées de ces grands Québécois qui, dès la Révolution tranquille, ont vu juste, ont vu que le Québec, dans le cadre du système fédéral actuel, n'avait plus sa place.
Donc, le Bloc québécois, aujourd'hui, ne peut approuver entièrement ces petites modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, le projet de loi C-72. On aimerait, possiblement dans d'autres dispositions du budget de 1999, retrouver des choses qui répondraient aux besoins des plus démunis. Il pourrait s'agir de baisses d'impôt ciblées, non pas des baisses d'impôt générales, comme cela a été le cas, où on a pris l'argent de la caisse de l'assurance-emploi payée par les chômeurs, les chômeuses et les employeurs. Il faudrait redistribuer l'argent à tout le monde de façon équitable, en commençant par les plus démunis qui ont payé pour les plus riches.
Ce qui m'inquiète de ce gouvernement, et surtout avec tout ce qui s'en vient avec la mondialisation, c'est que malgré tous les chambardements économiques qui vont survenir au cours des prochaines années, ce gouvernement soit déjà en train de faire des efforts pour créer deux classes au Canada, les riches et les pauvres.
Le Bloc québécois, un parti plus ouvert à la classe moyenne, souhaite que les gens, qu'ils soient pauvres ou riches, soient traités de façon équitable et juste. Mais ce n'est pas avec ce que le gouvernement fédéral libéral présente ce matin que nous pourrons arriver à ces fins.
[Traduction]
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Madame la Présidente, je suis très heureuse de pouvoir prendre la parole à la Chambre aujourd'hui sur le projet de loi C-72, Loi de 1998 modifiant l'impôt sur le revenu. Je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, le député de Kamloops, Thompson and Highland Valleys.
Je commence par attirer l'attention sur le fait que le projet de loi dont nous sommes saisis fait suite au budget de 1998. En songeant à ce budget, son contenu et les modifications dont nous sommes maintenant saisis qui visent la Loi de l'impôt sur le revenu, nous nous rappelons que ce budget du gouvernement avait été présenté comme un budget pour l'éducation, un budget pour les jeunes.
En tant que porte-parole du NPD pour les questions relatives à l'enseignement postsecondaire, j'ai épluché ce budget et j'ai rencontré des étudiants et des organisations étudiantes. Je voulais savoir si vraiment ce budget prétendument axé sur l'éducation, et maintenant les modifications proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu qui en découlent, comportait vraiment des mesures qui allaient aider les étudiants canadiens. Durant toute l'année 1998, à mesure que les effets du budget se faisaient sentir, il est devenu évident que, même si cette mesure était toujours prônée par le gouvernement libéral comme un budget extraordinaire au chapitre de l'éducation, très peu de choses avaient changé dans la vie quotidienne des étudiants.
En tant que défenseur des intérêts des étudiants, comme d'autres députés à la Chambre, le sort des étudiants du Canada me préoccupe. Or, ce budget comportait une mesure abominable. Alors qu'on nous disait que c'était un budget axé sur l'éducation, on imposait secrètement, sans que rien ne paraisse, une mesure que le ministre des Finances avait pris soin de taire dans son discours. On a apporté à la Loi sur la faillite des modifications ayant des répercussions sur les étudiants. On a modifié les dispositions sur la faillite de manière que les étudiants ne puissent plus déclarer faillite quand ils ont épuisé tous les autres recours. Ils ne pouvaient déclarer faillite après deux ans. Ils devaient attendre 10 ans.
Il y a une quinzaine de jours, j'ai assisté à une conférence de presse de la Fédération canadienne des étudiants. Elle portait sur une cause type présentée pour contester les modifications que le gouvernement libéral a fait apporter à la Loi sur la faillite en 1998.
Mme Annik Chénier est une jeune femme qui fréquente l'Université Saint-Paul, à Ottawa. Elle avait une dette d'études de 63 000 $. Après un allégement des intérêts et une remise de dette très modestes, Mme Chénier avait toujours une dette de plus de 50 000 $. Elle avait quitté les études et travaillait, et elle devait payer près de 700 $ par mois pour rembourser ses prêts d'étudiante. Mme Chénier avait essayé d'obtenir une réduction et des modalités de remboursement différentes, mais elle avait épuisé tous les recours. À court de solutions, elle a voulu déclarer faillite, mais elle n'a pu le faire, à cause des changements proposés dans le budget de l'an dernier. Je tiens à soulever ce cas, car il illustre bien la situation des étudiants.
Le projet de loi à l'étude aujourd'hui contient des modifications mineures—un peu de bricolage, en somme—qui procureront un certain soulagement aux étudiants. Je vais passer ces modifications en revue. Mais le problème de l'inégalité foncière et de la crise provoquées par la diminution du financement public et l'augmentation considérable des frais de scolarité et de l'endettement des étudiants reste entier.
Nous avons donc des étudiants, comme Mme Chénier et bien d'autres aux quatre coins du Canada, qui sont dans une situation désespérée et sont harcelés par des agences de recouvrement. J'ai reçu des appels d'étudiants en pleurs parce qu'ils avaient été harcelés par des agences de recouvrement au travail ou à l'école. Les prêts aux étudiants ont été privatisés, cédés aux banques, qui obtiennent une prime sur les prêts étudiants et si les étudiants sont en défaut de paiement, bien involontairement, leur dossier est mis entre les mains d'une agence de recouvrement.
J'estime qu'il importe de souligner que certaines dispositions du projet de loi dont nous sommes maintenant saisis, à savoir les mesures touchant la réduction des dettes, les REEE et le crédit d'impôt fédéral de 17 p. 100, viennent certainement en aide aux étudiants. Malheureusement, la réalité, c'est qu'ils ne changent pas fondamentalement la situation des étudiants.
Une bonne mesure a été ajoutée, soit l'aide aux étudiants ayant des personnes à charge. Cette mesure, une promesse libérale faite dans livre rouge, prévoit des bourses de 3 000 $ par année. C'était une bonne mesure, et je me réjouis que le gouvernement l'ait adoptée.
J'ai été très déçue, à l'instar sans doute des étudiants du pays et des Canadiens en général, de constater que l'aide accordée dans le budget était bien loin de répondre aux attentes des intéressés.
Une des modifications prévues dans la loi a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers. Si on prend l'exemple d'un ménage à un revenu gagnant 20 000 $, ce ménage n'obtiendrait qu'une réduction d'impôt de 165 $, selon les dispositions du projet de loi. Certes, c'est mieux que rien. Cependant, je dois comparer cela à une lettre que j'ai reçue il y a quelques jours d'une Britanno-Colombienne.
Cette femme m'a décrit sa situation. Elle travaille dans un restaupouce, et elle est payée au salaire minimum. Elle élève deux enfants et consacre plus de la moitié de son revenu au loyer. En fait, elle m'écrit à propos du logement parce que j'ai soulevé les questions du logement et des sans-abri. La mise en oeuvre des mesures dont nous discutons aujourd'hui améliorerait-elle la situation de cette femme et de ses enfants?
Aurait-elle beaucoup plus d'argent pour payer son loyer? Aurait-elle plus d'argent pour acheter de la nourriture? Aurait-elle plus d'argent pour investir dans un REER afin de payer les études de ses enfants? C'est dans une des dispositions du projet de loi à l'étude. Elle arrive à peine à payer son loyer. Devant sa situation, on comprendra que le régime d'épargne-études est bien loin sur sa liste de priorités.
Comme mes collègues du NPD, je suis arrivée à la conclusion que le budget est un échec pour ce qui est des modifications proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce budget ne fait rien contre les inégalités croissantes qui existent dans notre société. J'ai entendu quelques députés bloquistes dire que des électeurs de leurs circonscriptions se trouvaient dans la même situation et pensaient de la même manière.
Je crois que nous avons un problème grave au Canada. Le gouvernement n'en est pas à son premier budget. Nous avons eu le budget de l'éducation. Nous avons eu cette année le budget dit de la santé. On parle d'un budget des enfants pour l'an prochain. Pas un de ces budgets, pas plus que les modifications au régime fiscal qui en découlent, ne modifie en profondeur ce régime pour le rendre plus juste et plus progressif et pour améliorer le sort des Canadiens à faible revenu, qui ont ressenti le plus durement les compressions massives et les injustices du régime fiscal.
Je crois que c'est un jour très triste pour le Canada. C'est pourquoi j'ai voté avec mes collègues du NPD contre le budget de l'an dernier. Ce budget n'apportait pas les solutions attendues. Qui le dernier budget aide-t-il vraiment? Aide-t-il les personnes les plus dans le besoin? Si nous nous posons ces questions, nous arrivons à la conclusion que le budget et les modifications proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu sont un échec.
Nous ne pouvons pas nier que les injustices du régime fiscal sont accentuées et que la situation des étudiants et des Canadiens à faible revenu empire constamment.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Madame la Présidente, j'ai écouté avec intérêt les remarques de ma collègue. Ne serait-ce pas merveilleux si tous les discours à la Chambre des communes étaient aussi éclairés et bien documentés que celui que nous venons d'entendre? Ce n'est malheureusement pas le cas. Trop de gens lisent des textes rédigés par d'autres.
Nous parlons aujourd'hui de l'impôt sur le revenu. Je soupçonne que les gens ont des frémissements lorsqu'ils entendent les mots «impôt sur le revenu». Il y a probablement des centaines de milliers et peut-être même des millions de Canadiens qui sont à leur bureau, à la maison ou à l'usine et qui appréhendent le moment où ils devront réunir tous les documents nécessaires, les feuillets T-4 et ainsi de suite, et remplir ce damné formulaire.
La Constitution dit que nous ne pouvons pas imposer aux gens un traitement cruel et inhabituel. Je suppose que demander aux gens de remplir leur déclaration de revenus est une forme de traitement cruel et inhabituel. C'est une expérience pénible.
L'autre jour, j'ai rencontré de jeunes travailleurs autonomes. Ce sont des consultants. Ils étaient furieux parce que, après avoir rempli leur déclaration de revenus, ils s'étaient rendu compte qu'ils devaient envoyer au gouvernement fédéral une grosse partie de leur argent durement gagné. Ils se sentaient déprimés. Ils étaient frustrés. C'est presque de l'automutilation.
On s'assoit à un pupitre avec une montagne de documents et on essaie de comprendre ce qui dit le formulaire. On lit les explications, mais c'est très compliqué. Il y a maintenant des programmes informatiques. La farce du siècle, c'est cette dame âgée qui est venue à mon bureau de Kamloops l'autre jour. Elle a dit: «Je viens de remplir ma déclaration de revenus et il y a certaines parties que je ne comprends pas. Je me demandais si vous pourriez m'obtenir une copie de la Loi de l'impôt sur le revenu.» Elle croyait qu'il s'agissait d'une petite brochure, d'un petit dépliant.
Il faudrait une camionnette pour transporter la Loi de l'impôt et toutes ses brochures explicatives. Madame la Présidente, vous êtes pourtant une femme intelligente, comme d'autres députés d'en face, mais je vous garantis que vous n'y comprendriez rien. Personne ne peut rien y comprendre. Je suis prêt à parier qu'il n'y a personne au monde qui est capable de comprendre cette masse de documentation.
Faisons un test. Il y a ici des gens intelligents. Voilà, je choisis au hasard cette brochure et cet article. Je n'ai pas lu le texte à l'avance, mais je vais maintenant le faire et je demanderai à mes collègues, en particulier les libéraux, d'être attentifs car un test suivra.
Le texte stipule que: Le ministre peut accorder une dérogation aux dispositions de la présente loi, autres que celles contenues aux articles 14 à 19, à toute société d'investissement s'il estime que (a) l'entreprise d'investissement de la société ou une partie importante de cette entreprise est de courte durée et accessoire au principe qui la régit, ou (b) la société, quoique constituée après le 1er janvier 1972, l'a été principalement pour pratiquer l'entreprise d'investissement et entend demeurer une société au sens du sous-alinéa 2(3), ou ultérieurement des paragraphes 5(2) à 5(17), ou (c) il n'est pas nécessairement de l'intérêt public que la loi s'applique à la société, compte tenu de l'objet de la loi et de l'un ou l'autre des facteurs suivants: (1) les personnes envers lesquelles la société a une dette résultant d'un emprunt, ou (2), le montant de la dette contractée par la société par suite de l'emprunt, ou (3) la nature de toute garantie donnée par la société à l'égard de l'emprunt, et (4) la mesure dans laquelle les activités de la société sont intégrées aux activités de ses filiales, le cas échéant, et des activités de toute société dont elle est elle-même une filiale et de toute autre filiale de cette société.
Nous passons ensuite au paragraphe 2. Dans ce cas, le ministre peut décider d'abroger une exemption accordée en vertu du paragraphe 4. Si celle-ci n'est pas conforme à l'alinéa 2b) et que le ministre estime que les critères visés dans cette disposition ne sont plus respectés, lorsque l'exemption est accordée en vertu du paragraphe 2 ou 15, conformément à l'alinéa 2b), l'exemption accordée à la société, après le 1er janvier 1972, si celle-ci s'occupe essentiellement de faire des investissements, ne devrait pas être abrogée.
M. Ken Epp: Cela me semble tout à fait logique.
M. Nelson Riis: C'est parfaitement clair. C'est simple. L'exemption ne peut être abrogée au bout du compte.
Il faudrait que quelqu'un soit titulaire de 50 diplômes en droit pour comprendre ce que cela peut bien vouloir dire. Ne nous y trompons pas, c'est précisément de cela dont il est question. Le charabia et le jargon obscur contenus dans ce projet de loi dépassent l'entendement. Si quelqu'un retenait les services d'un spécialiste du droit fiscal ou d'un fiscaliste d'expérience chèrement payé, il pourrait faire croire à pratiquement n'importe qui que telle et telle choses sont déductibles, et ainsi de suite. C'est comme si je lisais un extrait d'une oeuvre tragico-comique.
Je pourrais lire des dizaines de milliers d'autres pages et mettre au défi tous les brillants députés présents dans cet édifice de dire qu'il comprenne ne serait-ce qu'une page de la Loi de l'impôt. Je ne connais personne ici qui puisse le faire. Ceux qui sont absents aujourd'hui, ce sont peut-être eux les génies.
Ceux qui doivent consulter la Loi de l'impôt seront unanimes à dire que personne n'y comprend rien.
Une voix: Retenez les services d'un fiscaliste.
M. Mac Harb: Allons, c'est très simple.
M. Nelson Riis: Monsieur le Président, mon collègue libéral dit que c'est assez simple. Pour certains esprits tordus, c'est peut-être le cas, mais les gens intelligents vous diront que c'est du jargon obscur. Lorsqu'on en consulte les pages—et je sais que nous ne pouvons pas brandir quoi que ce soit à la Chambre, mais ce n'est pas vraiment le cas ici—on s'aperçoit que ce n'est ni blanc, ni noir, tout est dans des tons de gris. Les zones grises prêtent à interprétation.
Imaginez à quoi peuvent ressembler les employés de Revenu Canada qui passent leurs journées entières le nez dans ce livre. Il faut sûrement un caractère bien spécial pour accomplir ce travail. Dieu merci que ces fonctionnaires ont les qualités nécessaires pour faire ce travail, car moi, j'en serais incapable.
Il n'y a pas de pages claires dans ce livre, seulement des zones grises. Tout est gris. Ceux qui ont recours aux services d'un bon avocat fiscaliste, d'un bon comptable fiscaliste ou d'un bon conseiller en fiscalité peuvent probablement éviter de payer l'impôt qu'ils devraient normalement verser. Voilà à quoi ça rime.
Il y a aussi les ouvrages à succès. Si vous vous rendez aujourd'hui dans n'importe quelle grande librairie du pays, vous les trouverez toujours bien en évidence à l'entrée. Quels sont-ils? Ce sont des livres sur les mille et une façons d'éviter de payer des impôts. Il y a le conseiller fiscal de Pierre, la fiscaliste Marie-Jeanne, etc. Chacun a maintenant un ouvrage fiscal favori, et celui-ci est mis à jour chaque année parce qu'il y a des changements à tous les douze mois. C'est l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui. Il vise principalement à montrer comment éviter de payer des impôts. C'est le best-seller aujourd'hui. Mes collègues conservateurs reconnaîtront, j'en suis convaincu, que si l'on se rend dans un aéroport ou dans toute grande librairie, on trouvera des livres sur la façon d'éviter de payer des impôts.
Les gens sérieux en font probablement leurs livres de chevet, mais ils peuvent aussi participer à des séminaires sur la façon d'éviter intégralement les impôts. Il est alors question du paradis fiscal des îles Cayman, des Bahamas ou de l'île de Man et de bien d'autres moyens. En contrepartie d'un généreux droit d'inscription, ces séminaires vous apprennent tout ce qu'il faut savoir pour éviter de payer quelque impôt sur le revenu que ce soit.
C'est aujourd'hui un débat déprimant. Dans les grandes lignes, toutes ces dispositions sont probablement assez équitables. Un petit aménagement par-ci pour aider un groupe, un petite modification par-là pour aider un autre groupe, mais rien ne changera. Ce ne sont que langue de bois et mesures plus complexes et plus floues dans le régime fiscal. Et les gens seront heureux des miettes que le ministre des Finances leur aura laissées en apportant ces petits changements.
Les Canadiens exigent une véritable réforme de la fiscalité au pays. Ils veulent modifier le régime. Ils veulent qu'on prenne une camionnette, qu'on y mette tous ces livres et qu'on aille jeter ça, afin qu'on puisse repartir à zéro. Ils souhaitent un véritable système fiscal, un système fiscal progressif, et ils réclament qu'on cesse de se servir du système fiscal pour introduire tous ces minuscules changements dans la société d'aujourd'hui.
Je vois ici le secrétaire parlementaire du ministre des Finances. J'apprécie son jugement. J'espère qu'il me posera une question.
Car j'estime que le moment est venu de nous réunir en comité—comité des finances ou comité plénier—, d'éplucher la loi de l'impôt, de relever les principales exemptions prévues par la loi de l'impôt et d'appliquer une analyse coûts-avantages à chacune. Quel est le coût de cette échappatoire, de cette exemption fiscale et quel avantage en tirons-nous? S'il n'apparaît pas clairement que nous en tirons davantage qu'elle ne nous en coûte, alors débarrassons-nous-en.
Une voix: Lui posez-vous une question?
M. Nelson Riis: Je lui pose une question. Je demande ceci au secrétaire parlementaire du ministre des Finances pourquoi ne pas éplucher notre loi de l'impôt, effectuer une analyse coûts-avantages de chacune des exemptions fiscales d'importance et, si elle ne résiste pas à la logique économique, s'en débarrasser?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Merci, Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir...
Une voix: Et un défi.
M. Tony Valeri: Parfois un défi, je le reconnais, d'écouter notre vis-à-vis.
J'ai beaucoup de respect pour lui. Il est membre du Comité des finances et il contribue beaucoup, je pourrais ajouter, aux débats au Comité des finances.
Il propose d'examiner le régime fiscal et il sait fort bien que le Comité des finances est maître de son destin. Si le comité veut examiner ce régime fiscal, qui suis-je pour l'en empêcher.
Nous sommes tous ici pour aider, pour nous assurer que les Canadiens obtiennent les meilleurs services gouvernementaux possibles. Ainsi, je vais participer à n'importe quel débat qui va permettre d'en donner davantage aux Canadiens pour leurs deniers fiscaux. C'est certes la raison pour laquelle je siège dans cette enceinte.
Il est parfois ironique d'entendre un député néo-démocrate parler d'impôt, de la nécessité d'une réforme fiscale et du besoin de veiller à ce que le fardeau fiscal des Canadiens soit allégé. Il est vrai que j'ai quelques fois le sentiment que ce député n'entre pas dans le moule, bien qu'il soit un membre du NPD. Chose certaine, nous avons commencé cela de ce côté-ci de la Chambre dans le budget de 1998 et nous avons poursuivi nos efforts dans le budget de 1999.
Même si ce n'est qu'un début, et je ne crois pas que quiconque de ce côté-ci pense que le travail est terminé sur le front fiscal, le député devrait quand même dire au moins qu'il appuie les mesures que renferme ce projet de loi. Il est question de l'augmentation de l'exemption de base, de l'élimination de la surtaxe, du crédit d'impôt pour intérêts sur les prêts aux étudiants, du régime enregistré d'épargne-études, de la capacité de retirer de l'argent des régimes enregistrés d'épargne-retraite pour financer des études à temps partiel, de la déduction pour frais de garde d'enfants, du crédit d'impôt pour aidants naturels et de l'augmentation de la déduction d'impôt accordée aux volontaires des services d'urgence.
Ce sont un certain nombre de mesures. Je reconnais que le député a raison de dire qu'il faut faire davantage relativement au régime fiscal. Je lui concède cela. Cependant, le député devrait reconnaître que le travail que le gouvernement a commencé à faire dans ce domaine mérite son appui.
M. Nelson Riis: Monsieur le Président, j'ai eu une vision pendant que mon ami avait la parole. Je voyais une créature semblable à la déesse hindoue qui a une quinzaine de bras. Je voyais ces quinze mains faire les poches à chaque citoyen.
Mon ami n'a pas parlé de la nouvelle agence de perception des impôts, une agence géante grâce à laquelle non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les gouvernements provinciaux pourront faire les poches aux Canadiens.
Quelqu'un vient de comparer le gouvernement à un matelot ivre qui percevrait les impôts. Ce n'est pas comme un matelot ivre qui dépense de l'argent, parce que les matelots ivres, au moins, dépensent leur propre argent, alors que le gouvernement dépense de l'argent qui ne lui appartient pas.
Ce serait folie, je le répète, que de dire que ces dépenses ne sont pas valables. Bien au contraire, beaucoup des dispositions du budget seront utiles. Mais je nous comparerais au jeune garçon qui mendie dans les rues et qui vit de toute évidence dans des conditions abominables. Il est là, une écuelle à la main, et mendie. Quelqu'un lui donne dix sous en se disant que le jeune devrait lui en être reconnaissant et se contenter de cela. Voilà ce qui se passe en l'occurrence; le gouvernement nous donne de la petite monnaie que nous recueillons dans nos écuelles de mendiant et on nous demande de nous exclamer que c'est magnifique. Merci beaucoup, monsieur le ministre des Finances! Ces changements sont trois fois rien.
Mon ami de Vancouver a parlé de la dette étudiante, de la terrible situation des jeunes qui n'ont pas les moyens de faire des études. Nous sommes censés sauter de joie parce qu'ils vont maintenant pouvoir déduire une partie des intérêts qui s'accumulent sur des dettes se situant entre 26 000 $ et 50 000 $. Tout cela est bien triste.
Le budget apporte de minuscules améliorations au régime fiscal. Mais quand cela prendrait une camionnette pour ramasser le tas de paperasse que cela représente, ce n'est pas vraiment la bonne façon de faire une vraie réforme fiscale.
J'applaudis à la suggestion de mon ami, à savoir soulever la question au Comité permanent des finances. Peut-être la Chambre pourra-t-elle un jour procéder à une réforme fiscale digne de ce nom.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir d'écouter mon collègue du Nouveau Parti démocratique, le député de Kamloops, Thompson and Highlands Valleys. On ne sait jamais ce qu'il va dire.
La dernière fois qu'il a pris la parole au sujet du budget, il a parlé de coucher avec des ours. Aujourd'hui, il parle de divinités hindoues à plusieurs bras. C'est certainement un homme de la Renaissance pour pouvoir employer des images aussi parlantes non seulement pour les autres députés, mais aussi pour les Canadiens et probablement les ours.
Il a mentionné quelque chose. Il a décrit le gouvernement comme une divinité hindoue à plusieurs bras. Il existe une autre divinité hindoue, celle-ci à plusieurs seins. J'ai l'impression que la divinité hindoue à plusieurs bras considère parfois le contribuable comme une déesse hindoue à plusieurs seins. La divinité hindoue à plusieurs bras cherche à s'accrocher de ses mains au sein collectif qu'est le contribuable canadien. Elle s'y accroche avec une telle ferveur et une telle férocité qu'ultimement le contribuable et les Canadiens en souffrent.
Il est important que la Chambre et les Canadiens se tiennent au courant des questions fiscales. Ces questions sont très importantes.
Le projet de loi C-72, qui met en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la loi fiscale ne fait que compliquer encore le code fiscal. Je crois que tous les députés à la Chambre reconnaissent que le Code fiscal est trop compliqué.
Notre collègue du Nouveau Parti démocratique a parlé de la complexité du Code fiscal. Un député libéral, en face, a suggéré que nous engagions un fiscaliste. Un Canadien ne devrait pas avoir à recourir à un fiscaliste pour traiter avec son gouvernement, pour être représenté efficacement.
Au cours des 20 dernières années, le régime fiscal est devenu de plus en plus compliqué, de plus en plus alambiqué. Maintenant, les Canadiens peuvent s'attendre à ce que chaque budget le rende encore un peu plus complexe et difficile à comprendre, au point que davantage de Canadiens doivent engager des comptables fiscalistes rien que pour qu'ils lisent quelques-uns des livres dont parlait le député du Nouveau Parti démocratique. Il y a aussi des comptoirs d'information fiscale où les gens peuvent apprendre comment, non pas faire de la fraude fiscale, ce qui serait illégal, mais éviter des impôts ou en payer un peu moins. Dans certains cas, les Canadiens investissent à l'étranger, par exemple aux îles Cayman, ou cherchent des abris fiscaux sous d'autres autorités législatives.
Tous les Canadiens auraient avantage à avoir non seulement un niveau d'imposition plus bas et des réductions d'impôts basées sur une assiette fiscale plus étendue, mais aussi un régime fiscal plus simple. Selon moi, cette question est en relation directe avec la productivité. Le régime fiscal complexe constitue une barrière au succès en limitant l'accès des entrepreneurs au marché libre. Actuellement, c'est le cas.
Nous devons nous assurer que les Canadiens n'ont pas une charge fiscale démesurée rien que parce qu'ils sont Canadiens, par rapport aux ressortissants d'autres pays. Actuellement, c'est le cas. Le rapport Mintz sur les impôts, qui a été présenté au Comité des finances de la Chambre des communes au début de juin, je crois, donnait des exemples très concrets des écarts existant entre les impôts des entreprises canadiennes et ceux des entreprises américaines. On y voyait que non seulement nous payons plus d'impôts, mais qu'il existe des différences fondamentales entre les régimes fiscaux sur lesquelles il faudrait se pencher afin d'éviter que les entreprises canadiennes, et tous les Canadiens avec elles, ne soient désavantagées.
Le gouvernement parle des données fondamentales de l'économie canadienne et affirme que notre économie est solide. J'aimerais rappeler certaines de ces données aux députés et aux Canadiens. Au cours des dernières années, nous avons été témoins d'une chute de 9 p. 100 au niveau du revenu personnel disponible au Canada. Au cours de la même période, le revenu personnel disponible a augmenté de 11 p. 100 aux États-Unis. La croissance de notre productivité est la plus faible de tous les pays du G7 et notre taux de faillites personnelles est le plus élevé.
Notre taux d'épargne est négatif. Les Canadiens perdent en fait un peu plus de terrain chaque année. Non seulement ils n'économisent pas, ils perdent de l'argent. Ils doivent consacrer davantage d'argent et puiser dans leurs économies pour joindre les deux bouts et garder la tête en dehors de l'eau.
Le gouvernement a fait quelques efforts louables en accordant une certaine flexibilité au chapitre du transfert de fonds dans un REEE. Toutefois, ce genre de modifications n'est pas très utile pour les Canadiens qui n'ont pas les moyens de cotiser à un régime d'épargne-retraite. L'investissement dans un REER constitue un défi de taille. Je sais que les ventes de fonds mutuels ont diminué quelque peu cette année. Je suis certain que lorsque nous connaîtrons les chiffres, nous nous rendrons compte que les contributions aux REER ont également diminué cette année.
Une énorme partie des contributions autorisées aux REER ne sont pas effectuées. Les Canadiens ne sont pas en mesure de verser tout l'argent qu'ils ont le droit de verser à un REER. Pourquoi? Parce qu'ils paient trop d'impôts.
En 1993, le gouvernement fédéral a prélevé au total 112 milliards de dollars en impôts si ma mémoire est bonne. L'année dernière, ce chiffre était passé à 150 milliards. Cette augmentation d'environ 25 p. 100 des montants recueillis en impôts vient directement de la poche des contribuables alors que les dépenses du gouvernement au chapitre des soins de santé ont chuté radicalement d'environ 16 milliards de dollars. Certains parlent même de réductions de l'ordre de 18 milliards de dollars. Les contribuables se rendent également compte que le gouvernement fédéral accorde moins d'argent pour ce qui est des transferts fédéraux.
Il n'y a qu'un groupe de contribuables, et ce sont eux qui ont soutenu le poids de la réduction du déficit au cours des dernières années. Ils méritent maintenant d'être récompensés pour les sacrifices qu'ils ont faits.
Ça ne rime pas à grand-chose que les finances publiques soient équilibrées si les contribuables sont dans le rouge. C'est pourtant le cas actuellement. Le taux de faillites personnelles n'a jamais été aussi élevé. La dette des particuliers atteint des niveaux records. C'est affolant quand on songe aux conséquences d'une déflation mondiale que certains annoncent pour très bientôt.
La richesse est une notion relative. Elle ne se mesure pas selon un seul critère. La richesse des particuliers ou d'un pays est quelque chose de comparatif. On compare la richesse d'un pays et la richesse des habitants de ce pays à celle des habitants des autres pays. Nous sommes à une époque où on dit aux Canadiens qu'ils doivent investir davantage en vue de leur retraite, qu'ils doivent compter sur leur propre caisse de retraite car il est peu probable que le RPC puisse leur assurer le genre de revenu dont ils auront besoin à l'avenir quand ils seront à la retraite.
On dit aux Canadiens d'investir davantage et d'assumer une plus grande part de responsabilité en vue de leur retraite et pourtant ils sont obligés de placer 80 p. 100 des fonds de leur REER au Canada. Cette règle est perverse. Le Dow Jones, qui a récemment dépassé la barre des 10 000, est extrêmement performant depuis plusieurs années. Depuis l'élection du gouvernement actuel, en 1993, le Dow Jones a augmenté de 172 p. 100, le Standard and Poor's, S & P, de 180 p. 100, ce sont bien sûr deux indices boursiers américains.
Le TSE n'a augmenté que de 60 p. 100 depuis 1993. Cela peut sembler beaucoup, mais c'est relativement peu. La performance des marchés boursiers du Canada est bien inférieure à celle des marchés des États-Unis et d'ailleurs. Les Canadiens s'appauvrissent, si on les compare à d'autres. Cette politique injuste qui consiste à obliger les Canadiens à investir dans un pays ou un autre et à leur refuser de profiter de la diversification géographique de leurs placements est condamnable.
En même temps, nous avons vu la devise canadienne perdre 16 p. 100 par rapport au dollar américain. Non seulement les politiques du gouvernement qui consistent à freiner la productivité, à pratiquer une fiscalité lourde et à décourager la réussite privent les Canadiens de croissance dans leur propre économie, mais sa politique sur les REER leur interdit aussi de faire fructifier leurs revenus de retraite. C'est foncièrement mauvais. Si le gouvernement n'arrive pas à diriger correctement notre économie dans l'intérêt des Canadiens, il ne devrait pas obliger les Canadiens à investir là où ils ne pourront pas maximiser leur rendement alors qu'il y a ailleurs de meilleures occasions, des gouvernements qui réussissent mieux à susciter ces occasions.
L'étude récente que KPMG a réalisée pour le compte du gouvernement sur le coût des affaires au Canada a été encensée par le gouvernement. Il s'en est servi pour montrer qu'il pratiquait une saine gestion de l'économie canadienne. L'étude dit effectivement qu'il ne coûte pas cher de faire des affaires au Canada, que le coût de l'immobilier est faible, que notre main-d'oeuvre est meilleur marché que celle d'autres pays. Elle dit donc, essentiellement, que de faire des affaires au Canada coûte moins cher que dans certains autres pays.
Si notre économie tournait à plein régime, comme le ministre des Finances l'a prétendu à la Chambre ces dernières semaines, il en coûterait plus cher de faire des affaires chez nous. La croissance économique fait grimper les coûts économiques et suscite des pressions à la hausse. Les facteurs coûts n'ont pas tellement augmenté au Canada, parce que nous avons été incapables de soutenir la croissance économique, contrairement à d'autres pays.
L'étude de la firme KPMG fait ressortir une grave lacune de la politique gouvernementale, soit le fait que nous n'atteignons pas le niveau de croissance économique que pourraient atteindre les Canadiens si le gouvernement prenait des mesures importantes pour assurer un allégement fiscal à tous les Canadiens et leur fournir toutes les chances de réussir dans leur propre pays.
Si des jeunes Canadiens à la recherche de meilleurs débouchés quittent le Canada pour s'établir aux États-Unis, c'est qu'ils se rendent compte que, même si les coûts sont plus élevés, les possibilités sont immenses. Ils sont prêts à faire ce choix. Les députés d'en face pourraient peut-être tenter de les intercepter à la frontière pour leur dire, en brandissant le rapport de la firme KPMG: «S'il vous plaît, ne partez pas, c'est moins cher ici.»
Cela correspond à une stratégie de développement économique à la Kmart, à la Zellers ou à la Wal-Mart. Il est impossible d'améliorer la situation au Canada en cherchant à parvenir à la prospérité à coups de dévaluation. L'été dernier, lorsque le dollar canadien a chuté à des niveaux records, le premier ministre a déclaré que l'industrie touristique allait en profiter. Si on pousse ce raisonnement plus loin, on peut dire que, le jour où notre dollar ne vaudra plus rien, nous pourrons donner tous nos biens et devenir ainsi le plus grand pays exportateur au monde. C'est insensé. Nous ne pouvons parvenir à la prospérité à coups de dévaluation. Nous devons investir de grandes sommes dans les initiatives axées sur la productivité du Canada pour veiller à ce que les Canadiens puissent contribuer à l'essor économique sans être entravés par la politique gouvernementale.
Le gouvernement n'a pas abordé certaines des questions fondamentales que j'ai soulevées. Le gouvernement ne s'intéresse pas aux mêmes questions que moi. Lorsqu'il soutient que les assises économiques en place sont solides, il me rappelle l'économiste canadien expatrié John Kenneth Galbraith, qui nous mettait en garde contre les gouvernements qui prétendent avoir des bases solides. Galbraith avait raison. En général, lorsque les gouvernements font ce genre de déclarations, c'est qu'ils ont quelque chose à cacher.
Cela ressemble à un gouvernement dont le ministre de l'Industrie déclare que la productivité est extrêmement mauvaise au Canada et qu'il faut corriger la situation. Dans le même exposé, le ministre de l'Industrie déclare que les Canadiens paient des impôts 20 p. 100 plus élevés qu'aux États-Unis. Ensuite, le ministre des Finances dit que cela n'est pas trop mal. La productivité n'est pas mauvaise. Les Canadiens ne sont pas préoccupés au sujet de leur niveau de vie. Le gouvernement cherche peut-être délibérément à susciter la confusion, pour tenter de détourner l'attention des Canadiens des vrais enjeux.
Les Canadiens sont préoccupés. Les Canadiens sont de plus en plus préoccupés au sujet de la productivité. Les Canadiens s'inquiètent de plus en plus de leur niveau de vie. La baisse du dollar à des niveaux sans précédent, l'été dernier, est directement liée au fait que la croissance de la productivité est demeurée inférieure à celle de nos partenaires commerciaux. Le dollar est très étroitement lié à la productivité. Or, la valeur du dollar a constamment diminué au cours des 30 dernières années. Nous devons agir dès maintenant pour éviter d'autres crises de la monnaie dans notre pays. Le meilleur moyen de le faire est d'examiner la productivité. Le meilleur moyen d'examiner la productivité est de lever certains obstacles à la productivité, les obstacles structurels auxquels se heurte l'économie canadienne. Au nombre de ces obstacles, on trouve les impôts sur le revenu les plus élevés parmi les pays du G7.
Il existe des obstacles structurels comme les obstacles au commerce interprovincial, qui empêchent les Canadiens d'acquérir un avantage concurrentiel ou comparatif dans leur pays. Il y a le fardeau de la réglementation, comme une route à péage au Nouveau-Brunswick, qui constitue un obstacle au commerce interprovincial. Le député de Cumberland—Colchester a soulevé cette question à la Chambre. Ses interventions ont eu un effet négatif sur le gouvernement.
Il y a des questions de réglementation. Nous avons proposé, dans le cadre de nos propositions prébudgétaires, que le gouvernement présente un budget sur la réglementation dans lequel il évaluerait les coûts de la réglementation. Il s'agit de tenir compte de plusieurs coûts, non pas seulement ce qu'il en coûte au gouvernement d'instituer et d'appliquer un règlement, mais aussi ce qu'il en coûte à la société, aux Canadiens, de se conformer aux règlements. Il s'agit ensuite de comparer ces coûts, surtout celui qu'entraîne le respect des règlements, un coût énormément élevé pour les Canadiens, avec la valeur en dollars réels de l'avantage que procure le règlement.
Si l'on établissait ainsi un budget de la réglementation et si l'on choisissait chaque année quelques ministères pour les soumettre à cet examen, cela forcerait les gouvernements à établir le budget en prenant à l'égard de l'argent des Canadiens le même genre de décisions que les ministres prennent à l'égard de leur propre argent. Ce serait un pas dans la bonne voie pour s'attaquer au fardeau de la réglementation que nous connaissons et qui, au dire de tous, est excessif et gêne la productivité et la croissance.
Le gouvernement n'a aucune stratégie concernant les industries de base. Il n'a aucun programme d'action sur un point aussi important que la stratégie industrielle au moment où nous nous apprêtons à entrer dans le XXIe siècle. Et cela à un moment où les changements se produisent à un rythme de plus en plus rapide, à un moment où nous avons besoin que le gouvernement prenne des mesures importantes sur plusieurs fronts et qu'il assure un leadership visionnaire dans plusieurs dossiers, dont celui de la réforme fiscale. Or, le gouvernement est en mode de pilotage automatique. Il agit comme un gouvernement de transition.
J'ai déjà dit à la Chambre que nous avions un excédent budgétaire et un leadership déficitaire. Je pense que c'est effectivement le cas. Il est périlleux pour le Canada de souffrir d'un leadership déficitaire en ce moment.
Il nous faut en ce moment des gouvernements qui prennent des décisions énergiques. Nous avons besoin du genre de politiques dans lesquelles le gouvernement précédent s'était engagé, des politiques comme celles du libre-échange, de l'élimination de la taxe sur les ventes des fabricants et de la déréglementation des services financiers, des transports et de l'industrie. Telles étaient le genre de politiques visionnaires qui s'imposaient à l'époque et qui ont été mises en oeuvre par un gouvernement législativement actif, non un gouvernement qui irait jusqu'à songer à proroger à mi-chemin de son mandat parce qu'il n'a rien à faire.
En fait, les défis auxquels sont confrontés les Canadiens sont devenus encore plus grands depuis ce temps. Il est devenu encore plus important que nous ayons des gouvernements capables de prendre des mesures énergiques et de prendre les mesures qui s'imposent.
L'an dernier, dans le numéro de janvier de la revue The Economist, on pouvait lire que l'élimination du déficit au Canada était en grande partie attribuable aux changements structurels de l'économie canadienne effectués par le gouvernement précédent. Ces changements étaient du type visionnaire que je viens de décrire en parlant du libre-échange et de l'élimination de la taxe sur les ventes des fabricants. Malheureusement, il n'y a aucune politique de ce genre à l'horizon.
Le gouvernement actuel a jugé bon, par exemple, de continuer son énorme ponction fiscale dans le fonds d'AE, et de soutirer ainsi 19 milliards de dollars aux travailleurs et aux employeurs tout en réduisant les prestations et en punissant les travailleurs saisonniers. Le gouvernement ne tient pas compte de la règle des conséquences imprévues, quand il met en oeuvre des politiques. Après avoir jeté un coup d'oeil sur la situation des travailleurs saisonniers, il a décidé de ne plus leur verser de prestations. Un grand nombre de travailleurs saisonniers n'ont pas d'emploi du tout à l'heure actuelle. Ils doivent compter sur l'aide sociale des provinces.
Le gouvernement s'en est pris à un type de citoyen qui participait à la vie canadienne et il ne lui donne plus la moindre possibilité de participer. Par exemple, les agriculteurs de la vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, ne peuvent plus recruter des travailleurs saisonniers, parce que les chômeurs refusent les emplois saisonniers sachant qu'ils n'auront plus droit à leurs prestations. Nous avons directement découragé les gens de faire ce qu'ils veulent, c'est-à-dire travailler. Le gouvernement n'a pas essayé de compenser par un effort de coordination pour que les travailleurs saisonniers puissent travailler dans divers secteurs industriels.
Il y a des problèmes graves. La solution ne consiste pas à compliquer davantage le code fiscal, ce qu'aucun électeur ne m'a demandé d'ailleurs. La solution pourrait résider en partie dans un allégement fiscal généralisé ou une stratégie visant à faire du Canada du XXIe siècle un pays riche, pas un pays pauvre.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je suis un peu déçu des observations du député au sujet du leadership. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gouvernement actuel a fait preuve du leadership nécessaire pour nous propulser dans le prochain siècle.
Le gouvernement a hérité d'un déficit et d'une dette énormes ainsi que de taux d'intérêt et d'un taux de chômage élevés. Il nous a fallu six ans pour redresser la situation et faire de notre pays l'un des meilleurs endroits où vivre dans le monde. Nous sommes en tête des pays du G7 pour ce qui est de la croissance, et nous avons équilibré notre budget.
Le député a parlé de productivité. Je pense que c'est une question très importante, mais qu'il peut aussi être très subjectif de donner son opinion sur la productivité. Si la productivité d'une société signifie que sa valeur nette est positive, nous sommes alors très productifs. Si un pays est productif et que la croissance nette signifie qu'il y a plus d'emplois de créés qu'il n'y en a de perdus, nous sommes alors productifs. Si l'on examine les grands secteurs de l'économie comme ceux de la haute technologie et des transports ainsi que d'autres secteurs, de même que nos activités sur la scène internationale et sur le marché régional, nous constatons que nous formons une société productive.
Certes, si l'on considère très subjectivement la productivité comme étant presque une nuée d'oiseaux qui se battent pour le même ver, on se trompe. Il n'y a pas assez de nourriture pour tous ces oiseaux. Mon collègue ferait mieux de ne pointer personne et de n'attribuer à personne des étiquettes qui créent davantage de confusion que de compréhension.
Mon collègue conviendra sûrement que, dans l'ensemble, le gouvernement a fait preuve du leadership dont les Canadiens ont besoin. Le gouvernement a créé un environnement stable propice à la croissance de l'entreprise et de l'économie. Le gouvernement ne crée pas d'emploi. Le gouvernement crée un environnement propice à la création d'emplois. C'est le secteur privé qui crée des emplois. Tout ce que le gouvernement a à faire, c'est de s'enlever du chemin du secteur privé pour qu'il puisse créer des emplois.
Voici que le représentant, dont le parti a accumulé le pire déficit de l'histoire du Canada, vient nous faire ici la leçon sur ce qui est bon pour les Canadiens. Le député devrait au contraire reprendre la parole pour dire aux Canadiens à quel point le gouvernement est bon non seulement pour son parti ou ce qui en reste, mais pour tous les Canadiens.
M. Scott Brison: Monsieur le Président, je remercie le député de son intéressante et savante intervention.
Le fait est que le gouvernement précédent, qui était progressiste conservateur, a réduit le déficit en pourcentage du PIB de 9 p. 100 au début de son premier mandat jusqu'à un peu de moins de 5 p. 100 à la fin de son dernier mandat. Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a hérité d'un déficit de 38 milliards de dollars en 1984. Les libéraux s'y connaissent en déficits et en dettes parce qu'ils en ont accumulé de la fin des années 60 et durant les années 70.
Les politiques visionnaires qui ont été mises en oeuvre par le gouvernement précédent ont permis au gouvernement actuel d'éponger le déficit. Nombre de députés d'en face sont les mêmes que ceux qui se sont battus contre la TPS et le libre-échange. Par la suite, ils se sont ralliés parce qu'ils ont pris conscience que ces mesures feraient la différence et que le Canada en avait besoin à ce tournant de son histoire. Après avoir été élus, ils ont reconnu que ces mesures étaient celles qu'il fallait.
En 1974, Trudeau a fait toute une campagne de peur, disant que le gel des prix et des salaires serait catastrophique. Après les élections, il a fait sienne l'idée de Bob Standfield d'un gel des prix et des salaires et l'a mise en oeuvre. Le mazout se vendait 18 cents le gallon.
Certains partis cherchent à se doter d'une nouvelle image ou d'un nouveau nom. Le Parti libéral du Canada pourrait s'appeler le parti girouette du Canada parce qu'il dira n'importe quoi pour se faire élire, puis, une fois élu, il trahit toutes ses promesses pour appliquer son programme d'impôts élevés et de compressions touchant des secteurs que les Canadiens considèrent comme sacrés, la santé par exemple.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais revenir sur une ou deux choses qu'a dites le député. Il a dit que le revenu disponible des Canadiens avait diminué de 9 p. 100. Ce qu'il n'a pas expliqué, c'est pourquoi le revenu disponible a semblé diminuer. Il n'a pas dit que le revenu disponible est le revenu net et il n'a pas expliqué les changements survenus.
Prenons par exemple les cotisations aux REER. Ces cotisations réduisent le revenu imposable, donc le fardeau fiscal, mais cela se traduit également par une réduction du revenu net. L'ancienne exemption d'impôt pour enfant a été abolie et remplacée par la prestation fiscale pour enfants et la prestation nationale pour enfants. Cela signifie que l'impôt a augmenté, mais que les prestations n'entrent pas dans le calcul de cet impôt. C'est la même chose avec la remise de TPS et les dépenses au titre de la santé.
Si nous voulons comparer notre situation à celle des Américains, il faut tenir compte du fait que les Canadiens ne paient pas leurs services de santé. Nous avons un système sans but lucratif, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Dans ce pays, les revenus ont augmenté tout simplement parce que le coût des services de santé a augmenté en flèche par rapport à ce qu'il est au Canada.
Le député a fait une grave erreur. Il devrait le reconnaître et s'expliquer. Il a dit qu'en 1993, le gouvernement fédéral tirait 112 milliards de dollars de recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers. Il a ensuite ajouté que les projections pour 1998 étaient, je crois, de 150 milliards de dollars. Il a dit que cela représentait une ponction supplémentaire de 25 p. 100. Il n'a pas précisé que le taux de chômage était de 11,2 p. 100 en 1993 tandis qu'il est maintenant de 7,8 p. 100. Il y a un million et demi de Canadiens de plus qui travaillent et paient des impôts. Il n'y a pas un nombre inchangé de Canadiens qui paient plus d'impôts, mais un nombre plus élevé de Canadiens qui paient des impôts.
Le député devrait corriger son erreur ou l'impression qu'il a voulu laisser. Il est très important de savoir que les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers ont augmenté principalement et exclusivement parce qu'il y a plus de Canadiens qui travaillent.
M. Scott Brison: Monsieur le Président, j'ai pris des notes pendant que le député posait sa question. Je suis heureux qu'il m'ait demandé d'expliquer comment il se fait que le revenu personnel disponible a diminué au Canada. Bien qu'il ait affirmé le contraire, les Canadiens paient bel et bien plus d'impôt aujourd'hui qu'en 1993. En fait, ils versent un pourcentage plus élevé de leur chèque de paye au ministère du Revenu. On compte aujourd'hui deux millions de Canadiens à faible revenu qui paient de l'impôt, mais qui en seraient exemptés si le gouvernement avait indexé les tranches d'imposition.
Je suis heureux que le député ait parlé de chômage. Il avait raison, le chômage a régressé récemment. Quiconque s'y connaît le moindrement en économie sait qu'il fait compter au moins cinq ans avant que des politiques économiques n'engendrent une baisse du chômage. Le député a reconnu, à juste titre, que les politiques du gouvernement précédent avaient porté fruit et qu'avec le temps elles avaient contribué à réduire le taux de chômage. La croissance économique dont jouit actuellement le Canada est en grande partie attribuable à des politiques comme le libre-échange.
Je me garderai de rappeler au député quelle était la position des libéraux au sujet de questions comme le libre-échange et la TPS, des mesures qui ont porté fruit et dont ils s'attribuent aujourd'hui le mérite.
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député a parlé d'établir le coût des mesures. Dans le document prébudgétaire présenté par le Parti conservateur, ce dernier a tout fait sauf établir le coût des mesures.
Je vais aider le député. Il a proposé toute une série de mesures fiscales. Combien coûteraient ces mesures? Elles coûteraient 17 milliards de dollars au Trésor. En fait, si le gouvernement adoptait toutes les mesures proposées par le parti du député, nous ne retrouverions vite de nouveau avec un déficit. Je suis certain que ce déficit serait bien plus élevé que celui de 42 milliards de dollars que les conservateurs nous ont laissé.
M. Scott Brison: Monsieur le Président, je suppose que le secrétaire parlementaire a décidé de ne pas lire la partie sur l'établissement des coûts qui est à la fin de notre plan budgétaire intitulé «Réaliser le potentiel du Canada». Nous aurions aimé donner aux Canadiens des allégements fiscaux de 18 milliards de dollars sur trois ans, soit environ 8 milliards la première année.
Le député fait des calculs selon la méthode des libéraux. C'est typique d'un député et d'un gouvernement qui se fient aux données des groupes de consultation des libéraux. Je serai heureux d'envoyer au député une calculatrice et une copie du document «Réaliser le potentiel du Canada». À l'avenir, pour le prochain budget, je suggère que le député et son gouvernement prennent ce document très au sérieux parce que nous voulons vraiment aider le Canada à réaliser son potentiel au XXIe siècle. J'espère que le parti du député est d'accord avec nous sur ce point.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, le lendemain des célébrations de la Saint-Patrick, je tiens à souligner que mes collègues et moi avons contribué hier soir à plusieurs reprises au régime fiscal. Je tempérerai donc mes propos en fonction de ce dont je me suis rendu compte.
Je suis vraiment ahuri d'être à la Chambre et de voir un député du caucus du Parti progressiste conservateur consacrer presque tout son temps de parole à la défense du gouvernement de Brian Mulroney. J'aurais pensé qu'il eut été préférable pour lui de se distancer de ce souvenir.
Les Canadiens se sont prononcés et, en 1993, ils ont réduit le caucus à une taille juste assez grande pour que tous ses membres puissent loger dans une cabine téléphonique. Au dernier scrutin, les conservateurs ont fait élire quelques députés de plus, surtout dans l'est du Canada, dont un en Ontario. Nous aurions tous pensé que ces députés n'auraient vraiment pas souhaité revenir sur le passé et parler des années Mulroney.
Il faut se rendre compte d'une chose. Les années 80 ont été les dix meilleures années que le pays a connues sur le plan des recettes. Pourtant, ce gouvernement a réussi à faire des découverts chaque année pendant une période de grande prospérité. Ce n'est que depuis 1993 que nous avons réussi à replacer le pays sur la bonne voie. Je ne crois pas que nous assisterons aux hausses de valeur des biens immobiliers que les communautés locales ont connues dans les années 80, mais notre économie est certes plus vigoureuse aujourd'hui.
Il est très difficile de comprendre pourquoi un gouvernement, au moment où les recettes sont élevées, effectuerait des dépenses au point où il accumulerait des déficits de 42 milliards de dollars.
Il faut dire les chose comme elles sont. Un déficit est un découvert. Ce que le député a négligé de mentionner, c'est que les 42 milliards de dollars n'ont pas été l'affaire d'une seule fois. C'était chaque année la même chose. En période de recettes élevées, ce gouvernement a intentionnellement fait des excédents de dépenses alors qu'il aurait dû s'en abstenir.
C'est intéressant. Pendant ce temps, les municipalités du Canada se sont rendues compte de ce qui se passait. Elles ont mis de l'ordre dans leurs affaires. Les municipalités ont réduit leur dette. Ma propre ville, Mississauga, n'a pas de dette. Les municipalités de tout le pays ont compris qu'elles avaient la chance, en période de vaches grasses, de mettre de l'argent de côté pour rembourser la dette et ne pas accumuler de déficit.
On entend parler des compressions que le gouvernement a effectuées. Quels choix s'offraient à nous? Continuer de dépenser sans compter? Continuer à accumuler des découverts et à accroître la dette?
Madame la Présidente, je suppose que je devrais d'abord dire que je partage mon temps de parole avec le député de Mississauga-Sud.
Un gouvernement gère ses finances en accumulant un découvert ou un déficit jusqu'à la fin de l'exercice budgétaire. Ensuite, ce déficit est ajouté à la dette. C'est fondamentalement comment nous en sommes arrivés à cette énorme dette.
Le gouvernement a pris des engagements. Nous avons réduit la dette de 20 milliards de dollars. Dans deux budgets successifs nous avons réduit les impôts. Cette réduction est-elle suffisante? Bien sûr que non. Je voudrais qu'elle soit plus importante. Mes électeurs aussi. Je crois qu'ils seront comblés. C'est un engagement que notre ministre des Finances a pris.
En toute franchise, on ne rend pas justice aux Canadiens en induisant en erreur, dans bien des cas, les gens avec des déclarations et des accusations relativement à notre régime fiscal. Nous devrions leur présenter les faits. Le régime fiscal est-il complexe? Bien sûr que oui. Pourrions-nous le réexaminer pour voir si nous pouvons le simplifier? Je pense que oui. En fait, le gouvernement fédéral a négocié des ententes d'harmonisation avec certaines provinces et a essayé de le faire avec d'autres.
L'harmonisation signifie que puisqu'il n'y a qu'un seul contribuable, nous devrions peut-être n'avoir qu'un seul percepteur des impôts au lieu du système très complexe qui existe au Canada à l'heure actuelle.
Notre gouvernement n'a pas peur de reconnaître que notre régime fiscal est complexe. Il s'est compliqué de plus en plus au fil des ans et il est extrêmement difficile pour le Canadien moyen ou pour le député moyen de le comprendre.
Je voudrais rendre hommage à un groupe qui, selon moi, accomplit de l'excellent travail pour ce qui est d'aider en particulier les Canadiens à faible revenu à comprendre le régime fiscal. Il s'agit d'un groupe de comptables agréés bénévoles et d'étudiants en comptabilité parrainés par l'Institut des comptables agréés de l'Ontario, qui organise des journées de consultations fiscales gratuites pour aider des milliers de Canadiens à faible revenu à remplir leurs déclarations et, au besoin, à payer leurs impôts.
Une petite annonce commerciale gratuite en passant, vu que le moment approche: on peut joindre l'Institut des comptables agréés au 1-800-387-0735, poste 462. On peut les appeler pour obtenir des éclaircissements gratuits sur la tâche fort complexe que représente la déclaration d'impôt.
Je tiens à féliciter l'institut. Je trouve que c'est là un geste très positif et que les contribuables en seront les grands bénéficiaires.
Je reviens à la question de l'harmonisation. J'ai déjà dit dans cette enceinte que le pays a un grand nombre de taxes et que les gens paient un montant considérable. Il me semble que, compte tenu du grand nombre de taxes, il devrait y avoir moyen de simplifier le processus de perception.
Cet effort a été fait, comme je l'ai dit, dans certaines régions du pays. Je crois que nous devrions poursuivre les discussions avec les provinces, mais elles ne sont généralement pas très favorables à cette idée. Elles ne veulent pas abandonner leurs fiefs. Certes, c'est un peu compréhensible mais, comme nous, elles doivent se rendre à l'évidence: il n'y a qu'un seul et même contribuable.
Ce projet de loi dont nous sommes saisis vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. On a beaucoup fait état des lointaines années de l'administration Mulroney et de la taille du déficit, mais je n'ai entendu personne parler des modifications elles-mêmes. J'en ai en donc examiné quelques-unes et je voudrais partager mes constatations. Je les trouve excellentes et les Canadiens y gagneraient à les connaître.
Ce projet de loi crée un crédit d'impôt personnel supplémentaire d'un maximum de 500 $ par année. Lorsque les Canadiens remplissent leur déclaration de revenus, ils devraient se renseigner auprès de leur comptable à ce sujet. Ils devraient également se renseigner s'ils assistent à des séances d'information données par l'Institut des comptables agréés. Ce projet de loi réduit la surtaxe. Beaucoup de gens réclament une réduction de la surtaxe. Ce projet de loi la réduit.
Voici une autre mesure que j'estime très importante. On modifie le régime d'accession à la propriété pour permettre à des personnes handicapées d'effectuer des retraits libres d'impôt dans des REER afin d'acheter une maison, qu'il s'agisse d'une première maison ou non. Cette mesure est très importante, car elle montre que nous reconnaissons que les personnes handicapées ont besoin d'aide pour pouvoir acheter leur maison. De toute évidence, elles ont besoin d'aide si leur handicap les empêche de gagner un revenu. Par conséquent, non seulement les acheteurs d'une première maison, mais aussi les personnes handicapées peuvent puiser dans un REER pour pouvoir acheter une maison. Je crois qu'il s'agit là d'une idée formidable.
Il y a un crédit d'impôt pour les intérêts sur les prêts étudiants. Nous entendons parler de la lourde dette des étudiants. Ce qu'il faut se demander lorsque nous faisons une analyse, c'est: si les impôts sont élevés dans notre pays, quel est l'envers de la médaille? Nous avons entendu le Parti réformiste dire qu'il imposerait des frais d'usager. Les frais de scolarité dans les universités canadiennes sont considérablement inférieurs, probablement quatre fois inférieurs à ceux d'universités de niveau comparable aux États-Unis.
Nous savons que le Parti réformiste croit dans un régime de santé à deux vitesses. Pas nous. Nous croyons que ce régime devrait être financé par le régime fiscal, et nous nous opposons farouchement au régime de santé à deux vitesses que préconisent ces gens.
Je n'ai plus de temps, mais il y beaucoup d'autres volets dont je voudrais parler. Il y a le crédit d'impôt pour aidants naturels. Le projet de loi tient compte des étudiants à temps partiel et des mères chefs de famille monoparentale. Il renferme toutes sortes d'avantages importants pour le contribuable. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tous les députés ne voudraient pas l'appuyer, pour que nous puissions transmettre le message et nous attacher à communiquer les faits, au lieu d'induire en erreur la population canadienne.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Madame la Présidente, je trouve toujours les émissions de ce député très intéressantes, et j'ai bien apprécié aujourd'hui celle où il a passé un message publicitaire pour les comptables agréés et où il a lui-même, ce grand libéral, admis que c'était compliqué de remplir une déclaration de revenus.
Il sait très bien que le gouvernement aurait pu simplifier le régime fiscal, depuis 1993 et aussi avant la pause de neuf ans que lui a accordée Brian Mulroney. Pourtant, son gouvernement n'a rien fait pour le simplifier.
J'ai trouvé très gratifiant d'entendre ce député admettre ouvertement que le régime était si complexe qu'il se faisait un honneur de communiquer ce numéro 1-800 aux gens, pour leur donner un coup de main. Ce serait bien s'il faisait son travail, et si les députés de son parti s'y mettaient également, pour simplifier le régime fiscal, afin que les gens n'aient pas besoin de téléphoner pour demander de l'aide.
Je signale à la Chambre le double système de soins de santé que les libéraux ont mis sur pied et grâce auquel les gens qui sont désespérés ou ceux qui ont de l'argent peuvent aller se faire soigner aux États-Unis. Nous devons ce système au gouvernement, qui a amputé les transferts fédéraux aux provinces de 16,5 milliards de dollars.
Le député et ses collègues libéraux sont très fiers du budget équilibré que nous avons eu, à ce qu'il paraît. Il ne dit mot cependant du cambriolage en règle dont les travailleurs sont victimes aux mains de ce que nous sommes bien obligés d'appeler la caisse d'assurance-emploi. Les cotisations à cette caisse ne sont pas des cotisations, mais un impôt, parce qu'on verse une beaucoup plus grande partie de cet argent dans les recettes générales qu'on en redistribue sous forme de prestations. C'est le gouvernement actuel qui a réduit les prestations et raccourci les périodes de prestations de manière à ce que le régime affiche un excédent. C'est sur le dos et aux frais des employeurs et des travailleurs qu'il a créé le mythe du budget équilibré.
Je sais que le député vient de l'Ontario, où l'excellent gouvernement conservateur de M. Harris a réduit les impôts, une chose que le ministre des Finances fédéral et son gouvernement ne comprennent pas. C'est grâce à cette réduction des impôts que l'Ontario est l'économie provinciale la plus prospère au Canada.
Ne serait-il pas temps d'admettre que s'il entre beaucoup plus d'argent dans les caisses de l'assurance-emploi qu'il n'en sort, c'est parce que le gouvernement libéral a réduit monstrueusement les prestations et les périodes de prestations? Si le gouvernement peut se vanter d'avoir un budget équilibré, c'est parce qu'il vole les employeurs et les employés, qui sont forcés de cotiser au régime d'assurance-emploi.
M. Steve Mahoney: Madame la Présidente, les députés réformistes vont en général parler des coupes de 16 milliards de dollars effectuées au cours de ce mandat au niveau des paiements de transfert aux provinces au titre de la santé. Ils ne vont pas parler des 11,5 milliards de dollars qui d'un seul coup, dans un budget, sont réinjectés dans le système.
Les réformistes disent que, si c'étaient eux, ils emploieraient 50 p. 100 de l'excédent pour rembourser la dette et 50 p. 100 pour réduire les impôts. Ils disent aussi qu'ils investiraient 50 p. 100 de l'excédent dans les services de santé, et puis qu'ils emploieraient encore peut-être 50 p. 100 pour autre chose. Allons. Croient-ils que les Canadiens sont stupides? Ils savent quelles sont les coupes proposées par le Parti réformiste dans son programme électoral. Ce parti couperait tout ce qui a trait au patrimoine, il ferait des compressions dans le secteur de la défense, il introduirait un système de soins de santé à deux vitesses et il détruirait les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces.
En ce qui concerne la caisse d'assurance-emploi, ce gouvernement a équilibré ses comptes et, s'il y a un excédent dans la caisse d'assurance-emploi, c'est parce que l'économie est forte et parce que nous avons créé des emplois. Depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, 1,6 millions de plus de Canadiens travaillent.
Les faits sont clairs. Tout ce que disent les réformistes, c'est du vent.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, nous discutons aujourd'hui de l'exécution du budget de 1998. Nous ne parlons pas du budget qui vient d'être déposé par le ministre des Finances, mais bien de questions reliées au budget de l'exercice précédent.
Le secrétaire parlementaire a fait une bonne synthèse des principales initiatives comprises dans ce budget. Je profiterai de mon temps de parole pour répondre à certains des commentaires qui ont été formulés au cours de ce débat parce que je suis d'avis que certaines précisions s'imposent.
Le député conservateur a parlé des recettes que le gouvernement fédéral tire des impôts sur le revenu des particuliers. Il a souligné qu'en 1993, lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, le gouvernement recueillait environ 112 milliards de dollars en impôts, ajoutant qu'il en avait recueilli environ 150 milliards en 1998. Cela représente une augmentation de 38 milliards.
Il a affirmé que cela représentait une augmentation de 25 p. 100 de l'impôt sur le revenu des particuliers. On ne peut laisser ces affirmations sans réponse. Ce serait une erreur de laisser les gens croire que le fardeau fiscal des contribuables canadiens s'est accru de 25 p. 100.
Ce qui s'est passé en réalité, c'est qu'en 1993, le taux de chômage était de 11,2 p. 100 au Canada, alors qu'il n'était plus que de 8 p. 100 en 1998. Si le taux de chômage diminue, cela signifie évidemment qu'il y a plus de Canadiens qui travaillent. En fait, il y a 1,6 million de Canadiens de plus au travail et ces gens paient leur juste part d'impôts. Cela vient s'ajouter aux recettes que le gouvernement tire de l'impôt des particuliers.
L'augmentation enregistrée n'est donc pas attribuable à l'augmentation des taux d'imposition ou à une sorte de pénalité qui aurait été entraînée par l'élimination de certaines déductions dont les Canadiens pouvaient profiter en 1993. C'est tout simplement qu'il y a plus de Canadiens au travail.
Je tiens à souligner ce fait parce que les Canadiens doivent comprendre que parfois, dans cet endroit, on a tendance à ne donner qu'une partie de l'information, ce qui conduit à une conclusion donnée, alors que la totalité de l'information pointerait vers une conclusion tout autre. Quiconque suit les débats de la Chambre des communes doit être conscient de ce fait. Cela se réduit à une question de crédibilité.
Quand un député prend la parole en cet endroit et donne une information en ne présentant que certains des éléments, il met sa crédibilité et celle de la Chambre en danger en ne révélant pas l'entière vérité.
Le porte-parole principal du Parti réformiste, le député de Lakeland, a parlé pendant 40 minutes, des impôts bien sûr. J'ai pris des notes sur ce qu'il a dit des taux d'imposition. Il est certain que les Canadiens aimeraient que les taux d'imposition soient moins élevés afin d'avoir un revenu disponible plus important. L'effet d'entraînement sur la création d'emplois est indéniable.
Le principal porte-parole du Parti réformiste du Canada a parlé 40 minutes. Son intervention n'a pas été suivie d'une période d'observations et de questions. Il a énoncé des faits qui étaient gravement erronés ou totalement incomplets.
Je me sens obligé de dire ce qu'il en est véritablement des taux d'imposition au Canada. Je me suis assis et j'ai calculé, en termes très généraux, le fardeau fiscal d'une personne gagnant 60 000 $ par an. Je n'ai tenu compte d'aucune déduction générale comme le REER par exemple. J'ai pris le cas d'un employé qui gagne 60 000 $. Nous savons qu'il bénéficie d'un crédit d'impôt non remboursable de base de 6 542 $.
Il y a aussi des crédits d'impôt pour toute cotisation d'AE et du RPC. On déduit donc ce montant approximatif de 7 000 $, de sorte que le revenu est d'environ 53 000 $. Sur ce montant de 53 000 $, le contribuable paie 17 p. 100 sur les premiers 30 000 $, ou 5 100 $, et 26 p. 100 sur les 23 000 $ qui restent, ou 5 980 $. Au fédéral, le fardeau fiscal est donc de 11 000 $. Les taux d'imposition varient d'une province à l'autre. Aux fins de discussion, disons que le taux d'imposition d'une province correspond à 50 p. 100 des impôts fédéraux à payer, ce qui signifie que le contribuable qui gagne 60 000 $ par an paie un montant total de 16 600 $ en impôts fédéraux et provinciaux. Sur un revenu brut de 60 000 $, cela correspond à 27,7 p. 100. Un célibataire qui fait 60 000 $ verse un taux d'imposition de 27,7 p. 100.
Je suis allé plus loin pour savoir ce qu'était le fardeau fiscal du contribuable qui gagne 35 000 $ par an. Ce contribuable a aussi droit à un crédit d'impôt de base non remboursable et, en théorie, à une couple de crédits d'impôt pour les cotisations versées à l'AE et au RPC, ce qui représente 7 000 $ sur le montant de 35 000 $. Le premier montant de 30 000 $ est imposé à un taux de 17 p. 100, ce qui donne 5 100 $, et l'autre montant de 5 000 $ est imposé au taux de 26 p. 100. Un calcul rapide, y compris le calcul de l'impôt provincial à payer, révèle que le taux d'imposition réel qui s'applique au contribuable qui gagne environ 30 000 $ est d'un peu plus de 20 p. 100.
Je ne me suis pas arrêté là. J'ai fait le calcul pour le contribuable qui fait 20 000 $ par an. Compte tenu des réductions théoriques et de tout le reste, le taux d'imposition est encore plus bas. Le taux passe donc de 27 à 20 p. 100.
Cette exercice m'a fait comprendre ce qu'est vraiment le fardeau fiscal. J'ai lu dans les journaux des articles dont les auteurs, des chroniqueurs parlementaires chevronnés, continuent de dire que les Canadiens paient l'impôt au taux d'imposition de 50 p. 100, soit le taux marginal d'imposition le plus élevé qu'on puisse payer sur un revenu imposable de plus de 59 180 $. Or, 90 p. 100 de tous les Canadiens paient l'impôt à un taux d'imposition de 20 à 30 p. 100.
Je tiens à bien faire comprendre une chose. Le principal porte-parole du Parti réformiste en la matière a dit que nous avons besoin d'un allégement fiscal au Canada. Ce qu'il nous faut faire, c'est de réduire le fardeau fiscal des Canadiens à un taux d'imposition de 20 à 30 p. 100. Si nous examinons ce que je viens de décrire comme le fardeau fiscal des Canadiens, il s'établit à un taux d'imposition de 20 à 30 p. 100 pour les contribuables dont le revenu est inférieur à 60 000 $. La seule conclusion à laquelle je puisse parvenir, c'est que le Parti réformiste réclame une réduction du fardeau fiscal pour les Canadiens gagnant plus de 60 000 $ par année. Ces derniers comptent pour environ 10 p. 100 de tous les contribuables. C'est une revendication fondée sur les résultats publiés par Revenu Canada détaillant qui paie des impôts, combien d'impôts, et à quel taux. Les réformistes se sont réellement donné pour politique de réduire les impôts pour cette tranche de 10 p. 100 des contribuables à revenu élevé.
Cela montre bien pourquoi les Canadiens doivent examiner très attentivement les instances du genre de celles qu'ont faites les réformistes et les conservateurs. Ils ont fourni bien peu de données de fait. Ils sont plus portés à faire de grands discours qu'à faire valoir des données exactes.
J'espère que tous les députés tiendront compte du fait que, dans notre système d'impôt sur le revenu, 10 p. 100 seulement des Canadiens on un revenu annuel supérieur à 60 000 $. Il ne servirait pas les intérêts bien compris de tous les Canadiens d'offrir des réductions d'impôt générales, surtout en ce qui concerne les contribuables payant des impôts au taux marginal le plus élevé. Voilà pourquoi le gouvernement a accordé un allégement fiscal destiné directement et plus spécialement aux Canadiens à revenu faible et moyen.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, j'ai apprécié la participation du député d'en face, qui est membre du Comité des finances. J'estime d'ailleurs qu'il est un membre très avisé de ce comité, et il sait calculer.
J'ai trouvé très intéressante sa façon de présenter les choses. Je ne crois pas que sa description de nos députés soit parfaitement fidèle, cependant. Elle me semble probablement un peu tirée par les cheveux, pour dire le moins. Pour notre part, nous souhaitons vivement que la Chambre étudie les faits, discute des problèmes et évite les attaques personnelles, comme celles auxquelles se livre sans cesse le député qui a pris la parole avant lui. C'est au point que les députés perdent le respect des gens.
Il a dit que, selon lui, l'objectif du Parti réformiste était simplement de réduire les impôts de ceux qui gagnent plus de 60 000 $. Nous savons qu'il y a des taux marginaux d'imposition très importants pour bien des Canadiens, en particulier des pauvres. Si on tient compte du fait que, en changeant de tranche d'imposition on peut perdre le droit à de prétendus avantages que le gouvernement libéral et le gouvernement conservateur qui l'a précédé ont prévus dans le régime fiscal, si on tient compte de cette perte d'admissibilité, donc, le prélèvement fiscal sur le revenu marginal peut être extrêmement élevé.
Malheureusement, je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais l'une des études que j'ai consultées avance le chiffre de 60 p. 100. Cela, pour un revenu d'environ 25 000 $ par année pour une famille. Si une famille gagne davantage en raison de l'effet conjugué du régime fiscal et du budget familial, 60 p. 100 de ses gains additionnels sont perdus. Les dispositions fiscales ne permettent pas à cette famille de disposer de plus d'argent.
En ce qui a trait aux prétendus riches, nous savons que beaucoup de familles qui gagnent 60 000 $ et plus ne sont aujourd'hui que des familles ordinaires qui essaient de joindre les deux bouts. Les deux parents travaillent parce qu'un seul revenu ne suffit pas. Beaucoup de familles doivent compter sur deux salaires. Nous savons que le taux marginal d'imposition dans leur cas est d'environ 50 p. 100 si l'on combine l'impôt fédéral et l'impôt provincial. Je ne crois pas avoir déjà entendu parler d'une personne ayant un revenu annuel d'un million de dollars qui paie 500 000 $ d'impôt. Le député lance peut-être des accusations à tort et à travers lorsqu'il dit que nous voulons accorder des allégements fiscaux aux contribuables très riches parce qu'il me semble que ces contribuables réussissent déjà à échapper au fisc.
M. Paul Szabo: Madame la Présidente, voilà deux autres exemples qui illustrent bien à quel point la façon dont les renseignements sont présentés peut mener à des conclusions erronées.
Prenons le cas d'un contribuable qui travaille pendant une certaine période au cours de l'année, puis est mis en disponibilité pour une raison quelconque. Cette personne est admissible à l'assurance-emploi et reçoit des prestations pendant la même année financière. Dans la cadre de notre régime d'assurance-emploi, désormais, les Canadiens qui gagnent plus de 48 000 $ et qui ont aussi reçu des prestations d'assurance-emploi sont tenus de rembourser une partie de ces prestations calculée en fonction du montant qu'ils ont gagné au-delà de 48 000 $.
Le Parti réformiste vient de décrire une situation où il parle d'un taux d'imposition d'environ 60 p. 100, ainsi de suite. Ce que disent les réformistes se résume à ceci: une personne qui touche un revenu de 60 000 $, dont une partie est constituée de prestations d'assurance-emploi, est tenue de rembourser une partie de cette somme au gouvernement, parce qu'elle a fait trop d'argent. Selon les réformistes, on peut alors parler d'un taux d'imposition de 100 p. 100. Voilà comment ils en arrivent à ces taux élevés. Ils partent du principe que toute personne qui doit rembourser une somme qu'elle n'aurait pas dû toucher à l'origine est frappée d'un taux d'imposition de 100 p. 100. C'est exactement le même argument qui a été utilisé dans le cas du projet de prestation aux aînés.
Le député se demandait aussi si un contribuable qui gagne 1 million de dollars paie 500 000 $ en impôt. Il paie 17 p. 100 en impôt fédéral sur la première tranche de 30 000 $, 26 p. 100 sur la deuxième tranche de 30 000 $ et 29 p. 100 sur tout montant au-delà de 60 000 $, plus 50 p. 100 en impôt provincial. S'il s'agit d'un employé à qui un feuillet T4 est remis, il paiera effectivement près de 500 000 $ sur un revenu imposable de 1 million de dollars.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, il est intéressant de pouvoir débattre aujourd'hui de cette question. Je rappelle à tous les députés ici présents, du moins à ceux qui sont éveillés et attentifs, que nous débattons présentement du projet de loi C-72. Le projet de loi C-72 vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et à mettre en oeuvre des mesures annoncées dans le budget non pas de cette année, mais de l'an dernier. Je signale que c'est le 24 février 1998, soit il y a un peu plus d'un an, qu'a été présenté le budget qui prévoyait et mettait en oeuvre, je suppose, les choses dont nous débattons maintenant.
Je dois consacrer les premières minutes de mon allocution à cette démarche. J'ai le plus grand respect pour le gouvernement fédéral, pas nécessairement pour celui qui est présentement en place, mais pour la notion de gouvernement fédéral. J'ai le plus grand respect pour la démocratie. Il convient de se rendre compte qu'il existe ici une sérieuse lacune.
Depuis toujours, les mesures budgétaires sont secrètes. Il y a de bonnes raisons à cela. Si l'on savait que des modifications importantes vont être apportées à la structure fiscale ou à des prestations ou programmes fédéraux, on pourrait en profiter pour s'enrichir par la spéculation ou au moyen d'autres manoeuvres financières. Les questions budgétaires ont donc toujours été confidentielles.
Toutefois, nous avons remarqué que, ces trois ou quatre dernières années, le budget n'est pas le moindrement confidentiel. Je crois, en fait, que les libéraux sont en train de subir les conséquences de cela en ce sens que le discours du budget excite de moins en moins la population puisque les détails en sont pour la plupart annoncés la veille. Ils divulguent ponctuellement et à tort, je crois, cette information à la presse.
Un autre élément inopportun n'est pas que les gens puissent discuter du budget avant qu'il ne soit déposé, quoique cela constitue une violation d'un principe parlementaire, mais que nous n'ayons aucune possibilité d'influer sur le contenu du budget. Il n'existe actuellement aucun mécanisme dans le système parlementaire canadien qui permette de modifier ces choses.
Le ministre des Finances et probablement le premier ministre et plusieurs hauts fonctionnaires se rassemblent dans une petite pièce et élaborent un train de mesures. Ce n'est un secret pour personne qu'une bonne partie de ces mesures s'inspirent de considérations politiques et d'un souci de réélection du gouvernement. Cela mis à part, le gouvernement accorde beaucoup d'attention au message et à la communication.
Je suis évidemment en faveur d'une bonne communication, mais encore faut-il dire la vérité aux gens. La façon de communiquer revêt une grande importance pour le gouvernement parce qu'il veut que les gens croient dans ce qu'il fait, et cela afin d'accroître ses chances de réélection et, disons-le franchement, pour bien paraître. Il n'y a sans doute là rien de répréhensible. Mon collègue, le député de Crowfoot et moi-même voulons aussi projeter une image positive. Il n'y a rien de mal à projeter une image positive, à condition qu'elle corresponde à la réalité.
Nous débattons maintenant des mesures que le ministre des Finances a annoncées il y a 387 jours. Mais ce débat n'est qu'une parodie: il se terminera par la tenue d'un scrutin et nous n'avons aucune chance de pouvoir renverser les mesures annoncées par le ministre des Finances le 24 février 1998, puisque les députés ministériels sont tous obligés de voter en faveur du projet de loi. Cela découle d'une règle dérisoire, selon laquelle le fait de voter contre un projet de loi financier témoigne d'un manque de confiance envers le gouvernement et oblige ce dernier à déclencher des élections.
Ainsi, lorsque les députés se lèvent pour voter sur une mesure, en l'occurrence le projet de loi C-72, ils affirment par la même occasion leur opposition à la tenue d'élection. C'est absurde. Nous ne devrions pas avoir à répondre à une question si cette
Les députés doivent pouvoir, individuellement, parler et voter contre des mesures qui vont à l'encontre des intérêts des contribuables canadiens. Il doit y avoir un moyen de modifier cette loi d'une manière significative pour que les citoyens canadiens, les contribuables canadiens soient vraiment représentés à la Chambre et que leurs intérêts soient protégés.
Le député néo-démocrate de Kamloops m'a en fait volé une partie de mon discours. Pour préparer mon allocution d'aujourd'hui, j'avais un exemplaire du projet de loi C-72. Je sais plus que quiconque sans doute à la Chambre que je n'ai pas le droit de brandir des objets. Ce n'est pas un objet que je brandis, c'est un exemplaire d'un projet de loi de 157 pages.
En tant que député de l'opposition dont la tâche consiste à améliorer les projets de loi et à offrir des solutions de rechange aux Canadiens, je trouve lamentable que les mesures annoncées par le ministre des Finances il y a un an soient présentées dans un projet de loi qui a été déposé le 16 mars 1999 à la Chambre. Nous sommes aujourd'hui le 18 mars. Il n'y a donc que deux jours que le projet de loi a été présenté à la Chambre. Comme je l'ai déjà dit, le projet de loi renferme 157 pages dans les deux langues officielles. On pourrait le réduire de moitié pour qu'il soit plus facile à lire dans une langue ou dans l'autre.
Le député de Kamloops a lu un extrait de la Loi de l'impôt sur le revenu et nous avons failli éclater de rire. C'était de la comédie. C'était un flot ininterrompu de jargon incompréhensible. Je n'ai même pas consulté la Loi de l'impôt sur le revenu. Je n'ai lu que le projet de loi, qui modifie la loi et d'autres lois en conséquence. Le projet de loi modifie la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu.
J'ai fait la même chose que le député. J'ai ouvert le projet de loi C-72 et j'ai commencé à le lire. Je ne vais pas donner le même spectacle que le député parce que cela aurait l'air que je veux l'imiter. Mais, lorsque j'ai préparé mon discours, j'ai pensé que je devrais lire certaines dispositions du projet de loi afin que les Canadiens voient à quel point c'est compliqué. Regardons à la page 104:
a) le total des montants dont chacun est indiqué par le particulier en application du paragraphe (3) pour l'année donnée ou pour une année d'imposition antérieure comprise dans la période, si la date de clôture relative à un montant admissible reçu par le particulier fait partie de l'année d'imposition précédente,
b) le montant que le particulier a indiqué en application du paragraphe (3) pour l'année donnée, dans les autres cas.
Ce n'est qu'un des articles du projet de loi. Je suppose que, si nous faisions vraiment un effort, nous arriverions à comprendre, mais c'est très compliqué. Il y a aussi toutes sortes de formules qui s'appliquent à la Loi de l'impôt sur le revenu. Cela n'a pas de fin. C'est très tordu.
Le projet de loi dont nous sommes saisis devrait faire l'objet d'un débat où nous pourrions examiner tout cela en détail et proposer des amendements. Il devrait y avoir un mécanisme au Parlement qui nous permettrait de déterminer si ces changements sont nécessaires. Si nous pouvions, dans le cadre d'un débat, persuader la majorité des députés de la Chambre que des changements sont nécessaires, peu importe ce que leur whip leur dit de faire, alors il faudrait apporter ces changements. Le vote sur cette mesure ne devrait pas être considéré comme un vote de confiance dans le gouvernement. Il ne devrait pas être question de provoquer le déclenchement de nouvelles élections. On devrait simplement considérer que nous sommes en train d'élaborer une loi pour les Canadiens et que nous devrions en faire en une meilleure loi. Il n'y a pas de mécanisme pour améliorer quoi que ce soit ici.
Nous discutons d'un projet de loi plus d'un an après le dépôt du budget. Au bout du compte, nous allons nous prononcer sur le projet de loi comme des automates et celui-ci va être adopté. Il va être renvoyé au Sénat et y être adopté, car tout est joué à l'avance. C'en est complètement ridicule.
Voici une citation que j'ai déjà mentionnée à la Chambre. Je veux la lire de nouveau parce qu'elle est tout à fait pertinente en l'occurrence, étant donné l'interminable liste de petites règles compliquées. Il faut faire appel à des fiscalistes pour essayer de tirer au clair une page de la loi. À mon avis, on peut dire qu'il s'agit d'un classique. Il s'agit d'un extrait tiré d'un ouvrage d'Alexis de Tocqueville, historien et politicien illustre qui est venu en Amérique et qui a écrit un ouvrage en quatre volumes intitulé De la démocratie en Amérique. Il y explique le fonctionnement de la démocratie. Je suis un défenseur de la démocratie, mais je ne suis pas naïf au point de penser qu'elle a atteint sa quintessence. Il y a encore bien des aspects que l'on pourrait améliorer. Voici:
...après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir à l'ombre même de la souveraineté du peuple.
Je crois que c'est ce qui se passe en l'occurrence. Je suis renversé par les modifications apportées par ce projet de loi pour ce qui est de déduire de l'impôt des fonds tirés de REER quand ces sommes sont utilisées pour les études de ses enfants. À première vue, cela semble magnifique car on peut éviter de payer des impôts sur une partie de son revenu. Il faut se poser la question fondamentale suivante: En quoi un gouvernement peut-il s'arroger le droit de contrôler aussi étroitement toutes mes décisions financières, à un point tel qu'en ayant un taux d'imposition aussi élevé, la décision la plus importante que je puisse prendre consiste à déterminer comment éviter de payer de l'impôt?
Le gouvernement, par le biais des multiples pages de la Loi de l'impôt sur le revenu et des modifications qui y ont été apportées, contrôle tous les détails de ma vie et de celle des contribuables. Ils doivent prendre une décision dans un sens plutôt que dans un autre car, autrement, ils ne pourront tout simplement pas survivre, le gouvernement ayant confisqué leur argent. Ce n'est pas là une bonne façon de gouverner.
Il est temps que nous acquerrions un peu de liberté économique. On parle constamment de liberté. Or, nous sommes les esclaves économiques du gouvernement. La moitié de nos revenus, quand ce n'est pas davantage, est confisquée par les divers ordres de gouvernement, qui nous privent ainsi de notre liberté.
On est rendu au point où, contrairement à ce qu'ils avaient décidé au départ, les deux conjoints doivent travailler à l'extérieur pour joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de la famille? Les gens sont acculés au mur. Qui s'occupe des enfants pendant que le père et la mère travaillent? Le gouvernement leur impose des taxes si élevées qu'il n'ont pas d'autre choix que de travailler tous les deux à l'extérieur. Et ils continuent de crouler sous le poids des impôts. La moitié de ce qu'ils gagnent sert à payer les impôts.
Je déjà cité cet exemple. Il y a les taxes municipales. Il y a les taxes provinciales. Il y a l'impôt sur le revenu. Il y a la taxe d'accise. Il y a la taxe à l'importation. Il y a les saintes taxes que sont la TPS et la TVH. La liste est interminable. Chaque sou versé au titre de la TPS a déjà été touché par l'impôt sur le revenu. Autrement dit, le gouvernement perçoit l'impôt deux fois plutôt qu'une.
On peut en dire autant de l'impôt foncier. Au Canada, je ne peux pas réduire mon revenu imposable du montant correspondant à ce que j'ai versé au titre de l'impôt foncier. C'est possible si je suis en affaires. Il y a toujours une règle qui vient s'immiscer dans nos vies.
Je suis simplement un parent qui, avec ma femme, cherche un endroit où loger ma famille et je dois payer des taxes pour assurer les services de base à la collectivité. J'irais jusqu'à dire que j'aime beaucoup plus mon compte de taxes municipales que ma déclaration d'impôt fédéral, compte tenu de ce que je paie et des services que nous en tirons, ma famille et moi.
Chaque fois que je paie ces taxes—supposons qu'elles s'élèvent à 2 400 $—, je dois pour les payer gagner 4 000 $. Donc, disons que je gagne 4 000 $. Les gouvernements fédéral et provincial en gardent 40 p. 100. Il me reste 2 400 $. Je fais un chèque à mon pays, et voilà: il ne me reste plus rien de mes gains de 4 000 $. Bingo! Envolés! Comme ça! Zip! Et je ne peux rien y faire.
Dans l'intervalle, le budget est truffé de petits détails par lesquels le ministre et le gouvernement nous disent ce qu'ils veulent que nous fassions. Le ministre et le gouvernement manipulent le barème de l'impôt de manière à contrôler jusque dans les moindres détails la façon dont chaque citoyen dépense son argent. Je ne crois pas que quiconque ait le droit d'aller aussi loin dans cette voie que ne le fait le gouvernement de notre pays. Le gouvernement a vraiment perdu les pédales.
Je me demande si nous réussirons un jour à avoir un régime fiscal semblable à celui que nous avions quand j'étais étudiant. Le projet de loi propose de nouvelles règles à l'égard du paiement des intérêts sur la dette des étudiants. Les libéraux de ce gouvernement, et les conservateurs avant eux, ont fait en sorte, à eux seuls, de financer les études des jeunes en leur mettant sur le dos un fardeau qui les écrase.
Les étudiants supportent leur part de la dette fédérale et de la dette de leur province, part qui s'élève à 20 000 $ ou 25 000 $ par personne. Les étudiants, chacun de nos pages ici, avant même d'avoir emprunté un sou à qui que ce soit, doit déjà probablement 20 000 $ par l'intermédiaire du gouvernement fédéral et au moins 10 000 $ de plus par l'intermédiaire du gouvernement de sa province. Voilà. Les jeunes n'ont même pas encore quitté l'école qu'il ont déjà 30 000 $ de dettes à acquitter.
Mais en plus, que fait ce gouvernement et qu'a fait le gouvernement avant lui? Ils ont fait en sorte que les étudiants puissent obtenir des prêts alors que les frais de scolarité augmentent de façon exponentielle. Résultat, on nous dit à présent que, quand ils obtiennent leur diplôme, de nombreux étudiants se retrouvent avec une dette de 50 000 ou 60 000 $.
Le projet de loi C-72 a l'air fantastique. Il dit que nous allons faciliter les choses pour les étudiants, que nous allons même pardonner une partie de leur dette, que nous allons leur permettre de réduire leur revenu imposable d'un montant équivalent au prêt qu'ils ont obtenu. Ça semble fantastique, mais c'est faux. C'est honteux. C'est criminel de leur imposer une telle dette au départ. Pourquoi nous, citoyens de ce pays, ne pouvons-nous pas trouver un système abordable pour ces étudiants?
Je suis presque gêné à l'idée que lorsque j'étais étudiant, je gagnais plus d'argent l'été que je n'en avais besoin pour vivre toute l'année, notamment pour payer mon logement, ma nourriture—je ne mangeais pas beaucoup, ça se voit—mes frais de scolarité, mes livres et tout. Et encore il me restait de l'argent.
Aujourd'hui, les étudiants sont endettés jusqu'au cou et ont de la chance s'ils arrivent à trouver un travail. Cela doit cesser. Le projet de loi C-72 n'a d'autre but que de changer de petites règles pour contrôler notre vie. Il ne s'attaque pas du tout au problème.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, j'ai une question à poser à mon collègue au sujet d'une des histoires les plus tristes dont j'aie été témoin depuis mon élection à la Chambre des communes.
M. Unger, un de mes électeurs, est venu me voir à mon bureau, au sujet d'un problème concernant ses prestations d'invalidité dû à une disposition de récupération du RPC et de la SV. Nous avons examiné le cas de M. Unger pour voir si nous pouvions l'aider.
C'était bien triste. Cet homme avait été marié pendant plus de 30 ans. Il est venu à mon bureau avec sa femme. C'est là qu'il m'a dit qu'ils avaient divorcé parce qu'il y avait des avantages fiscaux à être considérés comme deux contribuables distincts. Ils avaient mis un terme à une union maritale de 30 ans juste pour pouvoir profiter de ces avantages fiscaux en présentant des déclarations de revenus en tant que contribuables distincts.
Mon collègue a parlé aujourd'hui de certaines de ces règles. J'aimerais qu'il nous en dise plus sur la réglementation, les dispositions et les autres règles et détails de la loi dont il faut tenir compte.
Les Unger ne sont pas les seuls à s'être présentés à mon bureau. Ce qu'il y a de plus triste, dans leur cas, et ce qui fait que cette histoire m'a tellement marqué, c'est que M. Unger est mort avant que nous ayons pu corriger sa situation. C'est épouvantable. Plusieurs des personnes qui sont venues à mon bureau avaient divorcé après des dizaines d'années de mariage pour profiter de ces échappatoires.
Le député peut-il commenter ces dispositions qui forcent les gens à appliquer de telles solutions?
M. Ken Epp: Madame la Présidente, c'est vraiment regrettable. Si nous nous arrêtons vraiment à y réfléchir, c'est incroyablement regrettable. J'ai utilisé la citation de Alexis de Tocqueville. Il y est question de «tyrannie». Nous pouvons utiliser ces règles fiscales pour tyranniser notre population, nos citoyens.
Il est évident que le député a donné un exemple auquel nous avons tous été confrontés en tant que députés. Les gens nous disent que s'ils faisaient ceci ou cela et dans ce cas-ci, s'ils divorçaient au lieu de rester ensemble, ils y gagneraient sur le plan fiscal. Si nous, dans cette enceinte, ne pouvons même pas faire en sorte que le régime fiscal n'ait pas d'effet sur ces décisions, nous ne faisons pas notre travail.
Je voudrais que le gouvernement démissionne relativement à cette question et déclenche des élections. Je sais que cela pourrait faire les nouvelles ce soir mais c'est si grave que c'est ce qui devrait se produire. Nous devrions avoir l'occasion en tant que Canadiens de dire à notre gouvernement qu'il n'a pas le droit d'inscrire dans le code fiscal cette toute petite règle qui aura des répercussions sur cette décision très importante. Nous vivons à une époque où tant de décisions sont prises en fonction des règles fiscales.
Je me rappelle qu'il n'y a pas très longtemps, j'ai assisté à un colloque d'une journée sur la planification de la retraite. J'en suis ressorti stupéfait. Ainsi, on a passé environ 85 à 90 p. 100 du temps à montrer comment éviter de payer des impôts ou les reporter. On n'a consacré qu'environ 10 p. 100 du temps à la façon de prendre des décisions judicieuses, de bien planifier, aux meilleures solutions pour s'assurer une bonne retraite.
Bien entendu, cela m'intéresse car après m'être retiré du régime de pensions des députés, je dois assurer ma retraite et celle de mon épouse. Là encore, je ne peux utiliser la déduction au titre du REER pour mon épouse, étant donné qu'elle est à ma charge. Nous avons fait ce choix. Elle ne touche pas directement un revenu. Elle fait certes sa part pour aider la famille à gagner sa vie, mais cela n'est d'aucune utilité sur le plan fiscal. Si nous prenions une autre décision sur notre façon de vivre, elle aurait alors cet argent à sa disposition. Le code fiscal ne devrait pas s'ingérer dans ma vie.
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Madame la Présidente, il est toujours intéressant d'écouter le Parti réformiste. Puisque ce parti forme l'opposition, son travail consiste sans doute à s'opposer à toutes les mesures, quelles qu'elles soient, dont la Chambre est saisie.
Je crois savoir que le Parti réformiste avait présenté un mémoire prébudgétaire. Ce document proposait des compressions de 25 milliards de dollars, qui se seraient sans doute traduites par des réductions de programmes et de services. Nous savons déjà que les réformistes entendent réduire le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux de 3,5 milliards de dollars. Le député a exprimé son inquiétude au sujet des soins de santé. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux aide les gouvernements provinciaux à financer l'éducation postsecondaire. Mon collègue réduirait-il le financement de la recherche et du développement ou encore la prestation fiscale pour enfants?
Il est facile de s'opposer à toutes les mesures que le gouvernement propose et de prétendre qu'on peut faire mieux. Le défi survient...
Une voix: C'est ce que vous aviez l'habitude de faire.
M. Tony Valeri: Le député d'en face dit que c'est ce que nous avions l'habitude de faire. Les Canadiens s'attendent à mieux que les interpellations du député d'en face. Ils veulent voir leur situation s'améliorer et veulent pouvoir entrer de plein pied dans le prochain millénaire.
Nous avons réalisé l'équilibre budgétaire. Je le signale à l'intention du député de Medicine Hat, porte-parole réformiste en matière des finances, qui a commenté le budget de 1998, sur lequel porte le projet de loi à l'étude. J'aimerais savoir ce que le député pense des propos du député de Medicine Hat; il a dit: C'est difficile de critiquer. C'est un exploit financier remarquable.
Le député de Medicine Hat et ses collègues pourraient au moins reconnaître que certaines mesures du projet de loi, même s'ils ne l'appuient pas intégralement, méritent leur appui et ils pourraient appuyer la politique générale du gouvernement, qui est d'assurer un avenir meilleur aux Canadiens.
Le député ne peut mettre en doute la capacité ou la volonté des députés, comme celle du gouvernement, de continuer de représenter leurs électeurs au mieux de leur capacité. Le projet de loi à l'étude contient des mesures qui vont dans le sens de ce que souhaitent les Canadiens et nous entendons les aider à y parvenir.
M. Ken Epp: Madame la Présidente, j'ai toujours été une personne positive et j'ai toujours cru qu'il y a un peu de mal dans le meilleur d'entre nous et beaucoup de bien dans la pire des personnes.
Certes, ce projet de loi renferme des dispositions qui sont bonnes et louables. Si le député d'en face tient à être félicité par un réformiste, eh bien je le félicite. Je le félicite parce que certaines de ces modifications sont un pas dans la bonne direction, mais fondamentalement les principes qui les sous-tendent sont encore mauvais.
Si, tous les ans, le gouvernement enlève mille dollars à un ménage, pourquoi devrait-on le féliciter de ne lui en enlever que 500 maintenant? Je sais que ce sont des impôts et que les impôts sont légitimes. Il est légitime de fixer un taux d'impôt, mais le problème, c'est que le gouvernement s'ingère dans les menus détails de notre vie quotidienne et que je voudrais bien qu'il cesse de le faire.
En ce qui concerne les points de vue financiers, notre idéologie globale est très claire. Nous croyons qu'il vaut mieux redonner aux contribuables une plus grande proportion de l'argent qu'ils ont gagné à la sueur de leur front. C'est cela notre idéologie. Je crois fermement en cela.
Je ne pense pas qu'on devrait réduire les citoyens canadiens à un état de soumission et dire au gouvernement qu'il peut leur enlever la moitié de leurs revenus.
J'invite les députés à se reporter au hansard pour y lire une de mes précédentes déclarations où j'ai parlé d'un voleur qui était venu chez moi pour me voler la moitié de mes biens. J'ai appelé la police, mais celle-ci n'a pas voulu m'aider parce que le voleur était nul autre que le fisc. C'est moi qui aurait eu des problèmes si je n'avais pas aidé le fisc. C'est exactement ce qui se passe maintenant.
Les niveaux d'imposition sont beaucoup trop élevés. C'est pourquoi il y a des ménages qui sont en pleine crise financière. Leur revenu est suffisant, mais ils n'arrivent pas à joindre les deux bouts à cause de la voracité du fisc. Voilà la réalité. Je pense qu'il est temps que le gouvernement en prenne conscience. Par ailleurs, le projet de loi renferme certaines mesures qui allégeront un peu ce lourd fardeau. Et c'est pourquoi, je suppose, nous devrions nous agenouiller et remercier le gouvernement.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir aujourd'hui de participer au débat en deuxième lecture du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et mettant en application certaines mesures du budget de 1998 du gouvernement libéral.
Tous se souviendront—et je me ferai un devoir de le rappeler à ceux qui ne s'en souviennent pas—qu'en 1998, lorsque le ministre des Finances a déposé son budget, nous l'avions dénoncé de façon virulente. Nous avions surtout dénoncé les iniquités et les injustices du budget, les fonds qui n'appartenaient pas au gouvernement libéral mais aux travailleurs et aux employeurs—je fais ici référence à la caisse de l'assurance-emploi—qui étaient utilisés pour financer des mesures qui étaient aussi insuffisantes, étant donné les possibilités qui s'offraient en 1998, comme cette année, au ministre des Finances pour apporter une contribution pour l'amélioration du bien-être des contribuables québécois et canadiens.
Cette critique de fond tient toujours. Ce que nous avions contre le budget de 1988 est encore d'actualité aujourd'hui.
Lors de cette critique du Bloc québécois, nous avions signifié, par la même occasion, qu'il y avait certaines mesures à l'intérieur du budget qui constituaient certaines améliorations par rapport aux iniquités et aux failles du système fiscal. Parmi les mesures qui étaient présentes dans le budget 1998, certaines avaient fait l'objet de promotion de la part du Bloc québécois depuis la première élection de 1993.
Le projet de loi de mise en oeuvre du budget de 1998, le projet de loi C-72 qui nous intéresse aujourd'hui, contient justement les mesures qui représentent une certaine amélioration. Je prends par exemple la hausse de 500 $ du crédit d'impôt personnel de base, la réduction de la surtaxe des particuliers, le régime d'accession à la propriété, le fameux RAP, le crédit d'impôt pour intérêt sur les prêts étudiants.
C'était une des premières mesures que le Bloc québécois a présentées au gouvernement comme étant une voie possible pour aider les étudiants dans une réforme générale de la fiscalité des particuliers. Celle-ci tarde à venir, mais au moins, le gouvernement a donné raison au Bloc québécois là-dessus.
Il y a aussi des mesures comme le crédit d'impôt pour études et les déductions pour frais de garde offerts aux étudiants à temps partiel admissibles. Nous avons aussi fait la promotion de ce genre de mesures, et on retrouvait cette mesure dans le budget de 1998.
Le Bloc québécois avait aussi fait la promotion des déductions pour frais de garde d'enfants, de façon générale. Bien qu'au Québec, avec l'excellente politique du gouvernement québécois concernant les garderies à 5 $, cette déduction va prendre de moins en moins d'importance. Mais quand même, à l'heure actuelle, les Québécois, les Québécoises et les Canadiens bénéficient quand même d'une telle mesure.
Concernant la déduction maximale de 1 000 $ pour les pompiers volontaires, là aussi, les pompiers volontaires nous ont fait des représentations et nous avions appuyé cette mesure à ce moment-là.
En ce qui concerne la question de l'augmentation du plafond des fonds placés en sociétés à capital de risque de travailleurs de 3 500 $ à 5 000 $, il était difficile pour nous d'être contre cette hausse du plafond.
Rendons à César ce qui appartient à César. Le Bloc québécois avait présenté ces mesures comme étant un pas dans la bonne direction. Globalement, par contre, et je donnerai les raisons plus tard au cours de mon exposé, nous trouvions que le ministre des Finances avait mal fait son job et qu'il aurait pu faire beaucoup mieux s'il n'avait pas caché effrontément, comme il le fait depuis 1994, le vrai visage des finances publiques et, surtout, le surplus d'opérations qu'il aurait pu utiliser à des mesures beaucoup plus consistantes que celles-là.
Par contre, ces petites mesures, l'une à la suite de l'autre, étaient quelque chose de positif et, à nos yeux, c'est encore quelque chose de positif. Cela fait qu'on est un peu mal à l'aise pour rejeter tout cela en bloc et dire que c'est passé, qu'on met cela de côté, et on fait en sorte que les contribuables qui, normalement, devraient en bénéficier, ne puissent pas en bénéficier.
On est un peu mal à l'aise avec l'amendement proposé par le Parti réformiste, qui se lit comme suit, dans la version française:
cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-72 [...] puisque le principe du projet de loi n'aborde pas le régime fiscal fédéral afin de mettre fin à la discrimination envers les familles avec enfants ayant un seul revenu.
Sur le fond, nous donnons tout à fait raison au Parti réformiste, mais sur la forme qu'on veut donner à l'offensive politique, on n'est pas d'accord.
Ce n'est pas parce qu'on n'a pas réglé un problème fondamental, un problème d'injustice et d'iniquité du régime fiscal, qu'on doit tout mettre à la poubelle, qu'on doit dire qu'on ne procède pas à la seconde lecture de ce projet de loi, même s'il contient certaines améliorations.
Si on faisait cela, si on appuyait l'amendement du Parti réformiste, on se retrouverait dans une situation telle qu'on créerait plus d'injustices et d'iniquité que ce que le Parti réformiste prétend combattre. C'est un non-sens.
Si, par exemple, on rejetait la hausse du crédit d'impôt personnel de base de 500 $, si on rejetait l'abolition de la surtaxe des particuliers, si on rejetait la possibilité pour les étudiants d'avoir un crédit d'impôt pour intérêt sur les prêts aux étudiants, est-ce qu'on améliorerait le sort des gens? Est-ce qu'on améliorerait le sort des familles à simple revenu ou autres?
Sur le fond, il est évident qu'il faut une réforme en profondeur du régime fiscal. Au Bloc québécois, nous sommes de ceux et de celles qui se sont joints au Parti réformiste pour combattre le fait qu'il y a des différences extraordinaires entre l'impôt payé par des familles avec enfants ayant un revenu unique, et l'impôt payé par une famille avec enfants ayant exactement le même revenu, mais divisé entre les deux conjoints.
Il y a également d'autres injustices dans le système fiscal. Et nous nous ferons un devoir, comme nous le faisons depuis 1993, de nous battre pour améliorer la situation.
Par contre, nous ne pouvons acquiescer à l'amendement du Parti réformiste. Ce serait nous tirer dans le pied, et ce serait ajouter à l'injustice fiscale que de rejeter le projet de loi C-72.
Cela étant dit, si cela a pu paraître comme des fleurs que je donnais au gouvernement, maintenant j'aimerais en venir au pot. Comme dans le dernier budget de 1999, le budget de 1998 contenait exactement les mêmes défauts fondamentaux que nous reprochions au ministre des Finances lors du dépôt de son dernier budget.
Le ministre a caché le vrai visage des finances publiques. Ce faisant, il ne présente pas les vraies possibilités qu'il aurait pu y avoir pour corriger des injustices dans la fiscalité, pour faire en sorte que, par exemple, le surplus de la caisse de l'assurance-emploi reste aux mains des employeurs et des travailleurs et bénéficie aux chômeurs et aux chômeuses.
Il aurait pu faire beaucoup plus pour les étudiants, pour les personnes handicapées. Le défaut du ministre des Finances, et c'est le même depuis 1994, c'est qu'il présente des budgets dans lesquels les chiffres ne sont pas fiables. Il dit qu'il est allé au maximum des possibilités que lui conférait sa marge de manoeuvre. Mais le problème, c'est que la marge de manoeuvre qu'il annonce est fausse. Il ne nous donne pas toutes les possibilités.
Il faut se rappeler ce que nous disions, nous, du Bloc québécois, en 1998, avant le dépôt du budget de 1998. Nous l'avons répété en 1999; nous l'avions dit en 1997 et en 1996 aussi. Depuis ce temps-là, tous les ans, le ministre se trompe d'à peu près 60 p. 100 dans ses prévisions, entre 60 p. 100 et 150 p. 100 dans ses prévisions de déficit et de surplus en dedans de six à huit mois.
On lui donnait, nous, les vrais chiffres. Dès 1998, nous lui avions dit ceci, quelques mois avant le dépôt de son budget: «Vous avez la possibilité, tout au long de l'exercice financier 1998-1999, de régler un tas de choses si vous dites la vérité, si vous présentez les vrais chiffres, si vous présentez la vraie gamme de possibilités offertes avec le surplus réel.»
À ce moment-là, on s'en rappellera sûrement, à peine quelques mois auparavant, nous avions déposé un rapport d'analyse du Bloc québécois, qui avait été très bien reçu par le ministre des Finances, sur des voies de réforme de la fiscalité des particuliers et des entreprises.
Nous lui avions dit que dès ce moment, en 1998, il avait la possibilité, sur un exercice financier de 12 mois, de commencer à corriger la fiscalité des particuliers en commençant par la pleine indexation des tables d'impôt. Il aurait pu le faire.
Dès 1998-1999, nous avions établi à au moins 10 milliards de dollars le surplus qu'il s'apprêtait à réaliser au cours de l'exercice financier. Nous sommes rendus au mois de mars 1999 et nous nous apercevons que le surplus, pour cet exercice financier, va dépasser effectivement les 10 milliards de dollars.
Il aurait pu corriger ces injustices fondamentales, mais il ne l'a pas fait, et c'est ce que nous lui reprochons ici aujourd'hui.
Les mesures indiquées dans le projet de loi C-72 représentent certaines améliorations, mais c'est minime par rapport à ce que le ministre des Finances aurait pu faire, lui qui est trop paresseux, qui manque d'imagination ou qui fait preuve de très peu de transparence lorsqu'il présente le vrai visage des finances publiques.
Je vais simplement donner un exemple des iniquités qu'on retrouve, à l'heure actuelle, dans le système fiscal à cause de l'absence d'indexation. Prenons, par exemple, le montant d'exemption personnelle de base dans l'impôt fédéral.
Dans le budget de 1998, le ministre proposait qu'il soit à 6 706 $. Le montant qu'il a proposé, en 1999, au dernier budget, était de 7 131 $. S'il avait pleinement indexé cette exemption personnelle de base, ce n'est pas 7 131 $ qu'elle représenterait, mais tout près de 8 100 $ par contribuable. Ce ne sont pas des petits montants. Lorsque l'on fait le calcul, sur l'ensemble des contribuables, ça commence à représenter pas mal de manque à gagner pour les familles québécoises et canadiennes.
Le montant pour conjoint, c'est la même chose. Il y a un manque à gagner par rapport au montant proposé dans le budget 1998 et dans le budget 1999 d'à peu près 700 $ par conjoint pour le montant d'exemption personnelle de base. Sept cents dollars, cela rehausse un peu un budget, surtout quand vous êtes parmi la classe des revenus moyens ou dans la fourchette inférieure et que vous avez contribué le plus à l'assainissement des finances publiques. Il me semble que cela devient intéressant.
Mais il y a pire que cela. Les problèmes soulevés par le Bloc québécois au niveau des iniquités du traitement fiscal, selon qu'il y ait un ou deux revenus dans une famille, les mêmes critiques que le Parti réformiste présente dans son amendement, ce traitement fiscal différentiel est exacerbé et empiré par l'absence d'une pleine indexation des paliers d'imposition.
Prenons l'exemple d'une famille à revenu unique; on dit que les familles à revenu unique paient plus d'impôt que les familles où il y a deux revenus totalisant le même montant que la première famille.
Prenons l'exemple d'une famille à revenu unique de 36 500 $. Cette famille paie 1 118 $ de plus d'impôt qu'elle paierait autrement s'il y avait une pleine indexation des paliers d'imposition.
Si on prend une famille à deux revenus totalisant le même montant, c'est-à-dire 36 500 $ mais avec deux conjoints qui contribuent, cette famille paie, à cause de la non-indexation, 272 $ de plus d'impôt qu'elle n'en paierait autrement s'il y avait pleine indexation.
Entre les deux, on voit vraiment qu'il y a une distorsion terrible. Qu'il s'agisse d'une famille à revenu unique ou d'une famille à double revenu, pour un niveau de revenu équivalent, il s'agit de montants d'impôt différentiels qui n'ont plus aucun bon sens.
Si on avait pleinement indexé les paliers d'imposition, comme on le propose, nous, depuis 1994, depuis qu'on a mis le pied à la Chambre des communes, on ne fait que proposer cette mesure. On en a rajouté avec notre examen exhaustif de l'ensemble de la fiscalité des particuliers et des entreprises, mais l'indexation a toujours été une sorte de mantra pour le Bloc québécois.
Si on regarde les paliers d'imposition par tranche de revenu imposable, on voit bien que cela n'a aucun sens. Par exemple, lorsqu'on parle d'un taux d'imposition de 17 p. 100 sur la première tranche de revenus imposables de 29 590 $, si on avait pleinement indexé les paliers d'imposition, non seulement les montants d'exemption, ce ne serait pas sur les premiers 29 590 $ que le taux d'imposition serait de 17 p. 100, mais ce serait sur les premiers 36 918 $.
Jusqu'à 36 918 $, le taux d'imposition serait de 17 p. 100, alors qu'à l'heure actuelle, en absence d'indexation, c'est jusqu'à 29 590 $ que le taux d'imposition est de 17 p. 100.
C'est la même chose pour la tranche de revenus entre les premiers dollars de revenu et 29 591 $, jusqu'à 59 180 $. Pour cette tranche, le taux d'imposition est de 26 p. 100. Si on avait pleinement indexé le palier d'imposition dans cette catégorie de revenus, ce serait entre 36 919 $ et 73 838 $ que le taux d'imposition serait de 26 p. 100, avant de tomber à un taux d'imposition supérieur de 3 p. 100, c'est-à-dire à 29 p. 100.
Cela n'a pas de sens, encore aujourd'hui, avec les moyens qui se présentent au ministre des Finances et au gouvernement, qu'on n'ait pas pensé une minute à satisfaire la grande partie des contribuables canadiens en indexant pleinement les paliers d'imposition.
Seulement en indexant le palier d'imposition de 29 590 $ à 17 p. 100 de taux d'impôt, jusqu'à 36 918 $ avec pleine indexation, cela toucherait 70 p. 100 des contribuables canadiens. Ce serait une mesure généralisée qui serait bénéfique. Elle pourrait bénéficier à l'ensemble des contribuables. Mais le ministre des Finances, bien que nous le lui ayons répété en 1998, que nous lui ayons donné les vraies possibilités avec le surplus qui se dégageait pour l'exercice financier 1998-1999, n'a pas répondu à notre invitation pour corriger ce genre d'injustice.
En 1999—et il en sera question un peu plus tard au cours de la semaine—là non plus, il n'a pas répondu. Il a préféré avoir de petites mesures éparses au niveau de la fiscalité, mais sans vision d'ensemble, sans planification d'ensemble.
Je commence à être d'accord avec un éditorialiste du Globe and Mail qui disait, un jour, que le ministre des Finances est peut-être celui que ça prenait pour en arriver au déficit zéro avec des mesures qui étaient totalement contestables et qui le sont encore. Mais par contre, pour gérer la croissance, pour gérer les surplus, ce n'est peut-être pas l'homme de la situation.
Lorsqu'on voit, depuis deux ans, ce que cet homme fait, alors qu'il y a des besoins immenses, qu'il a des possibilités immenses aussi, je commence à être d'accord avec l'éditorialiste du Globe and Mail.
Parlons des chômeurs. En 1998, nous faisions la même remarque. En 1999, c'est encore pire pour les chômeurs. En 1998, nous avions rejeté le budget du ministre des Finances pour une des raisons fondamentales que nous avons véhiculées aussi pour le budget de 1999, c'est que les chômeurs sont les grands perdants. Le projet de loi C-72 ne règle pas cette question. Normalement, les chômeurs devraient bénéficier des immenses surplus qui s'accumulent depuis 1996 dans la caisse de l'assurance-emploi. Ils vont dépasser les 25 milliards à la fin du présent exercice financier.
Chaque année, le ministre dérobe six milliards qui devraient normalement servir à aider les sans-emploi, pour aider les gens frappés par le fléau du chômage. Il n'est pas temps de les rendre encore plus pauvres qu'ils ne le sont, lorsqu'ils sont frappés par ce fléau qu'est le chômage.
Malgré ce qu'on a présenté, selon les chiffres du ministère du Développement des ressources humaines, 43 p. 100 uniquement des chômeurs bénéficient du régime d'assurance-emploi. Le Conseil du travail du Canada parle de 36 p. 100. Il a préféré garder ces surplus, les mettre de côté, se faire belle jambe, préparer sa course au leadership, plutôt que d'aider les chômeurs.
Alors, nos critiques de fond demeurent et les critiques de fond véhiculées par le Parti réformiste demeurent aussi.
Malheureusement, l'amendement est formulé de telle façon que si on appuyait cet amendement, on créerait encore plus d'injustice pour les personnes handicapées et pour les étudiants, entre autres, ce que nous ne sommes pas prêts à faire.
[Traduction]
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, j'aimerais faire part à mes honorables collègues d'une situation que j'ai vécue il y a peu de temps. J'ai tenu une assemblée locale à laquelle a assisté un habitant de longue date de ma circonscription. C'est un ancien militaire qui a fait partie des troupes canadiennes qui se sont battues au cours de la Seconde Guerre mondiale ainsi que de la Guerre de Corée je crois. Il a attendu jusqu'à 9 heures et il est même resté après l'assemblée parce qu'il voulait me parler. Il s'appelle Bob McPherson. Bob m'a raconté qu'il avait acheté des obligations d'épargne du Canada pour chacun de ses petits-enfants, qu'ils les avait déposées dans un compte en fiducie et qu'il leur avait dit: «Je ne fais pas confiance au gouvernement. Ça fait longtemps que je vis et j'ai eu connaissance de toutes sortes de problèmes, de complications et autres. Je vais acheter ces obligations pour vous, pour que vous ayez un peu d'argent lorsque vous serez plus vieux pour pouvoir étudier. Vous aurez ainsi de quoi payer vos études.»
Je vois que le projet de loi C-72 parle des régimes enregistrés d'épargne-études et des régimes d'éducation permanente. En contribuable responsable, Bob a rempli sa déclaration de revenus et l'a fait parvenir au gouvernement. Il s'attendait à recevoir un remboursement. Toutefois, ce n'est pas ce qui s'est passé. Il a plutôt reçu une lettre du gouvernement l'informant qu'il devait de l'argent.
Bob s'est présenté à mon assemblée locale. Il était blême. Il m'a dit «Je n'ai pas l'intention de leur envoyer un cent». Je lui ai dit que ça ne valait pas la peine d'engager des procédures avec Revenu Canada pour une somme aussi minime. On lui réclamait 47 dollars. Je lui ai dit qu'il valait mieux payer les 47 dollars qu'ils lui réclamaient et voir ce qu'il pourrait faire par la suite parce que s'il ne payait pas, ils exigeraient des intérêts. C'était bien triste. Cet homme qui avait acheté des obligations d'épargne en prévision des études de ses petits-enfants se voyait dans l'obligation de payer des impôts sur ce montant, même s'il avait été déposé dans un compte en fiducie. Ni lui, ni son épouse, ni personne d'autre n'aurait eu accès à cet argent.
À mon avis, il est honteux que Bob McPherson ait eu à payer davantage d'impôts parce qu'il avait essayé de venir en aide à ses petits-enfants. En fin de compte, Bob McPherson a fini par décider d'encaisser les obligations parce qu'il était d'avis qu'il valait mieux donner directement cet argent à ses petits-enfants que de laisser le gouvernement venir puiser dans ses poches et gruger leur fonds d'études.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le Président, je ne sais pas s'il s'agit d'une question, mais ce sont de bons sujets de discussion.
Je ne connais pas la situation particulière de Bob McPherson, je ne sais pas quel était son niveau de revenu imposable, ses actifs. Bref, il y a un tas de circonstances qui peuvent expliquer le fait que même en voulant aider ses petits-enfants, il se soit retrouvé avec une contribution fiscale.
Par contre, on sait pertinemment que de façon générale, le système fiscal canadien souffre d'iniquités flagrantes ainsi que d'injustices. Mon collègue et son parti en ont soulevé, nous en avons soulevé aussi. On s'attend un jour à ce que le gouvernement bouge, parce qu'il y a eu d'innombrables projets de loi omnibus qui ont été présentés, depuis 1994, par le ministre des Finances qui devaient corriger plusieurs dispositions de la fiscalité. Finalement, lorsque l'on regarde l'ensemble, le cumul de tout cela, on s'aperçoit qu'il n'y a pas grand-chose qui ait été corrigé.
D'ailleurs, j'ai l'intention de poser une question à ce sujet bientôt. On se rappellera que dès 1999, lorsqu'était survenu le scandale des fiducies familiales de deux milliards qui avaient traversé les États-Unis sans payer d'impôts, le ministre des Finances avait promis, à ce moment-là, de déposer un projet de loi en 1999 pour boucher l'échappatoire fiscal. On l'attend toujours. Il n'en a pas parlé cette année. Mes collègues du Parti réformiste ne s'en rappellent pas non plus.
Alors, il y a beaucoup de choses à faire. Au niveau du régime d'épargne-études, on s'aperçoit qu'on pourrait faire encore beaucoup plus pour faire en sorte que les contribuables à revenu moyen puissent en bénéficier, parce qu'à l'heure actuelle, le régime d'épargne-études bénéficie d'abord et avant tout aux plus privilégiés de la société et non pas à la classe moyenne, comme on devrait s'attendre, surtout avec un objectif d'accès à l'éducation rehaussé.
[Traduction]
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, l'intervenant précédent a demandé pourquoi les sommes placées dans une fiducie devraient être taxées.
Le député devrait savoir qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu il existe des règles régissant l'attribution des revenus selon lesquelles si un parent donne de l'argent à un enfant de moins de 21 ans, le revenu provenant de ce transfert doit être attribué au parent, faute de quoi les parents partageraient la totalité de leurs revenus de placements avec leurs enfants. Cette règle vise uniquement à ce que les gens qui ont des enfants ne bénéficient pas d'un avantage fiscal supérieur à ceux qui n'en ont pas.
Le député a soulevé deux questions sur lesquelles j'aimerais revenir. La dernière concernait les REEE. Il a dit très clairement que ce genre de régime ne profitait qu'aux plus riches. C'est absolument faux. Selon la formule actuelle, tout Canadien, quel que soit son revenu, qui contribue à un REEE est admissible à une subvention du gouvernement de 20 p. 100 sur la première tranche de 2 000 $. Il ne s'agit pas d'une déduction d'impôt. C'est indépendant du régime fiscal. Le député a tout à fait tort.
Je connais le député. Il est membre du Comité des finances. Il est économiste par profession et je l'ai entendu parler très doctement d'un certain nombre de questions très compliquées concernant la situation économique du Canada. Parlant de la non indexation des tranches d'imposition, il a dit que si les tranches d'imposition avaient été indexées pendant la période dont il parlait, la première tranche serait passée de, je pense, 29 590 $ à 36 000 $.
Le député a entièrement raison. Il devrait se rendre compte que les gens dont le revenu annuel est inférieur à 30 000 $ ne bénéficieraient pas de l'indexation des tranches d'imposition. Par ailleurs, le gouvernement fédéral est lui-même victime de l'érosion du pouvoir d'achat due à l'inflation car nous versons un salaire à nos employés et, à cause de l'inflation, nous payons davantage pour les biens et les services que nous achetons.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le Président, je serai bref. Au sujet du régime d'épargne-études, ce que j'ai dit, c'est qu'il fallait avoir de l'argent pour en investir dans un régime d'épargne-études. Les plafonds déterminés, à l'heure actuelle, sont peut-être trop élevés pour les gens à revenu moyen, ce qui fait que les gens de cette catégorie ne participent pas autant qu'ils le devraient au régime d'épargne-études.
En ce qui a trait à l'autre question, il ne s'agit pas ici de s'obstiner sur des points, des virgules ou sur le sexe des anges, pour employer une expression de l'ancien premier ministre du Québec, il s'agit de voir que dans le régime fiscal, à l'heure actuel, il y a des choses qu'il faut corriger.
Mon éminent collègue reconnaît qu'il y a des iniquités et des injustices dans le système fiscal fédéral. Il devrait mettre toute son énergie et toute son intelligence au service, justement, de la correction de ces iniquités.
En ce qui a trait aux contribuables gagnant moins de 30 000 $, il est certain qu'il y a du travail à faire dans toutes les catégories. Je donnais l'exemple des gens gagnant autour de 30 000 $, entre 30 000 $ et 40 000 $, qui constituent la tranche regroupant 70 p. 100 des contribuables canadiens. C'est l'exemple que je donnais, et c'est un exemple assez frappant.
[Traduction]
Le Président: Nous reprendrons le débat après la période des questions.
* * *
DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE
DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE
Le Président: Avant que nous ne passions aux déclarations de députés, je voudrais vous entretenir d'une lettre qu'on m'a transmise aux termes de l'article 52 du Règlement, concernant la tenue d'un débat d'urgence, ce soir. Cette lettre a été présentée par le député de Selkirk—Interlake. Il s'agissait d'une demande de débat d'urgence et je l'ai examinée très sérieusement. Elle concerne le transport du grain, qui est perturbé par des arrêts de travail à Vancouver.
J'estime que cette demande répond aux exigences de l'article 52 du Règlement. Par conséquent, un débat d'urgence aura lieu ce soir à 20 heures.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LES JEUNES
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu le plaisir dernièrement de rendre visite aux élèves d'une école secondaire de ma circonscription. En compagnie du vice-président de la Chambre, je me suis rendue à l'école secondaire Charles Tupper pour converser avec les élèves.
Nous avons discuté du processus d'élaboration des politiques et du rôle des parlementaires à Ottawa. Je suis d'avis qu'il est important d'encourager les jeunes à participer aux affaires publiques.
Je remercie le vice-président d'avoir pris le temps de venir rencontrer ces jeunes et brillants citoyens.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, selon la définition d'Albert Einstein, l'insanité consiste à refaire continuellement la même chose en attendant un résultat différent. On ne peut que se demander ce qu'il dirait à la ministre des Affaires indiennes qui s'apprête à créer une nouvelle réserve pour la bande de Caldwell dans le sud-ouest de l'Ontario.
Cela fait plus de 130 ans que les autochtones canadiens sont victimes de ségrégation sur le plan physique, à cause de la création de réserves, et sur le plan légal, à cause de la Loi sur les Indiens.
La ségrégation autorisée par la loi s'exerce dans plusieurs pays aux quatre coins du monde et ses résultats sont toujours désastreux.
Au Canada, ceux qui paient le plus cher pour les idées ségrégationnistes, ce sont les 400 000 autochtones des réserves. Ils y vivent souvent dans des logements insalubres, bien au-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de suicide chez les jeunes est cinq fois plus élevé que le taux moyen national. Quant au taux de mortalité infantile, il y est deux fois plus élevé. Par ailleurs, il est plus probable que les jeunes fréquentent les prisons que les universités.
Deux géants du XXe siècle, Martin Luther King et Nelson Mandela, ont consacré leur vie entière à prôner l'abolition de la ségrégation dans leur pays. Combien de temps les Canadiens devront-ils attendre pour que le gouvernement fédéral abandonne ses politiques ségrégationnistes?
* * *
[Français]
LA FRANCOPHONIE CANADIENNE
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le 16 mars, dans le cadre de célébrations marquant l'importance de la francophonie canadienne, le gouvernement de l'Alberta a annoncé la mise sur pied d'un Secrétariat aux affaires francophones qui lui permettra d'être à l'écoute de ses 60 000 francophones et d'en promouvoir les intérêts.
Aujourd'hui, huit provinces et les deux territoires reconnaissent l'apport de leur francophonie et lui font une place dans les priorités gouvernementales.
Nous pouvons être confiants que l'exemple de l'Alberta pourra convaincre la Colombie-Britannique de faire un geste semblable et de participer plus activement au développement de la francophonie canadienne.
* * *
[Traduction]
L'ASSOCIATION DES FEMMES EN COMMUNICATIONS
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, l'Association des femmes en communications, un organisme national ayant pour mission de faire la promotion des femmes dans les secteurs des communications et des télécommunications, a tenu récemment à Ottawa son gala annuel de remise des prix.
Je voudrais profiter aujourd'hui de l'occasion pour féliciter trois personnes qui ont été honorées au gala de cette année.
Le prix de l'AFC pour l'employeur de l'année a été décerné à la société Rogers Broadcasting Limited. Le prix de la femme de l'année a été remis à Phyllis Yaffe, présidente et directrice générale des chaînes Showcase et History Television. Le prix de mentor de l'année a été attribué à Suzanne Boyce, première vice-présidente à la programmation au réseau CTV.
Enfin, j'exprime nos félicitations à Veena Rawat, directrice générale adjointe, à la Direction générale de la technique du spectre, à Industrie Canada, qui a mérité le prix de pionnière de l'année.
Je tiens à féliciter l'AFC du travail exceptionnel qu'elle accomplit en faisant la promotion du rôle des femmes et en honorant ces femmes qui se sont distinguées dans leur domaine. Toute l'industrie canadienne des communications continue de bénéficier de leur travail.
* * *
[Français]
LA FRANCOPHONIE CANADIENNE
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, hier, une quinzaine de parlementaires canadiens, dont quatre ministres, partageaient le début de l'Année de la francophonie avec des députés de l'Assemblée nationale du Québec.
Cette démarche visait à faire réaliser aux citoyens qu'il y a plusieurs députés francophones aux quatre coins du Canada. Les francophones hors Québec partagent avec les Québécois la fierté de leur langue et le désir de la préserver.
Ces députés s'unissaient pour mettre en relief cette réalité qu'est la vitalité et la richesse de la culture française et également pour promouvoir le désir de partager cet héritage linguistique au Canada.
Cette rencontre était également une occasion d'échanger entre collègues sur le fait francophone au pays.
Vive la francophonie au Canada!
* * *
[Traduction]
LE PARTI LIBÉRAL
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, encore une fois, les libéraux ne joignent pas le geste à la parole.
Nous nous rappelons tous que, dans le dossier de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C, les libéraux disaient se soucier de ces victimes et pouvaient compter sur un large appui des députés d'arrière-ban pour offrir une aide humanitaire aux victimes. Or, quand vint le temps de passer de la parole aux actes, tous les libéraux se sont pliés à la volonté du whip et ont voté contre l'octroi d'une indemnisation à tous les Canadiens qui souffraient de cette terrible maladie.
Plus récemment, dans le dossier de la pornographie juvénile, bon nombre de libéraux ont signé une lettre au premier ministre dans laquelle ils se disaient prêts à appuyer le recours à la disposition de dérogation. Cependant, nous avons tous vu quelle disposition de dérogation ils ont choisi d'adopter, celle qui leur fait dire: «malgré ce que les Canadiens pensent, nous ferons uniquement ce qu'on nous dira de faire».
Le 16 mars, une pétition portant les noms de 50 députés libéraux a été présentée à une conférence de presse. Les députés y exprimaient leur opposition au soutien de l'État pour la vente d'un réacteur nucléaire à la Roumanie. L'ennui, c'est que pas un seul libéral n'a eu le courage de se présenter à la conférence de presse.
Est-ce que les libéraux sont vraiment des gens qui ont des principes, ou simplement des moutons?
* * *
LE NUNAVUT
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Monsieur le Président, le week-end prochain, une conférence des femmes du Nunavut aura lieu à Rankin Inlet.
Des femmes de tout le territoire du Nunavut discuteront des programmes qui existent à leur intention, de la représentation des femmes par le gouvernement et auprès du gouvernement, ainsi que des moyens d'aider et de préparer les femmes à occuper des postes de commande. Elles formuleront des recommandations à l'intention de l'Assemblée législative du Nunavut. Je me réjouis de participer à cette importante manifestation.
Le 1er avril approche à grands pas, et je sais que les habitants du Nunavut sont très heureux de l'installation prochaine d'un nouveau gouvernement.
[Note de la rédaction: La députée s'exprime en inuktitut]
[Traduction]
J'ai hâte de travailler avec le premier ministre élu, Paul Okalik, les membres de son Cabinet et la nouvelle Assemblée législative du Nunavut pour relever les défis qui attendent les habitants du territoire.
* * *
[Français]
CATHERINE GIRARDIN
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, c'est avec fierté et enthousiasme que je félicite, aujourd'hui, Mlle Catherine Girardin, une jeune femme de 16 ans, qui fait honneur au Québec, à sa culture et à sa langue.
La semaine dernière, elle remportait le premier prix du Mérite du français en éducation, catégorie Jeunes Journalistes du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec.
Aujourd'hui, dans le cadre de la Journée internationale de la Francophonie, Catherine Girardin recevait le premier prix de l'Association canadienne d'éducation de langue française, catégorie Jeunes Journalistes.
Au nom de la Francophonie, au nom du Québec, au nom du Bloc québécois et en mon nom personnel, je félicite Catherine, encore une fois, et l'encourage à poursuivre sa recherche de l'excellence, à promouvoir cette langue française que nous chérissons, et à mettre son immense talent au service de l'avancement et de l'émancipation du Québec.
* * *
LE PARTI QUÉBÉCOIS
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le Président, le Parti québécois n'en est pas à sa première contradiction politique.
Ce matin, on apprend que le gouvernement du Québec refuse de participer au coup d'envoi de l'Année de la francophonie canadienne.
Pour justifier son refus, il fait appel à la nation du Québec comme «foyer historique». Le gouvernement péquiste dit: «Le Québec est le foyer historique de la langue française en Amérique du Nord [...].»
Pourtant, le 17 avril 1996, Lucien Bouchard sautait à la gorge du gouvernement fédéral. Pourquoi? Parce qu'il voulait dénoncer cette notion de foyer principal dont notre formation politique avait discuté quelques jours avant.
C'est une grande contradiction. «La notion de foyer principal, disait M. Bouchard, est une démonstration additionnelle de l'impossibilité de renouveler le fédéralisme en fonction des aspirations fondamentales du Québec.»
Le projet du Parti québécois, c'est de rapetisser les Québécois, et non pas de leur permettre de se développer à l'intérieur de l'ensemble canadien.
* * *
[Traduction]
LES AGRICULTEURS CANADIENS
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement fait faux bond aux agriculteurs une fois de plus.
Les libéraux ont mis plus d'un an à reconnaître l'existence de la crise des revenus agricoles. Comme ils n'ont proposé aucune politique concernant le transport du grain, les réformes ont été paralysées. Aujourd'hui, leur incapacité de négocier avec leurs employés réduit à l'inactivité le secteur des grains dans l'ouest du Canada.
Les producteurs de grain sont plongés dans l'une des pires crises financières depuis des décennies. Chaque jour de grève qui passe, c'est 6 millions de dollars de grain qui ne parvient pas sur le marché.
On dit au gouvernement depuis des années que ces travailleurs sont essentiels au secteur des grains. On lui a dit que l'arbitrage des propositions finales était la meilleure façon de régler ces différends. Il fait la sourde oreille. Les trains de transport du grain sont maintenant immobilisés une fois de plus.
Dans ce conflit de travail, les agriculteurs sont une tierce partie innocente. Ils ne peuvent pas comprendre que le gouvernement ne prenne aucune mesure pour faire reprendre l'acheminement du grain. Beaucoup se demandent si le gouvernement se soucie du problème.
Je salue la sagesse du Président, qui a autorisé la tenue d'un débat d'urgence sur la question ce soir.
* * *
LE PARTI RÉFORMISTE
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, pendant la dernière campagne électorale, les réformistes ont déclaré que les Canadiens voulaient une opposition officielle loyale envers le Canada.
À la veille du dernier référendum du Québec, le chef réformiste a téléphoné à l'ambassadeur des États-Unis pour négocier l'éclatement du Canada. L'été dernier, le chef réformiste a dit à des investisseurs asiatiques que l'économie canadienne était au bord de la crise. Ces derniers jours, le Parti réformiste a dénigré des études indépendantes montrant que le Canada est le meilleur pays où faire des affaires. Les réformistes soutiennent que ce n'est pas le cas. Selon eux, le Canada est un pays horrible.
Voici que nous apprenons que le Parti réformiste a transmis en douce des renseignements au gouvernement brésilien pour l'aider à préparer son dossier dans le différend commercial qui l'oppose au Canada. Le Parti réformiste devrait présenter des excuses à tous les Canadiens pour son comportement scandaleux et ses tentatives pour saboter notre économie. Je sais que les réformistes ont du mal, ces jours-ci, à manifester de la loyauté envers leur chef, mais il est grand temps...
Le Président: À l'ordre. Chers collègues, je ne vois pas en quoi ces questions sur la loyauté d'un parti ou d'un autre peuvent nous être très utiles. Nous sommes tous des députés canadiens. Nous avons tellement de questions à aborder que je demanderais à mes collègues de se tenir loin de ce sujet.
La députée de Beauséjour—Petitcodiac a la parole.
* * *
[Français]
LA FRANCOPHONIE CANADIENNE
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Monsieur le Président, la dualité linguistique est une valeur enracinée dans toutes les régions du pays. C'est une valeur fondamentale à l'unité canadienne. L'année 1999 est celle de la francophonie au Canada. D'un océan à l'autre, nous célébrons la contribution de millions de francophones canadiens à notre pays.
Je suis fière que les premiers Jeux de la francophonie canadienne se tiendront dans ma circonscription, à Memramcook, du 9 au 22 août. Je félicite la population de Memramcook, et j'invite tous les Canadiens à venir faire un tour au coeur de l'Acadie pour ces jeux.
Le sud-est du Nouveau-Brunswick accueillera aussi la francophonie du monde entier au Sommet international de la Francophonie qui aura lieu à Moncton en septembre.
Le NPD souhaite qu'en cette année de la francophonie, le gouvernement démontre son engagement envers les communautés francophones en commençant par respecter la Loi sur les langues officielles.
Ce matin, à RDI, le journaliste Rosaire L'Italien n'a reçu qu'une copie anglaise du dossier annonçant l'Année de la francophonie. Comment prendre ce gouvernement au sérieux?
* * *
LA LANGUE FRANÇAISE
M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, en cette semaine consacrée au français, je dis ma fierté d'avoir pour langue maternelle ce prestigieux véhicule de la liberté depuis le début de l'actuel millénaire.
La Grande Charte, première pierre de la démocratie anglaise, a été signée en 1215 sur une île de la Tamise par un roi et des barons francophones.
C'est en français, faut-il le rappeler, qu'ont été écrits, au XVIIIe siècle, les textes fondateurs de la liberté des peuples et des individus: la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, avant elle, l'oeuvre immortelle de Montesquieu, Rousseau, Voltaire, et j'en passe.
Le Québec revendique hautement le droit de défendre les intérêts de cette noble langue au sein de toutes les instances internationales.
Si ce droit n'était pas absurdement nié par ce gouvernement, les deux peuples fondateurs de ce pays collaboreraient harmonieusement dans la défense, dans le monde, de ces deux langues également prestigieuses, le français et l'anglais.
Mais bien évidemment, c'est rêver en couleur. Seule la souveraineté nous donnera pleinement le droit de défendre partout notre langue.
* * *
[Traduction]
LE PARTI RÉFORMISTE
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Monsieur le Président, le Parti réformiste a demandé récemment aux francophones du Canada de changer de camp aux plans politique et linguistique en joignant les rangs de l'Alternative unie.
Il est évident que les réformistes sont pour la plupart trop têtus pour abandonner jamais leur position anti-français.
La semaine dernière, les réformistes ont dit que le Canada n'est pas un pays bilingue. Je ne savais pas cela et je soupçonne que la plupart des Canadiens ne le savaient pas non plus.
Voici maintenant que les réformistes se plaignent, comme le rapporte aujourd'hui le Globe and Mail, que «le Canada est dirigé par des francophones. Il suffit de soupirer, de se lamenter et de pleurnicher pour obtenir de l'argent [...] et si l'on proteste le moindrement, on passe pour étroit d'esprit.» C'est ce qu'a dit le député de Yellowhead. Balivernes!
Les réformistes devraient comprendre à quel point il est avantageux de faire à la fois partie du Commonwealth et de la Francophonie. La diversité est ce qui fait la force du Canada et non quelque chose qui devrait être supprimé, comme semblent le croire la plupart des réformistes.
* * *
L'ANNÉE DE LA FRANCOPHONIE
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, c'est avec fierté que je tiens, en tant que Canadien de l'Ouest, à rendre hommage aux francophones du Canada en cette Année de la Francophonie au Canada.
Les propos insultants qu'a tenus hier le député réformiste de Yellowhead font encore plus ressortir la nécessité pour les Canadiens d'appuyer fièrement la population francophone du Canada.
[Français]
Contrairement au Parti réformiste, le Parti progressiste-conservateur du Canada a du respect pour la dualité linguistique de notre pays. Nous comprenons le besoin de d'appuyer et de célébrer notre participation dans tout organisme qui peut promouvoir la langue française.
[Traduction]
Je mets le chef et les députés du Parti réformiste du Canada au défi de prendre la parole sur cette question. Si le chef de l'opposition trouve, comme le député de Yellowhead, que le Canada est dirigé par des francophones, qu'il le dise! S'il croit que le gouvernement fédéral a été francisé, qu'il le dise!
Le Parti réformiste ne comprendra jamais l'histoire de notre magnifique pays parce qu'il refuse d'accepter la dualité linguistique du Canada. C'est pour cette raison aussi que le Parti réformiste ne formera jamais le gouvernement.
* * *
[Français]
LE RACISME
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale sera célébrée dimanche partout à travers le monde.
Malheureusement, même si depuis plusieurs décennies, le racisme institutionnel a fortement reculé un peu partout sur la planète, des poches d'obscurantisme existent encore.
Le 25 février dernier, par exemple, le B'nai Brith Canada annonçait que le nombre d'incidents antisémites avait augmenté de 14 p. 100 au Canada, en 1998, même si notre pays est l'un des plus tolérants.
Si l'on ne tient compte que des cas de harcèlement, l'augmentation serait encore plus prononcée, soit de 29 p. 100. Il est si facile de trouver des boucs émissaires, surtout parmi des groupes historiquement visés par de tels détournements intellectuels.
Les lois ont changé, mais la bataille n'est pas gagnée pour autant. Nous n'avons qu'à penser aux autochtones et autres minorités visibles.
J'en appelle maintenant aux députés de cette Chambre de réaffirmer...
Le Président: Nous passons maintenant aux questions orales. L'honorable chef de l'opposition officielle a la parole.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
L'ÉCONOMIE
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le niveau de vie baisse au Canada. Le gouvernement s'enrichit, mais les Canadiens s'appauvrissent. Selon le ministre de l'Industrie, les impôts élevés et la dette élevée privent chaque Canadien de 7 000 $ par année, soit 28 000 $...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le chef de l'opposition a la parole.
M. Preston Manning: Monsieur le Président, selon le ministre de l'Industrie, les impôts élevés et la dette élevée privent chaque Canadien de 7 000 $ par année, soit 28 000 $ pour une famille de quatre.
Comment le premier ministre peut-il nier que sa politique des impôts élevés et de la dette élevée nuit à notre niveau de vie et que l'écart de revenu entre les Canadiens et les Américains est de 7 000 $ par personne et continue de s'accroître?
[Français]
Le très hon. Jean Chrétien (Saint-Maurice, Lib.): Monsieur le Président, ici, au Canada, nous avons hérité d'une situation, il y a près de six ans, qui était tout à fait désespérée. Nous avions 42 milliards de dollars de déficit.
Nous avons mis de l'ordre dans les finances du pays, nous avons relancé l'économie et, aujourd'hui, la productivité du Canada augmente.
Le chef de l'opposition se sert de statistiques qui ont été établies avant que les libéraux prennent le pouvoir. Mais la réalité, c'est que 1,6 million d'emplois ont été créés depuis que nous sommes là. Nous avons un budget équilibré et nous avons les plus faibles taux d'intérêt que nous ayons eus depuis longtemps.
Ce sont tous des éléments qui aident énormément à la productivité du Canada.
[Traduction]
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, ce qui est si gênant pour le premier ministre, c'est que, bien que cette baisse du niveau de vie ait commencé il y a de années, elle s'est intensifiée sous son gouvernement. Notre niveau de vie était à la baisse en 1987, mais, selon l'International Institute for Management Development, il était encore à la baisse en 1997.
Comment le premier ministre peut-il nier le fait que, sous sa politique, l'écart entre le niveau de vie des Canadiens et celui des Américains a atteint 7 000 $ par personne et continue de s'accroître?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, cela m'attriste d'entendre le chef de l'opposition déformer de cette façon une question aussi sérieuse que le défi que le Canada doit relever sur le plan de la productivité.
J'aimerais bien qu'il lise le discours. J'aimerais bien qu'il en cite d'autres extraits. Par exemple, il pourrait mentionner que le déficit fédéral était de 42 milliards de dollars en 1993 et que nous avons maintenant notre premier excédent budgétaire depuis 28 ans. Notre taux d'inflation n'a jamais été aussi bas depuis plus d'une génération. En 1998, 453 000 emplois ont été créés. Le Canada a connu une hausse de la productivité en 1997. En 1994, nous étions au vingtième rang du classement établi par le Forum économique mondial pour ce qui est de la compétitivité, et nous sommes maintenant au cinquième rang.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, on dirait que quelqu'un a embêté le ministre de l'Industrie cette semaine. Je n'ai pas besoin de citer le discours du ministre de l'Industrie. Je peux citer le propre Comité permanent des finances du gouvernement.
En décembre, ce comité a reconnu que notre niveau de vie était à la baisse et a dit que cela révélait une faiblesse fondamentale dans notre système. Nous sommes d'accord avec le comité sur ce point. Sept mille dollars par année, ce n'est peut-être pas grand-chose pour le premier ministre, mais, pour les Canadiens ordinaires, cela permet d'acheter bien de la nourriture et des vêtements.
Pourquoi le premier ministre ne voit-il pas que sa politique des impôts élevés et de la dette élevée fait beaucoup de tort aux Canadiens?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, dans le monde simpliste et bizarre où vivent les réformistes, il n'y a jamais rien de compliqué. Je comprends cela. Mais, dans le cas présent, il faut que les réformistes comprennent que, pour le Canada, relever le défi de la productivité est un investissement à long terme. Cela veut dire que le gouvernement doit prendre des mesures, par exemple réduire le déficit, réduire la dette, maintenir les taux d'intérêt à un niveau peu élevé, donner confiance à nos investisseurs internationaux.
Cela nécessite aussi des investissements du secteur privé, des investissements dans la recherche et le développement, ainsi que dans la formation de la main-d'oeuvre. Ce sont là les composantes de la productivité. Voilà la clé du succès pour le Canada.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Ah, quelle joie que la complexité, monsieur le Président. Je vous cite un passage du discours que le ministre de l'Industrie a prononcé le mois dernier: «Notre revenu par habitant serait de 7 000 $ de plus par année, ce qui équivaut à 28 000 $ dans le cas d'une famille de quatre membres!»
Je lui laisse quelques secondes pour trouver ce passage de son discours, car je suis sûre qu'il voudra s'y reporter. Je crois que le ministre de l'Industrie disait la vérité dans ce discours et il sait qu'il disait la vérité. Le premier ministre le croit-il aussi?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, bien sûr que je disais la vérité dans ce discours. Je disais que la productivité est un véritable défi que les Canadiens doivent surmonter.
Dans le monde simpliste où vivent les réformistes, les solutions ne sont jamais complexes. Ils reconnaissent que la productivité fait partie de la solution, mais si nous mettons de l'avant un programme de soutien de la recherche et du développement dans le secteur privé, ils refuseront de tenir compte de l'importance de la recherche et du développement pour la productivité. Ils ont voté contre un tel programme. En fait, ils font de leur mieux pour saboter les programmes de soutien à la recherche et au développement dans le secteur privé.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, nous avons finalement vu la productivité présentée comme un défi réel. C'est incroyable.
Ce discours a été prononcé le 18 février. Il contenait des statistiques récentes. Il a été prononcé devant l'Empire Club, à Toronto. Le sujet en était la chute du niveau de vie des Canadiens. Si ce sujet méritait de faire l'objet d'un discours, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison.
Le ministre y disait que nous sommes plus pauvres que des États comme le Mississippi. Il a dit que chaque Canadien était plus pauvre de 7 000 $, soit 28 000 $ pour une famille de quatre. C'est tout de même beaucoup d'argent. Le ministre pense-t-il toujours ce qu'il a dit dans ce discours ou est-ce que le ministre des Finances et le premier ministre...
Le Président: Le ministre de l'Industrie a la parole.
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je ne renie pas mon discours, mais je nie catégoriquement qu'il dit ce que lui fait dire la députée. C'est renversant.
Il est vrai que j'ai comparé les taux de productivité et les taux de croissance de la productivité, et tout le monde sait que la productivité est garantie de notre niveau de vie futur. Encore l'an dernier, pour la cinquième année d'affilée, le Canada est arrivé au premier rang selon l'indice de développement humain des Nations Unies. C'est selon cet indice que nous mesurons la qualité de vie au Canada.
Si le Canada ne s'occupe pas de la question de la productivité, il verra chuter son niveau de vie. Jusqu'à maintenant, nous avons su contrer les facteurs qui ont nui à la croissance de notre productivité pendant des années.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, depuis trois ans, le Bloc québécois demande que des correctifs soient apportés à l'assurance-emploi.
Cette semaine encore, faisant fi de la souffrance des chômeurs, le ministre répondait à nos questions, plein de suffisance, en disant: «Vos chiffres sont erronés.»
Est-ce que le ministre, qui a le vrai portrait de sa réforme entre les mains depuis 1998, est prêt à poser un geste d'humilité, à reconnaître que le Bloc avait raison et à apporter des modifications, dans les plus brefs délais, à la Loi sur l'assurance-emploi?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, vous savez que nous avons apporté des changements très importants à la réforme de l'assurance-emploi, une réforme qui était nécessaire.
C'est une réforme qui, nous le savions, aurait un impact parfois difficile pour certains des Canadiens. Manifestement, nous avons inclus dans notre loi des rapports annuels pour bien faire le suivi de l'impact de notre réforme.
Mais je veux attirer l'attention du chef du Bloc qui prétend que ses chiffres ne s'étaient jamais trompés, sur le fait qu'il est au contraire démontré aujourd'hui qu'à bien des égards, il y avait de gros, gros trous dans les affirmations du Bloc et que le rapport d'aujourd'hui le démontre également.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, si le ministre veut sortir de son trou et démontrer où on se trompait, je l'invite à le faire.
Mais il ferme encore les yeux. Ce ministre continue à fermer les yeux sur la souffrance des gens, des familles, des pauvres, des jeunes et des femmes surtout. Il avait les chiffres depuis décembre 1998, et il répond des inepties depuis ce temps-là. Il avait les chiffres avant le dépôt du budget.
Pourquoi n'est-il pas intervenu auprès du ministre des Finances? Pourquoi l'a-t-il laissé piger dans la caisse de l'assurance-emploi? Pourquoi l'a-t-il laissé détourner des millions, plutôt que d'apporter des correctifs à une loi qui pénalise les jeunes et les femmes?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, la souffrance des chômeurs nous rejoint autant de ce côté-ci de la Chambre qu'elle le fait du côté du Bloc. L'opposition n'a pas le monopole de la compassion sur cette terre au pays du Canada.
Je peux vous assurer d'une chose: nous avons la même compassion à l'endroit des chômeurs, et c'est précisément parce que nous voulons leur donner la dignité du travail, nous voulons les aider à intégrer le marché du travail, nous voulons leur bien, et nous ne voulons pas simplement leur donner du chômage et les garder dans la facilité, comme on veut le faire de l'autre côté de la Chambre.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, voilà trois ans, jour pour jour, ici à la Chambre, que le prédécesseur du ministre du Développement des ressources humaines, Doug Young, me répondait, en parlant de l'assurance-emploi, et je cite:
Nous croyons que les femmes et les jeunes bénéficieront de ce système. Si nous voyons des résultats qui ne sont pas conformes aux objectifs de notre programme, évidemment, on sera obligés de les corriger.
Le successeur de Doug Young, l'actuel ministre du Développement des ressources humaines, va-t-il respecter la parole de son prédécesseur et corriger les énormes défauts du régime d'assurance-emploi qui affectent durement les jeunes et les femmes?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, certains prétendent que les jeunes devraient toucher davantage de prestations d'assurance-emploi. Nous pensons que les jeunes Canadiens et Canadiennes doivent avoir la possibilité de faire de bonnes études et d'occuper de bons emplois. Voilà ce que nous essayons, de ce côté-ci de la Chambre.
La plupart des jeunes Canadiens partagent ces valeurs avec nous et, en effet, 143 000 nouveaux emplois ont été créés pour des jeunes, en 1998, la meilleure performance en 20 ans. Voilà ce que les jeunes attendent d'un bon gouvernement.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, voilà trois ans que les chômeurs et chômeuses font office de cobayes pour le gouvernement.
Le ministre ne considère-t-il pas que cela a suffisamment duré, que les chômeurs ont assez souffert de privations et qu'il est urgent que le ministre retrousse ses manches et apporte les bonifications au régime d'assurance-emploi que le Bloc réclame depuis trois ans?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, le meilleur service que nous pouvons rendre aux chômeurs, c'est de mettre à leur disposition une assistance réelle pour les aider à intégrer le marché du travail. Et c'est ce que nous avons fait: 450 000 nouveaux emplois ont été créés dans l'économie canadienne, l'année dernière.
Il y a donc beaucoup moins de chômeurs aujourd'hui au Canada qu'il y en avait. Et si nous suivions les politiques vers lesquelles le Bloc veut nous ramener, ce serait simplement de retourner en arrière vers des systèmes qui ne servaient pas bien les Canadiens et les chômeurs.
[Traduction]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, le marché du travail connaît des changements spectaculaires, mais le ministre du Développement des ressources humaines ne semble pas comprendre ces changements.
Dans la nouvelle économie, de plus en plus de jeunes travaillent à temps partiel. Dans la nouvelle économie, les femmes ont moins d'heures de travail disponibles ou sont forcées de devenir travailleuses autonomes. Ce sont pourtant ces travailleurs qui sont pénalisés par les modifications que les libéraux ont apportées à l'assurance-emploi.
Pourquoi le gouvernement croit-il qu'en s'en prenant aux femmes et aux jeunes, il les aide à s'adapter à la nouvelle économie?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Tout d'abord, monsieur le Président, les travailleurs à temps partiel n'ont jamais été assurés sous le régime d'assurance-emploi. Nous devrions d'abord tenir compte de la réalité. Ils n'étaient pas assurés auparavant.
Je puis cependant affirmer que je tiens à faire en sorte que l'assurance-emploi traite les femmes de façon juste et équitable. C'est très important. Comment se fait-il que moins de femmes ont demandé des prestations d'assurance-emploi l'année dernière? Est-ce parce que 300 000 femmes de plus sont maintenant actives dans le marché du travail, ou est-ce parce que le système les en a fait sortir? Cela me préoccupe, et nous allons examiner la question.
[Français]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, le ministre devrait lire son rapport qui dit, et je cite: «La plupart des résultats de la réforme étaient prévus.» Le gouvernement savait que sa réforme frapperait davantage les femmes et les jeunes.
Puisqu'il le savait, pourquoi le gouvernement a-t-il adopté des changements discriminatoires à l'égard des femmes et des jeunes?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons pas du tout de telles mesures.
Certains voudraient que nous donnions des prestations d'assurance-emploi aux jeunes. Mais je sais que ce que les jeunes attendent de nous, c'est, au contraire, de l'assistance pour les aider à continuer leurs études, à avoir de bonnes études et à avoir de bons emplois sur le marché du travail.
Pour ce qui de la situation des femmes, je crois qu'il faut s'en préoccuper sincèrement. Maintenant, est-ce que le nombre de femmes qui ont demandé de l'assurance-emploi, l'an dernier, est davantage dû au fait que 300 000 emplois de plus sur le marché du travail existent et sont allés à des femmes au cours de la dernière année? C'est ce qu'il faut se demander.
* * *
[Traduction]
LE COMMERCE
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, hier, l'OMC a rendu une décision défavorable au Canada et a déclaré illégale sa politique d'établissement des prix des produits laitiers destinés à l'exportation. Hier, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a dit à des journalistes que cela n'aurait aucune répercussion sur nos négociations lors des prochains pourparlers commerciaux sous l'égide de l'OMC.
À Washington, récemment, on nous a dit à maintes reprises que les systèmes de gestion de l'offre et les entreprises commerciales d'État seraient le premier point que les Américains voudraient négocier.
Le ministre peut-il honnêtement dire que cette décision n'aura pas de répercussions sur notre position commerciale?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la décision d'hier n'a aucune répercussion sur le système de gestion de l'offre en vigueur au Canada. Ce n'est pas cela que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis ont contesté auprès du groupe spécial. Ils contesté en partie la gestion de certains produits laitiers canadiens destinés à l'exportation, lesquels représentent moins de 5 p. 100 de la production laitière au Canada.
Nous étudions le rapport avec tous nos partenaires et nous déciderons de notre réponse à la décision du groupe spécial la semaine prochaine.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, si le ministre ne prend pas très au sérieux la décision, il devrait peut-être prendre au sérieux les observations récentes du président de la banque centrale américaine, Alan Greenspan. Cette semaine, celui-ci a déclaré que le Canada et l'Australie étaient à blâmer pour la crise qui frappe les denrées agricoles aux États-Unis. Comme chacun le sait, lorsque M. Greenspan parle, l'Amérique écoute. Malheureusement, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et celui du Commerce international ne sont pas à l'écoute.
Que va faire le gouvernement du Canada pour répondre à Alan Greenspan et aux producteurs américains?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, nous allons répondre à M. Greenspan et aux acteurs actuels du marché agricole en nous conformant aux accords commerciaux internationaux que nous avons signés. Je suis très surpris que le député ne se porte pas à la défense du système de gestion de l'offre au lieu de semer la panique.
* * *
L'ÉCONOMIE
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, dans un discours qu'il a rapidement oublié et qu'il a prononcé il y a à peine un mois à Toronto, le ministre de l'Industrie a parlé de la productivité au Canada et a dit que si son taux de croissance avait été supérieur de 1,2 p. 100, nous ne déplorerions pas cet écart de 7 000 $ par rapport aux Américains, ce qui représente un manque à gagner de 7 000 $ par année et par personne au pays. Nie-t-il avoir tenu ces propos?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Non, monsieur le Président. Voici exactement ce que j'ai dit. Si le taux de croissance annuel de la productivité avait été supérieur de 1,2 p. 100 à celui que nous avons connu sur une période de 25 ans, le PIB par habitant serait aujourd'hui supérieur de 7 000 $. C'est simple. La productivité mène à la croissance économique qui, à son tour, est liée à la production. La production par habitant serait plus élevée si nous produisions plus. Ce n'est pas compliqué.
Il est cependant compliqué de déterminer les facteurs qui contribuent à la croissance de la productivité et la façon dont nous pourrions améliorer la situation du Canada par rapport à d'autres pays. C'est ce dont je parlais.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, tout au long de son discours le ministre a parlé d'un défi à relever en matière de croissance de la productivité au Canada. Je suppose qu'il doit se rendre compte que des impôts et une dette élevés annihilent tout accroissement de productivité des Canadiens.
Le ministre de l'Industrie a-t-il changé de position depuis que le cabinet du premier ministre rédige ses discours?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je peux vous assurer que j'aimerais bien trouver quelqu'un d'autre pour rédiger mes discours.
Il m'arrive parfois de penser que H.L. Mencken avait le Parti réformiste en tête lorsqu'il a dit plusieurs années avant qu'eux-mêmes y pensent que pour tout problème, il existe une belle solution simple qui est erronée.
* * *
[Français]
LES LANGUES OFFICIELLES
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui, la ministre du Patrimoine a lancé l'Année de la francophonie canadienne.
Alors qu'elle a passé la semaine à dire que le gouvernement fédéral défendait tellement bien les francophones hors Québec, comment peut-elle expliquer que le journaliste du réseau français de Radio-Canada à Moncton n'ait pu obtenir des pochettes de presse qu'en anglais?
M. Mauril Bélanger (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, cette erreur cléricale a été faite par une sous-traitance, ce qui a été corrigé immédiatement.
Mais ce qui déçoit, c'est que, encore une fois, alors que les députés du Bloc auraient l'occasion de célébrer, d'encourager, de fraterniser avec les francophones du pays, ils choisissent de chercher des puces et de trouver des...
Des voix: Oh, oh!
M. Mauril Bélanger: En fin de compte, de nous mépriser.
Je trouve cela tellement regrettable. On est leurs amis seulement quand cela fait leur affaire.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, les pochettes sont bilingues, mais le contenu est en anglais.
Est-ce que ce n'est pas malheureusement trop souvent l'image du bilinguisme au Canada? Sous une belle façade bilingue, pour plaire à la galerie, ça se passe en anglais.
M. Mauril Bélanger (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce matin, la députée était là. Elle ne peut pas affirmer que cela se passe en anglais. Ça s'est passé essentiellement en français.
Ce qui est regrettable dans tout cela, c'est l'attitude du Parti réformiste et du Bloc qui, lorsqu'on parle de francophonie, disent d'un côté que ce sont les Canadiens français qui mènent partout, alors que c'est à moitié vrai, les Canadiens français et les Canadiens anglais partagent la gestion du pays.
De l'autre côté, le gouvernement du Québec, par son ministre des Affaires intergouvernementales, dit que «le Québec ne peut être assimilé à la francophonie canadienne au même titre que les communautés francophones minoritaires ailleurs au Canada».
Encore une fois, ce sont nos amis quand ça fait leur affaire.
* * *
[Traduction]
LE FONDS TRANSITOIRE POUR LA CRÉATION D'EMPLOIS
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, le Fonds transitoire pour la création d'emplois commence à ressembler à un fonds de corruption du Parti libéral. Tout d'abord, un solliciteur de fonds du Parti libéral, Pierre Corbeil, s'est servi de ces subventions pour inciter des entreprises à faire des dons au Parti libéral. Nous apprenons maintenant que, tout juste avant les dernières élections, l'adjointe personnelle du premier ministre, Denise Tremblay, a assisté à une réunion à laquelle un ami du premier ministre a présenté une demande de subventions. Les bureaucrates ont bien saisi le message. Ils lui ont trouvé 164 000 $ en subventions.
Pourquoi le premier ministre a-t-il usé de son influence pour exploiter ce fonds au profit de ses amis?
Le Président: Je vous demande encore une fois de formuler vos questions de façon très judicieuse. Le ministre du Développement des ressources humaines a la parole.
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, la force du Fonds transitoire pour la création d'emplois, ce sont les consultations qui s'imposent dans les localités pour qu'elles soient informées des initiatives qui sont proposées.
Mon ministère a recommandé l'approbation de ce projet parce qu'il répondait à tous les critères habituels d'admissibilité prévus dans le Fonds transitoire pour la création d'emplois. Une partie de ces critères consiste à recueillir l'opinion de tous les députés des régions admissibles au FTCE.
Le projet respecte toujours ses obligations contractuelles et a créé les 19 emplois prévus.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, on dirait que le député paraphrase un autre leader que nous connaissons: «Je n'ai pas eu de relations personnelles avec ces bureaucrates. Mon adjointe s'en est chargée.»
Qui est le gars en faveur duquel les ministériels sont intervenus? Il s'appelle Yvon Duhaime. Il est un criminel qui a été condamné à trois reprises. Non seulement cela, mais il est le gars qui a acheté au premier ministre une propriété qui lui faisait perdre de l'argent. Il y a pire. L'adjointe personnelle du premier ministre a siégé au comité de direction où Duhaime a pu obtenir cette subvention.
Le message donné aux bureaucrates était parfaitement clair: comme il s'agit là d'un ami du premier ministre, crachons l'argent. Cela ressemble étrangement à du trafic d'influence.
Le Président: Le député de Beauharnois—Salaberry a la parole.
* * *
[Français]
LES FORUMS CULTURELS INTERNATIONAUX
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, la ministre québécoise des Relations internationales, Louise Beaudoin, a déclaré attendre qu'Ottawa lui confirme qu'elle pourra prendre la parole au nom du Québec lors de la Conférence de Mexico sur la diversité culturelle, qui se veut le prolongement de la Conférence d'Ottawa de juin dernier.
Puisque le premier ministre a déclaré, hier, qu'il était celui qui donnait le droit de parole au Québec, a-t-il l'intention de lui donner un tel droit de parole, à Mexico, contrairement à ce qu'il a fait l'an dernier à Ottawa?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, à toute conférence de cette nature, lorsqu'un représentant du gouvernement du Québec ou des représentants d'autres gouvernements provinciaux sont présents, ils peuvent participer à la discussion. Les ministres et les fonctionnaires qui représentent le gouvernement sont très heureux de leur donner le droit de parole lorsqu'ils ont quelque chose d'intéressant à dire.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, l'an dernier, Mme Beaudoin n'a pas voulu participer, parce qu'elle était invitée à suivre les débats et à ne pas prendre la parole.
Alors, comment le premier ministre et le ministre des Affaires intergouvernementales expliquent-ils qu'ils soient tous deux plus fermés au droit de parole du Québec que ne le sont même les ministres d'un gouvernement étranger, comme celui de la France?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on veut parler, et on entend les péquistes, à ce moment-ci, demander le droit de parole. Lorsqu'on les invite, par exemple, à participer, à célébrer la francophonie canadienne, ici à Ottawa, ça ne les intéresse pas. Tout ce qui les intéresse, c'est essayer de faire de la petite politique avec les droits fondamentaux de tous les Canadiens français de ce pays.
* * *
[Traduction]
LE FONDS TRANSITOIRE DE CRÉATION D'EMPLOIS
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, le 9 octobre 1997, le ministre du Développement des ressources humaines a dit à la Chambre: «Le premier ministre n'a jamais fait du lobbying ou usé de son influence auprès de moi». Comment a-t-il pu dire une chose pareille alors que le représentant spécial du premier ministre était présent quand une décision importante concernant son ami a été prise?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, si la députée parle de trafic d'influence ou de choses de ce genre, je puis lui dire qu'il ne s'est passé rien de semblable.
Dans le cadre d'un vaste processus, tous les députés, y compris les réformistes, et je puis lui en fournir la liste, sont consultés au sujet des projets dans leur circonscription. Tout ce que le Parti réformiste dit maintenant, c'est que le premier ministre représente très bien Saint-Maurice puisqu'il s'est occupé de la création d'emplois dans sa circonscription, comme tous les députés qui sont consultés. Le Fonds transitoire de création d'emplois est un excellent programme.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre. Nous allons passer à la seconde question, mais je pense que nous devrions écouter les réponses.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, s'il n'a rien à cacher dans ce dossier, en dépit de tous les indices, le ministre peut-il s'engager aujourd'hui à déposer tous les documents relatifs à cette demande de subvention sans qu'on n'y ait déversé au préalable un gallon de liquide correcteur?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, il y a une chose que je peux très clairement dire à la députée, à la Chambre et aux Canadiens.
Le bureau de circonscription du premier ministre n'est pas plus intervenu que le député de Prince George—Peace River quand il a été consulté au sujet du projet forestier, pas plus que le député réformiste d'Okanagan—Shuswap, qui a été consulté au sujet d'un projet dans sa circonscription, pas plus que le député de Nanaïmo—Alberni, qui a été consulté au sujet du port de plaisance de Port Alberni. Nous créons des emplois dans les régions...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le député de Roberval a la parole.
* * *
[Français]
LES FORUMS CULTURELS INTERNATIONAUX
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Affaires étrangères de la France a ajouté sa voix à celle de sa collègue de la Culture pour réaffirmer le droit du Québec à s'exprimer au plan international.
Le principal porte-parole de l'opposition, quant à lui, a également déclaré que la classe politique française tout entière était unanime sur ce droit du Québec.
Avec toutes ces voix qui s'ajoutent, le ministre des Affaires intergouvernementales maintient-il sa profonde analyse de la semaine dernière, à l'effet que l'appui de la France à l'endroit du Québec n'était que le fruit de l'inexpérience de la ministre de la Culture?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, le ministre français des Affaires étrangères a dit qu'il ne croyait pas que sa collègue regrettait son geste. Il n'a rien dit de plus.
Le gouvernement du Canada, qui respecte profondément la souveraineté politique et l'intégrité territoriale de la république une et indivisible qu'est la France, prend toujours pour acquis que le gouvernement français respecte la souveraineté politique du Canada.
Et ce n'est pas nous qui allons attiser le séparatisme en Guadeloupe.
* * *
LA PÉRÉQUATION
M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
Dans son budget du mois dernier, le gouvernement du Canada a annoncé qu'une somme additionnelle de 1,4 milliard de dollars serait bientôt versée au Québec.
Je demande donc au premier ministre ce qu'il est advenu de cette somme qui devait être versée au Québec dans le cadre du programme de péréquation.
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question très pertinente.
C'est aujourd'hui que le montant de 1,4 milliard a été transféré au gouvernement du Québec, ce qui va leur permettre, pour la première fois...
Des voix: Bravo!
Le très hon. Jean Chrétien: ...de mettre plus d'argent dans certains programmes. Cela leur a permis d'équilibrer leur budget pour la première fois.
Mais, c'est malheureusement la faute du fédéral.
* * *
[Traduction]
LA FISCALITÉ
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, à cause de la façon lamentable qu'a le gouvernement de traiter la grève de l'Alliance de la fonction publique du Canada, les centres fiscaux retiennent les chèques de remboursement de TPS et d'impôt sur le revenu et retardent leur envoi à des millions de Canadiens.
Autrement dit, l'argent qui appartient aux Canadiens, et non aux bureaucrates ou au syndicat, n'est pas à leur disposition pour payer leur loyer ou faire le marché.
Quand les Canadiens tardent à envoyer leur déclaration, ils doivent pourtant payer des amendes ou aller en prison. Que compte faire le gouvernement pour que les Canadiens aient leur argent immédiatement, sans attendre plus longtemps?
Mme Beth Phinney (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, comme le ministre l'a déclaré plus tôt cette semaine, nous regrettons toute interruption des services due à la grève tournante de l'AFPC.
Nous sommes très inquiets, parce que nous tenons à ce que les Canadiens reçoivent à temps les remboursements auxquels ils ont droit. Nous suivons la situation de très près, afin de nous acquitter de nos responsabilités et de nos obligations envers tous les contribuables canadiens.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, que de belles paroles, n'est-ce pas? Or, cette réponse ne satisfait pas du tout les familles qui, pour payer le loyer ou faire le marché, attendent leurs chèques qui sont retenus aux centres fiscaux du gouvernement.
Le gouvernement a raison de s'inquiéter et de suivre la situation de près, mais va-t-il faire quelque chose? Que va-t-il faire au juste? Quand va-t-il faire quelque chose pour que les Canadiens touchent l'argent qui leur appartient à eux, et non au gouvernement ou au syndicat?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, il est fort regrettable de voir l'AFPC tenir les Canadiens en otages dans ce cas-ci. Nous le déplorons autant que l'opposition. Le syndicat a le droit de faire la grève. Nous avons tout fait pour empêcher cela. Nous sommes retournés à la table des négociations. Nous avons amélioré notre offre.
Malheureusement, nous sommes d'avis qu'il est impossible de satisfaire les demandes du syndicat, parce qu'elles sont exagérées. Nous sommes en train d'examiner toutes les solutions possibles à ce problème.
* * *
LE CODE RÉGISSANT LES CONFLITS D'INTÉRÊT
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
Yvon Duhaime, l'homme qui a acheté l'hôtel de Grand'Mère au premier ministre et à ses partenaires a reçu une subvention fédérale de 164 000 $ et un prêt fédéral de 650 000 $. Un des principaux adjoints du premier ministre a assisté à la réunion où ces demandes ont été examinées.
Cela enfreint clairement l'article 7 du Code régissant la conduite des titulaires de charges publiques en ce qui concerne les conflits d'intérêts.
Le premier ministre peut-il nous expliquer pourquoi un de ses adjoints a assisté à cette rencontre, enfreignant ainsi le code?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, l'une des grandes forces du Fonds transitoire pour la création d'emplois tient au fait que les députés de la collectivité visée sont consultés. Les députés de l'opposition sont tout autant consultés que les députés du parti ministériel.
Il importe aussi de tenir des consultations dans la circonscription de Saint-Maurice lorsque nous investissons de l'argent dans la création d'emplois dans des régions durement touchées par le chômage. La grande force du programme réside dans des consultations bien menées.
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, le premier ministre est plus qu'un simple député. C'est également lui qui a vendu l'hôtel à ce monsieur.
Je voudrais savoir pourquoi l'adjoint du premier ministre a assisté à cette réunion. Est-ce en raison du piètre rendement de M. Duhaime dans le monde des affaires, de ses trois condamnations au criminel ou simplement de ses dons au Parti libéral? Pourquoi l'adjoint du premier ministre était-il présent?
Le premier ministre se doit de répondre à cette question. Il doit le faire par égard pour les Canadiens. Il y avait conflit. Répondez à la question, monsieur le premier ministre.
Le Président: Je rappelle aux députés qu'ils doivent adresser toutes leurs observations à la présidence et pas à un autre député.
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, mon ministère a recommandé que ce projet soit approuvé, parce qu'il satisfaisait à tous les critères du Fonds transitoire pour la création d'emplois.
Ce fonds finance des initiatives visant à créer des emplois dans une région où le taux de chômage est très élevé. Le projet continue de respecter ses obligations contractuelles et a permis de créer les 19 emplois prévus.
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, je vais de nouveau tenter ma chance puisque nous ne parvenons pas à obtenir de réponse à la question.
Les contribuables canadiens ont le droit de savoir pourquoi M. Yvon Duhaime, qui a un casier judiciaire, un pitoyable dossier de crédit, qui est un mauvais contribuable et dont l'entreprise est en difficulté a pu obtenir du gouvernement près de 900 000 $ en prêts et subventions.
L'hôtel de M. Duhaime à Grand'Mère accusait une dette excessive. Son propriétaire ne payait pas ses comptes et n'avait ni comptable ni système de budgétisation lorsqu'il a demandé l'aide du gouvernement fédéral. Pour une raison ou une autre, le personnel du premier ministre s'est intéressé activement à ce projet.
Ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce que tous les éléments douteux de notre société obtiennent des prêts et subventions de 900 000 $?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député a évidemment gonflé le montant au-delà de ce qui a été mentionné dans les questions précédentes, puisqu'il y inclut les prêts commerciaux accordés par la Banque de développement du Canada.
Je signale au député que non seulement il n'y avait personne de présent mais que la décision, une décision commerciale, a été prise au Bureau régional de Montréal par un vice-président de la Banque de développement du Canada.
Qui plus est, les institutions prêteuses du secteur privé ont également participé à ce prêt commercial, notamment le Fonds de solidarité. Des frais ont été imposés et des garanties données. Tout s'est fait de façon tout à fait normale.
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, Yvon Duhaime n'est pas n'importe quel électeur. Il est le gendre de Robert Cloutier, un supporteur du Parti libéral et l'entrepreneur qui a décroché, sans appel d'offres, un contrat de travaux au chalet du premier ministre.
Le montant des contrats accordés à une famille de la circonscription du premier ministre dépasse maintenant un million de dollars. L'article 11 de la Loi sur le vérificateur général autorise le vérificateur général à faire enquête, par décret, sur toute personne qui reçoit une aide financière du gouvernement fédéral.
Le premier ministre va-t-il mettre un terme à la dissimulation et soumettre cette affaire au vérificateur général pour qu'elle fasse l'objet d'une enquête indépendante?
L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le vérificateur général a toute l'autorité nécessaire pour vérifier tous les livres et transactions du gouvernement du Canada. C'est son travail et, de fait, il travaille presque à temps plein à mon ministère.
* * *
LE BOIS D'OEUVRE
M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, lorsque le Canada a conclu l'accord sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis, le gouvernement l'a fait accepter aux producteurs canadiens en leur disant qu'il leur garantirait pendant cinq ans la sécurité d'emploi et la possibilité d'exporter sans ennuis. Ils ont plutôt perdu des emplois et ont été plongés dans l'incertitude. Voici maintenant que les États-Unis menacent d'imposer de nouvelles restrictions en ajoutant à ce quota déjà immuable les produits non dégrossis.
Quelle mesure le gouvernement prendra-t-il pour mettre un terme à ce harcèlement constant contre notre industrie forestière?
L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, l'entrée en matière est erronée.
Non seulement les producteurs ont appuyé l'accord, mais les quatre provinces en cause aussi. Nous avons déjà dit que la position récente des États-Unis sur ces nouveaux droits tarifaires ne serait pas acceptée par le Canada.
Nous communiquons avec les producteurs et les autres intéressés pour suivre l'évolution de la situation et évaluer les meilleures solutions à notre disposition.
Chose certaine, nous sommes prêts à défendre l'industrie du bois d'oeuvre jusqu'au bout.
* * *
L'AGRICULTURE
M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Pour revenir à la question de la grève de l'AFPC sur la côte ouest, monsieur le Président, cette grève paralyse les expéditions de grain à partir de Vancouver, nuisant considérablement à la réputation du Canada en tant que fournisseur de grain et coûtant des millions de dollars aux agriculteurs.
Le ministre de l'Agriculture peut-il dire à la Chambre quelle incidence la grève risque d'avoir à long terme sur la réputation du Canada comme fournisseur sûr de grain de qualité?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le cours du grain est déjà assez faible sans qu'autre chose vienne réduire le revenu des agriculteurs canadiens.
La Commission canadienne du blé nous informe qu'elle a malheureusement perdu une vente de 9 millions de dollars, dans les 48 dernières heures, parce qu'on doute de la fiabilité de notre système de livraison. La semaine dernière, des acheteurs importants m'ont dit être préoccupés par cette question.
Le Syndicat du blé de la Saskatchewan encourage les parties à revenir à la table de négociation. Des premiers ministres provinciaux encouragent les gens à s'asseoir à la table de négociation et les ministres de l'Agriculture de provinces comme la Saskatchewan m'ont même téléphoné pour m'encourager à présenter si nécessaire un projet de loi pour qu'ils reviennent à la table de négociation.
* * *
[Français]
LA PRODUCTIVITÉ
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur le Président, hier, à une question que je lui posais, le ministre des Finances a répondu que le rapport de l'OCDE, qui prédit que notre niveau de vie sera de 15 p. 100 sous la moyenne des autres pays, est un ancien rapport qui date des années 1980.
Doit-on s'étonner que le ministre des Finances n'ait aucune solution concrète pour nous sortir de ce pétrin, compte tenu du fait qu'il ignore que le rapport de l'OCDE en question ne date pas des années 1980, mais de juin 1998?
Qu'a-t-il à dire maintenant?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député comprend mal.
Ce que j'ai dit, c'est que c'est un rapport basé sur un problème qui a eu ses débuts dans les années 1980, 1990.
C'est un grand plaisir pour moi de dire qu'à la suite des mesures prises par notre gouvernement, la productivité est beaucoup plus forte dans les années 1990 qu'elle ne l'était dans les années 1980.
* * *
[Traduction]
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé. Nous savons tous que la situation est déplorable dans les collectivités autochtones.
Nous avons entendu dire récemment que la première nation de Cross Lake, au Manitoba, avait déclaré un état d'urgence en matière de soins de santé. Les conditions sont devenues critiques. L'équipement est insuffisant, il n'y a pas assez d'infirmières, celles qui sont en poste sont surchargées et au bord de l'épuisement professionnel et les visites des médecins sont rares.
La bande a demandé l'aide de l'Organisation mondiale de la santé. Elle veut obtenir du ministère de la Défense nationale qu'il mette à sa disposition un hôpital de campagne doté du personnel nécessaire.
Les dirigeants autochtones devront-ils faire appel à l'armée ou le ministre de la Santé fournira-t-il immédiatement l'aide qu'on lui réclame?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, depuis le mois de janvier, j'ai rencontré les chefs du Manitoba à deux reprises pour leur parler des défis que présentent les soins de santé dans leurs communautés.
Le problème n'est pas spécifique aux communautés autochtones. On le retrouve aussi dans les régions rurales et éloignées où il est difficile de recruter et de garder des professionnels de la santé, tant médecins qu'infirmières.
Nous avons mis sur pied au Manitoba un groupe de travail chargé de se pencher sur ces questions, comme celui que nous avions institué dans le nord de l'Ontario. Ces efforts déployés conjointement avec les communautés autochtones et les fonds supplémentaires qui ont été accordés dans le dernier budget devraient nous aider à résoudre cet épineux problème.
* * *
[Français]
LA PRODUCTIVITÉ
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, le Cabinet est très divisé.
Le ministre de l'Industrie a dit que le Canada a le plus bas niveau de productivité parmi les pays du G-7. Cependant, le ministre des Finances a dit que ce n'est pas un problème.
Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de confondre les Canadiens afin de dissimuler la réalité quant au déclin du niveau de vie?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a aucune division. Que ce soit le caucus ou le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, que ce soit le ministre de l'Industrie, le premier ministre, le ministre des Finances, on sait fort bien qu'il faut avoir une croissance de notre productivité.
C'est pour cela qu'on a éliminé le déficit. C'est pour cela qu'on a baissé les impôts. C'est pour cela qu'on a investi dans la recherche et développement. C'est pour cela qu'on a réparé les pots cassés du gouvernement conservateur.
* * *
LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, les séparatistes ont décidé de bouder le lancement de l'Année de la francophonie. Un député réformiste, lui, accuse les francophones de favoritisme et d'être des pleurnichards.
Le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien peut-il nous dire comment l'Année internationale de la Francophonie aidera les différentes communautés francophones du Canada?
M. Mauril Bélanger (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, je félicite le député de Brandon—Souris qui, au début de la période des questions orales, a sévèrement critiqué les propos du député de Yellowhead pour ses remarques désobligeantes et intolérantes envers la francophonie canadienne.
Pour ce qui est de l'Année de la francophonie, ce sera une année parsemée d'événements, de rassemblements et de célébrations, commençant par les Rendez-vous de la Francophonie, le Grand Train de la Francophonie, qui parcourra le pays d'un océan à l'autre, les premiers Jeux de la francophonie pour la jeunesse canadienne, commandités par la Fédération de la jeunesse canadienne-française, et, naturellement, le Sommet de la Francophonie, qui accueillera 52 chefs d'État, cet été, à Moncton.
* * *
[Traduction]
PRÉSENCE À LA TRIBUNE
Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune du premier ministre du nouveau territoire du Nunavut, M. Paul Okalik.
Des voix: Bravo!
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, au nom des députés de ce côté-ci, je voudrais demander au leader parlementaire du gouvernement qu'il informe la Chambre de l'ordre des travaux pour le reste de la semaine et la semaine prochaine.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, pour peu que l'on puisse le déterminer avec précision, voici en quoi consisteront les travaux de la Chambre d'ici à l'ajournement de la semaine prochaine pour le congé de Pâques.
Cet après-midi, la Chambre poursuivra l'étude du projet de loi C-72, celui qui modifie la Loi de l'impôt sur le revenu. Si nous terminons le débat à ce sujet, nous poursuivrons l'étude de l'autre projet de loi de nature budgétaire, le C-71. Quoi qu'il en soit, demain, la Chambre étudiera le projet de loi C-67, qui concerne les banques étrangères.
Lundi, nous commencerons nos travaux par l'étude du projet de loi C-68, celui qui concerne le système de justice pour les jeunes. Mardi, nous étudierons à l'étape du rapport le projet de loi C-27 qui concerne les pêches. Nous espérons après cela reprendre le débat sur le projet de loi C-71 et, espérons-le, mener à bien l'étude du projet de loi concernant le budget.
La semaine prochaine, nous emploierons le temps qui nous reste à terminer l'étude à l'étape de la troisième lecture du projet de loi sur les pêches, le C-27 dont je viens de parler, et, espérons-le, l'étude à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-69, celui sur le casier judiciaire.
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
LES COMMENTAIRES D'UN MINISTRE
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement relativement à un incident qui est survenu pendant la période des questions hier. Je ne l'ai pas fait hier parce que je n'ai pas entendu la remarque en cause en raison du bruit à la Chambre. Cependant, cette remarque figure à la page 13014 du hansard. Le ministre du Commerce international a tenu, à mon sujet, les propos suivants: «Je pense que les propos du député sonnent creux quand on sait qu'il peut manquer autant de loyauté.»
Le commentaire 481 de la sixième édition du Beauchesne dit ceci:
...l'usage veut qu'un député, lorsqu'il a la parole, s'abstienne:
e) de prêter à l'un de ses collègues des intentions inavouables ou différentes de celles qu'il affirme avoir;
f) de porter une accusation personnelle contre un député;
En outre, le commentaire 486(1) se lit comme suit:
Il est impossible de formuler des règles précises quant aux accusations injurieuses lancées contre un député dans une discussion et de déclarer d'avance quelles expressions seront inadmissibles. Beaucoup dépend du ton, de la manière et de l'intention, parfois de la personne à qui les paroles s'adressent—il peut s'agir, par exemple, du titulaire d'une charge ou d'un simple député—ou de savoir si les paroles visent la conduite publique ou le mérite personnel d'un député, enfin parfois du degré de provocation...
Bien des mots inflammatoires ont été échangés entre l'opposition et ce ministre au sujet de la remise en question de la loyauté de l'opposition officielle. Je n'invoque pas le règlement pour des intentions prêtées à l'opposition en tant que telles, mais le compte rendu montre bien que le député a dit que j'ai manqué de loyauté en tant que député. Je pense que c'est une attaque assez fondamentale contre mon intégrité en tant que Canadien et député. Je demande donc au député de s'excuser de cette remarque non parlementaire et de se rétracter.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, c'est vraiment la poêle qui se moque du chaudron. Aujourd'hui, durant la période des questions, des députés ont accusé d'autres députés d'avoir commis des actes criminels comme du trafic d'influence. Pourtant, ils interviennent et parlent de l'imputation de motifs.
Certaines des accusations faites aujourd'hui sont peut-être un millier de fois plus graves et mériteraient davantage les remontrances de monsieur le Président que le fait de remettre en question la loyauté de quelqu'un à une cause en particulier. Les accusations formulées aujourd'hui par des députés contre certains de leurs collègues au sujet d'un trafic d'influence devraient être retirées, si elles ne peuvent être répétées à l'extérieur. On n'aurait jamais dû les formuler au départ.
Le Président: Hier, j'ai entendu l'expression «manque de loyauté». Si vous vous rappelez bien, je suis intervenu immédiatement.
Les mots ne sont pas non parlementaires en eux-mêmes. Tout dépend de la façon dont on les utilise. Tout dépend du ton employé. Hier, dans le cadre des échanges entourant la période des questions, j'ai jugé nécessaire de rappeler le député à l'ordre. Je ne pensais pas à ce moment-là qu'il s'agissait d'un langage non parlementaire.
Même aujourd'hui, lorsqu'un autre député est intervenu pour faire une déclaration et lorsqu'on remet en question la loyauté de n'importe quel d'entre nous, je pense que c'est mauvais pour nous tous. J'en appelle donc aux députés. C'est pourquoi j'ai demandé hier aux députés de bien vouloir s'abstenir de parler d'un manque de loyauté d'une personne à l'égard d'une idée ou de toute autre chose. Cela ne fait qu'envenimer le débat.
Je vous demande à nouveau d'être très judicieux dans le choix de vos termes. J'espère que ce sera le cas dorénavant. Je sais que les débats sont parfois animés dans cette enceinte. Je comprends la Chambre comme vous. Il arrive que des paroles comme celles-là soient échangées. Il s'agit de voir si nous pouvons mener nos délibérations dans un climat qui, souvent, devient empoisonné à cause des mots que nous utilisons.
Ainsi, dans ce cas particulier, c'était regrettable. Je suis intervenu. J'ai jugé alors et je juge maintenant qu'il ne s'agissait pas d'une expression non parlementaire et je vais en rester là. Cependant, j'espère que les députés vont vraiment réfléchir aux paroles et au ton qu'ils utilisent lorsqu'ils posent des questions et y répondent ou même dans le cadre du débat à la Chambre.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à préciser clairement que mon collègue de Fraser Valley n'a accusé aucun député de trafic d'influence. Il a déclaré qu'il semblait y avoir quelque chose qui se rapprochait du trafic d'influence.
LA PÉRIODE DES QUESTIONS
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, dans la même ligne de pensée, j'ai remarqué que, pendant la période des questions d'aujourd'hui, le député d'Ottawa—Vanier a accusé un de mes collègues réformistes d'être intolérant. Puisque le député est présent, je lui demande respectueusement de retirer ses paroles.
Le Président: Je ne sais trop quoi dire du mot «intolérant» en soi. Cependant, le député est ici. S'il le désire, il peut nous dire ce qu'il entendait par là et j'espère que cela mettra un terme à cette affaire.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député de Brandon—Souris d'avoir rappelé le député de Yellowhead à l'ordre pour avoir fait des commentaires désobligeants au sujet des francophones. Selon le Globe and Mail d'aujourd'hui, le député aurait déclaré ceci:
Vous geignez, vous vous plaignez, vous pleurnichez et vous obtenez l'argent...
Monsieur le Président, je ne retire pas mes paroles.
Le Président: Nous sommes maintenant en plein débat visant à savoir qui a dit quoi. Nous tournons en rond. Encore une fois, je vous exhorte à choisir très judicieusement vos mots et à éviter les mots comme «intolérant» et «étroit d'esprit», qui a été entendu aujourd'hui dans une citation, mais que je n'ai pas trouvé non parlementaire dans le contexte. Ces expressions ne font qu'envenimer le débat. Dieu sait pourtant que nous avons suffisamment de quoi nous occuper l'esprit sans cela.
Je vous prie donc d'éviter d'utiliser de tels mots et, en tout cas, d'adopter un ton plus mesuré.
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
Le Président: Plus tôt dans la journée, soit vers 13 h 55, j'ai décidé qu'il y aurait un débat d'urgence ce soir, à compter de 20 heures.
J'ai en main une note du whip du gouvernement et du leader du gouvernement à la Chambre.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je sais que vous avez tranché cette question et je ne conteste pas ce fait.
Toutefois, pour accommoder les députés, afin de permettre à un plus grand nombre de députés d'y participer, je me demande si l'on serait prêt à amorcer le débat immédiatement après l'heure consacrée aux initiatives parlementaires au lieu d'attendre jusqu'à 20 heures pour entreprendre le débat. De la sorte, un plus grand nombre de députés pourraient parler et se prononcer pour ou contre l'urgence en question.
Le Président: Je crois comprendre que vous voulez dire après le débat sur la motion d'ajournement.
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, c'est là un deuxième point, mais nous pourrions peut-être convenir de reporter le débat d'ajournement ou de le tenir un autre jour afin que les députés, compte tenu de l'importance de la question, puissent commencer précisément à la fin de l'heure consacrée aux initiatives parlementaires, soit vers 18 h 30. Il n'y aurait pas de débat d'ajournement aujourd'hui parce que le débat d'urgence en tiendrait lieu.
Le Président: Il s'agit en l'occurrence d'une motion d'un député. Il veut que le débat débute plus tôt, soit à 18 h 30 au lieu de 20 heures, selon le moment où prend fin l'heure consacrée aux initiatives parlementaires. Ce pourrait être plus tôt. C'est pourquoi je dis «plus tôt».
Je veux être sûr que tous les autres comprennent.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, pour la bonne compréhension de tous les collègues, j'aimerais savoir, de la part du leader du gouvernement à la Chambre, s'il a l'intention de faire en sorte qu'une motion soit déposée, pour qu'on ne puisse, dans le cadre du débat, présenter de motion dilatoire, ou quelque autre motion que ce soit, qu'on instaure, en quelque sorte, le pilote automatique pour le débat de ce soir.
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, j'ai bien compris la question de mon honorable collègue d'en face. Il demande si on va présenter une motion afin qu'il n'y ait pas de mesures dilatoires. Je m'engage à en faire préparer une et à la soumettre à la Chambre dans les minutes qui suivront.
Compte tenu qu'il s'agit d'un débat d'ajournement, il y a très peu de motions dilatoires qui sont possibles de toute façon, mais pour rassurer la Chambre, on peut en présenter une d'ici quelques minutes, nonobstant ce que je viens de dire.
Et, pour répondre à sa question, oui, on est prêts à le faire également.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, si j'ai bien compris, la période réservée aux initiatives parlementaires ne sera pas de très longue durée. Il s'agit du projet de loi S-20, je crois.
En toute justice pour les députés qui se sont préparés pour le débat sur la motion d'ajournement, et étant donné que la période réservée aux initiatives parlementaires devrait être de courte durée, nous pourrions sans doute aborder le débat d'urgence immédiatement après le débat sur la motion d'ajournement, vu que l'établissement du calendrier pour ce qui est des débats sur la motion d'ajournement est assez complexe. J'ignore qui doit participer au débat sur la motion d'ajournement ce soir, mais en toute justice pour les députés qui s'y sont préparés et étant donné que, comme je l'ai mentionné, la période des initiatives parlementaires ne devrait pas être très longue, nous pourrions passer au débat sur la motion d'ajournement immédiatement après la période réservée aux initiatives parlementaires pour ensuite entamer le débat d'urgence et ce serait toujours plus tôt que prévu au départ.
Le Président: Voyons où nous en sommes. Le leader du gouvernement à la Chambre demande la permission de proposer une motion. Cette motion se ramène à demander que l'on commence le débat d'urgence que j'ai ordonné, non pas à partir de 20 heures comme prévu mais immédiatement après le débat sur la motion d'ajournement. Voilà en quoi consiste la motion.
[Français]
En réponse à la question de notre collègue du Bloc québécois, je crois qu'il va y avoir quelque chose à ajouter pour qu'il n'y ait pas d'autres motions inscrites dans la motion.
[Traduction]
M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, pour être absolument certain d'avoir bien compris, est-il également entendu que le débat d'ajournement sera avancé et commencera à la fin de l'heure des initiatives parlementaires, et que les travaux de la Chambre ne seront pas suspendus jusqu'à l'heure habituelle de début du débat d'ajournement, de sorte que toutes les étapes se dérouleront l'une à la suite de l'autre, sans période creuse?
Le Président: C'est ce que j'ai compris.
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, il serait peut-être utile de préciser qu'une entente a maintenant été conclue. Je vais aller rédiger l'ébauche d'un ordre qui donnera tous ces détails et je reviendrai en saisir la Chambre dans quelques minutes. Mais je crois que les députés ont bien compris ce qui se passera et que tous savent comment nous allons procéder. Dans quelques minutes, je reviendrai avec le texte d'un ordre spécial donnant tous ces détails. C'est peut-être la meilleure façon de procéder.
Le Président: Dans ce cas, nous n'étudierons pas la motion maintenant, nous allons plutôt passer à l'étude de l'ordre du jour, après quoi nous reviendrons sur la motion si c'est nécessaire.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI DE 1998 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mettant en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis et modifiant la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat en deuxième lecture du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce projet de loi met en oeuvre plusieurs changements techniques apportés à la politique fiscale par le gouvernement dans le budget de l'an dernier, le budget de 1998.
Il couvre plusieurs domaines, y compris les régimes enregistrés d'épargne-études, les dispositions relatives aux REER, le crédit d'impôt personnel de base, la déduction pour frais de garde d'enfants et le crédit d'impôt pour aidants naturels.
L'opposition officielle s'opposera à ce projet de loi pour plusieurs raisons. Chaque fois que le gouvernement présente à la Chambre un projet de loi de cette nature, qui ne fait que compliquer davantage le code fiscal, nous devons nous demander pourquoi. Pourquoi la Chambre et ce gouvernement n'arrivent-ils pas à comprendre la nécessité de procéder à une réforme fiscale complète et de simplifier le code fiscal?
Le code fiscal que nous avons aujourd'hui fait plus de 1 300 pages, en plus de milliers de pages de règlements, de décisions et de bulletins d'interprétation publiés par le ministère des Finances et le ministère du Revenu national. Ce régime fiscal que nous proposons de modifier constitue un fardeau énorme et destructeur qui ne fait que nuire à la capacité de production de notre économie.
Le ministère du Revenu national compte plus de 43 000 employés à plein temps. C'est nécessaire pour interpréter, appliquer et faire respecter ce régime fiscal alambiqué, incontrôlable, coûteux et créateur de paperasserie. Des dizaines de milliers d'autres Canadiens travaillent aussi à plein temps, dans l'ombre, à interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu et à veiller au respect de ses dispositions. Autrement dit, une énorme partie de notre richesse nationale ne sert qu'à assurer le respect d'un régime fiscal qu'aucun simple particulier ne peut comprendre et qui a pris des proportions démesurées si l'on pense que nous sommes dans un pays libre et démocratique.
Le pouvoir d'imposition, c'est un pouvoir de destruction. C'est un énorme pouvoir qu'on nous confie au Parlement. C'est le pouvoir de confisquer légalement les fruits du labeur des gens, qui travaillent fort jour après jour pour parvenir à améliorer leur sort et celui de leur famille. Nous utilisons ce pouvoir énorme conféré par la Loi de l'impôt sur le revenu pour dire à ces gens qu'ils doivent donner 10, 20 ou 30 p. 100 de leur revenu familial ou individuel au gouvernement, au lieu de le consacrer à leurs priorités. Ainsi, le gouvernement peut consacrer cet argent à ses propres priorités.
Fondamentalement, je veux que ce soit bien clair que l'opposition officielle s'oppose à la croissance continue, en coût et en complexité, de ce régime fiscal destructeur.
Ce projet de loi ne fait absolument rien pour réduire la complexité et l'énorme fardeau de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il ne fait qu'empirer les choses. Je vais signaler chaque disposition qui ne fait qu'ajouter à la réglementation et au jargon législatif, et rendra le régime encore plus lourd à administrer et plus difficile à interpréter et à respecter.
Je veux parler tout particulièrement de l'augmentation de 500 $ prévue au chapitre du crédit d'impôt personnel dans le budget de 1998. La moitié de l'augmentation de 500 $ consentie au chapitre de l'exemption personnelle de base s'appliquant à certains contribuables à faible revenu a déjà été accordée l'an dernier. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui permettrait de compléter ce montant.
J'aimerais vous présenter un exemple qui démontre bien la complexité exagérée du projet de loi et du code fiscal. Le projet de loi ne prévoit pas du tout de traiter tous les Canadiens sur un pied d'égalité en accroissant l'exemption personnelle du même montant pour tous, quel que soit leur revenu. Ce montant ne sera accru qu'à partir d'un certain revenu et les calculs seront basés sur une formule très compliquée, ce qui en fin de compte complique inutilement ce qui devrait constituer la partie la plus simple du système fiscal, c'est-à-dire l'exemption personnelle de base. Si le principe de l'imposition était le moindrement rationnel, l'exemption personnelle de base devrait être claire et simple et non complexe comme on le constate dans ce projet de loi.
J'aimerais également ajouter qu'en ce qui a trait aux dispositions relatives aux REER, le projet de loi permet aux résidents canadiens de retirer une certaine somme d'argent de leur REER sans payer d'impôt pour défrayer un cours de formation à temps plein, comme ils peuvent déjà le faire pour faire un versement sur un prêt hypothécaire consenti pour une première maison.
En ce qui a trait aux REER, je suis d'avis que le projet de loi ne touche pas au coeur du problème. Le Parlement a décidé de permettre aux Canadiens de verser une partie relativement petite de leur revenu annuel dans un régime enregistré d'épargne-retraite pour compenser l'absence de régime de pension agréé le cas échéant. C'est une politique intelligente. Nous reconnaissons que des millions de Canadiens ne peuvent se fier au gouvernement ou aux employeurs du secteur privé pour prévoir leur retraite.
L'ennui, c'est que cette possibilité d'adhérer à des REER est assortie de règlements, de restrictions et de limites déraisonnables sur les montants que les Canadiens peuvent épargner, en prévision de l'avenir, dans des programmes à l'abri de l'impôt comme les REER. Comment le fait-on?
D'abord, on limite à 18 p. 100 ou à 13 500 $, soit le moindre des deux, le montant de revenu imposable des contribuables canadiens qui peut être reporté grâce aux REER. Ainsi, un jeune travailleur autonome qui ne bénéficie ni d'un régime de retraite au sein d'une entreprise, ni d'aucune perspective réelle de recevoir des prestations de retraite du Régime de pensions du Canada, en raison de l'instabilité actuarielle du RPC, doit compter presque exclusivement sur le REER comme source de revenu au moment de sa retraite. Pourtant, le gouvernement dit qu'il limitera très rigoureusement la partie du revenu que cette personne peut verser dans un REER. Cette mesure n'incite pas les travailleurs autonomes à prendre en main leur avenir financier au moment de la retraite.
Ce plafond de 13 500 $ ou de 18 p. 100, soit le moindre des deux, n'a pas été accru depuis plusieurs années. Cela témoigne de la politique pernicieuse du gouvernement qui prélève des impôts sans tenir compte de l'inflation.
Nous avons vu le gouvernement poursuivre la politique du gouvernement conservateur de Mulroney, à savoir la désindexation partielle du régime fiscal. Nous avons vu les contribuables être obligés de payer environ 12 milliards de dollars de plus en impôts qu'ils en auraient payés, n'eût été de la désindexation partielle et, par conséquent, du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation.
Nous voyons également que la limite de 13 500 $ imposée sur les cotisations admissibles au REER ne tient pas compte de l'inflation. Autrement dit, si le montant maximal des cotisations au REER avait suivi l'inflation, et si le montant maximal des cotisations au REER équivalait au montant maximal que les gens peuvent verser dans un régime de retraite enregistré, ils pourraient verser 15 000 $ et non 13 500 $ dans leur REER.
Le montant que les gens pourraient économiser et sur lequel ils pourraient reporter l'impôt au moyen du REER aurait dû être accru pour chacune des trois ou quatre dernières années. Cependant, avec ses politiques fiscales qui entraînent les gens dans la misère, le gouvernement a décidé, il y a plusieurs années, de bloquer les cotisations maximales admissibles. Par conséquent, des centaines de milliers de Canadiens n'ont pas pu reporter l'impôt sur leur seule et unique source de revenu de retraite, soit leurs régimes privés d'épargne-retraite. Pour cette raison, nous nous opposons au projet de loi, qui ne prévoit pas les augmentations des contributions aux REER que souhaite quiconque prend son avenir financier au sérieux.
Je peux dire que, depuis que je suis député, je n'ai pas reçu une lettre, un appel, un fax, un courrier électronique ni un commentaire dans une assemblée publique ou à une tribune téléphonique disant que les Canadiens veulent voir leurs impôts augmenter. Mais j'en ai reçu des dizaines demandant qu'on relève le maximum des contributions aux REER, ce que ce projet de loi ne fait pas.
J'ai également reçu des dizaines de messages des électeurs demandant que nous permettions aux Canadiens d'investir une partie plus importante des fonds de leur REER dans des titres et des placements à l'étranger. Aux termes de la loi, que le projet de loi ne modifie pas, les investisseurs canadiens ne peuvent placer à l'étranger que 20 p. 100 des fonds de leurs REER. Cela veut dire qu'au moins 80 p. 100 de leurs placements sont immobilisés dans des obligations et des titres canadiens. Encore une fois, nous forçons les Canadiens à être irresponsables lorsqu'il s'agit de leur avenir financier. L'un des principes fondamentaux en matière de placements est la diversification, et nous empêchons les Canadiens de diversifier leurs placements à cause de cette limite de 20 p. 100 de titres étrangers dans les REER.
Autre lacune du projet de loi C-72, il ne répond pas aux appels insistants des Canadiens, qui veulent pouvoir protéger la valeur de leur épargne-retraite et obtenir un meilleur rendement, ce qui serait à l'avantage de l'économie canadienne, en plaçant une plus grande partie de leur REER à l'étranger.
Permettez-moi de passer maintenant à un autre élément du projet de loi, celui que je trouve le plus inadmissible. Il s'agit de l'augmentation de la déduction pour frais de garde d'enfants. Le projet de loi mène à terme un changement amorcé dans une loi découlant du budget de l'an dernier, qui faisait passer cette déduction de 5 000 $ à 7 000 $ pour les enfants de moins de 7 ans. L'augmentation est de 2 000 $.
Je vais expliquer ce que la déduction pour frais de garde...
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je m'excuse tout d'abord d'interrompre le discours du député.
Il y a, je crois, consentement unanime pour que la motion que je vais proposer soit adoptée. Nous avons tenu, notamment à la Chambre, des consultations quelque peu inusitées. Une copie de la motion a été remise à tous les partis représentés à la Chambre. La motion est la suivante:
Que, pendant la séance en cours, les délibérations prévues à l'article 38 du Règlement commencent immédiatement après la fin des Affaires émanant des députés et que, une fois ces délibérations terminées, la Chambre passe immédiatement aux délibérations prévues à l'article 52 du Règlement pourvu que, pendant ces délibérations, la Présidence ne reçoive pas de demandes de vérification de quorum, de motions dilatoires ou de demandes de consentement unanime.
Le vice-président: Pourrais-je demander une précision au leader du gouvernement à la Chambre? Les délibérations dont il est fait mention renvoient-elles à toutes les délibérations dont il est question dans la motion, y compris les délibérations de la séance d'aujourd'hui, ou s'agit-il simplement des délibérations aux termes de l'article 52?
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, cela ne change pas grand-chose dans notre cas. Toutefois, si l'on veut dire, par souci de précision, qu'elles renvoient aux délibérations aux termes de l'article 52, cela nous convient.
Le vice-président: Je demande cette précision au cas où on demanderait le consentement unanime entre maintenant et le début des Initiatives parlementaires ou pendant les Initiatives parlementaires. Vous comprendrez que la présidence hésite à rester dans le vague. Le sens de la motion est donc clair.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, pour que ce soit encore plus clair, je précise que ça ne s'applique qu'aux délibérations prévues à l'article 52 du Règlement.
Le vice-président: La demande de consentement unanime, de vérification du quorum ou de motions dilatoires.
M. Charlie Penson: Oui, monsieur le Président.
Le vice-président: C'est ainsi que la présidence va l'interpréter si c'est ce dont convient la Chambre.
[Français]
M. René Laurin: Monsieur le Président, quand vous faites référence à l'article 52 du Règlement, est-ce à dire qu'il pourrait y avoir une demande de consentement unanime pour d'autres raisons que les deux raisons mentionnées?
Vous avez dit que pendant le débat d'urgence, il ne pourrait y avoir de motion dilatoire à l'effet qu'on demande le consentement unanime concernant le quorum ou concernant...
L'hon. Don Boudria: On sera sur le pilote automatique.
M. René Laurin: Alors, ce n'est pas seulement sur deux questions qu'il ne pourrait y avoir de demande de consentement unanime. Aucune demande de consentement unanime ne sera autorisée pendant le débat d'urgence. Est-ce bien ce qu'il faut comprendre?
L'hon. Don Boudria: C'est ça, un débat en vertu de l'article 52.
M. René Laurin: D'accord.
Le vice-président: Est-ce qu'il y a le consentement unanime de la Chambre pour proposer cette motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
* * *
[Traduction]
LOI DE 1998 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mettant en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis et modifiant la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, et de l'amendement.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je commençais à parler de l'augmentation de la déduction pour frais de garde d'enfants proposée dans le projet de loi.
Voici de quoi il s'agit. Il a beaucoup été question à la Chambre, au cours des deux ou trois dernières semaines, de l'injustice dont sont victimes les familles à revenu unique qui ont des enfants. Un des sujets que je voulais porter à l'attention de la Chambre était la discrimination injustifiable dont font l'objet les familles à revenu unique qui jugent préférable de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants.
La déduction pour frais de garde d'enfants permet aux familles qui ont deux revenus de déduire les frais de garde engagés auprès d'une tierce partie, à savoir une garderie, une gardienne à la maison, un camp d'été de hockey ou un camp d'été musical. Le conjoint qui a le revenu le plus faible peut déduire de son impôt sur le revenu le montant indiqué sur le reçu de frais de garde.
En définitive, les familles qui renoncent à un second revenu et dont un parent reste à temps plein à la maison pour élever les enfants et qui renoncent à des dizaines de milliers de dollars de revenus n'ont pas de chance. Ces familles supportent un coût de renoncement considérable et, ce faisant, réduisent volontairement leur niveau de vie. Elles se privent, bien souvent, d'une seconde voiture, d'une plus grande maison ou de trois semaines de vacance. Ces familles ne sont pas admissibles à la déduction fiscale pour frais de garde d'enfants, dont le projet de loi C-72 accroît le montant. Cela fait comprendre aux familles qu'on les forcera, au moyen de la fiscalité, à financer les décisions en matière de garde des enfants d'un seul genre de famille, à savoir la famille à double revenu qui paie pour faire garder ses enfants.
Cette déduction est absolument et fondamentalement injuste. Nous, de l'opposition officielle, avons essayé de le faire valoir au moyen d'une motion de l'opposition sur laquelle la Chambre s'est prononcée jeudi dernier. Parce que les députés ministériels qui étaient d'accord avec nous ont été forcés, semble-t-il, de la rejeter, la motion n'a pas été adoptée.
Nous avons au moins réussi, toutefois, a faire reconnaître au gouvernement qu'il y a un problème. Presque tous les économistes et sociologues qui ont examiné la question reconnaissent que le projet de loi exerce une discrimination contre les familles à revenu unique avec enfants et cela, en partie à cause de la déduction pour frais de garde d'enfants.
Le problème avec le projet de loi, c'est qu'il accroît l'iniquité. Il accentue l'injustice. Il hausse la déduction de 5 000 $ à 7 000 $. Alors que nous essayons de mettre les familles à revenu unique sur un pied d'égalité avec les familles à double revenu, le gouvernement aggrave l'injustice.
Les propres documents budgétaires du gouvernement le prouvent très nettement. Les documents budgétaires que le ministre des Finances a déposés le mois dernier montrent que l'injustice fiscale entre les familles à revenu unique et les familles à double revenu est de l'ordre de 60 à 115 p. 100, c'est-à-dire que les familles à revenu unique paient de 60 à 115 p. 100 de plus. Dans certains cas, elles paient deux fois plus d'impôt fédéral sur le revenu que les familles à double revenu.
C'est le cas des familles qui se situent généralement au bas de l'échelle des revenus. C'est le cas des familles ayant un seul revenu qui, selon l'Institut Vanier de la famille, sont 3,8 fois plus à risque d'être pauvres. C'est tout simplement inexcusable. Je vais m'opposer vigoureusement au projet de loi, parce qu'il prévoit l'augmentation du crédit d'impôt pour frais de garde.
Aux termes de ce projet de loi, il y aura une déduction pour les enfants de 7 à 16 ans. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'une famille ayant deux revenus, en principe une famille aisée, pourrait envoyer un jeune de 15 ou 16 ans dans un dispendieux camp de hockey ou de musique pendant l'été et demander ensuite une déduction de 4 000 $. Pendant ce temps, à l'autre bout de la ville, une famille démunie ayant un revenu unique de 30 000 $, parce que l'un des parents reste à la maison pour élever les enfants, n'a droit à aucune déduction semblable.
Notre opposition à cet aspect du projet de loi ne veut pas dire que nous préconisons l'élimination de la déduction pour frais de garde d'enfants. Nous proposons de la convertir en un crédit remboursable auquel auraient droit toutes les familles, peu importe leur décision sur la garde des enfants. Ainsi, les familles ayant un seul revenu bénéficierait pleinement d'un crédit remboursable équivalent au montant maximal de la déduction, qui est de 7 000 $. Cela correspondrait à 1 200 $. Les parents de tout enfant de moins de sept ans auraient droit à un crédit d'impôt de 1 200 $ par an. Nous franchirions un grand pas pour réduire la discrimination fiscale qui n'a fait qu'augmenter par suite du dernier budget.
En terminant, je dirai que nous sommes déçus qu'en dépit de la teneur du débat depuis deux semaines, le gouvernement se dirige précisément dans la mauvaise direction. Au lieu d'égaliser les chances, il augmente l'inéquité entre ces familles. C'est vraiment très décevant.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je trouve passablement étrange que le député de Calgary-Sud-Est trouve toute une série de problèmes par rapport au budget de 1998. Il oublie que c'était le premier budget équilibré depuis 1969-1970, que c'était la première fois depuis belle lurette qu'un gouvernement trouvait le moyen d'équilibrer le budget.
Ce budget ouvrait la voie à un allégement fiscal pour les Canadiens. Cet allégement fiscal de l'ordre de 7 milliards de dollars a été reconduit dans le budget de 1999, de sorte que les Canadiens bénéficieront au total d'un allégement fiscal de 16,5 milliards de dollars.
Le député de Calgary-Sud-Est a parlé de simplifier la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est vrai que tous les Canadiens souhaitent une simplification de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais le député a omis de préciser comment il simplifierait la Loi de l'impôt sur le revenu. Je soupçonne qu'il simplifierait la loi dans le sens de la solution prônée par le Parti réformiste de l'Alberta, à savoir l'impôt uniforme. Or, l'impôt uniforme est incompatible avec le caractère progressif de la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu.
Cela simplifie les choses, en effet. De beaucoup même, mais dans ce cas, l'impôt n'est plus progressif. À l'heure actuelle, les Canadiens à revenu élevé paient au titre de l'impôt sur le revenu davantage, en pourcentage, que leurs compatriotes à faible revenu. Cet arrangement semble tout ce qu'il y a de plus équitable: une personne qui a un revenu supérieur paie davantage d'impôt, tant en pourcentage qu'en termes absolus. Voilà en quoi consiste un régime fiscal progressif.
Simplifier le système ainsi permettrait, c'est exact, de faire pas mal de ménage dans la Loi de l'impôt sur le revenu, mais je me demande ce qu'il adviendrait de l'équité fiscale. Qu'advient-il de l'équité fiscale lorsque nous adoptons un tel système?
Un autre point du budget de 1998 que le député a oublié de mentionner parce que ça l'arrange, c'est la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances. Elle donne lieu à plusieurs initiatives qui permettent aux Canadiens de mieux avoir accès aux connaissances et aux compétences dont ils ont besoin à l'approche du nouveau millénaire.
Nous avons aussi commencé à rembourser la dette, chose que l'on n'avait pas faite depuis des années.
Le député d'en face parle en détail de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais ne reconnaît pas les aspects très positifs du budget de 1998.
Je voudrais parler d'un aspect en particulier et peut-être demander au député ce qu'il en pense. Il parle de la limite de 20 p. 100 d'investissements étrangers autorisés dans les REER. Ce qu'il veut dire, à mon avis, c'est que cette limite devrait être de 25 ou 30 p. 100. Je me demande pourquoi les Canadiens qui payent des impôts devraient subventionner ceux qui veulent investir plus à l'étranger. Si les Canadiens veulent diversifier leur portefeuille et avoir 30 p. 100 de leur portefeuille à l'étranger, très bien, mais pourquoi le système fiscal devrait-il les subventionner?
M. Jason Kenney: Je remercie le député d'Etobicoke de ses questions intéressantes.
Je commencerai par la dernière. À ce sujet, le député devrait peut-être poser la question à ses collègues libéraux du Comité des finances de la Chambre des communes qui ont voté pour qu'on recommande la hausse de la limite du contenu étranger à 30 p. 100. Ce n'est pas une idée exclusivement réformiste. Apparemment, la sagesse qu'il y a à donner plus de souplesse aux Canadiens dans la gestion de leur épargne-retraite a même touché une corde sensible chez les libéraux. La réponse à sa question, à savoir pourquoi on donnerait cette possibilité aux gens, c'est que c'est leur argent. Voilà la raison.
La question du député semble reposer sur la prémisse que cet argent appartient en réalité au gouvernement et que nous permettons quand même aux Canadiens d'en faire ce qu'ils veulent. Mais nous nous fondons sur une prémisse différente: c'est leur argent, et c'est à eux de décider en priorité de ce qu'ils en feront.
J'aimerais bien qu'on étudie davantage la proposition de mon collègue de Medicine Hat, qui vise à supprimer toute limite sur le contenu étranger, mais je vais au moins commencer par approuver la recommandation du Comité des finances de la Chambre des communes.
Pour ce qui est du budget prétendument équilibré dont le député fait tout un plat, je lui rappelle que, dans une proportion de 75 p. 100, la réduction du déficit a été rendue possible grâce à une hausse des recettes. Seulement 3 p. 100 de la réduction s'explique par de véritables compressions des dépenses de programme dans le budget d'Ottawa. Le reste s'explique par des coupes dans les transferts aux personnes et aux provinces, les compressions dans les soins de santé et la hausse des impôts. C'était la solution libérale, pas la nôtre.
Enfin, j'ai eu l'honneur d'être présent à l'assemblée législative de l'Alberta la semaine dernière, lorsque le trésorier de la province, Stockwell Day, a présenté son budget historique génial. C'était le jour un d'une révolution du bon sens qui vise à modifier le régime fiscal au Canada. Ce budget accorde une généreuse exemption de 11 500 $ par personne, soit 23 000 $ pour une famille de deux. Il ne s'agit pas d'un impôt uniforme parce qu'une famille qui gagne 23 000 $ ne paie aucun impôt. Elle ne paiera pas un sou en impôt provincial.
Les mères célibataires doivent payer de l'impôt au gouvernement fédéral même si elles vivent sous le seuil de la pauvreté parce que le montant des exemptions est trop bas et n'a pas été indexé au taux d'inflation. Cependant, en vertu de la brillante réforme fiscale proposée par le gouvernement de l'Alberta, un couple de cette province qui gagne 23 000 $ ne paiera aucun impôt. Le contribuable qui gagne 46 000 $ paiera 5,5 p. 100 en impôt provincial, mais s'il gagne 92 000 $, il paiera 11 p. 100.
Ce régime fiscal a l'avantage d'être à la fois progressif et simple. Il a l'avantage d'être bénéfique aux familles. Il met fin à la discrimination contre les familles à revenu unique—comme la pratique le gouvernement fédéral—en dissociant l'impôt provincial de l'impôt fédéral. Il a l'avantage également de ne pas pénaliser les gens qui réussissent bien et gagnent davantage de revenus.
Je remercie le député pour avoir porté cela à notre attention, parce que le régime fiscal de l'Alberta est un modèle idéal pour une réforme du régime fiscal fédéral.
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Monsieur le Président, il se trouve qu'aujourd'hui, j'ai lu la lettre d'une dame qui m'écrivait au sujet des injustices du régime canadien de l'impôt sur le revenu. Elle écrivait qu'elle voulait pouvoir décider elle-même si elle demeurerait chez elle pour s'occuper de ses enfants au cours des années critiques de leur développement. Elle disait que si elle restait à la maison pour travailler à la cuisine, c'était son choix, et que si elle était enceinte, il était certain que le Parti réformiste n'y était pour rien, mais que si elle n'avait pas de quoi se chausser, le Parti libéral y était pour beaucoup.
Je voudrais que le député parle de ce problème en général et de la proposition réformiste d'augmenter l'équivalent du conjoint qui serait accordé au titre de l'enfant à charge du chef d'une famille monoparentale.
M. Jason Kenney: Monsieur le Président, je remercie le député de cette question difficile. J'ai reçu des centaines de lettres similaires à celle à laquelle le député a fait allusion et qui a été publiée aujourd'hui dans le Sun de Vancouver. L'auteur écrit que, si elle est sans-abri, c'est à cause du Parti libéral qui a contribué à la pousser dans cette situation à cause de l'alourdissement du fardeau fiscal.
Or, le projet de loi accroît l'écart inéquitable entre les familles à un seul revenu et les familles à deux revenus. Nous pouvons voir dans les documents budgétaires de cette année, en termes très concrets, comment s'élargit cet écart. L'écart moyen entre les impôts payés par la famille à un seul revenu et la famille à deux revenus passera de 60 à 64 p. 100 sous le régime de ce budget, en grande partie à cause des dispositions du projet de loi. Il le fera en augmentant la déduction pour frais de garde d'enfants sans offrir d'allégement proportionnel aux familles à un seul revenu dont un parent reste à la maison pour s'occuper des enfants.
J'étais invité à une tribune radiophonique à une station de radio de Winnipeg la semaine dernière. Une dame a appelé et a dit qu'elle était un ingénieur qui avait renoncé à son salaire de 70 000 $ par année pour rester à plein temps à la maison et s'occuper de ses enfants. C'était une décision qu'elle et son mari avaient prise parce qu'ils estimaient cela préférable pour leur famille. Elle a dit qu'elle ne le regrettait pas.
Elle a ajouté: «Veuillez dire à la secrétaire d'État au Multiculturalisme que j'ai renoncé à mon chèque de paye en entier pour m'occuper de mes enfants, pas une portion du chèque, pas seulement les 7 000 $ ou 8 000 $ que représente la déduction pour frais de garde d'enfants. J'ai renoncé à mon chèque de paye en entier pour financer la garde de nos enfants à la maison.»
C'est une chose que nous devrions garder à l'esprit. Voilà pourquoi le Parlement devrait adopter au moins un crédit d'impôt remboursable offert à tous les parents, qui ne fasse pas de discrimination contre un modèle familial ou un autre, qui ne monte pas les familles à un seul revenu contre les familles à deux revenus, mais qui les traite toutes de façon égale sous le régime de la loi.
[Français]
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Monsieur le Président, depuis quelque temps, à la Chambre, on discute d'impôt sur le revenu, de ce qui peut être fait et de ce qui ne peut pas être fait. Mais je pense que dans un débat semblable, il faut peut-être faire une rétrospective et voir ce qu'il en est avant de corriger quoi que ce soit à l'impôt sur le revenu.
Il y a un certain nombre d'années, ici au Canada, on a eu la chance d'avoir une Commission royale sur le système de taxation au Canada. On a mis cette commission sur pied en 1962 et on lui a donné le nom de la Commission Carter. C'était un dénommé Kenneth Carter qui était président de cette commission, et il a travaillé au-delà de quatre ans et demi avant de soumettre des recommandations afin de corriger notre système de taxation pour qu'il soit plus juste et équitable.
Ce qui était intéressant, c'est quand le tout a été rendu public. C'était un document sur l'impôt littéralement révolutionnaire. Les recommandations sur notre système de taxation étaient tellement bien fondées que l'Université Harvard des États-Unis a décidé qu'il s'agissait là d'un programme qui pouvait être utilisé dans les pays industrialisés afin de démontrer comment il est possible de réformer des systèmes de taxation pour qu'ils soient plus justes et équitables.
Malheureusement, à l'époque, pour des raisons qu'on ignore, ils ont décidé de ne pas publier le rapport de la Commission. C'est assez curieux, mais pour la première fois dans l'histoire de notre pays, le rapport d'une commission royale d'enquête n'a pas été publié. Les recommandations des économistes n'ont pas été connues dans le pays. Les gens qui auraient voulu étudier les recommandations pour améliorer notre système d'imposition n'ont pas pu le faire.
Deuxièmement, après que la Commission ait fait sa tournée canadienne, il semblait y avoir un consensus pour dire que son rapport était une base importante. Avec le temps, cela a été complètement ignoré, et ce, jusqu'à aujourd'hui.
Bien que cela fasse au-delà de 30 ans que cette commission royale ait eu lieu, il y a eu—je pense que c'est en 1992 ou 1993—une prises de conscience de certaines conclusions de la Commission Carter. Bien que les recommandations faites à l'époque soient encore valables aujourd'hui, malheureusement, elles ont, une fois de plus, été ignorées.
Peu importe le gouvernement qui ait été au pouvoir à la Chambre, on n'a jamais fait face au problème de savoir si on avait besoin d'une réforme en profondeur avant de pouvoir étudier toutes les idées, que ce soit la taxe unique de 20 p. 100 ou les déductions d'impôt pour les femmes qui restent à la maison. Quand on regarde la Loi de l'impôt sur le revenu, on voit qu'il existe beaucoup de confusion. Il faut avoir une réforme en détail.
Je voudrais seulement signaler quelques éléments pour démontrer les distorsions qu'il y a eu dans notre système avec le temps. De 1984 à 1988, l'augmentation de l'impôt sur le revenu des personnes à revenu moyen a été d'environ 10 p. 100. C'était considérable. À la même époque, de 1984 à 1988, si on regarde les augmentations d'impôt sur le revenu des mieux nantis, elles ont été d'à peine 6 p. 100.
On voit tout de suite qu'il y a une distorsion dans l'impôt sur le revenu pour deux catégories de citoyens. Je ne cite que quelques items de la Loi de l'impôt sur le revenu. On sait qu'il y en a beaucoup. Il y a quatre ou cinq ans, des témoins qui ont comparu devant le Comité des finances ont démontré qu'il y avait de 75 à 80 items qui devaient être corrigés à l'impôt sur le revenu.
Un des exemples qu'ils ont donnés, c'est celui de personnes ayant un revenu supérieur à 100 000 $ par année qui bénéficiaient, d'une façon généreuse, de gains en capital. Ces personnes ont été remboursées, dans l'ensemble, d'au-delà de un milliard de dollars. Cinquante et un pour cent des personnes ayant un revenu supérieur à 100 000 $ en ont bénéficié. Par contre, parmi celles ayant un revenu de 50 000 $ ou moins, seulement 8 p. 100 ont pu bénéficier des gains en capital.
Cela montre que les mieux nantis ont de plus grands avantages. Ils ont plus de chance de payer moins d'impôt, et évidemment, de devenir de plus en plus riches.
Sans aller dans les détails, je veux juste souligner quelques items. J'en ai beaucoup ici pour démontrer que, d'abord et avant tout, et il faut le répéter, nous avons besoin d'une réforme en profondeur, comme on a eu en 1962, que ce soit par le biais d'une commission royale ou autrement, pour voir en profondeur comment corriger les lacunes de notre système. Si, chaque année, on décide de ne faire que des ajustements, on n'arrivera jamais à un système juste et équitable.
Avec le temps, il faut convaincre nos concitoyens de dire à leurs représentants ce dont nous avons besoin, un règlement global du problème, qu'il ne suffit pas de le corriger page par page, quand on sait qu'il y a au-delà de 1 400 pages dans la Loi de l'impôt.
Un autre aspect qui ne relève pas directement de la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est le fait que nous avons une politique monétaire qui a été désastreuse pour nous durant la période commençant en 1985. Pendant quelques années, les taux d'intérêt imposés par la Banque du Canada étaient de 4, parfois 5 points supérieurs à ceux des États-Unis. Cela a fait que notre dette nationale a grimpé à un rythme incroyable.
Quand on pense qu'en 1984, notre dette nationale était de 160 milliards; en neuf ans, elle est passée à 460 milliards. Chaque année, quand elle augmentait, il fallait prélever de plus en plus d'impôt pour couvrir le service de la dette.
Encore là, ce n'est pas simplement une question d'ajustement de petits articles de la Loi de l'impôt. Il faut regarder globalement tous les aspects touchant notre système d'imposition au pays. Il faut une réforme totale de la politique monétaire qui est un instrument vital pour un gouvernement. Très peu en connaissent le fonctionnement ou la raison pour laquelle une telle politique monétaire est maintenue.
En conclusion, je veux réitérer de nouveau à la Chambre que le plus grand service qu'on puisse rendre aux citoyens de notre pays, c'est d'insister auprès du gouvernement, comme je l'ai d'ailleurs fait à maintes reprises, pour demander une réforme. Il ne faut pas s'arrêter à demander des changements pour une chose ou une autre. Il faut tout simplement regarder la situation globalement et dire que nous avons besoin d'une autre commission comme celle qui a existé dans le passé.
Si on avait tenu compte de ce document révolutionnaire, à l'époque, peut-être qu'on aurait une solution pour rendre le système d'imposition le plus équitable et le plus juste possible pour tous les citoyens.
[Traduction]
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, malgré tout le respect que je porte à mon collègue, notre pays n'a pas besoin de plus d'études, mais de mesures concrètes. Le temps des études est révolu. Nous connaissons le problème comme mon collègue l'a très bien expliqué dans son bref discours. Beaucoup de solutions ont été présentées non seulement par les députés à la Chambre mais par des gens compétents dans tout le pays et dans le monde entier. Ces solutions sont tout à fait réalisables.
Si nous avions une commission royale, nous savons ce qui se produirait. Ses travaux traîneraient en longueur. Cela coûterait aux contribuables des dizaines de millions de dollars et ne ferait que forcer la Chambre à se lancer dans une autre série d'études pour étudier ce que nous avons déjà étudié. C'est ce que nous avons tendance à faire dans cette enceinte. Plutôt que d'agir, nous étudions.
Je sais que mon collègue s'intéresse vivement à cette question. Toutes les études montrent que la productivité du Canada est insuffisante. La compétitivité du Canada baisse depuis de nombreuses années. Nous devons réduire de façon assez importante nos taux d'imposition. Nous devons simplifier la réglementation qui étouffe le secteur privé. Nous devons investir dans les piliers de notre économie qui sont très utiles pour ce qui est de redonner du travail aux gens et d'améliorer le niveau de vie des Canadiens, soit la recherche et le développement, l'éducation et le reste.
Si nous sommes en mesure de faire cela, nous bâtirons une économie stable et nous aurons un réseau fort de programmes sociaux pour prendre soin des gens qui ne peuvent s'occuper d'eux-mêmes, et dont le sort nous préoccupe tous.
L'érosion de notre économie ne frappe pas simplement les riches. Elle touche surtout les pauvres et la classe moyenne. Les riches peuvent aller s'établir où ils le veulent. Les pauvres et les gens de la classe moyenne sont obligés de rester ici et de continuer à faire ce qu'ils font. Ils n'ont pas le choix. Les riches ont un choix, mais pas les pauvres.
Mon collègue pourrait-il présenter au ministre des Finances, ou défendre auprès du ministre, les suggestions faites ici: réduire de façon assez marquée les taux d'imposition; accroître l'exemption personnelle minimale; exiger immédiatement une rationalisation de la réglementation au Canada; conserver ce dont nous avons besoin et éliminer le superflu; donner aux Canadiens le pouvoir de se réaliser pleinement?
M. Mark Assad: Monsieur le Président, il est toujours plaisant d'entendre dire que nous devrions prendre une décision et passer aux actes sans tarder. Je crois que la plupart des Canadiens seraient d'avis—et nous l'avons entendu dire à maintes reprises à la Chambre—que nous avons fait suffisamment d'études.
Néanmoins, lorsqu'il est question du régime fiscal, nous ne pouvons pas prendre de décision sans savoir exactement quelles conséquences elles auront sur tous les Canadiens. C'est pour cela que je proposais qu'on institue une commission royale du genre de celle que nous avons déjà eue en 1967, la Commission Carter. Une étude effectuée il y a quatre ou cinq ans montrait que, selon d'éminents universitaires de Harvard, le rapport de la Commission Carter était un document révolutionnaire. Les pays scandinaves se sont inspirés de certaines parties de ce rapport pour procéder à des réformes. Le seul pays à n'avoir donné suite à aucune des recommandations de la Commission Carter est le nôtre.
Pour revenir à ce que le député a demandé, je crois qu'il importe de comprendre les implications de notre régime fiscal. Nous pouvons nous inspirer des travaux issus de la commission Carter, mais nous ne pouvons pas intervenir immédiatement et réduire les impôts. Comme je l'ai dit, le régime fiscal comporte des lacunes préjudiciables à la classe moyenne dans notre pays. Il n'est pas nécessaire d'être économiste pour comprendre cela. C'est cela que nous devons examiner, et c'est une tâche très exigeante.
Le député a dit qu'il y au Canada bien des personnes qui connaissent la question en profondeur. Je pourrais en nommer quelques-unes que j'ai rencontrées au fil des ans et qui ont comparu devant la commission. Souvent, ces personnes nous disent après coup que l'on n'a pas tenu compte de leurs recommandations. Je pense que les spécialistes de la question ne se retrouvent pas tous au ministère des Finances. Il y a des gens très compétents à l'extérieur de ce ministère. J'ai fait la connaissance de certains d'entre eux, comme Pierre Fortin, de Montréal. Il est l'un de nos économistes les plus en vue et il a énormément écrit. Il m'est arrivé de discuter avec lui de certaines questions, sans entrer dans les détails. Je ne prétends pas être un spécialiste, loin de là.
Il faut réformer le régime fiscal dans son ensemble. C'est cela qu'il faut comprendre. Tout le monde aimerait voir son fardeau fiscal réduit. Tout le monde aimerait que l'on adopte des modifications qui auraient pour effet de réduire nos impôts et d'accroître le revenu à notre disposition. Cela nous stimulerait. Cependant, avant de commencer à réduire les impôts, nous devons connaître les lacunes de notre régime. Ce ne sera pas une tâche facile. Il y a bien des gens qui sont très satisfaits du régime fiscal actuel dans notre pays. Ceux qui font partie du 1 p. 100 de Canadiens parmi les plus riches préféreraient qu'on ne le modifie pas.
Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je tiens à dire qu'avant toute chose, nous devons réformer notre régime fiscal.
[Français]
M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, je désire poser une question à mon honorable collègue et voisin.
En 1962, on a formé la Commission Carter. Si je me souviens bien de mon histoire, à ce moment-là, c'était M. Diefenbaker qui était le premier ministre du Canada. Alors, la Commission a été mise sur pied par les conservateurs.
Mon collègue disait que cette commission avait complété son rapport quatre ans plus tard, au moment où les libéraux étaient au pouvoir. J'aimerais bien avoir la confirmation de ce que j'avance actuellement.
M. Mark Assad: Monsieur le Président, oui, effectivement, le rapport de la Commission a été rendu public en 1967, quatre ans et demi plus tard. C'est vrai qu'il y avait eu un changement de gouvernement dans le temps.
Quand la Commission Carter a rendu ses recommandations publiques, il y a eu une tournée dans le Canada. Cette histoire est assez intéressante. Il y avait beaucoup de gens au pays qui avaient des intérêts à protéger, que ce soit ceux de l'industrie minière ou d'autres, et différents secteurs de l'économie avaient leur mot à dire.
Quand on lit les comptes rendus de cette tournée canadienne, c'était comme un cirque. Tous les gens venaient pour se plaindre, pour dire ce qui était avantageux pour eux. Ils ne regardaient pas l'ensemble, de quelle façon cela pouvait affecter tous les Canadiens. Que ce soit l'industrie pétrolière, les mines et d'autres, tout le monde tirait la couverture de son bord. Il y a eu énormément de pressions à l'époque, de ne pas faire ceci, ou de ne pas faire cela.
Dans un régime démocratique, il est normal qu'il y ait des pressions sur le gouvernement pour une chose ou une autre. Il y a eu des pressions, de tous bords, de tous côtés. L'industrie de la construction a même menacé d'arrêter les travaux dans leur secteur. Ils avaient peur que le gouvernement impose certains éléments de la Commission Carter.
À la suite de toutes ces pressions, le gouvernement a plus ou moins décidé de dire qu'il allait prendre son temps, laisser les choses se calmer et graduellement, arriver avec les recommandations de la Commission Carter.
Cela a pris un bon nombre d'années, mais la première tentative a été faite par Allan MacEachen. En 1980, il a présenté un certain nombre de recommandations. On a eu un débat incroyable ici dans le temps. Quand j'en ai parlé à l'honorable Allan MacEachen par la suite, je lui ai dit que les recommandations mises de l'avant auraient été avantageuses, et il était d'accord. Mais il y a eu tellement de pressions de l'extérieur, des menaces de fermeture de secteurs complets de l'économie, et comme d'habitude, il s'est retiré de cela. C'est malheureux, mais c'était ainsi.
[Traduction]
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-72, qui porte sur des modifications de la loi de l'impôt.
Encore une fois, nous avons manqué le bateau. Encore une fois, le gouvernement n'a pas abordé de manière approfondie et fondamentale un dossier qui touche tous les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.
Depuis deux semaines, le premier ministre dit que tout va bien au Canada, que notre productivité est bonne. Il dit cela en se fondant sur une seule étude, celle de KPMG, qui a été payée par le gouvernement. Or, les conclusions de cette étude vont à l'encontre de toutes les autres qui ont été faites tant au Canada qu'à l'étranger.
L'économie, la productivité et la compétitivité du Canada comptent parmi les plus faibles des pays du monde industrialisé. Au sein du G8, nous arrivons en queue de peloton. Il n'y a pas de quoi être fier parce que c'est bien en deçà de ce à quoi nous pouvons aspirer en tant que nation.
Le gouvernement dit aux Canadiens, pour les rassurer: «Souriez, réjouissez-vous. Ne vous inquiétez pas, nous avons des programmes sociaux qui prendront soin de vous.» Ce n'est que de la bouillie pour les chats. C'est totalement inacceptable. Tout ce qu'il faut faire, c'est aller voir les Canadiens et leur demander ce qui les préoccupe. Êtes-vous contents du rendement de l'économie? Êtes-vous contents des perspectives d'emploi? Êtes-vous contents des possibilités qui s'offrent à vos enfants? La plupart d'entre eux ne le sont pas. Ce n'est pas une invention de leur imagination. Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain, ni dans les dernières semaines. Cette situation dure depuis des années, et elle ne semble pas s'améliorer. Au contraire, elle empire.
Il ne manque pourtant pas de solutions. Mon vis-à-vis en a mentionné quelques-unes. Il a parlé des problèmes qui existent. Des députés du Parti réformiste et d'autres partis ont proposé des solutions. Nous avons beaucoup de choses en commun et nous nous entendons sur bien des points. Ce que nous n'avons pas, c'est quelqu'un qui prendrait le taureau par les cornes et qui dirait: «Voici les meilleures solutions que nous ayons pu trouver, voici les raisons pour lesquelles nous allons les mettre en pratique, et nous allons effectivement le faire.»
Le Canada a vu bien des études se faire, mais il n'a pas vu beaucoup de mesures concrètes. Les Canadiens en ont assez de la maladie des études dont nous souffrons à la Chambre des communes, une maladie qui cause un blocage intellectuel et qui empêche cette institution de fonctionner. En fait, ce n'est pas efficace. C'est une mauvaise utilisation de l'argent des contribuables et cela ne rend pas service aux habitants de ce pays qui nous ont élus pour faire un travail, c'est-à-dire les aider à s'aider eux-mêmes et aider ceux qui ne peuvent pas s'aider eux-mêmes. Nous avons échoué.
Regardons certains faits. Devrions-nous être satisfaits de notre taux de chômage? Non. Il est beaucoup plus élevé que chez nos voisins du sud. Il est également beaucoup plus élevé que dans bien des pays du G8.
Notre productivité est à la baisse. Elle est la plus basse parmi les pays du G8.
Notre compétitivité est à la baisse aussi. Pourquoi? Nous nous répétons sans cesse, mais la principale cause de cette baisse de productivité est les impôts. Prenant en considération la préoccupation exprimée par des députés de tous les partis à la Chambre, nous ne voulons pas réduire les impôts d'une manière qui risque de nuire à qui que ce soit, particulièrement aux Canadiens pauvres et à ceux de la classe moyenne. Nous voulons nous assurer que les habitants de ce pays, quel que soit leur revenu, sont en mesure de réaliser tout leur potentiel et de subvenir à leurs besoins.
Une des différences fondamentales entre nous et le gouvernement libéral et sa pensée libérale traditionnelle tient peut-être au fait que nous croyons que la majorité des Canadiens peuvent voir à leurs besoins mieux que les gouvernements ne sont en mesure de le faire. Nous voulons donner à la population le pouvoir d'agir en ce sens.
D'autre part, il faut aussi veiller à ce que les Canadiens qui sont incapables de prendre soin d'eux-mêmes puissent compter sur un réseau social qui subviendra à leurs besoins.
Heureusement, nous ne ressemblons pas aux États-Unis. Depuis longtemps, nous comptons sur de bon programmes sociaux qui sont là pour subvenir aux besoins de ceux qui ne peuvent prendre soin d'eux-mêmes. Cependant, nous ne parlons ni de la menace actuelle qui pèse sur ces programmes ni des menaces futures. Les programmes de retraite, de soins de santé, d'éducation ou de bien-être sont tous en danger. Ils sont menacés parce que notre économie n'est pas saine. Il ne peut y avoir de programmes sociaux vigoureux sans une saine économie.
Si le gouvernement maintient des niveaux élevés d'imposition, s'il ne consent pas à rationaliser les règles et règlements qui étouffent le secteur privé à l'heure actuelle, s'il ne conserve pas les règles nécessaires et s'il n'élimine pas les autres, il met en péril l'essence même de notre économie et sa capacité de rendement, ainsi que l'aptitude des Canadiens à prendre soin d'eux-mêmes et à payer les impôts grâce auxquels le gouvernement peut fournir des programmes sociaux qui permettent de subvenir aux besoins de ceux qui ne peuvent prendre soin d'eux-mêmes.
Tout est interrelié. En ne faisant pas ce que nous lui disons de faire et ce que d'autres lui disent de faire depuis de nombreuses années, le gouvernement abdique ses responsabilités. Il manque à son devoir et laisse tomber principalement les gens qui sont les moins bien nantis de notre société. C'est une abdication de ses responsabilités à l'égard de la classe moyenne assiégée qui éprouve de plus en plus de difficultés à satisfaire à ses besoins fondamentaux.
Les ministériels aiment parler de recherche et de développement. Ils entendent investir dans ce domaine et nous nous en réjouissons. Quel est le facteur le plus important en matière de recherche et de développement au Canada? La meilleure chose que le gouvernement puisse faire à cet égard—et de récents études le prouvent—, c'est de donner de l'argent aux sociétés pour qu'elles puissent se consacrer à la recherche et au développement. Elles ne demandent pas au gouvernement qu'il leur fasse l'aumône. Tout ce qu'elles veulent, ce sont les moyens d'y parvenir. Pour ce faire, il n'y a qu'à réduire les impôts. Elles pourront alors investir et même réinvestir, et par là, devenir plus concurrentielles.
Un des phénomènes les plus affligeants à l'heure actuelle, c'est l'exode des cerveaux. C'est une situation fort complexe, où interviennent de nombreux facteurs. Bon nombre de Canadiens qui partent vers le sud n'y vont pas nécessairement pour faire un peu plus d'argent. C'est surtout parce qu'ils pourront travailler dans des sociétés, dans des universités, dans des institutions où il leur sera possible de mettre pleinement en valeur leurs compétences. Les États-Unis offrent cette possibilité. Le Canada aurait intérêt à examiner objectivement cet état de fait.
Regardons les taux d'imposition et l'argent qui reste aux gens après les impôts et comparons cette situation à celle des États-Unis. Un couple qui travaille aux États-Unis gagne net d'impôts 44 p. 100 de plus que le même couple au Canada. Comment justifier cela? Comment pouvons-nous être compétitifs dans ces conditions?
Le propre spécialiste des sondages du premier ministre, M. Marzolini, a dit très clairement le mois dernier que ce sont les taux élevés d'imposition pratiqués dans ce pays qui empêchent l'économie canadienne de tourner correctement.
Il est indigne de la part de ce gouvernement de négliger la situation. On ne peut le tolérer.
Pour ce qui est de l'éducation, les gouvernements ne la financeront pas si l'économie est faible. Dans ma circonscription il y a des écoles secondaires où les feuilles d'examen fournies aux élèves ressemble à du papier hygiénique. Les écoles ont dû se tourner vers du papier moins cher qui fait pitié. Quand les élèves veulent effacer quelque chose, le papier se déchire, tout cela parce que les écoles n'ont pas assez d'argent pour acheter du papier de qualité décente.
En Colombie-Britannique, les élèves se partagent les manuels scolaires. Ils n'ont même pas leurs propres livres parce que les écoles n'ont pas l'argent nécessaire pour préparer les élèves de sorte à ce qu'ils puissent trouver un emploi plus tard.
Le gouvernement trouve peut-être rassurant de dire qu'il existe actuellement des programmes d'aide sociale et d'assurance-chômage pour venir en aide aux chômeurs et aux personnes dans le besoin. Mais cela n'a rien de rassurant pour les Canadiens qui veulent du travail. La plupart des Canadiens ne veulent pas être des assistés sociaux ou des chômeurs, ce qu'ils veulent, c'est travailler.
Les taux de chômage qui sont publiés ne tiennent pas compte du sous-emploi au Canada. Des légions d'étudiants universitaires constatent, après avoir reçu une bonne formation, que leur champ de spécialisation leur offre peu ou pas de possibilités d'emplois. Quel message envoyons-nous donc aux jeunes? Qu'ils travailleront fort pour s'instruire et se retrouveront à vendre des hot dogs et des hamburgers chez McDonald's? C'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Quelle perte pour notre économie et pour notre pays! Nous ne pouvons tolérer cela.
Mon collègue a parlé des pensions et des solutions constructives proposées par le Parti réformiste pour sauver les pensions. Si la situation actuelle se perpétue, le RPC n'existera plus pour ceux de ma génération et de la génération suivante, parce qu'il en coûtera trop cher pour financer le régime.
D'ici 20 ans, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus aura passé de 12 p. 100 à 25 p. 100. Le nombre de travailleurs qui soutiendront l'assiette fiscale nécessaire au financement du RPC et autres programmes sociaux ne suffira pas. Que devons-nous donc faire? Le gouvernement va-t-il répéter ce qu'il a fait récemment et hausser les cotisations au RPC de plus de 50 p. 100? Il a été possible de le faire jusqu'à maintenant, mais ce ne sera certainement pas le cas dans l'avenir car nous nous dirigeons vers un effondrement. Nous ne pouvons pas continuer d'augmenter les impôts et exigences à l'endroit des particuliers sans que le système ne s'écroule.
Examinons quelques solutions. Parlons des moyens à prendre pour réparer le système. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire. Nous avons parlé de la productivité. J'ai moi-même proposé de réduire les impôts. Nous pourrions augmenter l'exemption personnelle de base. Nous avons également discuté, aujourd'hui et dans le passé, d'un certain nombre de mesures novatrices qui permettraient aux établissements d'enseignement de disposer de l'argent nécessaire pour donner une bonne formation à nos enfants. Nous pourrions aussi créer des projets novateurs comme ce projet européen qui relie les établissements d'enseignement au secteur privé, afin de permettre aux étudiants d'acquérir très tôt une expérience professionnelle. Il existe aussi des moyens d'utiliser les crédits d'impôt à cette fin.
On pourrait aussi songer à l'impôt uniforme. Le trésorier de la province de l'Alberta vient d'instaurer un taux d'imposition uniforme. En remplaçant le système complexe actuel par un régime à taux uniforme, nous simplifierions considérablement la fiscalité. Ce serait beaucoup plus simple et plus facile à appliquer. Cela économiserait beaucoup d'argent aux gens et à l'ensemble de l'économie. Il suffit de voir ce qui se passe dans les autres pays pour s'en rendre compte.
Dans le pays nordiques et d'autres pays d'Europe, les gens étaient assujettis à des taux d'imposition extrêmement élevés dans les années 70 et 80. Par exemple, en Suède, les taux d'intérêt ont augmenté à 500 p. 100 dans le temps de le dire. Une énorme proportion du capital sortait du pays, et les taux d'intérêt ont donc dû être haussés radicalement pour contrer cet exode.
En Angleterre, les taux d'impôt ont grimpé à près de 90 p. 100. Tous les meilleurs, les plus brillants, ceux qui avaient de l'argent à investir pour créer des emplois et des entreprises ont quitté le pays. Il y eut une crise économique en Angleterre. Les gens qui en ont le plus souffert sont les pauvres et la classe moyenne, qui ne pouvaient plus se trouver d'emplois. Les emplois avaient quitté le pays.
En outre, les ressources requises pour que le gouvernement puisse assurer le maintien des programmes sociaux n'étaient plus disponibles. Les services de santé du pays se sont nettement détériorés. Énormément de gens ont souffert inutilement à cause des hauts taux d'imposition.
La réaction des pays nordiques a été intelligente, beaucoup plus intelligente que la nôtre. Ces pays ont diminué leurs taux d'imposition et simplifié leur régime fiscal.
Que s'est-il passé? L'Angleterre fait figure de lion en Europe et même dans le monde, non seulement grâce à son rendement économique mais, plus encore, grâce au bien-être et à la santé de ses citoyens.
Dans les pays nordiques, c'est sensiblement la même chose qui s'est passée. La mentalité socialiste qui prévalait dans ces pays, selon laquelle le gouvernement était là pour s'occuper des administrés, disparaît graduellement. Les citoyens commencent à pourvoir eux-mêmes à leurs besoins.
C'est la fin de la mentalité de dépendance qui caractérisait ces sociétés, une mentalité malheureusement de plus en plus répandue dans la nôtre et qui est mortelle pour toute économie et encore pire pour la santé et le bien-être des citoyens.
En ce qui concerne l'exemption personnelle de base aux fins de l'impôt sur le revenu, rien n'empêcherait le gouvernement de la modifier demain matin, comme le disait le député d'en face. Le gouvernement pourrait le faire dans un projet de loi, ou par décret du conseil, comme il le fait à l'égard de 80 p. 100 des décisions importantes qu'il prend. Il suffit que le Cabinet décide de faire quelque chose pour que cela se fasse. Le gouvernement ne consulte même pas la Chambre.
La Chambre n'est saisie que de 20 p. 100 des décisions que le gouvernement doit prendre, et malheureusement, ces décisions sont pour la plupart aussi essentielles au fonctionnement de notre économie qu'un bon bol de Pablum. Cette attitude prive le gouvernement de l'énorme quantité de connaissances dont les députés pourraient collectivement enrichir le débat.
Beaucoup de députés, tous partis confondus, pourraient contribuer aux débats importants une somme extraordinaire d'expérience, de connaissances et d'énergie, si seulement le premier ministre et ses copains du Cabinet leur en donnaient l'occasion. C'est parfois dans le cadre d'un autre débat très intéressant qu'on entend le mieux parler de la démocratie ou de son absence dans notre pays.
En ce qui a trait à la déduction pour frais de garde d'enfants, pourquoi ne traitons-nous pas les familles de la même façon, celles dont l'un des parents décide de rester à la maison pour s'occuper des enfants et celles où les deux parents travaillent à l'extérieur? Pourquoi le système fiscal n'est-il pas équitable? Il n'y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas.
Je voudrais envoyer le message suivant aux députés ministériels qui ont fait des remarques désobligeantes au sujet des parents qui décident de rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants. Il n'y a pas de travail plus enrichissant au pays que de rester à la maison pour élever ses enfants.
Ce n'est pas seulement un travail enrichissant, je dirais même que c'est le travail le plus difficile à accomplir. Je ne voudrais pas du tout être à la place des parents qui restent à la maison et qui assument la très grande responsabilité d'élever des enfants dans notre société moderne. Mais c'est un travail essentiel.
Plusieurs analyses et études médicales effectuées un peu partout au monde nous le démontrent bien. La ministre du Travail peut certainement en témoigner après le dur travail qu'elle et son mari ont accompli dans le cadre du programme Bon départ à Moncton.
L'influence d'un parent sur le développement d'un enfant, surtout au cours des huit premières années de la vie, est sans égale. Les répercussions positives et négatives que le parent peut avoir sur le développement de cet enfant qui se dirige vers l'adolescence, puis vers l'âge adulte, ne se comparent à rien d'autre.
L'influence positive que des parents aimants et pleins d'affection ont sur le développement des enfants, en leur procurant un environnement sûr et les nécessités de la vie, est bien plus importante que l'argent qu'ils peuvent posséder. Elle est bien plus importante que n'importe quel bien matériel qu'ils peuvent offrir aux enfants. Les parents qui restent à la maison et qui agissent ainsi apportent non seulement à la société la contribution la plus précieuse qui soit, mais contribuent également d'une manière incomparable au développement des enfants.
Le dernier aspect concerne les pensions. Notre parti a présenté des solutions constructives pour qu'on ait des super REER, pour qu'on augmente les montants que les Canadiens sont autorisés à investir dans leurs REER. Le RPC ne sera certainement pas là pour les aider. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement ne donne pas aux Canadiens une chance de prendre leur avenir en main.
Si nous avons des super REER et que nous augmentons les montants que les Canadiens peuvent investir sur les marchés étrangers, si nous leur permettons d'investir dans leur propre santé et mieux-être et que nous leur offrons les moyens de se prendre en main, voilà le plus beau présent que nous puissions offrir aux Canadiens. Ainsi, il y aura plus d'argent à accorder aux pauvres et aux gens de la classe moyenne qui ne peuvent pas s'occuper d'eux-mêmes. Les solutions existent. Nous n'avons pas besoin d'études, nous avons besoin d'action. J'invite le gouvernement à relever ce défi aujourd'hui et à agir dès maintenant.
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je serai le plus bref possible. Je sais que le député avait plusieurs observations à faire, mais je le renvoie au plan budgétaire des réformistes pour 1999, dans lequel l'opposition a fait des propositions.
Le plan réformiste ne reflète aucune prudence en matière économique. Pour les trois prochaines années, les réformistes prévoient un excédent de 30 à 35 milliards de dollars et un taux de croissance du PIB de 5,5 p. 100, soit deux fois celui du secteur privé. Ils veulent alléger les impôts de 9 milliards de dollars par an, réduire la dette de 9 milliards de dollars et diminuer les cotisations d'AE de 7 milliards de dollars, ce qui donne un total de 25 milliards de dollars. Il est très important que les réformistes expliquent aux Canadiens et, bien sûr, aux députés comment ils vont boucler leur budget. Le Canada aurait de nouveau un déficit. Où vont-ils faire des coupes? Dans la santé? Dans la recherche? Dans l'éducation?
Si nous dressions des budgets comme celui du Parti réformiste, nous aurions...
Le Président: Le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a la parole.
M. Keith Martin: Monsieur le Président, tout s'éclaire quand on regarde la réalité en face. Les provinces qui ont réduit leurs impôts, comme l'Alberta et l'Ontario, ont des économies florissantes. Dans ma province, la Colombie-Britannique, le déficit est de 500 millions de dollars et les taux d'imposition comptent parmi les plus élevés au Canada; est-ce que l'économie est dynamique? La province est la pire place pour faire des affaires en Amérique du Nord. Ce n'est pas un succès, c'est un échec. Pour aller vers le succès, j'invite le député à tenir compte du budget des réformistes, à réduire les impôts et à permettre à notre économie d'atteindre des sommets.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suppose que vous vouliez dire Calgary-Ouest. Calgary est une ville formidable. Je serais fier d'en représenter n'importe quelle circonscription. Mon voisin de pupitre, le député de Crowfoot, avait une question. Un de ses électeurs gagne 11 600 $ par année, ce qui n'est pas beaucoup. De ces 11 600 $, ce contribuable paie 700 $ en impôts, 800 $ au titre d'autres déductions et 130 $ sur un revenu d'intérêt provenant d'un héritage qu'il recevra sous forme d'une pension.
Ce contribuable paie donc plus de 1 600 $ en impôts divers alors qu'il ne gagne que 11 600 $ par année. Je voudrais demander à mon collègue s'il pense ou non que ce genre d'imposition libérale et d'équité libérale correspond à la justice en matière d'impôt.
M. Keith Martin: Monsieur le Président, c'est voler les pauvres pour payer le gouvernement. Il ne s'agit pas d'autre chose. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut survivre avec 11 600 $. Tous les députés ont des électeurs qui sont dans le même bateau.
Moi aussi, j'ai des électeurs à la retraite qui viennent me voir avec leur déclaration de revenus et me disent: «Voyez, je touche 20 000 $ par an, et le gouvernement me fait payer des milliers de dollars d'impôt. Comment ma femme et moi pouvons-nous survivre avec si peu?»
Ce n'est pas à moi de répondre à la question. Le gouvernement doit faire un examen de conscience, car les réformistes ne toléreraient pas cela un seul instant.
[Français]
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, un peu plus tôt, mon collègue réformiste a dit, par rapport aux études: «Ce qu'il faut, c'est de l'action.» Je lui ferai remarquer que parfois, une bonne compréhension de ce qui se passe peut nous amener à agir de manière plus cohérente.
On parlait de la Commission Carter de 1962, dont on a dit que c'était une commission exemplaire, mais qu'on n'avait pas suivi ses recommandations.
Il faut peut-être voir aussi toute l'histoire de cette réflexion. De plus en plus, dans les pays, dont le Canada, il est prouvé que la progressivité du système d'impôt n'est plus. Il est vrai que moins on est riche, moins on paie d'impôts, et plus on est riche, plus on paie d'impôts. La classe moyenne, effectivement, paie énormément d'impôts.
Un économiste, M. Mimoto, dans une étude qu'il a publiée en 1994, rappelait justement, par rapport...
Le Président: Je dois malheureusement interrompre l'honorable député, car le temps est écoulé.
M. Keith Martin: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
[Traduction]
Le député a dit quelque chose d'extrêmement important. Il parle des études. Il faut faire des études quand on ne connaît pas la réponse. J'oserais dire qu'il y a sur la colline du Parlement tout un entrepôt d'études qui dorment sous la poussière. Nous consacrons des millions de dollars à des études. Comme le député l'a dit, nous ne nous servons pas de ces études. Elles vont dormir sur les tablettes.
Il y a des masses d'études qui se font à la Chambre, à l'extérieur de la Chambre et à l'étranger. Nous n'avons plus besoin d'études. Il faut des gestes concrets. Mais il ne se fait rien.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député qui m'offre l'occasion de lui poser une question et lui souhaiter bonne chance au cours de la prochaine course à la direction de son parti.
Je suis entièrement d'accord avec le député. Je crois, moi aussi, qu'il nous faut un régime fiscal plus équitable. Je voudrais toutefois poser au député une question très directe. Selon les changements que le gouvernement libéral nous propose dans son budget, un millionnaire profitera cette année d'une réduction d'impôt de 8 000 $. Par contre, aucune réduction d'impôt n'est accordée à une mère seule qui vit avec ses deux enfants dans le centre-ville de Burnaby dans ma circonscription et qui reçoit de l'aide sociale. Selon les mesures fiscales que prône le Parti réformiste, ce même millionnaire recevrait non pas 8 000 $, mais bien 70 000 $ en allégements fiscaux.
Où est l'équité dans tout cela? Où est la justice lorsque, selon les mesures fiscales proposées par le Parti réformiste, un millionnaire recevrait 70 000 $ en allégements fiscaux et qu'une mère seule qui vit à Esquimalt ou au centre-ville de Burnaby n'obtiendrait rien du tout?
M. Keith Martin: Monsieur le Président, rien de cela n'est vrai. Le plan budgétaire du Parti réformiste contribuerait à rayer du rôle d'imposition plus de 200 000 Canadiens parmi les membres les plus pauvres de notre société. Ces gens ne paieraient plus d'impôt du tout.
Nous sommes tout aussi consternés par les changements au régime fiscal qui accordent un traitement préférentiel sous forme d'allégements fiscaux aux riches et non aux pauvres. Nous voulons que les contribuables à revenu faible ou moyen en particulier profitent des réductions d'impôts dont ils ont besoin. Nous expliquons clairement dans notre plan comment nous nous y prendrons pour que 200 000 Canadiens, parmi les plus pauvres de nos concitoyens, ne paient plus d'impôt du tout.
M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'écoutais le député d'Esquimalt dire à quel point il est important pour les familles qu'un parent reste à la maison pour élever les enfants.
Avant de se lancer en politique, il était médecin de famille. En fait, il sait certes de quoi il parle. Lorsqu'il dit une chose comme celle-là, je pense que nous devrions tous l'écouter et chaque fois que nous le pouvons, encourager les parents à rester à la maison pour élever leurs enfants.
Le Président: C'est une très belle observation. Je veux remercier le député et passer ensuite au prochain intervenant.
M. Keith Martin: Monsieur le Président, ces paroles témoignent d'une grande sagesse. Il a tout à fait raison. Nous avons besoin d'un régime fiscal équitable qui permet aux parents d'avoir le choix de rester à la maison au lieu de les pénaliser lorsqu'ils le font, comme cela se passe à l'heure actuelle.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais défendre un point de vue un petit peu différent de celui des deux derniers députés. Mon collègue de Prince Albert semble avoir souscrit à ce que le député d'Esquimalt défendait avec tant de passion, à savoir qu'il est nettement préférable qu'un parent s'occupe de ses enfants à la maison, etc.
Je me demande si cela n'a pas quelque chose à voir avec la capacité des parents. Le député a parlé de l'impact positif d'un parent aimant, ce qui aide quelque peu. Il y a des sociétés dans ce monde qui croient que c'est une bonne idée de confier les enfants à des pourvoyeurs de soins appropriés pour permettre aux deux parents de travailler et de faire ce qu'ils voudraient ou ont besoin de faire.
Je donne au député l'exemple, en Israël, des Kibboutz, qui élèvent parfaitement les enfants. Je pense que ces gens ont trouvé une réponse très simple à une question complexe.
Le Président: Le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a la parole.
M. Keith Martin: Monsieur le Président, les enfants ont besoin de grandir dans un milieu où on les aime et où l'on s'occupe d'eux. La meilleure personne pour faire cela, c'est un parent compétent. Ce que le Parti réformiste essaie de faire, c'est donner le choix aux familles et ne pas les pénaliser si un des parents décide de rester à la maison. Peu importe de quel angle on aborde la question, un parent bienveillant, aimant et compétent est la meilleure personne pour s'occuper des enfants.
Le Président: Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: le député d'Acadie—Bathurst, L'assurance-emploi.
M. Andrew Telegdi (secrétaire parlementaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, si quelqu'un veut se renseigner sur les kibboutz, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a travaillé dans un kibboutz pendant un certain nombre d'années avant d'être élue à la Chambre.
Il est toutefois important de centrer le débat. Je pense pouvoir dire que le gros des députés à la Chambre ont été élus en 1993. Il importe de rappeler dans quel état nous, libéraux, avons trouvé le pays lorsque nous avons été portés au pouvoir cette année-là.
Après neuf années de régime conservateur, la dette était passée de 208 à 508 milliards de dollars, et notre déficit annuel atteignait le niveau record de 42 milliards de dollars.
En 1993, le taux de chômage au Canada était de 11,4 p. 100, et le premier ministre conservateur nous disait qu'il était inutile d'espérer un taux inférieur à 10 p. 100 avant l'an 2000. Même s'il est encore trop élevé, le taux de chômage est actuellement de 7,8 p. 100.
En 1993, les cotisations au régime d'assurance-emploi étaient censées passer à 3,30 $. Depuis, nous les avons réduites tous les ans. Elles sont maintenant de 2,55 $ par tranche de 100 $ gagnés.
Notre pays commençait à sombrer dans le doute et, parmi les États occidentaux, il était plongé dans un fouillis économique.
Le fait est que nous avons deux budgets équilibrés d'affilée pour la première fois en près d'un demi-siècle. Notre pays a retrouvé son intégrité financière grâce au soutien de tous les Canadiens. Il faut aussi reconnaître et louer à cet égard le leadership du ministre des Finances et du premier ministre.
Qui aurait cru que cela arriverait un jour? Afin de compléter cette première étape du plan de relance et d'équilibrer le budget, nous avons adopté un programme équilibré de réduction des dépenses, réduisant les paiements de transfert aux provinces et stimulant la croissance de l'économie. Les décisions et les mesures qui ont été prises n'ont été faciles pour personne, mais elles ont porté fruit. Nous pouvons recommencer à envisager l'avenir avec optimisme.
Gouverner, c'est améliorer la vie et hausser le niveau de vie des Canadiens. C'est construire aujourd'hui en vue d'un avenir meilleur. Pour faire cela et le faire bien, notre gouvernement ne peut pas agir seul. Il sollicite donc l'opinion des Canadiens.
Les soins de santé constituent la principale préoccupation des Ontariens et des Canadiens en général. Notre gouvernement fait son plus grand investissement dans les soins de santé. Conformément au présent budget, les provinces vont recevoir, au cours des cinq prochaines années, 11,5 milliards de dollars de plus en paiements de transfert au titre des soins de santé. L'Ontario, ma province, touchera 4,4 de ces 11,5 milliards de dollars, soit 38,2 p. 100. Cet investissement ramènera la composante soins de santé du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux à son niveau d'avant les compressions de 1990.
Comme nous supprimons le plafond de la péréquation pour la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario pour passer à un droit par habitant aux paiements de péréquation, l'Ontario recevra 900 millions de dollars de plus en paiements de transfert.
Les soins de santé constituent une priorité pour les Canadiens et continuent d'en être une pour notre gouvernement. Comme l'a dit plus ou moins en ces termes le ministre de la Santé, nous devons viser à avoir un système axé sur les gens dans lequel on insiste sur la transparence, le partage de l'information et la nécessité de faire que la bonne personne donne les bons soins au bon moment et au bon endroit et cela, à un coût raisonnable pour les contribuables. Cela suppose de plus en plus des idées novatrices et le recours à la technologie de pointe.
Kitchener—Waterloo, ma circonscription, est réputée pour l'innovation et la recherche. Le présent budget affiche des progrès considérables dans le domaine de la recherche, tant dans la recherche médicale que dans la recherche en général. Je viens de parler des initiatives relatives à la recherche en santé en les décrivant comme la pierre angulaire du budget. Je veux maintenant parler des autres types de recherche, un sujet qui m'est très cher, tout comme il l'est à la population de Kitchener—Waterloo.
Je suis très heureux d'avoir contribué au processus par l'intermédiaire du groupe parlementaire du Parti libéral sur l'enseignement postsecondaire. J'étais un des membres du groupe initial, avec le député de Peterborough et John English, l'ancien député de Kitchener, qui est retourné à l'enseignement à l'Université de Waterloo.
Nos universités sont très heureuses du budget. Bob Rosehart, président de l'Université Wilfrid Laurier, a déclaré ceci:
L'accent mis sur la santé dans le budget fédéral de 1999 est une bonne nouvelle pour tous les Canadiens. L'élargissement des possibilités de recherche en santé pour toutes les universités [...] et l'augmentation des fonds accordés aux conseils subventionnaires sont d'excellentes nouvelles. De toute évidence, le gouvernement fédéral a entendu l'appel des universités et l'Université Wilfrid Laurier attend avec impatience de participer à ces nouvelles initiatives.
Les commentaires des porte-parole de l'Université de Waterloo allaient dans le même sens. Je suis très heureux de pouvoir dire une fois de plus que la région de Kitchener—Waterloo est très bien servie par le budget et par le gouvernement. Ayant une longue expérience dans l'enseignement postsecondaire et le monde de la recherche, je savais que notre groupe parlementaire aiderait les universités à faire passer leur message.
Au cours des consultations qui ont précédé le dernier budget, le groupe parlementaire sur l'enseignement postsecondaire a oeuvré pour que les établissements d'enseignement postsecondaire et les centaines de milliers d'étudiants reçoivent un statut prioritaire. Grâce à ce travail, le dernier budget était rempli de bonnes nouvelles pour l'enseignement postsecondaire. Les bonnes choses se poursuivent cette année.
C'est pourquoi ce budget répond aux attentes: les gens ont eu leur mot à dire sur sa teneur par le truchement de sondages, de caucus et de comités. Les Canadiens ne ménagent pas leurs efforts pour s'améliorer et élargir leurs perspectives. Ce faisant, ils renforcent l'économie canadienne et élargissent les perspectives d'avenir du pays, permettant à ce dernier de soutenir la concurrence dans la nouvelle économie.
La R-D est capitale pour notre bien-être économique dans la nouvelle économie. Elle est encore plus importante maintenant, car nous connaissons aujourd'hui une révolution de la technologie de l'information dont les répercussions sur l'emploi seront encore plus grandes que celles de la révolution industrielle.
Des millions d'emplois à la grandeur du pays ont été perdus dans l'ancienne économie et des millions de nouveaux emplois ont été créés depuis quatre ans, ce qui témoigne de notre capacité d'adaptation à la nouvelle économie, dont une bonne partie repose sur la R-D.
Par exemple, ma région, Kitchener—Waterloo, était auparavant dominée par les entreprises manufacturières et les compagnies d'assurances. Maintenant, l'importance du secteur manufacturier a diminué, faisant place à l'éducation supérieure et à la haute technologie, ainsi qu'aux compagnies d'assurances, qui ont conservé leur place. Le présent budget prévoit une hausse du financement de la R-D, ce dont profiteront beaucoup ma circonscription, ma province et mon pays.
Cette hausse du financement comprend un autre montant de 15 millions de dollars sur trois ans pour le Conseil de recherches en sciences humaines, de 75 millions de dollars sur trois ans pour le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et de 200 millions de dollars pour la Fondation canadienne pour l'innovation. Ces nouveaux fonds s'ajoutent au financement accordé à la recherche médicale.
La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances nous aidera à atteindre nos objectifs en assurant à tous les Canadiens un meilleur accès au savoir. Le budget de 1999 table sur cette stratégie en investissant plus de 1,8 milliard de dollars cette année et au cours des trois années à venir. Ces fonds seront consacrés au savoir selon les grands axes suivants: la création du savoir, la diffusion du savoir, la commercialisation du savoir et le soutien de l'emploi.
La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances comprend les bourses d'études canadiennes du millénaire, qui représentent en moyenne 3 000 $ par année, jusqu'à concurrence de 15 000 $ sur une période de quatre ans; les subventions canadiennes pour études, qui atteignent en moyenne 2 225 $ par année et qui visent à aider les étudiants qui en ont le plus besoin; l'aide à la recherche de pointe comme je l'ai précisé auparavant; et un allégement fiscal applicable aux intérêts sur les prêts étudiants. La stratégie encourage aussi les familles à mettre de l'argent de côté pour l'éducation de leurs enfants dans le cadre de la Subvention canadienne pour l'épargne-études annoncée l'an dernier. Le gouvernement verse de l'argent dans les REEE.
La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances contribue à la diffusion du savoir dans tout le pays par l'entremise du Réseau scolaire canadien, programme ayant pour objet de brancher toutes les écoles et bibliothèques à Internet avant le début du nouveau millénaire et devant être terminé au plus tard le 31 mars 1999. Le programme d'accès communautaire reliera 10 000 collectivités rurales et urbaines dans deux ans.
Il est sûr que la communauté de Kitchener—Waterloo, que je représente, fait partie de la nouvelle économie. Au moment où le Canada s'apprête à passer à l'économie fondée sur le savoir d'aujourd'hui et de l'avenir, nous avons un budget qui aide le pays à se préparer à ce changement. Nous avons de nombreux défis à relever en tant que Canadiens. Je crois que ce budget saura nous y aider.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai eu le plaisir d'être dans la circonscription du député cette semaine et de parler à certains de ses électeurs. Ce que ces gens racontent est bien différent du tableau que le député vient de brosser.
J'ai parlé à des étudiants de Wilfrid Laurier mardi et à d'autres gens dans la circonscription du député. Je peux dire ce que ces gens pensent des politiques du gouvernement, des impôts élevés, de la dette élevée et des réductions dans le secteur des soins de santé. Le gouvernement a injecté 11,5 milliards de dollars dans les soins de santé, mais cela ne neutralise pas les réductions de 20 milliards de dollars qu'il a faites auparavant. Les gens sont mécontents de cette situation. Les habitants de la circonscription du député n'ont pas la même vision positive du gouvernement que lui. En fait, ils ont des questions difficiles à lui poser.
Nous avons entendu aujourd'hui le ministre de l'Industrie parler de la chute du niveau de vie. Pourtant, le député vantait notre niveau de vie comme s'il était à la hausse dans sa circonscription. Le ministre a démenti cela aujourd'hui.
Je veux poser une question très précise au député. Comment peut-il affirmer que le niveau de vie s'améliore dans sa circonscription alors que, selon le ministre de l'Industrie, le niveau de vie des Canadiens a baissé de 7 000 $?
M. Andrew Telegdi: Monsieur le Président, j'invite le député à venir n'importe quand dans ma circonscription voir une collectivité qui fonctionne. S'il avait vraiment parlé aux gens et écouté ce qu'ils avaient à dire, il comprendrait pourquoi l'appui pour le Parti réformiste ne cesse de diminuer d'élection en élection.
Permettez-moi de dire au député en quoi la qualité de vie s'est améliorée dans ma localité grâce à ce gouvernement. Premièrement, il y a beaucoup moins de chômeurs. Nous avons l'un des taux de chômage les plus faibles du pays. Il est inférieur à 6 p. 100. Si le député se promenait dans ma localité et cherchait à savoir où elle puise sa force, il s'apercevrait que nous sommes passés de l'économie ancienne à la nouvelle économie. Les gouvernements précédents ont eu la clairvoyance de procéder aux investissements nécessaires; nous en voyons les fruits dans l'Université de Waterloo, l'université Sir Wilfrid Laurier et le collège Conestoga.
[Français]
M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement mon collègue, et j'ai vraiment eu l'impression qu'il arrivait d'une autre planète.
Je vais citer certains chiffres: en 1995, le taux global de pauvres avait atteint 17,4 p. 100. Le nombre de Canadiens vivant dans la pauvreté est passé à plus de cinq millions de personnes. Pour les familles canadiennes, le taux de pauvreté était de 14 p. 100, soit plus d'un million. Quant aux personnes seules, le taux s'élevait à 36 p. 100. Le taux de pauvreté chez les mères célibataires de moins de 65 ans, dont les enfants avaient moins de 18 ans, était de 57 p. 100.
Mon collègue vient de dire: «Dans mon comté, c'est le paradis terrestre.» Tant mieux pour lui, mais il faudrait qu'il vienne dans le comté de Matapédia—Matane pour entendre ce que les gens auraient à lui dire.
J'aimerais lui poser une question. Qu'aurait-il à dire à mes électeurs?
[Traduction]
M. Andrew Telegdi: Oui, monsieur le Président, trop de Canadiens sont pauvres. Personne dans cette Chambre n'en tire la moindre joie.
Avant d'être élu au Parlement, je travaillais pour une organisation appelée Youth in Conflict with the Law. Un grand nombre des jeunes auprès desquels nous intervenions avaient maille à partir avec la justice du fait de la pauvreté et de l'absence d'avenir.
Ce que je disais dans mon discours, c'est que la situation au Canada s'est nettement améliorée depuis 1993. Tous les députés doivent travailler de concert pour que la tendance se maintienne. La pauvreté chez les enfants est une préoccupation majeure du gouvernement. Si le député consulte les budgets des dernières années, il verra que nous avons consacré 2 milliards de dollars à combattre le problème. Nous allons continuer sur cette lancée.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je sais qu'il y a deux universités dans la circonscription du secrétaire parlementaire, l'Université de Waterloo et l'Université sir Wilfrid Laurier.
Je visite les campus universitaires du pays et j'en profite pour discuter avec les étudiants. Je sais que les deux campus de sa circonscription sont comme tous les autres. Leurs étudiants ont du mal à trouver du travail à la fin de leurs études. Ils ont des impôts élevés à payer et des dettes à rembourser. Beaucoup d'entre eux se demandent s'ils doivent demeurer Canadiens, quittes à chômer, ou devenir Américains pour avoir une chance de trouver un emploi. Je sais que des programmeurs d'ordinateur, des médecins et des infirmières et infirmiers quittent le Canada. Ils font leurs études ici, mais ils émigrent aux États-Unis à cause de l'écart qu'il y a entre le régime fiscal américain et le nôtre.
Le député aime se vanter du faible taux de chômage qu'il y a dans sa circonscription, mais je me demande s'il n'est pas attribuable au fait qu'il y a si peu de travail dans sa circonscription que beaucoup de jeunes diplômés de ses deux universités la quittent et cherchent du travail ailleurs. Ce faible taux de chômage ne serait-il pas dû au fait que le régime fiscal est de loin plus avantageux aux États-Unis qu'au Canada?
M. Andrew Telegdi: Monsieur le Président, j'invite le député à revenir dans ma circonscription—je sais qu'il y est déjà venu— afin de continuer d'étudier ce qui fait fonctionner une communauté.
Il a parlé des infirmières qui quittent le pays. En Ontario, beaucoup d'infirmières ont quitté le pays et cela parce que le gouvernement provincial, dont ces députés sont si satisfaits, en a licencié 10 000. À présent, le gouvernement tente désespérément de les réengager, de les faire revenir des États-Unis. Trop tard.
Soyons clairs. Les étudiants qui sortent diplômés de l'Université sir Wilfrid Laurier trouvent pour la plupart des emplois très bien payés. Je ferai aussi remarquer au député que de tous les élèves qui fréquentent des collèges communautaires, c'est parmi les diplômés du collège Conestoga que le taux d'emploi est le plus élevé. Je suis sûr que le député d'en face s'en réjouit. Le taux a été établi récemment et je crois qu'il est de 94 p. 100.
En faisant des critiques, on utilise parfois l'exemple du verre d'eau. Il se trouve que celui-ci est rempli à 75 p. 100 de sa capacité. Contrairement à l'opposition officielle, je préfère le voir à plein aux trois quarts que vide au quart.
Le Président: Le député de St. Albert a la parole. Est-ce que le député va partager son temps avec quelqu'un d'autre?
M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, je ne le crois pas, mais je ne vais pas épuiser tout mon temps parce que j'ai un autre engagement.
Je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-72, qui vise à modifier Loi de l'impôt sur le revenu, peut-être pas pour augmenter les impôts, mais pour permettre au ministre des Finances de percevoir tout l'argent qu'il juge nécessaire. Je vais aborder certains éléments du budget qui ne ressortent pas très clairement.
À la page 55 du plan budgétaire de 1999 figure un tableau qui indique que les recettes anticipées pour l'exercice 2000-2001 sont de l'ordre de 159,5 milliards de dollars. À l'époque où le gouvernement est arrivé au pouvoir, les recettes s'élevaient à quelque 123 milliards de dollars.
Depuis que les libéraux dirigent le pays et que je siège ici, le gouvernement a puisé un montant supplémentaire de 37 milliards de dollars dans les poches des contribuables canadiens. Le Canada ne compte que 30 millions d'habitants, y compris les bébés et les bébés ne paient pas d'impôt. Le gouvernement aimerait qu'ils en paient, mais il leur accorde encore quelques années de sursis. C'est un montant de 1 200 ou 1 300 $ de plus qu'il y a cinq ans que le gouvernement va chercher dans les poches de chaque Canadien.
C'est le genre de chose dont les Canadiens ne se rendent pas compte quand ils entendent ces beaux discours sur le budget équilibré et les merveilles accomplis par le gouvernement. Je ne parlerais pas de merveilles à voir tout cet argent supplémentaire que le gouvernement à soutiré au contribuable canadien.
Le gouvernement se vante d'avoir réduit les dépenses de programmes et de les avoir limitées. Pourtant, si on jette un coup d'oeil au tableau de la page 55, pour la période allant de 1997-1998 à 2000-2001, le gouvernement prévoit augmenter de 5 milliards de dollars les dépenses de programmes. Les voilà repartis. Le budget n'est pas sitôt équilibré que l'argent coule de nouveau à flots.
La dette publique passe avant tout, aux yeux des gens. Les Canadiens savent que nous sommes endettés. Il est temps de réduire la dette. On ne propose pas de la diminuer d'un sou. En l'an 2001, la dette sera toujours de 580 milliards de dollars, comme aujourd'hui. Le gouvernement n'a pas la plus petite intention de rembourser un sou de la dette qu'il a contribué à accumuler, avec le Parti conservateur, depuis 30 ans, et que les Canadiens continuent à traîner comme un boulet.
C'est le genre de choses qu'il faut dénoncer. Nous devons faire savoir aux Canadiens que ce n'est pas le gouvernement qui a équilibré le budget. Ce sont les Canadiens, en payant plus d'impôts.
Examinons le plan budgétaire de 1999 et ce qu'on y indique pour l'impôt sur le revenu des particuliers, à la page 70. Qu'arrive-t-il dans le cas de l'impôt sur le revenu que le gouvernement prétend vouloir réduire? L'impôt sur le revenu des particuliers s'élevait à 70,8 milliards de dollars en 1997-1998. En l'an 2001, on prévoit que cette somme aura grimpé à 76,2 milliards. C'est presque 6 milliards de plus en impôt sur le revenu des particuliers.
Qu'arrivera-t-il avec la TPS tant décriée? Selon le même tableau, cette taxe passera de 19,5 milliards de dollars à 22,4 milliards. Voilà encore 3 milliards de dollars qui seront puisés dans les poches des contribuables en plus des 6 milliards précédents. Ce n'est pas surprenant que le ministre des Finances nage dans l'argent.
Que peut-on trouver encore? On dit ici que les prestations d'assurance-emploi vont augmenter, mais d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, je pense que c'était le chef du NPD qui en parlait, il semble que ces prestations vont diminuer, et non augmenter. Comme le ministre des Finances nage dans l'argent, il sabre dans les paiements de ceux qui en ont le plus besoin.
Bien sûr, il y a le service de la dette. Les intérêts que nous payons sur cette terrible dette de 580 milliards de dollars, devraient passer de près de 41 milliards à plus de 43 milliards. Avec 43 milliards de dollars par année, nous pourrions, par exemple, multiplier par quatre les chèques d'assurance-emploi envoyés aux chômeurs. Ou doubler le montant des prestations versées en vertu du Régime de pensions du Canada. Ou réduire les impôts sur le revenu de plus de 1 000 $ par Canadien.
Ces 40 milliards de dollars constituent un poids que nous avons autour du cou. C'est comme un noeud coulant qui étrangle la productivité et le niveau de vie des Canadiens. Voilà l'héritage du gouvernement actuel et de celui qui l'a précédé. Voilà pourquoi le Parti réformiste est ici, pour réclamer une réduction des impôts et une fiscalité plus équitable.
Nous avons entendu tout à l'heure le député d'Esquimalt—Juan de Fuca, un médecin qui s'occupait tous les jours des malades avant de se faire élire à la Chambre. Il nous a dit qu'à son avis de médecin, les parents qui restent à la maison fournissent le plus précieux des services aux Canadiens, à nos jeunes familles et à la nouvelle génération, en prodiguant éducation, amour et soutien aux plus vulnérables des Canadiens. Pourtant, le ministre des Finances et le gouvernement estiment qu'ils doivent pénaliser les gens qui s'occupent ainsi de leurs enfants.
J'ai entendu dire si souvent que les parents de famille à deux revenus sont obligés de travailler tous les deux alors que l'un des parents de la famille à un seul revenu n'a pas besoin de travailler puisque l'autre peut apporter suffisamment d'argent à la maison. Je vais vous raconter un incident qui s'est produit un jour que je retournais dans ma circonscription. À l'aéroport d'Ottawa, le gardien de sécurité qui vérifie les bagages et veille à ce que nos vols s'effectuent sans danger a remarqué mon épinglette de député. Il m'a arrêté et m'a dit «Je ne gagne que 23 000 $ et j'ai trois enfants. Mon épouse ne travaille pas à l'extérieur parce que nous considérons qu'il est important qu'elle s'occupe de l'éducation de nos trois enfants.» Cet homme ne gagnait que 23 000 $ pour faire vivre sa famille et il n'obtenait aucune aide du ministre des Finances. Rien.
Voilà un homme dévoué à sa famille, un homme qui est manifestement prêt à faire de grands sacrifices financiers pour le bien-être de sa famille, et je suis persuadé que cette famille est en mesure de fournir à ses enfants tout l'amour et les soins dont ils ont besoin.
Voilà le genre de choses que le ministre des Finances passe en général sous silence. De plus, il met un peu d'argent de côté en prévision des prochaines années qui suivront le début du millénaire. Nous savons qu'il risque d'y avoir des élections dès le début du millénaire et il se pourrait bien que les deux coïncident.
Nous aimerions bien savoir ce que le ministre des Finances fabrique. Par exemple, l'année dernière, il a pris 2,5 milliards de dollars qu'il a imputés sur les comptes publics et il a dit «Je ne dépenserai pas cet argent tout de suite. Je m'en servirai après la fin de ce millénaire pour créer un Fonds du millénaire qui me permettra de consacrer 2,5 milliards de dollars aux étudiants après le début du nouveau millénaire.» Alors que les étudiants ont du mal à payer leurs frais de scolarité, le ministre des Finances a déposé 2,5 milliards de dollars dans un compte de banque l'an dernier. Cet argent dort à la banque et le ministre ne s'en servira pas avant l'arrivée du nouveau millénaire.
Dans le dernier budget, le ministre a annoncé une somme de 3,5 milliards de dollars qu'il imputera sur l'exercice se terminant le 31 mars 1999, soit dans quelques semaines, à l'intention des provinces pour les aider à financer leurs programmes de soins de santé au cours des quelques prochaines années.
Juste ces deux postes budgétaires représentent 6 milliards de dollars qu'il a imputé sur les comptes publics et dont il n'a pas dépensé un sou.
Par dessus le marché, l'année précédente, 800 millions de dollars ont été mis de côté pour la Fondation canadienne pour l'innovation. Le ministre des Finances s'est fait tirer l'oreille par le vérificateur général, qui lui a dit qu'il ne pouvait pas faire ça, mais il l'a quand même fait. Il y a une autre somme de 800 millions de dollars que le ministre des Finances a mise de côté il y a deux ans et qui n'a pas encore été dépensée.
Nous en sommes maintenant à presque 7 milliards de dollars que le ministre des Finances a prépayés. L'argent est dans des comptes en banque. Les Canadiens n'en verront les bienfaits qu'après le début du prochain millénaire. En attendant, il prétend que tout ce qu'il a, c'est un budget équilibré, qu'il ne peut pas accorder de diminution d'impôt contrairement à ce que les Canadiens espéraient, qu'il ne peut pas afficher d'excédent.
Pourquoi ne peut-il pas afficher d'excédent? Parce qu'il cache cet argent dans des comptes en banque et qu'il se garde bien de le dépenser tant que le moment n'est pas venu. Nous ne pouvons que spéculer sur ce que sera ce moment. Peut-être celui de la course à la direction du parti ou celui des prochaines élections. Qui sait?
Le fait est que ce sont les Canadiens qui payent la note. Ils pourraient bénéficier d'une réduction d'impôt. Ils aimeraient qu'on remette cette année plus d'argent dans les soins de santé. Ils aimeraient qu'on dépense davantage pour aider les jeunes à payer leurs droits de scolarité, mais le ministre des Finances a dit: «Bien que ce soit vous qui ayez payé la note, vous n'en verrez les bienfaits que plus tard », quand il aura jugé que le moment est venu.
C'est de la poudre aux yeux. Pendant que le ministre des Finances fait ces déclarations magnanimes, se vantant des résultats qu'il a obtenus, n'oublions pas que le budget a été équilibré aux dépens des Canadiens. Le ministre des Finances cache un excédent, qui s'élève pour le moment à 7 milliards de dollars, et qu'il pourrait dépenser pour offrir aux Canadiens une réduction d'impôt que nous attendons toujours. Il faut que les gens le sachent.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté les critiques formulées par le député de St. Albert. Cela m'a rappelé à quel point le Parti réformiste a du mal à saisir d'où viennent les recettes de l'État. Le phénomène est pourtant assez simple: à mesure que l'économie croît, ce qui a été nettement le cas au Canada ces derniers temps, à mesure que de nouveaux emplois sont créés, ce qui s'est produit au Canada où plus de 1,4 million d'emplois ont été créés depuis 1993, à mesure que leur revenu augmente, les contribuables paient plus d'impôt sur le revenu. C'est le signe d'une économie en santé, pas d'une économie en mauvaise posture.
Les gens d'en face ont du mal à assimiler ce concept pourtant assez simple. Je rappelle à la Chambre que les recettes brutes de l'État sont à la hausse, parce que l'économie est en pleine croissance.
Je voudrais aborder brièvement un autre sujet, et le député voudra peut-être nous donner son avis. Le député de St. Albert s'est rendu récemment en Australie pour assister à un congrès sur les compressions budgétaires et les réductions de dépenses. Comme nos dépenses, exprimées en fonction du PIB, sont à leurs plus bas niveaux depuis environ 30 ou 40 ans, quelles nouvelles idées le député a-t-il rapportées de son séjour là-bas?
M. John Williams: Monsieur le Président, pour répondre au premier argument du député au sujet de la faiblesse du chômage, le ministre des Finances, à la page 64 de son Plan budgétaire de 1999, prévoit que les prestations d'assurance-chômage passeront de 11,8 à 13,8 milliards de dollars d'ici 2000-2001, ce qui représente 2 milliards de dollars de plus en prestations d'assurance-chômage. Je ne crois pas que le gouvernement envisage des réductions dans le chômage.
Pour traiter de l'autre argument du député, lorsque je me suis entretenu avec les hauts fonctionnaires du Trésor de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, j'ai constaté qu'ils ont une politique de dépenses de programmes ciblées. Ils font appel à ce que nous appelons la comptabilité d'exercice, la comptabilité et la budgétisation en partie double.
En 1989, le gouvernement canadien s'est engagé à faire de la comptabilité d'exercice. Nous serons en 2004 avant que cela ne se produise. Il lui aura fallu 15 ans pour agir.
Dans l'intervalle, faute de lignes directrices claires et précises sur la façon d'utiliser l'argent, nous avons gaspillé des milliards de dollars. C'est ce que j'ai appris.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député de la lucidité avec laquelle il a fait des prévisions et expliqué clairement la vraie raison pour laquelle le budget a été équilibré.
Je voudrais lui offrir l'occasion de corriger le député d'en face, qui a semblé dire que, si les recettes ont augmenté au Canada, c'est uniquement parce que le PIB s'est accru et que l'économie était généralement en santé. Par conséquent, les recettes ont évidemment augmenté.
Le député qui a précédé mon collègue n'a pas entendu ce dernier parler de l'impôt sur le revenu que le contribuable doit payer au Canada. Ce n'est pas en raison du PIB que les recettes ont augmenté, mais tout simplement parce que le fardeau fiscal de chaque contribuable s'est alourdi. Cette situation a eu pour effet cumulatif d'accroître les recettes et de permettre à coup sûr d'équilibrer le budget grâce aux impôts des contribuables canadiens.
M. John Williams: Monsieur le Président, il a parfaitement raison. La hausse de 37 milliards de dollars des recettes fiscales vient des Canadiens. Or, la population canadienne n'a pratiquement pas augmenté. Chaque Canadien aurait donc payé entre 1 300 et 1 400 $ de plus au ministre des Finances et au gouvernement en place. Ce sont les Canadiens qui ont équilibré le budget.
Peu m'importe que le député dise que c'est parce que les Canadiens travaillent ou parce qu'il utilise une méthode ou une autre, il reste que les Canadiens donnent beaucoup plus au gouvernement. Le ministre des Finances cache des excédents qui pourraient maintenant servir à alléger les impôts.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, mon collègue a parlé de certaines méthodes qu'utilise maintenant le gouvernement pour lever des fonds et de certaines façons qu'il a de les dépenser. Pense-t-il que les entreprises parasites, le gaspillage, les livres de blagues stupides, le temple de la renommée du canoë, les sociétés d'État, les hausses du budget du Sénat ou les appels en vertu de l'article 745 sont des façons judicieuses de dépenser l'argent des contribuables?
M. John Williams: Monsieur le Président, comme mon collègue de Calgary-Ouest vient de le mentionner, il n'y a pas de fin à la créativité du gouvernement actuel au chapitre des dépenses. Il semble ne pas pouvoir faire autrement.
Au cours de mon voyage en Australie et en Nouvelle-Zélande, j'ai constaté que là-bas—parce que la Nouvelle-Zélande a vécu une catastrophe financière et nous en avons frôlée une nous aussi—, ils ont dû mettre l'accent sur les dépenses gouvernementales et veiller à ce que chaque dépense soit productive, bien dirigée et avantageuse pour leur population. C'est ainsi qu'ils ont créé la comptabilité d'exercice, les bilans, les résultats clairs et des dépenses bien déterminées.
Si nous devions appliquer la même rigueur, la même discipline au chapitre des dépenses gouvernementales, je suis convaincu que nous pourrions aller chercher des dizaines de milliards de dollars, sans que notre économie en souffre vraiment.
Il aura fallu 15 ans, de l'année 1989 où le gouvernement a décidé de s'orienter dans cette voie jusqu'en 2004, pour qu'il mette en oeuvre la phase I. Il n'aura pas terminé avant 2025, à condition de toujours être au pouvoir. Bien sûr, il aura disparu depuis belle lurette. Le hic, c'est que chaque journée gaspillée entraîne un gaspillage de notre argent.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la fameuse question surgit de nouveau: pourquoi sommes-nous ici? Que faisons-nous? Nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-72, qui modifie la Loi de l'impôt sur le revenu.
Déjà là, il doit y avoir un problème. Chaque fois que le gouvernement modifie la Loi de l'impôt sur le revenu, surveillez bien votre porte-monnaie, parce que quelque chose d'étrange va se produire. Il va devenir plus léger. Je peux expliquer à la Chambre tous les moyens que le gouvernement a pris pour l'alléger. Il est plein de ressources lorsqu'il s'agit de trouver des moyens d'alléger le porte-monnaie du contribuable canadien.
Tout d'abord, il s'en est pris aux primes d'assurance-vie. Il nous a ainsi soulagé de 210 millions de dollars l'an dernier. Ce n'est pas peu. Mais cela n'est pas limité à l'an dernier. Il a commencé avec 120 millions en 1994. Si on ajoute tout, il nous a soulagé de plus d'un milliard de dollars. C'est tout un soulagement.
Puis, il s'en est pris à l'exemption à vie pour gains en capital. Le prélèvement a été de taille. L'an dernier seulement, il a allégé nos porte-monnaie de 340 millions de dollars. Puis, il a procédé à la vérification des revenus pour les crédits en raison de l'âge. Encore 300 millions de dollars. Il y a eu ensuite les déductions concernant les repas. Il a éliminé cela aussi. Il a de nouveau modifié la définition de revenu, comme il le fait encore dans le projet de loi C-72. Il nous a soulagés de 275 millions de dollars. Au lieu de parler de soulagement, disons plutôt qu'il nous a enlevé 275 millions de dollars.
Puis le gouvernement a relevé le taux d'imposition des sociétés. Il a empoché 160 millions de dollars et, du même coup, fait disparaître des emplois. Ensuite, il a imposé une surtaxe aux sociétés, qu'il a augmentée aussi. Cela lui a rapporté 120 millions de dollars. D'autres emplois ont disparu. Le gouvernement est un as dans ce genre de chose. Il n'a pas de mal à soulager les contribuables et à faire disparaître des emplois par la même occasion. Puis il a frappé l'essence d'une taxe, ce qui lui a rapporté encore 500 millions de dollars. Ce fut ensuite le tour du tabac. J'allais l'oublier celui-là. Cela lui a rapporté 65 millions de dollars.
Qu'en est-il des pensions? Le gouvernement les a placées dans son collimateur, ce qui lui a permis de récupérer 10 millions de dollars. C'était uniquement pour les pensions étrangères. Puis il s'est attaqué aux retraits de REER, sur lesquels il a prélevé 45 millions de dollars. Il a raccourci la période pendant laquelle on peut cotiser à un REER. Puis il y a les cotisations à l'assurance-emploi. Les travailleurs à temps partiel ne peuvent toucher de l'assurance-emploi parce qu'ils ne travaillent pas à plein temps, mais ils doivent quand même payer des cotisations. C'est un impôt. S'ils payent des cotisations, mais ne peuvent toucher des prestations, c'est un impôt qu'ils payent. L'an dernier, ils ont payé un milliard de dollars.
Quand on pense à ces chiffres, on ne peut s'empêcher de trouver cela ridicule. En 1994, c'étaient 370 millions de dollars, en 1995, 808 millions de dollars, et l'année suivante, 1,15 milliard de dollars. Il faut additionner tous ces chiffres. Puis il y a la question de la non-indexation des tranches d'imposition. Les libéraux ont augmenté les impôts de milliards et de milliards de dollars. Chaque fois que les libéraux parlent de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, je crains le pire.
Passons maintenant à d'autres petites choses qu'ont faites les libéraux. Parlons de priorités. Ils augmentent les impôts. Les libéraux savent mieux que quiconque comment faire cela. Je n'en doute pas un seul instant. De tous les partis politiques représentés à la Chambre, les libéraux sont les meilleurs lorsqu'il s'agit d'écraser les contribuables sous le poids des impôts.
Nous nous demandons ce qu'ils font de tout cet argent. Ces libéraux aux grandes priorités et aux grands projets gouvernementaux, ces grands dépensiers augmentent allègrement nos impôts. Où dépensent-ils l'argent? Ils exercent de la discrimination contre les familles à revenu unique. C'est ce qu'ils font. Ils donnent généreusement à des entreprises rentables. Ils distribuent les subventions. Ils multiplient les dérogations à l'impôt. C'est une honte. Aucun concurrent de ces entreprises ne veut que celles-ci obtiennent des allégements fiscaux et des subventions gouvernementales.
Puis, il y a tout le gaspillage. Un fonctionnaire du ministère s'est présenté à une réunion du Comité permanent du développement des ressources humaines à laquelle j'assistais. Il a déclaré que 200 millions de dollars de l'enveloppe budgétaire du ministère ne seraient pas utilisés. Tous les membres libéraux du comité s'en sont attristé. Le Parti réformiste a demandé pourquoi cet argent ne serait pas soustrait de l'enveloppe budgétaire ministérielle puisqu'il n'était pas nécessaire.
Tous les libéraux ont dit à l'unisson: «C'est un document ministériel. Si le ministre dit que c'est correct, nous n'allons pas le contredire. Il sait tout. Il est le plus intelligent. Il doit savoir ce qui se passe.»
Ainsi, ces 200 millions de dollars que les fonctionnaires du ministère avaient dit qu'ils ne dépenseraient pas ont fini par être dépensés. Quel gaspillage! Puis il y a le favoritisme. Quand des gens viennent me voir à mon bureau de circonscription et me parlent de la récupération des pensions de vieillesse et de l'impôt qu'ils doivent payer sur l'argent qu'ils mettent de côté pour faire instruire leurs enfants, je dois leur dire que les libéraux accordent la priorité au favoritisme. Ils devraient avoir honte.
C'est insultant. Cela dépasse les bornes. C'est inacceptable de penser que ces députés sont prêts à financer la publication d'un recueil de blagues sur les blondes idiotes. Je vois quelques têtes blondes de l'autre côté. Je me demande ce que ces personnes pensent de cela. Je vois aussi des femmes en face. Je me demande ce qu'elles pensent du recueil de blagues sur les blondes idiotes financé par leur gouvernement. Je me demande si elles croient que c'est une dépense judicieuse ou non. C'est honteux, mais aucun des députés d'en face n'ose parler.
Puis il y a le temple de la renommée du canoë dans la circonscription du premier ministre. Comment un temple de la renommée du canoë dans la circonscription du député peut-il être plus important que les pensions des personnes âgées, les soins de santé ou l'éducation? Il faut pousser très loin pour arriver à ce genre de logique qui est typique des libéraux.
Il y a aussi les subventions accordées à de mauvais gouvernements. Je veux parler ici de certaines des choses qui se font dans le domaine de l'aide extérieure. Que font les libéraux? Ils donnent de l'argent à des individus comme Mobutu, au Zaïre, bien connu pour son mauvais gouvernement, sa corruption et ses mauvaises politiques. Ils aident à financer l'achat d'armes, les génocides et d'autres choses du genre.
Les libéraux aiment donner de l'argent aux pays étrangers. J'ignore en vertu de quelle logique ils le font, car nous avons ici même au Canada des contribuables qui réclament des réductions d'impôt et des services qui, depuis des années, subissent des réductions.
Ce gouvernement finance la construction de routes à l'étranger alors que le réseau routier canadien lui-même est en mauvais état. Nous assistons à une vraie farce au Comité des transports: il étudie des systèmes de transport intelligents. Mais pendant ce temps que fait-on des fissures dans nos routes? Laissons là le transport intelligent et occupons-nous du réseau routier.
Et les sociétés d'État? Nous donnons de l'argent à la télévision de la Société Radio-Canada. Pourquoi? De toute manière, les syndicats vont lui porter le coup fatal. Pourquoi faisons-nous cela? Les syndicats vont régler son compte à la société d'État.
La Société canadienne des postes, elle, concurrence, dans le courrier électronique, des entreprises privées, des sociétés de messagerie comme FedEx et UPS et chasse du marché des sociétés comme T2P overnight de Calgary.
Comment pouvons-nous subventionner, avec l'argent des contribuables, des entreprises qui vont en chasser d'autres du marché? Les libéraux devraient avoir honte.
Les libéraux financent les augmentations budgétaires du Sénat, cette assemblée non élue et non responsable composée d'individus qui ne se présentent pas au travail, qui ont des casiers judiciaires et qui enfreignent la loi et la Constitution. Le budget du Sénat va pourtant augmenter de 16 p. 100 au cours des deux prochaines années. Voilà ce qu'on fait de l'argent durement gagné des contribuables, cet argent va au Sénat.
Voyons le cas de l'article 745. Chaque appel logé en vertu de cet article coûte en moyenne 500 000 $. L'appel de Clifford Olson a coûté plus d'un million aux contribuables. C'est ainsi qu'on dépense notre argent.
Il y a toutes ces hausses d'impôt que décrètent les libéraux. Chaque fois, ils regardent si les gens ont encore de l'argent, ils proposent des amendements et ils redéfinissent le mot revenu. Soyez sur vos gardes, car c'est là le genre de choses auxquelles ils consacrent de l'argent. C'est une vraie honte.
Il serait préférable de brûler cet argent plutôt que de le donner aux libéraux. Ils l'utilisent pour nuire aux contribuables. Ils subventionnent la concurrence. Ils adoptent de pire lois qui nuisent aux gens. C'est là ce qu'ils font. Il serait préférable de brûler cet argent au lieu de le confier à ce genre de gouvernement qui l'administre mal et qui s'en sert pour nuire aux contribuables. Il serait préférable que le gouvernement l'enfouisse. C'est là le genre de choses qui ont présentement cours.
Le vice-président: Je regrette de devoir interrompre le député, mais comme il le sait, toute bonne chose a une fin. Je peux l'assurer que la prochaine fois que cette question figurera à l'ordre du jour, il lui restera neuf minutes pour terminer son discours.
Le temps consacré aux initiatives ministérielles est épuisé; comme il est 17 h 30, la Chambre étudiera maintenant les initiatives parlementaires figurant aujourd'hui au Feuilleton.
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
LOI MODIFIANT LA LOI CONSTITUANT EN PERSONNE MORALE L'OFFICE ÉPISCOPAL CATHOLIQUE ROMAIN DU MACKENZIE
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Vous constaterez, je crois, que la motion suivante recueille le consentement unanime. Je propose:
Que le projet de loi S-20, Loi modifiant la loi constituant en personne morale l'Office épiscopal catholique romain du Mackenzie, soit lu pour la deuxième fois et, par consentement unanime, renvoyé au comité plénier.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour faire franchir toutes les étapes au projet de loi dès aujourd'hui?
Des voix: D'accord.
DEUXIÈME LECTURE
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) propose: Que le projet de loi S-20, Loi modifiant la loi constituant en personne morale l'Office épiscopal catholique romain du Mackenzie, soit lu pour la deuxième fois et que, avec le consentement unanime, il soit renvoyé au comité plénier.
—Monsieur le Président, je suis heureuse d'amorcer le débat sur le projet de loi S-20. Il faut savoir que l'Office épiscopal catholique romain de Mackenzie a été crée en 1913 par une loi du Parlement. Il compte 48 églises catholiques romaines réparties dans les Territoires du Nord-Ouest, au nord de l'Alberta et en Saskatchewan.
Depuis 1913, le vicaire puis l'évêque s'occupe des besoins tant sociaux que spirituels des populations du nord du Canada. Depuis plus d'un siècle, l'Église catholique assure une présence visible et importante dans l'ouest de l'Arctique, contribuant ainsi de façon significative au maintien de la souveraineté du Canada dans l'Arctique.
En 1913, quand la loi fédérale a été adoptée, les articles 4 et 6 imposaient certaines restrictions à l'office, notamment une limite de la valeur de la propriété et des biens qu'il pouvait posséder, fixée à 50 000 $, et la durée de possession de terres par l'office. À l'époque, ces restrictions étaient certainement adéquates et adaptées aux besoins. Au cours des décennies qui ont suivi, cependant, l'office a investi sagement et a reçu un appui considérable de divers donateurs, ce qui fait que ses avoirs sur le marché sont aujourd'hui considérablement supérieurs à la limite imposée par la loi.
Il importe, pour que l'office puisse continuer son bon travail et assurer des finances saines au diocèse, que la limite concernant ses avoirs soit abolie, afin qu'il puisse poursuivre sa mission au sein de la collectivité nordique. Je suis heureuse que le projet de loi S-20 permette de rajuster la loi en fonction de la situation actuelle de l'office.
Une modification d'ordre administratif est aussi proposée concernant le nom français de l'office. Le nouveau nom français de l'office correspond mieux au sens du nom anglais et au contexte dans lequel il est employé, et uniformise le vocabulaire de la loi et de la terminologie française courante.
[Français]
J'ai confiance que ce projet de loi contribuera à la bonne gestion des affaires de la Corporation de Mackenzie et fera en sorte qu'elle soit prête pour le XXIe siècle. Il me fait donc plaisir d'appuyer ce projet de loi afin qu'il puisse être adopté dans les meilleurs délais.
[Traduction]
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois, étudié en comité; rapport est fait du projet de loi qui est agréé, lu pour la troisième fois et adopté.)
MOTION D'AJOURNEMENT
[Français]
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, le 3 février 1999, j'ai posé une question à la Chambre. Je disais que le régime d'assurance-emploi est une assurance, et je demandais ceci:
Pourquoi le gouvernement cherche-t-il à refuser les prestations d'assurance-emploi à un plus grand nombre de personnes et pourquoi les traite-t-il comme des criminels?
Durant la tournée que j'ai faite dans le pays, j'ai vu que les gens se sentent ainsi aujourd'hui. Il serait important que le ministre en prenne conscience. Les gens versent des cotisations au fonds d'assurance-emploi, et chaque fois qu'ils font des demandes, ils sont vus comme des criminels, des gens qui abusent. C'est ainsi que les gens se sentent, partout au pays.
[Traduction]
Quand je me suis déplacé à travers le pays pour rencontrer des gens, ils m'ont dit que quand ils demandent des prestations d'assurance-emploi, les agents du ministère du Développement des ressources humaines les regardent comme s'ils étaient des criminels. Nous ne voulons certainement pas que le gouvernement traitent les Canadiens de cette façon. C'est pourquoi j'ai soulevé cette question.
Qu'est-ce que le gouvernement a l'intention de faire à ce sujet? Il n'est pas juste que des gens soient traités de cette façon lorsqu'ils se présentent aux bureaux des ressources humaines.
[Français]
J'ai posé cette question. Il faut voir aussi de quelle façon les réponses viennent. Le ministre a répondu ceci:
Le député traite le régime d'assurance-emploi comme s'il s'agissait d'une industrie pour créer des emplois dans les régions.
Ce n'est absolument pas cela. Un régime d'assurance-emploi, ce n'est pas une industrie pour créer de l'emploi, c'est un régime qui paie les gens quand ils ont manqué de travail ou qu'ils ont perdu leur emploi.
Je ne veux pas revenir aux années 1970, mais ce que je dis, c'est que c'est un programme pour lequel les travailleurs, les travailleuses et les employeurs paient. C'est ce que les gens nous disent partout au pays: «Ce programme nous appartient, à nous, les travailleurs, lorsqu'on perd notre emploi.»
Il est inacceptable que le ministre se lève à la Chambre et dise: «Écoutez, mon cher collègue, vous retournez en arrière, en 1970.» Ce n'est pas ça du tout. Je veux vivre en 1999 avec un programme qui fait en sorte que lorsque les gens perdent leur emploi, ils aient de l'argent pour faire vivre leur famille, leurs enfants, qu'ils puissent leur donner à manger et les envoyer à l'école.
Avec de telles réponses, les Canadiens et les Canadiennes ne sont pas contents. On n'a qu'à regarder le rapport du ministère du Développement des ressources humaines, où il est dit que le taux de femmes au Canada ne se qualifiant plus à l'assurance-emploi a augmenté de 20 p. 100.
Il faut regarder la réalité en face. Le régime n'est plus adéquat pour ce pourquoi il avait été instauré à l'origine. C'est pour cela que j'aimerais que le ministre donne des réponses, dans les jours à venir, sur ce qu'il va faire avec le régime d'assurance-emploi, parce que les Canadiens, les Canadiennes, les travailleurs et les travailleuses ne sont pas contents.
Les gens de Windsor, en Ontario, ne sont pas contents, quand ils remplissent leurs formulaires d'impôt, de devoir payer de l'argent de nouveau à l'assurance-emploi. Ils le disent, ils nous téléphonent et ils nous envoient des lettres. La situation est la même à travers tout le pays, ce n'est pas seulement en Atlantique que cela se passe, mais également à Regina et à Edmonton, en Alberta. Je l'ai dit à maintes reprises, ici, à la Chambre.
Alors, c'est à souhaiter que le ministre pourra préciser ce qu'il va faire avec le régime d'assurance-emploi.
[Traduction]
Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de garantir au député que le ministère essaie de traiter tous les clients avec équité, compréhension et compassion. Chaque cas est évalué individuellement et toutes les circonstances sont examinées de façon compatissante.
Le député de l'opposition affirme que les gens qu'il a rencontrés avaient le sentiment d'être traités comme des criminels. Cela est peut-être attribuable au fait que certaines personnes qui avaient présenté une demande d'assurance-emploi il y a quatre ou cinq ans, lorsque les règles étaient différentes, et qui avaient touché alors des prestations, ont présenté récemment une demande et se sont aperçues qu'elles n'étaient plus admissibles, avec l'entrée en vigueur des nouvelles règles.
Parfois, lorsque les gens essuient un refus, ils le prennent très mal. Personne n'essaie de traiter qui que ce soit comme un criminel. Cependant, les employés du ministère du Développement des ressources humaines qui travaillent dans les divers centres d'emploi du Canada sont obligés d'appliquer la loi telle qu'elle est. Il est regrettable que certaines personnes s'en offusquent et se sentent visées personnellement.
Le député a également déclaré que le taux de femmes qui n'étaient pas admissibles avait augmenté de 20 p. 100. Il inverse un chiffre figurant dans le rapport d'évaluation d'aujourd'hui. En fait, il ne s'agit pas des femmes qui ne sont pas admissibles. C'est le taux de femmes qui demandent l'assurance-emploi qui a baissé de 20 p. 100. Cela pourrait signifier que beaucoup plus de femmes ont un emploi.
L'année dernière, il y a eu 300 000 femmes de plus qui travaillaient qu'auparavant. Cela pourrait expliquer la raison pour laquelle un moins grand nombre de femmes présentent des demandes d'assurance-emploi.
[Français]
Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée retirée.
[Traduction]
Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre passe maintenant à l'étude d'une motion portant que la Chambre s'ajourne pour discuter d'un sujet précis et important devant faire l'objet d'un débat urgent, à savoir les effets d'un conflit de travail sur la manutention du grain dans le port de Vancouver.
DÉBAT D'URGENCE
[Traduction]
LA MANUTENTION DU GRAIN
Le vice-président: En vertu de l'article 52 du Règlement de la Chambre des communes, le député de Selkirk—Interlake a été autorisé à proposer une motion.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.) propose:
Que la Chambre s'ajourne maintenant.
—Monsieur le Président, la motion à l'étude ce soir est définie dans la demande que j'ai déposée en vertu de l'article 52 du Règlement. Cette motion traite de la situation d'urgence entraînée par l'incapacité du gouvernement libéral d'en arriver à une entente négociée juste avec le syndicat de l'Alliance de la fonction publique du Canada, ce qui entraîne des conséquences financières désastreuses pour l'économie canadienne et les agriculteurs en particulier.
Nous sommes réunis ici ce soir pour nous engager dans un de ces débats historiques qui se produisent de temps à autre dans un pays. Le débat d'urgence de ce soir traitera de la santé économique du pays sur la base de sa productivité collective et du niveau de vie de ses habitants.
Il serait tellement simple de dire que ce débat porte seulement sur la grève déclenchée par les membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Il serait simple de dire que le présent débat ne concerne que le revenu agricole auquel fait tort l'arrêt de l'expédition du grain à nos clients outre-mer. Il porte bien sur ces deux problèmes, mais ils ne sont que les symptômes d'un malaise qui règne dans ce pays, un malaise qui s'explique par les maladies suivantes qui, bien que n'étant pas mortelles, portent gravement atteinte au bien-être physique, mental, spirituel et culturel de chaque Canadien.
Je veux parler des impôts trop lourds, du prix trop bas des denrées agricoles et du coût trop élevé des intrants agricoles, qui résultent en un revenu net dérisoire et conduisent le secteur agricole à se demander s'il y a un avenir dans l'agriculture. Je veux parler des milliers de membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada qui n'ont pas eu d'augmentation de salaire depuis six ans.
Avant d'être élu au Parlement, j'étais agent de la GRC. J'étais assujetti au même gel des salaires qu'eux. Ces syndicalistes, les agriculteurs et bien d'autres travailleurs du secteur public et du secteur privé et moi-même avons consenti des sacrifices énormes pour éliminer le déficit budgétaire national. Je suis actuellement propriétaire exploitant d'un élevage de bétail. Je peux dire que, vu mes expériences précédentes, je partage les angoisses des agriculteurs, des éleveurs et des syndicalistes dans cette affaire.
Les autres maux qui composent ce malaise national sont, entre autres, une organisation gouvernementale monopolistique appelée Commission canadienne du blé, un régime de transport des grains très réglementé, qui entrave l'innovation et l'investissement. Il existe également des problèmes dans le commerce mondial, dont ceux que nous avons avec nos plus proches voisins et amis, les États-Unis.
Le Président de la Chambre a accédé à ma demande de tenir ce débat d'urgence et je lui sais gré de sa sagesse. J'ai demandé ce débat parce que les ministres chargés de régler ces problèmes d'envergure nationale ont failli à leur tâche.
Selon de récentes déclarations du ministre du Conseil du Trésor, les négociations sont actuellement dans une impasse. Il n'a pas révélé toutes les raisons qui ont entraîné cette situation, ni les options qui s'offrent à lui et à son gouvernement pour dénouer l'impasse. Les divers ministres du gouvernement n'ont même pas expliqué à la population canadienne, aux syndiqués, aux agriculteurs et aux propriétaires de ranch l'étendue des torts financiers qui sont causés à notre pays et à ses citoyens.
Je crois qu'une audience publique complète des questions que j'ai mentionnées, ainsi que de bien d'autres que je n'ai pas abordées, aidera notre pays à trouver un moyen de se sortir de ce bourbier économique et social dans lequel il est plongé aujourd'hui.
Je vais parler de quelques-uns des détails qui entourent ce débat d'urgence. J'ai adressé au Parlement une lettre datée du 17 mars 1999, conformément à l'article 52 du Règlement, pour demander la tenue d'un débat d'urgence, afin d'examiner le conflit de travail qui paralyse actuellement le transport des grains jusqu'au port de Vancouver.
Comme la Chambre le sait bien, l'Alliance de la fonction publique du Canada est actuellement engagée dans un conflit de travail avec le gouvernement du Canada. Environ 70 peseurs des grains employés par la Commission canadienne du blé participent à ce conflit.
Les fonctions exercées par ces 70 travailleurs sont prévues aux termes de la Loi sur les grains du Canada et ne peuvent être accomplies par d'autres employés que ceux de la Commission canadienne du blé. Par conséquent, l'arrêt de ces services empêchera de décharger les wagons-trémie à grains et de charger les navires en partance pour l'étranger.
Jusqu'au 14 mars 1999, l'Alliance de la fonction publique du Canada avait planifié ses grèves tournantes de telle sorte que le transport du grain, malgré certains ennuis, s'est poursuivi presque comme prévu. Cependant, la situation a changé quand les peseurs des grains membres de l'AFPC ont établi des lignes de piquetage devant les cinq terminaux céréaliers de Vancouver, le 15 mars. Non seulement ce geste a eu pour effet d'interrompre le service autorisé par la loi, mais les autres travailleurs céréaliers, tels les manutentionnaires et les débardeurs, ont refusé de franchir les lignes de piquetage.
Le transport du grain est arrêté depuis trois jours. Quand je parle d'arrêt du transport du grain, cela veut dire aussi bien les chemins de fer qui traversent les Prairies que le chargement des navires pour l'Asie et ailleurs dans le monde.
L'escalade des mesures par les peseurs des grains a fait suite à une entrevue donnée le 10 mars par le président de l'AFPC dans laquelle il déclarait que la situation dans le domaine du grain deviendrait une cible de choix. À ce moment, le 10 mars, il semble que le gouvernement aurait dû comprendre qu'il devait s'empresser de prendre les mesures nécessaires au moins pour empêcher cette menace de se concrétiser ou pour négocier de bonne foi et en arriver à un règlement. Comme nous le savons, cela ne s'est pas produit.
Même si nous espérons tous que ce conflit se règle au plus tôt, nous ne pouvons tolérer que le transport du grain continue d'être perturbé, parce que cela constituerait une autre attaque contre le revenu des producteurs qui est déjà en baisse.
Je voudrais mentionner quelques chiffres en rapport avec cette grève. Le conflit touche évidemment les travailleurs syndiqués et leur rémunération, ce qui a des répercussions non seulement sur les travailleurs eux-mêmes, mais sur leurs familles, qui ont des versements hypothécaires à faire et des dettes à rembourser. Il serait facile de leur conseiller de retourner au travail et de faire confiance au gouvernement, mais le gouvernement libéral a prouvé, par ses actions et par ses paroles, qu'on ne pouvait se fier à lui pour trouver des solutions satisfaisantes.
Il y a environ un an ou un an et demi, les députés à cette Chambre ont eu à traiter le cas des travailleurs des postes. Nous avons adopté une loi de retour au travail en leur promettant un règlement négocié. Je crois comprendre que ce règlement n'est pas encore intervenu. Les manutentionnaires céréaliers et les autres membres de l'Alliance de la fonction publique doivent se dire: «Si le gouvernement adopte une loi nous obligeant à retourner au travail ou si nous acceptons tout simplement de retourner au travail avant qu'un règlement ne soit intervenu, serons-nous traités comme les travailleurs des postes?» D'après ce que nous avons pu observer jusqu'à maintenant, ils n'ont pas tort de s'inquiéter et de se méfier du gouvernement.
La Commission canadienne du blé a annoncé aujourd'hui qu'elle a perdu une vente de 9 millions de dollars. Elle a aussi perdu d'autres petites ventes, d'une valeur variant entre 2 millions et 10 millions de dollars, auprès de l'Asie et de l'Amérique latine. Une vente de 2 millions de dollars peut ne pas paraître importante aux yeux de bien des gens, mais le marché céréalier a changé. Nous n'avons plus les beaux contrats de 1 milliard de dollars avec la Russie et la Chine. L'industrie céréalière compte désormais sur de petites ventes valant entre 1 million et 2 millions de dollars. Ces sommes peuvent paraître modestes, mais en s'additionnant elles finissent par représenter des montants importants.
Pour ce qui est des céréales devant quitter le port, je parlerai maintenant du blé seulement, même si bien d'autres produits sont exportés. Les exportations de blé représentent environ 6 millions de dollars par jour et tout ce blé ne peut quitter le port. Cela correspond à la capacité du port et aux pertes réelles.
Le printemps s'en vient. Nous devons noter que cet arrêt du transport du grain sur la côte ouest se répandra bientôt dans tout le pays si ce conflit n'est pas réglé. Nous avons appris aujourd'hui que la voie maritime devrait ouvrir vers le 22 mars 1999. Les silos à grain de l'Ouest s'attendent à la reprise des activités à ce moment-là à un terminal céréalier à Thunder Bay.
Monsieur le Président, nous avons estimé, et vous l'avez reconnu, qu'il s'agit d'une urgence nationale qui exige la tenue d'un débat à la Chambre des communes. Le fait est que le problème ne touche pas seulement les Canadiens de l'Ouest ni les dockers et les manutentionnaires de grain de la côte ouest.
Il y a un autre aspect que la Commission canadienne du blé a signalé dans son communiqué de presse d'aujourd'hui. Le porte-parole a rapporté que le directeur des ventes pour la Commission canadienne du blé a dit que nous devions renoncer à des ventes tous les jours. De quelles ventes s'agit-il? S'agit-il simplement de blé et de canola qui sortent des ports à destination de nos clients?
Il se trouve que nous obtenons en retour des devises étrangères, des devises fortes qui contribuent à la richesse de notre pays. Ce n'est pas de l'argent que nous faisons circuler à l'intérieur du pays, passant d'une main à l'autre, et sur lequel le gouvernement finit par prélever sa part d'impôts. C'est de l'argent neuf que nous obtenons de nos clients et des habitants des autres pays et qui contribue à l'enrichissement de notre pays. Ce sont des faits très importants à prendre en considération quand nous parlons du grain et de son incidence sur le bien-être du Canada.
Il faut considérer l'effet cumulatif de ce conflit dans le contexte des autres conflits et des autres arrêts dont ont souffert les entreprises de manutention et de transport du grain au fil des années. Depuis 1993, il y a eu des grèves à l'intérieur des terres, mettant en cause les exploitants de terminaux céréaliers, des grèves des chemins de fer et des grèves des débardeurs. Il y a eu aussi de terribles tempêtes de neige qui ont interrompu le transport du grain dans les Rocheuses.
Tout cela a des effets cumulatifs sur la fiabilité de nos exportations, ce qui est préjudiciable pour le Canada et plus particulièrement pour les provinces de l'Ouest. Les familles qui vivent dans ces provinces et qui gagnent très modestement leur vie en travaillant la terre en souffrent aussi.
Tous ces problèmes font perdre de l'argent à l'économie de la Colombie-Britannique et aux agriculteurs de tout le pays. Au 18 mars, le nombre de navires dans le port de Vancouver atteint 21. Pendant les semaines qui ont précédé la grève, il y en avait environ six, ce qui est une fréquentation normale du port. Les navires qui attendent leur cargaison sont plus nombreux de jour en jour.
L'un de nos clients a été cité à propos de ce dernier différend. Je crois que c'est le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire qui en a parlé. La Japanese Food Agency a fait part au ministre de ses craintes au sujet de la fiabilité de nos exportations de grain expédiées à partir de Vancouver. Le Japon reçoit 11 p. 100 des exportations canadiennes de produits alimentaires.
C'est précisément cette question de fiabilité qui revêt tant d'importance dans le débat de ce soir. Je suis persuadé que d'autres députés de tous les partis reviendront sur la question après mon intervention.
Un autre élément du système de transport du grain doit être mentionné, le transport ferroviaire.
Le 18 mars, les sociétés ferroviaires ont annoncé la suspension de l'allocation de wagons pour la semaine du 28 mars au 3 avril. Permettez-moi d'expliquer cela. Il y a des wagons- trémies pleins de grain à Vancouver et ailleurs. Il y a du grain en attente dans les silos et chez les céréaliculteurs.
Le système d'acheminement du grain est aussi réglé comme une horloge: le bateau du client arrive, le grain est chargé à bord et le céréaliculteur remplit sa commande. Tout cela doit être minutieusement coordonné dans le temps.
Une fois la grève terminée, il faudra au moins trois semaines pour tout remettre en marche comme avant, parce que le système de manutention du grain fonctionne selon un cycle. Il faudra au moins trois semaines après la fin de la grève pour que le système recommence à fonctionner normalement. Pendant ce temps, les bateaux commandés par la Commission canadienne du blé et d'autres exportateurs continueront d'arriver et n'auront pas de grain à charger à leur bord.
Que se passe-t-il lorsqu'ils arrivent? Si les expéditeurs ne chargent pas les bateaux dans les délais prévus, habituellement dans les trois à cinq jours suivants, les entreprises doivent payer ce qu'on appelle des surestaries. Ce sont des droits à payer pour chaque jour supplémentaire que le bateau passe dans le port avec sa cale vide. Ces droits sont considérables et peuvent représenter de 10 000 $ à 15 000 $ par jour. Si l'on fait un calcul tout simple et que l'on multiplie 15 000 $ par 21 jours, on comprend que dans une semaine ou deux, même s'il est à souhaiter que la grève ne durera pas aussi longtemps, il sera question de centaines de millions de dollars, au total.
L'autre aspect financier à envisager, c'est celui des amendes pour les marchés exécutés tardivement. Outre les surestaries imposées aux navires, les exportateurs doivent aussi payer aux sociétés d'importation des amendes pour les retards. Dans certains cas, celui du Japon par exemple, les importateurs sont passés à un système de stockage et de gestion au moment adéquat et ont payé un prime de fiabilité. Les contrats prévoient de lourdes peines en cas de non-fiabilité.
J'ai déjà dit et je répète que tout cela se traduit en un manque de confiance. Des pays qui comptent sur le Canada pour un approvisionnement régulier de grain peuvent décider de s'adresser ailleurs en cas d'interruption de l'approvisionnement.
Si l'on en juge par ce que la Commission canadienne du blé a fait savoir aujourd'hui au gouvernement et aux Canadiens, il serait plus exact de dire qu'ils décideront effectivement de s'adresser ailleurs, nous causant ainsi des pertes financières.
Le gouvernement doit trouver une solution. Le gouvernement doit négocier avec le syndicat. Il dispose de plus d'information que qui que ce soit d'autre à la Chambre, moi y compris. Il est donc difficile pour nous de dire ici où se trouve au juste la solution. Le président du Conseil du Trésor devrait certes déclarer que le travail qu'accomplissent ces 70 peseurs des grains constitue un service essentiel et leur accorder l'arbitrage des propositions finales.
Je tiens à signaler clairement qu'il ne s'agit pas ici d'opposer les agriculteurs et les éleveurs aux syndiqués, ni même le gouvernement aux partis d'opposition. Il s'agit de tenir un débat public sur les faits et les solutions. Le gouvernement a besoin de notre aide et c'est avec cela à l'esprit que je prie pour que nos délibérations de ce soir portent fruit et que, au lever du soleil demain, tous les Canadiens aient un avenir meilleur.
[Français]
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, ce soir, nous entreprenons un débat important, et j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour faire un bilan sur les négociations entre le gouvernement du Canada et ses employés.
Cette Chambre se souviendra que le gouvernement du Canada a déjà négocié de bonne foi et signé des ententes collectives avec plus de 87 p. 100 de ses employés. Et, dans ce groupe, j'inclus plus de 100 000 membres affiliés à l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
Qui plus est, la semaine dernière, quelque 10 000 travailleurs techniques, représentés par l'Alliance de la Fonction publique et le gouvernement, se sont entendus et ont ratifié une autre nouvelle convention collective.
J'ai toujours soutenu que c'est par la négociation que deux parties peuvent en arriver à un accord. Une confrontation, quelle qu'elle soit, ne mène nulle part, si ce n'est qu'à de la frustration des deux côtés.
Je suis d'accord pour dire que nous avons eu une longue période de gel des salaires. Elle a commencé avec le gouvernement conservateur. Nous l'avons continuée pendant quelques années, parce qu'il était urgent de se débarrasser du déficit qui minait notre santé fiscale et financière nationale. Nous l'avons fait, et depuis deux ans, nous avons réintroduit le droit de discuter de conventions collectives. C'est ce que nous avons fait au cours des deux dernières années.
Encore une fois, nous avons conclu des ententes avec 26 tables de négociation sur 29. Nous sommes maintenant arrivés à une position où plus de 85 p. 100 de nos employés syndiqués ont conclu avec nous des accords qui permettent de continuer, comme employeur et employés, à exercer la possibilité de donner les services nécessaires aux Canadiens, d'une façon qui corresponde à un accord entre nos employés syndiqués et le gouvernement. C'est ce que nous désirons pouvoir continuer de faire.
Dans nos négociations, nous avons été capables d'offrir à nos employés, en moyenne, à toutes les tables, à peu près 4,5 p. 100 d'augmentation sur deux ans comme salaire de base. C'est sur cette base que nous avons conclu les négociations, que nous sommes arrivés à des accords avec une si grande proportion de nos employés syndiqués.
Il reste maintenant deux tables, dont celle des cols bleus, où nous avons, depuis deux ans, essayé, mais en vain, d'en arriver à une solution. Nous croyions, à un certain moment, qu'avec l'une des tables, celle qui s'occupe des services correctionnels, nous étions très près d'en arriver à un accord. En fait, nous sommes arrivés à un accord avec ceux qui gèrent le syndicat. Nous sommes arrivés à un accord avec les négociateurs pour les employés des services correctionnels.
Ce n'est qu'au moment de la ratification que, malheureusement, une mince majorité d'employés a refusé de ratifier l'accord qui avait été conclu entre nous et leurs négociateurs, et qui avait été endossé par les gestionnaires du syndicat.
Nous nous retrouvons maintenant dans deux cas, malgré toute notre bonne volonté et notre désir d'en arriver à une conclusion, avec des demandes, de la part des syndiqués, qui ne correspondent pas aux pourcentages offerts dans les autres cas à presque 90 p. 100 de la fonction publique, et qui ont été acceptés par ces 90 p. 100.
Au lieu d'avoir des demandes de base d'environ 2,5 p. 100 pour la première année et 2 p. 100 pour la deuxième année, nous nous retrouvons avec des demandes de base qui sont de deux, trois, et dans un des cas, quatre fois plus élevées que ce qui a été approuvé pour la très grande majorité des autres syndiqués.
Il est clair que si nous nous disions prêts à accepter des demandes de ce niveau, non seulement nous créerions un problème ou une situation intenable pour presque 90 p. 100 de nos employés qui ont déjà accepté un contrat, mais également, nous causerions des problèmes insurmontables dans les négociations qui doivent recommencer dans quelques mois pour les futurs contrats.
Nous aurions établi, en fin de course, un pourcentage d'augmentation qui ne correspond pas à ce que nous avons donné à la grande majorité des autres employés ni à ce qui a été donné dans le secteur privé. Actuellement, dans le secteur privé, les augmentations, dans les derniers 18 mois, ont été d'environ 2,1 p. 100 par année. Et cela ne correspondrait pas non plus aux possibilités des Canadiens de payer, pour leurs employés, un salaire qui correspond au marché et qui correspond à l'équité envers nos employés.
C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans une position où nous sommes incapables, à cause de leurs demandes excessives, d'en arriver à un accord avec un tout petit nombre de nos tables de négociation et, en particulier, nous sommes incapables d'en arriver à un accord avec les cols bleus.
Lorsque le gouvernement négocie, il poursuit un objectif fondamental. Cet objectif, c'est de chercher à trouver un équilibre entre les intérêts et les priorités des Canadiens et des Canadiennes, et ceux des employés de l'État.
Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ont fait des sacrifices importants au cours des dernières années. Ils ont reconnu la nécessité de remettre les finances de l'État en ordre afin de pouvoir poursuivre notre marche vers l'avenir. Sondage après sondage, les Canadiens et les Canadiennes disent qu'ils sont fiers de leur gouvernement fédéral, qui a pris des décisions correctes, même si elles ont souvent été difficiles.
Dans ce processus, nous avons dû faire des compromis. Nous avons dû faire aussi des offres qui correspondaient aux moyens de l'État, parce que nous sommes fiduciaires des citoyens.
À titre d'exemple, dans le cadre de la table 2, les cols bleus, le gouvernement a fait toute une série de compromis. Par exemple, dans le dossier des taux régionaux, nous avons accepté de réduire le nombre de régions de dix à sept et ce, malgré qu'il soit très clair que l'équité réclame non pas un taux national, mais un taux qui corresponde aux conditions du marché local et un taux qui ne crée pas de distorsion dans les marchés locaux.
En particulier, lorsque le coût de la vie est nettement plus élevé à Vancouver qu'à Fredericton, il est clair que l'équité réclame d'offrir à ceux qui travaillent à Vancouver des salaires, des taux qui correspondent au coût de la vie dans cette région.
Également, si on offre, en regardant les conditions du marché local, des taux de salaire qui sont nettement plus élevés que les taux locaux, on crée une pression à la hausse dans le prix de ceux qui sont employés dans cette région.
Alors, il est clair qu'il y a une justification qui a existé depuis des années et qui a été approuvée par toutes sortes de commissions sur les finances du gouvernement. L'équité réclame qu'il y ait des taux régionaux. Malgré cela, nous nous sommes mis d'accord avec le syndicat pour réduire le nombre de régions au Canada.
À la même table, dans le dossier des augmentations salariales, nous avons fait une offre qui a été plus élevée que ce que nous avions offert à la grande majorité de la fonction publique.
Nous avons augmenté l'offre que nous avions faite pour les taux de base à 4,75 p. 100, justement parce que nous voulions essayer de régler les problèmes avec cette table de façon à nous permettre d'employer les négociations, d'en arriver à une solution négociée et de maintenir la paix avec le syndicat et les employés. Pour ce faire, nous étions convaincus que les Canadiens étaient prêts à accepter un taux légèrement plus élevé que ce que nous offrions à la majorité de la fonction publique.
Mais au lieu de satisfaire nos employés, malheureusement, la réaction a été qu'ils demandent maintenant deux fois ce que nous avons donné à nos autres employés en termes d'augmentation salariale. Par conséquent, ce sont des demandes excessives que, nous sommes convaincus, les Canadiens et les Canadiennes ne veulent pas accepter.
Je garde bon espoir que nous allons quand même réussir à en venir à une solution négociée, parce que, même si le droit de grève est reconnu par tous et par toutes pour l'instant, les actions de grève prennent les Canadiens et les Canadiennes en otage, en faisant considérablement de dommages, par exemple, au commerce du grain. Il y a également des millions d'autres Canadiens et Canadiennes qui risquent d'attendre longtemps avant de recevoir leur retour d'impôt.
Les employés, malheureusement, ont commencé à utiliser des tactiques qui créent des problèmes pour un très grand nombre de Canadiens. Dans cet exercice, nos employés, nos cols bleus, ont malheureusement pris les Canadiens en otage.
Je n'ai qu'à rappeler, par exemple, le fait qu'ils ont interrompu la circulation à l'aéroport de Dorval, qui n'est même plus un aéroport de juridiction fédérale. Ils ont obligé un grand nombre de voyageurs, dont certains ne sont même pas canadiens, à marcher plus d'un kilomètre pour se rendre à l'aéroport. Beaucoup d'entre eux ont manqué leur avion et se sont posé très correctement la question: «Entre qui et qui est-ce que cette dispute existe?»
Le droit de grève est là, parce que lorsque les employés retirent l'offre de travail qu'ils font, les services ne sont pas donnés. Mais de quel droit les employés peuvent-ils prendre en otage les fermiers, dans le cas des provinces de l'Ouest, les contribuables, dans le cas de Revenu Canada, ou les voyageurs à l'aéroport de Dorval? De quel droit peuvent-ils les prendre en otage, de façon à créer des inconvénients tellement grands pour des tierces parties qu'ils amèneront une atmosphère où, croient-ils, il sera plus facile de conclure des négociations?
Au contraire, ce qui se passe, c'est que les Canadiens réagissent comme les fermiers de l'Ouest en disant: «Pourquoi est-ce que nos moyens de vivre, à nous, seraient affectés par le fait que le syndicat s'en prend à des tierces parties et prend, dans ce cas-ci, les fermiers de l'Ouest comme otages?»
Une grève, ce n'est jamais drôle, mais c'est encore moins drôle quand il en va de la sécurité et de la santé des Canadiennes et des Canadiens.
Nous voulons négocier de bonne foi et signer des ententes avec nos cols bleus. Nous voulons surtout que les Canadiens et les Canadiennes reçoivent les services du gouvernement du Canada auxquels ils ont droit et pour lesquels ils paient.
Mais, dans cette grève-ci, nous pouvons seulement constater que nos employés dans les deux tables qui restent et que j'ai mentionnées—en particulier ceux de la table des cols bleus—font des demandes excessives. Ils font des demandes qui ne correspondent pas à l'équilibre que nous devons maintenir, comme gouvernement, entre les contribuables, les payeurs de taxes, et les salaires que nous donnons à nos employés.
Actuellement, nous sommes obligés de constater que nos employés, malheureusement, dans le cas de ces deux tables, sont en train de prendre les Canadiens en otage et nous forcent à considérer quels sont les divers autres moyens à notre disposition pour protéger le droit des Canadiens d'avoir les services pour lesquels ils ont élu un gouvernement, et d'avoir les services pour lesquels ils paient.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux, au nom du Bloc québécois et comme porte-parole en matière de travail, de prendre aujourd'hui la parole dans ce débat d'urgence suscité par notre collègue de Selkirk—Interlake.
Ce débat a trait au conflit de travail qui existe présentement à Vancouver, conflit entre l'Alliance de la Fonction publique et 70 de ses membres qui oeuvrent pour la Commission canadienne du blé. Ils détiennent les postes d'employés de silos d'exportation.
Les employés sont en grève depuis le 15 mars, ce qui représente deux ou trois jours ouvrables. Il ne faut pas se le cacher, selon nos informations, cet arrêt de travail a des impacts importants sur l'économie de cette région.
Il faut quand même situer dans son contexte immédiat la décision des 70 employés d'aller en grève générale. Il y a quand même eu, il faut le dire, des «avertissements» lancés par un représentant de l'Alliance de la Fonction publique à l'employeur, au gouvernement, à la Commission canadienne du blé, le 10 mars, disant que si les négociations n'allaient pas mieux, d'après ce qu'on en comprend, la stratégie syndicale serait de cibler le blé, dans son intervention, dans ses moyens de pression. Donc, il le message était assez clair.
Le 14 mars, le syndicat a entrepris une grève rotative qui avait comme mérite, quand même, de continuer les opérations concernant le blé. Ce n'est que le lendemain que les syndicats ont érigé une ligne de piquetage qui fut, d'ailleurs, respectée par d'autres syndiqués qui oeuvrent en périphérie des opérations des silos d'exportation. Ce qui fait, sans doute, que la grève a un impact assez considérable et atteint le but qu'elle vise, c'est-à-dire établir un rapport de force entre les deux parties.
On se doute bien que la stratégie du Parti réformiste dans ce dossier, qui a suscité aujourd'hui un débat d'urgence, est de faire en sorte que la table soit mise pour que l'employeur—en l'occurrence, le gouvernement—présente une loi spéciale de retour au travail.
Ce n'est pas la position du Bloc québécois. Ce n'est pas dans notre mentalité, parce que nous considérons que le droit de grève existant, il faut le respecter. Il faut au moins que cela dure un certain temps, qu'il y ait un délai où l'intérêt public, d'un côté, et les négociations, de l'autre, n'aboutissant pas, on puisse porter un jugement et faire en sorte qu'on passe à autre chose.
On ne peut penser qu'au bout de trois jours, on puisse décider que les négociations n'ayant pas abouti, on doive prendre les grands moyens. Dans le contexte de la fonction publique, il est trop facile, quand le gouvernement, possédant deux chapeaux, celui d'employeur et celui de législateur, trouvant la situation trop compliquée et les impacts trop importants, se tourne de bord et utilise son pouvoir de législateur pour contrecarrer les effets de la grève et son existence même. On trouve cela un peu gros.
En espérant que les négociations se poursuivent, il faut que le rapport de force s'exécute entièrement et qu'on sente qu'il n'y a véritablement pas d'autre moyen d'arriver à faire en sorte que les opérations se maintiennent, se continuent, qu'une loi spéciale qui va forcer le retour au travail. C'est une mesure de dernier recours, à notre avis.
On sent là aussi la philosophie du Parti réformiste, qui n'a pas beaucoup de respect pour les lois du travail et pour les travailleurs. Comme le disait le président du Conseil du Trésor, aller en grève, ce n'est pas rose pour ceux qui souffrent au niveau de ses impacts et de ses répercussions. Mais ce n'est pas rose non plus—et on l'oublie trop parfois—pour ceux qui la font. Ce n'est pas rose pour les familles de ceux qui la font. Ce n'est pas rose pour ceux qui font du piquetage. Ces gens vivent actuellement une période de grande insécurité, de grand inconfort, et la grève, dans ce secteur d'activité, est légale.
Le président du Conseil du Trésor parlait plus tôt de la sécurité et de la santé, ce dont on ne parle pas ici. Il y a une espèce de service essentiel au Canada qui a été prévu en termes de protection de la santé et de la sécurité du public. Ici, on parle des effets économiques, et c'est très difficile à jauger. Il faut faire attention de ne pas aller trop vite en ce genre de matière.
Au lieu de préconiser, en sous-entendu, l'émission rapide d'une loi spéciale pour régler, par la force législative, un conflit de travail semblable, nous préconisons que les parties négocient de bonne foi, qu'elles se plient à la négociation et en arrivent à une entente qui sera bien acceptée et bien assumée.
C'est un trait de civilisation que d'avoir le droit de grève, que le droit de grève soit légal. Qu'est-ce que ça donne à une société d'inventer des moyens semblables, qui donnent des conditions de travail? Le droit de grève n'a pas été donné par l'employeur gouvernemental, public ou privé. Le droit de grève a été acquis, et de haute lutte, dans l'histoire des sociétés occidentales.
Quand cela se produit, bien sûr que cela entraîne des inconvénients. On est très sensibles, notamment, au sort des fermiers. Au Québec aussi, nos agriculteurs souffrent énormément à cause de la conjoncture économique internationale, de la mondialisation et de ses effets pervers. Là aussi, on galvaude et les institutions et les individus. Les fermiers de l'Ouest, eux aussi, en subissent les conséquences, et nous avons tous de la compassion.
Mais ce serait trop facile de dire que dès l'instant où ça nous dérange un peu, on va adopter une loi spéciale pour régler le problème. Nous ne sommes pas prêts à embarquer.
On souhaite que ce soit la négociation, une négociation établie de bonne foi, qui fasse en sorte que l'on réussisse à résoudre la situation difficile—il faut en être conscient—à laquelle les parties en sont venues et qu'elles connaissent, de même que toute l'économie de la région. Il ne faut pas tomber dans ce panneau, dans ce piège, où on utilise des moyens trop faciles qui s'appellent la présentation d'une loi spéciale forçant un retour au travail.
Je résumerai ainsi ma pensée, et celle du Bloc en la matière: notre position est claire, la liberté syndicale existe en principe au Canada, et les travailleurs, lorsqu'ils ont de bonnes raisons de le faire, vont en grève.
Cela fait partie d'un juste rapport de force, sauf que si l'employeur, qui se trouve à être le gouvernement, abuse de son pouvoir législatif, le recours à une loi spéciale ne doit être utilisé qu'en dernière instance, en attendant que le gouvernement retourne à la table de négociation avec une offre acceptable pour les travailleurs, et qu'il règle le problème démocratiquement et de façon civilisée par la négociation.
Quand on parle de bonne foi, quand on parle de l'employeur qui s'appelle le gouvernement fédéral, on peut se permettre d'être un peu soucieux. Le gouvernement fédéral, contrairement à la rumeur publique, est un employeur qui est dur. On sait qu'il a refusé récemment un jugement de cour concernant l'équité salariale. Il faut le faire, c'est un jugement. Le gouvernement, dans sa sagesse, compte tenu de son pouvoir et de son arrogance, a décidé d'aller en appel et de ne pas suivre le jugement de la cour.
C'est un gouvernement qui s'est déjà payé des clauses orphelin, notamment à Postes Canada, où on a des conditions de travail différentes, de façon importante, pour les employés plus anciens par rapport aux nouveaux. Je connais personnellement certains employés et je sais que les conditions sont vraiment précaires.
Quand on travaille quelques heures par semaine, quand on ne peut pas se faire garantir plus de 15 heures par mois—si ma mémoire est bonne—alors qu'autrefois, c'était des postes enviés, ceux de Postes Canada, aujourd'hui, de par la philosophie d'intervention de ce gouvernement employeur, les conditions sont loin d'y être enviables.
C'est un gouvernement qui a refusé, lors de la dernière révision du Code canadien du travail, d'y implanter des mesures antibriseurs de grève. Au Québec, qui est un cas d'exemple, cela fait longtemps qu'on a réglé cette question à l'avantage de tout le monde. C'est défendu d'employer des travailleurs de remplacement lors d'une grève. Le Code canadien du travail n'accorde pas cela au Canada.
On refuse d'adopter la partie III du Code canadien du travail pour mieux traiter les femmes enceintes, par un retrait préventif du travail, pour préserver la santé de la femme qui va bientôt accoucher.
Le gouvernement fédéral, comme intervenant, s'y refuse. Il n'est pas, contrairement à ce qu'on pense, un employeur très progressif et très généreux. On sait qu'il refuse, par exemple, à ses employés de la Gendarmerie royale de se syndiquer.
[Traduction]
M. Larry McCormick: Vous exagérez un peu.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Je suis content de la remarque de mon collègue. Quand on dit négocier de bonne foi, on est un peu dans le doute, parce qu'on sait avec qui on a affaire. C'est un gouvernement mesquin et qui refuse, par exemple, à ses travailleurs de la Gendarmerie royale du Canada...
Des voix: Oh, oh!
M. Yves Rocheleau: ...le droit de négocier, le droit de se syndiquer. C'est un syndicat de boutique, d'où nous proviennent des informations régulièrement. C'est l'arbitraire qui fait foi de gestion et de style de gestion. C'est cela qu'on privilégie: les gens qui sont à la merci des patrons immédiats.
Donc, vous aurez compris qu'on ne souhaite pas qu'il y ait, à ce moment-ci en tout cas, une loi spéciale dans ce conflit de travail. On espère que ce soit les règles de fonctionnement normales qui prennent le dessus, qu'il y ait une négociation de bonne foi et que les parties s'entendent afin de régler, dans les plus brefs délais, ce conflit de travail aux impacts, malheureusement, assez importants.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, c'est une bonne chose que nous tenions ce débat ce soir. Notre collègue de Selkirk—Interlake a rendu service à la Chambre en proposant et en obtenant la tenue d'un débat d'urgence sur cette question.
Quels que soient nos points de vue là-dessus, et nous ne sommes peut-être pas du même avis sur le traitement du dossier ou les origines du problème, c'est certainement une question qui préoccupe beaucoup les agriculteurs et les producteurs canadiens et sur laquelle la Chambre devrait se pencher.
Je voudrais examiner les origines du conflit qui a motivé la tenue de ce débat. Les membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada sont en grève tournante depuis huit semaines d'un bout à l'autre du pays. Ils ont décidé cela par suite de ce qu'ils considèrent, de ce que nous considérons et de ce que nombre d'autres Canadiens considèrent comme de l'intransigeance de la part du gouvernement relativement aux négociations engagées avec l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Vendredi dernier, le gouvernement a quitté la table de négociation. Par conséquent, c'est lui qui est responsable de la situation. S'il le voulait, le gouvernement pourrait trouver un moyen de sortir de l'impasse en revenant à la table, en négociant de bonne foi et en respectant le processus de négociation collective, au lieu de faire ce genre de menaces à mots couverts, comme celles qu'a faites le président du Conseil du Trésor tout à l'heure en parlant d'examiner toutes les options.
Nous savons ce que cela signifie. C'est du langage codé pour une loi de retour au travail. Pour me faire un peu l'écho de mon collègue du Bloc au sujet de la nécessité de trouver un équilibre entre le droit de grève difficilement acquis, en l'occurrence le droit de grève des fonctionnaires, et ce qui peut être ou ne pas être dans l'intérêt du public, je dirais que c'est une chose que nous devrions toujours avoir à coeur, quelque délicate que puisse être cette tâche.
Je ne crois pas qu'on en soit rendu au point où le gouvernement se sente dans l'obligation morale d'avoir recours à ce genre de menace ou d'entreprendre des actions plus concrètes, telle un loi forçant le retour au travail. Mais si le gouvernement passe à l'acte, il nous faudra alors réagir en tenant compte des circonstances, car nous savons qu'une loi forçant le retour au travail peut prendre bien des formes.
J'ai prêté une oreille attentive aux propos du président du Conseil du Trésor. Il n'a eu de cesse de répéter que les gens qui sont en grève prennent les Canadiens en otage. Le mot est très fort. Il faut se demander qui prend qui en otage et pourquoi ce recours à un tel langage. Le président du Conseil du Trésor a employé le mot «otage» à cinq ou six reprises au cours de son discours et j'espère qu'il ne m'en voudra pas de rappeler de qui il parlait en ces termes.
Il est intéressant de voir comment il qualifie le geste de ces travailleurs en grève. Il peut ne pas approuver cette grève. C'est son droit le plus strict. Mais, pour ma part, j'hésiterais à parler de «prise d'otages».
Ce que je n'aime pas, c'est qu'on invoque la notion de prise d'otages uniquement quand des travailleurs qui estiment qu'ils ne reçoivent pas une rémunération juste à leurs yeux pour le travail qu'ils accomplissent refusent de travailler. Quand des employés agissent de cette façon, des gens comme le président du Conseil du Trésor disent qu'ils prennent le pays en otage, que cela ne sert pas le bien commun, que cela perturbe les transports et la livraison du grain. Tous les facteurs qui ont un rapport avec le bien commun et l'intérêt public sont immédiatement invoqués, ce qui est peut-être indiqué lorsqu'on parle de l'effet d'une grève.
Entendons-nous le même genre de langage quand des sociétés à but lucratif suppriment des services ou abandonnent des activités économiques auxquelles elles se livraient dans le but de réaliser des profits sous prétexte que ces profits ont diminué ou qu'ils ne sont pas aussi élevés ou n'augmentent pas aussi vite qu'elles le souhaiteraient? Lorsque des sociétés à but lucratif agissent ainsi, on dit que leurs décideurs ont le sens des affaires. Comme ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent, ils cessent d'assurer leurs services habituels. On les trouve alors coriaces, on dit qu'ils savent se défendre et qu'il faut les prendre au sérieux.
Mais lorsque ce sont des travailleurs qui agissent de cette façon, on dit qu'ils tiennent le pays en otage au mépris flagrant de l'économie canadienne. Si on me donnait dix sous chaque fois qu'une entreprise à but lucratif prend une décision mauvaise pour l'économie canadienne, mais favorable à ses intérêts propres, je serais un homme riche.
Lorsque cela se produit, personne à la Chambre, sauf peut-être les néo-démocrates, ne déplore que ces entreprises fassent passer leurs intérêts particuliers avant ceux du pays. On considère cela comme un effet du marché, on considère que ces gens agissent en bons disciples d'Adam Smith, conformément à la théorie du Zeitgeist, conformément à l'éthique du marché. On ne les réprimande pas.
Le président du Conseil du Trésor ne les traite certainement pas de preneurs d'otages. Il n'accuse pas la compagnie de chemins de fer de prendre des producteurs en otages lorsqu'elle abandonne des lignes de chemin de fer et les laisse à la merci de sociétés comme Cargill, à la merci des camionneurs ou autres.
Quand une compagnie de chemins de fer dit qu'elle va abandonner telle ou telle ligne parce qu'elle ne lui rapporte pas assez d'argent, sans se soucier des conséquences pour la communauté locale ou les agriculteurs, le président du Conseil du Trésor ne dit pas que le Canadien national est un preneur d'otages qui n'a aucun égard pour le bien-être de l'économie canadienne, pour l'Ouest du Canada ou pour les producteurs. Je n'entends pas ce genre de propos de la part du gouvernement lorsque des sociétés agissent de cette façon. Peut-être devrions-nous entendre ce genre de propos, mais nous ne les entendons pas.
Si le président du Conseil du Trésor veut nous faire une leçon sur le bien de tous, sur le bien-être de l'économie canadienne, sur le bien-être des agriculteurs canadiens et leurs communautés, le gouvernement devrait, à mon avis, se montrer un peu plus impartial.
Je voudrais voir un gouvernement qui réagit énergiquement à la façon dont les sociétés ferroviaires nuisent aux agriculteurs et dont les sociétés membres de l'agro-industrie s'ingèrent dans les intérêts des agriculteurs. Je ne vois rien de tel.
Il faut pourtant en parler parce que si, au moyen d'une loi de retour au travail—si c'est ce que le gouvernement entend proposer—on peut mobiliser la main-d'oeuvre, alors pourquoi serait-il mal de mobiliser le capital? Pourquoi vivons-nous avec l'idée, qui n'a pas toujours été jugée aussi radicale qu'elle l'est aujourd'hui, selon laquelle le capital doit servir au bien commun, doit satisfaire les besoins de l'économie nationale et des collectivités? C'est une idée démodée. Elle n'est pas passée de mode en ce qui me concerne, mais elle a moins de succès qu'avant. Regardons les choses en face, cette idée n'est pas dans l'air du temps.
Je rappelle simplement à mes collègues que ce qui est bon pour l'un l'est pour l'autre. Je m'oppose au principe qui veut que les travailleurs ordinaires soient tenus responsables des effets de leurs actes sur l'économie canadienne et, dans ce cas-ci, soit dans la situation à Vancouver, sur les agriculteurs et leurs familles. La question est très grave. Je n'essaie pas du tout de minimiser le problème.
Je demande pourquoi nous leur attribuons ce devoir moral alors que nous ne le faisons pas pour d'autres, et pour des acteurs de l'économie canadienne beaucoup plus puissants, il faut bien l'admettre, que les cols bleus de l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Je cherche une certaine symétrie morale, que je ne vois pas souvent à la Chambre. Je vois qu'on fait porter une énorme responsabilité morale à des travailleurs parce que leurs gestes, ou le fait qu'ils cessent d'assurer leurs services, met en danger, d'une manière ou d'une autre, une partie ou l'ensemble de l'économie canadienne. Toutefois, quand on fait la même chose au nom des bénéfices d'une société ou d'une stratégie d'entreprise, ou en raison du climat d'investissement, quelle que soit le nom qu'on veut donner à ce phénomène, on considère que les affaires sont les affaires. On se dit tout simplement que c'est comme ça.
Je ne crois pas qu'on puisse admettre l'une et l'autre attitudes. J'encourage le président du Conseil du Trésor à retourner à la table, à cesser de traiter les grévistes de preneurs d'otages, à moins qu'il ne veuille lui-même souffrir un peu du syndrome de Stockholm, et à se mettre à l'ouvrage avec les travailleurs. Je suis sûr que ces travailleurs ne tiennent pas tant que ça à être en grève.
Depuis que je suis député et bien avant, quand des membres de ma famille étaient en grève, je suis souvent allé rencontrer des piqueteurs. Je puis dire à la Chambre que les gens qui sont en grève ne veulent pas faire la grève. Ces gens-là, surtout s'ils sont en grève depuis un certain temps, cherchent toujours un moyen honorable de retourner au travail, parce qu'ils n'aiment pas être sans emploi. Ils n'aiment pas ne pas recevoir régulièrement leur chèque de paie. Ils n'aiment pas faire du piquetage. L'enthousiasme qu'ils peuvent montrer au début s'éteint très rapidement. Si l'on imagine que l'intransigeance supposément manifestée par le syndicat découle du désir de prolonger la grève, je pense qu'on se trompe magistralement.
Le président du Conseil du Trésor m'écoutait au début, mais je l'ai probablement dérangé, car il est maintenant très occupé à s'entretenir avec son voisin libéral. Par ici, monsieur le président du Conseil du Trésor. Revenez sur terre, monsieur le président du Conseil du Trésor. Le voici.
Je disais au président du Conseil du Trésor, par l'entremise de la présidence, comme je le fais toujours, qu'il est temps que le président du Conseil du Trésor retourne à la table des négociations. Il sait ce qu'il doit faire pour en arriver à une entente. Il devrait cesser d'employer ce langage inconvenant et faire ce qu'il faut, non seulement pour le bien des grévistes, mais aussi pour le bien du pays.
Il doit faire preuve de leadership dans ce dossier et non seulement à l'égard des travailleurs qui font la grève. Je suis sûr qu'il pourrait s'appliquer. Il n'est pas stupide. Il n'est pas empoté. Il sait comment se sortir du pétrin dans lequel il s'est mis et a mis le reste du pays, s'il veut s'en sortir, et je l'encourage à le faire.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord faire quelques observations sur les commentaires formulés par le député de Winnipeg—Transcona. Comme à l'habitude, ses remarques sont utiles et intelligentes.
Toutefois, je ne suis pas de son avis. Je crois que nous devrions considérer la question sur un angle un peu différent, sans pour autant remettre en question le droit de vote des membres de l'Alliance. J'aimerais insister sur la responsabilité que le gouvernement doit assumer puisque c'est lui qui, en ne réglant pas cette grève qui s'éternise, a permis à la situation de s'envenimer au point où les grévistes en sont venus à utiliser et à menacer les moyens de subsistance d'autres Canadiens parce qu'ils sont désespérés et qu'il ne semble pas que le conflit puisse faire l'objet d'un arbitrage. La faute repose uniquement sur les épaules du gouvernement.
Je suis heureux de prendre la parole ce soir au nom de mon collègue le député de Brandon—Souris pour discuter de cet important problème auquel les producteurs de grains font face en conséquence de la grève actuellement en cours dans la fonction publique du Canada. J'aimerais féliciter le député de Selkirk—Interlake, en mon nom personnel et en celui de mon collègue, pour avoir proposé la tenue de cet important débat ce soir.
C'est une question qui devrait toucher tous les partis de la Chambre des communes, et pas seulement ceux des provinces de l'Ouest, parce qu'elle a des répercussions sur la réputation du Canada en tant qu'exportateur de grains. Je suis persuadé que cela peut rejaillir sur tous les Canadiens.
L'Alliance de la Fonction publique du Canada est actuellement engagée dans un conflit de travail avec le gouvernement du Canada. Environ 70 peseurs de grains employés par la Commission canadienne du grain sont également impliqués dans le conflit. Les tâches de ces 70 travailleurs sont fixées en vertu de la Loi sur la Commission canadienne des grains et elles ne peuvent être accomplies par des employés qui ne font pas partie de la Commission canadienne des grains. Le retrait de ces services a empêché le déchargement des wagons-trémie et le chargement des navires.
Le 15 mars, quand les peseurs des grains de l'AFPC ont dressé des lignes de piquetage à cinq terminus céréaliers de Vancouver, ils ont interrompu l'acheminement du grain en empêchant 700 manutentionnaires de grain syndiqués de se rendre sur leurs lieux de travail, au détriment non seulement de nos producteurs mais aussi de notre réputation internationale de fournisseur de grain d'excellente qualité capable de respecter des délais de livraison importants et critiques.
Je commencerai par évoquer le fait très important que cet arrêt de travail a également causé du tort aux Canadiens qui souffriront de retards dans les remboursements d'impôt sur le revenu. Près d'un million de déclarations de revenu sont en effet bloquées dans le système. Les retards de livraison du grain nuisent en outre aux agriculteurs canadiens et à la réputation du Canada qui était considéré comme l'un des meilleurs fournisseurs au monde de grain d'excellente qualité. Il faut mentionner que le canada exporte chaque année pour 18 à 20 milliards de dollars de denrées alimentaires, dont environ la moitié sont constituées de céréales, d'oléagineuses et de produits connexes. Ces arrêts causent des torts graves à l'industrie canadienne d'exportation de grains et à l'économie des Prairies dont elles dépendent.
Je vais montrer comment le manque de leadership dans ce dossier s'inscrit dans un mode de comportement du gouvernement actuel qui néglige de servir les Canadiens.
Je veux mettre en contraste l'incompétence du gouvernement dans ce dossier et la façon dont un gouvernement conservateur précédent avait affronté avec compétence un risque de grève en 1991.
Quiconque a lu un journal, écouté la radio ou regardé la télévision ces quelques dernières semaines sait hors de tout doute que la grève a causé du tort non seulement aux services publics, mais aussi à d'autres secteurs de l'économie canadienne et notamment à celui qui nous intéresse ce soir, le transport du grain.
Ce n'est pas la première fois que les agriculteurs canadiens sont touchés par des retards dans l'acheminement du grain. En 1997, les retards dans les livraisons, surtout de blé, à des clients internationaux avec qui nous avions des contrats ont entraîné des frais de surestarie de 65 millions de dollars, qui ont été payés essentiellement par les producteurs. Il a été estimé que nous avions perdu aussi des ventes additionnelles de 35 millions de dollars parce que le Canada ne pouvait assurer la livraison. Cela a fait mal paraître non seulement les agriculteurs de l'ouest du Canada, mais aussi tous les autres Canadiens sur le marché international.
Et voici que les agriculteurs font encore face à des perturbations, cette fois à cause d'une grève de l'AFPC. Heureusement, les agriculteurs n'auront pas à assumer des frais de surestarie énormes comme en 1997, puisque la bourse des grains de Vancouver a décrété que la grève entraîne un retard admissible. Cette initiative donne aux exportateurs 14 jours après le règlement du problème avant qu'ils ne doivent assumer des frais.
Les délais sont donc serrés, et ce débat d'urgence tombe à point nommé.
Les frais indirects pour les agriculteurs sont un autre problème. La grève pourrait coûter des millions, et le tort causé à la réputation du Canada est incommensurable. Au cours des dernières 48 heures, la Commission canadienne du blé a annoncé qu'elle avait perdu des ventes de 9 millions de dollars à cause du peu de fiabilité de notre système de livraison. Depuis deux ans, le gouvernement se fait tirer l'oreille. Il n'a pas réussi à conclure un accord avec la table II des employés membres de l'AFPC. Je me demande ce que le gouvernement a fait ces deux dernières années. Très peu, de toute évidence.
Le gouvernement fédéral a placé nos agriculteurs dans la situation où ils sont des otages, je dis bien des otages, parce que la grève s'éternise et qu'il n'y a pas de règlement à la table de négociation. Nos agriculteurs ne sont pas les otages des travailleurs de l'AFPC, ils sont les otages du gouvernement. Cela n'aurait pas pu arriver à un plus mauvais moment, les agriculteurs canadiens vivant l'une des crises financières les plus graves depuis celle de 1929.
Le 10 février, mon collègue, le député de Brandon—Souris, qui ne peut malheureusement participer au débat de ce soir, a écrit au président du Conseil du Trésor pour exhorter le gouvernement à régler rapidement les négociations avec les membres de l'AFPC. Il attend encore une réponse. Le député de Brandon—Souris a pris la parole à la Chambre le 17 février dernier et a de nouveau exhorté le gouvernement à régler le conflit avec les travailleurs de l'AFPC. Le ministre lui a simplement dit de ne pas s'inquiéter puisque le gouvernement s'occupait du dossier.
Il y a lieu de se demander pourquoi le gouvernement a décidé, par sa négligence, de laisser cette grève causer autant de préjudices à l'économie canadienne et aux agriculteurs et ternir ainsi la réputation du Canada dans le monde entier. Ce n'est pas un incident isolé, mais une habitude du gouvernement, une habitude qui traduit un manque de leadership dans les échelons supérieurs et un mépris du processus législatif et démocratique.
Que ce soit en tardant à régler la crise du revenu dans le secteur agricole, en tardant à faire connaître la position du Canada lors de la conférence sur l'environnement tenue à Kyoto, en laissant le ministère de la Défense acheter des hélicoptères EH-101 après des années d'attente et après l'annulation d'un contrat préalable qui a coûté aux contribuables 0,5 milliard de dollars ou dans de nombreuses autres situations, le gouvernement fédéral choisit toujours la procrastination plutôt que le leadership, la même ligne de conduite inefficace qu'il a adoptée par rapport à la grève de l'AFPC et qui cause des préjudices à tellement de Canadiens.
Où pouvons-nous trouver un exemple de vrai leadership? En octobre 1991, le gouvernement progressiste conservateur de l'époque a été aux prises avec un problème ouvrier du genre de celui que doit régler le présent gouvernement. La Société canadienne des postes négociait alors l'unification des conventions collectives que divers syndicats avaient avec le SPC. En août, une série de grèves tournantes ont poussé le gouvernement à faire ce qu'il fallait pour que les négociations entre les deux parties aboutissent.
J'exhorte le président du Conseil du Trésor à trouver très rapidement une solution à cette grève. S'il n'y a pas moyen d'en arriver à une solution, le Parti progressiste conservateur préconise, mais seulement en dernier recours, de légiférer pour forcer les employés fédéraux à reprendre le travail. Si le problème n'est pas bientôt résolu, tous les Canadiens, tant les membres de l'AFPC que les agriculteurs, seront perdants. Il est temps que le gouvernement fasse preuve du leadership qui lui fait manifestement défaut depuis quelque temps.
Le gouvernement assume ici une double responsabilité. Il doit en arriver en temps opportun à un règlement équitable avec l'AFPC et il importe qu'il permette au plus tôt aux agriculteurs de l'Ouest de respecter leurs engagements en matière d'exportation.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre part au débat de ce soir. Je voudrais remercier mon collègue de Selkirk—Interlake d'avoir demandé la tenue de ce débat. Je pense vraiment que c'est une question urgente.
Afin de dissiper quelques mythes avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais répliquer aux accusations du député de Trois-Rivières, qui a dit que c'est une menace voilée du Parti réformiste pour inciter le gouvernement à recourir à une loi de retour au travail. Rien n'est plus loin de la vérité.
Les lois de retour au travail ne sont guère utiles. Tout ce qu'elles font, c'est forcer une des parties à retourner au travail. Elles ne règlent en rien le conflit. Rien ne sera changé. L'animosité existera toujours, tout comme l'intransigeance.
Je ne crois pas un seul instant qu'un syndicat fait la grève pour le plaisir de la chose. Il doit avoir une bonne raison pour le faire. Je ne doute pas que les grévistes aimeraient bien mieux être au travail.
Ils perdent de l'argent. Tout le monde sait qu'ils ne regagneront jamais ce qu'ils auront perdu durant la grève, quelle que soit sa durée. Ils ont pris la décision de faire la grève, et ils ne l'ont pas prise à la légère.
Les allégations du député de Trois-Rivières sont totalement fausses. Nous ne préconisons pas une loi de retour au travail.
Il y a un an environ, nous avons étudié des modifications proposées à la partie I du Code canadien du travail, qui régit les relations de travail. Nous avons apporté des modifications à ce code. Le gouvernement nous a dit et redit qu'il voulait inclure une disposition s'appliquant aux céréales, l'article 87.7, pour être précis.
Même certains de mes amis libéraux ont pensé que ce serait une excellente disposition parce qu'elle garantirait le transport des céréales des exploitations agricoles jusqu'aux ports. Pourquoi est-ce si important?
C'est sûrement important pour les familles d'agriculteurs. C'est aussi important pour l'économie canadienne. Tous les députés, peu importe leur parti, aimeraient bien qu'il y ait une situation de presque plein emploi au Canada. Tous aimeraient que le taux de chômage soit pratiquement nul.
Ce n'est cependant pas la façon d'y parvenir. Ce n'est pas le moyen d'atteindre ces objectifs. Les retombées des ventes de grains et de l'agriculture sont énormes.
C'est excellent. Et c'est aussi une bonne chose que je ne sois pas le genre d'homme à dire: «je vous l'avais bien dit que cela ne fonctionnerait pas!» C'est une très bonne chose, parce que si j'étais ce genre d'homme, je vous dirais: «je vous l'avais bien dit!»
Même mes amis, y compris quelques libéraux, pensaient que l'article 87.7 permettrait d'acheminer les céréales vers les ports. Mais non. Pourquoi? Parce qu'il y a encore des syndicats avec qui le gouvernement refuse Dieu sait pourquoi de s'entendre et qui déclenchent des grèves par frustration, par nécessité ou pour d'autres raisons.
Les autres syndicats respectent leurs piquets de grève. Que se passe-t-il ensuite? Les silos des exploitations agricoles restent pleins. Les élévateurs des villes sont pleins. Les trains chargés sont dans les ports et ailleurs au pays, mais rien ne se passe. Tout est paralysé. C'est la constipation instantanée. Plus de mouvement. Ce n'est certainement pas beau à voir. Cela a des effets très négatifs sur l'économie canadienne et on ne saurait le tolérer.
J'ai écouté avec grand intérêt les images fortes du discours du président du Conseil du Trésor lorsqu'il a parlé du problème. Il s'est beaucoup attardé aux faits historiques. Ce qui manquait dans son intervention, cependant, c'était une partie sur la solution. J'ai aussi écouté mon collègue de Winnipeg—Transcona parler des propos incisifs du président du Conseil du Trésor. Comme ce dernier, mon collègue de Winnipeg—Transcona n'a pas parlé de la solution.
Nous avons essentiellement fait le tour du problème. Nous savons que le grain est dans les silos des agriculteurs. Nous savons qu'ils ne peuvent transporter ce grain après le début du dégel. Lorsque la terre commence à dégeler, les municipalités interdisent la circulation sur leurs routes ou imposent des limites de chargement. Il est très important que le grain se rende au port. Les responsables des ports et les syndicats le savent. Le gouvernement le sait.
Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une première. Cette situation se présente souvent. Sous l'influence du désespoir et des pressions politiques exercées par le milieu agricole et d'autres intervenants, le gouvernement présente une loi de retour au travail qui sert mal les intérêts du Canada.
De quelle échelle est-il ici question? Comme mon collègue l'a dit lorsqu'il a parlé du transport du grain au port de la côte ouest, 20 ou 21 bateaux sont en attente. Cela représente une énorme quantité de grain. Cela représente beaucoup d'emplois et de nombreux paiements de transfert au pays.
C'est une érosion de notre réputation de fiabilité en matière d'approvisionnement en grain. Comme tous les députés le savent, acquérir une bonne réputation prend beaucoup de temps. Toutefois, perdre celle-ci peut se produire très rapidement. C'est là le danger qui nous guette chaque fois que nous nous livrons à ces exercices que je qualifie de futiles.
À la différence de certains des orateurs précédents, je vais dire quelles sont, selon moi, les solutions. Mon collègue de Selkirk—Interlake a parlé d'une solution possible, selon lui, et par une étrange coïncidence, j'ai les mêmes sentiments au sujet de la possibilité d'une solution.
Des relations de travail stables sont absolument essentielles au Canada. Si nous avons des relations de travail stables et nous pouvons ainsi être un fournisseur fiable de produits, nous avons alors une longueur d'avance sur nos concurrents. C'est extrêmement important. L'agriculture est encore un secteur qui crée beaucoup d'emplois et je ne parle pas simplement des agriculteurs eux-mêmes. Il y a toute la question des retombées, des emplois indirects.
L'arbitrage des propositions finales est un outil qui peut aussi bien servir au syndicat qu'à la direction. Je dis cela, car je pense que le fait même qu'on puisse compter sur l'arbitrage des propositions finales va inciter ces parties à négocier très sérieusement. Cela va les encourager à en arriver à un accord.
On pourrait même dire que poussé à l'extrême, l'arbitrage des propositions finales ne serait jamais utilisé. Au cas où certains auraient du mal à me suivre, je dis cela parce que l'arbitrage des propositions finales ne prend pas une partie de la proposition finale du syndicat et une partie de celle de la direction.
Les deux parties présentent leur proposition finale. L'arbitre retient une position ou l'autre. Il n'est pas question d'une solution intermédiaire négociée. C'est tout l'un ou tout l'autre. Les deux parties le savent lorsqu'elles entrent dans le processus et, par conséquent, elles vont aussi loin qu'elles le peuvent en ce qui concerne les concessions à faire.
Souvent, lorsque les parties comparent les propositions présentées, l'arbitre n'a aucune décision à prendre, car on s'aperçoit qu'on en est arrivé à une conclusion. Souvent, il est inutile de présenter une position finale à l'arbitre, car les parties ont fini par s'asseoir, négocier et régler.
Je voudrais répéter cela à nouveau de crainte qu'un député ne veuille nous accuser d'appuyer une loi de retour au travail et la suppression du droit de grève, ce qui est absolument faux dans les deux cas. Nous appuyons le droit de grève et le droit d'association. Nous croyons également qu'une solution qui a fait l'objet d'une négociation est toujours la meilleure solution.
Nous l'avons d'ailleurs constaté à la Chambre il n'y a pas très longtemps au moment de la grève des postes. Le gouvernement a jugé bon d'adopter une loi pour forcer ces travailleurs à retourner au travail. Cela s'est passé il y a 16 mois déjà et aucune entente n'a encore été conclue avec le syndicat des postiers. À quoi est-ce que tout cela sert? Pourquoi adopter une loi pour les forcer à retourner au travail si nous n'en venons pas à une entente?
Nous devrions avoir recours à l'arbitrage des propositions finales, conclure une entente et négocier un retour au travail à l'amiable. De cette façon, nous ne ferons plus jamais face à des situations de ce genre. Tant que nous ne le ferons pas, nous devrons nous livrer à des débats d'urgence de ce genre parce que nous serons toujours aux prises avec une économie nationale chancelante ou avec une crise quelconque.
Si nous sommes ici, c'est que tous les partis ont convenu de l'urgence de la situation. Cela prouve que la situation est effectivement urgente.
Certains seront tentés de dire que les réformistes veulent toujours avoir recours à l'arbitrage des propositions finales. Encore des bêtises. Ceux qui seraient intéressés à lire ce que j'ai déjà dit à propos de l'arbitrage des propositions finales n'ont qu'à consulter les comptes rendus des débats sur le projet de loi C-19. On en a parlé à de nombreuses reprises. En fait, j'en étais venu à penser que j'ennuyais carrément les députés avec mes nombreuses explications sur le recours à l'arbitrage des propositions finales. Je sais que ce n'est pas le cas de notre Président parce qu'il écoute toujours attentivement tout ce que je dis.
Nous sommes d'avis que l'arbitrage des propositions finales est un des outils auxquels nous devrions avoir recours dans les situations de monopole, lorsqu'il n'y a pas d'autres façons de fournir un service ou lorsque l'économie du pays est menacée directement et de façon importante.
J'espère que j'ai réussi à éclairer la situation. J'espère que mon collègue de Trois-Rivières est à l'écoute. Je suis persuadé qu'il l'est.
Nous voulons un processus de règlement juste et permanent. Nous croyons qu'il doit être mis en oeuvre et qu'il ne doit pas être sujet aux caprices du gouvernement. Les lois de retour au travail sont devenues tellement prévisibles que le syndicat et la direction en sont venus à compter dessus. Je ne comprends pas pourquoi ils font cela. C'est pénible pour tout le monde.
Une loi permanente qui imposerait l'arbitrage des propositions finales donnerait aux deux parties un mécanisme prévisible, avec des règles et du temps pour négocier. Cela ferait beaucoup pour inciter les parties à négocier et à le faire de bonne foi.
Je ne crois pas que nous devions minimiser l'incidence de ce conflit sur les emplois des Canadiens, l'importance de garder les Canadiens au travail.
Il vaut la peine de prendre les moyens de défendre et de préserver notre réputation en tant que fournisseur fiable. Comme je le disais, il faut beaucoup de temps pour acquérir une bonne réputation, et très peu de temps pour la perdre.
Un autre aspect dont nous devons être conscients, c'est qu'il y a des ports aux États-Unis qui ne sont pas si loin de Vancouver et qui sont probablement tout aussi bons, où il n'y a pas de glaces et qui sont accessibles pour les Canadiens de l'Ouest. L'ouest du Canada ne peut pas se permettre de perdre une part de son marché au profit de ports de la côte ouest américaine. Les emplois créés en Colombie-Britannique grâce à ce port et à son trafic maritime valent certainement la peine d'être défendus.
Il y a aussi les agriculteurs, leurs villes et leurs familles. C'est la période de l'année où le grain engrangé doit être transporté. Ils souffrent déjà assez de la faiblesse des prix des produits agricoles. Mon collègue de Selkirk—Interlake a mentionné qu'ils n'ont aucun contrôle sur le coût de leurs intrants. Le coût du carburant, des engrais ou des machines, le loyer foncier, l'impôt foncier et le prix d'achat des terres, tous ces coûts grimpent sans cesse et il est de plus en plus difficile de se lancer en affaires dans le secteur agricole. Il est de plus en plus difficile de maintenir à flot une entreprise agricole.
Au cas où je ne l'aurais pas encore mentionné, je sais de quoi je parle puisque je travaille dans ce domaine depuis 31 ans. Je vis toujours dans une collectivité agricole. J'ai de nombreux voisins qui, tout en vivant surtout du commerce du bétail, expédient du canola, du blé, de l'orge de brasserie et de l'orge fourragère.
Dans la région que j'habite, la plus grande partie du grain sert à nourrir le bétail. Cela étant dit, loin de moi l'idée de chercher à minimiser l'importance du transport du grain car il y a sûrement dans notre région des agriculteurs qui cultivent des céréales ainsi que des graines oléagineuses pour l'exportation. Pour eux, pour maintenir leur entreprise en activité, il est absolument indispensable d'avoir un système fiable et abordable pour expédier leurs produits vers les ports et de là, vers les océans.
Or, chaque fois qu'un arrêt de travail se produit dans le secteur national du transport du grain, le gouvernement en poste, quel qu'il soit d'ailleurs, se tord d'abord les mains de désespoir. Sa première réaction, semble-t-il, c'est de recourir à une loi forçant le retour au travail. Ce n'est pourtant pas une solution.
Il nous faut trouver des moyens novateurs qui débouchent sur une solution menant à une résolution négociée de ce conflit et tout mettre en oeuvre pour que notre grain soit expédié vers les ports, vers les océans et vers nos clients dans les délais prévus.
M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans ce débat car je voudrais insister sur la gravité de la situation, en particulier pour les agriculteurs de l'Ouest.
Je partagerai mon temps avec mon collègue.
Pour commencer, je voudrais décrire un peu mes antécédents car c'est un domaine qui me touche de près. En fait, j'ai été un chef de file du secteur agricole de l'Ouest pendant une décennie et demie. J'ai défilé dans les rues avec l'Alliance de la fonction publique du Canada parce que je crois fermement à la négociation collective.
J'utiliserai le terme «otage». Les agriculteurs des Prairies sont des tierces parties victimes. Ils ont été tenus en otage par l'Alliance de la fonction publique du Canada et la direction de l'Alliance de la fonction publique le sait parfaitement. D'autres options s'offraient à eux. Ils les ont repoussées.
Le député de Winnipeg—Transcona a aussi employé le terme «otage». J'utiliserais quant à moi le même terme contre tout capitaliste ou toute société qui emploie ces tactiques.
Avec les faibles rentrées d'argent que connaissent déjà les agriculteurs de l'ouest du Canada depuis un an—quatre dans le cas agriculteurs du nord-ouest de la Saskatchewan—les agriculteurs n'ont pas besoin d'un problème supplémentaire dû à des événements indépendants de leur volonté. Le manque de liquidités et le programme d'aide pour les sinistrés que nous avons dû mettre en place, il sera difficile d'atteindre les objectifs et d'assurer aux agriculteurs les fonds dont ils ont besoin.
Les perturbations causées par les actions de l'Alliance de la fonction publique du Canada auront un impact sur les ventes futures. Je rappelle les propos tenus aujourd'hui par le ministre de l'Agriculture. Il a dit: «...le cours du grain est déjà assez faible sans qu'autre chose vienne réduire le revenu des agriculteurs canadiens. La Commission canadienne du blé nous informe qu'elle a malheureusement perdu une vente de 9 millions de dollars, dans les 48 dernières heures, parce qu'on doute de la fiabilité de notre système de livraison.»
Je répète que les dirigeants de l'Alliance de la fonction publique du Canada savent cela. Ils le savaient avant même de prendre ces mesures.
La Commission canadienne du blé a aussi émis un communiqué de presse dans lequel elle a fait savoir en substance qu'elle avait perdu, au cours des deux jours précédents, une vente de 9 millions de dollars canadiens à un acheteur asiatique et qu'elle en avait perdu plusieurs autres à des acheteurs d'autres régions du globe parce qu'elle ne pouvait pas garantir que les livraisons aux navires prêts à partir seraient faites à temps.
Voilà un problème grave.
Comment concilier cela avec le processus de négociation collective? L'Alliance de la fonction publique du Canada disposait-elle d'autres solutions? En fait, les mesures qu'elle avait prises antérieurement, mais que nous avions pu contourner, consistaient à faire pression sur le gouvernement et sur l'industrie afin d'en arriver à une entente négociée. Il y avait certainement d'autres formules à employer.
Je m'interroge sur les dirigeants de l'Alliance. En fait, je crois que les membres de l'Alliance devraient aussi s'interroger sur leurs dirigeants à cause des mesures qu'ils ont prises, parce qu'ils incitent le gouvernement, qui croit fermement à la négociation collective, à envisager de présenter un projet de loi de retour au travail. Je crois qu'il y aurait lieu d'interroger les dirigeants de l'Alliance au sujet des tactiques qu'ils ont employées et qui tiennent les agriculteurs canadiens en otage.
Je dis que les mesures qu'a prises l'AFPC à Vancouver étaient inutiles. Elles ne font que causer du tort au secteur agricole et empêchent les membres de l'AFPC de parvenir à un règlement négocié. Ils ont commis une erreur. Ils se sont trompés en utilisant Vancouver comme cible des pressions pour paralyser entièrement les activités et ils ont sérieusement nui à la capacité et à la réputation de notre pays d'approvisionner les marchés internationaux en grains.
À l'heure actuelle, 17 navires sont oisifs ou attendent de charger des grains, et ce nombre augmentera. Si les grévistes restent sur place pendant environ trois semaines, il pourrait y avoir 35 navires dans le port qui attendent de charger les grains, des grains d'une valeur de 230 millions de dollars. Il s'agit d'une grosse somme dans n'importe quel contexte, mais pour les producteurs de grain canadiens, c'est plus qu'un chiffre, c'est leur moyen de subsistance.
Je comprends ce que certains députés ont dit au sujet du ralentissement du traitement des déclarations de revenus. La situation est effectivement sérieuse. Elle se produit dans ma propre circonscription. Toutefois, les revenus viendront un jour ou l'autre. À Vancouver, on cible expressément les silos terminus, ce qui met en péril les moyens de subsistance. Il ne s'agit pas seulement de ralentir les revenus.
En temps normal, on reconnaît d'emblée l'importance du travail qu'accomplit la Commission canadienne des grains pour assurer le transport sûr et systématique des grains partout au Canada. La commission joue un rôle crucial pour appuyer l'industrie céréalière, établir les normes, effectuer la recherche sur la qualité des céréales, offrir les services d'inspection et de pesée, et réglementer le système pour garantir une livraison sûre et fiable.
Compte tenu des conditions difficiles qui prévalent, nous devons des félicitations aux responsables de la commission. Leurs efforts pour assurer le transport du grain, en dépit de la grève de l'AFPC et d'autres embûches, sont encore plus importants. Les membres de la Commission canadienne des grains ont suivi la situation de près et ont réagi directement pour que le transport du grain se poursuive le mieux possible. Ils fournissent toujours des efforts en ce sens et je pense que tous les députés apprécient le travail qu'ils font pour que les produits des agriculteurs canadiens se rendent sur les marchés qui demandent clairement à les acheter.
Des grèves tournantes perturbent le transport du grain depuis le 18 janvier. La première dans le port de Vancouver a eu lieu le 25 janvier. Il vaut la peine de souligner qu'il n'y a jamais eu d'interruption complète et que le transport s'est poursuivi grâce aux gestionnaires de la Commission canadienne des grains qui ont fait de leur mieux pour que les chargements et les expéditions continuent.
Nous avons parlé d'un effort transcanadien parce que certains des gestionnaires en question sont des peseurs de grains chevronnés. Il n'y en a que sept au Canada et ils ont réussi à assurer le mieux possible le transport du grain, en dépit de circonstances très difficiles.
L'Alliance de la fonction publique du Canada faisait pression. Le grain était acheminé. Les moyens de subsistance n'étaient pas sérieusement menacés. La tactique aurait pu favoriser un règlement par voie de négociation et éviter une loi de retour au travail, comme on peut l'envisager maintenant par suite de la décision prise par les dirigeants de l'AFPC.
Aujourd'hui, mon bureau de circonscription dans l'Île-du- Prince-Édouard a été occupé par environ 25 membres de l'AFPC qui participaient à la grève tournante. Ils ont exposé leurs griefs d'une façon très sérieuse, très mesurée et, à mon avis, très légitime. Ils ont fait connaître leurs préoccupations.
Une de leurs principales préoccupations a trait aux taux de rémunération régionaux. Je puis comprendre cela. Je m'adresse au président du Conseil du Trésor quand je dis ceci. Le gouvernement doit retourner sérieusement à la table de négociation et réfléchir sérieusement à la question des taux de rémunération régionaux. Il a fait des efforts raisonnables sur ces points, mais la négociation se fait à deux, et le gouvernement devrait peut-être faire des efforts un peu plus vigoureux pour régler ce problème du point de vue de la justice et de l'équité.
Dans un avenir rapproché, je vais signaler au président du Conseil du Trésor le fait que les membres de l'AFPC m'ont dit dans ma circonscription que 97 p. 100 jouissaient de taux de rémunération régionaux. Je ne sais pas si c'est exact ou non. Si le problème concerne 3 p. 100 seulement des travailleurs, pourquoi leur refuse-t-on le même avantage? Je soulèverai plus tard par lettre cette question auprès du président du Conseil du Trésor.
Il faut en effet régler ce problème. Il se trouve que les initiatives qui ont suscité le débat d'urgence de ce soir ont été prises par l'Alliance de la Fonction publique du Canada qui a pris pour cible et interrompu la manutention du grain au port de Vancouver. Il y avait d'autres mesures possibles. La direction du syndicat a compromis la possibilité de parvenir à un règlement à la table de négociation. J'encourage les membres de l'AFPC à faire savoir à leurs dirigeants qu'ils doivent retourner à la table, qu'ils doivent négocier de bonne foi et qu'ils ne devraient pas prendre d'initiatives susceptibles de ruiner le gagne-pain de tierces parties qui en sont victimes.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer à l'important débat de ce soir sur le transport du grain et les perturbations actuelles dans le port de Vancouver.
Les députés ministériels reconnaissent, comme ceux d'en face, qu'il est important de résoudre rapidement le conflit de travail à cause de ses conséquences pour le transport du grain.
Le Canada est un pays commerçant. C'est particulièrement vrai du secteur du grain. Les acheteurs étrangers préfèrent le grain canadien à celui de la plupart des autres pays à cause de la qualité de notre produit. Ces acheteurs comptent sur nous pour leur fournir un produit de qualité, et ils veulent avoir des approvisionnements sûrs.
Ces dernières années, le gouvernement a travaillé en étroite collaboration avec toute l'industrie canadienne du grain en vue d'améliorer notre performance en matière d'exportation et de prendre des mesures pour limiter les perturbations dans l'exportation du grain. Nous avons modifié le Code canadien du travail pour que les débardeurs continuent d'assurer des services pendant les grèves ou les lock-out. Plus récemment, nous avons reçu le rapport Estey traitant de la manutention et du transport du grain. S'appuyant sur le rapport du juge Estey, le gouvernement continuera de prendre des mesures pour améliorer les systèmes de manutention et de transport du grain.
Nous prenons ces initiatives pour fournir à nos acheteurs une source fiable d'approvisionnement en grain. Nous ne voulons pas compromettre les gains que nous avons enregistrés. C'est pourquoi le gouvernement est fermement déterminé à mettre fin aux perturbations actuelles.
Nous reconnaissons également que nos producteurs et d'autres éléments de ce secteur sont des tierces parties innocentes qui font les frais du différend. Nous reconnaissons les répercussions financières à court et à long terme des ventes perdues. Nous avons appris plus tôt que nous avions déjà perdu un contrat dans les 48 dernières heures.
Les Canadiens en général ne savent peut-être pas à quel point le secteur des céréales et des oléagineux est important pour l'économie canadienne. La vente de céréales, d'oléagineux et de produits connexes injecte quelque 12 milliards de dollars par année dans nos finances nationales. Cette grève aura des répercussions dans tout le Canada.
La valeur des exportations canadiennes de ces produits a été estimée à plus de 6 milliards de dollars en 1998. Ces produits sont expédiés dans le monde entier. Notre principal client pour le grain a déjà été le Royaume-Uni, mais il est aujourd'hui l'Asie. En outre, nous avons mis au point des produits pour des marchés très spécialisés dans des pays comme la France et le Brésil.
Je puis assurer aux députés que, lorsque cet arrêt de travail sera terminé, nous collaborerons avec le secteur industriel pour garder la confiance des acheteurs de grain. De concert avec le secteur agricole et agroalimentaire du Canada, nous rappellerons aux acheteurs que ce secteur est un fournisseur fiable de produits sûrs et de qualité.
Comme le dit souvent le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, la feuille d'érable est un symbole de qualité dans le monde entier. Je suis persuadé que nous en sommes tous fiers et que nous voulons faire tout notre possible pour que cela continue.
La valeur de nos exportations annuelles de produits agricoles et agroalimentaires a excédé les 20 milliards de dollars au cours des deux dernières années. Le secteur industriel tient à ce qu'elle augmente d'année en année. Nous nous sommes fixé comme objectif de posséder 4 p. 100 du marché mondial des produits agricoles et agroalimentaires d'ici à l'an 2005. Ce serait magnifique pour tous les Canadiens. Le gouvernement s'est engagé à aider l'industrie à atteindre cet objectif. Nous travaillons d'arrache-pied pour améliorer l'accès à nos marchés d'exportation et pour aider l'industrie à promouvoir ses produits dans le monde entier.
Lors de la prochaine série de négociations de l'Organisation mondiale du commerce qui auront lieu à la fin de l'année, nous préconiserons un système d'échanges commerciaux agricoles plus ouvert, équitable et axé sur les marchés. Un des principaux objectifs du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, c'est que les négociations de l'OMC soient couronnées de succès. Pas plus tard que la semaine dernière, à l'occasion d'une visite au Japon, c'est ce que le ministre a dit à des représentants d'organisations industrielles, du gouvernement et autres. Je sais que les députés conservateurs et bloquistes qui accompagnaient le ministre et qui ont constaté l'excellent travail accompli par le Canada reconnaîtront les efforts que le ministre a déployés la semaine dernière.
Le ministre a aussi rencontré plusieurs acheteurs de céréales et d'oléagineux. Ces acheteurs sont au courant de la situation actuelle au Canada et ils ont demandé des garanties d'approvisionnement.
Depuis son retour au Canada, le ministre a été en rapport avec des représentants de l'industrie céréalière et avec ses homologues provinciaux. Le ministre est parfaitement conscient des répercussions des perturbations au port de Vancouver et personne n'est plus impatient que lui de voir la situation se régler rapidement.
À titre de député, je souhaite que cessent rapidement le piquetage et les perturbations causées à l'acheminement du grain par le port de Vancouver.
Nous reconnaissons qu'il y a beaucoup de choses en jeu, non seulement pour le secteur des céréales et des oléagineux, mais aussi pour l'ensemble de l'économie canadienne.
Ce soir, nous parlons de l'une des deux plus importantes denrées alimentaires dans le monde. Je suis convaincu que l'on dirait que la matière première la plus importante est l'eau et, Dieu merci, nous en avons beaucoup. Mais la nourriture vient certainement au deuxième rang. Nous parlons ce soir du transport de nourriture. Il y a des gens partout dans le monde qui attendent cette nourriture et qui comptent sur cette dernière pour assurer leur survie.
Je pense que le député de Winnipeg—Transcona reconnaîtra que le transport du grain est pour le bien de tous les gens.
Le comité du DRH a entendu de nombreux témoins au moment de la modification du Code du travail afin d'assurer le transport du grain des prairies de ce grand pays jusqu'à la côte ouest, en passant par les Rocheuses. Bon nombre des témoins ont déclaré que nous ne pouvons accorder au grain un traitement différent ce celui qui est réservé à d'autres matières premières. Toutefois, le grain est un aliment et nous devons lui accorder un traitement qui diffère légèrement de celui que nous réservons au charbon ou au soufre ou à la potasse. C'est un aliment, et il n'y a rien de plus important.
Je suis heureux de constater, comme c'est sûrement aussi le cas de l'opposition, que le gouvernement appuie les agriculteurs de l'Ouest, car nul ne travaille avec plus d'acharnement que le producteur de grain. Nos agriculteurs font chaque jour face à toute une gamme de risques, qu'il s'agisse de la température, des ennemis des cultures, de la maladie, des fluctuations du marché ou de la concurrence féroce.
J'ai honte lorsque je vois les prix que nos agriculteurs obtiennent pour ce merveilleux produit, le meilleur grain au monde. Toutefois, ce n'est pas une situation qui nous est propre. C'est un défi que doit relever le Canada, mais il n'est pas le seul à y être confronté. Partout dans le monde, les prix du grain sont à un niveau plus bas que celui qui avait cours pendant les difficiles années 30. Nous devons donc travailler ensemble.
Je suis heureux que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ait annoncé le mois dernier les détails du programme d'aide en cas de catastrophe lié au revenu agricole. Le gouvernement est fier d'appuyer ses producteurs. Nous sommes fiers d'avoir le soutien des autres partis ce soir. Je sais qu'ils ont fait quelques observations concernant le sort à réserver au Code du travail dans l'avenir, mais ce soir et demain nous devons travailler ensemble afin que le transport du grain reprenne et que nous puissions contribuer à nourrir l'univers.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, le débat d'urgence demandé par le député de Selkirk—Interlake a pour objet de faire pression sur le gouvernement pour forcer le retour au travail des cols bleus à l'emploi du gouvernement fédéral, lesquels sont affectés au chargement du grain dans le port de Vancouver.
Ces 70 employés sont membres de l'Alliance de la Fonction publique du Canada qui, actuellement, est en conflit avec le gouvernement fédéral au sujet du renouvellement des conventions collectives.
Les fonctions exercées par ces employés se font dans le cadre de la Loi sur les grains du Canada, et l'utilisation de travailleurs de remplacement est interdite dans ces cas.
Jusqu'au 14 mars dernier, la grève des employés de l'Alliance de la Fonction publique du Canada se faisait sur une base rotative, ce qui permettait, malgré tout, la circulation du grain.
Cependant, cette situation a changé lorsque les employés des silos d'exportation de grain ont érigé des piquets de grève aux cinq terminaux de grain de Vancouver, le 15 mars dernier. Ce faisant, les autres travailleurs des terminaux ont refusé de franchir les piquets de grève, et maintenant, le grain ne peut plus être chargé sur les bateaux. Bref, il ne peut plus circuler, d'où la crise que nous vivons présentement.
Le Québec n'est pas ou peu impliqué dans ce conflit local entre la Commission canadienne du blé et l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Mais l'on ne peut être insensible à la situation.
Cette grève entraîne des coûts importants pour les fermiers de l'Ouest qui, comme ceux du Québec et de l'Est, vivent une crise importante au chapitre de leurs revenus.
Je pourrais reprendre les propos du collègue qui m'a précédée, en disant qu'il est honteux pour la qualité des grains et des produits qu'on met sur le marché au pays, qu'il y ait des prix si bas dans le contexte actuel.
Cette grève fait perdre beaucoup d'argent à la Commission canadienne du blé qui affirmait, hier, avoir perdu un important contrat de neuf millions, ainsi qu'avoir dû annuler plusieurs autres contrats, faute de pouvoir garantir la disponibilité du produit à l'endroit voulu et en quantités nécessaires.
La réputation de la Commission canadienne du blé et, indirectement, celle des fermiers de l'Ouest en prennent un coup. Dans les ventes à l'exportation, la qualité des grains n'est pas mise en doute, mais notre capacité de livraison avec régularité l'est. Les dates de livraison de nos contrats de vente doivent être respectées; nos clients exigent la fiabilité de nos envois.
Effectivement, lors du récent voyage que le ministre de l'Agriculture a fait au Japon, un des premiers critères d'exigence était la fiabilité des envois de blé, d'orge ou de tout autre produit dans leur pays.
La situation des fermiers de l'Ouest est tragique au point où, d'une part, le ministre de l'Agriculture introduit un programme spécial pour leur venir en aide. Est-ce que son collègue du Conseil du Trésor serait plus insensible?
La crise qui sévit actuellement à Vancouver et dans l'Ouest en général serait peut-être moins importante si le Québec, l'Ontario et les Maritimes avaient leur juste part quant au transport du grain. En effet, le récent rapport du juge Estey, qui porte sur un examen détaillé de l'industrie céréalière, montre que le Québec, l'Ontario et les Maritimes sont victimes d'une discrimination de la part de la Commission.
À cet égard, le rapport Estey note, et je cite:
Nous recommandons que le gouvernement fédéral travaille avec l'administration de la Voie maritime à encourager l'utilisation de cette dernière pour la circulation bidirectionnelle de marchandises entre le centre du Canada et des États-Unis, d'une part, et l'Atlantique Nord et l'Atlantique Sud, d'autre part. Nous recommandons aussi que la Commission continue de faire tout son possible pour stimuler la vente de grain relevant de la Commission aux marchés que la Voie maritime peut desservir de façon économique.
Diversifier les modes et les lieux de transport diminue les risques de crise et les tensions. Les gens du Québec, de l'Ontario et de l'est du pays seraient plus sensibilisés à la question des grains s'ils avaient leur part du marché lorsqu'il s'agit du transport.
Mais le recours à une loi spéciale doit être une mesure de dernier recours. Est-ce que tous les autres recours ont été épuisés? Nous croyons que non. Faire la grève constitue un droit pour les travailleurs, un droit fondamental, et une loi spéciale abolirait ce droit.
Plutôt que d'exiger une loi spéciale, on doit exiger du gouvernement qu'il négocie de bonne foi. La liberté syndicale existe en principe au Canada, et les travailleurs, lorsqu'ils ont de bonnes raisons de le faire, vont en grève. Cela fait partie d'un juste rapport de force, sauf si l'employeur, qui se trouve à être également le gouvernement, abuse de son pouvoir législatif. Le recours à une loi spéciale ne doit être utilisé, je le dis et je le répète, qu'en dernière instance.
J'ai été assez heureuse d'entendre que ce n'était pas nécessairement cela qu'on demandait aujourd'hui. Ce qu'on demandait surtout, c'était d'appuyer sur l'effet économique de la crise, et je dirais même psychologique, parce qu'autant les travailleurs que les fermiers en subissent les contrecoups.
Notre formation politique trouve inacceptable que l'on enlève à des travailleurs leur droit d'exprimer leur dissidence, si on en vient à ce dernier recours, soit une loi spéciale.
Pour cette raison, nous nous opposons donc à une loi spéciale et demandons au gouvernement de négocier de bonne foi, le plus rapidement possible, avec ses cols bleus qui font une grève légale, en tenant compte de l'impact négatif créé par l'actuelle situation où les fermiers sont, une fois de plus, les boucs émissaires, les otages d'un gouvernement léthargique qui ne se soucie guère des droits et des intérêts des citoyens.
Il faut que les négociations aboutissent, qu'elles se poursuivent avant d'en arriver à une mesure de dernier recours, soit la loi spéciale. Au fond, nous reconnaissons tous qu'il y a une crise et nous voulons donc que prenne fin cette grève par une entente négociée, dans les plus brefs délais.
[Traduction]
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, nous abordons votre sujet préféré, l'agriculture. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup, moi aussi. Il fait bon de voir que vous écoutez attentivement tout ce qui se dit ce soir.
Ce sont les réformistes qui ont demandé un débat spécial pour discuter de cette question. Mon propos se résume à ceci: ce sont d'innocentes tierces parties comme les agriculteurs qui sont durement touchées par cette grève à propos de laquelle elles ne peuvent rien.
Les agriculteurs des prairies sont déjà dans une situation difficile. Cette grève leur fait énormément de tort. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités, car il a laissé la situation s'envenimer. Ce n'est pas la première fois que nous sommes aux prises avec ce problème. C'est du déjà vu.
La situation ne peut plus durer. Nous proposons des solutions depuis plusieurs années, comme l'arbitrage des propositions finales. Les problèmes que connaissent les agriculteurs ne sont pas causés par un groupe ou une personne en particulier. Certains en imputent la faute aux compagnies de chemins de fer, à la Commission canadienne du blé, aux sociétés céréalières ou aux syndicats.
La responsabilité première revient au gouvernement. Il aurait pu appliquer une solution. Il ne l'a pas fait. Le gouvernement a le pouvoir de réunir tous les intervenants pour tenter de régler les problèmes de manutention et de transport des céréales.
Cela ne paraît peut-être pas de l'extérieur, mais je bous et je crie en dedans. Nous revenons toujours sur cette question. La solution est connue, mais nous ne réglons pas le problème. Il faut intervenir pour régler les problèmes de manutention et de transport des céréales que nous connaissons dans les prairies.
Les gens ont du mal à m'entendre lorsque je m'emporte, alors je tenterai de rester calme pendant mon intervention. Mais je ne peux dire à quel point cette question est importante aux yeux de mes électeurs.
Je lancerai une bombe un peu plus tard au cours de mon intervention. Les députés peuvent attendre. Le président du Conseil du Trésor a déclaré que la grève commençait à nuire au commerce du grain des Prairies. Je pouvais à peine en croire mes oreilles. Les conséquences s'en font sentir depuis un mois. J'ai fait quelques appels téléphoniques dans ma circonscription aujourd'hui. Mon personnel, à Yorkton, a communiqué avec quelques personnes.
Voici ce qui s'est passé aujourd'hui. À Foam Lake, la Saskatchewan Wheat Pool déclare que les appels pour le grain de la Commission canadienne du blé ont complètement cessé. Au cours des deux dernières semaines, pas un boisseau de blé de la commission n'a été accepté. Leur élévateur est plein. Le résultat, c'est que les producteurs amènent leur grain à d'autres élévateurs, comme celui de ConAgra, à Yorkton. Mon contact estime que la grève sur la côte ouest coûte 100 tonnes par jour à son élévateur. Il est impossible de le transporter. Il y a déjà paralysie.
La Saskatchewan Wheat Pool à Sturgis n'a pas chargé un seul wagon depuis le début de janvier. Il ajoute que la grève empêchera l'élévateur d'accepter un seul wagon de grain.
La plupart du grain qui part de l'élévateur est maintenant transporté par camions. Cependant, les restrictions s'appliqueront bientôt sur les routes. Les gros camions ne pourront plus circuler sur les routes secondaires. Cela signifie que toutes les activités cesseront complètement à moins de réussir à obtenir des wagons.
À Kelvington, United Grain Growers affirme que les appels liés à ses contrats et le nombre de wagons qui lui sont attribués ont lentement décliné au cours des dernières semaines. L'organisme dit que le transport du grain de la Commission canadienne du blé a à toutes fins utiles cessé.
Il n'y a pas d'expédition de canola. Il arrive sur la côte ouest, mais la grève a tout simplement interrompu toutes les ventes. Le porte-parole ajoute que seulement 19 wagons ont été remplis à l'élévateur de l'organisme depuis janvier. Six mille tonnes de grain de moins que l'an dernier à la même date ont été transportées. Il y a un ralentissement général du transport du grain qui est attribuable à la grève actuelle.
Beaucoup de gens qui suivent notre débat ce soir ne sont pas conscients des ramifications de la grève. Ils ne se rendent pas compte jusqu'où elle se fait sentir lorsqu'elle survient sur la côte ouest.
Voici l'histoire d'un camionneur d'Invermay, dans ma circonscription, qui avait planifié une semaine de transport de grain. Il devait aller chercher de l'avoine, de l'orge, du blé et du canola chez les producteurs et transporter tout cela aux silos locaux. Les exploitants des silos ont maintenant appelé les producteurs et le camionneur, qui a dû annuler ses activités de la semaine.
Les silos n'ont pas assez de place pour entreposer tout le grain que le camionneur a à transporter. Ce dernier, évidemment, perdra bien plus qu'une semaine de travail. Ce camionneur se sert d'un très gros camion et, bientôt, il ne pourra pas emprunter les routes secondaires avec son camion à cause des restrictions routières décrétées tous les printemps. Cela signifie que les agriculteurs devront s'adresser à des camionneurs disposant de plus petits camions ou chargeant leurs camions à moitié. Il en coûtera une fortune aux producteurs pour faire transporter leur grain en petites quantités de leur ferme aux silos. Les grandes entreprises de camionnage perdront plus d'une semaine de travail parce que leurs camions ne pourront prendre la route dans peu de temps et qu'ils n'auront aucun revenu pendant quelques semaines.
Cette grève ne fait pas que toucher les agriculteurs. Elle touche les transports, notamment. J'espère que le gouvernement est à l'écoute et qu'il agira immédiatement. Je suis très déçu que le gouvernement ne règle pas le problème des arrêts de travail dans ce secteur. Il n'y a pas de ministres ici présents...
La présidente suppléante (Mme Thibeault): À l'ordre, s'il vous plaît.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Excusez-moi, madame la Présidente. J'ai écouté le discours du ministre et il ne renfermait aucune solution.
Le gouvernement est parfaitement au courant. Il a cité un communiqué de la Commission canadienne du blé disant que la commission avait perdu 9 millions de dollars en ventes à des acheteurs asiatiques au cours des 48 dernières heures. Elle avait dû renoncer à des ventes à plusieurs autres clients dans d'autres régions parce qu'on ne pouvait garantir la livraison dans les délais voulus.
La commission ajoute que les deux parties directement en conflit doivent parvenir à une solution ou que le gouvernement doit agir immédiatement. Cette grève nuit à la réputation du Canada en tant que fournisseur fiable. Aujourd'hui, il y a 11 navires attendant dans le port du blé de la Commission canadienne du blé. Cela fait beaucoup de grain, juste pour la commission.
Le dirigeant de la commission a également déclaré que la perte de clients était coûteuse non seulement pour les agriculteurs de l'Ouest, mais pour l'économie canadienne dans son ensemble à la suite de pertes directes de recettes, de l'incertitude sur le marché du fret maritime, de la baisse de la capacité de transport et de la baisse de la confiance des consommateurs. On ne peut remédier à cela facilement. C'est grave. Cela touche tous les Canadiens, même s'ils n'en sont peut-être pas conscients.
J'ai des sources confidentielles. Je vais vous dire certaines choses qu'on m'a dites à ce sujet. La première interruption des services a commencé à 23 heures le dimanche 24 janvier. Je rappelle aux députés que nous sommes le 18 mars. Le 24 janvier, il y a eu déjà une interruption des services. Le 28 janvier 1999, les compagnies céréalières ont comparu devant le Conseil canadien des relations industrielles présidé par Paul Lordon pour qu'il prenne une décision aux termes du paragraphe 87(7) de la partie I du Code canadien du travail.
On nous fait l'impression que tout cela est nouveau et que c'est en train de se produire. Mais le gouvernement savait depuis longtemps que cela se produirait. Il y a un mois et demi qu'il le sait. Cette source dit aussi que les peseurs de la Commission canadienne des grains sont en grève et qu'ils font du piquetage aux cinq terminaux céréaliers. Ce sont quelques faits seulement. Il y a cinq navires à quai, et onze autres attendent de pouvoir accoster. Ces seize navires pourraient emporter quelque 370 000 tonnes de grain. Parmi eux, la Commission canadienne du blé possède deux de ceux qui sont à quai et cinq de ceux qui attendent. Et sept autres navires devraient arriver cette semaine.
CP Rail ne fournit de wagons vides nulle part au pays à compter d'aujourd'hui, et j'ai déjà donné des exemples de cela. Il a annulé toutes les attributions de matériel roulant faites pour la semaine prochaine. Le CN fait savoir, quant à lui, qu'il ne fournit des wagons vides aujourd'hui que là où il n'y en a pas déjà et qu'il n'en fournira pas la semaine prochaine.
Le CN a 19 trains constitués et prêts à partir, mais immobilisés à Vancouver. Il a aussi 3 400 wagons chargés près de Vancouver, alors que CP Rail en a 2 300 pleins en attente. À l'heure actuelle, le CN a 700 wagons immobilisés à Vancouver, tandis que CP Rail a 850 wagons chargés.
Aucun des deux transporteurs ne libère de wagons pour Vancouver. Jusqu'à maintenant, ils ont perdu 2 935 wagonnées à Vancouver. L'industrie compte en perdre 4 200 cette semaine et la semaine prochaine si la grève et le piquetage se poursuivent. Chaque semaine par la suite, nous perdrons 2 750 wagonnées par semaine.
Les pertes s'évaluent en millions de dollars, et la plupart des Canadiens n'ont pas la moindre idée à quel point cela nuit aux producteurs des Prairies. Jusqu'à maintenant, ils ont perdu quelque 642 150 tonnes.
Quelles sont les implications de tout cela? La réputation de fournisseur fiable de grain dont jouit le Canada va en souffrir énormément, et cette perte de réputation pourrait se traduire en pertes de ventes à l'avenir. La situation est très grave. Cela ne va pas nous nuire à court terme seulement, mais pendant longtemps. Cette affirmation est le fruit de conclusions tirées de diverses études et données gouvernementales. Ce n'est pas que nous ou cette source qui le disons. Le groupe de travail Sims, la Commission d'enquête industrielle et le groupe sur la commercialisation du grain de l'Ouest ont tous été on ne peut plus clairs à cet égard.
À l'heure actuelle, il en coûte beaucoup plus cher aux sociétés céréalières pour vendre moins de tonnes. Les grèves tournantes ont entraîné une baisse de 50 p. 100 de la productivité. Quelque 700 employés qui n'ont rien à voir avec la grève, travailleurs du grain, débardeurs et pilotes de navires, ne touchent rien entre-temps. Ces difficultés auxquelles se heurtent le système ferroviaire vont empêcher les producteurs utilisant des silos primaires d'expédier leur grain, entravant ainsi leurs rentrées de fonds, si nécessaires à cette époque de l'année où ils se préparent pour les semailles du printemps.
Il est déraisonnable de permettre à 70 employés, qui font partie d'un groupe beaucoup plus grand il est vrai, de faire tant de tort aux 100 000 céréaliers, sans compter les 700 employées travaillant pour des sociétés et des milliers d'employés du chemin de fer. On ne saurait tolérer que 70 employés de la commission du blé mettent en péril l'avenir les contrats de vente d'agriculteurs qui n'ont rien à voir avec ce conflit.
Le président du Conseil du Trésor doit explorer les options qui amèneraient ou obligeraient ces employés à rentrer au travail. Le ministre doit également songer à modifier la Loi sur la Fonction publique, plus précisément le paragraphe 87(7) de la partie I.
J'ai prévenu que je ferais une déclaration qui aurait l'effet d'une bombe. La voici. Dès janvier, le ministre savait que ces arrêts de travail allaient avoir lieu. Il aurait donc pu faire quelque chose il y a déjà six semaines. Dans une lettre datée du 27 janvier 1999, il a été informé du problème, tout comme le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, le ministre des Transports, le ministre responsable de la Commission canadienne du blé et le ministre du Commerce international. On les prévenait clairement du problème, mais ils n'ont rien fait.
La Commission canadienne des grains a fourni six superviseurs, qui font de leur mieux pour remplacer un effectif de plus de 70 employés. Même si ces employés ne font pas de piquetage, le fait qu'il y ait si peu de remplaçants a pratiquement arrêté les opérations dans le port. On l'a dit cela aux ministres. Le résultat de tels arrêts de travail a déjà empêché le déchargement de plus de 700 wagons par jour, empêchant du fait même le chargement d'environ 275 000 tonnes de grain. L'arriéré accumulé du fait qu'on ne décharge pas les wagons entraînera des coûts de l'ordre de millions de dollars pour les producteurs de grain canadiens, et aura des répercussions sur nos importantes relations commerciales avec des acheteurs étrangers. Je tire tout cela d'une lettre remise le 27 janvier.
L'industrie canadienne du grain et, surtout, les agriculteurs de l'Ouest sont à la merci de ces peseurs. On l'a souligné au ministre. Nous ne voulons pas dire qu'une loi de retour au travail soit la seule solution. Nous demandons la coopération de toutes les parties, y compris du gouvernement fédéral, pour faire en sorte que les conséquences soient le moins graves possible pour les agriculteurs de l'Ouest, pendant ce temps. C'est dans cet esprit que les députés veulent trouver des solutions à la situation actuelle. Le gouvernement a été mis au courant longtemps d'avance, et il aurait pu prendre des mesures en conséquence, mais il n'a rien fait durant six semaines.
Les coûts indirects pour les agriculteurs pourraient représenter des millions de dollars. Quant à ce qu'il en coûte à la position concurrentielle du Canada, c'est bien difficile à déterminer. Il y a plusieurs mois de cela, Agricorp a accepté d'exporter du canola en Chine à un prix supérieur de 60 $ la tonne au prix courant. L'acheteur pourrait utiliser cet arrêt de travail comme prétexte pour ne plus respecter le contrat. Qui en souffrira? Les agriculteurs. Soixante dollars la tonne, c'est beaucoup d'argent.
On peut perdre quelques millions de dollars avec un seul navire. Un navire représente plusieurs centaines de millions de dollars. Le client serait bien content de rompre le contrat qu'il a signé.
Voici ce qu'a dit Deanna Allen, la porte-parole de la Commission canadienne du blé:
Si le conflit empêche la Commission de remplir une commande de blé à forte teneur en protéines qui rapporte un prix fort, la céréale va passer à des contrats d'un prix inférieur, ce qui fera diminuer le revenu net pour les producteurs. Nous risquons de subir une perte directe de revenus parce que nous ne sommes pas en mesure d'exécuter notre programme de ventes.
Les modifications apportées l'année dernière au Code du travail ont désigné les expéditions de céréales comme un service essentiel, ce qui empêche la plupart des dockers de déclarer la grève ou de subir un lock-out. Cependant, les modifications ne s'appliquaient pas aux membres de l'AFPC qui se trouvent en droit de déclarer la grève et aux 700 employés syndiqués des cinq terminaux de Vancouver qui ont refusé de franchir les piquets de grève.
Si les députés ont besoin de plus d'exemples et de plus de faits pour comprendre l'ampleur du problème, j'ajouterai que les acheteurs japonais de canola ont déjà exprimé leur inquiétude devant l'augmentation des navires bloqués au port de Vancouver. Deanna Allen, de la Commission canadienne du blé, a dit que des ventes de 9 millions de dollars n'étaient qu'un des éléments du problème. La Commission perd régulièrement des ventes de l'ordre de 2 à 10 millions de dollars en Amérique latine et en Asie. Ce sont des dollars très réels qui n'entreront pas dans l'économie de l'ouest du Canada ou de l'ensemble du Canada.
Il y a manifestement quelque chose qui cloche dans notre système de négociation. «Nous ne faisons pas partie du système, mais nous en payons le prix. Si les gens qui participent aux négociations étaient touchés financièrement, ils penseraient différemment.» Voilà ce que disait un agriculteur du Manitoba. Il ajoutait: «L'arrêt de travail nuit absolument à notre réputation de fournisseurs fiables. Nous pourrions perdre des clients pour toujours.»
Deanna Allen, de la Commission canadienne du blé, a dit qu'il n'y aurait pas de pénalités pour retard dans les expéditions de céréales, appelées surestaries. Il n'y en aura pas parce que le Vancouver Grain Exchange a publié une déclaration qui gèle tout le processus en raison de la grève. Cela veut dire qu'aucune surestarie ne peut être facturée avant 14 jours à compter de la fin de la grève et qu'aucun client ne peut annuler un contrat, a-t-elle dit, ajoutant que beaucoup de gens supposent automatiquement que des redevances seront facturées à cause de ce qui est arrivé il y a deux ans, lorsqu'il y a eu un retard admissible qui n'a pas été identifié immédiatement. Le fait qu'il n'y ait pas à payer de surestarie ne veut pas dire que nous ne perdrons pas notre clientèle. Nous allons perdre des ventes de grain, et cela va nous faire beaucoup de tort.
En tant que réformistes, nous avons proposé de recourir à l'arbitrage des propositions finales pour régler les questions en suspens dans les secteurs où le maintien du service est essentiel pour l'économie nationale. Nous voudrions veiller à l'acheminement continu du grain vers le marché. Selon certaines estimations, le système de manutention et de transport du grain dans l'Ouest du Canada accuse un manque à gagner de 500 millions de dollars rien que dans ma province. Cela montre bien qu'il faut faire quelque chose.
Je suis heureux d'avoir pu intervenir sur cette question ce soir. Je parle au nom des agriculteurs de ma région. Nous aimerions que le gouvernement fasse quelque chose, non pas qu'il se contente de trouver une solution à court terme, non pas qu'il se contente de faire quelque chose pour obtenir que les travailleurs reprennent le travail, mais qu'il trouve une solution à long terme de façon à ce que nous n'ayons pas à traiter tout le temps d'un autre aspect du problème. Nous devons trouver une solution à long terme aux problèmes de la manutention et du transport du grain. J'exhorte le gouvernement à agir immédiatement.
M. Lee Morrison: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. C'est très malheureux. Il serait préférable qu'il y ait quelques ministres sur place pour entendre cet important débat.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureuse de participer au débat. Je partagerai mon temps de parole avec mon collègue de Wentworth-Burlington.
J'aimerais parler des répercussions de cette grève sur le transport du grain. Il est très malheureux qu'un aussi petit nombre de membres de l'AFPC puisse prendre toute l'industrie canadienne du grain en otage et causer de graves difficultés financières aux producteurs de grains qui subissent déjà les contrecoups de la baisse des prix du grain sur le marché mondial. La grève des cols bleus de la fonction publique dure depuis près de neuf semaines déjà.
Pendant les quelques premières semaines, les peseurs de grains de la Colombie-Britannique et du Bas-Saint-Laurent au Québec ont exercé leur droit de vote en retirant leurs services. De temps à autre, ils ont empêché des cargaisons de grains de sortir du port de Vancouver, mais ils l'ont fait de façon sélective et ils n'ont pas empêché les débardeurs et les employés des silos privés d'entrer au travail. Ils ont causé des retards, mais ils n'ont pas empêché le chargement des navires.
Ce n'est que la semaine dernière qu'ils ont durci leur position et qu'ils ont commencé à faire du piquetage de façon permanente. Par solidarité, les débardeurs et les employés des silos à grains ont refusé de traverser les lignes de piquetage et ils ont paralysé le transport du grain à partir de Vancouver. Je viens de la région de Vancouver et tout cela nous préoccupe au plus haut point.
Les répercussions de la grève des quelques 70 peseurs de grains se font sentir dans tout le système. Un plus grand nombre de navires sont ancrés dans le port de Vancouver. La fin de semaine prochaine, il y aura plus de 20 navires qui attendront un chargement de grains à transporter vers l'Asie. Des milliers de wagons remplis de grains sont paralysés sur les voies de chemin de fer jusqu'au Manitoba.
Les agriculteurs ne sont pas payés pour les grains qui ne peuvent être expédiés. Nos clients commencent à exprimer des préoccupations au sujet de la réputation des exportations de grains canadiens. Les expéditions des grains à partir du port de Vancouver représentent environ 60 millions de dollars par semaine. Chaque jour que le système est paralysé, les coûts augmentent.
Nous tenons ce débat d'urgence, ce soir, en raison des mesures prises par l'Alliance de la fonction publique du Canada et ses membres. Ils ont rejeté toutes les offres que leur a faites le gouvernement. Pas plus tard que ce matin, on a annoncé que les fonctionnaires de l'Ontario ont accepté une offre qui prévoit une augmentation de salaire de 4,2 p. 100 sur trois ans. En comparaison, la dernière offre qu'a faite le gouvernement fédéral lorsque les pourparlers ont achoppé, le vendredi 12 mars, portait sur des augmentations de salaire d'un peu moins de 5 p. 100 sur deux ans.
Il ne convient peut-être pas de comparer l'offre salariale qui a été faite la semaine dernière aux travailleurs manuels du gouvernement fédéral à celle que le gouvernement de l'Ontario a présentée, car les conditions de travail et d'autres avantages ne sont peut-être pas les mêmes. Par ailleurs, l'offre qu'a rejetée l'équipe de négociation de l'AFPC ressemblait beaucoup à celle qui a déjà été présentée et acceptée par 87 p. 100 des fonctionnaires fédéraux syndiqués. Or, l'équipe de négociation pour les travailleurs manuels soutient que cela n'est pas suffisant. J'ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi le syndicat rejette une offre salariale raisonnable.
Dans l'intérêt de l'avenir de l'industrie des grains, des exportations canadiennes, des agriculteurs canadiens et de tous les Canadiens, nous devons en arriver à une entente le plus tôt possible, pour éviter d'autres pertes d'emplois et un désastre financier. J'exhorte les membres de l'AFPC à conclure une entente sous peu.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Madame la Présidente, nous ne sommes pas dans les années 80, 70 ou 60, mais bien dans les années 90. Au cours de ces décennies, on s'attendait à ce que le mouvement syndical demande les salaires les plus élevés que la partie patronale puisse verser. En fait, des salaires très élevés ont été accordés dans le secteur industriel.
Au cours de la même période, les gouvernements fédéral et provinciaux ont négocié des salaires très élevés avec les syndicats de la fonction publique. On pensait alors qu'au lieu de risquer une confrontation avec les syndicats, il valait mieux que le gouvernement puise dans les poches des contribuables pour acheter la paix avec les syndicats. L'économie en a souffert terriblement. Nous en connaissons des exemples.
Le cas des affaires nucléaires de Ontario Hydro est un exemple classique. Parce que le gouvernement ontarien répugnait tellement à négocier des règlements réalistes avec la partie syndicale, l'organisation a fini par ne plus pouvoir fonctionner.
De même, les employés de VIA Rail jouissaient de conditions tellement formidables, voire parfaites, qu'il était devenu impossible pour la société d'assurer le service de trains de voyageurs d'un bout à l'autre du pays.
J'ai déjà rêvé d'un train comme l'Orient Express qui traverserait le Canada. Je me suis laissé dire que mon rêve était irréalisable parce que, même si nous avions le matériel roulant, nous ne pouvions traiter avec un syndicat qui pouvait exiger que les employés soient rémunérés à taux double ou triple et je ne sais quoi encore pour travailler à bord d'un train qui traverserait le pays en deux ou trois jours. C'était une idée magnifique, mais irréalisable.
Les gouvernements précédents ont concédé aux syndicats de la fonction publique le droit de verser des salaires raisonnables, mais ils ont accordé des salaires très élevés à la place, dans l'espoir d'éviter les conflits de travail. Il semble que dans ce temps-là les gouvernements avaient de l'argent à jeter par les fenêtres. Le gouvernement conservateur précédent a même accumulé un déficit de 42 milliards de dollars. Les temps ont changé.
Au cours des années 90, dans ma circonscription et partout où il y a des syndicats implantés dans des entreprises qui doivent affronter la concurrence mondiale, ces syndicats ont dû se résigner à demander des salaires qui ne menacent pas la compétitivité de l'entreprise.
Dans ma propre région, par exemple, il y a eu une très longue grève dans les abattoirs. Elle a fini par se régler. La situation était très simple. L'économie mondiale a changé, et des changements sont survenus à cause du libre-échange avec les États-Unis. Le syndicat ne pouvait plus prétendre aux salaires très élevés qu'il avait obtenus jusque-là. Les travailleurs avaient le choix entre une réduction de salaire et le chômage.
C'est maintenant la même chose dans l'industrie de l'acier et dans tous les secteurs qui doivent affronter la concurrence. Les choses ont changé.
Dans ma circonscription, il y a fort peu de sympathie pour des syndicats qui négocient avec un gouvernement qui a des réserves illimitées d'argent, l'argent des contribuables. Il n'y a guère de sympathie non plus pour les gouvernements qui, au lieu de résister à des demandes syndicales déraisonnables dans les années 90, céderaient aux syndicats.
Le président du Conseil du Trésor a dit qu'il voulait arriver à un règlement avec ces syndicats, mais qu'ils demandent deux fois le taux courant, deux fois plus qu'un taux raisonnable. Je pense qu'il est juste de dire que la plupart de mes électeurs appuient le président du Conseil du Trésor. Dieu merci, l'époque où les gouvernements pouvaient piger dans leurs poches et céder à toutes les demandes des syndicats est bel et bien révolue.
Je suis parfaitement d'accord avec le président du Conseil du Trésor. Il ne doit pas céder, car nous ne pouvons plus revenir à l'époque où les gouvernements accordaient tout ce que les gens leur demandaient. Nous avons des comptes à rendre aux contribuables.
Il y a un autre problème qu'il nous faut aborder, bien sûr, soit le fait qu'une très faible partie de l'Alliance de la fonction publique du Canada tient en otage la vie, la fortune et les perspectives d'avenir d'autres Canadiens. Je pense en particulier aux céréaliculteurs.
Les députés se souviendront sûrement que, il y a deux ans, la Chambre a été saisie du projet de loi C-66 tendant à modifier le Code canadien du travail. Ce projet de loi contenait de nombreuses dispositions, dont une en particulier qui visait à empêcher des tierces parties de gêner le transport des céréales en cas de conflit de travail.
En 1996, j'ai traité de ce projet de loi, qui a fini par être adopté. Il a reçu la sanction royale il y a à peine deux mois. J'en ai parlé toutefois en novembre 1996. J'ai dit:
Je voudrais ajouter une autre observation à propos d'un autre aspect très positif du projet de loi. Il aborde également un autre problème qu'on a déjà éprouvé dans le secteur de la manutention du grain dans nos ports. Nous avons connu dans le passé des situations où le pays était littéralement tenu en otage alors que nos ports étaient paralysés, non pas seulement par les syndicats des transports, mais aussi par des syndicats affiliés, parfois de tout petits syndicats, qui avaient dressé des lignes de piquetage. Bien sûr, les autres syndicats respectent ces lignes de piquetage, ce qui a eu parfois pour effet de nous priver de notre capacité d'expédier de précieuses denrées.
La disposition du projet de loi qui limite le droit de faire grève, de paralyser les ports, aux syndicats de travailleurs directement engagés dans ce genre d'activité est une disposition très positive.
Voilà ce que j'ai dit. Je regrette d'avoir tenu ces propos, car cette disposition du projet de loi n'était applicable qu'aux syndicats de l'extérieur, aux syndicats de tierce partie. Nous ne l'avons pas rendue applicable aux petits syndicats de la fonction publique dans le secteur industriel. Il s'ensuit donc que quelque 70 employés tiennent en otage des dizaines, des centaines de millions de dollars de la fortune d'autres Canadiens, de leur avenir, leurs perspectives d'avenir. Soixante-dix syndiqués de l'Alliance de la fonction publique.
Les temps ont beaucoup changé. Nous, parlementaires, devons réévaluer quel est au juste le droit de grève de syndiqués qui sont payés par les contribuables. Quel droit ont-ils au juste de perturber la vie d'autres Canadiens alors même qu'ils sont payés par les contribuables? Les Canadiens sont leur employeur.
Je serai un peu plus catégorique que me semblent l'être des réformistes et je dirai que le gouvernement doit envisager très sérieusement de prendre immédiatement des mesures pour remédier à cette situation. Dans l'intérêt des Canadiens qui pâtissent beaucoup de cet arrêt de travail, il doit agir au plus tôt. Je n'ai aucune objection à ce qu'on présente une loi de retour au travail. Mais il faut aller plus loin que cela. Il faut réexaminer à nouveau le Code canadien du travail et voir s'il doit être encore modifié pour que soit supprimée l'échappatoire qui permet à 70 syndiqués de l'AFPC de tenir tout un pays en otage.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Madame la Présidente, je veux tout d'abord féliciter mon collègue, le député de Selkirk—Interlake, le porte-parole réformiste en matière de commerce international—en matière d'agriculture, je suis désolé, même si je sais que le commerce international est un sujet qui l'intéresse grandement—je le félicite donc d'avoir parrainé ce débat et soulevé la situation critique pour les agriculteurs de l'ouest du Canada.
Habituellement, lorsque je prends la parole, je dis à quel point je suis heureux de participer au débat, mais je ne peux malheureusement pas dire cela aujourd'hui.
Je ne suis pas heureux du tout. Je suis très contrarié. Je suis extrêmement déçu que nous soyons encore une fois témoins de cette situation.
Je pense qu'il est important de faire un retour dans le passé afin de présenter la situation dans une juste perspective. Je viens d'un milieu agricole. Nous avons une exploitation agricole en Alberta. Je pratique l'agriculture depuis plus de 30 ans. Avant, j'étais aussi le président d'une usine de broyage du canola qui exportait ses produits, notamment au Japon. Nous avons fait face à des conflits de travail qui nous ont empêchés de livrer nos produits à temps à un certain nombre d'occasions.
Lorsque j'étais le président de cette usine de broyage du canola, c'était un sujet de discussion avec nos acheteurs chinois et japonais. Cela nous a nuit considérablement dans le passé. Cela nous a nuit parce que le Canada a été incapable de livrer notre produit au port à temps. Cette situation a terni notre réputation à l'échelle internationale et elle a été défavorable sur le plan financier dans l'industrie du broyage du colza lorsque j'en faisais partie.
J'ai commencé dans l'agriculture en 1968. Le problème existe depuis longtemps. C'est le problème des relations du travail dans les ports. Il existe une vingtaine d'unités syndicales qui sont en mesure de paralyser nos activités quand elles le veulent. D'ailleurs, nous avons eu droit à ce genre de perturbations dans le passé.
Je vais vous raconter un voyage que j'ai fait à Vancouver avec un groupe d'agriculteurs afin de visiter le terminal de l'Alberta Wheat Pool. C'était au début des années 70. Nous nous sommes rendus par avion à Vancouver où nous devions voir le terminal en activité. C'était notre terminal. Nous en étions les propriétaires. C'était une coopérative. Qu'est-il arrivé? Il y a eu une grève.
Nous vivons aujourd'hui exactement la même situation. Qui était en grève, selon vous? C'étaient les peseurs et les échantillonneurs officiels. Il n'y en avait que cinq au terminal de l'Alberta Wheat Pool. Ils ont interrompu les activités de ce terminal.
Il pleuvait, comme c'est souvent le cas à Vancouver en hiver. Les cinq étaient assis dans une automobile et leurs piquets de grève étaient appuyés le long de celle-ci. Ils ont interrompu non seulement les activités du terminal, mais ils ont aussi empêché le grain de quitter les exploitations. Pour quelle raison? Parce que les membres d'autres syndicats ne voulaient pas franchir la ligne de piquetage.
Cette histoire n'en finit plus. Quel était le gouvernement au pouvoir à cette époque? Le même qu'aujourd'hui. Nous voyons aujourd'hui les mêmes problèmes. Rien n'a changé. Pourtant, le gouvernement a eu de nombreuses occasions d'agir. Se préoccupe-t-il du sort des agriculteurs de l'ouest du Canada. Je suis porté à croire que non.
Dans ma circonscription, l'agriculture est la plus vaste industrie. Nous avons aussi l'industrie du pétrole et du gaz. Notre secteur forestier est aussi très vigoureux. Mais le fait est que l'agriculture est toujours là. Elle paie les factures. Quand il survient des perturbations dans le système de manutention du grain, cela nous coûte très cher, parce que plus de 80 p. 100 de ce que nous produisons est expédié à l'étranger.
Une bonne partie du grain est expédié par le port de Vancouver. Quand ce dernier est paralysé, nous en payons le prix, et il est très élevé. L'an dernier, les frais de surestarie se sont élevés à 60 millions de dollars. Qui a payé? Les agriculteurs. Ils ont payé. Mais ils ne peuvent rien faire.
Ils s'attendent à ce que le gouvernement fasse preuve de leadership. C'est une des raisons pour lesquelles je suis entré en politique. Le gouvernement ne répond pas à nos attentes. C'est un problème qui me préoccupe beaucoup.
Je suis porte-parole du Parti réformiste pour le commerce international. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international étudie actuellement ce que nous devrions négocier pour le Canada à la prochaine ronde de négociation de l'Organisation mondiale du commerce, la ronde dite du millénaire.
À quoi bon obtenir l'accès au marché pour nos produits si nous ne pouvons pas les expédier? C'est extrêmement irritant. D'une part, nous tentons d'accéder à de nouveaux marchés, d'autre part, on nous met sans cesse des bâtons dans les roues.
Dans les années 70, nous avions le pire dossier sur le plan des relations de travail, après l'Italie. Les choses se sont peut-être améliorées depuis, mais sûrement pas dans le secteur de la manutention du grain.
Nous avons été saisis de ce problème l'an dernier. Nous avons débattu le projet de loi C-19. Les libéraux nous ont dit que tout irait bien comme dans le meilleur des mondes. Ils voulaient inclure dans le projet de loi une disposition qui aurait permis aux terminaux de continuer leurs activités pendant 72 heures pour charger les navires en cas de grève.
Nous avons subi d'énormes pressions. J'en ai moi-même subi dans ma circonscription. Des sociétés de production de blé et des producteurs me pressaient d'appuyer le projet de loi. Mon parti expliquait que c'était une mesure boiteuse et qu'elle reviendrait nous hanter. C'est exactement ce qui se passe.
À l'époque, nous disions que, à moins de s'attaquer à tous les problèmes de gestion du personnel et de mettre en place de nouveaux processus de règlement des différends, rien ne serait réglé. On pouvait bien utiliser les 72 heures pour charger un navire, mais, à moins de s'entendre avec la vingtaine d'unités de négociations concernées par un aspect ou un autre du transport, de la manutention et de l'expédition du grain et de régler toutes les questions en suspens depuis longtemps, rien ne pouvait être fait. C'est ce que nous disions.
Au début des années 1970, j'étais dans le port de Vancouver, au terminal de l'Alberta Wheat Pool à l'époque, et je me suis entretenu avec des manutentionnaires de céréales qui étaient assis dans le terminal et ne faisaient rien d'autre que d'assurer la sécurité. Les mêmes peseurs et échantillonneurs qu'aujourd'hui étaient en grève. Les manutentionnaires ont leur propre syndicat.
J'ai parlé à un manutentionnaire céréalier et j'ai déclaré qu'une fois le problème des peseurs réglé, tout se passerait très bien et nous serions en mesure d'expédier le grain. Il m'a répondu: «Je n'en suis pas certain. Nous avons un contrat de deux ans. Nous n'avons pas été en mesure de parvenir à un règlement jusqu'à il y a environ deux mois. Il reste maintenant environ un an et nous allons probablement déclencher une autre grève.» Il n'est pas simplement question des intéressés. Il y a également les travailleurs des chemins de fer, les débardeurs et le reste.
On doit tout simplement utiliser un meilleur système. À quoi sert d'essayer d'avoir accès au marché? À quoi sert d'essayer d'offrir une aide d'urgence de 1,4 milliard de dollars aux agriculteurs des Prairies si tout ce qu'il suffit de faire, c'est de leur laisser de l'argent dans les poches en réduisant les impôts et en permettant l'établissement d'un système efficace pour la livraison de nos produits sur le marché à temps pour que nous puissions continuer à avoir une bonne réputation?
Je prétends qu'il y a eu beaucoup de problèmes dans le secteur agricole depuis quelques années. La grippe asiatique n'en était que le dernier. Nous savons que les prix des produits primaires ont fortement chuté. Les agriculteurs souffrent. C'est le cas de ceux de l'Ouest. Il y a également la grave situation en ce qui concerne les subventions, surtout de la part de l'Union européenne qui a versé 72 milliards de dollars en subventions agricoles l'année dernière et nous a, en fait, barré l'accès à ces marchés.
Il y a pire encore. Les Européens nous empêchent d'entrer sur leurs marchés, et ils produisent trop, car ils obtiennent 10 $ le boisseau pour leur blé. Que font-ils avec cette surproduction? Ils font du dumping sur le marché mondial à des prix ridicules. Non seulement nous ne pouvons avoir accès aux marchés des 15 pays membres de l'Union européenne, mais nous sommes également incapables d'entrer sur certains marchés ailleurs dans le monde, car nous faisons face à cette concurrence déloyale.
Que fait le gouvernement à ce sujet? Quelles sont ses priorités? Il ne semble pas vouloir faire grand-chose dans le domaine de l'agriculture pour essayer d'ouvrir ces marchés. Il dit qu'il doit adopter une position soit-disant équilibrée dans le secteur agricole canadien. On ne saurait réclamer l'accès aux marchés pour les secteurs du grain, des graines oléagineuses et du boeuf qui ne profitent d'aucune subvention et ne sont assujettis à aucun droit, parce qu'il y a le revers de la médaille. On pourrait gêner notre régime de gestion de l'offre, ce même régime de gestion de l'offre qui profite de droits de douane de plus de 300 p. 100 sur plusieurs produits importés qui font concurrence à nos produits, dont le beurre. Voilà pour la position soi-disant équilibrée des libéraux. Ils veulent ménager la chèvre et le chou.
Quelles sont les priorités des libéraux? Quelles sont leurs priorités face à la grève? Je ne les vois pas. Je les vois se concentrer sur des aspects comme l'enregistrement des armes à feu qui a déjà englouti 200 millions, tant pis pour la dépense. Que restera-t-il de l'enregistrement des armes à feu dans 20 ans? Les gens diront que ça été un coup d'épée dans l'eau.
Et leurs autres priorités? Des subventions de l'ordre de 1,2 milliard de dollars octroyées à Bombardier au cours des dix dernières années, et ce n'est pas fini. Le projet de loi C-55 vise à protéger les éditeurs de périodiques. C'est que le câblodistributeur Rogers, un des plus gros importateurs de culture américaine au Canada, a une division du nom de Maclean Hunter qui ne peut pas fonctionner sans cette protection. Telle est la grande priorité du gouvernement libéral: protéger les entreprises subventionnées.
Mais quand il s'agit de lutter pour garantir à nos agriculteurs un accès aux marchés, il n'y a rien à faire, c'est trop délicat. Quand il s'agit de résoudre des problèmes de relations de travail qui durent depuis plus de 30 ans, il faut se croiser les bras. Il n'y a rien qu'on puisse faire. On ne veut rien savoir de l'arbitrage des propositions finales dont a parlé notre collègue de Wetaskiwin. C'est pourtant une bonne suggestion pour faire débloquer un processus qui n'en finit plus.
Je vois du changement à l'horizon. Le président du Conseil du Trésor a télégraphié sa position, ce soir—une loi de retour au travail. Il a fait valoir une partie des raisons. On a eu de véritables difficultés à l'aéroport Dorval, l'autre jour. Les travailleurs de l'AFPC avaient bloqué l'accès à l'aéroport. Les voyageurs ont dû marcher jusqu'à un kilomètre. Ils ont dû faire le tour et marcher tout un kilomètre sur l'aire de stationnement de l'aéroport pour prendre leur avion.
Il ne faut pas s'inquiéter des agriculteurs qui perdent des millions et des millions de dollars en redevances de stationnement et en ventes perdues, ni de l'arrêt d'une industrie de 6 milliards de dollars. Ce n'est pas aussi important qu'une interruption du bon fonctionnement à l'aéroport de Dorval. Ça, c'est important!
C'est pourquoi je pense que les jeux sont faits. Nous aurons cette loi de retour au travail, mais qu'est-ce que cela réglera? Oui, c'est une solution temporaire, une manière de régler le problème dans l'immédiat afin que ces gens reviennent au travail, mais pourquoi ne pas s'engager dans une réflexion sur des bases nouvelles au sujet des relations patronales-syndicales? Nous devons dépasser ce stade. Nous ne pouvons pas nous permettre de stagner ainsi.
Selon moi, tant que le gouvernement ne sera pas prêt à se mettre à la tâche, nous verrons encore beaucoup de solutions temporaires de la sorte, et je crois que ce n'est pas satisfaisant.
M. Tony Ianno (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, je remercie les députés de m'avoir donné la possibilité de leur parler du grave impact qu'ont sur l'ensemble du pays les grèves tournantes organisées par l'Alliance de la fonction publique.
Je parlerai des raisons à l'origine du grave problème dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je suis heureux de dire que, depuis que ce gouvernement a repris les négociations avec le syndicat de la fonction publique, nous avons conclu de nouvelles conventions collectives avec plus de 87 p. 100 de la main d'oeuvre syndiquée employée au sein de la fonction publique du Canada.
Nous avons conclu des conventions avec quelque 100 000 employés représentés par l'Alliance de la fonction publique du Canada, ceci sans interruptions de travail. Les règlements négociés auxquels nous sommes parvenus sont justes et raisonnables et, grâce à elles, plusieurs milliers de nos employés se voient accorder aujourd'hui des augmentations salariales et d'autres avantages non pécuniaires.
Malheureusement, au cours de ces deux mêmes années, nous ne sommes pas parvenus avec l'Alliance de la fonction publique du Canada à un accord négocié concernant les 14 000 travailleurs manuels qui représentent 9 p. 100 des employés du gouvernement. Ce n'est pas que le gouvernement n'a pas fait d'efforts.
Ce n'est pas que nous n'avons pas eu la volonté de faire preuve de souplesse à la table des négociations. Ce n'est pas que nous n'avons pas voulu nous écarter de notre position originale. Nous avons fait tout cela. Pourtant, nous ne sommes toujours pas parvenus à un règlement.
J'ai bien peur que le manque de flexibilité des syndicats à la table des négociations commence à avoir des répercussions sur bon nombre de victimes innocentes n'ayant aucun lien avec ce conflit. Après neuf semaines, les Canadiens de tout le pays, et le gouvernement qui les représente, continuent de faire face à des interruptions de travail, des désagréments, d'importantes pertes de revenus et même dans certains cas des actes de violence et de désobéissance civile.
C'est la question des taux de paie régionaux qui nous a menés à la table de négociation et qui nous empêché de livrer d'importants chargements de grains, de monter à bord d'avions, de remplir nos déclarations de revenus, de recevoir les remboursements d'impôts auxquels nous avions droit et de recevoir toute une gamme d'autres services gouvernementaux.
Les députés ne sont pas sans savoir qu'en raison de la position du syndicat face à la question des taux de paie régionaux, les ministères et les agences ont fait face à des grèves rotatives pendant toutes ces semaines. Ces grèves ont causé la fermeture d'immeubles fédéraux pendant un ou plusieurs jours, de Vancouver à Halifax. Ces mesures ont entraîné des interruptions temporaires dans les opérations des ministères et agences en cause, ce qui a causé des désagréments aux Canadiens qui veulent faire des affaires avec ces institutions.
Les lignes de piquetage sont faciles à voir. Ce qui est moins clair pour la plupart des gens, c'est ce qui a causé cette grève. Cette grève porte sur les taux régionaux de rémunération. Pour la comprendre, il faut savoir ce que sont les taux régionaux de rémunération, pourquoi le gouvernement tient à les maintenir et les conséquences qu'aurait la décision de se rendre à ce que le syndicat revendique, à savoir un taux de rémunération national uniforme.
Voici l'explication simple. Le gouvernement paie des salaires différents aux employés d'un groupe professionnel donné selon la région du pays où ils vivent parce que le coût de la vie et les salaires ne sont pas les mêmes partout au Canada.
À titre de plus important employeur du pays, nous avons la responsabilité de ne rien faire qui pourrait fausser le marché du travail en général et les marchés du travail locaux en particulier. Cela signifie notamment que nous ne devons pas accorder à nos propres employés des conditions d'emploi si avantageuses que les employeurs du secteur privé n'arrivent plus à doter tous les postes dans leurs entreprises. De même, pour avoir des employés possédant les connaissances et l'expérience nécessaires, nous savons que nous devons payer des salaires assez élevés pour concurrencer le marché du travail local. Voilà, en deux mots, pourquoi nous avons des taux régionaux de rémunération.
Cela signifie que nous devons payer le débardeur de Victoria plus cher que celui de Halifax parce que le coût de la vie est plus élevé sur la côte ouest que sur la côte est, comme en font foi les coûts de la main-d'oeuvre dans les deux régions. Des écarts de ce genre existent aussi dans d'autres groupes professionnels, surtout chez les gens de métier, comme les charpentiers et les plombiers, mais aussi chez les membres de certaines professions libérales.
Si nous ne versons pas des salaires plus avantageux dans les régions où le coût de la vie est élevé, nous sommes incapables de concurrencer le secteur privé dans la recherche des compétences dont nous avons besoin. Si par contre nous versons des salaires trop élevés dans les régions où le coût de la vie est plus faible, nous forçons les employeurs locaux à payer leurs employés plus cher, ce qui fausse le marché du travail local.
En tant que gouvernement, nous croyons que cette approche est juste envers nos employés, envers les employeurs et les travailleurs des diverses régions du pays et envers les Canadiens qui, en bout de ligne, paient les salaires des fonctionnaires ou doivent payer pour obtenir du secteur privé les services professionnels dont ils ont besoin.
Nous venons d'entendre quelqu'un de l'autre côté qui a dit «et puis après?» Beaucoup de dirigeants de petites entreprises d'un bout à l'autre du pays ne peuvent pas se permettre de payer les frais de main-d'oeuvre plus élevés que le gouvernement aurait les moyens de payer, ce qui pourrait causer des difficultés indues à beaucoup d'entre eux.
Je vois un député réformiste qui, je sais, s'intéresse beaucoup aux petites entreprises. J'espère qu'il aura l'occasion de parler à ses collègues pour leur faire comprendre l'importance du secteur de la petite entreprise dans notre pays.
L'idée de verser des salaires qui sont déterminés en partie par les conditions du marché du travail local remonte à il y a de nombreuses années au Canada. En 1962, la commission royale d'enquête Glassco, dont les recommandations ont servi de fondement à une grande partie de la fonction publique moderne, a énoncé très clairement la question. La commission a dit qu'elle ne voyait pas pourquoi l'employeur le plus important du pays ne devrait pas tenir compte du marché du travail local. Elle a ajouté que, s'il n'en tenait pas compte, il se trouverait à payer ses employés plus cher ou moins cher qu'il ne le devrait et que cela ne serait bon ni pour la croissance économique ni pour la compétitivité.
Comme les députés d'en face, particulièrement les réformistes, ont beaucoup parlé de compétitivité ces derniers jours, je suis certain qu'ils comprennent la question de la différence entre les taux régionaux de rémunération dont nous parlons aujourd'hui.
Le principe est clair depuis plus de 30 ans. Le gouvernement doit verser des taux régionaux de rémunération à certains groupes d'employés lorsque les conditions du marché du travail varient considérablement d'un bout à l'autre du pays. Nous devrions payer les taux nationaux lorsqu'il existe un marché du travail national. C'est ce que nous faisons et nous ne sommes pas les seuls à le faire.
Qu'on songe aux États-Unis. Comme le Canada, c'est un pays où les disparités économiques régionales sont énormes. Le gouvernement américain paie à ses travailleurs manuels des taux différents qui tiennent compte des conditions du marché régional. Les variations peuvent dépasser de jusqu'à 39 p. 100 les niveaux de salaire locaux dans les zones des meilleurs salaires, ou être de 16 p. 100 inférieures dans les zones des salaires les moins élevés.
Ce soir, je voudrais souligner à tous les députés qui sont présents parce qu'ils s'inquiètent des répercussions de cette grève sur les Canadiens, sur les activités gouvernementales et sur les agriculteurs, que le système n'est pas parfait. Lorsqu'on cherche à délimiter un marché du travail régional, les conditions locales peuvent varier au profit ou au détriment des travailleurs ou de l'employeur. C'est pourquoi, dans les récentes séries de négociations collectives, dans lesquelles croit le gouvernement, nous avons travaillé avec les syndicats pour tenter d'en arriver à un système qui soit juste et efficace pour les deux parties, afin que nous puissions examiner la situation à long terme et continuer d'appuyer le droit à la négociation collective entre les travailleurs et l'employeur.
Par exemple, nous avons réduit de 10 à 7 le nombre de zones de salaire afin de simplifier les comparaisons et de faciliter l'administration de la paye.
Y a-t-il une solution de rechange aux taux régionaux de rémunération? Le syndicat soutient que oui. Il est en grève aujourd'hui, car il veut un taux national unique pour les groupes professionnels touchés, peu importe les conditions régionales. Nous ne croyons pas qu'une telle approche serait équitable ou dans l'intérêt de la population.
Verser le même taux à tout le monde voudrait dire que certains sont trop payés et d'autres pas assez. Dans les deux cas, ce n'est pas souhaitable.
Je me permets de rappeler aux députés que, en tant que gouvernement responsable devant rendre des comptes aux Canadiens, nous devons établir un équilibre et observer les règles des marchés nationaux et locaux. Nous devons verser des salaires assez élevés pour attirer et garder la main-d'oeuvre de qualité dont nous avons besoin et dont nous sommes fiers, mais pas trop élevés pour que nous ne puissions pas maintenir nos activités.
Cependant, il faut finalement reconnaître que le gouvernement est un employeur qui ne se compare pas aux autres employeurs. Notre obligation d'agir dans l'intérêt public modifie notre approche face à toutes les questions, y compris celles qui sont soulevées à la table de négociation.
Le gouvernement n'apprécie pas les grèves, pas plus que les Canadiens que les lignes de piquetage empêchent de faire un paiement, de toucher une prestation ou de chercher un emploi.
Je crois que nous avons été excessivement tolérants ces neuf dernières semaines. Nous sommes prêts à maintenir en place une grille de taux de salaire qui soit équitable pour tous les fonctionnaires visés.
En terminant, je dirai que, en tant que gouvernement, nous sommes prêts à examiner toutes les solutions. Nous devons nous pencher sur toutes les possibilités pour régler cette question sans tarder. Nous devons mettre un terme à l'impasse que créent ces grèves tournantes pour les Canadiens qui méritent un service adapté à leurs besoins et ce, à un coût raisonnable.
Nous respectons le processus de négociation collective, comme le montrent 87 p. 100 des conventions de travail que nous avons négociées avec les syndicats. Nous avons offert cette augmentation de 9 p. 100, qui est supérieure à celle que d'autres syndicats ont obtenue.
Cependant, conformément à notre ultime engagement envers la population, il nous faut une solution immédiatement pour ne pas nuire aux parties innocentes qui continuent de faire des échanges commerciaux et qui sont, entre autres, les agriculteurs canadiens.
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Madame la Présidente, je ne peux pas dire que ce soit un plaisir d'intervenir à la Chambre pour traiter du sujet à l'étude.
Je tiens à féliciter mon collège de Selkirk—Interlake d'avoir proposé ce débat à la Chambre afin d'essayer de faire comprendre au gouvernement qu'il y a urgence dans le secteur agricole. Ce qui me dérange le plus, c'est de voir où en est le gouvernement aujourd'hui; ce n'est pas seulement une urgence, c'est une crise, une vraie crise.
Le gouvernement a été élu en 1993 pour diriger les affaires du Canada et gouverner une population de 28 millions, et il est incapable de s'attaquer au problème que posent 70 personnes chargées de peser le grain à Vancouver.
Je n'arrive pas à concevoir qu'il se juge digne de siéger de ce côté-là de la Chambre alors qu'il est incapable de gérer une petite crise comme celle-ci.
C'est gens ont le droit de faire la grève depuis 90 jours. Je voudrais bien savoir ce que feraient ces députés si, pendant 90 jours, personne ne s'occupait d'eux, pour leur envoyer leur chèque, leur servir leur repas et faire marcher les choses normalement. La crise est de l'autre côté. L'urgence est à Vancouver. Il faut faire quelque chose.
Il y a près de cinq ans, nous débattions d'une grève dans le secteur ferroviaire. J'ai parcouru le hansard et j'ai remarqué une question que mon collègue de Wetaskiwin a posée au gouvernement. Voici ce qu'il a demandé au ministre du Commerce international.
Monsieur le Président, la grève des chemins de fer, qui dure depuis maintenant une semaine, nous a coûté cher. Le Canada y a perdu 5 milliards de dollars, dont 100 millions pour les agriculteurs. Les exportateurs ont perdu 1 milliard et la dette publique a augmenté de 2 milliards. Ce ne sont là que les coûts à court terme. La note finale sera encore plus élevée parce que nos clients ont perdu confiance dans notre système de transport.
Ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Quelles mesures a-t-il prévues pour compenser ces coûts à long terme?
Il a répondu qu'il n'était pas sûr d'avoir compris la question.
Cinq ans plus tard, je ne crois pas que le gouvernement ait mieux compris la question. Je suis demeuré stupéfié lorsque mon collègue, le député de Yorkton—Melville, a lu la lettre en s'attendant à ce que les ministériels en comprennent le sens. S'ils ne peuvent même pas comprendre une question orale, comment pourraient-ils déchiffrer le sens d'une lettre? Voilà le problème. Je suis étonné de constater que ce genre de chose se perpétue. Voilà un excellent exemple qui illustre pourquoi les autres pays ne font plus confiance au Canada. C'est aussi ce qui explique que nous ayons un dollar à 65 cents.
J'ai pratiqué l'agriculture de 1957 à 1972 et je me souviens qu'au cours de cette période, le dollar s'est maintenu sensiblement au-dessus de la devise américaine. Notre monnaie a commencé à perdre de la valeur en 1976. Elle avait déjà valu 1,10 $ américain, soit 10 p. 100 de plus. Les actifs que j'ai accumulés jusqu'en 1976 ne valent plus que 65 p. 100 de ce qu'ils valaient avant. Comment un pays peut-il demeurer stable dans ces conditions? Comment peut-il être productif? Comment pouvons-nous protéger le niveau de vie des générations futures?
Durant les 26 années pendant lesquelles j'ai pratiqué l'agriculture, nous avons enregistré 16 ou 17 arrêts de travail dans le secteur de la manutention des grains. Chaque fois que les agriculteurs pensaient à effectuer une récolte pour compenser le coût des intrants lié à la main-d'oeuvre, quelqu'un savait que nous étions tenus en otages et nous pouvions forcer le gouvernement ou l'industrie à augmenter les salaires ou à réduire les heures de travail. Nous étions censés devenir plus concurrentiels et plus productifs. Nous étions censés pouvoir subvenir à nos besoins. Aujourd'hui, cela est devenu impossible.
Je suis tombé sur un envoi collectif que mon personnel a préparé et j'y ai vu le mot «saisie». Je me suis demandé de quoi il s'agissait. Il y était question de l'argent que le gouvernement a dépensé pour l'achat de balles de golf et de tees ces dernières années. J'ai vu, plus loin, que les Affaires étrangères ont dépensé 2 500 $ pour l'acquisition de ce genre de choses.
Le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, lui, a dépensé 192 $ pour les tees, mais rien pour les balles. Comment peut-on jouer au golf quand on n'a que des tees? Voilà l'attitude du gouvernement à l'égard de l'agriculture. C'est inouï! C'est un fait. Comment pouvons-nous maintenir une industrie avec ce genre d'attitude?
Quand j'entends mon collègue, le député de Peace River, se demander ce qui est arrivé au gouvernement et ce qu'il fait, je ne puis m'empêcher de penser qu'il dort ce soir. Que pourrait-il faire d'autre? N'y a-t-il personne ici? La Chambre devrait être pleine de députés, n'est-ce pas? Je pense que les esprits sont ici. Nous en avons réveillé un d'entre les morts. N'est-ce pas un naturel amical?
Quand nous entendons dire que 2 700 wagons ne sont pas déchargés chaque jour, cela ne veut pas dire qu'il n'y a que ces travailleurs au port qui sont inactifs. Cela veut dire qu'il y a quelque 2 000 autres travailleurs en amont, dans les chemins de fer, aux silos, dans les entreprises de camionnage, qui sont eux aussi inactifs. Qui paiera leurs salaires? Les entreprises doivent les garder à leur service parce qu'ils sont embauchés sous contrat. Tout l'argent finit par sortir des poches des agriculteurs. On est en train de tuer complètement l'industrie céréalière.
Voilà cinq ans que nous siégeons à la Chambre et nous avons vu continuer cette incurie année après année. Nous en sommes arrivés au point où c'est presque un péché de produire des denrées alimentaires parce que quelqu'un va connaître des ennuis.
Les jeunes agriculteurs ne peuvent survivre de nos jours. Même lorsque le mari ou la femme travaille à l'extérieur de l'exploitation agricole, ils continuent de payer le coût des facteurs de production. Les impôts des exploitations agricoles ont augmenté en moyenne de 8, 9 ou 10 p. 100.
J'étais à Regina il y a deux semaines à une manifestation d'agriculteurs et j'ai commencé à parler à certains d'entre eux. C'est vraiment terrible. C'est désastreux. Les agriculteurs de la Saskatchewan n'ont pas versé au moins 50 p. 100 de leur impôt foncier pour l'année dernière. Nous avons parlé à un vendeur de carburant qui a dû faire face à dix faillites depuis Noël.
Les agriculteurs attendent l'aide que leur a promise le gouvernement libéral. Depuis pratiquement un an, nous avertissons le gouvernement qu'il y a une crise. Il se peut qu'en juin, les intéressés obtiennent un peu d'argent. Il n'y aura peut-être pas d'argent, car beaucoup de gens ont subi des pertes au cours des trois dernières années et ils ne seront pas admissibles au programme en question.
Un des vendeurs de carburant m'a dit qu'il avait une grosse facture de 350 000 $ pour l'un des gros exploitants. Nous en sommes arrivés à un point où une exploitation de 10 000 acres n'est plus considérée importante. Un des agriculteurs, qui était établi juste à l'ouest de Regina, m'a dit qu'il avait ensemencé 11 000 acres au printemps dernier. Il aurait pu en avoir 7 000 autres de voisins s'il avait voulu. Il m'a dit: «Nous travaillons dur. Nous sommes des entrepreneurs. Nous avons une société de camionnage que ma fille administre.» Ils ont 17 camions Peterbilt sur la route. Ils ont deux entreprises d'engrais. Une est administrée par l'épouse et l'autre par la belle-fille. Il s'agit d'une société de plusieurs millions de dollars. Cet homme m'a dit: «Jake, si nous n'abandonnons pas l'agriculture d'ici un an ou deux, nous perdrons tous les biens que nous avons accumulés au cours de toute notre vie de travail.»
C'est une catastrophe. Ce n'est pas simplement une crise. Il est criminel que les gens qui produisent le produit le plus important du monde ne puissent être viables. Cela me rappelle un pays où j'étais en 1981: des fermes collectives de 20 000 hectares et les gens meurent de faim.
Un tiers des denrées alimentaires étaient produites sur les petites parcelles de terrain d'un quart d'acre où les travailleurs vivaient, et non pas dans les fermes collectives. Ce qui est en train de se produire dans notre pays, c'est que d'énormes exploitations agricoles sont inefficaces, mais tellement productives qu'elles courent à leur perte. Il faut que cela change.
Le gouvernement doit commencer à comprendre que si nous devons importer nos denrées alimentaires au lieu de les produire nous-mêmes, nous n'aurons pas un dollar qui vaut 65 cents américains. Nous allons probablement avoir un dollar dont la valeur équivaudra à celle du peso mexicain. Je ne veux pas que cela se produise.
Je me rappelle le premier discours que j'ai prononcé à la Chambre il y a quatre ans. Je comparais alors le gouvernement à la première moissonneuse-batteuse automotrice rouge que j'avais achetée. Je ne sais pas combien de personnes se souviennent de ce modèle.
Aujourd'hui, je vois un gros camion semi-remorque de ce côté-là, un gouvernement qui devrait pouvoir diriger parfaitement le pays. Pour je ne sais quelle raison, le semi-remorque est là, immobile. Il ne fait pas ce pour quoi il a été conçu.
Qu'est-ce qui cloche avec ce camion? Il est en panne d'essence. Il est immobilisé depuis cinq ans. Le moteur est saisi. Le camion ne peut avancer. On ne peut même pas le traîner hors d'ici.
Je vois de l'herbe plus haute que les roues. Ce gros camion semi-remorque a des pneus, mais ils sont foutus. Ils n'ont plus de caoutchouc à la base. Même si on tirait le camion, il ne pourrait pas rouler. Voilà à quoi ressemble le gouvernement que je vois en face aujourd'hui.
Je regarde d'un peu plus près. Il devrait y avoir quelque chose de valable dans ce camion semi-remorque. Il y a des rats et des souris à l'intérieur. Ils utilisent le siège comme domicile. Si quelqu'un acceptait de prendre le volant de ce camion, il constaterait que ces ressorts sont parfois très rigides, et que dire de l'odeur!
L'exemple de la moissonneuse-batteuse était mal choisi, mais l'histoire de ce camion m'effraie vraiment. S'il faut se défaire de cet animal, il y aura certes des dégagement d'odeurs dans cette enceinte.
Comment nous en sortirons-nous? Y aura-t-il assez de masques à gaz? Aurons-nous assez d'équipement pour éliminer cette odeur? Cette tâche devra être accomplie. Cette situation ne peut se poursuivre. C'est peut-être drôle, mais cette affirmation contient beaucoup de vérité.
Nous avons un des plus formidables pays au monde. Nous n'avions pas de dette et nous en avons maintenant une de 600 milliards de dollars. Voulez-vous bien me dire pourquoi? Cette dette a été constituée sur une période de trente ans, non pas parce qu'il ne s'agissait pas d'un grand pays, mais bien parce que les gouvernements qui se sont succédé pendant ces trois décennies n'ont pas fait leur travail.
Ils ont laissé tomber les prochaines générations du pays. Ils devront un jour en subir les conséquences. Ils devront rendre des comptes. Le jour du jugement approche.
Je vois au XXIe siècle un changement. Nous oublierons les politiques qui ont eu cours dans cette Chambre pendant trois décennies. Nous essaierons de les éliminer et de repartir à neuf. Nous donnerons de l'espoir aux futures générations, des motifs d'avoir confiance. Nous leur donnerons une base sur laquelle ils peuvent construire, un endroit où ils pourront élever leurs enfants et un endroit dont ils pourront être fiers.
Aujourd'hui, je vois 70 travailleurs qui immobilisent tout le pays et un gouvernement qui ne fait pas son travail. C'est catastrophique. C'est criminel.
Je ne sais pas comment ce changement se produira, mais je peux vous assurer qu'il se produira. Il est survenu dans tous les autres pays qui ont connu ce genre de situation. Le moment venu, je sais que cela ne nous plaira pas. Si nous ne sommes pas disposés à nous attaquer à un petit problème où 70 personnes peuvent perturber tout le pays en entier, qu'allons-nous faire si jamais nous nous retrouvons aux prises avec un problème énorme, un problème qui demande du courage, un problème comme celui qu'a connu la génération précédente, lorsqu'elle a dû affronter des pays étrangers qui voulaient s'en prendre à sa liberté et à sa démocratie?
J'espère que les députés du parti ministériel se réveilleront demain, s'ouvriront les yeux, s'attaqueront à la tâche et montreront finalement à la population qu'ils ont été élus pour faire un travail et qu'ils le font.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, il est difficile de prendre la parole après un député que je considère comme l'un des meilleurs orateurs de la Chambre et comme un modèle de Canadien des Prairies, le député de Portage—Lisgar.
C'est avec plaisir que je participe à ce débat d'urgence concernant la grève qui paralyse le port de Vancouver. Je tiens à étendre le débat à l'incidence de cette grève sur la prestation des services de Revenu Canada dans les centres fiscaux de tout le pays.
Nous avons entendu beaucoup de témoignages ce soir sur les terribles conséquences qu'à cette grève pour des dizaines de milliers de céréaliculteurs canadiens.
Je n'en reviens pas, moi qui ai grandi dans une petite ville agricole des Prairies, que plus de 120 000 céréaliculteurs de l'Ouest soient tenus en otage par 70 personnes qui font du piquetage dans le port de Vancouver.
Il est incroyable que nous ayons permis, année après année et décennie après décennie, qu'un secteur industriel entier, que des centaines de collectivités, que des dizaines de milliers de familles et que tout un mode de vie, que l'économie de toute une région soient menacés et perturbés par suite des décisions irresponsables de quelques personnes et de l'inertie d'un gouvernement irresponsable.
Qui devra absorber le coût énorme du retard enregistré dans la livraison de ce grain aux navires qui attendent dans le port ne serait-ce que quelques jours? Les céréaliculteurs des Prairies, qui souffrent déjà des contrecoups d'une guerre internationale du grain et de ce que le cours de leurs produits est à son plus faible jamais vu. Les céréaliculteurs des Prairies, dont les facteurs de production n'ont jamais coûté aussi cher et qui n'ont jamais payé autant d'impôts fédéraux.
Dans les belles provinces des Prairies, un drame se déroule sous nos yeux. En effet, des collectivités agricoles autrefois dynamiques et fières s'éteignent à petit feu à mesure que l'économie agricole se contracte année après année.
Pourquoi le gouvernement ne s'assure-t-il pas du mouvement interrompu des produits canadiens vers les ports? Certes, nous ne pouvons guère arrêter la baisse des prix des matières premières causées par les subventions européennes et américaines. Il est au moins une chose que le Parlement peut clairement faire pour prévenir une telle chose afin de mettre fin à la menace qui est l'origine de la motion de ce soir par tous les moyens légalement nécessaires, mais aussi, ce qui est plus important, d'enlever à une poignée de dirigeants syndicaux l'épée de Damoclès qui est suspendue de façon permanente au-dessus de tout le secteur du grain de l'Ouest. La solution consiste à déclarer que les emplois à tous ces ports font partie des services essentiels et à exiger l'arbitrage exécutoire si une entente ne peut être conclue afin qu'on ne connaisse plus le genre de difficultés économiques que cette grève entraîne.
Comme d'autres députés de mon parti l'ont fait remarquer, ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à une grève de cette nature. À moins que le gouvernement ne trouve des solutions plus fondamentales, ce ne sera certainement pas la dernière.
Notre débat est un débat d'urgence, mais il ne doit pas porter uniquement sur la situation qui y a donné lieu. La solution que le gouvernement semble préconiser, qui est une loi de retour au travail, ne doit pas être vue comme une solution à long terme. Il s'agit d'une solution à court terme improvisée à un problème immédiat. Il nous faut réformer en profondeur la nature des relations de travail au sein de la fonction publique dans les secteurs névralgiques réglementés par le gouvernement fédéral.
Je me souviens de 1980-1981, peu après l'élection du président Ronald Reagan, aux États-Unis. Il a été confronté à une grève des contrôleurs aériens de tout le pays qui refusaient l'arbitrage ou la négociation. Ils fournissaient de toute évidence un service essentiel et ils avaient complètement paralysé le transport aux États-Unis.
Le président Reagan a déclaré clairement que, à son avis, ils fournissaient un service essentiel et que, s'ils ne retournaient pas au travail dans les 48 heures, ils seraient congédiés. Les organisateurs syndicaux ont déclaré que c'était du bluff. Finalement, le président Reagan a fait ce qui était dans l'intérêt des Américains, de leur économie et de leur système de transport et a fait appliquer la loi en prenant une mesure radicale pour faire comprendre ce qu'était un service essentiel.
Nous ne voyons plus de grèves des contrôleurs aériens aux États-Unis parce que les services qu'ils fournissent ont été déclarés des services essentiels. Nous devrions faire la même chose au Canada lorsque nous parlons de petits groupes de travailleurs qui peuvent littéralement paralyser l'économie d'une région.
Je vais maintenant aborder un autre problème, qui prend des proportions de plus en plus alarmantes. En ce moment même, il y a probablement des organisateurs de l'AFPC d'un bout à l'autre du pays qui planifient les piquets de grève pour demain dans les divers centres fiscaux régionaux relevant du ministère du Revenu national.
Qu'arrive-t-il lorsque ces employés font la grève? Le traitement des déclarations de revenus, des remboursements de taxe, de la prestation fiscale pour enfants et de toutes les taxes et transferts administrés par Revenu Canada est simplement interrompu. C'est une fonction qui est absolument essentielle à la bonne marche du gouvernement. Nous parlons aujourd'hui de près d'un million de déclarations de revenus qui sont bloquées dans le système à Revenu Canada. Cela veut dire des retards de plusieurs jours et même probablement de plusieurs semaines. Si cela continue, qui sait jusqu'où iront les retards?
Il est facile pour nous, en tant que parlementaires, de déplorer la frustration que ressentent les Canadiens et les inconvénients que tout cela cause, mais il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il y a des centaines de milliers de Canadiens qui comptent sur les chèques qui sont retenus dans les centres fiscaux ce soir. Cet argent n'appartient pas au gouvernement, ni aux dirigeants syndicaux, ni aux bureaucrates. Il appartient aux gens à qui ces chèques auraient dû être envoyés il y a plusieurs jours et à qui ils devraient être envoyés demain, mais ils ne le seront pas parce que le gouvernement refuse d'agir pour voir à ce que ces Canadiens aient les ressources financières qui leur appartiennent.
Il s'agit de personnes à faible revenu, entre autres, qui doivent absolument recevoir à temps leur chèque de remboursement de la TPS, leur remboursement d'impôt sur le revenu, la prestation fiscale pour enfants ou toute autre prestation de programmes administrés par le ministère du Revenu national. Ces chèques représentent pour ces personnes non pas un revenu discrétionnaire, mais un revenu essentiel. Elles comptent sur ces chèques pour payer le loyer et acheter de la nourriture. De nombreuses familles canadiennes ont absolument besoin de cet argent pour subvenir à leurs besoins.
Nous ne pouvons pas laisser cette situation se poursuivre. Nous ne pouvons pas permettre qu'une poignée d'organisateurs syndicaux sans scrupule coupent les vivres à des Canadiens vulnérables. Je demande au gouvernement de ne plus tarder, de cesser de tergiverser et d'espérer une solution négociée, qui tarde à venir et à laquelle ne parviendront pas les unités de négociation. Le gouvernement doit agir avec célérité et diligence.
Je puis assurer au gouvernement, que je suis déterminé à appuyer, au nom de mes électeurs, toute mesure législative qui permettra de faire sortir les chèques des centres fiscaux où ils sont actuellement retenus en otages.
Il ne suffit pas de régler le problème par des lois de retour au travail, pour nous retrouver dans la même situation dans quatre ou cinq ans. Ce n'est pas suffisant pour les producteurs de grain qui souffrent aujourd'hui. Ce n'est pas non plus suffisant pour les Canadiens à faible revenu et les personnes âgées qui attendent leurs chèques de Revenu Canada. Nous devons modifier fondamentalement l'ensemble des rapports qui existent entre le gouvernement et les services essentiels garantis à la population canadienne.
En tant que parlementaires, nous sommes dans une position de responsabilité et d'autorité énormes. Nous avons l'obligation fiduciaire de faire en sorte que les services essentiels à la conduite pacifique de la vie des citoyens soient dispensés par les ministères, l'appareil gouvernemental.
Il faut finir par mettre un terme à ce genre de situation qui s'éternise. Un grand penseur a dit que l'histoire se répète la première fois sous la forme d'une tragédie et la deuxième fois, sous la forme d'une farce. Je trouve que la farce a assez duré. C'est la quatrième ou la cinquième fois au cours de ma carrière politique que je me trouve confronté à une telle crise dans les négociations de conditions de travail.
En terminant, je tiens à répéter au nom de mes électeurs et de mes collègues de l'opposition que le moment est venu d'agir. Le gouvernement doit cesser de tergiverser. J'ai posé aujourd'hui une question à la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national au sujet du problème dans les centres fiscaux. Elle m'a répondu: «Nous sommes préoccupés et nous étudions la situation».
Je me réjouis de ce qu'ils soient préoccupés et qu'ils étudient la situation, mais ce n'est pas suffisant face aux Canadiens victimes de ces arrêts de travail. Ce n'est pas le moment d'être préoccupé. C'est le moment d'agir. L'heure n'est pas à l'étude de la situation mais à l'action. Et si nous sommes ici ce soir, c'est pour exiger du gouvernement qu'il fasse enfin quelque chose.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, avant de commencer, je voudrais remercier deux personnes. La première, c'est le Président pour avoir reconnu quand il a reçu la lettre du député de Selkirk—Interlake qu'il y avait effectivement urgence, qu'il y a aujourd'hui une crise au Canada. Il a eu assez de bon sens pour reconnaître que c'était un problème important. Je le félicite d'avoir autorisé la tenue de ce débat d'urgence ce soir.
L'autre personne que je voudrais remercier, c'est le secrétaire parlementaire qui est assis ici et suit le débat au nom du président du Conseil du Trésor. J'espère qu'il a bien écouté certaines choses qui ont été dites et qu'il écoutera avec la même attention celles qui vont être dites dans les minutes qui suivent.
Je n'ai pas toutes les réponses, mais il est un certain nombre de principes fondamentaux dont je peux vérifier la vérité partout où je vais. En tant qu'homme d'affaires, ce monsieur sait parfaitement que ce que je vais dire, c'est exactement ce qu'il fait et que c'est grâce à cela qu'il a réussi en affaires. Je le mets au défi d'appliquer les mêmes critères qui lui ont valu son succès en tant qu'homme d'affaires à ce que le gouvernement est censé faire au niveau des relations de travail ainsi qu'à celui de la gestion de l'économie et des finances du pays.
Je me concentrerai sur deux idées: premièrement, le leadership, deuxièmement, la gestion. Je dirai au gouvernement que, à mon avis, le problème qui a donné lieu à ce débat est simplement symptomatique du manque de leadership de ce gouvernement. C'est un exemple. Il est symptomatique de l'absence de gestion ou de la non-application des principes de gestion et de la non-compréhension de la façon dont fonctionnent ces principes.
Je voudrais parler de ces deux sujets et montrer clairement à quel point le gouvernement actuel manque de clairvoyance. Le chef qui a une vision claire des choses doit principalement savoir où va sa nation, sa société ou son entreprise, selon le cas, et ce qui lui sera profitable, ce qui la fera prospérer et ce qui conduira au succès dans sa société, dans l'environnement où il a décidé d'implanter son entreprise, ce qui sera utile à ses clients, ce qui en fera des clients satisfaits, et ce qui fera réaliser des profits à sa société. Pour savoir cela, un dirigeant doit avoir un but et une vision des choses qu'il faut réussir à définir avec précision.
À quelle vision obéit le débat que nous avons aujourd'hui? À aucune. S'il y en avait une, il saurait qu'il faut appliquer les principes régissant les relations de travail. Nos relations de travail devraient être harmonieuses et fondées sur la coopération. Avons-nous ce genre de relations? Non.
Nous avons eu une grève des postes, il y a deux ans. Le conflit n'est toujours pas réglé. Le ministre du Travail a simplement prolongé à répétition le délai de l'arbitre. Je me demande si le secrétaire parlementaire ira voir le ministre du Travail pour lui demander s'il va de nouveau repousser le délai. C'est le 31 mars que l'arbitre devait rendre sa décision. Ce délai sera-t-il de nouveau repoussé?
Ce n'est pas seulement la vision qui fait défaut. Un chef doit aussi être un décideur. Il doit savoir comment prendre une décision et être en mesure de le faire. Nous avons vu le premier ministre prendre des décisions. Nous avons vu la création d'un musée du canoë. Nous avons été témoins de toutes sortes de tactiques de diversion qui visaient à attirer l'attention sur tout sauf sur la résolution des problèmes qui avaient été présentés.
Quand en viendrons-nous à reconnaître que nous devons nous pencher sur le problème, étudier les diverses solutions possibles, tenir compte des répercussions de chacune, puis choisir une solution, prendre les mesures qui s'imposent et aller de l'avant? Avons-nous déjà vu cela? Non. Il y a donc deux choses qui nous manquent: une vision et un processus de prise de décision.
Voyons un peu comment on a résolu les diverses crises auxquelles nous avons fait face. Dans le cas de la plus récente grève des postes, on a adopté une loi pour forcer les employés à retourner au travail. Est-ce que cela a permis de résoudre la crise? Les employés sont retournés au travail, mais quels résultats en a-t-on tirés? Les négociations entreprises avec les autres syndicats avec lesquels Postes Canada fait affaire se sont retrouvées dans une impasse. C'est ce qui a causé la situation actuelle à Vancouver. Cela a des effets sur toutes les autres négociations. Mon collègue de Calgary vient de souligner que cela a des effets sur Revenu national et les remboursements que les gens devraient avoir.
Ce sont toutes de petites crises. Elles n'ont rien à voir avec celles qui touchent les manutentionnaires du grain, mais elles démontrent que le gouvernement est incapable de régler effectivement ses problèmes de relations de travail.
Une voix: Incompétent.
M. Werner Schmidt: C'est bien le mot. J'allais l'employer plus tard, mais cela est vrai. Je me réjouis de la perspicacité du député. Il reconnaît que tout ceci mène à une gestion incompétente.
Il y a un quatrième secteur dans lequel le leadership fait défaut. Un bon leader prévoit les problèmes. S'il y a jamais eu d'indication permettant de prévoir des problèmes, c'est bien celle-ci. Rien n'était secret. Le député de Yorkton—Melville a mentionné une lettre. Le problème était exposé noir sur blanc. Qu'a fait le gouvernement? Rien.
Et ce n'est pas tout. Savait-il que la convention collective des peseurs des grains arrivait à échéance? Bien sûr que oui. Il en avait été avisé il y a bien longtemps. Savait-il que les événements risquaient de dégénérer en une grève? Bien sûr que oui. A-t-il songé à ce qui se produirait si une grève était déclenchée? A-t-il pensé à ce qui se passerait si cette grève paralysait tout le système?
La seule réponse que nous avons obtenue, nous l'avons obtenue cet après-midi, pendant la période des questions. Juste avant le débat d'urgence, qu'a dit le président du Conseil du Trésor? Il a dit qu'ils ont le droit de s'associer, le droit de s'organiser, ce qui signifie qu'ils ont le droit de faire la grève. Est-ce une façon de régler le problème? Bien au contraire. Le gouvernement a-t-il prévu le problème? S'il l'a fait, il n'a certainement rien fait pour le corriger.
Il y a absence de leadership dans au moins ces quatre aspects. Jetons maintenant au coup d'oeil à la gestion. La gestion est la capacité d'utiliser de maigres ressources—et nos ressources sont toujours maigres—de façon à obtenir les résultats souhaités. Examinons la façon dont le gouvernement a géré ses maigres ressources. Nous avons un budget équilibré. Devinez quoi?
C'est avec énormément de fierté et une arrogance pontifiante que le ministre des Finances affirme que le gouvernement a équilibré le budget. Il a géré ses dépenses. Il a pris toutes les mesures qu'il fallait, il a tout contrôlé pour pouvoir équilibrer le budget. A-t-il dit aux contribuables canadiens que chacun d'eux payait 1 300 $ de dollars de plus afin que le budget puisse être équilibré? C'est l'augmentation des recettes de l'État qui fait la différence.
Qui a équilibré le budget? Ce sont les contribuables canadiens. Ce sont eux qui ont équilibré le budget. Le gouvernement dépense aujourd'hui plus d'argent que jamais. La bonne gestion, c'est l'affaire des contribuables canadiens qui, tout en versant plus d'argent dans les coffres de l'État, parviennent à joindre les deux bouts. Ce sont eux qui gèrent bien leurs affaires. Pas le gouvernement.
Au lieu de mettre l'accent sur une gestion saine, le gouvernement actuel et le précédent ont favorisé l'ingérence d'au moins quatre sociétés d'État sur le marché. Nous parlons ici de la Banque de développement du Canada, de la Société canadienne des postes, de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et de la Monnaie royale. Ces sociétés interviennent directement sur le marché et livrent concurrence à des entreprises privées. Le gouvernement va chercher de l'argent auprès des entreprises prospères et le transfère vers ces sociétés d'État. Le gouvernement possède des ressources illimitées comparativement aux entreprises privées, mais il s'attend quand même à ce que les entreprises soutiennent la concurrence. Cela ne fonctionne pas très bien.
Voilà comment le gouvernement intervient sur le marché. Je n'oublierai jamais ce jour-là. J'étais petit à l'époque. Nous recevions nos factures de services publics par la poste. Les services publics embauchaient un étudiant du secondaire ou de l'université pour aller déposer les factures dans les boîtes à lettre. Cela était peu coûteux pour l'entreprise. Tout à coup, on a décidé que c'était illégal. Postes Canada devait livrer ces envois et la société devait payer 45¢, 50¢, ou le tarif de l'époque pour que les factures soient livrées.
C'était une augmentation immédiate des coûts pour la société de service public pour livrer ses factures. Ensuite, cette société devait se présenter devant la Commission des services publics pour réclamer une augmentation de ses tarifs. Tout était bien arrangé. Qui payait? Le consommateur. Quelle sorte de gestion est-ce cela? Nous pouvons donner toutes sortes d'autres exemples.
L'autre domaine qui est le plus essentiel de tous, c'est celui des relations patronales-syndicales. Un bon gestionnaire entretient de bonnes relations de travail. Ce qui semble se produire dans le cas présent, c'est une confrontation entre la direction et le syndicat. On semble faire face à l'ironie habituelle qui entoure ce type de négociations. D'un côté la direction dit qu'elle veut faire des profits, administrer l'entreprise de façon efficiente et offrir les biens et les services dans les délais voulus, de façon efficace, sans problème. D'un autre côté, les syndiqués veulent frustrer ses efforts le plus possible pour tirer de la direction le plus possible pour eux, pour leur mode de vie etc.
Après s'être livrés une lutte sans merci, les parties finissent par dire qu'elles ont réglé leurs problèmes, qu'elles vont travailler en collaboration pour arriver à des objectifs communs. Comment est-il possible qu'on parvienne à une certaine coopération et de bonnes relations de travail lorsque le système que nous utilisons pour établir les salaires et les conditions de travail est fondé sur la confrontation? C'est un système qui ne fonctionne pas très bien.
Nous en avons un excellent exemple à l'heure actuelle. Le processus a échoué. À ce moment-là, tout le monde est touché. La direction souffre. Le fournisseur souffre. Les travailleurs souffrent. Ces travailleurs ne récupéreront pas ce qu'ils perdent actuellement. Ce n'est pas à leur avantage d'agir ainsi.
Je me demande parfois où est la logique. J'ai quelques questions à poser aux députés libéraux d'arrière-ban. Il y en a beaucoup dans leurs rangs, et je connais personnellement quelques-uns d'entre eux, qui sont d'habiles gens d'affaires. Ils ont réussi. Ils savent ce que c'est que du leadership. Ils savent ce que c'est qu'une bonne administration. Ils savent ce que sont de bonnes relations patronales-syndicales.
Que s'est-il donc passé? Qu'ont-ils fait de leur sens des affaires? L'ont-ils complètement perdu quand ils sont entrés ici? Qu'ont-ils fait de la capacité de leadership efficace et de la clairvoyance qu'ils ont déjà eue? Ont-ils oublié cela dans un coin? Je ne comprends pas comment cela a pu arriver à certains députés d'en face qui sont très qualifiés et très compétents, qui ont fait des études poussées et qui ont réalisé une carrière fructueuse dans les affaires. D'une manière ou d'une autre, ils ont négligé de faire profiter le Cabinet de leurs compétences. Le leadership exercé à la Chambre par le premier ministre ne s'en inspire pas non plus. Comment est-ce possible?
Je ne peux comprendre comment ils ont pu aller soudainement à l'encontre de tout ce qu'ils connaissent, tout ce qu'ils ont vécu, tout ce qu'ils condamnent, et se résoudre à dire «Faisons ce qu'il dit». C'est faux, c'est trompeur et c'est insultant pour les Canadiens. Ces derniers méritent mieux que cela. Nous avons des dirigeants au Canada. Je ne crois pas un seul instant qu'il n'y a pas de leadership en face, mais, pour une raison ou une autre, ce leadership n'arrive pas à se manifester.
Comment un professionnel, un homme d'affaires solide peut-il voter contre l'indemnisation des victimes qui ont contracté l'hépatite C à cause du sang contaminé? Comment est-ce possible? Comment expliquer que le principe de solides relations familiales soit mis de côté pour accepter une situation inéquitable à l'égard des parents qui décident de rester à la maison ou de travailler à l'extérieur? Comment est-ce possible? C'est pourtant le cas.
Quelle sorte de dirigeant n'a pas prévu la situation à Vancouver? Je ne crois pas qu'il ne l'a pas prévue. Je ne crois pas que le président du Conseil du Trésor ne l'a pas prévue. Je ne crois pas non plus que le secrétaire parlementaire ne l'a pas prévue. Ils ont choisi de ne rien faire. C'est grave. Ils sont donc responsables de la situation, et il leur incombe de trouver une solution.
Est-il possible de trouver une solution? Bien sûr. Cela peut se faire, et de bien des façons. Le gouvernement peut faire du rapiéçage, comme ils l'a déjà fait, et légiférer pour obliger ces gens à reprendre le travail. Mais le problème surgira de nouveau un autre jour. Ce n'est pas une solution. Il y a de vraies solutions.
Le gouvernement va-t-il choisir les bonnes solutions ou recommencer la même comédie et faire souffrir les agriculteurs, les consommateurs, les employés, les gestionnaires, et nuire aux systèmes de transport et aux entreprises concernées? Le gouvernement veut-il refaire la même chose? Pourquoi? Pourquoi le premier ministre, les membres du Cabinet et les simples députés libéraux ne diraient-ils pas que le moment est venu de faire preuve de bon sens et de gérer les affaires de l'État de manière à aider tout le monde? Pourquoi ne le ferions-nous pas? Je suis sûr que c'est possible.
Voici plutôt le genre de situation qui prévaut. Nous sommes périodiquement témoins de cette attitude distante, d'une arrogance et d'une solennité qui résultent de la suffisance. C'est une illusion de grandeur.
Nous pouvons trouver une solution. Je lance ce défi au secrétaire parlementaire, qui a si bien dirigé son caucus lors de l'étude des banques. Il a fait un excellent travail. Il savait comment travailler avec les gens. Il a fait preuve de leadership. Nous n'avons rien vu de tel de la part d'aucun ministre. Pourtant, ce n'est pas lui qui dirige son parti et, à voir la façon dont les choses se passent, il n'en sera jamais le chef car il a beaucoup trop de bon sens.
Qu'allons-nous faire? Je mets tous les députés au défi de faire preuve de bon sens. Appliquons les bonnes solutions, celles qui comptent vraiment.
Il n'y a pas de grand secret. Il ne faut pas être un génie pour trouver la formule mathématique. Nous n'avons qu'à faire ce qu'il faut, à aider les gens à travailler ensemble et à créer des conditions qui les amèneront à résoudre leur conflit d'une façon qui soit satisfaisante pour tout le monde, au lieu d'avoir ce climat de confrontation et d'antagonisme qui ne cesse de s'intensifier et qui prend ensuite des années à disparaître ou qui parfois ne disparaît jamais. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire cela? Nous pouvons le faire. Il suffit de vouloir.
Je lance un défi au secrétaire parlementaire, au président du Conseil du Trésor et au premier ministre. Veulent-ils régler le problème de façon permanente ou veulent-ils simplement appliquer une autre solution temporaire et voir le problème réapparaître sous une forme différente ou à un autre moment?
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je pense que le débat est terminé. Je déclare donc la motion adoptée.
La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 21 h 26.)