ENVI Rapport du Comité
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PRÉFACE DU PRÉSIDENT
Durant les 12 derniers mois, le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes s'est non seulement penché sur la question de savoir dans quelle mesure et pourquoi on utilise des pesticides, mais a aussi étudié les répercussions de ces produits sur la santé humaine, l'environnement et l'économie et, finalement, s'est intéressé aux divers aspects de la responsabilité administrative de leur réglementation.
En tant que société, il est clair que nous en sommes venus à dépendre étroitement de l'usage des pesticides. Cela ne veut toutefois pas dire que nous sommes incapables de modifier cet état de choses. Nous pouvons tous nous souvenir d'autres pratiques qui, à une certaine époque, étaient profondément enracinées dans notre société et que nous avons abandonnées depuis parce que nos valeurs et nos attitudes ont changé. L'usage du tabac, de l'amiante et du plomb en sont d'excellents exemples. Il y a 20 ans, il aurait été impensable que la population puisse tourner le dos au tabac. On peut en dire autant du plomb dans l'essence -- maintenant en majeure partie une chose du passé -- , usage qui était pourtant solidement établi lorsqu'on a commencé à s'inquiéter de la neurotoxicité de cette substance. La même chose s'est produite pour l'usage de l'amiante dans la construction, autrefois répandu et maintenant interdit.
Comme nous le savons tous, les gouvernements agissent plus rapidement et de façon plus déterminée lorsqu'on leur démontre clairement qu'il existe des dangers pour la santé publique. Parfois, ils ont pris les devants et agi pour le bien public sans attendre la preuve irréfutable, mais parfois ils l'ont fait à contre-cur à cause d'intérêts sectoriels divergents. Entre-temps, la population a payé le prix d'une inaction prolongée : maladies et cancer du poumon dans le cas du tabac et de l'amiante, baisse du quotient intellectuel et troubles d'apprentissage chez les enfants dans le cas du plomb. Quant aux pesticides, nous avons de bonnes raisons de nous inquiéter de leurs effets sur la santé et la sécurité publique, et la vulnérabilité de nos enfants nous préoccupe tout particulièrement. Des groupes de défense de la santé publique, dont des médecins de famille, ont fait part au Comité, avec force et persuasion, de leurs sérieuses inquiétudes quant à l'usage de plus en plus répandu des pesticides au pays. Certains citoyens n'attendent pas la preuve irréfutable pour agir; ils prennent des mesures pour réduire, et parfois interdire, l'usage de pesticides à des fins esthétiques dans leur collectivité.
Lorsque nous avons examiné le sujet sur le plan économique, une question importante s'est posée : nos systèmes actuels de production et de distribution alimentaires, si essentiels à notre vie quotidienne, peuvent-ils survivre sans pesticides? Pour répondre franchement à cette question, nous dépendons tellement des pesticides en agriculture qu'il nous serait en fait impossible d'abandonner leur usage à court terme. Malheureusement, il n'existe aucun système de remplacement immédiat, aucune solution instantanée ou magique. L'idée d'un approvisionnement adéquat en aliments sans pesticides, à des prix raisonnables pour le consommateur et à coût moindre pour l'agriculteur, suscite un grand débat. Quand, et dans quelles conditions, l'agriculture biologique deviendra-t-elle une solution de rechange rentable pour l'agriculteur et le consommateur?
Au sein de l'Union européenne, il y a eu une croissance remarquable de l'agriculture biologique au cours de la dernière décennie, particulièrement en Autriche, Finlande, Grèce, Italie, Espagne et Suède, due à l'introduction de subventions européennes et nationales. Le nombre de terres cultivées de façon biologique était environ huit fois plus important en 1997 qu'en 1987, avec l'Autriche en tête. Le but de l'Union européenne est d'avoir 2,5 p. 100 de toutes les fermes en production biologique en début de cette année, alors que le gouvernement autrichien s'est fixé un objectif de 20 p. 100. Les audiences du Comité ont révélé que nous aurions dû commencer il y a longtemps, au Canada, à planifier et à construire un tel système car, à la lumière de preuves évidentes, les pesticides chimiques sont nocifs pour notre environnement, notre santé et surtout la santé de nos enfants.
Nous avons examiné le régime actuel de réglementation des pesticides au Canada et nous nous sommes demandé s'il était possible pour une même entité, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), de s'acquitter de deux tâches qui, à toutes fins utiles, sont contradictoires : approuver les pesticides chimiques comme le demande l'industrie tout en les réglementant de façon à protéger la santé humaine. Nous nous sommes demandé s'il était possible d'atteindre un équilibre entre un objectif économique et un objectif de protection de la santé. Le 28 mai 1999, durant la période des questions, le ministre de la Santé a décrit lui-même le dilemme comme suit :
L'ARLA doit tenir compte des besoins des producteurs et des agriculteurs sans négliger les problèmes de sécurité publique et les préoccupations environnementales. |
Nous avons toutefois constaté que les pesticides sont des substances très toxiques, conçues pour tuer des organismes vivants; ils peuvent être dangereux pour les travailleurs qui les utilisent, pour les populations agricoles et urbaines qui y sont exposées à leur insu, ainsi que pour les consommateurs. Nous nous sommes donc demandé s'il était possible de concevoir un système de réglementation qui accorderait, de façon claire et absolue, la préséance à la santé humaine. Cela est essentiel.
Le choix que nous devons faire est clair : soit maintenir notre dépendance chronique envers les pesticides au détriment de l'environnement, de la continuité de l'agriculture et de la santé humaine, soit accorder clairement la préséance à la protection de la santé. C'est ce dernier choix que nous avons déjà fait avec le tabac, le plomb et l'amiante. C'est maintenant au tour des pesticides.
Charles Caccia
Député de Davenport
Ottawa, mai 2000