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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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36e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 201
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 22 mars 1999
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
L'hon. Don Boudria |
AFFAIRES COURANTES |
LOI DE 1999 SUR LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX |
Projet de loi C-76. Présentation et première lecture |
L'hon. Don Boudria |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS |
Projet de loi 68. Deuxième lecture |
L'hon. Anne McLellan |
M. Chuck Cadman |
M. Michel Bellehumeur |
M. Peter Mancini |
M. Jay Hill |
M. Peter Adams |
M. Jake E. Hoeppner |
M. Preston Manning |
M. Bryon Wilfert |
M. Alex Shepherd |
M. John O'Reilly |
M. John O'Reilly |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
OXFAM |
Mme Jean Augustine |
ROCKY MOUNTAIN HOUSE |
M. Bob Mills |
LES GUIDES DU CANADA |
M. John McKay |
LES RANGERS DU NUNAVIK |
M. Guy St-Julien |
L'OTAN |
M. John Richardson |
L'INDUSTRIE CÉRÉALIÈRE |
M. Jake E. Hoeppner |
LE MAJOR LIONEL GUY D'ARTOIS |
M. Robert Bertrand |
LA DEVCO |
M. Yves Rocheleau |
NORMAN JEWISON |
Mme Carolyn Bennett |
LES ARMES À FEU |
M. Jay Hill |
LA JOURNÉE MONDIALE DE L'EAU |
Mme Karen Redman |
LA JOURNÉE MONDIALE DE L'EAU |
Mme Bev Desjarlais |
LE PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC |
M. Denis Coderre |
LA DISCRIMINATION RACIALE |
Mme Pauline Picard |
LA FISCALITÉ |
M. John Herron |
CLARICA |
Mme Marlene Catterall |
LE PROJET DE LOI DE RETOUR AU TRAVAIL |
M. Pat Martin |
QUESTIONS ORALES |
LES MARCHÉS DE CONSTRUCTION |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Herb Gray |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Herb Gray |
L'AMBASSADE CANADIENNE À BERLIN |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Lloyd Axworthy |
L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER |
M. Bill Blaikie |
L'hon. John Manley |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Herb Gray |
LES MARCHÉS DE CONSTRUCTION |
M. Jim Jones |
L'hon. Herb Gray |
M. Jim Jones |
L'hon. Herb Gray |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LES CONTRATS DE CONSTRUCTION |
M. Chuck Strahl |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Chuck Strahl |
L'hon. Herb Gray |
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS |
M. Michel Bellehumeur |
L'hon. Anne McLellan |
M. Michel Bellehumeur |
L'hon. Anne McLellan |
L'ÉCONOMIE |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
LE PROJET DE LOI C-54 |
Mme Francine Lalonde |
L'hon. John Manley |
REVENU CANADA |
M. Alex Shepherd |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
L'ÉCONOMIE |
M. Jason Kenney |
L'hon. Paul Martin |
M. Jason Kenney |
L'hon. Paul Martin |
LE PROJET DE LOI DE RETOUR AU TRAVAIL |
M. Pat Martin |
L'hon. Marcel Massé |
L'INDUSTRIE CÉRÉALIÈRE |
M. Dick Proctor |
L'hon. Lyle Vanclief |
LES MARCHÉS DE CONSTRUCTION |
M. Jim Jones |
L'hon. Herb Gray |
LE CONSEILLER EN ÉTHIQUE |
M. Jim Jones |
L'hon. Don Boudria |
LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT |
M. Rey D. Pagtakhan |
L'hon. Ronald J. Duhamel |
LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS |
M. Chuck Cadman |
L'hon. Anne McLellan |
L'AÉROPORT DE MIRABEL |
M. Maurice Dumas |
L'hon. Martin Cauchon |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
Mme Libby Davies |
L'hon. Jane Stewart |
LES PÊCHES |
M. Mark Muise |
M. Wayne Easter |
L'EAU |
M. Joe Jordan |
L'hon. Christine Stewart |
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS |
M. John Reynolds |
L'hon. Anne McLellan |
L'USAGE MÉDICAL DE LA MARIJUANA |
M. Bernard Bigras |
L'hon. Allan Rock |
PRÉSENCE À LA TRIBUNE |
Le Président |
AFFAIRES COURANTES |
DÉCRETS DE NOMINATIONS |
M. Peter Adams |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Peter Adams |
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Examen de la réglementation |
M. Gurmant Grewal |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
L'hon. Don Boudria |
Motion |
PÉTITIONS |
Les additifs à l'essence |
Mme Rose-Marie Ur |
La Loi sur les jeunes contrevenants |
M. Gerry Ritz |
Les soins de santé |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Les droits de la personne |
M. Paul Szabo |
QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS |
M. Peter Adams |
QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI DE 1999 SUR LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX |
L'hon. Don Boudria |
Motion |
M. Howard Hilstrom |
M. Yves Rocheleau |
M. John Bryden |
M. Peter Stoffer |
M. Paul Crête |
M. Pat Martin |
M. Jason Kenney |
M. Yves Rocheleau |
M. Jake E. Hoeppner |
M. Rick Borotsik |
M. Peter Stoffer |
M. Lee Morrison |
M. Allan Kerpan |
M. John Williams |
M. Peter Stoffer |
M. Pat Martin |
M. Allan Kerpan |
Mme Francine Lalonde |
M. Jake E. Hoeppner |
M. Paul Crête |
M. Dick Proctor |
Avis de motion de clôture |
L'hon. Don Boudria |
Affaire émanant du gouvernement no 21 |
M. Lee Morrison |
M. Pat Martin |
M. Claude Bachand |
MOTION D'AJOURNEMENT |
L'enquête de l'APEC |
M. Peter MacKay |
M. Jacques Saada |
La fonction publique |
M. Peter Stoffer |
M. Tony Ianno |
La pauvreté |
M. Paul Szabo |
Mme Bonnie Brown |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 201
CHAMBRE DES COMMUNES
Le lundi 22 mars 1999
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement entend présenter aujourd'hui un projet de loi relatif à l'arrêt de travail et à l'AFPC.
Je demande le consentement unanime de la Chambre pour présenter le projet de loi tout de suite de manière à ce que les députés aient quatre heures de plus pour le lire et, bien sûr, pour le rendre public.
Peut-être y aurait-il consentement de la Chambre pour que nous passions aux affaires courantes maintenant et uniquement à cette fin; la présentation du projet de loi ne modifierait en rien l'étude des affaires courantes plus tard, laquelle se déroulerait comme d'habitude.
Le président suppléant (M. McClelland): La Chambre consent-elle unanimement à passer dès maintenant aux affaires courantes?
Des voix: D'accord.
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
LOI DE 1999 SUR LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
L'hon. Don Boudria (au nom du président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-68, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
—Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir ce matin à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi sur le système de justice pénale pour les jeunes.
[Français]
Les Canadiens sont conscients que le système de justice applicable aux adolescents ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait dans plusieurs secteurs importants et qu'il doit être repensé et remanié.
[Traduction]
Nous le savons, il faudra un effort soutenu de la part de tous les ordres de gouvernement et de nombreux autres intervenants pour nous attaquer aux problèmes complexes de la criminalité chez les jeunes et pour bâtir à l'intention de ces derniers le système judiciaire équitable et efficace que les Canadiens méritent.
Le processus pour y arriver est en marche. En juin dernier, au nom du gouvernement, le solliciteur général et moi avons lancé le programme national de prévention du crime. Depuis, plusieurs millions de dollars ont été investis, d'un bout à l'autre du pays, dans des initiatives communautaires destinées à prévenir le crime, en s'attaquant de front aux racines du mal et en mettant un accent particulier sur les jeunes à risque.
Le 11 mars dernier, j'ai présenté le projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et j'ai maintenant le plaisir d'intervenir dans le débat de deuxième lecture. Abroger la Loi sur les jeunes contrevenants et la remplacer par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, c'est l'étape qu'il faut maintenant franchir afin de renouveler le système judiciaire pour les jeunes.
L'entrée en vigueur de la nouvelle loi indiquera aux Canadiens la mise en place du nouveau système.
La nouvelle loi tient compte du message que les Canadiens nous ont transmis concernant le système judiciaire qu'il veulent pour les jeunes et qui doit d'abord et avant tout protéger la société, promouvoir des valeurs telles que le respect d'autrui et des biens d'autrui, insister sur la responsabilité et prévoir les mesures auxquelles s'exposent les jeunes contrevenants violents et non violents, soit des mesures qui soient positives et proportionnées à la gravité des infractions. Les Canadiens veulent un système qui réponde aux besoins de tous, qui engage les Canadiens dans les mesures prises à la suite de crimes commis par des jeunes et qui satisfasse mieux les besoins des victimes.
Les députés de ce côté-ci de la Chambre ne sont pas préparés à criminaliser les enfants de 10 et l1 ans. Ce n'est pas ainsi qu'on répondra à leurs besoins, comme je l'ai répété à maintes reprises dans cette enceinte. Nous croyons que, dans ces circonstances, une approche officielle s'impose, et notamment une approche qui privilégie les services de santé mentale et d'aide à l'enfance.
Le gouvernement fédéral s'est engagé à travailler de concert avec les provinces et les territoires à l'élaboration d'une approche axée sur la collaboration. Nous voulons également que notre système de justice pour les jeunes redonne de l'espoir aux jeunes, offre aux jeunes qui ont maille à partir avec la justice une chance de transformer leur existence, pour leur bien et pour celui de leurs familles et de leurs collectivités.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents comporte des dispositions dont l'objectif est que les jeunes contrevenants les plus violents et dangereux subissent des conséquences plus appropriées à leur crime. Elle rallonge la liste des infractions et abaisse l'âge auquel un jeune peut être condamné à une peine applicable aux adultes.
Quand le projet de loi sera adopté, les jeunes de 14 ans et plus reconnus coupables de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable ou d'agression sexuelle grave seront condamnés à une peine applicable aux adultes à moins que le juge ne puisse être persuadé du contraire. Le jeune devra convaincre le juge que la peine prévue pour les jeunes est suffisante, compte tenu de la gravité et des circonstances de l'infraction, le degré de responsabilité, l'âge et la maturité de l'intéressé.
De plus, nous créons une cinquième catégorie d'infractions désignées pour lesquelles les jeunes récidivistes violents de 14 ans et plus qui manifestent une tendance évidente à la violence seront condamnés à une peine applicable aux adultes à moins que le juge ne puisse être persuadé du contraire.
Le projet de loi prévoit un changement important à ce qui pourrait bien constituer l'aspect le plus controversé de notre loi sur le système de justice pour les adolescents, c'est-à-dire la publication des noms. Le débat sur cette question fait essentiellement s'affronter deux valeurs légitimes et opposées, soit la volonté d'encourager la réhabilitation des jeunes en évitant les répercussions négatives que peut entraîner la publicité, et l'obligation de rendre le système de justice le plus ouvert et le plus transparent possible.
La loi proposée et présentement à l'étude à la Chambre établit un juste milieu entre ces opinions et ces valeurs opposées. Elle permet la publication des noms des jeunes reconnus coupables et passibles d'une peine pour adultes. Les noms des jeunes de 14 à 17 ans qui sont des récidivistes violents ou qui ont été reconnus coupables de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable ou d'agression sexuelle grave pourraient également être publiés dans certains cas.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permettrait également de remplacer la procédure actuelle de transfert vers les tribunaux pour adulte en donnant à tous les tribunaux de première instance le pouvoir d'imposer des peines d'adultes. Les jeunes pourraient donc continuer de jouir de la protection qui convient à leur âge et la justice pourrait être rendue plus rapidement et de façon moins pénible pour les victimes et leurs familles. Cette mesure permettrait également de voir à ce que le contrevenant, la victime ou la famille de la victime ainsi que la communauté comprennent bien le lien clair et opportun qui existe entre le délit et ses conséquences.
Le projet de loi comprend d'autres réformes importantes au système de justice pour les jeunes. Pour tenir compte des préoccupations exprimées par les autorités chargées d'appliquer la loi, les juges auraient le pouvoir discrétionnaire d'accepter les déclarations volontaires de jeunes à titre de preuves au cours de leurs procès. Afin de répondre aux attentes des victimes, les déclarations de victime seraient autorisées au tribunal pour jeunes et l'accès des victimes à l'information relative aux audiences de la cour serait facilité.
Le projet de loi prévoit une peine plus sévère pour les adultes qui violent sciemment l'engagement pris envers la cour de respecter les conditions de libération conditionnelle comportant une obligation de surveillance d'un jeune qui, autrement, resterait en détention.
Le projet de loi autorise les provinces à recouvrer le montant des honoraires d'un avocat nommé par la cour auprès des parents et des jeunes qui ont les moyens de payer. En outre, le système d'archivage des casiers judiciaires pour les jeunes sera simplifié et le personnel autorisé y aura plus facilement accès dans l'intérêt de l'administration de la justice et à des fins de recherche.
La majorité des jeunes qui ont des démêlés judiciaires sont non violents et ne commettent qu'une infraction. Le système de justice pour les jeunes compte malheureusement de trop nombreux cas d'incarcérations pour des infractions mineures. Au Canada, les jeunes sont incarcérés quatre fois plus souvent que les adultes et deux fois plus que dans certains États américains. Nous les envoyons en prison tout en sachant qu'ils courent le risque d'en sortir en criminels endurcis et bien qu'il existe des solutions plus efficaces que la détention pour apprendre aux jeunes à tirer les leçons de leurs erreurs.
Le projet de loi fixe des critères de recours à la détention, de manière à en assurer un usage éclairé. Il contient également des dispositions relatives au traitement des infractions moins graves à l'extérieur du processus judiciaire officiel. Avant de porter des accusations, les services de police devraient examiner toutes les solutions possibles, y compris des mesures officieuses. Les services de police, partenaires clés de cette stratégie, auraient un pouvoir accru de servir des mises en garde ou avertissements verbaux, confier les jeunes à leurs programmes de déjudiciarisation officieux, comme des conférences en famille ou à des programmes plus officiels exigeant l'intervention des services communautaires ou obligeant les jeunes à réparer les torts causés à leurs victimes.
Bien que tous les efforts seront faits pour éviter de trop avoir recours à l'incarcération, certains jeunes devront tout de même être incarcérés. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents contient des dispositions qui imposent l'obligation de s'assurer que tous les jeunes, et en particulier ceux qui commettent des infractions plus graves, bénéficient d'un traitement et de mesures de réadaptation efficaces. Des réadaptations réussies signifient moins de victimes, des familles rebâties, des écoles plus sûres et des communautés plus fortes.
Le projet de loi prévoit, à cette fin, une garde intensive pour les jeunes récidivistes présentant les risques les plus élevés ou qui ont commis un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable ou une agression sexuelle grave. Les peines visent les délinquants souffrant d'une maladie ou de graves troubles d'ordre mental, psychologique ou émotionnel. La peine sera assortie d'un plan de traitement intensif et de surveillance des jeunes contrevenants; toutes les décisions relatives à leur libération dans le cadre d'un programme de réintégration surveillée seront prises par les tribunaux.
Le projet de loi réforme en profondeur le système de détermination des peines applicables aux jeunes afin de promouvoir une réintégration sure et efficace de ces derniers dans la société.
Aux termes de la nouvelle loi, les juges devront imposer une période de surveillance communautaire après emprisonnement. Cela permettra aux autorités de surveiller les jeunes contrevenants et de les suivre de près, ainsi que de s'assurer qu'ils reçoivent les traitements nécessaires et participent aux programmes qui leur permettront une réinsertion sociale réussie. La période de surveillance, qui sera sous contrôle provincial, sera assortie de conditions obligatoires ou optionnelles adaptées à chaque personne.
Le projet de loi propose un cadre législatif d'ensemble, à la fois équilibré et souple, pour le système de justice applicable aux jeunes. Il est le fruit de consultations exhaustives auprès, entre autres, des provinces, de la police, du Barreau, des employés du système de justice pour les adolescents des jeunes eux-mêmes et des victimes.
La prochaine étape importante du remaniement du système de justice pénale pour les adolescents sera la mise en oeuvre de la nouvelle loi. Il va falloir présenter le nouveau système aux professionnels du système, aux membres de la collectivité et à d'autres et les former.
Nous savons tous que la meilleure façon de s'attaquer au problème complexe de la criminalité chez les jeunes est d'adopter une approche intégrée. Un système efficace de justice pénale pour les adolescents exige la participation des éducateurs, du régime de protection de l'enfance, du système de santé mentale, d'organismes bénévoles, des victimes, des familles, des employeurs et de groupes communautaires. En fait, quiconque oeuvre en faveur des enfants, des adolescents, des collectivités et de notre pays et qui a leur sort à coeur.
Des ressources supplémentaires de quelque 206 millions de dollars ont été débloquées par le fédéral et seront consacrées, au cours des trois prochaines années, au remaniement du système de justice pénale pour les adolescents, défi d'envergure s'il en est.
[Français]
La Stratégie du gouvernement sur la justice pour les jeunes ouvre la porte à une plus grande implication du grand public et des professionnels dans la criminalité juvénile et j'encourage les Canadiens à s'impliquer.
[Traduction]
Je demande aux députés d'appuyer le projet de loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents afin que nous puissions mettre en place le genre de système de justice applicable aux jeunes que réclament les Canadiens, un système qui protège la société et qui inculque les valeurs que sont l'obligation de rendre des comptes, la responsabilité et le respect. C'est une chose que nous devons aux Canadiens en général, bien sûr, mais plus particulièrement aux jeunes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, il y a un certain nombre d'années, par une soirée d'été, j'étais assis dans ma salle de séjour lorsque j'ai entendu le son de sirènes. Il n'y avait rien d'inhabituel à cela un samedi soir dans la ville où je vis. Cependant, plus tard, j'ai entendu dire que des coups de feu avaient été tirés d'une voiture et qu'un adolescent était mort. L'automobile dans laquelle il prenait place comme passager est arrêtée à un feu rouge quand une autre voiture s'était arrêtée à sa hauteur. Un adolescent, passager dans l'autre auto, s'était penché par la fenêtre et avait tiré à bout portant.
Le lendemain j'ai mentionné l'incident à l'un de mes enfants qui avait passé cette nuit-là à la maison d'un ami pas très loin de l'endroit où s'était produit ce meurtre. Il m'a dit qu'il avait entendu le coup de feu fatal. Je me rappelle m'être demandé où s'en allait notre collectivité. Je me rappelle avoir également songé aux parents de la victime. Quelques jours plus tard, le présumé tueur a été assassiné lui-même en représailles. Là encore, je me rappelle avoir pensé à la sûreté de nos rues.
Quelques mois plus tard, un autre samedi soir, un ami de la famille venant des îles de la Reine-Charlotte nous rendait visite. Après le dîner, alors que j'étais assis dans ma salle de séjour, mon fils Jesse s'est arrêté un instant en haut des escaliers. Il a dit au revoir à sa mère et à notre ami dans la cuisine, m'a jeté un petit coup d'oeil et, après m'avoir dit: «À tout à l'heure papa», a dévalé les escaliers pour sortir ensuite.
Jesse était un batteur et son groupe rock devait jouer lors d'une fête dans une maison. Il était excité. C'était le premier engagement de l'orchestre. Notre fille de trois ans plus âgée a quitté peu après, nous laissant ainsi à une soirée tranquille de conversation.
À 23 h 15, peu après le départ de notre ami, Jesse m'a appelé pour me dire que lui et ses deux amis étaient en route pour rentrer à la maison. Ils attendaient l'autobus. Une heure plus tard, le téléphone a sonné de nouveau. Ma femme a répondu et a poussé un juron. C'était l'hôpital qui appelait. On nous demandait de venir immédiatement. Jesse avait été poignardé.
En état de panique, en cinq minutes, nous étions à l'hôpital. Une fois sur place, les employés évitaient de nous regarder dans les yeux lorsque nous avons traversé les portes et nous avons ensuite entendu les paroles qu'aucun parent ne devrait jamais avoir à entendre: «Nous sommes désolés, nous avons tout essayé, mais les blessures étaient trop graves.»
Un seul coup de poignard dans le dos lui avait percé le coeur. Il avait 16 ans. C'était le 18 octobre 1992, le jour de l'anniversaire de mon père qui fêtait ses 81 ans. Jesse aurait eu 23 ans demain.
Jesse a été la victime d'une agression gratuite de la part de complets étrangers qui s'en sont pris à lui et à ses amis. Il est mort dans les bras de son meilleur ami au bord de la même route, à environ un quart de mille de l'endroit où avait été tiré le coup de feu qu'il avait entendu quelques mois auparavant. Ses agresseurs faisaient partie de la même bande de voleurs et de voyous impliquée dans cette agression par balle. En fait, il s'est avéré par la suite que son agresseur, également âgé de 16 ans, idôlatrait l'auteur du coup de feu qu'il considérait comme un martyr.
Une arrestation a été faite dans les quelques jours qui ont suivi. La police nous a fait savoir qu'en raison de son âge, à moins que la Couronne n'arrive à convaincre les juges qu'il soit traduit devant un tribunal pour adultes, l'accusé encourait trois ans de garde en milieu fermé suivis de deux ans de garde en milieu ouvert, vraisemblablement sous surveillance communautaire, après quoi il serait remis en liberté sans casier judiciaire.
Monsieur le Président, vous ne pouvez pas savoir combien il est terrible pour une famille de s'entendre dire cela alors qu'elle est encore toute bouleversée par la mort d'un être cher, de savoir que quelque part dans ce pays, on estime suffisante une peine de trois ans d'incarcération pour avoir ôté intentionnellement la vie d'un innocent comme cela, dans la rue, lors d'une agression gratuite, non provoquée.
Deux jours après l'enterrement de Jesse, une fillette de six ans a été tuée après avoir été violée à Courtenay, en Colombie-Britannique. Son voisin de 16 ans a éventuellement été inculpé. Il a aussi été trouvé passible de trois ans de garde en milieu fermé et de deux ans en milieu ouvert.
C'est ainsi que j'ai découvert le système canadien de justice pénale et la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne suis ni avocat ni universitaire, mais après 20 mois devant les tribunaux et six ans et demi d'engagement auprès de familles et de particuliers qui, pour reprendre les mots d'un de mes bons amis, font partie d'un club dont aucun de nous ne voudrait faire partie, après avoir passé autant de temps à écouter les Canadiens, dans des centres commerciaux et sur des terrains de soccer, et non dans des salles de conférence et autres milieux officiels, je pense que je suis raisonnablement qualifié pour parler de cette question.
En fait, c'est le refus du Comité de la justice de me permettre de témoigner, à une séance publique, en 1996 à Vancouver, qui m'a poussé à faire le saut et à me présenter aux élections fédérales.
Vendredi dernier, à la Chambre, la députée de South Surrey—White Rock—Langley a dit que, à la suite de mon témoignage au Comité de la justice, il y a quelques années, un député avait dit que les témoignages des victimes n'apportaient rien d'autre que de la sentimentalité à ce débat. Je ne présenterai pas d'excuses. Pendant trop longtemps, nos législateurs et autres instances ont choisi de faire fi des véritables conséquences humaines et du coût de la criminalité sur le plan humain, en particulier de la criminalité chez les jeunes et des infractions avec violence.
J'ai déjà entendu dire qu'un avocat de Vancouver voulait que les membres des familles des victimes d'homicide ne puissent plus être entendues à la cour, parce qu'ils pleurent trop et qu'ils risquent d'influencer le jury.
Monsieur le Président, vous aurez compris que j'attendais une chance comme celle-ci depuis un bout de temps déjà. La Loi sur les jeunes contrevenants sera bientôt—espérons-le—reléguée aux oubliettes. Cette loi ne fonctionne pas, et les Canadiens souffrent de ses conséquences depuis beaucoup trop longtemps. Cette question n'a jamais été prioritaire pour les gouvernements qui se sont succédés au fil des ans. Ce n'était manifestement pas une priorité pour le gouvernement actuel. En acceptant son portefeuille, la ministre avait déclaré qu'une de ses principales priorités allait consister à présenter une nouvelle loi sur les jeunes contrevenants, mais quelle priorité ce projet de loi pouvait-il bien avoir quand on songe que nous avons dû attendre près de deux ans avant d'en être saisis? Et qu'avons-nous là? Une nouvelle appellation. Un nouveau conditionnement médiatique de la part du gouvernement. Ce dernier affirme à nouveau qu'il se montrera sévère à l'égard de la criminalité, mais nous avons en réalité la même vieille loi sous un nouvel emballage.
À chaque pas en avant correspond un pas en arrière. Une loi inefficace rend un mauvais service aux Canadiens. Elle rend un plus mauvais service encore aux jeunes, car ce sont eux qui sont le plus souvent victimes de la criminalité juvénile. Et cela rend bien sûr un service très douteux aux jeunes contrevenants quand les citoyens deviennent tellement désenchantés à l'égard de la loi qu'ils se vengent sur les contrevenants en les mettant au ban de la société ou en refusant de contribuer à leur réhabilitation.
Qu'a fait la ministre depuis deux ans? À l'automne de 1997, elle a promis aux Canadiens qu'elle apporterait rapidement des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, en disant qu'elle y travaillait. À l'hiver de 1997 et au début de 1998, elle a déclaré qu'elle ne modifierait pas la loi de façon simpliste, car il s'agissait d'un dossier complexe dont elle s'occuperait avec tout le soin voulu. Elle a par la suite annoncé en fanfare, à grands coups de conférences de presse, sur du papier à en-tête de fantaisie et en brochures en couleur, sa stratégie de justice pour les jeunes, non pas un projet de loi, mais des propositions seulement. Elle a dit qu'elle ferait preuve de sévérité à l'égard des jeunes contrevenants et a promis de présenter son projet de loi dès l'automne de 1998. Nous n'avons bien sûr rien reçu de tel à ce moment-là. La ministre a prétendu qu'il lui fallait procéder à d'autres consultations avec les provinces.
Il est vite devenu évident que ce qu'elle devait faire en réalité, c'était de débloquer des crédits fédéraux pour payer pour ses propositions. On aurait cru qu'elle aurait eu ces crédits dès le début.
Au lieu d'obtenir des réformes longuement attendues pour lutter contre la criminalité chez les jeunes, les Canadiens ont dû attendre que le gouvernement délie les cordons de sa bourse. Cela s'est fait dans une certaine mesure avec le budget de février. Nous avons maintenant une mesure législative. Le gouvernement espère, je présume, que les Canadiens sont tellement épuisés d'exercer des pressions pour obtenir quelque chose qu'ils se contenteront de n'importe quoi. Je leur assure que nous sommes bien disposés à étoffer le projet de loi. Nous sommes bien prêts à voir ce qui peut être fait pour enfin offrir aux Canadiens ce qu'ils demandent depuis des années, mais nous ne retiendrons pas notre souffle.
Le gouvernement a montré à de nombreuses occasions qu'il refusait d'entendre raison. Qu'il suffise de mentionner l'indemnisation des victimes de l'hépatite C, la réduction de la dette, des allégements pour les Canadiens qui paient trop d'impôts, la condamnation avec sursis et un système de justice à deux paliers dans lequel le gouvernement cherche à promouvoir une forme de justice pour les autochtones et une autre pour les autres Canadiens.
Le projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne répond pas aux attentes des Canadiens. Nous allons proposer des amendements. Nous avons tout notre temps et nous ne laisserons pas la question s'éclipser, contrairement à ce souhaiterait le gouvernement.
La ministre a soutenu qu'elle allait examiner cette question compliquée et prendre le temps de le faire d'une manière appropriée. Nous convenons certes qu'elle a pris son temps, mais nous contestons son affirmation selon laquelle ce serait compliqué.
Lorsque nous examinons le projet de loi article par article, nous y découvrirons en grande partie l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, réécrite et présentée différemment. Dans le cas des dispositions particulières qui semblent avoir été renforcées, la possibilité est presque toujours donnée aux provinces ou aux tribunaux de faire des exceptions et de maintenir le statu quo.
Ce qui complique les choses pour la ministre, c'est l'effort qu'elle doit faire pour concilier les points de vue différents qui s'affrontent à l'intérieur de son gouvernement. Certains veulent des dispositions plus sévères, d'autres estiment que le système est très bien tel qu'il est tandis que d'autres encore le veulent encore plus coulant. Certains croient même que tous les crimes sont imputables à la société et que les criminels ne sont que des éléments à qui la société a fait faux bond. Pas étonnant que nous ayons des problèmes dans le système de justice pénale.
Et puis la ministre prétend qu'il lui a fallu du temps pour consulter les provinces. Elle devait comprendre ce que les diverses régions du Canada souhaitaient, dans la réforme de nos dispositions sur la criminalité juvénile. De toute évidence, la ministre fait peu confiance au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Le comité a passé de longs mois à mener des audiences d'un bout à l'autre du Canada. Il a écouté le point de vue des provinces. Il a dépensé près d'un demi-million de dollars pour publier un long rapport assorti de recommandations prévoyant d'importantes modifications législatives. Cela ne suffisait sans doute pas, et j'accepte donc que la ministre ait pu souhaiter des consultations plus poussées.
S'agissait-il de consultations raisonnables ou d'une simple tactique dilatoire, parce que le gouvernement avait du mal à donner satisfaction à son groupe parlementaire? Je soupçonne que les consultations n'étaient pas satisfaisantes. Permettez-moi de citer les propos du ministre de la Justice de l'Alberta, qui a écrit à son homologue du gouvernement fédéral pour se plaindre justement à ce propos. Voici ce qu'il a écrit:
Malgré ce que vous affirmez, il n'y a pas eu de consultations suffisantes au sujet de la loi qui doit remplacer la Loi sur les jeunes contrevenants.
Le gouvernement a omis de tenir compte des grandes préoccupations d'au moins certaines provinces. L'Alberta, le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard et l'Ontario s'entendent sur un certain nombre de changements importants à apporter. Premièrement, ces provinces voudraient que, dans certains cas, l'âge minimal des jeunes contrevenants soit abaissé afin de pouvoir traiter les causes des enfants de moins de 12 ans qui commettent des infractions graves ou celles des jeunes de ce groupe d'âge qui adoptent un comportement criminel.
Le chef de police de Calgary, Christine Silverberg, a affirmé que les changements proposés par le gouvernement ne vont pas assez loin dans le cas des enfants violents de moins de 12 ans. L'inspecteur de police chargé de la criminalité juvénile de Winnipeg, Ken Biener, a déclaré:
La ministre fait fausse route en refusant d'adopter la recommandation qui nous aurait permis d'arrêter les jeunes de 10 et 11 ans et de les traduire en justice.
Il ne faut pas se surprendre que ces propositions n'aient pas été incluses dans le projet de loi. Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte non seulement du point de vue de ses partenaires dans le système de justice pour les jeunes, mais également des travaux et du rapport du comité de la justice qui formulait une recommandation très similaire.
La ministre reproche au Parti réformiste de vouloir faire en sorte que le processus de justice pour les jeunes s'applique également aux contrevenants de 10 et 11 ans. Elle trouve la suggestion barbare. Elle refuse de reconnaître que le système actuel ne parvient pas à traiter correctement les jeunes membres de notre société et à les aider. Elle refuse de permettre à ces jeunes de profiter de tous les bienfaits de la réadaptation et de la réinsertion sociale.
Elle préfère maintenir le vide juridique dans lequel ils se trouvent et qui ne leur est d'aucune aide ni d'aucun soutien. Elle refuse de reconnaître que les provinces réclament des réformes dans ce domaine et que les services policiers ont besoin de soutien pour traiter les jeunes de 10 et 11 ans qui sont violents. Elle refuse même d'admettre que des membres de son caucus ont officiellement appuyé la proposition selon laquelle le système de justice pour les jeunes devrait s'appliquer aux enfants de 10 et 11 ans. Elle refuse d'admettre que la majorité libérale qui siégeait, au cours de la dernière législature, au comité de la justice présidé par la regrettée Shaughnessy Cohen a appuyé l'inclusion des jeunes de 10 et 11 ans dans cette loi.
Nous avons tous vu ce qu'il advient de la poignée de députés libéraux qui osent contester l'avis des dirigeants de leur parti. Heureusement pour nous, Shaughnessy n'a pas connu ce sort.
Voilà un autre exemple où le gouvernement n'a pas consulté les gens. Les provinces réclamaient une modifications afin que la suramende compensatoire puisse être imposée aux jeunes contrevenants.
À l'instar du comité de la justice qui a recommandé la même chose dans un rapport sur les droits des victimes, ces provinces ont vu l'avantage qu'il y a à faire financer une partie de l'aide aux victimes de la criminalité par les jeunes contrevenants. Toutefois, le projet de loi ne prévoit aucune suramende compensatoire automatique.
Je remarque aussi qu'un certain nombre de provinces ont réclamé une disposition d'incarcération obligatoire pour les jeunes qui sont reconnus coupables de délits commis au moyen d'une arme. Encore là, le gouvernement a préféré ne tenir aucun compte des personnes qui sont aux premières lignes de la justice pour les jeunes. Aucune disposition ne prévoit l'incarcération obligatoire pour des crimes commis au moyen d'une arme. C'est à se demander si le gouvernement écoute son comité de la justice seulement lorsque les rapports de celui-ci sont conformes à sa propre position politique.
En ce qui a trait à la consultation des intéressés, le gouvernement fédéral s'entretient avec les provinces pour dire qu'il a mené des consultations, mais il ne semble avoir aucune véritable intention de tenir un dialogue significatif si les provinces ne partagent pas sa position politique.
Telles sont quelques-unes des erreurs que le gouvernement a commises lorsqu'est venu le temps de présenter le projet de loi à la Chambre. Il n'écoute pas ses partenaires dans l'administration de la justice pour les jeunes. Il ne consulte pas suffisamment. Il ne suit même pas les recommandations valables qu'a présentées son comité après avoir étudié la question en profondeur.
Au lieu de cela, le gouvernement se contente de faire ce qu'il veut pour des raisons purement politiques. Il ne se préoccupe pas de faire, en priorité, ce qui est bon pour les Canadiens, y compris les jeunes qui ont des ennuis avec la justice et ceux qui sont le plus souvent victimes de la criminalité chez les jeunes.
Je vais maintenant discuter d'un certain nombre de questions visées par le projet de loi. Je vais d'abord aborder quelques points positifs avant de passer à certains aspects négatifs qui suscitent des inquiétudes.
La ministre a décidé d'officialiser toute la question du pouvoir discrétionnaire des policiers. Cela permettra aux troupes de front de régler rapidement et facilement certains écarts de conduite mineurs commis par des jeunes. La police peut recourir à des avertissements ou à des mises en garde pour résoudre la bagarre occasionnelle entre les participants à un match de hockey joué dans la rue. Cela vaut aussi pour la plupart des frasques commises par des enfants. Le vol d'une tablette de chocolat au magasin du coin n'a pas à être soumis à un comité formé de citoyens ni à un tribunal.
La ministre se plaît à dire des députés de mon parti qu'ils ne voient qu'une seule dimension du problème et qu'ils souhaitent seulement l'incarcération des contrevenants. La ministre a tort. Le député de Crowfoot a recommandé cette mesure dans un rapport minoritaire du Comité de la justice présenté en avril 1997. Il a intégré cette idée dans son initiative parlementaire, le projet de loi C-210. Il a compris la nécessité d'épauler la police. De nombreux agents font déjà cela sans y être habilités par la loi. D'autres hésitaient toutefois à exercer leur discrétion. Ils craignaient de s'exposer aux critiques parce qu'ils n'avaient pas les pouvoirs adéquats pour agir de la sorte.
Le gouvernement a aussi beaucoup insisté sur le fait qu'il tient à traiter différemment les contrevenants non violents de ceux qui le sont et sur la nécessité de le faire. Malheureusement, de nombreux médias ont cru que l'idée venait uniquement des libéraux. Elle n'a toutefois rien de nouveau. Dans bien des régions du Canada, il y a déjà des programmes comme le programme de déjudiciarisation, la justice réparatrice, les mesures de rechange, les comités communautaires de justice pour les jeunes, les cercles de guérison, et ainsi de suite. Tout ce que le gouvernement a fait, c'est créer un terme, «mesures extrajudiciaires», qui englobe tous ces programmes.
Encore une fois, le député de Crowfoot a proposé un système de justice à deux volets où les délinquants primaires non violents pourraient être assujettis à un processus moins formel. Ils n'auraient qu'à assumer la responsabilité de leurs actes et obéir aux conditions établies par tout comité ou organisme communautaire. C'est ce qu'il a proposé dans son rapport minoritaire au Comité de la justice et dans son projet de loi d'initiative parlementaire.
Le gouvernement ne peut pas revendiquer la paternité de cette proposition, et le Parti réformiste n'était pas intéressé à le faire. Nous ne cherchions qu'à faire ce qu'il fallait pour améliorer le système de justice. Si nous avons attirer l'attention des Canadiens sur ce point, c'est simplement parce que le gouvernement essaie de montrer le Parti réformiste comme un parti unidimensionnel.
J'ai eu personnellement affaire à des douzaines de jeunes contrevenants dans le cadre d'un programme de déjudiciarisation auquel je participe depuis environ quatre ans dans ma province. Je tiens à reconnaître publiquement Lola Chapman pour le travail qu'elle fait dans ce domaine. Lola et moi avons travaillé en étroite collaboration avec le procureur général de la Colombie-Britannique pour qu'on ait davantage recours à ce genre de programmes. J'appuie entièrement le recours à ces programmes dans certains cas limités où on a affaire à des délinquants primaires non violents.
Certains se sont dits surpris, compte tenu de mon expérience personnelle, que je sois même intéressé à travailler avec de jeunes délinquants. Lorsque nous étions adolescents, nous avons tous commis des erreurs, et certains d'entre nous ont peut-être même enfreint des lois. Tout ce dont la plupart d'entre nous avaient besoin, c'était de se faire réprimander pour ces écarts de conduite. Si les réprimandes n'avaient aucun effet dissuasif et que nous passions à des crimes plus graves, alors nous méritions d'être traités de façon plus formelle. C'est la même chose pour les jeunes d'aujourd'hui. C'est tout ce que nous attendons du projet de loi.
Le dernier point que j'aborderai sur un ton positif est l'intégration de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-260, dans cette mesure législative. Encore une fois, celle-ci a fait l'objet de fuites importantes avant même d'avoir été déposée. Certaines de ces fuites concernaient mon projet de loi d'initiative parlementaire. Toutefois, la plupart des médias ont mal interprété cette partie de la mesure législative comme étant quelque chose de nouveau au Canada.
Selon ces rapports, les parents seront tenus criminellement responsables des crimes de leurs enfants. C'est à tout fait faux dans les deux cas. Ce qui m'inquiète, c'est la question de savoir si les responsables des fuites du gouvernement ont délibérément mal interprété la proposition. En outre, le gouvernement s'est montré fort peu empressé à corriger ces mauvaises interprétations. Après tout, cela fait maintenant partie du projet de loi.
J'ai dû communiquer avec différents médias. J'ai écrit un certain nombre de lettres au rédacteur en chef de journaux pour tenter de rétablir les faits. La loi est en vigueur depuis un certain nombre d'années. Ma proposition ne fait que renforcer les sanctions possibles. Elle n'a rien à voir avec les crimes d'un jeune. Elle n'a trait qu'à l'entente écrite ou au contrat en vertu duquel le jeune est libéré en attendant son procès.
Le jeune est essentiellement libéré sous caution, en quelque sorte, lorsqu'un adulte responsable, un parent habituellement, s'engage légalement et par écrit à surveiller le jeune pour garantir que la sanction imposée par le tribunal soit respectée. Tant le jeune que l'adulte signent l'entente. Les deux pourraient être trouvés coupables d'une infraction s'ils décident sciemment de ne pas se conformer à l'entente, c'est-à-dire si le parent décide sciemment de ne pas surveiller le jeune et si le jeune désobéit sciemment aux conditions. L'infraction a trait à l'entente judiciaire. Elle n'a rien à voir avec les responsabilités ordinaires du parent.
Ce dernier n'a que l'obligation de surveiller le jeune. Quand un signataire de l'entente se rend compte que l'autre signataire a enfreint les conditions, il a l'obligation d'en informer les autorités. Il y a un seuil élevé à atteindre avant que l'on puisse accuser un adulte d'avoir sciemment omis de surveiller un jeune.
Je dois dire que cette initiative est issue de ma propre expérience où l'assassin de mon fils était en violation de l'ordonnance de couvre-feu émise par le tribunal à son égard, le soir où il a tué mon fils. Trois semaines plus tôt, il avait commis une autre infraction en ne se présentant pas devant le tribunal. Son père avait signé une entente de surveillance quelques mois auparavant.
De toute évidence, j'appuie ce projet de loi en ce qui concerne les engagements judiciaires pris par des personnes responsables. J'ai hâte de voir comment le libellé de cette portion du projet de loi évoluera. J'ai hâte de voir si les députés ministériels tenteront de récupérer cette initiative. Je m'en fiche, à condition qu'elle soit acceptée.
En faisant bien saisir aux parents et au jeune les graves répercussions d'une violation de l'entente, on protégera les membres de nos collectivités. On espère que les parents réfléchiront à deux fois avant de signer une telle entente lorsqu'il y a peu d'espoir que le jeune se comporte bien. On espère que le jeune y pensera à deux fois avant de violer les conditions de sa libération et de compromettre le parent qui néglige d'exercer une bonne surveillance.
Je veux maintenant parler des défauts du projet de loi, et il y en a beaucoup. Cependant, en dépit de tout le temps qui m'a été donné, il me faudra plusieurs occasions pour tous les aborder. Heureusement, le projet de loi sera étudié par un comité. Nous avons des amendements à y proposer. À l'étape de la troisième lecture, nous pourrons à nouveau en parler ici.
Tout à l'heure, j'ai exprimé l'inquiétude suscitée par les mesures extrajudiciaires envisagées par le gouvernement. Il avait pourtant choisi un moyen valable et progressiste de s'attaquer à la criminalité chez les jeunes, mais, encore une fois, il ouvre la porte toute grande aux abus. Il a fait la même chose dans le cas des condamnations avec sursis.
Les condamnations avec sursis sont les peines purgées dans la collectivité sous une forme ou une autre de supervision. Il peut s'agir de détention à domicile ou encore de réparation versée à la société sous forme de service bénévole dans un organisme de charité.
Les condamnations avec sursis trouvent de nombreux usages. À quelle fin le gouvernement s'en est-il servi? Il s'en est servi pour réduire le coût de l'incarcération. Le gouvernement a déclaré que les prisons étaient trop pleines et coûtaient trop cher. Il a déclaré que les criminels n'étaient pas des gens si mauvais que cela et qu'une simple arrestation assortie d'une déclaration de culpabilité suffisaient pour leur faire comprendre leur erreur. Il a déclaré que les tribunaux ne permettraient pas aux criminels violents et aux récidivistes de profiter des condamnations avec sursis.
Cependant, les tribunaux ont permis à toute une gamme de criminels violents d'obtenir leur libération. Des tueurs ont reçu une condamnation avec sursis. Des agresseurs sexuels violents ont reçu une condamnation avec sursis. Il en a été de même de pédophiles et de récidivistes.
Lorsque le projet de loi C-41 a fait l'objet d'un débat en 1994 et 1995, le Parti réformiste a soutenu qu'il fallait limiter la condamnation avec sursis aux contrevenants non violents et ne consommant pas de stupéfiants qui en étaient à une première infraction. Nous étions conscients de la valeur du projet de loi, mais uniquement dans un cadre restreint. Le gouvernement a été égal à lui-même. Il a refusé d'écouter. Il a tout simplement soutenu qu'il avait la meilleure solution.
La ministre de la Justice a admis récemment qu'il y avait trop de condamnations avec sursis. Elle a demandé au Comité de la justice de se pencher sur cette question. Elle va sans doute tergiverser encore un peu, puis laisser entendre que d'autres consultations pourraient s'imposer. Une grande partie de ses orientations seront inspirées par le cabinet du premier ministre. Après tout, il a exercé les fonctions de ministre de la Justice à une vague époque et il fait à coup sûr partie des spécialistes de la condamnation avec sursis, bien qu'il ne s'agisse pas d'une notion qui ait eu cours en ce temps-là.
Revenons cependant à la loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents. Il se peut facilement que les mesures extrajudiciaires posent un problème plus grand que la condamnation avec sursis. En vertu du paragraphe 4c) du projet de loi, il est présumé que la prise de mesures extrajudiciaires suffit en cas d'infractions sans violence. Le mot «présumé» revêt ici une importance primordiale. Il signifie que la prise de mesures extrajudiciaires deviendra la règle plutôt que l'exception dans les cas d'infractions sans violence.
Voyons maintenant la définition de l'expression «infraction sans violence». Il s'agit de toute infraction qui ne cause pas de lésions corporelles ou qui risque peu d'en causer. Cette définition s'appliquerait aux attouchements sexuels, étant donné qu'il n'y a pas de risque de lésions corporelles. Les pédophiles infligent des dommages psychologiques aux jeunes enfants. Cette définition s'appliquerait à la possession de pornographie juvénile, puisqu'il n'y a pas de risque de lésions corporelles. Elle vaudrait aussi dans le cas des introductions par effraction, étant donné qu'il devrait y avoir un risque grave de lésions corporelles pour qu'il en soit autrement.
Cette définition s'appliquerait aux infractions en matière de stupéfiants, y compris au trafic de ces derniers. Vendre du crack ou de la cocaïne épurée à l'école crée-t-il un risque majeur de lésions corporelles? Je ne voudrais pas être dans la peau de celui qui doit convaincre un tribunal que le risque était tel alors que la preuve ne fait état que d'une vente ou deux. Comment pourrait-on prouver qu'il y a eu un risque majeur de lésions corporelles alors qu'il s'agissait d'un acte ponctuel?
Des mesures extrajudiciaires seront infligées aux récidivistes. En plus de ne s'appliquer qu'aux adolescents qui ont commis des infractions sans violence et n'ont jamais été déclarés coupables auparavant, le paragraphe 4c) ne vaudra que dans les cas où il est présumé que la prise de mesures extrajudiciaires suffit. Le paragraphe 4d) autorise l'application de ces mesures même en présence de condamnations antérieures. Cette disposition autorise le recours à ces mesures même dans le cas où un adolescent en a déjà fait l'objet.
Il s'ensuit donc qu'on pourrait recourir à ces mesures extrajudiciaires des centaines de fois à l'égard de la même personne commettant toutes sortes d'infractions. Il s'ensuit que des mesures extrajudiciaires sont applicables même si le délinquant a déjà été reconnu coupable d'une infraction. Il n'y a pas d'autre limitation. L'infraction antérieure en question peut être un homicide involontaire, une agression sexuelle ou un meurtre.
Je me demande parfois si le gouvernement veut vraiment mettre quelqu'un en prison. Le gouvernement permet à des délinquants violents de tout acabit d'errer dans nos collectivités et de menacer la sécurité de nos concitoyens. Il semble vouloir faire de même en ce qui concerne nos jeunes contrevenants.
Une peine d'adulte sera infligée à l'égard des infractions désignées, mais même dans ces cas, l'adolescent peut contester chaque fois l'application d'une peine d'adulte. En outre, le juge ne peut infliger une peine d'adulte que lorsqu'il est d'avis qu'une peine juvénile ne suffit pas. Les infractions désignées se limitent au meurtre, à la tentative de meurtre et à l'agression sexuelle grave. Cette définition est par trop restreinte. Elle n'inclut pas tous les types de crimes commis à l'aide d'une arme, elle n'inclut pas les enlèvements, elle n'inclut pas non plus les agressions sexuelles armées avec infliction de lésions corporelles. Tous ces crimes sont graves, mais le gouvernement estime qu'ils ne le sont pas assez pour figurer dans la liste des infractions désignées.
La peine pour un adulte reconnu coupable de meurtre est la prison à perpétuité. Au-dessus de l'âge de 18 ans, un détenu peut être admissible à la libération conditionnelle au bout de 25 ans pour un meurtre au premier degré et au bout de 10 à 25 ans pour un meurtre au deuxième degré. Les jeunes de 16 et 17 ans sont admissibles à la libération conditionnelle après 10 ans pour un meurtre au premier degré et après 7 ans pour un meurtre au second degré. Au-dessous de l'âge de 16 ans, un détenu est admissible à la libération conditionnelle au bout d'une période de cinq à sept ans. Il n'y a pas de changement.
J'ai assisté aux procès de ces deux jeunes de 15 et 19 ans qui ont été condamnés pour avoir sauvagement tué une fragile veuve de 79 ans. Elle est enterrée à deux pas de mon fils. L'adolescent de 15 ans est celui qui a organisé le meurtre. C'était le plus violent des deux. Il a visé cette dame parce que c'était une cible facile, il avait fait quelques travaux pour elle dans son jardin et savait qu'elle le laisserait entrer chez elle. Le juge a condamné le jeune de 19 ans à 15 ans avant admissibilité à la libération conditionnelle. Il s'est plaint de ce que le Parlement l'avait forcé, dans le cas du plus jeune, à fixer à sept ans seulement la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, et rien n'a changé.
Ce gouvernement n'écoute pas. La preuve, en 1994, le meurtrier de mon fils s'est vu condamné avec une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de dix ans, le maximum autorisé à l'époque. Le projet de loi C-37 présenté à la Chambre au cours de la dernière législature proposait de fixer à sept ans la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour les personnes condamnées pour meurtre au deuxième degré. Ce projet de loi tombait au même moment que la procédure d'appel qu'il avait engagée et je m'attendais à ce qu'on trouve une échappatoire. J'ai écrit au ministre de la Justice de l'époque, l'actuel ministre de la Santé, pour lui faire part de mes préoccupations. Il ne m'a pas répondu.
Le projet de loi C-37 est devenu loi en décembre 1995. Le printemps suivant, le meurtrier a bénéficié d'une réduction de trois ans de sa période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, non pas parce qu'il le méritait, mais parce que la nouvelle loi s'appliquait de façon rétroactive. J'ai fait savoir publiquement que j'avais communiqué avec le ministre. Quelques jours plus tard, un avocat du ministère de la Justice m'appelait pour me demander ce qui s'était passé. Voici ce qui s'est passé. Si une en-tête de lettre ou l'afficheur du téléphone n'indique pas le nom d'une université ou d'une organisation professionnelle, le gouvernement ne veut pas entendre parler de vous.
Je parlerai brièvement de la deuxième moitié de la définition d'infraction désignée. Dans les faits, cette disposition n'aura à peu près aucun effet. Pour pouvoir être visé par la définition d'infraction désignée, un délinquant doit avoir commis trois actes de violence graves pour lesquels un adulte pourrait être condamné à plus de deux ans d'emprisonnement. Un juge doit avoir statué que l'infraction était une infraction grave avec violence et endosser l'information en conséquence, deux fois.
Une infraction grave avec violence désigne toute infraction qui cause des lésions corporelles graves ou risque fort d'en causer, pas seulement des lésions corporelles mais des lésions corporelles graves. La plupart des tribunaux auront de la difficulté à établir la distinction.
Les députés aimeraient-ils devoir expliquer à une victime ou au public qu'une agression particulièrement sauvage n'a pas causé de lésions corporelles graves, mais seulement des lésions corporelles? Voudraient-il avoir à leur expliquer qu'on ne reconnaît au délinquant qu'un seul acte ayant déjà causé des lésions corporelles graves? La loi en exige deux.
Est-ce que l'un des députés d'en face voudrait avoir à expliquer à une victime ou au public que ce contrevenant a déjà causé des lésions corporelles à de multiples reprises mais qu'il n'a causé qu'une fois des lésions corporelles graves à autrui, si bien qu'il n'est pas visé par la définition d'infraction désignée?
Un accusé âgé de 14 ans ou plus peut se voir infliger une peine pour adulte s'il a commis une infraction pour laquelle un adulte serait passible de plus de deux ans d'emprisonnement. Le simple fait de prévoir des infractions désignées et d'autres dispositions de ce genre est propre à donner aux tribunaux et aux intervenants du système de justice pénale la nette impression que le Parlement tient beaucoup à ce type de disposition et beaucoup moins au reste.
Au cas où les gens qui suivent le débat croiraient que ces dispositions permettant l'assujettissement des jeunes à des peines applicables aux adultes auront pour effet que des crimes semblables donneront lieu à des peines semblables, qu'ils aient été commis par des adultes ou des jeunes, je veux donner quelques précisions.
Ce projet de loi est fondé sur quelques grands principes, dont la réadaptation et la réinsertion sociale des jeunes. On n'y dit rien de la dissuasion et de la dénonciation. Il ne doit pas y avoir de châtiment visant à dissuader d'autres jeunes de s'engager dans des activités semblables. Il ne doit pas y avoir de châtiment visant à exprimer la désapprobation de la société et à souligner l'odieux des crimes particulièrement violents ou abominables.
Tous les jeunes doivent être réadaptés et réintégrés en peu de temps. Le gouvernement croit qu'on peut tous les soigner et qu'ils représentent peu de risques pour la collectivité à leur retour.
Cette idée d'assujettir les jeunes de 14 ans ou plus à des peines applicables aux adultes n'est rien de plus qu'un attrape-nigauds. On fera presque toujours appel pour éviter l'application de cette mesure. Toutes les habiletés des avocats seront requises. Les juges auront toujours le droit de faire preuve de clémence. Après tout, bon nombre d'entre eux ont des tendances libérales, puisque la plupart ont été nommés par le premier ministre ou par un de ses prédécesseurs. Les juges ont pleine discrétion pour déterminer s'il y aura ou non assujettissement à des peines applicables aux adultes. L'article 72 n'impose aucune limite à cet égard.
Les provinces ont aussi un rôle à jouer, puisque le ministère public peut appuyer le non-assujettissement à une peine applicable aux adultes, ou ne pas émettre d'avis qu'une peine applicable aux adultes doit être réclamée. Il y a aussi le principe dominant selon lequel ces jeunes doivent être réadaptés, et non punis et dénoncés.
Toute la question de la désignation des jeunes par leur nom est de même nature. Le gouvernement vend l'idée qu'il va sévir et que l'identité des jeunes contrevenants qui écoperont de peines pour adultes sera publiée, mais il ne parle pas beaucoup des dispositions qui permettront aux tribunaux d'en interdire la publication. Les jeunes contrevenants pourront donc demander cette interdiction, et celle-ci sera à l'entière discrétion des tribunaux.
Le projet de loi est libellé de telle sorte que la réadaptation et la réinsertion sociale seront les principaux principes à appliquer. Le Parlement n'exige nullement que les noms des auteurs de certains crimes soient automatiquement publiés afin que les citoyens sachent qui parmi eux représente un risque pour leur sécurité. Même des jeunes de 14 ans ou plus qui commettront une infraction désignée, comme un meurtre ou une agression sexuelle grave, pourront écoper de peines pour jeunes et être protégés contre la publication de leurs noms.
Tout à l'heure, j'ai parlé du viol et du meurtre d'une petite fille par son voisin de 16 ans. Au moment du meurtre, ce jeune était en liberté surveillée pour avoir attenté à la pudeur d'un jeune enfant. On a permis qu'il habite dans un complexe résidentiel où vivaient beaucoup d'enfants et ce, anonymement en raison de son jeune âge. Je crois inutile d'en dire plus sur la protection de l'identité des jeunes qui représentent un danger.
Comme je l'ai dit, lorsque le gouvernement modifie les lois, il n'aime pas en modifier le fond. Il préfère plutôt en modifier la présentation et changer les slogans qui servent à les vendre au public, et les Canadiens se retrouvent avec les mêmes vieilles lois inefficaces. Il arrive même parfois qu'ils se retrouvent avec bien pire que ce qu'ils avaient au départ. Reste à voir ce qui se passera dans le cas de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le gouvernement a refusé, pour des raisons purement politiques, d'abaisser l'âge à 10 ans. On discute de cette question depuis nombre d'années, plus précisément depuis que le ministère de la Justice a recommandé le changement en 1962. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette recommandation à ce moment-là et il n'en tient toujours pas compte aujourd'hui. Cette mesure législative comprend des difficultés évidentes, par exemple des mesures extrajudiciaires, qui pourraient être corrigées par un amendement. J'ai bien peur que le gouvernement refusera encore cette fois-ci de nous écouter et d'admettre ses erreurs, mais nous essaierons.
Il y a d'autres points, par exemple les peines d'adultes et la publication des noms, qui font l'objet de tellement d'exceptions et de dispositions particulières qu'il faut s'attendre à du mécontentement et de nouvelles demandes de révision de la part du public.
Le gouvernement peut se permettre de consacrer beaucoup d'argent à la promotion et il dispose d'importantes ressources humaines pour faire accepter son projet de loi par les Canadiens.
Malheureusement, contrairement à d'autres mesures législatives, les lois en matière de justice ne sont pas à effet rapide. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne changera rien. Au fur et à mesure que les cas seront rejetés, les faiblesses deviendront apparentes et la désillusion ira croissant.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents n'est rien de plus que la Loi sur les jeunes contrevenants qui a été maquillée et renommée. Il y a plus de six ans que je m'intéresse à ce débat, et comme je l'ai déjà mentionné, je n'ai aucunement l'intention de m'excuser pour les sentiments ou l'émotion que j'y apporte. Il est malheureux que ce soit là ce que le gouvernement peut faire de mieux après toutes ces années de tergiversations, de soi-disant consultations et de délibérations. Les Canadiens méritent mieux que cela. Et ce qui importe le plus, puisqu'ils sont très souvent eux-mêmes victimes de la criminalité juvénile, nos enfants méritent mieux que cela.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, c'est avec un peu de regret que je prends la parole aujourd'hui à la Chambre relativement à ce projet de loi. Effectivement, le débat sur le projet de loi C-68 n'aurait jamais dû avoir lieu, et la ministre de la Justice le sait très bien.
Il a été démontré, à maintes reprises, que ce n'est pas la Loi sur les jeunes contrevenants qui fait défaut, mais son application. Ceux qui l'appliquent convenablement réussissent là où les autres échouent. Malgré tout, le gouvernement libéral s'entête et s'apprête à raser l'esprit de cette approche.
On me permettra d'utiliser le temps qui m'est alloué pour démontrer que la Loi sur les jeunes contrevenants ne mérite pas le sort que lui réservent les libéraux en réponse aux pressions de l'Ouest canadien. Cette loi, ce bouc émissaire de la politique libérale du moindre effort, doit être maintenue dans sa forme actuelle.
La Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée en 1982 et entra en vigueur en 1984. Cette législation n'est pas née du jour au lendemain. Elle est le résultat de plusieurs décennies de réflexion. En fait, il faut remonter à 1857 pour retracer la première initiative octroyant un statut spécial aux délinquants mineurs.
En 1908, nous avons institué le premier système de justice juvénile. La Loi sur les jeunes délinquants visait à remettre le jeune dans le droit chemin en minimisant sa responsabilité, vu son jeune âge. En fait, on voulait mettre sur pied un régime qui puisse réellement assumer une réintégration efficace des jeunes délinquants dans la société.
L'Ontario se trouvait alors parmi les premières à faire pression afin que les jeunes délinquants puissent bénéficier d'une approche protectrice. Paradoxalement, c'est Queen's Park qui réclame maintenant haut et fort davantage de répression à l'endroit des jeunes.
Au début des années 1970, le Québec s'est doté de deux mesures sociales qui allaient s'avérer fort utiles, sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants: l'aide juridique et la réforme des services sociaux. En 1974, les premières mesures de déjudiciarisation voyaient le jour au Québec, lors de la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le Québec était donc prêt à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants dès son entrée en vigueur en 1984.
Il faut d'ailleurs souligner l'extraordinaire solidarité québécoise qui avait réussi, à cette époque, à faire fléchir le gouvernement fédéral pour obtenir la loi que nous avons maintenant, une loi axée sur la prévention du crime, sur la réhabilitation du jeune aux prises avec des problèmes de criminalité, et surtout, une loi axée sur la protection de la société à long terme. La Loi sur les jeunes contrevenants que nous connaissons avait et a toujours la vision qu'on voulait lui donner.
À l'époque, il ne faisait aucun doute que la déjudiciarisation devait être davantage privilégiée. À Québec, le rapport Prévost l'avait annoncé depuis belle lurette. On devait utiliser le recours au tribunal uniquement quand on avait épuisé les possibilités de réorientation, de rééducation et d'entente avec les parents pour un traitement spécial.
Cette idée avait fait du chemin, notamment aux États-Unis, en Angleterre et en Écosse. Le gouvernement fédéral ne pouvait donc faire autrement qu'ouvrir la voie à la déjudiciarisation par le biais de la Loi sur les jeunes contrevenants. Néanmoins, ce sont les provinces, en raison de leur compétence en matière d'administration de la justice, qui devaient assurer la mise en place des programmes de déjudiciarisation. C'est ce que fit le Québec en mettant sur pied un ambitieux programme de mesures de rechange.
Cette année, en 1999, nous fêterons le 15e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants. La ministre de la Justice du Canada considère que la loi a fait son temps, qu'elle est désuète et ne répond plus à nos attentes. Or, soyons clairs, ce n'est pas 15 ans d'expertise que le gouvernement libéral s'apprête à sacrifier, c'est 30 ans de savoir-faire québécois.
La Loi sur les jeunes contrevenants est le résultat de plusieurs années de consultations et d'études sérieuses. En 1992, le gouvernement du Québec avait chargé un groupe de travail d'étudier l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Présidé par Michel Jasmin, juge en chef adjoint de la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, le groupe de travail accoucha d'un volumineux rapport, après deux ans et demi de consultations et d'études approfondies.
Il m'apparaît essentiel d'informer cette Chambre de certaines conclusions du rapport Jasmin qui sont toujours d'actualité et que, de toute évidence, la ministre ne connaît pas.
Rédigé sur la base de témoignages de plusieurs juristes, criminologues, psychologues et intervenants sociaux du Québec, ce rapport décrit avec éloquence l'approche qui prévaut au Québec en matière de traitement de la criminalité juvénile. Ainsi, je vais citer quelques passages de cet important rapport rédigé par le juge Jasmin:
La démarche que nous avons faite depuis deux ans et demi nous a convaincus que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Nous avons d'ailleurs été frappés par le consensus qui existe dans les divers milieux d'intervention québécois à ce sujet. Il faut souligner que le Québec a développé une tradition dans le domaine des interventions visant les jeunes contrevenants.
Les efforts des pionniers qui, dans les années 1950, prônaient une humanisation et une professionnalisation des services ont porté des fruits qui, à l'époque, eussent paru impensables. On a voulu dépasser les simples perspectives de la répression et centrer les interventions sur l'éducation et la réadaptation des jeunes. Beaucoup a été fait pour en arriver là.
Et le juge poursuit un peu plus loin dans son rapport extrêmement important:
La délinquance des jeunes est un problème complexe, que nous devons aborder dans ses diverses dimensions. La loi est un élément essentiel d'une stratégie d'intervention, mais il faut savoir aller au-delà de la loi pour en saisir les autres éléments, dont l'importance est loin d'être moindre. Il est souvent plus facile de modifier une loi que de changer les pratiques d'intervention.
Le juge Jasmin connaissait déjà probablement l'actuelle ministre de la Justice. Il continue:
Il peut être tentant de se laisser croire qu'en durcissant la loi, on apportera une solution aux problèmes que pose la délinquance. Les réponses simples sont un leurre lorsqu'elles s'adressent à des problèmes complexes; elles en occultent l'ampleur en créant la fausse impression que l'on fait le nécessaire pour les régler. Substituer la répression aux approches éducatives relève de ces réponses simples.
Lorsque l'on voit le projet de loi à l'étude en deuxième lecture, on se rend compte que les réponses de la ministre sont très simples à un problème extrêmement complexe.
Le rapport Jasmin est continuellement cité par ceux et celles qui défendent l'approche québécoise. À titre de député du Québec, je me ferai un devoir de m'en inspirer. J'utiliserai ce rapport afin de dénoncer les solutions simplistes de ce gouvernement qui a succombé deux fois plutôt qu'une aux pressions de la droite et du Parti réformiste.
Je me ferai une obligation de répéter que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Je ne dirai jamais assez souvent à la ministre qui se trouve devant moi que substituer la répression aux approches éducatives relève des réponses simples.
La Loi sur les jeunes contrevenants affiche de très bons résultats. La criminalité juvénile est en baisse constante. Étrangement, la ministre de la Justice du Canada nous a servi des chiffres très éloquents à cet effet lorsqu'elle a présenté son projet de loi.
Elle mentionnait dans ses documents que la criminalité juvénile avait baissé de 23 p. 100 depuis 1991. Elle informait même la presse que le taux de crimes avec violence avait aussi diminué depuis 1995.
Comme on reconnaît l'arbre à ses fruits, on doit juger la Loi sur les jeunes contrevenants en fonction des résultats qu'elle affiche et non pas sur la base d'une fausse perception.
Il serait irresponsable de réformer la justice juvénile aveuglément, sans tenir compte de tous les éléments qui entrent en jeu. En effet, lorsqu'elle protège des concepts aussi fondamentaux que la vie et l'intégrité physique, la Loi sur les jeunes contrevenants joue un rôle primordial dans la consolidation de la confiance collective à l'égard de nos institutions.
Les parlementaires ont donc la responsabilité de répondre rapidement aux inquiétudes de leurs concitoyens en effectuant, si nécessaire, les modifications législatives appropriées.
Cependant, ils doivent avant tout s'assurer que la population possède l'information requise pour se faire une idée juste d'un problème aussi complexe que la criminalité juvénile. On ne fait pas, cependant, ce que la ministre a décidé de faire, de jeter le bébé avec l'eau du bain. Il faut examiner de façon approfondie et ne pas agir sur un coup de tête dans le cas d'une loi semblable.
Or, la ministre fédérale de la Justice a failli à son devoir d'information. En militant en faveur d'une loi plus ferme, la ministre sous-entend, à tort, que le régime actuel est déficient, et lui fait l'odieux de son manque de leadership.
En fait, le projet de loi C-68 démontre qu'il est plus facile pour le gouvernement libéral de sacrifier une bonne loi que de promouvoir l'approche efficace qu'elle favorise.
Pour bien comprendre le pourquoi des modifications actuelles de la Loi sur les jeunes contrevenants, il faut retourner à la 35e législature pour constater les premières tentatives libérales de faire de la Loi sur les jeunes contrevenants un bouc émissaire.
Le 28 avril 1994, l'actuel ministre de la Santé et ministre de la Justice de l'époque stipulait à la Chambre que le virage à droite répondait à des engagements électoraux. Il l'a admis très candidement.
Est-il nécessaire de préciser que ces engagements ne visaient certainement pas l'électorat québécois? En fait, c'est un secret de polichinelle que de prétendre que le Parti libéral s'était fixé comme objectif de courtiser la clientèle réformiste de l'Ouest canadien.
Ainsi, par l'adoption, à cette époque, du projet de loi C-37, le gouvernement libéral introduisait, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, une série d'automatismes qui allaient grandement affecter le fragile équilibre du système de justice juvénile.
En permettant les renvois automatiques des jeunes de 16 et 17 ans devant les tribunaux pour adultes, ce gouvernement atténuait davantage la particularité de la justice juvénile qui, au rythme où vont les choses, n'aura bientôt de juvénile que le nom.
Dans la même veine, la ministre de la Justice présentait sa stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes en mai 1998. La ministre de la Justice annonçait notamment qu'elle allait étendre les renvois aux jeunes de 14 et 15 ans. Cette mesure fut décriée par l'ensemble des intervenants du Québec.
Le Barreau du Québec avait même produit un imposant mémoire dans lequel il dénonçait ouvertement cette mesure qui risquait, selon lui, d'augmenter les récidives chez les adolescents en nombre et en gravité. Dans ce mémoire, le Barreau stipulait qu'il ne croyait pas que ce soit le cadre législatif actuel de la Loi sur les jeunes contrevenants qui pose problème, mais plutôt son application.
Il dénonçait aussi le fait que la réforme se fondait sur des raisons biaisées et non conformes à la réalité. Par exemple, le Barreau s'est posé la question suivante, fort légitime et toujours d'actualité: «Où exactement le gouvernement a-t-il puisé l'information à l'effet que les hausses de peines allaient avoir quelque impact que ce soit sur le taux de criminalité?»
Le Barreau du Québec avait bien ciblé la problématique. Non seulement la réforme n'était pas nécessaire, mais les solutions retenues par la ministre sont erronées et dangereuses.
Vendredi dernier, un vent de fraîcheur dans le dossier: une quinzaine d'organismes québécois sont sortis publiquement pour réaffirmer leur opposition au projet de loi C-68. Réunis en conférence de presse, l'Association des centres jeunesse du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Conseil permanent de la jeunesse et l'Association des chefs de police et de pompiers du Québec, pour ne nommer que ceux-là, ont réaffirmé le consensus québécois et contredit, sans ambages, la ministre de la Justice et son projet de loi C-68.
Le message était et est fort simple: «Madame la ministre, nous ne voulons pas de votre projet de loi.» Ils ont répondu du tac au tac aux prétentions de la ministre qui affirme que son régime flexible permettra au Québec d'appliquer la loi comme il l'entend.
Le criminologue Jean Trépanier, un expert reconnu en matière de criminalité juvénile au Québec, n'a pas été tendre à l'endroit de la fameuse «flexibilité de la ministre». Lors de la conférence de presse, il disait, et je le cite: «La soi-disant flexibilité semble être un leurre politique. Les juges du Québec ne pourront pas faire abstraction des peines imposées ailleurs.» Pour s'en convaincre, on a juste à lire le projet de loi.
Également, Mme Cécile Toutant, une intervenante très respectée du milieu québécois, s'en est prise, elle, à certaines mesures retenues par le projet de loi. La criminologue, qui est responsable du programme pour les adolescents de l'Institut Pinel, a dénoncé les nouvelles mesures permettant l'imposition automatique des peines pour adultes aux jeunes de 14 et 15 ans. Selon elle, le temps d'incarcération n'a rien à voir avec la protection du public. Peut-être que la ministre ne le sait pas.
Me Trépanier et Mme Toutant sont membres du Sous-comité du Barreau du Québec sur les jeunes contrevenants. Ce sous-comité a notamment rédigé le mémoire du Barreau relatif à la Stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes. La ministre ne peut donc pas ignorer l'avis de ces experts.
Ceux qui devront vivre au quotidien avec la nouvelle loi ne se soucient guère des préoccupations électoralistes du gouvernement libéral. Ce sont eux qui devront appliquer la nouvelle loi. Le porte-parole de l'Association des centres jeunesse du Québec a été très clair à cet effet en stipulant, et je le cite: «Ce sera un vrai bordel si le projet de loi est adopté.»
L'application de la loi se fera sur la base d'une fragile discrétion des procureurs de la Couronne. La Loi sur les jeunes contrevenants, je le répète, est une bonne loi. Elle est efficace et affiche de bons résultats. Alors, pourquoi la changer? Quelles sont les raisons qui justifient un tel remue-ménage, si ce n'est que la ministre veut à tout prix plaire à l'électorat de la droite en lui donnant ce qu'il veut: de la répression.
Hier, l'Ouest canadien, le Parti réformiste en tête, demandait des peines plus sévères et, avec le projet de loi qu'on a devant nous, il a obtenu gain de cause. Hier encore, la droite de l'Ouest canadien exigeait la publication de l'identité des jeunes contrevenants, et la ministre a cédé sous la pression.
Les réformistes ne sont pas encore satisfaits. Ils demandent maintenant que la justice criminelle s'applique aux enfants de 10 ans. À l'heure actuelle, la ministre affirme qu'elle ne veut rien savoir d'une telle mesure. Or, c'était aussi la prétention du gouvernement libéral quand les réformistes demandaient des peines plus sévères en 1994. Le gouvernement ne voulait rien savoir d'une telle mesure. Que s'est-il passé depuis? Le gouvernement a plié lamentablement.
Jamais ce gouvernement ne réussira à maintenir une approche équilibrée en matière de criminalité juvénile. Il est beaucoup trop préoccupé par ses ambitions électorales dans l'Ouest. Qui peut faire confiance à un gouvernement girouette?
Aujourd'hui encore, une évidence saute aux yeux dans un dossier comme celui de la Loi sur les jeunes contrevenants. Le peuple québécois ne pourra faire des choix conformément à ses valeurs que lorsqu'il accédera à la souveraineté.
D'ici là, chaque jour qui passera, nous nous lèverons à la Chambre pour dénoncer la faiblesse de ce gouvernement. Mais plus précisément dans le cas sous étude, le Bloc québécois demandera sans relâche, et on amènera des témoins pour étayer nos prétentions, que la ministre comprenne le bon sens, décide de ne pas faire de la petite politique avec un sujet aussi important que l'avenir des jeunes qui sont aux prises avec des difficultés et des problèmes criminels et qu'elle décide de retirer son projet de loi, puisqu'il tente de faire échec au modèle québécois.
C'est un véritable obstacle et un danger pour le modèle québécois qui a été bâti à l'aide des spécialistes et de tous les intervenants depuis au moins 30 ans.
Je demande à la ministre qu'elle comprenne et qu'elle retire le plus rapidement possible ce projet de loi, parce que c'est un projet de loi qui n'est pas bon pour l'avenir des jeunes aux prises avec la criminalité.
[Traduction]
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Madame la Présidente, c'est toujours un plaisir de prendre la parole au nom du Nouveau Parti démocratique sur des sujets ayant trait à la justice et tout particulièrement à propos du projet de loi déposé par la ministre.
Je fais suite à des intervenants fort éloquents, qui ont soulevé des objections. Bien que je sois d'accord sur presque tout ce que le député de Berthier—Montcalm a dit, je lui ferais remarquer que les députés de l'Ouest ne sont pas tous membres du Parti réformiste. Ainsi, j'ai le privilège d'appartenir au parti qui renferme les éléments les plus progressistes du Canada de l'ouest et les députés les plus progressistes de cette région. Je me permets de le lui rappeler. Je sais qu'il en est conscient.
Ceci dit, j'aimerais pour commencer revenir sur certains commentaires qui ont été faits. Je parlerai ensuite du projet de loi et des propos de la ministre.
Il est important de reconnaître et de rappeler, à l'intention de ceux qui écoutent le débat ou qui le liront dans le hansard, que le rôle des partis d'opposition n'est pas de s'opposer pour le plaisir de s'opposer, ce qui est malheureusement trop souvent ce que fait le Parti réformiste, mais d'étudier les projets de loi et d'offrir des conseils constructifs, des solutions de rechange, des critiques sincères, et également des compliments quand certains articles du projet de loi sont bien faits; notre rôle est également de l'analyser plus en détail en comité. Voilà le rôle de l'opposition. Malheureusement, les membres de l'opposition officielle, le Parti réformiste, l'ont oublié.
Les commentaires du député de Surrey-Nord étaient quelque peu contradictoires. Il a reproché au gouvernement son approche unidimensionnelle de la criminalité, puis il a fait du projet de loi une critique unidimensionnelle.
Il y a des choses à tirer au clair, plus particulièrement à propos des dispositions sur les peines. Le député de Surrey-Nord a dit qu'il n'y avait rien dans ces dispositions qui oblige les jeunes à rendre des comptes, et qu'elles traitaient uniquement de la réadaptation et de la réinsertion sociale. C'est un exemple de discours simpliste au sujet d'un document d'une extrême complexité.
Le projet de loi comprend un grand nombre d'articles et traite d'un problème fondamental. Pour faire ressortir et illustrer le simplisme du Parti réformiste devant un projet de loi complexe, que les députés néo-démocrates vont examiner à fond et peser avec soin, permettez-moi de lire l'article en question.
«L'assujettissement de l'adolescent aux peines visées à l'article 41 a pour objectif de favoriser la protection de la société en faisant répondre celui-ci de l'infraction qu'il a commise par l'infliction de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa», puis apparaissent les mots réadaptation et réinsertion sociale. Le projet de loi est complexe, et l'hystérie simpliste n'est pas une façon de l'aborder.
Bien des gens sont venus témoigner devant le Comité de la justice qui a diffusé ce rapport. Il faut les féliciter pour leur participation. Le comité a entendu notamment des représentants du Conseil des Églises pour la justice, des membres de l'Association canadienne des policiers et des avocats de l'aide juridique de toutes les régions du pays, dont bon nombre avec qui j'ai eu l'occasion de travailler avant d'être élu au Parlement. Les observations de mes collègues qui ont été insérées dans ce rapport m'ont semblé intéressantes. Je voudrais aussi féliciter les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont collaboré à la rédaction de ce document qui, je le répète, est complexe.
Le projet de loi renferme de bonnes mesures. Nous devons adopter une approche équilibrée. Dans le préambule, la ministre reconnaît que l'un des principes de base de la mesure législative consiste à protéger la société. Le droit pénal existe pour qu'une société puisse se sentir en sécurité.
Comme l'a rappelé la ministre, de nos jours, de nombreux membres de la société canadienne ne se sentent pas en sécurité. Ils ont parfois l'impression que, à cet égard, le droit pénal les abandonne à leur sort. Ces craintes sont parfois alimentées pour des considérations politiques. On nourrit la peur. L'opposition de cesse de nous décrire des incidents isolés de crimes haineux, car il s'agit bien de crimes haineux. Mais pour chacun des jeunes contrevenants auxquels s'attaque le Parti réformiste en nous racontant leurs antécédents pour des motifs purement politiques, il y en a vingt autres qui trouvent le chemin de la réadaptation.
La protection de la société et l'obligation pour les adolescents d'assumer la responsabilité des crimes qu'ils commettent sont de bonnes choses. Il faut clairement laisser entendre aux adolescents qu'ils doivent assumer la responsabilité de leurs gestes et c'est ce que fait ce projet de loi.
M. Ken Epp: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement.
Le député sait sûrement, tout comme vous, que le Règlement de la Chambre interdit d'imputer des motifs. Il est inacceptable que le député nous prête des intentions.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Il s'agit là d'une question de débat.
M. Peter Mancini: Madame la Présidente, je comprends qu'il soit délicat de dire la vérité, mais je poursuivrai de toute façon.
J'ai mentionné certains bons aspects du projet de loi. Je comprends que le Parti réformiste ait parfois du mal à entendre la vérité.
Je continue de mentionner les bons aspects. Ce projet de loi accorde un rôle aux victimes, ce qui est important et qu'il faut reconnaître. La publication des noms des adolescents qui commettent des crimes graves et qui reçoivent une peine applicable aux adultes constitue une modification importante.
Cela étant dit, d'autres aspects de ce projet de loi nécessiteront une étude poussée et d'autres encore me préoccupent sérieusement.
D'abord et avant tout, il y a le coût du programme et la question de savoir si les fonds du gouvernement seront suffisants pour mettre en oeuvre les modifications proposées dans le projet de loi.
Le projet de loi s'éloigne à bien des égards de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il accorde un grand pouvoir discrétionnaire aux tribunaux et un grand pouvoir à la collectivité dans les recours extrajudiciaires.
Le projet de loi a pour objet de faire incarcérer seulement les adolescents qui ont commis des crimes de violence graves ou les crimes prescrits, tandis que les autres bénéficieront du système pour se réadapter et être réinsérés dans la société. Le problème avec cela, c'est que cette disposition n'est pas nouvelle. C'est ce que prévoyait l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants.
Je me rappelle l'époque où j'exerçais le droit applicable aux jeunes contrevenants lorsque cette mesure législative a été présentée. Le vrai problème, comme nous le disions dans les bureaux d'aide juridique, sur la ligne de front, c'était le manque de ressources. Le député conservateur de Pictou—Antigonish—Guysborough doit comprendre cela. Alors qu'il y avait une mesure législative progressiste en place et qu'on demandait aux groupes communautaires de s'occuper des jeunes contrevenants, faute de financement adéquat, ces jeunes contrevenants se sont retrouvés en prison car c'est tout ce que les juges pouvaient faire avec eux.
Je crains que les 206 millions de dollars sur trois ans débloqués par le gouvernement ne soient pas assez, surtout si on prend les chiffres par habitant. Si cet argent doit être distribué aux provinces par habitant, cela voudra dire que les provinces ayant peu d'habitants recevront des sommes ridicules par rapport à ce qui est nécessaire pour respecter les objectifs de la loi.
Il est intéressant d'examiner les statistiques sur la criminalité chez les jeunes, surtout celles sur les crimes violents commis par les jeunes. Comme la ministre l'a dit, elles sont en baisse. C'est le cas dans certaines provinces comme Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Écouard, le Nouveau-Brunswick, le Québec, la Colombie-Britannique et l'Ontario. Elles sont en baisse dans le Canada dans son ensemble. Cependant, en Saskatchewan, dans ma province, la Nouvelle-Écosse, et au Manitoba, les crimes violents commis par les jeunes sont en hausse. De 1990 à 1997 ils ont augmenté de 23 p. 100 en Saskatchewan, de 32 p. 100 en Nouvelle-Écosse et de 34 p. 100 au Manitoba.
Malheureusement, si l'argent doit être distribué par habitant, les provinces même qui en ont besoin pour mettre en oeuvre les bonnes dispositions de cette mesure législative ne recevront pas grand-chose.
Ces 206 millions sur trois ans représentent en gros 68 millions par année distribués dans tout le Canada par habitant. Ma province recevrait peut-être 2 millions de dollars pour mettre en oeuvre les nombreuses mesures que cette loi prévoit.
Il est question notamment de créer des organisations communautaires pour travailler avec les jeunes, ainsi que de leur assurer les services de l'aide juridique. Le projet de loi précise très clairement que tous les jeunes ont droit à un avocat, ce qui est tout à fait normal. Cependant, sans un accroissement marqué du financement, il sera impossible d'appliquer ces mesures et cela va causer des problèmes.
Les modifications en ce qui concerne la probation obligatoire et la surveillance accrue que prévoit la loi entraînent des coûts que devront supporter surtout les provinces. Lorsque le jeune contrevenant quittera le tribunal et devra être placé sous la surveillance d'un agent de probation, les fonds ne seront pas là pour que cet agent puisse s'acquitter de son travail.
Comme avec l'ancienne loi, le juge, faute de services de probation, de groupes communautaires ou d'établissements spéciaux pour s'occuper des jeunes contrevenants, n'aura d'autre choix que de les condamner à une période de détention. Sans financement adéquat, et c'est là une préoccupation primordiale, même les bonnes dispositions du projet de loi ne peuvent être mises en application et exigeront un examen vraiment fouillé.
Le projet de loi ne répond pas non plus à certaines des préoccupations des provinces. Ces dernières ont réclamé à l'unanimité un retour au financement à part égale, de sorte que la moitié des crédits pour lutter contre la criminalité juvénile et mettre le projet de loi en application proviennent du gouvernement fédéral. Ces crédits ont été réduits ces dernières années. La Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont sollicité ce genre de financement. Comme je l'ai dit, toutes les provinces l'ont sollicité.
Le Manitoba a demandé plusieurs choses, comme les délais obligatoires, dont il n'est pas question dans le projet de loi. Une partie du problème vient de ce que, dans le cadre du système actuel, les fonds manquent pour assurer une justice rapide. La justice doit être rendue rapidement si on veut qu'elle soit juste. On n'a donc pas répondu à bon nombre des préoccupations des provinces.
D'autres aspects du projet de loi devront faire l'objet d'un examen au comité. Je puis assurer aux Canadiens que nous, du NPD, et moi-même à titre de porte-parole du parti en la matière, allons examiner rigoureusement ces aspects sous l'angle de l'application.
Le projet de loi laisse aux juges beaucoup de discrétion pour déterminer si un jeune de plus de 14 ans pourra être condamné à des peines applicables aux adultes dans le cas de certains crimes. Cet aspect exigera un examen attentif.
Je suis d'accord pour accorder aux policiers une certaine discrétion pour ce qui est de donner aux jeunes une mise en garde, mais encore une fois, nous ne pouvons pas exiger des policiers une norme élevée de comportement si les fonds manquent pour assurer une formation adéquate. Nous devons veiller à ce que les policiers comprennent les conditions dans lesquelles ils peuvent ainsi donner une mise en garde aux jeunes. Sinon, nous courons le risque de voir les policiers outrepasser les limites de leurs pouvoirs, et les policiers courent le risque de ne pas comprendre où s'arrêtent leurs pouvoirs.
Nous avons toujours été en faveur d'un pouvoir discrétionnaire pour la police, mais réaliste et raisonnable. Le policier moyen en patrouille qui se préoccupe des comptes qu'il a à rendre doit savoir en quoi consistent ces délais, ce qu'il peut ou ne pas faire pour ce qui est de donnr une mise en garde aux jeunes. Cela exigera un examen attentif.
Ce projet de loi renferme des dispositions s'appliquant à l'adolescent pouvant souffrir d'une maladie ou de troubles d'ordre physique ou mental. Aucune précision n'est fournie quant au mode de financement ou à la manière dont un jeune sera classé dans cette catégorie. Je crains qu'une déclaration en ce sens ne soit une autre solution à l'imposition d'une peine pour adulte. La prison n'est pas l'endroit approprié pour quelqu'un qui souffre d'un trouble d'ordre mental. Nous le savons et nous ne pouvons pas changer cela pour les jeunes. Ce n'est certes pas l'objet de ce projet de loi, mais il faut éviter ce genre de choses.
Je sais que la mesure vise la Loi sur les jeunes contrevenants, mais je pense qu'il faudrait modifier le Code criminel pour dissiper nos préoccupations. En un sens, la ministre de la Justice a raison. Il n'y a pas de place en prison pour des jeunes de 10 et 11 ans. Les services sociaux des provinces devraient s'en occuper, parce que ce sont des enfants.
Nous avons demandé au gouvernement de modifier le Code criminel, pour châtier ceux qui, à des fins criminelles, recrutent des enfants de 10 et 11 ans, surtout parce qu'ils savent que, aux termes des anciennes et des nouvelles lois, il est impossible d'intenter des poursuite contre des enfants de 10 et 11 ans.
Comme la ministre de la Justice l'a fait remarquer, le projet de loi traite de l'incitation. Ainsi, toute personne qui incite un adolescent à commettre une infraction est partie à l'infraction. Cependant, nous pensons qu'il devrait y avoir une disposition particulière visant ceux qui recrutent des jeunes de 10 et 11 ans. Le crime le plus odieux est probablement celui qui consiste à pousser un jeune dans la voie du crime, à contribuer à en faire un criminel. Il faudrait peut-être châtier plus sévèrement ceux qui font cela. Encore une fois, cela ne concerne pas la Loi sur les jeunes contrevenants, mais une modification pourrait être apportée au Code criminel pour répondre aux préoccupations de nombreux Canadiens qu'inquiète la présence de bandes de jeunes dans leur localité.
Le député de Surrey-Nord a présenté de bonne foi un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été intégré aux dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il s'agit d'un article qui devra être examiné attentivement. Je comprends que le député dit que cela ne vise pas à rendre les adultes responsables des délits de leurs enfants. Je crois que c'est ce qu'il veut dire, mais la formulation du projet de loi me préoccupe.
Il a d'ailleurs absolument raison lorsqu'il dit qu'une disposition du Code criminel traite déjà de cela. La différence, c'est que cette modification en fera une infraction mixte. Cela signifie que, conformément à l'ancienne loi, un parent ou un gardien signe comme quoi il est responsable de la jeune personne pendant le temps où celle-ci est libérée dans l'attente de son procès. Si la jeune personne viole les conditions de sa libération, la personne qui est chargée de la surveiller a une certaine part de responsabilité. À l'heure actuelle, c'est une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité.
Si je comprends bien, la modification proposée en fera une infraction mixte, à savoir que le père ou la mère pourront, à la discrétion de la Couronne, être poursuivis par voie de mise en accusation, et être passibles d'une peine grave, ou par déclaration sommaire de culpabilité. Si le crime de l'enfant n'est pas imputé au parent, on se demande bien pourquoi on aurait des peines différentes. Le crime est manifestement le défaut de surveiller. Ce n'est pas le défaut de surveiller si le jeune dévalise le dépanneur ou commet un vol à main armée. C'est le défaut de surveiller, un point c'est tout.
Le fait qu'il y ait des peines différentes pour la personne qui ne s'acquitte pas de sa tâche de surveillance peut avoir pour effet—et c'est la raison pour laquelle notre collègue de Surrey a dit que la presse en parlait de cette façon—que le parent soit tenu responsable et risque une peine plus grave si un crime plus odieux est commis. C'est un point que nous vérifierons en comité.
Comme je l'ai déjà dit, cette loi couvre plusieurs domaines. Elle compte 101 articles qui doivent être soigneusement examinés. Je pense que notre collègue du Bloc québécois qui a pris la parole avant moi a raison à cet égard, dans une certaine mesure. Le gouvernement a imposé son idée.
Ce projet de loi accorde, pour équilibrer les choses, des pouvoirs discrétionnaires considérables aux autorités. C'est en partie une réponse que de trouver un équilibre. Nous allons examiner attentivement ces pouvoirs discrétionnaires pour veiller à ce que ces derniers soient fondés sur de bons principes.
En fin de compte, nous avons besoin de lois fondées sur des orientations publiques sensées. Nous n'avons besoin ni de lois hystériques ni de platitudes. Nous le devons aux jeunes et à tous les Canadiens qui se préoccupent de la criminalité. Nous leur devons une loi qui marche, qui soit équilibrée et qui soit juste.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis renversé. Le député accuse les réformistes d'utiliser le sujet d'aujourd'hui à des fins partisanes, mais il n'hésite pas, de son côté, à s'en servir pour attaquer l'opposition officielle.
En terminant son intervention, il a déclaré que l'on n'avait pas besoin de lois motivées par l'hystérie. Je crois que tous les députés de tous les partis politiques sont d'accord avec lui là-dessus. Cependant, depuis cinq ans que nous, les Réformistes, sommes présents à la Chambre, nous avons vu le gouvernement refuser constamment de s'attaquer comme il faut à la très sérieuse question qu'est la criminalité juvénile. C'est cela le véritable problème. Il n'y a pas d'hystérie. Le problème, ce n'est pas que quelques députés soulèvent des questions importantes et donnent des exemples de défaillances du système, car le système laisse tomber tous les Canadiens, y compris beaucoup de jeunes contrevenants, et pas uniquement les victimes d'actes criminels.
Le député appuie le gouvernement, qui répugne à abaisser l'âge pour inclure les jeunes de 10 et 11 ans. Je crois qu'il a dit que le bon moyen de s'attaquer à la criminalité dans ce groupe d'âge ce sont les services sociaux. Que le député sache que c'est là le problème de la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle. Ces jeunes sont laissés pour compte et les services sociaux ne peuvent pas s'occuper convenablement d'eux. Il n'y a pas que l'opposition officielle qui dit cela. Nous l'entendons dire dans tous les secteurs, par beaucoup de gens qui travaillent dans le domaine de la justice pour les jeunes.
Le député pourrait-il expliquer un peu mieux comment il voit ces jeunes qui sont laissés pour compte par le système et qui n'obtiennent pas l'aide dont ils ont besoin? Précisons bien que nous ne parlons pas d'envoyer des jeunes de 10 et 11 ans en prison, contrairement à l'accusation qui a été portée par nos vis-à-vis. Ils visaient tous les gens qui ont laissé entendre ou affirmé avec vigueur que, dans bien des cas, les jeunes de 10 et 11 ans doivent être inclus dans toute refonte de la Loi sur les jeunes contrevenants. En fait, il faut les inclure si on veut les aider.
J'aimerais que le député explique comment les services sociaux qui ont failli à la tâche pourraient mieux s'occuper des jeunes de 10 et 11 ans qui abusent du système avec la nouvelle loi.
M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je suis heureux de répondre. Il y a des façons de s'occuper des jeunes Canadiens de 10 et 11 ans qui commettent des crimes et qui sont alors habituellement en 4e ou en 5e année. En fait, ils ne «commettent» pas de crimes, ils se comportent mal. Le député demande comment nous pouvons remédier à cela. La suggestion est venue de son propre parti. Il s'agit d'une suggestion fort louable que le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a faite lorsqu'il a parlé d'un programme Bon départ.
Nous proposons de mettre un terme à la pauvreté chez les enfants de notre pays. Malheureusement, dans la course effrénée à l'équilibre budgétaire, à l'élimination du déficit, une course qui mène certains à leur perte, nous avons accru de 50 p. 100 la pauvreté chez les enfants canadiens.
Je sais que nous répétons cela sans cesse. Je sais que les députés sont fatigués de nous l'entendre dire, mais lorsque nous parlons d'une augmentation de 50 p. 100 de la pauvreté chez les enfants, il convient de souligner que ceux qui en sont victimes, ce sont les enfants de 10 et 11 ans mentionnés par le député qui a posé la question.
En réalité, les enfants qui ne mangent pas convenablement et qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas épaulés à la maison sont ceux qui échappent au système et qui commettent des crimes. Voilà pourquoi il faut, au niveau provincial, des services sociaux adéquats comme un programme Bon départ et comme une aide accrue aux familles et aux mères seules, des services qui garantiront aux enfants le soutien financier et émotionnel dont ils ont besoin.
Parfois, je ne comprends pas les diverses positions que certains adoptent dans différents dossiers. C'est pourquoi les mesures législatives applicables au divorce prévoient des lignes directrices relatives aux pensions alimentaires. On cherche ainsi à faire en sorte que les jeunes du pays bénéficient du soutien nécessaire pour croître sainement, pour grandir dans le respect de la société et pour être responsables de leur comportement.
Il faut améliorer le système scolaire. Tout le pays vit une crise de l'éducation. Les gouvernements réduisent le nombre d'enseignants. Dans une certaine mesure, particulièrement dans les provinces les plus pauvres, tout cela est attribuable à la réduction des crédits qui leur sont consentis par le gouvernement fédéral. Lorsqu'il est question d'éducation, les enseignants qui sont en première ligne et qui reconnaissent sans doute mieux que quiconque les cas où les enfants échappent aux mailles du filet n'ont pas les ressources nécessaires pour intervenir. Des enfants fréquentent des écoles qui n'ont pas assez d'outils d'apprentissage.
Il existe de nombreuses façons de résoudre le problème des enfants de 10 et 11 ans qui passent entre les mailles du filet. Il faut aider les familles à aider les enfants par l'entremise des services sociaux, et non en recourant au Code criminel.
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté le député avec beaucoup d'intérêt. Sauf pour ce qui est de quelques points très évidents, j'étais abondamment d'accord avec lui.
Je sais que nous incarcérons présentement 25 000 jeunes par année et que la vaste majorité d'entre eux sont des garçons. Cela signifie que sur une période de quatre ou cinq ans, nous incarcérons plus de 100 000 jeunes.
Je sais que les statistiques sont assez asymétriques. Prenons le cas du Québec, qui a été évoqué ce matin, et celui du Nouveau-Brunswick. Je sais que le Nouveau-Brunswick a fermé récemment des prisons. Les données sont très différentes dans cette province. Le taux d'incarcération y est beaucoup plus bas qu'ailleurs.
Le député possède-t-il des renseignements relatifs à ces deux provinces et sait-il ce qu'elles ont fait pour maintenir leur taux d'incarcération à un si bas niveau par rapport à une province comme l'Ontario?
M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Le porte-parole du Bloc québécois en matière de justice a fait état des progrès accomplis au Québec dans ce domaine. J'ai trouvé passablement intéressante son observation qui se voulait une critique du gouvernement et selon laquelle la Loi sur les jeunes contrevenants fonctionne quand on lui donne les moyens de fonctionner.
Je reviens à ma réserve à l'égard de cette mesure législative. Bien qu'elle comporte de bonnes choses telles que l'idée d'imposer des solutions extrajudiciaires ou celle de réorienter les jeunes pour qu'ils s'éloignent de la criminalité, elle n'aboutira à aucun résultat si on ne lui en donne pas les moyens.
Je crois que nous avons beaucoup à apprendre du Québec quant au traitement qu'il accorde au dossier des jeunes contrevenants. L'orateur précédent a fait état de l'énorme contribution du Québec à la lutte contre la criminalité chez les jeunes. C'est là, à mon avis, un exemple frappant de ce que l'on peut accomplir quand le gouvernement fédéral et les provinces travaillent ensemble à la réalisation d'objectifs communs.
Il y a un point à propos duquel je ne suis pas d'accord avec l'honorable député. L'initiative fédérale a beaucoup compté dans la collaboration avec le Québec. C'est tout le pays qui en profite quand deux ordres de gouvernement travaillent main dans la main au mieux-être de la population et voilà un magnifique exemple de ce que toutes les provinces peuvent réaliser quand elles collaborent avec le gouvernement fédéral.
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, je suis outré lorsque j'entends des gens dire que le Parti réformiste essaie de semer la panique.
La panique, c'est lorsque l'on a un fils à l'hôpital qui a été tabassé au point qu'il est méconnaissable, qu'il doit être identifié à l'aide d'une étiquette. J'ai eu plus de chance que mon collègue de la Colombie-Britannique en ce sens que j'ai retrouvé mon fils; il a été sauvé. C'est cela la panique. Si nous ne voulons pas prêter l'oreille aux mises en garde de la police qui nous dit que les rues sont de moins en moins sûres, alors peut-être faut-il vivre une expérience comme celle-ci.
M. Peter Mancini: Monsieur le Président, j'apprécie la remarque du député. À mon avis, cette assemblée a besoin d'entendre ce genre de témoignage. Il est important que l'on nous dise ce qui se passe d'une manière équilibrée. Quand nous parlons des victimes de la criminalité, nous devons tenir compte du fait que la société tout entière est victimisée lorsqu'un crime est commis.
On a toujours tendance à parler de la personne blessée. C'est légitime. Ce que l'on ne dit pas, c'est que bien souvent les jeunes contrevenants sont eux-mêmes des victimes, des victimes d'abus sexuels, de mauvais traitements, de cruauté mentale; ils sont délaissés par le système, ils grandissent dans des communautés autochtones où, souvent, il n'existe aucun service d'aide. Quand on fait état de toutes ces histoires, je m'attends à ce que l'on adopte une approche équilibrée. Voilà ce que je veux dire.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, les membres du Parti réformiste demandent depuis plus de dix ans que l'on réforme la Loi sur les jeunes contrevenants, une loi que la ministre de la Justice elle-même a qualifiée de loi fédérale la plus impopulaire.
La promotion de modifications à cette loi est surtout le fait des députés de Crowfoot, de West Vancouver—Sunshine Coast, de Surrey-Nord et de Langley—Abbotsford et de beaucoup d'autres de mes collègues. Je tiens à remercier chacun d'entre eux de la sincérité de leurs efforts et de leur dévouement à cette cause, efforts et dévouement dont certaines dispositions du projet de loi sont l'aboutissement.
Nous nous intéressons à cette mesure pour deux raisons: d'une part, en raison des préoccupations du public à l'égard de la criminalité juvénile et de l'inaptitude des libéraux à régler ce problème, mais aussi, d'autre part, à cause de l'intérêt et des inquiétudes que nous éprouvons à l'endroit des jeunes eux-mêmes.
Je me rends fréquemment dans des écoles secondaires tenir des périodes de questions et réponses avec les jeunes. Je remarque toujours que de toutes les lois fédérales, celle que les jeunes connaissent le mieux—et ils la connaissent assez bien pour savoir ce qu'elle a de bon et de mauvais—est la Loi sur les jeunes contrevenants.
À la fin de ces rencontres, je demande habituellement aux jeunes de dire s'ils préféreraient que la Loi sur les jeunes contrevenants soit rendue plus sévère, qu'elle reste telle qu'elle est ou qu'elle soit allégée. J'ai peut-être posé cette question une trentaine si ce n'est une quarantaine de fois depuis trois ou quatre ans, et la réponse est invariablement la même. De 60 à 70 pour cent de nos jeunes nous demandent de resserrer la Loi sur les jeunes contrevenants et tiennent à ce que les adultes croient et comprennent que les jeunes constituent le groupe d'âge dans lequel on retrouve le plus grand nombre de victimes de la criminalité juvénile.
J'ai trouvé intéressant de constater que la ministre, dans son intervention de ce matin sur le projet de loi, n'a pas dit un mot de la consultation auprès des jeunes pour connaître leurs idées, leurs craintes et leurs préoccupations. Pourtant, selon moi, ce projet de loi les intéresse de près, et pas seulement s'ils sont délinquants.
Les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants que le public a réclamées et que nous avons revendiquées sont nombreuses, mais les plus importantes peuvent être groupées en huit catégories: un, clarification des objectifs de la loi; deux, plus grande responsabilisation parentale; trois, reconnaissance des droits des victimes et services de soutien pour les victimes; quatre, différenciation plus précise entre délinquants ayant commis des crimes avec violence à répétition et délinquants ayant commis une première infraction sans violence; cinq, renforcement des dispositions sur les peines; six, publication des noms des jeunes contrevenants; sept, modification de l'âge d'assujettissement à la Loi sur les jeunes contrevenants; huit, dispositions pour la réadaptation et la prévention.
Après six ans de tâtonnement, le gouvernement propose finalement les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants qui sont présentées dans le projet de loi dont nous sommes saisis.
Aujourd'hui, je veux comparer brièvement ces modifications proposées et celles réclamées par le public et par l'opposition officielle. Ensuite, je mentionnerai les mesures que nous appuyons pour reconnaître les mérites du gouvernement là où il convient de le faire. Enfin, je parlerai des points que le gouvernement n'a pas traités adéquatement ou sur lesquels il a été mal conseillé, selon nous, et je réclamerai des solutions de rechange et des amendements constructifs.
Je veux commencer par parler de l'objet de la loi. J'ai été déçu, ce matin, de voir que la ministre n'abordait pas du tout cette question.
Les députés ne sont pas sans savoir que l'opposition officielle accorde énormément d'importance à l'obligation pour le Parlement d'énoncer clairement l'objet d'un projet de loi que nous étudions ou que nous adoptons, car si nous ne le faisons pas, et le gouvernement a souvent tendance à se montrer négligent à cet égard, nous confions aux tribunaux le devoir d'interpréter les mesures législatives, ce que nous avons fait trop souvent par le passé.
Dans le cas du projet de loi dont nous sommes saisis, il est d'autant plus important de bien préciser son objet, puisque cela a suscité, par le passé, une certaine confusion. L'objet premier de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants était le bien-être de la société, tandis que la Loi sur les jeunes contrevenants, déposée par le gouvernement Trudeau, visait davantage le bien-être des jeunes contrevenants.
Il faut donc se demander en quoi consiste l'objectif premier que vise le Parlement en adoptant ce projet de loi. Est-ce avant tout de protéger la société ou de veiller à la réadaptation des jeunes contrevenants? Lorsque les libéraux se retrouvent à la croisée des chemins, comme d'habitude, ils sont incapables de faire un choix. Ils vont donc dire qu'ils visent les deux objectifs, même s'ils sont contradictoires. La question devient alors: lequel des deux objectifs l'emporte sur l'autre?
L'une des qualités de ce projet de loi tient au fait que son objectif principal est énoncé dans le préambule, là où l'on précise que la société doit se protéger contre la délinquance juvénile. C'est un pas dans la bonne direction.
Au paragraphe 3(1), on ajoute que le système de justice pénale pour adolescents a pour but premier de protéger le public, protection qui est assurée par la prévention de la criminalité chez les jeunes, l'imposition de peines aux contrevenants condamnés et la prise de mesures de réadaptation.
Cette précision apportée à l'esprit de la Loi sur les jeunes contrevenants dans le but d'insister davantage sur la protection de la société est une modification que les réformistes réclament depuis longtemps. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi permet d'avancer dans ce sens.
J'aimerais noter en passant que certaines des réformes que nous défendons, dont cette précision de l'esprit de la Loi sur les jeunes contrevenants dans le but d'établir l'importance de la protection du public, ont souvent été considérées comme simplistes par le gouvernement et la ministre en particulier. En agissant de la sorte, la ministre laisse entendre qu'un problème complexe exige toujours une solution encore plus complexe et compliquée et que la simplicité est suspecte par définition.
J'aimerais rappeler à la ministre qu'il existe deux genres de simplicité. Il y a tout d'abord la «simplicité stupide» qui naît de l'ignorance ou du manque d'expérience, et elle n'a certainement pas sa place dans les solutions aux divers problèmes publics. Il existe également une forme de «simplicité sage» qui naît du bon sens, de l'expérience et des perceptions et qui nous permet de réduire la complexité à ses éléments les plus fondamentaux.
La définition donnée par Newton aux lois de la mécanique et la réduction par Einstein de la théorie de la relativité à l'équation E=MC au carré sont bien sûr des simplifications, mais elles ne sont pas de la «simplicité stupide», mais plutôt de la «simplicité sage».
Des définitions claires et simples de l'intention dans laquelle le parlement adopte une loi sont de loin préférables aux énoncés complexes des nombreux objectifs, comme la ministre et ses fonctionnaires ont l'habitude de faire.
Nous devons nous rappeler que la loi de Moïse, qu'on continuera certainement de reconnaître et d'étudier longtemps après la disparition des lois du gouvernement actuel, ne comprenait que 10 commandements, pas 10 000. Lorsque les lois deviennent si épaisses qu'on doit utiliser un chariot élévateur pour les déplacer, cela ne constitue pas nécessairement une amélioration.
J'aimerais revenir à une autre des réformes apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants que le Parti réformiste défend depuis longtemps. Je veux parler de l'accroissement de la responsabilité parentale pour les actes de jeunes contrevenants. Si le projet de loi à l'étude ne pousse pas aussi loin que les réformistes le voudraient à ce chapitre, il renferme à tout le moins deux mesures qui vont dans la bonne direction.
Tout d'abord, je pense à l'obligation qui est faite au parent de se présenter devant les tribunaux si le juge estime qu'il y va de l'intérêt de l'enfant. Deuxièmement, je songe aux sanctions plus lourdes imposées au parent qui s'est engagé envers les tribunaux à surveiller un jeune à sa libération et qui a sciemment omis de s'acquitter de son obligation.
Il convient de rappeler à la ministre et à la Chambre que cette dernière disposition sur les sanctions imposées aux parents qui négligent sciemment de surveiller un jeune contrevenant confié à leur garde se retrouve dans le projet de loi grâce au travail du député de Surrey-Nord, qui l'a proposée le premier dans un projet de loi d'initiative parlementaire. Au cours de la période des questions, lorsqu'on demande à la ministre de la Justice pourquoi elle n'a pas retenu telle ou telle mesure dans le projet de loi et pourquoi elle n'a pas perçu telle ou telle conséquence de ses décisions—et ces questions sont fréquentes—elle répond le plus souvent, comme on peut le vérifier dans le hansard, que celui qui pose la question ne comprend pas. Comme si la ministre et les bureaucrates étaient les seuls à tout connaître de la criminalité juvénile et que les simples députés et les simples citoyens ne comprennent pas assez bien pour interroger la ministre ou commenter intelligemment ces questions complexes.
La semaine dernière, au cours de la période des questions, lorsque la ministre a laissé entendre que le député de Surrey-Nord ne comprenait pas le problème de la criminalité juvénile, elle a commis une erreur si grave qu'il vaut la peine de le signaler publiquement et de réfuter son opinion. Les députés savent que la principale raison qui a motivé le député de Surrey-Nord à se porter candidat comme député, et il l'a expliquée ce matin, c'est pour que soit modifiée la Loi sur les jeunes contrevenants afin d'accroître la responsabilité des parents ou des gardiens lorsqu'ils surveillent de jeunes contrevenants qui ont été accusés et remis en liberté aux termes d'une ordonnance du tribunal ou de la signature d'un engagement.
Le député de Surrey-Nord a vécu une terrible tragédie lorsque son fils de 16 ans, Jesse, a été assassiné par un jeune contrevenant qui avait été libéré à la suite justement d'une ordonnance du tribunal signée par un parent. Ce parent avait promis de surveiller le jeune contrevenant et de s'assurer qu'il respecte certaines conditions. Une de ces conditions, c'est que le jeune contrevenant obéisse à un couvre-feu, du crépuscule jusqu'à l'aube. Dans ce cas en particulier, le parent n'a pas surveillé son enfant et le fils du député a été poignardé à mort, la nuit, alors que ce jeune contrevenant n'aurait pas dû être dehors dans la rue. Personnellement, je ne veux jamais entendre la ministre de la Justice dire encore une fois au député de Surrey-Nord qu'il ne comprend pas. Il comprend le problème de la criminalité chez les jeunes avec son coeur, avec ses tripes et avec sa tête plus qu'aucune connaissance livresque ou lecture de note de service ne le fera jamais comprendre à la ministre.
Je parlerai maintenant des victimes de crimes commis par des adolescents. Ces victimes sont tellement frustrées par le manque de préoccupation du gouvernement à leur égard et à l'égard de leurs familles que certaines d'entre elles, comme le député de Surrey-Nord, ont dû se présenter comme députés pour soulever directement leurs inquiétudes. Jetons un regard sur le projet de loi C-68 dans l'optique des droits des victimes et de l'aide apportée aux victimes.
Le projet de loi dont nous sommes saisis renferme plusieurs dispositions qui représentent un pas dans la bonne direction. Par exemple, l'article 52 autorise les provinces à ordonner qu'une amende supplémentaire accompagne toute amende que des adolescents doivent payer, les fonds devant servir à accorder une aide aux victimes d'infraction. Dans le cas où la province n'a pas pris de dispositions en ce sens, le tribunal pour adolescent peut ordonner une suramende compensatoire d'au plus 15 p. 100 de l'amende.
Aux termes de l'article 113, les tribunaux pour adolescents, les commissions d'examen ou autres tribunaux peuvent tenir un dossier de toute affaire portée devant eux concernant les adolescents. L'article 118 permet aux victimes d'avoir accès aux dossiers constitués en vertu de l'article 113. L'article 39 précise que le rapport prédécisionnel doit comprendre le résultat d'une entrevue avec la victime. L'article 12 permet que, dans la mesure du possible, la victime soit mise au courant de la sanction extrajudiciaire imposée au jeune contrevenant.
Ces dispositions représentent des pas dans la bonne direction. Toutefois, les députés des deux côtés de la Chambre reconnaîtront qu'elles sont loin de correspondre à ce que réclame l'opposition officielle, appuyée en cela par la Chambre, en matière de véritable charte des droits des victimes applicable aux victimes de crimes relevant de la Loi sur les jeunes contrevenants et du Code criminel. Nous allons donc continuer à réclamer de réelles dispositions protégeant les droits des victimes dans le même ordre d'idée que ce qu'a proposé le député de Langley—Abbotsford.
La ministre, comme son prédécesseur, semble accorder encore une priorité inférieure aux droits des victimes qu'aux droits des personnes accusées ou reconnues coupables de crimes, ce qui me rappelle une histoire.
C'est l'histoire du bon samaritain revue et corrigée par les libéraux. Un soir, sur la rue Wellington, un homme est attaqué par une bande de malfaiteurs. Il est battu, dévalisé et laissé pour mort sur le bord du trottoir. Peu après arrivent sur la scène la ministre de la Justice et le ministre de la Santé, en chemin vers le Rideau Club où ils sont attendus pour un débat sur la pauvreté chez les enfants accompagné d'une dégustation de vins et fromages. Ils enjambent le corps de la malheureuse victime et poursuivent leur chemin en disant: «vraiment, il faudrait faire quelque chose pour aider les gens qui ont battu et dévalisé ce pauvre homme».
Comme la plupart des déclarations de principes des libéraux, leurs paroles reflètent une demi-vérité. Il est exact que ceux qui battent et qui volent les autres doivent non seulement être arrêtés et mis hors d'état de nuire, mais aussi traités et réadaptés. Mais je pense qu'il est encore plus exact que leurs victimes, qu'il n'est pas nécessaire de pourchasser puisqu'elles sont juste devant nous, doivent recevoir de l'aide et que cette aide presse souvent.
Malheureusement, les dispositions du projet de loi à cet égard sont lamentables, ce qui est fort regrettable.
J'en arrive ainsi à trois sujets qui préoccupent beaucoup les Canadiens et qui sont traités de façon inadéquate aux termes des dispositions de ce projet de loi. Je fais allusion aux dispositions concernant la distinction entre les contrevenants violents et non violents, la détermination de la peine dans le cas de jeunes contrevenants et de la publication ou de la non-publication des noms des jeunes contrevenants.
Mes collègues en ont déjà parlé et nous allons continuer d'en parler. Nous allons revenir plus en détail sur toutes ces dispositions, mais permettez-moi de résumer nos préoccupations comme suit: l'opposition officielle juge qu'un nombre disproportionné de contrevenants non violents sont emprisonnés, ce qui limite l'espace ainsi que les ressources nécessaires pour les contrevenants violents et augmente, au lieu de réduire, la possibilité que ces jeunes contrevenants soient entraînés dans la voie du crime pour le reste de leurs jours, au lieu d'être protégés et libérés des influences criminelles.
Nous préconisons donc une distinction plus nette, tant dans la loi qu'au niveau du traitement, entre les jeunes contrevenants violents et non violents, et entre ceux qui commettent une première infraction et les récidivistes. Le Comité de la justice et le Parti réformiste ont fermement recommandé la prise de mesures extrajudiciaires, en particulier dans le cas de jeunes contrevenants non violents qui en sont à leur première infraction.
Le projet de loi définit, à l'article 2, une infraction sans violence comme toute infraction qui ne cause pas de lésions corporelles ou risque peu d'en causer, et une infraction avec violence comme une infraction qui cause des lésions corporelles ou risque fort d'en causer. Dans la partie I, le projet de loi prévoit que des mesures extrajudiciaires peuvent s'appliquer aux jeunes contrevenants non violents qui en sont à leur première infraction. Toutes ces dispositions sont excellentes, et sont bien accueillies par l'opposition officielle, peu importe à qui en revient le mérite.
Cependant, cet article présente malheureusement une faiblesse, et si on n'y remédie pas, cela contribuera à donner mauvaise réputation à tout le concept du traitement extrajudiciaire, tout comme l'approche que la ministre a adoptée à l'égard de la condamnation avec sursis a donné mauvaise réputation au concept.
Selon l'interprétation que nous faisons des alinéas 4c) et 4d), ces mesures extrajudiciaires pourraient également s'appliquer et s'appliqueront également aux récidivistes, et même aux contrevenants violents à la discrétion du tribunal. C'est une faiblesse dont mes collègues parleront davantage et à laquelle nous proposerons des amendements pour y remédier.
Conformément au principe selon lequel il faut établir une différence de traitement plus rigoureuse entre les jeunes contrevenants non violents qui en sont à leur première infraction et les récidivistes violents, l'opposition officielle a toujours réclamé des châtiments sévères imposés par un tribunal pour adultes à l'égard des jeunes contrevenants récidivistes violents.
Dans le projet de loi, la liste des infractions désignées pour lesquelles une peine applicable aux adultes peut être imposée est sérieusement limitée. La liste inclut le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable et l'agression sexuelle grave, mais pas l'agression sexuelle armée, la prise d'otage, les voies de fait graves, l'enlèvement et une série d'autres infractions graves avec violence. Cela aussi constitue une faiblesse dans le projet de loi, et mes collègues proposeront des amendements pour y remédier.
L'opposition officielle et beaucoup de groupes de victimes ont également pris pour position que le public a le droit de connaître le nom des jeunes contrevenants dont les actes constituent une menace pour les autres, y compris les autres jeunes, et que le public a le droit de savoir si un jeune contrevenant violent a été remis en liberté dans la collectivité.
L'article 109 du projet de loi concerne la publication des noms des jeunes délinquants. Il permet, de façon générale, de publier les noms de la plupart des jeunes délinquants violents âgés de 14 ans ou plus. Il semble toutefois que les dispositions relatives à la publication ne visent pas les jeunes de moins de 14 ans. Nous estimons que, de façon générale, le projet de loi contient de trop nombreuses dispositions et échappatoires qui ont pour effet d'empêcher la publication des noms de délinquants violents qui représentent un risque pour leur communauté.
Là encore, mes collègues parleront plus en détail de ces lacunes. Ces lacunes sont la marque de demi-mesures. Lorsque le gouvernement aborde un problème, il ne propose jamais de solution exhaustive, mais toujours des demi-mesures. Le projet de loi est criblé de demi-mesures en ce qui concerne la différentiation, l'imposition des peines et la publication des noms. C'est pourquoi nous disons que de nombreux amendements seront nécessaires.
Passons maintenant à l'âge à partir duquel s'applique la Loi sur les jeunes contrevenants en vertu du projet de loi C-68. L'opposition officielle croit que le gouvernement a commis une autre grave erreur en refusant d'abaisser de 17 à 15 ans l'âge maximum et de 12 à 10 ans l'âge minimum auxquels s'appliquerait la loi. Des jeunes de 16 et 17 ans ont le droit de conduire des voitures, de se marier et de vivre de façon autonome. Ils sont également capables de distinguer le bien du mal et devraient être traités comme des adultes en regard de la loi pénale, en particulier dans les cas d'infractions avec violence répétées.
L'opposition officielle et la population s'inscrivent tout particulièrement en faux contre l'affirmation fallacieuse du gouvernement selon laquelle ceux qui veulent abaisser l'âge à partir duquel s'applique la Loi sur les jeunes contrevenants sont des barbares sans-coeur prêts à mettre des enfants de 10 ans en prison. Rien n'est plus éloigné de la vérité.
Selon Statistique Canada, environ 5 p. 100 de tous les crimes commis par des jeunes sont imputables à des enfants de moins de 12 ans. Ces derniers, plus que toute autre catégorie de jeunes contrevenants, ont habituellement été eux-mêmes victimes d'actes criminels, sont souvent recrutés par des criminels, en particulier à des fins d'entrée par effraction pour commettre des vols, ou par des adolescents plus âgés ou des adultes qui savent que la loi actuelle n'autorise pas la police ou les tribunaux à prendre des mesures efficaces contre des jeunes de 12 ans lorsqu'ils sont appréhendés.
La réduction de l'âge de l'application de la loi à 10 ans n'a pas pour objectif d'emprisonner des jeunes de 10 ans, mais plutôt d'éviter qu'ils ne se retrouvent en prison lorsqu'ils ont 16, 18 et 21 ans en leur donnant accès aux mesures et aux services de réadaptation que cette loi est censée offrir aux délinquants qui commettent une première infraction.
Si la ministre croit vraiment dans l'efficacité des dispositions de ce projet de loi touchant la réadaptation, les mesures extrajudiciaires, les avertissements, les mises en garde et les renvois, les comités de justice pour la jeunesse et le soutien communautaire, pourquoi refuse-t-elle l'accès aux dispositions touchant la réadaptation aux jeunes contrevenants les plus vulnérables et les plus malléables?
Cela m'amène à parler de la plus importante, selon moi, des huit catégories de réformes relatives à la Loi sur les jeunes contrevenants et au système de justice pénale, que les réformistes défendent, c'est-à-dire les dispositions touchant la réadaptation et la prévention. J'ai déjà souligné l'intérêt qu'ont montré mes collègues au comité de la justice pour ce qui est d'assurer le succès de mesures extrajudiciaires élaborées pour s'occuper des jeunes contrevenants, en particulier les auteurs d'une première infraction non violents qui, du moins en théorie, sont les meilleurs candidats à l'application de mesures de réadaptation et de prévention si elles sont disponibles et bien financées.
Mon collègue, le député de Surrey-Nord participe depuis un certain nombre d'années à des programmes alternatifs et de déjudiciarisation dans le cadre desquels la collectivité et le jeune contrevenant s'assoient parfois avec la victime pour déterminer la meilleure façon de redresser les torts qui ont été causés et d'assurer la guérison de la victime et du délinquant, ce qui est au coeur de la réadaptation. J'ai apprécié son expérience et les observations qu'il a formulées ce matin sur la question et j'invite la ministre et les autres députés à y réfléchir.
Permettez-moi de me limiter à la prévention. C'est sur cet aspect du traitement des jeunes contrevenants que les points de vue des ministériels et des députés de l'opposition officielle divergent le plus. L'opposition officielle croit que la façon la plus efficace d'assurer la prévention du crime, surtout les crimes commis par les jeunes, consiste à renforcer les familles. Je veux dire par là les familles élargies, les familles monoparentales, les familles traditionnelles, les situations dans lesquelles la grande majorité de nos enfants sont élevés pour le meilleur ou pour le pire.
C'est parce que nous croyons fondamentalement qu'une famille solide est la clé de générations futures saines, bien scolarisées, respectueuses des lois, sûres, audacieuses et heureuses que nous préconisons un allégement fiscal, une équité fiscale pour les familles, que nous souhaitons voir respecté le droit des familles de prendre des décisions qui ont des répercussions sur le bien-être de leurs membres et que nous souhaitons voir les familles accepter les conséquences de leur décision. Nous voudrions que la ministre de la Justice, le ministre de la Santé, celui des Ressources humaines et tous les ministres qui ont une responsabilité sociale fassent front commun et deviennent auprès du gouvernement le groupe de pression le plus puissant en faveur d'un renforcement des familles.
Au lieu de cela, que se passe-t-il? Lorsqu'il s'agit de prévenir la criminalité chez les adultes et les jeunes, la maladie ou le chômage, les ministres libéraux mettent leur confiance non pas dans les familles, mais dans des programmes gouvernementaux généralement administrés de façon impersonnelle par des fonctionnaires bien intentionnés, mais inefficaces. Lorsque la bureaucratie échoue, le gouvernement a tendance à nommer un superfonctionnaire ou un ombudsman pour prendre les décisions parmi les fonctionnaires.
La semaine dernière, pendant la période des questions, on a eu une preuve flagrante de cette prédisposition à confier aux bureaucrates le soin de régler nos problèmes sociaux les plus épineux et graves lorsqu'on a demandé à la ministre de la Justice ce qu'il fallait faire des jeunes de 10 et 11 ans recrutés pour commettre des crimes par des adolescents et des adultes et ce qu'elle et son ministère comptaient faire. La ministre a dit, et elle l'a répété à plusieurs occasions par la suite et à nouveau ce matin, qu'il fallait les renvoyer aux services sociaux des provinces.
La ministre ne sait-elle pas que la population ne croit absolument pas à l'efficacité de cette solution? La ministre n'a-t-elle pas été informée et n'a-t-elle rien lu sur les enfants victimes de mauvais traitements et de négligence qui sont confiés aux services sociaux provinciaux et privés de partout au Canada? Par exemple, en Colombie-Britannique, à la suite du décès d'un jeune enfant qui avait été torturé par sa mère, après que le cas de la mère et de l'enfant eut été confié au ministère des Services sociaux, le juge Thomas Gove a ordonné la tenue d'une enquête spéciale qui a débouché sur la nécessité de revoir entièrement le système de protection de l'enfance dans cette province.
La ministre n'a-t-elle pas lu les mémoires ou les rapports sur la situation au Manitoba, où le nombre de décès d'enfants en 1998 dans des situations où la responsabilité incombe aux organismes de protection de la jeunesse a suscité un examen complet du système de protection de la jeunesse là-bas?
N'a-t-elle pas lu les données sur la situation au Québec, où plus de 100 enfants de moins de 5 ans meurent tous les ans dans des circonstances violentes, inhabituelles ou indéterminées et où le système de protection de la jeunesse avoue lui-même avoir beaucoup de difficulté à enrayer les causes de cette situation ou à fournir sa protection? La ministre n'est-elle pas consciente du fait qu'ici même, en Ontario, où le décès par inanition d'un bébé de cinq semaines pendant qu'il était sous la garde de la Société d'aide à l'enfance a entraîné la tenue d'un examen des cas d'enfants souffrant de négligence et de mauvais traitements dans les 55 Sociétés d'aide à l'enfance de la province?
La ministre ne sait-elle pas que la nomination d'un tsar, d'un superfonctionnaire ou d'un ombudsman pour ces questions n'est pas la solution à la prévention des tares sociales? La ministre ne pense-t-elle pas qu'il est temps de remettre en question toute la notion, qui est profondément ancrée dans l'administration, et ce, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, voulant que les fonctionnaires peuvent prendre soin des gens, particulièrement les plus vulnérables comme les personnes âgées, les pauvres et les jeunes?
Pourquoi les fonctionnaires ne sont-ils pas les mieux aptes à fournir des soins de première ligne? Pour deux raisons principales. D'abord, les structures bureaucratiques, en raison de leur complexité, répartissent la responsabilité de leurs actes sur plusieurs couches, de sorte que personne ne peut être tenu responsable en fin de compte. Ainsi, nous avons un système de libération conditionnelle qui est une vraie passoire et dont tout le monde sait qu'il ne marche pas, mais personne n'en accepte la responsabilité, personne ne cherche à le modifier, pas même la ministre.
De même, il existe un système bureaucratique pour garantir la sécurité du système d'approvisionnement en sang. Mais quand des gens meurent de l'hépatite C à cause du sang contaminé provenant de ce système, personne n'est responsable. C'est la même chose.
La seconde raison pour laquelle on ne peut faire confiance aux fonctionnaires quand vient le temps de prendre soin des gens vient de la façon dont ils traitent l'information.
Les bureaucraties sont des systèmes d'information qui transmettent l'information sur des cas particuliers impliquant des personnes, soit vers le haut, aux décideurs, soit vers le bas, des décideurs aux travailleurs de première ligne. Malheureusement, les systèmes d'information bureaucratiques ne peuvent transmettre que certain types d'information. L'information qu'ils peuvent le mieux transmettre sont des données objectives consistant en faits et en statistiques précises. L'information qu'ils ne peuvent pas transmettre efficacement est celle concernant les valeurs, les croyances, les émotions et les sentiments, qui est justement le genre d'information dont on a besoin pour établir une politique ou pour traiter directement avec des gens vulnérables, en particulier les malades, les vieux, les pauvres et les jeunes.
Cela ne veut pas dire que les grandes bureaucraties sociales n'ont pas leur place. Mais leur rôle devrait être de servir et d'appuyer les fournisseurs de soins de la première ligne et non de les étouffer ni de se substituer à eux. Par fournisseurs de soins de la première ligne, dont beaucoup d'actions peuvent contribuer à prévenir la criminalité, je veux parler de tous les travailleurs sociaux, agents de probation, aides judiciaires, médecins, infirmières, enseignants et travailleurs de garderie surchargés de travail.
Mais surtout, je veux parler des parents, qui sont surchargés de travail, qui manquent de soutien et dont le travail est peu reconnu. De tous les fournisseurs de soins de la première ligne, ce sont les parents qui, selon l'opposition officielle, ont le rôle le plus important à jouer lorsqu'il s'agit de faire de leurs enfants des citoyens productifs et respectueux de la loi.
Si le gouvernement et la ministre de la Justice comprenaient la nécessité d'adopter une démarche plus progressiste, plus décentralisée et plus familiale pour la prévention de la criminalité chez les jeunes, cela aurait été évident dans le budget et dans d'autres mesures sociales du gouvernement, mais ce n'est pas le cas.
Par exemple, lorsque le gouvernement enlève 2 000 $, 3 000 $ ou 4 000 $ par année en impôt aux familles pauvres qui ont des enfants et leur redonne quelques centaines de dollars sous forme de crédits d'impôt, non seulement il n'atténue pas le problème de la pauvreté et du stress familial qui engendre d'autres problèmes sociaux, dont la criminalité, mais il contribue à l'aggraver.
Si la ministre de la Justice comprenait le bien-fondé de cette différente méthode de prévention du crime axée sur la famille, cela se verrait dans la partie du projet de loi portant sur les modifications corrélatives et conditionnelles à d'autres lois, mais les seules modifications corrélatives et conditionnelles prévues dans ce projet de loi sont des modifications au Code criminel et à quelques autres lois liées au système de justice pénale. Il n'est pas question de modifier les lois sociales ou les lois fiscales, ce qui serait nécessaire à l'application de cette méthode de prévention du crime axée sur la famille.
Parce que nous ne voyons vraiment aucune trace de cette méthode décentralisée et plus progressiste de prévention du crime axée sur la famille dans le projet de loi, nous considérons que la méthode de réadaptation et de prévention prévue dans ce dernier est tout à fait inadéquate et complètement désuète.
Je termine en disant que nous préconisons depuis des années huit grandes catégories de réformes que les Canadiens réclament et en fonction desquelles nous évaluons le contenu du projet de loi. En ce qui concerne la clarification des objectifs de la loi et le renforcement de la responsabilité parentale, nous appuyons les mesures contenues dans le projet de loi.
En ce qui concerne la reconnaissance des droits des victimes et le soutien aux victimes, le projet de loi renferme quelques mesures qui représentent un pas dans la bonne direction, mais c'est bien loin de ce que nous voudrions voir dans une déclaration des droits des victimes en bonne et due forme. En ce qui concerne la distinction entre les contrevenants violents et non violents, la détermination de la peine pour les jeunes contrevenants et la publication des noms des jeunes contrevenants, nous trouvons que le projet de loi présente des lacunes graves, que mes collègues tenteront de corriger au moyen d'amendements.
En ce qui concerne le fait que le projet de loi ne change pas l'âge de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, nous croyons que le gouvernement commet une grave erreur en adoptant cette approche. En ce qui concerne l'aspect le plus important du traitement des jeunes contrevenants, soit la prévention et le rôle crucial de la famille dans la prévention de la criminalité chez les jeunes, nous trouvons que l'approche adoptée par le gouvernement, la ministre de la Justice et le ministère dans ce projet de loi est à la fois inadéquate et mal orientée.
Pour ces raisons, l'opposition officielle s'oppose au projet de loi sous sa forme actuelle et exhorte les autres députés à faire de même.
Le président suppléant (M. McClelland): Nous passons maintenant aux périodes de 30 minutes avec questions et observations. Je crois comprendre que les députés ministériels partagent leur temps de parole.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai le temps dont je dispose avec le député de Durham.
Je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi concernant le système de justice pour les jeunes. Je crois que tous les députés se soucient des jeunes et sont préoccupés par les jeunes qui s'adonnent à des activités criminelles. Chacun aborde probablement la question sous un angle qui lui est particulier, mais, à mon avis, les éléments fondamentaux du projet de loi sont solides et méritent l'appui de tous les députés. Le projet de loi n'est pas une panacée, mais j'estime qu'il règle les questions clés qui se posent aux Canadiens depuis déjà un certain temps.
Après des consultations poussées avec les provinces et les territoires, les spécialistes de la question et les dirigeants communautaires, le gouvernement a présenté une stratégie visant à mettre la population à l'abri des crimes commis par les jeunes. Ayant moi-même déjà préconisé l'abolition de la Loi sur les jeunes contrevenants, je suis heureux que la ministre ait pris des mesures importantes pour faire comprendre aux jeunes contrevenants que leurs actes ne seront pas tolérés.
Étant un ancien enseignant, je sais que les jeunes veulent des règles et, de plus, qu'ils en ont besoin. Ces règles doivent aussi être rigoureusement appliquées. Le projet de loi fera comprendre aux jeunes que, s'ils posent certains gestes que la société juge inacceptables, ils devront en subir les conséquences, et celles-ci pourraient être graves.
En 1996-1997, des peines de détention ont été imposées à environ un tiers des jeunes condamnés, des remises en liberté surveillées ont été accordées à la moitié et des travaux communautaires ou des amendes ont été imposées à seulement un sixième. La détention, habituellement pour de courtes périodes, a été imposée à environ 25 000 jeunes contrevenants. Plus d'un quart se sont vus imposer des peines de moins d'un mois et environ la moitié des peines variaient de un à trois mois. Huit pour cent ont été condamnés à plus de six mois de détention.
Je ne crois pas que l'on ait envoyé là le bon message. Je ne pense pas que les Canadiens ont cru qu'il s'agissait là du bon message. Par conséquent, j'estime que le projet de loi présenté apportera une solution à ces problèmes.
Le projet de loi a pour objectif premier de prévenir la criminalité juvénile. Il vise à faire en sorte que les jeunes, tant ceux qui sont violents que ceux qui ne le sont pas, reçoivent des peines qui correspondent à la gravité de leur crime. Il favorise aussi la réadaptation efficace des jeunes dans un contexte sûr afin qu'ils ne récidivent pas. J'estime que ce sont là des objectifs que tous les Canadiens peuvent appuyer et qu'ils appuieront effectivement. Ces mesures législatives sont marquées au coin de la responsabilité, du respect et de l'équité.
Le chef de l'opposition officielle a parlé de Moise et des dix commandements et a laissé entendre que la ministre proposait les 10 000 commandements. J'estime que le projet de loi repose sur seulement trois commandements. Ce sont la responsabilité, le respect et l'équité, des valeurs que les Canadiens souhaitent voir inscrites dans la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
L'acceptation de la responsabilité, et plus particulièrement faire reposer le poids de l'infraction sur celui qui l'a commise, constitue un élément clé de ce projet de loi. Il n'y a qu'un petit nombre de jeunes qui commettent des infractions criminelles graves et qui récidivent, particulièrement en ce qui concerne les infractions avec violence. Les statistiques révèlent que 18 p. 100 d'entre eux ont commis des crimes avec violence. Selon les statistiques de 1997, plus de la moitié des crimes avec violence entraient dans la catégorie des agressions non sexuelles mineures et un autre quart, dans la catégorie des agressions non sexuelles plus graves.
Une activité criminelle est une activité antisociale. Il faut durcir la loi afin de montrer clairement que de tels gestes sont intolérables. C'est un message qui doit être et qui sera véhiculé par le projet de loi.
Les Canadiens n'ont plus confiance dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Le gouvernement a proposé de nombreuses initiatives clés qui, je crois, sont de nature à répondre à ces préoccupations et à envoyer un message ferme aux jeunes qui commettent des actes que la société ne saurait tolérer. Le projet de loi vise à protéger la société. Il donne plus de poids à nos valeurs sociales et s'appuie sur le principe de la proportionnalité des peines. Je suis particulièrement heureux de constater que les droits des victimes sont inscrits dans cette mesure législative.
Les Canadiens veulent un système de justice pour les jeunes qui protège les citoyens et fasse en sorte que les jeunes contrevenants répondent de leurs actes d'une manière significative. Prévoir des mesures plus sévères dans les cas de crimes graves par des adolescents en élargissant la liste des infractions à l'égard desquelles les jeunes contrevenants violents peuvent se voir infliger une peine pour adulte, voilà qui est un grand pas dans la bonne direction.
Je suis tout à fait favorable à ce que l'âge auquel un jeune peut recevoir une peine d'adulte après avoir commis un crime grave passe de 16 à 14 ans. Je souscris à la publication des noms des jeunes contrevenants qui reçoivent une peine d'adulte. Les noms de ceux qui commettent des crimes devraient être publiés en guise d'avertissement. Il y a lieu d'espérer que cela en amènerait d'autres à réfléchir. Il est important que ceux commettent des actes inacceptables se voient infliger des peines conséquentes si nous voulons que le Canada reste un pays où le taux de criminalité est relativement bas comparativement à celui des États-Unis par exemple.
Un dispositif important du projet de loi concerne la mise sur pied d'un processus de réhabilitation et de réintégration efficace qui exige que tous les jeunes qui ont passé quelque temps en prison fassent l'objet d'une surveillance pendant quelque temps encore à leur retour au sein de la collectivité. Voilà une autre mesure que les Canadiens souhaitaient, et le gouvernement a encore réagi favorablement.
On ne rigole pas avec le crime. Ce n'est pas une chose que l'on fait pour s'amuser. Ce que veulent les Canadiens, ce sont des peines significatives et une surveillance appropriée une fois l'individu remis en liberté. Il est important de protéger la population et je crois que ce projet de loi s'attaque à cette question.
La mesure qui consiste à allonger la liste des infractions et à abaisser à 14 et 15 ans l'âge auquel un jeune peut se voir condamner à une peine normalement applicable aux adultes devrait être bien accueillie par la plupart des Canadiens.
La publication des noms des jeunes contrevenants a suscité un vaste débat public. Je pense qu'elle a pour effet d'assurer la transparence de notre système de justice et de renforcer la confiance du public dans le système judiciaire.
L'un des grands changements proposés dans ce projet de loi, c'est de s'assurer que les conséquences pour les jeunes qui commettent des crimes sont à la mesure de la gravité de l'infraction, de s'assurer que les peines correspondent à la nature du crime, qu'elles sont significatives et qu'elles incitent à une plus grande responsabilité.
Deux éléments méritent d'être soulignés; premièrement, l'instauration d'une peine de surveillance intensive pour les jeunes à haut risque qui sont des récidivistes, qui ont été reconnus coupables de meurtre ou de tentative de meurtre, d'homicide, de voies de fait graves ou d'agressions et, deuxièmement, le fait de permettre à la victime de faire une déclaration devant un tribunal pour adolescents.
Les principes inhérents à la loi tiennent compte des préoccupations et des droits de la victime. C'est une première dans l'histoire de la législation fédérale. Assurer aux victimes le droit d'accès au dossier d'un adolescent et celui de jouer un rôle officiel et informel au niveau des mesures communautaires est une chose qui, à mon avis, devrait satisfaire les habitants de ma circonscription, Oak Ridges. Ils vont également être satisfaits de la reconnaissance du droit des victimes de s'informer au sujet des mesures extrajudiciaires.
Le projet de loi punit sévèrement les jeunes criminels, mais il reconnaît aussi qu'il nous incombe, en tant que société, de veiller à ce que le système de justice pour jeunes favorise le plus possible leur réadaptation. Il ne suffit pas de les oublier derrière les barreaux. Tôt ou tard, ces jeunes réintégreront la société. C'est pourquoi il importe, non seulement dans l'intérêt de la société mais également dans l'intérêt des jeunes contrevenants, de bien les préparer à réintégrer la collectivité.
La meilleure façon d'assurer la protection à long terme des citoyens est de veiller à ce que les jeunes délinquants soient responsables de leurs actes, qu'ils fassent l'objet d'une surveillance et bénéficient d'un soutien, en particulier pendant la période de réadaptation.
Je suis favorable à la disposition aux termes de laquelle un jeune visé par une ordonnance de placement sous garde doit également purger une période supplémentaire de surveillance réelle et rigoureuse dans la communauté, d'une durée égale à la moitié de la période de placement sous garde. Cette période de surveillance comporte plusieurs conditions exécutoires, dont l'obligation de ne pas troubler l'ordre public, d'avoir une bonne conduite et de se rapporter à un délégué à la jeunesse.
Par ailleurs, des conditions supplémentaires ou facultatives peuvent être imposées aux délinquants, notamment l'obligation de trouver ou de conserver un emploi, respecter le couvre-feu, aller à l'école et d'autres conditions liées à l'infraction commise, notamment l'obligation de s'abstenir de consommer des narcotiques et des spiritueux et l'obligation de recevoir des services de counselling, etc. En cas de violation de ces conditions, le délinquant est de nouveau soumis à un placement sous garde. Les mesures de suivi sont indispensables à la réussite du programme.
L'élaboration d'un plan de réadaptation comportant un plan d'action mis au point par le délinquant et le délégué à la jeunesse favoriseront la réintégration du jeune dans la communauté. L'élaboration d'une stratégie pendant la période de placement sous garde et la poursuite de cette stratégie durant la période de surveillance au sein de la communauté contribueront à assurer une transition plus efficace.
La création de programmes communautaires en collaboration avec divers organismes, des particuliers et les parents des jeunes délinquant est importante. Mes collègues et moi-même travaillons actuellement, dans la région de York, à la création d'un conseil communautaire de prévention de la criminalité, qui permettra de s'assurer que les gens soient responsables et puissent prendre part au processus.
Je me réjouis de ces changements et je suis impatient de connaître le point de vue d'autres députés.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat sur le projet de loi C-68, tendant à modifier notre système de justice pénale pour adolescents.
C'est riche d'une expérience récente que j'interviens. Jeudi dernier, j'ai quitté la Chambre pour aller déjeuner et je suis arrivé chez moi vers midi. En arrivant, je me suis rendu compte qu'on m'avait cambriolé. Des fenêtres avaient été fracassées, et on m'avait volé pour quelque 20 000 $ de biens personnels. C'est la deuxième fois que cela m'arrive. Bien sûr, je ne peux pas affirmer que les voleurs étaient des jeunes, car je ne sais pas qui ils étaient. Mais il se peut fort qu'ils aient été diplômés de l'école des jeunes contrevenants. C'est donc armé d'une certaine expérience que j'interviens aujourd'hui.
Aussitôt assis, le premier de mes électeurs à venir à mon bureau vendredi dernier s'est mis à marteler ma table de travail. Il m'a raconté que, à un moment donné, il venait tout juste de vendre du bétail et qu'il y avait une certaine somme d'argent dans sa maison. Des jeunes, croyait-il, s'étaient introduits chez lui par effraction et l'avaient dévalisé.
Dans le train qui me ramenait à Ottawa hier soir, un autre de mes électeurs m'a raconté qu'on lui avait volé sa voiture dans la nuit où mon domicile a été cambriolé. Il enseigne dans une école secondaire de ma circonscription, et la police a retrouvé sa voiture à l'école.
J'interviens aujourd'hui intimement persuadé qu'il y a un problème. On pourrait dire que je suis maintenant une victime de la criminalité juvénile. Toutefois, je ne crois vraiment pas que la solution consiste à incarcérer les jeunes contrevenants dans un système carcéral qui est dur. Le Canada a l'un des taux d'incarcération de jeunes les plus élevés du monde occidental, et je ne crois pas que ce soit la solution. Une jour, une visite très révélatrice au pénitencier de Millhaven m'a convaincu que notre système carcéral gaspille complètement les ressources humaines des gens qui y sont incarcérés. Les détenus gaspillent leur vie aux frais des contribuables.
Il ressort de l'examen de l'ensemble du système de justice pénale que le concept qui semble absent est celui du châtiment approprié. Le châtiment approprié est celui qui fait prendre conscience qu'un crime a été commis contre une personne. Nous vivons dans une société parfois très artificielle. À la télévision, nous voyons constamment des gens commettre des crimes. Nous ne croyons pas qu'il y ait vraiment des êtres humains en jeu. Jusqu'à un certain point, nous croyons que les gens peuvent se faire voler ou agresser et que cela n'a pas vraiment de conséquence.
J'ai été très impressionné de voir certains programmes que notre ministre a parrainés dans ma circonscription pour sensibiliser la population au fait que, quand un crime est commis, les criminels s'en sont pris à des êtres humains. Dans Oshawa-Sud, un programme très dynamique fait appel à la collaboration de l'équipe de surveillance des rues, du procureur de la Couronne et d'autres. Nous avons constaté certains résultats. La criminalité juvénile a diminué dans les quartiers visés.
Le point commun semble être que les collectivités traitent le problème de la criminalité dans une perspective globale. Ainsi, des jeunes vont au supermarché rencontrer le gérant, par exemple, ou parler aux familles ou aux personnes qui ont été victimes d'actes criminels. Ils se rendent compte qu'il y a de vraies personnes touchées par ces actes et que ce ne sont pas seulement des statistiques.
J'ai écouté attentivement le chef de l'opposition officielle. Il semblait dire que c'était tout simple, qu'il suffisait de donner plus de pouvoir aux familles pour régler tous nos problèmes de justice avec les jeunes.
J'ai pris le temps de discuter avec des familles qui ont été touchées par des problèmes de criminalité juvénile chez leurs enfants. Il y a eu une certaine période où les parents avaient l'impression d'avoir perdu le contrôle d'un seul de leurs enfants tandis que les autres ne posaient aucune difficulté. Ce sont des choses que, souvent, on ne peut prévoir. Tous ceux qui ont eu des enfants savent que leurs personnalités peuvent être bien différentes.
Tous ces gens venaient de familles très compatissantes et tous ont dit que l'intervention de l'État, à un moment donné, a été bénéfique. La garde était ainsi retirée à l'unité familiale. Quelqu'un d'autre devait faire respecter le couvre-feu, etc., et tout cela suscite une attitude très constructive à l'égard de la réadaptation.
Je connais certes beaucoup de familles perturbées. Il y a donc des limites aux responsabilités qu'on peut leur confier. C'est une démarche juste et respectable de faire en sorte que les membres d'une même famille s'occupent les uns des autres, mais la réalité, c'est que la société n'est plus ainsi.
Faudrait-il en revenir à ce régime? C'est une toute autre question. On peut se demander s'il est possible de revenir à ce type de société, car nous entrons dans une société mondialisée où les individus sont mobiles et les familles éparpillées sur toute l'étendue du pays. Le gens ne vivent plus dans la petite région où ils ont grandi. L'avantage, c'est sans doute que les gens font des carrières plus intéressantes.
Le projet de loi fait une distinction entre le crime violent et le crime non violent. En somme, il propose deux démarches. Le chef de l'opposition a parlé d'une croisée de chemins, mais je crois plutôt qu'il s'agit d'une façon différente de traiter le crime selon la façon dont il a été commis.
Dans les cas de crimes violents, cette mesure législative se veut sans contredit plus sévère pour les crimes contre la personne puisqu'elle permet, entre autres, de juger les jeunes contrevenants devant un tribunal d'adultes et de publier leur nom. En ce qui a trait aux crimes sans violence, et c'est le genre de crime qui m'a touché, il semble qu'ils seraient traités de façon différente. Je respecte cela. Je préfère voir ces jeunes travailler dans la communauté pour gagner de l'argent et rembourser une dette monétaire comme punition de leurs actes que de les voir incarcérés dans un établissement pénitentiaire et perdre leur temps.
Nous parlons de mesures préventives et d'autres mesures communautaires qui permettraient de résoudre la question de la criminalité juvénile. Lorsqu'on réintègre une personne dans sa communauté, cette dernière comprend qu'elle fait partie d'une famille, d'une famille de communautés, et qu'au sein de cette structure, elle doit assumer la responsabilité de ses actes. C'est pour tous ces éléments qui se trouvent dans le projet de loi que je suis en faveur du processus législatif proposé par la ministre. Nous avons généralement tendance à espérer des solutions plus simples.
J'ai souvent dit à mes électeurs «Ne croyez-vous pas que s'il suffisait de se rendre à Ottawa et de changer quelques lignes à la Loi sur les jeunes contrevenants pour faire disparaître tous les crimes commis par des jeunes au pays, nous l'aurions fait depuis longtemps?» En fait, il s'agit là d'un problème de société.
Les députés réformistes pensent qu'il existe une relation de cause à effet, que, avant de décider s'il commettra un crime, un adolescent s'assoie et prend le temps d'étudier la Loi sur les jeunes contrevenants et les peines qu'elle prévoit. Les gens nous disent sans cesse que les auteurs de crimes, même les adultes, ne réfléchissent pas avant d'enfreindre la loi. Ils ne se demandent pas: «Devrais-je utiliser une arme à feu ou non?» Les criminels ne sont pas des gens brillants. Pour diverses raisons, ils figurent probablement dans la catégorie des gens les moins instruits et ne réfléchissent pas avant d'agir.
Le simple fait de modifier une loi à Ottawa ne réglera pas le problème de la criminalité chez les jeunes auquel sont confrontées nos collectivités. Il faut agir par l'entremise des collectivités et dans le cadre de mesures de prévention comme celles proposées dans le projet de loi. Les collectivités doivent également se sensibiliser aux mesures qu'elles peuvent prendre pour accroître la sécurité de leur population et veiller à ce que les adolescents n'empruntent pas la voie de la violence et de la criminalité.
J'appuie fortement la mesure législative et en particulier les mesures de prévention qu'elle renferme. J'espère que l'incident de la semaine dernière ne va pas se répéter.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Monsieur le Président, le nom de ma circonscription est Haliburton—Victoria—Brock. Il reflète le fait qu'il n'y a qu'un Haliburton. Il y a trois Victoria et beaucoup de Brock. C'est pour cela que l'on a changé le nom.
C'est avec plaisir que je prends part au débat sur le projet de loi C-68. Je ne suis pas encore remis du dernier projet de loi C-68. Je ne pensais pas que je voudrais jamais prendre la parole pour commenter quelque chose ressemblant de près ou de loin au projet de loi C-68.
Dans le cas présent, toutefois, j'ai vraiment l'impression que les gens de ma circonscription ont eu leur mot à dire à propos de cette mesure législative et de sa rédaction. J'y ai participé directement; j'ai participé indirectement à l'élaboration du projet de loi du solliciteur général que nous avons débattu à Minden, le 4 octobre. Il visait à modifier la Loi sur le casier judiciaire de façon à ce que le nom des prédateurs sexuels, des pédophiles en particulier, puissent être inscrits dans un registre.
J'ai écouté le député de Calgary-Sud-Ouest, le chef de l'opposition. Son approche est plutôt simpliste. Il a commencé par parler des peines, demandant comment la société serait protégée. Il essaye de faire entrer dans la tête des gens que plus une personne est punie, mieux elle sera réadaptée. Je trouve cela choquant.
Je dois dire que, à mon crédit—et je pense parfois à mon détriment—je me suis déjà occupé des libérations conditionnelles. Dans ce rôle, je me suis trouvé en contact avec beaucoup d'agents de police. J'ai dirigé un certain nombre d'audiences de libération conditionnelle au moment où les changements à la Loi sur les jeunes contrevenants s'en venaient, il y a quelques années. J'ai vu des récidivistes endurcis qui, à l'âge de 18 ans, étaient remis dans le système en tant que jeunes contrevenants. Ils faisaient l'éducation criminelle de jeunes nouvellement arrivés dans le système et qui auraient pu être réadaptés et réinsérés dans la société. Si on leur avait enseigné des valeurs pour la première fois, ils auraient eu une meilleure chance de réussir dans la société.
C'était une approche simpliste de la part du chef de l'opposition, le député de Calgary Sud-Ouest. Pour sa part, le député de Calgary Nord-Est voulait étudier la possibilité d'avoir recours à la bastonnade. Il pensait que si on frappait ainsi tout le monde, cela permettrait d'empêcher les gens de commettre des crimes. J'ignore s'il allait étudier la façon de porter les coups ou la force des coups. Il ne m'a jamais dit pourquoi il voulait agir ainsi. Il semble qu'à Calgary, on veuille frapper les gens jusqu'à ce qu'ils se conforment.
Je vais donner des exemples auxquels j'ai fait face en tant qu'agent de liberté conditionnelle. Un jeune de 14 ans qui a été battu, pendu par les talons et rabaissé toute sa vie n'a pas besoin d'être battu à nouveau, mais a plutôt besoin d'aide. Une autre bastonnade ne fera absolument rien pour un jeune comme celui-là si ce n'est l'éloigner encore davantage de ce dont il a besoin pour être réadapté afin d'être un citoyen apportant une contribution positive à la société.
C'est ce que cette loi vise à faire. Il ne faut pas être un génie pour voir qu'on peut blâmer le gouvernement, ou quiconque, mais le fait de rejeter sur le système la responsabilité d'un meurtre fait partie du problème. Cependant, cela n'explique pas tout le problème.
Le fait que nous allons punir les gens qui font sortir des personnes d'un établissement en disant qu'ils vont s'en occuper est une bonne mesure. Je ne pense pas qu'on devrait prendre cela à la légère. L'auteur d'un crime qui entend en commettre un autre ne va pas être arrêté par le fait que sa mère l'a fait sortir de l'établissement en question. S'il veut récidiver, il va le faire.
Nous devons trouver une façon de rejoindre cette personne, de lui enseigner des valeurs, peut-être pour la première fois. En étudiant certaines choses personnelles, certaines dispositions de la loi avec lesquelles j'ai dû traiter, j'ai constaté qu'en tant que parent j'ai dû me rendre devant les tribunaux sept fois. On a changé de juge à trois reprises au cours de la procédure. Il a fallu attendre le troisième juge pour que sosit soulevée la question de la peine à imposer. Le contrevenant pour lequel je me trouvais à être témoin se verrait-il imposer une détention en milieu fermé ou une garde en milieu ouvert?
J'ai tendance à éprouver le plus grand respect pour le système judiciaire, même si je ne suis pas avocat. Étant agent immobilier, je sais que les gens de notre profession font gagner beaucoup d'argent aux avocats. J'entends les députés qui sont avocats s'offusquer de mes propos. Le fait est que cela constitue une bonne partie de leur pratique. Ils peuvent retarder les procédures assez longtemps pour que le témoin qu'ils doivent interroger ne se présente pas devant le tribunal et que la cause soit annulée. J'estime qu'il faut tenir compte de cette situation et l'examiner très sérieusement dans le système de justice pénale. On demande constamment aux agents de police de témoigner devant le tribunal, de sorte qu'ils perdent un temps précieux qu'ils devraient utiliser pour poursuivre des criminels. Ils se retrouvent devant le tribunal au lieu d'accomplir leur travail dans la rue. Très souvent, ils sont aux prises avec des personnes qui ont eu des démêlés à de nombreuses reprises avec la justice. Ces personnes connaissent le fonctionnement du système mieux que les policiers, mieux que les avocats, mieux que les juges, et certainement mieux que les procureurs.
Le projet de loi C-68 n'est pas parfait. Quiconque pense qu'un projet de loi parfait sera adopté ici et qu'il changera la société sera déçu. Tout doit être éprouvé dans le système judiciaire. Lorsque nous éprouvons une loi dans le système judiciaire, il faut la mettre en pratique et l'appliquer aux nombreuses personnes qui ont des démêlés avec ce système, afin de voir comment la loi fonctionne.
Lorsque le solliciteur général a décidé que les noms des pédophiles seraient divulgués publiquement, cela a constitué une mesure très positive, à mon avis, dans notre système de justice pénale. Cela permet aux établissements, aux clubs de jeunes garçons et de jeunes filles, aux entraîneurs de hockey, aux personnes qui s'impliquent auprès des jeunes de vérifier les antécédents des gens pour voir s'ils ont déjà fait ce genre de choses. Même s'ils ont été réhabilités, cela figurera dans le système s'ils vont d'une province à l'autre. Un autre problème vient de ce qu'ils changent de nom. Lorsqu'ils changent de nom et qu'ils ont été réhabilités sous un autre nom, ils ont un dossier vierge. Ce projet de loi est bon parce qu'il s'inspire des problèmes de groupes communautaires et de la façon dont ils veulent interagir avec le système de justice pour les jeunes et avec le système de justice criminelle.
Un jeune de 14 ans qui est reconnu coupable d'un délit qui est jugé comme un adulte peut être condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour. Au palier provincial, une personne qui est reconnue coupable de ce délit peut purger jusqu'à deux ans moins un jour d'emprisonnement. Cela reconnaît une certaine responsabilité aux gens. Il est important que le projet de loi prévoie qu'on place une personne dans un bon foyer, un bon environnement, un endroit où, pour la première fois de sa vie, elle peut acquérir des valeurs.
Pour en revenir à l'approche simpliste des députés de Calgary-Sud-Ouest et de Calgary-Nord-Est qui ont une idéologie du châtiment, jetons un coup d'oeil au problème. Si je devais rédiger un document de libération conditionnelle et si je parlais de foyer brisé, d'abus d'intoxicants, d'alcoolisme, de personne maltraité dans son enfance, de niveau d'instruction de 8e année, de décrochage, je décrirais environ 90 p. 100 de l'aire de recrutement dans laquelle je travaille.
Qu'est-ce qui manque? Est-ce que c'est un châtiment? La plupart de ces jeunes se battent pour faire partie de gangs. Ils n'ont pas besoin de se faire battre ou de battre quelqu'un. Il y a une multitude de gangs. Un jeune entre généralement dans un gang sous l'effet de la pression de ses camarades. Ce n'est pas en les tirant de là et en les battant sous prétexte qu'ils nous ont battus qu'on va leur inculquer des valeurs.
Nous parlons de personnes démunies, défavorisées et maltraitées. Les autres qui sont pris là-dedans vont voir les résultats de leurs actes. Une fois séparés de leurs camarades, ils pourront avoir des interactions, parce qu'ils savent la différence entre le bien et le mal.
Le président suppléant (M. McClelland): Je me permets d'interrompre le député un moment. Le député a-t-il déclaré qu'il allait partager son temps?
M. John O'Reilly: Non, je n'ai pas dit cela.
Le président suppléant (M. McClelland): Le député d'Haliburton—Victoria—Brock dispose de dix autres minutes.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Monsieur le Président, le député avec qui je devais partager mon temps ne s'est pas présenté. Je n'ai pas d'objection à parler pendant 20 minutes. Il se peut que je lise quelque chose, car mon vis-à-vis me dit que je dois lire un discours, ce qui serait tout un changement pour moi. Je n'ai jamais lu le moindre discours à la Chambre et je ne vais pas commencer maintenant.
Une voix: Lire n'a jamais été votre point fort.
M. John O'Reilly: J'ai vécu les plus beaux jours de ma vie pendant les trois années que j'ai passées en huitième année.
M. Art Hanger: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Vous prolongez de dix minutes le temps de parole du député, alors qu'un député libéral le précédait. Cela signifie-t-il que les libéraux disposent de 30 minutes?
Le président suppléant (M. McClelland): Non, mais pour faciliter les choses au chef de l'opposition et lui permettre de parler à un autre moment que celui prévu dans la séquence, il nous a fallu jongler un peu pour rétablir celle-ci.
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je veux simplement dire que avons été très heureux de prendre les dispositions nécessaires pour permettre au chef de l'opposition de prendre la parole.
M. John O'Reilly: Monsieur le Président, je fais partie de bien des comités avec le député de Calgary-Nord-Est. Dix plus vingt font trente. Le député a parfaitement raison. Je suis très heureux qu'il ait réussi à comprendre cela. Cela a peut-être un rapport avec ce qu'il a appris à Singapour au sujet du châtiment corporel. Cela prend passablement de temps.
Je vais revenir à mon expérience personnelle concernant de jeunes contrevenants traduits devant les tribunaux. Aller dans un établissement carcéral pour participer à une audience de libération conditionnelle, c'est quelque chose de très sérieux. Je sais que l'approche simpliste du Parti réformiste part de bonnes intentions. Certains réformistes sont d'anciens conservateurs et libéraux très intelligents. Comme ils ne peuvent se faire élire dans l'Ouest autrement qu'en se présentant sous la bannière réformiste, je comprends qu'ils le fassent et je leur souhaite la meilleure des chances, pour autant qu'ils ne se présentent pas dans ma circonscription.
Je pourrais parler d'un jeune homme qui a été suspendu par les talons par ses parents alors qu'il avait 14 ans, qui a été agressé sexuellement et battu lorsqu'il était enfant, à qui on n'a inculqué aucune valeur et qui a abandonné l'école afin de pouvoir fuir tout. Lorsqu'il a été arrêté et incarcéré, il a rencontré des gens qui s'occupent de jeunes contrevenants. Ils l'ont pris sous leur aile et lui ont inculqué des valeurs qui ne lui avaient jamais été enseignées auparavant. Il s'est sorti de sa toxicomanie et de son alcoolisme. Il s'est sorti de la violence qui l'entourait. Il est aujourd'hui un membre productif de notre société.
Je sais que cela ne fonctionne pas toujours et que le Parti réformiste ne veut pas en entendre parler, mais il reste que la Loi sur les jeunes contrevenants a répondu à un besoin qui ne sert pas la cause défendue par le Parti réformiste. Les réformistes ne peuvent bâtir à moins de pouvoir enseigner à tout le monde que tout se résume à la haine et au châtiment.
Le fait est que, si nous tenons à réinsérer les délinquants dans la société, nous ne pouvons pas le faire en les envoyant à des camps de réadaptation de type militaire ou à des camps de redressement ou quoi que ce soit que le député souhaitait. Nous devons leur enseigner les valeurs. Nous devons leur enseigner ce que la société attend d'eux. Si nous voulons que les jeunes deviennent des membres productifs de la société, il faut leur enseigner les valeurs. Voilà tout simplement ce qui peut les transformer en membres productifs de la société et ce qui protège la société.
J'ai été impressionné par un criminel que j'ai rencontré. C'était un musicien. Quand les guichets automatiques ont fait leur apparition dans les banques, il fallait taper son NIP et chaque touche du clavier avait un son distinctif. Cet homme pouvait se tenir derrière une personne qui effectuait un retrait avec sa carte bancaire et il pouvait en découvrir le NIP à cause de son oreille musicale. Il était capable de jouer de n'importe quel instrument. Il avait beaucoup de talent. Il suivait ensuite sa victime chez elle, trouvait un moyen de pénétrer inaperçu dans son logement et volait cette carte de son portefeuille.
Quand une carte est absente de notre portefeuille, nous nous demandons souvent où nous avons bien pu la laisser. Après deux jours, nous finissons par penser qu'elle doit être en la possession de quelqu'un d'autre. Cependant, juste avant minuit ou juste après 2 heures du matin, le compte de banque avait pu être vidé de son contenu par cet homme. Ce n'était pas parce qu'il était un voleur, mais parce qu'il était un héroïnomane. Comment pouvons-nous faire traiter ces gens-là à la méthadone et les laissez mettre à profit leurs talents dans la société? Ce même jeune homme joue maintenant dans un orchestre et il est très productif. Il y a quelques exemples que le Parti réformiste choisit d'ignorer.
Quand on parle de la Loi sur les jeunes contrevenants et de réhabilitation, on parle de gens qui soudainement deviennent membres de la société et font l'apprentissage des valeurs de cette dernière. Ces gens-là ne commettent qu'une infraction. Ils ne récidivent pas. Les récidivistes sont une honte, et il doit y avoir moyen de les traiter.
Si nous pouvons récupérer la majorité des jeunes contrevenants, ce que la Loi sur les jeunes contrevenants nous a permis de faire et que le Parti réformiste passe sous silence, nous ferons un grand bien à la société. J'estime que le projet de loi C-68 est un bon départ en modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants pour que nous ayons un système de justice pénale qui durera longtemps.
Le Président: Cher collègue, il vous reste encore 10 minutes pour une période de questions et d'observations. Je propose que nous passions maintenant aux déclarations des députés et que nous revenions à ce débat après la période des questions.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
OXFAM
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter OXFAM Canada et OXFAM Québec, qui lancent aujourd'hui le rapport international d'OXFAM intitulé L'éducation pour tous: Brisons le cycle de la pauvreté.
Le rapport met l'accent sur les 125 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire qui sont privés d'éducation dans les pays en développement. L'analphabétisme de masse les désavantage, les rend vulnérables et les appauvrit. Dans plus de 20 pays en développement, plus de 50 p. 100 de la population, surtout les femmes et les filles, sont incapables de lire et d'écrire. On ne parvient pas à atteindre l'objectif de donner à tous une éducation de niveau primaire.
Dans le cadre de sa campagne, OXFAM exhorte les gouvernements à accorder des remises de dettes pour aider les pays en développement à donner une éducation de niveau primaire à tous.
J'exhorte tous les députés à appuyer les activités d'OXFAM dans leur circonscription respective et à appuyer la campagne d'OXFAM pour l'éradication de l'analphabétisme dans le monde.
* * *
ROCKY MOUNTAIN HOUSE
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'annoncer le bicentenaire de Rocky Mountain House, une collectivité de ma circonscription. Ses 6 000 habitants commémorent le rôle important joué par leur ville dans le développement de l'ouest du Canada. Rocky Mountain House a servi de base à David Thompson lorsqu'il a exploré les montagnes de l'Ouest. En 1840, 2 000 habitants peuplaient la ville tandis que Fort Edmonton ne comptait que 12 habitants permanents.
En célébrant le 125e anniversaire de ce qui est aujourd'hui la Gendarmerie royale du Canada, nous devons nous souvenir du rôle important joué par la ville dans l'histoire de cette force policière. Les pressions exercées par les habitants de Rocky Mountain House ont aidé à convaincre le gouvernement du Canada de la nécessité de créer une force de police permanente dans l'ouest du Canada. La présence de la GRC est un élément important de l'identité de l'ouest canadien. Rocky Mountain House est également le site du seul parc historique national de l'Alberta, parc qui a pu être créé grâce à un don généreux de la regrettée Mabel Brierley.
Je sais que les députés s'unissent à moi pour saluer ces 200 ans d'histoire et saluer la population de Rocky Mountain House, en Alberta.
* * *
LES GUIDES DU CANADA
M. John McKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, dernièrement j'ai eu l'occasion d'assister à une cérémonie des Guides du Canada au cours de laquelle on a remis la décoration Fourragère du Canada à 14 éclaireuses de la circonscription de Scarborough-Est que je représente.
Ces éclaireuses de 15 ans ont reçu cette haute récompense en 1998 pour avoir fourni un travail acharné et fait preuve d'un grand dévouement, tout en s'amusant et en apprenant. Pour obtenir cet honneur, les éclaireuses ont dû relever des défis dans plusieurs domaines.
Je tiens à féliciter Nadia Bedok, Lauren Canzius, Julie Cushing, Lianne Easton, Katie Eley, Theresa Enright, Jaclyn Iantria, Melissa Kaye, Erin Kotva, Lisa Moore, Amanda Mykusz, Kimberley Rose, Janet Stephens et Heather Wing.
Je veux leur rendre hommage pour tout ce qu'elles ont fait pour mériter ce grand honneur et leur souhaite plein de bonnes choses pour l'avenir.
* * *
[Français]
LES RANGERS DU NUNAVIK
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, les Rangers du Nunavik, un sous-groupe des Forces armées canadiennes qui existe depuis au moins 50 ans, a été abondamment sollicité lors de l'avalanche du nouvel an à Kangiqsualujjuaq.
En 1994, les Junior Rangers, qui regroupent des garçons et des filles de 12 à 18 ans, ont fait leur apparition dans le Grand-Nord québécois.
Les 14 communautés du Nunavik ont maintenant leur patrouille de Junior Rangers. Ils sont soutenus par les Forces armées canadiennes et les Rangers Senior. Les jeunes Inuits y apprennent notamment la navigation, la sécurité avec les armes à feu, les traditions ancestrales et la chasse.
Les Forces armées canadiennes et le major Claude Archambault ont visité, la semaine dernière, le village de Kangiqsualujjuaq en présence de la mairesse, Maggie Emudluk, pour y remettre une mention élogieuse aux Rangers qui ont participé aux opérations de sauvetage lors de l'avalance du 1er janvier 1999.
Nakuqmiik aux Rangers du Nunavik.
* * *
[Traduction]
L'OTAN
M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour rendre hommage à 40 membres du génie et aux autres personnels des Forces canadiennes qui viennent de rentrer de Kumanovo, dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine.
Faisant partie du déploiement de l'OTAN dans cette région, ils ont reçu dernièrement des médailles de l'OTAN pour leur importante contribution.
Les membres du génie des Forces canadiennes et les autres personnels ont travaillé en étroite collaboration avec des membres du génie français à la construction ou à la rénovation de l'infrastructure—installations médicales, douches et cantines—qui permettra aux membres de la force d'extraction de l'OTAN d'accomplir leur mission.
Les conditions dans lesquelles ils ont travaillé étaient très difficiles et il en a déjà été question à la Chambre. Une fois de plus les membres des Forces canadiennes ont fait la preuve de leur détermination et de leur professionnalisme.
Les Canadiens peuvent être fiers de ce que ces militaires ont accompli. Leurs réalisations là-bas illustrent éloquemment l'engagement du Canada à l'égard des efforts de paix dans cette région agitée.
* * *
L'INDUSTRIE CÉRÉALIÈRE
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, les producteurs de grain de l'Ouest ont connu une année difficile, d'abord au plan du revenu, ensuite à cause des perturbations sur les principaux marchés, et maintenant à cause des grèves tournantes des employés de l'AFPC dans le secteur du pesage du grain.
Aujourd'hui, les grévistes ont repris le travail, mais n'ont toujours pas de contrat. Rien ne garantit qu'ils ne vont pas encore interrompre le transport du grain.
Le gouvernement n'a pas mis en place de mesure législative visant à donner force de loi à l'arbitrage des propositions finales ainsi que le recommande le Parti réformiste depuis cinq ans. Ces arrêts de travail récurrents sont en train de tuer l'agriculture et menacent nombre de communautés qui dépendent de cette industrie.
Les gouvernements ont été informés du tort que causaient ces grèves à l'ensemble de l'économie canadienne. Le gouvernement doit maintenant adopter une mesure législative pour mettre fin une fois pour toutes à ces arrêts de travail. Les producteurs ne peuvent plus se permettre les pertes entraînées par la faute du gouvernement.
* * *
[Français]
LE MAJOR LIONEL GUY D'ARTOIS
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, je désire rendre un hommage particulier au major Lionel Guy D'Artois, héros national, qui s'est illustré aux quatre coins du monde pendant plus de 30 ans au service de l'armée canadienne.
Le major D'Artois s'est éteint, lundi, à l'hôpital des vétérans de Sainte-Anne. Il s'est joint à l'armée en 1934 comme milicien du contingent de l'Université de Montréal où il étudiait en chimie.
Le major D'Artois s'est enrôlé comme soldat lors de la Seconde Guerre mondiale. Pour ses exploits en terre française, le major D'Artois a été honoré des plus prestigieuses décorations, dont la Croix de guerre avec palme, remise par le président de la France.
Permettez-moi d'offrir mes plus sincères condoléances aux membres de sa famille.
* * *
LA DEVCO
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre du Canada devait faire de l'ironie quand il affirmait, récemment, aux grands de ce monde, à Davos, que l'économie canadienne n'est plus dépendante de ses ressources naturelles.
En effet, au même moment, son gouvernement annonçait l'arrêt définitif d'une grande partie des activités minières de la Devco à l'Île-du-Cap-Breton.
La réalité est la suivante: 35 p. 100 des exportations canadiennes reposent encore sur les matières premières et ses produits dérivés, soit davantage que tout autre pays du G7. La transition d'une économie basée sur l'exploitation des ressources naturelles à une économie de haut savoir est certes amorcée, mais elle n'est visiblement pas complétée.
Le cas de Devco illustre bien que le gouvernement canadien gère mal ce changement de vocation industrielle. Aucun programme de diversification économique n'a été mis en oeuvre pour offrir des alternatives à ceux et celles qui se retrouvent soudainement sans gagne-pain.
Le gouvernement canadien doit prendre la responsabilité de cette transition économique ratée. Dans le cas de la Devco, Ottawa doit traiter les communautés touchées avec la dignité à laquelle elles ont droit.
* * *
[Traduction]
NORMAN JEWISON
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, hier soir, à l'occasion de la 71e cérémonie de remise des Oscars à Los Angeles, en Californie, l'Academy of Motion Pictures Arts and Sciences a remis à M. Norman Jewison le prix Irving G. Thalberg.
Un Canadien a été reconnu publiquement et mondialement pour toute une vie consacrée à la production cinématographique.
[Français]
M. Jewison a fait ses débuts à Londres en tant que comédien et scénariste pour la BBC. Pendant les années 1950, il est revenu au pays pour travailler à la Société Radio-Canada, pour ensuite poursuivre une impressionnante carrière comme producteur et réalisateur. De plus, M. Jewison est le fondateur du prestigieux Centre canadien du film de Toronto.
[Traduction]
Avec un total de 12 Oscars et de 46 nominations pour des films comme Les Russes arrivent, les Russes arrivent, Un violon sur le toit, A Soldier's Story, Dans la chaleur de la nuit et Éclair de lune, il nous a appris l'importance de choisir des récits qui valent la peine d'être racontés et de les raconter avec brio.
J'invite mes collègues à féliciter avec moi M. Jewison pour son excellente performance. Le Canada est fier de lui.
* * *
LES ARMES À FEU
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à exposer à la Chambre les contrariétés que le nouveau registre des armes à feu cause à l'un de mes électeurs.
Louis Carew est propriétaire de l'entreprise CMP Sports, de Fort Nelson, en Colombie-Britannique. Il m'a écrit au sujet des acrobaties qu'il est maintenant obligé de faire pour continuer de vendre des armes à feu, acrobaties qui lui ont coûté 25 p. 100 de ses ventes de Noël.
Premièrement, quand il commande une arme à feu, le fournisseur doit lui donner un numéro de référence, mais il doit attendre que le département des armes à feu, situé à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, le lui fournisse.
Deuxièmement, le gouvernement lui fait parvenir un numéro de référence par la poste.
Troisièmement, lorsqu'il vend une arme à feu, il doit donner au client un numéro d'autorisation de transaction qui lui coûte 25 $ et qu'il doit aussi attendre. Il doit acquitter ce droit pour chaque arme à feu nouvelle ou usagée qu'il achète.
Quatrièmement, le client doit avoir un numéro de certificat d'acquisition d'armes à feu. Le prix de ce certificat est maintenant passé de 10 $ à 50 $, sans parler des 200 $ que coûte le cours. Cet électeur me dit que les formalités à remplir auprès des fonctionnaires et le temps perdu à attendre au téléphone sont à rendre fou.
Ce fiasco a déjà coûté aux contribuables et aux entreprises des centaines de millions de dollars. Ne serait-il pas plus censé et efficace d'utiliser cet argent pour accroître les effectifs policiers?
* * *
LA JOURNÉE MONDIALE DE L'EAU
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le Président, nous soulignons aujourd'hui la Journée mondiale de l'eau.
En 1993, les Nations Unies ont demandé à toutes les nations de la planète de favoriser la conservation et la protection durables des ressources en eau. L'eau douce a pour les Canadiens une valeur réelle et symbolique importante. C'est pourquoi, en 1997, notre pays a participé au Forum mondial sur les ressources en eau.
Neuf pour cent des ressources mondiales renouvelables en eau douce se trouvent au Canada. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour protéger cette richesse. Chaque jour, notre vie et notre santé dépendent de l'eau douce. C'est donc une denrée qu'il vaut la peine de préserver.
Notre gouvernement prend des initiatives pour rétablir, conserver et protéger les principaux bassins hydrographiques du Canada. Nous travaillons en vue d'interdire l'exploitation de l'eau en vrac, y compris à des fins d'exportation. C'est là le problème auquel le Canada s'attaque en priorité dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie fédérale de protection des ressources en eau douce.
En ce jour important, j'encourage tous les députés à réfléchir au problème croissant de l'ampleur et de la qualité des ressources mondiales en eau potable.
* * *
LA JOURNÉE MONDIALE DE L'EAU
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, le 22 mars, est la Journée mondiale de l'eau. Les pays du monde entier vont se rappeler que l'eau est une ressource précieuse essentielle à la vie humaine. Sans eau potable, nous ne pouvons survivre.
Contrairement à de nombreux pays, le Canada a la chance de pouvoir compter sur de grandes quantités d'eau douce. Ainsi, nous tenons souvent pour acquis que nos ressources en eau sont inépuisables, mais ce n'est pas le cas.
Le 9 février, une motion du Nouveau Parti démocratique disait que le gouvernement devrait, en collaboration avec les provinces, imposer immédiatement un moratoire sur l'exportation de grandes quantités d'eau douce et sur les transferts entre bassins hydrographiques. La Chambre a accepté d'affirmer le droit souverain du Canada de protéger, de préserver et de conserver ses ressources en eau douce pour les générations futures. Aujourd'hui, nous devrions voir comment nous utilisons l'eau dans nos maisons et notre vie quotidienne. Nous devons protéger cette ressource essentielle et y attacher beaucoup d'importance.
Dans ma circonscription, des collectivités comme Pukatawagan, God's Lake Narrows et Red Sucker Lake n'ont pas l'eau courante. Nous devons veiller à ce que tous les Canadiens profitent de nos ressources. Les ressources en eau du Canada ne devraient pas baisser au profit de quelques-uns.
En cette Journée mondiale de l'eau, les Canadiens ont de bonnes raisons de se réjouir et beaucoup de questions auxquelles ils doivent réfléchir.
* * *
[Français]
LE PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Monsieur le Président, les Québécois et les Québécoises ont de quoi réfléchir ces jours-ci.
M. Bouchard clame, lors de ses voyages à l'étranger, que le Québec doit avoir sa voix lors des forums internationaux. C'est ce même Lucien Bouchard qui refuse aux Québécois et aux Québécoises francophones de faire entendre leur voix lors de l'Année de la francophonie canadienne.
De quel droit Lucien Bouchard prive-t-il les Québécois et les Québécoises de leur voix au sein du Canada? De quel droit tente-t-il de priver les Québécois et les Québécoises de leur identité canadienne? De quel droit continue-t-il à faire la promotion de la séparation, alors que les Québécois et les Québécoises ont dit non à son option à deux reprises?
Lucien Bouchard se dit de l'héritage de Jean Lesage et de Robert Bourassa. Ces hommes politiques du Québec ne cherchaient pas à bâillonner la voix des Québécois et des Québécoises chez eux au Canada.
Ces hommes avaient un sens plus exact du mot «démocratie». René Lévesque aurait honte et ne s'associerait certainement pas à cette stratégie péquiste.
* * *
LA DISCRIMINATION RACIALE
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, nous célébrions, hier, la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale.
Dans notre lutte quotidienne en vue d'éliminer les obstacles à l'égalité entre les humains, cette question interpelle chaque citoyen et tous les États. Nous devons travailler tous ensemble pour rendre notre société plus équitable et plus démocratique.
Hier, dans le cadre d'une activité tenue à Montréal, le Bloc québécois a pris l'engagement de tenir prochainement des colloques portant spécifiquement sur les questions de la démocratie et de la citoyenneté. Ces colloques seront autant de moments privilégiés pour réfléchir aux façons de resserrer les liens qui unissent les Québécois de toutes les origines.
Le Bloc québécois tient aussi à saluer la volonté du gouvernement du Québec de faire une plus grande place aux minorités dans la fonction publique québécoise, tel que le ministre québécois des Relations avec les citoyens, M. Robert Perreault, en a fait l'annonce ces jours derniers.
* * *
[Traduction]
LA FISCALITÉ
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, la motion du Parti réformiste tendant à mettre fin à la discrimination contre les familles à revenu unique reflète ce que le Parti progressiste conservateur prône depuis des années.
Notre position est la même depuis notre congrès d'orientation de 1996. Notre document précise clairement qu'«un gouvernement progressiste conservateur demanderait aux familles de produire une déclaration conjointe de revenus, afin que les familles à revenu unique ayant des enfants à charge cessent de payer plus d'impôt que les familles à deux revenus touchant un revenu identique aux familles à un seul revenu.»
À l'instar de tant de familles de tout le pays, la famille Sears de Quispamsis, dans ma circonscription, est victime de discrimination, car elle a choisi d'avoir un parent à la maison pour élever les enfants.
Abandonnons cette politique fiscale injuste dans le cadre de laquelle le gouvernement croit qu'il peut faire les meilleurs choix. Ce sont les gens touchés, les familles canadiennes, qui peuvent faire les meilleurs choix. Nous devrions laisser Beth Sears faire le choix qui convient le mieux à sa famille sans qu'elle ne soit pénalisée de façon inéquitable sur le plan fiscal.
Le 9 mars, le caucus conservateur, ainsi que les députés de l'opposition, ont voté en faveur de cette motion. Malheureusement, les libéraux se sont prononcés contre. Là encore, le gouvernement avait l'occasion de montrer qu'il souhaitait aider les enfants et leurs familles, mais il n'en a pas profité.
* * *
CLARICA
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Monsieur le Président, lorsque l'achat de la compagnie d'assurance-vie La Métropolitaine par la compagnie d'assurance-vie La Mutuelle, à Ottawa, a mis en péril un millier d'emplois dans la région, des députés de la région de la capitale nationale ont entrepris une série de rencontres avec des représentants de la compagnie et avec le ministre afin d'atténuer les répercussions de cette transaction sur l'emploi dans la région et sur les employés eux-mêmes.
Récemment, des représentants de La Mutuelle ont rencontré les députés pour leur rendre compte des mesures prises, conformément à leurs engagements. La Mutuelle a créé quelque 600 emplois dans quatre centres d'excellence à Ottawa. Près de 600 employés de La Métropolitaine bénéficient de la priorité d'emploi grâce à un gel du recrutement à l'extérieur et on a lancé une étude visant à éliminer toute barrière à l'emploi au sein de la nouvelle organisation.
Un centre des carrières, des possibilités de formation et des services d'orientation ont permis à 93 p. 100 des employés touchés par la vente de la compagnie d'assurance de se trouver un emploi dans l'année qui a suivi. Un fonds de transition de 5 millions de dollars a déjà permis de venir en aide à plus de 100 personnes et les autres employés qui auraient besoin d'aide peuvent toujours y avoir accès.
La compagnie La Mutuelle, dont le nouveau nom sera Clarica, maintiendra et accroîtra sa contribution aux organismes bénévoles et aux organismes de bienfaisance.
* * *
LE PROJET DE LOI DE RETOUR AU TRAVAIL
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, le projet de loi de retour au travail déposé aujourd'hui comporte plusieurs omissions flagrantes.
Le gouvernement a saisi la Chambre de ce projet de loi, sur lequel elle devra se prononcer sans connaître l'offre du gouvernement à l'Alliance de la fonction publique et à ses agents de correction qui sont visés par le conflit de travail.
Cela nous semble curieux. Nous ne comprenons pas comment on peut nous demander de tenir aujourd'hui un débat prolongé et d'examiner une mesure aussi cruciale qu'un projet de loi de retour au travail sans savoir quelles propositions seront faites aux agents de correction. Une loi de retour au travail est déjà suffisamment désagréable sans que le gouvernement ne l'entoure de secret.
Nous aimerions savoir, et nous en débattrons plus tard aujourd'hui, ce que le gouvernement espère obtenir par ce subterfuge, c'est-à-dire en cachant à la Chambre les propositions qui seront faites aux gardiens de prison. Comment pouvons-nous imposer le retour au travail à des employés lorsque nous n'en connaissons même pas les conditions?
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
LES MARCHÉS DE CONSTRUCTION
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, depuis plus de deux semaines, le premier ministre élude les questions concernant les subventions gouvernementales accordées à ses associés. Il n'ose plus prendre la parole à la période des questions. Il évite les journalistes. Il refuse de rendre des documents publics. Les demandes d'accès à l'information sont censurées.
Pourquoi le gouvernement pense-t-il que le premier ministre n'a pas à justifier sa conduite dans cette affaire?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre, le gouvernement, d'autres ministres et moi-même avons été tout à fait francs et ouverts à ce sujet. Les projets dans la circonscription du premier ministre sont appuyés par l'ensemble de la collectivité, par le gouvernement provincial et par le député provincial péquiste de la région, et non pas par des amis du premier ministre ou du Parti libéral. Nous avons été francs et ouverts. Tout a été fait dans les règles.
Si le député ne veut pas voir cette région progresser sur le plan économique, alors le public devrait savoir qu'il est contre la création d'emplois dans cette région et partout dans le pays.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, il ne s'agit pas de création d'emplois. Un criminel reconnu du nom d'Yvon Duhaime a reçu des centaines de milliers de dollars du gouvernement après avoir débarrassé le premier ministre d'un hôtel qui lui faisait perdre de l'argent. L'adjoint du premier ministre est personnellement intervenu dans le processus.
Pierre Thibault, un autre homme d'affaires malhonnête, a également obtenu des centaines de milliers de dollars en subventions gouvernementales peu de temps après avoir rencontré le premier ministre.
Pourquoi le premier ministre ne nous parle-t-il pas de ses transactions privées avec ces gens? Pourquoi refuse-t-il de rendre publics ses notes et ses dossiers concernant ces transactions?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas eu de transactions privées. En ce qui concerne l'hôtel et le centre de congrès au centre-ville de Shawinigan, le premier ministre n'a jamais caché son intérêt à l'égard de ce projet en tant que député local, pas plus que le maire ou le conseil municipal de Shawinigan ou encore le député provincial. Ce projet a reçu l'appui du gouvernement provincial péquiste et de la ville de Shawinigan. C'est quelque chose qui s'est fait de façon ouverte, avec l'appui de la collectivité.
Le premier ministre, en tant que député local, a travaillé pour sa collectivité. Il n'y a rien de mal à cela.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, nous ne parlons pas d'emplois. Nous ne parlons pas de collectivités locales. Nous ne parlons pas du premier ministre et de ses amis imaginaires sans abri. Nous parlons de son association avec des gens d'affaires malhonnêtes, un criminel reconnu et un escroc, qui ont tous deux reçu des subventions du gouvernement.
Pourquoi le premier ministre ferait-il affaire avec ce genre de personnes au départ? Pourquoi ne dévoile-t-il pas la nature de ces transactions pour tirer les choses au clair une fois pour toutes?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ce sont là des affirmations et des insinuations non justifiées. Le chef de l'opposition accuse le maire et le conseil municipal de Shawinigan de s'associer à des gens malhonnêtes. Il accuse le député provincial de l'endroit de s'associer à des gens malhonnêtes. Il accuse le gouvernement provincial péquiste de s'associer à des gens malhonnêtes. Ces affirmations sont fausses. Elles sont fausses en elles-mêmes et après analyse qu'on pourrait en faire.
Si le député était courageux et honnête, il retirerait ces insinuations. Il refuse de...
Le Président: Collègues, je suis certain que le courage de personne n'est mis en doute à la période des questions.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a exercé des pressions pour qu'un ancien associé puisse obtenir une subvention. Cela fait une différence. Il y a là conflit d'intérêts. Le premier ministre a exercé des pressions au moyen non pas d'une seule lettre, mais de plusieurs lettres, de faxes et de visites personnelles de son propre adjoint.
La personne en faveur de laquelle le premier ministre a ainsi exercé des pressions est Yvon Duhaime, qui avait acheté de lui un hôtel non rentable.
Je voudrais savoir, et je souhaite obtenir une véritable réponse cette fois-ci, pourquoi, durant toutes ces démarches, le premier ministre n'a pas révélé ce conflit d'intérêts?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je rejette l'allégation de la députée qui soutient qu'il y avait conflit d'intérêts. Le premier ministre s'est occupé de ce dossier en tant que député. Un représentant de son bureau a assisté aux réunions avec les fonctionnaires. Autant que je sache, les décisions ont été prises lors d'autres réunions auxquelles le premier ministre et ses collaborateurs n'ont pas participé, et les décisions ont été prises dans le cours normal de l'étude du dossier, selon les mérites du projet.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la liste s'allonge, car Pierre Thibault a bénéficié lui aussi de l'intervention du premier ministre.
Il a avoué avoir détourné un million de dollars d'une société en Belgique. Il fait l'objet d'une enquête pénale, mais le premier ministre l'a rencontré et, abracadabra, des centaines de milliers de dollars ont été mis à sa disposition pour l'acquisition d'un hôtel. Le premier ministre doit se rappeler cet endroit. Après tout, c'est là qu'il a accueilli le caucus libéral l'été dernier.
Pourquoi le premier ministre use-t-il de son influence pour faire accorder des fonds publics à des personnages douteux de Shawinigan?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre fait la même chose que les députés sont tenus de faire à la demande de leurs électeurs. Lorsque le premier ministre a été prié d'intervenir, de donner un coup de pouce à la collectivité et au projet appuyé par le maire et le conseil municipal de Shawinigan, de même que par le député du PQ à l'assemblée provinciale et par le gouvernement provincial, il aurait été critiqué s'il n'avait pas répondu à la demande de sa circonscription, y compris l'association touristique de sa circonscription.
* * *
[Français]
L'AMBASSADE CANADIENNE À BERLIN
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, nous apprenons que le ministre des Affaires étrangères, à l'encontre de l'avis d'un jury composé d'experts ayant profité de conseils de hauts fonctionnaires de son ministère et de l'ambassadeur du Canada en Allemagne, a décidé d'octroyer le contrat de construction de l'ambassade du Canada à Berlin à un consortium comprenant une firme d'architectes de Winnipeg.
Est-ce que le ministre peut expliquer pourquoi il a renversé la décision du jury, prise à six voix contre une—faut-il le rappeler—pour accorder le contrat de l'ambassade à un consortium ayant un pied-à-terre à Winnipeg? Voilà une autre affaire louche.
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, c'est très simple. Il y avait quatre critères très distincts. L'un d'eux était le design. Un autre était le caractère fonctionnel, y compris les questions de sécurité, ce qui représente toujours une préoccupation importante dans la construction de toute ambassade. Le coût en était un autre. Le dernier avait trait à l'aménagement de l'immeuble en tant qu'ambassade. Ce sont les quatre grands critères qui nous ont guidés, le design n'étant que l'un d'entre eux.
Je voudrais faire remarquer au député qu'une entreprise de Montréal faisait partie de ce consortium.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il expliquer que le seul membre du jury d'experts en provenance de Winnipeg ait voté en faveur du design proposé par la firme de Winnipeg, et que le ministre, lui aussi de Winnipeg, par hasard, ait décidé d'octroyer ce plantureux contrat à un consortium dont une firme provient de son comté de Winnipeg?
N'est-il pas curieux que Winnipeg soit le fil conducteur entre le seul membre du jury ayant voté pour le concept retenu par le ministre, la firme privilégiée par le ministre et le ministre lui-même?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le député fait preuve de stupidité. La principale entreprise de design est de Toronto, mais elle compte des associés à Montréal, à Vancouver et à Winnipeg, lesquels ont fourni divers services d'ingénierie et d'autres services de soutien.
J'ignore comment le jury en est arrivé à sa décision, car je n'étais pas là. Ce que je peux dire, toutefois, c'est que nous aurons une excellente ambassade qui représentera les intérêts canadiens et fera honneur au Canada dans la nouvelle Europe.
Nous devrions tous être fiers du travail que les Canadiens accomplissent dans ce domaine.
[Français]
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, quand un jury fait une recommandation partagée, trois contre trois, quatre contre quatre, on comprend que le gouvernement puisse trancher, c'est normal, cela va de soi. Mais lorsque le jury, comme dans le cas de Berlin, fait une recommandation presque unanime, là, c'est surprenant.
Comment le ministre peut-il prétexter des exigences particulières de sécurité pour renverser le choix du jury, alors qu'un haut fonctionnaire de son ministère et l'ambassadeur lui-même étaient affectés au comité pour guider les jurés, pour leur permettre de faire le meilleur choix? N'était-ce pas justement leur travail, à ces deux personnes, de guider le jury?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Le jury était composé de spécialistes du design qui ont été choisis pour prendre une décision et faire une sélection finale, y compris sur le projet définitif.
Par ailleurs, d'autres études ont été faites sur la question du caractère fonctionnel, ce qui comprend une grande variété de critères liés au rendement, au coût, qui est toujours un facteur dans la construction d'immeubles publics, et, en troisième lieu, à l'aménagement de l'immeuble en fonction de l'endroit choisi au centre ville de Berlin.
Le fait est, et on sait que ces détails échappent la plupart du temps aux députés du Bloc, que le design était seulement un des quatre...
Le Président: Le député de Roberval a la parole.
[Français]
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le ministre se défend mal, mais très mal. C'est une firme de Winnipeg qui a été privilégiée, comme par hasard de son comté, et nous nous inquiétons de cela.
Le ministre a invité trois sommités en architecture de l'Allemagne afin de faire en sorte que l'ambassade canadienne s'intègre bien au milieu de Berlin. Or, les trois experts allemands ont voté unanimement pour le même projet, ainsi que d'autres membres du jury. Une seule personne était en faveur du projet de Winnipeg.
Comment le ministre peut-il justifier qu'il ait préféré l'avis d'un juré de Winnipeg à celui des trois experts allemands?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons pas l'habitude de laisser les étrangers décider de l'apparence des ambassades canadiennes. Ce sont des Canadiens qui prennent ces décisions.
Dans le cas présent, on a choisi des entreprises ayant remporté des prix, des entreprises de Montréal, de Toronto, de Winnipeg et de Vancouver. Il me semble que cela est assez représentatif du tissu ainsi que des connaissances et de l'expertise du pays.
* * *
L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vice-premier ministre qui, il y a de nombreuses années, a rédigé un rapport concernant l'investissement étranger au Canada. La vente de la société Spar Aérospatiale Limitée, et partant du bras spatial canadien, soulève encore une fois des préoccupations concernant l'investissement étranger au Canada et son ampleur. Investissement Canada fait état de 796 acquisitions par des étrangers en 1998. De ce nombre, seulement 28 ont fait l'objet d'un examen, et elles ont toutes été approuvées. Ces acquisitions par des étrangers totalisent 63 milliards de dollars sur une période d'un an.
Le gouvernement ne se préoccupe-t-il pas de l'ampleur des acquisitions par des étrangers? S'il s'en préoccupe, que prévoit-il faire dans ce dossier?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, comme l'ont dit les médias qui rapportaient mes propos en fin de semaine, l'acquisition de la société Spar par la société MDA est décevante. Toutefois, il est important de signaler que dans le contexte de cette transaction, l'acquisition par la MDA, auparavant la société Orbital, s'est traduite par une augmentation du nombre d'emplois à la société MDA à Richmond, en Colombie-Britannique. Cette acquisition lui a permis de soutenir la concurrence, à tel point qu'elle a obtenu le marché du RADARSAT II qui faisait l'objet d'une invitation ouverte à soumissionner.
Nous sommes convaincus qu'à long terme l'investissement dans la division de la robotique permettra au Canada de maintenir sa place de chef de file.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ce n'est pas uniquement une question d'emplois à court terme; c'est aussi une question de contrôle à long terme de notre économie.
Je vais donc revenir encore une fois en arrière et demander à nouveau au vice-premier ministre: qu'est-il advenu du Parti libéral qui a créé l'Agence d'examen de l'investissement étranger et qui a adopté le Programme énergétique national et d'autres mesures qui témoignaient d'une préoccupation au sujet de la mainmise étrangère et, en particulier, du contrôle exercé sur l'économie canadienne par les Américains? Le gouvernement ne se préoccupe-t-il plus de cette question? Faut-il en conclure tout simplement que le Canada est à vendre et que le mieux-disant emportera le morceau? Est-ce là où nous en sommes?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député du soutien qu'il accorde aux politiques du gouvernement libéral. En réponse aux situations actuelles et futures, nous continuerons d'adopter des politiques qui servent au mieux les intérêts du Canada. Le soutien clé qu'il accorde au Parti libéral ne passera pas inaperçu à l'occasion de l'élection partielle à Windsor.
* * *
LES MARCHÉS DE CONSTRUCTION
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, Yvon Duhaime est un criminel reconnu qui a des problèmes financiers. Pierre Thibault a volé 1 million de dollars à ses associés et fait l'objet d'une enquête criminelle en Belgique. Et pourtant, avec l'aide du premier ministre, Duhaime a obtenu plus de 800 000 $ de prêts et de subventions du gouvernement fédéral et Thibault a touché le gros lot de 1,5 million de dollars, tous deux pour des projets hôteliers dans la circonscription du premier ministre.
Le vice-premier ministre éclaircira-t-il les choses en déposant tous les documents reliés à l'aide que le premier ministre a accordée à Pierre Thibault et à Yvon Duhaime?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre n'a pas caché son intérêt pour des travaux qui sont dans l'intérêt supérieur de sa circonscription et de la région environnante.
Il existe une façon de procéder que peut suivre le député s'il veut obtenir des documents et je lui propose de s'en prévaloir. C'est pour cela qu'elle a été prévue.
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, s'il n'y a rien de mal dans ces transactions, le gouvernement devrait publier les documents.
Une autre solution consiste à invoquer l'article 11 de la Loi sur le vérificateur général pour enjoindre le vérificateur général de faire une vérification indépendante des subventions et prêts qui ont été consentis à Duhaime et à Thibault.
Le vice-premier ministre fera-t-il preuve de courage et d'intégrité en...
Le Président: Je demande au député de bien vouloir poser tout de suite sa question. Le courage n'a rien à voir là-dedans.
M. Jim Jones: Va-t-il demander au vérificateur général de faire une vérification indépendante de ces travaux contestables? Autrement, on aura l'air de camoufler des choses pour protéger le premier ministre.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député abuse de la procédure de la Chambre des communes au cours de la période des questions pour faire des affirmations gratuites.
Le député péquiste à l'Assemblée nationale a été interviewé par TVA Mauricie sur cette même question aujourd'hui. Voici ce qu'il a dit:
[Français] <«Non, non, non, il ne peut pas y avoir de favoritisme.» Il a dit aussi: «M. Chrétien a fait exactement ce que, moi, j'ai fait à Québec, c'est-à-dire qu'on a pris nos programmes normés, les programmes normaux du gouvernement, puis on a été chercher une juste part pour notre comté.»
[Traduction]
Cette déclaration de l'ennemi politique du premier ministre témoigne de l'intégrité du premier ministre et de l'intégrité du processus.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines m'a dit, le 4 février, qu'il n'approuvait les subventions à la création d'emplois que si les demandes respectaient «tous les critères d'admissibilité usuels».
Les subventions qu'il a distribuées dans la circonscription du premier ministre sont allées à des personnes ayant un dossier criminel, un passé douteux et un bilan bien documenté de mauvaise gestion financière et d'échecs en affaires.
Est-ce l'idée que se fait le ministre des critères d'admissibilité usuels?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, les insinuations de la députée ne sont pas très appropriées à la Chambre. Nous allons essayer de rétablir une certaine stabilité à la Chambre et de vérifier ce qui s'est vraiment produit.
Le premier ministre, qui est aussi député, fait du très bon travail dans sa circonscription sur le plan du développement de l'entreprise et de la création d'emplois. Je peux dire à la députée que, dans ce cas particulier, tous les critères ont effectivement été respectés.
Selon des études régionales, cette région a un énorme potentiel touristique et aurait besoin de plus d'hôtels.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, le propre consultant en administration des affaires de M. Duhaime avait dit au gouvernement, avant que celui-ci ne verse le moindre sou, que cet hôtel était mal géré, que M. Duhaime avait d'énormes dettes hypothécaires qu'il n'avait pas les moyens de payer et qu'il avait en outre des comptes impayés représentant 350 000 $. Pourtant, le ministre donne des centaines de milliers de dollars provenant de la poche des contribuables à ce Duhaime. Comment peut-il expliquer cela?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, ce projet était réalisé avec l'appui du gouvernement du Québec, un gouvernement péquiste, et celui-ci a également investi de l'argent. La même chose est vraie pour la ville de Shawinigan et son maire.
Ce matin-même, un député provincial, un péquiste dans Shawinigan qui n'est certainement pas un ami du premier ministre, député de Saint-Maurice, a dit ceci, quand on l'a interrogé sur ce projet:
[Français] <«Non, non, non, il ne peut pas y avoir de favoritisme [...] il faut comprendre que si le premier ministre avait créé un programme spécial, cela aurait été autre chose.» Il a dit: «Il a fait comme moi, c'est-à-dire qu'on a pris nos programmes normés, les programmes normaux du gouvernement, puis on a été chercher une juste part pour notre comté.»
C'est ce qu'a fait le député de Saint-Maurice. Il a fait son devoir.
* * *
L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le rapport rendu public par le ministre du Développement des ressources humaines, jeudi dernier, est accablant pour le régime d'assurance-emploi.
Les femmes comme les jeunes sont victimes de discrimination. Nous le savions déjà, mais il fallait attendre ce rapport. Nous avons attendu et, voilà, c'est maintenant confirmé.
Le ministre du Développement des ressources humaines a eu amplement le temps de consulter ce rapport. Va-t-il proposer des modifications à l'assurance-emploi pour éliminer la discrimination envers les jeunes et les femmes, puisque le régime est largement excédentaire et qu'il a donc les moyens de le faire?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je veux bien sûr m'assurer que les femmes aient un juste et équitable accès au régime d'assurance-emploi. C'est une des priorités de notre gouvernement.
Je peux vous assurer que je suis préoccupé par les chiffres que nous avons vus dans le rapport, la semaine dernière, mais qu'il serait prématuré de sauter à la conclusion qu'il y a une discrimination, comme la députée de Québec vient de l'affirmer.
S'il y a moins de femmes qui ont touché des prestations d'assurance-emploi au cours de la dernière année, c'est peut-être parce que deux emplois sur trois créés au cours de l'année 1998 sont allés à des femmes.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ça fait trois mois que le ministre a ce rapport entre les mains. S'il avait besoin d'informations additionnelles, n'aurait-il pas pu les vérifier depuis lors, plutôt que d'essayer de gagner du temps sur le dos des jeunes et des femmes en demandant études sur études?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, ce ne sont pas des études et des études. Je dis que si, en effet, les femmes ont été écartées du régime d'assurance-emploi à cause d'un accès trop difficile, cela nous interpelle comme gouvernement et nous devrons agir.
Cependant, je dis que si le marché du travail a été plus généreux à leur endroit et que plus de femmes ont trouvé du travail, c'est une tout autre réalité qui impliquera d'autres actions de la part du gouvernement.
Mais cela fait trois ans que la députée de Québec nous dit à la Chambre que les femmes sont pénalisées et qu'elles n'ont plus le droit aux congés de maternité comme autrefois. Or, malgré que le taux de natalité ait baissé de 4,6 p. 100 au Canada au cours de la dernière année, les prestations de maternité se sont maintenues. Que dit la députée de Québec à cela?
* * *
[Traduction]
LES CONTRATS DE CONSTRUCTION
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je ne crois pas que le ministre ait répondu à la question cruciale posée aujourd'hui dans le cadre de l'affaire Duhaime.
Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas dévoilé qu'il était en situation de conflit d'intérêts avec ses associés dans sa circonscription?
Il ne s'agissait pas dans ce cas-ci d'aider la communauté mais bien d'aider d'anciens amis et associés à obtenir des subventions et des prêts gouvernementaux. C'est là qu'il y a conflit d'intérêts.
Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas dévoilé ce conflit d'intérêts et pourquoi ne s'est-il pas tenu à l'écart de ces négociations et n'a-t-il pas laissé les gens les plus méritants obtenir les subventions en cause au lieu de favoriser des amis et des associés?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je peux vous assurer que tous les critères du Fonds transitoire de création d'emplois ont été respectés. Le gouvernement provincial a également donné son accord, de même que le député provincial.
Le maire de Shawinigan était sur place. Certains demandaient même au premier ministre de faire davantage. Le premier ministre a fait son travail en voyant à ce que le gouvernement du Canada, dans le cadre de son programme régulier, vienne en aide à sa circonscription, comme il l'a fait dans celle....
Le Président: Le député de Fraser Valley a la parole.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si le premier ministre lui-même arriverait à se reconnaître dans les enregistrements vidéos de ses promesses électorales de 1993.
Il parlait de mettre fin au favoritisme et de nommer un conseiller en éthique. Nous nous rendons compte maintenant que le code d'éthique est secret. Impossible de voir ce code. Les documents auxquels nous sommes censés avoir accès ont tellement été masqués au correcteur blanc qu'ils sont illisibles.
Le vice-premier ministre nous demande de respecter la procédure établie, mais elle ne nous permet pas d'avoir accès aux documents, notes de service ou autres qui traitent du conflit d'intérêts dans le dossier de cet associé.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de déposer ces documents et de dévoiler toute la correspondance échangée pour que nous puissions savoir ce qui s'est passé entre le premier ministre et ses associés?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, en parlant de bande vidéo, cela me rappelle celles du Parti réformiste et les attaques cruelles et injustes faites contre le premier ministre et les politiciens francophones.
Les documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information respectaient la loi adoptée par le Parlement. Si le député est d'avis qu'on a rayé plus de données qu'on avait le droit de le faire, il peut faire appel. Pourquoi ne le fait-il pas?
* * *
[Français]
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, vendredi dernier, une coalition québécoise travaillant auprès des jeunes contrevenants a affirmé, après une lecture approfondie du projet de loi, que celui-ci est un leurre, car on ne retrouve nulle part dans le projet de loi C-68 la confirmation du droit du Québec et des provinces d'appliquer leur propre modèle.
La ministre reconnaît-elle que rien dans le projet de loi ne garantit aux provinces et au Québec le maintien et la poursuite de son propre modèle en matière de justice juvénile?
[Traduction]
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, notre nouveau projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été rédigé à la suite d'une consultation longue et soutenue avec toutes les provinces et tous les territoires.
Nous estimons que le nouveau projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents offre la souplesse voulue pour tenir compte de la diversité de notre pays, en ce qui concerne les difficiles problèmes de criminalité chez les jeunes et de justice pour les adolescents.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, dans ce cas, est-ce que la ministre pourrait affirmer que la ministre de la Justice du Québec pourrait, en toute légalité, émettre une directive aux procureurs de la Couronne, afin d'exclure automatiquement tous les jeunes Québécois de 14 et 15 ans des peines pour adultes?
[Traduction]
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à mon avis, le projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui a été présenté à la Chambre il y a deux semaines, se passe manifestement d'explications. Je sais que j'aurai l'occasion de m'entretenir plus directement avec le député lorsque je comparaîtrai devant le comité.
* * *
L'ÉCONOMIE
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, nous avons dans ce coin-ci le ministre de l'Industrie qui dit que les impôts sont trop élevés et qu'ils nuisent à notre niveau de vie. Dans ce coin-là nous avons le ministre des Finances qui dit que ce n'est pas un problème et que les recettes fiscales rentrent bien gentiment, merci beaucoup.
Comment allons-nous relever le niveau de vie des Canadiens si le gouvernement ne s'entend même pas sur l'existence d'un problème?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'accord est complet sur les banquettes de devant et le Cabinet est unanime sur cette question.
C'est pour cette raison que, dans le dernier budget, nous avons réduit les impôts, que nous les avons encore réduits dans le budget actuel, de 16,5 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. C'est également pour cette raison que, dans les budgets à venir, nous réduirons les impôts car nous comprenons la nécessité d'accroître le revenu disponible des Canadiens. Nous comprenons également une chose que le Parti réformiste ne comprend évidemment pas, à savoir qu'il faut payer les soins de santé, l'éducation et toutes ces choses qui sont essentielles à la cohésion du Canada.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, il est intéressant d'entendre le ministre des Finances dire qu'il est entièrement d'accord avec le ministre de l'Industrie car sur le site web de ce dernier, on trouve un discours où il dit que, au Canada, les impôts sont de 20 p. 100 plus élevés qu'aux États-Unis et que, par rapport à nos voisins, notre niveau de vie est en chute libre.
Le ministre des Finances est-il entièrement d'accord avec le ministre de l'Industrie à cet égard?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je pense avoir été on ne peut plus clair: je suis d'accord avec le ministre de l'Industrie sur ce qu'il a dit. Par contre, je suis en total désaccord avec le Parti réformiste quand il dit que nous devrions réduire nos dépenses de 16 milliards de dollars de plus, ce qui saignerait à blanc le système des soins de santé et l'éducation, que nous devrions supprimer les paiements de péréquation au Manitoba et à la Saskatchewan, en fait, que nous devrions tout simplement éliminer la classe moyenne.
Telle est la position du Parti réformiste en ce qui concerne nos programmes sociaux de base. Comment pourrions-nous y souscrire?
* * *
[Français]
LE PROJET DE LOI C-54
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, plus on étudie le projet de loi C-54, plus on constate qu'il est un prétexte pour envahir le champ de compétence des provinces en matière de droit civil, qu'il est confus et qu'il ne protège pas bien les citoyens.
Quand le ministre de l'Industrie fera-t-il la seule chose responsable à faire, c'est-à-dire suspendre l'étude du projet de loi et retourner à la table de négociations avec le Québec et les provinces, afin de préparer une harmonisation de ces lois?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, la confusion est de l'autre côté de la Chambre, parce que, en effet, tous les Canadiens et Canadiennes veulent que l'information privée soit protégée, et c'est ce que nous allons faire.
C'est un projet de loi qui est vraiment complémentaire avec une loi, la seule loi qui existe au niveau des provinces, c'est-à-dire au Québec, une loi de l'ancien gouvernement de Daniel Johnson, et nous l'appuyons aussi.
* * *
[Traduction]
REVENU CANADA
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.
Les grèves tournantes de l'AFPC se produisent au moment de la production des déclarations de revenus. Ces grèves coûtent à l'ensemble des contribuables canadiens et plus particulièrement aux petites entreprises des millions de dollars, alors que les entreprises ont besoin de cet argent pour fonctionner.
Le ministre du Revenu national pourrait-il nous dire comment ces perturbations influeront sur la capacité de Revenu Canada de servir le secteur des petites entreprises canadiennes?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, j'ai beaucoup de craintes pour notre capacité d'assurer des services aux Canadiens et aux petites entreprises.
Même si nous faisons des efforts pour offrir le meilleur service, nous nous attendons à d'autres perturbations à cause de la poursuite des grèves de l'AFPC.
Je dois signaler à la Chambre que nous avons dans le traitement un retard de 1,2 million de déclarations par rapport à la normale. Nous avons également intenté des procédures pour mettre fin aux activités illégales. Revenu Canada a dû, à cause de la grève, absorber des coûts de 10 millions de dollars. Les Canadiens veulent que nous réglions ce problème, et nous allons le faire. J'espère que le gouvernement pourra compter sur l'appui du Parti réformiste et de l'ensemble de l'opposition.
* * *
L'ÉCONOMIE
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances semble continuer de dire aux Canadiens qu'il ne faut pas s'inquiéter de la baisse du niveau de vie au Canada, peu importe ce que disent le Conference Board du Canada, le ministère de l'Industrie, les propres sondeurs du gouvernement ou l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs. Regardons un peu les faits. Cette semaine, l'indice Dow Jones a franchi la marque des 10 000 points. Il a connu une croissance de 30 p. 100 l'an dernier, tandis que celui de la Bourse de Toronto a baissé de 3 p. 100.
Pourquoi les Canadiens qui investissent en vue de leur retraite s'appauvrissent-ils, alors que leurs voisins américains s'enrichissent?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député nous invite à regarder les faits, faisons-le.
On a annoncé ce matin que les ventes au détail avaient remonté considérablement en janvier, réalisant un gain de 1,7 p. 100. Le taux nominal des exportations a grimpé de 2,1 p. 100 en janvier. Comme les députés le savent, le nombre des emplois a augmenté de 13 000, ce qui signifie une augmentation de 51 000 par mois depuis huit mois. Il y a eu une hausse de l'indice de l'offre d'emploi en février pour un troisième mois consécutif de croissance solide. Ce sont les faits.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, selon l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs, les faits prouvent que le ministre des Finances se trompe quand il dit que les Canadiens n'ont pas à s'inquiéter de la chute du niveau de vie. L'Alliance soutient que, à cause de la baisse de notre productivité, le Canada a glissé du cinquième au septième rang des pays du G7 l'an dernier. Mais, le véritable indice de la croissance économique est la bourse qui a augmenté de 30 p. 100 aux États-Unis et qui stagne au Canada.
Même si le Comité des finances recommande au gouvernement de laisser les Canadiens investir une plus grande partie de leurs REER à l'étranger, le ministre des Finances s'y oppose. Pourquoi s'en tient-il à une politique qui appauvrit les Canadiens tandis que les autres s'enrichissent?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les faits que le député rapportent sont tout simplement erronés.
Notre productivité a augmenté dans les années 90 par rapport à la décennie 80. Bien sûr, nous voulons qu'elle s'améliore encore. Bien sûr, nous devons investir dans la recherche et le développement. Nous devons continuer à éliminer la dette. Nous devons continuer à lever des impôts pour y parvenir. Mais, la réalité est que les années 90 sont meilleures que les années 80 et nous allons voir à ce que le prochain siècle soit encore meilleur que les années 90. C'est notre raison d'être.
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LE PROJET DE LOI DE RETOUR AU TRAVAIL
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, le projet de loi de retour au travail que le gouvernement veut nous faire adopter rapidement aujourd'hui comporte certains aspects assez loufoques. Premièrement, les agents de correction mentionnés dans le projet de loi ne sont même pas en grève. Deuxièmement, le projet de loi ne précise pas en quoi consistera le règlement.
Ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Comment pouvons-nous rappeler au travail des gens qui ne sont même pas en grève? Comment pouvons-nous débattre d'un règlement salarial que nous n'avons jamais vu et nous prononcer sur cette question à l'aveuglette?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, il est vrai que les agents de correction n'ont pas le droit de faire la grève car ils occupent tous des postes désignés. Si certains d'entre eux faisaient la grève et que cela provoquait une émeute dans une prison, les Canadiens jugeraient naturellement la situation inadmissible. Toutefois, à cause d'une échappatoire, il semble que 500 ou 600 de ces agents ont le droit de faire la grève. De toute évidence, comme ils ont le droit de faire la grève et comme ils ont signifié leur intention d'exercer ce droit, nous devons éliminer cette échappatoire. Voilà pourquoi les agents de correction sont visés par le projet de loi.
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L'INDUSTRIE CÉRÉALIÈRE
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement a complètement bousillé les négociations, ce qui a eu pour effet, la semaine dernière, de paralyser le transport du grain des fermes des Prairies jusqu'à la côte ouest. Les navires vides attendaient d'être chargés à Vancouver pendant que les agriculteurs déjà en difficulté financière se voyaient imposer chaque jour des milliers de dollars en surestaries et en dommages-intérêts. C'est le gouvernement qui est responsable de ce conflit de travail, mais ce sont les agriculteurs qui en subissent les conséquences.
Le ministre de l'Agriculture s'engagera-t-il à assumer les pertes subies par les agriculteurs à cause de l'incapacité d'Ottawa de mener à bien ces négociations?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, pour empêcher les agriculteurs de subir d'autres pertes, il faut simplement que les députés du Nouveau Parti démocratique appuient la mesure législative présentée par le gouvernement pour amener les employés à retourner au travail. C'est exactement ce que mon homologue, le ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan, a demandé la semaine dernière. Nous sommes impatients d'obtenir leur appui pour amener les employés à retourner au travail afin que le transport du grain puisse reprendre normalement.
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LES MARCHÉS DE CONSTRUCTION
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, l'article 2 de la Loi sur les enquêtes autorise le Cabinet à ordonner la tenue d'une enquête publique sur des questions touchant le bon gouvernement ou la gestion des affaires publiques. Le premier ministre comprend sûrement qu'en aidant un voleur et un criminel reconnu à obtenir 2,3 millions de dollars de l'argent des contribuables, il a jeté une ombre sur le bon gouvernement et la conduite des affaires publiques.
Je mets le gouvernement au défi. Quand cessera-t-il de dissimuler la vérité, quand montrera-t-il une certaine intégrité et quand ordonnera-t-il la tenue d'une enquête indépendante afin que les Canadiens puissent obtenir des réponses?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, cette question a été examinée à la Chambre des communes. Les questions et réponses confirment que les insinuations du député sont sans fondement.
Si le député parle de M. Duhaime, je crois savoir, du moins à la lecture des journaux, que les motifs de sa condamnation n'ont rien à voir avec ses activités commerciales. De plus, le gouvernement du Québec, qui n'entretient pas de liens d'amitié particuliers avec le premier ministre du Canada ou son gouvernement, a dit que la subvention provenant du Fonds transitoire de création d'emplois est tout à fait légitime.
Le député devrait le reconnaître, ou peut-être accuse-t-il le gouvernement du Québec d'irrégularité?
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LE CONSEILLER EN ÉTHIQUE
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, en 1993, dans leur livre rouge, les libéraux ont promis de créer un poste de conseiller indépendant en matière d'éthique. Si un commissaire indépendant en matière d'éthique était aujourd'hui en fonction, nous pourrions lui demander d'enquêter sur le plan d'aide visant un hôtel qui a appartenu au premier ministre.
De façon fort opportune, le premier ministre a créé un poste de conseiller en éthique qui lui fait rapport en secret, à lui, exclusivement.
Pourquoi le gouvernement ne respecte-t-il pas la promesse qu'il a faite il y a six ans et pourquoi ne crée-t-il pas un poste de conseiller en éthique indépendant, chargé de faire rapport au Parlement?
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le député sait que, lorsque son parti était au pouvoir, il a lui-même refusé d'établir un poste de conseiller indépendant différent de celui qui existe actuellement.
Quant au fait que le conseiller en éthique fait rapport au premier ministre, il nous semble clair que le premier ministre ne s'est jamais déchargé de ses responsabilités sur quelqu'un d'autre. Il a été très clair à ce sujet. Nous avons quelqu'un de très bien qui assume les fonctions de conseiller en éthique. Je suis certain que tous les députés lui font confiance.
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LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État chargé des Sciences, de la Recherche et du Développement.
Le Canada perdra un gros morceau lorsque Shirley Neuman, spécialiste canadienne réputée en littérature canadienne et en édition, quittera son poste de doyenne des Arts de l'Université de la Colombie-Britannique pour accepter un poste semblable à l'Université du Michigan.
Que fait le gouvernement pour rétablir le niveau de financement de la recherche en sciences humaines, un des principaux fondements de l'identité Canadienne?
L'hon. Ronald J. Duhamel (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement) (Diversification de l'économie de l'Ouest canadien), Lib.): Monsieur le Président, je comprends ce que dit le député et, comme lui, je suis très sensibilisé à l'importance de la recherche en sciences humaines au Canada.
Le budget de l'an dernier prévoyait des investissements majeurs et celui de cette année en annonce d'autres. Je tiens à faire remarquer que le Conseil de recherches en sciences humaines de même que la Fédération des sciences sociales du Canada ont applaudi ce budget.
Le gouvernement reconnaît l'importance de la recherche dans tous les domaines. Nous avons beaucoup investi en recherche et nous continuerons d'investir. Nous voulons donner aux Canadiens un large éventail d'outils afin qu'ils puissent être concurrentiels.
* * *
LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, dans la propagande du gouvernement fédéral sur la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, on parle de peines applicables aux adultes pour les jeunes de 14 ans et plus. Le gouvernement ne veut cependant pas parler de l'article 745.1 du Code criminel, qui oblige à rendre admissibles à une libération conditionnelle après cinq à sept ans les jeunes 14 et 15 ans condamnés pour meurtre devant un tribunal pour adultes. Les personnes de plus de 18 ans condamnées pour meurtre doivent purger entre 10 et 25 ans de leur peine avant d'être admissibles à une libération.
La ministre veut-elle vraiment faire croire aux Canadiens qu'un meurtrier qui obtient une libération conditionnelle après seulement cinq ans a vraiment purgé une peine applicable aux adultes?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je répète que je n'ai pas l'intention de me lancer dans un débat sur les articles de la nouvelle loi sur le système de justice pénale. Nous n'avons aucune excuse à présenter pour l'imposition de peines applicables aux adultes à des jeunes de 14 ou 15 ans. Ils seront présumés avoir reçu de telles peines à l'égard de cinq catégories d'infractions désignées.
Les dispositions du Code criminel sur les libérations conditionnelles demeurent.
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[Français]
L'AÉROPORT DE MIRABEL
M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, pour réparer le gâchis du gouvernement fédéral à Mirabel, le gouvernement du Québec vient de mettre sur pied une série de mesures fiscales pour faire de l'aéroport une zone de commerce international.
Toutefois, les taxes et les impôts fédéraux sur les particuliers et les entreprises continueront de s'appliquer.
Ma question s'adresse au ministre des Finances: quand le gouvernement fédéral va-t-il faire sa part pour la relance du territoire de l'aéroport en offrant les mêmes avantages fiscaux qu'offre le Québec pour la zone de commerce international de Mirabel?
L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme l'a dit mon collègue du Revenu, dernièrement, on travaille déjà depuis un joli bout de temps avec la région de Mirabel pour créer justement certaines zones où il y aurait des avantages fiscaux, et on me dit que le dossier va plutôt bien.
Du côté du développement économique, on a lu les conclusions du rapport Tardif, et on appuie également les axes d'intervention et de développement qui ont été priorisés par l'aéroport de Montréal.
J'aimerais aussi dire qu'au cours des 15 dernières années, dans la grande région de Mirabel, 1,4 milliard de dollars ont été investis par ce gouvernement. Récemment, également, on a travaillé de concert avec Corporation Espace 2002. Il y a aussi d'autres dossiers qui feront l'objet d'annonces prochaines.
Je pense que ce gouvernement est commis à développer la région de Mirabel, et nous allons continuer.
* * *
[Traduction]
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, les Nisga'a ont passé les 20 dernières années à négocier avec le gouvernement fédéral un traité sur les revendications territoriales. Maintenant que le rêve séculaire des Nisga'a est sur le point de devenir réalité, le gouvernement fédéral hésite. Comme ils en ont l'habitude, les libéraux pèsent le pour et le contre au plan politique, au lieu de respecter leurs engagements.
Le temps est venu de corriger les erreurs du passé. Je pose la question à la ministre: Le gouvernement fédéral va-t-il respecter la promesse qu'il a faite dans le cadre de négociations menées de bonne foi par les Nisga'a et prendre immédiatement les mesures nécessaires pour parachever cet accord historique?
L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a dit clairement à plusieurs occasions qu'il entend conclure des traités modernes en Colombie-Britannique.
L'accord avec les Nisga'a est le premier du genre en Colombie-Britannique et nous l'appuyons sans réserve. Nous collaborons actuellement avec nos partenaires provinciaux et avec les Nisga'a afin de rédiger la mesure législative complexe qui doit être déposée à la Chambre, et nous déposerons celle-ci lorsque nous serons prêts.
* * *
LES PÊCHES
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, les pêcheurs de toute la région de l'Atlantique sont inquiets du fait que le gouvernement pourrait décréter des compressions importantes dans le budget de la Garde côtière canadienne.
Compte tenu que la sécurité des hélicoptères Sea King et Labrador est remise en question, le ministre des Pêches et des Océans va-t-il s'engager à préserver, sinon à améliorer, les services de la garde côtière, afin que nos pêcheurs se sentent plus en sécurité en cas d'urgence?
M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le ministre a dit à maintes reprises à la Chambre qu'indépendamment des engagements budgétaires, la sécurité demeure une priorité du gouvernement. Nous allons la préserver par l'entremise de la garde côtière.
* * *
L'EAU
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Monsieur le Président, un récent rapport de l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement a mis en doute l'engagement du gouvernement à l'égard de la dépollution des Grands Lacs.
Nous célébrons aujourd'hui la Journée mondiale de l'eau. La ministre de l'Environnement peut-elle dire à la Chambre ce qui est fait actuellement pour protéger la qualité et la quantité des ressources en eau du Canada?
L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, bon nombre de Canadiens diraient que l'eau douce est notre ressource naturelle la plus importante et c'est pourquoi mon ministère consacre tant de ressources à la science et à la recherche et fournit un appui technique et pécuniaire à des dizaines de milliers de Canadiens en vue d'assurer la protection de nos cours d'eau.
Parmi nos programmes, mentionnons entre autres le Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique, Saint-Laurent Vision 2000, Les Grands Lacs 2000, ainsi que les initiatives concernant l'écosystème des rivières du Nord et le bassin de la baie Georgienne.
Le gouvernement fédéral négocie avec les provinces une entente nationale qui interdirait les déplacements de grandes quantités d'eau et constituerait le premier jalon d'une stratégie de l'eau douce.
Les Canadiens des quatre coins du pays sont préoccupés par l'enjeu de l'eau et ils interviennent de plus en plus dans cet important dossier.
* * *
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne s'applique pas aux jeunes de dix et onze ans. Le gouvernement de Tony Blair en Grande-Bretagne, qui est un gouvernement très modéré, vient de présenter une nouvelle loi similaire à la nôtre et s'appliquant aux jeunes de dix et onze ans. En effet, il se préoccupe des jeunes et de leurs problèmes, exactement comme nous de ce côté-ci de la Chambre.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le député a la parole.
M. John Reynolds: Monsieur le Président, la ministre peut-elle confirmer que le Comité de la justice a demandé que la loi s'applique aux jeunes de dix et onze ans et que la seule raison pour laquelle cette demande n'a pas été retenue tient au fait qu'elle ne peut obtenir de ses collègues du Cabinet l'argent nécessaire pour venir en aide aux jeunes du pays?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ces derniers temps, l'opposition officielle nous a beaucoup dit à quel point elle se préoccupe soi-disant du sort des jeunes.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. La ministre de la Justice a la parole.
L'hon. Anne McLellan: Le député de Calgary-Nord-Est a dit «je pense que les coups de fouet corrigent le comportement et ramènent le jeune criminel à la réalité.» Et que penser du député de Wild Rose qui a déclaré que, lorsqu'il était directeur d'école, ses étudiants réussissaient mieux après avoir reçu quelques coups de bâton? C'est le parti qui se préoccupe des jeunes.
* * *
[Français]
L'USAGE MÉDICAL DE LA MARIJUANA
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, après le gouvernement britannique qui annonçait l'année dernière des tests cliniques de la marijuana auprès de 600 malades, le gouvernement américain vient de rendre publique une étude de la prestigieuse Académie nationale des sciences se prononçant en faveur de l'usage médical de la marijuana.
Quand le ministre de la Santé va-t-il passer de la parole aux actes en prenant toutes les mesures nécessaires pour légaliser l'usage médical de la marijuana et ainsi rattraper l'important retard du Canada sur la scène internationale?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux que les gouvernements d'ailleurs aient suivi l'exemple du Canada. Comme nous l'avons déjà annoncé, nous avons l'intention de faire de la recherche pour déterminer les résultats de l'utilisation de marijuana à des fins médicales. Et nous le ferons bientôt.
* * *
[Traduction]
PRÉSENCE À LA TRIBUNE
Le Président: J'attire l'attention des députés sur la présence à la tribune de l'honorable Joseph Sempe Lejaha, Président du Sénat du Royaume du Lesotho.
Des voix: Bravo!
AFFAIRES COURANTES
[Français]
DÉCRETS DE NOMINATIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il me fait grand plaisir de déposer aujourd'hui à la Chambre, dans les deux langues officielles, des décrets annonçant des nominations faites récemment par le gouvernement.
Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont réputés avoir été renvoyés aux comités permanents indiqués en annexe.
* * *
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 5 pétitions.
* * *
[Traduction]
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE
EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 123(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter le cinquième rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation concernant le DORS/93-43, Décret modifiant une lettre de décision de la subdivision Chandler de l'Office national des transports du Canada. Le texte de l'article pertinent de la réglementation est contenu dans le rapport.
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 56.1 du Règlement, je propose:
Que, nonobstant tout article du Règlement ou les usages de cette Chambre, il soit disposé de la manière suivante d'un projet de loi inscrit au nom du président du Conseil du Trésor et intitulé Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux:
1. Dès la première lecture dudit projet de loi et jusqu'à ce que le projet de loi soit lu une troisième fois, la Chambre ne s'ajournera pas, sauf en conformité d'une motion présentée par un ministre de la Couronne, et n'entreprendra pas l'étude des Affaires émanant des députés;
2. Le projet de loi peut être lu deux fois ou trois fois à la même séance;
3. Après la deuxième lecture, le projet de loi sera renvoyé à un comité plénier;
4. Durant l'étude du projet de loi, il ne peut y avoir vote différé.
5. Dès que l'étude du projet de loi sera terminée, la séance sera suspendue jusqu'à l'appel de la présidence, pourvu que la Chambre s'ajourne dès le retour de la sanction royale dudit projet de loi, ou 15 minutes avant l'heure prévue du début du prochain jour de séance, selon la première de ces deux éventualités.
Le Président: Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien se lever.
Et plus de 25 députés s'étant levés:
Le Président: Plus de 25 députés s'étant levés, la motion est retirée.
(La motion est retirée.)
* * *
PÉTITIONS
LES ADDITIFS À L'ESSENCE
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par des habitants de Stoney Creek et St. Catharines.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'interdire le MMT, un additif à l'essence. Ils font remarquer que des études en cours à l'Université du Québec montrent que ce produit est nocif pour la santé, surtout chez les enfants et les personnes âgées et que les constructeurs d'automobiles sont également contre son utilisation.
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition qui est en chantier depuis au moins six mois.
Les 100 000 pétitionnaires, qui viennent de partout au pays, se disent opposés à la Loi sur les jeunes contrevenants dans sa forme actuelle. Ils demandent que des changements substantiels y soient apportés. Ils espèrent que cette loi va changer avec les amendements que nous allons proposer ces prochains jours.
LES SOINS DE SANTÉ
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une autre pétition venant d'un vaste groupe de Canadiens qui s'inquiètent de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui le système de soins de santé de ce pays.
Les pétitionnaires demandent au gouvernement d'agir dans les meilleurs délais afin de veiller à ce que la Loi canadienne sur la santé soit maintenue, renforcée et améliorée. Ils lui demandent aussi de respecter les principes d'accessibilité, d'universalité, de transférabilité, d'intégralité et de gestion publique.
Ils demandent au gouvernement d'inscrire ces principes non seulement pour application immédiate dans les hôpitaux et au sein du système médical, mais aussi pour l'application à l'ensemble des soins de santé.
LES DROITS DE LA PERSONNE
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par un certain nombre de Canadiens, dont des habitants de ma circonscription, Mississauga-Sud, sur la question des droits de la personne.
Les pétitionnaires veulent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que les violations des droits de la personne sont monnaie courante dans un grand nombre de pays, et plus particulièrement en Indonésie.
Les pétitionnaires font également remarquer que le gouvernement du Canada et le Canada sont reconnus dans le monde comme de grands défenseurs des droits de la personne acceptés universellement. Par conséquent, ils exhortent le Parlement à continuer de dénoncer les violations des droits de la personne partout dans le monde et à essayer de traduire en justice les responsables.
* * *
QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si les questions nos 124 et 183 pouvaient être transformées en ordres de dépôt de documents, ces documents seraient déposés immédiatement.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord. .[Texte]
Question no 124—M. Derrek Konrad:
Le gouvernement peut-il produire la liste de toutes les plaintes et contestations que le ministère a reçues depuis 1996 au sujet d'élections tenues au sein de bandes indiennes et y indiquer notamment dans chaque cas: a) le nom de la bande; b) les détails de la plainte; c) la date de l'élection visée; d) la date de la plainte ou contestation; e) où en est le dossier sur chaque cas au ministère (c.-à-d. les mesures prises par le ministère)?
(Le document est déposé.)
Question no 183—M. Rick Casson:
En ce qui concerne les paiements de transfert indiqués dans le Budget des dépenses pour 1998-1999 (partie III), le ministre de l'Environnement pourrait-il fournir des détails sur les bénéficiaires, l'usage ou tout autre détail concernant les fonds versés jusqu'ici au poste des subventions et contributions, et en particulier: a) la contribution de 325 000 dollars à la Colombie-Britannique et aux organismes non gouvernementaux à vocation écologique, Wildlife Strategy et Pacific Coast Joint Venture; b) la contribution de 1 009 423 dollars à Building International Partnership; c) les contributions s'élevant à 393 500 dollars en vertu d'une autorisation du ministre?
(Le document est déposé.)
* * *
[Traduction]
QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI DE 1999 SUR LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) propose:
Que, nonobstant tout article du Règlement ou les usages de cette Chambre, il soit disposé de la manière suivante d'un projet de loi inscrit au nom du président du Conseil du Trésor et intitulé Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux:
Dès la première lecture dudit projet de loi et jusqu'à ce que le projet de loi soit une troisième fois, la Chambre ne s'ajournera pas, sauf en conformité d'une motion présentée par un ministre de la Couronne, et n'entreprendra pas l'étude des Affaires émanant des députés;
Le projet de loi peut être lu deux fois ou trois fois à la même séance;
Après la deuxième lecture, le projet de loi sera renvoyé à un comité plénier;
Durant l'étude du projet de loi, il ne peut y avoir vote différé.
—Monsieur le Président, c'est à regret que je me vois obligé de présenter cette mesure. De toute évidence, le gouvernement est maintenant forcé de mettre un terme à la grève et d'obliger les grévistes à reprendre le travail.
Mon collègue, le président du Conseil du Trésor, exposera en détails la teneur exacte du projet de loi présenté aujourd'hui dès que la Chambre aura disposé de l'initiative dont elle est saisie.
Entre-temps, je voudrais profiter de l'occasion pour la remercier d'avoir permis, plus tôt aujourd'hui, la présentation du projet de loi C-76, Loi sur les services gouvernementaux. Elle a ainsi donné aux députés quelques heures de plus que le temps qu'ils auraient autrement eu ou auquel ils auraient autrement eu droit pour lire le projet de loi. Nous espérons que cela a permis à au moins un certain nombre d'entre eux de voir pourquoi le projet de loi est si urgent.
Notre gouvernement a conclu des conventions collectives avec quelque 87 p. 100 de ses fonctionnaires, mais il y a quelques groupes avec lesquels cela s'est avéré impossible. Déterminé à obtenir des règlements négociés, le gouvernement s'est montré très souple à la table des négociations. Le président du Conseil du Trésor parlera de ce problème, certainement avec beaucoup d'éloquence, au cours de son intervention dans le débat de deuxième lecture.
Notre dernière offre se comparait très favorablement à celle déjà acceptée par 87 p. 100 de nos employés syndiqués, dont 90 000 membres de l'AFPC, soit le syndicat des grévistes. Malheureusement, il a été impossible de conclure un accord avec un petit groupe qui assure des services dans des secteurs critiques.
Non seulement assurent-ils des services dans des secteurs critiques, mais ils ont aussi dressé leurs piquets de grève de façon à empêcher d'autres employés d'accomplir leur travail ordinaire et ainsi privé les Canadiens des services dont ils ont besoin.
Les activités des grévistes ont eu des répercussions sur des millions de Canadiens, et surtout des agriculteurs, des Canadiens qui paient des impôts et, peut-être encore plus important, dans l'optique des contribuables, les nombreux Canadiens qui attendent leur remboursement d'impôt. Quelque 900 000 prestataires attendent leurs versements en ce moment même parce que nous sommes dans l'impossibilité de traiter leurs demandes.
Il se pose également un problème dans le système carcéral du Canada. Les médias ont attiré l'attention sur ce problème vendredi dernier. Nous savons tous à quel point il est important de préserver ce système pour assurer la sécurité des Canadiens et celle des détenus.
La semaine dernière, le Président a estimé qu'il fallait tenir un débat d'urgence sur la question. Si même le Président de la Chambre des communes a décrété qu'il y avait là une urgence dont il fallait débattre à la Chambre, le gouvernement traite la question comme une urgence et se rallie à la décision que la présidence a rendue il y a quelques jours.
Permettez-moi de citer le député de Selkirk—Interlake qui a déclaré le 18 mars dernier que les producteurs de grain sont plongés dans l'une des pires crises financières depuis une décennie: «Dans ce conflit de travail, les agriculteurs sont une tierce partie innocente.» Ces observations ont été reprises à la Chambre par d'autres députés le vendredi 19 mars. Nous convenons qu'il s'agit d'un problème important et urgent à régler.
Aujourd'hui, de nombreux grévistes ont manifesté devant les bureaux de Revenu Canada situés un peu partout au pays, notamment dans la région de la capitale nationale, dans la région atlantique, y compris à St. John's, à Sydney, à Halifax, à Summerside et à Saint John, au bureau régional de l'Ontario, à Belleville, et aux bureaux régionaux des Prairies, à Winnipeg et à Edmonton. Cela envenime le problème que connaît Revenu Canada et que j'ai décrit un peu plus tôt. Cette situation perturbe bien des gens, y compris de nombreux Canadiens, notamment ceux qui sont le moins en mesure de s'aider eux-mêmes et ceux qui ont besoin de notre aide et de notre soutien en ces temps difficiles.
[Français]
C'est la raison pour laquelle le gouvernement a déposé aujourd'hui un projet de loi au nom de mon collègue, le président du Conseil du Trésor, visant à imposer un retour au travail et une convention collective à 14 000 cols bleus.
Le gouvernement demande également que le Parlement impose à quelque 4 500 agents correctionnels de demeurer en poste au nom de la sécurité publique et de négocier une entente collective le plus rapidement possible pour maintenir la sécurité des prisonniers ainsi que celle de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
Pour le gouvernement, et pour les millions de Canadiens et Canadiennes, il y a donc urgence, comme l'a confirmé le Président de la Chambre, la semaine dernière. Il est urgent d'intervenir immédiatement.
Les employés cols bleus assurent le fonctionnement des installations et des édifices gouvernementaux partout au Canada, ainsi que des services de santé dans des institutions fédérales. Également, bien sûr, lorsque ces gens sont en train de faire du piquetage, ils peuvent empêcher d'autres personnes qui oeuvrent aussi habilement à offrir les services aux Canadiens et aux Canadiennes.
De nombreuses familles à revenu modeste, de même que des petites et moyennes entreprises, devront attendre des fonds auxquels ils ont droit et dont ils ont un urgent besoin.
Après quelques dix semaines de grèves rotatives, l'impact sur les Canadiens et Canadiennes est devenu, je vous le soumets, inacceptable.
[Traduction]
En tant que député représentant une circonscription rurale, je ne veux pas voir mon pays perdre des ventes de céréales et d'autres produits agricoles. Nos produits agricoles font la fierté de notre pays et nous ne méritons pas de voir, pour quelque considération que ce soit, les ventes dégringoler.
Cette grève a de graves répercussions sur l'économie canadienne et, en particulier, sur les céréaliculteurs, les petites et moyennes entreprises, les Canadiens à faible revenu et tous ceux qui comptent sur leur remboursement d'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, les Canadiens comptent sur nous. Je demande donc à la Chambre d'adopter rapidement la motion dont nous sommes saisis. Une fois la motion adoptée, nous étudierons le projet de loi présenté par le président du Conseil du Trésor. Il s'agit du projet de loi C-76. Lorsque la mesure législative entrera en vigueur, tous les services que méritent les Canadiens seront rétablis.
[Français]
Alors, je demande à la Chambre d'adopter le plus rapidement possible aujourd'hui cette motion qui nous permettra par la suite d'adopter le projet de loi C-76, afin de redonner aux Canadiens et aux Canadiennes les services auxquels ils ont droit.
[Traduction]
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui nous débattons enfin la situation d'urgence dans laquelle se trouve le pays. Nous l'avons débattue sur la base de faits et de détails que le gouvernement n'a toujours pas fournis depuis que j'ai proposé une motion demandant un débat d'urgence jeudi dernier.
À la fin du présent débat, cet après-midi, les Canadiens commenceront à prendre conscience du niveau d'incompétence et de futilité de ce gouvernement qui négocie depuis cinq ans, depuis qu'il est arrivé au pouvoir en 1993. Si nous sommes aujourd'hui dans une situation d'urgence c'est à cause des négociateurs qui, au lieu de travailler de concert avec les syndicats pour parvenir à un règlement négocié juste et raisonnable, leur font opposition. Que s'est-il passé? Ils ont fait traîner les choses, ils ont perdu du temps, ils n'ont pas négocié de bonne foi. Ils savaient qu'il était absolument essentiel de parvenir à un accord avant qu'il ne soit porté atteinte à l'économie canadienne. Ils n'ont pas négocié de bonne foi. Autrement, aujourd'hui nous aurions un règlement négocié.
Ils n'ont pas tenu compte des agriculteurs qui sont déjà dans une situation financière difficile due en partie à des fait échappant à leur contrôle. Les faits auxquels je fais allusion sont le résultat de subventions dans les pays étrangers et d'une offre excédentaire de denrées en général.
Aujourd'hui, nous sommes saisis du projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux. Les Canadiens vont pouvoir admirer l'oeuvre des doreurs d'image qui travaillent au service des libéraux dans les officines des ministres. Nous allons voir à ce que les Canadiens voient ce qui se passe dans cette Chambre et à l'extérieur. Je vais expliquer un peu ce qu'ont fait les doreurs d'image et exposer la vérité.
J'espère que le ministre de l'Agriculture écoute très attentivement mon discours. Que le président du Conseil du Trésor et le ministre de l'Agriculture en conviennent ou pas, la question de savoir quand le gouvernement aurait dû se rendre compte de la gravité de la situation est essentielle.
Aujourd'hui, le ministre du Revenu a dit à la Chambre que 1,2 million de déclarations de revenus n'ont pas été retournées.
M. Jake E. Hoeppner: Cela vous inquiète, n'est-ce pas? Vous feriez mieux d'envoyer d'autres équipes d'intervention là-bas.
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. La présidence a beaucoup de mal à entendre le député qui fait ses observations. Peut-être devrait-on rétablir l'ordre quelque peu, pour que nous puissions l'entendre.
M. Howard Hilstrom: Monsieur le Président, 1,2 million de déclarations de revenus sont en retard. Le ministre du Revenu sait sûrement que, à compter du 1er janvier, les Canadiens peuvent remplir leurs déclarations de revenus et tenter de ravoir une partie de l'argent que le gouvernement leur a pris au moyen des impôts. Ils méritent cet argent et ils méritent de l'avoir à temps.
Le gouvernement savait à quoi s'attendre. Encore une fois, il revient directement aux piètres tactiques de négociation. Il tente de soutirer aux syndiqués et aux agriculteurs tout l'argent qu'ils possèdent.
Nous avons également entendu un autre député parler aujourd'hui des agents de correction. Le président du Conseil du Trésor a dit qu'il lui a fallu éliminer une échappatoire, une bizarrerie, dans la convention précédente que le gouvernement avait négociée avec les agents de correction et les syndicats qui les représentent. Pourquoi le gouvernement a-t-il été obligé d'éliminer cette échappatoire, cette petite bizarrerie? Parce que, non seulement il n'a pas négocié de bonne foi avec les syndicats et ne s'est pas entendu avec eux, mais le projet de loi qu'il a adopté pour les désigner employés essentiels était incomplet et rédigé de façon incompétente. Le gouvernement est allé de l'avant et a adopté ce projet de loi, ce qui constitue une autre raison pour laquelle nous tenons ce débat aujourd'hui.
Nous pouvons continuer de parler de l'incompétence du gouvernement dans ses négociations collectives. Rappelons-nous l'étude du projet de loi C-19 portant sur le travail. Ce projet de loi et d'autres importants projets de loi sur le travail visaient à faire en sorte que les produits agricoles continuent d'être expédiés vers les ports. Si nous examinons le hansard, nous constatons que les réformistes à la Chambre ont proposé des amendements parce que ce projet de loi ne visait pas les 70 peseurs des grains sur la côte ouest.
Un député libéral dont je tairai le nom est venu me voir jeudi, le soir où j'ai demandé la tenue du débat d'urgence sur cette question, et m'a dit: «Es-tu sûr que cela ne visait pas les 70 peseurs de grains sur la côte ouest qui sont membres de l'AFPC?» Il a fallu que je lui dise que cela ne les visait pas.
En 1997 et en 1998, nous disions au gouvernement que le projet de loi C-19 ne portait pas sur ce groupe. Jeudi dernier encore, ces députés libéraux ont admis qu'ils ignoraient le contenu du projet de loi, tenant pour acquis qu'il portait sur les conventions collectives nécessaires pour assurer le maintien du transport du grain.
Revenons au 18 mars. En somme, tous mes propos sur le sujet sont très clairs. Depuis 1993, le gouvernement en place n'est pas de bonne foi quand il négocie. Il n'a pas fait le nécessaire pour établir de bonnes relations et aboutir à un règlement juste et raisonnable pour les syndiqués, les agriculteurs et les Canadiens.
Il est notoire que la productivité, au Canada comme ailleurs, est directement liée aux travailleurs et à la production, produits ou marchandises fabriquées, du pays. Au fil des ans, nous avons perdu des milliards de dollars à cause de grèves syndicales et autres conflits de travail. Même ces perturbations étaient dues aux gouvernements précédents qui, depuis 30 ans, négociaient en étant de mauvaise foi et ne comprenaient pas que les représentants syndicaux leur demandaient tout bonnement un règlement juste et négocié.
Ils ont échoué durant ces 30 années. Je me rappelle avoir observé ces arrêts de travail depuis que j'étais tout jeune homme et je vivais sur une ferme en Saskatchewan. Ils ont commencé à l'époque des négociations de la Voie maritime avec les pilotes. C'est à ce moment-là que le gouvernement a perdu le contrôle des négociations. L'histoire nous montre que l'inflation a commencé à cette époque au Canada et nous a entraînés dans cet endettement de 600 milliards de dollars. Nous n'avons qu'à voir qui était à la tête du pays au cours de ces 30 années. Je vois les libéraux en face, et je vois les conservateurs. Ils nous ont amenés au point où nous en sommes aujourd'hui.
Le Parti réformiste a proposé des solutions à certains de ces problèmes et a certainement collaboré plus étroitement que le gouvernement avec les syndicats à l'égard des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.
Une des solutions possibles que j'ai mentionnées dans mon intervention lors du débat d'urgence du jeudi 18 mars tenait au fait que le service des peseurs de grain constitue un service essentiel fourni par l'État, étant donné le fait qu'ils sont les seuls à exécuter ce service. Ils devraient pouvoir bénéficier de l'arbitrage des propositions finales pour régler leurs conflits de travail.
À cause de l'incompétence dont le gouvernement a fait preuve dans le cas de la loi C-19, les 70 peseurs de grain n'ont pas été traités de façon convenable et, résultat, les 14 000 travailleurs membres de l'Alliance de la Fonction publique du Canada ont tous été entraînés dans ce conflit.
Je vais certes reconnaître le mérite du Président qui a autorisé la tenue du débat d'urgence le jeudi 18 mars. Cependant, dans le conditionnement médiatique exercé par le gouvernement, aucun mérite n'a été reconnu à moi-même ni au Parti réformiste. Les porte-parole du gouvernement ont présenté à l'extérieur de la Chambre leur version de ce qui s'est passé à la Chambre. Ils n'ont fait aucune mention que nous avions recommandé l'arbitrage des propositions finales pour régler ces conflits.
Au cours du débat du jeudi 18 mars, il y avait une coïncidence étonnante et un autre conditionnement médiatique. Le ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé a dit que les négociateurs de la Commission canadienne du blé, les vendeurs, les négociants pour les agriculteurs canadiens, étaient au Japon et annonçaient la perte d'une vente de 9 millions de dollars.
C'est la première fois que j'entends des représentants de la Commission canadienne du blé dire qu'ils ont perdu une vente. Quelle coïncidence que cela arrive juste au moment où ils essaient d'exercer des pressions sur les syndicats ouvriers! On essaie de mettre l'opposition officielle dans une position compromettante magnifiquement orchestrée pour la faire mal paraître aux yeux des Canadiens.
L'annonce de la Commission canadienne du blé est une affaire sur laquelle je vais interroger les agriculteurs et sur laquelle les agriculteurs vont interroger leurs représentants élus. Les agriculteurs vont découvrir comment on a pris la décision d'annoncer publiquement que notre grain n'est pas vendu au Japon, pourquoi le gouvernement n'est pas capable de régler les négociations ouvrières et d'assurer l'expédition de notre grain et pourquoi il est incapable non seulement de faire aboutir les négociations, mais encore de mettre en place une loi qui facilitera l'expédition de notre grain.
Le vendredi 19 mars, le gouvernement a proposé une motion à la Chambre. Les libéraux veulent que nous adoptions une motion qui ne donne absolument aucun détail sur la mesure législative qu'ils entendent présenter. Le gouvernement a demandé au Parti réformiste, au NPD, aux conservateurs et au Bloc québécois d'adopter cette motion non détaillée au nom des Canadiens et de supposer que le gouvernement prendra soin des Canadiens et de leurs intérêts.
Le gouvernement ne s'est pas préoccupé des intérêts des agriculteurs. Il ne s'est pas préoccupé des intérêts des syndiqués de l'AFPC. Il ne s'est pas préoccupé des intérêts des Canadiens en ce qui concerne la productivité. Il ne s'est certainement pas préoccupé de la lourdeur du fardeau fiscal ni de la dette élevée.
Je pense que la population canadienne commence à comprendre que le gouvernement libéral est l'unique responsable du problème, de l'urgence, du règlement non négocié, de la nécessité d'adopter une loi de retour au travail. Les députés de l'opposition n'y sont pour rien. Le gouvernement est au pouvoir depuis 1993. C'est précisément pour cette raison que la responsabilité lui incombe entièrement.
Lorsque j'ai demandé la tenue d'un débat d'urgence l'autre jour, nous avons tenté d'obtenir des solutions du gouvernement, de savoir ce qu'il avait à proposer et de l'amener à prendre des mesures pour régler la situation.
Nous en avons discuté ce soir-là. Tout figure dans le hansard. Le gouvernement n'avait pas de solutions à proposer. Il a menacé le syndicat. Il a parlé de prise d'otages et d'autres choses du genre. Ce n'est toutefois pas le syndicat qui est responsable de la situation, mais bien le gouvernement libéral.
Il est inutile de lire toute la motion proposée le 19 mars, mais elle propose la manière dont la Chambre va disposer d'un projet de loi inscrit au nom du président du Conseil du Trésor et intitulé Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux. Il n'y avait aucun détail.
Là encore, j'espère que la Chambre et les Canadiens auront bien compris que le Parti réformiste a pris fait et cause pour le Canada, pour les syndicats, pour les agriculteurs et qu'il a refusé de laisser le gouvernement leur vendre un chat en poche. Les Canadiens se sont fait avoir aux élections de 1993 en élisant le gouvernement libéral. J'espère qu'ils ne commettront pas la même erreur la prochaine fois.
J'espère que les Canadiens comprendront que les partis d'opposition ont misé juste en exigeant du gouvernement qu'il les informe des faits avant qu'ils n'acceptent des mesures qui coûteront sans doute beaucoup d'argent et de souffrances. Ces faits sont aujourd'hui exposés dans le projet de loi C-76 dont nous sommes maintenant saisis.
Les communiqués de presse de samedi et de dimanche décrivaient la tentative de présenter la motion vendredi, tentative qui s'inspirait d'une logique du désespoir en situation d'urgence, alors qu'il n'y avait pas vraiment urgence. J'ai lu les journaux en fin de semaine. Le gouvernement n'a même pas fait état des autres partis d'opposition, et cela dans le but de donner une mauvause image du Parti réformiste, qui jouit d'appuis solides dans l'Ouest. Je sais maintenant que les Canadiens et les agriculteurs de l'Ouest savent ce qui s'est passé.
Lorsque ces journaux seront examinés et que la vérité ressortira au cours des prochains jours, les agriculteurs de l'Ouest verront que le Parti réformiste les a défendus et qu'il affiche un bon bilan dans tout ce dossier.
J'ai déjà dressé un historique partiel. Le gouvernement actuel est au pouvoir depuis 1993 et il a poursuivi la politique de gel des salaires qu'avait instituée le gouvernement conservateur un an ou deux plus tôt. Cette politique a été maintenue jusqu'à il y a deux ans. Le gouvernement savait qu'il devait aller en négociation et conclure des conventions collectives. Il a eu suffisamment de temps pour s'y préparer, au lieu de laisser aller les choses, de prendre de piètres décisions, de manquer de leadership, de refuser de prendre le taureau par les cornes pour parvenir à un règlement et traiter les gens équitablement.
Nous avons parlé du 18 juin 1998, lorsque le projet de loi C-19 concernant le maintien des services essentiels a reçu la sanction royale. Nous avions alors proposé d'inclure dans ce projet de loi un mécanisme d'arbitrage des propositions finales.
Le problème, c'est que 70 peseurs de grain non couverts ont pu faire perdre de l'argent à 115 000 céréaliculteurs de l'Ouest. Les peseurs de grain n'ont pas voulu faire du tort à ces agriculteurs sur le plan financier, mais ils ont été forcés de défendre leurs intérêts. Le gouvernement a eu l'occasion, avec le projet de loi C-19, de garantir que cela n'arrive pas, mais, encore une fois, une loi mal conçue a empêché le Canada de faire avancer ses programmes économiques.
Si on remonte de quelques mois, soit jusqu'au 27 janvier 1999, on constate que la Western Grain Elevators Association s'est dite très préoccupée des grèves tournantes. Les membres de l'association ont dit qu'il fallait faire quelque chose à propos des négociations. Ils s'inquiétaient au sujet du transport du grain vers le port de Vancouver.
Nous avons vu, d'après la situation d'aujourd'hui, cette situation urgente, que cette lettre n'a reçu aucune suite, voire que personne n'y a prêté attention. Je suis certain que ce n'est pas le seul avertissement que le gouvernement a reçu et qui l'incitait à faire quelque chose sur-le-champ.
Examinons la feuille de route du gouvernement en matière de négociations de travail. Je ne remonte pas à 1993 ni aux nombreuses années pendant lesquelles les libéraux ont formé le gouvernement, je me contenterai de remonter aux fameux débats que nous avons eus sur la loi de retour au travail des employés des postes. Je soulève cette question pour que tous comprennent l'incompétence du gouvernement dans le règlement des conflits de travail dans notre pays.
La grève des postes n'a pas été réglée par la négociation. Une loi de retour au travail a dû être adoptée il y a deux ans environ. En fait, j'ai été informé l'autre jour qu'aucun règlement négocié n'a été conclu dans ce conflit. Les négociations se poursuivent. Qui sait? J'imagine qu'il n'y a pas à s'en faire si le délai expire, car, pour le gouvernement, négociation collective semble être synonyme de loi de retour au travail.
Le Canada ne peut pas être dirigé par un gouvernement dictatorial. Les lois de retour au travail sont dictatoriales. Le gouvernement a recours à des tactiques dictatoriales lorsqu'il ne tient aucun compte des processus démocratiques, et écouter l'opposition officielle lorsqu'elle propose de bons amendements à un projet de loi fait partie de ces processus.
Je voudrais parler de la présentation du projet de loi cet après-midi par le leader parlementaire du gouvernement. Encore une fois, on a fait appel au doreur d'image. J'imagine que cette fois-ci, c'est le doreur d'image du leader lui-même. J'ignore si on lui a remis un texte ou s'il l'a pondu lui-même, mais il a dit qu'il présentait le projet de loi avec regret. Je parle du projet de loi C-76.
C'est en janvier qu'il aurait dû avoir des regrets. C'est en 1998 et en 1997, lorsqu'il était temps de faire quelque chose pour régler le conflit.
Lorsque les libéraux savent que quelque chose s'en vient, pourquoi, s'ils font bien leur travail et s'ils représentent bien la population du Canada, attendent-ils jusqu'à la dernière minute, jusqu'à la crise, jusqu'à l'impasse, jusqu'à ce que certains des plus pauvres du Canada qui attendent leur remboursement d'impôt subissent des préjudices financiers avant d'agir? Je l'ignore. Je dois présumer que c'est tout simplement par incompétence.
Nous sommes devant une belle tentative de sauver la face. Le leader parlementaire du gouvernement a déclaré qu'il espérait que le projet de loi convaincrait quelques députés—il parlait du Parti réformiste et peut-être d'autres députés de l'opposition—que nous avions tort vendredi dernier. C'était l'essence de son propos. J'ai déjà expliqué que nous ne connaissions pas les détails vendredi dernier. Il a le culot d'intervenir aujourd'hui et d'essayer de faire croire que les partis d'opposition sont contre l'adoption de cette mesure législative. Nous le répétons, nous ne faisons rien à l'aveuglette dans cette enceinte. Si nous le faisions, qui sait dans quelles conditions de vie terribles le gouvernement libéral nous placerait.
Le leader du gouvernement à la Chambre a fait une observation. Je ne veux pas m'y attarder, mais c'est lui qui a soulevé la question. Comme on disait dans la cour d'école, c'est lui qui a commencé. Et dans les écoles que j'ai fréquentées, j'étais d'avis que même si quelqu'un d'autre avait commencé, c'était à moi de finir, et c'est exactement ce que je vais faire aujourd'hui.
Il a également déclaré qu'il voulait éviter la perte d'exportations. Les grèves tournantes ont commencé en 1998 et au début de 1999 et c'est à ce moment-là qu'on a commencé à perdre des ventes. S'il voulait éviter que cela se produise, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris des mesures à ce moment-là pour remédier à la situation avant aujourd'hui?
Le problème ne sera pas réglé aujourd'hui pour les agriculteurs. En effet, il faudra plusieurs jours et probablement une semaine ou plus pour que le système recommence à fonctionner normalement, que les wagons-trémies soit remis sur les voies par les silos et les élévateurs de tête de ligne de l'intérieur. Il y a également les frais de surestarie. Nos clients imposeront aussi des pénalités pour retards dans la livraison. Il y aura de graves répercussions financières et c'est le gouvernement qui devrait en être tenu responsable.
Le ministre de l'Agriculture a dit jusqu'en décembre 1998 aux agriculteurs de l'Ouest qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter d'un problème de revenu, car ils avaient l'assurance-récolte et le Compte de stabilisation du revenu net qui devaient leur permettre de s'en sortir. Le secteur agricole et les députés de l'opposition l'ont enfin convaincu en décembre que ce qu'il disait était peu judicieux et mal informé, ou qu'il comprenait mal la situation.
Je signale cela pour montrer que le ministre de l'Agriculture est responsable en partie de la terrible situation qui a conduit à la crise d'aujourd'hui. Il est censé représenter les agriculteurs de tout le pays, y compris ceux de l'Ouest. Comme le ministre de l'Agriculture a vu les problèmes qui se posaient, même s'il ne voulait pas le reconnaître, et qu'il avait l'occasion d'agir mais n'en a rien fait, les Canadiens vont reconnaître qu'il s'agit de l'incompétence de la part du gouvernement.
En terminant, je voudrais dire que le gouvernement devra faire adopter cette mesure législative. J'appuierai cette mesure législative parce que c'est l'incompétence qui nous a menés jusqu'à ce point. Le gouvernement a mis les Canadiens, les agriculteurs, les syndiqués, tout le monde dans une situation dont ils ne pourront pas se sortir sans cette mesure dictatoriale. C'est malheureux, mais nous ne pouvons pas faire autrement.
Le gouvernement ne s'en tirera pas facilement après nous avoir mis dans un tel pétrin. Demain, nous devrons poursuivre notre travail sur deux fronts. Nous devrons essayer de faire modifier le projet de loi C-19 sur les relations de travail, qui a été adopté. Nous continuerons aussi d'essayer d'amener le gouvernement à négocier de bonne foi et à trouver une solution qui soit juste et raisonnable pour les syndiqués et pour les Canadiens.
Je doute fort que les négociations avec les membres de l'AFPC soient différentes de ce que nous avons vu dans le cas des postiers. Il faudra donc que tous les députés de ce côté-ci de la Chambre, et j'ai l'intention d'être du nombre, travaillent avec l'Alliance de la fonction publique du Canada et avec les agriculteurs pour remettre le pays sur la bonne voie afin que nous n'ayons pas à subir ce genre de problèmes financiers.
Pour ce qui est de la situation à long terme, je ne peux que dire que nous espérons avoir un nouveau gouvernement aux prochaines élections. Je suis certainement impatient de voir un gouvernement du genre réformiste au Canada. Les gens aiment bien faire des remarques au sujet de l'Alternative unie, mais nous arriverons certainement à former un gouvernement que les Canadiens veulent pour remplacer le gouvernement actuel.
Lorsque nous entendrons les derniers discours de l'opposition ici aujourd'hui, nous verrons de quoi il est réellement question dans ce débat d'urgence. Nous verrons de quoi il est vraiment question dans ce projet de loi. Nous verrons s'il est possible de modifier le projet de loi pour y inclure une forme quelconque d'arbitrage des propositions finales pour les 70 peseurs de grain sur la côte ouest.
Encore une fois, c'est une triste journée et c'est le gouvernement libéral qui nous a mis dans cette situation. En commençant par le débat d'urgence de l'autre soir, nous voyons enfin le gouvernement passer à l'action. Ce n'est pas parfait, mais au moins des mesures sont prises. Nous continuerons de talonner le gouvernement pour l'amener à faire non pas ce qu'il veut faire, mais bien ce que les Canadiens veulent qu'il fasse.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux, au nom du Bloc québécois, de prendre la parole en tant que critique en matière de travail sur ce débat spécial, mais tout comme le leader du gouvernement, je suis aussi triste. Il y a de quoi être triste quand on est amenés, comme législateurs, à présenter à la Chambre un tel projet de loi qui constitue un aveu d'échec quant à la façon de faire de nos organisations et institutions.
Toutes nos relations de travail sont basées sur le rapport de force, lequel est censé être équitable. Quand on en arrive, comme aujourd'hui, à devoir prendre de semblables mesures, c'est que quelque chose n'a pas fonctionné.
Nous sommes ici en face d'une grève légale, une grève faite par un syndicat légalement reconnu et constitué. Cela fait partie des règles de fonctionnement, du processus des relations de travail, que d'aller en grève quand la partie syndicale considère que les offres qui lui sont soumises ne sont pas suffisantes. C'est ce à quoi nous assistons actuellement. Un syndicat utilise légalement le droit qu'il a de faire la grève et il se voit imposer, par le fait qu'il oeuvre au sein de l'appareil gouvernemental—le gouvernement ayant deux chapeaux dans un contexte comme celui-ci, celui de l'employeur et celui du législateur—une loi spéciale.
Le gouvernement, dans ce cas-ci l'employeur et le législateur, comme je le disais, se lève un bon matin, supposément exaspéré après quelques jours de grève—en tout cas en ce qui concerne les gens de Vancouver—et utilise des moyens, car, dit-il, ces services sont de la famille de la santé et de la sécurité du public et, conséquemment, sont reconnus comme des services essentiels. Il y a des mécanismes de prévus, compte tenu du fait que les dimensions santé et sécurité du public sont des dimensions de services publics essentiels, et c'est la sagesse qui a fait en sorte qu'on agisse ainsi.
Présentement, on déborde et on ne fait pas la démonstration, du côté gouvernemental, et c'est un des vices de procédure actuellement, de l'urgence de la situation, mais on sent qu'il y a une forme d'exaspération.
Il faut dire, par ailleurs, que le gouvernement a vu sa tâche facilitée. Personnellement, j'ai de la difficulté à suivre la façon de fonctionner du Parti réformiste qui a mis la table, jeudi dernier, en dramatisant de façon assez éloquente la situation concernant le port de Vancouver. À mon avis, cela a beaucoup facilité l'action du gouvernement et c'est pour cela qu'on en est arrivé, dès vendredi et aujourd'hui, à voir le gouvernement agir de façon tout à fait exceptionnelle en prenant des mesures pour imposer une loi spéciale.
Donc, je pense qu'il faut traiter les dossiers un à un.
Nous utilisons ici une mesure d'exception qui est l'arrêt des débats prévus à l'ordre du jour. Cela s'appelle le débat spécial. Nous parlons de la motion qui permettra au gouvernement de présenter une loi spéciale, possiblement dès demain. C'est donc de cela dont il faut parler. On va en parler le plus éloquemment possible, sauf que les délais, comme vous le savez, sont très courts.
On ne le répétera jamais trop, il s'agit d'une grève légale. Il s'agit d'un processus reconnu par les parties, par la société. Nous privilégions la négociation et le rapport de force civilisé. Et c'est ce qui est bafoué aujourd'hui. Le gouvernement employeur, du même coup, veut imposer ses propres règles du jeu et sa propre façon de voir les choses, ses propres conditions de travail, et cela nous apparaît excessif en ce moment.
On aura l'occasion d'y revenir plus à fond plus loin, mais nous sommes convaincus qu'il y a encore de la place pour la négociation, de la négociation de bonne foi, ce rapport de force normal entre les parties. On sait ce qui s'est produit aux deux tables de négociations qui sont problématiques actuellement, soit la table no 2 et la table no 4.
Pour le bénéfice des députés à la Chambre et pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, la table no 2 porte sur les relations de travail entre le gouvernement et les manoeuvres, les équipages de bateaux, les hommes de métier membres de l'Alliance de la fonction publique, et la table no 4 porte sur les employés qui travaillent au sein des services correctionnels canadiens, eux aussi membres de l'Alliance de la fonction publique.
Les négociations avaient quand même avancé, peut-être parfois de façon difficile, mais elles avaient quand même avancé, à tel point que pour ce qui est des services correctionnels, une entente a été proposée par un conciliateur. Cette entente a été acceptée par la partie syndicale et refusée par la partie patronale. On est sur une voie de solution, si on veut être de bonne foi. C'est là que c'est inquiétant de voir l'attitude patronale, gouvernementale, car cela veut dire que si le rapport de conciliation était accepté par la partie syndicale, on aurait déjà des pistes de faites.
C'est peut-être prématuré et inopportun de voir le gouvernement agir comme il le fait aujourd'hui. Il aurait peut-être pu faire preuve d'un peu plus de patience, d'un peu plus d'esprit de conciliation, c'est le cas de le dire, et essayer de trouver un compromis, la partie syndicale s'étant commise, ce qui aurait évité de prendre ce moyen, qui sera toujours exceptionnel, qui sera toujours triste. Seul le gouvernement peut se permettre d'agir comme il le fait aujourd'hui, comme employeur. Quelle que soit sa grosseur, petite, moyenne ou grande multinationale, seul le gouvernement a le pouvoir d'agir comme il le fait aujourd'hui, en imposant, par sa loi, des amendes considérables pour forcer les gens à retourner au travail, aux conditions prévues par l'employeur, en l'occurrence le gouvernement.
Quant à la table no 2, qui porte sur les manoeuvres, comme on le disait tantôt, sur les services et équipages de bateaux, etc., ces gens, du côté syndical, sont prêts, en désespoir de cause, à tenter de régler la situation autrement que par une loi spéciale et à aller en arbitrage. Il me semble que c'est un beau défi pour le gouvernement de voir comment sont perçues les offres qu'il a faites, si elles sont aussi raisonnables qu'il le prétend.
À notre avis, et c'est la raison pour laquelle nous nous opposons, tous les efforts n'ont pas été déployés pour en arriver à une solution dite négociée. Cela nous apparaît grave. Les délais sont relativement courts, quand même, et, il ne faut pas l'oublier, les salaires de ces gens sont gelés depuis six ans. Il y a donc lieu de revendiquer. Il y a lieu de revendiquer fortement, compte tenu de la hausse du coût de la vie, de l'inflation, etc.
Donc, on est devant une position gouvernementale très ferme, qui s'exécute par des moyens assez puissants, ce qui s'appelle une législation faisant en sorte que le gouvernement employeur emporte le morceau. Je vous avouerai que cela représente notre opinion.
Nous considérons que c'est une question de principe, qu'il s'agit là d'une grève légale et qu'on devrait respecter les mécanismes qui sont en cours. On ne devrait pas bousculer ni les négociations ni cette Chambre avec des stratagèmes bâtis de l'autre côté.
Je vais résumer notre position qui est claire. Pour nous, la liberté syndicale existe au Canada pour les travailleurs et pour les employeurs. La liberté existe pour les parties, et on peut faire la grève quand on a de bonnes raisons de le faire, et c'est le cas présentement. Cela fait partie d'un juste rapport de force, sauf si l'employeur, qui se trouve à être également le gouvernement, abuse de son pouvoir législatif. Le recours à une loi spéciale ne doit être utilisé qu'en dernière instance.
Ici, la démonstration n'a pas été faite, à notre avis. En attendant, que le gouvernement retourne à la table de négociation avec une offre acceptable pour les travailleurs et qu'il règle le problème démocratiquement et de façon civilisée par la négociation.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je ne veux pas prolonger le débat, mais je ne peux passer sous silence les commentaires du député de Selkirk—Interlake. Il a dit que la vérité serait connue à l'occasion du débat d'urgence de jeudi dernier.
J'attire votre attention sur toutes les observations du député de Selkirk—Interlake concernant le caractère inadéquat du projet de loi C-19 et la nécessité de le modifier afin que ce genre de situation ne puisse plus jamais se produire. Si vous vous reportez au hansard de jeudi dernier, vous constaterez que toutes ces observations et ces recommandations sont de moi, un libéral.
De plus, pendant le débat d'urgence, j'ai été le seul à proposer l'adoption d'une loi de retour au travail. J'ai été étonné du silence des députés du Parti réformiste à ce sujet. Ils n'ont pas parlé, et je sais maintenant pourquoi. Lorsque le gouvernement a présenté vendredi une motion en faveur de l'adoption d'une loi de retour au travail, les réformistes ne l'ont pas appuyée.
Si les gens se demandent ce qui se passe, ils n'ont qu'à consulter les registres téléphoniques des circonscriptions du Parti réformiste et du Parti libéral. Ils constateront que les registres téléphoniques des circonscriptions libérales font état d'une avalanche d'appels de membres de l'AFPC en colère et que ceux des circonscriptions réformistes font état d'une avalanche d'appels d'agriculteurs en colère.
Il faut se demander qui exactement représente qui. Cette fois-ci, c'est le Parti libéral qui représente les agriculteurs et le Parti réformiste qui représente les syndicats.
[Français]
Le vice-président: Il s'agit d'une période de questions et de commentaires sur le discours de l'honorable député de Trois-Rivières. Je ne suis pas certain que ce que le député vient de dire se référait à ce discours.
Si le député de Trois-Rivières veut répondre, il est le bienvenu, sinon, nous allons continuer avec les questions et commentaires.
M. Yves Rocheleau: Monsieur le Président, si j'ai bien compris l'intervention de mon collègue libéral, effectivement, il y a, à mon avis, une forme d'ambiguïté dans la position du Parti réformiste. Ils ont, à tout le moins, dramatisé la situation, et ils ont grandement facilité la tâche du gouvernement dans ce débat. Le moins que l'on puisse dire, c'est que leur position est très ambiguë quant à l'actuel débat.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse à mon respecté collègue du Bloc et elle est fort simple. En 1993, le Parti libéral a promis dans son livre rouge l'élimination des taux régionaux de rémunération pour les cols bleus de l'AFPC. À ce jour, rien n'a été fait. Les libéraux sont même revenus sur leur promesse.
Le député peut-il nous dire ce qu'il pense d'un gouvernement qui rompt ses promesses, et plus particulièrement une promesse vitale faite à 14 000 travailleurs au pays?
[Français]
M. Yves Rocheleau: Monsieur le Président, je suis heureux de la question du mon collègue du NPD. Effectivement, quand on dit que le gouvernement n'a pas fait la démonstration de la justesse de sa position, c'est un peu ce qu'on veut dire.
On semble ici nager dans l'arbitraire et on vient appuyer l'arbitraire aujourd'hui avec les moyens législatifs dont on dispose. C'est très agaçant.
Par ailleurs, je peux dire que l'argumentation syndicale a été fort habile à cet égard. Quand on compare, par exemple, ce qu'aurait donné le traitement qui serait offert, si on se basait sur la grille qui est offerte aux syndiqués, si on basait les députés de cette Chambre par région en se basant sur les écarts existant entre les régions canadiennes, c'est très choquant.
Peut-être que la position gouvernementale est défendable, mais on apprécierait énormément qu'il fasse plus preuve de conviction qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention le discours du député de Trois-Rivières. J'ai l'impression aujourd'hui qu'on vit des événements qu'on a déjà vécus dans cette Chambre.
À l'occasion, on se rend compte que lorsque le gouvernement fédéral, comme employeur, n'assume pas suffisamment ses responsabilités, quand il ne va pas au bout de la négociation ou quand il n'atteint pas les résultats escomptés par ses négociations, il a la tentation de jouer à l'employeur gouvernement plutôt qu'à l'employeur tout court. Dans la situation actuelle, c'est ce qu'on voit.
Dans les représentations qui sont faites, notamment par des employés de soutien, il y a des choses qui peuvent être discutées à une table de négociations. On parle des écarts de salaires d'une province à l'autre. Il ne s'agit pas d'une question fondamentale sur laquelle le gouvernement doit être fermé à toute négociation. On est devant une situation où il y aurait moyen de régler ces choses-là à la table de négociations ou de trouver une façon originale de le faire sans nécessairement taper sur le syndicat et se donner un mandat comme celui qu'on veut avoir aujourd'hui à un moment qui m'apparaît...
Une voix: Oh, oh!
M. Paul Crête: Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait demander au député libéral qui crie, qui beugle, de l'autre côté, de se taire pendant que je parle? J'aimerais bien qu'on puisse intervenir dans ce débat de façon civilisée et rationnelle.
Il y aurait eu moyen de faire durer les négociations plus longtemps pour en arriver à un résultat qui, en bout de ligne, aurait permis d'avoir de meilleures relations de travail. Il ne s'agit pas que de régler des conflits de travail, il faut aussi vivre avec les situations ensuite.
J'aimerais connaître le commentaire du député de Trois-Rivières sur mes propos.
M. Yves Rocheleau: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
Effectivement, cela confirme un trait de ce gouvernement, un gouvernement autoritaire. C'est un gouvernement très autoritaire dans ses relations de travail et dans tous les domaines qu'il touche.
Par exemple, c'est le même gouvernement qui refuse de reconnaître la décision de la cour concernant l'équité salariale. C'est le gouvernement qui s'est permis l'établissement de clauses discriminatoires, dites orphelin, notamment à Postes Canada. C'est le gouvernement qui a refusé, l'an passé, d'établir clairement une mesure antibriseurs de grève, alors que cela existe déjà et que cela a porté des fruits très bénéfiques au Québec. L'exemple est donné ici. Il n'avait qu'à copier l'exemple du Québec qui, plus souvent qu'autrement, est très bon. L'an dernier, le gouvernement s'est refusé à cela.
C'est le genre de gouvernement qui se permet aussi, quand il intervient sur le marché du travail, notamment en termes d'assurance-emploi, de discriminer de façon odieuse les nouveaux arrivants, quand il impose le double d'heures à ceux qui arrivent sur le marché du travail pour la première fois ou qui y reviennent après X années.
C'est dans la continuité, c'est dans la philosophe d'intervention de ce gouvernement que d'agir de façon très arbitraire et très autoritaire. J'espère que le député de Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam saura écouter attentivement et se montrera plus poli tout au long du débat.
[Traduction]
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, j'ai une impression de déjà vu. Et voilà que ça recommence, une loi de retour au travail. Nous sommes passés par là il n'y a pas longtemps. Nous avons entendu probablement les mêmes débats encore et encore. J'ai entendu les mêmes interpellations, les mêmes types de protestations de la part des députés de l'autre côté qui disent qu'il est dans l'intérêt du Canada d'ordonner à ces gens de reprendre le travail. C'était tellement critique pour le bien-être du pays que le gouvernement pouvait bafouer le droit démocratique des gens de faire grève.
Pour les gens de mon caucus, c'est inacceptable. Nous n'approuvons pas ce mouvement en faveur d'imposer le retour au travail à ces travailleurs. Nous pensons que c'est choquant—c'est le seul terme qui me vient à l'esprit. Ce qui l'est encore plus, c'est qu'en fin de compte le leader du gouvernement à la Chambre va, j'en suis sûr, imposer la clôture de ce débat. Le gouvernement foule aux pieds le processus démocratique.
Je ferai remarquer à la Chambre que c'est la 50e fois que ce gouvernement a recours à l'attribution de temps et à la clôture. C'est la cerise sur le gâteau. Non seulement nous sommes en train de priver des gens de leur droit de faire grève, nous allons en plus les priver tout à l'heure d'un débat à ce sujet à la Chambre.
Avant même d'aborder la question d'une mesure législative forçant le retour au travail, voyons quelle est la cause de cette grève. Ce qui a amené les cols bleus à déclencher la grève, c'est la question des taux régionaux de rémunération, le fait qu'un menuisier travaillant pour le gouvernement fédéral touche un salaire à Halifax et un autre à Vancouver pour le même travail.
Voici un exemple encore plus éloquent peut-être: un camionneur qui franchit la frontière de l'Alberta pour y laisser une remorque qui sera prise en charge par un autre camionneur de l'autre côté de la frontière, gagnera 3 $ ou 4 $ l'heure de plus ou de moins que son collègue, alors qu'ils font exactement le même travail.
Il fallait mettre un terme à ce genre de choses. Les travailleurs ont fait ce qu'ils ont pu. Ils ont tenté de faire valoir leur point de vue en négociant des années durant. C'était l'impasse totale. Ils ont eu recours à l'unique arme qui s'offrait à eux, la grève, le droit de refuser de fournir leurs services.
Dans l'ensemble de mesures qu'on voudrait faire adopter à toute vapeur aujourd'hui, je constate un mouvement en ce qui concerne les zones. Leur nombre est réduit de 10 à 7. Mais vous devriez voir comment on procède. C'est à peine croyable. Au lieu d'harmoniser les choses en faisant appel au bon sens, le gouvernement intègre la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse pour en faire une seule province, une sorte de Saskatlantique, histoire d'économiser des sous. Ça n'a pas de sens. C'est illogique.
Voici une autre preuve des lacunes que comporte la mesure qu'on nous a présentée aujourd'hui. On a omis le Nunavut. Le 1er avril, nous célébrerons la création du Nunavut. Or, on n'a pas prévu de taux de rémunération pour le Nunavut. Le gouvernement n'en a pas tenu compte. Il ne l'a pas mentionné. Et pourtant, même les personnes travaillant à l'extérieur du Canada figurent sur les taux de rémunération. Les gens travaillant au Nunavut n'y sont pas. C'est insensé.
Aujourd'hui, quand j'ai posé une question, j'ai dit que le projet de loi était farfelu. Malgré toutes ses faiblesses et ses incohérences, nous ne pourrons pas en examiner les dispositions comme il le faudrait pour pouvoir en corriger quelques-unes parce que le débat sera trop court.
Nous voudrions signaler quelques-unes de ses incohérences dans l'espoir que le gouvernement libéral les corrige. L'une d'elles est le fait que les agents des services correctionnels sont mentionnés à l'annexe 2 du projet de loi. Or, ces fonctionnaires ne sont pas en grève pour l'excellente raison qu'ils n'ont pas le droit de grève. Leurs services sont désignés comme essentiels. Mais comme le ministre l'a signalé, de 600 à 800 d'entre eux ont échappé à cette règle. Autrement dit, nous assistons à une redite fidèle de ce qui est arrivé lors du conflit entre le gouvernement et les postiers. Le gouvernement tente de faire d'une pierre deux coups, de forcer le retour au travail des agents des services correctionnels non désignés sans trop en avoir l'air.
Une mesure de retour au travail est censée porter sur le retour au travail de grévistes. Comment peuvent-ils forcer des employés qui ne sont pas en grève à retourner au travail? En d'autres termes, le gouvernement tente de désigner ces agents comme essentiels sans passer par la grande porte et subir l'épreuve d'un débat franc et ouvert sur la question. Il préfère user d'un subterfuge et agir de façon détournée et fuyante. Cette façon de traiter les fonctionnaires en question est vraiment insultante.
Ils ont procédé exactement de la même façon à l'égard de la Loi sur la Société canadienne des postes. Ils ont tenté de régler le problème de la rentabilité de la Société au moyen d'une loi de retour au travail. Ils voulaient faire de la Société canadienne des postes une vache à lait. Ils voulaient qu'elle réalise des recettes annuelles de 200 millions de dollars, mais ils n'avaient pas le cran de modifier la Loi en ce sens. Ils ont plutôt essayé de régler le problème en douce au moyen d'une loi de retour au travail. Nous nous en sommes tout de suite rendu compte. Il ne nous a pas fallu plus de cinq minutes après avoir reçu le projet de loi pour nous apercevoir du peu d'efforts que le gouvernement y avait mis. Nous trouvons cela insultant.
Voyons encore une fois qu'est-ce qui a déclenché la grève, qu'est-ce qui a mené à l'impasse. La salaires sont certainement un facteur. Ces gens n'ont pas eu d'augmentation de salaire depuis sept ans. Ils n'ont pas eu de règlement négocié depuis neuf ans. Les règlements étaient toujours imposés. Où est le droit à la libre négociation collective dans notre pays si notre propre gouvernement, le principal employeur du pays, impose toujours des règlements, en vertu d'une loi comme celle-ci, année après année? Considérant qu'il n'y avait pas eu d'augmentation depuis sept ans, le syndicat réclamait un ensemble de bonifications somme toute assez modeste.
Le 12 mars, quand les négociations ont été rompues, la partie syndicale réclamait 2 p. 100, 2,75 p. 100 et 2 p. 100, et 30 cents de plus pour les deux dernières années. Ce ne sont pas exactement des augmentations de rattrapage. Compte tenu des hausses du coût de la vie au cours de ces sept années, ces syndiqués sont encore loin du compte. Ils ne demandent pas qu'on rattrape ce retard. Le 12 mars, la proposition de la partie patronale n'était pas si loin de ce qui était demandé. La dernière offre du gouvernement était de 2 p. 100, 2,5 p. 100, 2 p. 100 et 1 p. 100. Ce n'est vraiment pas la mer à boire comme différence. Pourquoi, alors, voudrait-on provoquer une grève ayant des conséquences si graves pour les agriculteurs des Prairies et notre industrie des denrées? Pourquoi, pour un pauvre écart de 3 p. 100, provoque-t-il une pareille grève et engendre-t-il les frustrations et les problèmes qu'on connaît maintenant d'un bout à l'autre du pays? Où est la logique?
Pour combler cet écart, il faudrait 7,8 millions de dollars. Je me demande quelles sont les conséquences réelles de l'arrêt de la manutention du grain dû à cette grève, et le coût de ces conséquences pour les agriculteurs des Prairies? Je pense que c'est un peu plus de 7,8 millions de dollars. C'est ce qui agace vraiment au sujet de cette grève. Nous appuyons et respectons le droit des travailleurs d'interrompre leurs services. Il s'agit là du moyen le plus pacifique de dénouer une impasse. À une autre époque, la situation s'envenimait. On matraquait les gens. Interrompre les services d'une manière pacifique constitue le moyen le plus civilisé d'exercer des pressions sur l'autre partie.
Cela remonte à l'époque de l'Antiquité grecque et de Lysistrata. Les femmes de Troie privaient leurs maris de leurs services parce qu'elles en avaient assez de les voir partir tout le temps à la guerre. Elles se promenaient vêtues de petites tentes au lieu de toges. Il s'agit du premier cas recensé de ce genre d'interruption organisée des services. Cette tradition est ancienne. Nous la suivons aujourd'hui, car quelqu'un doit admettre qu'il existe depuis toujours un déséquilibre dans les relations de pouvoir entre les employeurs et les employés.
C'est pour cette raison que nous avons inscrit cette tradition dans notre Charte des droits, que les Nations Unies la reconnaissent, qu'elle est devenue une des marques d'une démocratie libre, d'un mouvement syndical puissant et démocratique, qui a le droit de s'organiser, de négocier et, effectivement, d'interrompre ses services en cas d'impasse. Nous avons assisté à la violation de ces droits à deux reprises depuis que je suis député, et je ne le suis pas depuis très longtemps. Nous avons vu ces droits foulés aux pieds. Je ne suis pas venu à Ottawa pour priver, par mon vote, les travailleurs de leurs droits. Ce n'est pas pour cela que je suis venu ici. Je refuse de me prêter à cela.
Nous avons entendu les réformistes prendre la parole comme s'ils étaient soudainement devenus les défenseurs de la classe ouvrière. C'est particulièrement irritant pour un syndicaliste. Les réformistes voudraient faire disparaître les syndicats de la surface de la terre. Ils l'ont dit publiquement. Ce qu'ils pensent de la libre négociation collective et du mouvement syndical n'est un secret pour personne. Le seul antisyndicaliste professionnel que j'aie jamais rencontré est un des députés réformistes. Il est exaspérant pour nous d'entendre les réformistes dire qu'ils sont du côté des mouvements syndicaux. Ils ne prennent même pas les appels des syndicats. Ils ne reconnaissent pas les mouvements syndicaux. Les lobbyistes syndicaux qui viennent en visite sur la colline ne sont pas les bienvenus dans leurs bureaux. Il est donc presque frauduleux de leur part de se présenter comme des amis de la classe ouvrière. C'est presque incroyable.
Revenons un peu au jeu politique puisque c'est de cela que nous nous occupons. L'ironie dans tout cela c'est que le secteur public vote pour le Parti libéral. Les travailleurs du secteur public votent en majorité pour les libéraux.
Je ne comprends vraiment pas la logique. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement libéral continue de les tisonner et de provoquer une grève comme il le fait s'il veut vraiment établir des relations amicales. Même si je n'étais pas socialiste et syndicaliste, je ne veux pas, à titre de contribuable, que les travailleurs du secteur public soient tellement démoralisés qu'ils en deviennent improductifs. Si l'on veut parler de productivité, comme on l'a fait beaucoup à la Chambre dernièrement, voilà une question de productivité.
Pendant sept ou neuf ans, le gouvernement n'a accordé aucune augmentation à ses fonctionnaires, mais il a constamment alourdi leur charge de travail, du fait qu'il fallait dix personnes pour faire le travail, mais qu'il en a mis cinq à pied en demandant aux cinq autres d'accomplir tout ce travail pour un salaire moindre, parce qu'il gèle les salaires. Comment peut-il espérer obtenir l'appui des fonctionnaires, quand il ne cesse de s'en prendre à eux? Il bafoue leurs droits. Voici maintenant qu'il leur ordonne le retour au travail.
Encore une fois, ce que je ne comprends guère, c'est le cas des agents de correction, ou CX-4. Non seulement ces travailleurs ne sont pas en grève, mais, en guise de mesure préventive ou autre chose du genre, on leur ordonnerait le retour au travail.
Le gouvernement nous force brusquement à approuver d'ici quelques jours la proposition qu'il compte faire, sans même nous dire ce que renferme cette proposition. Il garde un silence complet sur la proposition qu'il compte faire aux 4 500 agents de correction qui sont globalement visés par cette loi de retour au travail.
Le député réformiste de Selkirk—Interlake parlait hier d'approuver les yeux fermés. C'est précisément ce qu'on nous demande de faire, parce que nous n'avons pas la moindre idée de la proposition que compte faire le gouvernement. Il est clair que nous allons nous y opposer. Y a-t-il une personne saine d'esprit qui voterait en faveur d'une proposition sans la connaître? C'est un acte de foi que je ne suis pas prêt à faire envers les gens d'en face, en disant que tout ira bien et qu'ils vont traiter tout le monde correctement.
Pourquoi les ministériels n'exposent-ils pas clairement les modalités de la proposition à ces fonctionnaires? Pourront-ils retourner à la table des négociations et poursuivre les pourparlers? C'est de tout cela qu'il est question. Les négociations ne sont pas vraiment terminées pour eux. Pourquoi les forcer à rentrer au travail par une loi et pourquoi leur enlever le droit de grève? La plupart des gardiens de prison n'ont pas le droit de grève dans les conditions actuelles. Ils ont été désignés travailleurs essentiels il y a longtemps. Par la mesure à l'étude, on cherche à rattraper les 600 ou 800 travailleurs qui ont échappé au filet d'une manière ou d'une autre. Autrement dit, cela n'a rien à voir avec une mesure de retour au travail. Le gouvernement cherche à atteindre un autre objectif secondaire.
C'est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle que de tenter de parvenir à ses fins par un moyen détourné. Nous en avons vu des exemples déjà. Ce n'est pas bien différent de l'idée d'imposer une déduction du chèque de paye d'un travailleur pour utiliser cette cotisation à une fin particulière, et l'utiliser ensuite à une fin complètement différente. Il s'agit d'un abus de confiance qui frôle le vol. Je ne dirais jamais que le gouvernement vole les travailleurs, car je sais que cela serait mal, mais c'est certainement un abus de confiance que de déduire un montant à une fin particulière pour l'utiliser ensuite à autre chose. Cela est fondamentalement mal, peu importe que ce soit malhonnête ou non.
La mesure à l'étude est dans le même ordre d'idées. C'est de l'ordre de la déformation, du subterfuge. On procède de façon furtive en tentant de faire croire qu'il s'agit d'une mesure de retour au travail. Ce l'est effectivement pour les 14 500 membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Le gouvernement foule aux pieds leur droit de retirer leurs services.
Les 4 500 autres travailleurs doivent être tout aussi perplexes que moi. Ils doivent être mystifiés par cette mesure. Le gouvernement les a privés de leur droit de grève alors qu'ils ne sont même pas en grève. Ils n'ont pas fait la grève.
L'ensemble de propositions qu'on nous a donné aujourd'hui contient 530 pages d'échelles salariales très détaillées, où les hausses de salaire sont exposées de façon précise. Il s'agit des hausses qui sont imposées à ces travailleurs. Il n'est dit nulle part qu'ils obtiennent une hausse de 2 p. 100 ou de 2,75 p. 100. C'est nous qui avons dû, en quelques petites heures, essayer de calculer, avec une simple calculette, l'augmentation que représente le nouveau barème que le gouvernement propose. Nous étions tout un groupe à essayer de calculer. Quelque chose me dit que le leader du gouvernement à la Chambre et le président du Conseil du Trésor espéraient que nous ne pourrions pas nous y retrouver. Encore une fois la dissimulation et le subterfuge.
Même devant les tribunaux, il faut révéler à la partie adverse ce qu'on fait et quelles preuves on présentera. Ici, on nous présente une documentation de 530 pages dans laquelle nous devons patauger pour essayer d'en dégager un sens quelconque, et le gouvernement nous demande si nous sommes prêts à voter aujourd'hui et à appuyer cette mesure.
C'est presque inconcevable. En arrivant à Ottawa, je ne m'attendais pas à voir ce genre de chose. Cela m'ouvre vraiment les yeux sur le mode de fonctionnement du Parlement. C'est décevant.
Comme syndicaliste, j'ai vu un grand nombre de problèmes comme celui-ci. On nous a d'abord obligés par une loi à rentrer au travail; j'étais dans le privé, chez un syndicat de menuisiers. Au moins, dans le secteur privé, nous avions des droits.
C'est sans doute une raison de plus de ne pas rentrer au travail dans le secteur public. La rémunération est pourrie et le président du Conseil du Trésor va faire main basse sur la caisse de retraite, et les employés n'ont même pas le droit de grève lorsqu'ils essaient d'améliorer leurs conditions d'emploi ou de relever le niveau de leurs salaires et de leurs conditions de travail. Comment les travailleurs peuvent-ils défendre leur cause s'ils n'ont pas le droit de grève? C'est la seule arme qu'il leur reste.
Et pour empirer les choses, le gouvernement nous a avertis qu'il allait proposer, au début ou à la mi-avril, un projet de loi pour lui permettre de mettre la main sur l'excédent de 30 milliards de dollars du régime de pension de la fonction publique. Encore une autre manne pour lui.
Le gouvernement a tout d'abord enrayé le déficit aux dépens de ses propres employés qui gagnent 10 $, 11 $ ou 12 $ l'heure en gelant leur salaire. Cette mesure lui permet d'éponger le déficit. Jusqu'ici, le seul avantage d'un emploi à la fonction publique, c'est un régime de pension raisonnable. C'est l'excuse qu'a toujours utilisée le gouvernement. Les salaires sont minables, le travail est ingrat, mais il y a au moins un assez bon régime de pension. Et c'est à ce régime de pension que le gouvernement veut maintenant s'attaquer. Il s'en est pris d'abord au régime d'assurance-emploi et maintenant il s'attaque au régime de pension.
J'avoue franchement n'avoir probablement jamais été aussi mal à l'aise depuis que je suis à Ottawa qu'aujourd'hui, car ce projet de loi, comme tout ce qui l'entoure, est insensé et inutile.
Au sujet des pensions et des salaires, laissez-moi vous dire que, à l'époque où je travaillais comme menuisier dans le secteur privé, je gagnais environ 25 $ l'heure. C'était un salaire intéressant. Dans le secteur public, un menuisier gagne 15 $ l'heure. C'est difficile à comprendre. Pourtant, le gouvernement veut confier une partie des travaux à contrat au lieu de se servir de ses propres effectifs. il veut accorder des contrats à des entreprises privées, souvent à des parents ou à des amis proches des membres du gouvernement. Il préfère verser 25 $ l'heure à un entrepreneur privé que de payer 15 $ à ses propres employés.
Voilà ce qui a provoqué le ressentiment et l'animosité et ce qui explique l'impasse dans laquelle se trouvent les négociations. C'est l'écart incroyable qui existe entre le traitement dans le secteur privé et le traitement dans le secteur public. Comment expliquer une telle chose? Oubliez les différences régionales. Nous avons déjà dit qu'il était injuste qu'un menuisier gagne 15 $ l'heure à Halifax et 10 $ ailleurs, selon le système arbitraire des zones de travail.
Quelqu'un s'engagera-t-il à respecter le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale? Dans une région donnée, il se peut qu'un menuisier gagne en général 25 $ l'heure. Le gouvernement fédéral paye 15 $ et supprime la possibilité d'améliorer les salaires et les conditions de travail en bafouant le droit des travailleurs de refuser leurs services. Il ajoute l'insulte à l'injure. Comment les travailleurs peuvent-ils améliorer leur situation s'ils n'ont pas le doit d'exercer ce droit fondamental qu'est le droit de refuser ses services dans le but d'améliorer sa situation et celle de sa famille?
C'est la manière la plus pacifique de sortir d'une impasse. C'est un moyen non violent. Certains y voit un acte de violence économique. Il n'en est rien. La violence économique, c'est ce que doivent subir les travailleurs. La menace de licenciements, c'est de la violence économique.
L'épée de Damocles qui est suspendue au-dessus de chaque fonctionnaire, le fait d'être quotidiennement menacé de perdre son emploi, c'est de la violence économique. Là où dix personnes faisaient un travail donné, il n'y en a plus que cinq et en plus leur salaire est gelé depuis sept ou huit ans. Je doute que beaucoup de fonctionnaires soient encore enclins à voter libéral si c'était leur habitude. J'en doute fort car ils se sont fait avoir un peu trop souvent, leur rancoeur est à vif.
Attendez de voir ce qui va se passer le mois prochain quand le gouvernement va finalement essayer de mettre la main sur l'excédent du fonds de pension. Le géant va se réveiller. Les libéraux vont regretter le jour où ils y ont pensé car les fonctionnaires vont se soulever comme jamais auparavant. Le gouvernement va le regretter.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'était très captivant. Il semble qu'on soit sur le point d'agiter le drapeau rouge. Je suis prêt à entonner l'Internationale.
Je voudrais revenir sur les observations du député. J'ai beaucoup de respect pour lui. Je comprends son exaspération, lui qui a beaucoup milité dans le mouvement syndical.
Je voudrais corriger deux ou trois observations qu'il a faites au début lorsqu'il a déclaré que le Parti réformiste voudrait faire disparaître les syndicats de la surface de la terre et qu'il était presque frauduleux d'affirmer que nous avions un quelconque appui de la part des syndicats.
Je pense que le député s'est peut-être laissé un petit peu emporter. Il peut douter de l'engagement de mon parti à l'égard des syndicats et de la négociation collective, mais en toute sincérité, je tiens à signaler à mon collègue que l'un des principes fondamentaux de notre parti tels qu'énoncés dans notre déclaration de principes, c'est que le Parti réformiste souscrit au droit des travailleurs de s'organiser démocratiquement, de négocier collectivement et de faire la grève pacifiquement. Nous sommes également en faveur de l'harmonisation des relations de travail et nous rejetons le point de vue selon lequel la direction et les syndicats doivent continuellement s'affronter.
Pour ma part, une bonne partie de mes points de vue économiques sont influencés par les enseignements sociaux de l'Église catholique. J'ai été beaucoup influencé par la lettre encyclique Rerum Novarum sur la dignité du travail humain. Je comprends et apprécie le droit des travailleurs d'unir leurs efforts et de négocier collectivement, ainsi que la liberté qu'ils ont de s'associer et de faire la grève pacifiquement.
C'est pourquoi nous avons du mal à accepter la solution préconisée par le gouvernement dans ce cas-ci. Nous préférerions qu'on ait recours à l'arbitrage des propositions finales plutôt qu'à ce genre de jeu destructeur auquel se livrent le syndicat et le gouvernement.
Le député pourrait-il me dire s'il considère l'arbitrage des propositions finales comme une solution de rechange constructive possible aux relations marquées au coin de la confrontation qui nuisent aux intérêts des travailleurs et, dans ce cas-ci, des agriculteurs dont les produits ne peuvent être livrés?
M. Pat Martin: Monsieur le Président, je suis content qu'on me pose la question, car je sais qu'on a parlé de l'arbitrage des propositions finales comme solution possible à cette impasse et à d'autres.
J'ai une connaissance plutôt bonne de l'arbitrage des propositions finales. J'y ai eu personnellement recours dans mes propres négociations. C'est ce que prévoyait la loi manitobaine pendant un certain nombre d'années. Ce sont les conservateurs qui l'ont balancée lorsqu'ils ont pris le pouvoir. Ils croyaient qu'elle favorisait beaucoup trop les syndicats, ce qui n'était pas vraiment exact.
Ce qu'il faut vraiment savoir au sujet de l'arbitrage des propositions finales, c'est qu'elle n'est pas très efficace si les deux parties n'en conviennent pas expressément, si les deux parties ne sont pas des participants bien intentionnés. Autrement dit, on ne peut pas légiférer l'arbitrage des propositions finales en disant aux parties qu'elles vont régler l'impasse avec cela. C'est là créer un désavantage.
Il est difficile aussi de recourir à l'arbitrage des propositions finales pour des questions compliquées autres que strictement pécuniaires. Par exemple, si les règles de travail ou l'organisation du lieu de travail contribuent à l'impasse ou à la grève, il est très difficile d'y recourir, car on ne peut pas comparer des pommes et des oranges. Lorsqu'une partie veut une hausse salariale de 5 p. 100 et que l'autre veut que les toilettes soient plus près du coin-repas, comment pourra-t-on comparer ces deux demandes et comment l'arbitre pourra-t-il faire un choix?
Supposons que Roger Maris traite avec son équipe de base-ball. L'arbitrage de l'offre finale a ses origines dans le base-ball professionnel. S'il s'agit seulement d'argent et si la compagnie offre 1 million de dollars alors que le joueur veut 1,5 million, l'arbitre n'aura pas la tâche tellement difficile. Il est à espérer que les deux parties essaient de réduire raisonnablement leurs demandes jusqu'à ce qu'elles se rapprochent, qu'elles ne soient plus très éloignées l'une de l'autre et qu'il n'y ait pas vraiment de perdant.
Voilà quelles sont mes observations sur l'arbitrage des propositions finales. C'est une bonne méthode. Rien n'empêche les parties d'y recourir si elles le veulent toutes les deux.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, quand le leader du gouvernement dit qu'il est triste de devoir agir comme il le fait aujourd'hui, je pense qu'on pourrait parler un peu de honte aussi.
J'aimerais savoir ce que mon collègue du NPD pense de l'attitude du leader du gouvernement en la matière. Comment se sent-il, lui, face au dépôt de ce projet de loi?
[Traduction]
M. Pat Martin: Monsieur le Président, je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. La traduction a été un peu discutable.
La position de notre parti est que c'est fondamentalement inacceptable. toujours à une loi de retour au travail. Nous nous opposons fondamentalement au fait de priver les travailleurs du droit de faire grève. J'estime que les propos de notre chef sont conformes à la politique du parti.
L'une des questions qui préoccupent le plus notre chef, qui représente la circonscription de Halifax, est la question des salaires régionaux. Certains fonctionnaires gagnent un salaire différent en fonction de la région où ils vivent.
Il est fondamentalement inique que deux travailleurs qualifiés faisant exactement le même travail dans deux régions différentes du pays gagnent un salaire différent. Les députés ne gagnent pas un salaire différent en fonction de la région d'où ils viennent, ni les agents de la GRC ni la plupart des fonctionnaires.
Ce ne sont que des cols bleus, quelque 14 500, qui souffrent de cette iniquité. La différence peut s'élever jusqu'à 3 $ l'heure d'une côte à l'autre. Il ne s'agit pas de salaires élevés, mais d'un écart de 3 ou 4 $ l'heure pour le même travail. C'est essentiellement une question d'équité salariale qui n'a pas trait au sexe, mais à la géographie. Cela est tout à fait inacceptable.
On peut voir à quel point la loi de retour au travail a été mal rédigée au fait que le gouvernement a complètement oublié le Nunavut. Comment peut-on oublier le Nunavut? C'est pourtant dans les journaux. Le 1er avril est une date importante. Le projet de loi a dû être griffonné dans l'obscurité complète parce qu'on y remarque des omissions flagrantes.
L'une de ces omissions est dans la traduction. La version anglaise définit la relation de conjoints de fait comme étant une relation durant depuis un certain temps entre deux personnes, ce qui comprend les conjoints de même sexe. Dans la version française, la relation de conjoints de fait est définit comme étant une relation entre un homme et une femme qui vivent ensemble depuis un certain temps.
Le gouvernement a oublié de mettre à jour son propre projet de loi qu'il nous demande d'adopter. Compte tenu de cette omission seulement, nous devrions rejeter ce projet de loi parce qu'il n'est pas conforme à la propre politique du gouvernement de reconnaître des conjoints de même sexe en ce qui concerne les avantages sociaux.
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, je trouve les observations du député néo-démocrate fort intéressantes.
Le député sait que dans l'ouest du Canada, le problème de l'acheminement des céréales et des arrêts de travail dure depuis une trentaine d'années. Il y a aussi un certain nombre de problèmes attribuables à la migration de travailleurs d'une région du Canada vers une autre.
Sauf erreur, l'assurance-emploi est également discriminatoire envers certaines personnes qui, par exemple, ont touché des salaires plus élevés en Colombie-Britannique avant de venir au Manitoba et de s'y retrouver sans emploi. Ces personnes reçoivent alors une rétribution inférieure. Il y a énormément d'iniquités.
Je voudrais parler de l'arbitrage des propositions finales. Ces dernières années, nous avons parlé de la réforme des transports à un certain nombre d'expéditeurs. Ce type d'arbitrage fonctionne très bien dans certains cas, dans d'autres secteurs comme l'industrie houillère. Cela a donc du bon. Je pense que nous devrions nous entendre sur suffisamment de points pour pouvoir élaborer un projet de loi et mettre définitivement un terme à ces arrêts de travail. C'est ce que les agriculteurs de l'Ouest souhaitent.
M. Pat Martin: Monsieur le Président, je suis heureux que cette question ait été soulevée.
Lorsque nous avons étudié les amendements au projet de loi C-19, nous avons mis en place certains mécanismes de protection qui garantissaient l'acheminement du grain. Il convient de rappeler qu'il était question du Code canadien du travail. Les travailleurs qui sont aujourd'hui dans une impasse sont assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et, par conséquent, ils ne sont pas visés.
Si le gouvernement voulait sincèrement que l'acheminement du grain ne soit plus jamais interrompu par quiconque, il lui suffirait de prendre des dispositions afin que ces fonctionnaires soient assujettis au Code canadien du travail et non pas à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. C'est exactement ce qu'ils demandent depuis des dizaines d'années. L'Alliance de la fonction publique du Canada veut qu'ils relèvent du Code canadien du travail. Nous n'aurions alors plus de problèmes avec l'acheminement du grain, car les employés seraient assujettis aux dispositions du projet de loi C-19.
[Français]
Le président suppléant (M. McClelland): Il est de mon devoir, conformément à l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera au moment de l'ajournement, ce soir, à savoir: l'honorable député de Pictou—Antigonish—Guysborough, L'enquête sur les événements de l'APEC; l'honorable député de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, La fonction publique; l'honorable député de Mississauga-Sud, La pauvreté.
[Traduction]
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, le sujet que je vais aborder revêt une grande importance pour l'ouest du Canada et plus particulièrement pour l'industrie du grain.
Je tiens à insister sur le fait que si nous avons dû tenir ce débat aujourd'hui, c'est à cause de l'inaction du gouvernement. Le Conseil du Trésor a eu deux ans pour trouver une solution au problème. À cause de l'inaction du Conseil du Trésor et du gouvernement, les membres de l'AFPC, à la table 2, ont été obligés de faire la grève pour faire parvenir leur message au président du Conseil du Trésor. Il est inadmissible qu'on ait négligé les relations de travail au point de n'avoir pas pu, depuis deux ans, se réunir autour d'une table de négociation pour parvenir à un règlement touchant des relations de travail.
Je parle d'après mon expérience personnelle, puisque dans une précédente carrière je me suis beaucoup occupé de questions syndicales. Nous n'avons jamais eu à demander un mandat de grève pour pouvoir obtenir un règlement négocié. Jamais nos syndicats n'ont eu à en venir à l'affrontement afin d'obtenir un règlement négocié et raisonnable de leur employeur. Cela témoigne de négociations véritables, honnêtes, équitables et menées de bonne foi entre les travailleurs et la direction. Or, le gouvernement et le président du Conseil du Trésor ne comprennent justement pas ce qu'est la négociation ouverte et honnête d'un règlement avec leurs syndicats, en l'occurrence les délégués de la table 2 de l'AFPC.
Parlons de l'AFPC. Je suis intervenu à la Chambre, il n'y a pas si longtemps, lorsque l'AFPC était en grève. Elle l'est encore, mais peut-être pas dans les quelques jours qui viennent. J'ai déclaré qu'il était insensé qu'un groupe de personnes syndiquées n'ait pas eu d'augmentation de salaire pendant sept ans. Refuser toute hausse de salaire pendant sept ans à n'importe quel groupe syndiqué est courir après la catastrophe.
Depuis 1991, nous avons tous traversé une période économique très dure. Il y a eu ce que l'on appelle une récession. Je suis convaincu que les députés se souviennent de la récession de 1991-1992. On nous la rappelle régulièrement lorsqu'il est question de la vive reprise économique suscitée après 1992 par les initiatives majeures prises par le gouvernement de l'époque. Je ne digresse qu'un tout petit peu. À partir du moment où le gouvernement a pris ces initiatives, il y a eu un revirement économique. Nous récoltons aujourd'hui les fruits que nous avons semés en 1991-1992.
Revenons à la position de l'AFPC. Depuis 1991, les syndiqués de l'AFPC n'ont obtenu aucune augmentation.
Le contexte était le même pour nous, mais nous avons accordé des augmentations à nos syndiqués. D'accord, elles n'étaient pas très grosses. Elles s'élevaient à 0,5 p. 100 ou à 0,75 p. 100 par année. Nous avons fait cela parce que nous ne voulions pas nous retrouver, sept ans plus tard, à devoir faire du rattrapage. Nous n'avions pas à nous inquiéter de voir, sept ans plus tard, un syndicat très déçu et malheureux faire la grève. Nous n'avons jamais été confrontés à cela parce que nous avons adopté une attitude logique dans nos rapports avec les syndiqués.
La table 2 de l'AFPC n'a pas eu d'augmentation depuis sept ans. Bien sûr que ces travailleurs sont frustrés. Nous serions frustrés si nous n'avions pas eu d'augmentation de salaire pendant sept ans. Les députés se sont eux-mêmes accordé des hausses de salaire. Monsieur le Président, vous, moi et tous les autres députés avons obtenu des augmentations de salaire. Nous nous les sommes accordées nous-mêmes.
En passant, les députés de notre parti ont dit à ce moment-là qu'ils aimeraient mieux que des augmentations salariales soient accordées à la GRC, à l'AFPC et aux employés du gouvernement qui n'ont pas eu d'augmentation depuis sept ans. Lorsque nous nous sommes portés candidats aux élections, nous savions quel allait être notre salaire. Ces gens ont des familles, comme nous, et ils doivent être capables de suivre l'inflation. Ils n'ont pas eu d'augmentation salariale, mais ils en méritent une.
L'AFPC est retournée à la table de négociation pendant 14 jours et, le dernier jour, le gouvernement a décidé qu'il essaierait de négocier de bonne foi. Ces négociations ont duré trois heures, puis le gouvernement a quitté la table. C'est pourquoi nous en sommes rendus à ce point aujourd'hui, avec une grève de l'AFPC qui dure encore et un gouvernement qui n'est pas prêt à négocier de façon honnête et honorable.
Comme je l'ai dit, deux ans, c'est long. Quatorze jours de négociations sans que rien ne se passe, c'est long aussi. La frustration de l'AFPC a atteint son paroxysme, et la grève a été déclenchée.
Les syndicats ont certains droits en vertu des ententes négociées. L'AFPC a le droit de grève. Elle a le droit de retirer ses services à l'employeur qui paie ses membres, c'est-à-dire le gouvernement. Les membres de l'AFPC ont voté en faveur de la grève, qui a donc été déclenchée. C'est le droit de l'AFPC et des syndicats.
J'ai eu l'occasion de rencontrer certains membres de l'AFPC dans mon bureau de circonscription au cours du week-end. Ce sont des gens comme nous tous. Ils ont une famille, un emploi, une vie, une hypothèque, et ils veulent retourner au travail. C'est vrai, ils veulent retourner au travail. Ils préféreraient travailler qu'être en grève. Toutefois, ils veulent obtenir un règlement qui est juste et équitable. Je mentionne le vote de grève, car en vertu de leur convention syndicale, ils ont le droit de priver le gouvernement de leurs services.
La semaine dernière, lorsque les peseurs de céréales ont déclenché la grève, leur geste a influé sur une autre industrie, une industrie qui revêt beaucoup d'importance pour moi et pour ma circonscription dans l'ouest du Canada et pour le Canada en général. J'estime qu'ils ont dépassé les bornes. Ils sont allés trop loin. Lorsque je les ai rencontrés, je le leur ai mentionné. Je leur ai dit que je me suis exprimé en leur nom, que je crois que le gouvernement et le président du Conseil du Trésor n'ont pas accompli ce pourquoi ils ont été élus et que ces derniers ont fait preuve de négligence dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, lorsque ces gens ont interrompu leurs services et ont influé sur l'industrie agricole, ils ont dépassé les bornes.
Comme les députés le savent, l'industrie agricole connaît une dure période. Nous avons des problèmes de relations avec nos principaux partenaires commerciaux, les États-Unis et le Japon. Nous éprouvons des problèmes à cause des cours mondiaux des matières premières. Les producteurs de l'ouest du Canada touchent pour leurs produits les prix les plus bas depuis de nombreuses générations. L'économie agricole est en si grande difficulté que le gouvernement a dû lancer le programme ACRA, programme d'aide visant à donner aux agriculteurs la possibilité de faire de nouveau leurs semis cette année.
Nous savons qu'il y a de sérieuses répercussions lorsque le commerce de ce produit agricole est touché. J'ai dit aux membres de l'AFPC que, malheureusement, cette situation ne peut être tolérée.
J'ai eu le privilège de me rendre à Washington le mois dernier avec le Comité de l'agriculture et, ce mois-ci, de me rendre au Japon avec le ministre de l'Agriculture. Deux questions revenaient constamment sur le tapis dans nos discussions avec nos principaux partenaires. Les États-Unis d'Amérique représentent notre principal partenaire commercial, et le Japon est notre deuxième plus important partenaire commercial dans le domaine de l'agriculture. Les deux nous ont dit qu'il ne feraient du commerce avec nous que si nous pouvions faire preuve de fiabilité dans la livraison de notre produit.
Rappelez-vous ce que j'ai dit tout à l'heure. Il y a des problèmes dans le monde en ce concerne le prix des produits agricoles. Il y a des problèmes dans le monde du fait que plusieurs pays produisent ce que nous aimerions vendre sur le marché. Il y a beaucoup de concurrence dans ce domaine. Il y a de bons clients qui comptent sur nous. Ils comptent sur la livraison de ce produit. Or, la livraison de ce produit est actuellement gênée par une grève de l'AFPC. On ne saurait tolérer cela.
La meilleure solution, ce n'est pas une loi forçant le retour au travail. La meilleure solution, ce n'est pas de forcer les gens à faire ce qu'ils ne veulent pas. La meilleure solution, c'est de persuader le président du Conseil du Trésor de retourner à la table de négociations et de négocier un règlement équitable avec cet organisme, un groupe qui devrait être traité comme l'ont déjà été les autres membres de cet organisme.
Ils ne réclament pas la lune. Ils demandent une juste indemnisation. C'est tout ce qu'ils souhaitent.
J'ai dit qu'il ne fallait les forcer à rentrer au travail. Nous allons débattre cette mesure législative dont nous sommes actuellement saisis et qui porte précisément là-dessus. Mais, en toute conscience, je ne saurais affirmer que les agriculteurs pourront tenir le coup encore longtemps, eux qui sont complètement étrangers au conflit et dont le grain ne pourra pas être transporté tant que l'AFPC ne sera pas rentrée au travail.
Nous aimerions parler du processus. Comme je l'ai dit plus tôt, nous n'aurions jamais dû en arriver à cette motion. Il n'aurait pas dû y avoir de problème. Je répète encore une fois que je tiens le gouvernement pour entièrement responsable de n'avoir pas réglé ce problème avant que les choses n'en arrivent là. Le gouvernement a eu deux ans pour régler le problème. La Chambre n'aurait jamais dû être saisie de cette question. À présent elle l'est. Nous allons devoir veiller à ce que ce groupe d'individus à l'AFPC n'entrave pas l'exportation, la manutention et le transport du grain.
Lorsque j'ai rencontré le syndicat cette fin de semaine, j'ai bien souligné que nous ne pouvions supporter son action et le tort qu'il faisait au grain et que, s'il ne retournait pas à la table des négociations ou si les travailleurs ne reprenaient pas le travail, nous serions obligés d'appuyer une loi de retour au travail.
Je suis très déçu que nous soyons forcés aujourd'hui de parler de cette question. J'espère avoir la possibilité, lorsque nous débattrons de cette mesure législative au cours des jours à venir, d'expliquer pourquoi il est totalement injuste que ce gouvernement n'ait pu arriver, avec cette table de l'AFPC, à un règlement négocié dans ce dossier.
Si quelqu'un a des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre. J'espère que nous pourrons rapidement débattre de la motion.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'ai écouté mon collègue du Parti conservateur avec attention. On dirait presque qu'il veut tout avoir. Je suis toutefois d'accord avec lui sur le fait que le gouvernement actuel est responsable de l'impasse que nous connaissons maintenant. Il a absolument raison là-dessus.
La seule raison qui fait que nous tenons ce débat à la Chambre aujourd'hui, c'est que, quand le ministre a présenté la loi de retour au travail, le NPD et le Bloc se sont levés pour que nous ayons ce débat. Les conservateurs, les réformistes et les libéraux sont tous restés assis. C'est la raison qui fait que nous avons maintenant ce débat. Mais c'est une autre histoire. J'en parlerai au cours de mon discours.
Voici la question que je veux poser au député du Manitoba. Je suis sûr que le député est tout à fait conscient que les libéraux ont manqué à la promesse qu'ils avaient faite en 1993 sur la question des taux de rémunération régionaux. Il siège aux côtés du député de Pictou—Antigonish—Guysborough, qui l'a renseigné sur la question des taux de rémunération régionaux et le fait que les libéraux ont manqué à leur parole. S'ils ont manqué à leur promesse de 1993, qu'est-ce qui lui fait croire, à lui ou à son parti, que le gouvernement est crédible quand il s'agit de la libre négociation des travailleurs de l'AFPC?
M. Peter Adams: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je crois savoir que mon collègue n'est pas député de tout le Manitoba. J'ai cru comprendre qu'il avait l'intention d'en arriver là, mais il est pour le moment député de Brandon—Souris.
Le président suppléant (M. McClelland): Je suis sûr que le député de Brandon—Souris est très déçu d'entendre son titre ainsi diminué, mais je vais lui donner une chance de travailler là-dessus.
M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, je remercie le député de m'avoir révélé des ambitions que j'avais peut-être sans en être conscient. Peut-être pourrait-il me dire d'où il tient ses informations. Mais comme il se passe des choses étranges dans la jungle de la politique, on ne sait jamais.
Je suis le député de Brandon—Souris, et je sais que des députés manitobains représentent d'autres circonscriptions, peut-être pas aussi bien que les députés conservateurs de la province, mais qui les représentent tout de même.
Je vais essayer de répondre à la question du député néo-démocrate. Il sait probablement qu'une offre a été faite au Conseil du Trésor à l'égard des taux régionaux de rémunération. Si j'ai bien compris, les membres de l'AFPC à la table 2 ont même convenu de ramener le nombre actuel de régions de dix à sept.
Quant aux autres observations qui ont été faites au sujet des promesses que nous n'aurions pas tenues, je crois que nous en avons tenu plus que les libéraux. Nous pourrions parler de la TPS, de l'ALÉNA, des EH-101, de l'aéroport Pearson et de bien d'autres choses au sujet desquelles ils ont fait volte-face. Nous négocions honorablement et intelligemment, et nous tâchons d'entretenir avec les syndicats les meilleures relations de travail qui soient.
M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux que le député de Brandon—Souris ait vu clair dans certains des aspects les plus machiavéliques de cette mesure législative.
Depuis mon arrivée au Parlement, je n'ai jamais été témoin d'une situation de ce genre dans laquelle soixante-dix personnes ont réussi à créer une urgence nationale en paralysant toute l'économie agricole dans les provinces de l'Ouest. Tous les députés de ce côté-ci de la Chambre aimeraient voir un terme à cette situation, tout comme les députés qui siègent à ma droite d'ailleurs j'en suis persuadé.
Qu'est-ce que le gouvernement fait? Il dépose cette foutue mesure idiote qui privera de leurs droits de négociation...
M. Peter Adams: Monsieur le Président, j'en appelle au Règlement. Nous avons déjà parlé de ce sujet avec les députés réformistes. On ne doit pas faire usage de langage immodéré à la Chambre. Il y a des enfants qui nous regardent. J'ai entendu des mots de la part des réformistes. C'est, je crois, la troisième fois en une semaine que j'entends les réformistes utiliser un langage de la sorte et je trouve que c'est très peu convenable, compte tenu qu'il y a des enfants qui écoutent partout au pays.
Le président suppléant (M. McClelland): Le rappel du leader du gouvernement à la Chambre est tout à fait justifié. Nous invitons le député de Cypress Hill—Grasslands à poursuivre.
M. Lee Morrison: Monsieur le Président, je croyais avoir été plutôt modéré dans mes propos, compte tenu des circonstances.
Le gouvernement a déposé un projet de loi qui touchera directement des milliers de travailleurs qui n'ont absolument rien à voir avec l'urgence en cours et rien à voir non plus avec le problème que nous devrons résoudre. En effet, ce projet de loi forcera tout probablement bon nombre de personnes, qui ne voudraient pas le faire en d'autres circonstances, à voter dans le but de priver des gens de leurs droits de négociation afin de résoudre des problèmes dans un des secteurs du mouvement syndical.
C'est absurde, injuste, mesquin et machiavélique. C'est la seule façon dont je peux décrire la situation. J'espère seulement que c'est ce que le député de Brandon—Souris voulait dire. C'est du moins ce que je crois avoir compris de son discours. J'aimerais qu'il le confirme.
M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, le député a raison jusqu'à un certain point. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une mesure extraordinaire pour tenter de résoudre un problème qui pourrait être réglé de façon plus efficace et plus honorable si on était assuré que le grain sera acheminé.
Le problème, c'est que la direction et le syndicat se servent des agriculteurs comme des pions. Qu'on n'utilise pas mes agriculteurs comme des pions. Si nous faisons en sorte que les grains peuvent être acheminés, je serai très heureux que les négociations entre le Conseil du Trésor et le syndicat se poursuivent. C'est vraiment cruel de recourir actuellement à une loi de retour au travail pour résoudre ce problème.
Lorsque le syndicat a invité les manutentionnaires de grain à faire la grève et s'est servi de cette ruse, il savait également que cela allait attirer l'attention du gouvernement, car cette grève touche une industrie de 18 milliards de dollars, elle touche la majeure partie de l'ouest du Canada et probablement tout le Canada. Le syndicat savait, lorsqu'il l'a faite, que cette grève allait attirer l'attention du gouvernement et qu'elle donnerait ce résultat.
Personne n'a entièrement raison. Le député a raison. Il serait très bien de pouvoir régler ce problème sans ce projet de loi. Qu'on les fassent retourner au travail. Qu'on fasse en sorte qu'il n'y ait pas de grèves chez les manutentionnaires de grain.
Le projet de loi C-19 aurait dû traiter de ce genre de situation pour que nous n'ayons plus à faire face à des interruptions dans l'acheminement du grain canadien vers le marché.
M. Allan Kerpan (Blackstrap, Réf.): Monsieur le Président, je suis le débat et j'ai l'impression que le gouvernement essaie de tuer un moustique à coups de masse. Bien souvent, c'est trop peu et trop tard.
J'ai dans ma circonscription un certain nombre de membres de l'AFPC qui travaillent à la base de Dundurn pour le ministère de la Défense nationale. Ils sont en fait dans le même groupe que les travailleurs du secteur céréalier. J'ai communiqué avec eux ces derniers jours. Ils sont profondément indignés qu'on les prive du droit à la négociation collective pour la seule et unique raison que le gouvernement veut ramener au travail l'ensemble des employés. Cela leur paraît ridicule. J'ai de la sympathie pour eux. Ils ont de nombreuses préoccupations que, à titre de député réformiste, je serais porté à soutenir.
Qu'en pense le député de Brandon—Souris? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas instauré depuis longtemps la procédure d'arbitrage des propositions finales pour prévenir ces grèves et ces lock-out?
M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Il est impossible de comprendre la logique du gouvernement. Il m'est donc impossible de dire ce qu'il peut penser. Je suis désolé, mais je suis incapable de répondre à la question. Lorsqu'un député ministériel prendra la parole, il faudrait peut-être la lui poser.
J'en reviens à ce que je disais au départ. Je ne peux pas croire que, en deux ans de négociation, on n'a pas pu conclure un accord. Cela me dépasse. Je ne sais pas pourquoi les libéraux refusent l'arbitrage obligatoire. Je sais que le syndicat a déjà fait cette offre, et que l'arbitrage obligatoire n'a pas été retenu. Je ne vois pas pourquoi cela n'a pas été prévu dans le projet de loi C-19 pour que le transport du grain ne soit pas touché.
Nous reconnaissons que c'est un pion, et que les syndicats vont s'en servir. Soyons justes. Ils vont se servir de tous les moyens possibles pour attirer l'attention d'un gouvernement qui n'est pas prêt à négocier.
M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je me lève pour débattre de la motion présentée par le gouvernement vendredi dernier.
L'autoritarisme de ce gouvernement qui pense pouvoir profiter de sa majorité pour imposer sa volonté, non seulement à la Chambre, mais au pays tout entier, dépasse les limites. Voici un extrait de la motion:
Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage de la Chambre, la Chambre dispose comme suit d'un projet de loi inscrit au nom du président du Conseil du Trésor, intitulé Loi prévoyant la reprise et le maintien de services gouvernementaux:
1. Entre le moment où le projet de loi sera lu pour la première fois et celui où il sera lu pour la troisième fois, la Chambre ne s'ajournera pas...
Le gouvernement voulait que nous donnions notre consentement avant même qu'il ait déposé le projet de loi. Il nous demandait de consentir à ce que le projet de loi passe les étapes de la première, de la deuxième et de la troisième lectures à toute vapeur, de nous pincer le nez et probablement de l'approuver sans même avoir eu la courtoisie de nous le montrer pour que nous sachions de quoi il retournait. Une attitude de ce genre ne peut être tolérée dans cet endroit. C'est pourquoi le Parti réformiste dit que le gouvernement est excessivement autoritaire.
Ce projet de loi n'en est pas le seul exemple.
Je me rappelle le débat sur l'hépatite C à la Chambre, au cours duquel nous avions parlé de compassion et d'indemnisation à l'endroit des personnes infectées par du sang contaminé. Je connais moi-même, dans ma propre circonscription, des personnes qui ont été contaminées par le virus de l'hépatite C. Le député de Macleod, qui est également médecin et porte-parole du Parti réformiste en matière de santé a déclaré à la Chambre, à de nombreuses reprises, que le gouvernement avait l'obligation d'indemniser ces personnes parce que la Croix Rouge et les personnes qui étaient responsables de la gestion des stocks de sang étaient très conscientes des dangers avec le sang dès 1984 et même avant, qu'elles avaient les moyens de vérifier la qualité du sang et n'ont rien fait.
Le gouvernement s'est absous lui-même de toute responsabilité. Comment l'a-t-il fait? Le premier ministre a fait entendre le fouet et a ordonné à tous ses députés de faire preuve de docilité et d'appuyer le projet de loi. Il pousse maintenant un peu plus loin, puisqu'il nous demande d'appuyer le projet de loi à l'étude avant même que nous n'en ayons pris connaissance. Il va trop loin.
Une voix: Vous y connaissez-vous en manutention du grain?
M. John Williams: Le député demande si nous nous y connaissons en manutention du grain. Ceux d'en face l'ignorent peut-être, mais nous savons que les agriculteurs souffrent.
Nous félicitons le ministre de l'Agriculture parce qu'il a proposé un ensemble de mesures pour venir en aide aux agriculteurs. Ces derniers sont en sérieuse difficulté. On sait que les prix des produits agricoles sont au plus bas. En ce qui concerne la production de porc, plus elle est rapide, plus les producteurs perdent de l'argent parce que le prix de vente est inférieur au coût de production. Les agriculteurs souffrent beaucoup de cette situation.
Sur la côte ouest, quelque 70 travailleurs chargés de peser le grain à son arrivée sur la côte ont réussi à étrangler l'économie du secteur agricole dans les Prairies en paralysant le transport du grain.
Nous sommes à la fin de mars. Dans un mois, les agriculteurs des Prairies vont devoir commencer les semailles. Si la dernière année a été mauvaise, la prochaine sera meilleure. Les agriculteurs comptent toujours sur l'année suivante, mais l'année suivante, c'est maintenant. Ils doivent payer davantage pour le grain, l'engrais, le combustible et, ensuite, la pulvérisation de la récolte de céréales. Tout cela pointe à l'horizon des agriculteurs et voici que, au moment où leurs besoins sont criants, 70 personnes sur la côte ouest décident d'étouffer l'économie agricole des Prairies.
Ils n'ont que faire de l'argent qui vient à la fin mai. Ils en ont besoin pour acheter les semences à mettre en terre au printemps, pas plus tard. Ils ne peuvent ensemencer plus tard. L'ensemencement doit se faire au printemps ou jamais. C'est aussi simple que cela. Nous le savons tous.
C'est le meilleur moment pour faire pression sur le gouvernement. C'est d'ailleurs une des raisons qui expliquent pourquoi nous, les réformistes, sommes d'avis qu'il faut étudier attentivement cette motion. Le temps presse. Nous le savons et c'est pourquoi nous disons qu'il faut étudier cette motion attentivement.
Nous ne trouvons pas cela correct pour autant. Cela ne veut pas dire que nous approuvons la manière dont le gouvernement propose cette motion. Il a eu des occasions de négocier de bonne foi. Il sait que toutes ces conventions collectives viennent à échéance. Il est actuellement à cinq tables de négociation différentes avec l'AFPC. Il y a cinq syndicats différents et les conventions collectives arrivent à échéance à différentes dates. Le gouvernement le sait à l'avance.
Pensons aux informaticiens. Leur convention expire à la fin avril, soit dans six semaines à peine. Cette année, nous devons nous préparer au bogue de l'an 2000, autrement, le 1er janvier 2000, nous aurons un problème de taille. Cela fait des années que le gouvernement le savait. Il a pourtant négocié avec les techniciens en informatique un contrat qui expirera le 30 avril 1999, sachant fort bien qu'ils auront la possibilité de se mettre en position de grève s'ils ne peuvent pas obtenir ce qu'ils veulent avant l'an 2000.
Je nous vois dans quelques mois en train de débattre de nouveau d'une mesure de retour au travail pour les programmateurs d'ordinateurs parce que le gouvernement avait négocié un contrat qui expirait le 30 avril 1999 plutôt que le 30 avril 2000. Il n'est pas besoin d'être un grand savant pour comprendre que nous avons donné aux techniciens d'ordinateur la possibilité de tenir à leur merci les activités de l'État en disant que s'ils font la grève, le gouvernement ne sera pas prêt pour l'an 2000. S'il n'est pas prêt pour l'an 2000, tout va arrêter. Le gouvernement a fait preuve d'incompétence à cet égard.
C'est de cela que nous parlons quand nous discutons d'une mesure de retour au travail. Si le gouvernement négociait de bonne foi en tant qu'employeur capable d'offrir un régime de rémunération approprié et si le syndicat comprenait ses obligations envers la société, ils auraient sûrement réussi à parvenir à une entente avant aujourd'hui.
Jetons un coup d'oeil sur les relations de travail avec le gouvernement. Il commence par refuser par loi toute augmentation salariale durant six ans. Puis, quand il dit que les travailleurs peuvent avoir une hausse de salaire, c'est seulement ce qu'il est disposé à leur offrir parce qu'ils n'ont pas droit à l'arbitrage obligatoire. Il se demande ensuite pourquoi ils sont préoccupés quand ils sont traités comme un groupe qui peut être privé d'existence par une loi ou qu'on peut forcer à rentrer au travail chaque fois que le gouvernement le désire.
Le projet de loi C-76 a été présenté aujourd'hui. On ne parle que de 70 peseurs de grain à Vancouver. Le projet de loi vise les 14 000 employés des groupes manoeuvres et hommes de métier, services hospitaliers, pompiers, chauffage, force motrice et opération de machines, équipages de navire, gardiens de phare, services divers et peseurs de grains. Je ne crois pas que les autres employés soient en grève, mais ils seront visés par ce projet de loi de retour au travail avant même d'aller en grève.
Le gouvernement adopte donc la ligne dure et n'attend même pas que ces travailleurs fassent la grève. Il tient pour acquis qu'ils la feront probablement, puisque les relations sont très tendues. Donc, il n'attend pas, il agit dès maintenant et règle le cas de tous ces travailleurs au moyen d'un seul projet de loi. C'est injuste et c'est inadmissible.
Si le gouvernement veut créer de bonnes relations de travail avec ses employés, comment peut-il justifier le fait d'ordonner à 14 000 fonctionnaires de retourner au travail avant même qu'ils ne soient en grève, simplement parce qu'ils ont signifié leur intention de faire la grève?
Comme je l'ai expliqué, il y a 70 personnes en grève. Nous estimons que 70 grévistes ne devraient pas avoir le droit et la possibilité de perturber toute l'économie agricole des prairies.
La Chambre a tenu de multiples débats où il a été question de la commission du blé, de la façon dont elle manipule le prix des produits agricoles et de la façon dont elle devrait et pourrait assurer un meilleur revenu aux agriculteurs. Finalement, le gouvernement a accepté de rendre la commission un peu plus transparente, mais pas beaucoup. Nous devons veiller à ce que la commission respecte davantage son obligation de rendre des comptes aux producteurs. Le gouvernement, lui, préfère faire de l'obstruction. C'est l'attitude du gouvernement: faire de l'obstruction et fermer les yeux. Puis, lorsque les gens protestent en disant: «Vous bafouez nos droits démocratiques, nous ne nous laisserons pas faire», le gouvernement adopte une loi pour les faire taire.
De là vient tout le problème. Il y a 70 personnes en grève et nous voulons prendre des mesures pour protéger les agriculteurs. Nous voulons veiller à ce que les grévistes ne puissent tenir les agriculteurs en otages. Mais voici que le gouvernement profite de l'occasion pour régler le cas de 14 000 fonctionnaires. Nous ne pouvons pas accepter cela.
La liste est très longue: les victimes de l'hépatite C, les travailleurs qui se font geler leur salaire par une loi, les agriculteurs. Le gouvernement ne reconnaît ni ne respecte les droits démocratiques de beaucoup de gens. La seule chose qu'il respecte, c'est le fouet du premier ministre. Il leur ordonne de voter comme il le veut, car lorsqu'ils votent comme il leur ordonne, le gouvernement obtient ce qu'il veut.
Par conséquent, nous discuterons de la question dans toute la mesure où nous le pouvons. Notre coeur va vers les Canadiens. Nous nous préoccupons avant tout des Canadiens, des contribuables, des gens qui ont construit le pays, des gens qui ont ouvert les prairies et qui gagnent leur vie du mieux qu'ils le peuvent dans des conditions parfois très difficiles. Je ne pense pas que la centaine de milliers d'habitants des prairies méritent de voir leur moyen de subsistance et leur mode de vie pris en otage par un groupe de 70 personnes. Nous nous opposons à cela. Nous sommes heureux que le gouvernement fasse quelque chose pour mettre fin à cela. Cependant, nous sommes très irrités que le gouvernement ait mis tout le monde dans le même panier.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, ma question est toute simple. Le député a raison de dire que le gouvernement s'est montré très faible dans ses négociations avec les syndicats. Je tiens toutefois à rappeler au député qu'il n'y a pas seulement 70 syndiqués qui sont en grève sur la côte ouest. Sur la côte atlantique, il y a aussi des cols bleus qui organisent des grèves tournantes.
Le député a parlé de ces 70 personnes qui tiennent l'économie canadienne à la gorge. Il donne l'impression que c'est ce que souhaitent ces 70 syndiqués. Il donne l'impression qu'ils veulent faire la grève, se priver de salaire, s'exposer à perdre leur maison ou leur auto parce qu'ils n'ont pas fait leurs versements. Est-ce pour cela que les gens étudient, qu'ils s'instruisent et qu'ils cherchent ensuite un emploi? Est-ce pour pouvoir ensuite faire la grève et tenir leur pays à la gorge?
Je tiens à rappeler au député que ce n'est pas ce que ces gens souhaitent. Comme le député le sait sûrement, ce qu'ils veulent, c'est négocier une convention collective dans un contexte de processus équitable. Si la négociation échoue, une tierce partie, un arbitre, devrait alors intervenir et rendre une décision exécutoire qui ferait loi.
Le gouvernement a légiféré de manière à écarter l'arbitrage exécutoire. De plus, même si le nombre de zones est passé de dix à sept, le gouvernement n'a pas mis un terme aux taux régionaux de rémunération. Le président du Conseil du Trésor aime bien avoir différentes échelles de traitement au Canada, pour le même travail.
J'espère que le député réformiste ne s'imagine pas que les 70 syndiqués de la côte ouest et les grévistes de la côte est aiment faire la grève. Je puis lui donner l'assurance qu'il n'en est rien.
M. John Williams: Monsieur le Président, il est évident que le député n'a pas écouté mon discours lorsque j'ai parlé longuement du fait que le gouvernement refuse à ces gens une augmentation depuis six ans, ainsi que le droit de négocier, et avait le droit d'imposer un règlement plutôt que l'arbitrage obligatoire. On retire les droits démocratiques à de nombreuses personnes, y compris les gens qui travaillent pour le gouvernement.
S'il veut entretenir de bonnes relations de travail avec ses employés, le gouvernement devrait négocier de bonne foi plutôt que de permettre à la situation de se détériorer au point où nous devons maintenant adopter une loi de retour au travail.
Ces 70 personnes ne veulent pas exercer leur domination sur notre économie. Cependant, c'est ce qu'elles font du fait qu'elles ont déclenché une grève. Cela touche le gagne-pain de centaines de milliers de gens qui n'ont absolument rien à voir avec le conflit. Ils n'ont pas leur mot à dire dans le débat. Ce sont eux qui sont gravement menacés. C'est pourquoi nous pensons sérieusement à les aider.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, une des choses les plus étranges relativement à cette loi de retour au travail, c'est le fait que les agents de correction, qui ne sont pas en grève, sont eux aussi visés par cette loi. On leur ordonne de reprendre le travail même s'ils ne sont pas en grève. Lorsqu'on a demandé au président du Conseil du Trésor d'expliquer ce fait étrange, il a simplement dit que les agents de correction sont désignés comme des employés essentiels et qu'ils n'ont pas le droit de grève. Nous savions tous cela, mais il y en a 600 ou 800 qui, pour une raison ou une autre, ont échappé à ces désignations. Ainsi, le gouvernement utilise cette loi de retour au travail pour combler cette lacune, pour corriger cet oubli.
Que pense le député du fait qu'on essaie d'utiliser une loi de retour au travail pour glisser subrepticement d'autres mesures qui n'ont rien à voir avec la question, qui sont tout à fait secondaires? Pour ma part, je pense que si le gouvernement voulait désigner comme essentiels ces autres travailleurs, il aurait dû le faire ouvertement pour que nous puissions avoir un débat franc à ce sujet. Il ne devrait pas essayer de faire cela de façon subreptice. Le député pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?
M. John Williams: Monsieur le Président, c'est exact. Le thème général de mon discours était l'arrogance dont fait preuve le gouvernement en privant les gens de leur droit démocratique. Peu importe de qui il s'agit. La Chambre des communes a le droit démocratique d'obliger le gouvernement à rendre des comptes, mais le gouvernement fait adopter ses mesures législatives à la hâte parce que le premier ministre dit qu'il peut obtenir tout ce qu'il veut. Il faut mettre un terme à ce genre d'attitude. Le député a tout à fait raison.
Le député a demandé comment on pouvait avoir un projet de loi de retour au travail pour des employés qui ne sont pas encore en grève. Si le gouvernement dit qu'il a commis une erreur en ne désignant pas ces employés comme étant essentiels, est-ce notre problème à nous, de ce côté-ci de la Chambre? Non, c'est le problème du gouvernement, mais il essaie de nous amener à corriger ses erreurs. Ce n'est pas notre responsabilité.
Notre responsabilité, c'est de défendre nos droits démocratiques et ceux des autres Canadiens. Nous reconnaissons tous que ces gens ont le droit démocratique de faire la grève et de négocier librement. Pourtant, dans tout ce qu'il a fait au cours des années, le gouvernement actuel n'a pas fait preuve de beaucoup de bonne foi dans ses négociations avec ses employés.
Nous voici aujourd'hui dans une situation où le gouvernement et ses employés sont dans une impasse et où des gens qui n'ont absolument aucune influence sur la situation sont tenus en otage. C'est la question que nous devons régler.
M. Allan Kerpan (Blackstrap, Réf.): Monsieur le Président, je me souviens d'avoir siégé à la Chambre peu après que nombre d'entre nous eurent été nouvellement élus en 1993. Je crois que c'était en 1994, durant l'hiver, lorsque le gouvernement a présenté son premier projet de loi de retour au travail pour régler le conflit avec des manutentionnaires et des travailleurs du transport du grain.
Le député de Wetaskiwin a pris la parole et a demandé au gouvernement s'il prendrait des mesures pour cela ne se reproduise plus. Nous voici, cinq ans plus tard, en train de faire exactement la même chose.
Le gouvernement a abdiqué ses responsabilités envers bien des gens. Il a abdiqué sa responsabilité envers les victimes des grèves et des lock-out, en l'occurrence les agriculteurs et le secteur agricole. Il a également abdiqué sa responsabilité envers d'autres groupes. Nous avons parlé des agents de correction, dont le sort me tient à coeur. De plus, il y a des gens à qui je viens tout juste de parler dans ma circonscription, à Dundurn, qui ont de sérieuses préoccupations.
Le gouvernement a abdiqué sa responsabilité. Il n'a rien fait depuis cinq ans pour remédier à la situation.
Monsieur le Président, vous avez sûrement entendu parler du groupe rock «Hootie and the Blowfish». Je ne sais pas où se trouve Hootie en face, mais j'entends sûrement les autres qui font du vent.
Je voudrais demander au député de St. Albert s'il se souvient du jour où le gouvernement a promis de prendre des mesures. Le député se souvient-il du jour où le gouvernement a dit, il y a cinq ans, qu'il prendrait des mesures pour que ce genre de chose ne se reproduise plus?
M. John Williams: Je m'en souviens bien, monsieur le Président, mais, bien sûr, les députés d'en face ont la promesse facile. Ils promettent n'importe quoi, mais ils livrent rarement la marchandise.
Nous venons de dire que les agents de correction iront peut-être en grève, mais qu'ils seront visés par une loi de retour au travail avant même qu'ils le fassent. Je n'ai pas encore réussi à comprendre cela.
Pourquoi nous occupons-nous des pompiers? Je ne savais même pas qu'ils parlaient de faire la grève. Puis il y a les travailleurs du groupe Chauffage et force motrice, les équipages de navire et les gardiens de phare. Je sais qu'ils ont eu un problème. En automatisant les phares, on les a mis au chômage complètement et pour de bon. On a dû se battre à ce sujet, sur la côte ouest, pour essayer de préserver la sécurité et de s'assurer que les navires qui longent la côte ne s'échouent pas. Il y a aussi les travailleurs du groupe des services divers. Voilà les gens qui sont englobés par ce projet de loi draconien.
Mon collègue a raison de dire qu'il s'agit encore et toujours de promesses. Le gouvernement n'a fait qu'équilibrer le budget aux dépens des contribuables en haussant ses recettes de 25 p. 100. Le gouvernement ne nous avait pas dit qu'il hausserait ses recettes de 25 p. 100 pour équilibrer le budget. C'est une petite chose qu'il peut porter à son crédit, mais il tripote maintenant les chiffres pour s'assurer que nous payions davantage d'impôt sans pour autant bénéficier des services.
Il y a le Fonds des bourses du millénaire. Les contribuables ont versé 2,5 milliards de dollars, mais les étudiants n'en bénéficieront pas avant l'an prochain. Puis il y a les 3,5 milliards de dollars pour les soins de santé qui ont été versés par les contribuables, mais cet argent ne servira pas avant l'an prochain.
Voilà les promesses que fait le gouvernement! Il dit qu'il fait des merveilles, mais, quand on y regarde de plus près, ce n'est pas le cas du tout.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, c'est un triste jour que celui qui voit, de nouveau, la Chambre des communes saisie d'un projet de loi de retour au travail, un projet de loi de nature spéciale qui s'intitule: Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux.
C'est un projet de loi étudié, de plus, dans le cadre d'une attribution de temps qui fait en sorte qu'on ne peut même pas débattre sérieusement de l'enjeu de cette négociation qu'on interrompt abruptement.
Or, j'ai vraiment beaucoup de questions. Il me semble, de ce que je sais—et dans une vie antérieure, j'étais en relations de travail et j'ai enseigné en relations de travail—que ce qui échappe aux règlements ne me semble, d'aucune espèce de façon, justifier un tel projet de loi comme il est présenté.
Je veux souligner que ces travailleurs et ces travailleuses sont en grève légale. Non seulement sont-ils en grève légale, ils sont en grève tournante. On n'est pas devant un cas de grève générale illimitée, jusqu'au bout de tout, tout le temps. On est devant un cas de grève tournante, de moyens pris par les travailleurs et les travailleuses à tour de rôle, avant le travail le matin, après le travail, pour faire parler d'eux, oui bien sûr, pour ralentir la circulation, oui bien sûr. S'ils ne font pas parler d'eux, s'ils ne font pas la grève générale illimitée, il faut bien qu'on sache qu'il y a un problème.
Il y a un problème qui m'apparaît assez grave et qu'il faut répéter, c'est que ces travailleurs ont payé aussi leur part de la réduction du déficit. Ils n'ont pas eu d'augmentation depuis six ans. Leur convention collective est échue depuis deux ans ou un peu moins. Certaines sont échues depuis juin 1997, d'autres, depuis avril 1997.
Est-ce que ce sont des travailleurs à haut salaire? Non. Ce sont des travailleurs qui peuvent facilement avoir 25 ans d'ancienneté et un salaire moyen de 30 000 $. Ce sont des pères et des mères de famille. Ce ne sont pas des personnes dont on pourrait dire: «Ce sont des travailleurs de l'État qui étouffent les citoyens.» Non. Ce sont, pour la plupart, des cols bleus qui travaillent fort, qui ont des emplois de responsabilité.
Certains, comme ceux qui étaient à la Défense nationale et qui ont été relocalisés, ont pu se retrouver dans une région où le salaire était plus bas que dans leur région de départ. Il faut souligner que non seulement les travailleurs n'ont pas eu d'augmentation depuis six ans, mais que ces travailleurs—et à notre connaissance, ce sont les seuls dans la fonction publique, ce n'est pas le cas des députés et des juges, me semble-t-il—n'ont pas le même salaire selon la région où ils travaillent.
Plus on s'en va vers l'Ouest, plus les salaires sont élevés, et plus on s'en vient vers l'Est, moins les salaires sont élevés, et l'écart peut aller jusqu'à trois dollars de l'heure. Alors, quand, pour plusieurs, le salaire horaire tourne autour de 14 $, si on a trois dollars de plus ou de moins, ça fait une énorme différence.
Les travailleurs qui sont soumis à la Loi sur la fonction publique aimeraient bien être couverts par le Code canadien du travail. Pourquoi? Parce que le régime de services essentiels n'est pas le même. De quoi se plaint-on dans cette Chambre? C'est que les travailleurs, en utilisant leur droit de grève légale, peuvent, par rapport à des services essentiels, ne pas faire ce qu'on attendrait d'eux. Mais sait-on que dans cette Loi sur la fonction publique, il n'y a pas ce même type de négociation sur les services essentiels et de prise en charge des services essentiels qui existent dans le Code canadien du travail depuis peu.
Je me souviens du temps de la grève du rail, et ces dispositions sur les services essentiels n'existaient pas. Mais désormais, ils existent. Or, ils n'existent pas dans le cas qui nous occupe.
Il y a un autre fait très troublant, c'est que le gouvernement a suspendu, pour cette négociation, le droit de ces travailleurs à l'arbitrage. Ce ne sont pas tous les travailleurs dans notre société qui estiment que c'est un droit d'avoir la possibilité de l'arbitrage obligatoire, mais c'est le cas dans la fonction publique.
Pourquoi aurait-on suspendu l'application de cette possibilité d'arbitrage obligatoire? Le fait que ces travailleurs, dont les fonctions peuvent être comparées à d'autres de nature comparable, n'ont pas eu d'augmentation depuis six ans peut fort bien expliquer que le gouvernement fédéral ait jugé bon de ne pas les laisser soumettre leur cas à l'arbitrage. Pourquoi? Parce qu'ils auraient eu tort? Allons donc! Pourquoi alors? Parce qu'au contraire, ils auraient eu droit à des augmentations beaucoup plus importantes en vertu de l'arbitrage qu'à celles qu'on leur a offertes et que, dans un cas, on a eu l'outrecuidance de diminuer dans les offres.
J'ai de la difficulté à voir des manifestations de bonne foi dans la façon dont le gouvernement fédéral a agi, et j'ai d'autant plus de difficulté de voir cela quand je lis le projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux. Pour le groupe des travailleurs qui s'occupent des services de l'exploitation, les pompiers, les gens de la Défense, les gardes côtiers, et d'autres, je vois, sous «convention collective», des mots qui, franchement, me font éclater de colère à leur place.
Pour des travailleurs qui n'ont pas droit à l'arbitrage, le fait de négocier une convention collective est important.
Que lit-on dans cette loi? On lit ceci sous le sous-titre «convention collective», à l'article 7:
7.(1) Sur recommandation du Conseil du Trésor, le gouverneur en conseil peut, en prenant en compte les conventions collectives conclues par l'employeur à l'égard d'unités de négociation de la fonction publique depuis que la Loi sur la rémunération du secteur public a cessé de s'appliquer au régime de rémunération de ces unités [...]
[...] fixer:
a) les conditions d'emploi applicables aux fonctionnaires;
b) la durée d'application de ces conditions d'emploi.
Le gouvernement qui, d'après ce que je comprends, n'a pas négocié sérieusement, a refusé l'arbitrage obligatoire, dit: «Voilà, le gouverneur en conseil, qui connaît le bien du peuple, le gouverneur en conseil va décider.» On pourrait dire: «tenant lieu de convention collective». Non, on dit: «la convention collective».
On continue:
(2) Le gouverneur en conseil peut prévoir que des conditions d'emploi prennent effet et lient les parties à compter d'une date antérieure ou postérieure au début de la période fixée [...]
Voyons donc! C'est sûr, le gouverneur en conseil sait ce qui est bon pour le peuple.
(3) Les conditions d'emploi fixées au titre de l'alinéa (1)a) constituent une convention collective cadre applicable aux unités de négociation dont font partie les fonctionnaires visés à cet alinéa.
On répète la même chose pour les services correctionnels. Or, dans le cas des services correctionnels, dans leur régime de négociation où il y a une conciliation, ces syndiqués ont obtenu un rapport majoritaire. Qui est minoritaire? Le gouvernement.
Pourquoi le gouvernement ne donne-t-il pas suite au rapport majoritaire? Il se donne là-dedans les pouvoirs de faire autrement que ce que sa propre loi lui disait de faire. Il se donne les moyens d'aller à l'encontre du processus, non seulement légitime, mais légal.
Des voix: Oh, oh!
Mme Francine Lalonde: La vérité choque, monsieur le Président.
Pour ce qui est du groupe 2, ceux qui s'occupent des services de soutien ou d'exploitation, il n'y a pas eu de rapport majoritaire parce qu'il y a trois positions différentes. La négociation n'a pas vraiment eu lieu. L'esprit qui se dégage de ces rapports et de ces faits n'est pas un esprit propre à en arriver à des ententes.
Les rapports de force existent dans le secteur public et dans le secteur privé. En fait, ils doivent exister, parce que si, dans une négociation, une partie domine complètement l'autre, il n'y aura jamais de résultat équitable. On connaît cela dans la vie privée, on connaît cela dans nos rapports avec les citoyens, quelque part, il faut qu'il y ait un équilibre.
Ces travailleurs ont pris les moyens à leur portée, pas des moyens illégaux, ils ont pris des moyens légaux. Ils ne les ont pas pris d'une façon outrancière, même si une grève générale illimitée n'est pas outrancière, mais dans ce cas-là, ils ne l'ont pas pris. C'est une grève tournante. Ils ont pris les moyens qui sont les leurs en vertu de la loi.
C'est à cause de cela qu'on arrive avec ce projet de loi spécial qui, en plus, doit être examiné dans une limite de temps. C'est proprement honteux pour cette Chambre qui en a bien vu d'autres, pour cette Chambre qui a vu l'arrogance de ce gouvernement dans d'autres dossiers, l'arrogance souvent avec les provinces. Cet esprit qui assure qu'on sait tout ce qui est bien pour les autres et qu'on s'assure de le faire à leur place ou, comme on dit parfois en québécois, «il sait ce qu'est notre bien et il s'arrange pour l'avoir».
La meilleure preuve additionnelle que le gouvernement là-dedans n'a pas les mains blanches, c'est que dans le projet de loi, il inclut des travailleurs qui ont annoncé qu'ils feraient la grève, c'est-à-dire les agents des services correctionnels fédéraux. C'est assez spécial. On a un projet de loi spécial qui est supposé corriger quelque chose d'excessif, quelque chose qui n'a pas de bon sens—or, j'ai dit tantôt que c'est une grève légale—et là, il y a des gens qui ne sont pas encore en grève, mais qu'on oblige à rentrer avant d'être en grève.
Cela veut dire en réalité que ce qui est mis à mal dans cette procédure, c'est la négociation elle-même. Mais bien plus profondément que cela, c'est le rapport entre l'État, qui est un employeur, et ses travailleurs et travailleuses auxquels il envoie un message de mépris.
Ainsi, l'État fédéral pense s'assurer la fidélité et le service loyal auquel les citoyens ont droit. Ils n'ont pas pensé plus loin que leur nez. Il y a, en tout cas, apparence de justice dans cette volonté, après six ans sans augmentation de salaire, dans une situation où certains subissent la vexation d'un salaire régional, alors que personne d'autre ne subit cette vexation dans leur entourage, ces travailleurs et travailleuses se sentent au bout de tout. Ils utilisent des moyens légaux, pas de façon excessive, et on les force à rentrer au travail de cette façon.
C'est d'une bien mauvaise inspiration, et cela ne promet pas des années tranquilles. J'ai enseigné les relations de travail, et les experts en relations de travail savent qu'il est toujours mieux, quand il y a un mécontentement réel et profond qui s'exprime, que les travailleurs ne doivent pas toujours avoir tout, mais qu'il faut négocier et arriver à un règlement. Autrement, il n'y aura pas de coeur à l'ouvrage ni de volonté d'aider, et c'est vrai dans le secteur privé ainsi que dans le secteur public. Aujourd'hui, le gouvernement a les moyens de faire autrement que ce gâchis.
Je regrette infiniment, encore une fois, que nous ayons à nous prononcer là-dessus, alors que tout est réuni pour donner le sentiment aux travailleurs et aux travailleuses qu'on ne leur accorde pas un traitement équitable, loin de là, et qu'on a à leur endroit que pur mépris.
[Traduction]
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les commentaires de la députée bloquiste. Je sais que l'agriculture revêt beaucoup d'importance au Québec. Je suis d'accord avec bon nombre de ses commentaires au sujet de la nécessité d'obtenir un traitement égal et équitable et de l'arrogance dont fait preuve le gouvernement libéral lorsqu'il traite de ces questions.
Les agriculteurs de l'Ouest vivent cette situation depuis plus de trois décennies. Au début des années 70, lorsqu'ils ont demandé au premier ministre de l'époque de les aider à commercialiser une partie de leur blé, celui-ci les a envoyés paître. Voilà à quel point l'agriculture préoccupait les libéraux.
Je me demande ce que ma collègue dirait aux agriculteurs qui sortent toujours perdants de ces grèves parce qu'ils doivent payer d'énormes frais de surestarie et qu'ils perdent des ventes. Cette année encore, alors qu'ils sont déjà aux prises avec une crise du revenu, on leur demandera de nouveau d'acquitter tous ces frais supplémentaires. Ils n'ont aucun recours. Ils sont sans défense. Ils doivent accepter ces pertes et ils ne peuvent compenser en demandant un prix plus élevé pour leur produit.
Quelle serait la réponse si on demandait d'aider ces céréaliculteurs de l'Ouest à cause des pertes subies à maintes et maintes reprises en raison de l'attitude arrogante du gouvernement à leur endroit?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Monsieur le Président, je vais commencer à répondre à mon collègue en rappelant la grève du rail.
Je m'en souviens bien, car j'étais porte-parole dans ce dossier; nous étions, à l'époque, l'opposition officielle. Je me souviens que ce n'était pas facile avec vous, de l'Ouest. Mais que disait-on à l'époque? Nous disions que le Code du travail est ainsi fait que ces travailleurs utilisent leur droit. Je disais alors en anglais:
[Traduction]
«Si l'économie canadienne ne permet pas d'appliquer le Code canadien du travail, alors il faut le changer.»
[Français]
Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu une réforme du Code. À ma connaissance, les travailleurs étaient d'accord avec ces dispositions. On s'est entendu sur des mécanismes de services essentiels.
Le problème avec cette Loi sur la fonction publique, c'est que les mêmes mécanismes n'existent pas. Je ne connais pas le fonctionnement précis et la raison spécifique du mécontentement de ces personnes. On nous dit qu'il s'agit de 70 travailleurs. Une chose dont je suis certaine, c'est qu'ils ne peuvent faire grève s'ils n'ont pas l'appui de beaucoup de personnes. Je me demande si cet appui ne vient pas justement du fait que, comme il y a longtemps qu'ils n'ont pas eu d'augmentation, avec le coût de la vie dans l'Ouest, les entreprises florissantes, est-ce qu'il n'y a pas un appui qui leur est donné?
S'il y avait une grogne, comme il y en a eu une, il y a quelques années, je serais portée à penser qu'on aurait trouvé des façons de faire pour que leur grève soit plus épisodique.
Je dis que ce n'est certainement pas en agissant maintenant comme on le fait qu'on va régler le problème pour la prochaine fois. Il ne pourra faire autrement que de revenir.
Faisons surtout attention à l'esprit des gens qui devront retourner au travail en ayant le sentiment que c'est injuste.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je félicite la députée de Mercier pour son exposé. Je pense que les députés du gouvernement auraient intérêt à aller relire ce discours.
Il y avait, dans ce discours, beaucoup d'éléments à l'effet que ce gouvernement n'a pas l'air d'apprendre beaucoup des erreurs du passé. La députée a parlé de la grève du rail. Effectivement, il y avait plusieurs éléments qu'on retrouve aujourd'hui dans le projet de loi spécial que le gouvernement voudrait voir débattre.
Encore plus grave, les enjeux, les écarts dans la négociation, les points en litige, cette fois-ci, sont peut-être moins grands qu'ils ne l'étaient dans le cas du chemin de fer. Est-ce qu'on n'est pas devant un gouvernement qui a paressé dans la négociation? Il a décidé cela, à cause de son rapport de force avec les employés de soutien, avec des gens qui réclament quelque chose. Selon moi, en termes de négociation—je parle comme ancien directeur de personnel—je peux dire que la question de l'échelle salariale territoriale, le fait que les salaires soient différents d'une province à l'autre ou d'une zone économique à l'autre, pourrait se régler à une table de négociations, normalement. C'est très étonnant que le gouvernement fédéral n'en soit pas venu à régler ce type de situation.
Finalement, je me demande si le gouvernement fédéral n'est pas en train d'hériter des problèmes qu'il a lui-même vu venir depuis longtemps. Il a fermé les yeux sur ces problèmes et aujourd'hui, il voudrait faire porter l'odieux de son inefficacité comme gouvernement sur les travailleurs. Et la recette est vieille comme le monde: on monte les uns contre les autres.
On dit que les agriculteurs sont pénalisés par cela, ainsi que les gens qui ne reçoivent pas leur rapport d'impôt. Pourquoi, à ce moment-là, laisserait-on ces travailleurs exercer leur droit de grève?
Dans le cas présent, je pense que le gouvernement aurait dû prévoir cela d'avance. Si ces travailleurs sont si importants et significatifs pour l'appareil gouvernemental, n'auraient-ils pas mérité une écoute plus grande à la table de négociation, ce qui leur aurait donné, en bout de ligne, une convention collective négociée et la chance d'avoir des relations de travail adéquates pour les années à venir?
Mme Francine Lalonde: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question, qui a des éléments de réponse. C'est en effet une question qu'on peut se poser de façon extrêmement légitime, à savoir comment il se fait que le gouvernement fédéral n'ait pas vu venir cela?
Posons-nous peut-être la question autrement. Peut-être a-t-il vu venir la grève, et que de toute façon, c'est ce qu'il voulait, c'était ce règlement autoritaire qui ne règle pas les problèmes. La réponse, on peut l'inférer de la question, compte tenu que s'il en avait vu d'avance l'importance, il me semble que ça allait de soi, il aurait fait attention à négocier de façon sérieuse avec les travailleurs et travailleuses concernés.
Également, il est vrai que le gouvernement s'est mis dans cette situation avec la Loi sur la fonction publique qui ne comporte pas des dispositions de services essentiels. Il s'est mis dans la même situation dans laquelle il était plongé avec la grève dans le secteur privé, quand il n'y avait pas les dispositions qu'il y a maintenant dans le Code canadien du travail.
Mais il n'a qu'à se battre la coulpe, parce que c'est lui qui est le maître des lois et qui aurait pu voir venir cela. Il pourrait écouter l'Alliance de la fonction publique, qui souhaiterait bien ne plus être assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais plutôt au Code canadien du travail.
[Traduction]
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat et de le faire à la suite du député de Winnipeg-Nord, qui vient de tenir un discours très convaincant et très complet sur les faiblesses de cette odieuse et onéreuse mesure législative. Il l'a fait du point de vue des travailleurs. Pour ma part, je parlerai d'abord de l'impact sur les producteurs et de la situation dans lesquelles ils se trouvent.
La grève des syndiqués de la table numéro 2 de l'Alliance de la fonction publique du Canada dure depuis environ deux mois. Il s'agit de grèves tournantes. C'est la deuxième fois que les 70 peseurs de grain manifestent avec des pancartes devant sept terminaux céréaliers sur la côte ouest.
Le dernier piquet de grève, qui dure depuis environ six jours, a provoqué de nombreux éclats de la part des députés de l'autre côté et donné lieu à la mesure législative antidémocratique dont nous sommes saisis. Le gouvernement a décidé de faire quelque chose afin de régler le problème du grain. Mais quand j'entends parler du retard accusé dans le traitement d'un million de déclarations d'impôt sur le revenu et que les ministériels versent des larmes de crocodile pour les pauvres contribuables qui vont devoir attendre leur remboursement d'impôts, je soupçonne que le gouvernement se préoccupe plutôt de ses coffres qui ne se remplissent pas assez vite à son gré.
Pour les gens qui ne sont pas des Prairies ou qui ne connaissent rien à l'agriculture, l'histoire du transport du grain des Prairies à la côte ouest a quelque chose de byzantin, voire d'indescriptible.
Je voudrais prendre une minute pour expliquer ce qui se passe à cet égard. L'agriculteur produit le grain et l'ensile à la ferme. On pourrait croire que c'est acceptable, puisqu'il est responsable du grain tant qu'il se trouve à la ferme. Puis, le grain est expédié par camion à l'élévateur primaire ou, plus vraisemblablement, à l'élévateur de tête de ligne de l'intérieur. On pourrait croire qu'alors, ce sont les transporteurs ou les exploitants des élévateurs qui deviennent responsables du grain, mais ce n'est pas le cas. C'est encore le producteur qui serait responsable dans l'éventualité de pertes survenant après l'arrivée du grain à l'élévateur.
Ensuite, le grain est expédié par train vers la côte ouest ou vers Thunder Bay. Là encore, on pourrait croire que le céréaliculteur n'est plus responsable du grain puisqu'il ne contrôle plus ce qu'il en advient, et que la responsabilité doit en incomber au Canadien national, au Canadien Pacifique ou à Omnitrax. Erreur. C'est encore le producteur qui est responsable du grain. Si quoi que ce soit arrive, c'est à lui d'assumer les frais de stationnement, surestaries ou dommages éventuels.
Il cesse d'être responsable une fois que le grain a été chargé sur les navires, même s'il a cessé de pouvoir en rendre compte ou corriger d'éventuels problèmes quand le grain a quitté sa ferme, peut-être deux mois plus tôt. Le système est nettement à refaire.
Selon le rapport Estey, présenté en décembre et auquel le gouvernement n'a toujours pas donné suite, il est essentiel d'améliorer la reddition de comptes et de mieux responsabiliser les intervenants du système. Mon caucus et moi avons nombre de réserves à l'égard du rapport Estey, mais nous ne trouvons certainement rien à redire sur ce point. Nous croyons que les observations de M. Estey sur la reddition de comptes et la responsabilisation sont extrêmement importantes.
Les temps sont durs pour les agriculteurs des Prairies. En décembre, le gouvernement a annoncé son programme ACRA, Aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Les agriculteurs n'ont pas tardé à donner d'autres acronymes à ce programme. Il n'aide pas beaucoup d'agriculteurs de notre région. Je n'ai pas encore rencontré un agriculteur qui en dit des merveilles.
La grève des peseurs de grain, c'est la goutte qui a fait déborder le vase. Bon nombre d'agriculteurs de là-bas estiment qu'il faut mettre fin à cet arrêt de travail parce qu'ils sont déjà au bord du gouffre. Comme l'autre orateur l'a mentionné, les semaines de printemps approchent à grands pas. C'est le désespoir muet, et peut-être pas si muet que ça, au sein de nos familles agricoles.
Par ailleurs, de nombreux agriculteurs se rendent compte que la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui sera et est foncièrement injuste. Ils reconnaissent implicitement que le gouvernement joue les agriculteurs contre les travailleurs. Au bout de compte, personne n'y gagnera.
En ce qui concerne les négociateurs de la table no 2, je voudrais lire publiquement des extraits d'une lettre que j'ai reçue le 19 mars d'un membre de la table no 2, qui travaille au 15 Wing à Moose Jaw, dans la circonscription de Palliser. La lettre dit notamment ceci:
Je suis un employé loyal du gouvernement fédéral du Canada depuis plus de vingt ans et un membre de l'Alliance de la Fonction publique du Canada. En tant qu'employé représenté aux négociations de la table no 2 entre l'AFPC et le Conseil du Trésor, je me sens tenu d'apporter quelques précisions et j'espère que les documents ci-joints jetteront un peu de lumière sur les «enjeux réels».
La lettre fait allusion au fait que le président du Conseil du Trésor a déclaré que le gouvernement avait accepté un rapport d'une commission de conciliation alors qu'aux termes de la Loi sur les relations de travail, la commission de conciliation doit avoir le consentement des parties pour accréditer un rapport.
L'auteur de cette lettre affirme que dans le cas de la table 2 de négociation, il n'y avait pas d'entente entre les trois membres de la commission de conciliation et que le rapport est donc invalide. La lettre signale également que le président du Conseil du Trésor avait aussi déclaré que malheureusement, à ce stade-ci, le syndicat faisait des demandes excessives pour lesquelles les contribuables canadiens ne voulaient pas payer. Il a annexé certaines données montrant qu'on a déjà réglé avec environ 80 à 85 p. 100 des employés du gouvernement fédéral et que les demandes de la table 2 ne sont absolument pas démesurées.
Son troisième et dernier point, c'est qu'un examen des taux comparables pratiqués sur le marché a montré que les fonctionnaires en Saskatchewan gagnent en moyenne 70 p. 100 des salaires consentis sur le marché local. Il écrit qu'il est clair que, non seulement en tant que fonctionnaires, mais en tant qu'habitants de la Saskatchewan, ils sont traités comme les parents pauvres du Canada.
Il termine sa lettre en nous exhortant à intercéder pour que le Conseil du Trésor revienne à la table des négociations. Il demande pourquoi le Conseil du Trésor en est arrivé à des ententes raisonnables avec d'autres groupes mais pas avec le sien. Il ajoute que son groupe mérite d'être traité de façon juste et équitable. Notre caucus partage tout à fait les sentiments exprimés par cet homme des Prairies.
Il y a également une lettre venant d'un député de la Nouvelle-Écosse. Je voudrais m'arrêter sur les taux régionaux de rémunération. Cette lettre signale que les taux régionaux de rémunération sont discriminatoires à l'égard d'à peu près 1 500 cols bleus de la région de l'Atlantique et environ 11 000 cols bleus membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada dans tout le Canada.
Selon cette lettre, 97 p. 100 des employés fédéraux touchent des taux nationaux de rémunération. À peine 3 p. 100 ne touchent pas des taux nationaux de rémunération.
Selon cette lettre, les employés de la région du Canada Atlantique sont les moins bien payés au pays. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor affirment régulièrement, tant à la Chambre que dans les médias, qu'on ne peut accorder les taux de paie régionaux aux cols bleus. Ils affirment que cette politique est en vigueur depuis 1922 et qu'au moment où elle a été adoptée, elle était basée sur une comparaison avec les taux régionaux payés par les entreprises privées. Ils affirment que l'on ne peut faire disparaître ces taux de paie régionaux à cause des différences au niveau du coût de la vie selon les régions.
Cela était peut-être vrai il y a soixante-dix ans et la situation est probablement restée longtemps la même. Toutefois, au cours des vingt dernières années, les taux régionaux de paie ont été fusionnés dans le but de tenter de les éliminer graduellement, et ces taux ne reflètent plus vraiment les tendances régionales des marchés. La question demeure toutefois. Si les taux régionaux étaient reliés au coût de la vie, pourquoi la politique ne s'applique-t-elle qu'à 3 p. 100 des employés du gouvernement fédéral et non pas aux 97 p. 100 qui restent?
Dans cette même optique, dans une lettre transmise au gouvernement fédéral, le ministre du Travail de la Nouvelle-Écosse, M. MacKinnon, a écrit à son homologue libéral: «Les employés de la Nouvelle-Écosse accomplissent à notre avis un travail d'aussi bonne qualité et d'aussi grande importance que ceux des autres provinces. Il ne serait que justice de songer à accorder la parité à tous les employés du gouvernement du Canada, quelle que soit leur classification.»
M. Chisholm, qu'un grand nombre d'entre nous espèrent qu'il deviendra le prochain premier ministre de la Nouvelle-Écosse, a écrit: «Les employés provinciaux qui occupent des postes semblables gagnent déjà des revenus supérieurs aux employés qui sont touchés par les taux de traitement régionaux. Lorsque 97 p. 100 des employés fédéraux bénéficient déjà de taux de rémunération uniformes, accorder les mêmes taux aux 3 p. 100 qui restent n'entraînerait certes pas des pressions inflationnistes imprévues.»
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles notre parti demeure foncièrement opposés au projet de loi dont nous sommes saisis cet après-midi et que nous débattrons au cours des prochains jours.
À la fin de sa lettre, cet homme de Halifax a écrit: «Les politiques du gouvernement fédéral sur les taux de traitement régionaux sont discriminatoires à l'endroit des travailleurs manuels. Les tactiques de négociation du Conseil du Trésor nuisent aux services publics au Canada. Alain Jolicoeur, qui est gestionnaire au Conseil du Trésor, a laissé entendre aux médias, à Ottawa, que, si nous n'étions pas contents de nos salaires, nous aurions pu démissionner, faisant totalement abstraction de notre situation économique réelle en tant que salariés modestes, ainsi que de notre engagement à servir la population canadienne. Le gouvernement nous a traités comme si nous étions complètement inutiles et jetables.»
Il s'agit là de salariés modestes. Je crois qu'il est juste de dire qu'un salaire moyen d'environ 26 000 $ est loin de constituer une somme fabuleuse. Comme mon collègue de Winnipeg-Centre l'a fait remarquer dans ses observations, l'échelle salariale ne se compare pas à celles qui ont cours dans le secteur privé en Saskatchewan, voire en Nouvelle-Écosse.
En terminant, je dirai qu'à mon avis, si le gouvernement avait négocié de bonne foi, cette situation des grèves tournantes aurait pris fin en un jour. Il faut souligner que les fonctionnaires membres de l'Alliance de la Fonction publique du Canada n'ont pas eu la moindre augmentation depuis environ sept ans. On m'a même signalé plus tôt que certains groupes, quoique pas tous les groupes visés à la table 2, avaient fait l'objet de règlements imposés. Cela fait donc 15 ans que ces fonctionnaires n'ont pas eu droit à une augmentation significative. Ils ne demandent pourtant pas la lune. Ils demandent une hausse salariale qui représentera au moins 3 p. 100 par an.
Nous sommes d'avis que cette grève est entièrement et totalement la responsabilité du gouvernement. En même temps, comme on l'a fait remarquer au cours de la période des questions aujourd'hui, ce sont les agriculteurs qui sont perdants dans cette affaire. Les retards dans le transport du grain se répercutent des silos sur la côte ouest jusqu'aux exploitations agricoles de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta.
Pendant que nous débattons ce projet de loi, il faut souligner que les grévistes sont de retour au travail aujourd'hui. Le gouvernement aurait dû profiter de l'occasion vendredi matin, quand les lignes de piquetage ont été démantelées, pour retourner à la table des négociations et arriver à un règlement complet et définitif au cours du week-end.
Compte tenu de sa maladresse et de la façon lamentable dont il gère ce dossier, le gouvernement devrait payer les agriculteurs canadiens pour les pertes qu'ils subissent par sa faute.
AVIS DE MOTION DE CLÔTURE
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
Conformément à l'article 57 du Règlement, je donne avis que, à la prochaine séance de la Chambre, avant l'appel de l'ordre du jour portant reprise du débat sur la motion, l'initiative ministérielle no 21 et tout amendement s'y rapportant, je proposerai que le débat ne soit plus ajourné.
AFFAIRE ÉMANANT DU GOUVERNEMENT NO 21
M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question assez simple et directe pour le député. Le député voit-il une raison quelconque, concrètement ou pour des raisons de droit, qui aurait empêché le gouvernement de présenter un projet de loi visant à assurer le maintien du transport du grain, pour le bénéfice de l'économie de l'Ouest, sans que cela n'engage des milliers d'autres travailleurs syndiqués qui n'ont absolument rien à voir avec la crise qui est la principale raison du débat d'aujourd'hui?
M. Dick Proctor: Monsieur le Président, je remercie le député de Cypress Hills—Grasslands de poser la question.
Ce qu'avance le député a un certain mérite. Pour faire cela, toutefois, il aurait fallu que le gouvernement fasse relever les 70 peseurs des grains du Code canadien du travail au lieu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dont ils relèvent à l'heure actuelle.
La question la plus importante a été soulevée par mon collègue, le député de Winnipeg-Centre, lorsqu'il a parlé du nombre de personnes visées. En fait, je me rappelle très bien que le député avait dit que les gardiens de prison n'étaient pas visés parce qu'ils assurent des services essentiels, mais on les a néanmoins fait relever du cadre de référence de cette mesure législative universelle.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, le député de Palliser a parlé des répercussions sur les agriculteurs et le commerce des céréales. Je voudrais lui faire part de ce qui vient de se produire dans les couloirs. J'ai reçu un appel du chef du syndicat des manutentionnaires de grain, qui s'intéresse vivement au débat en cours. Je voudrais relater au député de Palliser ce qu'il m'a dit.
Il a déploré le fait que le gouvernement a recours à la légère et très facilement aux lois de retour au travail. Le syndicat des manutentionnaires de grain pense à la prochaine fois où il négociera et au sort qui sera alors réservé à ses membres. Vont-ils se voir imposer une loi de retour au travail?
Leur syndicat a proposé une idée très novatrice, et je voudrais que le député de Palliser y réfléchisse. Au lieu de faire la grève et de se voir imposer une loi de retour au travail, ils envisagent d'accepter une réduction salariale de 30 p. 100 et de demander aux entreprises d'accepter elles aussi une réduction de 30 p. 100 de leurs bénéfices pendant que les négociations sont dans une impasse. Cet argent serait versé dans un fonds commun et serait remis aux agriculteurs, afin de compenser leurs coûts et leurs frais de surestaries.
Cela semble une solution vraiment intelligente et sensée en cas d'impasse. Si aucun progrès n'était accompli au cours des deux semaines suivantes, les deux parties accepteraient une autre baisse de 20 p. 100, ce qui porterait la réduction à 50 p. 100, et elle souffriraient ainsi également pour assumer une part des difficultés et des inconvénients causés au milieu agricole.
J'aimerais que le député nous dise ce qu'il pense de solutions novatrices comme celle que propose le mouvement syndical.
M. Dick Proctor: Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. Lorsqu'il a parlé d'une réduction de 70 p. 100, j'ai cru qu'il faisait allusion au programme AIDA qui prévoit un seuil de 70 p. 100.
C'est là le genre de solution créative qui pourrait peut-être fonctionner et mettre ces choses en perspective et entraîner une solution rapide des problèmes patronaux-syndicaux.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je vois l'heure avancer, et je pense que je vais peut-être manquer de temps, mais je vous promets que je serai ici demain matin pour poursuivre le débat.
Aujourd'hui, on discute de quelque chose de fort important pour les travailleurs. J'espère d'ailleurs qu'il y a beaucoup de travailleurs et de travailleuses, à l'heure actuelle, qui regardent le canal parlementaire.
Je pense que ces gens vont finalement découvrir ce qui se cache derrière le masque libéral. Ces libéraux sont toujours en train de dire: «Nous, on défend les intérêts communs. Nous, on essaie de faire en sorte de régulariser l'économie.» Mais aux dépens de qui est-ce que cela se fait? C'est aux dépens des travailleurs.
Moi, j'accuse les libéraux de continuer leur croisade contre les travailleurs et les travailleuses de ce pays, et ceux du Québec. Beaucoup de gens du Québec sont victimes de ce projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Et je trouve que c'est inacceptable.
Il faut que les gens comprennent ce qui se cache derrière le masque des libéraux, et j'ai l'intention de prendre une vingtaine de minutes pour essayer de le décrire.
Ce que je veux dire, c'est que ce gouvernement libéral voulait la grève. Ce gouvernement libéral a eu la grève de ses employés. Maintenant, ce gouvernement libéral veut casser la grève des employés. Tout cela, de façon intentionnelle. Ce n'est pas arrivé comme ça. Ces gens réclament des hausses de salaire depuis belle lurette.
Certains de mes collègues en ont parlé, depuis six ans, ces gens n'ont eu aucune augmentation de salaire. Depuis deux ans, le gouvernement aurait pu régler la question sur le fond, mais ce n'est pas ce qu'il a décidé de faire. On a décidé d'attendre à l'extrême limite. Aujourd'hui, ils se lèvent en disant: «On va défendre l'économie du Canada et du Québec. On va faire en sorte d'y mettre fin.» Mais c'est eux qui l'ont voulu.
Il m'apparaît important de dire d'où je viens. J'ai été syndicaliste à la CSN pendant 20 ans, avant de venir en politique. J'ai déjà connu ce qu'était un État employeur. L'État employeur, ce sont les libéraux. C'est eux qui s'assoient à la table, c'est eux qui négocient. Quand ça ne va pas, c'est eux qui légifèrent.
Imaginez le pouvoir, le levier qu'ils ont entre les mains. Ils ont juste à se retirer des tables de négociation, ils ont juste à faire des offres en-dessous de ce que demandent les employés et, finalement, ils vont dire que les employés n'acceptent pas nos offres. Les employés ont un droit de grève qu'ils vont prendre, le gouvernement sait tout cela.
Une fois que le droit de grève est exercé, le gouvernement arrive maintenant avec un projet de loi spécial.
C'est inique, c'est cynique et c'est machiavélique. Voilà comme il est, ce gouvernement. Ce n'est pas la première fois qu'il nous en donne la preuve. On l'a vu avec les travailleurs des Postes, ceux des rails, et maintenant, c'est avec des tables spécifiques, les plus bas salariés de la fonction publique fédérale. C'est eux qui sont victimes de ce gouvernement qui impose un projet de loi spécial de retour au travail.
Ce n'est pas uniquement parce que je suis un ancien syndicaliste que je dis cela. Quand on devient député, on a des gens à représenter. Chez nous, il y a une base militaire de 400 à 500 personnes qui vont être victimes de cette loi de retour au travail. Combien cela représente-t-il d'argent perdu pour mon comté? Une somme assez importante, je pense. Le fait que le gouvernement n'ait pas voulu ajuster ces salaires représente aussi un manque à gagner, depuis plusieurs années.
Non seulement le gouvernement libéral a fermé le collège militaire dans mon comté, où on a un manque à gagner de 32 millions de dollars par année, mais maintenant, on doit faire avec une loi spéciale où le gouvernement décide que c'en est assez. Le Canada est supposément en train de tomber, alors que c'est le gouvernement lui-même qui a amené les travailleurs et les travailleuses de la fonction publique fédérale, de la table no 2 et de la table no 4, à exercer un droit qui leur revient.
Peut-être que c'est la véritable question de fond qu'il faudrait régler une fois pour toutes avec ce gouvernement. Est-ce que le droit de grève existe encore au Canada en vertu du Code fédéral? Est-ce qu'on y a droit? Est-ce que les employés ont le droit, légalement, de dire: «Ça suffit avec les offres du gouvernement, ça suffit avec la longueur des débats, la longueur des négociations, on décide de faire une grève légale»?
De la façon dont cela se passe actuellement, c'est un écran de fumée, parce qu'aussitôt que les travailleurs commencent à exercer leur droit, le gouvernement leur dit: «Vous n'avez pas le droit d'exercer votre droit de grève, parce que vous menacez l'économie.» C'est souvent comme cela. Ils ont agi ainsi dans la grève du rail, dans la grève des Postes, et maintenant, avec la grève des tables 2 et 4 de la fonction publique fédérale.
Il n'y a pas que cela qu'il faut noter dans l'historique du gouvernement libéral avec la mauvaise défense et même, je dirais, la persécution qu'il exerce envers les travailleurs. Je regarde ce qui se passe également du côté de l'équité salariale. Cela fait combien de temps que les employées de la fonction publique exigent qu'on puisse mettre de l'avant une équité salariale pour faire en sorte que lorsqu'elles travaillent, elles soient rémunérées de façon correcte? Les travailleurs de la fonction publique et beaucoup de gens dans l'opinion publique, comme moi, pensent que ces femmes devraient être compensées et rémunérées équitablement. Mais pas ce gouvernement.
Ce à quoi on assiste depuis un bout de temps, c'est à la même chose. On va attendre qu'il y ait une décision qui soit rendue dans une autre cause avant de s'ajuster. Si la décision favorise le gouvernement, il va dire: «Je vais l'appliquer.» Si elle défavorise le gouvernement, il va dire: «Je vais l'ignorer, et on va faire notre propre démarche.»
Ce gouvernement a tardé très longtemps avant de régler la question de l'équité salariale dans la fonction publique fédérale. J'espère que les gens qui nous regardent ce soir à la télévision vont s'en rappeler, parce que la plupart de ces gens reviennent de travailler. Ces gens paient des taxes et des impôts pour faire en sorte que le gouvernement du Canada, ceux de tout le pays, comme celui du Québec, puissent continuer de fonctionner.
Mais ce n'est pas ce que ce gouvernement fait. Il s'attaque aux travailleurs et aux travailleuses. Si on regarde encore une fois les impacts que cela occasionne dans un comté, comme celui de Saint-Jean, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas négligeables. On a calculé qu'environ deux millions de dollars par année sont perdus dans le seul comté de Saint-Jean, parce que le gouvernement a tardé à régler la question de l'équité salariale.
Là-dessus, je pense que les travailleurs devraient se faire à l'idée que voter pour un gouvernement libéral, c'est voter contre les travailleurs et travailleuses. Je pense qu'au Québec, il y a beaucoup de gens qui ont compris cela. Qui défend vraiment les travailleurs et les travailleuses dans cette enceinte? Qui va s'opposer à des projets de loi spéciaux dont ces travailleurs et ces travailleuses sont victimes? Le Bloc québécois s'est toujours tenu debout pour ces travailleurs et travailleuses.
C'est une des raisons pour lesquelles le Bloc québécois a une très bonne popularité au Québec. C'est sûr que les millionnaires, les banques et les compagnies d'assurance qui brassent des milliards de dollars ne donnent pas un seul cent dans la caisse du Bloc québécois, parce qu'on a un financement populaire. On ne veut pas avoir les mains liées.
C'est sûr que ces gens, quand vient le temps de faire un X dans l'isoloir pour le Bloc québécois, ils hésitent. Mais les travailleurs et les travailleuses, par exemple, sont capables de reconnaître qui peut se tenir debout dans cette enceinte pour les défendre efficacement.
Je vous donne un autre exemple: la caisse de l'assurance-emploi. Qui paie pour la caisse de l'assurance-emploi? Des gens vont me dire que les employeurs en paient une partie, on en convient. Mais les travailleurs en paient une grosse partie. Et avec tout ce qui est modifié à la caisse de l'assurance-emploi, tout ce qui est modifié dans cette loi depuis qu'elle est en application, qui a été favorisé? Le gouvernement impose, à mon avis, une taxe indirecte. Les travailleurs paient toutes les semaines.
Chez nous, il y a des travailleurs qui, pendant 25 ou 30 ans, ont payé de l'assurance-emploi. Lors de la tempête de verglas, entre autres, on a demandé au gouvernement d'être plus flexible, parce que les gens avaient besoin d'argent, les travailleurs avaient besoin d'argent pour faire face à un sinistre majeur et ce gouvernement a dit non.
Ce gouvernement continue de dire non aux travailleurs, pas seulement à ceux qui sont victimes de sinistre. Que l'on regarde de quelle façon est rédigée la loi. Là-dessus mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques fait un excellent travail, justement pour essayer de corriger l'ensemble de ces iniquités.
Malheureusement, le gouvernement reste sourd, cumule des milliards de dollars dans la caisse, règle son déficit. Pendant ce temps, les grandes compagnies continuent de faire la belle vie au Canada. Ce sont les travailleurs qui voient leurs conditions salariales et leurs conditions de vie se dégrader continuellement. Ce n'est pas pour rien si on dit que ce gouvernement libéral s'en prend aux travailleurs. C'est une autre preuve assez flagrante, à mon avis.
Une autre chose s'est produite dernièrement, il y a quelques semaines, en fait.
Il y a quelques années, j'ai déposé un dossier important à la Chambre, le dossier des employés de la Singer. Je me suis fait dire pendant deux ans, après je ne sais combien de questions: «Non, le gouvernement s'en lave les mains», alors que dans le contrat, c'était spécifié que ce gouvernement était fiduciaire, qu'il était le chien de garde du fonds et de la caisse.
Ils ont permis à la compagnie Singer de prendre des congés de prime, en se payant avec les surplus de la caisse. Aujourd'hui, les travailleurs de la Singer qui ont, je le rappelle, une moyenne d'âge de 83 ans, dont mon père qui y a travaillé pendant 45 ans, se retrouvent avec une pension mensuelle qui varie entre 20 $ et 50 $. On a dit au gouvernement: «Écoutez, cela n'a pas de bon sens. Vous étiez le gardien du fonds. Pourquoi avez-vous permis à la compagnie Singer d'aller piger dans ce fonds?»
Si on annualise l'ensemble du fonds, ce qui a été pris dans ce fonds en 1962 jusqu'à aujourd'hui, avec les intérêts accumulés, on arrive à une somme d'environ huit millions de dollars, ce qui pourrait avantager beaucoup plus les retraités de la Singer.
Mais le gouvernement, que prévoyait-il depuis deux ans? Il voyait grossir le surplus de la caisse des employés de la fonction publique. Du côté du gouvernement, on se préparait, en se disant qu'on allait piger dans le surplus. Le surplus n'appartient pas au gouvernement, contrairement à ce que dit souvent le président du Conseil du Trésor. Les travailleurs de la fonction publique ont versé de l'argent dans cette caisse.
Aujourd'hui, il y a un surplus. Il doit servir à bonifier un régime de retraite, pas à ce que le gouvernement aille s'en servir en disant: «Cela nous appartient maintenant. Les travailleurs, vous qui y avez cotisé pendant 10, 15, 20 ou 30 ans, maintenant qu'il y a des surplus, on est désolés, on continue de garder le régime tel qu'il est, mais nous, on pige dedans pour éponger notre déficit, ou on se sert de l'argent pour d'autres fins.» On se sert de l'argent pour d'autres causes que celle prévue par la loi, c'est-à-dire bonifier les régimes de retraite de ces employés.
Ce que j'ai constaté, c'est que les ex-travailleurs de la Singer ont probablement été les premières victimes des intentions de ce gouvernement d'aller piger dans la caisse de leurs propres employés. Le gouvernement n'aurait pas dit: «Le député de Saint-Jean avait raison, on va aider ces quelque 250 personnes dont la moyenne d'âge est de 83 ans aujourd'hui». Il n'aurait pas dit non plus: «On va les aider, on va bonifier», parce que cela mettait en péril son intention d'aller se servir et de faire mainmise sur les surplus de la caisse des employés de la fonction publique fédérale.
Pour les travailleurs qui nous écoutent aujourd'hui, il me semble que ce sont des exemples qu'il ne faut pas oublier. Faut-il s'interroger longtemps pour savoir de qui le Parti libéral se fait le défenseur? Défend-il les travailleurs, ceux qui paient la majorité des taxes et des impôts? Je pense que non. Ce qui s'est passé ici aujourd'hui est tout à fait déplorable, et on le sentait venir la semaine dernière, parce que j'avais des contacts avec des gens de la base militaire chez nous, lesquels ont des contacts avec leurs délégués syndicaux, et je leur disais: «Ça commence à sentir la loi spéciale à Ottawa.»
J'ai appris, par la suite, vendredi, qu'on avait fait deux tentatives pour essayer d'entamer le débat rapidement. Je pense que les travailleurs ont du flair, ils voyaient venir les choses. C'est sans compter de la façon dont on a traité ces travailleurs, parce que quand on est en grève, à ma connaissance, on a le droit de faire des lignes de piquetage et d'aller manifester devant des bureaux de députés ou de ministres.
D'ailleurs, soit dit en passant, les travailleurs qui viennent à mon bureau de comté le font pour me sensibiliser à leurs problèmes, pas pour manifester devant mon bureau. Ils gardent cela pour les députés libéraux, parce qu'ils savent que ce sont eux les principaux responsables de l'état dans lequel ils sont aujourd'hui, parce que, je le répète, ce gouvernement a voulu la grève, il a réussi à l'avoir et aujourd'hui, il veut l'écraser.
Il y a toute la question de la privatisation. Ne l'oublions pas, parce que c'est un sujet qui était à l'ordre du jour il y a moins d'un an. On veut donner à des agences le travail de plusieurs personnes à la Défense nationale et dans la fonction publique fédérale. On a vu, depuis quelques années, que le gouvernement a recours à des agences.
Dans le cas de la base militaire de Saint-Jean, tenez-vous bien: il y a des militaires qui ont 20 ans de service, des officiers qui prennent leur retraite, et ces officiers sont payés, ceux qui ont travaillé pendant 20 ans, leur pleine retraite. Le lendemain, ces gens fondent des compagnies et disent aux employés: «C'est dommage, mes chers amis, je suis prêt à vous réengager, mais pas avec un salaire de 12 $ ou 13 $ de l'heure, je vais être obligé de vous donner seulement 8 $ de l'heure.»
Ces officiers font ce qu'on appelle en langage commun du «double dipping». Ils reçoivent leur pleine pension d'officier de l'armée canadienne et démarrent une entreprise où ils font des profits en mettant la hache dans les conditions de travail et les conditions de vie des travailleurs.
Qu'est-ce qui est devant nous aujourd'hui? Quand je dis que cette grève est planifiée, c'est que le gouvernement rit des travailleurs en disant: «Il y a une loi spéciale qui s'en vient. Si vous n'acceptez pas nos offres, vous allez passer à côté, on va vous les imposer.» On profite de la loi spéciale, d'ailleurs, pour baisser les conditions et les offres qu'on avait faites aux travailleurs.
Mais ce n'est pas uniquement cela que le gouvernement a en tête, il a autre chose. Il dit à ces travailleurs: «Vous n'êtes pas spécialisés, n'importe qui peut faire votre travail. Alors, si vous n'acceptez pas nos offres, on vous impose une loi spéciale.» Aussi, on entend souvent dire que les employeurs disent aux employés: «Si vous n'êtes pas contents, démissionnez, quittez votre fonction», alors que ce sont les plus bas salariés de la fonction publique. On veut faire de l'argent avec eux en disant: «Si vous démissionnez tous, on va confier cela à l'entreprise privée, et nous allons faire encore plus d'argent.»
C'est pour cela que je dis que ce qui se passe ici aujourd'hui est vraiment inique et cynique. Le Bloc va se tenir debout, parce que c'est le seul parti jusqu'à maintenant, à ma connaissance, qui s'est tenu debout pour les travailleurs.
M. Ghislain Lebel: Vous ne vous trompez pas.
M. Claude Bachand: Mon collègue de Chambly dit que je ne me trompe pas.
Il y a des gens qui ont revêtu l'habit de la défense des travailleurs. Mais on est, et je le répète, le seul parti qui, dans le cas de la grève du rail, de la grève des Postes, et de la grève de la fonction publique fédérale qu'on a aujourd'hui, se sera tenu debout et qui sera allé jusqu'au bout du chemin, pour accompagner ces travailleurs. À mon avis, ils sont des victimes de premier ordre de ce gouvernement.
C'est le gouvernement libéral fédéral qui fait en sorte que ces gens soient obligés de faire la grève. Aujourd'hui, ils sont confrontés à un...
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Quand la Chambre reprendra le débat sur le sujet, le député de Saint-Jean disposera encore de deux minutes.
MOTION D'AJOURNEMENT
[Traduction]
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.
L'ENQUÊTE DE L'APEC
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole sur cette importante question aujourd'hui, la Commission des plaintes du public ayant repris ses audiences sur le fiasco de l'APEC.
Le 23 novembre 1998, j'ai demandé au premier ministre, durant la période des questions, quand le gouvernement ordonnerait la tenue d'une enquête judiciaire indépendante complète sur les problèmes de sécurité lors de la conférence de l'APEC, question qui était pertinente alors et qui l'est toujours. Étant donné que la Commission des plaintes du public n'a jamais eu le mandat en vertu de la Loi sur la GRC d'enquêter sur le cabinet du premier ministre, elle n'a jamais eu l'occasion de se pencher sur les allégations voulant que la GRC n'ait que suivi les ordres du gouvernement quand elle s'est servie de gaz poivré contre les manifestants en 1997.
Les actes embarrassants du gouvernement libéral et du solliciteur général de l'époque pour éviter une large responsabilité ont incité certaines personnes à demander la fin de l'enquête de la Commission des plaintes du public de la GRC. Par suite des démissions, de l'indignation et de la manipulation des médias, la commission est entrée en hibernation et n'est réapparue sous les feux de la rampe que récemment avec la nomination d'un nouveau président, Ted Hughes, un éminent et réputé juriste.
Depuis qu'il a été nommé par le premier ministre, M. Hughes a montré qu'il pouvait travailler de façon impartiale et juste. Il a déclaré qu'il irait là où les éléments de preuve le conduisent et qu'il obtiendrait les réponses à ces questions. Avec une telle attitude, il doit faire trembler de peur les libéraux parce que, comme il l'a déclaré, il n'écarte pas de citer le premier ministre à comparaître lors de son enquête.
Pendant la période des questions, en novembre, le premier ministre a répondu ceci à ma question: «les enquêteurs peuvent poser des questions sur tous les sujets qu'ils veulent et à qui ils veulent, non seulement au sein de la GRC, mais dans toute la bureaucratie, y compris à mon cabinet.» Je me demande si le premier ministre se sent dans ses petits souliers après avoir fait une telle déclaration maintenant que la commission n'est plus sa marionnette.
Qu'il s'agisse de la commission des plaintes du public ou de la construction d'un chemin d'accès à un chalet, le premier ministre aime bien que les choses se passent comme il le veut et que les gens en place décident de l'issue des questions lorsqu'il ne peut pas avoir ce qu'il désire. Cette fois-ci, cependant, le processus ne sera pas facile à manipuler. Les Canadiens s'interrogent encore sur le sens de la fameuse phrase que le solliciteur général a prononcé au cours de son non moins fameux vol d'avion, lorsqu'il a déclaré que Hughie porterait tout le blâme.
À quoi faut-il s'attendre maintenant? Puisque le gouvernement a ordonné à la GRC de chasser des épouvantails dans l'affaire des Airbus, lui fera-t-il encore porter le blâme pour les décisions du cabinet du premier ministre qui ont conduit au scandale de l'APEC? J'espère que la dernière mouture de la Commission des plaintes du public contre la GRC aura le mandat d'examiner ce qui s'est passé à la suite des directives émanant du cabinet du premier ministre, si on finit par savoir le fin mot de l'histoire, et d'examiner aussi la façon dont la GRC a traité les manifestants.
Comme je l'ai mentionné, je crois avec un optimisme réservé à la possibilité que la commission sera en mesure de rédiger un rapport apportant des réponses à ces importantes questions. Cela étant dit, j'ai espoir que la commission des plaintes du public réussira à faire une proposition concernant l'attribution d'un montant approprié aux étudiants protestataires mêlés au scandale de l'APEC.
Les Canadiens méritent que l'on réponde à ces questions. La commission ayant repris ses travaux à temps plein et se penchant sur ces questions soulevées par des avocats comme Cameron Ward au nom des protestataires qui témoignent actuellement, nous espérons que ces réponses seront étudiées attentivement par le gouvernement. Il y a ici peut-être une possibilité d'atténuer une partie de la perte de crédibilité attribuable aux événements de Vancouver.
Monsieur le Président étant un très ardent défenseur des droits de la personne et ayant toujours eu à coeur que le gouvernement fasse preuve de transparence et d'ouverture, je suis sûr qu'il conviendra qu'il s'agit là pour le gouvernement d'une excellente occasion de bien faire les choses pour une fois, d'une occasion de permettre au grand public de prendre connaissance de ce qui se trouve derrières certains rouages internes du gouvernement.
Je remercie la Chambre d'avoir manifesté beaucoup d'indulgence à mon égard et j'attends avec impatience la réponse du gouvernement.
[Français]
M. Jacques Saada (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son intervention.
Certains députés de l'opposition demandent depuis un certain temps de mettre fin à l'audience de la Commission des plaintes du public contre la GRC et d'y substituer une commission d'enquête judiciaire. Une telle demande témoigne d'un manque de connaissance du mandat et des pouvoirs de la Commission. Simplement, il n'appartient pas au gouvernement fédéral de mettre un terme à l'audience de ce tribunal administratif indépendant. Je répète: il n'appartient pas au gouvernement de faire cela.
Créée par le Parlement, la Commission des plaintes du public contre la GRC est un mécanisme impartial et indépendant auquel les Canadiens ordinaires peuvent adresser des plaintes au sujet de la conduite des membres de la GRC. La Commission a décidé de tenir une audience à la suite des plaintes formulées à propos de la conduite des membres de la GRC au moment de la conférence de l'APEC à Vancouver.
La Commission a établi les paramètres de l'audience. En décembre 1998, la Commission a désigné M. Ted Hughes, un juriste expérimenté et très respecté, pour entendre le témoignage de tous les plaignants. La CPP rédigera un rapport à la fin de l'audience et fera connaître les conclusions et les recommandations du comité. Elle fera parvenir ce rapport à tous les plaignants, au solliciteur général et au commissaire de la GRC.
Permettez-moi de revenir au mandat du commissaire de la CPP qui examine les plaintes portant sur la conduite d'agents de la GRC lors des manifestations qui ont eu lieu à cette conférence de l'APEC.
En fait, comme le premier ministre l'a répété à maintes reprises, ici même à la Chambre, M. Hughes est investi d'un mandat très étendu. C'est la CPP qui a établi ce mandat, et non le gouvernement. Comme l'a indiqué la CPP dans son communiqué de presse du 21 décembre 1998, M. Hughes examinera les événements qui se sont produits au cours des manifestations survenues à cette époque-là et présentera un rapport à cet égard. M. Hughes a déjà souligné l'ampleur de ce mandat dans les décisions qu'il a rendues.
Si un jour on laisse la CPP faire son travail, je suis convaincu que le public canadien en sortira grandi.
[Traduction]
LA FONCTION PUBLIQUE
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je tiens d'abord à remercier tous les députés et tous les sénateurs d'avoir permis le changement d'appellation de notre belle circonscription de Sackville—Eastern Shore, qui est devenue la circonscription de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore. Au nom de ses 83 000 habitants, je remercie beaucoup la Chambre et l'autre endroit.
Il est intéressant de noter que nous discutons aujourd'hui du problème que je signalais le 16 février dans la question que j'ai posée au sujet des cols bleus de l'AFPC. Il est dommage qu'en 1993, le gouvernement libéral ait manqué à sa promesse de mettre fin aux taux de rémunération régionaux qui constituent, dans la circonscription de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore un objet de litige pour ces travailleurs acharnés de la région de l'Atlantique qui ne sont pas payés équitablement pour le travail qu'ils effectuent par rapport à d'autres travailleurs du même syndicat ailleurs au Canada.
Nous avons vu aujourd'hui le leader du gouvernement libéral à la Chambre verser des larmes de crocodile en disant à quel point il était peiné et honteux de voir que ces travailleurs pouvaient tenir en otages les Canadiens et les agriculteurs canadiens. Pendant toutes les années où je me suis occupé de négociations collectives et toutes les années où j'ai fait partie du syndicat, je n'ai jamais vu un travailleur qui aimait faire la grève. Je n'ai jamais vu une famille qui voulait que son principal soutien économique entre en grève et perde son revenu de sorte qu'elle pourrait finir par perdre la maison familiale, s'endetter davantage, perdre la voiture familiale et ainsi de suite. Personne n'aime les piquets de grève, surtout pas les agriculteurs. Personne n'aime les piquets de grève, surtout pas les grévistes.
Ce qu'ils veulent et qu'ils ont demandé à maintes reprises, c'est une négociation collective équitable. Dans l'éventualité d'une impasse de la négociation, il incombe aux deux parties—en l'occurrence, le gouvernement et l'AFPC—de demander à un arbitre de prendre une décision qui sera contraignante pour l'une et l'autre parties. L'arbitrage étant interdit par la loi, les grévistes n'ont même pas ce recours.
Je voudrais aussi mentionner deux personnes, M. Howie West et Mme Cathy Murphy, tous deux de la Nouvelle-Écosse et membres de l'AFPC, qui ont fait du très bon travail pour leurs membres et pour les Canadiens de leur province en portant ces problèmes à l'avant-scène et en se montrant très constructifs quant à la façon d'en arriver à une entente dans cette affaire.
Le gouvernement a refusé de négocier l'équité salariale, à présent, il fait de nouveau appel devant les tribunaux. Ensuite, il a refusé de discuter des taux de rémunération régionaux. À présent, il s'en prend aux régime de pension de ses propres employés.
Trois coups de la sorte et c'en sera fini de ce gouvernement. Comme mon collègue de Winnipeg-Centre l'a dit, le gouvernement est en train de réveiller un géant qui dort. Je puis garantir à la Chambre que, partout au Canada, les membres de l'AFPC à la retraite et les membres actuels de la l'AFPC vont se soulever d'une part parce que le gouvernement refuse d'écouter, d'autre part parce qu'à cause de lui, le moral des travailleurs n'a jamais été aussi mauvais.
J'ai une lettre adressée au président du Conseil du Trésor qui dit essentiellement que si ce gouvernement pense qu'il peut forcer ces travailleurs à reprendre le travail et les piquets de grève à se disperser, il se trompe grandement et risque d'avoir de gros problèmes, ce qu'il ne souhaite certainement pas.
M. Tony Ianno (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, outre le fait que le NPD ne surprend personne avec ses discours habituels, ce n'est pas difficile de comprendre qu'on appuie les taux de paie régionaux. Les cols bleus en grève veulent avoir un seul taux applicable à tout le Canada.
Cela créerait une iniquité pour bon nombre d'entre eux. Dans certaines régions, les travailleurs auraient alors un revenu excessif tandis que d'autres, dans d'autres régions, seraient sous-payés. Ce ne serait tout simplement pas juste.
Le gouvernement a offert aux cols bleus des contrats comparables à ceux qu'il a proposés aux autres fonctionnaires et qui ont fait l'objet d'un règlement négocié, tout en offrant des salaires qui correspondent aux réalités du marché local. En fait, 87 p. 100 des travailleurs de l'AFPC ont obtenu un règlement négocié. Nous croyons dans un règlement négocié et dans la négociation collective.
Le gouvernement a offert de réduire de dix à sept le nombre de régions où des taux différents s'appliquent. C'est équitable. Si le gouvernement payait les taux de Vancouver aux travailleurs manuels de Halifax, qu'on imagine le tollé. Les petites entreprises en quête de travailleurs seraient en concurrence non seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les sociétés qui sont assez riches pour payer les taux plus élevés. Cette situation perturberait le marché du travail local.
Pourquoi payons-nous des salaires plus élevés à Vancouver? C'est tout simplement parce que le coût de la vie est beaucoup plus élevé sur la côte ouest. Qu'on songe seulement aux prix du logement.
En payant des taux régionaux, le gouvernement fédéral contribue à maintenir la stabilité sociale et économique dans tout le Canada. C'est pour cette raison que nous devrions tout simplement retourner à la question centrale, soit adopter un projet de loi pour mettre fin à une grève qui cause du tort aux Canadiens et qui met en péril une industrie qui revêt une importance cruciale pour notre économie, les exportateurs, les producteurs de grain, les nombreux Canadiens qui ont désespérément besoin de leurs remboursements d'impôt sur le revenu, et ainsi de suite. Le gouvernement a des responsabilités à assumer pour faire en sorte que tous les Canadiens travaillent.
LA PAUVRETÉ
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu récemment la chance de poser une question au secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines. Cette question avait trait à la pauvreté.
Rappelons le contexte. Statistique Canada a adopté une mesure connue sous le nom de seuil de faible revenu. Ce seuil permet de mesurer la pauvreté relative, ce qui signifie fondamentalement que l'on évalue les Canadiens selon la façon dont ils peuvent satisfaire leurs différents besoins en matière d'aliments, de vêtements et d'abri par rapport aux Canadiens moyens.
Le seuil de faible revenu a permis d'estimer à 17 p. 100 le taux de pauvreté au Canada. En décembre de l'année dernière, le comité des Nations Unies qui s'occupe de ces dossiers s'est penché sur la question de la pauvreté. Le gouvernement du Canada a fait des démarches pour que le seuil de faible revenu ne soit pas considéré comme le seuil officiel de la pauvreté en ce qui a trait au Canada.
Ce comité des Nations Unies a donc recommandé que le Canada fixe un seuil de pauvreté officiel pour une évaluation plus précise de la pauvreté et une meilleure estimation des progrès réalisés au niveau de la lutte contre la pauvreté.
Je sais que le gouvernement fédéral et les provinces étudient actuellement une autre mesure qui serait basée sur un assortiment de denrées. C'est davantage une mesure de pauvreté absolue. Il s'agit du montant nécessaire pour le paiement des biens essentiels à la vie plus un montant additionnel pour les dépenses générales associées au style de vie recherché par les Canadiens.
La mesure proposée, celle qui est basée sur un assortiment de denrées, établit la pauvreté au Canada à 12 p. 100. C'est 5 points de pourcentage de moins que la mesure dite du seuil de faible revenu, soit une baisse de 40 p. 100.
Je crains que les Canadiens commencent à demander si nous avons réduit la pauvreté simplement en fournissant simplement une nouvelle définition du terme. Ce n'est pas le cas. J'espère que la secrétaire parlementaire pourra donner des précisions à cet égard.
En 1989, la coalition Campagne 2000 avait déclaré qu'un million d'enfants vivaient dans la pauvreté. En 1998, elle a signalé un chiffre de 50 p. 100 supérieur, soit 1,5 million d'enfants pauvres. C'est le chiffre utilisé aux fins de la mesure du seuil de faible revenu.
La mesure du SFR révèle que 40 p. 100 des gens qui sont pauvres possèdent leur propre maison. De plus, 50 p. 100 de ces propriétaires n'ont même pas une hypothèque à payer. Il est très clair pour moi que le seuil de faible revenu n'est pas une bonne mesure de la pauvreté au Canada et qu'il faudrait peut-être quelque chose de plus apparenté à la mesure du panier de provisions.
Les Canadiens devraient discuter de ce qui constitue la pauvreté au Canada. Il faut définir la pauvreté afin de mieux évaluer et cibler les programmes de façon à convaincre les Canadiens que nous accomplissons des progrès et que nous ne prenons pas de retard comme le montre le seuil de faible revenu.
Les Canadiens ont atteint, je crois, une certaine fatigue au niveau de la sympathie. Lorsque les nombres deviennent trop importants, les gens n'y croient plus. C'est pourquoi je crois que le comité de l'ONU a raison de recommander que le Canada adopte un seuil officiel de la pauvreté. J'espère que le gouvernement examinera attentivement la proposition et qu'il amènera les Canadiens à s'y intéresser de telle sorte que, lorsqu'on établira un seuil de pauvreté au Canada, tout le monde comprendra ce que c'est et l'approuvera.
Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, comme presque tous les pays industrialisés autres que les États-Unis, le Canada ne possède pas de mesure officielle de de la pauvreté.
Depuis le début des années 60, des journalistes et des groupes de défense ont souvent utilisé les seuils de faible revenu de Statistique Canada comme mesures de la pauvreté. Ces seuils établissent le faible revenu par rapport au revenu familial moyen.
En 1990, Statistique Canada a adopté une deuxième mesure qui porte l'appellation de mesure de faible revenu et qui sert à établir les niveaux de revenu avant et après impôts par rapport au niveau de revenu médian ou moyen. C'est une mesure semblable à celle qu'utilisent les Nations Unies pour comparer la pauvreté à l'échelle internationale.
Aujourd'hui, bon nombre de gens au Canada favorisent l'établissement d'une troisième mesure, fondée sur un panier qui tient compte du coût des besoins de base des gens sur les plans de la nourriture, de l'habillement, de l'hébergement et des services essentiels.
Pour adopter une mesure officielle de la pauvreté au Canada, les parlementaires devraient s'entendre sur la forme que prendrait une telle mesure et à quel niveau elle serait fixée.
À l'heure actuelle, il n'y a pas de consensus quant à ce qu'il faut faire pour bien mesurer la pauvreté. La plupart des gens semblent s'entendre pour dire que nous devons élargir notre compréhension de la pauvreté. Nous sommes d'avis qu'il est prudent d'avoir un certain nombre de mesures complémentaires fondées sur différents concepts de pauvreté. On pourrait ensuite observer les tendances à l'aide de ces diverses mesures au fil du temps.
Toutes les mesures que nous envisagerions viendraient s'ajouter aux mesures existantes, comme les SFR et NFR, et ne les remplaceraient pas. En outre, elles tableraient sur notre connaissance des conditions réelles des Canadiens à faible revenu.
Le vice-président: La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 18 h 48.)