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JUST Rapport du Comité

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CHAPITRE 6 :

LE BUREAU DE
L'ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL

6.1 Tout au long de son examen de la Loi, le Sous-comité a recueilli plusieurs témoignages qui ont mis en lumière l'importance de respecter les droits des délinquants au sein de nos pénitenciers. Certains ont d'ailleurs souligné que le respect de ces droits est indispensable à la réadaptation sociale des délinquants. Citant les propos tenus par le Sous-comité sur le régime d'institutions pénitentiaires au Canada dans son rapport déposé au Parlement en 1977, l'Association du Barreau canadien a ainsi souligné que : « Pour les détenus, la justice est un droit personnel et également une condition essentielle de leur socialisation et de leur réforme personnelle. Elle implique à la fois le respect des personnes et des biens des autres, et un traitement équitable81 ».

6.2 De l'avis du Sous-comité, il est essentiel que les autorités correctionnelles respectent les droits des délinquants et ce, d'autant plus que les droits énoncés dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition « découlent de normes universelles qui sont sanctionnées par toutes les démocraties avancées auxquelles le Canada se compare82 ». Le Sous-comité est d'ailleurs persuadé qu'il importe d'appuyer tous les organismes indépendants ayant des pouvoirs de surveillance en matière de respect des droits de la personne, et plus particulièrement le Bureau de l'enquêteur correctionnel puisque ce dernier a spécifiquement pour mandat de protéger les droits des délinquants condamnés à une peine de juridiction fédérale.

6.3 Le présent chapitre se divise en deux sections. La première présente brièvement le rôle et les responsabilités du Bureau de l'enquêteur correctionnel au sein du système de justice pénale de même que les pouvoirs que lui confère la partie III de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La seconde présente, quant à elle, cinq recommandations qui, de l'avis du Sous-comité et de plusieurs personnes qu'il a rencontrées tout au long de son examen de la Loi, sont susceptibles d'améliorer l'efficacité du Bureau dans la réalisation de son mandat.

RÔLE, RESPONSABILITÉS ET POUVOIRS DE L'ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL

6.4 Le Bureau de l'enquêteur correctionnel a été établi en 1973 en vertu de la Partie II de la Loi sur les enquêtes, suite à une recommandation présentée par la commission d'enquête portant sur une émeute ayant eu lieu au début des années 1970 au pénitencier de Kingston83. L'analyse de cet événement avait mis en lumière la nécessité de créer un mécanisme indépendant de révision des plaintes formulées par les délinquants ou en leur nom de façon à diminuer les risques d'émeute dans les pénitenciers et à rendre le

Service correctionnel transparent et imputable. Bien que le rôle et les responsabilités du Bureau de l'enquêteur correctionnel sont demeurés à peu près les mêmes depuis 1973, les réformes législatives du système correctionnel de 1992 ont donné lieu à une modification de la base légale du Bureau et à une clarification de ses pouvoirs qui ont alors été définis dans la partie III de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

6.5 Nommé à son poste par le Conseil des ministres en vertu de l'article 158 de la Loi, l'Enquêteur correctionnel est chargé du Bureau de l'enquêteur correctionnel. Ce bureau, qui comprend au total 17 employés, dont 10 forment le personnel enquêteur, a pour objectif :

D'agir en tant qu'Ombudsman dans l'intérêt des contrevenants en examinant à fond et de façon objective un large éventail d'activités administratives et en précisant ses conclusions et ses recommandations à un grand nombre de décideurs, y compris le Parlement84.

6.6 La responsabilité première du Bureau de l'enquêteur correctionnel consiste donc à mener des enquêtes sur les problèmes vécus par les délinquants au sein du système correctionnel, qu'ils soient incarcérés ou sous surveillance dans la collectivité, afin d'évaluer de façon indépendante et impartiale si le Service correctionnel se conforme à ses obligations en matière de respect des droits humains des délinquants. Les attributions de l'Enquêteur correctionnel sont détaillées au paragraphe 167(1) de la Loi :

L'Enquêteur correctionnel mène des enquêtes sur les problèmes des délinquants liés aux décisions, recommandations, actes ou omissions qui proviennent du commissaire ou d'une personne sous son autorité ou exerçant des fonctions en son nom qui affectent les délinquants individuellement ou en groupe.

6.7 Comme l'ont mentionné au Sous-comité certains témoins, l'Enquêteur correctionnel est bien placé pour redresser les injustices vécues par les délinquants individuellement et pour mettre à jour les problèmes systémiques qui incitent les délinquants à porter plainte. Citant les propos tenus par madame la juge Louise Arbour dans son rapport sur les événements survenus à la Prison des femmes de Kingston, le Barreau du Québec a ainsi souligné :

Parmi tous les observateurs indépendants du Service correctionnel, l'Enquêteur correctionnel se trouve dans une situation unique; il peut à la fois faciliter la résolution de problèmes individuels et faire des déclarations publiques sur les carences systémiques du Service [correctionnel]85.

Les pouvoirs d'enquête et l'accès aux données et aux installations du Service correctionnel

6.8 Les pouvoirs d'enquête de même que l'accès aux données et aux installations de l'organisme surveillé sont des éléments essentiels à l'efficacité d'un mécanisme externe de surveillance. À ce titre, le Sous-comité a pu constater lors de ses visites de pénitenciers à travers le pays, ses entretiens avec des enquêteurs de même qu'avec l'Enquêteur correctionnel, Ronald Stewart, que la Loi confère au Bureau de l'enquêteur correctionnel un accès inconditionnel aux données du Service correctionnel et à l'ensemble de ses installations de même que de larges pouvoirs d'enquête lui permettant d'examiner à fond les problèmes qui lui sont rapportés.

6.9 Les enquêteurs qui oeuvrent au sein du Bureau de l'enquêteur correctionnel ont ainsi libre accès aux établissements pénitentiaires et aux renseignements que le Service correctionnel a en sa possession ou sous son contrôle et peuvent exiger qu'une personne témoigne sous serment. Aux termes de la Loi, ils peuvent par ailleurs amorcer des enquêtes de leur propre initiative, à la demande du solliciteur général du Canada, d'un délinquant ou d'une autre personne qui se plaint en son nom et peuvent déterminer la manière dont l'enquête sera effectuée et le moment où elle aura lieu. Dans l'exercice de leurs fonctions, ils peuvent donc faire des visites dans les pénitenciers selon un calendrier préétabli ou encore sans préavis.

Le processus de résolution des plaintes

6.10 Afin de régler les plaintes déposées par les délinquants ou en leur nom, que ce soit par écrit ou verbalement, les enquêteurs peuvent donc intervenir officiellement ou officieusement au nom du délinquant. Le plus souvent d'ailleurs, les enquêteurs s'adresseront d'abord aux administrateurs des pénitenciers afin d'arriver le plus rapidement possible à une résolution du problème. Cependant, lorsque l'Enquêteur ne parvient pas à résoudre le problème au niveau de l'établissement, la question est alors portée à l'attention du sous-commissaire régional ou à celle du commissaire du Service correctionnel. Ce sera, en fait, à l'enquêteur de déterminer la personne appropriée pour régler de façon expéditive le problème. Finalement, si l'Enquêteur correctionnel juge que le Service correctionnel ne prend pas les mesures qui s'imposent dans un délai raisonnable, le problème sera alors porté à l'attention du solliciteur général et pourra être exposé dans le rapport annuel ou un rapport spécial de l'Enquêteur correctionnel86.

6.11 La Loi exige en effet que l'Enquêteur correctionnel informe annuellement le solliciteur général du Canada et le Parlement des réalisations de son bureau par le dépôt d'un rapport comportant la description de ses objectifs, des stratégies qu'il a utilisées au cours de l'année pour les réaliser et des résultats qu'il a obtenus. Aux termes de la Loi, il peut également déposer des rapports spéciaux à tout période de l'année lorsqu'il estime que le problème doit être pris en charge immédiatement. Bien qu'il informe le Parlement, il faut savoir qu'à l'heure actuelle, l'Enquêteur correctionnel s'y rapporte par l'entremise du solliciteur général. Les articles 192 et 193 de la Loi prévoient en effet ceci :

      Article 192. L'Enquêteur correctionnel présente au ministre, dans les trois premiers mois de chaque exercice, le rapport des activités de son bureau au cours de l'exercice précédent. Le ministre le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les trente premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.

      Article 193. L'Enquêteur correctionnel peut, à toute époque de l'année, présenter au ministre un rapport spécial sur toute question relevant de ses pouvoirs et fonctions et dont l'urgence ou l'importance sont telles, selon lui, qu'il serait contre-indiqué d'en différer le compte rendu jusqu'à l'époque normale du rapport annuel suivant; le ministre fait déposer le rapport spécial devant chaque chambre du Parlement dans les trente premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.

6.12 Par ses recommandations, l'Enquêteur correctionnel informe donc un grand nombre de décideurs des problèmes qui ont cours dans les pénitenciers canadiens, que ce soit au sujet de l'administration générale des pénitenciers, de la qualité des services et des programmes, de l'examen des procédures internes de règlement des plaintes et des griefs, de transfèrement ou d'isolement préventif ou du respect des droits des délinquants. Puisque les recommandations de l'Enquêteur correctionnel ne sont pas exécutoires, ce pouvoir de faire des déclarations publiques et d'informer un grand nombre de décideurs a une très grande importance pour la réalisation de son mandat. Répondant à une recommandation du vérificateur général du Canada, l'Enquêteur correctionnel a soutenu à ce propos :

L'efficacité des interventions de l'ombudsman repose sur cette faculté de porter certaines questions à l'attention d'autres parties, compte tenu de la nature non exécutoire des recommandations formulées. C'est là une manière de souligner que la responsabilité de la résolution des problèmes, particulièrement dans un milieu comme celui des services correctionnels, n'incombe pas seulement à l'organisme gouvernemental visé par l'ombudsman87.

6.13 La relation entre l'organisme surveillé et l'ombudsman constitue par ailleurs un élément essentiel au bon fonctionnement d'un organisme de surveillance externe comme le Bureau de l'enquêteur correctionnel. Le Sous-comité est d'avis, comme l'a souligné le vérificateur général dans son rapport de 1997, que :

La force d'un ombudsman tient à sa capacité de persuader les autres intervenants de la valeur d'une recommandation ou d'une opinion qui émerge d'une enquête particulière. Par conséquent, la relation de travail qu'entretiennent les établissements et l'ombudsman, dans le cadre de son mandat, doit être soigneusement pesée. La nature même du travail a pour inévitable corollaire que cette relation ne peut être ni trop cordiale, ni trop antagoniste. Cet équilibre des tensions créatrices n'est pas facile à atteindre, mais elle a une très grande importance88.

6.14 À cet égard, le Sous-comité a pris connaissance du fait que le Service correctionnel du Canada et le Bureau de l'enquêteur correctionnel ont récemment mis en oeuvre un protocole d'entente qui précise les attentes et les rôles respectifs des deux organismes en ce qui a trait à des méthodes de résolution des différends et à l'amélioration générale de l'interaction entre eux. Le Sous-comité espère que ce protocole d'entente permettra d'améliorer l'efficacité du Bureau dans la résolution des problèmes d'ordre systémique. Il estime néanmoins que les résultats de l'entente devraient faire l'objet d'un examen lors de la prochaine révision de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette question sera traitée plus en profondeur dans le dernier chapitre du présent rapport.

L'EFFICACITÉ DU BUREAU DANS L'ACCOMPLISSEMENT DE SON MANDAT

6.15 Bien qu'aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition le Bureau de l'enquêteur correctionnel soit indépendant du Service correctionnel du Canada, le Sous-comité a été forcé de constater au cours de son examen de la Loi que certaines personnes ont une perception erronée de la position de l'Enquêteur correctionnel par rapport à l'organisme dont il doit assurer la surveillance, soit le Service correctionnel.

6.16 Le Sous-comité s'inquiète de ce fait et estime que, bien que l'Enquêteur correctionnel ne soit pas une composante du Service correctionnel du Canada, les témoignages entendus traduisent un problème majeur d'apparence d'indépendance.

6.17 Afin de s'assurer que l'Enquêteur correctionnel puisse réaliser efficacement son mandat, le Sous-comité est donc d'avis qu'il importe de rehausser l'apparence d'indépendance du Bureau. Il faut dire, comme l'a mentionné l'Enquêteur correctionnel dans son plus récent rapport, que l'apparence d'indépendance est, dans ce cas-ci, tout aussi importante que son indépendance réelle :

...la résolution de disputes dans un environnement qui, depuis toujours a été fermé aux yeux du public et où l'on trouve, bien entendu, considérablement de méfiance entre les gardiens et ceux qu'ils surveillent, exige que le Bureau soit non seulement indépendant du Service correctionnel et du Ministère mais aussi qu'il soit perçu comme tel89.

6.18 Pour pallier à ce problème de perception, le directeur des enquêtes pour le Bureau de l'enquêteur correctionnel, Jim Hayes, a souligné au Sous-comité qu'il serait préférable de modifier la Loi de manière à ce que l'Enquêteur correctionnel dépose ses rapports directement au Parlement plutôt que par l'entremise du ministre qui, il suffit de rappeler, est également le ministre responsable du Service correctionnel :

Je pense qu'en rendant directement des comptes au Parlement, nous pourrions montrer clairement que nous ne travaillons par pour un ministre, mais pour le Parlement puisque nous lui soumettons un rapport. On croit en général que nous avons le même patron et on pense donc qu'on fait « chambre commune ». Cette perception devient très souvent la réalité90.

6.19 En accord avec plusieurs autres témoins dont John Conroy, Yvon Dandurand du International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy de l'Université de la Colombie-Britannique, Kim Pate de l'Asssociation canadienne des sociétés Elizabeth Fry, Amy Friedman-Fraser, Me Julian Falconer, Thomas Mann et Robert Rowbotham de Prison Life Media de même que l'Association canadienne de justice pénale et le Black Inmates and Friends Assembly of Toronto, le Sous-comité est donc convaincu qu'il serait préférable que l'Enquêteur correctionnel présente ses rapports directement au Parlement. Le Sous-comité est d'avis qu'une telle modification augmentera la crédibilité de l'Enquêteur correctionnel et l'efficacité de son bureau dans la réalisation de son mandat.

RECOMMANDATION 28

Le Sous-comité recommande de modifier les articles 192 et 193 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de manière à ce que les rapports de l'Enquêteur correctionnel - rapports annuels ou spéciaux - soient déposés simultanément au ministre et au Parlement.

6.20 Tout au long de son processus d'examen de la Loi, le Sous-comité a par ailleurs recueilli des témoignages qui ont souligné l'importance de créer des mécanismes de règlement des différends entre l'Enquêteur correctionnel et le Service correctionnel du Canada. De l'avis de certains témoins rencontrés, les dispositions de la Loi ne garantissent pas de façon suffisante que les questions soulevées par l'Enquêteur correctionnel seront réglées de façon juste, raisonnable et sans retard indu.

6.21 Afin d'améliorer la transparence du Service correctionnel, le Sous-comité est donc d'avis, comme l'Enquêteur correctionnel et Me Julian Falconer, qu'un comité parlementaire devrait être saisi des rapports de l'Enquêteur pour fin d'étude. L'examen des questions soulevées par l'Enquêteur correctionnel par un comité parlementaire pourrait, selon eux, améliorer la résolution des désaccords entre les deux organismes et faire ressortir davantage les problèmes soulevés par l'Enquêteur correctionnel.

6.22 Compte tenu de l'importance des principes de transparence et d'imputabilité, le Sous-comité présente donc la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 29

Le Sous-comité recommande de modifier les articles 192 et 193 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de manière à ce que les rapports de l'Enquêteur correctionnel - rapports annuels ou spéciaux - soient déférés automatiquement pour fin d'étude au comité permanent de la Chambre des communes responsable des activités du Bureau de l'enquêteur correctionnel.

6.23 Dans le même ordre d'idées, lors de leur témoignage à Toronto, Amy Friedman-Fraser et Me Julian Falconer ont mentionné qu'une façon d'améliorer la transparence du Service correctionnel et la reddition des comptes serait que l'Enquêteur correctionnel fasse rapport au Parlement à la manière du vérificateur général. Selon Mme Friedman-Fraser, cette façon de faire est susceptible de donner à l'Enquêteur correctionnel « le rang et les pouvoirs dont il a besoin pour apporter des changements et mieux faire connaître au public la nature réelle de la vie carcérale, et en particulier les griefs et la manière dont ces griefs sont traités par l'établissement, par le bureau régional et national91 ». Afin d'améliorer la transparence du Service correctionnel, le Sous-comité est également d'avis qu'il serait préférable que le rapport de l'Enquêteur correctionnel contienne les réponses du Service correctionnel à ses recommandations.

6.24 Présentement, c'est à l'Enquêteur correctionnel qu'incombe la responsabilité de résumer les réponses de l'administration centrale du Service correctionnel dans ses rapports. Le Sous-comité estime donc que le Service correctionnel devrait être obligé de répondre à chacune des recommandations de l'Enquêteur correctionnel en y présentant les mesures qu'il a prises et/ou qu'il prévoit prendre pour répondre aux problèmes soulevés ou, si aucune mesure n'est prévue, en y présentant les raisons justifiant son refus d'intervenir. Le Sous-comité est d'avis que cette façon de faire donnera plus de pouvoirs aux recommandations de l'Enquêteur correctionnel et augmentera l'imputabilité du Service correctionnel.

6.25 Considérant les témoignages qu'il a entendus, le Sous-comité recommande donc que des modifications soient apportées à la Loi de façon à ce que le rapport de l'Enquêteur correctionnel soit conçu selon un modèle similaire à celui utilisé par le vérificateur général du Canada.

RECOMMANDATION 30

Le Sous-comité recommande que l'article 195 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition soit amendé pour que les réponses du Service correctionnel du Canada aux recommandations de l'Enquêteur correctionnel soient comprises dans les rapports annuels et spéciaux de l'Enquêteur.

6.26 Lors de son passage à Montréal, le Sous-comité a également bénéficié des témoignages de Me William Hartzog et de la famille Drummond. Insatisfaite de l'enquête qu'a effectuée le Service correctionnel concernant le décès de leurs fils, la famille Drummond a soutenu que pour assurer une étude impartiale et indépendante dans les cas où un événement a conduit à des blessures graves d'un détenu ou à son décès, l'on devrait charger l'Enquêteur correctionnel de procéder automatiquement à sa propre enquête et ce, quand bien même que le Service correctionnel doit, aux termes de l'article 19 de la Loi, procéder à une enquête.

6.27 À l'heure actuelle, bien que l'article 19 de la Loi exige que le Service correctionnel remette une copie de son rapport d'enquête à l'Enquêteur correctionnel, aucune disposition de la Loi n'oblige l'Enquêteur à en faire un examen approfondi. Compte tenu des événements relatés par la famille Drummond, le Sous-comité est donc d'avis que l'Enquêteur correctionnel devrait procéder à une enquête dans les cas où un événement a conduit à des blessures graves d'un détenu ou à son décès.

RECOMMANDATION 31

Le Sous-comité recommande de modifier l'article 170 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'obliger l'Enquêteur correctionnel à mener une enquête indépendante lorsqu'un détenu décède ou subit une blessure grave, et ce, même si une autre enquête est déjà en cours en vertu des articles 19 ou 20 de la Loi.

6.28 En guise de conclusion, le Sous-comité tient à souligner que l'efficacité du Bureau de l'enquêteur correctionnel dans l'accomplissement de son mandat dépend grandement du budget qu'il lui est alloué. Actuellement, ce budget, qui est d'environ 1,5 million de dollars par année, ne permet pas selon l'Enquêteur correctionnel d'engager un nombre suffisant d'enquêteurs. Lors de sa récente évaluation, le vérificateur général a également recueilli des témoignages d'enquêteurs qui ont fait état du nombre insuffisant d'enquêteurs. Dans son rapport, le vérificateur a souligné les problèmes qui résultent du manque de personnel enquêteur en ces termes :

Le Bureau de l'enquêteur correctionnel dispose d'un personnel restreint. Les membres du personnel ont indiqué qu'ils se sentaient submergés par la demande et par le volume de travail. Il ressort de notre vérification que le Bureau avait de la difficulté à gérer les processus de travail, à répondre aux plaintes en temps opportun, et à maintenir la fréquence des visites dans les établissements92.

6.29 Il faut dire que les 10 enquêteurs qui oeuvrent pour le Bureau doivent traiter environ 5 000 plaintes par année. Bien que le Sous-comité soit tout à fait conscient que le temps nécessaire pour procéder aux enquêtes varie selon les caractéristiques de la plainte93, il est convaincu qu'une augmentation du personnel enquêteur ne peut qu'être bénéfique pour le système correctionnel dans son ensemble. De l'avis du Sous-comité, cette augmentation est susceptible d'assurer une meilleure surveillance du Service correctionnel par des visites plus fréquentes dans les pénitenciers et, comme l'a souligné le directeur des enquêtes pour le Bureau de l'enquêteur correctionnel, Jim Hayes, par l'ouverture d'enquête suite à l'initiative de l'Enquêteur correctionnel.

RECOMMANDATION 32

Le Sous-comité recommande d'accroître le budget du Bureau de l'enquêteur correctionnel de manière à augmenter le personnel d'enquête et assurer que l'Enquêteur correctionnel puisse financer les dépenses directement reliées à une augmentation de son personnel enquêteur - tels le matériel de bureau, les communications et les déplacements nécessaires pour procéder aux enquêtes.


81# Rapport du Sous-comité sur le régime d'institutions pénitentiaires au Canada, Approvisionnements et Services, Ottawa, 1977, p. 85, cité dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien, 1999, p. 11.

82# Service correctionnel du Canada, Rapport du Groupe de travail sur les droits de la personnes, Les droits de la personne dans le milieu correctionnel : Un modèle stratégique, décembre 1997, p. 39.

83# Solliciteur général du Canada, Rapport global, Pour une société juste, paisible et sûre, Rapport du groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1998, p. 157.

84# Solliciteur général du Canada, Bureau de l'enquêteur correctionnel : Budget des dépenses 1999-2000, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Ottawa, 1999, p. 10.

85# L'honorable Louise Arbour, Commission d'enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston, 1996, p. 211 cité dans le mémoire du Barreau du Québec, 1999, p. 24.

86# Solliciteur général du Canada, Rapport global, Pour une société juste, paisible et sûre, Rapport du groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1998, p. 160.

87# Rapport du vérificateur général du Canada, « Chapitre 33. L'Enquêteur correctionnel Canada », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, décembre 1997.

88# Ibid.

89# Solliciteur général du Canada, Bureau de l'enquêteur correctionnel : Budget des dépenses 1999-2000, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Ottawa, 1999, p. 10.

90# Témoignages, 2 juin 1999, 17:00.

91# Témoignages, 13 mai 1999, 16:55.

92# Rapport du vérificateur général du Canada, « Chapitre 33. L'Enquêteur correctionnel Canada », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, décembre 1997.

93# M. Stewart a ainsi témoigné : « Nous pouvons résoudre certaines d'entre elles le même jour. D'autres traînent en longueur parce qu'elles sont plus compliquées et qu'elles concernent davantage de personnes ». Témoignages, 2 juin 1999, 16:45.