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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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36e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 46
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 8 décembre 1997
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LA LOI SUR LE DIVORCE |
Projet de loi C-218. Deuxième lecture |
M. Paul Szabo |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
M. Peter Adams |
Motion |
LA LOI SUR LE DIVORCE |
Projet de loi C-218. Reprise de l'étude de la motion |
M. Jack Ramsay |
Mme Caroline St-Hilaire |
Mme Maria Minna |
Mme Louise Hardy |
M. Paul Szabo |
Suspension de la séance |
M. Paul DeVillers |
Reprise de la séance |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE) |
L'hon. Stéphane Dion |
Motion |
M. Preston Manning |
M. Pierre Brien |
L'hon. Stéphane Dion |
Mme Michelle Dockrill |
Mme Elinor Caplan |
M. Dennis J. Mills |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LE TREMBLEMENT DE TERRE EN ARMÉNIE |
M. Sarkis Assadourian |
L'IMMIGRATION |
M. Ted White |
LE CASTLE OF GOLD |
Mme Sophia Leung |
M. PIERRE PERREAULT |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
L'AMBULANCE SAINT-JEAN |
M. Steve Mahoney |
LE CHANVRE |
Mme Rose-Marie Ur |
LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL |
M. Roy Bailey |
LE SERVICE CANADIEN DE LA FAUNE |
M. John Maloney |
LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES |
Mme Elinor Caplan |
LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS |
Mme Caroline St-Hilaire |
LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES |
M. Inky Mark |
A HISTORY OF THE VOTE IN CANADA |
M. Peter Adams |
LA PAUVRETÉ |
Mme Wendy Lill |
L'INDUSTRIE DU TABAC |
M. Guy St-Julien |
LES HÉLICOPTÈRES |
M. Gilles Bernier |
LES CENTRES DE SERVICES AUX ENTREPRISES |
M. Claude Drouin |
QUESTIONS ORALES |
LES PROGRAMMES SOCIAUX |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
M. Preston Manning |
L'hon. Allan Rock |
M. Preston Manning |
L'hon. Paul Martin |
LA CONFÉRENCE DE KYOTO |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Herb Gray |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Paul Martin |
LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Stéphane Dion |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Stéphane Dion |
M. Pierre Brien |
L'hon. Stéphane Dion |
M. Pierre Brien |
L'hon. Stéphane Dion |
LES PROGRAMMES SOCIAUX |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Herb Gray |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Allan Rock |
L'hon. Jean J. Charest |
L'hon. Paul Martin |
L'hon. Jean J. Charest |
L'hon. Paul Martin |
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. Paul Martin |
L'ÉCONOMIE |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
LA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA LOI SUR LE TABAC |
M. Grant Hill |
L'hon. Allan Rock |
M. Grant Hill |
L'hon. Allan Rock |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Paul Crête |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Paul Crête |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA JUSTICE |
M. Jack Ramsay |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jack Ramsay |
L'hon. Anne McLellan |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA JUSTICE |
M. Bryon Wilfert |
L'hon. Andy Scott |
LA JUSTICE |
M. Jim Hart |
L'hon. Andy Scott |
M. Jim Hart |
L'hon. Andy Scott |
LES PÊCHES |
M. Peter Stoffer |
L'hon. David Anderson |
L'ÉQUITÉ SALARIALE |
Mme Angela Vautour |
L'hon. Marcel Massé |
LA DÉFENSE NATIONALE |
Mme Elsie Wayne |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
M. David Price |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
LA FRAUDE FISCALE |
Mme Marlene Jennings |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
LE SÉNAT |
M. Rob Anders |
L'hon. Herb Gray |
LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA |
Mme Monique Guay |
L'hon. Sheila Copps |
LES TRAVAILLEURS SAISONNIERS |
M. Yvon Godin |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. David Price |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
L'AGRICULTURE |
M. Paul Bonwick |
L'hon. Lyle Vanclief |
L'AIDE À L'ÉTRANGER |
M. Gurmant Grewal |
L'hon. Diane Marleau |
AFFAIRES COURANTES |
RAPPORT DU BIBLIOTHÉCAIRE PARLEMENTAIRE |
Le Président |
LES VOIES ET MOYENS |
Avis de motion |
L'hon. Paul Martin |
DÉCRETS DE NOMINATION |
M. Peter Adams |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Peter Adams |
COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Procédure et affaires de la Chambre |
M. Peter Adams |
Environnement et développement durable |
L'hon. Charles Caccia |
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI |
Projet de loi C-295. Présentation et première lecture |
M. Paul Crête |
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI |
Projet de loi C-296. Présentation et première lecture |
M. Jean-Guy Chrétien |
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI |
Projet de loi C-297. Présentation et première lecture |
M. Benoît Sauvageau |
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI |
Projet de loi C-298. Présentation et première lecture |
Mme Christiane Gagnon |
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI |
Projet de loi C-299. Présentation et première lecture |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI |
Projet de loi C-300. Présentation et première lecture |
M. Réal Ménard |
COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Procédure et affaires de la Chambre |
Motion d'adoption |
M. Peter Adams |
PÉTITIONS |
La fiscalité |
M. Paul Szabo |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
M. Peter MacKay |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE) |
Motion |
M. Norman Doyle |
M. Gerry Byrne |
M. Jason Kenney |
Mme Elsie Wayne |
M. Dennis J. Mills |
M. Gerry Byrne |
M. Lynn Myers |
M. Jason Kenney |
M. Roy Bailey |
M. Werner Schmidt |
Mme Raymonde Folco |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Goldring |
Mme Sue Barnes |
M. Gerry Byrne |
M. Inky Mark |
M. John McKay |
M. Rey D. Pagtakhan |
MESSAGE DU SÉNAT |
Le vice-président |
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE) |
Motion |
M. Gerry Byrne |
LA SANCTION ROYALE |
Le vice-président |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE) |
Motion |
M. Michel Bellehumeur |
SANCTION ROYALE |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE) |
Motion |
M. Michel Bellehumeur |
M. Rey D. Pagtakhan |
M. Paul DeVillers |
Mme Sue Barnes |
M. Peter Goldring |
M. Peter Goldring |
M. Gerry Byrne |
M. Gerry Byrne |
M. Rey D. Pagtakhan |
M. Jason Kenney |
M. Peter Goldring |
M. Rey D. Pagtakhan |
M. Gerry Byrne |
M. Roy Bailey |
M. Paul DeVillers |
M. Bill Matthews |
M. Rey D. Pagtakhan |
M. Jason Kenney |
M. Bill Matthews |
M. Dennis J. Mills |
M. Peter Goldring |
M. Gerry Byrne |
M. Steve Mahoney |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Goldring |
M. Gerry Byrne |
L'hon. Fred Mifflin |
M. Ted White |
M. Dennis J. Mills |
M. Ted White |
M. Dennis J. Mills |
M. Jason Kenney |
M. Werner Schmidt |
M. Gerry Byrne |
M. Jason Kenney |
M. Dennis J. Mills |
M. Gerry Byrne |
M. Dennis J. Mills |
M. Mauril Bélanger |
M. Réal Ménard |
M. Peter Goldring |
Mme Elinor Caplan |
M. Ken Epp |
M. Jason Kenney |
M. Ken Epp |
M. Paul DeVillers |
M. Maurice Vellacott |
M. Deepak Obhrai |
M. Maurice Vellacott |
M. Peter Goldring |
M. Paul DeVillers |
M. Peter Goldring |
M. Ken Epp |
M. Maurice Vellacott |
M. Grant McNally |
M. Paul DeVillers |
M. Monte Solberg |
M. Paul DeVillers |
M. Jason Kenney |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 46
CHAMBRE DES COMMUNES
Le lundi 8 décembre 1997
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
LA LOI SUR LE DIVORCE
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) propose: Que le projet de loi C-218, Loi modifiant la Loi sur le divorce (consultation matrimoniale préalable au divorce), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
—Madame la Présidente, je suis heureux aujourd'hui de prendre la parole à la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-218, une mesure législative qui intéresse la famille et qui a pour but d'obliger les époux à consulter un conseiller matrimonial avant le prononcé d'un divorce.
On a de plus en plus l'impression que la famille canadienne est en crise et que les conséquences énormes que cela entraîne nous affectent tous quotidiennement. Le conflit entre les droits de l'individu et les intérêts collectifs de la société a fait de la vie un champ de mines menaçant pour nos enfants qui doivent grandir dans ce cadre.
Aux yeux de beaucoup, nous sommes devenus une société qui ne sait plus ce qu'est la responsabilité, qui non seulement tolère l'irresponsabilité, mais qui souvent l'encourage en résistant aux mesures préventives, estimant parfois qu'elles empiètent sur les droits de l'individu.
Là où il y a des droits, n'y a-t-il pas aussi des responsabilités? Ne devrait-il pas y avoir des conséquences si nous agissons mal ou si nous commettons une injustice? Est-ce acceptable de continuer à justifier nos problèmes en blâmant notre sentiment d'infériorité?
Les Canadiens jouissent d'un niveau de vie des plus enviés au monde. Cependant, nous ne pouvons ignorer le fait que la réussite s'accompagne de certaines pressions sociales qui peuvent nuire au fondement même de cette réussite qui inclut la famille.
De telles déclarations peuvent provoquer des réactions défensives, mais nous devons résister aux rationalisations simples et à cette tendance à écarter les questions complexes d'un revers de la main. Nous devons reconnaître nos préjugés et les mettre de côté. Nous devons nous montrer ouverts et nous rendre à l'évidence. Nous ne devons pas ignorer cette vérité fondamentale qu'une famille forte, un pays fort, repose sur des enfants sains.
Il y a une seule définition de la famille que nous ayons tous en commun: un enfant avec son père et sa mère biologiques. C'est une relation unique qui ne peut pas être remplacée. Dans ce contexte, la famille est un fait, pas une option.
Notre société existe et subsiste grâce à la famille. En tant que tel, une menace à la sécurité du noyau familial doit aussi être considérée comme une grave menace à notre bien-être en tant que société. En tant que députés, nous devons composer avec une vaste gamme de d'enjeux, bon nombre d'entre eux ayant des conséquences assez évidentes. La pauvreté des enfants en est un exemple. Toutefois, invariablement, on constate que la solution est beaucoup plus complexe qu'on le croyait, quand on tient compte de tous les facteurs pertinents.
On constate souvent qu'il faut appliquer une solution globale, comprenant une multitude d'éléments préventifs et correctifs. On constate aussi que les causes du problème ne sont pas absolues, qu'elles constituent plutôt des facteurs de risques.
Par exemple, une famille pauvre peut avoir un enfant sain et bien adapté. Par conséquent, même si la pauvreté n'engendre pas nécessairement des enfants à problèmes, la probabilité que les enfants aient des problèmes est plus élevée chez les familles pauvres que dans les milieux plus aisés. En tant que législateurs, nous devons donc évaluer les probabilités et les risques de problèmes, analyser l'écheveau complexe de facteurs en cause et concevoir des programmes offrant un ensemble équilibré d'éléments préventifs et correctifs. Cette stratégie s'applique particulièrement aux problèmes propres aux familles.
Examinons certains des problèmes que connaissent les familles canadiennes. La pauvreté des enfants reste une difficulté majeure, et ses causes sont certainement complexes. Le point de départ, selon moi, devrait être d'admettre que le terme «pauvreté chez les enfants» est de nature politique qui vise à susciter un sentiment de sympathie au sein de la population. Le fait est que la pauvreté chez les enfants est un problème de pauvreté des familles et que, par conséquent, les solutions passent nécessairement par la famille.
Les familles monoparentales ne représentent que 14,5 p. 100 de l'ensemble des familles du Canada, mais regroupent 46 p. 100 de la totalité des enfants pauvres. Dans la plupart des cas, cette pauvreté a été engendrée par la rupture de la famille. À deux, on se débrouille mieux que tout seul, et les conséquences financières d'une séparation sont presque toujours dévastatrices pour tous les membres de la famille. Par comparaison, seulement 11,5 p. 100 des enfants vivant avec leurs deux parents sont pauvres.
L'incidence croissante de la violence physique et mentale à l'endroit des enfants demeure aussi une profonde préoccupation. Si un enfant a faim, s'il est analphabète fonctionnel, dépressif, agressif ou mal aimé, n'est-ce pas le résultat de la violence parentale? La majorité de ces cas de violence se produisent dans les familles dysfonctionnelles ou désunies.
La criminalité chez les jeunes a choqué de nombreux Canadiens, parce que les délits commis par des jeunes sont de plus en plus graves. Souvent, les gens réclament des peines plus sévères, mais on ne peut pas oublier le fait que 70 p. 100 des jeunes contrevenants sont issus de familles désunies.
Les conséquences pour la santé physique, mentale et sociale des enfants est une question qui est aussi reconnue. Les recherches sur le développement du cerveau pendant l'enfance ont montré que les bases de la pensée rationnelle, de la résolution des problèmes et du raisonnement général sont établies dès l'âge d'un an. On admet généralement que la qualité du rôle des parents pendant les trois premières années de vie influence de façon critique le devenir à long terme des enfants. Vu que le plus fort pourcentage des ruptures se situe pendant les cinq premières années, cela représente une menace sérieuse pour l'enfance.
Les suicides d'adolescents ont décuplé au cours de la dernière décennie et la tragique réalité c'est que nous en partageons tous le blâme. Ces adolescents qui se suicident viennent, à 75 p. 100, de foyers désunis. Et on peut dire la même chose de l'abus de drogues, d'alcool et de substances de la part des jeunes.
Décrocher de l'école c'est se priver d'une chance d'avoir un bon avenir. Le taux de décrochage au Canada est actuellement de l'ordre de 30 p. 100. Les décrocheurs ont un taux de chômage supérieur à 25 p. 100 et ils représentent 50 p. 100 des jeunes chômeurs. Les décrocheurs de l'école secondaire sont des pauvres en puissance et plus de 70 p. 100 d'entre eux viennent de familles séparées.
Après la rupture des familles avec enfants apparaissent d'autres conflits qui aggravent la situation, notamment au sujet de la garde et des droits de visite. Vu que dans plus de 85 p. 100 des cas les tribunaux accordent la garde des enfants à la mère, le non paiement des pensions alimentaires est catastrophique pour les femmes et leurs enfants.
Un autre problème sérieux qui découle de la rupture est celui du taux élevé d'incidents de violence domestique et d'homicide. Lorsque la rupture se produit, la relation n'est pas terminée. La bagarre continue souvent pendant des années. Selon les statistiques du ministère de la Justice, 17 p. 100 des victimes d'homicide sont des personnes divorcées, alors qu'elles ne représentent que 5,2 p. 100 de la population.
Inutile de dire que lors de la rupture il se produit beaucoup de mauvaises choses. Cela dénote une pauvreté sociale, un déclin des valeurs, phénomène qui contribue également à l'élargissent du fossé entre les riches et les pauvres. L'expérience sociale axée sur l'individualisme a échoué lamentablement et les enfants sont les laissés pour compte dans cette affaire. Certes, ce ne sont pas tous les enfants du divorce dont l'avenir est irrémédiablement compromis, mais selon presque tous les indicateurs à notre disposition, une chose est certaine: les enfants sont les victimes du divorce. Ce sont les grands perdants.
Le divorce est peut-être banal, mais ses conséquences ne le sont pas. Les conclusions d'études menées récemment sont très préoccupantes. Voici quelques constatations. Même lorsqu'il y a accord entre les parties, le divorce est un des événements les plus stressants de l'existence; les parents et les enfants ne sont pas les seuls à en subir les conséquences, il y a aussi les grands-parents et la parenté, les amis, les voisins et les collègues de travail. Le Canada affiche un des taux de divorce les plus élevés au monde. Il est dix foix plus répandu depuis la moitié des années 60, le nombre des divorces se chiffrant actuellement à plus de 75 000 par an. Quelque 45 p. 100 des enfants verront leurs parents divorcer avant de célébrer leur 18e anniversaire.
Les procès de divorce peuvent coûter jusqu'à 100 000 $ et le recours au système judiciaire est devenu un moyen d'exercer sa vengeance. Un enfant sur quatre ne vit pas chez lui avec ses parents biologiques. Les enfants du divorce risquent trois fois plus que les autres de connaître la pauvreté et l'insécurité. Quelque 41 p. 100 des familles monoparentales sont aux prises avec une forme quelconque de trouble du comportement: anxiété, dépression, agressivité. Les enfants élevés au sein d'une famille monoparentale risquent deux fois plus que les autres enfants de redoubler une classe ou d'éprouver d'autres problèmes scolaires. Environ 25 p. 100 des divorces aboutissent devant les tribunaux. Les enfants issus de familles brisées représentent 70 p. 100 des jeunes contrevenants, 75 p. 100 des adolescents qui se suicident et 80 p. 100 des adolescents ayant besoin de soins psychiatriques.
Le projet de loi C-218 rend obligatoires les consultations matrimoniales avant que le divorce ne soit accordé. Chez plusieurs, il suscite immédiatement une réaction qui s'apparente à celle, on s'en souviendra, du ministre de la Justice Pierre Elliott Trudeau en 1967 lorsqu'il a dit que l'État n'avait pas sa place dans la chambre à coucher des Canadiens. Si cela ne touche que des parties consentantes, sans que personne d'autre n'en subisse les conséquences, je n'y trouve rien à redire.
Mais prenons par exemple la question de l'orientation sexuelle. L'État respecte les droits de chacun quant à ses choix. Quand il est apparu clairement que de tels choix constituaient la cause principale d'une maladie pour laquelle il n'existe pas de remède, qui entraîne une mort lente et douloureuse, le gouvernement se devait d'agir. Le risque de souffrir longtemps avant de mourir était si élevé qu'il équivalait à jouer à la roulette russe dans la chambre à coucher de presque tout le monde. En outre, les coûts à long terme que cela représentait pour notre régime de soins de santé s'élevaient à des centaines de millions de dollars et ne cessent de s'amplifier. C'est la raison pour laquelle on compte maintenant autant de programmes gouvernementaux, qui visent à sensibiliser les personnes exposées aux risques, à effectuer des recherches pour trouver un remède, à aider les mourants qui sont sans espoir de guérison et à empêcher les autres personnes de tomber malades.
Ces problèmes trouvent évidemment leur origine dans les pratiques intimes des gens. Qui, dans cette Chambre, nierait que le gouvernement prend des mesures? Qui nierait que c'est ce qu'il doit faire?
Compte tenu de ce qui précède, l'action du gouvernement devrait reposer sur deux critères. Le premier critère est qu'il existe une raison de croire que les principaux intéressés ne sont pas les seules personnes en cause. Le second critère est que la situation fait peser un risque sérieux sur la vie, la santé ou le bien-être financier et social des Canadiens. J'estime que les cas d'éclatement de la famille correspondent pleinement aux critère d'intervention du gouvernement. Ce problème complexe nécessite de multiples approches, à la fois préventives et curatives.
Le projet de loi C-218 ne vise pas à assurer la réconciliation. Je le répète, il n'a pas pour objet d'assurer la réconciliation, quoique les couples puissent toujours avoir recours à cette solution. Il vise plutôt, d'une part, à faire en sorte qu'un plan viable pour l'éducation des enfants soit en place lorsque des enfants sont en cause et, deuxièmement, à atténuer l'acrimonie consécutive à la séparation des parents.
Je m'explique. À peu près tout le monde s'entend pour dire que les enfants sont les véritables victimes de l'éclatement familial. Cette situation peut être considérée, dans bien des cas, comme une forme de mauvais traitement dans la mesure où les enfants sont privés d'un foyer stable où ils puissent trouver l'affection du père et de la mère. La priorité consiste donc à atténuer les conséquences négatives de la rupture, d'où la nécessité absolue d'un plan viable pour l'éducation des enfants. Une rupture soulève des questions comme les modalités de garde des enfants, le soutien des enfants, les droits de visite et d'autres questions d'ordre financier.
Dans un divorce où il y a contestation, les deux parents sont représentés par des avocats. Si nous acceptons que les enfants sont les véritables victimes de l'éclatement de la famille, qui représente alors leurs intérêts? La consultation matrimoniale peut constituer l'intervention essentielle qui garantira que les intérêts des enfants passent en premier lieu. Certains peuvent prétendre que la consultation matrimoniale au moment du divorce vient trop tard et que des méthodes comme des programmes offerts avant le mariage conviendraient mieux.
Le fait est que la plupart des mariages sont confrontés à de graves problèmes tôt ou tard. La consultation avant le mariage est un début utile, mais il faut continuer à travailler sur la relation pratiquement tous les jours. Lorsqu'on songe que près de 70 p. 100 des personnes divorcées se remarient dans les cinq années qui suivent, il est alors évident que la consultation va également jouer un rôle utile pour ce qui est de comprendre ce qui s'est produit et pourquoi, afin que les relations futures profitent de cette expérience.
Lorsque le projet de loi C-218 a reçu la première lecture, Michael Harris de la chaîne de journaux Sun a écrit un article qui ridiculisait le projet de loi et dans lequel on disait que lorsque c'était fini, c'était fini, un point c'est tout. En réalité, cependant, une série de problèmes est remplacée par une autre et le conflit peut durer pendant des années. L'acrimonie qui fait suite à une séparation peut non seulement conduire à la violence familiale, mais avoir également des répercussions très négatives et durables sur les enfants. La recherche montre que les enfants peuvent être tellement blessés sur le plan émotif par le comportement de leurs parents qu'ils peuvent avoir de la difficulté par la suite à s'engager à bâtir une famille eux-mêmes.
En mettant l'accent sur le divorce, le projet de loi C-218 s'attarde à un petit aspect du problème de l'éclatement de la famille. Selon Statistique Canada, il y a plus d'un million d'unions de fait au Canada. Étant donné qu'elles représentent 60 p. 100 des cas de violence familiale, qu'il y a 50 p. 100 de plus de séparation dans les couples en unions de fait que dans les couples mariés, et que les unions de fait ne durent en moyenne que cinq ans, il est évident que le problème déborde largement en importance et en complexité le cadre de ce projet de loi seul.
Depuis plus de deux ans, la ville d'Edmonton offre un programme sur le rôle des parents après la dissolution de la famille dans le cadre duquel on offre des consultations obligatoires imposées par les tribunaux. Les résultats ont été si constructifs que le gouvernement albertain envisage de le mettre en oeuvre dans toute la province. Il y a également 14 États américains qui ont des programmes semblables et obtiennent des résultats équivalents. Les participants reconnaissent régulièrement qu'ils ne se rendaient pas compte à quel point ils faisaient du mal aux enfants. On commence également à mettre sur pied des problèmes d'encadrement du mariage, des conventions conjugales et des séances de médiation, tous ces nouveaux programmes étant motivés par des préoccupations semblables.
En conclusion, aujourd'hui, je demande donc au gouvernement, aux députés et à tous les Canadiens d'agir. Plus particulièrement, je demande au premier ministre et au Cabinet de donner suite aux recommandations du Forum national sur la santé en élaborant des programmes et des politiques destinés à protéger les enfants et à investir dans ces derniers pour renforcer la famille canadienne.
De plus, j'exhorte tous les députés à se renseigner sur ces questions, ainsi qu'à élaborer et à promouvoir leurs propres initiatives ou mesures législatives dans le domaine de la famille pour attirer l'attention du pays sur les risques auxquels la famille canadienne est confrontée.
Enfin, j'invite tous les Canadiens à investir dans le bien-être de nos enfants, à déployer davantage d'efforts pour renforcer la famille canadienne. Étant donné que les familles solides font la force d'un pays, nous avons un rôle essentiel à jouer.
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour adopter la motion suivante. Je propose donc:
Que, nonobstant tout article du Règlement, quant à l'affaire émanant du gouvernement no 6, le 8 décembre 1997, la Chambre continue à siéger jusqu'à ce qu'aucun député ne désire prendre la parole, sur quoi, la question sera réputée avoir été mise aux voix, un vote par appel nominal demandé et différé jusqu'au mardi 9 décembre 1997, à la fin de la période prévue pour les Ordres émanant du gouvernement, pourvu que durant ce débat, aucune motion dilatoire ni appel de quorum soient acceptés et que, s'il est nécessaire pour le but de cet ordre, que la Chambre continue à siéger après l'heure ordinaire de l'ajournement quotidien le 8 décembre 1997, il n'y ait pas de délibérations conformément à l'article 38 du Règlement ce jour-là.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
* * *
LA LOI SUR LE DIVORCE
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-218, Loi modifiant la Loi sur le divorce (consultation matrimoniale préalable au divorce), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, j'aimerais remercier notre collègue de Mississauga-Sud pour ce projet de loi ainsi que pour un grand nombre des commentaires qu'il a faits aujourd'hui en cette enceinte.
Il est malheureux que ce projet de loi ne puisse faire l'objet d'un vote. Je pense que l'idée que tous les projets de loi d'initiative parlementaire devraient faire l'objet d'un vote fait son chemin au sein de divers caucus; ainsi, non seulement pourrions-nous prendre connaissance des préoccupations des simples députés telles qu'exprimées par le biais de leurs projets de loi, mais aussi, du fait que nous aurions le droit de voter, nous pourrions représenter les préoccupations et les points de vue de nos électeurs sur ces questions importantes qui font l'objet des projets de loi d'initiative parlementaire. C'est ce que je voulais dire en guise d'introduction à mes commentaires sur le projet de loi présenté par le député.
J'ai étudié le projet de loi et je me demande s'il est constitutionnel et ce qu'il coûterait. Les pressions les plus intenses auxquelles une famille puisse être soumise sont d'ordre économique. Quand il n'y a pas assez d'argent pour subvenir à tous les besoins, la dynamique entre les membres de la famille est minée, ce qui conduit à la frustration, à l'irritation, aux confrontations et finalement à la désintégration des sentiments et des émotions qui cimentent une famille. Si on cherche à renforcer la famille, c'est par là qu'il faut commencer.
Si le gouvernement veut renforcer la famille, voyons comment il peut s'y prendre de façon économique. Lorsque, la moitié du revenu du père ou de la mère est consacré à des impôts d'une sorte ou d'une autre, la viabilité financière de la famille est grevée d'un très lourd fardeau fiscal. Que peut-on faire à cet égard? Après avoir enlevé l'argent aux gens, allons nous le transmettre à ceux qui ont des difficultés financières, à ceux qui vivent dans la pauvreté, ou sous ce que l'on appelle le seuil de pauvreté?
Nous assistons à un véritable désastre dans ce domaine au pays. Non seulement nos impôts sont-ils plus élevés que jamais dans notre histoire, mais nous avons aussi emprunté et dépensé 600 milliards de dollars. Malgré cela, tous ces enfants vivent dans la pauvreté. Le député a absolument raison lorsqu'il déclare que nous ne pouvons pas parler d'enfants dans la pauvreté. Ce sont les familles et les collectivités qui sont pauvres. Nous devons nous attaquer à ce problème et en examiner les causes.
L'un des principaux facteurs de l'éclatement des familles est le manque de ressources financières suffisantes pour satisfaire aux besoins de la famille et payer les factures de téléphone et d'électricité et le loyer ou l'hypothèque à la fin du mois. Voilà ce qui cause le stress.
En ce qui concerne la pauvreté, je crois que bien des députés de mon âge—et j'ai atteint un âge respectable—sont nés dans la pauvreté comparativement à ce que nous avons aujourd'hui. Je suis né dans une maison en bois rond avec un toit de chaume sans la présence d'un médecin ou d'une infirmière. Trois de mes huit frères sont nés dans ces mêmes conditions. Nous étions pauvres. Nous n'avions ni l'électricité, ni le chauffage central. Nous avions système d'égout extérieur si l'on peut dire.
Il y a quelques années, j'ai demandé à ma mère, qui vit encore à Saskatoon, ce qu'elle considérait comme le progrès le plus remarquable par rapport à son époque. Elle a réfléchi pendant un moment et m'a répondu le chauffage central. Je lui ai demandé pourquoi, car je m'attendais à une autre réponse. Elle a dit: «Tu ne sais pas ce que c'était que de se réveiller au milieu de la nuit, dans une maison complètement frigorifiée, avec trois bébés en couches, et d'être obligée d'allumer un feu pour chauffer le lait gelé et de changer les couches dans des conditions pareilles.»
Je ne sais vraiment pas comment nous avons survécu. Voulez-vous parler de la pauvreté? C'est sûr que nous vivions dans la pauvreté, mais tous mes frères et moi, nous nous en sommes sortis. Pourquoi? C'est en raison de l'amour que nous donnaient nos parents, même dans de telles conditions. Ils s'occupaient de nous. Ils ont fait de lourds sacrifices et nous savions qu'ils se souciaient de nous.
Un symbole de justice était accroché au mur de la chambre. Nous le savions lorsque nous faisions quelque chose de mal, mais ce symbole n'a jamais ébranlé notre sens de la justice. Plus tard, nous savions que ce symbole de justice accroché au mur était l'expression de l'amour de papa pour ses enfants. Il insistait pour que nous restions loin du lac qui venait de geler, car il ne voulait pas que nous tombions dedans. Il ne voulait pas que nous jouions avec des allumettes. Il ne voulait pas que nous fassions toutes sortes de choses qui risquaient de mettre notre vie en danger. Nous le savions et ce sentiment était ancré en nous.
Oui, nous avions beaucoup de difficultés, mais je sais une chose. Mon père n'a jamais payé d'impôt sur le revenu des particuliers avant que j'aie 15 ou 16 ans. Je me rappelle la première fois où je l'ai vu assis à une table, tentant bien que mal de remplir le nouveau formulaire appelé impôt sur le revenu des particuliers. Lorsque mon père apportait ses céréales ou son bétail au marché, il gardait la totalité de l'argent qu'il rapportait à la maison et il s'en servait pour la famille. Cela nous a permis de survivre. Il a pu répondre aux besoins financiers de notre famille dans une certaine mesure, même si cela n'avait aucune commune mesure avec le niveau de vie dont nous jouissons aujourd'hui.
Je me souviens d'avoir vu une mère célibataire vivant sous ce qu'ils appellent le seuil de la pauvreté interviewée à la télévision. Lors de cette émission, on montrait les services dont elle bénéficiait, notamment le chauffage central, la télévision, un réfrigérateur et l'éclairage électrique. Si nous avions eu cela à mon époque, nous nous serions cru au paradis. Il aurait été merveilleux à nos yeux d'avoir un téléviseur couleur, le chauffage central et une salle de bain intérieure, de pouvoir nous lever la nuit pour aller à la toilette sans devoir nous habiller à cause du froid.
L'échec des mariages constitue un grave problème. Je félicite le député d'avoir présenté ce projet de loi pour au moins attirer l'attention des députés sur ce très grave sujet. Arrêtons-nous aux causes de l'échec des mariages. Je dirais que la première cause, ce sont les mesures prises par les gouvernements des trois paliers. Elles minent la stabilité économique des familles. Lorsque l'argent manque avant la fin du mois ou entre les chèques de paie, c'est grave.
C'est pourquoi nous avons reçu des lettres de facteurs et de leurs familles qui nous demandaient de faire tout ce que nous pouvions pour mettre fin à la grève des postes. Pourquoi? Parce qu'ils ont été deux semaines sans chèque de paie. Comment pourront-ils payer leurs factures de fin du mois juste avant Noël? Lorsque nous voyons des gens dans des postes de responsabilité prendre des mesures qui minent la stabilité économique de la famille, nous avons raison de nous pencher sur ce qui se passe et sur les raisons pour lesquelles ces choses se produisent.
L'échec des mariages au Canada peut être attribué à certaines des mesures que nous, qui occupons des postes de responsabilité, prenons, que nous soyons députés, dirigeants syndicaux ou peu importe.
À Edmonton, nous avons vu un syndicat et une direction d'entreprise incapables de s'entendre pour sauver 800 emplois. Que s'est-il passé? Ces employés ont déclenché une grève et pour des raisons qui ne sont pas du tout claires, ils ont perdu leur emploi lorsque l'entreprise a fermé ses portes.
Je félicite le député d'avoir abordé ce sujet. Je le répète, j'aimerais que ce soit un projet de loi pouvant faire l'objet d'un vote afin que nous, qui sommes les représentants élus de la population, puissions exprimer clairement notre appui. J'aimerais que le projet de loi soit renvoyé à un comité afin qu'il puisse être étudié sous différents aspects. Qui paierait pour ces consultations? Est-ce la famille? Cela réduira davantage les ressources financières de la famille.
Il y a toutes ces questions auxquelles j'aimerais que l'on réponde, mais je reste cependant convaincu qu'il s'agit d'une mesure hautement recommandable. Le projet de loi porte sur un élément très important de notre société, à savoir, la famille. Comment pouvons-nous renforcer la famille et donner aux enfants les meilleures chances de connaître l'amour d'une mère et d'un père? Comment pouvons-nous garder les familles unies pour que les enfants deviennent des adultes forts, sains et autonomes?
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole en cette Chambre sur le projet de loi C-218, Loi modifiant la Loi sur le divorce. Ce projet de loi vise à instaurer une consultation matrimoniale avant le prononcé du divorce, et ce, pour explorer la possibilité d'une réconciliation.
J'avoue qu'il m'est bien difficile de me prononcer contre la vertu, mais j'y reviendrai plus en détail dans quelques instants.
Commençons d'abord par se rappeler l'historique de la Loi sur le divorce. Il n'est pas si loin que cela, le temps où les femmes n'obtenaient le divorce que si elles pouvaient prouver que leur mari s'était rendu coupable d'adultère incestueux, de viol, de sodomie, de bestialité, de bigamie ou d'adultère, conjugué à la cruauté ou à l'abandon du domicile conjugal.
Ce n'est qu'en 1968, avec la Loi sur le divorce, que les motifs de divorce pouvaient être invoqués autant par les femmes que par les hommes. Mais encore là, la loi avait ses défaillances. Elle a donc été bonifiée en 1985 en tenant compte des recommandations du Rapport sur le droit de la famille de la Commission de réforme du droit du Canada rendu en 1976. La Loi de 1985 sur le divorce modifie les motifs reconnus. Maintenant, le divorce peut être accordé pour cause d'échec du mariage. Cette nouvelle mesure facilite les démarches en atténuant l'hostilité dont est empreinte la procédure de confrontation traditionnelle. Elle permet également de favoriser des solutions plus constructives aux différends familiaux qui surviennent à l'occasion du divorce.
Comme on peut le constater, la Loi sur le divorce n'a pas cessé de s'ajuster aux nouvelles réalités de la société, mais il y a toujours place à l'amélioration ou, mieux encore, au transfert des pouvoirs aux provinces. Il reste qu'un divorce n'est jamais facile sur le plan humain. Lorsque l'on se sépare, c'est une partie de notre vie qui part en fumée. Il est donc primordial de rendre les démarches juridiques le plus efficace possible.
Nous connaissons tous quelqu'un dans notre entourage qui est divorcé, et la différence est palpable entre une personne qui a connu un divorce pénible et celle qui a réussi à s'entendre à l'amiable. En plus, il ne faut pas négliger les répercussions que cela occasionne sur la famille immédiate, mais surtout sur les enfants qui sont les premières victimes d'un divorce pénible.
Après un bond spectaculaire du nombre de divorces dans les années 1980, le taux commence relativement à se stabiliser dans les années 1990. Certes les modifications de 1985, permettant comme seul motif l'échec du mariage pour divorcer, sont à l'origine de ce bond spectaculaire. Mais ce bond spectaculaire a également permis une hausse des mariages ou plutôt des remariages.
Selon le plus récent rapport de Statistique Canada, le taux de divorce est resté relativement stable dans les années 1990. Il est même rassurant pour certain de constater que, bien que les risques de divorces se sont accrus depuis les années 1970, environ deux mariages sur trois se poursuivront jusqu'à la mort d'un des époux. C'est quand même rassurant.
En 1987, on comptait 96 200 divorces prononcés; en 1995, il n'y en avait que 77 636. Selon Statistique Canada, un mariage sur 100 a pris fin en 1995. Et l'agence fédérale prévoit que 31 p. 100 des couples qui se sont mariés en 1991 divorceront. Si l'on désire vraiment instaurer de la consultation matrimoniale, il ne faut pas attendre au divorce pour faire quelque chose. En effet, selon les données recueillies, le risque de divorce s'accroît rapidement au cours des premières années du mariage pour atteindre son sommet au cinquième anniversaire. En 1990, près de 4 couples sur 10 venant tout juste de fêter leur cinquième anniversaire de mariage ont divorcé.
Avec ces chiffres, il est plus sain de se préoccuper d'avoir une bonne loi sur le divorce. À cet effet, selon le professeur Julien Payne, une bonne loi sur le divorce doit atteindre trois objectifs principaux: d'abord, faciliter la dissolution juridique des mariages qui sont irrémédiablement voués à l'échec en réduisant au minimum la peine, l'humiliation et les épreuves; ensuite, favoriser une répartition équitable des conséquences économiques de l'échec du mariage; et enfin, veiller à ce que des dispositions raisonnables soient prises pour d'éducation des enfants des parents qui divorcent.
Le droit de la famille est une compétence partagée entre le fédéral et les provinces. Si la Loi constitutionnelle de 1867 confie le divorce au Parlement fédéral, elle confère aux provinces les pouvoirs législatifs en matière de propriété et de droits civils.
En clair, cela signifie que la séparation des couples non mariés relève de la législation des provinces et que le divorce relève de la législation fédérale. Quelle situation ridicule. Pourquoi tolérer de tels chevauchements de compétences quand l'ensemble des lois sur le divorce peut être transféré aux provinces? La vérité, c'est que le fédéral n'a tout simplement pas sa place dans ce champ de compétence. En effet, on pourrait argumenter qu'en vertu de l'article 92(13), c'est-à-dire la juridiction du droit civil, ce sont les provinces qui devraient avoir juridiction dans le domaine du divorce.
En fait, le Québec est déjà prêt à assumer ces compétences. Il y a toute une section du Code civil qui est adoptée à ce sujet, mais elle n'est pas mise en vigueur simplement parce que ce n'est pas encore notre juridiction. Mais dans mon grand optimisme, j'ai espoir qu'elle le devienne et qu'enfin, le gouvernement fédéral se retire de ce champ de compétence.
Ce projet de loi m'amène à vous parler de tout ce qui entoure le droit de la famille, et plus précisément à parler de la médiation familiale.
Au Québec, nous avons une politique complète de médiation familiale gratuite. Je crois d'ailleurs constater que le parrain de ce projet de loi a tenté de s'en inspirer. Mais le Québec va beaucoup plus loin qu'une simple consultation matrimoniale. En fait, les députés de la Chambre doivent le reconnaître, le Québec est passé maître d'oeuvre dans le domaine de la famille.
Que le Canada profite de notre expertise, je n'ai rien contre. Qu'il copie certaines de nos politiques n'apporte que du bien au reste du Canada. J'aimerais simplement souligner que tant qu'à prendre les idées du Québec sur la séparation et les reproduire pour le divorce, le fédéral devrait plutôt décentraliser et faire passer également le divorce sous juridiction provinciale.
En terminant, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour dire qu'il est plus que temps qu'Ottawa reconnaisse l'expertise du Québec en matière de droit de la famille et qu'il modifie son approche en conséquence.
[Traduction]
Mme Maria Minna (secrétaire parlementaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'interviens dans le débat du projet de loi C-218 tendant à modifier la Loi sur le divorce afin d'obliger les époux à consulter un conseiller matrimonial avant le prononcé du divorce. Il stipule qu'avant de prononcer le divorce, le tribunal doit s'assurer que les époux ont été conseillés par un conseiller matrimonial désigné dans le but de les aider à se réconcilier.
J'examinerai plus attentivement le principe et l'objet de la mesure à l'étude. On exprime de nos jours beaucoup d'inquiétudes à propos de l'institution du mariage et de l'augmentation du taux de divorce. Il ne fait aucun doute que les changements sociaux rapides que nous avons connus depuis quelques décennies ont eu des répercussions sur la vie familiale. L'Institut Vanier rapporte que le taux de nuptialité a diminué de 39 p. 100 au Canada depuis 25 ans. Les statistiques révèlent également qu'en 1995, le taux global de divortialité pour le Canada était de 262 divorces par 100 000 habitants.
Les parlementaires doivent se poser une question importante: qu'est-ce que la loi et la procédure de divorce devraient faire pour répondre à ces nouvelles réalités? Dans toute la mesure du possible, la loi devrait soutenir l'institution du mariage et obliger les couples qui divorcent à respecter leurs responsabilités et leurs obligations. Il faudrait exhorter les couples à examiner attentivement les conséquences de la dissolution de leur mariage. Il doit cependant exister des mécanismes pour permettre aux gens malheureux en ménage de réorganiser leurs obligations légales quand leur mariage échoue.
Il faut se poser quelques questions fondamentales à propos de cette mesure. Il faut d'abord se demander si la consultation d'un conseiller matrimonial est une obligation que le gouvernement du Canada devrait imposer à tous les couples qui demandent le divorce. Certaines répercussions sont associées aux prescriptions de la loi. Il y a un risque que ces prescriptions bloquent vraiment l'accès au système judiciaire. La consultation en vue d'une réconciliation doit être imposée à tout le monde.
À mon avis, pour que cette disposition fonctionne, il faudra mettre en place des services et des programmes de consultation au niveau local. Cela coûtera très cher et exigera l'appui et la collaboration de toutes les provinces et tous les territoires pour que des services abordables soient offerts partout au Canada.
Je suis certaine que bien des gens reconnaissent le bien-fondé de la consultation matrimoniale. Elle permet à des couples de faire des efforts pour comprendre et préserver leur relation. Elle peut les aider à analyser leurs problèmes et à chercher des solutions. Pour certains couples, la consultation peut se révéler utile.
Toutefois, comme dans la plupart des consultations, son utilité dépend directement de la volonté des parties de s'impliquer. Pour que la consultation réussisse, les deux parties doivent s'y engager de bonne foi. J'ignore si une recherche a déjà prouvé l'efficacité des services de consultation pour réduire le taux de divorce.
Je me demande sérieusement combien de divorces pourront être évités si l'on oblige les parties à consulter une fois qu'une des deux a décidé d'entamer des procédures de divorce. Il est important de faire remarquer que la Loi sur le divorce renvoie déjà à la réconciliation. Le paragraphe 9(1) impose des devoirs précis à tout avocat qui accepte de représenter un époux en divorce. L'avocat doit notamment attirer l'attention de ses clients sur les dispositions de la loi qui traitent de la réconciliation. Il doit discuter avec ses clients de la possibilité d'une réconciliation et les informer des services de consultation matrimoniale qui sont susceptibles de les aider à arriver à une réconciliation.
C'est le devoir de tous les conseillers juridiques sauf lorsque l'affaire est telle que cela ne serait manifestement pas indiqué. Autrement dit, ce qui se passe déjà normalement c'est que l'avocat qu'un couple consulte en vue d'un divorce l'informe qu'il y a une procédure de consultation pour promouvoir la réconciliation et il l'encourage à y avoir recours.
La consultation matrimoniale obligatoire pour réconcilier les couples qui ont déjà décidé de divorcer n'est pas la bonne solution. Ce n'est pas non plus la seule. À mon avis, le gouvernement et la loi devrait veiller avant tout à aider les enfants. Tout le monde conviendra que l'incidence la plus grave du divorce est celle qu'il a sur les enfants. Les études laissent entendre que ce n'est pas le divorce lui-même qui a des conséquences néfastes pour les enfants, mais bien le conflit entre les parents, l'amertume et l'hostilité des parents, qui a un impact négatif sur la vie des enfants.
J'estime que la meilleure attitude à prendre est d'être réaliste et de reconnaître que les couples devraient pouvoir mettre fin à leur relation s'ils en sont arrivés au point où il n'est plus raisonnable de continuer. Au lieu d'imposer des tentatives de réconciliation aux couples, le gouvernement devrait appuyer des programmes d'éducation des parents. Il s'agit de cours qui montrent comment les enfants sont touchés par le divorce et qui visent à aider les parents qui divorcent à mettre en place, pour l'après-divorce, de bons rapports parents-enfants.
Je crois comprendre qu'il existe déjà de nombreux programmes d'éducation des parents. Les colloques comprennent la distribution d'une documentation sur l'incidence de la séparation et du divorce sur les parents et sur les enfants. L'accent est mis sur l'incidence que la conduite des parents a sur les enfants à ce moment de leur vie où ils sont très vulnérables.
On offre aussi de l'information juridique générale, de l'information sur les options de résolution des différends, les rapports parents-enfants et l'aménagement des horaires, de même que sur les responsabilités financières des deux parents et sur la façon d'établir la pension alimentaire pour enfants.
À l'heure actuelle, ces cours reçoivent l'appui financier du gouvernement fédéral par l'intermédiaire du récent programme concernant la pension alimentaire pour enfants.
Les cours semblent couronnés de succès. Lorsqu'ils ont à évaluer les programmes, les participants leur attribuent toujours une cote élevée. Les avocats spécialisés dans le droit de la famille, les médiateurs et les conseillers familiaux rapportent que les parents semblent plus conciliants après avoir suivi les cours.
Il y a des choses qu'on peut faire pour répondre aux préoccupations que les Canadiens ont au sujet du divorce. Toutefois, je ne crois pas que le projet de loi C-218 soit une de celles-là.
Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole sur le projet de loi C-218, et je félicite mon collègue d'en face d'avoir présenté l'idée que nous avons besoin de politiques pour promouvoir des familles harmonieuses et, espérons-le, des familles heureuses.
Le projet de loi C-218 n'est pas la solution pour sauver un mariage. La consultation matrimoniale imposée par la loi, plutôt que librement choisie par des personnes adultes, ne marchera pas. Au contraire, elle accroîtra le coût du divorce parce qu'il faut bien dire que le gouvernement n'affectera pas de ressources pour la consultation matrimoniale.
Il faut également penser aux répercussions culturelles de la consultation, qui pourraient ne pas convenir à la façon dont les premières nations règlent leurs problèmes familiaux. En outre, dans les régions éloignées, les services de consultation ne seront pas assurés. Il n'est pas facile d'avoir quelque genre que ce soit de services de consultation dans la ville de Dawson. Ces services ne sont certainement pas offert à Old Crow. Il existe des réseaux de soutien non officiels, mais il n'y aurait sûrement pas de services de consultation matrimoniale pour les gens sur le point de divorcer.
L'autre question, c'est que personne ne prend le divorce à la légère. Les gens ne divorcent pas par caprice. Ce n'est qu'après des années de conflit qu'ils finissent par se séparer et amorcer des procédures de divorce. Bien des couples se séparent sans jamais divorcer officiellement.
Une foule de causes sont à l'origine des échecs matrimoniaux. Les politiques sociales et économiques des gouvernements sont des facteurs importants. Je conviens certainement avec le député que les tensions financières causent énormément de tort aux familles. Pour régler ce problème, il faut d'abord s'attaquer au problème du chômage élevé.
Les réductions touchant le filet de sécurité sociale du Canada et la restructuration massive de notre économie ont entraîné du chômage et une baisse du niveau de vie. L'incertitude, la peur, la diminution des revenus et les disparités croissantes qui en ont découlé influent de façon néfaste sur le bien-être et la stabilité psychologique de la cellule familiale.
Le présent débat a ceci de bon qu'il permet de souligner l'importance de la cellule familiale dans notre économie et notre société. Il est essentiel que nous reconnaissions le travail non rémunéré des mères et des pères. Tous les hommes qui se lèvent à 5 ou 6 heures du matin pour s'occuper d'activités sportives pour les jeunes, hockey ou soccer, ce sont eux qui travaillent fort pour préserver l'unité de nos familles.
Il nous faut une approche aux multiples facettes pour veiller sur nos enfants. Nous devons nous assurer que l'argent des pensions va là où l'enfant se trouve. Que l'enfant vive avec une grand-mère, une tante, une grand-tante ou un autre membre de la famille, il faut que sa pension alimentaire le suive parce que le but de cet argent est de pourvoir à ses besoins. Nous devons offrir des programmes pour soutenir les parents à temps pour préserver l'unité des familles et aider les parents à élever leurs enfants.
Je suis restée à la maison pendant 15 ans, mais c'était une époque où notre culture n'était pas ce qu'elle est. Je ne pouvais pas compter sur la présence des grands-mères, des tantes et des oncles pour m'aider à élever quatre enfants. Il est très stressant pour moi d'assumer seule cette tâche. Dans la génération de ma mère, il y avait tout un groupe de femmes qui s'entraidaient pour élever leurs enfants. Cela n'existe plus. Le rôle de parent est très stressant. Ceux qui sont parents à temps plein ont besoin de répit. Nous devons reconnaître ce fait et en tenir compte dans nos politiques sur les familles.
Il y aurait sans doute moins de familles qui éclateraient si notre gouvernement adoptait une politique plus équilibrée de croissance économique, d'emploi et de développement. Il ne devrait pas se fier sur le marché libre pour répondre aux besoins des familles, car le marché ne le fait pas. Cela ne le préoccupe pas. C'est un souci du gouvernement et de la société. Il nous faut une répartition équitable de la richesse, un meilleur accès à l'éducation et à la formation et de meilleures perspectives pour l'ensemble de la famille.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je remercie tous les députés qui ont profité de l'occasion pour aborder le projet de loi C-218 qui tend à modifier la Loi sur le divorce en imposant la consultation matrimoniale préalable au divorce.
Je n'ai pas réussi à expliquer clairement aux députés l'objet du projet de loi C-218. Deux députés sont intervenus et ont éloquemment contesté le projet de loi C-218, en affirmant que cette mesure législative ne parviendrait pas à sauver des mariages et à réconcilier des conjoints. Le projet de loi C-218 ne vise absolument pas à réconcilier les conjoints. Ce n'est pas pour cela qu'on veut imposer la consultation.
En fait, le projet de loi vise deux objectifs. Premièrement, veiller à bien définir le rôle que joueront les conjoints, s'ils ont des enfants, après le divorce, après l'éclatement de la famille. Deuxièmement, aborder les questions de l'acrimonie après le divorce, de la violence familiale et de l'homicide.
Pendant mon discours, j'ai cherché à décrire quelques-unes des répercussions de la dissolution de la famille au Canada. J'ai conclu, en me fondant sur mes recherches, que les enfants étaient les véritables victimes du divorce.
Tout en affirmant que le projet de loi ne parviendrait pas à réconcilier les conjoints, la députée néo-démocrate a ajouté qu'il fallait veiller à ce que les pensions alimentaires soient bien versées. Quelle meilleure façon de s'y prendre que d'inviter les conjoints à participer à une séance de consultation afin que chacun d'entre eux comprenne ce à quoi on s'attend de sa part.
Le député réformiste a soulevé une question intéressante. Il a laissé entendre que la constitutionnalité de cette mesure pourrait être contestée. Je signale à tous les députés que, à l'heure actuelle, à Edmonton, les tribunaux ordonnent régulièrement des séances de consultation matrimoniale, lorsque la garde des enfants fait l'objet d'un litige. Ce programme existe depuis deux ans. Il remporte un tel succès que le gouvernement et le ministre de la Justice de l'Alberta ont déclaré qu'ils espéraient l'appliquer dans l'ensemble de la province.
Compte tenu de ce qui se passe déjà au Canada, je me dois de conclure que les inquiétudes constitutionnelles ne sont pas justifiées en l'occurrence. Cela suscite toutefois une question plus générale, celle de savoir si notre Constitution ne vise que les droits des individus ou si elle protège aussi ceux des enfants qui ne peuvent exercer leurs droits, qui ne peuvent les faire respecter.
Lors d'un divorce, la mère et le père sont chacun représentés par un avocat, mais qui défend les intérêts des enfants? Le divorce est vraiment une forme de violence faite aux enfants. Comme l'ont dit tous les députés, la consultation serait l'intervention capitale qui garantirait que les intérêts des enfants aient bel et bien préséance.
Le député réformiste a aussi parlé du fait que le projet de loi puisse faire l'objet d'un vote. Je regrette moi aussi la situation. Or, c'est notre façon de procéder. Il nous faut composer avec au lieu de la déplorer.
Même si une députée du Québec a dit que le divorce devrait relever des provinces, il reste que le taux de mariage est moins élevé au Québec que dans n'importe quelle autre province. Les taux de violence conjugale et de désagrégation familiale ainsi que les autres problèmes qui y sont connexes sont toutefois nettement plus importants au Québec que dans toute autre province. Je ne propose absolument pas que nous prenions le Québec comme modèle.
En terminant, je tiens à remercier les députés d'avoir exprimé leurs opinions. Il est très important d'entendre une vaste gamme d'interventions. Je remercie tous les députés de leurs observations éclairées.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): La période réservée à l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.
L'honorable député de Simcoe-Nord invoque le Règlement.
[Traduction]
SUSPENSION DE LA SÉANCE
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Madame la Présidente, je propose que la Chambre suspende ses travaux jusqu'au début des initiatives ministérielles, à midi.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a-t-il le consentement de la Chambre?
Des voix: D'accord.
(La séance est suspendue à 11 h 52.)
REPRISE DE LA SÉANCE
La séance reprend à 12 heures.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Français]
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE)
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.) propose:
ATTENDU que l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée,
La Chambre des communes a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA
1. La clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada figurant à l'annexe de la Loi sur Terre-Neuve est abrogée et remplacée par ce qui suit:
«17. (1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre- vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
(2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
(3) L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.»
TITRE
2. Titre de la présente modification: Modification constitutionnelle de (année de la proclamation) (Loi sur Terre-Neuve).
—Madame la Présidente, je suis heureux de lancer aujourd'hui le débat sur la résolution visant à modifier la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. Toute modification à notre Constitution constitue une question importante.
Grâce au travail assidu de mes collègues de la Chambre et du Sénat qui ont examiné la modification proposée, le Parlement fédéral est en mesure de contribuer à la réforme du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador d'une manière qui optimisera les chances des enfants de cette province de recevoir une bonne éducation. Nous pouvons tous nous en réjouir.
La modification proposée remplacerait le système des écoles séparées qui existe actuellement dans la province et qui est exclusivement confessionnel, par un système public unique dans lequel tous les enfants, peu importe leur religion, fréquenteraient les mêmes écoles.
La modification stipule aussi que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador doit «prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier» et garantir que l'observance d'une religion doit être permise dans une école «si les parents le demandent».
Avant d'aller plus loin, j'aimerais féliciter les membres du comité pour leur travail exemplaire. Ils ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à l'examen d'une question constitutionnelle sociale et morale très complexe. Grâce à leurs efforts, de nombreux citoyens et groupes de Terre-Neuve, du Labrador et de toutes les régions du Canada ont eu l'occasion d'exprimer leurs points de vue sur la modification.
Comme vous le remarquerez, les délibérations du comité démontraient aussi le bien-fondé de la modification proposée. Ces délibérations confirment en outre l'ampleur de l'appui en faveur de la modification à Terre-Neuve et au Labrador, y compris un appui raisonnable de la part des minorités visées. À cet égard, le point de vue initial du gouvernement a été confirmé.
Par conséquent, après avoir tracé brièvement l'historique de cette modification et illustré sa raison d'être, je limiterai mes observations aux principales préoccupations soulevées au cours des audiences du comité, à savoir si la clause 17 modifiée sera compatible avec la Charte canadienne des droits et libertés, avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et si la modification constitutionnelle proposée jouit de l'appui approprié des minorités visées.
Commençons par le contexte. Afin de saisir pleinement l'importance de la modification proposée, nous devons d'abord considérer l'histoire du système scolaire confessionnel à Terre-Neuve et au Labrador et les tentatives de le réformer. Les Conditions de l'union de 1949 ont constitutionnalisé un système scolaire exclusivement confessionnel. Plusieurs groupes religieux avaient le droit de créer, d'exploiter et d'administrer leurs propres écoles publiques. Dans le contexte canadien, Terre-Neuve était donc un cas unique, puisqu'on n'y trouvait pas d'écoles publiques non confessionnelles.
La tentative la plus récente d'intégration des écoles de la province découle du rapport de la Commission royale Williams en 1992. La Commission recommandait, dans son rapport final, un système scolaire pleinement intégré. Lorsque les pourparlers avec les Églises, en vue de mettre en oeuvre cette recommandation, ont achoppé, après trois années de discussions, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a tenté de réformer son système scolaire au moyen d'une modification de la clause 17. Proclamée le 21 avril 1997, cette modification constituait un compromis qui maintenait le rôle des Églises en matière d'éducation et ne cherchait pas à éliminer toutes les écoles confessionnelles.
Mais la tentative de mettre en oeuvre la nouvelle clause par un mécanisme législatif a été contestée avec succès devant la Cour suprême de Terre-Neuve. Notant que la Schools Act—et non la modification proprement dite—posait des problèmes juridiques, le juge Leo Barry a accordé aux représentants des Églises catholique romaine et pentecôtiste une injonction temporaire qui a bloqué complètement la réforme scolaire.
À Terre-Neuve, cette mesure a provoqué une grande confusion et beaucoup d'incertitude au sujet de la structure future du système scolaire. Elle a poussé le gouvernement de Terre-Neuve à conclure que le compromis inhérent à la clause 17 modifiée ne pouvait être appliqué.
Par conséquent, le premier ministre Tobin a décidé de retourner devant le peuple une fois de plus pour lui demander le mandat de modifier à nouveau la clause 17. L'objet de la modification que la Chambre est maintenant priée d'étudier consiste à créer un système scolaire unique financé par les deniers publics.
Le 27 octobre, le gouvernement a déposé à la Chambre une résolution visant à modifier la clause 17. Il a déposé une résolution semblable au Sénat le 5 novembre. Même si le gouvernement estime que cette modification mérite notre appui, nous croyons que toute tentative de supprimer des droits constitutionnalisés des minorités devrait s'effectuer par des mécanismes équitables et exhaustifs.
Voilà pourquoi nous avons créé un Comité mixte spécial pour examiner cette proposition de modification. Le Comité a tenu de vastes consultations publiques au cours desquelles il a entendu 49 groupes et particuliers. Vendredi dernier, le Comité a fait rapport aux deux Chambres du Parlement et indiqué, dans un long rapport, que le consensus à Terre-Neuve et au Labrador est tel que le Parlement fédéral devrait appuyer la modification. Le Comité a tiré cette conclusion après avoir examiné cette question complexe sous de nombreux angles et après avoir analysé les témoignages.
[Traduction]
La modification proposée répond au désir de Terre-Neuve de réformer et d'intégrer son système scolaire, désir qu'elle éprouve depuis longtemps.
En retirant complètement les Églises de l'administration de l'enseignement public, la modification donne à l'assemblée législative le pouvoir de gérer et d'intégrer les écoles de la province. Cela donnera aux élèves des possibilités accrues sur le plan de l'éducation étant donné que la province ne sera plus obligée de continuer à financer et à exploiter des petites écoles non viables.
Dans son témoignage devant le comité spécial mixte, le chef néo-démocrate provincial, M. Jack Harris, a accueilli favorablement le fait que la modification maximiserait les ressources disponibles pour offrir la meilleure éducation possible aux enfants, quelle que soit la confession religieuse de leurs parents.
Des groupes populaires représentant les parents, comme le groupe Education First et la Newfoundland and Labrador Home and School Federation, ont dit au comité que, en établissant un système scolaire unique, la modification réduirait ou éliminerait la nécessité de transporter les enfants par autobus vers écoles confessionnelles situées dans d'autres localités.
Aux termes de la modification proposée, tous les enfants auraient le droit de fréquenter l'école locale et, comme le syndicat provincial des enseignants était heureux de le signaler, aucune école n'aurait le droit d'embaucher ou de congédier des enseignants en raison de leur religion.
La modification réformera et améliorera le système d'éducation sans toutefois empêcher l'enseignement religieux et les pratiques religieuses, qui ont toujours été un élément historique important du système scolaire de cette province. Il est important de signaler que la modification n'obligera pas les enfants à suivre des cours d'enseignement religieux ni à participer à des pratiques religieuses si les parents s'y opposent.
L'engagement de la province à préserver le droit à l'enseignement religieux et aux pratiques religieuses dans les écoles publiques expliquerait en partie pourquoi la modification a reçu un appui aussi exceptionnel lors du référendum et à l'assemblée législative. La province a également dit clairement dès le départ que l'enseignement religieux ne se serait pas liée à une confession en particulier.
Durant les délibérations du comité, cette évaluation a été confirmée par Mme Gale Welsh, du ministère de la Justice de Terre-Neuve et du Labrador. Mme Welsh a fait remarquer que la question référendaire et la clause proposée étaient issus d'une série d'événements et de consultations qui se sont échelonnés sur de nombreuses années dans la province.
Comme on le dit dans le rapport du comité, les dispositions de la modification concernant l'enseignement religieux et les pratiques religieuses ont soulevé des préoccupations chez certains témoins, comme Mme Anne Bayefsky, experte en droit constitutionnel. Mme Bayefsky et d'autres juristes avaient certains doutes au sujet de la compatibilité de la clause proposée avec la Charte canadienne des droits et libertés.
Par exemple, ils ont laissé entendre que la clause 17 proposée, vu qu'elle permet l'observance religieuse dans une école, pourrait contrevenir aux articles 2 a) et 15 de la Charte, qui garantissent la liberté de religion et les droits à l'égalité.
Cet argument est fondé sur des décisions de la Cour d'appel de l'Ontario statuant que certaines pratiques comme la prière et les scènes de la nativité ne peuvent être tolérées dans les écoles publiques, nonobstant toute disposition de dérogation. Les témoins ont déclaré que ces craintes quant à la Charte s'appliqueraient aussi aux dispositions sur l'enseignement religieux du paragraphe (2) de la clause 17 proposée, lequel stipule que l'assemblée législative de Terre-Neuve doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
Comme je l'ai indiqué au comité, le gouvernement ne partage pas cet avis, premièrement parce qu'il serait faux de conclure que les décisions de la Cour d'appel de l'Ontario, qui n'ont pas encore été soumises à la Cour suprême du Canada, s'appliqueraient nécessairement à la mise en oeuvre et en pratique de la clause 17 proposée.
La compétence législative quant à l'éducation en Ontario demeure telle que décrite à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui, contrairement à la clause proposée, ne renferme aucune disposition explicite sur l'enseignement religieux et l'observance religieuse dans les écoles publiques.
Deuxièmement, si la clause 17 est promulguée, elle sera inscrite dans la Constitution du Canada. Ainsi, elle sera protégée par le principe bien établi selon lequel une partie de la Constitution, comme la Charte par exemple, ne peut servir à invalider ou à abroger une autre partie de la Constitution. En conséquence, les dispositions des paragraphes (2) et (3) seraient en quelque sorte protégées contre toute contestation en vertu de la Charte.
Comme je l'ai déjà dit, le paragraphe (2) porte sur l'enseignement religieux et le paragraphe (3) stipule que «l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent».
Le principe voulant qu'une partie de la Constitution ne peut en invalider une autre est fondé sur la jurisprudence de la Cour suprême et a clairement été énoncé en ce qui concerne les droits en matière d'éducation dans le renvoi de 1987 au sujet de la modification de la Loi sur l'éducation de l'Ontario. À cette occasion, la Cour suprême avait déclaré que:
Selon notre jurisprudence, la Charte ne permet pas l'abrogation automatique d'une disposition quelconque de la Constitution du Canada, laquelle comprend tous les documents énumérés à l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.
L'article 52 établit que la clause 17 de la Loi sur Terre-Neuve et les modifications qui y ont été apportées font partie de la Constitution du Canada.
En ce qui concerne l'article 93, la cour a déclaré:
Ce pouvoir législatif provincial ne peut être abrogé en invoquant d'autres parties de la Constitution.
Ce principe qui a été réitéré dans l'arrêt Adler l'an dernier s'appliquerait aussi à la clause 17 proposée.
D'aucuns ont suggéré que, vu que cette modification de la clause 17 entrerait en vigueur après la promulgation de la Loi constitutionnelle de 1982, dont la Charte fait partie, elle serait assujettie à la Charte, même si la clause 17 originale, qui date d'avant la Loi constitutionnelle de 1982, ne l'était pas. La Constitution ne soutient pas cet argument.
L'article 52, qui détermine en quoi se compose la Constitution, ne fait aucune distinction entre le fait qu'une partie de la Constitution ait été promulguée avant ou après 1982. En fait, le paragraphe 52(2)c) stipule clairement que les modifications d'un texte législatif qui fait partie de la Constitution font elles aussi partie de la Constitution. Une fois qu'une modification est incluse dans la Constitution, elle en fait légitimement partie, quelle que soit la date à laquelle elle est été adoptée.
Durant les audiences publiques du comité, plusieurs témoins ont parlé de la question de la compatibilité de la clause proposée avec les droits établis dans le Pacte international des droits civils et politiques.
Certains témoins ont cité, en particulier, des violations possibles de la liberté de religion reconnue par l'article 18.
Les trois premiers paragraphes de l'article 18 sont relatifs à la liberté de religion dans le contexte du choix et de la pratique de la religion et ils sont destinés à protéger les particuliers de toute discrimination fondée sur leur appartenance religieuse. Il n'y a rien dans la modification proposée de la clause 17 qui puisse nuire à la liberté d'une personne de choisir ou de pratiquer sa religion.
Le quatrième paragraphe traite plus directement de l'éducation, puisqu'il parle de «la liberté des parents [...] de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions». Cette liberté n'a jamais été interprétée d'une manière qui laisserait entendre que l'État est tenu de financer les écoles religieuses.
Le rapport du comité note également que l'Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador a conclu que la clause 17 proposée était conforme aux déclarations internationales et au pacte. De plus, Mme Anne Bayefsky ajoutait que la proposition d'éliminer le financement des écoles religieuses ne violait pas les dispositions du pacte sur la liberté de religion.
Par ailleurs, comme je l'ai expliqué au comité le 1er décembre, la protection de la liberté de religion telle qu'elle figure dans le pacte n'interdit pas aux États d'offrir des cours de religion non obligatoires.
La commission des Nations Unies sur les droits de l'homme, qui est responsable de l'administration du pacte, a publié un commentaire général sur l'article 18. Elle dit que l'article 18 permet l'enseignement religieux, même l'instruction propre à une religion en particulier, dans les écoles publiques. Toutefois, il doit exister une disposition permettant des exemptions ou des remplacements non discriminatoires accordés à la demande des parents.
La modification proposée à la clause 17 prévoit que l'on donnera un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier, mais on ne dit nulle part que les enfants devront le suivre.
De plus, le gouvernement de Terre-Neuve a indiqué à plusieurs occasions que les enfants n'auront pas à suivre des cours de religion ou à participer à des rites religieux si les parents s'y opposent. Par conséquent, je conclus et prétends que la clause est conforme au pacte.
Le conseiller juridique du gouvernement de Terre-Neuve a fait valoir des arguments semblables et le comité arrive à la conclusion, dans son rapport, qu'il est évident que les paragraphes 17(2) et (3) ont été rédigés avec soin pour répondre à des critères complexes d'ordre historique, politique et juridique.
En ce qui a trait au consentement des minorités touchées, la Constitution canadienne est la loi fondamentale du Canada. C'est pourquoi toute modification constitutionnelle doit être examinée avec grand soin. Tout changement visant à modifier ou à abolir des droits exige une prudence plus grande que lorsqu'il s'agit d'accorder des droits supplémentaires. Les modifications constitutionnelles qui touchent une minorité exigent une prudence encore plus grande.
En cherchant à voir s'il existe un appui suffisant pour donner suite au projet de modification de la clause 17, nous nous fondons sur le principe qui veut que le niveau d'appui requis pour justifier une modification importante de droits et de libertés reconnus dans la Constitution est directement relié à la nature du droit et de la liberté en cause.
L'évaluation du niveau d'appui doit nécessairement tenir compte de la nature des droits touchés par la modification. Soyons clairs. La clause 17 ne menace pas la liberté de religion ou d'expression, qui sont des libertés fondamentales explicitement protégées comme telles dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans de nombreux autres pactes internationaux.
Il n'est pas question ici d'un droit fondamental, mais d'un droit découlant d'un accord politique exclusivement canadien qui remonte à l'époque de l'union de Terre-Neuve au Canada.
J'avoue mon étonnement de voir l'opposition officielle affirmer, dans son opinion minoritaire, que le Parlement créerait un précédent en établissant une distinction entre des droits fondamentaux comme la liberté de religion et le droit d'avoir un enseignement confessionnel subventionné par l'État. Nous n'établissons pas un précédent de ce genre. Il existe déjà une distinction dans la loi et dans la pratique.
Il existe de nombreux droits et de nombreuses libertés. Des tribunaux et des organisations internationales ont étudié la question de savoir ce qui constitue ou non un droit fondamental et on est arrivé à un consensus général. Ce consensus se reflète dans des documents internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte européen des droits de l'homme et des mesures équivalentes adoptées par diverses organisations régionales comme l'Organisation des États américains et l'organisation des États africains.
L'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés précise que le Canada considère comme des libertés fondamentales: la liberté de conscience et de religion; la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication; la liberté de réunion pacifique; et la liberté d'association.
Bien qu'il y ait diverses catégories de droits fondamentaux, même dans la Charte canadienne des droits et libertés, aucune analyse effectuée par des experts en la matière ne permet de déterminer que le financement public des écoles confessionnelles figurait dans la définition des droits fondamentaux.
La Cour suprême du Canada a rendu une décision sur les garanties relatives aux écoles confessionnelles figurant à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui sont semblables à celles de la clause 17. Dans l'affaire Adler c. Ontario en 1996, la cour a conclu que du fait qu'il était né d'exigences historiques, l'article 93 ne garantissait pas les libertés fondamentales. Dans un jugement rendu plus tôt, la cour avaait déclaré que même si elle était fondée sur les notions de tolérance et de diversité, l'exception à l'article 93 n'était pas une affirmation générale de la liberté de religion ou de la liberté de conscience et ne devrait pas être perçue comme une liberté prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Tout cela ne veut pas dire que les droits à l'école confessionnelle prévus à l'article 93 dans la clause 17 ne sont pas importants. Il n'en est rien. Cependant, nous devons être certains de ce qui est en jeu ici et nous devons juger le niveau requis d'appui d'une façon proportionnelle au droit touché.
Je souligne que le fait de modifier la clause 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada n'établit aucun précédent juridique ou autre pour d'autres provinces. Le Parlement fédéral doit tenir compte des circonstances précises dans chaque cas. Ce principe est au coeur du fédéralisme qui est conçu pour s'assurer que la politique de chaque province correspond à ses besoins et réalités spécifiques.
La situation à Terre-Neuve n'est pas la même que dans d'autres provinces. Par conséquent, je maintiens le principe que le droit à l'enseignement confessionnel financé par le gouvernement n'est pas équivalent au droit fondamental à la liberté de religion, et j'affirme en outre que toute décision future du Parlement sur cette question devrait se faire en tenant compte des circonstances particulières entourant cette question.
Comme je l'ai expliqué durant tout le déroulement du processus, le gouvernement du Canada a fondé sa décision d'aller de l'avant dans cette affaire sur un certain nombre de facteurs et de considérations, y compris les résultats du référendum. Notre analyse des résultats n'est pas fondée sur des hypothèses statistiques improbables, mais sur ce qui a été exprimé le jour du scrutin. Le résultat indique que, dans les régions à forte concentration catholique romaine, la proposition a l'appui de la majorité.
Le sondage a aussi révélé que les catholiques représentent près de 50 p. 100 de la population et la majorité des circonscriptions électorales de la province, soit 25 sur 48 ou 52 p. 100, et qu'on a voté en faveur de la proposition dans toutes les circonscriptions, sauf une.
Il a été beaucoup plus difficile d'évaluer l'appui manifesté à l'amendement au sein de la petite minorité pentecôtiste. Comme je l'ai expliqué dans mon deuxième témoignage au comité, même M. Melvin Regular, administrateur du comité d'éducation confessionnelle pentecôtiste, a admis volontiers qu'il n'y a vraiment aucun moyen de savoir comment les membres de sa collectivité ont réellement voté.
La seule chose dont nous puissions être sûrs, c'est que, dans les quatre circonscriptions où se trouve la plus grande partie des habitants de religion pentecôtiste, la proposition d'amendement l'a emporté avec des majorités de 60 p. 100, en moyenne.
Comme je l'ai déjà dit, compte tenu des répercussions de cette modification sur les droits des minorités, dans le cadre d'un référendum, une simple majorité de 50 p. 100 plus un n'aurait pas suffi à mesurer le degré de consensus parmi les personnes touchées.
Qui plus est, lors d'un référendum, une majorité ne peut à elle seule justifier l'abolition de droits fondamentaux. Il ne s'agit toutefois pas de droits fondamentaux, en l'occurrence. Le résultat du référendum n'a pas été une faible majorité, mais bien une majorité écrasante de 73 p. 100 prouvant l'appui des minorités
Enfin, les députés de l'Assemblée législative ont voté à l'unanimité en faveur de la modification proposée, y compris tous les députés catholiques et pentecôtistes, le chef de l'opposition, M. Loyola S. Sullivan, et le chef néo-démocrate, M. Jack Harris. Il n'y a aucune dissension ni aucun doute au sein de l'institution démocratique qui se prononce au nom de tous les habitants de Terre-Neuve et du Labrador.
Comme le gouvernement du Canada l'a fait valoir et comme le rapport du comité mixte spécial l'a confirmé, il serait difficile de justifier le rejet de la proposition de Terre-Neuve étant donné les qualités évidentes de la modification et l'appui important et généralisé qu'elle suscite.
Parce qu'il est question de droits des minorités, nous avons agi avec toute la prudence et la considération qui s'imposent, mais, en définitive, nous croyons qu'il s'agit d'un changement positif qui est souhaité par la population de Terre-Neuve et du Labrador et qui recueille suffisamment d'appui parmi les minorités religieuses visées.
Je sais que les opposants à une modification de la clause 17 sont sincères lorsqu'ils expriment leur préoccupations au sujet de cette réforme. Je sais aussi que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador est sincère lorsqu'il dit qu'il invitera les dirigeants catholiques et pentecôtistes de la province à participer à l'élaboration d'un nouveau programme d'éducation religieuse et à la mise en place du nouveau système scolaire.
Le gouvernement du Canada s'attend à ce que toutes les parties visées à Terre-Neuve agissent de manière responsable et juste lors de la mise en oeuvre de cette importante réforme.
J'espère que l'excellent travail du comité rappellera à mes collègues que nous devons saisir l'occasion que nous offre cette proposition de Terre-Neuve pour montrer que la Constitution du Canada et les institutions qu'elle régit peuvent répondre aux besoins des Canadiens. J'espère que, tous ensemble, nous contribuerons à ce que les enfants de Terre-neuve reçoivent le meilleur enseignement possible et qu'ils bénéficient réellement de chances égales à l'aube du XXIe siècle.
J'espère que, comme moi, tous les députés voteront en faveur de la modification.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Madame la Présidente, j'interviens au sujet de la réforme scolaire à Terre-Neuve et notamment au sujet de la motion dont le Chambre est saisie et qui veut que l'on ait recours à l'article de la Loi constitutionnelle de 1982 pour modifier la Constitution. Le but visé est de remplacer l'actuelle clause 17 des Conditions d'union de Terre-Neuve avec le Canada par une nouvelle clause 17.
Cette proposition de modification aurait pour effet de remplacer le système scolaire confessionnel actuel par un seul système scolaire public destiné à tous les enfants, sans égard à leur appartenance confessionnelle. Autrement dit, il s'agit d'abolir les droits confessionnels garantis par l'actuelle clause 17 et de leur substituer les dispositions et les droits que prévoit la nouvelle clause 17, à savoir la mise en place d'un système scolaire public unique; la mise en place de cours de religion qui ne s'adressent pas à un groupe confessionnel en particulier; et l'octroi aux parents du droit de réclamer la pratique de la religion à l'école.
Avant d'entrer dans les détails, je voudrais exprimer deux sentiments qui sous-tendent tous les propos que je formulerai par la suite. D'abord, au nom des députés de l'opposition officielle, je tiens à assurer la population de Terre-Neuve de notre bonne volonté et de l'intérêt que nous portons à leur effort pour améliorer leur système d'enseignement.
Nous connaissons tous les énormes difficultés économiques qu'éprouve Terre-Neuve, surtout depuis l'effondrement de la pêche, une des principales industries du secteur primaire de la province.
Les députés albertains comme moi comprennent facilement cette situation parce que nos parents ont vécu à une époque où notre province périclitait en raison de l'effondrement de l'agriculture, sa principale activité, pendant la dépression. Nous pouvons également comprendre la portée des bonnes nouvelles qui nous sont parvenues récemment de Terre-Neuve où, grâce à des investissements énormes en capitaux et à une grande ingéniosité technique, la pétrole d'Hibernia coule enfin.
C'est principalement le pétrole et le gaz naturel qui ont transformé l'économie de ma province. Je veux exprimer l'espoir que l'exploitation de cette ressource marquera l'avènement d'une ère nouvelle pour Terre-Neuve et qu'elle sera pour la province une source de revenus qui lui permettront de financer les services sociaux et les services éducatifs nécessaires à ses habitants.
Je tiens également à dire que les députés de l'opposition officielle respectent entièrement les pouvoirs des Terre-Neuviens en matière d'éducation. Nous savons que l'éducation touche la ressource la plus précieuse de Terre-Neuve, ses enfants. Par conséquent, nous offrons tous nos voeux aux Terre-Neuviens, quelles que soient les réformes qu'ils décident d'apporter à leur système d'éducation et quel que soit l'avenir qui les attend.
La deuxième chose que je voulais dire, c'est que, en tant que députés fédéraux, nous devons définir nos principes et choisir nos positions avec grand soin lorsque nous traitons de modifications de la Constitution. Il se pourrait bien que, au cours des années à venir, le Parlement ait à relever des défis constitutionnels importants, non seulement du fait de la menace séparatiste constante en provenance du Québec, mais aussi de revendications en provenance d'autres régions du pays réclamant des changements importants aux dispositions constitutionnelles concernant, par exemple, le partage des pouvoirs entre le fédéral et les provinces, et l'équilibre entre les droits de la majorité et les droits des minorités.
Tout ce que nous disons et tout ce que nous faisons dans le domaine du droit constitutionnel peut être considéré à l'avenir comme un précédent politique, voir même jurisprudentiel. Nous devons donc nous soucier des conséquences que pourrait avoir le précédent que créera tout ce que nous pourrons proposer ou adopter relativement à la modification du système scolaire de Terre-Neuve.
Lorsque nous définissons nos positions sur les droits de la majorité et de la minorité, à propos de cet amendement, nous devons songer que ces mêmes positions s'appliqueront à d'autres situations dans lesquelles les droits de la majorité et de la minorité seront touchés au plan constitutionnel.
Lorsque nous définissons nos positions et faisons des déclarations sur ce qui constitue le consentement démocratique à une modification constitutionnelle proposée par Terre-Neuve, nous devons réfléchir sérieusement à la manière dont le même principe s'appliquera à d'autres situations où il nous faut le consentement démocratique. Ainsi, j'ai remarqué non sans intérêt les termes que le ministre des Affaires intergouvernementales a employés pour donner sa définition du principe du consentement démocratique. Dans la déclaration qu'il a faite au comité mixte spécial le 18 novembre 1997, il a dit:
Étant donné l'impact de cette modification sur les droits des minorités, une simple majorité de 50 + 1 au référendum n'aurait été ni suffisante ni adéquate pour mesurer l'ampleur du consensus chez les catholiques et les pentecôtistes. Cela dit, loin d'aboutir à un partage serré des voix, le référendum a permis de constater que la population est favorable dans une proportion de 73 p. 100, ce qui permet de supposer un appui du côté des minorités.
Fort bien, mais je remarque que cette conception du consentement démocratique diffère légèrement de celle adoptée par le gouvernement en 1996, année où la Chambre a été saisie de la modification précédente proposée par Terre-Neuve sur le même sujet. En effet, le référendum qui avait précédé cette autre proposition avait été adopté par seulement 54 p. 100, toutefois le gouvernement avait jugé la majorité assez forte pour satisfaire au critère du consentement démocratique. Le gouvernement devrait s'efforcer d'avoir une position constante à cet égard, car les incohérences seraient remarquées par nous et par d'autres.
J'ai également remarqué avec intérêt, il y a quelques instants, les déclarations du ministre sur la question de savoir si les droits à l'enseignement confessionnel sont fondamentaux. Beaucoup prétendent qu'ils ne le sont pas. C'est principalement l'opinion d'esprits laïcs et légalistes, et les tribunaux et le ministre partagent cette opinion. Mais l'esprit religieux, pour qui les questions de foi et de conscience sont suprêmes, considère les droits à l'enseignement confessionnel comme un prolongement de la liberté de conscience et de religion. Ils sont donc fondamentaux, d'une certaine façon.
Le ministre soutient que le droit aux écoles confessionnelles au Québec n'est pas un droit fondamental. La conséquence logique de cette position est que le droit aux écoles organisées sur une base linguistique n'est pas non plus un droit fondamental. Je serais bien étonné que la majorité des Québécois ne considèrent pas ces écoles comme un prolongement fondamental de leur droit à la liberté de parole et d'expression.
Cette question de savoir ce qui est fondamental et ce qui ne l'est pas dans son sens le plus large dépend donc beaucoup de nos orientations et de nos valeurs les plus profondes.
Les députés me pardonneront si je prends quelques instants, en tant que premier orateur de l'opposition officielle sur cette motion, pour expliquer brièvement notre compréhension de la toile de fond de la modification constitutionnelle que demande le gouvernement de Terre-Neuve.
Si je décris cette toile de fond—et je sais que cela n'apportera rien de nouveau à tous ceux qui sont suivi le débat sur cette question, mais que cela sera utile à ceux qui ne l'ont pas fait—les députés réformistes qui me suivront n'auront pas à le faire et pourront ainsi entrer tout de suite dans le vif du sujet et traiter des questions de principe.
Nous voulons également brosser ce tableau pour que les autres députés, notamment ceux de Terre-Neuve, puissent nous corriger si nous avons mal compris ces notions de base.
J'ai lu la toile de fond relative à la clause 17 présentée par le ministre et le comité mixte spécial quant aux origines de la clause 17 initiale, et je la trouve inexacte sur un point très important, que m'a rappelé l'ancien premier ministre Wells quand il est venu à Ottawa la semaine dernière.
Il s'agit du fait que la clause 17 a été ajouté aux conditions initiales de l'union principalement pour satisfaire à des exigences politiques, et non juridiques et constitutionnelles. Quand les Terre-Neuviens discutaient de l'union avec le Canada en 1949, l'un des principaux arguments soulevés par les opposants à l'union était que celle-ci détruirait le système scolaire confessionnel unique de Terre-Neuve. Pour contrer cet argument, Joey Smallwood et d'autres ont proposé la clause 17 initiale pour fournir une garantie constitutionnelle au maintien de ce système scolaire unique.
La clause 17 initiale se lit comme suit:
17. (1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la clause suivante devra s'appliquer au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867: Dans la province de Terre-Neuve et pour ladite province, la Législature aura le pouvoir exclusif d'édicter des lois sur l'enseignement, mais la Législature n'aura pas le pouvoir d'adopter des lois portant atteinte aux droits ou privilèges que la loi, à la date de l'Union, conférait dans Terre-Neuve à une ou plusieurs catégories de personnes relativement aux écoles confessionnelles, aux écoles communes (fusionnées) ou aux collèges confessionnels et, à même les deniers publics de la province de Terre-Neuve affectés à l'enseignement,
(a) toutes semblables écoles recevront leur part desdits deniers conformément aux barèmes établis à l'occasion par la Législature, sur une base exempte de différenciation injuste, pour les écoles fonctionnant alors sous l'autorité de la Législature; et
(b) tous semblables collèges recevront leur part de toute subvention votée à l'occasion pour les collèges fonctionnant alors sous l'autorité de la Législature, laquelle subvention devra être distribuée sur une base exempte de différenciation injuste.
Les termes utilisés dans la clause 17 initiale sont tirés de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique de 1867, qui stipule, entre autres:
93. Dans chaque province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l'éducation, sujettes et conformes aux dispositions suivantes:
(1) Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré, lors de l'union, par la loi à aucune classe particulière de personnes dans la province, relativement aux écoles séparées (denominational);
Je sais gré au ministre et à d'autres d'avoir signalé que l'article 93 lui-même ne s'applique pas à la province de Terre-Neuve et que l'on ne peut donc pas dire, à strictement parler, qu'une modification à la clause 17 viole l'article 93. D'après son libellé, la clause 17 précise qu'elle s'applique «au lieu de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867».
La clause 17 initiale garantissait les droits à l'enseignement confessionnel de sept groupes religieux particuliers. On l'a modifiée en 1987 pour inclure un autre groupe confessionnel, les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, dans le système des écoles confessionnelles.
Comme les députés le savent, la Commission royale Williams a recommandé en 1992, après deux années d'étude, de réorganiser le système scolaire de la province de Terre-Neuve et du Labrador afin de permettre au gouvernement d'administrer le système de façon plus efficace. La commission a proposé de créer un système scolaire interconfessionnel unique englobant les quatre systèmes confessionnels distincts qui existaient alors.
En juin 1995, le gouvernement de Terre-Neuve a demandé l'approbation de la population pour modifier la clause 17 des Conditions de l'union afin de mettre en oeuvre ce plan de restructuration. Il a donc tenu un référendum portant sur la question suivante: «Appuyez-vous la modification que le gouvernement propose d'apporter à la clause 17 afin de permettre la réforme du système d'enseignement confessionnel? Oui ou non?» La proposition a été approuvée par 54,4 p. 100 des personnes qui ont voté. La proposition de modification à la clause 17 remaniait les droits à l'enseignement confessionnel à Terre-Neuve sans y mettre fin et tâchait de les concilier avec les exigences d'un système plus moderne. C'était une solution de compromis.
Le 4 décembre 1996, la Chambre des communes a adopté une résolution visant à modifier la clause 17 tel que proposé, et la clause 17 telle que modifiée, la clause actuellement en vigueur, se lit comme suit. J'aimerais faire consigner au compte rendu la clause 17 actuelle, mais, pour épargner du temps, je demanderais à la Chambre de me dispenser de lire effectivement toute la clause et de la faire consigner au hansard comme si je l'avais lue.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a-t-il le consentement de la Chambre?
Des voix: D'accord.
M. Preston Manning:
Clause 17—1995
17. En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, le texte qui suit s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
Dans la province de Terre-Neuve et pour ladite province, la Législature a le pouvoir exclusif d'édicter des lois sur l'enseignement, mais:
a) sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école; les droits des catégories de personnes qui se sont regroupées par un accord conclu en 1969 pour constituer un système scolaire unifié sont assimilés à ceux dont jouit une catégorie de personnes en application de la présente clause;
b) sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles:
(i) toute catégorie de personnes visée à l'alinéa a) a le droit de créer, maintenir et faire fonctionner une école soutenue par les deniers publics,
(ii) la Législature peut approuver la création, le maintien et le fonctionnement d'une école soutenue par les deniers publics, qu'elle soit confessionnelle ou non;
c) toute catégorie de personnes qui exerce le droit prévu au sous-alinéa b)(i) conserve le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école ainsi que d'y régir les activités académiques touchant aux croyances religieuses, la politique d'admission des étudiants et l'affectation et le congédiement des professeurs;
d) les écoles visées aux alinéas a) et b) reçoivent leur part des deniers publics conformément aux barèmes fixés par la Législature sur une base exempte de différenciation injuste;
e) si elles le désirent, les catégories de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause ont le droit d'élire une proportion d'au moins deux tiers des membres d'un conseil scolaire et une de ces catégories a le droit d'élire le nombre de membres de cette proportion qui correspond au pourcentage de la population qu'elle représente dans le territoire qui est du ressort du conseil.
L'assemblée législative de Terre-Neuve a ensuite adopté une nouvelle loi sur les écoles et une nouvelle sur l'éducation pour permettre à la province de ramener le nombre de districts scolaires à dix et pour créer des commissions scolaires interconfessionnelles.
En tout, 27 commissions scolaires confessionnelles sont alors disparues et 10 nouvelles commissions scolaires interconfessionnelles ont été chargées d'administrer le système. Il a été établi que soixante écoles dans l'ensemble de la province devaient fermer leurs portes à la fin de l'année scolaire 1996-1997.
Mais les députés se rappellent qu'en mai 1997, les Assemblées de la Pentecôte et les représentants de l'Église catholique romaine ont entamé des poursuites pour contester la loi de Terre-Neuve et demander une injonction afin d'empêcher les conseils scolaires de désigner certaines écoles et d'en fermer d'autres.
Ces poursuites ne remettaient pas en question la constitutionnalité de la clause 17 modifiée, mais bien la façon dont cette clause avait été mise en oeuvre en vertu des lois de Terre-Neuve.
Par la suite, le tribunal a accordé l'injonction en disant que des droits confessionnels ne pouvaient être subordonnés qu'à des règles inscrites dans la loi ou des règlements qui s'appliquent uniformément et qui ne sont pas restrictives au point de rendre l'exercice de ces droits pratiquement impossible.
Le juge a conclu que l'on pouvait faire valoir que les lignes directrices du ministre de l'Éducation accordaient tellement de latitude aux conseils scolaires que les règles n'étaient pas appliquées uniformément et que les lignes directrices concernant le montant que la province verserait pour des coûts comme ceux du transport scolaire étaient tellement restrictives qu'elles se trouvaient à nier des droits à certains groupes confessionnels aux termes de la clause modifiée.
Le fait qu'on accorde l'injonction a mis un terme au processus de réforme, perturbé les plans de l'année scolaire 1997-1998 et provoqué une réaction sur le plan politique plutôt que législatif de la part du gouvernement terre-neuvien.
Le 1er juillet 1997, le premier ministre Tobin a annoncé la tenue d'un autre référendum le 2 septembre afin de poursuivre la révision de la clause 17. On propose maintenant d'abroger les droits confessionnels accordés aux termes de la modification de 1995 de la clause 17 et de les remplacer par ceux que prévoit la modification dont nous sommes actuellement saisis. Cette dernière modification s'énonce comme suit:
17.(1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
(2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
(3) L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.
Le 2 septembre, la population de Terre-Neuve a participé au deuxième référendum sur la question «Appuyez-vous la mise sur pied d'un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquenteraient les mêmes écoles où des dispositions seraient prises pour offrir l'enseignement religieux et permettre l'observation des préceptes religieux?»
Le 3 septembre, le directeur général des élections a annoncé les résultats du référendum: 73 p. 100 avaient voté oui à la question et 27 p. 100 avaient voté non.
En octobre dernier, sur une motion présentée par le ministre des Affaires intergouvernementales, la Chambre a créé un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre pour étudier la modification dont nous sommes saisis. Le comité a rédigé son rapport et recommandé que la résolution soit appuyée.
Les réformistes qui siégeaient au comité ont déposé un rapport minoritaire, soulevant des préoccupations au sujet des conséquences du projet de modification sur les droits de la majorité et de la minorité, mais n'ont formulé aucune recommandation précise, si ce n'est que les députés qui voteraient librement sur cette résolution prennent ces préoccupations en considération.
C'est donc après avoir suivi cette longue et tortueuse route que nous parvenons au débat d'aujourd'hui et à une décision du Parlement sur une question avec laquelle les Terre-Neuviens sont aux prises depuis de nombreuses années.
Les députés savent que l'opposition officielle est d'avis que des modifications constitutionnelles devraient être soumises à trois grands critères: celui du consentement démocratique, celui de la primauté du droit et celui de l'intérêt national.
Nous soutenons que ces critères sont assez vastes et profonds pour permettre d'examiner n'importe quelle modification constitutionnelle, y compris celles qui sont les plus radicales. Autrement dit, ce sont là les grands principes qui guideraient un gouvernement réformiste dans l'examen de toute modification ou contestation de la Constitution, de réformes de l'enseignement à une tentative de sécession.
Nous nous réjouissons de constater que le gouvernement a également fait de ces trois critères une norme, le ministre des Affaires intergouvernementales ayant commencé son témoignage devant le comité mixte, le 18 novembre, en disant: «Plus particulièrement, j'entends démontrer que la modification proposée respecte le cadre juridique de la Constitution, qu'elle correspond aux intérêts des Terre-Neuviens et des Canadiens en général, qu'elle a été bien accueillie par une majorité appréciable de la population et qu'elle jouit d'un appui raisonnable de la part des minorités.»
Nous devons nous efforcer d'appliquer ces critères avec cohérence. Ce sont donc exactement les mêmes critères que nous avons appliqués à la modification constitutionnelle concernant le système scolaire québécois. Cependant, les mêmes critères, appliqués dans un contexte différent, peuvent conduire à des conclusions différentes. Je voudrais donc parler brièvement de l'application de ces critères à la modification constitutionnelle concernant le système scolaire terre-neuvien.
Tout d'abord, le critère du consentement démocratique. Est-ce que la majorité des citoyens touchés par la modification constitutionnelle proposée y est favorables? Lorsqu'il s'agit de modifications constitutionnelles majeures, nous croyons que ce critère doit être vérifié dans le cadre d'un référendum. Dans le cas de la modification de la clause 17, dont nous discutons aujourd'hui, je suis convaincu que cette proposition répond au critère de consentement démocratique. Le principe de la modification a été approuvé par 73 p. 100 de ceux qui ont voté lors d'un référendum provincial.
Je sais que quelques députés s'interrogent sur la manière dont le référendum de Terre-Neuve a été mené, notamment sur la question posée, sur la durée de la campagne référendaire et sur les ressources mises à la disposition de chaque camp. Ce sont là des questions légitimes. Cependant, il me semble que, après des années de débat sur le sujet, la population de Terre-Neuve savait sur quoi elle se prononçait lorsqu'elle a approuvé la proposition de 1995 par une majorité de 54 p. 100 et je crois qu'elle savait encore mieux lorsqu'elle s'est prononcée une deuxième fois et qu'elle a approuvé la modification par une majorité de 73 p. 100.
Je suis également convaincu que les Terre-Neuviens savent qu'il ne s'agit pas uniquement d'une réforme du système scolaire, mais de l'instauration d'un équilibre entre les droits de la majorité et ceux de la minorité par l'extinction de certains droits et la création de nouveaux. Je crois donc que le Parlement du Canada doit faire preuve de prudence et ne pas présumer que son jugement est en quoi que ce soit supérieur à celui de la population de Terre-Neuve.
Deuxièmement, nous voulons être certains que la modification constitutionnelle proposée et la formule de modification utilisée sont conformes à la règle de droit. Il est évident que la clause 17 s'applique uniquement à Terre-Neuve et que, d'un point de vue strictement juridique, elle peut être modifiée en vertu de la formule bilatérale prévue à l'article 43. En fait, elle a déjà été modifiée deux fois en vertu de cette formule.
En général, je préférerais qu'un gouvernement provincial qui propose des modifications controversées sur le plan juridique demande d'abord à un tribunal de confirmer la constitutionnalité de ce qui est proposé afin que nous ne courions pas le risque que les résultats de tout ce processus soient invalidés pour des motifs constitutionnels.
Je reconnais que notre confiance dans les avis juridiques qui nous ont été fournis par le premier ministre Tobin en 1996 a été ébranlée lorsque la Cour suprême de Terre-Neuve a accordé une injonction pour stopper la mise en oeuvre des réformes proposées dans la loi adoptée par Terre-Neuve. Je crois comprendre toutefois que la contestation judiciaire ne portait pas sur la constitutionnalité ou la légalité de la modification, mais plutôt sur la façon dont elle avait été mise en oeuvre en vertu de la loi adoptée par Terre-Neuve. Je suis donc prêt à reconnaître que la modification dont nous sommes saisis est conforme à la règle de droit.
Cela nous amène au critère de l'intérêt national canadien. Les majorités ont intérêt à protéger les droits des minorités. Chacun de nous peut faire partie d'une majorité dans une situation particulière, mais chacun de nous peut aussi se retrouver, à l'avenir si ce n'est pas maintenant, dans une situation minoritaire. Nous pouvons faire partie d'une majorité ethnique, mais d'une minorité religieuse. Nous avons donc tous intérêt à protéger les droits des minorités, que nous appartenions ou non à la minorité en question.
Pour ce qui est de l'éducation, il est précisé très clairement dans la Constitution du Canada que l'éducation est un domaine de compétence provinciale. Toutefois, l'esprit de l'article 93, dont une grande partie a été importée dans la clause 17 à l'origine, c'est que les gouvernements sont politiquement responsables de voir à ce que les pouvoirs ne soient pas exercés d'une manière qui puisse porter atteinte à des droits acquis.
Nous sommes aussi conscients du fait que les mesures prises par une province relativement aux droits de la majorité et des minorités en matière d'éducation peuvent créer d'importants précédents relativement à ces mêmes droits dans d'autres provinces. Nous ne parlons pas ici de seuls précédents juridiques, mais aussi de précédents politiques, qui sont très importants.
Ce qui me préoccupe, c'est l'incidence de la modification concernant les écoles à Terre-Neuve sur des droits déjà accordés. C'est surtout dans ce domaine que notre caucus nourrit ses plus grandes réserves. C'est sur cet aspect de la modification qu'ont surtout porté nos discussions internes.
Nous sommes tellement intéressés et préoccupés par cette question que non seulement nous nous sommes efforcés d'absorber les témoignages et les conclusions du comité mixte spécial et les instances que celui-ci a formulées aux ministres, mais aussi nous avons parrainé notre propre débat spécial là-dessus. La question débattue était la suivante: est-ce que la modification concernant les écoles à Terre-Neuve lèse les droits déjà accordés aux personnes désirant que l'éducation de leurs enfants ait une orientation religieuse?
Pour défendre le côté du oui, nous avions invité Joseph Hutchings, de l'étude Poole, Althouse et associés, de Cornerbrook, qui s'est occupée de la contestation en Cour suprême de la Newfoundland School Act qu'a suscitée la modification, en 1995, de la clause 17. Du côté du non, nous avions invité Clyde Wells, de l'étude O'Reilly, Noseworthy, de St. John's. M. Wells est évidemment l'ancien premier ministre de Terre-Neuve et le premier des premiers ministres provinciaux à avoir consulté par référendum les Terre-Neuviens sur la réforme de l'éducation.
Je n'ai pas l'intention de reprendre ici les arguments pour et contre apportés par ces deux hommes, mais je tiens à les remercier tous les deux de nous avoir fait mieux comprendre cette question et à dire à quel point j'ai été déçu que d'autres députés, qui avaient été invités à participer à ce débat, n'en aient pas vraiment profité.
J'en viens maintenant à la question de savoir si la modification concernant les écoles à Terre-Neuve est vraiment dans l'intérêt supérieur des Canadiens, surtout en ce qui a trait à son incidence sur les droits déjà accordés à des catégories de personnes.
D'un côté, la clause 17 originale a constitutionnalisé en 1949 le droit à des écoles confessionnelles en précisant que la Législature n'aurait pas le pouvoir d'adopter des lois portant atteinte aux droits ou privilèges que la loi, à la date de l'Union, conférait dans Terre-Neuve à une ou plusieurs catégories de personnes relativement aux écoles confessionnelles, aux écoles communes (fusionnées) ou aux collèges confessionnels.
L'alinéa a) de la clause 17 telle que modifiée en 1995 maintenait aussi les droits à la confessionnalité en stipulant que:
a) sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école.
Dans la clause 17 dont nous sommes maintenant saisis, ces droits à la confessionnalité sont abolis et remplacés par trois choses: premièrement, la compétence exclusive de Terre-Neuve de légiférer en matière d'éducation, ce qui vise sans doute à permettre aux gens de Terre-Neuve d'exprimer leur volonté, et d'exercer leur droit, d'obtenir des écoles publiques; deuxièmement, le droit de fournir un enseignement religieux ne visant pas une religion en particulier; et troisièmement, le droit à l'observance religieuse dans une école si les parents le demandent.
Si les Terre-Neuviens ont voté si majoritairement pour le remplacement des écoles confessionnelles par un seul système scolaire public, c'est qu'une majorité d'entre eux préférait obtenir le droit à un système d'enseignement public au lieu de conserver le droit à un système scolaire confessionnel.
Cependant, je suis convaincu que les deux autres droits attribués par cette modification ont peu de mérite, surtout pour les parents qui désirent que l'enseignement fourni à leurs enfants conserve un aspect religieux.
Les dispositions sur les cours de religion non liés à une religion en particulier et le droit à l'observance religieuse dans une école si les parents le demande peuvent difficilement remplacer «le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école» comme le garantissait la modification à la clause 17 adoptée en 1995.
L'organisme Evangelical Fellowship of Canada signalait ce qui suit dans un mémoire rédigé le 18 novembre 1997 à l'intention du comité mixte spécial:
L'éducation religieuse ne se limite pas à l'enseignement religieux et à l'observance d'une religion. La Cour suprême l'a reconnu dans l'affaire Tiny Separate School Trustees c. The King, dans laquelle elle a statué:
Il est faux de croire que l'école confessionnelle se distingue de l'école publique uniquement par la nature de ses exercices ou de ses études à caractère religieux. Les écoles publiques et les écoles séparées reposent sur des conceptions fondamentalement différentes de l'enseignement. Les écoles non confessionnelles sont fondées sur l'idée que la séparation de l'enseignement laïque et de l'enseignement religieux est avantageuse. Par ailleurs, les supporters des écoles confessionnelles soutiennent que l'instruction et l'influence religieuses devraient toujours accompagner la formation laïque.
En ce qui a trait à l'exercice du droit d'observance d'une religion dans une école si les parents en font la demande, certaines personnes ont exprimé, à juste titre, la crainte que ce droit ne soit tout simplement invalidé en vertu de la Charte.
Pour faire contrepoids à cet affaiblissement apparent des droits à l'éducation religieuse, le gouvernement de Terre-Neuve et, en particulier, le ministre des Affaires intergouvernementales ont donné les assurances suivantes.
Le ministre nous assure que la modification vient renforcer les droits des parents. De fait, dans l'exposé qu'il a présenté au comité le 1er décembre, le ministre a affirmé que la modification donne plus d'autorité que jamais aux parents et que leurs droits sont renforcés: «Ils ont le pouvoir d'élire les conseils scolaires, d'inscrire leurs enfants dans l'école de leur choix et de les soustraire aux cours qui ne correspondent pas à l'enseignement qu'ils souhaitent pour leurs enfants. Les parents ont le droit d'exiger l'observance d'une religion à l'école pour leurs enfants et peuvent aussi exiger qu'ils en soient exemptés.»
Le ministre a également donné l'assurance que le paragraphe (3) de la modification ne pourrait pas être contesté en vertu de la Charte des droits et libertés. Je crois qu'il l'a répété aujourd'hui. Dans le témoignage qu'il a présenté au comité mixte le 1er décembre, il a dit: «Si la clause 17 est adoptée, elle sera inscrite dans la Constitution du Canada. Ainsi, la clause sera protégée par le principe bien reconnu qu'une partie de la Constitution—à savoir la Charte—ne peut être invoquée pour en invalider ou en abroger une autre. Les dispositions des paragraphes (2) et (3) seront donc protégées par la Charte dans une certaine mesure.»
Il a ensuite cité les renvois à la Cour suprême, notamment en ce qui concerne le renvoi de 1987 sur la modification de la loi ontarienne sur l'éducation, qui appuie cette conclusion: «En ce qui a trait à l'article 93, la Cour a déclaré que ce pouvoir législatif de la province n'est assujetti à aucun règlement d'application d'autres parties de la Constitution qui équivaudrait de quelque façon que ce soit à l'abroger.»
De toute évidence, l'importance des droits accordés aux termes de cette nouvelle clause 17 dépend considérablement du poids que les Terre-Neuviens attachent aux garanties données par le ministre au Parlement et par le gouvernement de Terre-Neuve.
L'importance de ces doits dépend considérablement de la façon dont le gouvernement de Terre-Neuve remplit ses obligations en ce qui concerne la réforme de l'enseignement. L'importance de ces droits dépend également beaucoup de la mesure dans laquelle les parents les exercent et de la manière dont les confessions s'efforcent d'exercer leur influence au sein du nouveau régime.
J'estime qu'un grand nombre de Terre-Neuviens sont conscients de ces considérations, qu'ils les ont débattues longuement et de façon plus approfondie que nous, à la Chambre, ne l'avons fait, et qu'ils en ont tenu compte lorsqu'ils ont voté au référendum.
Personnellement, j'ai au sujet de l'impact de cet amendement sur les droits certaines réserves importantes—pas assez importantes cependant pour l'emporter sur mon désir de respecter la volonté exprimée par le peuple de Terre-Neuve lors du référendum. Malgré ces réserves, je voterai donc en faveur de cet amendement concernant les écoles de Terre-Neuve. Ceci dit, je me rends compte qu'il y aura un vote libre et que mes collègues à la Chambre—y compris les députés de mon propre caucus—peuvent attacher un poids différent à ces principes et à ces conclusions concernant le consentement démocratique, la règle du droit et surtout l'effet sur les droits, et peuvent, en fonction du poids qu'ils attachent à ces facteurs, voter contre cet amendement plutôt qu'en faveur.
Pour terminer, je voudrais faire trois autres remarques à propos de cet amendement, de ses effets sur les droits confessionnels et des obligations du ministre des Affaires intergouvernementales et du gouvernement de Terre-Neuve.
Premièrement, je tiens à préciser que l'amendement concernant les écoles de Terre-Neuve est fondamentalement différent de celui concernant les écoles du Québec et que la conclusion est différente pour chacun des trois critères.
Bien que je comprenne parfaitement que les Québécois désirent réformer leur système d,éducation, j'ai voté contre cet amendement parce qu'il n'avait pas été ratifié par les gens qu'il touche au moyen d'un référendum et parce qu'il remplaçait les garanties constitutionnelles de droits antérieurement acquis par des garanties moins solides figurant dans des lois provinciales qui peuvent être facilement modifiées.
L'amendement concernant les écoles de Terre-Neuve a, en revanche, été ratifié au moyen d'un référendum et, si certains droits disparaissent, d'autres sont accordés, qui sont garantis par la Constitution.
Je voudrais dire quelques mots aux parents terre-neuviens qui veulent avant tout, dans toute cette affaire, assurer une orientation religieuse à l'éducation de leurs enfants et qui vont probablement être extrêmement déçus si le Parlement approuve la motion dont nous sommes saisis. De nombreux députés comprennent parfaitement leurs préoccupations et leurs aspirations pour leurs enfants et je compte certes parmi eux.
Mon épouse Sandra et moi-même avons cinq enfants maintenant âgés de 17 à 29 ans. Nos enfants ont fréquenté plus de 20 écoles différentes dans trois villes différentes de l'Alberta, dont des écoles publiques protestantes et catholiques, des écoles séparées protestantes et catholiques et une école confessionnelle privée.
En tant que Chrétiens pratiquants, nous avons préféré que nos enfants soient éduqués dans des écoles ayant une orientation spirituelle où on accorde de l'importance à la religion, même si, parfois, nous avons décidé que nos enfants ne suivraient pas l'enseignement religieux dans une école donnée. Nous avons préféré des écoles offrant une éducation confessionnelle aux écoles entièrement laïques qui étaient indifférentes ou même hostiles à la religion.
Cela dit, je crois qu'on doit tirer de l'expérience des écoles confessionnelles à Terre-Neuve au cours des dernières années de dures leçons qui devraient nous guider dans le cas du nouveau régime et qui s'appliquent au reste d'entre nous qui vivent dans d'autres provinces qui seront confrontées à des défis semblables dans les années à venir.
La première leçon, c'est que lorsque des groupes confessionnels exercent un contrôle partiel ou total sur un système d'éducation, il est extrêmement important de défendre pleinement la liberté de conscience et de religion de tous les membres de la collectivité et non des membres d'un groupe confessionnel seulement. Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec les convictions religieuses d'autres personnes pour respecter leur droit de mettre en pratique ces convictions.
Selon moi, le fondement du droit à l'enseignement confessionnel est la liberté de conscience et de religion. Cependant, si nous ne défendons l'expression de cette liberté que pour nous-mêmes et notre confession, et non pour tous, la population considérera que notre intérêt dans l'enseignement confessionnel est un intérêt sectaire et refusera de nous appuyer.
De plus, lorsque des groupes confessionnels contrôlent en partie ou en totalité un système d'éducation, il semble impératif de défendre et d'étendre les droits des parents et la nécessité pour ces systèmes d'éducation de rendre des comptes aux parents. Les systèmes confessionnels qui sont dirigés à partir du haut de la hiérarchie et où les parents ne jouent qu'un vague rôle de conseillers, le véritable pouvoir étant entre les mains des autorités religieuses, n'ont pas grand chances de survie à long terme, pas plus que les régimes politiques de ce type n'ont de chances de survie à long terme sur la scène politique.
Si les groupes confessionnels de Terre-Neuve avaient été vus comme les grands défenseurs de la liberté de conscience et des droits des parents pour tous les Terre-Neuviens, le retrait des droits confessionnels aurait été vu comme une violation des droits fondamentaux et la population aurait alors exprimé un appui beaucoup plus mitigé à cette option.
L'autre leçon à tirer, que les autorités religieuses des autres provinces peuvent retenir de l'expérience de Terre-Neuve, c'est qu'en essayant de tout garder, on risque de perdre davantage. De toute évidence, la clause 17 prévue dans les modifications constitutionnelles de 1995, qui préservait les droits des confessions religieuses mais qui visait à les intégrer à d'autres questions de nature provinciale, aurait été préférable, pour les parents désirant que l'éducation de leurs enfants ait une orientation religieuse, à ce qui est prévu par la clause 17 dont nous sommes saisis.
Toutefois, les autorités religieuses elles-mêmes ont contesté l'application de cette clause 17 qui leur aurait été préférable. Cette contestation a été temporairement agréée par les tribunaux, ce qui a provoqué une réaction politique sous la forme d'un deuxième référendum. Or, cette contestation avait manifestement été perçue de façon négative par la population, qui a exprimé un appui encore plus fort, au deuxième référendum, en faveur du plan du gouvernement et contre toute reconnaissance des droits confessionnels.
Cette ironie du sort nous rappelle la parabole du Nouveau Testament sur ce serviteur à qui Dieu avait donné un talent d'argent et qui, de crainte de le perdre, l'avait enterré dans le sol plutôt que de s'en servir pour multiplier ses ressources. Hélas, ce serviteur a finalement perdu tout ce qu'il possédait.
Je tiens à rassurer les parents qui, à Terre-Neuve, recherchent une orientation religieuse pour leurs enfants que cette modification, quel que soit son sort, n'efface pas leurs droits et leurs préoccupations de l'esprit et de la conscience des députés comme moi.
Pour terminer, j'aimerais rappeler les obligations que l'adoption de cette modification par le Parlement fédéral crée pour le gouvernement de Terre-Neuve.
Avec 27 p. 100 des suffrages exprimés opposés aux réformes de l'éducation qu'il propose, il me semble que le gouvernement de Terre-Neuve a du pain sur la planche pour s'assurer que la réforme de l'éducation profite à tous les citoyens.
Il serait beaucoup plus facile de répondre à la question de savoir comment réformer le système d'éducation sans porter atteinte aux droits qui existaient auparavant, particulièrement les droits des minorités, si les réformateurs provinciaux de l'éducation avaient inclus dans leurs propositions une condition donnant aux parents le droit de verser leurs impôts scolaires à l'école de leur choix et la garantie que la liste approuvée des écoles accessibles donnerait un choix d'options en matière de valeurs et d'éducation aussi vaste que possible dans le territoire.
Des voix: Bravo!
M. Preston Manning: J'accueille ces applaudissements avec joie. Ce n'est pas au Parlement de dire aux provinces comment réformer leur système d'éducation. Cela relève des compétences des provinces. Toutefois, je puis dire, comme je pense d'ailleurs beaucoup de députés d'en face, que si cette condition et cette garantie avaient fait partie de l'ensemble des propositions du système d'éducation présenté par le gouvernement de Terre-Neuve, cette modification aurait reçu un appui plus grand et plus clair.
Avec cette condition et cette garantie le gouvernement aurait été dans une bien meilleure position pour prétendre que, même si des droits acquis étaient modifiés par les réformes, ils n'étaient pas modifiés de manière préjudiciable.
Le gouvernement de Terre-Neuve a maintenant l'obligation de rendre significatifs les droits plus limités que laisse cette modification, pour ceux pour lesquels ils comptent le plus, en particulier le droit d'avoir des cours de religion dans les écoles non confessionnelles et le droit à l'observance de la religion.
Vu que les cours de religion ne sauraient remplacer l'appartenance à une religion et la pratique de celle-ci, beaucoup de choses dépendent du troisième droit contenu dans cette modification, à savoir que l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.
Les représentants du gouvernement de Terre-Neuve et le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales nous ont assuré que cette disposition était suffisamment forte pour empêcher que les demandes des parents pour l'observance d'une religion soient refusées en vertu de la Charte des droits et libertés.
Si cela s'avère ne pas être le cas, les députés auront des raisons de dire qu'ils ont été trompés. Plus important, une partie importante de la population de Terre-Neuve aura des motifs de prétendre qu'elle a été trompée et des motifs pour exprimer sont mécontentement lors des élections tant fédérales que provinciales.
Je vais écouter ce que mes collègues ont à dire sur cet important sujet.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, à mon tour, je prends la parole pour m'exprimer sur la motion à l'étude, laquelle vise la modification de l'article 17 de la Constitution sur les Conditions de l'union de Terre-Neuve. Cette motion permettra aux gens de Terre-Neuve de modifier leur système d'éducation, comme ils l'ont défini. Comme ils ont amorcé cette modification depuis plusieurs années, laquelle a abouti dans un référendum il y a quelques mois, aujourd'hui, nous allons appuyer cette motion pour permettre à Terre-Neuve d'aller de l'avant le plus rapidement possible.
Je vais refaire une mise en contexte de cette modification constitutionnelle. Par la suite, je parlerai des travaux du Comité et d'une présentation, devant le Comité, qui m'a laissé perplexe et qui me laisse toujours perplexe, celle du gouvernement du Canada par la voix du ministre des Affaires intergouvernementales. Il a ouvert la porte, je dois le dire, à une analyse en Comité qui a été telle que le niveau d'appui a été remis en question par les membres du Comité. On a entendu le discours du chef du Parti réformiste tout à l'heure: les réformistes vont appuyer cette motion tout en ayant pris le temps de bien analyser toutes les récriminations qu'ils ont à l'endroit du fondement même ou de la portée que pourrait avoir cet amendement. Tout cela découle du témoignage du ministre des Affaires intergouvernementales, le représentant du gouvernement.
Tout d'abord, il faut bien comprendre que la clause 17 de la Constitution du Canada est spécifique aux Conditions de l'union de Terre-Neuve. Donc, c'est en vertu de cet article que les droits constitutionnels avaient été donnés aux différentes communautés religieuses, aux différentes confessions de Terre-Neuve, ce qui leur a permis de gérer leur système scolaire. En 1987, par le même procédé d'amendement constitutionnel, ce droit a été étendu et accordé aux pentecôtistes. On s'est donc retrouvé avec un système scolaire qui accordait justement aux confessions la possibilité de gérer ce système-là.
Ce que cela donne en pratique, c'est qu'il y a finalement quatre systèmes scolaires à Terre-Neuve. Il y a le système des écoles intégrées, le système des écoles pentecôtistes, le système des écoles catholiques romaines et le système des écoles advantistes du septième jour. Le système des écoles intégrées comprend les communautés anglicane, presbytérienne, l'Armée du Salut et l'Église unie. Donc, on s'est retrouvé dans un tel système et regardons un peu ce que cela a donné dans l'aspect pratique.
Il y a des régions, à Terre-Neuve, où il y a une communauté religieuse, et c'est à peu près uniforme. Donc, il n'y a pas trop de débat. Mais il y a des endroits, comme dans les régions urbaines, les villes, où il y a deux ou trois écoles secondaires dans un périmètre très rapproché de différentes dénominations religieuses et les enfants vont à l'école en fonction de leur religion. Dans certains cas, il y a des écoles à proximité de chez eux et ils doivent aller dans une école plus éloignée, parce que l'école tout près n'est pas conforme à leur communauté religieuse. Il y a des enseignants qui ne peuvent pas enseigner dans certaines écoles, parce que cela ne correspond par à leur appartenance religieuse. Il y a des gens très compétents certainement qui ont dû vivre des difficultés à cet égard, et on en a entendu parler. L'embauche ne s'est pas faite en fonction des compétences, mais en fonction de l'appartenance à une communauté religieuse.
Terre-Neuve est la seule province qui n'avait pas un système d'éducation public, mais un système appartenant aux différentes communautés religieuses. Comment les gens ont-ils remis en cause ce système? Ils se sont exprimés de différentes façons. En 1992, la Commission royale qui avait été créée a remis un rapport et a suggéré de modifier substantiellement le système scolaire à Terre-Neuve. Il y a eu, par la suite, de multiples négociations entre le gouvernement et les différentes communautés pour trouver un arrangement pour réorganiser le système scolaire. Le premier choix n'a pas été d'adopter directement une modification constitutionnelle; on a tenté de trouver un équilibre, une façon de réorganiser le système scolaire.
Les négociations ont été très longues et n'ont pas abouti, de sorte qu'en 1995, le gouvernement a tenté une forme de compromis qu'il a soumis à la population. Ce référendum a été approuvé par 54 p. 100 de la population. Par la suite, sont arrivées des contestations et une demande d'injonction. Le gouvernement de Terre-Neuve fermait un certain nombre d'écoles, réorganisait son système scolaire et des parents et des regroupements ont réussi à obtenir une injonction.
Le gouvernement de Terre-Neuve n'est pas allé nécessairement se faire entendre sur le fond de la question, mais a décidé, à ce moment-là, d'en appeler une seconde fois à la population pour définir autrement la proposition qu'il avait mise sur la table. Il a tenu un autre référendum qui a eu lieu le 2 septembre 1997, et qui, cette fois, a reçu l'appui de 73 p. 100 de la population. On a donc choisi d'en appeler à la population pour aller de l'avant, pour ne pas s'embarquer dans une querelle judiciaire qui aurait pu durer très longtemps et qui aurait retardé la mise en place d'une réforme qui était longuement souhaitée, on peut le voir par l'appui recueilli à Terre-Neuve à deux reprises lors d'exercices référendaires.
Quelle était la question posée à ce référendum? Je vais vous la lire. Évidemment, c'est une traduction de la question. On demandait: «Appuyez-vous la création d'un seul système scolaire où tous les enfants, quelle que soit leur religion ou leur appartenance religieuse, fréquentent les mêmes écoles, tout en ayant accès à l'éducation et à l'observance de religion?» Donc, l'objectif n'est pas d'évincer totalement la religion ou d'éliminer l'enseignement religieux, mais plutôt de faire en sorte que la gestion du système scolaire soit entre les mains de l'État. La structure qu'il choisira de mettre en place, les comités de parents et tout le reste relèvent de la volonté du gouvernement de Terre-Neuve, mais dorénavant, ce sera un système public et non plus un système confessionnel.
La question qui était posée, essentiellement, était de savoir si les gens voulaient maintenir le système confessionnel ou choisir un système public. En ayant ce débat, les gens se sont exprimés et en sont arrivés à faire un choix le 2 septembre.
Le 5 septembre, l'assemblée législative de Terre-Neuve a adopté une motion unanime pour aller de l'avant avec la modification constitutionnelle souhaitée. Je vais revenir là-dessus, parce qu'il y a différentes façons d'interpréter l'appui des députés pentecôtistes; les pentecôtistes sont probablement une des minorités où le projet a reçu le moins d'appui, à l'évidence, à tout le moins, comme on a pu le constater en comité. Je reviendrai aussi là-dessus plus tard.
J'en arrive maintenant à l'appui du Bloc. On l'a donné dès le départ ici, à la Chambre, avant même que ne débutent les travaux du Comité. Pourquoi? La raison nous apparaissait très évidente. Il s'agit de l'éducation qui est de juridiction provinciale et il y a eu un appui exprimé dans un exercice démocratique et les gens de Terre-Neuve avaient décidé de ce qu'ils voulaient faire.
En ce sens, il m'apparaît que le rôle de la Chambre des communes est d'adopter cette motion, j'espère de façon unanime, et de respecter les gens de Terre-Neuve. Le gouvernement a cru bon de créer un comité pour l'étudier, etc. Pour nous, il ne semblait pas que c'était une étape nécessaire et qu'elle ajouterait quelque chose. D'ailleurs, on n'a pas appris grand-chose de neuf durant les audiences. Il y a même toujours un risque; les gens veulent refaire le débat, les opposants sont venus s'exprimer à nouveau et souhaitent que le Parlement, finalement, leur donne raison. Mais il y a eu une campagne, il y a eu des occasions où les gens ont pu s'exprimer.
Dans la chronologie des événements, j'ai oublié de mentionner qu'il y a aussi eu des élections provinciales à Terre-Neuve. Le gouvernement en place n'a jamais caché sa volonté, il a donc réélu. Lui aussi est passé par l'exercice démocratique. Je concède que ce n'était pas le seul enjeu des élections provinciales, mais quand même, les opposants ont eu de nombreuses occasions de se faire valoir.
En ce qui a trait à la conclusion du Comité, je suis très satisfait de voir que le Comité ne s'est pas aventuré plus loin que de faire une recommandation à la Chambre des communes, et à l'autre Chambre, d'adopter la résolution. Il ne s'est pas embarqué dans une analyse ultrapolitique comme les réformistes le souhaiteraient, comme le ministre aurait peut-être souhaité le voir, sur toutes les implications potentielles, imaginables et inimaginables sur le reste des relations fédérales-provinciales et constitutionnelles. Je sais qu'il y aurait eu une tentation chez certains de faire cela, mais le niveau de consensus au Comité aurait risqué de diminuer davantage, déjà qu'on se retrouve avec des opinions dissidentes des sénateurs conservateurs. D'ailleurs, l'étape du Sénat va peut-être retarder la mise en vigueur de cette motion, et c'est un peu dommage. Mais, bref, on attendra encore une fois après eux, ça fera juste retarder les travaux.
Je parlais de l'appui du Bloc, des obstacles potentiels, le Sénat en est un. On n'est pas à l'abri non plus de contestations judiciaires à nouveau. Des témoins l'ont dit, des gens l'avaient exprimé aussi durant la dernière campagne à Terre-Neuve, qu'il y a des options, des choses qui risquent d'être contestées devant les tribunaux. Les gens peuvent faire cela dans toutes sortes de domaines. On a une structure judiciaire qui est là pour ça, mais ce n'est pas un motif pour dire qu'on ne va pas de l'avant avec ce qui est proposé.
Il faut bien distinguer une chose: l'amendement constitutionnel est une chose, la façon dont le gouvernement de Terre-Neuve mettra en pratique son système scolaire en est une autre, mais cela lui appartient. On ne peut pas dire, comme certains seraient tentés de le faire du côté des sénateurs conservateurs, entre autres: «Il y aura des contestations possibles, il vaudrait donc mieux être prudents, rédiger cela autrement, chercher des alternatives, etc.», alors qu'à toutes fins pratiques, cela dépendra de la mise en application de la réforme scolaire à Terre-Neuve. Bien sûr, s'il y a un non-respect de ce qui sera dans la Constitution ou dans la Charte, à ce moment-là, c'est une autre chose. Mais l'amendement constitutionnel comme tel ne viendra pas en contradiction avec une autre partie, et cela, le ministre l'a bien expliqué. La Charte ne viendra pas contredire ce qui est dans la Constitution.
Mais la partie du témoignage du gouvernement qui m'inquiète et qui a ouvert la porte à tout un débat, c'est celle de l'appui de la plupart des minorités ou de l'appui dans les minorités.
Il y a plusieurs groupes confessionnels impliqués là-dedans. Quand on examine le niveau d'appui, comté par comté, il semble assez clair qu'il a été très élevé partout, mais n'a pas été partout majoritaire cependant. Il a reçu l'appui d'un bon nombre de citoyens. Cependant, dans les secteurs où les pentecôtistes sont plus nombreux, il y a visiblement eu un appui moins élevé. Plusieurs sont venus le démontrer par des analyses de tous ordres, mais on ne peut pas, de façon précise, savoir comment ils ont voté. Cela dit, tout laisse à croire qu'il y a une opposition assez forte au sein de la communauté pentecôtiste.
À partir du moment où on définit un critère d'appui raisonnable et suffisant des minorités, on tombe dans un critère tout à fait subjectif. Le ministre, plus tôt à la Chambre, est revenu là-dessus aussi en disant que le niveau d'appui des minorités touchées dépend du degré de droit qui est concerné. Ça, c'est un jugement subjectif. Il y a deux choses subjectives. Bien sûr, il a sa définition, il s'est appuyé sur des documents, de ce qu'est un droit fondamental et de ce qui n'en est pas un.
Mais là-dessus, je dois souligner qu'il y avait une divergence de vues majeure avec son nouveau collègue constitutionnel, le chef du Parti réformiste. Les deux ne partagent pas la même vision d'un droit fondamental. Le ministre dit que lorsqu'on permet la liberté de religion, la gestion du système scolaire sur la base religieuse, par extension, est un prolongement du droit fondamental de liberté d'expression et de religion. Mais il y a une divergence de vues. Et il peut y en avoir beaucoup.
Donc, il y a un jugement sur ce qu'est un droit fondamental et sur ce qui n'en est pas un. Même si, à l'heure actuelle, on avait une définition, cela ne veut pas dire qu'elle ne changerait pas avec le temps non plus. Donc, quand on commence à aborder le dossier de Terre-Neuve en ayant un critère comme celui d'un appui suffisant au sein des minorités concernées, on ouvre la porte à tout un débat. Cela ne m'apparaît pas très souhaitable, ni une bonne approche. Ce n'est d'ailleurs pas une approche que le gouvernement de Terre-Neuve a lui-même mis de l'avant.
Pour le gouvernement de Terre-Neuve, c'est un choix entre un système public et un système confessionnel, et 73 p. 100 des gens ont choisi un système public. Cela m'apparaît être une analyse qui a, quelque part, une logique plus grande. Si on commence à dire qu'il faut l'appui des minorités, on ne peut pas aller de l'avant logiquement si une des minorités n'appuie pas. Cela a soulevé énormément de réticences chez les réformistes, chez les conservateurs et chez tous les opposants qui viennent de Terre-Neuve.
Dans le reste du mémoire, il y a plusieurs autres notions qui vont toutes un peu dans le même sens. Une phrase dit: «Selon le gouvernement du Canada, la modification proposée a été accueillie favorablement par une majorité appréciable de la population et jouit d'un appui raisonnable de la part des minorités directement touchées.» Il y a les mots «majorité appréciable» sur lesquels nous allons revenir, et là, il y a un appui raisonnable de la part des minorités directement touchées.
Par la suite, on dit que la résolution a été approuvée à l'unanimité par l'assemblée législative. Encore là, il faut être prudent. Il y a quatre députés pentecôtistes qui ont, par la suite, trois jours après le référendum, voté unanimement en faveur de l'amendement proposé à l'assemblée législative. On ne peut pas, par extension, dire que si des députés pentecôtistes ont, à l'intérieur de l'assemblée législative, appuyé la motion après le référendum, c'est la même chose pour la communauté pentecôtiste. Les députés avaient une logique propre à eux à ce moment-là et devaient prendre en considération leur appartenance politique, comment se comportait le reste de leur parti politique, etc.
Ils représentaient aussi des comtés où ils devaient tenir compte de l'opinion de leurs électeurs. Si leurs électeurs se sont prononcés majoritairement en faveur de l'amendement ou de la modification suggérée, mais que dans leurs comtés, les pentecôtistes n'étant pas majoritaires—ils sont un groupe de la population, mais ils ne sont pas assez nombreux pour former la majorité dans un comté—il pourrait très bien se produire une situation où la majorité des pentecôtistes d'un comté auraient voté contre, mais que l'ensemble du comté aurait voté en faveur. Donc, le député se retrouve dans une situation où il doit se demander de quelle façon il représente le plus adéquatement possible ses électeurs. Il a ses convictions personnelles, mais il y a la représentativité de son électorat qui est en jeu. Donc, il faut faire attention de ne pas utiliser cet élément pour généraliser ou pour détourner un peu l'attention du fait qu'il y a eu un degré important d'insatisfaction chez les pentecôtistes.
On doit tenir compte de cette logique quand on veut regarder le niveau d'appui au sein des minorités, quand on veut partitionner le vote ou regarder, sur une base religieuse, comment s'est fait l'appui à ce référendum. Et là, je continue, et ça se complique.
Le ministre avait en tête beaucoup d'autres choses que le cas de Terre-Neuve quand il est venu témoigner. D'ailleurs, sa venue en politique est essentiellement motivée par cela, il l'a répété lui-même hier, la question du Québec, et je suis sûr qu'il l'avait en tête quand il a écrit la phrase suivante: «Étant donné l'impact de cette modification sur les droits des minorités, une simple majorité de 50 p. 100 plus un au référendum n'aurait été ni suffisante ni adéquate.» Il est étrange de voir le ministre des Affaires intergouvernementales venir faire, au Comité sur le système scolaire de Terre-Neuve, une pareille affirmation. Il faut se rafraîchir la mémoire. Il y a à peine deux ans, la Chambre des communes a adopté à deux reprises, parce que le Sénat s'était attardé très longtemps sur l'amendement constitutionnel, une modification constitutionnel dans le cas de Terre-Neuve qui venait de passer au travers un processus référendaire qui avait eu l'appui de 54 p. 100 de la population.
Alors, quand on dit qu'une majorité simple de 50 p. 100 plus un n'aurait pas été suffisante, on avait jugé que 54 p. 100 l'était à l'époque. Donc là, il y a un problème de logique pour le gouvernement fédéral. Mais je comprends qu'ils sont très inquiets, comme leur collègue constitutionnel du Parti réformiste, de l'impact que cela pourrait avoir de reconnaître le pourcentage de 50 p. 100 plus un.
Donc aujourd'hui on dit: «Ouf! Heureusement, le deuxième a passé en 1973, donc maintenant, on peut l'écrire dans notre présentation, on peut l'ajouter, ce qu'on ne pouvait pas faire la première fois.»
Le temps file et il y a beaucoup d'autres choses dont j'aurais aimé parler. Mais en conclusion, il faut faire attention quand on veut mêler deux dossiers, comme le fait le ministre des Affaires intergouvernementales dans ce cas-ci. Il a ouvert la porte à plusieurs pour trouver des raisons de s'y opposer et de ne pas regarder l'essentiel, c'est-à-dire que les gens de Terre-Neuve ont démontré ce qu'ils voulaient, ils l'ont affirmé lors d'un exercice démocratique.
Et je ne peux pas passer sous silence, au cours de la minute et demie qui reste, le fait que les gens qui étaient contre sont venus évoquer des arguments comme les suivants: «La question n'était pas claire.» Il me semble que j'ai entendu cela à quelque part d'autre. Vivant dans un endroit où les gens ont été consultés à quelques reprises, on nous dit souvent cela. Quand le niveau d'appui n'est pas celui qu'on aurait voulu, par exemple le cas des fédéralistes au Québec, quand 49,5 p. 100 des gens ont dit oui, ils ont dit: «Ah non, ils n'ont pas compris.» Les gens de Terre-Neuve ont fait à peu près la même chose.
Je sais qu'on aura la chance d'y revenir, et je termine en disant que nous allons appuyer et respecter la volonté des gens de Terre-Neuve, en espérant que les députés des autres partis auront la même diligence le jour où ils devront considérer le cas du Québec.
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, laissez-moi me réjouir que le chef du Parti réformiste, le leader de l'opposition officielle, ainsi que le représentant du Bloc québécois soient d'accord avec le gouvernement pour appuyer l'amendement.
Je voudrais commenter l'exposé du député sur trois points. Ce que le gouvernement du Canada dit, c'est qu'il faut toujours mettre en balance d'une part, l'importance d'un changement et, d'autre part, l'appui qu'il reçoit. Pour un changement relativement modéré, comme cela a été le cas lors du premier référendum sur l'article 17, une majorité n'a pas besoin d'être aussi forte que pour un changement beaucoup plus profond touchant les minorités, comme c'est le cas présentement. Donc, c'est ce qu'il faut mettre en balance.
Deuxièmement, le ministre des Affaires intergouvernementales que je suis n'a rien inventé. La question des minorités est sur la table depuis le début. Elle se pose ainsi à Terre-Neuve, elle s'est posée ainsi lors du premier amendement et elle se pose lors du deuxième amendement.
Lors du premier amendement, des députés et des sénateurs ont voté contre. Le Sénat lui-même a voté contre à cause de cette question des droits des minorités. Le gouvernement de Terre-Neuve, dans le mémoire qu'il a déposé le 18 novembre 1997, traite de la question des majorités et des minorités et des droits des minorités et de l'appui des minorités. C'est une question incontournable. Si nous avions eu la preuve que les pentecôtistes appuyaient l'amendement très clairement, il y aurait eu beaucoup moins de débats et de difficultés. Si nous avions eu la preuve qu'ils le rejetaient très clairement, il y aurait eu beaucoup plus de débats et de difficultés.
Donc, cette question est devant nous. Et puisque c'est mon rôle de poser une question au député, je pose la question suivante: Croit-il que la démocratie est la tyrannie de la majorité?
M. Pierre Brien: Monsieur le Président, j'ai entendu, hier, le ministre des Affaires intergouvernementales dire qu'il avait hâte de retourner à la profession d'enseignant. On voit aujourd'hui qu'il a déjà défini une question qu'il pourra un jour poser à ses étudiants. D'ailleurs, je lui souhaite de pouvoir retourner le plus rapidement possible là où il dit avoir sa plus grande préférence.
Dans un système démocratique, pour moi, la règle fondamentale est la suivante: c'est de respecter le voeu de la majorité. Là, je veux aller plus loin. Je me rappelle d'avoir entendu le ministre ouvrir un débat en disant: «Par exemple, qu'arriverait-il si, au Nouveau-Brunswick, il y avait un référendum où on demandait d'abolir les droits linguistiques des francophones?» Il a dit qu'il verrouillerait les portes du Parlement, qu'il serait en avant pour empêcher cela et que jamais le gouvernement ne considérerait cela. Peut-être qu'il pourrait faire cela, mais il n'en demeure pas moins qu'il y aurait un problème majeur si une province avait une telle volonté qui a été exprimée et mesurée dans un exercice démocratique.
Je suis convaincu, si on prenait l'inverse, que si, au Québec, on faisait un référendum sur les droits linguistiques des anglophones—peu importe le contexte, qu'on ait ou non une Loi 101 qui veut favoriser l'épanouissement du français—les Québécois voteraient massivement en faveur des droits linguistiques des anglophones. D'ailleurs, on l'avait mis dans le projet qui a été soumis à la population la dernière fois.
Donc, si la majorité veut opprimer—parce que c'est la base de ce qu'il dit—sa minorité, dans les faits, cela va se passer, de toute façon. Pensez-vous sincèrement que s'ils l'expriment dans un exercice démocratique, que dans la vie de tous les jours ils ne l'exprimeront pas? Donc, il y a un problème autre, de tolérance et qui démontrerait des problèmes significatifs. Donc, en ce sens, respecter la règle de la majorité, à mon point de vue, ne nous amène pas à une situation dangereuse.
Je suis convaincu qu'il voudra pouvoir poursuivre le débat et je suis prêt à le poursuivre n'importe quand avec lui sur cette base, que la majorité, c'est le voeu clairement exprimé des gens, et, à ce moment-là, un gouvernement a le devoir d'en tenir compte et d'être responsable dans ces situations.
L'hon. Stéphane Dion: Monsieur le Président, remarquez que j'hésite à poursuivre le débat parce que cela tourne en rond. À peu près tous les traités sur ce qu'est la démocratie et toutes les démocraties que je connais ont des constitutions et des chartes, justement pour protéger les droits des minorités.
Il arrive très souvent que des référendums, même si on obtient une majorité, ne sont pas suivis par force de loi parce que la majorité apparaît trop incertaine, compte tenu du changement que l'on fait. Lorsque le changement qu'on a décidé de faire n'est pas d'ajouter un droit, mais de le retirer, et que ce droit affecte certaines catégories de citoyens plus que d'autres, on doit être extrêmement prudent et poser les questions en termes de majorité et de minorité.
Je suis d'accord avec le député pour dire qu'il ne faut pas tomber dans l'extrême inverse, donner la tyrannie de la minorité. Il faut trouver un équilibre, compte tenu de l'importance du droit qui est en cause et de l'appui que l'on peut mesurer autant que possible.
Je répète ce que j'ai dit. Si jamais la province du Nouveau-Brunswick arrivait à ce Parlement en vue d'abolir le bilinguisme officiel reconnu dans la Constitution, sans l'appui de la minorité francophone, cet amendement n'aurait aucune chance de réussir, quelle que soit la majorité obtenue dans le Parlement du Nouveau-Brunswick ou dans la population anglophone du Nouveau-Brunswick. C'est une question de droits des minorités. C'est essentiel de voir les choses de cette façon, et je suis sûr que si le député y pense un peu, il sera d'accord.
M. Pierre Brien: Monsieur le Président, ce n'est pas la première fois qu'on ne partage pas le même avis, mais je lui répète l'exemple des anglophones du Québec et des droits linguistiques.
L'hon. Stéphane Dion: Il ajoute un droit, ce n'est pas pareil.
M. Pierre Brien: Non, non, où on parlerait d'enlever des droits dans un exercice référendaire. Je suis convaincu que les Québécois seraient contre le fait qu'on enlève ce qui existe à l'heure actuelle à la communauté anglophone du Québec. Je suis convaincu de la même chose au Nouveau-Brunswick. Donc, pour moi, ce sont des choses tout à fait hypothétiques parce que les valeurs des gens...
M. Michel Bellehumeur: C'est un débat de prof.
M. Pierre Brien: Oui, c'est un débat très académique. Mais revenons au cas de Terre-Neuve. Si on applique la logique du ministre, on devrait être contre parce que, visiblement, les pentecôtistes ne sont pas en faveur de cela.
La question qui reste à définir, c'est à savoir si c'est un droit fondamental ou un peu moins fondamental et si on peut enlever un droit à une minorité s'il est un peu moins fondamental que ce que l'on trouve qui est fondamental. Mais là, où s'en va-t-on avec tout cela?
Je comprends les gens qui expriment des réserves en disant que le ministre porte un jugement à la définition de ce qui est fondamental et de ce qui ne l'est pas, en définissant qu'on doit avoir l'appui requis des minorités, en situant le débat de Terre-Neuve. Je regrette, mais quand il a cité le ministre de Terre-Neuve, quand on lui a posé la question directement, il a toujours dit que, pour lui, 73 p. 100 des gens avaient voté en faveur du projet. Il n'a jamais commencé avec 32, 38, 27, les hypothèses et tout le reste. Il a dit que, pour lui, l'enjeu était le suivant: un système public ou un système confessionnel, que la majorité s'était exprimée.
J'invite le ministre à faire preuve d'un peu plus de rigueur à propos des cas qu'il aborde et le faire de façon spécifique, et de faire attention d'avoir toujours en tête cette obsession qu'il a, et de respecter l'engagement qu'il a déjà pris avant le référendum. On se rappelle que c'est lui qui a déjà dit qu'il voulait faire souffrir le Québec. Et on voit que dans ses actes, aujourd'hui, il met en pratique ce qu'il avait dit à l'époque.
L'hon. Stéphane Dion: Monsieur le Président, étant donné que nous travaillerons ensemble pour les deux prochains jours, je ne répondrai pas à la calomnie qui vient d'être dite.
Il faut rappeler quand même que si le député peut produire un seul texte de loi internationale qui reconnaît le contrôle des écoles par les Églises, des écoles financées par le secteur public, par les Églises, comme un droit fondamental, qu'il le produise. S'il connaît une seule charte internationale ou une charte d'une démocratie qui n'inclut pas la liberté de culte comme un droit fondamental, qu'il la produise.
M. Pierre Brien: Monsieur le Président, c'est la logique dans laquelle le ministre veut situer le débat. Nous ne l'avons jamais amené de cette façon. Il devrait échanger avec son collègue du Parti réformiste, son nouveau collègue constitutionnel avec qui il se promène bras dessus, bras dessous. Je l'invite à avoir de bonnes discussions avec lui.
Plus tôt, j'ai entendu le chef du Parti réformiste dire que pour eux, c'était par extension au droit fondamental. Pour moi, l'enjeu n'est pas là. C'est le choix entre un système public et un système confessionnel, et les gens ont choisi un système public. Ils l'ont choisi de façon majoritaire, ils l'ont exprimé dans un consensus durant deux référendums, un rapport de commission, des élections provinciales, et tout le reste. Pour moi, cela me paraît suffisant et on devrait se baser là-dessus et avoir ici, je le souhaite, une résolution adoptée unanimement par cette Chambre pour respecter la volonté exprimée par les gens de Terre-Neuve.
[Traduction]
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or, NPD): Monsieur le Président, j'interviens en faveur de la recommandation concernant la proposition de modification à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, une modification à la Constitution, c'est-à-dire au fondement même du Parlement, un Parlement que nous, à la Chambre, devons contribuer à rendre tous les jours plus solide et plus magnifique.
Le comité mixte spécial a étudié la question avec grand soin au nom du Parlement. Nous avons aujourd'hui le résultat de cette étude sous la forme de la recommandation dont nous sommes saisis. Le comité recommande d'apporter à la clause 17 les modifications réclamées par l'Assemblée législative de Terre-Neuve.
Avant de parler de la recommandation, je tiens à dire tout d'abord que ce fut un honneur et un privilège pour moi de faire partie du comité mixte spécial chargé d'étudier la question pour les habitants de Terre-Neuve et ceux du Canada. Venant du Cap-Breton, je puis assurer à la Chambre que les habitants de mon île et ceux de la province de Terre-Neuve ont davantage en commun que la géographie. Notre passé et notre présent nous lient ensemble à maints égards qui ont forgé entre nous une chaleureuse compréhension. Ce sentiment m'a accompagnée tout au long de mon travail au comité, et je dois dire que ce fut un plaisir de servir ainsi les gens de Terre-Neuve.
Je tiens à dire également que les Canadiens devraient comprendre que les Églises ont joué un rôle essentiel dans le développement de notre pays par le truchement d'un système d'éducation qui, sans elles, aurait été faible et inexistant dans plusieurs parties du Canada à des moments cruciaux de notre histoire. Ce fait est irréfutable, et le pays aura toujours une dette de gratitude envers les Églises.
À l'époque de la Confédération, la Loi constitutionnelle de 1867 a confié aux provinces la compétence exclusive sur l'éducation, avec deux exceptions: la protection des droits à l'enseignement confessionnel reconnus par la loi au moment de la Confédération, et le rôle réparateur du gouvernement fédéral pour protéger les droits à l'enseignement confessionnel.
Chacune des cinq provinces qui sont par la suite entrées dans la Confédération a adopté ou adapté cette formule à l'égard de l'éducation dans ses conditions d'union. Cependant, en raison de différentes circonstances existant dans les diverses provinces, seulement quatre provinces avaient un enseignement confessionnel au moment où Terre-Neuve est entrée dans la confédération en 1949.
La clause 17 initiale garantissait un système d'éducation fondé sur la confessionnalité dans cette province. Des écoles financées à même les deniers publics y étaient dirigées par diverses confessions religieuses. On ne trouvait pas à Terre-Neuve de système scolaire public non confessionnel semblable aux systèmes existant dans d'autres provinces.
En 1969, l'Église anglicane, l'Église presbytérienne, l'Armée du Salut et l'Église unie ont joint leurs efforts pour mettre en place un système scolaire unifié. La modification constitutionnelle apportée en 1987 avait pour objet d'ajouter les Assemblées pentecôtistes de Terre-Neuve à la liste des Églises jouissant des droits que prévoit la clause en matière d'enseignement confessionnel. En 1987, Terre-Neuve comptait donc quatre systèmes scolaires confessionnels distincts: le système unifié, le système de l'Église pentecôtiste, le système de l'Église catholique et le système de l'Église adventiste. Ces groupes confessionnels décidaient de la nomination des membres des conseils scolaires, de l'emplacement des écoles, de la délivrance du brevet d'enseignement, de la sélection des enseignants et de tout qui concerne l'administration d'un système d'éducation.
En 1990, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a institué la commission royale Williams et lui a confié la mission d'étudier la prestation des programmes d'enseignement dans la province. Le rapport final de la commission réclamait des réformes approfondies du système scolaire de la province. Il recommandait d'importants changements en ce qui concerne les pouvoirs que les groupes confessionnels exercent au niveau de l'administration des écoles.
Son président, M. Len Williams, estimait que la rareté des ressources empêchait Terre-Neuve de mettre sur pied un système scolaire non confessionnel, parallèle au système scolaire confessionnel. Au cours des trois ans qui ont suivi la publication des rapports, le gouvernement de Terre-Neuve a cherché en vain à s'entendre avec les groupes confessionnels sur un projet de restructuration du système scolaire. À la fin, il a conçu un nouveau modèle applicable à l'échelle provinciale et qui maintenait le caractère confessionnel du système actuel mais conférait à la législature provinciale des pouvoirs supplémentaires en matière d'organisation et d'administration de l'enseignement dans la province.
Le nouveau modèle a été approuvé par voie de référendum et adopté par voie de résolution à la législature provinciale . L'Assemblée législative a demandé au Parlement de modifier la clause 17 pour permettre la mise en place du nouveau système d'enseignement. Cela a été fait en 1996. La clause, telle que modifiée en 1996, garantit que toutes les écoles financées publiquement soient confessionnelles et crée deux types d'écoles, soit les écoles pluriconfessionnelles et les écoles destinées aux enfants appartenant à une seule religion.
Un différend est toutefois survenu. Quand le gouvernement a tenté de mettre en place le nouveau système, il voulait que le système scolaire optimise les chances des enfants de recevoir une bonne éducation, tout en reconnaissant le droit que la Constitution confère à des religions d'avoir leurs écoles séparées. Selon certaines religions, le droit à des écoles uniconfessionnelles avait préséance sur les chances des enfants de recevoir une bonne éducation.
Les religions catholique et pentecôtiste ont reçu une injonction de la Cour suprême de Terre-Neuve, selon laquelle la mise en place du nouveau système contrevenait aux droits que leur garantit la Constitution. Le tribunal a jugé que la modification de 1996 donnait aux droits à des écoles uniconfessionnelles la préséance sur la maximisation des chances à une bonne éducation.
Plus tôt cette année, le gouvernement de Terre-Neuve s'est plié à la décision et a proposé un nouveau libellé pour la clause 17, qui a été approuvé par 73 p. 100 des électeurs au cours d'un référendum. L'Assemblée législative de Terre-Neuve s'est ensuite prononcée à l'unanimité en faveur du libellé proposé pour la clause 17. L'Assemblée législative a alors demandé au Parlement de modifier la clause 17 conformément au nouveau libellé. Le Comité mixte spécial s'est penché sur la question et la Chambre est maintenant saisie de son rapport et ses recommandations.
De toute évidence, des questions complexes découlent de l'étude que nous avons faite de la demande venant de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Des questions nombreuses et souvent contradictoires portent sur la religion, les droits constitutionnels et la responsabilité, voire même sur le caractère démocratique des événements que je viens de mentionner.
En tant que parlementaires, nous devons répondre à ces questions. Ce n'est rien de moins que les aspirations de la population de Terre-Neuve qui sont en jeu.
Cette population aborde le XXIe siècle dans l'incertitude et l'espoir. Elle se rend bien compte qu'une éducation excellente est la clé qui permettra à Terre-Neuve de rester au pas avec un monde qui quitte ce siècle plus rapidement qu'il ne l'a entamé.
Le gouvernement dûment élu de Terre-Neuve a proposé des modifications en matière d'éducation qui devraient faciliter son entrée dans le prochain siècle. Même si la formule de modification bilatérale prévue aux termes de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 n'exige pas la tenue d'un référendum pour apporter des modifications constitutionnelles comme celle dont nous sommes saisis aujourd'hui, la population de Terre-Neuve a eu la possibilité de s'exprimer et elle s'est prononcée en faveur de cette mesure.
La population de Terre-Neuve essaie depuis longtemps d'améliorer son système d'éducation. Aux yeux des Terre-Neuviens, la réforme de l'éducation est l'une des questions qui a marqué la décennie. Il est clair que les habitants de cette province désirent ardemment améliorer leur système d'éducation.
Pendant des années après la commission royale Williams, les négociations sont demeurées ardues et les parties perdaient espoir de pouvoir un jour améliorer leur système d'éducation. Le gouvernement dûment élu a pris des mesures qui, espère-t-il, améliorera le système et le rendra plus efficace, mesures qui ont été approuvées par référendum.
La validité de ce référendum a fait l'objet de contestations légitimes. Le Nouveau Parti démocratique croit que la Constitution doit être modifiée de façon transparente et démocratique, avec la pleine participation de tous les Canadiens. Il faut rappeler que la majorité de la population a participé à ce référendum et qu'une vaste majorité des électeurs qui se sont prononcés ont voté en faveur des modifications proposées à la clause 17.
Selon une analyse du vote remise au comité mixte spécial, la majorité des électeurs de 47 des 48 districts ont voté en faveur à la question. Cela comprend des districts où la majorité des électeurs sont catholiques. Les catholiques représentent le plus grand groupe confessionnel de la province, soit 37 p. 100 de la population.
Il est vrai que, dans bien des districts, le taux de participation au scrutin était inférieur à 50 p. 100. Toutefois, rien ne prouve qu'on ait empêché les gens de voter. C'est aux citoyens d'assumer leur responsabilité et d'exercer leur droit de participer à notre précieuse démocratie. Cela demeure toujours notre meilleure méthode de consultation.
Certains groupes confessionnels ont prétendu devant le comité que la question référendaire donnait l'impression que des cours d'éducation uniconfessionnels seraient permis, que le texte de la résolution a été diffusé trop tard dans le processus référendaire pour faire l'objet de grands débats, que les groupes confessionnels s'opposant à la modification n'ont pas reçu de financement de la part du gouvernement et que leurs représentants n'ont pu observer le vote. Ils ont également contesté le fait que le gouvernement a financé la publicité en faveur de la question.
Par ailleurs, leurs adversaires ne partageaient par leurs opinions. La loi électorale de Terre-Neuve ne prévoit pas le financement public des diverses parties. Une spécialiste de la protection des droits de la personne, du droit international, du droit constitutionnel, des libertés civiles et du droit anti-discriminatoire a affirmé au comité que, selon elle, les Terre-Neuviens ont été consulté dans le cadre du processus continu de réforme de l'éducation. Ces consultations publiques ont pris la forme d'audiences publiques, de deux référendums et d'une élection qui ont en partie porté sur le programme du gouvernement.
Le Nouveau Parti démocratique reconnaît qu'à Terre-Neuve, il existe un large consensus à l'appui des propositions du gouvernement de réformer le système d'éducation de cette province. Nous savons que l'avis de la population de Terre-Neuve sur cette question a été recueilli par les moyens les plus démocratiques qui soient.
La modification dont nous sommes saisis accorde au gouvernement provincial le pouvoir exclusif de légiférer dans le domaine de l'éducation, mais l'oblige à fournir un enseignement religieux dans les autres religions que celle de l'école. Les pratiques religieuses seront autorisées dans les écoles, à la demande des parents.
Les intérêts confessionnels estimaient que le système confessionnel actuel ne pourrait être remplacé adéquatement par des écoles provinciales dispensant des cours qui ne sont pas propres aux confessions religieuses. Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve et le comité provincial de la Pentecôte craignaient les répercussions de cela sur le rôle de leur religion dans le système scolaire proposé. Leur représentant a dit: «Les arguments traditionnels en faveur d'un système publique unique sont centrés sur les problèmes perçus de la fragmentation et de l'intolérance. Ce que l'on ignore, toutefois, c'est l'effet néfaste sur les enfants du fait de ne pas connaître durant toute leur vie à l'école l'influence qui est la plus puissante dans bien des vies, celle de la foi.»
Ce représentant a ajouté: «Notre héritage et notre foi religieuses contribuent immensément à l'identité sociale et personnelle de chacun.»
Le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve a dit au comité que, même si elle n'est pas garantie conformément à la nouvelle clause proposée, une disposition de la politique actuelle du ministère de l'Éducation en matière de cours régionaux prévoit la mise au point de cours d'éducation religieuse au niveau régional. Lorsque le conseil scolaire estime qu'un tel cours est souhaitable, celui-ci sera mis au point au niveau régional en fonction d'une confession religieuse et il sera offert à l'école.
D'autres ont fait remarquer qu'exempter les enfants d'éducation et de rites religieux, dans lesquels les tribunaux incluent les prières du début des cours, n'est peut-être pas conforme aux dispositions de la Charte et aux valeurs qu'elle véhicule. D'autres encore ont déclaré que les dispositions pouvaient être appliquées de façon à tenir compte de jugements antérieurs en cette matière.
On a sérieusement fait valoir au comité que les droits des minorités étaient sacrifiés au profit des désirs de la majorité. La protection des droits des minorités est un aspect important de notre démocratie, un aspect que nous devons traiter avec vigilance.
Le comité a entendu plusieurs groupes que cette question préoccupe, comme le comité sur l'enseignement catholique de la Denomination Education Commission. Ses représentants ont dit que la modification éliminait complètement les droits constitutionnels des parents terre-neuviens de choisir d'envoyer leurs enfants dans des écoles confessionnelles ou séparées publiques. Ils ont également dit que le programme d'enseignement religieux dont il est question dans la clause révisée se limite à un programme neutre non confessionnel, comme ceux qui existent dans les écoles publiques en Ontario et ailleurs au Canada. Ils sont d'avis que c'est là un changement radical par rapport à la situation qui existe à Terre-Neuve depuis de nombreuses années.
C'est une question totalement différente pour les gens raisonnables des deux côtés de la question.
La Newfoundland and Labrador Human Rights Association a dit au comité qu'elle s'inquiétait de tout effort en vue de supprimer des droits, mais qu'il y a des cas où les droits des autres, y compris les droits de la majorité, exige qu'on supprime ou qu'on affaiblisse un droit. Elle a dit que, selon elle, le processus à Terre-Neuve a été bien réfléchi et bien débattu pendant plusieurs années. L'association a appuyé la modification en disant que, si toutes les parties faisait preuve de bonne foi, on pourrait instituer un système public non confessionnel qui servirait tout le monde et toutes les confessions religieuses, sans que des privilèges spéciaux ne soient accordés à certaines Églises.
Un représentant de l'Association canadienne des libertés civiles a dit au comité que cette modification marquait un grand progrès. Il a dit que l'abolition des privilèges spéciaux pour tout groupe confessionnel, même si ces groupes confessionnels représentaient un vaste pourcentage de la population, ne pouvait qu'avoir un effet positif du point de vue de l'égalité et de la justice. Cela est un progrès, à notre avis, sur le plan de l'égalité religieuse et de l'équité.»
Il est vrai que la clause 17 qui est proposée supprime les privilèges constitutionnels de certaines confessions, mais toutes les religions n'avaient pas ces privilèges. On a dit au comité que cette modification rendait toutes les religions égales, aucune n'ayant la propriété du principal moyen d'assurer l'éducation dans la province, mais toutes ayant le même droit d'assurer l'enseignement confessionnel sans financement public. En outre, n'importe quel gouvernement à venir aura le pouvoir d'accorder un financement public aux écoles confessionnelles s'il le souhaite.
Il a également été dit que la Constitution était un document en évolution qui devait tenir compte de la transformation de la société. Les Terre-Neuviens qui composent ces groupes confessionnels ont demandé démocratiquement la modification de leur statut dans la Constitution.
Autre élément à prendre en compte, les catholiques ont contesté devant les tribunaux la modification en question. Les pentecôtistes ne les ont pas imités, mais ils ont clairement fait comprendre au comité qu'ils préféraient que la modification soit retardée dans l'attente de la décision des tribunaux.
Plusieurs témoins ont dit que, selon les textes internationaux sur les droits de la personne, ces droits étaient adéquatement protégés en assurant la liberté de religion et la non-ingérence dans l'éducation religieuse et la transmission des convictions religieuses des parents aux enfants. La modification proposée satisfait à ce critère.
Il est important que la modification à l'étude ne constitue pas un précédent pour les droits religieux ou les droits des minorités dans d'autres provinces. L'histoire et la conjoncture politique propres à Terre-Neuve empêchent que la modification ne soit considérée comme un précédent.
Le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve a expliqué au comité que bien des gens croyaient que cette modification aurait des répercussions sur les droits à l'enseignement confessionnel dans d'autres provinces à cause du libellé de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'article stipule que rien dans les lois provinciales ne doit porter préjudice à un droit ou à un privilège conféré lors de l'union à une classe particulière de personnes, relativement aux écoles confessionnelles.
Toutefois, la clause 17 traite uniquement des conditions particulières existant à Terre-Neuve au moment de l'union et remplace par conséquent l'article 93. Les droits protégés à Terre-Neuve et au Labrador diffèrent des droits garantis dans d'autres provinces et ne sont pas comparables à ceux-ci. Il s'ensuit que des droits qui, d'une façon générale, s'appliquent à d'autres provinces, ne peuvent s'appliquer à Terre-Neuve et au Labrador.
Le Nouveau Parti démocratique reconnaît que ces droits ne seront pas lésés dans d'autres régions du Canada par suite de cette modification.
Après avoir soigneusement étudié la question, le comité mixte spécial appuie l'adoption de la résolution modifiant la clause 17. Le Nouveau Parti démocratique croit qu'il existe un large consensus en faveur de cette modification et que ces changements ne créeront pas un précédent en ce qui a trait aux droits religieux ou minoritaires dans d'autres provinces.
On nous demande d'examiner quelque chose dans le seul contexte de l'histoire et de la situation politique uniques de Terre-Neuve. Toutefois, nous reconnaissons que cette question suscite les forts courants d'opinions et les passions. C'est ce qui arrive souvent avec les questions intéressant la religion et les droits. Le Nouveau Parti démocratique respecte ces convictions et il se peut que certains néo-démocrates s'éloignent de la position du parti sur cet amendement s'ils se sentent obligés de le faire. Toutefois, tous ont à coeur les aspirations des Terre-Neuviens.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement la députée. Elle et moi avons toutes deux fait partie d'un comité constitutionnel spécial et je crois qu'elle a très bien décrit le contexte historique du débat et l'importance de la modification pour Terre-Neuve.
Je crois aussi qu'elle comprend à quel point la situation à Terre-Neuve est unique par rapport aux autres provinces et à quel point il est important que notre Constitution soit un document vivant, flexible et modifiable lorsque les provinces établissent que leur population appuie les modifications proposées.
Je tiens à ce qu'elle sache que je partage sa perspective historique et également son espoir que la population de Terre-Neuve puisse aller de l'avant et mettre en place le système d'éducation qui pourra dispenser une éducation de qualité à tous les élèves de la province à un coût raisonnable et selon des méthodes propres à cette province.
Cela permettra de mettre fin à une bonne partie de la frustration et des craintes dont nous avons entendu parler. Nous pouvons mettre cela de côté. Les division du passé sont maintenant derrière nous et la population de Terre-Neuve pourra travailler de concert dans l'intérêt de l'éducation de ses enfants.
Je remercie la députée pour son intervention.
Mme Michelle Dockrill: Monsieur le Président, je remercie la députée. Dans mon intervention, j'espère avoir bien fait ressortir que le système scolaire de Terre-Neuve est différent et unique. Il est à souhaiter, comme l'a dit le député bloquiste, que nous adopterons la motion à l'unanimité aujourd'hui.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, la députée a siégé au comité, et je voudrais la renvoyer au deuxième paragraphe de la modification de la clause 17:
Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
La députée accepte-t-elle volontiers que l'État ait le pouvoir de s'occuper des cours de religion, étant donné la teneur générale de son discours, dans lequel elle a parlé non pas de simples cours, mais aussi d'une expérience de foi?
Mme Michelle Dockrill: Monsieur le Président, dans mon intervention de ce matin, j'ai essayé de présenter aux députés ce que j'ai entendu pendant les délibérations du comité. J'ai accueilli sans aucun malaise les témoignages que j'ai entendus, et je recommande donc que la clause 17 soit modifiée.
Le Président: Chers collègues, comme il est 14 heures, nous allons passer aux déclarations de députés.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LE TREMBLEMENT DE TERRE EN ARMÉNIE
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour souligner le neuvième anniversaire du tragique tremblement de terre survenu en Arménie le 7 décembre 1988.
L'ampleur de cette catastrophe naturelle dépasse l'imagination. Plus de 25 000 personnes ont perdu la vie et des centaines de milliers d'autres ont été blessées ou se sont retrouvés sans logis.
Les Arméniens gardent une éternelle reconnaissance envers les Canadiens pour les secours qu'ils leur ont prodigués. Le gouvernement du Canada a accordé une aide de plus de 6 millions de dollars à l'Arménie par l'entremise de la Croix-Rouge, et des Canadiens de toutes les régions de notre pays ont donné en plus 2,5 millions de dollars en aide humanitaire.
Le vendredi 5 décembre, je me suis joint à de nombreux Torontois pour donner du sang à la clinique de sang parrainée par l'Armenian Relief Society pour commémorer l'anniversaire du séisme.
J'invite mes collègues députés à se joindre aux Canadiens d'origine arménienne et aux Arméniens de tous les pays, qui pleurent la perte de membres de leur famille et d'amis qui ont péri dans cette horrible catastrophe.
* * *
L'IMMIGRATION
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, j'ai en main un rapport de la police de Vancouver qui devrait alerter la ministre de l'Immigration.
Le rapport dresse une liste de 32 ressortissants étrangers dont la police a communiqué le nom aux responsables de l'immigration parce que, en 24 heures seulement, le 20 novembre 1997, ils se sont tous livrés à des activités criminelles dans la ville de Vancouver.
Le fait que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'expulse pas rapidement les criminels est directement à l'origine des 9 000 agressions et infractions liées à la drogue et aux armes qui sont perpétrées chaque année, à Vancouver seulement, par des ressortissants étrangers.
La ministre vient de dispenser ses faveurs politiques en nommant le président de l'association libérale de la circonscription de North Vancouver à un poste assorti d'une rémunération de 85 000 $ au sein de la CISR. Il est grand temps que la ministre mette un terme au favoritisme et qu'elle commence à résoudre les problèmes.
Combien d'autres crimes, combien d'autres dépenses pour les contribuables et combien d'autres violations de nos frontières devrons-nous encore subir avant que la ministre agisse?
* * *
LE CASTLE OF GOLD
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, au nom du ministre des Travaux publics, j'ai participé à une cérémonie particulière qui a eu lieu la semaine dernière, dans la communauté francophone historique de Maillardville, en Colombie-Britannique.
En collaboration avec divers groupes locaux comme la Village Seniors Equity Co-operative et la ville de Coquitlam, la SCHL a aidé à ce que le projet de 32 unités de logement baptisé le Castle of Gold devienne une réalité pour les aînés francophones locaux.
En travaillant en partenariat, le gouvernement fédéral et des organismes privés répondent aux besoins croissants de nos aînés. Voilà un autre exemple qui montre bien que le gouvernement s'emploie à améliorer la vie des Canadiens.
* * *
[Français]
M. PIERRE PERREAULT
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, samedi soir, à Montréal, l'heure était à la fête pour les nombreux convives présents au dîner qui soulignait le 50e anniversaire du Mouvement national des Québécoises et des Québécois.
À l'instar de sa présidente, Mme Monique Vézina, je veux rendre hommage au MNQ qui, grâce à l'implication constante de ses membres, a toujours accompagné le peuple québécois dans la recherche difficile mais combien essentielle de son identité. Durant cette soirée, la médaille d'argent du MNQ a été remise à l'homme du «pays sans bon sens», le poète et cinéaste Pierre Perreault.
Pierre Perreault est un Québécois authentique qui veut son pays, et c'est avec beaucoup de respect et d'admiration que nous le félicitons de cette remarquable marque de reconnaissance que lui a décerné le Mouvement national des Québécoises et des Québécois.
* * *
[Traduction]
L'AMBULANCE SAINT-JEAN
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, alors que les Canadiens se préparent à l'arrivée du prochain millénaire, l'Ambulance Saint-Jean s'apprête elle aussi à célébrer son millième anniversaire. L'Ambulance Saint-Jean est l'un des plus anciens organismes de bienfaisance dans le monde, les services qu'elle offre depuis près de 1 000 ans datant de l'époque des croisades. En dispensant de la formation et des cours de premiers soins, elle aide les gens à améliorer leur santé, leur sécurité et leur qualité de vie.
Le bureau de Mississauga de cette organisation a lancé de nombreuses initiatives communautaires visant la prévention des blessures et la santé cardiaque. Ce qui est surtout remarquable, c'est la détermination de cette organisation à améliorer les chances de survie des habitants de Mississauga et de la région de Peel.
À cette fin, l'Ambulance Saint-Jean a récemment coordonné un programme de défibrillation à l'intention des pompiers, programme qui a permis aux services ambulanciers de Halton-Mississauga d'être admissibles au programme paramédical OPALS et de parrainer un programme de RCP qui permettra à 14 000 étudiants de neuvième année d'apprendre comment agir en cas d'urgence cardiaque.
Le travail du bureau de l'Ambulance Saint-Jean de Mississauga...
Le Président: La parole est à la députée de Lambton—Kent—Middlesex.
* * *
LE CHANVRE
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, une nouvelle réglementation permettant la culture du chanvre créerait une industrie pouvant représenter plusieurs millions de dollars et renforcerait notre économie sur le plan des exportations.
De nouvelles sociétés à Paincourt, Exeter et Port Severn, pour ne nommer que quelques endroits, sont prêtes à dépenser plus de 3 millions de dollars pour acheter des semences et de l'équipement et pour développer les marchés.
Le chanvre commercial a déjà été une industrie prospère dans le comté de Lambton au cours des années 1940. La fibre de chanvre peut être utilisée dans la fabrication de tapis, de vêtements, de sacs et de carton.
Le chanvre est une récolte qui peut remplacer le tabac et qui ne nécessite aucun pesticide. Le ministre de la Santé travaille actuellement à l'élaboration de la réglementation qui régira ce nouveau secteur afin que, dès 1998, la culture du chanvre puisse ouvrir la porte à de nouveaux débouchés pour le Canada sur le plan des exportations.
* * *
LE RÉSEAU ROUTIER NATIONAL
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, les chemins de fer ont joué un rôle important dans le développement de l'Ouest. Dans cette région du Canada, les chemins de fer ont été construits et ont été exploités grâce à une aide gouvernementale massive.
Maintenant, les chemins de fer disparaissent. L'abandon des lignes est une menace réelle dans les Prairies. Le gouvernement a investi dans la seule infrastructure capable de transporter le grain de façon efficiente. Une fois cette infrastructure disparue, il ne reste aucun moyen viable de transporter le grain. Nos routes sont en mauvais état, et nos élévateurs ferment.
Le gouvernement fédéral doit investir dans une nouvelle infrastructure. La Loi sur les routes nationales de 1919 doit être remise à la première page du menu législatif.
Sans un programme coordonné de construction et de réfection des routes, beaucoup d'agriculteurs perdront leur gagne-pain parce qu'ils seront incapables d'acheminer leur grain.
* * *
LE SERVICE CANADIEN DE LA FAUNE
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, je veux signaler à la Chambre le 50e anniversaire du Service canadien de la faune, qui marque 50 ans de protection de la faune au Canada.
Depuis sa création en novembre 1947 par le gouvernement de William Lyon Mackenzie King, la Service canadien de la faune a institué de nombreux programmes extraordinaires pour protéger le milieu sauvage canadien et pour sensibiliser davantage la population aux questions environnementales.
Ces initiatives comprennent la recherche sur les effets des produits chimiques toxiques sur les Grands Lacs, qui a entraîné l'interdiction des produits à base de DDT au Canada; des politiques de conservation, comme la Loi sur les espèces sauvages au Canada et la mesure législative visant à protéger les espèces en péril; un réseau de réserves nationales de faune et de sanctuaires d'oiseaux migrateurs qui protège plus de 11 millions d'hectares de terrain pour les espèces sauvages, et bien d'autres initiatives.
J'invite tous les députés de la Chambre à féliciter le Service canadien de la faune pour avoir toujours si bien servi les Canadiens. Sans de tels organismes, nos enfants et nos petits-enfants n'auraient peut-être jamais l'occasion de jouir de la beauté changeante du milieu sauvage canadien.
Que le Service canadien de la faune continue de servir les Canadiens et le monde entier pendant des générations encore.
* * *
LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, le 6 décembre est une date que les Canadiens devraient graver à jamais dans leur mémoire.
Il y a eu huit ans samedi dernier, 14 jeunes femmes de l'École polytechnique de Montréal ont perdu la vie pour la seule raison qu'elles étaient des femmes. Toutes les victimes de ce massacre, qui avaient entre 21 et 31 ans, étaient dans la fleur de l'âge.
Le gouvernement a beaucoup fait pour protéger les femmes contre la violence. Nous avons adopté une loi sévère sur le contrôle des armes à feu, nous avons interdit la défense fondée sur l'intoxication volontaire, renforcé les exigences concernant l'obligation de ne pas troubler la paix publique afin d'éloigner les hommes violents des femmes et des enfants, et nous avons donné plus de mordant aux dispositions du Code criminel relatives aux délinquants à risque élevé.
Le gouvernement ne peut cependant pas résoudre ce problème seul car il s'agit d'un problème de société. Les femmes ne se sentiront en sécurité dans leurs communautés que le jour où la discrimination et la violence auront disparu et où elles auront des chances égales.
J'invite tous les Canadiens à...
Le Président: La députée de Longueuil.
* * *
[Français]
LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, le chef du Bloc québécois effectuait une tournée dans l'Ouest canadien pour parler du peuple québécois aux Canadiennes et aux Canadiens, afin d'expliquer notre démarche souverainiste.
Respectueux et toujours soucieux de faire avancer notre projet, il a représenté dignement le peuple québécois dans le reste du Canada. La mission du Bloc québécois est la défense des intérêts du peuple québécois, laquelle passe nécessairement par la souveraineté, assortie d'une offre de partenariat avec le Canada. Nous voulons que le peuple canadien comprenne notre point de vue.
Contrairement à tout ce que pourront dire les Guy Bertrand et autres radicaux du genre, les Québécoises et les Québécois ont besoin d'espoir, et la souveraineté est le besoin d'espoir qui rassemble notre peuple.
Notre formation politique continuera de défendre le projet au centre de notre action au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, soit la souveraineté du Québec.
* * *
[Traduction]
LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Monsieur le Président, selon leur patron politique, le sénateur Dan Hayes, les libéraux prennent des «mesures extraordinaires».
Le ministre du Développement des ressources humaines projette d'annoncer, de façon bien orchestrée, six projets transitoires de subventions à la création d'emplois au Manitoba, d'un montant de 1,7 million de dollars.
Dans une note de service télécopiée à un fonctionnaire des Affaires étrangères, le ministère du Développement des ressources humaines demande si le député de Provencher ou celui de Winnipeg-Centre devrait en faire l'annonce et effectuer des visites sur place. Or, les six projets se trouvent dans les circonscriptions de Churchill et de Selkirk—Interlake.
Il serait très inusité d'inviter le député local à ces annonces, peu importe son allégeance politique. Il n'est pas inhabituel cependant de voir le ministre des Affaires étrangères utiliser des fonds publics à des fins purement politiques.
* * *
A HISTORY OF THE VOTE IN CANADA
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, au suffrage universel ou autrement, le droit de vote est un élément essentiel de la démocratie. Certains diraient même que toute la démocratie tient au droit de vote.
Un nouveau livre, intitulé A History of the Vote in Canada, raconte l'histoire du vote, à partir des toutes premières assemblées législatives élues dans ce qui constitue maintenant le Canada jusqu'aux dernière élections fédérales. Il retrace les changements dans les conditions d'admissibilité au vote, les procédés électoraux et les pratiques de scrutin, ainsi que le taux de participation aux scrutins depuis la Confédération.
Rempli de magnifiques illustrations, de photographies d'époque, de dessins et de caricatures, ce livre fascinant fait le récit de l'évolution du droit de vote au cours des 250 dernières années.
Le livre est non seulement une excellente source de renseignements, mais aussi un rappel durable, pour les Canadiens, de l'importance du droit de vote et des rôles d'avant-garde que le Canada a joués dans les pratiques électorales.
Le livre A History of the Vote in Canada est disponible en librairie aux quatre coins du pays.
* * *
LA PAUVRETÉ
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, les organisateurs des banques d'alimentation ont lancé un appel au gouvernement fédéral pour qu'il réaffirme son engagement à l'égard des normes nationales des programmes sociaux, à la conférence des premiers ministres de cette semaine. Ils demandent aux premiers ministres de réparer les torts qu'ils ont eus envers les pauvres.
Les compressions dans les transferts fédéraux aux provinces ont eu des répercussions épouvantables. Du même coup, le ministre des Finances a créé une atmosphère générale de cynisme et de doute dans l'esprit des gens concernant la véritable condition des pauvres, ce qui a entraîné une réduction des dons aux banques d'alimentation. On commence par déprécier les gens, puis les autres se sentent moins coupables de leur refuser leur aide. Même à cette époque des Fêtes, où nous avons coutume de donner et de partager, on sent que les attitudes se durcissent à l'endroit des pauvres.
Le premier ministre doit renouveler son engagement à l'endroit de tous les Canadiens, et surtout des plus vulnérables; redonner un peu des surplus budgétaires qu'il se vante d'avoir; et s'assurer que les pauvres puissent manger, se loger, travailler et combler leurs besoins essentiels afin qu'ils puissent vivre décemment et dans la dignité, sinon on pourrait se demander si le premier ministre n'a pas le coeur bien petit.
* * *
[Français]
L'INDUSTRIE DU TABAC
M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, bye bye Imperial Tobacco! Telle a été ma réaction en lisant la nouvelle que cette compagnie de tabac retire sa commandite aux grands événements qu'elle avait pris l'habitude de soutenir, le Grand Prix de Formule 1 et les Internationaux de tennis. Mais je demande à Imperial Tobacco qu'elle alloue l'argent de sa commandite actuelle aux soins de santé et à la restauration d'un environnement sain devant les portes de nos édifices publics au Canada.
Je félicite également notre premier ministre qui a déclaré: «Pour nous, la santé est primordiale. Nous avons assoupli la loi dans certains domaines, mais nous n'avons pas l'intention d'abolir la loi.»
Ces compagnies de tabac ne se sont pas privées jusqu'à maintenant, allant même jusqu'à nier à plusieurs reprises que le tabac n'avait pas d'incidence néfaste sur la santé jusqu'à ce que des études sérieuses les poussent à changer leur fusil d'épaule, c'est sans hésiter que je leur répète «Bye bye Imperial Tobacco». Mettons-nous au travail afin d'aider les organisateurs des grands événements culturels et sportifs à trouver des alternatives de financement qui leur assurent un avenir sur une base plus solide au Québec.
Et telle la chanson, je dis: «Bye bye boucane, welcome santé.»
Le Président: L'honorable député de Tobique—Mactaquac a la parole.
* * *
[Traduction]
LES HÉLICOPTÈRES
M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Monsieur le Président, depuis que le gouvernement libéral a accédé au pouvoir en 1993, il y a eu 770 atterrissages d'urgence par des hélicoptères Sea King et Labrador, entraînant deux décès en 1994.
Pour garder ces hélicoptères vieillissants dans les airs, il faut débourser 66 millions de dollars par année et compter 30 heures d'entretien pour chaque heure de vol.
Le mois dernier, six hélicoptères Labrador ont été retenus au sol pendant deux semaines et nous avons appris que les cellules des Sea King étaient fissurées.
Le week-end dernier, toute la flotte des Sea King de la Marine a été immobilisée au sol en raison d'un problème avec les pivots d'articulation de la tête de rotor principal. Le ministre de la Défense nationale a décrit la situation en disant qu'elle ne posait pas du tout de problème.
Au cas où le ministre ne l'aurait pas remarqué, le rotor principal est le mécanisme qui maintient les hélicoptères dans les airs. Il ne suffit pas de rafistoler ces vieilles machines à grands frais pour les contribuables. Il est temps que le gouvernement fasse preuve de leadership en annonçant l'octroi d'un contrat d'hélicoptères de remplacement.
* * *
[Français]
LES CENTRES DE SERVICES AUX ENTREPRISES
M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais prendre les quelques instants qui me sont alloués pour faire état, devant les députés de cette Chambre, d'une bonne nouvelle pour la grande région de Québec.
Le 5 décembre dernier, le secrétaire d'État responsable du Bureau fédéral de développement régional du Canada pour la province de Québec a annoncé que Ressources entreprises de Québec se joindra au réseau des centres de services aux entreprises canadiennes. Non seulement les entreprises de la région de Québec, mais également celles de l'est du Québec auront ainsi un accès direct à toute l'information sur les programmes et services offerts par le gouvernement du Canada.
Notre gouvernement est fier de s'associer à la réalisation de cette initiative par le biais d'une contribution de près de 1,2 million de dollars.
Notre objectif est de prendre des mesures pour aider les entreprises du pays à se développer et leur simplifier la vie. La venue dans la région de Québec d'un centre de services aux entreprises constitue un exemple éloquent de l'approche que nous favorisons pour assurer leur croissance dans ce magnifique pays qu'est le Canada.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
LES PROGRAMMES SOCIAUX
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, cette semaine, le premier ministre rencontrera ses homologues provinciaux pour parler des programmes sociaux.
Lorsque ces programmes sociaux, comme l'assurance-maladie, ont été institués il y a de nombreuses années, le gouvernement fédéral payait une bonne partie de la note, et c'est comme cela, c'est-à-dire à coup d'argent, qu'il a été capable de s'immiscer dans des secteurs de compétence provinciale comme les soins de santé et l'éducation. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral veut encore contrôler les programmes, mais il a réduit les paiements de transfert servant à les financer.
Pourquoi le gouvernement fédéral pense-t-il que les premiers ministres provinciaux vont lui permettre de microgérer les programmes sociaux après qu'il a sabré dans les paiements de transfert aux provinces?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, si nous regardons ce que disent les médias, nous voyons que les Canadiens veulent un régime national d'assurance-maladie, qu'ils veulent des normes nationales et qu'ils veulent que le gouvernement fédéral travaille en partenariat avec les provinces. C'est exactement ce que nous faisons, et nous continuerons de le faire.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, auparavant, le terme partenariat voulait dire moitié-moitié. Lorsque le régime d'assurance-maladie a été institué, le gouvernement fédéral a accepté de payer 50 p. 100 des coûts approuvés. Cette année, il ne paiera que 10 p. 100 des fonds nécessaires au fonctionnement des hôpitaux.
Les premiers ministres provinciaux veulent parler d'un point clé de la déclaration de Calgary, soit le septième point, celui qui porte sur le respect des compétences provinciales.
Pourquoi le gouvernement fédéral insiste-t-il pour administrer les programmes sociaux alors qu'il participe de moins en moins à leur financement? Est-ce vraiment là la bonne façon d'améliorer les relations fédérales-provinciales?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il est étrange que le chef de l'opposition soulève cette question le jour même où nous déposons une modification pour accroître les paiements de transfert aux provinces l'an prochain.
À compter de l'an prochain, en fait à compter de l'exercice en cours, nous transférerons 12,5 milliards en argent aux provinces, ce qui représente une augmentation par rapport à ce qui avait été prévu. Nous le faisons parce que le gouvernement actuel accorde une grande importance aux soins de santé, parce qu'il accorde une grande importance à la protection et au renforcement de l'assurance-maladie dans notre pays.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, les paiements de transfert ont été réduits de plus de 7,5 milliards de dollars.
Il y a une réponse à ce problème de relations entre le gouvernement fédéral et les provinces sur le plan des programmes sociaux, soit rééquilibrer les pouvoirs fédéraux et provinciaux. C'est un concept unificateur qui est appuyé par les Québécois, plus que la reconnaissance symbolique du caractère distinct ou unique du Québec.
Le rééquilibre des pouvoirs serait bon à la fois pour les programmes sociaux et pour l'unité nationale.
Pourquoi le gouvernement fédéral n'accepte-t-il pas simplement le rééquilibre des pouvoirs comme une solution et n'inscrit-il pas cette question à l'ordre du jour de la réunion avec les premiers ministres provinciaux?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Santé vient de dire à quel point il est ironique que le Parti réformiste parle de ces réductions des paiements de transfert le jour même où lui et moi prendrons la parole à la Chambre pour annoncer que nous augmentons ces paiements de 1,5 milliard de dollars par année.
Ce qui est particulièrement scandaleux dans la suggestion du Parti réformiste, le jour même où nous sommes sur le point d'annoncer une augmentation des paiements de transfert, et je cite un extrait du budget des contribuables préparé par ce parti: «Un gouvernement réformiste...
Le Président: La députée d'Edmonton-Nord.
* * *
LA CONFÉRENCE DE KYOTO
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, parlons-en donc, d'équilibre. Seul un libéral peut avoir assez de culot pour imposer des réductions de 7,5 milliards de dollars et pour déclarer ensuite, après avoir réinjecté 1,5 milliard, que c'est vraiment une bonne affaire pour l'économie canadienne.
De la même manière, la ministre de l'Environnement a dit à Kyoto qu'elle pourrait peut-être bien modifier ses objectifs. Elle a laissé entendre qu'elle imposerait une réglementation encore plus sévère à l'industrie canadienne.
Le ministre des Finances a certainement une idée des coûts de l'accord de Kyoto pour notre économie et de ce qui risque d'arriver si la ministre de l'Environnement change encore d'avis. Est-ce qu'on a fait une étude de l'impact économique? Sinon, pourquoi? Si oui, où est-elle?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les rencontres ministérielles de Kyoto sont en cours, et il y a des négociations actives.
Fait très intéressant, le ministre de l'Énergie de l'Alberta, Steve West, aurait déclaré selon la presse: «J'ai l'assurance des dirigeants de notre délégation que les intérêts supérieurs de l'Alberta au niveau de l'industrie seront protégés.» Si M. West accepte cela, je ne vois pas pourquoi le Parti réformiste n'en ferait pas autant.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, ces mêmes représentants qui ont reçu des assurances à Regina ont constaté assez rapidement, en moins de huit jours, que la ministre fédérale pouvait changer d'idée très vite.
Nous sommes devant un problème grave. Les provinces ont fait des études des répercussions économiques de l'accord de Kyoto. La Colombie-Britannique et l'Alberta se sont retirées et la délégation de la Saskatchewan a été tellement dégoûtée qu'elle a annulé ses billets d'avion pour Kyoto.
Je voudrais poser une question au ministre des Finances et non au vice-premier ministre. Comment pense-t-il pouvoir imposer cet accord aux provinces, sur le plan économique, surtout lorsqu'il se vante à la Chambre de ce nouvel esprit de...
Le Président: Le ministre des Finances.
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le Parti réformiste n'a toujours pas fait connaître sa position. La grande question est de savoir si le Parti réformiste a calculé le coût de l'inaction. A-t-il calculé le coût du réchauffement de la planète? A-t-il calculé ce qu'il nous en coûterait de ne pas prendre des mesures analogues à celles des États-Unis, de ne pas améliorer notre technologie, de nous isoler du reste du monde?
* * *
[Français]
LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a déclaré en fin de semaine que le gouvernement fédéral négocierait avec celui du Québec si le oui l'emportait. Par cette déclaration, le premier ministre a enfin reconnu que les Québécois peuvent décider démocratiquement de leur avenir.
Le premier ministre suppléant admet-il que les négociations dont a parlé le premier ministre en fin de semaine porteraient alors non seulement sur des domaines d'intérêt commun, mais également sur les relations futures entre les deux États souverains?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, un sondage dans le Globe and Mail nous confirme aujourd'hui ce que nous savons déjà: deux Québécois sur trois sont très profondément attachés au Québec et au Canada.
Nous pouvons donner l'assurance à nos concitoyens du Québec qu'ils ne perdront jamais le Canada à coup d'astuces et de confusion.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il n'y a pas grand réponse à cette question.
Je me souviens du sondage qui n'était pas tellement bon, où le premier ministre parlait, juste avant le référendum, et on a vu les résultats. Mais on doit admettre tout de même que la souveraineté est une possibilité.
Dès lors, est-ce que le gouvernement, est-ce qu'Ottawa ne considère pas qu'il y aurait nécessité de mettre une commission Bélanger-Campeau sur pied—à laquelle a participé le premier ministre dans le temps—afin d'étudier deux scénarios. Le premier, le Canada avec le Québec; l'autre, le Canada aux côtés du Québec, pays souverain. Ça, ce serait responsable.
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, les Québécois ont déjà exprimé de différentes façons ce qui leur paraîtrait être une question claire. Dans un sondage de février 1995, 73 p. 100 des Québécois trouvent que la question posée lors du référendum devrait être: «Êtes-vous pour ou contre la séparation du Québec du reste du Canada?»
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question est pour le ministre des Affaires intergouvernementales.
En fin de semaine dernière, le ministre a déclaré que le gouvernement fédéral ne se retirerait pas immédiatement du Québec au lendemain d'un oui référendaire sur la souveraineté du Québec.
Doit-on comprendre qu'enfin le ministre vient de réaliser que le projet souverainiste ne prévoit pas de rupture immédiate au lendemain d'un référendum gagnant, mais plutôt une année de négociations entre Québec et Ottawa, avant la proclamation de la souveraineté?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, parlant de confusion, regardons la procédure que M. Parizeau avait mise en place. À quelques semaines du référendum, 53 p. 100 des Québécois croyaient que, seulement après entente avec le Canada, la souveraineté pourrait se faire.
Or, M. Parizeau avait pour objectif de la faire le plus rapidement possible, avec ou sans entente avec le Canada, un propos de partenariat que M. Bouchard a qualifié de squelettique, de toute façon.
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, maintenant que le ministre admet qu'il n'y aura pas de rupture immédiate au lendemain d'un référendum, le ministre admet-il aussi que la meilleure attitude à adopter pour tout le monde au cours de cette période sera de faire preuve d'intelligence, d'ouverture et de respect mutuel?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Absolument, monsieur le Président, et l'intelligence, l'ouverture et le respect mutuel nous commandent de ne procéder à une négociation sur une sécession que si nous avons l'assurance que c'est très clairement ce que les gens veulent, c'est-à-dire cesser d'être Canadiens pour faire du Québec un État indépendant, à partir d'une procédure claire, légale, exempte de confusion et d'astuces.
* * *
[Traduction]
LES PROGRAMMES SOCIAUX
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, le NPD croit que l'avenir du Canada et l'avenir de l'unité canadienne sont liés tout autant à ce que les Canadiens pensent de leur pays et à la question de savoir s'ils pensent que nous allons continuer d'être une société compatissante, qu'à toute raison constitutionnelle.
À cet égard, je voudrais poser la question suivante au vice-premier ministre ou, peut-être, au ministre des Finances: le premier ministre va-t-il présenter, à la réunion des premiers ministres cette semaine, un plan pour revitaliser le régime d'assurance-maladie et les autres programmes sociaux, et réinvestir dans ces derniers, afin que les Canadiens aient des normes acceptables en matière sociale et puissent avoir le sentiment d'appartenir à une collectivité et non pas simplement à un marché?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le porte-parole du NPD a fort bien énoncé l'approche du premier ministre. Nous voulons renforcer notre régime d'assurance-maladie et notre système de santé au Canada. Nous voulons renforcer nos programmes sociaux. Nous voulons le faire en travaillant de concert avec les provinces et tous les Canadiens. C'est en ayant cette approche à l'esprit que le premier ministre participera à la conférence des premiers ministres.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, il est rare que trois ministres se lèvent pour répondre à une question.
Malheureusement, ma question demeure sans réponse. Le premier ministre va-t-il présenter, à la réunion des premiers ministres, un plan pour revitaliser le régime d'assurance-maladie et réinvestir dans ce dernier afin de redonner des normes nationales aux programmes sociaux?
Ne venez pas nous servir du réchauffé cet après-midi en annonçant quelque chose que vous avez déjà annoncé en faisant grand bruit. Nous voulons savoir quand vous allez annuler les restrictions qui ont fait que les Canadiens n'estiment plus vivre dans une société compatissante?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, si je l'ai bien compris, le député veut savoir si nous sommes prêts à réinvestir, mais il ne veut pas savoir que nous sommes en fait en train de le faire.
Nous avons un plan. C'est notre parti qui a établi le régime d'assurance-maladie universel. Nous n'avons pas de leçons à recevoir du Nouveau Parti démocratique. Plutôt que de nous lancer dans des envolées de rhétorique et porter des accusations pharisaïques, nous agissons. Nous réinvestirons plus 4 milliards de dollars dans le régime d'assurance-maladie au cours des quatre prochaines années. Cette mesure témoigne éloquemment de notre volonté de maintenir un régime d'assurance-maladie vigoureux.
[Français]
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, on a entendu tous ces beaux mots venant du Parti libéral du Canada en 1993, alors que le Parti libéral avait garanti aux Canadiens le financement dans les domaines de la santé et de l'éducation. Ce qu'il a fait à la place de cela, c'est couper unilatéralement pour six milliards de dollars dans les transferts.
Je voudrais savoir aujourd'hui si ce gouvernement garantira aux gouvernements provinciaux qu'il ne coupera pas unilatéralement, d'une part, et si, d'autre part, il consentira à des principes de cogestion et de codécision dans les domaines de juridiction partagée.
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce que l'honorable chef du Parti conservateur doit regarder, c'est que, non seulement allons-nous annoncer le réinvestissement d'un milliard et demi de dollars par année à la suite du succès de notre programme antidéficitaire, mais le ministre du Développement des ressources humaines a déjà annoncé, non seulement une première étape de 850 millions de dollars, mais également une deuxième de 850 millions de dollars pour aider les enfants. Nous avons diminué les cotisations à l'assurance-emploi et nous avons réinvesti dans la recherche et développement.
Grâce aux efforts d'assainissement des finances publiques de ce gouvernement, le Canada est maintenant dans une position d'investir dans l'avenir.
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, l'effort d'assainissement des finances publiques s'est fait sur le dos des malades et des sans-emploi.
[Traduction]
J'aimerais savoir si le gouvernement va faire comme en 1993 lorsque, après avoir promis aux Canadiens de financer les soins de santé et l'éducation, il a unilatéralement amputé les paiements de transfert de 6 milliards de dollars. J'aimerais savoir si, à la CPM, il proposera d'adhérer aux principes de la cogestion dans les domaines de compétence partagée pour que, plus jamais, un gouvernement ne prenne de décisions unilatérales, comme ce fut le cas au cours de la dernière législature.
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ceci est particulièrement indécent venant du chef du Parti conservateur qui, pendant la campagne électorale, a dit que son parti allait réduire les dépenses dans le domaine de l'environnement, qu'il allait réduire les dépenses dans le domaine de l'agriculture, qu'il allait réduire les dépenses relatives à chacun de nos programmes sociaux.
Ayant proclamé pendant toute la campagne électorale que, à l'instar des réformistes, il allait réduire les programmes sociaux, le chef du Parti conservateur a le toupet de se lever et de se plaindre de ce que nous soyons en train de réinvestir dans l'avenir des Canadiens. Il est temps qu'il se branche.
* * *
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait une autre annonce dévastatrice concernant l'augmentation de 73 p. 100 des charges sociales au titre du RPC. Cette nouvelle étude révèle que d'ici 2001, cette augmentation coûtera 9 100 emplois à l'économie de la province.
Pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour procéder à cette nouvelle ponction fiscale alors que, dans la seule Colombie-Britannique, elle mettra plus de 9 000 personnes au chômage?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le manque de cohérence de l'opposition continue à se manifester, non seulement au niveau du NPD, mais dans le cas présent chez le Parti réformiste. La députée de Calgary—Nose Hill refuse de reconnaître qu'il y a un passif de 600 milliards de dollars.
Pourquoi le NPD s'est-il comporté comme il l'a fait, je ne suis pas trop sûr, d'autant plus que la position du gouvernement néo-démocrate était qu'il fallait augmenter les cotisations, mais qu'il ne fallait absolument pas diminuer les prestations.
* * *
L'ÉCONOMIE
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement cache bien son jeu. Après avoir réduit les paiements de transfert aux provinces de 6 milliards de dollars, le gouvernement se vante maintenant d'en céder une partie, de restituer une fraction de ce qu'il a volé aux Canadiens.
Le Président: Je préférerais que le député n'emploie pas le mot «voler» et qu'il passe à la question.
M. Monte Solberg: Monsieur le Président, pourquoi le gouvernement fait-il fi des Canadiens, des ministres provinciaux des Finances et du sens commun? Quand va-t-il enfin se décider à réduire la dette? Quand va-t-il enfin se décider à baisser les impôts, à accorder un allégement fiscal aux Canadiens? Mais qu'a-t-il donc contre les petits salariés, à la fin?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la différence entre nous et les réformistes ne porte pas sur le désir que nous avons et qu'ils ont de baisser les impôts. C'est que nous ne sommes pas prêts à faire ce que les réformistes sont prêts à faire pour baisser les impôts. Ils s'en prendraient au régime d'assurance-maladie. Ils y puiseraient 3,5 milliards de dollars par an pour compenser les réductions d'impôts. Ils sabreraient 3 milliards de dollars dans les paiements de péréquation. Ils s'en prendraient aux pensions de vieillesse.
Ce n'est pas notre façon d'agir. Nous n'allons réduire les impôts au détriment des pauvres, des personnes âgées et des malades hospitalisés.
* * *
[Français]
LA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral rend l'ajout de 850 millions de dollars additionnels pour les enfants pauvres conditionnel au dépôt par les provinces d'un plan de réinvestissement de leur propre argent qui doit être approuvé par le gouvernement fédéral.
Comment le gouvernement fédéral peut-il exiger des provinces qu'elles justifient leurs dépenses dans leur propre juridiction, alors que ces 850 millions ne sont qu'une infime partie des 11 milliards de dollars que le fédéral a coupés dans le Transfert social canadien depuis 1994?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, on voit bien que nos amis du Bloc ne suivent pas de très près ce qui se passe du côté social.
Il n'est absolument pas question de conditions dans la prestation canadienne pour les enfants. Il s'agit d'un système pour aider les enfants de ce pays et c'est justement un partenariat entre les provinces et le gouvernement du Canada dans lequel nous investissons, par le crédit fiscal canadien, 850 millions. Les provinces ont choisi d'elles-mêmes de réallouer ces sommes qui deviennent partie de leur marge de manoeuvre en fonction de programmes et services pour les enfants qui vivent dans des familles à faible revenu.
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, peut-être que le ministre ne suit pas tellement ce que son chef dit, puisque celui-ci a affirmé en fin de semaine que les 850 millions additionnels seraient disponibles à la condition que les provinces déposent un plan.
Est-ce que ce n'est pas là une vieille habitude du gouvernement fédéral d'envahir les champs de juridiction des provinces dès qu'il y a de l'argent de disponible, et est-ce qu'il ne prend pas en otage les enfants pauvres pour forcer la main aux provinces?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, il faut avoir une espèce de mentalité de paranoïaque pour ne pas comprendre que ce que nous sommes en train de faire dans ce pays, avec le conseil ministériel des provinces et du gouvernement du Canada, c'est un partenariat, un partenariat approuvé par les Québécois et les autres provinces à la faveur des enfants de familles à faible revenu.
Le chef conservateur, un peu plus tôt, nous demandait quand il y aurait des mécanismes de codécision et de cogestion dans ce pays. J'invite alors l'opposition à s'intéresser à ce qui se passe au conseil ministériel, qui est justement une grande table de travail de concertation entre les provinces, et nous l'avons fait à la faveur des enfants pauvres et des personnes handicapées dans ce pays.
* * *
[Traduction]
LA LOI SUR LE TABAC
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à corriger une affirmation que le ministre des Finances a faite. Pendant la campagne électorale, le Parti réformiste avait pour position de réinjecter 4 milliards de dollars dans le système d'assurance-maladie. Cela n'a rien à voir avec les absurdités que le ministre nous débite.
Par ailleurs, les compagnies de tabac viennent de retirer leur commandite aux organisateurs de courses d'automobiles et d'événements culturels au Canada. Elles veulent que ces organismes culturels fassent la sale besogne à leur place.
Le ministre des Finances protégera-t-il la santé des jeunes Canadiens au lieu de céder au chantage des compagnies de tabac?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, c'est précisément ce que nous faisons. Nous tenons à ce que les compagnies de tabac sachent bien que nous ne sommes pas du tout impressionnés par les moyens de pression qu'elles ont utilisés la semaine dernière en menaçant de priver ces organismes de leur commandite.
Nous nous sommes engagés il y a quelque temps à faire adopter une modification à la Loi sur le tabac à propos de la commandite, et cet engagement tient toujours.
Nous sommes en train d'élaborer cette modification pour remédier au problème complexe qui l'a suscitée, et nous agirons lorsque nous serons prêts. Nous ne nous laisserons pas influencer, ni intimider, par les moyens de pression des compagnies de tabac.
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je comprends d'après cette réponse que le ministre de la Santé n'accordera d'exemptions à personne d'autre que les organisateurs de courses de Formule 1, mais ce n'est pas vrai.
Le ministre de la Santé a le choix. Ou bien il peut avoir une loi solide qui protège nos jeunes de la publicité. Laissons les adultes avoir leur publicité s'ils le désirent. Ou bien il peut avoir une loi faible et céder aux gros intérêts des compagnies de tabac. Que choisira-t-il?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député retarde un peu. Le gouvernement a présenté la loi sur le tabac la plus rigoureuse du monde occidental, et la Chambre l'a adoptée il y a quelques mois. Nous sommes beaucoup plus avancés que les autres pays. Nous avons pris des mesures que les Européens songent à prendre d'ici plusieurs années.
Quant à la commandite, la modification que apporterons respectera notre engagement. Nous la ferons adopter quand nous serons prêts, non quand les compagnies de tabac nous diront de le faire.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, au nom de la lutte contre la pauvreté, le gouvernement fédéral cherche à empiéter une fois de plus dans les champs de compétences des provinces. Mais parlons plutôt de l'assurance-emploi. Cela relève du gouvernement fédéral.
Le ministre du Développement des ressources humaines admettra-t-il que s'il y a beaucoup trop d'enfants pauvres au Canada, c'est parce qu'il y a beaucoup de parents qui ne sont plus admissibles à l'assurance-emploi à cause de ses coupures dans le programme?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je pense que la pauvreté est la responsabilité de l'ensemble des gouvernements et on s'en préoccupe également. Je ne pense pas qu'on devrait dire que c'est uniquement une question de juridiction à Québec, comme le dit le député.
Par rapport au dossier de l'assurance-emploi, ce que je peux vous dire, c'est que notre gouvernement a fait son devoir d'adapter un système qui nuisait à un grand nombre de travailleurs et qu'il fallait l'adapter aux conditions modernes du marché du travail maintenant. Nous avons, comme vous le savez, à l'intérieur même de notre législation, un mécanisme qui prévoit faire un suivi à cette réforme pour en mesurer les impacts. Nous aurons ce rapport d'ici la fin du mois ou nous l'aurons au cours du mois de janvier.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, quand les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1993, il y avait 65 p. 100 des chômeurs qui recevaient des prestations d'assurance-chômage. Il n'y en a maintenant plus que 41 p. 100.
Le ministre réalise-t-il que s'il n'avait pas fait ses coupures, il y aurait au moins 335 000 chômeurs qui ne seraient pas exclus, comme ils le sont actuellement, des bénéfices de l'assurance-emploi? Occupez-vous donc de vos affaires!
Le Président: Il faut toujours diriger les questions à la Présidence. La parole est maintenant à l'honorable ministre du Développement des ressources humaines.
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je ferai remarquer au député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques que son prédecesseur, Maurice Duplessis, était contre l'assurance-chômage, et il trouvait que ce n'était pas de nos affaires à ce moment-là. C'était ça, l'orthodoxie et le dogmatisme de ces gens-là.
Nous avons regardé les chiffres de l'assurance-emploi.
Ce que je constate également, c'est que l'assurance-emploi a baissé, elle est passée de 11,4 à 9 p. 100 depuis quelques années également. C'est comme ça qu'on mesure un système.
Ce que je peux vous dire également, c'est que nous suivons de très près la réforme audacieuse et moderne que nous avons faite. Nous en reparlerons au cours du mois de janvier.
* * *
[Traduction]
LA JUSTICE
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, l'échappatoire légale des libéraux qu'est la condamnation conditionnelle permet à des violeurs et autres délinquants violents reconnus coupables de s'en tirer sans purger le moindre jour d'emprisonnement. Nous avons demandé à la ministre de la Justice de supprimer cette échappatoire dans la loi, mais elle a refusé. Voici que le procureur général de la Colombie-Britannique exige la même chose, citant plus de 900 cas où, dans sa province, cette échappatoire s'applique.
La ministre va-t-elle supprimer cette échappatoire légale et s'assurer que les violeurs et autres délinquants reconnus coupables de crimes d'une grave violence aillent en prison au lieu de jouir de la liberté?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député sait pertinemment que le but des dispositions sur la condamnation conditionnelle présentées par mon prédécesseur n'a jamais été de s'appliquer aux délinquants violents ni aux personnes reconnues coupables d'agression sexuelle.
Mes collègues provinciaux et moi-même avons eu l'occasion de discuter de cette question jeudi et vendredi à Montréal. Nous avons tous convenu de continuer à suivre de très près le recours aux condamnations conditionnelles.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, la ministre de la Justice ne se préoccupe manifestement pas des hommes, des femmes et des enfants innocents qui sont les victimes de ces gens-là et la loi ne prévoit aucun élément dissuasif. En fait, une note d'information provenant du cabinet même de la ministre laisse entendre que non seulement les condamnations conditionnelles ne sont pas suivies de près, mais aussi que la transgression n'est pas punie, ce qui est inacceptable.
Encore une fois, la ministre de la Justice supprimera-t-elle cette dangereuse échappatoire légale pour protéger les Canadiens innocents contre ces délinquants dangereux?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je répète que mes collègues provinciaux et moi-même avons eu l'occasion de discuter de cette question, à Montréal, la semaine dernière. Nous avons convenu en principe que la condamnation conditionnelle fonctionne bien. Toutefois, nous avons décidé de suivre de très près le recours aux condamnations conditionnelles. Je tiens à assurer au député, cet après-midi, que je modifierai les dispositions si cela s'avère nécessaire.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, quand le ministre du Développement des ressources humaines, par ses coupures, exclut 335 000 personnes des bénéfices de l'assurance-emploi, il crée la pauvreté chez un grand nombre d'enfants.
Au lieu de nous servir son habituelle cassette, ne pourrait-il pas, à la veille de Noël, faire preuve d'un peu plus de compassion à l'endroit des enfants pauvres, en permettant à leurs parents de se qualifier plus facilement à l'assurance-emploi?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux pas comprendre qu'on s'oppose, du côté du Bloc québécois, à ce que nous faisons pour aider les familles à faible revenu qui ont des enfants.
J'espère que les Québécois en prennent bonne note aujourd'hui, parce que ce ne sont pas ces gens-là qui font la promotion des intérêts des Québécois pauvres dans le pays à l'heure actuelle.
Que cette question me soit posée par une députée, j'en suis renversé. S'il y avait des gens qui avaient besoin d'une amélioration du système, c'est justement les femmes, celles qui travaillent à temps partiel. Nous avons changé le système à partir d'une base de semaines à une base d'heures, pour aider les femmes qui travaillent à temps partiel et qui sont dorénavant couvertes par le système.
* * *
[Traduction]
LA JUSTICE
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens devraient être outrés d'apprendre qu'un particulier peut être arrêté dans une province puis relâché, même si, dans une autre province, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt pour un crime comme un vol à main armée. C'est ce que l'on appelle le mandat d'arrêt non exécutoire.
Ma question s'adresse au solliciteur général. Quelles mesures prend-il, en coopération avec les autres administrations, pour veiller là ce que les délinquants arrêtés dans une province soient renvoyés dans celle où ils font l'objet d'un mandat d'arrêt?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la question du député montre à quel point la collaboration entre les gouvernements est essentielle. C'est pourquoi le gouvernement a pris un certain nombre de mesures, y compris notre énoncé sur le crime organisé.
Nous avons étudié ces questions avec des collègues pendant deux jours, à Montréal la semaine dernière. En vertu du Code criminel...
Le Président: Chers collègues, j'ai du mal, comme beaucoup d'entre vous, à entendre la réponse. Je vous prie de faire moins de bruit.
Revenons au solliciteur général.
L'hon. Andy Scott: Monsieur le Président, comme je l'ai dit, c'est justement la raison pour laquelle les gouvernements travaillent ensemble. En vertu du Code criminel, il est possible d'exécuter un mandat n'importe où au pays. La décision finale appartient aux provinces. C'est pourquoi la coopération fédérale-provinciale est nécessaire.
* * *
LA JUSTICE
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, le 7 septembre, les Canadiens ont appris un nouvel échec de notre système de libérations conditionnelles.
Cecilia et Tammy Grono ont été assassinées dans ma ville natale, celle de Summerland, en Colombie-Britannique. Le principal suspect est Kevin Machell. Alors qu'il bénéficiait d'une libération conditionnelle, il ne s'est pas présenté à sa maison de transition, et les agents du Service correctionnel du Canada ont attendu 24 heures avant de signaler sa disparition. Le même mois, le solliciteur général a dit qu'une enquête serait menée et qu'un rapport serait déposé.
Le solliciteur général a eu trois mois pour agir. Où est le rapport et pourquoi le système de libérations conditionnelles a-t-il échoué?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.
Le dépôt du rapport est imminent.
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, c'est un bien piètre réconfort pour les enfants d'âge préscolaire de Tammy Grono. Le système de libérations conditionnelles est un échec pour les Canadiens, mais le ministre continue de le défendre.
Le système a échoué lorsque Tammy Grono a informé le Service correctionnel du Canada des menaces de mort que Kevin Machell proférait à son endroit. Il a échoué alors que Kevin Machell était frappé d'une ordonnance de non-communication. Il a échoué lorsque Tammy Grono a écrit au Service correctionnel du Canada afin de demander qu'on l'informe de tout changement dans la situation de Kevin Machell.
Le système de libérations conditionnelles que le ministre défend favorise les criminels. Les Canadiens veulent un système qui favorise les victimes et les citoyens respectueux des lois. Quand le ministre nous débarrassera-t-il du système actuel?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai moi aussi à coeur la sécurité des Canadiens. C'est pour cette raison, lorsque pareils incidents se produisent, qu'ils font l'objet d'une enquête approfondie et que l'on modifie les mécanismes en place pour assurer la sécurité des Canadiens.
* * *
LES PÊCHES
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, au nom de 40 000 Canadiens du Canada atlantique et du Québec, nous tenons à remercier le ministre des Pêches et des Océans pour la déclaration qu'il a faite au sujet de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique vendredi dernier. Il a déclaré ceci: «Nous estimions important d'épauler ces gens, de les aider, et nous continuerons de le faire.»
Ma question s'adresse au ministre. Maintenant qu'il a engagé le gouvernement à donner suite à la stratégie, dévoilera-t-il à la Chambre le nouvel objectif du gouvernement?
L'hon. David Anderson (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député s'embrouille.
Le gouvernement a toujours soutenu les individus qui, sans que ce soit leur faute, se retrouvent dans une situation difficile comme celle apparue il y a quelques années dans les pêcheries de l'Atlantique.
Nous étudions en ce moment le moyen de continuer d'aider ces gens. On ne peut en aucun cas laisser entendre qu'un programme précis sera maintenu.
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L'ÉQUITÉ SALARIALE
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, les travailleurs de tout le Canada sont déçus du gouvernement qui n'a pas conclu d'entente sur l'équité salariale. Le gouvernement a déjà admis devoir 1,3 milliard de dollars en paiements au titre de l'équité salariale à plus de 150 000 travailleurs, surtout des femmes.
Aujourd'hui, le Conseil du Trésor déclare qu'il ne négociera plus avec l'AFPC. Le gouvernement paiera-t-il en acompte les 1,3 milliard de dollars qu'il a admis déjà devoir aux travailleurs et continuera-t-il de négocier pour mettre fin à l'injustice qui existe entre les hommes et les femmes?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, j'ai déclaré que nous avions évalué la contre-offre de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Le syndicat avait déclaré qu'il réclamait deux milliards de dollars et qu'il voulait négocier.
Les estimations révèlent que la contre-offre de l'AFPC ne représente pas deux ni trois ni même quatre milliards, mais bien 5,3 milliards. C'est une somme tellement irréaliste que l'on peut en conclure que le syndicat agit de mauvaise foi.
* * *
LA DÉFENSE NATIONALE
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.
En 1994, un hélicoptère Sea King qui survolait Saint John s'est écrasé, tuant ses deux occupants.
Des familles de militaires sont en rapport avec moi depuis 1994 pour obtenir de nouveaux hélicoptères. La semaine dernière les vieux Sea King étaient cloués au sol pour réparations. Ces réparations devraient se poursuivre pendant les prochaines quatre ou cinq semaines.
Ma question au ministre concerne la sécurité de nos militaires et le confort de leur famille. Quand le gouvernement va-t-il cesser son petit jeu politique et annoncer l'achat de nouveaux hélicoptères?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, les écrasements d'appareils sont toujours regrettables. Ils se produisent pour diverses raisons, pas simplement l'âge de l'appareil, mais aussi des bris mécaniques ou des erreurs humaines.
Nous ne faisons pas voler les Sea King ou d'autres hélicoptères ou avions, à moins qu'ils ne soient en état de fonctionner en toute sécurité. Nous avons récemment interdit les vols de Sea King afin de procéder à une inspection très complète. Nous les avons vérifiés et ils sont de nouveau en service.
Nous savons qu'ils devront être remplacés dans quelques années, parce qu'ils vieillissent, mais nous y travaillons.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, le gouvernement en place est en train de retaper nos hélicoptères Sea King vieux de 30 ans, qui sont fissurés et ne sont pas fiables, parce qu'il espère les faire durer jusqu'en 2005. Ces hélicoptères ont d'ailleurs été retenus au sol au cours du week-end dernier.
Cette mesure va à l'encontre du livre blanc de 1994 de la Défense et coûtera apparemment 970 millions de dollars. Le gouvernement entend-il consacrer 970 millions de dollars aux réparations et des milliards de dollars à l'achat de nouveaux hélicoptères? J'en doute.
Est-il exact que le gouvernement n'a pas du tout l'intention de remplacer nos vieux Sea King?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le Parti conservateur est mal placé pour parler des hélicoptères. S'ils n'avaient pas gâché la dernière entente, nous aurions pu régler tout cela pour beaucoup moins cher et c'est d'ailleurs ce que notre gouvernement va faire.
Nous allons satisfaire nos besoins opérationnels. Nous aurons les hélicoptères qu'il nous faut à un prix abordable pour les Canadiens.
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LA FRAUDE FISCALE
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, je conviens tout à fait que mon Québec est unique par rapport au reste du Canada, mais je m'y refuse totalement en ce qui concerne la fraude fiscale de restaurants qui utilisent des logiciels perfectionnés pour dissimuler leur chiffre d'affaires réel et éluder les impôts.
Je voudrais savoir ce que le ministre du Revenu national entend faire au sujet de la fraude fiscale qui est un problème d'envergure nationale.
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, la députée peut me croire, nous prenons des mesures pour que tous les Canadiens paient leur juste part des impôts, d'un bout à l'autre du pays.
De plus, à Revenu Canada, nous avons des spécialistes judiciaires. Nous avons des gens qui sont directement chargés de la fraude informatique et qui feront en sorte que Revenu Canada continue à faire de l'excellent travail. Nous verrons à ce que tous les Canadiens, y compris les gens d'affaires, paient leur juste part des impôts.
Ils le font. La plupart des particuliers et des entreprises observent le programme d'autocotisation et paient leurs impôts. Nous continuerons le bon travail que nous faisons partout au Canada.
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LE SÉNAT
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pendant que le sénateur Andrew Thompson se dérobe à ses responsabilités et promène son chien sous le soleil du Mexique, un sous-comité sénatorial vient de prendre une décision qui fera époque. Le sénateur Thompson ne devrait pas toucher son salaire s'il ne se présente pas au travail.
Une voix: Oh non.
M. Rob Anders: Bonne décision, sénateurs, mais votre collègue Thompson n'est pas le seul sénateur à esquiver ses responsabilités. Prenez l'exemple du sénateur Eyton qui vient tout juste de battre le record du sénateur Thompson, puisqu'il ne s'est présenté à la Chambre haute que sept jours sur 91.
Le vrai premier ministre se lèvera-t-il aujourd'hui pour respecter la promesse des libéraux de rendre le Sénat responsable de ses actes ou défendra-t-il ces sénateurs nommés à la Chambre haute qui se distinguent par leur absence?
Le Président: Je ne sais pas si un membre du gouvernement voudra répondre à la question, mais je ne vois pas comment elle se rattache aux responsabilités administratives du gouvernement.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, on ne peut pas vraiment s'attendre à ce qu'un député libéral se porte à la défense d'un sénateur conservateur.
Deuxièmement, la question du député n'a rien à voir avec les responsabilités administratives du gouvernement. Dans le cas des sénateurs, nous n'établissons ni leur salaire, ni leur espace de bureau, ni quoi que ce soit du genre. Cette question relève de la régie interne du Sénat.
Nous espérons tous qu'elle sera réglée dès que possible afin que ce genre de comportement, qui nous choque, nous et tant de Canadiens, ne soit plus toléré.
* * *
[Français]
LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, la section Québec du Parti libéral du Canada vient de voter une résolution demandant de mettre la Société Radio-Canada au service de l'unité nationale.
Doit-on comprendre que la ministre du Patrimoine veut régulariser ce qu'elle essaie de faire depuis deux ans, à savoir la transformation de Radio-Canada en instrument de propagande? Finalement, veut-elle transformer Radio-Canada en Radio Ô Canada?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Non, monsieur le Président.
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LES TRAVAILLEURS SAISONNIERS
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines sait qu'il y a des centaines de travailleurs et de travailleuses qui ne se qualifient pas pour l'assurance-emploi, en raison de la crise des pêches et de la nature du travail saisonnier, à cause d'un manque d'heures travaillées.
Plusieurs de ces familles ne peuvent pas recevoir de l'aide sociale. Cela veut dire que ces familles n'ont pas assez d'argent pour mettre du pain sur la table.
Est-ce que le ministre a conclu une entente avec les provinces, comme il l'a fait dans le passé, pour s'assurer que ces travailleurs et travailleuses ont le nombre d'heures nécessaire pour se qualifier à l'assurance-emploi, afin qu'ils puissent avoir à manger à Noël?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, comme vous le savez, nous sommes très sensibles à la situation des travailleurs saisonniers. Notre réforme, nous la suivons de très près. Nous avons demandé qu'au bout d'un an de notre réforme, justement, nous puissions avoir la chance de mesurer l'impact de la réforme sur les travailleurs. Nous le ferons au cours du mois de janvier, lorsque ce rapport me sera remis.
Je dois vous dire que nous voulons également aider les travailleurs saisonniers à avoir du travail. C'est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied un fonds transitoire de création d'emplois, pour créer des emplois, et que nous avons des mesures actives d'emploi pour les aider à intégrer le marché du travail, parce que c'est ce qu'ils veulent, pour toute l'année, à l'année longue.
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[Traduction]
LA DÉFENSE NATIONALE
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, le gouvernement croit que l'achat de nouveaux hélicoptères est une sorte de blague, mais personne ne rit. Faire payer aux Canadiens plus de 500 millions de dollars pour rien n'a rien d'amusant. C'est plutôt embarrassant. Le ministre de la Défense nationale a déclaré qu'il ferait bientôt une annonce sur le nouvel hélicoptère de recherche et de sauvetage. C'était il y a 79 jours de cela. Le gouvernement va-t-il faire une annonce sur les nouveaux hélicoptères avant Noël ou le processus d'appel d'offres va-t-il recommencer en janvier pour une troisième fois?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le député a raison de dire que ce n'est pas une blague. Il s'agit de fournir le bon type de matériel aux membres des services de recherche et de sauvetage pour qu'ils puissent aller sauver des gens, sauver des vies au Canada et sur nos côtes. Nous voulons nous assurer que nous obtenons le matériel, l'hélicoptère, qui répondra le mieux à leurs besoins à un prix abordable pour les Canadiens.
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L'AGRICULTURE
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il incombe au gouvernement fédéral d'appuyer et de défendre avec force le secteur agricole et, en particulier, le secteur de la gestion de l'offre.
Le ministre est-il prêt à rencontrer les représentants des producteurs laitiers du Canada et à résoudre une fois pour toutes cette question de l'huile de beurre? Comment entend-il répondre à leurs préoccupations en ce qui concerne cette question très importante?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement est certes conscient des préoccupations du secteur laitier et de ses représentants sur cette question. Nous surveillons avec eux les niveaux d'importation d'huile de beurre et de mélanges de sucres. À l'instar de mes fonctionnaires et de ceux des autres ministères concernés, j'ai rencontré personnellement les représentants de l'industrie à un certain nombre de reprises.
Mes collègues et moi-même nous penchons sur une solution à ce problème, qui sera conforme à nos droits et à nos obligations sur le plan international.
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L'AIDE À L'ÉTRANGER
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le Canada a envoyé pour plus de 10 millions de dollars d'aide alimentaire à la Corée du Nord. Selon certaines fuites, le ministre savait qu'il y avait des problèmes de distribution. Les Canadiens veulent être sûrs que l'aide va seulement aux civils qui ont faim. D'après les personnes chargées de surveiller la distribution, seuls 30 p. 100 de l'aide alimentaire en Corée du Nord atteint les gens auxquels elle est destinée.
Comment, alors qu'elle est au courant des problèmes de distribution, la ministre de l'ACDI justifie-t-elle sa décision d'envoyer pour 10 millions d'aide alimentaire? Comment sait-elle à qui va cette aide, si ce n'est pas par exemple à l'armée dont on connaît la brutalité?
L'hon. Diane Marleau (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, les dix millions ne vont pas à la Corée du Nord. Ils vont aux fermiers canadiens pour l'achat de blé, aux pêcheurs canadiens pour l'achat de poisson, de poisson mis en conserve au Canada.
Deuxièmement, les Nord-Coréens ont de très bons antécédents. Des équipes de surveillance se sont rendues sur place et nous ont dit que l'aide atteignait les orphelins et les gens auxquels elle est destinée.
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
RAPPORT DU BIBLIOTHÉCAIRE PARLEMENTAIRE
Le Président: J'ai l'honneur de déposer le rapport du bibliothécaire parlementaire pour l'année se terminant le 31 mars 1997.
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LES VOIES ET MOYENS
AVIS DE MOTION
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 83(1) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer un avis de motion de voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et certaines lois connexes, ainsi que des notes explicatives. Je demande que la motion soit inscrite à l'ordre du jour.
* * *
DÉCRETS DE NOMINATION
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, des décrets annonçant des nominations faites récemment par le gouvernement.
Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont réputés avoir été renvoyés aux comités permanents indiqués en annexe.
* * *
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à quatre pétitions.
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COMITÉS DE LA CHAMBRE
PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le 15e rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre portant sur la nomination de membres associés du comité de liaison.
Si la Chambre y consent, j'en proposerai l'adoption plus tard aujourd'hui.
[Français]
ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
[Traduction]
Conformément au mandat du comité en vertu de l'article 108 du Règlement, votre comité a accepté de procéder à une étude sur les changements climatiques relativement aux préparatifs et à la participation du Canada en vue de la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se tient présentement à Kyoto.
Conformément à l'article 109 du Règlement, le comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale à ce rapport.
Une des conclusions générales importantes du comité est que le défi des changements climatiques offre une convergence unique d'objectifs économiques et environnementaux. L'économie ne pourra que bénéficier de l'accroissement du rendement énergétique, de l'innovation énergétique et de la prolongation de la durée des réserves d'énergies fossiles par une consommation plus mesurée.
* * *
[Français]
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) demande la permission de déposer le projet de loi C-295, Loi de 1997 modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (annexe I).
—Monsieur le Président, je remercie le député d'Acadie—Bathurst d'avoir passé au-dessus de la question nationale pour un enjeu social important en choisissant d'appuyer ce projet de loi qui vise à redonner à l'assurance-chômage son objectif d'assurer un revenu décent aux chômeurs entre deux emplois, particulièrement aux travailleurs saisonniers qui vivent ce qu'on appelle le trou du printemps où, pendant dix semaines par année, à cause de la réforme des libéraux, nous ne sommes pas capables d'assurer un revenu décent à des centaines de milliers de citoyens du Québec et du Canada.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ) demande la permission de déposer le projet de loi C-296, Loi de 1997 modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (taux de prestations).
—Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter un projet de loi visant à modifier le calcul des prestations d'assurance-emploi. Ce projet de loi, s'il est adopté, éliminera du calcul des prestations les nombreuses règles qui diminuent le montant auquel les prestataires ont droit.
Le projet de loi vise à ce que le montant des prestations représente réellement 55 p. 100 du salaire gagné. Ainsi, nous aurions un peu plus de compassion envers nos travailleurs frappés d'une période de chômage. Je souhaite l'appui de tous les partis à la Chambre.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ) demande la permission de déposer le projet de loi C-297, Loi de 1997 modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (article 15).
—Monsieur le Président, il me fait plaisir, tout comme mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, de présenter une modification à ce projet de loi afin d'abolir la règle dite d'intensité qui impose une diminution progressive de 55 p. 100 à 50 p. 100 du taux de prestation aux prestataires qui doivent utiliser régulièrement l'assurance-emploi.
On n'a qu'à se rappeler le discours de technocrate qu'on nous a servi pendant la période des questions orales et l'insensibilité dont on faisait preuve face aux gens touchés par le problème de chômage, surtout les chômeurs saisonniers et les chômeurs dits fréquents, que le ministre veut pénaliser de 5 p. 100 sur leur taux de prestations d'assurance-emploi.
Devant cette règle injuste, je propose l'abolition pure et simple de cette règle dite d'intensité.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) demande à présenter le projet de loi C-298, Loi de 1997 modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (conditions requises pour recevoir des prestations).
—Monsieur le Président, le projet de loi sur l'assouplissement des règles d'admissibilité s'inscrit dans une action concertée du Bloc québécois.
Il propose, entre autres, de corriger deux iniquités envers les nouveaux arrivants sur le marché du travail, les jeunes et les personnes qui reviennent sur le marché du travail après deux ans d'absence et les femmes qui restent à la maison pour avoir soin de leurs enfants. Ceux-ci doivent travailler 910 heures, contrairement aux travailleurs qui doivent faire de 420 à 700 heures, selon le taux régional. Cela crée deux catégories de chômeurs.
Il veut aussi mettre fin à ces deux catégories de chômeurs que la loi actuelle a mises sur pied, ceux qui ont travaillé 700 heures et les autres qui ont travaillé moins de 700 heures. Impossible pour ceux qui ont travaillé moins de 700 heures d'avoir un congé parental et un congé de maladie. Il faut donc voter en faveur de cette loi.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) demande à présenter le projet de loi C-299, Loi de 1997 modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (cotisations et Compte d'assurance-emploi).
—Monsieur le Président, tout le monde le sait, la caisse de l'assurance-emploi est financée par les employés et les employeurs. Il est donc clair que cette caisse devrait être distincte du budget général du fédéral, ce qui n'est pas le cas actuellement.
L'objectif de ce projet de loi vise donc deux choses: en premier lieu, de confier exclusivement à la Commission de l'assurance-emploi la détermination des taux de cotisation; deuxièmement, d'assurer qu'il y ait un compte crédité au nom du Compte de l'assurance-emploi pour empêcher justement le gouvernement libéral et peut-être les autres à venir de continuer à piger allègrement dans la caisse qui appartient aux travailleurs et aux employeurs.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) demande à présenter le projet de loi C-300, Loi de 1997 modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (remboursement).
—Monsieur le Président, dans la foulée des initiatives prises par un homme généreux, et je parle évidemment du député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, il me fait plaisir de déposer le projet de loi permettant une modification du seuil du remboursement.
Ce projet de loi vise à permettre aux personnes dont la rémunération assurable est inférieure à 5 000 $ d'obtenir le remboursement de leurs cotisations d'assurance-emploi. Ce projet de loi vise à étendre ce remboursement à l'ensemble des personnes dont le revenu assurable est inférieur à 5 000 $, afin que cette mesure soit applicable à la majorité des personnes qui cotisent sans être éligibles aux prestations.
C'est un projet de loi de générosité et de conscience sociale. Je crois que cela nous démarque clairement de ceux qui sont en face de nous.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
[Traduction]
COMITÉS DE LA CHAMBRE
PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la Chambre y consent, je propose l'adoption du 15e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté plus tôt aujourd'hui à la Chambre.
(La motion est adoptée.)
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PÉTITIONS
LA FISCALITÉ
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par un certain nombre de Canadiens, dont des résidents de ma circonscription, Mississauga-Sud.
Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la gestion du foyer et l'éducation d'enfants d'âge préscolaire est une profession honorable dont la juste valeur pour notre société n'est pas reconnue.
Les pétitionnaires signalent également qu'ils sont en accord avec le rapport du Forum national sur la santé qui recommande de mettre fin à la discrimination contre les familles étant donné que la Loi de l'impôt sur le revenu ne tient pas compte équitablement des coûts réels liés à l'éducation des enfants d'âge préscolaire.
Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter des mesures fiscales pour mettre fin à la discrimination dont sont victimes les familles qui choisissent d'assurer elles-mêmes l'éducation de leurs enfants d'âge préscolaire.
* * *
[Français]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.
[Traduction]
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
Le 2 octobre 1997, j'ai fait inscrire la question no 21 au Feuilleton. C'est une question simple et directe concernant les ministres qui ont visité la région de Drummondville-Trois Rivières au cours des 10 mois qui se sont écoulés entre août 1996 et juin 1997.
Le secrétaire parlementaire pourrait-il me dire quand nous pouvons espérer une réponse à cette question assez peu compliquée?
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je vais certes m'en occuper.
Le vice-président: Est-ce d'accord pour que toutes les questions restent au Feuilleton?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE)
La Chambre reprend l'étude de la motion.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, aujourd'hui, je partage mon temps de parole avec la très distinguée députée de la magnifique circonscription historique de Saint John, au Nouveau-Brunswick.
J'exprime aujourd'hui pour la dernière fois mon opposition à ce que la Chambre s'apprête à faire avec le vote de demain soir sur la modification proposée de la clause 17, qui effacera pour toujours les écoles confessionnelles de notre province. Les divers groupes confessionnels de la province ont le droit d'avoir ces écoles, comme nous le savons tous, et l'on n'a absolument rien fait pour tenter d'obtenir la permission de ces groupes avant de passer à l'action.
Au lieu de cela, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a organisé un référendum général soumettant les droits de la minorité aux voeux de la majorité. En bout de ligne, ce sont les tribunaux qui décideront si l'on a le droit de retirer des droits à une minorité sans qu'on sache avec certitude si elle y consent. Ils étudient actuellement l'affaire.
Je dois rappeler à la Chambre que, à l'époque du premier ministre Trudeau, la Cour suprême avait rendu une décision concernant le consensus requis pour modifier la Constitution. Il reste à voir si les tribunaux préciseront la nature et la portée du consensus nécessaire pour effacer les droits d'une minorité. Peu importe, nous allons de l'avant quand même.
Comme nous le savons tous, le système scolaire de Terre-Neuve, d'orientation chrétienne, sera chose du passé avec l'adoption de cette modification. L'instruction religieuse sera remplacée par des cours sur la religion. Pour ma part, en tant que citoyen, je ne considère pas cela comme une amélioration.
Il y a environ une semaine, j'ai eu la chance de siéger au Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes, qui tenait des audiences sur la modification proposée à la clause 17. Le député de Burin—St. George's représentait notre parti à ce comité, mais il a dû suivre les déplacements du Comité des pêches dans la région de l'Atlantique, ce qui m'a donné la chance de le remplacer un certain temps. Je voudrais vous faire part de certaines de mes impressions après avoir siégé à ce comité.
Les Terre-Neuviens—ceux qui étaient en faveur de cette modification et ceux qui étaient contre—ont présenté des instances passionnées au comité. J'ai assisté à 15 ou 20 exposés environ. L'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador, le Comité de l'éducation unifiée et le Groupe pour l'éducation avant tout, dont je n'ai malheureusement pas entendu l'exposé, ont tous défendu avec force l'élimination du système confessionnel d'éducation. Nous avons entendu des représentants des adventistes, des pentecôtistes et des catholiques qui ont défendu avec véhémence le maintien de ces droits à l'enseignement confessionnel.
À la fin de la semaine, le comité a reçu pour la deuxième fois le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve, Roger Grimes, mais je ne crois pas que cela faisait suite aux instances présentées par des Terre-Neuviens. Je pense que sa visite découlait de témoignages de deux professeurs du Nouveau-Brunswick. Je veux élaborer quelque peu là-dessus.
Le professeur Donald J. Fleming, de la Faculté de droit de l'université du Nouveau-Brunswick, et M. Patrick Malcolmson, professeur agrégé de sciences politiques à l'université St. Thomas, à Fredericton, avaient déjà donné des exposés sur les répercussions juridiques de la nouvelle clause 17 proposée.
Je n'ai pas de formation juridique et je connais peu de choses sur le plan juridique. Je ne fais que répéter ce que ces messieurs ont dit. En fin de compte, ils ont affirmé que notre nouvelle clause 17 sera assujettie à la Charte canadienne des droits et libertés et qu'elle sera interprétée par les tribunaux en fonction des dispositions de la Charte. La clause 17 initiale et la plus récente qu'on nous a soumise, que j'appelle la modification Clyde Wells, n'étaient pas assujetties à la Charte du fait du compromis initial de la Confédération.
En 1867, aux termes de ce compromis, on a garanti les droits de la minorité catholique de l'Ontario et de la minorité protestante du Québec. À Terre-Neuve, on a garanti les droits confessionnels d'un certain nombre de confessions chrétiennes au moment de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, en 1949. Du fait que ces droits ont été établis avant l'entrée en vigueur de la Charte, les dispositions de la Charte ne s'appliquent pas à ces droits. Ces droits ne sont pas visés par la Charte et, bien entendu, nous sommes tous d'accord pour dire que c'est pourquoi l'enseignement catholique survit aujourd'hui en Ontario alors que le système d'éducation de la province est autrement complètement laïque.
La nouvelle clause 17 dont nous sommes saisis aujourd'hui rejette la notion de droits confessionnels prévue dans le compromis initial de la Confédération. Ainsi, dans le cadre de toute affaire dont les tribunaux seront saisis à l'avenir, les dispositions de la nouvelle clause 17 sur l'enseignement religieux et la pratique de la religion à l'école seront assujetties à la Charte.
Je le répète, je n'ai pas de formation de juriste. Je ne fais que répéter les propos de ces messieurs très érudits et très distingués.
Je répète que la nouvelle clause 17 rejette la sagesse confessionnelle du compromis d'origine de la Confédération et n'est pas exempte de l'examen de la Charte des droits et libertés. Par conséquent, dans toute cause présentée à l'avenir devant les tribunaux, les dispositions de la nouvelle clause 17 concernant l'enseignement religieux et la pratique de la religion seront assujetties à la Charte des droits et libertés. Autrement dit, peu importe l'intention du gouvernement de Terre-Neuve ou des Terre-Neuviens, c'est la Cour suprême du Canada qui décidera en fin de compte de la portée et de la nature de l'enseignement religieux et de la pratique de la religion dans notre nouveau système scolaire, à Terre-Neuve. C'est la raison pour laquelle un grand nombre de Terre-Neuviens s'opposent à ce qui se passe ici.
Dans son deuxième témoignage devant le comité, le ministre de l'Éducation a parlé avec passion du fait que, à son avis, les Terre-Neuviens ne voulaient pas d'un système scolaire laïque athée. Il était revenu pour défendre leur position. Il a souligné pour preuve les articles pertinents de la clause 17 qui prévoient des cours de religion et la pratique de la religion.
Il faut nous rappeler que le ministre de l'Éducation a parlé en sa qualité de politicien. Il n'a parlé ni en tant qu'avocat ni en tant que juge de la Cour suprême, mais il a parlé en sa qualité de politicien. Je m'attendais qu'il revienne devant le comité armé d'une foule d'arguments juridiques au sujet des articles pertinents de la clause 17 et de la façon dont ces articles pourraient résister à une contestation judiciaire en vertu de la Charte. Cependant, cela n'a pas été le cas. Ce ne fut pas le cas parce que le ministre de l'Éducation ne pouvait pas invoquer d'arguments juridiques pour affirmer que les nouvelles dispositions de la clause 17 ne seraient pas contestables en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Je n'ai jamais caché que j'appuie le respect des droits religieux de ceux qui veulent préserver et exercer ces droits. Cependant, en supposant que la nouvelle clause 17 soit approuvée dans sa forme actuelle, telle qu'elle a été présentée à la Chambre, je ne serai pas très heureux d'entendre les tribunaux décider éventuellement que le nouveau système d'éducation de Terre-Neuve doit être entièrement laïque. Je ne serai pas du tout satisfait de cette situation.>
J'espère sincèrement que le ministre a raison et que les tribunaux autoriseront une certaine forme d'expression religieuse dans nos écoles. Cependant, je sais ce que nous avons et je ne suis pas prêt à fonder la future formation spirituelle de nos enfants sur un espoir. Autrement dit, ma courte participation aux travaux du comité sur la clause 17 n'a fait que renforcer mon intention de voter non lorsque cette question sera enfin mise aux voix.
Le droit constitutionnel, élaboré dans le feu de l'action, peut peut-être représenter une bonne forme de politique aux yeux de Brian Tobin et...
Le vice-président: Je regrette d'interrompre le député, mais le temps qui lui était alloué est écoulé.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je comprends l'intervention du député de St. John's-Est. Je suis heureux qu'il ait participé aux travaux du comité pour remplacer le député de St. John's-Ouest.
Le député a parlé, à juste titre, du témoignage de MM. Malcolmson et Flemming au sujet de certains aspects constitutionnels de la clause 17 et de certains aspects liés au pacte international sur les droits de la personne.
Le député a dit que, selon les témoins, toute disposition constitutionnelle adoptée après la Charte, c'est-à-dire après 1982, pourrait être contestée parce qu'elle pourrait contrevenir à la Charte étant donné qu'elle ne faisait pas partie du compromis qui a précédé la Confédération.
Je voudrais que le député nous dise si, au cours de leur témoignage, les spécialistes se sont prononcés sur la question de savoir si la Charte est assujettie ou non à la Constitution. Comme elle a été adoptée en 1982, la Charte est elle aussi un compromis qui est survenu après la Confédération. Les témoins spécialistes ont dit que tout ce qui a fait suite à la Confédération pourrait contrevenir à d'autres aspects de la Constitution canadienne.
Je voudrais que le député me dise non seulement si, à son avis, la Charte est assujettie ou non à la Constitution, mais aussi si le groupe confessionnel pentecôtiste devrait avoir ou s'il a effectivement des droits protégés en vertu de la Charte.
Le député sait sans doute que le groupe confessionnel pentecôtiste a obtenu une protection constitutionnelle en 1987. Si je ne m'abuse, c'est M. Fleming qui a comparu devant le comité et qui a insisté pour dire que, selon lui, comme les protections constitutionnelles accordées au groupe confessionnel pentecôtiste l'ont été en 1987, il est convaincu que les pentecôtistes ne devraient bénéficier d'aucune protection constitutionnelle.
Je voudrais que le député nous dise ce qu'il en pense.
M. Norman Doyle: Monsieur le Président, je ne suis pas certain de comprendre où le député veut en venir, et je ne pense pas que les autres le comprennent non plus.
Lors de la séance du comité, les deux éminents témoins, les professeurs Malcolmson et Fleming, si je ne m'abuse, ont dit très clairement que les dispositions de la nouvelle clause 17 étaient assujetties à l'application de la Charte des droits et libertés. Il aurait été opportun que les tribunaux se prononcent sur cette question et sur d'autres que les députés soulèvent, qu'ils donnent le feu vert, qu'ils rendent une décision avant que nous soyons rendus là où nous en sommes aujourd'hui.
Les assemblées pentecôtistes dont le député parle ont obtenu une protection constitutionnelle en 1987. Il ne fait aucun doute que leurs droits sont protégés en vertu de la Constitution du Canada. Si la modification dont nous sommes saisis est adoptée, ils ne seront certainement pas protégés. Tous les députés savent pertinemment que ce qui existe actuellement n'est pas assujetti à la Charte. Toute nouvelle modification, comme celle dont nous sommes saisis aujourd'hui, sera assujettie à la Charte des droits et libertés.
Je n'ai pas de grandes connaissances juridiques. Je me fie simplement à l'opinion que des personnes comme MM. Malcolmson et Fleming ont exprimée à ce sujet. Ils ont dit très clairement que la modification sera assujettie à la Charte.
Mme Elsie Wayne: Monsieur le Président, comme mon collègue de Terre-Neuve, je suis contre la clause 17.
Ce que nous devons faire aujourd'hui, c'est regarder où est allé notre pays ces 20 ou 30 dernières années et ce qu'il a fait aux jeunes d'aujourd'hui. Monsieur le Président, la voie dans laquelle se dirigent tant de jeunes m'inquiète beaucoup. Nous ne sommes pas censés leur inculquer des valeurs morales. Nous ne sommes plus censés parler de religion.
Mais quand nous allions à l'école, on en parlait et c'était très bien. C'était très bien pour nous. Nous n'avions pas un Morgentaler pour dire au Parlement ce qu'il devait faire. L'avortement n'existait pas. Tout cela n'existait pas. Nous devons donc regarder la société d'aujourd'hui, regarder dans quelle direction elle se dirige. Elle va dans la mauvaise direction et cette clause 17 nous entraîne plus loin dans la mauvaise direction. Il est temps que nous fassions demi-tour.
Nous devons regarder comment le gouvernement de Terre-Neuve en est arrivé à faire adopter cette clause et à la soumettre à ce gouvernement. En ce qui concerne la modification proposée à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, je voudrais attirer l'attention sur les points suivants.
En juin 1995, le gouvernement de Terre-Neuve a annoncé qu'un référendum aurait lieu le 5 septembre de cette année-là pour demander à l'électorat de donner son accord afin de limiter le pouvoir qu'ont l'Église catholique et l'Église pentecôtiste d'avoir des écoles confessionnelles séparées. Cela impliquait une modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada qui garantissait le droit des parents de donner un enseignement confessionnel à leurs enfants. Ils devraient toujours avoir ce droit, toujours.
Cinquante-quatre pour cent des 52 p. 100 de personnes ayant le droit de voter qui se sont présentées aux urnes ont voté en faveur de la modification proposée. La clause 17 a été modifiée en conséquence par le Parlement et est devenue loi le 21 avril 1997.
Le gouvernement de Terre-Neuve a modifié sa propre législation pour limiter l'enseignement confessionnel. Mais dans sa hâte d'user de ses pouvoirs nouvellement acquis pour supprimer l'enseignement religieux assuré par les groupes confessionnels dans le plus grand nombre d'écoles possible, il a omis de se conformer aux dispositions et aux règles qu'il avaient promulguées pour atteindre son objectif.
Une requête a donc été déposée à la Cour suprême de Terre-Neuve au nom de citoyens lésés. On y alléguait que le gouvernement avait violé la loi et faisait preuve de discrimination envers les membres des Églises catholique et pentecôtiste. Le juge Leo Barry a confirmé leur pétition, leur a accordé des mesures de redressement par voie d'injonction. Dans son jugement déposé le 8 juillet 1997, l'éminent juge a reproché vertement au gouvernement d'avoir eu recours à des mesures illicites et discriminatoires pour mettre en oeuvre les dispositions de la nouvelle clause 17. Telle a été la décision du juge Leo Barry que beaucoup d'entre nous respectent.
Gêné dans ses efforts pour modifier le système d'éducation, le gouvernement a blâmé les Églises catholique et pentecôtiste. Il a alors organisé un référendum demandant à la population d'approuver l'abolition de l'enseignement confessionnel, et ce, sans même avoir laissé à la clause 17 modifiée le temps de faire ses preuves.
Voici un échantillon des mesures contestables que le gouvernement a prises pour l'emporter au deuxième référendum. Je ne puis croire que c'est ainsi qu'un gouvernement se comporterait dans une démocratie.
Le 31 juillet 1997, le gouvernement a annoncé que le référendum aurait lieu le 2 septembre, ce qui ne laissait que 32 jours à la population pour examiner l'éventuelle proposition de modification présentée par le gouvernement, préparer des campagnes d'information pour faire connaître et promouvoir son avis. Le gouvernement a attendu au 17 août, soit à peine 12 jours avant la tenue du référendum, pour rendre public le texte de la modification qu'il voulait apporter à la clause 17. Pour les personnes devant se présenter à des bureaux de scrutin par anticipation, elles ne disposaient pas de deux jours pour prendre une décision. Essayez cela aux prochaines élections fédérales et vous verrez ce qu'il adviendra.
Le gouvernement terre-neuvien a déclaré qu'il voulait abolir l'enseignement confessionnel notamment parce que la norme en matière d'éducation préuniversitaire à Terre-Neuve était faible, intolérablement faible, et qu'il serait possible de l'accroître considérablement en éliminant l'influence qu'exercent les Églises sur nos écoles. Toutefois, la vérité, c'est que la norme en matière d'éducation classait les écoles de Terre-Neuve au troisième rang parmi les écoles de l'ensemble du pays et que ce résultat est justement attribuable à l'enseignement confessionnel et à rien d'autre. La province va réduire cette norme. Je veux faire remarquer aussi que la province de Terre-Neuve s'est classée au troisième rang malgré le grand nombre d'écoles rurales qu'elle possède.
Le gouvernement a déclaré à la population que les frais que l'enseignement confessionnel ajoute au budget du système d'éducation en général sont extrêmement élevés. Dans les faits, le coût de l'éducation par habitant est plus faible à Terre-Neuve que partout ailleurs au Canada.
Alors, qu'on nous dise pourquoi le gouvernement terre-neuvien voudrait abolir les écoles confessionnelles et les droits de certains concitoyens de Terre-Neuve. Malgré le plus faible coût de l'éducation par habitant, le système d'éducation de Terre-Neuve le classe au troisième rang des provinces canadiennes. Alors, dites-nous pourquoi.
À l'heure actuelle, les écoles confessionnelles ne peuvent être établies que là où le nombre le justifie et là où elles peuvent être viables. Le gouvernement a donc la responsabilité de veiller à ce que les coûts n'augmentent pas de façon déraisonnable. Son pouvoir dans ce domaine est indiscutable. Dès l'annonce du référendum, le gouvernement a utilisé les ressources et les fonds publics pour financer et appuyer sa campagne et n'a rien donné aux opposants à son projet.
J'ai participé aux travaux du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada. J'ai parcouru le pays d'un océan à l'autre. Je me suis rendue à Terre-Neuve. Ce jour-là, je me suis assise avec des étudiants de l'Université Memorial et nous avons discuté. Je ne devais rester que quatre heures. Il m'ont demandé de rester pour qu'ils puissent me parler. Ils m'ont dit qu'ils voulaient parler de leur pays. Ils étaient très spéciaux.
Au Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, nous nous étions fait dire par des spécialistes que nous avions un grave problème au Canada, que ce problème était la Charte des droits et libertés parce qu'elle ne comporte pas de responsabilités. Pourtant, ce que nous faisons à Terre-Neuve. Nous allons aider la Cour suprême du Canada à prendre toutes les décisions.
Je ne comprends pas que les députés d'en face ne voient pas qu'en éliminant les écoles confessionnelles nous faisons un grand pas en arrière. Je demande au gouvernement, du fond du coeur, d'aider nos enfants, de guider nos enfants, de leur donner la possibilité d'apprendre la parole de Dieu dans la Bible. Elle devrait être dans toutes les écoles. Je me sens triste pour tous ceux qui voteront contre cela et pour les enfants de Terre-Neuve, tout comme pour les enfants d'autres provinces de ce pays.
Le président suppléant (M. McClelland): Questions ou observations. Nous avons beaucoup de manifestations d'intérêt, je demanderais donc aux intervenants de limiter leurs questions et de donner des réponses brèves. Nous commencerons avec le député de Calgary-Sud-Est, suivi de celui de Broadview—Greenwood, puis celui de Humber—St. Barbe—Baie Verte.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je félicite ma collègue d'avoir de grands principes et de s'y tenir. je félicite aussi le député de St. John's-Est qui est le seul politicien élu de Terre-Neuve, ici ou à l'assemblée provinciale, a avoir pris la position de principe courageuse de s'opposer à cette modification.
Une voix: Honteux.
M. Jason Kenney: L'histoire lui rendra justice.
Je voudrais faire une observation sur les interpellations qui viennent de l'autre côté au sujet d'une question qui devrait transcender les partis. Je suis moi-même passablement chauvin en ce qui concerne mon parti, mais sur des questions comme celle-ci, alors que la députée parlait du fond du coeur, ces interpellations ne sont pas de bon goût.
Dans la clause 17 proposée, on prévoit l'enseignement religieux et l'observance de la religion dans les écoles, et le député de St. John's-Est en a parlé. La députée croit-elle que ces dispositions garantiront l'accès à un enseignement vraiment religieux qui étaient garanties...
Le président suppléant (M. McClelland): Je donne la parole à la députée de Saint John.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je remercie le député réformiste pour sa question. Non, je ne le crois pas. C'est impossible. Il n'y a absolument rien dans la clause 17 qui garantit un enseignement religieux tel que le donnent aujourd'hui les Églises pentecôtiste, catholique ou protestante. Ce n'est...
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Broadview—Greenwood a la parole pour poser des questions ou faire des observations.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, je félicite ma vis-à-vis, la députée de Saint John. Je défendrai la même position que la sienne sur cet amendement.
La députée possède une solide expérience de la politique au Canada et elle connaît les talents du premier ministre de Terre-Neuve, Brian Tobin, pour organiser une campagne. C'est mon collègue Brian Tobin qui a mobilisé 10 000 autobus en moins de 72 heures pour aider à sauver le pays.
Compte tenu de sa longue expérience, la députée ne croit-elle pas que c'est le premier ministre Tobin, qui est probablement l'un des meilleurs organisateurs politiques au Canada, qui est en grande partie responsable des pourcentages qui ont été obtenus?
Mme Elsie Wayne: Monsieur le Président, oui, je le crois. Cela ne fait aucun doute. Moi-même, quand j'étais mairesse de Saint John, j'avais l'habitude de demander l'aide de M. Tobin, qui était alors député de l'opposition, quand j'avais besoin de quelque chose pour ma ville. Je dois reconnaître qu'il répondait d'une façon incroyable.
Aucun représentant de candidat n'était admis dans les isoloirs au cours du vote ni pendant le dépouillement du scrutin ni pendant qu'on prenait des mesures de sécurité concernant les boîtes de scrutin. Je n'ai jamais rien vu de pareil.
Je remercie le député pour l'appui qu'il nous assure jusqu'à la fin. Je l'apprécie.
M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Monsieur le Président, en tant que Terre-Neuvien catholique, je comprend les gens de l'extérieur de ma province qui disent que la volonté et les désirs des habitants de Terre-Neuve et du Labrador sont facilement manipulés, mais je ne partage cependant pas cet avis.
J'estime qu'on a bien tenu compte de l'intellect des habitants de Terre-Neuve et du Labrador dans le processus référendaire. Je crois sincèrement que la députée devrait s'interroger sur le fait que, si la province de Terre-Neuve et du Labrador vient au troisième rang au pays pour ce qui est du système scolaire, c'est peut-être justement parce que les enseignants de cette province qui sont venus devant le comité auquel nous avons siégé pour entendre des témoignages pendant trois semaines ont dit que cette modification devrait être adoptée.
Mme Elsie Wayne: Monsieur le Président, je dois dire que, si j'étais enseignante, connaissant le premier ministre de Terre-Neuve aussi bien que je le connais, je n'oserais pas m'opposer à quoi que ce soit qu'il puisse dire tant qu'il est au pouvoir de crainte de ne plus avoir d'emploi le lendemain. Il ne faut pas se surprendre qu'ils aient dit oui. Je n'accorderais pas trop de poids à cet argument.
Je suis contente, mais j'ai une chose à dire au député de Terre-Neuve. J'ai reçu une lettre d'un homme que je respecte beaucoup, et je suis certaine que les députés le respectent aussi. Cet homme, qui vient de Saint John, au Nouveau-Brunswick, est à la tête de notre Église catholique. Il a dit que, si cette modification était adoptée, il n'y aurait pas de protection pour aucune minorité, y compris...
Le président suppléant (M. McClelland): Reprise du débat.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de Laval-Ouest.
Je suis heureux de prendre part au débat sur cette question très importante. Il s'agit de la deuxième fois au cours de la 36e législature où la Chambre est invitée à se prononcer sur des modifications constitutionnelles visant à réformer les systèmes d'éducation.
Cette coïncidence constitue une première à l'égard de modifications constitutionnelles successives. Je me permettrai de dire également en passant que cette coïncidence représente certainement un très éloquent démenti à ceux qui prétendent que notre système de gouvernement ne répond pas aux besoins et que notre Constitution est rigide. Bien au contraire.
Cela dit, je parlerai d'abord de la procédure nécessaire pour adopter cette modification constitutionnelle. L'article 43 de la Constitution prévoit que des modifications bilatérales peuvent être apportées à la Constitution avec le consentement de l'assemblée législative des provinces concernées et celui de la Chambre.
L'assemblée législative de Terre-Neuve a donné son consentement par un vote unanime le 5 septembre 1997. Je me rends compte que c'est trop demander que d'espérer que la Chambre manifeste son appui unanime aux habitants de Terre-Neuve et du Labrador qui souhaitent moderniser leur système d'éducation.
Je voudrais cependant signaler certains faits intéressants à propos du vote à l'assemblée législative de Terre-Neuve. Des membres de cette assemblée avaient fait campagne contre la résolution lors du précédent référendum. Une fois annoncés les résultats du référendum, ils ont voté en faveur de la résolution, conformément aux voeux que leurs électeurs avaient exprimés démocratiquement.
Les députés provinciaux représentant des collectivités touchées par cette résolution ont voté en faveur, notamment des Catholiques romains, des Anglicans et des Pentecôtistes. En tant que politiciens venus de partout au Canada, nous devons nous rappeler que ces députés provinciaux et leurs électeurs sont responsables envers les personnes touchées par cette résolution et envers les personnes qui ont en outre été consultées directement sur cette question lors d'élections provinciales et lors de référendums sur la question scolaire. Ces députés et leurs électeurs ont voté en faveur de la modification.
Il faut être clair sur le rôle que les députés fédéraux doivent jouer dans ce débat visant un domaine de compétence provinciale. À titre de député de l'Ontario, par exemple, je supporterais mal que des députés de l'Alberta ou de la Nouvelle-Écosse viennent me dire ce qui est préférable pour les électeurs de Waterloo—Wellington. J'invite mes collègues à tenir compte de cet aspect au moment de se prononcer.
Je suis persuadé que certains députés commenteront le rôle qui revient aux politiques fédéraux dans un débat de cette importance. Ils doivent, 130 ans après la Confédération, s'abstenir de tout paternalisme en matière de modifications constitutionnelles. J'estime qu'il ne convient pas qu'un député fédéral vote selon ce qu'il estime bien ou non pour les habitants de Terre-Neuve et du Labrador.
Je crois qu'il nous appartient plutôt de considérer les questions suivantes. Tout d'abord, les habitants de la province ont-ils été consultés? Deuxièmement, les groupes directement touchés par cette modification ont-ils été consultés? Troisièmement, ces groupes ont-ils donné leur consentement? Comme les députés le savent, on peut répondre à ces toutes ces questions par l'affirmative.
Je me fie au rapport que le comité mixte spécial a remis à la Chambre. Dans ce rapport pluripartite, le comité recommande l'adoption de la résolution et se dit convaincu «que le consensus constaté à Terre-Neuve et au Labrador est tel que les deux Chambres du Parlement se doivent d'y donner leur aval».
Le comité a recueilli le témoignage de deux personnes que je considère comme des experts en matière de droits des minorités. La Newfoundland and Labrador Human Rights Association a dit ce qui suit à propos des droits des minorités: «Après 150 ans, il ne semble pas déraisonnable d'arrêter et d'examiner notre régime confessionnel dans le contexte d'une société qui n'est plus exclusivement chrétienne et où les droits religieux de tous les citoyens sont protégés par l'article 2 de la Charte des droits et libertés.»
Le deuxième témoin sur lequel je voudrais attirer l'attention de la Chambre est M. Allan Borovoy, de l'Association canadienne des libertés civiles. Comme les députés le savent, M. Borovoy passe pour un défenseur astucieux et consciencieux des libertés civiles, et a comparu devant maints comités de la Chambre.
Dans le rapport du comité mixte spécial, M. Borovoy a dit, à la page 9: «L'égalité et la justice ne peuvent qu'être renforcées par l'abolition des privilèges spéciaux de tous les groupes confessionnels même s'il arrive que ces groupes comprennent une grande proportion de la population. En ce qui nous concerne, il s'agit là d'un progrès pour l'égalité et la justice sur le plan religieux.»
Qui ne jouit pas de ces droits des minorités? Ce sont les vraies minorités de Terre-Neuve et du Labrador. La communauté juive n'a pas d'écoles confessionnelles à l'heure actuelle. La communauté baptiste, qui représente 0,2 p. 100 de la population, n'a pas d'écoles confessionnelles. La communauté pentecôtiste, qui représente 7 p. 100 de la population, n'a pas d'écoles confessionnelles.
Cette situation constitue peut-être un compromis historique parmi les groupes religieux, mais elle ne peut être considérée comme une situation mettant vraiment en présence une majorité et une minorité, ni comme un usage équitable des rares fonds publics consacrés à l'éducation.
Comme dans tout débat portant sur une distinction entre la majorité et une minorité, bien des chiffres sont lancés à l'appui de la position des uns et des autres. J'appuie cette résolution en me fondant sur les faits suivants: d'abord, 96 p. 100 de la population dispose de privilèges en matière d'éducation confessionnelle; ensuite, 74 p. 100 de la population a appuyé cette résolution au cours d'un référendum.
Cela m'amène à mon dernier point. Récemment, l'ancien premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador, M. Clyde Wells, est venu à Ottawa participer à un débat organisé par mes collègues d'en face.
M. Wells a fait valoir les points suivants: Terre-Neuve compte 573 000 habitants, soit à peu près le même nombre que ma partie de l'Ontario que sont la région de Waterloo et le comté de Wellington, et pourtant il s'y trouve plus de conseils scolaires par habitant que partout ailleurs au Canada ou presque. Terre-Neuve divise son budget de l'éducation entre 27 conseils scolaires, dans 700 localités distribuées le long de 10 000 milles de côte. Pourquoi ces doubles emplois et ce chevauchement dans une province qui a déjà tant de problèmes économiques? Quelle est la solution logique?
Je dirai à la Chambre que la solution logique réside dans la présente résolution. Cette résolution constitue un compromis entre des années de débat public, un résultat référendaire démocratique de 74 p. 100 et un vote unanime à l'Assemblée législative de Terre-Neuve.
[Français]
Le gouvernement fédéral va continuer de veiller aux intérêts de tous les Canadiens. Le Canada a une histoire remarquable, son avenir le sera encore davantage.
[Traduction]
C'est pourquoi j'exhorte mes collègues à appuyer cette très importante résolution.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une observation à présenter et une question à poser.
Le député fait remarquer que l'éducation est une question de compétence provinciale et je crois qu'il se demande si nous devrions même en débattre étant donné qu'il s'agit d'une question de compétence provinciale.
Nous sommes saisis de la modification proposée précisément parce que les Pères de la Confédération ont décidé, d'abord à l'article 93 de l'AANB, puis à la clause 17 de la loi de 1949, que, même si l'éducation devait relever de la compétence provinciale, le Parlement fédéral devait être le protecteur ultime de la minorité contre les voeux de la majorité lorsqu'il s'agit de la nature de l'éducation confessionnelle et des garanties à cet égard.
Ma question découle de cela. Le député laisse entendre en outre que des groupes minoritaires, des groupes confessionnels comme les juifs, ne sont pas visés par les dispositions de la clause 17 originale sur l'enseignement confessionnel.
Le député ne conviendra-t-il pas avec beaucoup de Terre-Neuviens et moi-même que la meilleure manière de corriger cette injustice n'est pas de supprimer les droits de certains, mais d'étendre les droits à tous? Le député n'appuierait-il pas un effort visant à élargir la portée de la clause 17 de telle sorte que celle-ci accorde à toutes les minorités confessionnelles, et pas seulement à celles qui sont précisées dans la clause originale, le droit d'avoir des écoles confessionnelles publiques?
M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. En tant qu'ancien professeur de niveau secondaire, je suis très conscient du partage de responsabilité entre les provinces et le gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation. Je suis très au courant de ce qu'il faut.
Je crois que la clé de toute cette affaire, c'est que la population de Terre-Neuve et du Labrador a été consultée et a dit très clairement ce qu'elle voulait. À mon avis, il est très important de l'écouter. En fait, si nous étudions aujourd'hui cette motion, c'est justement parce que nous avons écouté.
Au nom de la justice et de l'équité, la motion doit être adoptée.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, le député a dit que nous n'aimerions pas que quelqu'un d'une autre province intervienne dans nos affaires et qu'il ne veut pas intervenir dans les affaires d'une autre province que la sienne, ou quelque chose de cette eau-là.
À cela je répliquerai que la Constitution du Canada est une affaire canadienne. Elle n'appartient pas à une seule province. J'ai reçu des lettres, regroupées en paquets de 25 et de 49, d'un groupe minoritaire de la Saskatchewan qui demande si l'adoption de la motion menace en quoi que ce soit la possibilité qu'il a de gérer ses écoles confessionnelles séparées dans cette province.
Comme il a été dit, la majorité de la population a pris une autre décision en Nouvelle-Écosse. Que se passerait-il si la même situation était transposée en Alberta? Je le demande au député. Puis-je vraiment répondre au groupe minoritaire de la Saskatchewan que l'adoption du projet de loi n'aura aucun effet sur lui?
M. Lynn Myers: Monsieur le Président, j'aimerais signaler au député que nous nous penchons ici aujourd'hui sur la situation à Terre-Neuve et au Labrador, et non en Nouvelle-Écosse.
À mon avis il était important que les députés provinciaux qui, dans certains cas, s'étaient opposés à la résolution se présentent à l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador après avoir tâté le pouls de la province à l'occasion d'un référendum, et votent comme il le fallait, comme leurs électeurs le voulaient. Manifestement, il s'agit d'un débat très important. Il convient maintenant de prendre les mesures voulues pour tous les Canadiens et surtout pour les habitants de Terre-Neuve et de Labrador.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, je prie le député de bien vouloir répondre à la question.
La chose à retenir est que l'on est en train d'établir un précédent politique ici. Il n'y a pas de précédent légal, et je pense que tout le monde en est conscient. Y a-t-il un précédent politique et permettra-t-il de garantir, comme mon collègue l'a laissé entendre, qu'une telle mesure ne compromettra d'aucune façon les droits des minorités dans les autres provinces?
M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. La réponse simple est non. La mesure que nous prenons est en réponse à une demande des habitants de Terre-Neuve et du Labrador qui se sont prononcés clairement sur ce qu'ils voulaient. Il importe que nous les écoutions et que nous prenions la mesure qui s'impose, soit l'adoption de cette résolution.
[Français]
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi d'ajouter ma voix et d'intervenir dans le cadre de ce débat sur la modification proposée à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.
Ce n'est pas la première fois que cette question est portée à notre attention. J'entends donc limiter mon intervention à certains aspects de ce débat qui aborde sa phase finale à la Chambre.
Le net constat qui se dégage des discussions suscitées par cette question au cours des dernières années est le suivant: la grande majorité des Terre-Neuviens veulent une réforme de leur système d'éducation.
C'est dans ce contexte que le gouvernement de Terre-Neuve créait, en 1990, une commission royale d'enquête, présidé par M. Len Williams, un ancien enseignant, directeur d'école, et président de l'Association provinciale des enseignants.
[Traduction]
Dans le rapport qu'elle publiait deux ans plus tard, la commission royale recommandait précisément la restructuration du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador. De plus, une autre de ses recommandations portait sur l'établissement d'un seul système scolaire pluriconfessionnel composé des quatre systèmes confessionnels déjà en place.
Perçue comme étant un compromis, la modification initiale de la clause 17 approuvée par le peuple dans un référendum il y a deux ans n'a pas permis de rallier tous les intervenants du milieu de l'éducation de Terre-Neuve.
De plus, la Cour suprême de Terre-Neuve a accordé l'injonction demandée par les représentants de l'Église catholique. Le résultat de l'injonction a été de bloquer tout le processus de réforme de l'éducation dans la province.
Nous savons ce qui s'est produit par la suite. Le 31 juillet, le premier ministre Tobin annonçait un référendum et, dans cette consultation publique, 73 p. 100 des Terre-Neuviens ont appuyé le projet de modification de la clause 17. Une majorité s'est exprimée en faveur de la proposition dans 47 des 48 circonscriptions de Terre-Neuve et du Labrador.
[Français]
Ce débat sur la question scolaire à Terre-Neuve ne date donc pas d'hier. Depuis longtemps, il fait l'objet de discussions et d'échanges tenus parfois dans une atmosphère tendue et passionnée. C'est pourquoi, quand on me dit que la population terre-neuvienne n'avait que quelques jours à lire la question, je ne peux que dire que cela fait des années que la population de Terre-Neuve et du Labrador discute de cette question. Il est tout à fait normal pour une minorité religieuse, quelle qu'elle soit, de vouloir protéger ses acquis et de rechercher la meilleure protection possible de ses intérêts. C'est du reste le devoir de ses représentants d'y voir.
Mais je crois que la proposition de modification constitutionnelle que nous a transmise le gouvernement terre-neuvien ne menace en rien la situation des divers groupes religieux qui habitent cette province.
Je dois insister sur le fait que cette modification ne vise nullement à bannir l'enseignement religieux des écoles terre-neuviennes.
Elle assure au contraire qu'un enseignement religieux sera dispensé, et je cite: «que l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.» Ma citation a été tirée de l'article 17.3 de la clause proposée.
[Traduction]
La nouvelle clause précise, il est vrai, que l'enseignement religieux sera non confessionnel, mais elle respecte néanmoins la Charte canadienne des droits et libertés et les pactes internationaux sur les droits de la personne. Je signale que la clause ne force aucunement les enfants à suivre un enseignement ou à observer une religion contrairement à la volonté de leurs parents.
Le gouvernement de Terre-Neuve nous a affirmé qu'il est ouvert au rôle que les Églises sont appelées à jouer dans le nouveau système d'éducation. Même si l'attribution de ce rôle n'est pas garantie par la Constitution, cela n'en diminue pas l'importance.
L'appui important recueilli par le projet devrait convaincre tout le monde de la valeur de cette proposition, qui ne vise pas à avantager une religion par rapport à une autre mais simplement à faire en sorte que le gouvernement de Terre-Neuve puisse dispenser aux enfants de la province une éducation de meilleure qualité.
Nous ne nions pas, bien au contraire, que les enfants reçoivent déjà une bonne éducation. Toutefois, on nous a dit que les livres utilisés à l'école datent de 1975. Une femme qui a comparu comme témoin a déclaré que le livre d'histoire du Canada le plus récent qu'elle avait trouvé dans la bibliothèque de l'école de son enfant remontait à 1975. De toute évidence, le système doit faire l'objet d'une réforme en profondeur.
[Français]
Certains ont émis des craintes en ce qui concerne les droits des minorités et la protection que leur accorde la modification proposée. Les audiences du Comité spécial mixte sur la modification à apporter à la clause 17 ont toutefois révélé aux membres du Comité mixte qui a étudié cette question que ces craintes n'étaient pas partagées par les représentants de plusieurs organismes.
Ainsi, la Newfoundland and Labrador Human Rights Association a insisté avec raison sur la protection dont jouissent les divers regroupements religieux en vertu de l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Quant à elle, la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador s'estimait satisfaite de la protection que lui confère l'article 23 de la Charte concernant leurs droits linguistiques, ainsi que de la politique suivie par le gouvernement terre-neuvien dans ce dossier.
Enfin, le président de la Labrador Metis Association a accordé son appui à la modification constitutionnelle. Le rapport du Comité précise d'ailleurs que rien dans cette proposition ne saurait porter atteinte aux droits autochtones.
Notre gouvernement se réjouit de l'appui manifeste dont cette modification fait l'objet chez la population terre-neuvienne. Nous avons la conviction que le processus de consultation a été équitable, que le but de cette proposition est clair pour tous, que la question posée à la population lors du référendum du 2 septembre était dépourvue d'ambiguité, et que l'appui récolté s'est avéré largement suffisant pour concrétiser cette réforme.
[Traduction]
La demande que les habitants de Terre-Neuve et leur gouvernement ont présentée au Parlement témoignent de leur volonté de régler cette question. Notre gouvernement croit qu'il est de son devoir d'appuyer cette initiative, non seulement en raison de l'appui populaire qu'elle a reçu mais surtout parce que les Terre-Neuviens pourront, avec l'aide du Parlement, compter sur un système d'éducation qui reflète leur spécificité et tienne compte de leurs priorités en matière d'enseignement.
Les jeunes Terre-Neuviens seront les premiers à en bénéficier.
[Français]
Enfin, je vois également dans cette question un autre témoignage de la flexibilité de notre fédération. Je suis députée de Laval-Ouest au Québec et nous connaissons bien les questions où on essaie de diviser les gens sur des questions constitutionnelles.
Le processus de modification bilatéral permettra à Terre-Neuve de réformer son système d'éducation. C'est ce même processus qui devrait permettre au Québec de procéder à ses propres réformes dans le domaine de l'éducation, une fois que le Sénat se sera prononcé.
Notre système politique permet ainsi à chaque partenaire de notre fédération de bénéficier d'outils adaptés à ses propres besoins.
Pour toutes ces raisons, j'invite mes collègues de cette Chambre à voter en faveur de cette modification constitutionnelle visant à mettre en place à Terre-Neuve un système scolaire unique.
[Traduction]
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, la députée est un législateur qui a de l'expérience, peut-être pas dans cette assemblée, mais dans une autre, et elle sait sans doute que le programme d'études en vigueur en Ontario n'enseigne aucun principe ni aucune valeur ou éthique particuliers aux enfants des classes de première à la neuvième années. En fait, ce programme propose un choix de valeurs et de principes à adopter en fonction de ce que les enfants jugent approprié. Il n'existe pas de position commune particulière.
La députée veut-elle dire que l'enseignement religieux qui sera dispensé à Terre-Neuve en vertu de la nouvelle clause reposera sur un choix de valeurs et de principes sans consensus particulier? Autrement dit, les enfants auront du mal à déterminer ce qui est bien et ce qui est mal, étant donné le programme.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Monsieur le Président, la question que m'a posé mon collègue est une question fondamentale. Je suis de l'avis, pour avoir travaillé pendant plusieurs années pour les droits des minorités au Québec en particulier, qu'en ce qui concerne les valeurs, elles ne sont pas tellement différentes, quelle que soit notre religion ou notre nationalité. Que l'on soit chrétien, sikh, musulman, pentecôtiste ou catholique romain, peu importe, je crois sincèrement que les valeurs de toutes ces personnes sont les mêmes quant aux droits fondamentaux des Canadiens et quant au droit à la religion et à l'élément important qu'est le respect des autres.
En ce qui concerne Terre-Neuve, ce que le ministre de l'Éducation nous a dit très clairement, c'est que son ministère et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador étaient prêts à admettre aux parents qui le désiraient, non seulement un enseignement religieux, mais aussi, et je cite, «l'observance d'une religion qui serait permise dans une école si les parents le demandent». Ça, c'est une citation retenue directement de la clause 17 qui a été proposée par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Donc, on voit ici une ouverture de la part du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador à non pas enseigner n'importe quoi, mais à répondre aux besoins spécifiques des parents, d'une part, et d'autre part, d'aller dans des valeurs fondamentales qui seraient acceptées par toutes les religions dont les membres sont présents à Terre-Neuve et au Labrador.
[Traduction]
M. Werner Schmidt: Monsieur le Président, je comprends très bien ma collègue lorsqu'elle dit que la pratique de la religion se fera à la demande d'un parent. Toutefois, la modification proposée dans la clause 17 ne s'étend pas à la prestation d'un enseignement religieux. La députée pourrait se tromper. Elle devrait relire cette disposition particulière de la modification.
Puisque la députée pense que tout le monde est d'accord sur tout cela, dément-elle ce que dit le juge Wilson, selon qui il n'y a pas qu'une seule version de la bonne vie?
[Français]
Mme Raymonde Folco: Monsieur le Président, il n'est pas question ici de présenter une seule façon de comprendre la religion ou une seule façon de comprendre la vie ou la philosophie avec un grand P. Il s'agit ici de répondre aux besoins particuliers d'une population à Terre-Neuve et au Labrador qui a sa spécificité, comme nous avons tous dans les autres provinces nos spécificités.
À l'intérieur de la population, il y a donc des groupes qui ont des besoins particuliers en religion. L'enseignement religieux qui serait dispensé par les écoles de Terre-Neuve, selon le ministre de l'Éducation qui a témoigné devant le comité, est très simple. Il s'agit ici de présenter les diverses façons de percevoir la religion, les valeurs fondamentales.
Mais je voudrais que mon collègue, en ce qui concerne les valeurs fondamentales, me fasse la présentation en quoi les valeurs des catholiques romains sont différentes des valeurs d'un membre de l'Église pentecôtiste et différentes des valeurs d'une personne de religion juive. Nous avons tous des valeurs qui sont reconnues comme étant des valeurs humanitaires et qui respectent les droits des autres.
[Traduction]
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Dauphin—Swan River.
Nous examinons encore une fois aujourd'hui un changement à la Constitution. Aujourd'hui, il s'agit de la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. Le mois dernier, il s'agissait de la modification de l'article 93 de la Constitution visant à permettre au Québec d'organiser le système d'enseignement sur la base de l'appartenance linguistique plutôt que sur celle des convictions religieuses.
Cette session aura été historique sur le plan des amendements constitutionnels. Je suis très honoré de représenter Edmonton-Est dans cet important débat. Je suis particulièrement honoré, en tant que représentant de mes électeurs, d'avoir participé en tant que député de l'opposition officielle aux travaux des deux comités conjoints sur ces questions.
Je suis fier d'être Canadien et d'habiter un pays où n'importe quel citoyen peut aspirer à jouer un rôle législatif. Il y a deux ans, alors que je n'étais pas encore engagé dans la vie politique, j'ai retenu mon souffle comme des millions d'autres personnes, alors que le Canada a tout juste survécu au référendum du Québec. Aujourd'hui, je participe à un débat sur la Constitution qui oriente nos lois et assure l'unité de notre pays.
Les modifications constitutionnelles ont un impact sur chacun de nous. Elles modifient notre manuel national de règlements, qui renferme les principes directeurs des provinces, des territoires et de la nation.
Notre Constitution n'est pas gravée dans la pierre; elle est écrite sur un parchemin fragile. Notre Constitution est inscrite dans le temps. Notre Constitution reflète la volonté des bâtisseurs de la nation. Elle est la structure qui encadre notre tissu social national. Elle est respectée par le pouvoir judiciaire et les tribunaux. Elle soutient les aspirations provinciales.
Les constitutions de tous les Canadiens devraient-elles être maintenues au gré de la majorité élue, si la majorité s'exprime lors d'un référendum national? La réponse à cette question est un oui retentissant. Les mots Canada et démocratie sont synonymes.
Ma question précédente portait sur le sens du mot tous. Notre Constitution est importante parce qu'elle protège nos droits à chacun de nous individuellement, mais nous ne devons pas oublier que les constitutions doivent aussi protéger certains d'entre nous. Ce sont les dispositions qui protègent certains, les minorités qui élèvent le Canada aux yeux du monde. Elles distinguent le Canada de toutes les autres nations sur Terre.
Je crains énormément que la mesure que nous étudions maintenant ne soit mauvaise. Devrions-nous abolir les droits d'une minorité simplement parce que la collectivité a le pouvoir et la puissance de le faire? Pour que l'abolition d'un droit accordé à une minorité, et protégé par la Constitution, soit envisageable, le processus doit prévoir une expression de la volonté, et surtout de l'accord, de la minorité.
Durant les travaux du comité mixte spécial auxquels j'ai participé, il est ressorti très clairement qu'au moins un groupe minoritaire, les pentecôtistes, ne voulait pas voir la majorité lui retirer des droits inscrits dans la Constitution. Je trouve cet aspect de la question troublant et je crains qu'il ne crée un précédent.
Les droits des minorités sont inscrits dans la Constitution pour refléter et protéger nos diversités. Les députés doivent réfléchir attentivement et déterminer si cette demande visant l'abolition des droits de certaines minorités ne nous lance pas sur une pente où l'on glissera inévitablement vers l'ambivalence générale quant à la protection des droits des minorités, qu'ils soient protégés par la Constitution ou pas.
J'exhorte tous les députés à voter avec leur conscience. Nous, parlementaires, ne devons jamais oublier que nous sommes chargés de la formidable tâche de défendre les droits de tous nos concitoyens, qu'il s'agisse des droits des minorités ou autres.
Je ne suis pas convaincu que cette modification devrait avoir lieu maintenant. Elle ne répond pas à chacune des trois questions déterminantes suivantes. Est-ce qu'elle a l'accord démocratique des citoyens? Est-ce qu'elle est conforme à la primauté du droit? Est-ce que les droits des minorités sont protégés? La question à laquelle elle ne répond pas est celle de la protection des droits des minorités.
Le gouvernement de Terre-Neuve a tenu un référendum sur la question de la réforme scolaire. Je suis préoccupé par le fait que le libellé de la question n'a été finalisé et publié que 16 heures avant le vote par anticipation. Les annonces payées par le gouvernement, au lieu d'expliquer clairement et précisément les conséquences du choix des électeurs, étaient chaleureuses et vagues, rendant les réactions difficiles.
J'aurais préféré que le gouvernement de Terre-Neuve demande à la Cour suprême si, à son avis, les droits et les privilèges des minorités étaient compromis. La question des droits des minorités touche les Canadiens au plus profond d'eux-mêmes. Le droit des minorités à l'éducation est bien établi à Terre-Neuve depuis des années. La mesure dans laquelle un pays protège ses minorités contre la tyrannie de la majorité est une indication de la qualité de la démocratie dans ce pays.
La protection du droit des minorités linguistiques à l'éducation est clairement énoncée dans la Constitution. Les décisions rendues par les tribunaux en Alberta, en 1990, et au Manitoba, en 1993, basées sur l'interprétation de la Constitution établissent clairement la protection des minorités francophones dans ces provinces, touchant des groupes ne dépassant parfois pas 300. Nous avons manqué de vigilance dans la défense des droits religieux de la minorité.
En 1993, une pétition a été signée par 50 000 catholiques qui réclamaient le maintenir de l'enseignement religieux catholique. Quelque 50 000 parents ont dit qu'ils étaient favorables aux écoles catholiques et souhaitaient leur maintien. M. Ben Fagan a déposé la pétition devant le comité mixte spécial chargé d'étudier la modification proposée à la clause 17 des Conditions d'union de Terre-Neuve avec le Canada, comité dont j'ai eu l'honneur d'être membre. Selon moi, il ne faudrait pas passer sous silence cette remarquable expression des minorités.
Je tiens à signaler que les mesures visant à protéger les droits des pentecôtistes en matière d'enseignement confessionnel ne remontent même pas à 10 ans. L'ancien premier ministre Peckford avait vanté les mérites de l'enseignement pentecôtiste et encouragé l'assemblée législative à inclure en permanence dans la Constitution les droits des pentecôtistes en matière d'enseignement confessionnel. Il s'est exprimé en ces termes: «Nous nous trouvons à consacrer, pour ainsi dire, la reconnaissance des droits des Assemblées pentecôtistes de Terre-Neuve et du Labrador en matière d'enseignement en les inscrivant dans la Constitution canadienne.»
Il a ajouté qu'il espérait que les Assemblés pentecôtistes de Terre-Neuve, après débuté dans l'enseignement il y a une dizaine d'années, ne seront pas tentés et ne succomberont pas à la tentation d'édulcorer avec le temps l'approche et la philosophie qui caractérisent leur enseignement actuel.
Selon toutes les données dont nous disposons, la plupart des pentecôtistes n'appuient pas la modification proposée à la Constitution. En fait, M. Regular a déposé devant le comité mixte spécial une pétition portant les signatures de 4 300 personnes qui s'y opposent. Voilà donc une autre belle preuve que les pentecôtistes sont en faveur du maintien de leurs droits en matière d'enseignement confessionnel, droits que la Constitution ne leur garantit que depuis si peu de temps.
Il a été démontré que les catholiques et, plus encore peut-être, les pentecôtistes tiennent à leurs droits en matière d'enseignement confessionnel. Je trouve très étrange que l'on n'ait pas permis que les groupes confessionnels expriment collectivement cet attachement à leurs droits lors du référendum. En notre qualité de parlementaires, nous devons faire l'impossible pour nous assurer que nos propos et nos actes sont acceptables aux yeux de la population et sont conformes au contrat constitutionnel qui lie notre pays et ses citoyens. C'est notre devoir le plus sacré.
Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, pour moi, les questions propres aux droits des minorités sont des sujets de débat très importants. Quand j'ai fait des recherches sur cette question, au cours de la présente législature et à la précédente, j'ai été frappée de voir que, depuis la Confédération, seulement sept religions de la province de Terre-Neuve—sept groupes minoritaires, pour reprendre les mots du député—ont contribué au financement du système d'éducation.
Dans mon esprit, il existe plus que sept religions, actuellement, au Canada. Depuis la Confédération, il y en a probablement plus que sept qui se sont établies à Terre-Neuve. Il peut y avoir des gens d'origine et de foi musulmane, hindoue ou juive qui veulent envoyer leurs enfants à l'école. Que ça nous plaise ou non, il y a même des gens au Canada qui sont athées et qui ne veulent pas que leurs enfants aient d'instruction religieuse. Ce sont les différentes minorités qu'on trouve à Terre-Neuve depuis 1949 et qui existent certainement encore aujourd'hui.
Quand le député parle de statu quo et de protection des droits des minorités, que fait-il des droits de ces gens à avoir un système qui corresponde à leur foi ou à leur absence de foi? Jusqu'à maintenant, les enfants de confession différente devaient tout simplement aller à une école qui ne leur convenait pas ou dont les enseignants n'étaient pas en mesure de bien comprendre le contexte religieux dans lequel ils étaient élevés.
Je le demande très respectueusement au député. Que ferait-il dans un tel cas, sachant très bien que nous n'avons ni la compétence ni les fonds illimités qu'il nous faudrait pour ouvrir des écoles de toutes les religions?
M. Peter Goldring: Monsieur le Président, c'est une question importante. Elle nous porte certes à croire qu'il conviendrait de répondre à des questions de ce genre.
Le nombre de confessions mentionnées dans la Constitution est limité, ce qu'on peut trouver injuste. Toutefois, j'ai l'impression, comme beaucoup d'autres, que'au lieu d'écarter les dispositions constitutionnelles et les garanties que nous avons, nous devrions examiner ce dossier, négocier cette préoccupation et trouver une autre solution. J'estime que jeter le bébé avec l'eau du bain en éteignant les droits d'une façon généralisée, sans l'autorisation ni l'opinion du groupe touché, n'est pas la bonne façon d'aborder la question.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, en tant qu'un des nombreux Terre-Neuviens qui examinent ce dossier depuis probablement des décennies, je sais gré de leur intervention aux députés d'en face, qui ne comprennent manifestement pas bien le dossier. Toutefois, je respecte leurs opinions.
La question que le député a trouvée quelque peu déroutante était: Les réformistes appuient-ils un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquentent les mêmes écoles où ils peuvent bénéficier d'un enseignement religieux et pratiquer une religion?
Le député d'en face a laissé entendre que la question n'était pas claire. Cependant, je citerai les propos qu'a tenus M. Melvin Regular, dirigeant du conseil d'enseignement confessionnel de l'Église pentecôtiste. M. Regular a dit que «la clarté de la question facilite notre tâche».
Il s'agit là d'une abolition totale des droits confessionnels. Par conséquent, nous sommes en mesure de déclarer avec une grande certitude à la population générale que les principes chrétiens enseignés en classe s'étioleront avec le temps. Il me semble que la question ait été très bien comprise par les députés d'en face et les membres des confessions.
Le député d'en face se conformera-t-il aux orientations du Parti réformiste qui ont été énoncées dans le budget des contribuables, le livre bleu, ou le méli-mélo progressiste conservateur-réformiste? Le Parti réformiste appuie le remplacement des diverses formules actuelles de modification de différentes parties de la Constitution par une formule de modification qui a substitué au pouvoir de ratification du Parlement et des assemblées législatives provinciales le pouvoir de la population exprimé dans un référendum exécutoire. Le député voudrait-il commenter un vote de 73 p. 100 à un référendum?
M. Peter Goldring: Monsieur le Président, lorsque je faisais allusion à la confusion entourant la question, je voulais parler de la question formulée par le député d'en face.
Sept jours avant le référendum, on a modifié de façon marquée l'interprétation de cette question en présentant la clause 17 où on disait de façon précise que cela ne toucherait pas un groupe confessionnel en particulier. Cela modifiait du tout au tout la question initiale publiée dans les annonces au cours des trois semaines précédentes.
En ce qui concerne la politique réformiste, il a été précisé clairement dans le livre bleu des réformistes que le Parti réformiste était en faveur des droits à l'éducation des minorités. Cependant ces droits pourraient être modifiés ou touchés peut-être par une entente avec une province. Cette mesure unilatérale visant à mettre un terme à des droits n'était pas dans les intentions de la politique exposée dans le livre bleu.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce très important débat sur la modification à la clause 17.
Je trouve extrêmement difficile de prendre une décision à ce sujet, si difficile en fait que, la semaine dernière, j'avais dit à mon caucus que je m'opposerais à cette modification, mais depuis lors, j'ai changé d'idée. Je crois que c'est l'avenir de Terre-Neuve qui est en jeu beaucoup plus que le passé. Je souscris à la motion tendant à modifier la clause 17. Je m'inquiète certes des droits des minorités, de leurs droits caractéristiques, si c'est ce qu'elles ont, ainsi que de la souplesse de la Constitution canadienne. Il faut également examiner le type de système d'éducation qui convient le mieux à l'avenir de Terre-Neuve.
Après avoir enseigné pendant 27 ans dans le système public, je sais que cela va influencer ma décision dans une certaine mesure, toutefois, je base ma décision sur les répercussions de cette modification sur l'avenir et le bien-être des élèves des écoles de Terre-Neuve. Est-ce que la modification fait passer au premier plan l'avenir des élèves.
Comme d'autres députés l'ont mentionné, il est difficile pour un député de l'extérieur de Terre-Neuve d'avoir à trancher une question qui se pose à Terre-Neuve depuis de nombreuses années. On a du mal à se mettre à la place d'un Terre-Neuvien.
Étant donné que l'éducation relève de la compétence de la province, j'aurais préféré qu'on trouve la solution à Terre-Neuve. J'aurais été plus heureux si la Chambre n'avait pas été saisie de ce problème et si l'assemblée législative et les habitants de Terre-Neuve avaient pu trouver une solution.
Au Manitoba, nous avons un système volontaire d'écoles séparées, toutefois, la plupart des élèves fréquentent le système public, comme cela se fait dans la majeure partie du pays. Le financement des écoles séparées, dont plusieurs sont basées sur la religion, dépend de la bonne volonté du gouvernement. Certaines écoles sont financées dans une proportion d'un tiers.
Au Manitoba, le gouvernement provincial est responsable de tous les aspects de l'éducation, qu'il s'agisse des conseils scolaires, de l'accréditation des enseignants, du financement des écoles et du programme scolaire. Il est ironique de constater qu'avec les nouvelles réformes provinciales du système scolaire du Manitoba, on a tendance à suivre une nouvelle direction. On donne aux parents plus de droits en ce qui concerne l'école où ils veulent envoyer leurs enfants, le genre d'enseignement qu'on leur donnera, ainsi que la langue d'enseignement.
Dans le cas qui nous occupe, si nous modifions la clause 17 qui protège les minorités, nous supprimons littéralement l'enseignement religieux à Terre-Neuve.
Au Manitoba il n'y a pas d'enseignement religieux obligatoire. De même, il n'y a pas d'observance de la religion dans les écoles. Dès le début des années 1980, le Manitoba a fait savoir que le Notre Père n'était plus obligatoire dans les écoles publiques. Même pour l'hymne national, ceux qui ne veulent pas le chanter peuvent quitter la classe.
La province de Terre-Neuve essaie de mettre sur pied un système d'enseignement non confessionnel depuis au moins 25 ans. Comme je l'ai dit plus tôt, qui sait ce que cela aurait donné. Si ce processus avait continué, l'assemblée législative aurait peut-être travaillé un peu plus fort et elle aurait peut-être pu avoir un système public comme les autres provinces.
Il est aussi très difficile pour les autres Canadiens de comprendre que, en 1997, une province comme Terre-Neuve n'a pas d'écoles publiques.
Aujourd'hui, la majorité des élèves vont dans des écoles protestantes interconfessionnelles. Personnellement, je pense que la modification de la clause 17 va égaliser les choses pour tout le monde, élèves et enseignants. Personne ne sera traité en minoritaire.
Autrement dit l'égalité sera plus grande. Les enseignants seront embauchés et congédiés selon leur compétence ou incompétence professionnelle, pas leur affiliation religieuse. On me dit qu'un cours d'enseignement religieux générique sera offert aux élèves et tous les intéressés seront consultés quant à son contenu. L'observance d'une religion doit être permise dans les écoles si les parents le demandent. Les possibilités d'instruction des élèves terre-neuviens s'amélioreront. La modification constitutionnelle permettra en outre de créer un système scolaire efficace et économique. Tout cela a été recommandé par la commission royale, et d'autres députés à la Chambre ont parlé de ces avantages.
Les Églises avaient été invitées à collaborer pour créer un système interconfessionnel, mais cet effort a échoué après deux ans.
On a tendance à considérer une constitution comme le symbole d'un pays. En tant que tel, elle peut refléter les valeurs qu'un pays considère importantes et montrer de quelle façon ces valeurs doivent être protégées, comme c'est le cas dans notre Charte des droits et libertés, par exemple.
Tous les pays n'ont pas le même genre de constitution. La Constitution canadienne est flexible et non pas rigide. Quant à la clause 17, qui s'applique uniquement à Terre-neuve, elle a été modifiée deux fois en vertu de l'article 43, selon la formule de modification bilatérale.
Je suis d'accord avec Mme Anne Bayefsky, une spécialiste en droit international, pour dire que les constitutions doivent être flexibles et, comme c'est le cas pour un arbre vivant, il faut les moderniser avec le temps pour qu'elles répondent aux besoins de la collectivité.
Je me préoccupe cependant du manque de financement pour les parents qui veulent faire instruire leurs enfants dans un système séparé comme les écoles confessionnelles. Le financement ne sera pas garanti en vertu de la modification telle que proposée. Les parents devraient avoir la possibilité d'envoyer leurs enfants dans un système d'écoles séparées, et je crois que le financement devrait accompagner l'élève.
Au Manitoba, les parents ont le choix entre l'enseignement à domicile et l'enseignement dans les écoles séparées ou dans les écoles publiques. À l'extérieur de Terre-Neuve, le nombre des élèves grandit dans les écoles séparées de même que dans l'enseignement à domicile.
La religion est profondément ancrée dans le système scolaire de Terre-Neuve. De nombreuses minorités voient sans doute dans cette modification une menace à leur droit constitutionnel. Le changement n'est jamais facile. Les habitants de Terre-Neuve se sont exprimés clairement au moyen d'un référendum. Il ne fait aucun doute qu'ils veulent un changement.
La modification à l'étude ouvre de nouvelles possibilités d'instruction à Terre-Neuve. Les enfants de cette province méritent la meilleure éducation que la province puisse leur offrir. J'appuie la modification à la clause 17.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le Président, je partage mon temps de parole avec le secrétaire parlementaire du premier ministre.
C'est un privilège de pouvoir intervenir sur cette question très importante. Mais je le fais avec plus de tristesse que d'enthousiasme. Je crois que cette question sonne le glas de l'enseignement religieux.
De nombreux parents sont d'avis que l'enseignement confessionnel est fondamental pour eux, en tant que personnes et que parents. En réalité, nous remplaçons l'enseignement religieux par l'enseignement laïque. Le laïcisme est ni plus ni moins une doctrine au même titre que le christianisme, le judaïsme ou l'islam. Il a ses prêtres, son orthodoxie, ou sa rectitude politique, et ses rituels.
Si les Terre-Neuviens pensent que le remplacement de leur orthodoxie actuelle par l'orthodoxie laïque améliorera tant soit peu leur système éducatif, je crains qu'ils seront malheureusement déçus.
L'espoir que les parents influencent l'orientation de l'éducation donnée à leurs enfants n'est pas fondé sur la réalité. C'est une illusion. Les parents de Terre-Neuve devraient demander à leurs concitoyens de l'Ontario quelle influence ils exercent sur l'orientation de l'éducation de leurs enfants.
Le gouvernement fait valoir les quatre arguments suivants: une approbation démocratique massive, un appui raisonnable de la part des minorités visées, l'observance d'une religion dans les écoles protégées et l'absence de répercussions dans les autres provinces.
Le premier et le deuxième argument ne font qu'un en réalité. Peu importe les imperfections du processus référendaire, les minorités réelles ont donné une forme de consentement permettant au gouvernement d'aller de l'avant. Il y a eu une résolution unanime à l'Assemblée législative. Il y a eu deux référendums, un débat exhaustif. Il y a eu un effort sincère pour obtenir un consensus chez les minorités visées.
Les efforts déployés par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador pour obtenir un consensus et pour démontrer au Parlement du Canada que ce consensus existait se distinguent clairement des efforts déployés par le gouvernement du Québec. La demande de modification que ce dernier a formulée, il y a quelques semaines, était fondée sur une démarche d'établissement d'un consensus qui reflétait davantage des impératifs politiques que la volonté de répondre aux préoccupations de la minorité touchée.
Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a satisfait aux critères que l'on peut raisonnablement demander à un gouvernement qui veut faire apporter à la Constitution une modification qui touche les droits des minorités.
Le troisième argument du gouvernement est le fait que l'observance d'une religion est permise. Cela n'a aucun rapport et cet argument est spécieux. Ceux qui sont convaincus que leurs croyances devraient être au coeur de l'éducation de leur enfant ne peuvent guère s'en réjouir.
La religion, pour ceux qui comprennent de quoi il s'agit, n'est pas quelque chose que l'on ajoute à la fin de la journée scolaire. C'est plutôt un aspect qui imprègne tout le processus d'apprentissage. Elle fait partie du cours de mathématiques, du cours de physique et du cours d'anglais. Le regretté professeur émérite Northrop Frye de l'Université de Toronto se plaisait à dire au début de son cours très célèbre sur la bible et la langue anglaise que, pour vraiment comprendre la culture de la langue anglaise, il faut comprendre la bible.
De la même façon, les juifs, les musulmans, les hindous et tous les autres considèrent que leur croyance à une divinité est un élément essentiel de leur apprentissage. D'une certaine façon, un double fardeau sera imposé à ces parents. Ils devront d'abord appuyer une croyance laïcisante et, en plus, financer les systèmes scolaires où leurs croyances sont enseignées.
Permettre l'observance d'une religion comme quelque chose que l'on ajoute à la fin de la journée est surtout une insulte et pourra être contesté devant les tribunaux. Les parents croyants se demanderont encore une fois si, au Canada, il y a liberté de religion ou exclusion de la religion.
Selon le dernier argument du gouvernement, la modification n'aura aucune valeur en tant que précédent et ne touchera pas les autres provinces. Permettez-moi de douter de la valeur de cet argument. Le fédéralisme pratiqué dans notre pays n'est pas un fédéralisme improvisé. Les autres provinces examinent nécessairement chaque modification bilatérale du point de vue des précédents qu'elle présente. La jurisprudence est au coeur même de la common law.
Dans le cas du consensus démocratique au Québec, le gouvernement a établi des normes très faibles que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a dépassées de très loin. Les constitutionnalistes se pencheront sur le processus et sur les normes lorsqu'ils conseilleront leurs clients gouvernementaux. Même la démarche et la formulation des référendums seront examinées pour en établir la valeur du point de vue de la jurisprudence. Tout ce travail pourra permettre de définir ce que l'on entend par une question claire et concrète. Il pourrait permettre également de définir ce qui constitue un consensus.
Malgré mes réserves, j'appuierai la modification. Le peuple de Terre-Neuve et du Labrador s'est prononcé. Je peux me poser des questions quant à la voie sur laquelle ils se sont engagés, mais le Parlement du Canada devrait respecter leur choix.
M. Rey D. Pagtakhan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole au sujet de la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. La modification proposée se lit comme ceci:
(1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
(2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
(3) L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.
Même si la modification dont nous sommes saisis ne concerne qu'une province, le Parlement a le devoir de l'étudier avec l'urgence, la diligence et le soin qui conviennent à toutes les modifications constitutionnelles.
Pour relever ce défi, le Parlement a constitué le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada.
Ce fut pour moi un honneur de siéger au comité, car j'ai eu ainsi le privilège d'entendre moi-même les témoins. Je dois dire que les témoins des deux camps étaient très sincères et éloquents dans la défense de leur point de vue. Leurs témoignages n'a pas facilité la tâche du comité.
Et la tâche du comité a été rendue encore plus difficile par son analyse minutieuse de la preuve. La question à l'étude, à savoir la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, a donné au gouvernement fédéral et au Parlement du Canada l'occasion de montrer que les relations fédérales-provinciales fonctionnent vraiment et que la Constitution canadienne est un document vivant qui prévoit un mécanisme pour la modifier si les citoyens estiment essentiel de le faire.
Tout comme les gens de Terre-Neuve ont déterminé leur avenir lorsque la province est entrée dans la Confédération, en 1949, soit il y a près d'un demi-siècle, les Terre-Neuviens d'aujourd'hui veulent déterminer leur avenir au sein du Canada au moment où le Canada entre dans le XXIe siècle. Ils voient maintenant que leur avenir sera mieux assuré par un seul système scolaire public dans lequel tous les enfants, quelle que soit leur religion, fréquentent les mêmes écoles. Ils pensent maintenant que leur avenir sera meilleur s'ils donnent à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador le pouvoir de gérer pleinement et d'intégrer les trois commissions scolaires qui existent actuellement dans la province.
Ils ont envisagé cet avenir en mars 1992, lorsque la commission royale présidée par M. Len Williams a rendu public son rapport intitulé «Our Children, Our Future», titre tout à fait indiqué. Les Terre-Neuviens ont dit comment ils entrevoyaient leur avenir par l'entremise des députés de l'Assemblée législative qui se sont prononcés à l'unanimité, indépendamment de leur allégeance politique.
Ils ont décidé que l'enseignement confessionnel ne serait plus un droit constitutionnel, mais que serait maintenu dans la Constitution le droit de recevoir un enseignement religieux et de pratiquer sa religion, comme le prévoit la modification proposée.
Le gouvernement a tenu un référendum sur la question le 2 septembre 1997. Même s'il n'était pas strictement tenu de le faire aux fins du processus de modification constitutionnelle, le référendum visait à mieux prendre le pouls de la population.
La question du référendum était précise et claire: Voulez-vous un système scolaire unique où tous les enfants, indépendamment de leur appartenance religieuse, fréquentent les mêmes écoles leur offrant des possibilités de s'instruire sur leur religion et de la pratiquer? La question référendaire correspond fondamentalement à la modification qui a été proposée, puis adoptée par l'Assemblée législative.
Puisque la population de Terre-Neuve connaissait le libellé de la modification proposée avant le jour du référendum, vous conviendrez sûrement comme moi que les 73 p. 100 qui ont voté en faveur ont bien compris la question.
Il ne fait aucun doute que le système d'éducation qui est en place à Terre-Neuve est devenu partie intégrante de la culture de la population terre-neuvienne. Pas étonnant, en ce cas, que les témoins, jeunes et vieux, y compris les élèves des deux camps, ait fait montre de tant d'émotion et de passion dans leurs témoignages.
Cependant, nous avons constaté que la proposition d'amendement avait été formulée pour transformer le système actuel, hérité du passé, en un meilleur système pour l'avenir.
Je félicite la population de Terre-Neuve et du Labrador d'avoir eu le génie de formuler, par l'intermédiaire de son assemblée législative, une proposition de modification constitutionnelle qui reflète sa vision de l'avenir de cette province. Je suis persuadé que la modification proposée est conforme au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et pourrait résister à toute contestation en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le ministre des Affaires intergouvernementales a déclaré ceci:
Si la clause 17 est promulguée, elle sera inscrite dans la Constitution du Canada. Ainsi, elle sera protégée par le principe bien établi selon lequel une partie de la Constitution, comme la Charte, par exemple, ne peut servir à invalider ou à abroger une autre partie de la Constitution. En conséquence, les dispositions des paragraphes (2) et (3) seraient en quelque sorte protégées contre toute contestation en vertu de la Charte.
Ce principe a été confirmé par des décisions de la Cour suprême du Canada et je reste convaincu que le processus de modification était juste. Je suis convaincu que rien dans la modification proposée n'empêcherait le gouvernement de Terre-Neuve de financer des écoles privées s'il décidait de le faire.
Je suis aussi convaincu que la modification proposée n'établit aucun précédent, que toute nouvelle demande de modification constitutionnelle présentée par une province sera jugée d'après son mérite, comme c'est le cas en l'occurrence.
Le ministre des Affaires intergouvernementales a très bien expliqué devant le comité qu'il appartiendrait au Parlement d'examiner toute nouvelle proposition.
Nous ne devons pas craindre d'être fiers de nos valeurs et de nos traditions nationales communes, qui sont bien vivantes à Terre-Neuve. Nous ne devons pas craindre le changement lorsque le changement est porteur d'un brillant avenir pour nos enfants, nos jeunes et tout le Canada. Nous ne devons pas craindre d'affronter l'avenir avec confiance, fiers de notre histoire et de la générosité et de l'intégrité de notre peuple.
La modification de la clause 17 est un appel à notre confiance en les Canadiens et à notre compréhension des Canadiens. Elle démontre le bon fonctionnement de la confédération. Elle démontre la vigueur de notre démocratie. Elle signifie que, lorsque nous travaillons pour assurer un avenir brillant à une de nos provinces, nous assurons un avenir brillant à l'ensemble du Canada.
Adoptons la résolution à l'étude comme moyen d'assurer un meilleur avenir à tous les Canadiens.
* * *
MESSAGE DU SÉNAT
Le vice-président: J'ai l'honneur d'annoncer à la Chambre que le Sénat lui a adressé un message pour l'informer qu'il a adopté les projets de loi suivants: projet de loi C-23, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1998; projet de loi C-11, Loi concernant l'imposition de droits de douane et d'autres droits, la mise en oeuvre de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et l'exonération de divers droits de douane ou autres, comportant des mesures connexes et modifiant ou abrogeant certaines lois en conséquence.
* * *
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE)
La Chambre reprend l'étude de la motion.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, en guise d'observation, je tiens à remercier mes collègues d'avoir pris le temps de se pencher sur cette question, de livrer leurs réactions et de le faire intelligemment.
Certains députés ne partagent pas nécessairement l'opinion des habitants de Terre-Neuve et du Labrador exprimée par un résultat de 73 p. 100 au référendum portant sur cette modification. Mais je dois admettre que les députés, et notamment les députés ministériels, ont pris le temps de comprendre le problème et de l'étudier à fond dans l'esprit et le contexte de ce que les habitants de la province comprenaient et savaient véridique.
Certains députés ont dit que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador n'avaient pas compris la question qui leur était posée. Certains sont allés jusqu'à dire qu'elle dépassait leur entendement. Je rejette catégoriquement cette affirmation. Ils ont compris la question. Ils ont donné à la modification un appui solide, pleinement conscients des conséquences pour l'avenir de leur système d'éducation. Après des années et des années de discussions, c'est exactement la conclusion à laquelle nous sommes arrivés.
Je salue les députés qui ont travaillé avec diligence, au comité comme à la Chambre, et qui, quelles que soient leurs valeurs et leurs convictions personnelles, ont coopéré avec les habitants de Terre-Neuve et du Labrador pour que ceux-ci puisse agir conformément à leurs convictions et à leur volonté. Il est très important de le souligner ici.
LA SANCTION ROYALE
[Traduction]
Le vice-président: J'ai l'honneur d'informer la Chambre que j'ai reçu le message suivant:
Résidence du Gouverneur général,
Ottawa
le 8 décembre 1997
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Charles Gonthier, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, se rendra à la salle du Sénat aujourd'hui, le 8 décembre 1997, à 15 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
La secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Français]
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE)
La Chambre reprend l'étude de la motion.
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, c'est la deuxième fois que j'interviens sur cette modification. Lors de la 35e Législature, et non de la 36e Législature, j'ai eu l'honneur de présenter la réponse du Bloc québécois à la modification. Cette motion de modification à l'article 17 de la Constitution, présentée en juin 1996, n'est pas identique à celle dont on discute présentement, mais l'orientation en était la même.
On pensait que c'était la bonne fois, cette fois-là, cependant, à la suite d'un historique que je ferai plus tard, on a dû revenir devant cette Chambre, afin de discuter de nouveau de cette question.
Je suis persuadé que la façon avec laquelle on a procédé est la bonne cette fois-ci et je suis persuadé que les gens de Terre-Neuve seront heureux, une fois que les députés de la Chambre auront fait le travail, de pouvoir modifier leurs écoles comme ils le veulent.
Sur le plan historique, il est intéressant de voir comment s'est passé, non pas cette guérilla, mais ce dossier extrêmement important pour les gens de Terre-Neuve.
Comme je le disais tout à l'heure, on en a déjà parlé à la Chambre, en 1996, mais avant cela, il faut reculer en 1992 pour voir qu'il y a eu la Commission royale d'enquête Williams qui s'est penchée sur cette question, de telle sorte qu'en juin 1995, le gouvernement a annoncé qu'il solliciterait l'approbation de la population pour modifier la clause 17, afin de procéder à la réforme de l'éducation.
En septembre 1995, dans la province de Terre-Neuve, il y a eu un référendum. Tout le monde sait que le référendum a été gagné à 54 p. 100, que la population était d'accord avec ces modifications, et que la modification est revenue en cette Chambre pour effectuer le travail final.
On sait également qu'entre-temps, il y a eu des élections provinciales. Un nouveau premier ministre a été élu à Terre-Neuve; il avait la même philosophie que son prédécesseur et il a continué le travail, de telle façon qu'en juin 1996, la Chambre des communes a adopté la résolution visant à modifier la clause 17.
Cependant, dans la province de Terre-Neuve, il y a eu certaines contestations. Certaines choses se sont produites au niveau de certaines religions, de telle sorte que, pour accélérer le processus, pour clarifier tout cela, le gouvernement de Terre-Neuve a décidé de tenir un nouveau référendum, en moins de deux ans, sur un projet semblable, de façon à permettre à la province de gérer complètement ses écoles.
C'est le 2 juin 1997 que s'est tenu le référendum. Cette fois-ci, le référendum a été gagné à 73 p. 100. Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est qu'on peut quand même trouver une certaine similitude avec ce qui se passe au Québec. Je pense qu'on peut le faire, nous aussi, parce que, du côté du gouvernement, on ne se gêne pas pour tenter de trouver des similitudes en disant que le fédéralisme est flexible, etc. J'ai entendu des discours tantôt dans ce sens.
De notre côté, on peut faire certaines similitudes avec ce qui se passe au Québec, c'est-à-dire que, dans un dossier aussi important que celui-là, la province a décidé de remettre cette décision entre les mains de la population en tenant un référendum. Mon collègue de Témiscamingue a parlé tout à l'heure, lors de son discours, des nombreux témoins qu'il a entendus au Comité et de leurs arguments relativement à la question. Nous, au Québec, on entend également de tels arguments depuis longtemps. Semble-t-il que des gens à Terre-Neuve disaient que la question n'était pas claire. Pourtant, j'ai lu la question une seule fois et je l'ai comprise immédiatement. Je la relis: «Appuyez-vous la création d'un seul système scolaire où tous les enfants, quelle que soit leur religion ou leur appartenance religieuse, fréquentent les mêmes écoles tout en ayant accès à l'éducation et à l'observance de la religion?»
Cette question très claire a obtenu une réponse claire également. Cette question était connue à l'avance, mais où on peut s'interroger, c'est que la modification de l'article 17, en tant que telle, n'a été connue qu'à la veille du vote par anticipation.
J'imagine fort bien les commentaires des fédéralistes d'en face si, lors d'un prochain référendum québécois, on faisait connaître seulement à la veille du vote par anticipation le projet de partenariat, par exemple, bien que la question soit connue depuis plusieurs semaines. Je me demande quelle serait la réaction du gouvernement d'en face. Je me demande quelle serait la réaction, entre autres, du ministre des Affaires intergouvernementales si on agissait ainsi.
Je ne mets pas en doute la façon dont on a procédé, mais je veux seulement démontrer qu'en cette Chambre il semble y avoir au niveau de la justification, de l'application de certaines règles, deux façons de faire, une pour le Canada anglais et l'autre pour le Québec. Je pense que l'application qu'on a faite de l'évaluation de la question et de tout ce qui s'est passé à Terre-Neuve était la bonne. Il fallait remettre cette juridiction, cette façon de faire entre les mains des Terre-Neuviens.
D'autres critiques que nous avons entendues étaient reliées au financement. On a dit que les deux camps, autant le camp du oui que le camp du non, n'avaient pas les mêmes outils et n'étaient pas équipés de la même façon pour faire valoir leur point de vue parce qu'il n'y pas de loi sur le financement, et le camp du non a fait des critiques assez importantes à cet égard.
L'autre point, c'est qu'il n'y avait pas de loi proprement dite pour encadrer ce référendum. On a fait une adaptation de la loi électorale, mais encore là, il y eut des critiques assez importantes. Malgré tout cela, je ne remets pas en doute encore une fois le résultat. Encore une fois, on voit les fédéralistes d'en face ne contester absolument rien à cet égard et accepter ces règles. Je pense qu'ils devaient les accepter, cela fait partie du système, de la démocratie.
J'ose espérer que dans le cas du Québec—on fait cela de façon encore beaucoup plus claire, on joue même les cartes sur table tellement que la façon dont on veut procéder est claire, tellement le projet souverainiste des Québécois est clair—, le gouvernement d'en face sera aussi démocratique lors du prochain référendum québécois et qu'il acceptera le résultat que le peuple aura décidé.
L'objectif de la modification de l'article 17, la modification proposée par le gouvernement de Terre-Neuve et adoptée par son Assemblée législative, vise à rationaliser le système d'éducation de la province et à réaliser une économie budgétaire de 17 millions de dollars. Je pense que ce sont des économies extrêmement appréciables et qu'il faudrait écouter ce qu'ils ont à dire. On instituerait ainsi un seul système d'éducation plutôt que quatre, une seule école pour toutes les confessionnalités. L'éducation religieuse continuera d'exister là où le nombre le justifie. Il y aura une réduction des commissions scolaires de 27 à 10, qui seront dorénavant multiconfessionnelles. Ces réformes font suite aux recommandations de la commission royale d'enquête, comme je vous le disais tout à l'heure.
Je pense que le député de Témiscamingue l'a dit très clairement plus tôt, dès le départ, nous, les députés du Bloc québécois, avons fait notre lit relativement à cela pour plusieurs raisons et je vais vous dire les principales. La première, c'est que, bien qu'on touchait l'article 17 de l'annexe de la Constitution, c'était quand même un sujet de juridiction à 100 p. 100 provincial, c'est-à-dire que pour nous, la question de l'éducation est quelque chose qui touche la province et la province seule devra avoir juridiction pour modifier quoi que ce soit ou donner les grandes orientations de son système. Pour nous, c'était un élément qui était extrêmement important et qui nous a fait pencher très rapidement sur le côté de Terre-Neuve.
Si on regarde la Constitution, à l'article 93, on dit que dans chaque province, la législature pourra décréter des lois relatives à l'éducation. Le cas de Terre-Neuve ne fait pas exception. C'est à la législature de cette province que revient le pouvoir d'édicter des lois relatives à l'enseignement, à la seule différence que c'est par la clause 17 de la loi que Terre-Neuve puise cette compétence.
Également—et je pense que tout le monde va s'entendre là-dessus—ce sont les dirigeants et les représentants des provinces qui sont les mieux placés pour déterminer ce qui compose un système d'éducation efficace sur le territoire respectif.
En plus, tout le cheminement de ce dossier a été fait à la suite de référendums sur une question extrêmement importante pour la population de Terre-Neuve, mais où on a eu un débat d'idées et où les gens de Terre-Neuve ont décidé, de façon importante, l'orientation qu'ils voulaient donner à leur système d'éducation.
Il serait donc mal venu que les députés de la Chambre des communes prennent position à l'encontre de la modification constitutionnelle revendiquée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve. On sait également que l'Assemblée nationale de Québec a demandé des modifications semblables il y a quelque temps. Autant ça nous a fait plaisir de collaborer, nous du Bloc québécois, avec la Législature de Québec, autant il nous fait plaisir également de collaborer avec celle de Terre-Neuve pour tenter de faire accélérer, tenter de faire ratifier le tout.
Finalement, notre rôle, en tant que parlementaires, est beaucoup plus un rôle de ratificateurs de cette façon de faire de la Législature de Terre-Neuve. Nous, nous n'avons pratiquement rien à dire sur ça. Ce sont vraiment les Terre-Neuviens qui doivent avoir toute la juridiction là-dessus.
Autant que notre discours était à cet effet...
SANCTION ROYALE
[Traduction]
Le gentilhomme huissier du bâton noir apporte le message suivant.
Monsieur le Président, c'est le désir de l'honorable suppléant du Gouverneur général que cette honorable Chambre se rende immédiatement auprès de lui dans la salle de l'honorable Sénat.
En conséquence, le Président et les députés se rendent au Sénat.
Et de retour:
Le vice-président: J'ai l'honneur de faire savoir à la Chambre que, lorsqu'elle s'est rendue au Sénat, il a plu au suppléant du Gouverneur général de donner, au nom de Sa Majesté, la sanction royale aux projets de loi suivants:
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1998 (Projet de loi C-23, Chapitre 35, 1997)
Loi concernant l'imposition de droits de douane et d'autres droits, la mise en oeuvre de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et l'exonération de divers droits de douane ou autres, comportant des mesures connexes et modifiant ou abrogeant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-11, Chapitre 36, 1997)
La parole est au député de Berthier—Montcalm pour reprendre le débat.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Français]
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA (TERRE-NEUVE)
La Chambre reprend l'étude de la motion.
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je vais conclure. Se faire déranger de cette façon, ça coupe l'inspiration, mais on va s'y habituer.
À propos de la position du Bloc québécois, vous l'avez deviné, naturellement nous sommes en faveur de cette demande. Le gouvernement de l'Assemblée législative et la population de Terre-Neuve nous demandent de ratifier une résolution portant sur une modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada.
Nous considérons que nous devons, et j'invite tous les députés de cette Chambre à faire de même, donner suite à cette demande en vertu de deux principes. Le premier principe est la volonté de la population, exprimée par référendum, on l'a vu très clairement. Le deuxième, c'est la compétence des provinces en matière d'éducation.
La Chambre des communes se doit d'acquiescer à ce consensus comme elle se devait de le faire pour l'amendement revendiqué par le Québec pour l'article 93, et j'ose espérer que la Chambre le fera lorsque le peuple québécois se sera aussi exprimé clairement sur sa volonté de devenir un pays souverain.
[Traduction]
M. Rey D. Pagtakhan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais faire des observations sur l'intervention du député de Berthier—Montcalm. Ce dernier a fait un parallèle entre le référendum au Québec, qui portait essentiellement sur la séparation du Québec, et le référendum à Terre-Neuve, qui vise à renforcer le Canada. Je trouve ce parallèle bancal.
Cependant, je remercie le député d'appuyer la motion dont nous sommes maintenant saisis et d'avoir appuyé aussi celle qui avait trait au Québec.
Je tiens à faire remarquer que la résolution relative à Terre-Neuve a été adoptée à l'unanimité par tous les partis provinciaux de toutes couleurs politiques, ce qui est vraiment remarquable. Même après une décision unanime de la part de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador sur cette question, nous ne pouvons pas faire un parallèle avec cela parce que Terre-Neuve s'est adressée au Parlement du Canada, comme l'exige la Constitution.
Le député a fait allusion à deux règles, une pour l'est et l'autre pour l'ouest. Pour ma part, je n'en connais qu'une: la Constitution du Canada s'applique à tous les Canadiens et à toutes les provinces du pays.
En terminant, je dirai que lorsqu'un référendum est tenu pour renforcer le pays, il faut se rallier derrière ce référendum. Cependant, quand un référendum vise plutôt à détruire le pays que nous aimons, le plus beau pays du monde, il faut se rallier contre un tel référendum.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Madame la Présidente, il faudrait premièrement peut-être rappeler au député que la Constitution qu'il invoque ne prévoyait pas non plus l'addition d'une nouvelle province, et même, puisqu'on parle de Terre-Neuve, que Terre-Neuve se joindrait au Canada, et on l'a fait. Ce qui n'est pas exclu d'entrer n'est pas exclu non plus d'en sortir, mais cela, c'est un autre problème.
J'aimerais également rappeler au député qu'il n'est pas question de démolir ou de faire quoi que ce soit à un pays. Nous, ce qu'on veut, c'est de bâtir un pays qui s'appellerait le Québec, en partenariat avec le Canada. Vous seriez maîtres chez vous et on serait maîtres chez nous. Je pense que vous n'avez pas compris cela encore. De plus en plus, le Canada anglais le comprend. Mon chef, qui est de retour de l'Ouest canadien, me disait que, de plus en plus, l'Ouest canadien est ouvert à l'idée que le Québec devienne un pays souverain et, de plus en plus, il voudrait commencer à regarder des possibilités de faire des affaires ou de continuer de faire des affaires avec un Québec souverain.
Le dernier point que je voudrais rappeler au député, c'est que, pour moi, un référendum est un référendum, c'est-à-dire que lors de cet exercice démocratique, une population décide de son avenir. Dans le cas de Terre-Neuve, elle décidait de son avenir relativement à l'éducation. Est-ce que le député est en train de me dire que l'éducation n'est pas quelque chose d'important pour une province? Est-ce que l'éducation n'est pas ce qui va orienter de façon définitive, pour des générations à venir, toute une population? Je pense que c'était extrêmement important, et ils l'ont fait par référendum. Lors de ce référendum, la population a dit oui à des changements, a dit oui dans le sens du gouvernement.
Au Québec, ce sera la même chose. On aura un référendum extrêmement important pour le Québec parce qu'on va orienter toutes les générations futures vers un objectif bien précis. J'espère que ce référendum sera gagnant la prochaine fois et qu'on aura un pays qui s'appellera le pays du Québec.
J'aimerais rappeler au député que lorsqu'un peuple se prononce, lorsqu'une population se prononce avec des règles extrêmement claires comme un référendum, autant à Terre-Neuve qu'au Québec, je pense que c'est la population qui se prononce et on doit le prendre avec beaucoup de sérieux. Dans ma tête il n'y a pas de différence, que ce soit un référendum sur une question comme celle de Terre-Neuve ou une question comme celle du Québec sur la souveraineté du Québec.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté le discours du député. Je faisais partie du Comité mixte, lequel a reçu plusieurs témoignages de gens de Terre-Neuve qui sont venus nous dire qu'ils étaient inquiets parce que certains droits confessionnels qui étaient enchâssés dans la Constitution étaient en train de disparaître.
Ils disent qu'ils sont minoritaires, et plusieurs députés de cette Chambre, durant le débat d'aujourd'hui, ont également exprimé une certaine inquiétude sur ce sujet.
Je demande au député s'il a des inquiétudes sur les droits des minorités dans la résolution dont on débat aujourd'hui.
M. Michel Bellehumeur: Madame la Présidente, la réponse est fort simple: non je n'ai pas d'inquiétude.
Je pense que le gouvernement en premier lieu, le gouvernement de Terre-Neuve et sa population ont démontré beaucoup de sérieux dans cette démarche. J'ai rencontré les représentants de Terre-Neuve, non ceux de la 36e Législature, mais j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Tobin sur cette question au cours de la 35e Législature et on a discuté de ces choses-là. Non, je n'ai pas d'inquiétude.
Ce sera cependant un débat à faire dans cette province, éventuellement, s'ils veulent le faire. Mais je pense que notre rôle à nous est vraiment, comme je l'ai dit plus tôt, de ratifier quelque chose qui a été fait par la Législature provinciale dans un domaine qui est de sa juridiction à 100 p. 100.
Pour répondre au député, non je n'ai pas d'inquiétude. Si un débat doit se faire, il se fera dans la population de Terre-Neuve. Ce ne sera sûrement pas au Parlement canadien d'intervenir dans ce champ de juridiction.
[Traduction]
Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Madame la Présidente, je partagerai le temps qui m'est accordé avec le secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles.
Je suis très heureuse de participer au débat sur la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. Cette modification répond à un important besoin de nos concitoyens de Terre-Neuve, parce que, une fois adoptée par le Parlement, elle leur permettra de poursuivre la réforme de leur système d'éducation.
Ce débat se poursuit depuis déjà quelques années à Terre-Neuve et le gouvernement terre-neuvien a décidé d'y mettre un terme et de promouvoir la sécularisation de l'enseignement qui fut pendant longtemps dirigé par le clergé à Terre-Neuve.
Le projet de modification dont nous sommes saisis propose une solution qui est adaptée à l'enseignement à Terre-Neuve et il a fait l'objet d'un vaste consensus dans cette province. C'est d'ailleurs ce consensus qui a convaincu le comité mixte chargé d'examiner la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve de recommander que la modification soit adoptée ici et à l'autre endroit. Étant donné que nous ne modifions pas la Constitution tous les jours, nous devons reconnaître que nous vivons aujourd'hui une journée historique à la Chambre des communes.
Je ne tiens pas à ré-examiner tout ce qui s'est dit dans le cadre de ce débat, puisque la Chambre des communes a eu l'occasion d'aborder la question plusieurs fois ces derniers mois. Je voudrais toutefois traiter d'un certain nombre d'aspects qui justifient la décision de l'assemblée législative de Terre-Neuve de nous soumettre son projet de modification ainsi que la pertinence de la recommandation du comité mixte.
Tous ceux qui ont pris le temps d'étudier le système d'éducation de Terre-Neuve ces dernières années savent à quel point la population de cette province réclame une réforme de l'enseignement. C'est la conclusion à laquelle la commission royale Williams en est arrivée en 1992. Cette dernière avait recommandé que le système scolaire à Terre-Neuve et au Labrador soit restructuré pour permettre au gouvernement de l'administrer de façon plus efficace.
Les cinq années qui ont suivi ont été marqué d'interminables débats amers. Nous avons essayé de mettre en oeuvre une première révision de la clause 17 durant la dernière législature, révision qui avait été approuvée lors du référendum tenu en 1995 dans la province. Cela n'a pas mis fin au débat, et nous voici donc de nouveau au même point.
Même si l'appui était de 54,4 p. 100 lors du référendum de septembre 1995, l'adoption de la modification proposée n'a pas mis fin au débat. Le 8 juillet 1997, la Cour suprême de Terre-Neuve a accepté une demande d'injonction présentée par les représentants de l'Église catholique, bloquant ainsi la réforme proposée par le gouvernement provincial. Pour résoudre l'impasse, le premier ministre Tobin a annoncé, le 31 juillet, la tenue d'un nouveau référendum le 2 septembre pour essayer encore une fois de modifier la clause 17.
Toutefois, lorsqu'il a fait cette annonce, il a décrit en ces termes le besoin auquel cette modification constitutionnelle devait répondre: «Durant les cinq dernières années, tous les efforts de conciliation entre ces deux idées, soit la réforme de l'éducation et les droits des confessions religieuses, se sont soldés par une plus grande confusion et encore plus de conflits.»
Le texte de la modification soumise à l'approbation des Terre-Neuviens était très clair. Il était ainsi libellé:
1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
3) L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.
Pour exprimer leur opinion sur la modification proposée, on a encore demandé aux Terre-Neuviens de se prononcer sur la question suivante: «Appuyez-vous la mise sur pied d'un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquenteraient les mêmes écoles où des dispositions seraient prises pour offrir l'enseignement religieux et permettre l'observance des préceptes religieux?»
Je ne crois pas qu'il y ait un seul député à la Chambre qui puisse contester la clarté de ce processus. En tant que membres du Parlement canadien, nous devons nous demander deux choses; premièrement si le moyen utilisé par le gouvernement provincial a permis à la population de bien comprendre la question sur laquelle elle avait à se prononcer; nous devons répondre par l'affirmative.
Le rapport du comité mixte indiquait qu'une spécialiste mandatée par le comité, Mme Anne Bakefsky, avait insisté expressément sur l'ampleur des consultations tenues auprès de la population, y compris les minorités, au cours des récentes années.
Deuxièmement, nous devons nous demander si le consensus issu du référendum est suffisant pour que nous donnions suite à la proposition de modification constitutionnelle. Là encore, la réponse ne peut être que oui. La proposition a recueilli l'appui de 73 p. 100 des électeurs de Terre-Neuve et la majorité des voix dans 47 des 48 circonscriptions de la province. Même dans les régions à prédominance catholique, où elle risquait de rencontrer plus d'opposition, la proposition a obtenu un appui important.
Environ 75 p. 100 des catholiques de Terre-Neuve et du Labrador vivent dans trois régions: la baie St-Georges, la presqu'île Avalon et la presqu'île Burin. Ces trois régions ont approuvé la proposition dans des proportions de 59 p. 100, 72 p. 100 et 72 p. 100 respectivement. Dans les régions où sont concentrés les pentecôtistes, quoique les appuis soient beaucoup plus difficiles à évaluer, la proposition a recueilli un taux d'approbation variant entre 57 p. 100 et 64 p.100.
Outre l'appui populaire, la proposition a recueilli l'appui unanime de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Quatre députés ministériels, dont deux ministres, sont de religion pentecôtiste. Ces quatre députés, dont les circonscriptions comptent entre 25 p. 100 et 30 p. 100 de pentecôtistes, ont également appuyé la proposition du gouvernement à la l'assemblée législative. Il convient également de signaler qu'un bon nombre de députés qui s'étaient opposés à la proposition pendant le référendum l'ont néanmoins appuyée à la législature de Terre-Neuve.
Outre la limpidité du processus consultatif et l'appui généralisé dont jouit la proposition, il y a une troisième raison qui explique pourquoi je pense qu'elle mérite que nous l'appuyions.
Les Terre-Neuviens savent que les modifications qui sont proposées ont pour objet d'établir un nouveau système scolaire et non d'abolir les droits d'une minorité donnée. Elles permettront à la province de procéder à des réformes attendues depuis longtemps, en créant un système scolaire unique, publiquement administré et financé. Cette réforme permettra d'établir un équilibre fonctionnel et équitable.
La nouvelle clause 17 n'a nullement pour objet de supprimer la religion dans les écoles. Elle renferme une disposition qui oblige les autorités à offrir des cours de religion et stipule que la pratique de la religion doit être autorisée dans les écoles où les parents le demandent.
Naturellement, on ne peut pas s'attendre à ce qu'une modification de la Constitution aussi importante que celle-ci fasse l'unanimité. Néanmoins, comme l'a recommandé le comité mixte, je pense que le consensus qui s'est formé jusqu'à présent est suffisamment large et que les garanties offertes aux groupes touchés sont suffisantes pour que la proposition aille de l'avant.
Je sais qu'il a des gens qui craignent le changement. Toutefois, je suis fermement convaincue que les enfants de Terre-Neuve seront les premiers à bénéficier de cette mesure.
[Français]
Le débat qui nous occupe revêt également à mes yeux une autre signification. La modification constitutionnelle recherchée est de nature bilatérale, comme le permet l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais je considère qu'un tel changement, même s'il ne concerne que la province de Terre-Neuve, profite à tout le pays. Il donne aux Terre-Neuviens un outil de premier plan dans leur recherche de progrès: un système d'éducation unique et mieux adapté à leurs priorités.
En un mot, cette modification constitutionnelle permettra encore davantage aux Terre-Neuviens d'être Canadiens à leur façon, comme le sont les Albertains et les Québécois. Notre pays s'enrichit de cette diversité, et notre système de gouvernement rend son expression possible.
[Traduction]
En fait, une modification constitutionnelle telle que celle dont nous sommes saisis est la preuve de la souplesse de notre confédération. La fédération évolue quotidiennement et ce serait une erreur de croire qu'elle est statique et imperméable au changement. Par exemple, nous avons récemment adopté une modification constitutionnelle proposée par l'Assemblée nationale du Québec. Si elle est adoptée par le Sénat, elle permettra la création de commissions scolaires linguistiques remplaçant les commissions scolaires confessionnelles.
Nous avons choisi de procéder étape par étape. C'est une méthode qui sert bien les Canadiens, tout comme elle sert les Terre-Neuviens dans le cadre du débat actuel. C'est la raison pour laquelle j'exhorte tous mes collègues de la Chambre, quel que soit leur parti, à réfléchir soigneusement et à appuyer cette modification à notre Constitution.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais faire une observation sur une chose que je pense inexacte. Peut-être la députée d'en face pourra-t-elle préciser.
La députée disait qu'il était difficile d'évaluer le vote des pentecôtistes au référendum. Je me reporte à un mémoire présenté par Mark Graesser de l'Université de Terre-Neuve. Les chiffres cités dans ce mémoire sont généralement acceptés comme corrects. Ils ont même été repris dans le rapport du ministre des Affaires intergouvernementales.
Il contenait quelques estimations des votes. En particulier, les chiffres pour Baie Verte, Lewisporte et Windsor-Springdale semblent indiquer que l'appui au référendum dans ces collectivités de pentecôtistes était de 32 p. 100, 32 p. 100 et 30 p. 100. En moyenne, seulement 32 p. 100 des pentecôtistes ont appuyé le référendum.
Ces chiffres montrent bien que cette confession n'appuyait pas le référendum. Je me demande si la députée d'en face pourrait s'expliquer.
Mme Sue Barnes: Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir dissiper la confusion dans l'esprit du député d'en face.
Mes observations portaient sur le pourcentage du vote des catholiques. S'il lit le hansard, il verra que c'est de cela que j'ai parlé.
Des témoins ont parlé de cela devant le comité mixte. Je renvoie le député au rapport du comité mixte qui a été déposé vendredi. Il y trouvera toutes les réponses.
Là encore, je dirais au député d'en face, qui appartient au Parti réformiste, que j'ai du mal à comprendre qu'un député d'un parti comme le Parti réformiste, qui parle constamment de référendum et d'écouter le peuple, puisse défendre ici autre chose que le soutien à la motion.
Alors que 73 p. 100 de la population de Terre-Neuve à indiqué qu'elle désire ce changement, je m'étonne qu'il n'y ait pas de députés réformistes qui aient pris la parole. Ils n'écoutent pas le message très, très clair non seulement de la population, mais aussi de la province.
L'assemblée législative de cette province a donné son consentement unanime à cette motion et nois l'a transmise. Il est de notre devoir de n'y rien changer, de ne pas la refuser, mais d'accorder à la province ce qu'elle nous demande en vertu de la Constitution. La province a compétence en matière d'enseignement et je pense qu'elle s'est clairement prononcée.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, oui, le Parti réformiste...
M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je pourrais me tromper, monsieur le Président. Je demande votre avis. J'avais cru comprendre que, durant la période des questions et observations, un député ne pouvait intervenir qu'une seule fois pour répondre.
Le président suppléant (M. McClelland): Généralement, c'est vrai, mais nous voulons aussi que les deux côtés soient représentés. Si un député est déjà debout pour participer au débat, on lui accorde normalement la parole.
Si un député du même parti est le seul député debout, évidemment c'est à lui qu'on donnera la parole. Si l'occasion se présente d'engager un débat et de donner la parole à un autre parti, il est logique d'écouter cet autre point de vue.
Par conséquent, pour les questions et observations, le député d'Edmonton-Est.
M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Étant donné que ce débat se poursuit depuis longtemps et que nous y avons participé efficacement, et sans restriction, je reconnais qu'il convient d'agir ainsi.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'aimerais poursuivre votre raisonnement si vous le permettez. Vous invoquez le besoin d'un débat. En fait, la première fois que nous avons abordé cette question, le député auquel vous venez d'accorder la parole pour la deuxième fois avait amorcé le débat.
Ensuite, le député ministériel a répondu. En refusant la parole à un autre député d'égale valeur à la Chambre, qui demande de participer au débat, et en accordant à nouveau la parole au député qui avait déjà parlé, je crois, monsieur le Président, que vous commettez une injustice à l'égard de ce député, de l'autre personne.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Au début de ce débat, plus tôt ce matin, le ministre des Affaires intergouvernementales, dont nous examinons la motion, a eu l'autorisation de faire trois ou quatre interventions contre un député bloquiste, pendant que d'autres députés de l'opposition voulaient intervenir au cours de la même période de questions et d'observations.
De toute évidence, un précédent a été créé. La présidence a usé de son pouvoir discrétionnaire pour permettre ce genre de chose.
Le président suppléant (M. McClelland): Je n'entends pas manquer de respect envers le secrétaire parlementaire du premier ministre, mais d'après mon expérience, qui est limitée, si un député d'un parti représentant un parti autre que celui d'un député qui vient de prendre la parole désire prendre la parole, l'usage veut qu'on lui accorde la parole.
Cela ne dénote certes pas un manque de respect et n'indique certes pas que des députés sont plus ou moins égaux que d'autres.> Quoi qu'il en soit, le député d'Edmonton-Est peut poser des questions ou faire des observations.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai pensé qu'il était important de répondre à la question du député d'en face, qui demandait comment le Parti réformiste pouvait soutenir le processus référendaire dans son livre bleu et ses orientations, comment cela est relatif et pourquoi j'ai peut-être une opinion divergente sur cette question, sachant qu'elle a très clairement été posée dans un référendum.
Je tiens à expliquer au député d'en face que le Parti réformiste a également des orientations au sujet des droits des minorités en matière d'enseignement. Voilà où je veux en venir.
Mme Sue Barnes: Monsieur le Président, je saisis mal comment les droits des minorités sont non inclusifs pour le député d'en face. Je songe aux sept religions représentées, comme je le disais plus tôt aujourd'hui à ce député. Les musulmans ne sont pas inclus. Les juifs ne sont pas inclus. Les hindous ne sont pas inclus. Même les athées ne sont pas inclus.
La situation revient à choisir quelles minorités on veut représenter. Le Parlement n'est pas en mesure de dire qu'il faut des garanties pour tout le monde. Nous ne possédons pas les pouvoirs en matière de taxation ou en matière de financement public visant les niveaux scolaires primaire et secondaire des provinces. L'éducation relève strictement des provinces.
Il s'agit de reconnaître la volonté des habitants de Terre-Neuve, leur volonté exprimée en réponse à une question très claire, qui a recueilli une majorité de 73 p. 100 dans cette province et le consentement unanime de l'assemblée législative de la province. Maintenant ils s'adressent à nous en invoquant un article de notre Constitution qui permet de procéder à cette modification de façon bilatérale. Il n'y a pas d'effet comparable sur une autre province.
Il importe que mes électeurs de l'Ontario comprennent. Je réponds au député d'en face en disant que je pense qu'il choisit ses droits de minorités en en excluant d'autres.
M. Rey D. Pagtakhan: Ai-je le consentement unanime pour poser une question?
Le président suppléant (M. McClelland): L'honorable secrétaire parlementaire du premier ministre a demandé le consentement unanime pour poser une question. Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
M. Rey D. Pagtakhan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de son consentement unanime.
J'aimerais vous renvoyer au rapport dont nous sommes saisis, où M. David Schneiderman, directeur exécutif du Centre for Constitutional Studies de l'université de l'Alberta a déclaré devant le comité, auquel siégeait le député qui vient de soulever cette question, que le consentement des minorités touchées négativement n'était pas toujours obligatoire pour que l'on puisse procéder à une modification. La chose importante est de savoir que la minorité a été consultée et a participé. Bien sûr, en votant pour ou en votant contre, la minorité touchée se trouve à avoir participé.
Il faut donc se demander si la majorité l'a privée abusivement d'exprimer son consentement en votant contre. J'ai pensé qu'il serait bon de rappeler publiquement ces faits à mes collègues, et je remercie la Chambre de son consentement unanime.
Le président suppléant (M. McClelland): Comme l'observation portait sur ce qu'elle a dit, l'honorable secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national peut y répondre.
Mme Sue Barnes: Monsieur le Président, je pense que j'en ai assez dit, et mon collègue attend impatiemment.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'honneur de participer à ce débat.
Mes collègues ne sont pas sans savoir que j'ai eu l'occasion de coprésider, en compagnie de mon collègue du Sénat, le Comité mixte spécial sur la modification des Conditions de l'union de Terre-Neuve concernant la clause 17. Je suis également ravi d'aborder cette question importante ce soir.
Cette question sur laquelle se sont déjà prononcés les gens que je représente, les électeurs de Humber—St. Barbe—Baie Verte, et les autres habitants de Terre-Neuve et du Labrador, les touche directement.
Le comité mixte spécial a tenu sur cette question un débat très animé. Je suis très content que des députés de tous les partis représentant toutes les régions du pays aient pu y participer. Ce fut pour nous tous une expérience très précieuse.
Nous avons entendu 49 témoins de diverses couches de la société canadienne. Des habitants de Terre-Neuve et du Labrador sont notamment venus nous livrer leur point de vue. J'ai bien aimé découvrir leurs connaissances, leurs compétences et leurs opinions personnelles sur cette question. Mes collègues au sein du comité n'ont pu être que captivés par les témoignages recueillis.
Nous abordons essentiellement une question, la modification de la clause 17, qui a été rendue publique le 31 juillet 1997. Elle était assez directe. La question posée aux habitants de Terre-Neuve et du Labrador, le 2 septembre, se lisait comme suit:
Appuyez-vous la mise sur pied d'un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquenteraient les mêmes écoles où des dispositions seraient prises pour offrir l'enseignement religieux et permettre l'observation des préceptes religieux?
À ce moment-là, le gouvernement avait établi clairement que la nouvelle clause 17, telle que proposée, refléterait clairement et respecterait la position prise par la population face à cette question. À la publication du texte de la nouvelle clause 17, elle se lisait ainsi:
17(1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
C'est très direct. Le paragraphe 2 est ainsi libellé:
Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
Et voici le paragraphe 3:
L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.
La nouvelle clause 17 est aussi claire et directe que la question elle-même. En tant que Terre-Neuvien qui a connu le système d'éducation à titre d'étudiant et qui a par la suite participé à la réforme de ce système, d'abord à titre de citoyen, puis de parlementaire, je supplie mes collègues au Parlement de bien vouloir respecter les voeux des gens de Terre-Neuve et du Labrador et d'adopter cet amendement sans précipitation.
Le débat dure depuis des décennies. Nous avons incité les gens à s'exprimer et à appuyer un nouveau système d'éducation. C'est exactement avec ce bagage que les gens sont allés voter le 2 septembre. Par suite d'un débat engagé et extrêmement sérieux, nous comprenions la question et nous étions conscients des conséquences. Nous savions ce pour quoi nous votions.
Permettez-moi de citer un leader dans le monde de l'enseignement confessionnel, M. Melvin Regular, un représentant des Pentecôtistes, qui a déclaré le 11 août 1997 que la clarté de la question facilitait la tâche aux gens. Le pasteur Clarence Buckle, un Pentecôtiste lui aussi, a déclaré pour sa part:
Nous croyons que si les gens abordent la question de front, et comme nous l'avons dit, la question est claire, ils verront que le problème touche tous les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador. Voulons-nous envisager la possibilité d'avoir dans la province un seul système scolaire dans lequel nous ne pourrons pas fournir un enseignement religieux, avoir des activités religieuses et pratiquer notre religion comme nous l'avons fait dans le passé?
En tant que député, en tant que citoyen de Terre-Neuve et du Labrador et en tant que personne qui comprend très bien le système d'enseignement dans cette province, je pense que cela montre clairement que nous comprenions bien les deux côtés de la question. Nous étions conscients de ses conséquences. Nous comprenions exactement ce qu'on nous demandait et nous nous sommes prononcés dans une proportion de 73 p. 100 en faveur de cette modification.
Je tiens à dire clairement à ceux qui affirment aujourd'hui que nous ne comprenions pas la question qu'on nous posait, qu'elle n'était pas simple, mais alambiquée, qu'ils ont tort de penser que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador ne comprennent pas le processus démocratique. Je crois fermement qu'ils le comprennent très bien, que nous sommes conscients des conséquences de nos actions, que nous agissons de notre plein gré et que nous faisons clairement connaître notre position dans un esprit de démocratie.
Ceux qui laissent entendre que nous ne contrôlons pas et ne pouvons pas contrôler notre propre destin ont tout à fait tort, car les habitants de Terre-Neuve et du Labrador vont participer à la vie économique de notre merveilleux pays en tant que citoyens égaux et à part entière.
J'invite simplement les réformistes et leurs serviteurs, les députés qui laissent entendre que la question n'était pas claire, à revenir sur leur livre bleu et à réévaluer la citation que je vais vous faire:
Le Parti réformiste soutient le remplacement des différents modes de révision de la Constitution actuels par un mode de révision selon lequel le pouvoir de ratification du Parlement et des législatures provinciales sera délégué à la population, qui l'exercera dans le cadre de référendums exécutoires.
Le vote sur cette modification serait enfin l'occasion pour les réformistes de prouver qu'ils pensent vraiment ce qu'ils disent.
Par une très grande majorité, les électeurs de Terre-Neuve et du Labrador ont appuyé les modifications proposées à la clause 17 dans le cadre d'un processus référendaire conforme aux exigences de la loi sur les élections. Qui plus est, le comité a entendu des témoins qui lui ont confirmé que la question était claire, simple, ce qui n'a jamais été mis en doute lors du référendum.
On nous a également confirmé que l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador avait été unanime à réclamer l'adoption de cette modification en vertu de l'article 43 et conformément à l'application régulière de la loi, comme le prévoit notre Constitution.
Il y a une formule en place. Elle exige le consentement de l'assemblée législative provinciale et le consentement du Parlement. Je crois fermement qu'il y a tout lieu de respecter la Constitution. C'est un document qui évolue. Elle évolue au gré des aspirations et des idéaux de la population qu'elle est censée protéger.
Voilà des décennies que l'on discute de la nécessité de s'engager dans un processus de réforme fondamentale du système scolaire de notre province, réforme que nous appelons de tous nos voeux.
Certains d'entre nous ont laissé entendre que les électeurs de Terre-Neuve et du Labrador avaient tort de réclamer cette modification parce qu'elle ne leur plaît pas et qu'elle est contraire aux valeurs dans lesquelles ils croient à titre de parlementaires.
Je puis assurer aux députés de la Chambre que cette question concerne exclusivement la population de Terre-Neuve et du Labrador. Elle sous-tend les principes d'enseignement qui nous tiennent à coeur à nous, gens de Terre-Neuve et du Labrador. C'est un principe qui ne dépend pas seulement des députés de la Chambre et de l'Assemblée législative, mais qui concerne ceux-là même qui ont affaire au système scolaire, les enfants. C'est ce que nous ont dit les enfants avec tant d'éloquence et de force.
Ceux qui font maintenant partie du système scolaire nous ont dit qu'à leur avis, il devrait y avoir une instruction religieuse non confessionnelle. Ils nous ont dit que, en tant qu'habitants de Terre-Neuve et du Labrador, ils étaient des gens spirituels. Ils se rendent compte aussi de l'importance d'une formation à toutes les religions. C'était une chose très noble à dire. Ils ont confiance dans leur propre foi confessionnelle.
Ils ont confiance dans leur propre capacité de guider leur croissance et leur développement spirituels. Terre-Neuve et le Labrador, c'est tout ça: la confiance, la fierté et la satisfaction de participer à la démocratie en tant qu'égaux à part entière, sans qu'on ne vienne nous dire que nous ne réfléchissons pas au processus et à ses conséquences et que d'autres devraient le faire pour nous.
Je rejette catégoriquement cette idée.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, le député a utilisé des pourcentages. J'ai travaillé dans ce domaine pendant des années, en fait toute ma vie. Si un référendum devait avoir lieu aujourd'hui dans la circonscription que je représente, plus de 73 p. 100 des électeurs se prononceraient en faveur d'un seul système scolaire. Cela voudrait dire que je devrais dire aux habitants de Weyburn, d'Estevan et de Radville qui ont toujours connu un système scolaire privé qu'ils doivent y renoncer parce que 73 p. 100 des gens en ont décidé ainsi.
Je comprends et j'apprécie ce que le député et d'autres ont dit, mais ne me demandez pas de faire dans la province de Saskatchewan ce que vous êtes en train de faire à la Chambre...
Le président suppléant (M. McClelland): Je rappelle aux députés de bien vouloir s'adresser les uns aux autres par l'entremise de la présidence.
M. Gerry Byrne: Monsieur le Président, nous commençons à nous rapprocher de l'essentiel. Il s'agit de Terre-Neuve et du Labrador. Il ne s'agit pas de la Saskatchewan, du Manitoba ou du Nouveau-Brunswick. Il s'agit de Terre-Neuve et du Labrador.
Le président de la Home and School Federation de la province l'a énoncé on ne peut plus clairement: «Nous savions pour quoi nous votions. C'est ce que nous voulions».
Nous avons entendu les doctes témoignages d'autres organismes et d'autres institutions à l'échelle de la province. Ces témoins nous ont dit que c'était ce que eux, Terre-neuviens et Labradoriens, voulaient. M. Steve Wolinetz, directeur de la Home and School Federation, nous a dit: «Nous sommes un peuple religieux. Un peuple spirituel. Nous comprenions catégoriquement ce pourquoi nous avons voté. Penser ou croire que la même chose devrait arriver dans les autres provinces est fondamentalement erroné. C'est ce qui devrait se passer à Terre-Neuve et au Labrador.» Il n'est dit nulle part que les autres provinces devraient faire de même.
Si quelqu'un nous arrivait d'une autre assemblée législative, d'une autre province, sur une autre question, avec un consentement unanime, je pense que nous, en tant que parlementaires, serions quand même obligés de vérifier. Nous serions quand même obligés de vérifier si l'ensemble de la population de cette province est d'accord.
C'est exactement ce dont il s'agit ici. Il y a eu consentement unanime de l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador. Les députés, quelle que soit leur religion, qu'ils aient eu une opinion ou non, ont tous voté en faveur de la modification. En tout, 47 des 48 circonscriptions de la province de Terre-Neuve et du Labrador ont voté en faveur de cette modification. Il s'agit donc d'un cas particulier à cette province.
M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire a été coprésident du comité mixte spécial. Nous avons beaucoup entendu discuter de la question des droits des minorités dans le passé et de nouveau aujourd'hui. En tant que Terre-Neuvien, pourrait-il nous dire qui, dans le débat actuel sur les droits confessionnels, est la minorité et qui est la majorité?
M. Gerry Byrne: Monsieur le Président, je me fonderai sur mon expérience en tant que Terre-Neuvien et Labradorien qui est très fier de sa province.
Il n'y a pas de majorité dans la province de Terre-Neuve et du Labrador. Les sept groupes confessionnels qui possèdent présentement les droits confessionnels garantis à la clause 17 constituent 95 p. 100 de la population de la province. Les 5 p. 100 de la population qui constituent les autres groupes confessionnels n'ont pas de droits confessionnels.
Il s'agit d'une question cruciale et très importante. Les droits de la majorité vont-ils l'emporter sur ceux de la minorité? Cette dernière va-t-elle subir un préjudice? C'est ce que le comité s'est si bien employé à faire dire aux témoins. Ce sont les témoignages que nous avons recueillis.
Je suis intimement convaincu que la proposition permettra aux Terre-Neuviens de toutes confessions, pour la première fois depuis l'entrée de leur province dans la Confédération, d'avoir accès à un enseignement religieux non confessionnel. Aucun groupe confessionnel majoritaire ne pourra dominer une minorité. Il s'agit là d'un principe cher à la population de Terre-Neuve et du Labrador.
M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Monsieur le Président, j'aimerais commenter brièvement cette question cruciale pour Terre-Neuve et le Labrador.
Il reste peu à ajouter car tout a été dit aujourd'hui, et répété à maintes reprises auparavant, en cette Chambre. En ma qualité de citoyen de Terre-Neuve et du Labrador je réfléchis à cette question depuis des années. J'enseignais avant d'entrer dans la vie publique en 1982.
J'ai débattu de cette question à la Chambre d'assemblé, l'assemblée législative de Terre-Neuve, il y a quelques années, lorsque le premier ministre Wells et son administration ont voulu procéder à la réforme de l'éducation dans notre province. Ils ont réussi dans une certaine mesure. Mais le premier ministre Wells et son administration ont cherché des compromis. Ils ont tenté de conclure, avec les Églises, un accord réalisable, toutefois nous avons constaté par la suite que la solution adoptée n'était pas du tout réalisable.
Le vote du référendum du 2 septembre 1997 a témoigné d'une certaine frustration chez les gens de Terre-Neuve et du Labrador. Ils voulaient régler cette question. Le vote, favorable à 73 p. 100, reflétait très certainement cette frustration. Ils pensaient avoir déjà réglé le problème en 1995, alors qu'ils avaient voté oui à 54,4 p. 100. Ils croyaient le dossier clos et pensaient que nous allions enfin procéder à la réforme de l'éducation dans la province.
Les gens de Terre-Neuve et du Labrador veulent améliorer la qualité de l'enseignement donné à l'intérieur des quatre murs des classes. Voilà ce que vise la réforme de l'éducation à Terre-Neuve et au Labrador. Ce n'est absolument pas une guerre de territoires ou de pouvoirs. Pour le Terre-Neuvien ordinaire, la réforme du système scolaire vise à améliorer la qualité de l'enseignement prodigué dans les classes de Terre-Neuve et du Labrador.
Plusieurs députés qui ont parlé aujourd'hui ont mentionné la qualité de l'enseignement. Certains ont laissé entendre que nous nous classons troisièmes au pays à ce titre. Tant que nous ne serons pas les premiers et tant que nous n'aurons pas fait de notre mieux, nous devrons continuer à améliorer la qualité de l'enseignement.
Terre-Neuve et le Labrador ont connu de grands changements au cours des 10 ou 12 dernières années. Il y a eu d'importants déplacements de population, des changements démographiques. Beaucoup d'habitants ont quitté la province. Le rapport élèves-enseignant a changé. Notre population scolaire a diminué pour un certain nombre de raisons. L'une de ces raisons est la migration vers l'extérieur, l'autre est la baisse du taux de natalité.
Notre population scolaire a tellement diminué au cours des dix dernières années que cela a créé un environnement différent. Il y a des situations où il y a si peu d'élèves dans certaines écoles que celles-ci ne peuvent pas offrir tous les programmes que les élèves devraient suivre pour pouvoir faire des études postsecondaires et poursuivre certaines carrières. Essentiellement, dans bien des cas, les choix qu'ont les élèves en matière d'études postsecondaires sont très limités par les cours offerts dans leur école. Voilà où nous en sommes dans notre province, et c'est pourquoi les habitants de Terre-Neuve et du Labrador veulent une réforme du système scolaire.
Certains se sont demandé si le taux de participation de 53 p. 100 au dernier référendum était suffisant. C'était démocratique. Les gens ont eu la possibilité de se prononcer sur la question. Le texte était très clair. J'ai mis du temps à me faire une idée. Les gens ont essayé de m'influencer d'un côté comme de l'autre, de me faire pencher du côté du oui ou du côté du non. Je leur ai dit que je ne prendrais pas de décision tant que je n'aurais pas vu le texte de la modification. Et je n'ai pas pris de décision tant que je n'ai pas vu le texte et tant que je ne me suis pas senti à l'aise à l'égard de ce texte. Et, lorsque je l'ai enfin vu, j'ai trouvé que le libellé était clair et j'ai décidé que je l'appuierais et que je voterais oui.
Comme je l'ai déjà dit, si, le 2 juin, le taux de participation aux élections générales fédérales avait été de 20 p. 100 et que 11 p. 100 des électeurs avaient voté pour moi, j'aurais été très satisfait de ces 11 p. 100. Je n'aurais rien trouvé à redire à cela. Si j'étais prêt à accepter ce genre de vote le 2 juin, comment puis-je remettre en question la décision prise par les 73 p. 100 d'habitants de Terre-Neuve et du Labrador qui ont voté oui le 2 septembre?
La circonscription fédérale de Burin—St. George's regroupe six districts provinciaux et une partie d'un autre district dans cette belle région géographique qui couvre toute la côte sud de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Plus de 70 p. 100 des habitants de cette circonscription ont voté oui. Tous les députés provinciaux représentant cette circonscription à l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador ont voté oui. Comment peut-on s'attendre à ce que je vote différemment ici demain?
Je comprends que les gens ont des opinions différentes, qu'ils ont grandi dans des circonstances différentes, etc. Je comprends tout cela et je respecte tout ce qui s'est dit ici aujourd'hui et tout ce qui se dira plus tard ce soir. Mais le message est clair. Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador veulent que le Parlement règle cette question d'une manière qu'ils perçoivent comme étant positive, c'est-à-dire en votant oui. Qu'on ne se méprenne pas sur ce que veulent les habitants de cette province. Ils veulent que cette question soit réglée. Cela dure depuis huit ou neuf ans. Nous pensions que c'était terminé, mais il n'en était rien.
Le premier ministre Wells a parlé de cette question en décembre 1992 à l'assemblée législative. Tous les chefs religieux de la province étaient à la tribune du Président. Je m'en souviens très bien. À cette époque, le premier ministre Wells pensait que l'on pourrait dégager un consensus, s'entendre sur cette question. Il pensait avoir réussi, mais nous savons ce qui s'est produit depuis.
À mon avis la question est de savoir qui gouverne. Est-ce le gouvernement élu qui gouverne la province de Terre-Neuve et du Labrador? Le gouvernement de Terre-Neuve est rendu inefficace. Il est ligoté. Il ne peut pas prendre de décisions sur le système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador, alors qu'il a été élu pour cela.
Si j'étais premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador ou membre du gouvernement de cette province, j'aurais fait exactement ce qu'a fait le premier ministre Tobin et son gouvernement. La vérité claire et nette c'est que le gouvernement n'est pas en mesure d'administrer le système scolaire. Il n'est pas en mesure de gouverner. Il n'est pas en mesure de prendre des décisions parce qu'à chaque fois qu'il essaie, il fait l'objet de contestations devant les tribunaux. Il est donc impossible de faire des progrès en matière d'éducation.
Nous l'avons vu l'année passée lorsque des écoles devaient être fermées et que des enseignants devaient être réaffectés ailleurs dans la province. Puis, il a fallu revenir sur cette décision et nous avons été obligés de rouvrir des écoles. La situation est devenue un cauchemar à Terre-Neuve et au Labrador, au cours des huit ou neuf dernières années, lorsque nous tentions de trouver une solution logique, de savoir où nous allions et de procéder à une réforme de l'enseignement au profit des gens pour lesquels nous aurions dû débattre la question tout au long de ces années, les étudiants de Terre-Neuve et du Labrador.
Le débat a déraillé. Il ne portait pas sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement dans toutes les écoles de Terre-Neuve et du Labrador. On a perdu de vue cette question. On la mentionnait rarement. Elle a dégénéré en guerres de territoire. J'estime très fortement que le gouvernement n'avait d'autre choix que de s'en occuper. Dans le cadre du processus, le gouvernement a consulté la population pour la deuxième fois.
N'oublions pas que c'était la deuxième fois qu'une majorité d'habitants de Terre-Neuve et du Labrador votait en faveur d'une réforme de l'enseignement, et cette fois-ci par une majorité écrasante. Les gens ont donc donné leur bénédiction à cette réforme et à cette question. Je ne veux pas insister sur ce point aujourd'hui et en parler pendant tout le temps qui m'est alloué. Je tiens simplement à dire aux députés présents que je respecte toutes leurs opinions et la façon dont ils voteront tous.
Il est intéressant de noter que, dans chacun des caucus de tous les partis représentés à la Chambre, des députés voteront oui et d'autres non. Cela nous en dit long sur tout ce processus. Cela nous confirme que les députés prennent ces questions au sérieux. C'est très bien et j'en suis fier. Je suis fier de siéger à la Chambre et au Parlement, qui est si démocratique et rempli de gens qui ont des convictions si fortes. Je le dis très sérieusement ici ce soir. Il est très intéressant pour moi d'être ici et d'être témoin de cela.
Au nom des habitants de Terre-Neuve et du Labrador, notamment des électeurs de Burin—St. George's, je dis que, demain ou quand le vote aura lieu, il ne fait aucun doute que je voterai oui.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de son discours éloquent sur la question et de son appui. Il nous a donné l'assurance que la question était très claire pour les Terre-Neuviens et il nous a expliqué que le gouvernement fédéral doit reconnaître dûment l'administration par une province d'un secteur de compétence provinciale exclusive.
J'ai seulement une chose à demander au député. Les sénateurs de l'opposition progressiste conservatrice qui ont fait partie du comité se sont dissociés du rapport et de ses recommandations. Grâce à ses dons de persuasion, le député pourrait peut-être convaincre les membres du caucus conservateur au Sénat. Comme il fait partie du même caucus, le député pourrait peut-être s'engager aujourd'hui à déployer tous les efforts possibles pour obtenir aussi l'appui des représentants conservateurs à l'autre endroit.
Le président suppléant (M. McClelland): Avant que je cède la parole au député de Burin—St. George's, je vous annonce que trois autres députés ont signalé leur intention d'intervenir.
Il s'agit, dans l'ordre, du député de Calgary-Sud-Est, du député de Broadview—Greenwood puis du député d'Edmonton-Est. Si les observations sont succinctes et directes, ils pourront tous prendre la parole.
Le député de Burin—St. George's peut maintenant répondre.
M. Bill Matthews: Monsieur le Président, je ne suis pas certain de vouloir répondre à cette question; le député m'a toutefois fait une suggestion, et je ferai de mon mieux.
Je vais effectivement user de mes pouvoirs de persuasion pour convaincre l'autre endroit d'approuver cette résolution sans tarder.
J'ai dit dès le début, lorsque j'ai expliqué publiquement ma position sur la question, que je ne m'associerais à aucune tactique ni à aucun groupe ou organisme qui tentera de retarder ou d'empêcher l'adoption de cette résolution et je maintiens ma position ce soir.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je félicite le député parce qu'il a fait de bonnes observations ainsi que les députés d'autres coins du pays parce qu'ils ont participé au débat avec sérieux. Cette question touche la Constitution et je crois qu'il est de bon aloi que tous législateurs s'y intéressent, peu importe qu'ils y soient favorables ou non.
La question que j'adresse au député a trait à l'opinion publique à Terre-Neuve. Le député a mentionné que les gens en ont assez du débat qui dure depuis neuf longues années et qu'ils voudraient en finir. Se pourrait-il que certains aient voté oui au référendum tenu plus tôt cette année, afin d'en finir avec cette question? Cette fatigue aurait-elle pu les motiver davantage que la perspective de conséquences à long terme? En d'autres termes, le résultat du référendum était-il, du moins en partie, attribuable à l'anxiété de la population et de sa volonté d'en finir, sans s'imposer une longue réflexion sur les répercussions d'un oui?
M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Monsieur le Président, je ne voudrais nullement diminuer la compréhension que les gens de Terre-Neuve et du Labrador avaient de ce dossier. Ils le connaissaient parfaitement. Bien sûr, ils le connaissaient mieux que n'importe qui au Canada, parce qu'ils sont aux prises avec le problème. Ils en parlent depuis huit ou neuf ans.
Honnêtement, je dirais que certains ont dû voter oui au référendum parce qu'ils se sentaient frustrés. Ils pensaient que la question avait été réglée en 1995, puis ils ont appris que ce n'était pas le cas et qu'il fallait encore traiter de la question.
Je serai honnête et je dirai oui, des gens de Terre-Neuve et du Labrador ont voté oui par frustration. Ils voulaient que la question soit réglée. Ils voulaient que la réforme du système d'éducation à Terre-Neuve et au Labrador aille de l'avant et, naturellement, je crois que certains ont pu se sentir frustrés.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu la chance d'étudier chez les Basiliens pendant une partie de mon cours secondaire et à l'université. Ces prêtres ont établi des institutions d'enseignement partout au Canada. Ils ont toujours cru que l'enseignement ne s'arrêtait pas aux connaissances pratiques et qu'il devait viser le perfectionnement de tout l'être humain. Ainsi, chaque jour commençait par une prière ou une visite à la chapelle. On disait une prière avant de jouer au football ou au hockey. C'était une immersion totale dans le catholicisme.
Le député de Burin—St. George's n'est-il pas un peu inquiet de voir cette responsabilité complètement transférée à l'État?
M. Bill Matthews: Monsieur le Président, je comprends les observations et les préoccupations du député.
Encore une fois, j'avoue franchement que j'ai effectivement des réserves à cet égard. Nous parlons ici d'une question très importante. Ce qui est en jeu à mes yeux, c'est la qualité de l'enseignement à Terre-Neuve et au Labrador. Nous vivons des temps très durs au plan économique. Nous connaissons des changements démographiques importants, un exode et d'autres choses du genre. Il faut peser le pour et le contre avant d'en arriver à une décision.
L'éducation est un processus permanent qui occupe tous les instants de notre vie éveillée. Certaines des choses dont parle le député, tels la prière et d'autres rites, peuvent certes se faire à l'extérieur de l'école. Je suis persuadé que cela va continuer.
Si les parents le demandent, l'observance d'une religion sera permise à l'école. Elle ne peut pas être refusée.
Je ne sais pas si j'ai répondu à la question du député, mais je dirai que j'ai effectivement des réserves à cet égard. Encore là, la formulation est très claire: on prévoit un enseignement religieux à l'école, mais celui-ci ne vise pas une religion en particulier.
Cela ne m'inquiète manifestement pas autant que le député.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, je veux présenter des observations. Comme tout le monde, je suis persuadé que le gouvernement de Terre-Neuve mène ses affaires de façon démocratique. Il a tenu deux référendums, dont un qui a été remporté à 73 p. 100. Je crois que c'est là un message puissant.
Je veux renvoyer le député à une autre décision démocratique survenue en 1987. C'est cette année-là que le premier ministre de Terre-Neuve, l'Assemblée législative de Terre-Neuve a constitutionnalisé en permanence, a constitutionnalisé pour toujours les droits des pentecôtistes.
Je veux connaître le sentiment du député. Croit-il que ces droits sont précisément constitutionnalisés, comme semblait vouloir le faire le premier ministre Pickford, et si cela pourrait changer puisque les sondages montrent que 30 p. 100 seulement des pentecôtistes veulent qu'on modifie leurs droits?
M. Bill Matthews: Monsieur le Président, encore une fois, il est très difficile de répondre. Oui, en 1987, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a amorcé un changement constitutionnel qui comprenait les Assemblées de la Pentecôte. Il n'y a pas de doute là-dessus.
Nous sommes dix ans plus tard. Je suppose que si l'on pouvait prévoir dix ans à l'avance quelle serait la situation relativement à une question donnée, beaucoup de problèmes et beaucoup de décisions difficiles pourraient être évitées dans notre pays et à Terre-Neuve et au Labrador.
Si le gouvernement de l'époque a jugé en 1987 qu'il convenait d'inclure les droits des Assemblées de la Pentecôte dans la Constitution canadienne, beaucoup de choses ont changé depuis.
Je le répète, beaucoup de changements se sont produits dans notre province. Nous avons connu des difficultés financières. Le nombre d'élèces a fortement diminué.
Comme il veille aux destinées de la province, le gouvernement doit prendre des décisions. Si les gens n'aiment pas les décisions qu'il prend, ils n'ont pas qu'à s'exprimer au prochain scrutin.
Tout ce que je peux dire, c'est que les temps ont bien changé depuis dix ans à Terre-Neuve et au Labrador et qu'ils changeront encore d'ici l'an 2007.
Peut-être que nous reviendrons à la disposition actuelle en 2007, qui sait? Si je pouvais voir si loin dans une boule de cristal...
Le président suppléant (M. McClelland): La parole est au secrétaire parlementaire pour poser une courte question en trente secondes, et le député aura ensuite également trente secondes pour y répondre.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, la question du député réformiste m'a inspiré une autre question. Étant donné que les constitutions, selon le Parti réformiste, devraient être immuables, devrions-nous avoir un Sénat qui serait impossible à modifier et rejeter les modifications proposées à l'article 43, comme le Parti réformiste l'a proposé?
M. Bill Matthews: Monsieur le Président, je ne veux pas être entraîné dans un débat entre le député et les réformistes. C'est à eux qu'il appartient de s'entendre ou de ne pas s'entendre.
Les choses évoluent constamment. Qui sait quelle sera la situation au Canada dans dix ans? Qui sait ce qui arrivera à la population de Terre-Neuve et du Labrador, combien nous aurons d'élèves, dans quelle situation économique sera la province avec l'exploitation gazière et pétrolière, Voisey's Bay et le reste? Il est très difficile de répondre à certaines de ces questions.
Je sais que c'est pour cela que les députés les posent. Ils savent qu'il est très difficile d'y répondre.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai le temps dont je dispose avec le ministre des Anciens combattants.
Le débat est très intéressant parce nous voyons les résultats de certaines des politiques préconisées par les réformistes, mais aussi par beaucoup d'autres personnes dans différentes régions du Canada. On ne devrait jamais poser une question si on n'est pas prêt à respecter la réponse.
Je ne prétends pas dire à la population de Terre-Neuve et du Labrador comment elle devrait gérer son système scolaire. Évidemment, en tant que parlementaires et que Canadiens, nous nous soucions de la qualité de l'éducation partout au Canada; cela nous préoccupe tous. Il est clair qu'il s'agit ici d'une question d'administration.
La première fois que j'ai été élu, c'était à l'assemblée législative de l'Ontario, en 1987, et j'ai été nommé vice-président du comité restreint sur l'éducation. J'ai un peu un sentiment de déjà-vu. Il semble que peu importe à quel palier de gouvernement on se trouve, l'éducation revient toujours sur le tapis. C'est une question tout à fait politique.
On se préoccupe du fait que, trop souvent, nous déracinons l'arbre du système d'éducation pour l'examiner, sans le laisser planté et le laisser pousser. Cela a beaucoup à voir avec la pédagogie, avec la qualité de l'enseignement en classe, mais infiniment moins avec la gestion publique.
Les gens de Terre-Neuve ont répondu à la question. J'ai trouvé fascinant d'entendre le député d'une circonscription de la Saskatchewan dire qu'il ne voudrait pas avoir à s'appuyer sur un résultat de plus de 70 p. 100 des voix en faveur d'un système dans sa province pour aller dire aux membres d'une certaine communauté qu'ils ne pourraient plus envoyer leurs enfants dans les écoles de leur choix. Par conséquent, il ne faudrait pas tenir compte de la décision fondée sur le référendum qui aurait eu lieu en Saskatchewan. Voilà clairement un des problèmes qui se pose quand nous pensons que nous pouvons tout simplement gouverner par référendum sur des questions tranchées par oui ou non.
Je me rappelle un merveilleux discours prononcé par un député à l'assemblée législative ontarienne. Le débat portait sur le système d'éducation, et l'orateur représentait la circonscription de Simcoe. Je tairai son nom, pour son propre bien. Il a dit: «J'ai effectué un sondage dans ma circonscription sur cette question, et 50 p. 100 de mes électeurs sont favorables à cet amendement et 50 p. 100 sont contre; je vais donc voter comme mes électeurs.» Voilà des propos intéressants.
C'est le principe des tensions. C'est pour cela que nous avons été élus ici. C'est un problème très inhabituel sur lequel on peut obtenir une réponse claire à une question. Il faut cependant nous demander si la question était légitime.
J'ai entendu lire la question à la Chambre; elle est très légitime, très claire et très compréhensible. Il y a une chose qui m'impressionne encore plus que les 73 p. 100. J'entends tout le monde dire que les gens ont peut-être voté sous le coup de la crainte, ou peut-être parce qu'ils ne comprenaient pas la question. Il y a eu aussi un faible taux de participation au vote, tout ça. Laissons provisoirement de côté la question du référendum.
Je suis porté à être d'accord avec mes collègues de Terre-Neuve et du Labrador qui ont traité de la question avec passion, mais je crois qu'ils doivent prêter attention à ceci. Les chiffres qui me frappent le plus, ce sont les résultats du vote à l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Cette assemblée compte 48 députés. De ce nombre, 35 sont libéraux. C'est une nette majorité. Onze sont progressistes-conservateurs, un est néo-démocrate et un est indépendant.
J'ai siégé pendant cinq ans comme député d'opposition dans une assemblée législative. Les députés de l'opposition vont comprendre. Quand il est possible de voter contre le gouvernement sur une mesure avec la certitude qu'elle sera quand même adoptée, on a le loisir, pour des raisons politiques, de s'opposer au gouvernement. À Dieu ne plaise qu'on vote jamais ici pour des raisons semblables. Les libéraux avaient une forte majorité.
Les conservateurs ont-ils réagi de la sorte? Les 11 députés conservateurs ont appuyé le gouvernement. Et les néo-démocrates? C'est évidemment un parti qui a une tradition d'opposition, qui comprend ce que c'est que de s'opposer et qui est souvent d'humeur à s'opposer. Ce parti a appuyé la modification. Et l'indépendant? Je ne connais pas ce député. Nous avons un indépendant ici. On peut être porté à penser qu'un député vraiment indépendant, qui est élu comme tel, a bien peu de raisons, du moins il me semble, pour voter en faveur d'un gouvernement majoritaire.
J'ai l'impression qu'un indépendant est porté à s'opposer, qu'il se sent l'obligation de s'écarter de l'opinion majoritaire du gouvernement. Est-ce que le député indépendant à l'Assemblée législative de Terre-Neuve a agi dans cet esprit? Non, il a appuyé le gouvernement.
Le fait que la totalité des représentants élus aient appuyé la proposition révèle quelque chose d'important. Le débat a eu lieu. Nous savons qu'une commission royale a recommandé cette modification dès 1992.
Terre-Neuve est une région magnifique de notre beau pays. Un des grands avantages de Terre-Neuve, selon moi, est qu'en dépit de son immensité géographique, l'on peut sans doute parvenir à parler à tout le monde dans la province.
Je représente une circonscription de 140 000 habitants. D'ici à la prochaine élection, il se pourrait que la moitié soient de nouveaux arrivés. C'est un milieu en effervescence. Ayant vécu des séjours agréables à St. John's, à Terre-Neuve, je dirais qu'il est facile de communiquer lorsque l'on représente cette partie du pays. Il y a sans doute moyen, si vous y tenez vraiment—et je le dis avec beaucoup d'amour pour Terre-Neuve et le Labrador—, d'appeler tout le monde à l'intérieur d'une période de temps raisonnable et de s'entretenir avec eux. Il y aurait moyen pour les gens d'exprimer leur opinion.
Compte tenu du fait qu'il y a 48 députés à l'assemblée législative qui peuvent procéder ainsi et compte tenu des résultats du vote à l'assemblée législative et des résultats du référendum, nous n'avons pas le droit de nous opposer à une modification constitutionnelle visant cette question.
Cela étant dit, je sais que mes concitoyens à Mississauga s'inquiètent un peu de cette mesure. Ils s'inquiètent un peu de cette brèche que l'on est en train d'ouvrir. Ils s'inquiètent du fait que l'enseignement catholique dans la province d'Ontario pourrait être menacé. Je tiens à ce que vous sachiez que je ne partage pas ces craintes. Notre système d'écoles séparées, dans lequel j'ai fait mes études—je suis allé à l'école primaire Our Lady of Sorrows et j'ai été pensionnaire de l'école St. Jerome à Kitchener, sous la direction des Pères résurrectionnistes—, est profondément enraciné dans notre province.
Tant le système d'écoles séparées que le système d'écoles publiques bénéficient du financement complet de l'État. Je crois que nous n'avons rien à craindre dans le système d'éducation catholique qui existe aujourd'hui dans la province d'Ontario. Nous ne devrions pas craindre qu'un précédent vienne détruire tout cela. Nous devrions appuyer nos frères et nos soeurs, nos amis, nos frères et nos soeurs de l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador. Nous devrions adopter cette modification très historique à notre Constitution.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, la confiance que mon collègue d'en face manifeste en disant qu'une telle mesure n'aura aucune répercussion sur le système d'éducation catholique en Ontario m'impressionne beaucoup. Sur quels faits se fonde-t-il pour être si convaincu qu'une telle chose ne se produira jamais en Ontario?
M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, ayant passé huit ans à l'assemblée législative de l'Ontario, ayant été vice-président du comité spécial sur l'éducation sous le gouvernement de David Peterson, ayant fait partie de l'opposition pendant cinq ans, je n'ai pas l'impression d'avoir à craindre quelque chose dans notre province.
C'est vrai qu'il ne faut jamais dire jamais. Le fait à retenir cependant, c'est que nous avons un système scolaire public et catholique en Ontario qui est très puissant et très solide. Nous mettons cela dans la balance avec le message très clair qui nous vient des habitants de Terre-Neuve et du Labrador. Nous avons un message clair des députés qui représentent ici cette partie du Canada. Nous avons un message très clair des gens qui représentent Terre-Neuve et le Labrador dans leur assemblée législative provinciale. Franchement, je pense...
Le président suppléant (M. McClelland): Il y a au moins deux autres questions et observations. D'abord le député d'Edmonton-Est, puis le secrétaire parlementaire.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, le député d'en face a parlé du vote unanime des législateurs. Avant la tenue du référendum, certains articles de journaux faisaient état de débats au cours desquels des députés avaient déclaré qu'ils voteraient contre la proposition au référendum, mais qu'ils se sentiraient obligés de voter selon la volonté des électeurs à l'assemblée législative. C'est effectivement ce qui s'est passé.
Le hansard de la législature indiquait également que certains députés ont déclaré dans leurs discours qu'ils avaient voté contre la proposition au référendum mais qu'ils s'estimaient maintenant obligés de voter en faveur. Il s'agit des députés qui ont pris la parole à la législature, mais il y en a probablement plus encore. C'est la raison du vote unanime. Le député peut-il nous expliquer la chose?
M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, si c'était dans les journaux, c'est sûrement la vérité.
On ne peut pas voter pour la seule commodité de la chose. On ne peut pas demander la tenue d'un vote sur un sujet, participer au vote, puis le remettre en question. Certains députés vont se prononcer contre une proposition dans leurs discours, mais voteront pour la proposition parce que, en définitive, ils estiment devoir respecter le choix clairement exprimé par la population. Je suis étonné de voir que le Parti réformiste ne veut pas se plier à la volonté populaire.
Nous avons reçu un message et nous devons nous y conformer.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais faire remarquer à la Chambre que j'appartiens à la religion catholique romaine et que j'ai voté d'une certaine façon dans le cadre du référendum. Mais lorsque le moment sera venu de voter sur cette question, je voterai en tant que député à la Chambre des communes qui se prononce au nom de ses électeurs.
À titre d'information, en tant que membre de l'Église catholique romaine, j'ai voté en mon nom personnel pour la modification. En tant que député à la Chambre des communes, je voterai pour la modification parce que c'est ce que me demandent mes électeurs.
Par ailleurs, je ferai remarquer une chose à l'intention des députés qui craignent que cela risque d'avoir des conséquences dans les autres administrations et les autres provinces. Je leur ferai remarquer un simple fait.
En 1987, nous avons ajouté l'Église pentecôtiste à la liste des groupes religieux qui bénéficiaient de droits spéciaux. Nous n'avons pas, de ce fait-même, ajouter d'autres groupes religieux à la liste des autres provinces. Nous n'avons pas ajouté l'Église pentecôtiste à la liste de l'Ontario. Nous ne l'avons pas ajoutée à la liste du Manitoba. Nous ne l'avons pas ajoutée à la liste de l'Alberta...
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Mississauga-Ouest aura le dernier mot.
M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, ce qu'il y a de plus extraordinaire au Canada c'est probablement la diversité de nos régions et de nos provinces et le fait qu'elles sont très différentes à de nombreux égards. Je pense que ce que nous avons là est une modification constitutionnelle pour une région donnée de ce merveilleux pays. C'est une modification que nous pouvons appuyer. La preuve a été faite et c'est avec fierté que je me lèverai et que j'appuierai mes collègues et les habitants de Terre-Neuve et du Labrador.
L'hon. Fred Mifflin (ministre des Anciens combattants et secrétaire d'État (Agence de promotion économique du Canada atlantique), Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de voir que les divergences d'opinion à ce sujet sont nombreuses. C'est une question qui a été débattue à Terre-Neuve pendant des années. Elle a été débattue ici en profondeur le mois dernier.
Je félicite mon collègue de Mississauga-Ouest pour son excellente intervention. Je félicite aussi mon collègue, le secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelle qui a co-présidé le comité mixte de la Chambre et de l'autre endroit pour le rôle de premier plan qu'il a joué.
Ceux qui me connaissent savent que j'ai énormément réfléchi à cette question. J'ai fait part de mes souhaits la dernière fois que nous l'avons examinée. Je parlerai en faveur de l'amendement dont est saisie la Chambre car je pense qu'il est dans l'intérêt des enfants de Terre-Neuve et du Labrador.
Les députés se rappelleront qu'il n'y a pas d'écoles publiques à Terre-Neuve et au Labrador. Notre système d'éducation fait partie de notre histoire, comme c'est le cas dans la plupart des provinces. Nos premières écoles ont été parrainées et promues par les Églises et leur clergé. Ce n'est que beaucoup plus tard dans notre histoire que les gouvernements ont assumé la responsabilité de l'éducation. Même quand des subventions gouvernementales ont été créées, le système terre-neuvien est resté directement et exclusivement administré par les Églises.
Ma ville natale, Bonavista, une localité historique en est un très bon exemple. Depuis cette année, depuis le 500e anniversaire de l'arrivée de John Cabot, elle est connue comme l'endroit où a accosté John Cabot. Bonavista est célèbre pour ça, mais aussi pour une autre chose moins connue.
En 1722, le révérend Henry Jones est venu s'installer à Bonavista, où il a dirigé la construction de la première église de Terre-Neuve. Quatre ans plus tard, il créait la première école de Terre-Neuve dans ma ville natale. C'est là qu'est le lien.
À l'époque de la Confédération, six confessions différentes avaient reçu le droit d'avoir des écoles. Elles ont toujours ce droit. On a d'ailleurs fait remarquer dans le débat précédent qu'une confession avait été ajoutée en 1987.
Aujourd'hui, à Terre-Neuve et au Labrador, il y a quatre systèmes scolaires distincts, avec des conseils qui se chevauchent, dans une province de 575 000 habitants où il y a 110 000 élèves, c'est-à-dire à peu près la taille de Calgary.
La population de Terre-Neuve et du Labrador demande maintenant au Parlement de donner à son assemblée législative le pouvoir de faire des modifications dans le système d'enseignement confessionnel. Ce sera l'effet de la clause 17 modifiée.
On peut dire tout simplement que cela donnerait à l'Assemblée législative le pouvoir de décision en matière d'éducation, au lieu que ce pouvoir soit entre les mains de différentes confessions. Même si le système scolaire confessionnel a été inscrit dans la Constitution en 1949—pour des raisons que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador connaissent bien—la population de la province, par la voix de son gouvernement, veut maintenant un arrangement différent.
Elle estime que des changements doivent être apportés pour le bien de leurs enfants et pour l'avenir de leurs enfants. La décision de faire des modifications n'a pas été prise à la hâte et elle n'est pas non plus arbitraire. Elle est l'aboutissement d'un long processus de négociation et de consultation du public.
Pour résumer brièvement, je dirais qu'il y a six ans le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a institué une commission royale d'enquête sur l'éducation. Il y avait plus de 30 ans qu'une telle étude avait été faite.
Cette Commission était présidée par le Dr Len Williams, un éducateur d'expérience et respecté. La commission a recommandé des changements en profondeur, conçus pour donner aux enfants de Terre-Neuve et du Labrador de plus grandes chances de se préparer à une vie pleine, satisfaisante et productive.
Le gouvernement provincial a décidé de négocier très rapidement des ententes. Ensuite, le premier ministre Wells et plusieurs de ses hauts fonctionnaires ont eu des discussions avec des représentants des différentes confessions religieuses.
Ils n'ont pas pu s'entendre. En fin de compte, il ne restait essentiellement que trois options au gouvernement provincial: abandonner le projet de faire les changements qu'on croyait nécessaires, accepter des changements beaucoup plus superficiels que les autorités religieuses étaient prêtes à accepter ou obtenir qu'une modification constitutionnelle confère des pouvoirs à l'Assemblée législative dans le domaine de l'éducation, comme c'est le cas dans toutes les autres provinces. Le gouvernement a choisi l'option de l'amendement.
Ces changements étaient si importants pour les habitants de Terre-Neuve et du Labrador qu'on a organisé un référendum. Ceux qui ont voté ont appuyé la proposition de réforme du gouvernement avec une majorité de 54,8 p. 100.
Le gouvernement a alors demandé à l'Assemblée législative de décider de la question et tous les députés, sauf le Président, ont voté en faveur de la proposition. Les trois partis ont approuvé la proposition.
En juin 1996, ceux d'entre nous qui étaient ici à l'époque savent que la Chambre a débattu et adopté une résolution modifiant la clause 17, comme l'Assemblée législative de Terre-Neuve l'avait demandé. La résolution a alors été renvoyée au Sénat, qui a formé un comité uniquement sénatorial chargé de tenir des audiences publiques et qui a ensuite adopté la résolution avec un amendement.
Quand la résolution est revenue à la Chambre, les députés ont décidé de ne pas accepter l'amendement du Sénat et ont adopté la résolution concernant la clause 17 pour la deuxième fois en décembre 1996.
Le 3 janvier 1997, l'Assemblée législative de Terre-Neuve adoptait la nouvelle loi sur les écoles mettant en oeuvre le nouveau régime d'éducation conçu dans l'esprit de la nouvelle clause 17 modifiée.
L'amendement de 1996 représentait le compromis auquel on était arrivé après trois ans de discussion avec les comités d'éducation confessionnelle. La tentative d'appliquer ce nouveau compromis a échoué avec l'obtention d'une injonction par les comités catholique et protestant, en juillet 1997.
Le gouvernement provincial a respecté l'injonction, ce qui a fait tomber dans l'oubli les plans pour l'année scolaire 1997-1998. Les députés de Terre-Neuve et du Labrador s'en souviennent certainement avec beaucoup de regrets.
C'est alors que la province a décidé de consulter la population à nouveau et de tenir un référendum le 2 décembre. Elle a posé la question suivante: «Appuyez-vous la mise sur pied d'un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquenteraient les mêmes écoles où des dispositions seraient prises pour offrir l'enseignement religieux et permettre l'observation des préceptes religieux?» Comme nous l'avons déjà entendu à la Chambre, 73 p. 100 de ceux qui ont voté ont répondu oui. Le 5 septembre, la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve a, à l'unanimité, adopté la résolution visant la modification de la clause 17 et décidé de solliciter la résolution dont la Chambre discute ce soir.
Durant les derniers mois, cette question a fait l'objet de nombreuses discussions. Au cours des trois dernières semaines, le comité mixte des deux Chambres a tenu des audiences publiques encore une fois. À la suite de ces audiences, le comité mixte a recommandé que les deux Chambres du Parlement adoptent la résolution visant la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve et du Labrador avec le Canada, dans l'état où elle a été déposée à la Chambre en novembre cette année.
La question a été longuement débattue. Franchement, grâce à ce système, je suis plus que persuadé que la modification est appropriée et opportune. Je n'hésite pas à la recommander au Parlement, comme la précédente. Même si elle différente, je demande aux députés des deux côtés de la Chambre, et aux membres de l'autre endroit, de l'appuyer pour les raisons que j'ai données.
Je crois, comme la plupart de mes collègues, que cette modification améliorera le système d'éducation des enfants de Terre-Neuve et du Labrador.
À mon avis, le raisonnement en faveur de cette modification, demandée par la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve, est convaincant. Tout ce qui peut susciter l'unanimité dans cette Chambre est convaincant. Je parle également en tant que Terre-Neuvien, en tant que Canadien et membre du gouvernement du Canada. Je suis persuadé que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador sera en mesure d'offrir aux enfants de ma province un meilleur enseignement si nous adoptons cette modification.
J'ai, à Terre-Neuve, des membres de ma famille qui vont passer par ce système. C'est une décision très personnelle à laquelle j'ai dû arriver. Chaque fois, j'ai examiné le pour et le contre, et je suis heureux d'avoir entendu à nouveau à la Chambre ce soir les arguments en faveur de cette modification ou contre.
Je suis persuadé des avantages de cette modification. Je suis également certain qu'elle ne menacera pas les droits de tout autre Canadien et qu'elle ne les minera pas. Je suis sûr que son adoption n'exigera pas que le Parlement adopte, à l'avenir, une modification qui changera de façon inacceptable les droits d'autres Canadiens.
Je vais donc me prononcer en faveur de cette mesure pour ces raisons. Je vais le faire parce que je crois que c'est dans l'intérêt des enfants de ma circonscription, Bonavista—Trinity—Conception, ainsi que de Terre-Neuve et du Labrador. Je crois qu'ils méritent le meilleur de ce que le système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador peut leur offrir. Je pense que si on adopte cette modification, elle sera utile à cet égard.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si le député pourrait nous préciser s'il sait quoi que ce soit de la façon dont les députés de l'assemblée législative de Terre-Neuve ont voté sur cette question. Il a dit que le vote a été unanime. Il devrait bien y avoir, parmi ces députés, des gens très religieux et peut-être beaucoup de députés qui avaient des craintes semblables à celles que certains députés ont exprimées aujourd'hui.
Mon vis-à-vis connaît-il les députés de l'assemblée législative de Terre-Neuve? Sait-il ce qui s'est passé? Peut-il nous expliquer pourquoi ils ont voté en faveur de cette modification, même s'ils ont des croyances religieuses bien ancrées?
L'hon. Fred Mifflin: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Oui, je connais la plupart des députés de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Je connais fort bien certains d'entre eux. Certains ont voté d'une façon au référendum, mais après avoir réfléchi, après avoir réexaminé le système et ce qu'il tentait d'accomplir, ils l'ont vu, à mon avis, sous un angle différent. Je sais qu'un député est revenu sur son opinion.
Ceux d'entre nous qui siègent dans les plus hautes cours du pays, qu'elles se trouvent dans les provinces ou à la Chambre, doivent parfois décider s'ils veulent représenter les opinions de leurs électeurs ou les opinions qu'ils estiment devoir exprimer au nom de leurs électeurs. S'ils ont de la chance, ces opinions seront les mêmes. Avec parfois quelques difficultés, elles peuvent être différentes.
Je ne m'attarderai pas sur la réponse, mais si je puis me le permettre, j'estime que, dans le cas de la peine capitale, les députés de la Chambre ont parfois voté selon la volonté de leurs électeurs et, en d'autres occasions, selon leur conscience.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais poser une courte question au député, que j'ai toujours tenu en haute estime et dont je reconnais le profond dévouement pour sa collectivité et son pays.
Étant originaire du centre-ville de Toronto, je considère que ma collectivité est favorisée sur le plan économique. Je me suis rendu dans la province du député à de nombreuses reprises et je connais les graves difficultés économiques qui affligent sa collectivité. Le député pense-t-il que ces graves difficultés économiques et l'absence de ressources financières ont eu quelque chose à voir dans le fait que beaucoup de gens de la minorité n'ont pas appuyé leur système traditionnel?
L'hon. Fred Mifflin: Monsieur le Président, j'ai collaboré avec député de Broadview—Greenwood dans bien des dossiers délicats au fil des années. Je le remercie de la passion dont il fait preuve à ce sujet.
Nous sommes d'accord dans l'ensemble, mais nous ne nous entendons pas sur certaines choses. Je ne sais pas comment il va voter et je ne présumerai de rien, mais je sais que le député a des réserves à cet égard. Comme toujours, je respecte son point de vue là-dessus qu'il défend avec autant de passion qu'il le fait pour la plupart des questions, mais celle-ci encore plus.
Lorsqu'on décide de voter oui ou non sur une question donnée, c'est qu'on a bien des raisons de le faire. Je crois que le résultat écrasant de 73 p. 100—et on ne peut pas contester qu'il s'agit d'une majorité—s'explique surtout du fait que les gens souhaitaient vivement qu'on mette en place une fois pour toutes un système qui s'aligne davantage sur ce qui se faisait dans le reste du Canada, dans le reste de l'Amérique du Nord, en fait. Le système à Terre-Neuve et au Labrador était unique dans toute l'amérique du Nord. Le député n'est pas sans savoir cela.
Les gens étaient tourmentés de devoir se prononcer sur la question de mettre en place une fois pour toutes un système d'éducation qui profiterait aux écoliers de la province. Le système fonctionnerait de façon claire et décisive, ce qui permettrait d'éviter cette grande discussion pendant dix ans avec des référendums et des votes à l'Assemblée...
Le Président suppléant (M. McClelland): Je regrette, mais la période réservée aux questions et aux observations est expirée. Le débat reprend. La parole est au député de North Vancouver.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Kelowna.
Le débat d'aujourd'hui sur la modification de la clause 17 est l'occasion pour certains députés de décider qu'ils voteront selon leur conscience. Le ministre qui a pris la parole avant moi l'a mentionné. Certains députés voteront ainsi même si cela va à l'encontre de la position adoptée par leurs électeurs. Ils disent qu'ils vont voter contre la modification surtout parce qu'il faut protéger les droits des minorités contre la tyrannie de la majorité.
En l'absence de ces députés, il n'y aurait guère eu de débat jusqu'à maintenant. Je les en remercie donc. Mais à la suite de leur prise de position, ils doivent maintenant critiquer le référendum sur la clause 17 et, malheureusement, pour ce faire, ils utilisent des documents ou des opinions qui sont indéfendables et qui proviennent de lettres dont les auteurs ont été déçus des résultats.
Si ces députés avaient pris le temps de communiquer avec le Bureau des élections de Terre-Neuve pour discuter des modalités sur la tenue des référendums, ils auraient découvert, comme moi, que bien des critiques ne sont absolument pas fondées ou qu'elles sont complètement inexactes.
Avant de partager certains renseignements avec les députés, je voudrais tout d'abord rappeler à la Chambre qu'avant la tenue du premier référendum sur la clause 17, sept groupes religieux distincts contrôlaient pratiquement toutes les écoles publiques de la province. Pendant ce temps, des juifs, des musulmans, des baptistes et une foule d'autres groupes religieux moins nombreux, les véritables minorités, étaient privés de tout droit semblable ou de tout accès aux fonds publics.
Les électeurs de Terre-Neuve qui ont comparu devant le comité ont reconnu que cette situation était injuste et ils ont voté en faveur de l'établissement de règles du jeu équitables pour tous les groupes religieux de Terre-Neuve. Dans deux référendums, ils ont rejeté le droit accordé aux termes de la Constitution à sept grandes religions de puiser dans les poches des contribuables tandis que d'autres religions, autrement dit la minorité, n'avaient pas ce droit. À tout le moins, ils ont cru que les changements prévus par la modification de la clause 17 amélioreraient la situation des minorités.
De plus, en ce qui concerne les droits de ces minorités, les deux référendums sur la clause 17 ont amplement permis aux deux côtés d'expliquer comment ils interprétaient les effets des modifications proposées. La question a été discutée à fond dans les familles, dans les restaurants, au travail, à la télévision et au cours d'émissions-débats à la radio. On insulte l'intelligence des électeurs en laissant croire qu'ils ne comprenaient ni la question sur laquelle ils devaient se prononcer ni la façon dont leur vote influerait sur les droits d'une majorité et d'une minorité.
Quant aux critiques voulant qu'il y ait eu seulement 32 jours de campagne, un tel délai est rarement considéré comme étant court pour une campagne référendaire. La dernière campagne électorale au fédéral n'a duré que 37 jours, même s'il était question de changer tout le gouvernement du pays, ainsi que des innombrables questions et décisions complexes que suppose un tel changement. En outre, comme bien d'autres députés l'ont fait remarquer, la question de la clause 17 était discutée depuis de nombreuses années dans la population.
La critique selon laquelle le gouvernement n'a pas fait paraître le texte de la modification avant le 25 août, ou seulement deux jours avant le vote par anticipation, ne change rien à la façon de procéder ou au résultat. En réalité, le vote portait sur la question et non sur le libellé juridique de la modification qui la mettrait en oeuvre. Le gouvernement n'était aucunement tenu de faire connaître ou de publier le libellé exact de la modification à un moment précis et, de toute façon, on peut se demander combien d'électeurs auraient voulu le lire.
À cet égard, la situation se compare à celle qui consiste à poser une question claire aux Québécois dans un nouveau référendum sur la séparation. Il serait impossible d'aboutir à une question claire si l'on devait faire figurer le texte tout entier du projet de loi sur le bulletin de scrutin. Comme je l'ai mentionné, dans la plupart des cas, l'électeur moyen est peu enclin à lire tout ce qui concerne l'aspect strictement juridique de l'exercice.
Pour ce qui est du récent référendum sur la clause 17, le texte de la question a été communiqué le jour même où la tenue du référendum a été annoncée. Le ministre qui a pris la parole avant moi a lu la question pour qu'elle figure au compte rendu, de sorte je n'aurai pas à la répéter. Or, le référendum portait sur cette question et non pas sur le texte même de la modification proposée qui a par la suite été adoptée à la Chambre.
Certains députés ont reçu des lettres de gens se plaignant que le gouvernement de Terre-Neuve avait fait usage des ressources pécuniaires et autres dont il disposait pour mousser sa position lors de la campagne référendaire et que les adversaires ne disposaient pas de telles ressources et auraient dû pouvoir bénéficier de fonds publics pour financer leur cause. Les adversaires ont eu tout le loisir de mettre les ressources dont ils disposaient pour faire la lutte au gouvernement, et ils ne s'en sont pas privés. Il n'y avait pas de limite quant aux dépenses qu'ils pouvaient engager pour faire valoir leur point de vue et ils ont eu recours aux moyens de propagande tout comme le gouvernement.
Le gouvernement de Terre-Neuve a dit qu'il a consacré environ 300 000 $ à la défense de sa position, alors qu'à ma connaissance la partie adverse n'a pas fourni de chiffres à ce sujet. Je ne trouve aucun argument assez convaincant pour me persuader que ceux qui défendent une thèse contraire à celle d'un gouvernement devraient avoir droit à des fonds publics pour financer leur campagne. Si l'on devait approuver l'application généralisée d'une telle mesure, le Canada aurait tôt fait d'être acculé à la faillite et les gouvernements seraient paralysés par les activités menées par des groupes d'intérêts mais financées entièrement à même les deniers publics. En outre, il n'existe aucune preuve, dans quelque administration que se soit qui tient des référendums publics, que le montant d'argent qu'un des camps consacre à sa campagne influe de façon quelque peu significative sur les résultats.
Par exemple, au Canada, lors du référendum sur l'accord de Charlottetown, le camp du oui a dépensé 10 fois plus que le camp gagnant, ce qui ne lui a valu la victoire pour autant. Lors des élections de 1993, la Parti progressiste-conservateur a dépensé à peu près 40 millions de dollars et a disposé d'une quantité phénoménale de temps gratuit dans les médias, mais il n'a réussi qu'à faire élire deux députés. Le Parti réformiste a dépensé une fraction de ce montant, n'a eu que peu de temps d'antenne gratuit, mais a fait élire 52 députés.
À Terre-Neuve, et ceci intéressera les députés, la plainte la plus fréquente qu'a reçue le directeur général des élections au cours des deux référendums n'avait rien à voir avec les dépenses. C'était que trop de bureaux de scrutin se trouvaient sur des propriétés religieuses et que des symboles, des statues et du matériel religieux ont été utilisés dans le but d'influencer le vote.
Certains mécontents du résultat des deux référendums ont prétendu que le gouvernement n'avait pas autorisé la présence de scrutateurs dans des bureaux de scrutin, mais en fait le gouvernement n'a pas le pouvoir de prendre une telle décision. La détermination voulant que les scrutateurs n'étaient pas appropriés a été prise par le directeur général des élections, comme le lui permet la Newfoundland Elections Act.
En l'absence d'organisations clairement identifiées comme favorables au oui et au non, le directeur général a décidé qu'il n'y aurait pas de scrutateurs ni d'un côté ni de l'autre dans les bureaux de scrutin. Il a toutefois prévu la nomination d'un directeur du scrutin, d'un directeur du scrutin adjoint et d'un témoin officiel dans chaque bureau de scrutin. La tâche du témoin officiel était de veiller à la sécurité du scrutin dans tous les bureaux de scrutin et, jusqu'à maintenant, il n'y a pas la moindre preuve de manoeuvres frauduleuses.
Certaines personnes ont critiqué le processus référendaire en disant que seulement 52 p. 100 de la population a voté et que 73 p. 100 de ceux qui ont voté, soit 39 p. 100 seulement des personnes pouvant voter, ont approuvé la question, de sorte que les résultats ne sont pas valables.
En fait, le nombre de personnes ayant voté se situait dans la fourchette normale pour ce genre de scrutin au Canada. L'argument voulant que le résultat du vote ne soit pas valable nous emmène sur une pente savonneuse. Bon nombre de députés qui ont été élus ont recueilli bien moins de 50 p. 100 des voix exprimées. Il n'est pas rare qu'un député se fasse élire avec un peu moins de 40 p. 100.
En 1997, le gouvernement libéral lui-même a reçu le mandat de gouverner notre pays en recueillant moins de 40 p. 100 des voix exprimées, situation qui, de l'avis de bien des gens, a des répercussions beaucoup plus négatives que la modification de la clause 17. Pourtant, elle est acceptée. Je n'ai pas encore entendu un ministériel soutenir que les résultats des élections de 1997 ne sont pas valides, même si la majorité des électeurs ont en fait voté contre les libéraux.
À titre d'ardent partisan des référendums, même ceux qui prennent la forme d'élections, je défends le droit des contribuables et des électeurs de commettre une erreur, de découvrir leur erreur et de tenter de la corriger, si erreur il y a eu, au moyen d'un autre référendum. En bout de ligne, ce genre d'exercice est beaucoup plus productif que l'attitude arrogante et suffisante des dirigeants politiques réellement bien intentionnés, biaisés ou encore mal informés qui tentent d'imposer leur volonté à la population.
Comme l'a fait remarquer le chef du Parti réformiste plus tôt aujourd'hui, les Terre-Neuviens étaient bien conscients que cette question allait au-delà de la réforme de l'éducation et englobait le problème plus aigu de l'abolition, de l'octroi et de l'équilibre des droits de la majorité et des droits des minorités.
Le Parlement doit donc se garder de présumer que le jugement qu'il porte sur ce genre de questions est d'une manière ou d'une autre supérieur au jugement de la population de Terre-Neuve. Respectons l'intelligence des Terre-Neuviens, leur étude des droits de la majorité et des droits des minorités et leur droit de prendre des décisions sur la façon dont leur province doit gérer son système d'éducation. Veillons à ce que la modification qu'ils proposent d'apporter à la clause 17 reçoive l'appui qu'elle mérite de la part de cette Chambre.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les observations du député. Je voudrais lui demander son avis.
J'ai toujours cru que nous devions à la Chambre, au Parlement du Canada, parler au nom de ceux qui ont besoin de se faire entendre, au nom des membres les plus défavorisés de notre société. Dans le cas qui nous intéresse ce soir, nous savons qu'il y a un groupe à Terre-Neuve qui verra ses droits diminués par la modification de la clause 17.
Le député croit-il que nous sommes ici pour parler principalement au nom des privilégiés ou est-il d'avis que nous devrions parfois, même si cela risque de ne pas être populaire, parler au nom de ceux qui sont incapables de se faire entendre?
M. Ted White: Monsieur le Président, le député m'a posé une question dont la réponse n'est pas facile, puisqu'il ne s'est pas servi d'exemples précis autres que la question du référendum à Terre-Neuve.
Je vais faire allusion à un passage que j'ai utilisé dans mon discours. Je crois au droit d'un peuple de faire une erreur. Je crois sincèrement qu'à long terme, c'est là une expérience beaucoup plus enrichissante pour les responsables politiques ainsi que pour les citoyens eux-mêmes. S'ils prennent une décision par le biais d'un référendum, nous devrions être obligés d'y donner suite. Ce sont eux qui paient la note et il est grand temps que nous le reconnaissions. S'il nous appartient de donner suite à leur décision, nous devons faire tout notre possible pour qu'ils soient suffisamment renseignés et pour qu'ils puissent peser le pour et le contre.
Toutefois, au bout du compte, la décision leur appartient, et je défends leur droit de prendre cette décision, et même de me dire de faire quelque chose à laquelle je m'oppose, comme je l'ai fait lorsque j'ai voté pour le projet de loi sur le contrôle des armes à feu pendant la dernière législature. Tout compte fait, j'estime qu'ils s'en rendront compte à un moment donné s'ils ont fait erreur ou non, et s'ils ont fait erreur, ils me demanderont d'apporter les correctifs nécessaires.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de North Vancouver qui est sans doute le défenseur le plus tenace et le plus articulé de la démocratie directe en cet endroit.
Comme lui, je suis beaucoup attaché à la démocratie directe. Je dirais, un peu comme William F. Buckley Junior, que je préférerais être gouverné par le premier millier de personnes énumérées dans l'annuaire téléphonique de St. John's que par le corps professoral de l'Université Memorial.
Cela étant dit, je suis d'avis que dans les dossiers qui touchent les droits, les droits acquis, les droits constitutionnels, il faut parfois relever le seuil d'un cran.
J'aimerais faire quelques observations à propos de deux ou trois des remarques du député. Étant en quelque sorte un étudiant de la démocratie directe et de ses applications partout dans le monde, je trouve curieux que le député ait laissé entendre qu'il n'était pas nécessaire d'associer un texte de loi à la question, dans la mesure où le référendum portait sur la question.
Or, la modification dont nous sommes saisis en est précisément l'issue. Presque toutes les règles de démocratie directe dans le monde stipulent qu'un projet de loi ou un texte de loi doit accompagner la question qui est présentée au peuple, et ce n'est pas ce qui s'est produit ici.
De plus, le député a dénoncé avec raison le financement public des camps dans un référendum. Selon moi, le camp du non n'aurait pas dû bénéficier d'un financement dans ce dossier. Selon moi, le camp du oui aurait dû compter sur ses propres ressources et n'aurait pas dû avoir un accès privilégié aux deniers publics.
Voici ma question pour le député. Pense-t-il qu'il fait avancer la cause de la démocratie directe en défendant ce qui était selon moi des pratiques douteuses dans le cas de ce référendum?
M. Ted White: Ce sont de bonnes questions, monsieur le Président. Nous avons eu bien des discussions en privé sur le sujet et le député sait que j'estime qu'il s'agit là de droits, mais pas de ceux qui ont une portée juridique. C'est un sujet de débat et une question d'opinion, mais je sais que d'autres députés pensent comme moi.
Partout dans le monde, les référendums, particulièrement ceux dont les citoyens sont à l'origine sont rarement accompagnés d'un texte de loi. La proposition 13 en Californie en est un exemple. Nous pouvons aussi nous tourner vers le modèle suisse. On soumet rarement plus que les grandes lignes du texte législatif qui sera finalement adopté.
Je continue de maintenir qu'il est bien d'avoir deux instruments différents. D'après ce que j'ai compris, le gouvernement de Terre-Neuve s'est attelé à la tâche pour aller le plus rapidement possible et il a immédiatement retenu les services de deux avocats. Le projet de loi a été publié le plus rapidement possible. Ce n'était pas obligatoire et je maintiens que le citoyen moyen n'accordait probablement pas tant d'importance au texte de loi qu'à la question elle-même.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat sur la clause 17 et sa modification. Je ne m'arrêterai pas au processus démocratique ou à la légalité de la clause 17 ni à sa modification, mais je m'efforcerai plutôt de démontrer que la modification pourrait bien être contraire à l'intérêt national.
J'aborderai la question sous trois angles. Les dispositions de la modification portent atteinte aux droits des parents d'éduquer leurs enfants, un droit qui leur a été reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948 par les Nations Unies. Cette convention reconnaît aux parents le droit de choisir le type d'éducation qu'ils veulent donner à leurs enfants.
Deuxièmement, le précédent politique que cela crée au Canada pourrait être significatif. Je n'en parlerai pas davantage; je m'en tiendrai à ce que je viens de dire.
Troisièmement, cela crée un grave problème, peut-être une série de problèmes, et interdit peut-être même l'élaboration d'un ensemble commun de valeurs et de principes moraux sous-tendant une forme démocratique de gouvernement.
Pour en revenir au premier de ces points, l'effet préjudiciable quant à la possibilité pour les parents de définir l'éducation de leurs enfants, cela supprime les écoles confessionnelles, mais ces écoles enseignent un ensemble particulier de valeurs et de principes moraux.
Il faut faire une différence bien claire entre les dispositions en faveur d'un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier et les cours qui portent sur les principes spécifiques à une foi. Ce qu'on propose, ce n'est pas un enseignement religieux de genre confessionnel, mais autre chose.
Il faut alors se demander quel genre de cours de religion on va offrir. S'agira-t-il de l'opinion que l'État se fait de ce que devrait être la religion? S'agira-t-il de la présentation d'un menu de valeurs à partir duquel les individus pourront choisir celles qu'ils préfèrent?
Il y a lieu de croire que ce sera probablement la dernière option. Je renvoie à cet égard aux dispositions des programmes d'études de l'Ontario, et plus particulièrement au Programme d'études commun de la 1ère à la 9e année de 1995, un document qui est actuellement en vigueur et dont voici un extrait:
S'adapter à des attitudes en évolution est un processus difficile pour chacun de nous, et cela peut imposer des exigences spéciales aux élèves qui commencent tout juste à acquérir leurs valeurs et à les mettre à l'épreuve. Il est donc important que les écoles et leurs programmes fournissent des lignes directrices claires et un climat de souplesse et de compréhension dans lequel une pensée indépendante puisse s'épanouir et dans lequel les élèves puissent acquérir des valeurs qu'ils considèrent eux-mêmes pertinentes pour la vie qu'ils envisagent. En insistant pour répondre à une variété de besoins, le programme d'études commun fournit la base pour un tel climat.
Deux principes émergent de cet énoncé de principe du programme d'études. Premièrement, les écoles n'enseignent pas des valeurs ou des principes partagés. Elles proposent plutôt un climat de valeurs flexibles, personnelles.
Deuxièmement, les élèves acquièrent les valeurs de leur choix, en fonction de leur propre perception de la pertinence de ces valeurs par rapport à leur vie. Cela est basé sur le principe qu'il n'y a pas de bien ou de mal.
En Ontario, il n'est dit nulle part dans le programme d'études courant qu'il faut apprendre aux élèves de la première à la neuvième année à distinguer le bien du mal. Cela a des conséquences graves, car cela met en cause le coeur même de notre système de justice et la question de la criminalité dans notre société. Il faut apprendre à distinguer le bien du mal, surtout dans les premières années d'études, de la première à la neuvième année.
Beaucoup diront que c'est la famille qui peut le mieux transmettre les valeurs. Je suis d'accord. C'est effectivement le moyen le plus efficace. La difficulté, c'est que, si un famille croit qu'il existe un ensemble de vertus, de préceptes moraux et de valeurs à respecter, elle s'oppose à l'opinion de l'État, selon qui les valeurs ne sont après tout qu'un menu dans lequel on peut choisir librement ce qui convient pour mener la vie qu'on veut. Cette position est défendue par au moins un juge qui siège en ce moment à la Cour suprême du Canada. Ce juge dit carrément qu'il ne doit pas y avoir une conception unique de ce que c'est que vivre bien.
Il est plutôt clair, d'après la position de ce juge, qu'il est inacceptable que des parents inculquent un ensemble particulier de valeurs à leurs enfants. Les ramifications de cette thèse ne se limitent pas à l'éducation. Elle sape aussi les fondements des lois et les principes à partir desquels on peut distinguer une bonne loi d'une mauvaise. Elle élimine également la distinction entre les besoins et les simples envies.
Il n'existe donc pas de désirs qui sont bons ou mauvais. On n'a pas besoin d'apprendre à reconnaître ce qui est un bon ou un mauvais désir.
Terre-Neuve aurait été en mesure d'éviter tout ce problème. Il aurait suffi qu'on laisse aux parents le loisir de décider de verser leurs impôts en fonction du type d'école fréquenté par leurs enfants. Cela aurait permis d'éviter le marasme dans lequel la province se trouve.
Je reconnais que le réseau scolaire de Terre-Neuve était un gâchis. L'organisation et l'administration étaient un casse-tête. Je sais cela depuis bien longtemps avant le début du débat. Il fallait trouver une solution. Et il y en avait une.
Beaucoup de députés ont dit que le gouvernement n'avait pas le choix. C'est dire que le gouvernement n'avait pas d'imagination. Il avait le choix, mais il a choisi de ne pas faire ce choix. C'est ce qu'il a fait. Il a choisi une certaine façon de procéder et a dit qu'il n'avait pas le choix. C'est faux. C'est une déformation de la vérité.
Outre la nécessité d'enseigner ce qui est bien et ce qui est mal dans les écoles, je crois que cette question a aussi des répercussions sur la démocratie elle-même.
Je dirai que l'une des exigences d'une démocratie est qu'on enseigne aux enfants les limites acceptables du comportement humain. Si nous ne connaissons pas ces limites, la démocratie elle-même est en danger.
Je m'inspire ici, dans une certaine mesure, de David Brown, un avocat de Toronto qui se spécialise dans les litiges commerciaux et qui met l'accent particulièrement sur les dispositions constitutionnelles au Canada. Cet homme dit qu'il faut reconnaître qu'une série de valeurs communes est fondamentale à l'existence et au fonctionnement d'une démocratie.
La Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, adoptée en 1989, injecte des droits légaux dans la relation entre parent et enfant. Cette convention a été ratifiée par le Canada en 1991. Selon le juge Wilson, ces droits légaux dressent, autour de chaque enfant, une barrière invisible que les parents n'auront pas le droit de franchir. Nous pouvons commencer à reconnaître la situation ici. Il est maintenant clair que la convention de l'ONU réduit le rôle de la famille dans la vie de l'enfant.
Il est fort possible que la clause 17 ait aussi comme effet de réduire le rôle de la famille dans la vie de nos enfants. Pourquoi dis-je cela? Dans la pensée de 1997, on croit que la démocratie dépend d'une série de valeurs et de principes moraux servant à fixer les limites acceptables du comportement humain. On trouve également des arguments à cet effet dans la pensée historique.
En fait, cela remonte à 1835, au voyage d'Alexis de Toqueville en Amérique du Nord, quand il a conclu que, pour que la démocratie s.installe, il fallait des garanties fondées sur les croyances religieuses et éthiques du peuple d'Amérique. C'est ce qui a donné toute sa vigueur à la démocratie, et c'est ce qui a constitué sa base. C'est le fondement de notre droit. C'est aussi la base sur laquelle nous pouvons faire la différence entre une bonne loi et une mauvaise loi.
De cette modification particulière de la Constitution du Canada, qui vise la clause 17, on dira, non pas tout de suite, ni avant deux ou trois ans, ni peut-être avant cinq ans, mais un jour, qu'elle fut le début d'une cassure et d'une menace majeure pour la démocratie elle-même au Canada, parce que nos jeunes ne sauront plus ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est moral, ce qui est conforme aux règles d'éthique et aux principes qui devraient guider leur comportement et fixer les limites de la satisfaction de leurs désirs.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je croyais être un peu perdu quant à la position réformiste sur cette question, mais maintenant je le suis tout à fait.
Ces confessions religieuses particulières sont essentielles, pas toutes—parce que, bien sûr, nous avons sept confessions ayant des droits bien établis à l'égard du système d'enseignement.
Que veut dire exactement le député lorsqu'il parle du processus d'élaboration des lois. J'aimerais savoir s'il existe un droit pénal d'inspiration catholique et un droit pénal d'inspiration juive et s'il est ou non d'accord sur le fait que si une loi est dans l'intérêt de la société et des Canadiens, elle devrait s'appliquer à tous de la même façon, quels que soient les antécédents religieux des auteurs de la loi.
J'aimerais aussi savoir si l'opinion des électeurs n'est valide que dans la mesure où elle coïncide avec celle des députés de l'autre côté. C'est un exemple classique: 73 p. 100 des habitants de Terre-Neuve et du Labrador décident d'une question fondamentale pour leurs intérêts et pour leurs valeurs. Ils ont clairement fait savoir quelles étaient leurs valeurs. Je pense que nous ne sommes pas d'accord. Nous invoquons maintenant une charte internationale pour expliquer pourquoi on ne devrait pas imposer cette mesure.
M. Werner Schmidt: Monsieur le Président, j'ai beaucoup apprécié que le député copréside le comité. J'ai appris à le respecter.
J'ai aussi appris, en entendant sa question, que parfois il n'écoute pas aussi attentivement qu'il le devrait. S'il avait bien écouté, il aurait entendu que je ne parlais pas des lois catholiques, mais des valeurs des pentecôtistes, des baptistes et autres groupes. Ce que j'ai dit c'est que si l'on veut qu'une démocratie persiste et fleurisse, il faut avoir un ensemble commun de principes, un ensemble de valeurs qu'on partage et une éthique commune. C'est ce que j'ai dit.
Ces valeurs ne se rattachent à aucune confession en particulier, mais on s'entend généralement sur ce qu'elles doivent être. Je peux mettre cela dans le contexte de la disposition qui existe à propos du programme de l'Ontario où il n'y a pas d'ensemble commun de valeurs.
L'histoire a montré que cet accord sur un ensemble commun de valeurs et de principes existe au sein des groupes religieux qui en partagent un grand nombre.
Toutefois, on aurait tort de nier tel ensemble de valeurs ou tel autre et de dire dans les écoles que cela n'a pas d'importance, que les choses vont s'éclaircir et qu'on peut choisir comme on veut, que cela ne fait aucune différence.
Oui, cela fait une différence et c'est ce que je voulais dire. Si le député n'a pas compris cela, il a un problème.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, le député de Humber—St. Barbe—Baie Verte parle constamment des députés du Parti réformiste. Il sait peut-être que c'est un vote libre où les députés peuvent prendre des positions différentes de celle de leur parti.
Essayer de marquer des points politiques ou de tirer des conclusions sur la position d'un parti est totalement inapproprié. J'aimerais bien que le député se comporte de manière un peu plus responsable.
Je crois comprendre de ce que dit le député d'Okanagan que si un système scolaire ne transmet pas les valeurs morales de base sur lesquelles se fonde toute démocratie libérale, on en arrive à une espèce de relativisme qui, en soi, nuit à la démocratie, que la démocratie est basée sur le principe de la dignité inviolable de la personne humaine...
Le président suppléant (M. McClelland): Nous donnerons les quelques secondes qu'il reste au député de Kelowna.
M. Werner Schmidt: Monsieur le Président, cela n'engendrerait pas seulement le chaos, mais une société où il y aurait tellement de conflits qu'il ne serait plus possible de rien faire.
Cela ouvrirait la voie à la tyrannie. De fait, ce serait un excellent moyen pour un tyran de devenir gouverneur du pays.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de participer à ce débat.
Je compte probablement autant d'amis qui sont contre la proposition que d'amis qui l'appuient comme moi.
J'ai toujours pensé que l'on n'est député qu'à titre temporaire et que même ceux qui ont la chance d'être élus pour plusieurs mandats finissent par retourner au sein de leur communauté et dans leur famille. De temps à autre, chacun doit s'asseoir et se demander s'il a défendu les valeurs et les principes auxquels il tient vraiment ou s'il s'est contenté de suivre le courant.
Un débat comme celui-ci est une occasion formidable puisqu'il fera l'objet d'un vote libre. Cela atténue la pression que nous subissons. En tant que ministériels, nous devons être extrêmement conscients de la nécessité de ne pas compromettre de quelque façon que ce soit l'efficacité du consensus ou de la confiance que le gouvernement a obtenue pour réaliser le plan d'action du pays. Dans le cas de cette motion en particulier, toutefois, je pense que nous avons des raisons de nous inquiéter.
On vient de m'aviser, monsieur le Président, que je vais partager mon temps de parole avec le député d'Ottawa—Vanier.
Dans ce cas particulier, je ne veux pas m'en tenir aux chiffres, qu'il s'agisse de 75 p. 100 ou 25 p. 100 des voix. J'ai dit plutôt dans le débat d'aujourd'hui que j'ai toujours pensé que nous étions ici pour parler au nom des gens qui ne peuvent se faire entendre.
C'est une ville facile pour ceux qui sont favorisés. Lorsqu'on vient d'une organisation ou d'un groupe favorisé, on n'a aucun mal à obtenir des ressources, à faire du lobbying. Le véritable défi pour nous en tant que députés, c'est lorsqu'une immense vague déferle et on semble nager à contre-courant de cette vague. Il faut se rappeler qu'on nous envoie ici principalement pour parler au nom des gens qui ne peuvent se faire entendre.
Je ne juge pas ceux qui suivent une voie différente, mais je crois également qu'il y a un certain nombre de personnes qui partagent mon point de vue et qui voudraient qu'on préserve le système confessionnel traditionnel qui existait à Terre-Neuve.
Je comprends en toute franchise que si l'économie de Terre-Neuve se portait beaucoup mieux, cela ne poserait pas un grand problème. Je peux affirmer cela, car je me rappelle avoir discuté il y a de nombreux mois des motifs économiques justifiant cette question avec le premier ministre de Terre-Neuve. Il m'a dit, en fait, que le système d'éducation était très coûteux à Terre-Neuve et qu'il s'agissait simplement d'une question de sous. Si nous avions beaucoup d'argent, ce ne serait probablement pas un grand problème.
À l'instar de mon collègue de Kelowna, je reconnais que nous sommes parfois poussés par les motifs économiques plus que par les valeurs. Nous sommes davantage poussés à agir par le laïcisme. C'est la vague qui déferle à l'heure actuelle sur notre système.
J'ai eu le privilège, et je considère que c'est un véritable privilège, d'être associé à un ordre de prêtres enseignants qui a entrepris ses activités au Canada il y a 147 ans, les Prêtres de Saint Basil. Ils venaient de France. Ils ont été invités par l'évêque de Toronto, Mgr De Charbonnel, et ils sont venus ici enseigner à de pauvres immigrants irlandais illettrés. Au cours des 147 dernières années, ils ont mis sur pied des établissements d'enseignement dans toutes les régions du pays.
J'ai eu le privilège de fréquenter le St. Michael's College, à Toronto, puis l'université basilienne, à Houston, au Texas, l'université St. Thomas. Si j'appuyais cette modification, je tournerais le dos aux dix années d'expérience que j'ai passées avec les Basiliens et tous les autres éducateurs laïques avec lesquels les Basiliens ont été associés.
J'estime que l'éducation catholique ne s'adresse pas seulement à l'intellect, mais à toute la personne. Nous sommes tous humains, nous faisons tous des erreurs, nous succombons tous. Mais ce fut une expérience extraordinaire que d'être dans un milieu où c'était toute la personne qui était développée.
Les établissements confessionnels sont différents des établissements non confessionnels. J'ai été associé aux deux au niveau universitaire. Je pense qu'il nous incombe d'intervenir quand nous sommes témoins d'un acte répréhensible.
Si je disais que 75 p. 100 des gens et tous les députés ont voté en faveur de cette modification, je tournerais alors le dos à tous ces éducateurs qui ont fait partie de ma vie et qui font partie de celle de mon fils. Je ne pense pas que je respecterais mes principes ou mes valeurs fondamentales.
Franchement, tout ce mouvement de laïcisation que l'on observe d'un bout à l'autre du pays s'explique par le fait qu'au nom des contraintes financières, on élimine tout faute de ressources. Mon Dieu, certains des fondateurs de ces établissements d'enseignement traditionnels faisaient preuve d'une grande créativité. Certains devant même faire la classe dans des granges, et ne disposaient pas de la moitié de ce qu'ont les commissions scolaires aujourd'hui. Cependant, dans ces écoles, l'enseignement à toute la personne était important.
La modification proposée au paragraphe 2 de la clause 17 prévoit que l'État prendra charge de la gestion de l'enseignement religieux. Toutefois, elle est passée complètement à côté de la question. Il ne s'agit pas de donner un cours de religion. L'enseignement catholique commence le matin à l'arrivée des élèves et prend fin quand ils enlèvent leurs chaussures à crampons de football dans la salle des joueurs. C'est le fait que les élèves peuvent aller à la chapelle. C'est le fait qu'il y a une messe quotidienne. Certes, il n'est pas nécessaire qu'ils y aillent tous les jours, mais cela fait partie de l'environnement.
Ce qui me fait vraiment mal dans cette modification, c'est que nous manquons de respect envers les milliers et les milliers d'hommes et de femmes qui ont consacré leur vie aux établissements catholiques, envers ce capital humain qui a vraiment formé l'armature de notre pays, qu'il s'agisse des Jésuites, des Basiliens ou des Soeurs de Saint Joseph, ainsi que de tous ceux qui ne gagnaient que 5 $ par semaine. C'est pourquoi je voterai contre cette proposition de modification.
M. Gerry Byrne (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord profiter de l'occasion pour faire état des conversations très intéressantes que le député et moi avons eues à ce sujet. Je respecte sa position en la matière. Il a parlé très éloquemment à propos de son expérience personnelle. Ses propos me sont allés droit au coeur.>Moi aussi je suis un produit du système scolaire catholique. Mon point de vue diffère légèrement du sien, nous en sommes tous deux bien conscients.
Il y a des gens à Terre-Neuve et au Labrador qui sont passés par le système scolaire unifié. Il s'agit d'un système confessionnel. Pour résumer, c'est l'Église anglicane, l'Église unie et l'Armée du Salut qui ont conjugué leurs efforts pour assurer un enseignement religieux qui ne tient pas compte des particularités de chacun des groupes confessionnels. Il s'agit bel et bien d'un enseignement religieux, mais il n'a rien à voir avec l'enseignement confessionnel.
Je voudrais signaler le cas des élèves qui allaient à l'école unifiée du voisinage. Leur intégrité morale, les valeurs qu'ils partageaient et leur développement personnel étaient exemplaires. Ils sont aujourd'hui des membres très productifs de notre société. Ils participent à l'essor de la collectivité.
De l'avis du député, est-il absolument essentiel que seuls les groupes confessionnels assurent l'enseignement religieux? J'ai trouvé un exemple auquel nous avons eu recours à Terre-Neuve et au Labrador au moment de rédiger la version actuelle de la modification proposée à la clause 17, le système d'enseignement unifié, et ça marche très bien.
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles. Je suis aussi d'avis que nous avons eu des échanges très productifs à ce sujet.
Je n'interviens pas pour juger les systèmes en place. Ce qui m'inquiète et me touche profondément, c'est que ce système faisait partie intégrante de la Confédération, comme le disait le sénateur Connolly, et que ce droit contribuait à l'unité de la nation. Je vois qu'on restreint ce droit. J'ai l'impression que cette volonté de laïcisation pourrait s'étendre et envahir différentes régions du pays.
Cela dit, je ne veux aucunement juger de la valeur des autres systèmes d'éducation de notre pays, ou de leur apport à la société et au pays. Je désire tout simplement protéger une institution dont j'ai eu le bonheur de faire partie. Je sais que bien d'autres députés ayant appartenu à des institutions semblables partout au Canada partagent mon point de vue.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais, en faisant part de mes conclusions, débattre de trois items qui ont essentiellement trait à la résolution qui est devant nous. Le premier porte sur la question de l'éducation des francophones à Terre-Neuve, le deuxième, l'appui de la population en faveur de cette modification et, finalement, notre rôle, comme députés, comme parlementaires, à la Chambre des communes du Parlement canadien quant à cette question.
Pour ce qui est de l'éducation des francophones, l'an dernier, lorsque la Chambre a été saisie pour la première fois de cette question, dans une modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, j'avais mentionné que mon appui découlait en grande partie du fait que le gouvernement de Terre-Neuve s'apprêtait à s'acquitter de ses responsabilités en ce qui a trait à l'article 23 de la Charte.
On se souvient qu'en 1982, avec l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, l'article 23 de la Charte garantissait aux minorités de langues officielles partout au pays, d'un océan à l'autre, le droit à l'éducation dans leur langue. Cela a pris un bout de temps à Terre-Neuve; on se retrouve en 1997 où on respecte finalement ce droit.
J'ose croire que c'est en partie à cause du besoin, du désir ou de la volonté du gouvernement de Terre-Neuve de faire modifier l'article 17 de ses Conditions d'union avec le Canada qu'il s'est rendu compte qu'il aurait peut-être trouvé une moins grande réceptivité—si je peux utiliser cette expression—ici, au Parlement, si son gouvernement ne respectait pas les engagements de l'article 23 de la Charte.
D'ailleurs, en ce sens, j'aimerais citer l'extrait d'une lettre que Mme Johanne Lacelle a fait parvenir à la coprésidence du Comité mixte. Cette lettre vient de la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador que je cite: «Depuis juin 1997—il n'y a pas tellement longtemps—les francophones de la province détiennent une loi scolaire nous garantissant plein pouvoir de gestion quant à notre système scolaire. Finalement, nous pouvons affirmer maintenant que les droits en matière linguistique se conforment désormais à l'article 23 de la Charte des droits et libertés. La gestion scolaire est maintenant entre les mains des francophones. Tel que compris dans cette loi, les écoles auront désormais un statut d'écoles non confessionnelles conforme au projet de la réforme, tel que préconisé par la province.»
Alors, par cette lettre et par le fait que la Fédération n'ait pas voulu comparaître, n'ait pas senti le besoin de comparaître, je crois qu'on peut en venir à la conclusion et affirmer que les francophones de Terre-Neuve ont en main la gestion de leur système scolaire. On espère qu'ils pourront s'en servir pour promouvoir l'épanouissement de leur communauté, et ceci, comme elle le dit si bien, dans des écoles non confessionnelles. C'est quand même un élément de plus à ajouter. Je ne crois pas qu'on en ait fait part tellement dans les débats au Comité et ici aujourd'hui que la population francophone de Terre-Neuve semble d'accord à ce que l'éducation de leurs enfants se fasse dans des écoles non confessionnelles.
Pour ce qui est de la volonté populaire, on a eu vent au Comité de plusieurs questions par rapport à la consultation populaire qui a été tenue. Des critiques assez aiguës ont été dirigées contre le processus, la question du référendum, et le déroulement. On a souvent voulu interpréter les résultats en disant que les minorités n'avaient pas donné leur consentement au changement. Là-dessus, il y a une question que je veux soulever et qui ne l'a pas été tellement jusqu'à maintenant. À mon avis, il vaut la peine d'y réfléchir un peu. Il s'agit du fait, et c'est bien un fait, que les classes religieuses, si je peux les appeler ainsi, n'ont pas insisté pour que le vote se fasse selon la dénomination religieuse des gens.
[Traduction]
Si les gens avaient voulu prouver sans l'ombre d'un doute que leur propre confession religieuse était opposée aux changements et s'ils avaient cru avoir assez de fidèles pour voter contre la résolution, les représentants de ces confessions religieuses auraient pu demander que le vote soit exprimé par catégorie de religion, mais ils ne l'ont pas fait. Le ministre responsable de l'éducation a dit au comité que cette possibilité a été offerte, non pas lors du dernier vote, mais lors du précédent. L'offre n'a été ni acceptée alors, ni demandée lors du dernier vote, tenu au début de septembre après la campagne du mois d'août.
Ceux qui prétendent que leurs minorités n'ont pas accordé leur consentement auraient pu trouver une façon de se manifester, mais ils n'ont même pas demandé que ce soit fait. Ils aurait pu insister pour obtenir le vote par confession religieuse pour que tous les votes des pentecôtistes soient connus. Lors du vote, les gens auraient pu préciser leur confession religieuse. Nous faisons cela tout le temps lorsque nous votons aux élections municipales en Ontario. Pourtant, on ne l'a pas fait dans ce cas. On ne l'a même pas demandé. À mon avis, cela en dit long.
Nous pouvons interpréter cela comme nous le voulons. Je l'ai interprété comme voulant dire qu'il y a peut-être effectivement un consensus, même au sein des confessions, pour qu'on change le système. Peut-être pas dans tous les cas, mais dans certains cas, je soupçonne qu'on n'a pas insisté pour ce genre de vote parce que le résultat aurait pu être quelque peu différent de ce que certaines personnes au sein de ces confessions auraient voulu voir.
Je tenais à dire cela à la Chambre pour que les députés qui s'opposent à la modification parce que les minorités n'ont pas donné leur consentement puissent y réfléchir.
Enfin, je veux parler de notre rôle en tant que parlementaires. Nous ne sommes certainement pas ici pour entériner automatiquement les mesures dont nous sommes saisis. Je suis très heureux que les trois votes auxquels j'ai participé depuis mon arrivée ici qui portaient sur des modifications constitutionnelles en vertu de l'article 43 de la loi de 1982 étaient tous des votes libres. Cela en dit long sur le sérieux avec lequel nous traitons ces questions. Nous allons au-delà des considérations partisanes. Les votes libres forcent les députés à réfléchir à la question. Ils enlèvent la protection, si on veut, des votes avec participation du whip. Nous devons assumer la responsabilité de notre vote. Je crois que c'est de cette façon que les parlementaires devraient traiter une modification constitutionnelle.
Même si notre rôle n'est pas d'entériner automatiquement les mesures dont nous sommes saisis, il ne consiste certainement pas non plus à nous opposer systématiquement à ces mesures. J'ai eu la chance, au cours des dernières semaines, de siéger à deux comités, soit celui qui a étudié la modification constitutionnelle bilatérale pour les conseils scolaires au Québec et celui qui a étudié la modification dont nous parlons aujourd'hui. Je suis très satisfait de l'approche adoptée par tous les partis et tous les représentants des deux Chambres.
Cette méthode utilisée pour aider notre pays, pour voir à ce que certains systèmes et certaines de nos institutions évoluent, est très bonne. On n'avait peut-être pas prévu qu'elle serait aussi utile, mais cela semble certainement être le cas. Je veux encourager les assemblées législatives du Canada à se rendre compte qu'il y a certaines façons de faire évoluer nos systèmes et certaines de nos institutions.
[Français]
Il n'est pas, comme je l'ai dit, de notre devoir de nous objecter systématiquement ni d'approuver aveuglément les recommandations qui nous parviennent. Mais ayant siégé au comité, ayant entendu tous les témoignages et réfléchi aux arguments de part et d'autre, je pense qu'on peut affirmer, sans se tromper, que l'amendement proposé a l'assentiment populaire des gens de Terre-Neuve, et certainement l'assentiment unanime de l'assemblée législative de Terre-Neuve, ce qui n'est pas peu dire, et c'est vraiment un des éléments les plus importants de notre considération.
Cela dit, je me sens parfaitement à l'aise d'appuyer et d'encourager mes collègues à appuyer la proposition qui est devant nous.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, c'est sans grande surprise que je vais, à l'instar de mes collègues du Bloc québécois et d'autres formations en cette Chambre, appuyer avec enthousiasme l'amendement constitutionnel qui est devant nous.
Je voudrais rappeler ce qu'est un amendement constitutionnel. Il serait évidemment trompeur pour nos auditeurs de ne pas mesurer pleinement ce dont on parle aujourd'hui et ce dont on discute depuis déjà un certain nombre de jours. Alors, quand on parle d'un amendement constitutionnel, commençons d'abord par dire que la Constitution, c'est la loi suprême d'un pays. Il existe deux types de constitution, et celle du Canada est une constitution que l'on dit écrite. Pour la modifier, il y a cinq grandes possibilités. L'amendement constitutionnel dont nous sommes saisis est possible en vertu de l'article 43.
L'article 43, l'amendement constitutionnel dont nous discutons, est un amendement constitutionnel bilatéral. Cela veut dire qu'il est possible, pour une province, dans un domaine qui relève de sa compétence, donc dans un domaine qui relève de l'article 92 ou de l'article 93, de modifier, avec le consentement des deux Chambres, le texte de la Constitution.
Je crois qu'il faut aussi rappeler que lorsque l'on parle du fédéralisme, il y a trois grandes caractéristiques. On est en présence d'un régime d'inspiration fédérale lorsqu'il y a une Constitution et un partage des pouvoirs entre les paliers inférieurs et les paliers supérieurs. Le troisième élément est évidemment une cour de justice qui vient arbitrer les conflits ou les contentieux qui peuvent surgir entre l'un et l'autre des partenaires de la Constitution. Alors, cela campe un peu le régime dans lequel nous vivons.
Ce que demande le gouvernement de Terre-Neuve, dirigé par l'ancien ministre des Pêches et des Océans de ce gouvernement, c'est la possibilité, à toutes fins pratiques, d'établir un système public scolaire. Certaines personnes pourraient être tentées—pas vous, monsieur le Président, parce que je sais combien vous êtes un homme avisé et informé. Je veux d'ailleurs rappeler à nos téléspectateurs que durant toute votre enfance, votre enfance qui n'est pas tellement loin derrière vous, vous avez pris un malin plaisir à parcourir les traités de droit constitutionnel, ce qui vous a éloigné des gangs les plus «in» de votre environnement, mais a fait de vous un juriste averti.
Cette parenthèse étant faite, je veux rappeler que ce dont il s'agit, c'est bel et bien de faire un système scolaire public non confessionnel dans la dernière province qui a gagné la Confédération en 1949, sous l'impulsion de Joey Smallwood, c'est-à-dire Terre-Neuve.
Lorsque l'on considère ces questions, il faut aussi rappeler deux faits. Initialement, la Confédération était composée de quatre provinces, et toutes les provinces qui se sont jointes, qui ont gagné la Confédération, ont eu des clauses régissant la protection des minorités en matière scolaire. On peut dire que les provinces se départagent en deux grandes familles, celles qui ont adhéré à l'article 93 et celles qui ont eu d'autres spécificités. S'agissant du cas de Terre-Neuve, ce n'est pas l'article 93 qui s'applique, mais bel et bien l'article 17.
Ces mises au point étant faites, il faut rappeler que concernant l'article 17, que l'on appelle également la clause qui régit les Conditions d'union de Terre-Neuve au Dominion du Canada—parce que c'est comme cela qu'on l'appelait à ce moment-là—il y a trois grandes caractéristiques. D'abord, on l'a dit, la clause 17 renvoie à un système scolaire entièrement confessionnel. Ce n'est quand même pas rien de constater que ce que le Québec a fait dans les années 1960—vous vous rappelez cette formidable période d'effervescence, d'ébullition, que l'on a appelé la Révolution tranquille, l'expression venant d'un journaliste anglophone, «quiet revolution»—dans une perspective historique, en demandant au clergé de se retirer du système d'éducation, c'est ce que vit Terre-Neuve présentement puisqu'il ne s'agit pas seulement de créer des structures non confessionnelles, mais de se donner un système scolaire public. C'est donc dire que ce ne sont pas des droits linguistiques qui sont en cause, ce ne sont pas des droits religieux—d'ailleurs, on y reviendra—ce sont bel et bien des droits liés à l'accès à l'éducation et à la configuration d'un système public.
La première caractéristique, donc, on était en présence d'une province qui n'avait pas de système public d'éducation au moment où elle a ratifié le traité de 1867. La deuxième caractéristique, il y avait sept grandes dénominations religieuses qui représentaient au total 90 p. 100 de la population. Je veux les nommer pour qu'on puisse bien prendre la mesure de l'ampleur finalement des dénominations religieuses concernées.
Il y avait, bien sûr, l'Église anglicane, l'Église presbytérienne, l'Armée du Salut, l'Église unie, les pentecôtistes, les catholiques romains et les adventistes du Septième jour. On peut imaginer sans trop de difficulté cette espèce de mosaïque religieuse qui faisait qu'au total, on était en présence d'un système scolaire assez éclaté. À cet égard, une des formes de l'éclatement de ces systèmes scolaires qui peut sembler en apparence anodine, mais qui est très importante quand on considère la qualité de vie des étudiants, c'est bien le témoignage qui a été livré, et que je veux partager, de la part des parents.
Ce témoignage, on peut le retrouver dans le rapport qui a été déposé par le Comité mixte. Je rappelle à nos téléspectateurs qu'il y a, à la Chambre, deux façons de vivre les comités, c'est-à-dire des comités permanents qui étudient des projets de loi pour lesquels ils sont mandatés, tels le Comité de la justice, le Comité de l'agriculture, le Comité de l'environnement, mais il y a aussi des comités mixtes qui impliquent des représentants de cette Chambre et des représentants de l'autre Chambre, mieux connue comme étant le Sénat.
Je vous lis le témoignage d'un parent qui nous rappelle bien une des difficultés, ne serait-ce que dans le domaine du transport, qui était rencontrée avec le maintien d'un système avec sept dénominations religieuses ou, à toutes fins utiles, il n'y a pas d'école de quartier. Et ce n'est pas parce que vous habitez à côté d'une école de quartier que votre enfant est habilité à s'y inscrire, puisque c'est en fonction de la religion professée que l'on a accès à l'école considérée.
Alors, un des parents membres du groupe Education First a parlé du cas d'une enfant qui, au primaire, pouvait se rendre à l'école à pied. Maintenant qu'elle est en septième année, elle doit quitter la maison à 7 h 30 et prendre l'autobus. Au bout de 10 minutes, elle passe devant une école catholique, puis après 20 minutes, devant une autre école, offrant toutes deux la septième année, et enfin, devant une troisième école qui offre de la septième à la neuvième année avant d'arriver à la sienne, une heure après le départ de chez elle.
Donc, un des éléments qui frappent dans l'organisation du système terre-neuvien, c'est bien cette espèce de distance à laquelle sont confrontés les étudiants qui doivent s'inscrire, je le rappelle, non pas à une école de quartier, mais à une école qui correspond à l'enseignement religieux professé par leurs parents. C'est à ça qu'on veut mettre fin.
Pour ceux qui seraient tentés de penser que c'est peut-être un débat récent qui a lieu à Terre-Neuve, rappelons que c'est un débat qui se discute depuis le début des années 1990. Ce n'est pas un débat récent. Ce n'est pas un débat né ces derniers jours. C'est un débat qui a des racines qui méritent d'être mentionnées.
En 1990, on a demandé à une commission d'enquête de faire le point sur l'avenir du système d'éducation à Terre-Neuve. Vous savez, monsieur le Président, l'importance que l'éducation revêt dans une société. Vous le savez d'abord, parce que vous-même, vous n'en êtes pas dépourvu, vous avez fait des études supérieures. On m'a dit d'ailleurs que vous aviez toujours été un premier de classe. Je n'ai pas personnellement vérifié, mais je vous sais assez talentueux pour penser que c'est vrai. Et l'éducation, c'est important. C'est important parce que, non seulement c'est une machine à socialisation, mais cela inculque des valeurs. On le sait, quand on veut savoir les valeurs les plus généralement répandues dans une société, je crois qu'il faut s'intéresser aux écoles. Non seulement cela inculque des valeurs, mais cela permet également de faire des apprentissages, et généralement, pas n'importe quel type d'apprentissage, mais des apprentissages qui vont nous permettre d'être concurrentiels sur le marché du travail, des apprentissages qui vont nous permettre de nous intégrer à la population active.
C'est important pour une société. Je crois que le gouvernement de Terre-Neuve, eu égard aux considérations partisanes, a raison de se préoccuper de l'efficience de son système scolaire. C'est ce qu'a dit la Commission d'enquête. La Commission d'enquête du début des années 1990 a conclu qu'il était important pour le futur, pour l'avenir des jeunes étudiants de Terre-Neuve, d'avoir un système intégré avec des écoles communes.
Cela étant, tout un cheminement s'en est suivi. D'abord, en 1995-1996, il y a eu un premier référendum. Vous savez combien, en cette Chambre, le mot «référendaire» est un mot aphrodisiaque, est un mot qui excite le gouvernement. Les gouvernements s'excitent comme ils le peuvent et on est en présence d'un gouvernement terriblement excité au seul énoncé du mot «référendaire».
Pourtant, il y en a eu un premier, qui devait être suivi d'un deuxième, dans lequel le gouvernement de M. Tobin a tenté un compromis entre un système d'éducation, je dirais hybride, où il y avait à la fois des écoles séparées et à la fois le droit à certaines dénominations religieuses d'être entendues. Dans ce référendum, 54 p. 100 des gens ont appuyé la résolution gouvernementale.
Pourquoi est-ce que je sens le besoin de le préciser? D'abord, parce que je rappelle que c'est un débat qui, à Terre-Neuve, est discuté depuis le début des années 1990. Deuxièmement, parce qu'il y a eu des consultations de toutes sortes. Il y a eu des audiences publiques, il y a eu deux référendums, pas un seul, mais deux référendums. Il y en a eu un premier en 1995 où 54 p. 100 des Terre-Neuviens ont dit oui à la question.
C'est intéressant sur le strict plan constitutionnel, parce que je rappelle qu'on est en présence d'un amendement constitutionnel. C'est donc un amendement qui vient changer, qui vient apporter une modification au texte le plus important d'un pays, sa loi suprême, qui est la Constitution. Le gouvernement de l'époque, qui est le même qu'aujourd'hui, a répondu favorablement à cet amendement constitutionnel.
Mais il est intéressant de se rappeler que ce n'est pas les deux tiers, ce n'est pas 70 p. 100 des Terre-Neuviens qui ont voté oui, c'est à la limite, donc 54 p. 100. Le gouvernement, présidé par le même premier ministre que celui qui préside à nos destinées aujourd'hui, a donné suite à la résolution. Il a écrit au premier ministre de Terre-Neuve pour dire qu'en janvier 1996, il déposerait une résolution demandant aux parlementaires que nous sommes, les parlementaires de la Chambre des communes et ceux du Sénat, de donner un appui favorable à la résolution.
Je veux rappeler que c'est donc dire que s'agissant des référendums, la barre des 50 p. 100 est acceptable puisqu'en démocratie, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, c'est une majorité qui nous permet de détenir la légitimité. Quand le ministre des Affaires intergouvernementales s'autorise, de son petit ton sec de contremaître, à l'occasion, en disant que ce n'est pas suffisant, 50 p. 100, s'agissant du dossier du Québec, de l'unité nationale, je crois que nous devrons, en toute justice, en toute conscience, et en tout état de cause, lui rappeler qu'il y a un précédent.
Il y a donc eu, en 1995, un référendum. Il y a eu, bien sûr, un débat en cette Chambre, en 1996, et nous avons obtempéré, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, à la résolution déposée par le gouvernement. Or, il s'en est suivi une contestation judiciaire par deux dénominations religieuses, deux confessions religieuses de Terre-Neuve. Elles ont contesté, non pas stricto sensu l'amendement constitutionnel, mais elles ont contesté la nouvelle Loi sur l'instruction publique.
Il y a eu une injonction. On sait à quel point l'injonction est un processus radical, un processus à portée immédiate. Ils ont donc eu gain de cause auprès de la Cour suprême de Terre-Neuve. Cela a eu comme conséquence de stopper le processus de réforme dans lequel le gouvernement terre-neuvien de Brian Tobin était intensément engagé.
Dans ce contexte, le premier ministre du temps et l'actuel premier ministre de Terre-Neuve, l'ancien ministre fédéral des Pêches et des Océans, dont vous gardez, je crois, monsieur le Président, un excellent souvenir, ce premier ministre a décidé de convoquer un référendum pour le 2 septembre dernier.
Ce référendum portait sur une question claire, claire comme on les aime, c'est-à-dire une question qui, à première lecture, fait sens immédiat, une question qui n'est pas équivoque. Alors, je me permets de la lire pour ceux qui n'en auraient pas pris connaissance. Donc, le gouvernement provincial s'est plié aux conditions de l'injonction. Il a annoncé, le 31 juillet 1997, par la voix de son plus haut citoyen, c'est-à-dire le premier ministre, qu'un référendum aurait lieu le 2 septembre de la même année et la question était la suivante: «Appuyez-vous un système scolaire unique où tous les enfants, quelle que soit leur appartenance religieuse, fréquenteront les mêmes écoles qui offriront la possibilité d'un enseignement religieux et de l'observance d'une religion?» Alors, c'était une question claire.
De cette question est découlé bien sûr un débat, pas un débat dans les mêmes termes que ce qu'on a vécu au Québec, puisqu'il n'y a pas d'obligation, en vertu de la loi sur les consultations populaires de Terre-Neuve, qui est en fait la loi électorale, puisqu'il n'y a pas à proprement parler une loi sur les consultations électorales. Il y a donc eu un débat, un moment dans la vie publique où des citoyens ont pu discuter d'enjeux.
Au soir de ce référendum—je souhaite qu'un jour, cela nous arrive—73 p. 100 des gens ont dit oui. Alors, 73 p. 100 des gens ont autorisé le gouvernement Tobin à revoir en profondeur le système scolaire à la faveur d'écoles communes non confessionnelles, mais où le droit à un enseignement religieux, lorsque les parents en feront la demande, sera permis. C'est là où on en est.
À la suite de ce référendum, il y a eu à nouveau, comme le veut la procédure, une résolution qui a été déposée par l'exécutif et les deux Parlements ont dû en débattre. Ce débat a trouvé un aboutissement dans un Comité mixte et aujourd'hui, nous devons, comme parlementaires, appuyer ou non cette résolution. C'est intéressant, parce que le cas de Terre-Neuve renvoie bien sûr à cet impératif de moderniser le système scolaire, mais il renvoie aussi aux droits des minorités. C'est sûr que pour l'essentiel, on ne parle pas de droits linguistiques. Il ne s'agit pas de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il ne s'agit pas non plus de droits religieux. Il s'agit de droits à réorganiser le système scolaire.
Le ministre des Affaires intergouvernementales, malgré les consultations, les deux référendums et le fait que ce débat avait lieu depuis 1990, avec son obstination un peu «névrosante» à l'occasion, a quand même tenu à ce qu'il y ait des consultations. Nous nous sommes livrés évidemment de bon aloi à ce jeu, et nous avons participé, par la voix, s'agissant du Bloc québécois, du dynamique député de Témiscamingue.
Nous allons appuyer cet amendement, et je conclus ainsi, parce que nous croyons qu'en démocratie, la voix de la raison est toujours celle de la majorité. Dans le cas qui nous occupe, c'est une majorité qui est incontestable puisqu'on peut rappeler que 73 p. 100 des gens ont appuyé la résolution gouvernementale. Je sais que dans un avenir pas très lointain, lorsque nous aurons à considérer d'autres situations référendaires, nous aurons à l'esprit les précédents qui auront été établis en pareil cas.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Monsieur le Président, j'aimerais poser une question au député. En 1987, le premier ministre de Terre-Neuve a demandé à l'assemblée législative de Terre-Neuve d'inscrire à tous jamais les droits des pentecôtistes dans la Constitution. Il faisait un geste permanent en faveur des pentecôtistes de Terre-Neuve.
J'aimerais que le député me dise comment il conçoit la protection permanente d'un droit par la Constitution et si la protection permanente des droits d'une minorité comme dans le cas des pentecôtistes devrait être éliminée par la majorité.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je remercie le député dont je connais l'intérêt pour ces questions.
Les pentecôtistes représentent 7 p. 100 de la population de Terre-Neuve. Sans doute qu'on pourrait se rappeler que lorsqu'il s'agit de droit constitutionnel, on ne peut pas subordonner une minorité à une majorité. Je suis prêt à admettre, comme le député, qu'il y a une obligation, dans une société civilisée, de s'assurer que les minorités jouissent d'une protection adéquate.
Cependant, ce qui est en cause ici, c'est le droit d'un gouvernement de moderniser son système d'éducation, parce que c'est d'abord un amendement qui fera en sorte que le système scolaire de Terre-Neuve va entrer dans le XXIe siècle en étant plus moderne, plus efficient et plus articulé aux besoins du marché du travail.
J'aurais le goût de répondre à la question de mon collègue par une autre question. Est-ce qu'il croit que les constitutions sont immuables? Je crois que les constitutions doivent s'ajuster aux sociétés, que les constitutions doivent s'ajuster aux individus. Rien ne doit nous permettre de penser qu'une constitution ou qu'un amendement constitutionnel est frappé du sceau de la pérennité. Parce que si on part d'une logique comme celle-là, on s'enferme dans un carcan, on est vraiment contraints par un immobilisme qui fait en sorte qu'il n'y a pas d'évolution possible.
Ce que l'on doit prendre en considération, ce que l'on doit poser comme question, comme parlementaires, c'est celle-ci: Est-ce que les pentecôtistes ont pu faire valoir leurs points de vue? Est-ce qu'on a des garanties suffisamment raisonnables qui nous donnent à penser que les minorités ont été consultées et qu'elles sont favorables à l'amendement constitutionnel?
Je rappelle au député que les deux députés pentecôtistes de Terre-Neuve ont voté en faveur de la résolution gouvernementale. Je crois que ce sont les meilleures garanties qui sont à notre disposition pour penser et pour conclure qu'un débat démocratique a eu lieu, et que l'ensemble des minorités ont pu faire valoir leurs points de vue.
[Traduction]
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, je vais répondre à la question du député. Si les droits de la minorité sont protégés par la Constitution d'une certaine manière, et de façon permanente comme l'avaient été ceux des pentecôtistes par l'assemblée législative de Terre-Neuve, la façon de modifier cet état de choses serait de consulter la minorité et d'obtenir son accord ou son consentement pour que ses droits ne soient plus protégés par la Constitution.
Puisque ces droits sont particuliers à une minorité donnée, je ne crois pas qu'on puisse les supprimer sans lui en parler.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je comprends le point de vue de mon collègue. Cela l'honore dans sa sensibilité.
Je veux lui rappeler que lorsque son chef s'est exprimé, il n'y a pas tellement longtemps, au sujet de l'article 93 du Québec, une des conditions qu'il avait posées pour que l'on puisse procéder, comme parlementaires, à l'acquiescement d'un amendement constitutionnel, c'était la tenue d'un référendum, c'était de vastes consultations publiques. Je crois que ces conditions sont réunies dans le cas qui nous occupe présentement.
Je constate que, finalement, dans la logique qui anime le Parti réformiste, je vois mal le jour où ils pourront voter favorablement à un amendement constitutionnel, puisque même dans les cas aussi extrêmes, même dans les cas les moins équivoques où il y a eu des débats publics, où il y a eu des référendums, deux référendums, où 73 p. 100 se sont prononcés en faveur, et il n'y a pas beaucoup de démocraties où on peut se targuer qu'un sujet qui est porté à l'attention des concitoyens recueille 73 p. 100 des suffrages.
Alors, je demande à mon collègue réformiste quelle va être la mesure, quel sera l'étalon, quel sera le critère qui fera en sorte que ces gens seront rassasiés sur le plan constitutionnel pour donner suite à un amendement d'une province, si dans un contexte où 73 p. 100 des citoyens disent oui, eux, ils se lèvent dans cette Chambre pour dire non?
[Traduction]
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat très important d'aujourd'hui.
J'ai siégé au comité spécial qui a étudié la clause 17, qui a écouté les recommandations des Terre-Neuviens et d'autres qui sont préoccupés par l'amendement dont la Chambre est saisie. J'ai pensé commencer mes observations en faisant part à la Chambre et aux téléspectateurs de certaines choses que j'ai apprises pendant que je siégeais au comité.
Comment en sommes-nous arrivés à ce stade-ci aujourd'hui? Pourquoi la province de Terre-Neuve et du Labrador demande-t-elle cette modification à ses conditions d'entente, notamment à la clause 17? Si elle demande cette modification, c'est qu'elle veut réformer son système scolaire. J'ai découvert que Terre-Neuve et le Labrador est la seule compétence au Canada, en fait, la seule compétence en Amérique du Nord, à ne pas être dotée d'un système scolaire public.
Terre-Neuve et le Labrador n'a pas de système scolaire non confessionnel. Si on veut fréquenter une école dans cette province, il faut s'inscrire à une des écoles dirigées par un des groupes religieux qui y possèdent des droits confessionnels.
Y a-t-il quelque chose de mal à cela? Cette situation a causé des problèmes à Terre-Neuve et au Labrador. Elle a causé des problèmes parce que, souvent, les parents veulent que leurs enfants puissent fréquenter l'école la plus près de chez eux, mais pour s'inscrire à une école dans cette province, il faut apporter son certificat de naissance. Il faut leur dire à quelle religion on appartient et les écoles accueillent tous les enfants appartenant à leur confession religieuse en question avant d'accepter les enfants des autres confessions, s'il reste de la place.
Il arrive trop souvent que des enfants soient forcés de faire un trajet d'autobus d'une demi-heure à une heure. Nous avons entendu des élèves qui, chaque jour d'école, passent jusqu'à trois heures dans l'autobus. Certains ont dit ne pas participer aux activités parascolaires, sauf si leur retour à la maison est prévu autrement.
Voilà plus de dix ans que les gens de Terre-Neuve et du Labrador tiennent un débat sur le système scolaire qu'ils veulent pour leurs enfants. Certains témoins ont affirmé au comité que ce débat a été ardu et qu'il a semé la division. On nous a dit qu'il y a huit ans, une commission royale avait recommandé le changement qui est aujourd'hui devant le Parlement, la Chambre et le Sénat.
Pensons-y. Le débat a commencé il y a dix ans. Il y a huit ans, une commission royale a recommandé que la clause 17 soit modifiée pour que Terre-Neuve et le Labrador aient un système scolaire non confessionnel. Que s'est-il passé depuis toutes ces années?
Un débat vif et passionné a eu lieu. Le débat a abouti à un compromis proposé par l'ancien premier ministre de la province Clyde Wells, avec qui je n'ai pas toujours été d'accord, je l'avoue. Nous n'étions pas toujours du même avis.
Le premier ministre Wells a proposé un compromis et le débat qui a suivi s'est avéré difficile et a créé des divisions, mais il s'est produit une chose étrange à Terre-Neuve et au Labrador. Le débat a perdu sa couleur politique et, une fois que chacun s'est exprimé, qu'un référendum a eu lieu, que des témoins devant le comité ont qualifié d'incertain du fait qu'il portait sur un compromis, l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a voté librement et unanimement.
Quand on a commencé à mettre en oeuvre la solution de compromis, les premières modifications à la clause 17, des problèmes ont surgi.
Certains de ceux qui ont refusé le compromis ont poursuivi le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador devant les tribunaux. Le tribunal a eu la sagesse de rejeter le compromis. Le premier ministre de Terre-Neuve, M. Tobin, a décidé de consulter les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador le 31 juillet 1997, quelques jours après que le tribunal eut rejeté la décision sur la modification précédente à la clause 17. Il a dit que les électeurs auraient à se prononcer sur une question claire. Il allait leur demander s'ils étaient prêts à appuyer un changement très important, à passer d'un système scolaire confessionnel à un système scolaire public non confessionnel. Il allait leur demander s'ils voulaient qu'on offre des cours de religion dans le cadre du système scolaire, mais des cours de religion qui ne visent aucune religion en particulier, des cours non confessionnels sur les religions du monde. La question était très claire.
J'ai constaté que la proportion des électeurs de Terre-Neuve et du Labrador qui avaient participé au référendum du 2 septembre était la même que lors des dernières élections fédérales. Il est vrai que le taux de participation n'était pas élevé. Il n'était pas de 80 p. 100 ni de 70 p. 100, mais une nette majorité des électeurs avaient voté: 53 p. 100 des électeurs s'étaient en effet donné la peine de voter à l'occasion de ce référendum très important. Ils étaient allés voter dans une proportion similaire lors des élections fédérales du 2 juin dernier.
Parmi les gens de Terre-neuve et du Labrador qui sont allés voter le 2 septembre, 73 p. 100 ont voté oui à la question bien claire que leur gouvernement leur posait dans le cadre du référendum. Ils ont répondu qu'ils appuyaient le changement à Terre-Neuve, qu'ils acceptaient de passer d'un système d'écoles confessionnelles à un système d'écoles publiques non confessionnelles. Ils l'ont dit très clairement, et cela après presque dix années de débats publics sur la question.
Ce que j'ai trouvé le plus convaincant, en écoutant attentivement les exposés passionnés et angoissés qui ont été faits au comité, c'est que le débat qui a eu lieu à l'Assemblée législative avait été dénué de tout sectarisme. Personne n'a remis en cause les motivations des autres. Personne n'a tenté de marquer des points sur l'échiquier politique. Tous se demandaient ce qui était dans l'intérêt des élèves et d'un enseignement de qualité. Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador, qui ne forment pas la province la plus riche au Canada, ont dit qu'ils voulaient un enseignement de qualité et efficace par rapport au coût.
Ce message est revenu sans cesse dans la bouche des témoins. Les habitants de cette province ont voté pour la fin du chaos, la fin d'un débat qui a déchiré des collectivités, la fin d'un débat qui a été pénible et a semé la dissension.
Ils sont venus au comité nous demander une solution. Les témoins n'appuyaient pas tous la modification. Depuis près de 20 ans que je fais de la politique, j'ai rarement vu une question qui fasse l'unanimité. J'ai même dit qu'il était abusif de parler de problème qui prête à controverse. S'il ne prête pas à controverse, c'est qu'il n'y a pas de problème. S'il y a unanimité, ce n'est pas un problème. Il y a un problème lorsque tout le monde n'est pas d'accord.
On vient nous demander ici aujourd'hui de répondre à une province comme Terre-Neuve et le Labrador, dont l'histoire est unique et particulière. Certes, l'histoire de Terre-Neuve et du Labrador est différente de celle de toutes les autres provinces du Canada en ce qui concerne l'éducation.
Aux électeurs de Thornhill, ma circonscription, qui se disaient inquiets de ce qui se passait à Terre-Neuve et au Labrador, j'ai dit qu'il y avait plus de différences que de similitudes entre la situation à Terre-Neuve et au Labrador et la situation en Ontario.
Je ne crois pas que ce que nous faisons ici va constituer le moindrement un précédent pour une autre province et surtout pas l'Ontario. Je ne le crois pas. Je ne le crois pas parce l'histoire de l'Ontario est très différente de celle de Terre-Neuve et du Labrador.
L'Ontario a un système d'éducation très différent de celui de Terre-Neuve et du Labrador. L'Ontario n'a pas les conditions de l'union que la province de Terre-Neuve et du Labrador essaie de modifier.
Aux gens qui craignent que ce que nous faisons ici à l'égard de la clause 17 n'ait des répercussions négatives pour d'autres provinces et que nous n'établissions un précédent, je dis que le seul précédent que la modification de la clause 17 va créer à mon sens, c'est celui qui dit que des modifications constitutionnelles sont possibles au Canada.
Notre Constitution est un document vivant. Elle n'est pas coulée dans le béton. Elle peut s'adapter aux besoins des diverses provinces. Elle peut aussi être souple. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi certaines personnes résistent, pour des raisons qui leur sont propres, au changement.
Je comprends évidemment que ceux qui ont aujourd'hui le pouvoir de diriger les systèmes scolaires ne veulent pas de ce changement. Je comprends cela. Il n'est pas facile de modifier une constitution.
Notre pays a dû composer avec ce désir de changement tout au long de son histoire. Jamais n'a-t-on eu plus bel exemple que ce projet de modification de la clause 17 pour illustrer la façon dont le Parlement devrait accéder à une requête des provinces, le respect de la démarche à suivre, l'expression de la volonté populaire dans le cadre d'un vote libre et impartial à l'assemblée législative de Terre-Neuve.
Après le référendum, où 73 p. 100 de la population de Terre-Neuve et du Labrador, en réponse à une question claire, s'est prononcée en faveur du changement, l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a tenu un vote libre et impartial.
Les conservateurs ont appuyé la résolution. Le NPD l'a également appuyée. Le seul député indépendant à l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador, qui représente une forte population métisse et autochtone, l'a appuyée. Oui, le gouvernement libéral et tous les députés à cette assemblée, qu'ils soient pentecôtistes ou catholiques, qu'ils pratiquent une autre religieux ou aucune religion du tout, ont tous appuyé la résolution.
Les députés savent-ils pourquoi? À mon avis, c'est parce que ces hommes et ces femmes politiques veulent ce qu'il y a de mieux pour les étudiants de Terre-Neuve et du Labrador. Ils veulent pouvoir utiliser leurs ressources de la façon la plus rentable possible, afin que les étudiants aient accès au meilleur enseignement possible et aient le plus de chances de réussir à l'avenir.
J'exhorte les députés à écouter cette voix si longtemps étouffée. Une délégation nous a dit qu'elle a été torturée par ce débat pendant une décennie.
Aidons ces gens à intégrer cet épisode à leur histoire. Si nous n'adoptons pas le projet de loi rapidement, ils ne pourront pas être prêts à accueillir leurs élèves en septembre prochain. Il serait irresponsable de ne pas adopter la mesure si nous nous soucions des élèves de Terre-Neuve et du Labrador, si nous voulons qu'ils aient la meilleure éducation et la plus efficiente que peut leur offrir la province. Donnons une chance à ces enfants. Laissons la province tourner cette page.
J'ai fait partie du comité et je crois que le rapport majoritaire offre la meilleure solution pour le Canada et pour Terre-Neuve et le Labrador. J'espère que les députés l'appuieront.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, j'aurais besoin de quelques éclaircissements. La députée a dit que quelqu'un avait été torturé. J'espère que ce n'est pas physiquement. J'espère que ce n'était qu'une torture psychologique. Comme elle a lancé cette révélation au milieu de son intervention sans la rattacher à quoi que ce soit, qui a été torturé et par qui?
Mme Elinor Caplan: Monsieur le Président, je serai heureuse de clarifier cela pour le député. S'il lit le compte rendu des délibérations du comité, il verra qu'une délégation de parents a déclaré devant le comité qu'ils estimaient que ce débat avait été une torture pour leur collectivité.
Oui, c'était une torture mentale, de l'angoisse et de l'anxiété. On craignait pour les élèves et leur avenir. La division régnait au sein de la collectivité et séparait les amis. C'était une torture mentale cruelle.
Ce n'est pas moi qui ai inventé cette expression, ce sont des gens de Terre-Neuve, des parents qui ont parlé de torture devant le comité. Ils ont aussi parlé de chaos et de division. Ce sont des mots durs et lourds de sens.
J'espère que le député qui a posé cette importante question parlera à ses collègues afin que nous puissions donner aux gens de Terre-Neuve et du Labrador qui se sont sentis torturés par le débat la réponse qu'ils attendent et afin qu'ils puissent tourner cette page de leur histoire.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur la résolution qui vise à modifier la clause 17. J'ai fait partie du comité parlementaire mixte spécial chargé d'étudier cette clause. Je tiens d'abord à dire que c'est une question extraordinairement complexe et qu'il faut à un député la sagesse du Salomon pour décider comment il votera sur celle-ci. J'apprécie le fait que chaque parti semble accepter la tenue d'un vote libre.
Je ne parle pas au nom de mon parti, mais plutôt d'après l'opinion que je me suis faite lors des audiences et après avoir rencontré de nombreux Terre-Neuviens.
Je voudrais revenir sur les observations très passionnées de la députée qui m'a précédé. Elle a parlé de divisions profondes qui déchirent Terre-Neuve et de témoins qui, au moment de leur comparution devant le comité mixte, ont expliqué le calvaire qu'ils ont vécu à cause du débat qui a lieu actuellement et qui est une source de divisions.
De nombreux témoins qui ont comparu devant le comité et qui ont fait part de leurs réflexions profondes et passionnées s'opposaient à la modification proposée. Ils font partie de la minorité, peut-être d'une minorité dans la minorité, mais néanmoins d'une minorité qui croit que cette modification les privera d'un droit constitutionnel fondamental par rapport à leurs privilèges en tant que citoyens du Canada, de Terre-Neuve et du Labrador.
Cette modification ne fait donc absolument pas l'unanimité à Terre-Neuve. En fait, tous les Terre-Neuviens que j'ai entendus directement m'ont encouragé à exercer le pouvoir que nous confère la Constitution pour nous opposer à cette résolution.
Je n'interviens pas pour m'opposer au consensus unanime de la province de Terre-Neuve mais plutôt pour parler au nom du groupe de gens de cette province, qui ne sont peut-être pas nombreux, mais qui estiment que leurs droits en tant que minorités ont été bafoués par le processus dans lequel nous sommes maintenant engagés.
Quel est le résultat de cette modification? Elle remplace la clause 17 qui a été ajoutée à la Constitution au moment de l'union de Terre-Neuve et du Labrador avec le Canada en 1949 par une nouvelle clause qui continuerait de reconnaître l'éducation comme étant une responsabilité provinciale, à juste titre, et qui supprimerait et éteindrait pour toujours le droit de groupes confessionnels, enchâssé en 1949, de diriger des écoles et des systèmes scolaires de nature confessionnelle.
Elle remplacerait ces droits par une garantie générale d'accès à l'enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier et, selon le paragraphe 3, à l'observance d'une religion qui serait permise dans une école si les parents le demandent. Soyons très clairs quant à l'effet de cette mesure. Elle supprime un droit.
Certains des défenseurs de cette modification prétendront qu'il n'est pas question des droits des minorités parce que 97 p. 100 des habitants de Terre-Neuve et du Labrador font partie de l'une des sept confessions touchées. Selon moi, on ne fait qu'ergoter. Selon moi, on ne fait que pinailler sur des concepts constitutionnels. Qu'il s'agisse de droits des minorités, de droits religieux, de droits acquis ou de droits reconnus, c'est du pareil au même.
Pour citer un distingué député de cette Chambre, le député de Lac-Saint-Louis, dans le débat concernant une initiative semblable qui a eu lieu à l'Assemblée nationale du Québec il y a de nombreuses années, «un droit est un droit est un droit». Peu importe comment on les divise, comment on les emballe, comment on les appelle, il est question ici de garanties qui ont été accordées à certaines collectivités lors de l'édification de ce pays, en l'occurrence lors de l'union de Terre-Neuve avec ce grand pays.
De quels droits s'agit-il lorsqu'il est question des droits des parents d'orienter leurs enfants vers une tradition religieuse particulière? Selon le ministre des Affaires intergouvernementales et de nombreux défenseurs de cette modification, le droit à la gratuité de l'enseignement confessionnel ne constitue pas un droit fondamental dans la mesure où les parents ont accès à ce type d'enseignement, qu'il soit financé par le secteur privé ou par d'autres moyens.
En d'autres mots, ils prétendent qu'il n'est pas question ici d'un droit comme celui de la liberté de religion ou de la liberté d'expression, qui sont, selon eux, des droits fondamentaux. Ils laissent entendre plutôt que nous avons affaire ici à l'admissibilité, notamment l'admissibilité aux deniers publics pour financer l'enseignement confessionnel.
Je me permets de ne pas partager cet avis et j'aimerais me reporter à cet égard à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, ce document issu des circonstances atroces et des leçons tirées de la Seconde Guerre mondiale, à la suite de laquelle les pays du monde se sont réunis dans le but de définir une fois pour toutes ce qui constitue les droits humains fondamentaux. L'article 27 de la déclaration affirme que toute personne «a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental.»
Au paragraphe 2, il est précisé que l'éducation «doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales». Selon l'article 3, «les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants». Il est stipulé que l'enseignement doit être gratuit; en d'autres mots, c'est l'éducation financée par les deniers publics, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. Ce document dit ensuite que les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
Ce principe a été énoncé plus clairement dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 où l'article 13 reconnaît le droit à l'éducation pour tous. Il stipule aussi que l'enseignement élémentaire est obligatoire et doit être gratuit pour tous, que les États et les parties au pacte s'engagent à respecter la liberté des parents de veiller à ce que l'enseignement religieux et moral fourni à leurs enfants soit conforme à leurs propres convictions.
Enfin, je cite le Pacte international relatif aux droits civils et politiques où l'article 18 dit que chacun a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. L'article 4 stipule que les États parties à ce pacte s'engagent à respecter la liberté des parents, et des tuteurs légaux le cas échéant, de veiller à ce que l'enseignement de la religion et de la morale à leurs enfants soit conforme à leurs propres convictions.
Le fait est que nous ne parlons pas ici d'un simple privilège ou d'une prérogative. Le droit à l'éducation, comme on peut le voir d'après ces pactes internationaux, signifie le droit à un enseignement public, gratuit, à l'élémentaire au moins, qui reflète les convictions des parents.
En abolissant les garanties de la clause 17 quant aux écoles confessionnelles, on abolit les droits définis dans ces pactes internationaux. Je crois que c'est là un geste très grave.
C'est pourquoi nous devons avoir une raison extrêmement valable pour abolir ces droits. Pour moi, la seule raison qui nous permette de le faire est le consentement des groupes touchés, qu'il s'agisse d'une minorité ou d'un groupe majoritaire. J'estime que la volonté populaire n'a pas été exprimée de façon absolument claire, et cela en dépit du vote unanime de l'assemblée législative de Terre-Neuve. Pourquoi est-ce que je dis cela?
Ce n'est pas un groupe confessionnel, mais bien huit groupes qui étaient touchés et chacun a le droit de revendiquer ce droit fondamental. Une majorité de personnes de divers groupes confessionnels ne peuvent pas abolir les droits d'une minorité.
Par exemple, on a clairement reconnu au cours des audiences du comité mixte que les pentecôtistes de Terre-Neuve et du Labrador n'ont pas donné leur consentement au cours des consultations, et qu'ils ont majoritairement voté contre la proposition lors du référendum.
Il n'est pas clair non plus si l'imposante communauté catholique de Terre-Neuve a appuyé la proposition. Il y a lieu de croire qu'une majorité de catholiques de nom ont appuyé la modification au référendum, mais il n'y a aucun moyen de savoir si les catholiques pratiquants en ont fait autant. Ce qui est sûr, c'est que la Conférence des évêques catholiques de Terre-Neuve s'est clairement prononcée contre le projet de modification.
Je voudrais ouvrir une parenthèse pour dire qu'il est extrêmement regrettable que le comité mixte ait choisi de ne pas entendre des représentants de la Conférence des évêques catholiques du Canada et des représentants d'autres organismes comme la Ligue catholique des droits civils, qui auraient pu parler des répercussions nationale de la modification. Pour quelles autres raisons est-ce que je mets en doute l'affirmation voulant que les groupes touchés par la modification y aient donné leur appui?
Je crois que le référendum s'est déroulé de façon affreuse. Je ne veux pas dire par là que la population de Terre-Neuve ne savait pas sur quoi elle votait ou qu'elle a voté aveuglément. Ce n'est pas ce que je veux dire.
Je crois que le gouvernement de Terre-Neuve a tenu le référendum de façon irresponsable et contraire aux principes fondamentaux de la démocratie directe reconnus dans les lois référendaires partout ailleurs dans le monde.
On a entre autres fait remarquer aujourd'hui au cours du débat que la question avait été publiée seulement 32 jours avant la date du référendum et que le texte légal avait été publié deux jours avant l'ouverture des bureaux de vote par anticipation et seulement une semaine avant le scrutin comme tel. Dans le cas du débat sur l'accord de Charlottetown, je me souviens que lors du référendum de 1992, les Canadiens d'un océan à l'autre s'étaient dits très en colère du fait qu'ils n'avaient toujours pas vu le texte légal de l'accord trois ou quatre semaines avant le référendum.
Dans ce cas, les habitants de Terre-Neuve ne l'ont vu qu'un ou deux jours avant d'aller aux urnes. Ce qui est plus important, c'est que le texte légal une fois publié était substantiellement différent de la question inscrite sur les bulletins de vote et soumise aux habitants de Terre-Neuve quatre semaines plus tôt.
La question était: «Appuyez-vous la mise sur pied d'un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquenteraient les mêmes écoles où des dispositions seraient prises pour offrir l'enseignement religieux et permettre l'observation des préceptes religieux?» Je tire cette citation d'une publicité du gouvernement annonçant une question référendaire simple, et elle semble assez simple.
Cependant, quand le gouvernement a publié le texte légal, le paragraphe 2 de la nouvelle clause 17 indiquait clairement que le système en question devrait prévoir un enseignement religieux qui ne visait pas une religion en particulier, une précision essentielle qui ne figurait pas dans la question. Le paragraphe 3 du texte légal stipule que «l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent», une disposition à laquelle on doit je présume ajouter également la précision «qui ne vise pas une religion en particulier».
Un grand nombre d'habitants de Terre-Neuve qui se sont mis en rapport avec moi et avec le comité ont dit que la question qui leur avait été posée laissait entendre que l'enseignement dont il s'agissait faisait référence à l'enseignement religieux tel qu'ils le concevaient. Cependant le gouvernement les a eus en disant que cet enseignement ne viserait aucune religion en particulier. Comme beaucoup de gens à Terre-Neuve et au Labrador, je pense que l'enseignement religieux ne visant aucune religion particulière n'en est pas un et donc que la question était trompeuse.
Je m'oppose aussi à l'intervention directe du gouvernement dans le référendum. Le gouvernement a utilisé l'appareil de l'État et des fonds publics pour appuyer le oui au référendum. Un principe de toute démocratie directe, reconnu dans le monde entier, est que l'État doit rester neutre.
Le gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre, son cabinet et son caucus, peuvent prendre une position et la défendre dans les assemblées, à la télévision, à la radio, etc., mais il est anormal d'utiliser des fonds publics pour le bénéfice d'une partie. C'est faire pencher fortement la balance en faveur d'un côté, c'est porter atteinte à un des principes de la démocratie libérale telle que l'exprimait Thomas Jefferson dans le préambule de la loi de la Virginie sur la liberté de religion, qui stipule que forcer un homme à financer des idées qu'il exècre est à la fois un péché et une tyrannie. C'est un principe qui a été admis à la naissance de la démocratie libérale: l'État doit rester neutre en matière de différences politiques et morales.
C'est un principe que n'a pas reconnu le gouvernement de Terre-Neuve qui a dépensé 350 000 $ pour défendre le oui, alors que le non n'a pas eu accès à des fonds.
Je dis cela en tant qu'avocat convaincu de la démocratie directe et des référendums, en tant qu'étudiant de la démocratie directe. Je trouve cela répréhensible. Je pense que si nous prenons pour acquis la légitimité de ce référendum nous abaissons les normes de ce que devrait être une conduite légitime lors d'un référendum et, à mon avis, ce n'est pas une chose à faire.
Bon nombre de ceux qui étaient en faveur de cette modification ont fait valoir que son objectif premier est d'instaurer le pluralisme, de faire en sorte que cette valeur chère aux Canadiens qu'est le pluralisme trouve sa place dans le système d'éducation de Terre-Neuve, car, font-ils remarquer entre autres, la clause 17 dans sa version première n'accorde pas à certains groupes, comme les baptistes et les membres de la communauté juive par exemple, le droit à l'enseignement confessionnel.
J'y vois là une préoccupation fort légitime. Mais la solution à ce problème ne consiste pas à abolir les droits de ceux qui y avaient accès. Il s'agit plutôt de les étendre aux autres. Une démocratie libérale ne crée pas l'égalité en supprimant des droits à certains. Il crée une plus grand égalité en accordant ces droits à tous.
À mon avis, ce que le gouvernement de Terre-Neuve aurait dû faire en l'occurrence, c'est de proposer une modification à la clause qui aurait permis d'inclure le droit général à l'enseignement confessionnel. Voilà qui aurait répondu au critère de l'égalité, mais certains devront en assumer les conséquences, ils seront privés du droit à l'enseignement confessionnel.
Or, les plus durement touchés seront les plus démunis. Et j'insiste là-dessus. Les riches ont les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école privée, mais les démunis, et Terre-Neuve est certes une province démunie, n'ont pas les 2 000 $, 3 000 $ ou 4 000 $ qu'il leur faudrait pour envoyer leurs enfants à une école privée qui professe leurs valeurs.
Et qu'en est-il des cours de religion et de la pratique religieuse dont il est question dans la nouvelle clause proposée? Ma préoccupation et celle de nombreux Terre-Neuviens, c'est que ces cours de religion, ces cours généraux non confessionnels s'inspireront d'une vision particulière du monde, d'une vision du monde que l'on pourrait qualifiée de séculière, en un mot, une vision du monde qui ne sait pas faire la distinction entre les prétentions à la vérité des diverses religions.
Autrement dit, les cours de religion que prévoit cette nouvelle clause ne seront pas des cours de religion au sens où on l'entend communément. Il pourrait très bien s'agir de cours orientés vers le syncrétisme et l'indifférentisme religieux débouchant sur une philosophie qui enseigne le relativisme moral. Autrement dit, une philosophie qui se refuse à admettre la possibilité d'une vérité absolue et objective touchant la vie et la mort, les questions d'ordre métaphysique, le fait religieux.
Dire à un parent catholique, pentecôtiste ou appartenant à un autre groupe confessionnel qu'ils auront accès à l'enseignement religieux, qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, voilà qui n'a rien pour les assurer. Ils craignent que leurs principes moraux ne soient pas respectés par leurs enfants, s'ils fréquentent ces écoles qui...
Le président suppléant (M. McClelland): Je donne la parole au député de Elk Island, pour des questions ou des observations.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je suis étonné d'entendre le sens des propos du député. Je pense que, jusqu'à maintenant, le débat d'aujourd'hui avait passé sous silence cet aspect de la question, c'est-à-dire l'idée que la religion est un système auquel les parents croient fermement et qu'ils veulent transmettre à leurs enfants. Je me demandais si le député pourrait nous en dire davantage sur cet aspect de la question.
M. Jason Kenney: Monsieur le Président, oui, je puis en dire davantage. Le syncrétisme religieux rendu nécessaire dans les cours de religion non confessionnels qui seraient donnés en vertu de la modification proposée est contraire aux valeurs fondamentales de nombreuses familles. Les valeurs de ces familles exigent qu'elles voient le monde d'une certaine perspective religieuse, ancrée dans une tradition qui remonte bien souvent à 2 000 ans auparavant.
Pour ces gens, c'est sacrilège que d'envoyer leurs enfants à une école où on leur enseignera qu'il n'y a pas de différence entre les religions, que toutes les prétentions à la vérité de toutes les religions sont non pertinentes et injustifiées et qu'on peut choisir soi-même les valeurs morales qui guideront sa vie. C'est pourquoi tant de parents s'opposent à cette mesure.
Je veux souligner un autre point pour répondre au député, la question du pluralisme. Cette modification impose un système d'éducation moniste, ou unifié, incompatible avec le pluralisme que nous défendons comme une valeur si importante à notre pays.
Selon Edmund Burke, le pluralisme signifie que l'on a beaucoup de petits pelotons différents dans la société civile, formés de gens unis par des convictions communes dans différents systèmes religieux. Le système d'éducation actuellement en place à Terre-Neuve est compatible avec cette perspective pluraliste.
Ce que nous voulons, c'est le pluralisme, et non un moule unique et stéréotypé, applicable à tous les enfants, de façon que tous reçoivent la même éducation.
Un vote contre la clause 17 dans le nouveau libellé proposé, c'est un vote pour le pluralisme et, selon moi, un vote pour la valeur la plus fondamentale des Canadiens.
M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, le député a parlé de l'article 18 du Pacte international relatif aux droit civils et politiques.
J'attire son attention sur la page 10 du rapport unanime du Comité mixte où il est précisé que le professeur Anne Bayefsky, constitutionnaliste qui a témoigné devant le comité, avait dit que le pacte international ne stipulait pas que les États signataires devaient fournir un financement public aux écoles confessionnelles. Je crois avoir compris que le déput a dit l'inverse.
En outre, il a dit qu'un droit était un droit. Je lui demande donc si par là il suggère que la Constitution ne peut être modifiée qu'à l'unanimité et, dans ce cas, quel est l'objet de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui prévoit des modifications bilatérales?
M. Jason Kenney: Monsieur le Président, premièrement, malgré tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec la position du professeur Bayefsky qui apparaît dans le rapport de la majorité.
En ce qui concerne les deux autres pactes que j'ai cités, à savoir la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui stipule que l'éducation doit être gratuite, et le Pacte international relatif aux droit civils et politiques, qui stipule que l'enseignement primaire doit être obligatoire, gratuit et accessible pour tous, dans le contexte, il est entendu que le droit à l'éducation est un droit que peuvent exercer tous les parents, y compris les parents pauvres, ce qui signifie avec l'aide de l'État.
En ce qui concerne sa deuxième question, non, je ne pense pas que l'unanimité soit nécessaire pour modifier la Constitution. J'ai dit que je pensais que le minimum nécessaire pour supprimer un droit accordé à un groupe donné était que ce dernier appuie clairement et expressément la suppression de ce droit.
Le processus référendaire tenu à Terre-Neuve n'a pas permis de déterminer si c'était bien le cas. Les résultats n'indiquent pas si des groupes ont donné leur consentement et quels groupes l'ont donné. D'une façon générale, nous disons que, dans une société, la majorité peut aliéner les droits d'une minorité. C'est un précédent troublant qui devrait susciter l'inquiétude de tous les députés non seulement à l'égard des droits à l'éducation dans leurs provinces, mais aussi des autres droits prévus par la Constitution.
Je voudrais aussi souligner que le professeur Bayefsky et d'autres constitutionnalistes qui ont comparu devant le comité ont soutenu de façon convaincante que, avec cette modification, la nouvelle clause 17 devrait être compatible avec la Charte des droits et libertés, et que, par conséquent, une pratique religieuse ou un cours qui aurait la moindre connotation religieuse serait déclaré inconstitutionnel par les tribunaux sur la base de la jurisprudence sur l'enseignement religieux, notamment l'arrêt Zylberberg et l'arrêt sur les libertés civiles en Ontario, selon lesquels un enseignement religieux financé publiquement violerait le droit à l'égalité garanti par la Charte.
Je suis heureux que le député ait rappelé les arguments de cette universitaire constitutionnaliste respectée. Ce sont des arguments qui justifient les craintes à l'égard de l'enseignement religieux.
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Monsieur le Président, le Parti réformiste a proposé trois critères et on en a beaucoup parlé aujourd'hui. Je remarque que nos vis-à-vis et les partis voisins de nous y ont fait allusion ou en ont parlé de façon explicite. Je vais m'en servir pour me guider quelque peu ce soir. Je tiens également à dire, alors que nous parlons du consentement démocratique, qu'en ce qui concerne ce premier critère, je ne partage pas le point de vue de certains de mes collègues. Il ne relègue pas au second plan les deux autres.
Tout d'abord, en ce qui concerne le consentement démocratique, le 2 septembre 1997, il semble que le gouvernement libéral de Terre-Neuve et du Labrador de Brian Tobin ait reagi de façon instinctive et malveillante. Il s'agissait d'une réaction de dépit à la décision voulant qu'il ne mette pas en oeuvre comme il se doit les dispositions de la clause 17. De plus, la situation au Québec nous a appris qu'un référendum peut être démocratique en théorie, mais démagogue en réalité en fonction du libellé de la question.
Voilà un gouvernement qui s'est fait réprimander et qui, comme un garçon gâté, a décidé qu'il ne voulait plus jouer. Il voulait se retirer au lieu de régler les différends. Il a tout à coup annoncé ce référendum le 31 juillet 1997. Le gouvernement terre-neuvien aurait pu modifier la loi pour prévoir un processus plus pratique de mise en oeuvre de la clause 17.
La décision du tribunal a entraîné le déclenchement d'un autre référendum à la fin du mois. Il n'y a pas eu de débat à l'assemblée législative avant cette annonce, et on n'a tenu aucune audience sur la modification proposée. Je prétends que cela aurait été utile pour faire connaître les questions au public.
Comme on l'a dit souvent, le gouvernement Tobin n'a dévoilé la nouvelle clause 17 proposée que deux jours avant le scrutin par anticipation et une semaine avant le scrutin lui-même. Comme d'autres collègues l'ont signalé, le libellé était bien différent de celui de la question qu'on a posée le jour du scrutin lui-même.
Je ne crois pas qu'on doit inscrire sur le bulletin de vote le libellé technique et juridique. Je crois que ce langage technique et juridique doit correspondre à la forme de la question. Or, ce n'est pas le cas. On peut presque parler de fraude. La question est trompeuse. Cela nous amène à nous demander si les électeurs en général et les minorités touchées en particulier ont donné leur consentement en connaissance de cause.
Je remarque rapidement, comme d'autres l'ont fait, que le gouvernement a utilisé des centaines de milliers de dollars pour défendre cette modification et qu'il n'a pas accordé un sou au camp du non. J'ai examiné certaines annonces gouvernementales. Qui n'est pas pour les enfants, pour les chances égales pour tous, pour le perfectionnement et toutes ces choses merveilleuses? Voilà la nature de la publicité payée par le gouvernement, ses valeurs incontestables et évidentes, mais il n'a pas accordé d'argent au camp du non. On a également mentionné le fait qu'il n'y avait pas de scrutateurs.
Je suis d'avis, comme d'autres, que si nous examinons sérieusement cette question de référendum, comme le Parti réformiste le fait, et il est aux premières lignes à cet égard, il faut également poser une question équitable. Il faut de bonnes garanties électorales, de bons scrutateurs, et ainsi de suite, ainsi qu'un financement égal pour les camps du oui et du non, ou pas de financement du tout. Selon un vieux dicton, il doit non seulement y avoir justice, mais aussi apparence de justice.
Ensuite, il n'a pas encore été démontré que la clause 17 révisée répond au test de la primauté du droit. La primauté du droit exige que le gouvernement de Terre-Neuve montre que ses projets de réforme ne portent pas atteinte aux droits accordés précédemment à ceux qui désirent une orientation religieuse dans l'éducation de leurs enfants.
Le gouvernement de Terre-Neuve aurait pu se pencher sur cet aspect. Il avait amplement l'occasion de le faire en obtenant une décision, un renvoi de la Cour suprême du Canada établissant clairement que son projet de modification ne portait pas atteinte aux droits accordés précédemment. Pourquoi parler de cela? Le gouvernement en avait la possibilité. Il ne s'agit pas de savoir si ces droits sont discriminatoires ou non. Le fait est que ces droits avaient été accordés.
Je voudrais expliquer, sous l'angle d'un précédent historique, comment il ne peut plus y avoir ou il n'y a plus forcément de discrimination au sujet de ces questions. À Terre-Neuve, la première loi sur l'éducation a été adoptée en 1836 et accordait des fonds publics à la Newfoundland School Society, aux catholiques et à neuf conseils scolaires.
Elle a été modifiée en 1874 pour permettre un financement proportionnel à tous les groupes religieux, qui, à l'époque, comprenaient les catholiques, les anglicans, les méthodistes, les presbytériens et les congrégationalistes. En 1892 et en 1913, d'autres groupes se sont joints à ceux-là. Puis, les Assemblées de la Pentecôte du Canada ont pu participer pleinement au financement en 1954 et ont été inscrites dans la Constitution en 1987.
Il y a sans doute un nombre croissant de familles dans la province qui n'appartiennent pas à des groupes traditionnels de foi catholique romaine ou protestante, mais il faudrait respecter le droit de ces parents de faire instruire leurs enfants selon leur propre foi et leurs propres convictions, comme on devrait respecter le droit des parents catholiques romains ou protestants à cet égard.
Rien n'empêcherait d'inclure plus de groupes. La solution proposée avec cette clause 17 ne permettra pas une plus grande diversité, mais impose au contraire une approche qui marginalise la religion et l'exclut du programme d'études général.
Nous devrions élargir les droits en matière d'éducation, comme mon collègue l'a dit il y a quelques instants, au lieu d'y mettre fin. S'il y a des groupes privés de droits qui souhaiteraient obtenir les mêmes droits, on pourrait répondre à leur voeu sans miner la protection constitutionnelle dont jouissent d'autres minorités religieuses.
Il y a également des façons de remédier aux lacunes pouvant exister dans le système scolaire sans qu'il soit nécessaire de recourir à une modification constitutionnelle.
Par un communiqué de presse daté du 24 avril 1996, le ministre de l'Éducation et de la Formation avait annoncé qu'une entente-cadre avait été négociée entre la province et les Églises. Cette entente montre que l'on peut remédier aux problèmes du gouvernement sans la modification constitutionnelle qu'il réclame. En fait, les Églises avaient collaboré à la réforme de l'éducation.
Le premier ministre Tobin a dit qu'elles tentaient de faire échouer le processus de réforme de l'éducation. Ce n'est pas vrai. En réalité, ces Églises s'étaient engagées volontiers dans la voie de la réforme. Elles avaient conclu des douzaines d'accords scolaires. Elles avaient fermé et regroupé des écoles; au cours de l'année écoulée, une trentaine pour les catholiques et sept pour les pentecôtistes.
Elles ont coopéré avec le gouvernement pour ramener le nombre de conseils scolaires de 267 au départ à dix seulement. Elles ont participé à la commission du gouvernement provincial qui contrôle la construction de toutes les écoles, accepté que la réforme du transport scolaire s'imposait, etc.
En fait, les Églises ont appuyé 90 p. 100 des recommandations de la commission et exhorté le gouvernement à les mettre en oeuvre.
Il est clair que les pentecôtistes et les catholiques subiront un préjudice à cause du nouveau programme de religion prévu dans la clause 17.
Cette proposition de programme de religion conçu par le ministère de l'Éducation est une sinistre blague. Ce sera un cours de religion édulcoré, générique, tenant plus de la sociologie que de la religion. Au pire, il sera hostile aux religions théistes.
L'actuel gouvernement de Terre-Neuve a manifesté un tel mépris pour l'enseignement religieux qu'il n'y a aucune raison d'espérer qu'il prendra soudain conscience des droits des parents en matière de religion.
Confier au ministère de l'Éducation la tâche d'arrêter le contenu du cours de religion revient à confier au renard la garde du poulailler. C'est une blague sinistre. J'estime que cette modification ne va pas dans le sens des intérêts bien compris des Canadiens.
Dans le hansard du 10 avril 1987, le premier ministre Brian Peckford parlait en termes élogieux des assemblées pentecôtistes de Terre-Neuve, de la manière dont elles s'occupaient de leurs écoles, de leur originalité dans la manière d'inculquer des valeurs, les bonnes manières, la courtoisie, le respect d'autrui, les valeurs familiales, etc. Il les exhortait même à veiller jalousement sur ce patrimoine, à ne pas le laisser se diluer.
Le premier ministre Peckford mentionne ce risque et déclare clairement que ces valeurs devraient être vues comme un phare par les autres, comme un exemple à imiter. En corrigeant une injustice, il affirmait être très heureux de recommander l'inclusion des assemblées pentecôtistes de Terre-Neuve.
Cela étant dit, qui devrait administrer les écoles? Qui devrait décider quelle éducation recevra un enfant? Je ne reconnais à aucune province, ni à la Saskatchewan, ni à Terre-Neuve ni à aucune autre, le pouvoir exclusif de décider quelle éducation les enfants recevront.
Ce sont les parents qui sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Ils ont donc le droit de pouvoir choisir le type d'éducation qu'ils souhaitent pour leurs enfants.
Ils devraient pouvoir décider eux-mêmes où mettre les fonds qui sont consacrés à l'éducation de leurs enfants, que ce soit directement, par un système de bons ou de coupons, ou indirectement, par le financement des écoles en fonction du nombre d'élèves inscrits.
Ces systèmes trouvent de plus en plus d'adeptes dans le monde, non seulement dans des pays de libre marché comme la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande, mais aussi dans des pays socialistes comme la Suède et le Danemark.
La population canadienne serait mieux servie en reconnaissant que les parents ont le droit de choisir l'école où inscrire leurs enfants en fonction de leur perception du monde et de leurs valeurs, pour le bien de la société canadienne. Tout le référendum de Terre-Neuve, du début à la fin, suscite la suspicion. Plutôt que d'abolir les droits de groupes minoritaires, je crois que nous devrions les améliorer et les étendre.
Après un examen sérieux et attentif, de nombreuses consultations et des discussions avec d'autres, je reste opposé à la clause 17 qui nous est proposée aujourd'hui.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui après avoir entendu les arguments convaincants présentés par les députés des deux côtés de la question.
Après avoir écouté mes collègues, il est très difficile pour moi de me prononcer sur cette question. J'y ai bien réfléchi. Étant donné que je fais moi-même partie d'une minorité, ce dossier est très important pour moi. Violons-nous les droits des minorités? Il y a toujours la possibilité qu'une majorité viole les droits des minorités et, comme je fais partie d'une minorité, c'est une question très importante pour moi. J'ai examiné la question très sérieusement. Je suis resté à la Chambre et j'ai écouté tous les députés parler des pour et des contre.
Quelle est ma position à cet égard? Après avoir écouté tout le monde et après avoir examiné notre politique, j'ai appris au cours des années que modifier la Constitution n'était jamais facile, et cela ne devrait justement pas être facile.
La Constitution renferme les principes selon lesquels nous gouvernons et nous sommes gouvernés. Elle a une influence sur toutes les activités quotidiennes des Canadiens. Par conséquent, notre Constitution doit refléter la volonté des Canadiens.
Ceux qui n'ont pas suivi ce dossier de près se demanderont peut-être de quoi il s'agit. Essentiellement, en modifiant la clause 17, on permettrait à la province de Terre-Neuve et du Labrador de changer son système scolaire confessionnel pour un système unique financé par la province.
Il convient de signaler que, malgré ces changements, la modification n'aurait pas pour effet de supprimer entièrement l'enseignement religieux dans les écoles. La clause 17 contient une disposition garantissant que la religion doit être enseignée et que l'observance d'une religion doit être permise dans les écoles si les parents le demandent.
Mes collègues estiment que cela ne revient pas exactement à garantir les droits des minorités qui sont garantis depuis que Terre-Neuve est entrée dans la Confédération. J'en conviens, mais cela supprime-t-il les droits des minorités? Je me suis posé la question et j'estime que cela ne supprime pas les droits des minorités. Ils sont là. Ils ne sont peut-être pas garantis de la même manière qu'avant, mais ils sont garantis. Par conséquent, je ne crois pas que le principe fondamental du respect des droits des minorités soit vraiment en cause.
Par contre, les enfants ne seront pas forcés de participer à des activités de ce genre s'ils ne le veulent pas ou si leurs parents ne le souhaitent pas. Ces questions sont très émotionnelles et renvoient aux valeurs fondamentales des individus. Chaque fois que cela a été débattu ici, nous avons entendu les deux camps défendre très éloquemment et très sincèrement des argumentations sur les raisons pour lesquelles nous devrions, en tant que parlementaires, appuyer ou rejeter cette résolution.
En tant que nouveau parlementaire, j'ai entendu plusieurs intéressés des deux camps sur cette question. Ce n'est pas une décision qu'on prend à la légère et j'y ai beaucoup réfléchi. Après y avoir mûrement réfléchi, j'en suis venu à la conclusion qu'il faut appuyer cette résolution. J'estime qu'elle respecte la volonté démocratique des gens de Terre-Neuve et du Labrador.
Mes collègues affirment que la question n'était pas claire, qu'elle a été modifiée et que le référendum ne répondait pas aux critères d'un vrai référendum.
Je dirais que ce débat s'est tenu à Terre-Neuve et que c'est la population de cette province qui doit en fin de compte prendre la décision. Dans le deuxième référendum, plus de 73 p. 100 des gens ont approuvé la modification. Je partage certaines des préoccupations de mes collègues à cet égard. Cependant, deux référendums ont été tenus à Terre-Neuve et au second, le pourcentage a augmenté. Par conséquent, je pense que le référendum est légitime.
L'un des principes primordiaux de notre parti est l'égalité des provinces et le respect des compétences provinciales. Nous croyons que chacune des provinces est l'égale des autres et devrait disposer des mêmes pouvoirs, et que le gouvernement fédéral devrait traiter toutes les provinces sur un pied d'égalité. La clause 17 porte sur le pouvoir des provinces en matière d'éducation, et la modification permet à l'Assemblée législative de Terre-Neuve de décider.
Je suis d'accord avec le député qui a dit que l'éducation devrait être la responsabilité des parents. La responsabilité première en matière d'éducation devrait incomber aux parents. Les parents de Terre-Neuve ont pris la décision par voie de référendum qu'ils voulaient procéder de cette façon.
Un autre principe concerne l'égalité de tous les citoyens. Nous sommes en faveur du principe voulant que tous sont égaux devant la loi. Aux termes de l'actuelle clause 17, les droits de tous les citoyens ne sont pas égaux. La question est de savoir si les droits existants doivent être abolis ou s'ils peuvent être respectés selon d'autres modalités.
Un autre principe directeur est lié à la liberté fondamentale de conscience et de religion. Il faut déterminer si le droit à l'enseignement confessionnel est compris dans cette liberté ou non. Selon la modification à la clause 17, l'instruction religieuse n'est pas propre à une confession, mais le droit de tous aux observances religieuses est garanti.
Les deux derniers principes portent sur la volonté de la majorité tout en respectant les droits des minorités. Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, il faut déterminer si la démarche du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador était juste et si les droits et les intérêts des minorités ont été protégés.
Les deux camps ont porté un jugement sur le caractère de la démarche suivie par le gouvernement pour obtenir le mandat de réformer le système scolaire. Dans l'un des camps, certains se sont plaints du fait que le gouvernement n'a pas donné aux citoyens assez de temps pour prendre une décision bien informée, que la campagne trop courte a eu lieu pendant l'été et que la question référendaire n'a été rendue publique qu'une semaine avant le référendum. Le gouvernement a mené une campagne active en faveur de la modification, comme le faisait observer un de mes collègues.
Dans l'autre camp, on dit qu'il s'agissait du deuxième référendum en deux ans au sujet des changements à apporter au système d'éducation dans cette province, que la question du deuxième référendum a été beaucoup mieux accueillie que la question du premier référendum. Je le répète, les habitants de presque toutes les régions de la province ont répondu oui à la question référendaire, qui a obtenu l'appui unanime de l'assemblée législative.
L'importance que nous accordons au consentement démocratique et au respect de la volonté de la majorité l'emporte-t-elle sur nos réserves en ce qui concerne les répercussions de cette modification sur les droits confessionnels à Terre-Neuve? Je crois que si. Voilà pourquoi j'appuierai la résolution.
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au député. C'est une question qui, en quelque sorte, nous fera faire un voyage dans le temps.
La question du référendum est très importante pour nous tous et je me demande si elle ne comporte pas certaines limites. N'y a-t-il pas de limites fondamentales? Revenons en arrière, à l'époque où l'esclavage avait cours chez nos voisins du Sud. S'il y avait eu un vote sur l'octroi de droits aux esclaves, sur leur maintien dans cet état de domination et de répression et si, à l'issue du vote, on avait décidé de ne reconnaître aucun droit aux esclaves et de continuer de les dominer, le député aurait-il accepté les résultats de ce genre de référendum?
D'entrée de jeu, je dirais que je m'y serais opposé. Malgré la tenue d'un référendum démocratique, j'aurais été contre. Il y a donc des limites. Personnellement, j'aimerais savoir comment le député se serait prononcé sur la question.
Par ailleurs, cela vaut-il pour tous les domaines ou y a-t-il des limites à ce sujet?
M. Deepak Obhrai: Monsieur le Président, il y a là d'excellentes analogies.
Pour répondre à la question du député, je dirai que, dans le cas du vote sur l'esclavage, on voulait priver quelqu'un de ses droits personnels fondamentaux, on voulait le traiter en être inférieur.
En l'occurrence, il est plutôt question de modifier le système, pas de priver quelqu'un de ses droits. Nous voulons apporter des modifications. C'est ainsi que je conçois cela. Je ne pense pas que l'on s'en prenne aux droits fondamentaux de quiconque dans la province. On modifie simplement un système qui, de l'avis des Terre-Neuviens, fonctionnerait beaucoup plus efficacement pour eux tout en leur accordant des droits religieux qui leur étaient reconnus dans la Constitution.
On ne prive personne de ses droits religieux ni de son droit d'envoyer son enfant dans une école où l'on enseigne la religion. Je peux garder mon enfant à la maison et lui donner un enseignement religieux. Il y a donc deux facteurs fondamentaux importants.
Tout compte fait, ce n'est pas, selon moi, un référendum où quelqu'un à Terre-Neuve a été privé d'un droit. Selon moi, par ce référendum, on a demandé à la population si elle voulait que le système soit changé. Voilà comment je vois la chose.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, le député sait que les droits des minorités me tiennent à coeur et qu'il y a d'autres personnes comme moi. On nous a dit tout à l'heure que les francophones avaient établi un système scolaire où ils jouissaient de tous les droits, qui était dirigé par eux et qui était non confessionnel. Mais conformément à la clause 17 concernant la province de Terre-Neuve, l'assemblée législative a compétence exclusive pour légiférer dans le domaine de l'éducation.
Le député pourrait-il nous dire ce qu'il pense de ces droits et de la façon dont ils pourraient être touchés par la tendance à l'effritement général et graduel des droits. Y aurait-il des conséquences pour le conseil scolaire francophone? Manifestement, ce conseil...
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Calgary-Est a une minute pour répondre à cette question.
M. Deepak Obhrai: Monsieur le Président, je ne crois pas que c'est le cas. Je maintiens toujours qu'il s'agit d'un changement et non de la suppression de droits. Je suis d'avis que les parents à Terre-Neuve ont toujours le droit fondamental d'élever leurs enfants comme bon leur semble.
Je sais qu'à Calgary, les personnes qui s'opposent à de telles mesures veillent à l'enseignement de leurs enfants à la maison. En somme, j'aborde la question sous l'angle du référendum et du désir des parents à Terre-Neuve qui demandent qu'un changement soit apporté au système pour en améliorer l'administration. Faisant moi-même partie d'une minorité, je serais le premier à tirer la sonnette d'alarme si j'étais d'avis qu'un droit d'une minorité allait disparaître. Je ne crois pas que l'on assiste à la disparition d'un droit d'une minorité.
M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre part à ce débat. La journée a été longue. Nous avons assisté à des discussions fort animées depuis que le ministre des Affaires intergouvernementales a ouvert le débat ce midi. J'estime que nous avons eu un débat des plus intéressants et honnêtes.
Des députés de tous les partis représentés à la Chambre y ont participé et ont fait valoir leurs opinions et points de vue. Il ne saurait en être autrement quand on étudie une question aussi sérieuse qu'un amendement constitutionnel.
Il nous faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs au moment de prendre une décision. Le premier est celui qu'ont mentionné nombre de députés qui ont pris la parole aujourd'hui, à savoir l'équité du processus, c'est-à-dire qu'il nous faut répondre à la question qui consiste à savoir si le processus par lequel le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a proposé la résolution adoptée à l'unanimité dans le cadre d'un vote libre de l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador était équitable. Il nous faut nous pencher là-dessus.
J'ai eu le plaisir de faire partie du comité mixte spécial chargé d'étudier cette question. J'aimerais vous parler d'un des témoins qui ont comparu devant le comité, en l'occurrence M. David Schneiderman, directeur exécutif du Centre for Constitutional Studies, à l'Université de l'Alberta. Le professeur Schneiderman a fait observer au comité qu'il y a un certain nombre de questions fondamentales que nous devons nous poser afin d'établir si le processus est effectivement équitable.
L'occasion a-t-elle été donnée à la population de participer au débats et aux délibérations, a-t-il demandé? Le comité n'a eu aucun mal à conclure que oui, car les témoignages entendus faisaient état d'un débat qui se déroulait depuis un bon bout de temps à Terre-Neuve et au Labrador.
Il a ajouté: Aurait-on pu arriver au même résultat par des moyens non constitutionnels? Il s'agit d'une demande de modification de la Constitution qui a pour effet d'éliminer des droits confessionnels. Que nous soyons pour ou contre, c'est une mesure qui ne peut être prise que par voie constitutionnelle.
Il a ensuite posé la question suivante: L'objet de l'amendement a-t-il été l'enjeu d'une élection ou d'un référendum? Deux référendums ont été tenus sur cette question.
La dernière question était: Les communautés d'intérêt les plus directement touchées ont-elles été consultées et ont-elles eu la chance de participer concrètement au processus? Là encore, le comité en est venu à la conclusion que toutes les parties concernées ont été consultées, sur une période d'un certain nombre d'années qui a pris fin avec la tenue du référendum final de cette année.
La majorité des membres du comité ont eu très peu de difficultés à en arriver à cette conclusion. Les ministériels et les députés de deux partis de l'opposition en sont venus à la conclusion que le processus avait été équitable.
Certains députés, au cours du débat, et certains groupes qui ont comparu devant le comité ont fait valoir que le processus avait été faussé parce que le gouvernement avait participé au référendum. À mon avis, cela était tout à fait raisonnable. Après tout, l'enjeu était une mesure législative du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Selon moi, un gouvernement qui propose une mesure législative a le devoir de l'appuyer. Je ne vois comment cette allégation peut susciter quelque préoccupation que ce soit quant au caractère équitable et raisonnable du processus.
Plus tôt au cours de ce débat, le député de St. John's-Est a dit craindre que la charte ne s'applique à la nouvelle clause 17 et que, par conséquent, les dispositions 17(2) et 17(3) qui prévoient un enseignement religieux et l'observance d'une religion si les parents le demandent ne soient éliminées. Le ministre des Affaires intergouvernementales a dit dans l'intervention qu'il a faite aujourd'hui qu'il était clair que la clause 17 modifiée serait protégée par la charte.
Pour l'information du député de St. John's-Est, je voudrais faire référence à un avis juridique que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a obtenu en ce qui concerne la question de savoir si une disposition de la charte ou une autre partie de la Constitution pouvaient invalider les droits énoncés dans la clause 17. La réponse a été non.
La Cour suprême du Canada a déclaré qu'on ne pouvait invoquer une disposition d'une partie de la Constitution pour invalider une disposition d'une autre partie de la Constitution. La clause 17 fait partie de la Constitution du Canada. Dans les provinces où les tribunaux ont arrêté que les pratiques religieuses comme la récitation du Notre Père ne pouvaient être observées dans les écoles publiques, il n'existe pas de protection comparable à celle qui figure dans la clause 17.
Cet avis qui a été fourni au gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, ne vient pas d'un libéral ou d'une personne dont on pourrait mettre en doute les motifs, mais d'un ancien ministre, l'honorable John Crosbie, et je pense donc que le député de St. John's-Est devrait accorder du poids à cet avis.
[Français]
Dans le débat d'aujourd'hui, on parle beaucoup de la question des droits des minorités, à savoir si les amendements à l'article 17 portent vraiment sur les droits des minorités. Il faut savoir qu'à Terre-Neuve et au Labrador, la situation n'est pas comme dans les autres provinces. Premièrement, il n'y a jamais eu de système scolaire public à Terre-Neuve et au Labrador. D'abord, c'est très difficile d'essayer de déterminer qui sont les minorités et qui forme la majorité. Pour avoir une minorité, il faut aussi avoir une majorité.
C'est très difficile à Terre-Neuve et au Labrador, où, avant les derniers amendements à l'article 17, il y avait à peu près 96 p. 100 de la population qui avaient des droits confessionnels. Certaines de ces religions s'étaient réunies dans un système scolaire, mais seulement 4 p. 100 de la population de Terre-Neuve et du Labrador n'avaient pas de droits confessionnels. C'est un peu difficile de dire aujourd'hui qu'en essayant d'apporter ces amendements à l'article 17 de la Constitution, ce sont les droits des minorités qui sont en jeu.
En plus, en ce qui concerne le résultat du référendum, c'est très difficile de savoir comment les divers groupes ont voté à ce référendum. Il n'y a pas eu de moyens de le déterminer. En effet, quand le ministre Grimes, le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador, a comparu devant le Comité, il a indiqué qu'au premier référendum, en 1995, le premier ministre de l'époque, M. Clyde Wells, avait écrit à tous les groupes confessionnels, à tous les dirigeants des groupes, les catholiques, les pentecôtistes, pour leur demander s'ils étaient d'accord ou s'ils appuyaient une mesure selon laquelle chaque personne, en arrivant au bureau de scrutin, indiquerait sa religion sur un bulletin, permettant de savoir comment l'ensemble de chaque groupe religieux avait voté.
Le ministre Grimes a indiqué qu'en effet, le premier ministre Wells n'a jamais eu de réponse à sa demande. Quand le premier ministre Tobin a proposé le deuxième référendum, il n'en a pas été question, parce qu'il était déjà déterminé que les dirigeants des Églises n'étaient pas intéressés à essayer de savoir comment les membres de leurs confessions allaient voter.
En plus, on voit que les catholiques à Terre-Neuve qui représentent 37 p. 100 de la population sont le groupe le plus nombreux de tous les groupes confessionnels. C'est difficile de comprendre encore comment ce groupe peut être décrit comme étant minoritaire quand il représente 37 p. 100 de la population.
[Traduction]
À mon avis, il est évident que si les catholiques, qui représentent 37 p. 100 de la population, avaient voté en masse afin de protéger leurs droits confessonniels, ils auraient pu ne pas gagner le référendum mais le résultat n'aurait pas été 73 p. 100 des voix en faveur du oui. Les pentecôtistes représentant 7 p. 100 de la population, il est plus difficile de dire ce que ça aurait donné. En fait, cette question a donné lieu à pas mal de suppositions en comité. Il n'y a pas moyen de dire avec certitude ce qui serait arrivé.
L'annexe 1 du rapport du comité donne les résultats du référendum qui s'est tenu à Terre-Neuve en septembre 1997. Ces résultats sont répartis selon le pourcentage de la population ayant voté, le pourcentage ayant voté oui, le pourcentage ayant voté non, le pourcentage de catholiques romains et de pentecôtistes au sein de la population, pour chacun des bureaux de scrutin.
En y jetant un coup d'oeil rapide, on se rend compte que, dans les secteurs où la population pentecôtiste est le plus concentrée, par exemple à Baie Verte, où la population est pentecôtiste à 25 p. 100, le fait qui me frappe le plus c'est que 45,2 p. 100 des électeurs sont allés voter, ce qui est inférieur à la moyenne. Dans un bureau de scrutin où les pentecôtistes étaient assez bien représentés, la proportion des électeurs qui se sont prévalus de leur droit de vote n'est pas plus élevée. En fait, le oui y a gagné dans une proportion de 57,9 p. 100.
C'est un peu la même chose dans Exploits, où la population pentecôtiste représente 26 p. 100 des habitants et où environ 53 p. 100 des électeurs sont allés voter, en moyenne, mais encore une fois en faveur du oui, dans une proportion de 63 p. 100. Dans la circonscription de Lewisporte, 34 p. 100 de la population est pentecôtiste et 57 p. 100 des électeurs—un peu plus que la moyenne—sont allés voter, le oui l'emportant avec 59 p. 100 des voix.
Même dans les circonscriptions où les pentecôtistes sont plus fortement représentés qu'ailleurs, on peut voir que l'appui à la résolution est encore passablement fort.
C'est très difficile d'accepter l'argument qu'il s'agit là d'une question de droit des minorités, qu'on viole ainsi les droits des minorités. Pour moi, ce n'est pas une question de droits des minorités, c'est une question de droits confessionnels, droits qui sont garantis par la Constitution. C'est vrai qu'il ne faut pas modifier la Constitution sans examiner sérieusement la situation mais, dans ce cas, je ne vois pas en quoi les droits des minorités seraient bafoués et la volonté de la majorité, imposée à tous.
C'est bien sûr une décision très délicate, un enjeu très délicat. C'est sûr que les membres du comité, y compris ceux qui ont appuyé le rapport majoritaire recommandant à la Chambre et au Sénat d'adopter la résolution demandée, avaient beaucoup d'empathie et de sympathie pour les gens qui ont témoigné devant le comité pour dire qu'ils ne voulaient pas perdre ces droits confessionnels.
J'ai été très impressionné par les témoignages de l'Association des droits de la personne de Terre-Neuve et de l'Association canadienne des libertés civiles. Ces deux organismes ont comparu devant le comité. Leur cause, c'est la défense des droits des minorités, la défense des minorités. Ces deux groupes ont fortement appuyé la résolution. Je ne vois pas comment on pourrait y percevoir une atteinte aux droits des minorités alors même que ces deux associations qui se vouent à la défense des droits des minorités y souscrivent.
Les représentants de ces organismes ont fait preuve de beaucoup de franchise dans leurs exposés. Ils ont reconnu qu'ils se trouvaient dans une situation quelque peu inhabituelle. Ils s'opposent généralement aux lois et aux mesures que propose le gouvernement. Il leur arrive très rarement de s'en faire les champions. Et c'est pourtant la position qu'ils ont adoptée dans ce cas-ci.
J'ai également été impressionné par les propos que le leader de l'opposition officielle a tenus à ce propos un peu plus tôt dans la journée. Il a manifesté de la sympathie et même de l'empathie envers les individus et les groupes dont les droits seraient ainsi abolis. Il ne fait aucun doute que tout le monde a compris ce dont il s'agit. Quiconque a entendu ou lu le discours que le premier ministre Tobin a prononcé le soir de l'annonce du référendum aura saisi, car c'était on ne peut plus clair, que les droits à l'enseignement confessionnel étaient supprimés.
Et malgré cela, le leader de l'opposition officielle adopte la position selon laquelle, en l'occurrence, puisque la liberté de religion sera maintenue, par respect pour la volonté manifestée par la population de Terre-Neuve et du Labrador, il n'a d'autre choix que de donner son adhésion.
C'est là, à mon avis, un processus très difficile par lequel beaucoup d'entre nous ont dû passer, mais il faut parfois s'en remettre à son instinct. Ceux d'entre nous qui sont prêts à souscrire à cette résolution ont sans doute dû faire ce cheminement.
Le dernier point que je veux aborder est celui du précédent. Certains craignent qu'en appuyant cette résolution, et en abolissant le droit à l'enseignement confessionnel, le Parlement du Canada, la Chambre des communes et le Sénat, créent un précédent applicable à toutes les autres provinces qui présenteront des demandes semblables. Le gouvernement a expliqué très clairement ce point; toute autre demande de modification constitutionnelle sera jugée d'après sa propre valeur.
À mon avis, aucune autre province ne possède un système d'éducation semblable à celui de Terre-Neuve et du Labrador. La situation de cette province est entièrement différente et il est inutile de finasser sur les précédents juridiques ou politiques. Je ne vois pas comment quelqu'un pourrait prétendre que, vu que le Parlement accorde cette modification constitutionnelle à Terre-Neuve et au Labrador, il sera tenu d'accorder à d'autres provinces une modification semblable portant sur les droits à l'éducation ou les droits religieux.
Pour toutes ces raisons, j'encourage tous les députés à appuyer cette résolution.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais commenter la déclaration du député. Il dit qu'il n'a pas trouvé, ou que le comité n'a pas trouvé, de détails sur le vote des pentecôtistes.
Le document que le député a cité, présenté par Mark Graesser du département de sciences politiques de l'université Memorial de Terre-Neuve, est très clair. Dans la troisième colonne, on peut voir nettement que dans Baie Verte, Exploits, Lewisporte et Windsor-Springdale, les régions mentionnées, 32 p. 100, 32 p. 100, 32 p. 100 et 30 p. 100 respectivement des pentecôtistes ont voté oui. Il importe de souligner que les pentecôtistes de ces collectivités ont voté en grand nombre contre cette résolution et que seulement 30 p. 100 d'entre eux environ ont voté oui.
En fait, pour toute la province globalement, le vote en faveur de la résolution s'est limité à 32 p. 100.
M. Paul DeVillers: Monsieur le Président, j'ai mentionné que cela avait fait l'objet de nombreuses conjectures. En fait, un témoin est venu présenter le rapport dont parle le député. Encore là, il n'y a pas de preuve formelle et c'est exactement le point que je faisais valoir.
On ne fait qu'extrapoler à partir des résultats officiels du référendum, répartis selon les circonscriptions. Ce témoin dont je ne mets aucunement en doute les compétences ne faisait qu'extrapoler, que formuler des hypothèses. Il n'y a pas de preuve formelle.
C'est le point que je faisais valoir. Personne n'est en mesure de le dire avec certitude. Si l'on avait appliqué la formule proposée à l'origine par le premier ministre Clyde Wells et utilisé des bulletins de vote distincts, des verts pour les pentecôtistes, des rouges pour les catholiques, si les leaders des diverses confessions avaient approuvé un tel système, alors nous pourrions nous prononcer avec plus de certitude.
Cependant, même si les pentecôtistes ont voté contre la résolution, il ne s'agit pas, à mon avis, d'un droit d'un groupe minoritaire, puisqu'il serait le seul groupe à conserver son droit à l'enseignement confessionnel. Le même rapport montre que les catholiques ont voté à 61 p. 100 en faveur de la résolution, ce qui n'est, encore une fois, qu'une extrapolation. Il n'y a rien de sûr, mais la proportion a été calculée au moyen de la même méthode.
Même si nous avons la certitude que les pentecôtistes n'ont pas appuyé la résolution, je crois quand même que la modification serait apportée. Je ne crois pas qu'ils formeraient un groupe minoritaire dans le sens des droits traditionnels de la majorité et de la minorité, mais tout le régime des écoles confessionnelles à Terre-Neuve et au Labrador ne s'appliquerait plus si seulement l'un des sept groupes confessionnels originaux conservait ses droits.
M. Peter Goldring: Monsieur le Président, je voulais simplement signaler que, si l'on citait les chiffres pour prouver que 59 p. 100 des électeurs de ces diverses localités s'étaient prononcés en faveur du changement proposé, on devrait également citer la troisième colonne de données, qui montre que seulement 30 p. 100 des pentecôtistes ont voté en faveur.
Autrement dit, s'il convient de citer les deux premières colonnes de chiffres, il devrait également convenir de citer la troisième.
M. Paul DeVillers: Monsieur le Président, je pense que le député ne sait pas très bien ce à quoi j'ai fait allusion. J'ai parlé de l'annexe 1 du rapport sur le référendum de Terre-Neuve de septembre 1997, qui présente les résultats officiels. Le député traite du rapport de M. Graesser. Nous ne parlons pas du même document.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, j'ai 20 minutes à ma disposition, mais je n'utiliserai probablement pas tout ce temps. J'apprécie toutefois de ne pas devoir m'arrêter après dix minutes quand il m'en faut douze pour faire une déclaration importante.
L'éducation doit être primordiale pour les parents et les familles. Il ne fait aucun doute que l'éducation des enfants, de la tendre enfance jusqu'à la sortie de l'université, chaque jour passé à l'école, influence leur vie et détermine non seulement leur acquisition de connaissances, mais aussi leur croissance comme citoyens et comme individus.
Je me souviens—quitte à révéler mon âge—qu'il y a une trentaine d'années ou un peu moins, on discutait vivement pour décider s'il devait être question d'éducation sexuelle dans les écoles. À l'époque, j'enseignais les mathématiques au collège alors que d'autres enseignaient la physique. Sur cette question, un de mes collègues m'a dit «Bien sûr, la question sexuelle devrait être enseignée dans les écoles. Si les écoles s'en tirent aussi bien qu'elles le font avec l'enseignement des mathématiques et de la physique, les enfants perdront tout intérêt sur cette question.» Je doute que ce soit le cas, mais c'est ce qu'un de mes collègues a déclaré.
Cela m'amène à ce que je voulais vraiment dire, soit que l'éducation, c'est tellement plus que les matières scolaires. De nombreuses études le prouvent. Tous ceux d'entre nous qui avons des enfants l'avons observé et toute personne logique convient que les enfants se comportent non seulement selon l'enseignement qu'on leur donne, mais aussi selon les exemples qu'ils voient. Les valeurs et les principes que font valoir les adultes dans leur vie seront les valeurs que les enfants adopteront plus tard. C'est tout à fait vrai, à de très rares exceptions près.
Il y a des exceptions, bien sûr. Pendant quelques années, à la fin de mon adolescence, j'ai rejeté les valeurs de mes parents. J'ai rejeté leur foi religieuse et j'ai quitté la maison à 17 ans. Les députés ne me croiront pas, mais c'est bel et bien ce que j'ai fait. Par le suite, je me suis réconcilié non seulement avec mes parents mais aussi avec Dieu et, depuis, ma vie a complètement changé. Cette expérience fait partie intégrante de ma vie et y occupe une place très importante.
Je crois fermement que les parents qui veulent que leurs enfants reçoivent une éducation chrétienne ou fondée sur d'autres valeurs devraient avoir le droit de choisir. Je ne crois pas que le gouvernement, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal, ait le droit de priver les parents de leur droit et de leur obligation de pourvoir à l'éducation et à la formation de leurs enfants.
Encore une fois, ces deux choses vont de pair, quoiqu'elles ne soient pas synonymes. L'éducation et la formation sont deux choses distinctes.
Demandons-nous dans quelle mesure les parents se voient privés de ces droits. Cette question constitue une véritable cause de tiraillement dans le présent débat car on a fait valoir de nombreuses raisons très valables de voter pour la proposition, mais aussi de très bonnes raisons de voter contre.
Une des raisons de voter pour la proposition est qu'elle crée des règles du jeu égales pour tous. En effet, certains groupes à Terre-Neuve avaient le droit de diriger des écoles et d'y envoyer leurs enfants alors que d'autres groupes en étaient exclus. C'est, dans une certaine mesure, une bonne raison de voter en faveur de la modification, car elle permettra à tous d'envoyer leurs enfants dans les écoles de leur choix.
Cela me rappelle l'époque où Henry Ford a créé la compagnie Ford Motor. Je ne sais pas si vous vous rappelez, monsieur le Président, que lorsque les modèles T sont sortis, le slogan publicitaire était: «Vous pouvez choisir la couleur de votre voiture, tant que c'est noir.» Moi, je m'en souviens. C'est exactement la même chose que le système scolaire public. Tout le monde pourra aller librement à l'école publique, car il n'y en aura pas d'autres.
Je ne crois pas que cette décision soit la bonne. Je pense non seulement à Terre-Neuve, mais aussi à l'Alberta, où le débat sur le financement des écoles qui ne font pas partie du système scolaire public est en cours, et à toutes les autres provinces.
J'aimerais vraiment que nous reconnaissions les droits des parents, quelle que soit leur opinion en la matière, à choisir le genre de formation qu'ils veulent pour leurs enfants. Bien que je dise que les parents ont ce droit et cette responsabilité, ce que je ne prends pas à la légère, je crois que le rôle du gouvernement est de donner aux parents la liberté de faire ce choix.
Je peux dire une chose. Les parents qui sont fermement convaincus peuvent toujours créer leur propre école et les gérer comme une école privée sans aucun financement. J'ai été dans cette situation. Mon épouse et moi avons choisi d'envoyer deux de nos enfants dans une école privée. Au début, elle ne recevait aucun financement. Maintenant elle reçoit de 20 à 25 p. 100 du financement que reçoivent les écoles publiques en Alberta. Nous avons fait ce sacrifice parce que c'était très important pour nous, et c'est un énorme sacrifice financier que nous avons fait pour offrir cette éducation à nos enfants.
On pourrait dire que je n'avais pas le plein exercice de ma liberté puisqu'il y avait un prix à payer. Par exemple, nous sommes libres de circuler d'un bout à l'autre du Canada. Mais si une province décidait d'ériger un poste de péage et de demander 1 000 $ à quiconque voulait entrer dans la province, nous pourrions dire que notre liberté est entravée. Nous aurions un peu moins de liberté qu'auparavant. Nous aurions encore la liberté, mais il faudrait aligner les dollars.
Je prétends que les gens qui choisissent le genre d'éducation qu'ils veulent donner à leurs enfants, devraient être libres de le faire. Un certain engagement financier ne me dérange pas, ça ne fait que renforcer l'engagement. Mais en même temps, je crois que les gens qui font ces choix ne devraient pas être privés des fonds publics consacrés à l'éducation.
Certains soutiennent que les fonds publics ne devraient pas servir à financer les écoles privées. Le gouvernement libéral emploie lui aussi cette terminologie; pourtant, il utilise très clairement les fonds publics pour soutenir l'entreprise privée. Je ne peux pas oublier le dossier de Bombardier, qui est une entreprise privée. Le gouvernement lui accorde beaucoup de fonds publics. Je prétends que cela n'est pas vraiment différent. Dans le cas des écoles, les parents sont des contribuables.
Je vais utiliser une analogie. Imaginons un gros baril. Tous les contribuables versent de l'argent dans le baril pour l'éducation des enfants de la province. Pourquoi certains parents devraient-ils pouvoir sortir de l'argent du baril pour faire instruire leurs enfants? En Alberta, il se trouve que ce sont les gens qui ont choisi l'école neutre dans le système scolaire public où le nom de Dieu ou la mention de religion est anathème; ils peuvent aussi choisir un autre système s'ils sont catholiques. Ils ont le droit de le faire et les autres non. Il s'agit à mon avis d'une réduction de la liberté de choix à laquelle nous devrions vraiment tenir dans notre pays. La même chose vaut pour la province de Terre-Neuve.
J'aurais été ravi de voter pour cette mesure si le gouvernement provincial de Terre-Neuve avait institué un régime analogue à un système de bons auquel seraient consacrés des deniers publics. Si un groupe de parents pouvaient créer pour leurs enfants une école fondée sur leurs valeurs profondes, ces deniers publics ou du moins une forte proportion de ces fonds devraient être mis à la disposition de ce système d'éducation. Cela aurait réglé le problème de savoir si leurs droits étaient lésés ou non.
Je ne crois vraiment pas qu'on devrait forcer les gens à fréquenter une école confessionnelle s'ils n'en ont pas envie, mais nous devons reconnaître en même temps que l'école neutre où l'on n'enseigne aucune religion se trouve également à enseigner une certaine forme de religion, et le message doit semer la confusion chez les élèves.
Comment se fait-il qu'à la maison on parle de la réalité de l'existence de Dieu? Comment se fait-il qu'à la maison on enseigne à intégrer cette croyance dans tous les aspects de la vie alors qu'à l'école on ne peut en parler? J'y vois une contradiction que nous devrions résoudre, et que le gouvernement de Terre-Neuve avait l'occasion de résoudre. J'aurais aimé qu'il l'ait fait.
Je pense qu'on a signalé que les parents sont ceux qui ont la principale responsabilité et qui ont les principaux droits. Il incombe au gouvernement de donner l'occasion aux parents d'exercer leurs droits sans sanction financière.
Enfin, je crois également qu'il n'existe pas d'éducation sans valeurs. Je pense à cette formation. Le député de Broadview—Greenwood a bien exprimé les choses. Il vient d'une famille catholique. Il a signalé d'une façon que je peux certes comprendre, et je veux présenter les choses pour que ce soit bien compris, il y a des gens qui sont catholiques, protestants ou je ne sais quoi de nom seulement. Ils portent l'étiquette, ils vivent bien et il n'y a pas de problème avec cela. Cependant, il y a d'autres personnes qui attachent beaucoup d'importance à leurs croyances religieuses, qui ne les prennent pas à la légère. Ils les intègrent dans leur propre vie et veulent également cela pour leurs enfants. Cela dit, je pense que nous devons offrir aux parents cette possibilité sans les pénaliser financièrement.
Pour certains, cela n'est pas important. Je crois que dans notre société actuelle, ils forment probablement la majorité. Nous sommes devenus séculiers. Je parlais à une personne l'autre jour et nous sommes tombés sur ce sujet. C'est un homme d'à peu près mon âge et nous avons donc toute cette sagesse. Nous pouvons regarder devant nous et voir les ondulations et les vagues laissées par le bateau qui vient de passer. Nous pouvons voir que les eaux étaient calmes et qu'elles sont maintenant un peu plus agitées. Il a déclaré que l'une des grandes raisons qui expliquait l'augmentation de la criminalité et les valeurs inquiétantes de la société à l'égard des femmes et des enfants résidait dans la sécularisation de notre société. Fondamentalement, nous avons supprimé les répercussions qu'une foi religieuse profonde a et a eues pendant de nombreuses années sur la majorité des Canadiens. C'est regrettable.
Si le gouvernement de Terre-Neuve avait fait ce que j'exhorte toutes les provinces à faire, c'est-à-dire à administrer le financement des écoles pour circonvenir ce préjugé qui existe, j'aurais alors la liberté totale de souscrire à cela, car il y a tellement de choses dans cette modification qui sont plausibles et constructives.
Cependant, parce que je ne crois pas qu'on porte atteinte aux droits des parents, qui sont inscrits dans la Constitution, mais qu'on les supprime, je ne peux donc appuyer cette motion.
Alors que je réfléchissais aux cours qu'on va avoir dans ces écoles où les gens le souhaitent, les cours de religion, j'ai pensé à une analogie. J'ai enseigné aux jeunes toute ma vie, et c'était mon travail lorsque j'enseignais au niveau collégial. Si on leur disait: «Au lieu de vous inciter à vous marier, nous allons vous enseigner tout ce qu'il y a à savoir sur le mariage. Nous aurons des cours sur le mariage. Nous allons vous enseigner comment les hommes et les femmes interagissent, comment ils doivent s'organiser pour vivre ensemble, etc. mais vous ne pourrez jamais vous allier à une autre personne et vous unir dans le mariage.»
Un cours de religion c'est un peu la même chose. On en parle, mais on ne donne pas aux enfants un exemple clair de ce que signifie un engagement profond à la foi en Dieu, à la foi de ce que professe le groupe en cause.
Je vous laisse avec cette pensée. J'invite tous les députés à penser sérieusement au choix qu'ils feront lorsqu'ils voteront sur cette résolution. Je suis d'avis que nous devrions rejeter cette résolution et la renvoyer au gouvernement et à la population de Terre-Neuve pour que l'on enlève cette injustice. Lorsqu'elle reviendra, nous serons heureux de l'appuyer si on nous démontre qu'elle ne porte pas préjudice à certains parents, comme c'est le cas avec la résolution que propose actuellement le gouvernement provincial.
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question pour mon collègue en ce qui concerne l'analogie qu'il vient de faire. À Terre-Neuve et ailleurs, les parents ont le droit d'envoyer leurs enfants à une autre école, comme il l'a si justement dit. J'ai cependant constaté que les personnes à faible revenu ne pouvaient pas se permettre cela. En effet, elles n'ont pas les moyens de payer les taxes et d'envoyer leurs enfants à une école privée. Quelle est l'expérience du député à cet égard?
M. Ken Epp: Monsieur le Président, en réponse à mon collègue, je voudrais parler du prix à payer dans le cas des personnes qui ne sont pas en moyens. Nous avons fait des sacrifices dans ma famille. Nous n'avons presque pas pris de vacances et nous nous sommes contentés de vieilles voitures. J'ai d'ailleurs encore ma vieille Météor 1959; je ne la conduis plus, mais nous avons gardé nos voitures quatre fois plus longtemps que d'autres. Je roule encore en Chevy Suburban, modèle 1982. Nous avons fait ces sacrifices parce qu'il fallait payer les études des enfants.
J'ai siégé au conseil de mon ancienne école et il avait été décidé d'essayer de réduire les obstacles financiers pour faciliter l'accès à l'école. Nous avons donc constitué un barème de frais de scolarité tel que plus une famille était nombreuse, moins les frais de scolarité étaient élevés. En fait, les familles de plus de quatre enfants ne payaient que pour les quatre premiers, les autres étudiant gratuitement en vertu du régime dit familial.
Il ne devrait certes pas être nécessaire d'en venir là. Il est très pénible pour ces écoles privées d'absorber de tels coûts quand les règles du jeu ne sont pas équitables. C'était la solution que nous avions trouvée.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, comme il se fait tard, je vais essayer d'être bref.
Le député d'Elk Island a exprimé un certain nombre d'idées que je partage tout à fait. En tant qu'ancien enseignant et en tant que père de quatre enfants, l'éducation est très importante pour moi. En fait, ma femme et moi avons décidé de dispenser un enseignement à domicile à nos enfants afin de leur inculquer les valeurs que nous estimons importantes. Les autres peuvent légitimement faire des choix différents des nôtres, mais c'est là la décision que nous avons prise pour nos enfants.
Je veux parler de la question des droits des minorités qu'un certain nombre de députés ont abordée pendant le débat et de la modification qui, à mon avis, supprimerait indiscutablement des droits actuellement conférés à des habitants de Terre-Neuve et du Labrador.
Il est vrai que des référendums ont eu lieu et qu'un consentement a été obtenu démocratiquement, mais il faut tenir compte des minorités visées en l'occurrence, de ceux qui verront leurs droits supprimés à cause de cette modification.
Comme mon collègue l'a dit tout à l'heure, les cours de religion que l'on propose pour remplacer les écoles confessionnelles n'ont tout simplement pas les mêmes répercussions qu'un enseignement dispensé par une école confessionnelle ou par une école à vocation entièrement religieuse.
J'ai fait des études très coûteuses dans un collège chrétien privé. Je devais travailler fort pendant l'été pour y étudier. J'y ai toutefois appris comment envisager le monde dans une optique qui n'était pas purement religieuse et que j'ai plutôt essayé d'intégrer à tous les aspects de ma vie. Je sais que cela a eu une grande influence sur moi. À mon avis, il est également important que les enfants de Terre-Neuve aient cette possibilité dans le cadre du système en place. La modification proposée les priverait de cette possibilité.
On a également mentionné la notion d'écoles de son choix et que le fait d'accorder des fonds aux établissements que fréquentent les enfants constituerait une bonne solution à ce problème. Cette responsabilité incombe aux provinces. Ce serait peut-être une solution à envisager dans le cadre de ce débat.
Comme nous le savons, les fonds qui seraient accordés à l'école choisie pour l'enfant aideraient à accroître l'obligation de rendre compte de cette école. Les parents auraient également le droit et la possibilité d'envoyer leur enfant à l'école de leur choix.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le ton du débat tout au long de la journée. J'ai remarqué que des ministériels autant que des députés de l'opposition sont pour ou contre cette modification. Le débat a été intéressant. Les députés ont pu exprimer leurs opinions de façon non sectaire. Je suis heureux d'avoir pu le faire.
Je terminerai mes observations en répétant que, à mon avis, cette modification éteindrait les droits que possèdent actuellement des gens de Terre-Neuve et du Labrador. C'est pourquoi je ne peux pas appuyer la modification et je voterai contre.
M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais soulever brièvement un point. Le député a dit dans son discours qu'il a fréquenté un collège chrétien et qu'il souhaitait que cette option soit offerte aux Terre-Neuviens. Elle le sera. Rien dans cette modification n'empêchera l'exploitation d'écoles chrétiennes privées ou d'écoles privées de quelque sorte que ce soit. Je voulais simplement le signaler au député.
M. Grant McNally: Monsieur le Président, je remercie le député de le souligner. Je présume que je ne me suis pas exprimé très clairement à ce sujet.
Mon argument était beaucoup plus vaste. C'est que la possibilité que j'ai eue a façonné ma vision du monde, la manière dont j'interagis avec autrui et ma façon de voir la vie en général. Je dis en substance que les cours de religion offerts à Terre-Neuve seraient différents d'une perspective globale ou religieuse qui incorporerait tous les aspects de l'éducation d'un enfant.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, c'est un plaisir de prendre la parole relativement à cette question extrêmement importante.
On dit souvent qu'il ne faut jamais mélanger la politique et la religion. Or, c'est précisément ce que nous faisons ici. Cela dit, je vais moi aussi plonger dans le débat.
Nous discutons évidemment de l'élimination du droit à l'éducation dans des écoles confessionnelles de Terre-Neuve qui, jusqu'à maintenant, bénéficiaient d'un soutien financier public. Je m'oppose carrément à ce que propose le gouvernement de Terre-Neuve et à ce que de nombreux députés de la Chambre sont prêts à accepter.
Je vais vous dire pourquoi je m'oppose à la clause 17. C'est principalement parce que je pense qu'elle réduit vraiment la liberté individuelle dans notre pays. Il arrive tellement souvent que nos libertés soient réduites, sinon supprimées. Je peux vous citer amplement d'exemples.
Prenons la charte elle-même. En 1982, toutes sortes de nouvelles dispositions avec lesquelles un grand nombre de Canadiens sont probablement en désaccord ont été incluses dans la Charte des droits et libertés.
L'article 22 porte sur l'action positive. C'est une disposition avec laquelle je ne suis pas d'accord parce qu'elle limite nos libertés.
Notre liberté économique est affectée lorsque le gouvernement nous enlève sans cesse plus d'argent. Nous avons moins de possibilités. Nous avons moins de possibilités d'envoyer nos enfants dans les écoles de notre choix, y compris les écoles privées et les écoles religieuses.
Dans ce cas-ci, la mesure proposée a pour effet d'éliminer un droit très ancien, que le gouvernement de Terre-Neuve avait obtenu pour sa population en 1949, lorsque la province a fait son entrée dans la Confédération.
À l'époque, c'était une question extraordinairement importante pour les Terre-Neuviens. À bien des égards, la population et le gouvernement de Terre-Neuve étaient à l'époque beaucoup plus avant-gardistes que le reste du pays. Ils avaient essentiellement assuré la possibilité pour les gens d'envoyer leurs enfants à l'école qui reflétait le mieux leurs croyances.
C'était extrêmement important, qu'on ait une vue séculaire du monde ou, et surtout, qu'on ait de solides convictions religieuses. Il était tout aussi important que l'on soit imprégné de foi d'une génération à l'autre, de l'aïeul aux arrière-petits-enfants.
Les personnes qui ont de solides convictions se sentent essentiellement menacées par ce qui est ici proposé. Les gens auront légalement le droit s'ils trouvent l'argent et, comme je l'ai déjà fait remarquer, les impôts ont déjà grugé une bonne partie de celui-ci. Ils ont toujours le droit, mais ce leur sera extrêmement difficile à faire.
Je dois vous dire que je suis partial. J'ai deux enfants qui fréquentent une école séparée, une école catholique en Alberta. Je me réjouis que cela soit possible. Cela a beaucoup d'importance pour moi. Il importe beaucoup que l'on puisse apprendre aux enfants la différence entre le bien et le mal, les vieilles valeurs, à la maison, mais aussi dans le système scolaire de notre choix. Mon collègue, le député d'Elk Island, a admirablement réussi à montrer à quel point c'est important aujourd'hui au Canada.
Je lisais récemment un article du théologien Richard John Neuhaus, qui signale qu'une des façons les plus rapides d'anéantir la religion dans un pays n'était pas nécessairement de priver ses pratiquants des libertés fondamentales, mais de trouver des moyens de supprimer les institutions. Pour tuer les institutions, il faut les priver des choses qu'elles font depuis toujours, des choses qu'elles font tous les jours, des choses comme l'éducation.
En supprimant essentiellement ce droit, on fait beaucoup pour supprimer les religions. Franchement, c'est ce qui arrive dans une grande mesure au Canada depuis probablement 40 ou 50 ans; les gouvernements prennent de l'expansion et enlèvent à des institutions religieuses des choses qu'elles faisaient dans le passé.
C'est ainsi que ces institutions sont devenues moins précieuses dans la pratique pour leurs collectivités. Elles ont perdu du terrain et cela m'inquiète beaucoup. C'est exactement ce qui se passe à Terre-Neuve.
J'aime l'idée que le député a exprimée et celles que d'autres ont proposées. Il est temps d'habiliter les gens au niveau local et de leur permettre de choisir le système d'éducation qui reflète leurs valeurs, leurs points de vue du monde. Nous avons maintenant un système qui représentera effectivement un seul point de vue mondial, c'est-à-dire un point de vue laïque.
C'est très bien. Nous n'avons rien contre le fait que les gens choisissent d'inscrire leurs enfants dans ces écoles. À mon avis, c'est uniquement à eux de décider, mais je pense que nous devrions tous avoir le droit d'envoyer nos enfants dans une école qui reflète ce point de vue mondial.
Je crois, comme le député, qu'il est temps d'examiner toute cette idée des bons de formation. L'Alberta est passée à un système d'écoles à charte qui s'approche de cet objectif, mais pas complètement.
Nous sommes en présence d'une nécessaire révolution en éducation après avoir connu une évolution ordonnée. Les écoles pentecôtistes et catholiques se sont déjà entendues sur certaines réformes. C'était un début.
Les gouvernements de l'époque l'ont fait à deux reprises. C'est la deuxième fois qu'il y a un référendum pour demander une modification afin de régler le problème. Au lieu d'utiliser l'approche coopérative, de partenariat, au lieu de travailler avec les écoles, le gouvernement de Terre-Neuve a choisi de recourir à la manière forte alors que ce n'était pas vraiment nécessaire.
Comme d'autres députés l'ont fait remarquer, quand on commence à modifier la Constitution, on s'attelle à une tâche extraordinairement sérieuse. Cela pourrait avoir des répercussions beaucoup plus vastes que ce que l'on prévoit pour Terre-Neuve. Cela pourrait influer sur d'autres minorités. Des gens l'ont souligné. C'est un argument d'une importance capitale qu'il convient de rappeler.
La dernière chose que nous voulons voir dans un pays comme le Canada, c'est l'utilisation d'un instrument démocratique pour oblitérer un droit dont jouit une minorité. C'est ce que nous faisons vraiment aujourd'hui. Il y a lieu de se demander si nous pouvons utiliser un référendum, un outil démocratique traditionnel, pour rendre une décision sur un droit appartenant à une minorité. C'est peut-être démocratique, mais est-ce juste? Je suis convaincu que, en l'occurrence, ce n'est pas juste.
Tout cela est-il nécessaire? Est-il nécessaire de modifier la Constitution? Pendant un millier d'années, c'est l'Église qui a préservé l'éducation. D'où les gens croient-ils que nous vient l'éducation? Ce n'est pas Brian Tobin qui a inventé l'école. Ce n'est pas Clyde Wells. L'éducation est préservée par les Églises depuis 1 000 ou 1 500 ans.
Ce sont elles qui ont été les dépositaires de toute la connaissance accumulée depuis la Grèce antique, Rome et les premiers temps de l'Église. Elles sont les dépositaires de la connaissance. Ce sont elles qui ont créé les grandes universités. Ce sont elles qui ont enrichi nos connaissances. Des gens comme saint Augustin, saint Thomas et saint Anselme et d'autres, tout au long de la Réforme, et toutes les idées qui ont été intégrées à la somme mondiale des connaissances qui a aidé à former notre société moderne. Ce sont les Églises qui ont aidé à donner naissance à l'idée d'inclure les droits dans les constitutions.
Qu'on songe à l'expérience américaine, qui a beaucoup été influencée par les idées religieuses accumulées. Le préambule de notre Charte des droits dit: «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit».
Si ce pays a été fondé à partir d'un principe qui reconnaît la suprématie de Dieu, d'où vient donc cette notion? Elle ne vient pas de l'école publique. Elle ne vient pas de Brian Tobin. Elle vient de l'enseignement confessionnel et des parents qui, selon nous, devraient décider des valeurs qu'on devrait inculquer à leurs enfants.
L'enseignement se faisait à partir des églises et à partir des écoles confessionnelles, comme cela se faisait depuis des milliers d'années. Les réformes étaient déjà entamées. Les choses changeaient. Les écoles faisaient de leur mieux pour que l'enseignement soit efficace et que les gens en aient pour leur argent. L'intervention du gouvernement va bien au-delà de ce qui était nécessaire pour parvenir aux réformes qu'il préconisait.
Pardonnez-moi si ceci vous semble un peu secondaire, mais nous entendons souvent parler ici du fait que nous sommes une société multiculturelle. Nous sommes une société pluraliste. Je l'entends dire sans cesse. Nous avons un ministère du multiculturalisme. Même si je conteste la définition que le gouvernement nous donne du multiculturalisme, j'estime que nous avons une société multiculturelle.
Mes ancêtres sont de la Norvège, de l'Irlande, des Pays-Bas et de l'Angleterre. Voilà ce qui en est de mon histoire. Nous sommes une société multiculturelle. Nous avons ici des religions qui viennent de toutes les régions du monde. Nous sommes tous convaincus que c'est là quelque chose qu'il y a lieu de célébrer. Selon nous, il est important de vivre ce pluralisme. Nous devons trouver les moyens permettant d'y arriver.
Nous disposons de tels moyens dans le système actuel à Terre-Neuve. Nous avons le pluralisme. Chacun peut célébrer sa foi dans le cadre du système d'éducation et assimiler en même temps tout ce qui constitue depuis toujours une éducation. Chacun peut enseigner à ses enfants la vision du monde qui lui est si chère. Malheureusement, le gouvernement ne semble pas voir dans ce dossier une question de pluralisme ou de multiculturalisme. En fait, les ministériels laissent entendre en appuyant cette mesure que toutes ces valeurs multiculturelles et ce pluralisme que nous jugeons importants vont fondamentalement disparaître du moins dans le cadre de ce débat à Terre-Neuve, pour laisser place à un système dans lequel il y aura un grand système scolaire central qui diminue, dans les faits, tout cela.
Nous parcourons le monde pour voir toutes ces cultures et religions différentes et nous faisons tout ce que nous pouvons, dans ce cas-ci, pour réduire leur importance au Canada. Je pense que nous commettons une grave erreur.
Je veux répondre à certaines des objections qui ont été soulevées par des gens qui appuient la nouvelle clause 17. On a dit tout d'abord qu'un processus démocratique avait amené le gouvernement à présenter cette nouvelle clause. Je ne suis pas en désaccord avec cela. C'était bien une initiative démocratique. Je ne vais pas me lancer dans ce débat quant à savoir si oui ou non 32 jours suffisaient, etc. Je vais poser la question suivante: Peut-on décider des droits d'une minorité en ayant recours à un référendum? Je ne pense pas. C'est certes impossible lorsqu'il s'agit d'obtenir une pluralité minimale.
On aurait peut-être dû décider dans le passé que lorsqu'il s'agit de questions touchant les droits des minorités, il faut s'en tenir à une norme plus élevée. J'ignore si on devrait prévoir une proportion des deux tiers. Cependant, je prétends que dans ce cas particulier, il est extrêmement difficile d'affirmer qu'on peut mettre un terme aux droits de minorités en fonction de l'opinion exprimée par la majorité.
Le député d'en face a dit que dans telle ou telle circonscription, composée en majorité de pentecôtistes, les gens ne sont pas allés voter en assez grand nombre, etc., etc. Or, la question n'est pas là.
Ceux qui croient fermement dans ces choses sont allés voter et ont rejeté la proposition. Aux yeux de ces gens, ces droits ont une portée réelle et ne sont pas que des abstractions. Ils y accordent une importance énorme. Pouvons-nous vraiment abolir ces droits? Les personnes qui n'ont pas de convictions religieuses ou de convictions religieuses fermes ont-ils le droit de décider arbitrairement d'abolir ces droits? Je ne le crois pas. Ce n'est ni équitable, ni juste, et je désapprouve tout ce processus.
Certains disent que cela s'imposait pour réformer le système scolaire. Au risque de me répéter, je ne crois pas que la modification était nécessaire. Cela me rappelle une citation d'Alexis de Tocqueville, celui qui a écrit De la démocratie en Amérique. Je me souviens qu'à un certain moment, il fait un commentaire sur la révolution française. Il a dit: «Nous parlions déjà de l'aristocratie française. Nous avions déjà fait la moitié du chemin pour descendre de notre tour quand ils sont arrivés et nous ont jetés par la fenêtre pour accélérer les choses.»
C'est ce qui s'est produit dans le cas qui nous occupe. La réforme était déjà en branle, mais le gouvernement n'a pas pu attendre. Il ne pouvait pas coopérer avec les écoles confessionnelles. Il a donc décidé de prendre la masse pour écraser le problème et abolir des droits ancestraux, des droits très importants pour les intéressés.
Je suis en mesure de dire aux députés à quel point ces droits sont importants. J'ai reçu des lettres—comme d'autres de mes collègues, j'en suis sûr—d'électeurs de Terre-Neuve qui nous supplient de ne pas abolir ces droits, parce qu'il ont une très grande valeur à leurs yeux.
Certains disent que la religion n'a pas sa place dans les écoles. Je crois que mon ami de Elk Island en a parlé, mais je dois le répéter. Les gens arrivent toujours avec des convictions. Ils arrivent toujours avec un point de vue mondial. À présent, tous les habitants de Terre-Neuve paient pour appuyer un point de vue mondial, un point de vue laïque, le point de vue qui est enseigné dans les écoles. Comme mon collègue l'a dit, il ne peut en être autrement. Si nous enseignons une chose aux gens, ils vont finir par apprendre tout un ensemble de valeurs.
Nous disons que ça devrait être aux parents de décider quelles sont ces valeurs. L'argent des contribuables devrait servir à enseigner à leurs enfants leurs convictions et le point de vue mondial. C'est ce que nous croyons. Je parle non seulement au nom de mon parti mais aussi au nom de mes amis qui, je pense, partagent mon point de vue.
Le quatrième point est que certains disent que cela ne porte pas atteinte aux droits accordés en 1949 puisqu'il y aura un enseignement religieux et que l'observance d'une religion sera permise dans les écoles.
Je soutiens qu'il y a tout un monde entre la religion comparative et le fait d'imprégner quelqu'un des valeurs qui sous-tendent l'école tout entière et qui nourrissent la foi de ses parents. Jouer au sociologue et dire voici ce que croient les musulmans, voici ce que croient les hindous, voici ce que croient les adeptes du Temple solaire, voici ce que croient les chrétiens, ou voici ce que croit tel ou tel groupe confessionnel, expliquer les différences entre les religions, ça n'a absolument rien à voir avec le désir que certains parents ont que leurs enfants fréquentent une école confessionnelle. C'est bien autre chose.
Les parents envoient leurs enfants à une école confessionnelle non pas pour qu'ils connaissent les religions mais bien pour qu'ils acquièrent la foi, qu'ils vivent leur foi. Il les y envoie pour qu'on leur inculque les vertus qui font partie de la foi. Ils apprennent à distinguer le bien du mal. Ils ne fréquentent pas ces écoles pour être en mesure de comparer les religions. Cette connaissance est excellente et il est peut-être bon de l'acquérir, mais ce n'est pas du tout la même chose.
La pratique religieuse est excellente et, dans une école confessionnelle, elle est quotidienne. On n'attend pas les trois ou quatre jours où le reste du monde laïque célèbre des fêtes religieuses. La pratique religieuse est essentiellement quotidienne. Les autres connaissances sont excellentes, mais ne veulent pratiquement rien dire pour ceux qui prennent leur religion au sérieux.
Je traiterai d'un cinquième argument que j'ai entendu. Certains disent que les écoles confessionnelles causent des divisions. On ne donne pas le même enseignement à tout le monde et cela crée des divisions. Mais toutes les libertés font cela. La liberté d'expression crée des divisions. Il y a des désaccords. C'est également vrai pour la liberté de croyance et la liberté de conscience. Toutes ces libertés causent des divisions.
Dans le cadre de la charte, nous reconnaissons que la religion joue un rôle extraordinairement important au Canada. Cela, dans le cadre de la charte qu'un gouvernement libéral a introduite. Le premier ministre actuel était ministre de la Justice lorsque son gouvernement a présenté la charte. Celle-ci disait en préambule: «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu».
Je ne pense pas qu'il serait déraisonnable de permettre aux écoles d'enseigner les principes sur lesquels notre pays est fondé. C'est tout ce que nous demandons. C'est pourquoi je demande aux députés de voter contre la clause 17 telle que modifiée et de réfléchir très sérieusement aux répercussions que cette mesure aura sur les droits des minorités.
M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député d'avoir précisé dès le début qu'il avait un parti pris. Cependant, je lui rappelle que ce débat ne porte pas sur l'enseignement catholique en Alberta. Il porte sur le système des écoles confessionnelles à Terre-Neuve et au Labrador. Nous ne devons pas oublier cela lorsque nous abordons cette question et la volonté des gens de Terre-Neuve et du Labrador.
Le député a parlé de multiculturalisme et de pluralisme. Le député de Calgary-Sud-Est a aussi parlé de pluralisme. Ils ont affirmé qu'un système d'écoles laïques est contraire au pluralisme, une valeur profondément canadienne. Je soutiens le contraire.
Le système que favorise le député incite à la ségrégation par opposition à l'intégration. Une valeur canadienne encore plus respectée est celle qui permet à des enfants de diverses confessions religieuses de fréquenter l'école ensemble, de vivre ensemble et de faire l'expérience de la vie ensemble. C'est quelque chose que souhaitent les Canadiens ayant des valeurs canadiennes.
Le député dit qu'une façon de se débarrasser de la religion est de supprimer les institutions. Franchement, je trouve cela exagéré. Personne ne prétendra sérieusement que cet effort honnête du gouvernement terre-neuvien, qui a l'appui de tous les partis de l'opposition à l'Assemblée législative et l'appui de 73 p. 100 des Terre-Neuviens qui se sont donné la peine de voter au référendum, peut être considéré comme une tentative pour supprimer les institutions ou tuer la religion.
Le député ne rend pas service à la population ni au gouvernement de Terre-Neuve en employant ce genre de langage.
M. Monte Solberg: Monsieur le Président, pour parler du dernier point en premier, je ne dis pas que ce qui se fait à Terre-Neuve se fait par méchanceté. Au contraire. Je pense plutôt qu'on oublie qu'en empêchant les Églises de faire ce qu'elles font depuis longtemps, c'est-à-dire assurer l'enseignement confessionnel à Terre-Neuve, on prive les gens d'une présence religieuse dans leur vie quotidienne.
Quand on élimine tout ce que faisaient les Églises par le passé, des choses pratiques, des choses qui affectaient les gens dans leur vie de tous les jours, l'impact sur les gens est très important. Ils finissent par sentir l'impact. Et les Églises finissent par être moins pertinentes en général. Nous voyons l'influence des Églises diminuer depuis de nombreuses années. La religion ne peut pas survivre si elle n'est qu'une question de conscience. Elle ne peut pas survivre seule face à l'État.
J'estime que la meilleure situation possible, c'est lorsque de grandes institutions servent à confronter une grande administration publique. Avoir des Églises vigoureuses et fortes est une bonne idée. Je pense que c'est vraiment une bonne idée. Elles servent à surveiller certaines choses que le gouvernement désire faire.
La Chambre a été saisie d'autres questions controversées, où les représentants d'Églises ont dit être en désaccord avec telle ou telle chose. À mon avis, c'est bon et sain. Mais lorsque nous commençons à marginaliser les Églises en les privant des capacités qu'elles possédaient jusqu'ici, nous les rendons moins efficaces. Je ne crois pas que cela soit bon.
Encore une fois, je ne dis pas que le gouvernement agit malicieusement. Je ne dis pas que c'est ce qu'il cherche à faire. Il s'agit néanmoins d'une conséquence très déplorable des gestes du gouvernement.
Le deuxième point a trait à la ségrégation qui va diviser les gens. Je pense que l'une des choses que les Églises enseignent, et je suis certain que le député aura retenu cela de son éducation religieuse, c'est l'amour d'autrui. C'est quelque chose que les Églises enseignent généralement. Les écoles confessionnelles enseignent qu'il faut aimer son voisin comme soi-même. Je ne vois là rien qui soit particulièrement préjudiciable. Je pense que c'est souhaitable.
Toutes ces choses, toutes ces valeurs que les Églises enseignent par le biais de l'éducation confessionnelle viennent renforcer le tissu social de notre pays. Elles font de nous de meilleurs voisins, de meilleurs citoyens. Elles ont toutes sortes d'effets heureux qui ne se produiraient pas en l'absence des Églises.
Je suis en profond désaccord avec le député. À mon avis, par négligence, en n'enseignant rien de positif, on laisse parfois des éléments négatifs s'immiscer dans les valeurs auxquelles nos enfants souscrivent.
J'ai oublié le premier point que le député d'en face a soulevé. Je vais donc maintenant me rasseoir, monsieur le Président. Je n'ai pas noté ce point. Si le député veut me poser de nouveau sa question, je me ferai un plaisir d'y répondre.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais profiter de l'occasion pour faire des observations sur le discours du secrétaire parlementaire du ministre des Affaires intergouvernementales. Ses propos sur le pluralisme vont vraiment au coeur de la question.
Il y a une idée à la mode chez les libéraux, mais pas dans le sens politique, et je n'inclus pas le député dans ce groupe. Les intellectuels libéraux laïques pensent que le pluralisme consiste vraiment à supprimer les différences et à créer une sorte de culture laïque monolithique et une société libre des différences de points de vue entre les différentes religions.
Ce n'est pas ça le pluralisme. Il s'agit plutôt là de monisme. C'est un point de vue monolithique de la société et de la culture qui ne tient pas compte des différences de convictions et des différences de points de vue religieux. C'est précisément ce qui est attaqué, à savoir que le pluralisme authentique dont le système scolaire actuel de Terre-Neuve est un exemple est ébranlé par cette modification.
Je trouve cela des plus préoccupants. Dans le dernier paragraphe du rapport du comité mixte spécial, on lit une citation d'un élève d'une école de Terre-Neuve qui n'est pas nommé: «Je pense que c'est la sorte de cours de religion qui devrait être offert dans les écoles»—soit un enseignement non confessionnel—«une étude comparative des religions et de la morale»—et le comité ajoute «car la plupart des guerres et des différends entre pays, la plupart des guerres civiles en fait, découlent de différences en matière de religion.»
Je me demande si le député pourrait dire un mot là-dessus. C'est absolument insensé.
M. Monte Solberg: Monsieur le Président, je ne peux résister à la tentation de répondre.
Tout d'abord, je crois que la proposition du gouvernement de Terre-Neuve conduira à une homogénéité insipide que nous regretterons tous un jour. J'ai déjà entendu de tels arguments fallacieux.
Si nous passons tout le XXe siècle en revue et nous arrêtons aux grands désastres survenus dans le monde, nous voyons qu'ils n'ont pas été motivés par la religion. Ces massacres sont tout à fait contraires aux croyances religieuses.
Si nous prenons les deux guerres mondiales et l'Union soviétique, nous constatons que 50 millions de personnes ont perdu la vie, mais pas à cause de la religion, à cause d'une idéologie. Avec Pol Pot au Cambodge, il y a eu deux millions de morts, mais pas à cause de la religion. Prenons Hitler, encore un idéologue qui a fait perdre la vie à des millions de personnes, pas à cause de la religion, bien au contraire.
J'irais jusqu'à dire que même une guerre de religion prouve, comme il a été si souvent dit, que les êtres humains portent en eux une tare fondamentale, le péché originel et tout cela. C'est pourquoi je crois qu'il est bien d'enseigner ces choses aux gens, pour les aider à se rappeler qu'il y a le problème du péché originel et que nous devons être prémunis contre cela. Cela se voit dans bien des désastres survenus au XXe siècle.
[Français]
Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion est réputée avoir été mise aux voix et un vote par appel nominal est réputé avoir été demandé et différé jusqu'au mardi 9 décembre 1997, à la fin de la période prévue pour les ordres émanant du gouvernement.
(Le vote est réputé avoir été demandé et différé.)
[Traduction]
Le vice-président: Comme il est 22 h 42, la Chambre s'ajourne à demain, 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 22 h 46.)