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36e Législature, 2ième Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 2
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 13 octobre 1999
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LE PRIX DE L'ESSENCE |
M. Guy St-Julien |
LES MENNONITES |
M. Maurice Vellacott |
LA SAFE COMMUNITIES COALITION |
M. Joe Jordan |
LE HOCKEY |
M. Carmen Provenzano |
LA POPULATION MONDIALE |
Mme Jean Augustine |
LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA GUERRE DU GOLFE |
M. Art Hanger |
M. ROBERT MUNDELL |
M. Ted McWhinney |
GENEVIÈVE JEANSON |
Mme Caroline St-Hilaire |
JEAN-LOUIS MILLETTE |
M. Nick Discepola |
LE PAKISTAN |
M. Bob Mills |
LE DISCOURS DU TRÔNE |
Mme Raymonde Folco |
LE DISCOURS DU TRÔNE |
Mme Libby Davies |
L'UNION SOCIALE |
Mme Suzanne Tremblay |
LES COMITÉS PARLEMENTAIRES |
M. Bill Casey |
LA LIGUE NATIONALE DE HOCKEY |
M. John Nunziata |
LE CANADA |
Mme Sophia Leung |
QUESTIONS ORALES |
LE DISCOURS DU TRÔNE |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Michel Gauthier |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Michel Gauthier |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'AGRICULTURE |
Mme Alexa McDonough |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Alexa McDonough |
Le très hon. Jean Chrétien |
LES PÊCHES |
M. Peter MacKay |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
M. Peter MacKay |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
Mme Deborah Grey |
Le très hon. Jean Chrétien |
LE TRANSPORT AÉRIEN |
L'hon. David M. Collenette |
L'hon. David M. Collenette |
LES PÊCHES |
M. John Cummins |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
M. John Cummins |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
LE DISCOURS DU TRÔNE |
M. Daniel Turp |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Daniel Turp |
Le très hon. Jean Chrétien |
LE TRANSPORT AÉRIEN |
Mme Val Meredith |
L'hon. David M. Collenette |
Mme Val Meredith |
L'hon. David M. Collenette |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Paul Crête |
L'hon. Jane Stewart |
LE MAINTIEN DE LA PAIX |
M. Sarkis Assadourian |
L'hon. Maria Minna |
L'AGRICULTURE |
M. Howard Hilstrom |
L'hon. Lyle Vanclief |
M. Howard Hilstrom |
L'hon. Lyle Vanclief |
L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN |
Mme Bev Desjarlais |
L'hon. David M. Collenette |
Mme Bev Desjarlais |
L'hon. David M. Collenette |
LES PÊCHES |
M. Mark Muise |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
M. Gerald Keddy |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. George Proud |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
L'IMMIGRATION |
M. Leon E. Benoit |
L'hon. Elinor Caplan |
LE CRIME ORGANISÉ |
M. Michel Bellehumeur |
L'hon. Lawrence MacAulay |
LES PÊCHES |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
M. Mark Muise |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
LE TRAVAIL |
M. Gurbax Singh Malhi |
L'hon. Claudette Bradshaw |
L'IMMIGRATION |
M. Leon E. Benoit |
L'hon. Elinor Caplan |
LE PAKISTAN |
Mme Francine Lalonde |
L'hon. Lloyd Axworthy |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Débat spécial—Les pêches |
M. Derek Lee |
Motion |
AFFAIRES COURANTES |
COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Procédure et affaires de la Chambre |
Motion d'adoption |
M. Derek Lee |
DEMANDES DE DÉBATS D'URGENCE |
L'agriculture |
M. Dick Proctor |
M. Howard Hilstrom |
Le Président |
La pornographie juvénile |
M. John Reynolds |
Le Président |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LE DISCOURS DU TRÔNE |
Reprise du débat sur l'Adresse |
M. Preston Manning |
Amendement |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
Sous-amendement |
Mme Alexa McDonough |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Jim Hart |
M. Peter MacKay |
Mme Elsie Wayne |
DÉBAT SPÉCIAL |
Les pêches |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
Motion |
M. John Cummins |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Robert D. Nault |
M. Gerald Keddy |
M. Mike Scott |
M. John Cummins |
M. Scott Brison |
M. Gordon Earle |
M. Mike Scott |
M. Claude Bachand |
Mme Angela Vautour |
M. Peter Stoffer |
Mme Alexa McDonough |
M. Charlie Power |
M. Derrek Konrad |
M. Gerald Keddy |
M. John Cummins |
M. Peter Stoffer |
M. Mark Muise |
M. Peter Stoffer |
M. John Cummins |
L'hon. Ethel Blondin-Andrew |
M. Peter MacKay |
M. Peter Stoffer |
M. Charles Hubbard |
M. John Cummins |
M. Yvon Godin |
Mme Angela Vautour |
M. Mike Scott |
M. Yvan Bernier |
M. Peter Stoffer |
M. Derrek Konrad |
M. John Cummins |
M. Ted McWhinney |
M. Yvan Bernier |
M. John Cummins |
M. Gerald Keddy |
M. Wayne Easter |
M. John Cummins |
M. Yvan Bernier |
M. Peter MacKay |
M. Peter Stoffer |
M. Gerald Keddy |
M. Daniel Turp |
M. Peter Stoffer |
M. Yvon Godin |
M. Gerald Keddy |
M. Peter Stoffer |
M. John Cummins |
M. Gerald Keddy |
M. Peter MacKay |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 2
CHAMBRE DES COMMUNES
Le mercredi 13 octobre 1999
La séance est ouverte à 14 heures.
Prière
[Français]
Le Président: Comme c'est mercredi aujourd'hui et que c'est notre première journée complète de travaux parlementaires, nous allons débuter en chantant le Ô Canada sous la direction du député de Wentworth—Burlington.
[Note de la rédaction: Les députés chantent l'hymne national.]
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Français]
LE PRIX DE L'ESSENCE
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, depuis plusieurs mois, la population d'Abitibi—Témiscamingue et moi-même trouvons trop élevé le prix de l'essence en Abitibi par rapport aux autres régions du Québec.
Sauf en cas d'urgence nationale, le gouvernement fédéral n'est pas habilité à réglementer de façon directe le prix de l'essence.
La Constitution canadienne autorise les provinces à en réglementer le prix. Seules les provinces de l'Île-du-Prince-Édouard et du Québec se sont engagées dans cette voie, quoique Terre-Neuve ait récemment annoncé qu'elle allait examiner des dispositions législatives qui permettraient de réglementer le prix de l'essence.
D'autres provinces ont préféré se fier aux forces du marché comme moyen le plus efficace pour déterminer des prix appropriés tout en maintenant des incitatifs qui contribuent à l'innovation et à la réduction des coûts.
Le gouvernement du Québec n'a pas le choix: il devra se fier aux forces du marché et mettre des incitatifs pour la population d'Abitibi—Témiscamingue.
Fini les études; passez à l'action aujourd'hui, monsieur Bouchard.
* * *
[Traduction]
LES MENNONITES
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Monsieur le Président, cela me fait grand plaisir de souligner le 125e anniversaire de l'arrivée des Mennonites de Russie au Canada. On aurait du mal à imaginer ce à quoi ressemblerait la province de la Saskatchewan sans la présence des Mennonites très croyants et travailleurs qui ont choisi de s'installer chez nous il y a tant d'années.
C'est dans les années 1890 que les Mennonites ont quitté les réserves de l'est et de l'ouest du Manitoba pour se rendre dans la vallée de la rivière Saskatchewan. Ces pionniers nous ont laissé un riche patrimoine de foi et de solides valeurs familiales. L'influence positive de ces hommes et de ces femmes se fait encore sentir en ce pays de nos jours.
Exposer dans le détail la contribution des Mennonites à notre mode de vie actuel est chose presque impossible. L'agriculture, la cuisine, les églises, l'entreprise et l'innovation, voilà autant de domaines qui ont subi l'influence de ce groupe au fur et à mesure qu'il prenait racine dans la vallée de la rivière Saskatchewan, au nord de Saskatoon.
C'est un témoignage de la bonté immanente de Dieu que ces agriculteurs, professeurs, prédicateurs et entrepreneurs mennonites aient pu prospérer dans cette nouvelle terre en proie aux climats extrêmes et aux incertitudes politiques.
Je suis fier d'être un descendant du clan Neufeld et j'adresse mes félicitations à tous mes électeurs d'origine mennonite à l'occasion de cet anniversaire.
* * *
LA SAFE COMMUNITIES COALITION
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour souligner les réalisations de la Safe Communities Coalition de Brockville et des environs.
Ces trois dernières années, ces gens ont travaillé de concert avec des partenaires communautaires pour transmettre au milieu des affaires et à la population le message voulant que la totalité des accidents pourraient être évités. C'est ainsi que mardi dernier j'ai assisté à un déjeuner au cours duquel plus d'une centaine de commerçants et entrepreneurs de la région ont partagé 76 000 $ sous forme de rabais en provenance du Worker Safety and Insurance Board dans le cadre du Programme d'incitatifs pour la sécurité dans les collectivités.
Grâce à la coalition, Brockville est en passe de figurer parmi les collectivités canadiennes où l'on peut vivre, travailler et jouer en toute sécurité.
Le programme est actuellement en cours dans douze autres collectivités de l'Ontario et de l'Alberta. J'encourage donc d'autres régions à se lancer dans cette entreprise des plus utiles.
* * *
LE HOCKEY
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le Président, le hockey est un jeu qui nous appartient et auquel nous sommes les meilleurs.
En cette veille de la fin du siècle, il convient de souligner le match du siècle qui a eu lieu il y a de cela 27 ans, le 28 septembre 1972. Ce jour-là, alors qu'il restait seulement 30 secondes de jeu, un seul but a décidé de l'issue de la série de rencontres Canada-URSS après 480 minutes d'anxiété et d'émotions fortes.
Tous les gens de Sault Ste. Marie, ma ville, étaient rivés à la télévision pour y suivre Équipe-Canada et deux de ses fils favoris, Phil et Tony Esposito, grâce auxquels Équipe-Canada a remporté la victoire. En fait, c'est Phil Exposito qui a permis à Henderson de marquer le but final.
Beaucoup de choses ont changé depuis cet après-midi de 1972, mais les gens de ma ville n'oublieront jamais cette passionnante rencontre. Nous n'en avons jamais vu de telle depuis.
Les frères Esposito, légendes du hockey, font maintenant partie du temple de la renommée et je suis fier de dire qu'ils ont été hier soir le sujet de l'émission de Radio-Canada, Life and Times.
La ville de Sault Ste.Marie est très fière de Phil et Tony Esposito.
* * *
LA POPULATION MONDIALE
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, le 12 octobre, l'Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement a célébré son deuxième anniversaire par un forum visant à souligner le passage de la population mondiale à six milliards d'individus.
La journée qui marque ce passage est une importante date dans l'histoire de la croissance démographique. En seulement 12 ans, la population a augmenté d'un milliard de personnes, dont la moitié sont âgés de moins de 25 ans.
Chaque année, la planète voit la population augmenter de 78 millions d'individus et plus de 95 p. 100 de cette croissance se produit dans les pays en développement. Cette population croissante de jeunes attend encore le droit et l'accès à des informations et des services sur la santé de la reproduction. Ils n'ont pas accès à l'enseignement primaire et à l'immunisation, ils souffrent de malnutrition et sont séropositifs.
La communauté internationale peut s'attaquer à ces problèmes qui nuisent gravement à leur qualité de vie.
Je demande au Canada et à tous les pays signataires du Programme d'action du Caire de respecter leur engagement de faire passer les besoins humains des filles, des hommes et des femmes...
Le Président: Le député de Calgary Nord-Est a la parole.
* * *
LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA GUERRE DU GOLFE
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le moment est venu pour le gouvernement de reconnaître l'existence du syndrome de la guerre du Golfe. Nous recevons aujourd'hui, à la tribune des visiteurs, Mme Louise Richard et M. Maurice Binard, anciens combattants de cette guerre, et Mme Susan Roirdon, veuve du capitaine Terry Roirdon, dont le décès en avril dernier a été officiellement attribué au syndrome de la guerre du Golfe. M. Roirdon a disparu à la fleur de l'âge.
Ces visiteurs représentent plus de 2000 combattants qui ont été contaminés. Ils sont venus sur la Colline aujourd'hui pour obtenir des réponses du gouvernement. Ils le méritent bien. Et ceux qui sont atteints de ce syndrome méritent de recevoir un traitement médical.
À ce jour, le gouvernement libéral ne s'est pas montré disposé à reconnaître ou à traiter la maladie causée par la guerre du Golfe. Les anciens combattants en sont frustrés; certains sont malades et d'autres sont sur le point d'en mourir. Ils sont las de ne pas obtenir de réaction du gouvernement. Les membres des forces armées du Canada font l'objet de diagnostics erronés, ou inexistants; ils ne reçoivent aucun traitement avant d'être libérés de leurs obligations militaires.
Il est du devoir du ministre de trouver la réponse aux questions suivantes: le vaccin contre le charbon bactéridien est-il en cause ou bien s'agit-il de l'exposition à l'uranium appauvri? Pourrait-il s'agir d'une autre toxine?
Ces anciens combattants ont...
Le Président: Je donne la parole au député de Vancouver-Quadra.
* * *
M. ROBERT MUNDELL
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, Robert Mundell, un économiste canadien, vient de recevoir le Prix Nobel de la paix des sciences économiques en récompense de son analyse des taux de change et de leur effet sur la politique monétaire.
Le professeur Mundell a été diplômé de l'Université de la Colombie-Britannique en 1953 et a reçu son doctorat du Massachussetts Institute of Technology en 1956. Il a enseigné à Stanford, John Hopkins, McGill et Waterloo. Dans les années 1960, il a publié une étude pilote sur les effets à court terme de la politique monétaire et fiscale dans une économie ouverte. Ses théories ont été étudiées par les dirigeants de l'Union européenne et ont été déterminantes lorsqu'il s'est agi de mettre en place l'eurodevise. Elles ne manqueront pas non plus d'influer sur les entretiens futurs concernant les échanges de devises en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
* * *
[Français]
GENEVIÈVE JEANSON
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, jamais les Espoirs de Laval n'auront porté aussi fièrement leur nom.
En effet, la semaine dernière, une des leurs, Geneviève Jeanson réalisait tout un exploit, soit d'être deux fois championne du monde cycliste chez les juniors au cours de la même semaine. C'est une première dans l'histoire du cyclisme sur route au Québec et au Canada. L'exceptionnel succès de Geneviève est d'ailleurs déjà reconnu comme l'événement sportif de l'année.
Geneviève a maintenant d'autres objectifs en vue. Dès l'an prochain, elle fera le saut chez les seniors et ambitionne de se tailler une place au sein de l'équipe canadienne.
Par sa maturité, sa ténacité et sa discipline, cette athlète de 18 ans est devenue un modèle pour toute une génération de jeunes. D'ailleurs, elle a dit: «Si je peux servir d'exemple aux jeunes, tant mieux! Mais ils doivent savoir qu'il n'y a pas de raccourci. Ça prend énormément de détermination et de travail.»
Geneviève, tous les espoirs te sont permis. Les Olympiques t'attendent à Sydney. Le Bloc québécois te lève son chapeau et c'est avec fierté qu'il te félicite et te souhaite bonne chance.
* * *
JEAN-LOUIS MILLETTE
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Monsieur le Président, homme de théâtre, travailleur acharné, perfectionniste et acteur extraordinaire, Jean-Louis Millette a déçu son public pour la première fois, comme le disait Edgar Fruitier le 29 septembre dernier, en nous quittant.
Jean-Louis Millette, l'acteur, aura aussi imposé sa marque sur la culture québécoise, grâce à la télévision québécoise. Il avait aussi fait carrière au cinéma, jouant souvent des personnages louches, perturbés ou démoniaques.
L'an dernier, M. Millette lui-même disait en entrevue qu'il fallait travailler passionnément, à la limite de ses forces et du temps, pour repousser la mort.
Nous lui rendons cet hommage qu'il mérite amplement et offrons nos sincères condoléances aux membres de sa famille. Merci mille fois, Jean-Louis Millette.
* * *
[Traduction]
LE PAKISTAN
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, hier, le gouvernement démocratique du Pakistan a été renversé par un coup d'État militaire. Pendant des mois, ce pays a été en proie à des conflits internes. On y dénonce la corruption, la répression et un intégrisme islamiste croissant. Dans ce contexte, nous devons nous rappeler que, par le passé, le Pakistan a connu plusieurs gouvernements militaires et que sa culture politique est complexe.
L'opposition officielle appuie le rétablissement du gouvernement démocratique au Pakistan. La stabilité du Pakistan, qui est une puissance nucléaire depuis l'année dernière, est cruciale pour cette région.
Nous comprenons l'inquiétude des Canadiens d'origine pakistanaise. Le Canada ne devrait prendre aucune décision imprudente, comme l'imposition de sanctions, ni parler de la suspension de pays membres du Commonwealth. Hier, les fanfaronnades des ministres des Affaires étrangères étaient une réaction exagérée, comme à l'accoutumée.
Nous nous opposons à des sanctions et à des menaces. Pourquoi le gouvernement n'encourage-t-il pas plutôt les pays asiatiques voisins du Pakistan, le FMI et la Banque mondiale à exercer des pressions sur ce régime militaire?
* * *
[Français]
LE DISCOURS DU TRÔNE
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, il paraît que l'opposition n'a pas apprécié le discours du Trône, qui trace les grandes lignes des priorités de notre gouvernement, et que l'opposition n'a pas plus aimé que le gouvernement s'intéresse à la qualité de vie de la population canadienne.
L'opposition n'a pas aimé non plus que notre gouvernement veuille accorder une priorité au maintien d'une économie canadienne forte et créatrice d'emplois.
Finalement, l'opposition n'a pas aimé du tout que notre gouvernement s'intéresse à nos enfants.
Qu'à cela ne tienne. Que l'opposition continue à se chercher et à s'entre-déchirer. Pendant ce temps, le gouvernement libéral poursuivra son objectif d'améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens et Canadiennes.
* * *
[Traduction]
LE DISCOURS DU TRÔNE
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, les promesses vides, les grandes déclarations creuses et les engagements vagues que renfermait le discours du Trône d'hier étaient des fadaises auxquelles les Canadiens s'attendent désormais de la part des libéraux. Ce qui ressortait vraiment de ce discours du Trône, c'était les lacunes flagrantes.
Nous avons entendu parler d'un programme pour les enfants qui fait abstraction des enfants ou des garderies.
Nous avons eu droit à une légère allusion à la situation des sans-abri, mais nous n'avons rien entendu au sujet de logements abordables.
On nous a parlé de l'économie du savoir, mais on ne nous a rien dit des moyens de faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à un enseignement de haute qualité.
Nous avons au moins entendu l'expression «ferme familiale». Cependant, la plus grande crise à frapper les Prairies depuis les années 30 n'a même pas été mentionnée.
Si le gouvernement libéral cessait un instant de faire tout ce brouhaha avec ses grandes déclarations vagues et insignifiantes, sait-il ce qu'il entendrait dans le silence assourdissant qui subsisterait? Il entendrait peut-être les vraies priorités des Canadiens.
* * *
[Français]
L'UNION SOCIALE
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, hier, le gouvernement libéral annonçait comment il entend appliquer l'entente-cadre sur l'union sociale: pouvoir absolu de dépenser dans tous les domaines, de la petite enfance à la culture, en passant par l'éducation, la santé et combien d'autres domaines de compétence exclusive du Québec.
Dorénavant, deux instruments guident la construction de ce Canada de plus en plus unitaire: la Constitution de 1982 et l'Accord sur l'union sociale, deux documents non ratifiés par l'Assemblée nationale, et dénoncés par tous les premiers ministres du Québec.
Le discours du Trône d'hier n'a fait mention du Québec qu'à une seule reprise et c'était pour lui servir un avertissement clair. Les provinces deviennent l'équivalent des municipalités et des groupes communautaires. Il y a le gouvernement fédéral, qualifié hier de national, et le reste.
Que reste-t-il de fédéral dans cette vision? Où est passée la flexibilité? Aux yeux de ce gouvernement, le Québec n'existe plus. Cette vision unitaire ira-t-elle au bout de sa logique en proposant l'abolition pure et simple des provinces?
* * *
[Traduction]
LES COMITÉS PARLEMENTAIRES
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, bien que le paragraphe 106(2) du Règlement de la Chambre des communes prévoit que les présidents de tous les comités parlementaires doivent être choisis par les membres de ces comités, le Globe and Mail rapporte que le ministre des Transports a déjà choisi le député de Hamilton-Ouest pour présider le nouveau comité de transports.
De même, le ministre des transports a établi l'ordre du jour des travaux qui comprendront un exposé de sa part et un autre de M. Gérald Schwartz.
Le ministre a fait savoir aux députés libéraux membres du comité qui ils devaient choisir comme président avant même la première rencontre du comité. Cette façon de faire va à l'encontre de l'esprit même du paragraphe 106(2) du Règlement.
Le ministre est-il prêt à cesser de s'immiscer dans les affaires du comité des transports et à laisser le comité fonctionner tel que prévu par le Règlement?
* * *
LA LIGUE NATIONALE DE HOCKEY
M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, samedi dernier, j'ai regardé le match des Maple Leaf avec mon fils Patrick; il a sept ans et il joue au hockey pour enfants à Toronto. Lorsqu'une bagarre a éclaté sur la glace, ma réaction a été de changer de canal. Ce n'est pas le type de comportement qu'on enseigne à mon fils et à ses coéquipiers.
Comment puis-je expliquer à mes enfants que c'est mal de recourir à la violence, en particulier de se battre, que ce soit sur la glace ou ailleurs, alors qu'ils voient des joueurs de hockey professionnels se battre pendant les matchs?
Les bagarres sont illégales au Canada. Elles constituent une infraction criminelle, qu'elles aient lieu dans la rue ou sur une patinoire de la LNH. Comment se fait-il que nous ayons, semble-t-il, deux niveaux de justice? Pourquoi la LNH est-elle au-dessus de la loi? Elle se doit de mettre fin aux bagarres. Quelle sorte de modèle de comportement offrons-nous aux millions de jeunes Canadiens et Canadiennes qui jouent au hockey et regardent des matchs de hockey? Si la LNH n'agit pas, le gouvernement devrait insister pour que la police et les substituts du procureur général portent des accusations au criminel.
Les bagarres dans la LNH sont scandaleuses et doivent cesser dans l'intérêt de nos enfants.
* * *
LE CANADA
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, le Canada est l'un des plus beaux exemples de réussite du XXe siècle, et la Colombie-Britannique a largement contribué à cette réussite.
Notre gouvernement a assaini les finances du pays et modernisé les programmes, préparant la voie à une croissance économique durable et à la création d'emplois de façon à construire l'avenir des Canadiens.
C'est grâce à la vision coopérative du gouvernement que le Canada est devenu le meilleur pays du monde où vivre et qu'il le restera au XXIe siècle.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
LE DISCOURS DU TRÔNE
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'être de retour après un été plutôt inhabituel. Nous avons vu des conservateurs se joindre aux libéraux. Nous avons vu des néo-démocrates se joindre aux conservateurs. Nous avons vu Joe Clark seul avec lui-même, et nous avons vu des réformistes qui se querellaient entre eux.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le chef de l'opposition a la parole.
M. Preston Manning: Monsieur le Président, si les réformistes se querellaient entre eux, ce n'était peut-être pas si inhabituel après tout.
De toute façon, nous voilà de retour. Le discours du Trône a été présenté et, aussi incroyable que cela puisse paraître, il y est vaguement question d'allégement fiscal.
Ma question s'adresse au premier ministre. Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire aux promesses d'allégement fiscal contenues dans le discours du Trône après six années de razzia fiscale de la part des libéraux?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes heureux d'être de retour nous aussi.
Les choses ont évolué. Nous sommes désolés de voir que le Parti réformiste risque de disparaître ou de se transformer en une alternative pas très unie.
Les Canadiens sont très satisfaits du travail de notre gouvernement. Tous les députés libéraux qui sont allés dans leur circonscription ont signalé au caucus ce matin que les gens sont extrêmement heureux que nous n'ayons plus de déficit et que nous ayons déjà commencé à réduire les impôts.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je suis prêt à vous laisser un peu plus de latitude aujourd'hui, mais pas trop. Le chef de l'opposition a la parole.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, nous avions des réponses plus claires lorsque nous organisions nous-mêmes la période des questions.
Pendant l'été, j'ai visité de nombreux Canadiens à leur lieu de travail: dans des usines, dans des bureaux ou ailleurs. Ce qui intéresse ces gens, c'est leur salaire net. Ils ne croiront à aucune promesse d'allégement fiscal tant que le gouvernement fédéral ne réduira pas la part qu'il retient sur leurs chèques de paye.
Pourquoi les travailleurs canadiens devraient-ils croire à des promesses d'allégement fiscal lorsque, semaine après semaine, mois après mois, les retenues fédérales sur leurs chèques de paye ne cessent d'augmenter au lieu de diminuer?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, les cotisations d'assurance-emploi s'élevaient à 3,07 $. Elles sont actuellement à 2,55 $.
Les conservateurs avaient imposé une surtaxe de 3 p. 100 il y a quelques années à cause du déficit. Cette surtaxe n'existe plus. Il y a aujourd'hui 600 000 Canadiens qui ne paient plus d'impôts grâce aux bons budgets présentés par mon ministre des Finances. Nous continuerons dans cette voie, en agissant de façon logique, raisonnable et sensée.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a déjà promis un allégement fiscal. Il devait abolir, éliminer, faire disparaître la TPS. Tout le monde sait ce qui est arrivé.
Lorsque le Parti réformiste a commencé à pousser le gouvernement à réduire les impôts, la première réaction du premier ministre a été de dire qu'il ne croyait pas que c'était la bonne chose à faire dans une société comme le Canada, comme s'il était anti-canadien de réduire le fardeau fiscal des contribuables.
Avec un bilan comme celui-là et avec des déclarations comme celle-là de la part du premier ministre, pourquoi les Canadiens devraient-ils croire que ce dernier leur accordera de véritables allégements fiscaux?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, dès notre arrivée au pouvoir nous avons dit que nous éliminerions le déficit. Les réformistes ne nous croyaient pas. Pourtant, nous l'avons fait. Pendant trois années d'affilée, nous avons eu des excédents au Canada, ce qui ne s'était pas vu depuis 50 ans. Comme nous avons un modeste excédent, le ministre des Finances a réduit les impôts dans les deux derniers budgets, et il les réduira encore dans le prochain budget. C'est entendu.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, que reste-t-il du discours du Trône d'hier au-delà des mots? Il n'y a pas de réduction d'impôts, mais plutôt un engagement à dépenser encore beaucoup plus. La froide réalité est la suivante: le 1er janvier, pour marquer l'avènement du nouveau millénaire, le premier geste du gouvernement sera de hausser l'impôt sur les charges sociales et sur le revenu en s'abstenant d'indexer les tranches d'imposition.
Pourquoi le ministre des Finances ne reconnaît-il pas que, lorsque sera retombée la poussière soulevée par le discours du Trône d'hier, il ne restera qu'une forte hausse d'impôts qui prendra effet le 1er janvier?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je peux donner l'assurance au député que le 1er janvier, comme ce fut le cas à cette date chaque année depuis que nous avons pris le pouvoir, il y aura une réduction des impôts sur les charges sociales.
Je rappelle également au député que le discours du Trône d'hier n'était pas un budget dans lequel nous abordions la question des impôts. Il situait cependant très bien le plan du gouvernement pour l'avenir, initiative qui a été bien accueillie partout dans le pays. Le document précise que nous investirons dans l'éducation et dans les programmes sociaux, ainsi que...
Le Président: Le député de Medicine Hat a la parole.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances devrait peut-être s'acheter une montre. Il a pris beaucoup de temps.
Nous sommes en présence d'un ministre des Finances qui a un grand avenir derrière lui. Il a eu l'occasion de réduire les impôts, mais il n'a pas su livrer la marchandise. Il a plutôt augmenté les impôts à 60 reprises. Tout son bilan se résume à des hausses d'impôts. Nous payons maintenant les impôts les plus élevés de toute l'histoire du Canada.
Pourquoi le ministre des Finances ne lâche-t-il pas tout simplement le morceau? Pourquoi ne reconnaît-il pas que sa véritable intention est de hausser les impôts à l'occasion du prochain budget?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai demandé je ne sais combien de fois au député de ne pas exagérer.
Il s'agit ici d'une question de crédibilité. La réalité, c'est que le Parti réformiste n'a aucune crédibilité. Au cours de la troisième année, le régime fiscal qu'il préconise exigerait un excédent de 52 milliards de dollars. Ce n'est que de la poudre aux yeux. Tant que le Parti réformiste ne sera pas en mesure d'offrir à la population canadienne un régime fondé sur des données solides, il ne bénéficiera d'aucune crédibilité dans ce débat.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement invoque l'union sociale pour justifier ses empiétements dans les champs de compétence des provinces.
Il annonce ainsi la création d'un Programme d'action national pour les enfants, une intervention dans l'évaluation de l'efficacité des programmes sociaux et l'élimination des obstacles injustifiés à la mobilité des citoyens et des étudiants. Or, le Québec n'a jamais signé cette entente, faut-il le rappeler.
Est-ce que nous devons comprendre que le gouvernement entend imposer ces nouveaux programmes sans l'accord du Québec, faisant encore la démonstration de son fédéralisme flexible qui veut que ce soit toujours le même qui plie?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le député ne dit pas exactement tout ce que nous avons fait, parce que le gouvernement du Québec était d'accord avec la Prestation nationale pour enfants.
Il a accepté de réinvestir les surplus qu'il allait gagner pour s'en servir ailleurs, parce que nous investissions dans les familles. Il l'a bien fait et l'a fait en accord avec nous.
Nous travaillons avec les provinces, mais je sais très bien que c'est contre l'intérêt du Bloc québécois que nous puissions travailler avec les provinces. Mais comme nous agissons bien, comme c'était le cas avec la Prestation nationale pour enfants, le gouvernement du Québec a été obligé de continuer à travailler avec nous.
Nous allons continuer à nous occuper des vrais problèmes, particulièrement ceux relatifs aux enfants.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le chef de ce gouvernement a été l'artisan de deux instruments qui guident la politique fédérale: le rapatriement unilatéral de 1982 et l'Entente sur l'union sociale, qui ont été refusés tous les deux par l'Assemblée nationale du Québec, tant par les fédéralistes que par les souverainistes.
Dans cette même logique, le gouvernement annonce la création d'un régime d'assurance-médicaments. Or, un tel régime existe actuellement au Québec.
Devons-nous comprendre que le seul choix qui s'offrirait au Québec serait soit de modifier son régime, soit de renoncer à l'argent du programme fédéral, qui est aussi en partie l'argent des payeurs de taxes du Québec?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on n'a pas annoncé un nouveau programme. On a tout simplement dit qu'il y a un problème et qu'il faut en discuter avec les provinces, y compris le Québec.
C'est ainsi qu'une fédération peut bien fonctionner. C'est encore le meilleur système de gouvernement à travers le monde. Comme le disait le président Clinton vendredi dernier: «Le fédéralisme est toujours la meilleure solution dans une société moderne.»
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, dans le discours du Trône, le gouvernement s'engage à éliminer les obstacles qui, selon lui, entravent la mobilité des citoyens à l'intérieur du Canada. On connaît les tensions qui existent entre l'Ontario et le Québec dans le dossier de la construction.
Est-ce que le premier ministre peut nous dire si cette volonté du gouvernement d'éliminer les obstacles à la mobilité veut dire qu'il souhaite s'ingérer dans les discussions qui existent actuellement entre le Québec et l'Ontario dans le dossier de la construction?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a un dialogue présentement entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario au sujet du protectionnisme qui existe dans le domaine de la construction.
Je crois qu'il faudrait avoir une entente pour permettre aux travailleurs de travailler où ils le peuvent au Canada lorsqu'il y a de l'emploi, et de ne pas protéger à outrance, ce qui est au détriment de la croissance économique dans n'importe quelle partie du Canada.
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre s'embarque dans un dossier particulièrement chaud au Québec, celui des travailleurs de la construction. Il devrait peut-être y penser deux fois.
Pour ce qui est d'un autre domaine qui nous préoccupe, dans le même dossier des restrictions à la mobilité, est-ce que le premier ministre considère que les dispositions de la Loi 101, quant à la langue de travail au Québec, constituent un obstacle à la mobilité?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est le problème.
Moi, je m'occupe des problèmes fédéraux. Vivant ici, à Ottawa, j'ai pu constater qu'il y a beaucoup plus de Québécois qui travaillent en Ontario qu'il n'y a d'Ontariens qui travaillent au Québec.
* * *
[Traduction]
L'AGRICULTURE
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, l'agriculture est en crise, mais le gouvernement s'en fiche.
Quarante-six pour cent des producteurs de céréales et d'oléagineux des Prairies risquent d'être en faillite d'ici un an si le gouvernement n'agit pas. Nos agriculteurs sont aussi compétents que ceux de n'importe où dans le monde, mais le gouvernement a détruit un soutien essentiel pour l'agriculture.
Ma question s'adresse au premier ministre. Pourquoi le discours du Trône est-il muet sur la crise agricole la plus grave qu'on ait connue depuis la grande crise économique?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement cherche depuis longtemps à résoudre le problème. Nous avons prévu 900 millions de dollars dans le dernier budget à cette fin. C'était bien avant l'été.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire est actuellement en contact avec ses homologues du Manitoba et de la Saskatchewan. Les deux niveaux de gouvernement vont travailler ensemble à trouver une solution à ce problème.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, être en contact, ce n'est pas exactement une solution.
Hier, le discours du Trône était censé être axé sur les enfants; or, aujourd'hui, les enfants des Prairies voient se désagréger leurs familles et leurs communautés agricoles. Le discours du Trône n'en a même pas parlé.
Le premier ministre peut-il expliquer à ces enfants pourquoi ils ne comptent pas?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons entendu un discours du Trône dont le principal élément portait sur l'avenir des enfants au Canada. Il s'agit d'un très grand sujet de préoccupation pour le gouvernement.
La députée n'a probablement pas lu le même discours du Trône que le ministre des Finances de la Colombie-Britannique, qui lui a donné une note de sept ou huit sur dix et selon qui l'esprit du document est juste sur la plupart des points. Je me réjouis du compliment que nous avons reçu du NPD.
* * *
LES PÊCHES
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, la décision qui a été rendue dans l'affaire Sparrow en 1990 et qui donnait aux autochtones le droit de s'adonner à la pêche de subsistance aurait dû nous mettre la puce à l'oreille lorsque Donald Marshall fils s'est présenté devant la Cour suprême du Canada pour défendre sa position en ce qui concerne la pêche illégale.
Étant donné la décision rendue dans l'affaire Marshall et le fait que le gouvernement a eu amplement le temps d'étudier tous les scénarios pouvant découler de cette décision, le ministre des Pêches et des Océans peut-il nous expliquer pourquoi son ministère était si mal préparé à réagir à la décision de la Cour suprême?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, au contraire, nous avons réagi très rapidement. J'ai fait de cette question une de mes priorités, et nous avons travaillé sans relâche pour bien y réagir. D'ailleurs, trois jours après le 17 septembre, nous proposions un plan à court terme et un plan à long terme.
Nous croyons au dialogue et à la collaboration. C'est ce qui fonctionne bien. Cela a donné de bons résultats jusqu'à maintenant. Cela fonctionne.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, si la question de la pêche pratiquée par les autochtones soulève une telle controverse, c'est parce que le ministère ne possède aucun plan pour réagir à la décision de la Cour, qu'il est dépourvu d'idées et qu'il ne parvient pas à assumer le leadership dont devrait faire preuve le ministre.
Le ministre peut-il aujourd'hui nous dire pourquoi le ministère des Pêches et des Océans a été tellement pris par surprise? En tant que ministre, accepte-t-il la responsabilité des actes de violence qui ont été commis jusqu'à maintenant à cause de son inaction et assumera-t-il la responsabilité à l'égard de tous risques futurs?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de remercier les députés des deux côtés de la Chambre qui m'ont si bien conseillé dans ce dossier. J'ai mené de nombreuses consultations, à l'issue desquelles j'ai dit qu'il fallait s'asseoir, dialoguer et collaborer.
Trente-trois des 35 leaders autochtones ont volontairement décidé de respecter un moratoire et de ne pas pratiquer la pêche pendant 30 jours, et nous devrions aujourd'hui les en féliciter. C'est ce que j'entends par la collaboration et le dialogue.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, dans le discours du Trône prononcé hier, le gouvernement a passé complètement sous silence le grave conflit racial causé par la pêche au homard au Nouveau-Brunswick. Les tensions ethniques se sont exacerbées, et c'est inexcusable pour le gouvernement.
Voici une citation révélatrice d'un ancien ministre des Affaires indiennes: «En raison du traitement spécial qui leur a été accordé, les Indiens forment maintenant un groupe social désavantagé et à part. Il faut, de toute évidence, changer le cours de l'histoire.» Qui a dit cela? C'est l'actuel premier ministre, en 1969. Pourquoi, 30 ans plus tard, classe-t-il encore les Canadiens en fonction de critères raciaux? Pourquoi?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, soyons clairs. Notre position est différente de celle du Parti réformiste.
Le Parti réformiste est d'avis qu'il suffit de traiter tout le monde de la même façon pour qu'ils soient traités équitablement. J'ai trois enfants. Je les traite équitablement, mais pas de la même façon. Nous avons édifié notre pays en tenant compte des différences régionales. Nous voulons nous assurer d'inclure tout le monde et de tenir compte des besoins de tous les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, qu'est-ce que le ministre ne comprend pas dans le mot égal?
Prenons une citation du grand gourou libéral, Pierre Trudeau, qui a dit en 1969:
Nous pourrions continuer d'accorder un traitement spécial aux Indiens [...]. Ou nous pourrions dire que nous sommes à un carrefour et que le temps est venu de décider ou bien que les Indiens forment une race à part au Canada ou bien qu'ils sont des Canadiens à part entière.
C'est un libéral qui a dit cela. Le premier ministre peut-il nous dire pourquoi il a changé d'idée depuis?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'étais présent à ce moment-là et il y a...
Mme Deborah Grey: Monsieur le Président, il a dit cela en 1969.
Le très hon. Jean Chrétien: Oui, monsieur le Président. En 1760, il y a eu une proclamation royale aux termes de laquelle le gouvernement national avait l'obligation de respecter les traités conclus avec les peuples qui étaient là avant l'arrivée des blancs. C'était un traité. C'était un contrat. Le gouvernement doit respecter les engagements qu'il a pris que ce soit hier ou il y a 300 ans.
* * *
[Français]
LE TRANSPORT AÉRIEN
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, l'industrie du transport aérien est en crise depuis que le ministre a suspendu la Loi sur la concurrence.
Pourtant, nulle part il n'est fait mention, dans le discours du Trône, du grave problème du transport aérien, notamment au Québec où des milliers d'emplois sont en jeu.
Le gouvernement peut-il nous expliquer pourquoi il est complètement silencieux à ce sujet dans le discours du Trône, alors que ça, c'est de sa compétence?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, c'est évident qu'il y avait des problèmes dans le système de transport aérien au Canada, surtout avec la position faible de Canadian Airlines.
Nous avons trois options comme gouvernement: premièrement, une assistance financière pour Canadian; deuxièmement, permettre à la compagnie de déclarer faillite; troisièmement, chercher un autre moyen pour en arriver à une solution.
Nous avons choisi la troisième option, c'est-à-dire de trouver une solution dans les marchés privés, et c'est pour cette raison que nous avons utilisé l'article 47 de la Loi canadienne sur le transport.
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, tout le monde attendait des indications au sujet de ce dossier stratégique qu'est le transport aérien au Canada.
Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi d'être muet à ce sujet dans le discours du Trône, alors qu'il s'est commis dans plein de dossiers qui ne relèvent même pas de lui?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la situation est très grave, à notre avis, et pour cette raison, je suis prêt à répondre aux questions à la Chambre des communes.
Mais si la solution se trouve dans les marchés privés, cinq principes du gouvernement canadien s'appliqueront: la protection des consommateurs, les services aux petites collectivités, les droits et les préoccupations des employés, la promotion de la concurrence et le contrôle effectif par les Canadiens. Et cela, c'est très important dans le débat.
* * *
[Traduction]
LES PÊCHES
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a eu des mois pour préparer sa réaction à la décision de la cour dans l'affaire Marshall, mais il n'a rien fait. Il a eu des années pour élaborer une politique de gestion des pêches pour notre pays, mais il n'a rien fait. Sous le gouvernement libéral, le Canada a maintenant une politique nationale des pêches qui est raciale. La capacité d'un pêcheur de gagner sa vie dépend de ses origines ancestrales.
J'aimerais demander au ministre pourquoi il permet que la race soit la pierre angulaire de la politique des pêches de notre pays.
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit plus tôt, de ce côté-ci, nous voyons les choses différemment. En ce qui concerne les autochtones, nous pensons que nous devons inclure tous les Canadiens de façon à ce que tous puissent participer. Nous devons veiller à respecter les traités que nous avons signés. C'est exactement ce que nous faisons et ce que nous allons faire.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Pêches n'est d'aucun réconfort pour les pêcheurs de homard qui craignent de perdre leur gagne-pain. Il n'est d'aucun réconfort pour les familles autochtones qui sont la cible de récriminations injustes de la part de leurs voisins. Il n'est certainement d'aucun réconfort pour ceux qu'inquiète le pillage des stocks de homard.
Je suis allé sur la côté Est. J'ai vu venir le problème et j'ai suggéré au ministre une solution qui aurait évité que nous nous trouvions dans le pétrin dans lequel nous sommes maintenant. J'aimerais demander au ministre pourquoi il n'a pas demandé à la Cour suprême de suspendre sa décision et de permettre une nouvelle audition de cette affaire.
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, voyons quelle est la position du Parti réformiste. Après 240 ans, après un quart de millénaire, les Micmacs se sont vu accorder un droit issu d'un traité. Et immédiatement, les réformistes ont voulu le leur enlever. Nous ne ferons rien de la sorte.
* * *
[Français]
LE DISCOURS DU TRÔNE
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, sans jamais utiliser une seule fois le mot «éducation», le discours du Trône d'hier fait référence à l'apprentissage, au perfectionnement, et parle de savoir et de stage.
Le premier ministre peut-il maintenant admettre que son gouvernement veut mettre en place une politique nationale d'éducation alors que cela n'est pas de sa compétence?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la réponse n'est pas très longue, c'est non.
Mais nous avons des responsabilités à l'égard de tous les Canadiens. Il faut s'assurer que le Canada soit en mesure d'entrer dans le XXIe siècle de façon à faire face aux défis que nous aurons à rencontrer et, dans les juridictions qui relèvent du fédéral, augmenter nos contributions pour nous assurer que les Canadiens soient très bien préparés pour entrer dans le XXIe siècle.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, s'ils ne veulent pas entrer dans les juridictions provinciales, le discours du Trône dit qu'on veut «éliminer les obstacles qui entravent la mobilité des citoyens»—et je cite précisément la page 21—ces obstacles notamment qui font «que des étudiants ne peuvent utiliser leurs prêts lorsqu'ils étudient à l'extérieur de leur province».
Doit-on alors comprendre que le gouvernement d'Ottawa, après avoir instauré un programme de bourses du millénaire, veuille maintenant s'attaquer aux critères d'attribution des prêts et bourses en vigueur au Québec?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ce que nous cherchons, c'est qu'il y ait de l'égalité pour tout le monde et que les gens puissent aller se perfectionner partout au Canada.
Je pense qu'il serait très bon pour le Canada que des gens des provinces anglaises puissent aller étudier au Québec et que des Québécois puissent aller étudier dans le reste du Canada dans les mêmes conditions.
Je pense que c'est l'idéal, parce que tout le monde y gagnerait.
* * *
[Traduction]
LE TRANSPORT AÉRIEN
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, le discours du Trône d'hier ne traite aucunement de la restructuration massive que doivent subir incessamment les lignes aériennes au Canada. Air Canada et Lignes aériennes Canadien discutaient de fusion six mois avant que l'article 47 soit invoqué. Le ministre pourrait-il expliquer aux Canadiens pourquoi il a invoqué l'article 47 quand il l'a fait?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, c'est exact, il semble maintenant que les deux compagnies aériennes ont eu des pourparlers plus tôt cette année. En mars, Air Canada a été la première à discuter avec mes fonctionnaires de l'application de l'article 47. Nous savons maintenant qu'elle le faisait en rapport avec ces pourparlers, mais aucune mesure n'a été prise et aucune demande officielle n'a été formulée puisque les pourparlers ont cessé.
En juin, c'est d'abord Air Canada, avec sa proposition concernant les liaisons internationales des Lignes aériennes Canadien et ensuite les Lignes aériennes Canadien qui ont communiqué avec nous pour discuter du besoin de restructurer l'industrie. C'est pourquoi nous avons invoqué l'article 47.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, hier le gouvernement n'a pas présenté aux Canadiens sa vision de l'industrie aérienne du nouveau millénaire. On peut seulement en conclure qu'il n'en a aucune. Pourquoi le gouvernement ne donne-t-il pas la moindre idée de sa vision de l'industrie aérienne au Canada au cours du XXIe siècle?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement s'est engagé à assurer une industrie du transport aérien rentable, solide et stable, mais certains problèmes de taille exigeront la prise de décisions très difficiles de la part des Canadiens, en particulier des députés. Nous tenons à ce qu'il y ait un débat exhaustif à la Chambre pour que les députés de toutes les allégeances expriment leurs opinions de telle sorte que nous pourrons élaborer une politique sur les lignes aériennes qui nous permettra de venir à bout des questions difficiles auxquelles nous sommes confrontés et de garantir l'existence au Canada d'une industrie du transport aérien très solide et rentable au XXIe siècle.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, les conséquences désastreuses de la réforme de l'assurance-emploi sont connues.
Près de 60 p. 100 des chômeurs et chômeuses en sont exclus, notamment les jeunes et les femmes. Cette réforme crée de la pauvreté au Canada.
Au-delà du régime parental, comment la ministre peut-elle nous expliquer qu'elle n'ait pas été capable de convaincre ses collègues du Cabinet que la meilleure façon de combattre la pauvreté, c'est de redonner aux sans-emploi l'accès au régime de l'assurance-emploi qui constitue leur protection ultime?
[Traduction]
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député parle de l'assurance-emploi. C'est là un élément de la stratégie gouvernementale qui a pour but d'aider les Canadiens à obtenir des emplois. Ce programme s'adresse aux travailleurs qui ont eu un emploi, qui sont provisoirement au chômage et qui vont retourner au travail.
Il existe d'autres programmes, par exemple la Stratégie emploi jeunesse, le Fonds d'intégration des personnes handicapées et le Fonds canadien pour la création d'emplois. Ce sont autant de moyens que le gouvernement met en oeuvre pour aider les Canadiens à trouver et à garder des emplois.
* * *
LE MAINTIEN DE LA PAIX
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser à la toute nouvelle ministre de la Coopération internationale, que je félicite de sa nomination.
La ministre aurait-elle l'obligeance d'informer la Chambre des mesures d'aide humanitaire prévues par le Canada, au moment où nous nous apprêtons à consacrer des ressources et des compétences à la mission de maintien de la paix de l'ONU au Timor oriental?
L'hon. Maria Minna (ministre de la Coopération internationale, Lib.): Monsieur le Président, je dois dire que, dès qu'ont surgi les problèmes au Timor oriental, le Canada a offert immédiatement une aide de 420 000 $. Notre pays a été le premier présent sur le terrain, grâce à CARE Canada, pour aider les Timorais de l'Est qui étaient retenus au Timor occidental. Nous nous sommes lancés dans cette mission, même si elle était plutôt risquée.
De plus, un montant de 300 000 $ du Fonds canadien a été réaffecté sur le terrain, et un autre montant identique provenant d'un autre programme a aussi été réaffecté, de sorte que nous disposions d'un peu plus d'un million de dollars.
Nous suivons l'évolution de la situation et, dans quelques jours, je serai en mesure d'annoncer à la Chambre une aide supplémentaire, lorsque la situation au Timor oriental sera assez stable pour que nous puissions faire notre travail sur place.
* * *
L'AGRICULTURE
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a prouvé aujourd'hui qu'il ne comprend pas la crise qui frappe le revenu agricole et qu'il peut encore moins y trouver une solution. Voyons voir si le ministre de l'Agriculture peut faire mieux.
Le revenu net réalisé des agriculteurs a chuté de 98 p. 100, et le discours du Trône d'hier ne renferme pas un mot à ce sujet, pas une allusion à cette situation. Il ne dit pas que les enfants ont faim ou que les parents se demandent s'ils pourront rester sur leurs fermes. Jusqu'à hier, les agriculteurs ne savaient pas à quel point Ottawa est loin d'eux.
Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Pourquoi les graves difficultés de milliers de fermes familiales ne sont-elles pas une priorité pour le ministre de l'Agriculture et le gouvernement?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle à l'opposition et à tous les Canadiens que, même avant le budget de février dernier, le gouvernement avait annoncé une allocation de 900 millions de dollars et, avec la contribution provinciale, un total de 1,5 milliard de dollars, pour venir en aide aux agriculteurs de toutes les régions du Canada qui sont en difficulté et ont besoin de soutien.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement ne peut pas, en toute conscience, laisser les fermiers affronter l'hiver sans espoir. Il aime bien faire montre de compassion en lançant à gauche et à droite des mots à la mode dans certains dossiers comme celui des enfants. Il y a sur les fermes des milliers et des milliers d'enfants dont les parents essaient désespérément de joindre les deux bouts. Ce sont de vrais enfants qui ont besoin d'une aide véritable, et le gouvernement leur tourne le dos.
Si le ministre de l'Agriculture et le gouvernement veulent sincèrement aider les enfants, que comptent-ils faire pour ces enfants d'agriculteurs à l'approche de l'hiver?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je peux rappeler aux agriculteurs canadiens qu'ils sont bien chanceux que le Parti réformiste ne soit pas au pouvoir. Ce parti devait réduire de 600 millions de dollars l'aide au secteur agricole au Canada, et ces coupes auraient touché principalement les producteurs.
Il existe un filet de sécurité et nous travaillons dans le cadre de ce programme. Nous l'avons déjà modifié et nous le modifierons encore. Nous continuerons de faire de notre mieux pour trouver toutes les ressources possibles, en coopération avec les provinces et l'industrie, afin d'assurer un soutien à tous ceux que nous pourrons aider.
* * *
L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, d'après le premier ministre, la prise de contrôle d'Air Canada par Onex intéresse strictement le secteur privé. Selon le ministre des Transports, des intérêts publics sont peut-être en jeu.
Le gouvernement libéral va-t-il se décider? Va-t-il écouter les Canadiens ou laisser les seuls actionnaires décider du sort de l'industrie canadienne du transport aérien?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Je le répète, monsieur le Président, une solution axée sur le marché nous a paru l'option à adopter à ce moment-ci. Il incombe aux parties du secteur privé de déterminer les aménagements à prendre dans la réorganisation des compagnies.
Une fois que le secteur privé aura déterminé cela et une fois qu'une offre conditionnelle aura été faite au gouvernement, le gouvernement pourra vraiment s'assurer que les cinq principes que j'ai énoncés il y a deux semaines sont respectés et que les Canadiens sont rigoureusement protégés pour ce qui est des prix et d'autres questions d'intérêt public.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, la solution axée sur le marché du ministre et ses cinq principes n'y changeront tout bonnement rien.
Lorsqu'on a déréglementé l'industrie du transport aérien, on avait promis aux Canadiens une saine concurrence dans ce secteur. Au lieu de cela, les vols sont moins nombreux, les salaires ont baissé, les emplois sont menacés, le service est réduit, l'influence américaine est plus forte et la canadienne est plus faible et voici qu'une grande compagnie aérienne est affaiblie.
Le gouvernement avouera-t-il maintenant que sa politique de déréglementation est un échec total?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, l'affirmation que fait la députée est une façon très facile d'aborder le débat.
La déréglementation a porté de nombreux fruits, mais il ne fait aucun doute que des problèmes graves sont survenus ces dernières années, surtout en ce qui concerne une compagnie, à savoir les Lignes aériennes Canadien International. Il faut régler ces problèmes, et cela, de façon à protéger l'intérêt public en s'assurant que, en ce tournant de siècle, notre industrie du transport aérien est très viable.
* * *
LES PÊCHES
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, si la conservation des stocks de homard revêt une importance primordiale, le ministre des Pêches et des Océans insistera-t-il pour que les pêcheurs autochtones se conforment aux mêmes saisons de pêche que les pêcheurs non autochtones?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à donner au député et à la Chambre l'assurance que la conservation est une priorité. Nous devons veiller à protéger les ressources.
La Cour suprême a toutefois rendu une décision. Je me suis fait un point d'honneur de reconnaître ce droit issu des traités et je vais m'assurer que nous respectons l'esprit de la décision.
Nous devons surtout axer nos efforts sur les mesures à long terme et rassembler tous les intéressés afin qu'ils étudient un accord à long terme qui permettra aux Mi'kmaq et aux Malécites d'exercer leurs droits issus des traités.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, j'ai une autre question à poser au ministre des Pêches et des Océans.
À court terme, on réglemente la pêche du homard au moyen de permis, de limites de casiers, de restrictions de tailles ainsi que de saisons et de zones de pêche du homard. La réglementation assure la conservation qui, à son tour, garantit une pêche durable.
Comment le ministre peut-il permettre une pêche non fondée sur la conservation? Le ministre répondra-t-il à cette question?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, toutes les pêches sont fondées sur la conservation. Il n'y en a aucune qui ne le soit pas.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration, la semaine dernière, s'il y a une pêche, elle sera réglementée. Je tiens à donner au député l'assurance que les pêches qui sont pratiquées actuellement sont réglementées. Nous appliquons les principes et les règles de conservation.
* * *
LA DÉFENSE NATIONALE
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.
Compte tenu de leur piètre performance et de leur incapacité d'arriver au Timor oriental à temps, le ministre pourrait-il dire à la Chambre quand le gouvernement remplacera les vieux Hercules qui sont devenus peu fiables?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il est malheureux qu'un appareil ait dû s'y prendre à plusieurs reprises avant de pouvoir entreprendre sa mission au Timor oriental. Je dois dire que ce sont les normes élevées de notre équipage en matière de maintenance qui ont fait la différence pour assurer la sécurité de notre personnel.
Une fois réparé, l'avion s'est envolé pour de bon. Il a été un des premiers à se poser au Timor oriental et il a rendu un fier service aux troupes alliées qui s'y trouvent.
Précisons également qu'on est en train de l'améliorer. Ses systèmes avioniques et de navigation ont fait, ces dernières années, l'objet de travaux d'amélioration qui se poursuivront durant quelques années encore afin de continuer de fournir un excellent service.
* * *
L'IMMIGRATION
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, le trafic d'immigrants illégaux sévit au Canada. Les immigrants clandestins arrivent par pleins bateaux. Nos aéroports deviennent de véritables passoires par où transitent les clandestins, et le gouvernement s'en fiche à tel point qu'il ne poursuit même pas les responsables de ce trafic.
Les Canadiens, notamment les nouveaux immigrants, ont demandé au gouvernement de faire de cette question une priorité, pourtant le discours du Trône ne dit rien à ce sujet.
Pourquoi le trafic d'immigrants illégaux, l'asservissement de milliers d'individus et l'infiltration du crime organisé n'ont-ils aucune importance aux yeux du gouvernement?
L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le discours du Trône souligne l'importance qu'attache le gouvernement au problème du passage clandestin. Nous ne tolérerons pas le trafic d'êtres humains.
Ce qui nous inquiète dans ce trafic, ce n'est pas seulement qu'il met en danger la vie des personnes qui tombent dans les mailles du crime organisé transnational, c'est aussi qu'il détourne notre attention des réfugiés de bonne foi.
Neuf personnes ont été inculpées et subissent maintenant leur procès. Nous avons des lois très sévères que nous nous efforçons de rendre encore plus rigoureuses pour bien faire comprendre aux passeurs que ça ne marchera pas au Canada.
* * *
[Français]
LE CRIME ORGANISÉ
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, compte tenu des menaces proférées par des groupes criminalisés à l'endroit d'agriculteurs du Québec, à l'endroit de leurs familles et même à l'endroit de mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot en ce qui a trait à la culture illégale de marijuana, la ministre de la Justice n'aurait-elle pas été mieux avisée, au lieu de préparer une loi dont le Québec ne veut pas et qui vise à marquer au fer rouge les jeunes contrevenants, de déposer à la Chambre une loi efficace pour enfin contrer définitivement le crime organisé?
[Traduction]
L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le crime organisé est une réalité. C'est pourquoi la lutte contre le crime organisé est, en matière d'application de la loi, la priorité absolue du gouvernement.
Je puis assurer à mon collègue que la GRC a aidé la SQ à lutter contre le crime organisé avec lequel les agriculteurs québécois sont aux prises.
* * *
LES PÊCHES
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, devant la décision rendue dans l'affaire Marshall, le sérieux manque de leadership a eu des effets dévastateurs parmi les pêcheurs de homard de ma province, la Nouvelle-Écosse.
Prenons note de la date: demain, la pêche commerciale ouvre dans la zone 35, dans la baie de Fundy, et les pêcheurs côtiers et les autochtones de la région recherchent ensemble une solution satisfaisante pour les deux parties. Malheureusement, ils agissent seuls.
Le ministre déploiera-t-il les ressources nécessaires pour aider les pêcheurs côtiers de la baie de Fundy à parvenir à un règlement avec les autochtones pour préserver l'avenir de la pêche au homard?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis allé à Moncton et j'ai rencontré les pêcheurs commerciaux. J'ai aussi passé toute une journée avec les autochtones.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Je demande aux députés de faire preuve de moins d'exubérance.
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal: Monsieur le Président, le Parti réformiste, le parti qui fait le plus de chahut, a passé le moins de temps à parcourir les collectivités autochtones pour entendre les préoccupations des autochtones.
Je suis allé dans le Canada atlantique et j'ai encouragé le dialogue et la discussion. En Nouvelle-Écosse, j'ai été très heureux de voir que les collectivités autochtones et non autochtones travaillaient ensemble. Nous avions dit que ce qu'il faut, ce sont des solutions qui émanent des collectivités et nous sommes allés sur place encourager l'émergence de telles solutions.
Je suis très heureux. Je crois que nous devrions applaudir devant ce qui se passe là-bas. C'est la bonne façon de régler le problème. Nous nous efforçons d'amener tous les groupes ensemble afin de parvenir à une solution à long terme.
[Français]
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, est-ce que le ministre des Pêches et des Océans peut nous confirmer ici, maintenant, que les pêcheurs non-autochtones feront partie des négociations au même titre que les autochtones et le gouvernement fédéral?
[Traduction]
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, nous avons déclaré dès le début que, pour régler la question, il faut amener toutes les parties à travailler ensemble à la recherche d'une solution commune.
J'ai rencontré les pêcheurs commerciaux et les propriétaires d'usines. J'ai passé deux jours là-bas pour m'assurer de bien connaître tous les points de vue. J'ai aussi consulté mes collègues des deux côtés de la Chambre, de même que mes homologues responsables des pêches.
Nous avons une solution. Elle fonctionne parce que le dialogue et la collaboration donnent des résultats.
* * *
LE TRAVAIL
M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Travail. Les ouvriers de la construction qui travaillent sur des chantiers fédéraux méritent non seulement un juste salaire, ils méritent aussi d'être traités de façon équitable.
La ministre peut-elle me dire ce qu'elle va faire afin de garantir qu'ils le soient?
L'hon. Claudette Bradshaw (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, notre loi sur le travail prévoit des salaires raisonnables au Canada depuis le 29 septembre 1999. Pour nos travailleurs, cela signifie que tous ceux qui réalisent des contrats fédéraux toucheront un juste salaire. Les grilles de salaires seront rendues publiques, et les travailleurs sauront quel devrait être leur salaire.
J'aimerais remercier les syndicats et les travailleurs de la construction de tout le pays de nous avoir aidés à mettre cette mesure en oeuvre. Je suis très heureuse que cela ait été fait.
* * *
L'IMMIGRATION
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, les contribuables des plus grandes villes et provinces canadiennes supportent le fardeau de l'incompétence du gouvernement en matière d'immigration. Hier, le maire de Toronto, Mel Lastman, a dit qu'il en avait marre des excuses du gouvernement et que sa ville ne pouvait plus faire les frais du système d'immigration boiteux des libéraux. Le maire de Toronto ne fait qu'exprimer la frustration ressentie partout au pays face au dossier de l'immigration.
Que peut répondre la ministre au maire de Toronto et aux Canadiens qui partagent les mêmes préoccupations?
L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, mon ministère collabore avec la ville de Toronto. Nous essayons de rassembler les données et l'information pertinentes. Ce dossier exige la participation des trois paliers de gouvernement, soit le fédéral, le provincial et le municipal. Je signale que la population de réfugiés qui préoccupe le maire représente environ 10 p. 100 de l'ensemble de ses préoccupations. Nous collaborons avec le maire afin de régler ces questions.
J'insiste sur le fait que, dans le cadre de cet exercice, le gouvernement, contrairement au parti de l'opposition, continue de respecter l'engagement pris d'appliquer la Charte canadienne des droits et libertés, non seulement dans le cas de certains mais bien de tous...
* * *
[Français]
LE PAKISTAN
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.
À la suite du coup d'État militaire au Pakistan, de sérieux avertissements ont été envoyés par les États-Unis, par la plupart des pays d'Europe, par la communauté européenne, par le président du Commonwealth et celui du FMI. Tous ont réclamé le retour à la démocratie dans les plus brefs délais et le respect de la constitution pakistanaise.
Le ministre des Affaires étrangères peut-il nous dire quelle est la position du Canada?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous avons fait la même chose que tous les autres pays.
[Traduction]
En outre, nous avons aussi organisé une rencontre des ministres du Commonwealth, lundi, afin d'appliquer les principes de Harare au Pakistan, relativement à cette prise de contrôle par les militaires. En fait, je pense que nous avons de l'avance sur tous ces autres pays.
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
DÉBAT SPÉCIAL—LES PÊCHES
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que soient retirées toutes les motions proposant des débats d'urgence sur les pêches et que la motion suivante soit adoptée:
Que, le 13 octobre 1999, la Chambre continue de siéger après 18 h 30 et que, à compter de 18 h 30 ou de la fin de l'intervention du chef du Parti progressiste conservateur dans le débat sur l'adresse en réponse au discours du Trône, si cette intervention se prolonge au-delà de 18 h 30, la Chambre prenne en considération la motion suivante: Que la Chambre prenne note des difficultés qu'éprouve le secteur des pêches au Canada, étant donné notamment les complications occasionnées par la décision rendue dans l'affaire opposant la Reine à Marshall, et ses répercussions pour les autochtones et les non-autochtones ainsi que pour la gestion future des ressources naturelles;
Étant entendu que, pendant le débat, (1) aucun député n'aura la parole pendant plus de 20 minutes, période suivie de dix minutes de questions et observations, et que le temps de parole sera réparti conformément au paragraphe 43(2) du Règlement; et (2) que la présidence ne recevra aucune demande de vérification du quorum ni aucune motion dilatoire ou demande de consentement unanime pour proposer une motion; et
Que, lorsqu'il n'y aura plus de députés qui voudront prendre la parole ou au plus tard à minuit, la motion soit retirée d'office et que la Chambre s'ajourne jusqu'à la prochaine séance.
Le Président: Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
COMITÉS DE LA CHAMBRE
PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, au sujet de la liste des membres et des membres associés du Comité permanent des transports.
Le rapport renferme une motion de forme devant permettre au comité d'entreprendre immédiatement ses travaux et j'aimerais proposer l'adoption du premier rapport.
(La motion est adoptée.)
* * *
DEMANDES DE DÉBATS D'URGENCE
Le Président: J'ai reçu six demandes réclamant la tenue de débats d'urgence ce soir. Deux d'entre elles ont été retirées avec le consentement unanime de la Chambre, soit celles qui ont été présentées par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough et le député de Delta—South Richmond.
Il reste donc quatre demandes sur lesquelles je dois me prononcer. Lorsque j'inviterai les députés à prendre la parole, je leur demande de préciser avec beaucoup de concision les motifs justifiant la tenue d'un débat d'urgence. Je donne en premier lieu la parole au député de Palliser.
L'AGRICULTURE
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, j'invoque le paragraphe 52(2) du Règlement en vue d'obtenir la permission de proposer la tenue d'un débat d'urgence sur la crise financière toujours plus grande à laquelle font face un trop grand nombre de familles agricoles du Canada.
Je rappelle à la Chambre que nous avons tenu un débat d'urgence portant sur cette crise le 30 novembre 1998. Toutefois, depuis cette date, la crise n'a fait que s'intensifier. En novembre dernier, le ministre de l'Agriculture a souligné que, bien que les agriculteurs aient connu une très mauvaise année en 1998, en particulier dans l'Ouest du Canada, notamment au Manitoba et en Saskatchewan, la situation s'annonçait encore pire en 1999. Ces prévisions se sont malheureusement réalisées.
Les inondations du printemps ont aggravé la situation. Les agriculteurs ayant réussi à échapper aux conséquences dévastatrices des inondations continuent d'être aux prises avec les prix de base les plus bas jamais vus et à faire face à la concurrence des producteurs des États-Unis et de l'Europe qui sont largement subventionnés.
À défaut d'une aide immédiate et efficace, jusqu'à concurrence de la moitié des agriculteurs de l'Ouest canadien pourraient déclarer forfait d'ici l'an prochain. Dans les Prairies, le nombre de faillites est déjà en hausse de 24 p. 100. Selon les données de Statistique Canada au sujet de la situation en Saskatchewan cette année, les revenus agricoles nets devraient être à leur niveau le plus bas en plus de 70 ans.
À mon avis, un débat d'urgence s'impose afin de prier instamment le gouvernement de s'occuper de cette crise. Le Parlement a la responsabilité de trouver des solutions à long terme. Monsieur le Président, je vous prie respectueusement d'envisager la tenue immédiate et opportune d'un débat d'urgence.
Le Président: Je vais permettre au député de Selkirk—Interlake de s'exprimer parce que sa demande a trait à l'agriculture. D'après la lettre que j'ai reçue, sa demande semble être de même nature.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, la situation de crise à laquelle je faisais allusion dans la lettre que je vous ai adressée pour demander la tenue d'un débat d'urgence est incontestablement liée à l'analyse statistique effectuée par Statistique Canada, qui a clairement démontré que les revenus agricoles resteront au même niveau et vont même diminuer par suite du faible prix des produits de base ainsi que des mesures prises par nos concurrents.
Cette situation d'urgence survient maintenant parce que l'automne dernier le Comité permanent de l'agriculture a tenu des audiences relativement à ce problème. Suite à ces audiences et au rapport qui a été déposé, le gouvernement a conclu que le seul problème était une diminution marquée du revenu des agriculteurs en 1998-1999. Selon Statistique Canada, la réalité c'est qu'au cours des cinq ou six dernières années, les prix ont constamment diminué, pour atteindre des niveaux très bas. On ne s'attend pas à ce que ces prix augmentent.
Le gouvernement fédéral a mis sur pied un court programme de deux ans qui ne fournit pas d'argent à la majorité des agriculteurs. C'est la raison pour laquelle il faut tenir un débat d'urgence. Le gouvernement n'a pas donné suite à cette question. Les agriculteurs sont en train de faire faillite. À Brandon, au Manitoba, on enregistre trois fois plus d'appels qu'il y a un an de la part d'agriculteurs stressés.
Nous sommes confrontés à une véritable crise. Compte tenu du nombre de groupes d'agriculteurs qui viennent à Ottawa pour faire valoir leur point de vue au ministre, il importe que les députés de cette chambre tiennent un débat sur cette question et fassent ressortir le véritable problème et les solutions qui s'imposent.
Le Président: Chers collègues de Palliser et de Selkirk—Interlake, sans vouloir diminuer l'importance de ce sujet, j'estime que pour le moment il ne répond pas aux critères d'un débat d'urgence.
Je vais maintenant entendre le député de West Vancouver—Sunshine Coast.
LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 52 du Règlement, je demande la permission de présenter une motion d'ajournement de la Chambre afin de débattre une question d'une grande importance et d'une urgence extrême.
À la suite d'une décision rendue en janvier 1999 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique et concernant la possession de pornographie juvénile, le Cour d'appel de cette même province a rejeté, le 30 juin 1999, un appel demandant le rétablissement du paragraphe 163(4) du Code criminel.
La Cour suprême du Canada a prévu d'entendre cette affaire à la mi-janvier 2000. Étant donné le temps qu'il lui faut normalement pour parvenir à une décision, elle ne rendra probablement pas son jugement avant l'an 2001.
La légalité de la possession de pornographie juvénile ne se limite pas à la Colombie-Britannique. En effet, en Ontario, au Québec et en Alberta, des avocats invoquent la décision de la cour de la Colombie-Britannique pour obtenir devant les tribunaux de ces provinces la légalisation de la possession de pornographie juvénile.
Le gouvernement n'a pas jugé utile de mentionner cette question dans le discours du Trône, c'est pourquoi hier après ce dernier j'ai donné préavis.
Le 2 février, la ministre a dit à la Chambre que le gouvernement allait immédiatement prendre des mesures sans attendre que la Cour suprême du Canada soit saisie de cette affaire. Soixante-trois députés et six sénateurs libéraux ont signé une lettre demandant au premier ministre d'invoquer la disposition dérogatoire dans cette affaire de pornographie juvénile car c'est une question trop importante.
Les enfants de ce pays ne peuvent pas attendre jusqu'en 2001 pour que la possession de pornographie juvénile soit déclarée illégale au Canada.
C'est une question qui touche les enfants et le discours du Trône que nous avons entendu hier parlait bien d'enfants, mais pas de cette question.
Je pense que tous les députés s'entendent pour dire que la loi que nous avons est bonne. Il n'y a que quelques juges qui disent l'inverse. Il faut que nous débattions cette question à la Chambre et que nous trouvions une solution pour protéger nos enfants plus rapidement que les juges de ce pays ne sont disposés à le faire.
Le Président: Je confirme que le député m'a bel et bien écrit pour m'exposer ce cas, mais il ne me paraît pas pour le moment répondre aux critères justifiant la tenue d'un débat d'urgence.
Quant au député de Lakeland, s'il y a eu confusion et si j'ai vraiment mal compris l'information que j'ai reçue, je veux bien qu'il m'adresse de nouveau une lettre aujourd'hui de sorte qu'il puisse aborder son sujet demain.
Nous passons maintenant à l'ordre du jour.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LE DISCOURS DU TRÔNE
REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 12 octobre, de la motion: Qu'une Adresse soit présentée à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'elle a prononcé à l'ouverture de la session.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour répondre au discours du Trône que nous a fait hier Son Excellence la Gouverneure générale. Par la même occasion, je tiens, au nom de l'opposition officielle, à adresser nos meilleurs voeux au Gouverneur général sortant à l'occasion de son départ à la retraite, ainsi que toutes nos félicitations à la nouvelle Gouverneure générale à l'occasion de sa nomination.
[Français]
Cet été, ma femme et moi avons eu le plaisir de visiter cette région du Nouveau-Brunswick où M. LeBlanc prendra sa retraite, et nous comprenons bien son désir de vouloir vivre dans ce magnifique coin de pays.
[Traduction]
Avec les autres députés, nous avons également eu l'occasion d'entendre un autre discours prononcé par Son Excellence la Gouverneure générale à l'occasion de son installation il y a une semaine. Le discours était excellent. Il était de loin meilleur que celui rédigé à son intention par le premier ministre. Nous souhaitons à Son Excellence beaucoup de succès pour toutes ses futures communications.
Je tiens également à présenter, au nom de l'opposition officielle, mes voeux les meilleurs à tous les membres des Forces armées canadiennes, qu'ils soient dans leurs foyers respectifs ou en poste à l'étranger. Leur contribution au maintien de la paix dans le monde est d'autant plus importante au vu de leurs difficultés et des ressources limitées dont ils disposent, notamment les difficultés et les restrictions imposées par leur propre gouvernement, et ce ne sont pas là les moindres de leurs problèmes.
Dans les jours à venir, mes collègues seront amenés à examiner le discours du Trône à la loupe, pour en dénoncer les lacunes, qui sont nombreuses, et proposer des solutions utiles. Pour ma part, je compte vous parler aujourd'hui de la situation dans son ensemble.
À l'aube d'un siècle nouveau, les Canadiens sont en droit d'espérer que le programme législatif présenté par le gouvernement national apportera des solutions novatrices à d'anciens problèmes et ouvrira de nouvelles perspectives pour le siècle à venir—qu'il apportera des solutions et des orientations nouvelles inspirées par des principes et de la clairvoyance. Or il n'en est rien dans le discours du Trône. Ce texte est essentiellement truffé de propositions visant à perpétuer le statu quo.
Je m'explique. Dans le courant de l'été, le Canada a connu certaines difficultés exigeant l'intervention du gouvernement. Certaines ont été évoquées aujourd'hui, qu'il s'agisse de passage de clandestins sur la côte ouest, de violence dans le secteur des pêches sur la côte est, de crise dans le secteur agricole des provinces des Prairies, ou de la nécessité de procéder à une réorganisation fondamentale de l'industrie du transport aérien. Le discours du Trône ne reconnaît même pas l'existence de ces problèmes, et offre encore moins des solutions qui reposent sur une sorte de vision de l'avenir pour ces secteurs, ou sur des quelconques principes fondamentaux.
Le plus grand défaut du discours du Trône est l'absence de principes et de vision, absence que le gouvernement entend compenser par de belles paroles creuses. Par exemple, le gouvernement fait allusion au principe de la clarté, condition essentielle à l'unité nationale. Il parle de l'importance de principes pour le Programme d'action national pour les enfants. Il parle de la nécessité de principes pour régir les ententes de collaboration au sujet de la mise en valeur des infrastructures, mais il n'énonce ces principes directeurs dans aucune des parties du discours du Trône où il mentionne le terme principe. Dans la plupart des autres passages du discours, il ne cherche aucunement à préciser les principes qui guideront les mesures qu'il prendra.
Comme le gouvernement a choisi de quitter le XXe siècle non pas avec éclat, mais sans bruit, je compte présenter d'autres principes qui visent à orienter le programme législatif du gouvernement, et offrir une autre vision pour le Canada au cours du XXIe siècle. À mon avis, ces autres solutions correspondent aux convictions et aux espoirs les plus profonds des Canadiens.
Je commencerai par les principes de la responsabilité financière. Lorsque les réformistes ont été élus au Parlement pour la première fois, nous avons recueilli des appuis parce que nous nous sommes engagés à respecter certains principes définis en matière de responsabilité financière. Aujourd'hui, nous sommes encore plus déterminés à respecter ces principes, car nous sommes encore plus convaincus qu'ils sont bons pour le Canada et pour les Canadiens.
En sa qualité de principal porte-parole dans le dossier des finances, le député de Medicine Hat a toujours affirmé qu'on voulait un gouvernement fédéral déterminé à contrôler ses dépenses, à établir des priorités, à équilibrer son budget et à s'engager juridiquement à faire tout cela, au lieu de se limiter à établir une simple politique. Il a toujours dit qu'on voulait un gouvernement déterminé à réduire sa dette et les impôts fédéraux et à le faire beaucoup plus rapidement que le fait maintenant cette administration fatiguée et timide.
L'une des choses qui me troublent profondément c'est que les données des sondages et des recherches montrent qu'une majorité de la population voulait, dès 1984, qu'on équilibre le budget fédéral. Depuis 1984 la majorité des gens appuient l'idée d'un budget équilibré et pourtant il a fallu deux administrations et 15 ans pour atteindre ce qui, pour la plupart d'entre nous, était un objectif évident qu'on aurait dû atteindre il y a déjà longtemps.
Le discours du Trône comporte de nombreux passages qui laissent entendre que le gouvernement s'adapte à l'économie mondiale, à la haute technologie et à l'informatisation. Or, l'essence même de tout cela est la vitesse de prise de décisions. Pourtant, lorsque vient le temps de remplir les obligations financières du pays et de mettre en vigueur les politiques financières, le gouvernement avance à la vitesse d'une tortue qui se traînerait les pieds.
Il faut comprendre que l'opposition officielle veut une véritable réduction du fardeau fiscal et de la dette, non pas comme une fin en soi, mais pour les retombées qui en découleront pour les Canadiens. Notre intérêt pour ce principe n'est pas simplement académique. Nous songeons aux avantages qui en découleront.
J'ai un rêve. Il est simple et il est renforcé chaque fois que je vais à une manufacture ou à une usine et que je parle à des travailleurs. Je rêve d'obtenir ne serait-ce qu'une hausse de salaire pour tous les travailleurs canadiens et leurs familles, une hausse de salaire raisonnable, qui ne viendrait pas de leur employeur, mais de la réduction des impôts élevés qui sont perçus chaque jour et chaque mois par un gouvernement fou d'impôts.
Je parle ici d'une baisse des impôts véritable et significative. Il est bien évident que les Canadiens et en particulier les travailleurs ne croiront tout simplement pas à quelque promesse de réduction des impôts que ce soit tant qu'ils n'en verront pas la couleur. Ils croiront à une réduction des impôts lorsqu'ils verront que les déductions fédérales auront été réduites sur leur chèque de paye. Ils ne croiront à aucune promesse ni aucun engagement de réduire les impôts tant qu'ils n'en verront pas les effets sur leur chèque de paye.
C'est comme cela que doit se faire une baisse d'impôt. Elle devrait laisser jusqu'à 4 600 $ chaque année à chaque famille qui les emploierait comme bon lui semble, pour l'éducation, le logement ou les vêtements, par exemple. Nous croyons que les Canadiens sont les mieux en mesure de décider si cet argent doit aller à des fins sociales ou économiques.
Mais que voyons-nous dans la mise en application par le gouvernement libéral de ces principes de responsabilité financière? Nous voyons un gouvernement dont la première priorité consiste à aller chercher le plus d'argent possible dans les poches des contribuables pour le dépenser comme il peut, de sorte que les recettes fiscales fédérales sont passées de 107 milliards de dollars en 1993, ou presque 14 000 $ par famille, à 148 milliards de dollars en 1999, ou presque 18 150 $ par famille, et qu'elles sont toujours en hausse.
Dans le discours du Trône, le gouvernement s'engage à observer un plan pluriannuel pour réduire les impôts. Pourquoi le croirait-on sur parole, compte tenu de ce qu'il a dit ou fait à cet égard dans le passé?
Le ministre des Finances a déjà déclaré que le but était finalement de réduire les impôts, mais—malheureusement, il y a toujours un «mais»—qu'il était impossible de réduire les impôts et d'alléger le fardeau fiscal. Il s'est alors empressé d'augmenter les recettes fiscales fédérales en faisant payer 14 835 $ à chaque famille. L'année suivante, le ministre des Finances a dit qu'il était impossible de réduire massivement les impôts pour tous les contribuables et il a immédiatement augmenté les recettes fiscales fédérales en allant chercher 15 614 $ par famille.
L'année suivante, en parlant de réduire les impôts d'une façon généralisée, le premier ministre a dit: «Je doute que ce soit la chose à faire dans une société comme la nôtre.» Autrement dit, il serait contraire à l'esprit canadien de rendre aux contribuables une partie de leur argent. Cette année-là, pour bien faire comprendre l'idée, le ministre des Finances a porté à 16 550 $ la contribution de chaque famille aux recettes fiscales fédérales.
L'année suivante, comme on était vraiment sur le point d'équilibrer le budget, le ministre des Finances a dit qu'une réduction générale des impôts serait irresponsable à ce moment. Il a donc augmenté les recettes fiscales fédérales en exigeant 18 000 $ par famille.
Faut-il s'étonner que les Canadiens accueillent les promesses de réduire les impôts, qui sont incluses dans le discours du Trône, avec un scepticisme extrême et compréhensible? Les mesures prises par le gouvernement en matière d'impôt vont précisément dans la direction opposée à celle des promesses qu'il fait dans son discours du Trône.
La demi-vérité la plus décevante de tout le discours du trône se trouve à la page 9. Lorsque j'ai entendu cette déclaration, à l'autre endroit, j'ai eu peine à la croire. Si cela s'était retrouvé dans le prospectus qu'une entreprise avait présentée à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, la personne responsable aurait très bien pu se retrouver pendant cinq ans dans un établissement carcéral provincial.
Voici cette déclaration: le gouvernement affirme qu'il a commencé à accorder des allégements fiscaux généraux qui totaliseront 16,5 milliards de dollars au bout de trois ans. Il obtient ce chiffre en additionnant les réductions d'impôts prévues pour les trois exercices financiers de 1999-2000, 2000-2001 et 2001-2002. Ce qui n'est pas dit, cependant, c'est que, pendant ces trois mêmes années, des augmentations d'impôt sont prévues, notamment sous forme d'augmentation des cotisations au RPC et du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, qui totaliseront 18,4 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation nette du fardeau fiscal des Canadiens de deux milliards de dollars.
La première grande faute de principe et de vision que nous voyons dans le discours du trône est le manque d'engagement ferme en faveur des grands principes de la responsabilité financière, particulièrement à l'égard des allégements fiscaux, qui constituent la clé d'un gouvernement sain et d'une économie prospère au XXIe siècle.
Selon nous, c'est là une grave erreur et on ne pourra pas y remédier en tentant de transformer des libéraux taxateurs et dépensiers en libéraux réducteurs d'impôt. Il n'y a qu'une façon de remédier à cette lacune et c'est en élisant à la Chambre des communes plus de 150 députés qui, un beau soir d'un certain mois—probablement février ou mars—seront prêts à prendre position à la Chambre et à voter en faveur d'un allégement fiscal réel et important.
Permettez-moi d'aborder la question générale de la politique économique. La vision que l'opposition officielle propose afin d'assurer la sécurité et la prospérité économiques du Canada pour le XXIe siècle ne se limite pas à un gouvernement fédéral responsable sur le plan budgétaire et à des réductions d'impôt. Elle suppose un Canada où les emplois bien rémunérés seront nombreux et non pas une denrée rare, puisque la création d'emplois ne dépend pas de l'octroi par le gouvernement, octroi teinté de favoritisme et motivé par des considérations politiques, de subventions, de marchés, de fonds et de contributions, mais qu'elle dépend plutôt de l'argent qu'on laisse aux consommateurs et aux entreprises et qu'ils peuvent investir. Elle dépend de l'entreprise privée. C'est un vieux principe, mais il reste valable.
Nous voulons que le Canada soit un pays où les jeunes seront valorisés et encouragés par les perspectives économiques à se faire un avenir au Canada, un pays où ils ne se feront pas dire par le premier ministre d'aller aux États-Unis s'ils ne sont pas prêts à payer des impôts exorbitants. C'est tout un programme que ce dernier a à proposer aux jeunes. Il leur dit que s'ils n'aiment pas le régime fiscal ici, que s'ils trouvent les paliers d'imposition trop élevés, ils n'ont qu'à aller ailleurs.
Nous voulons que le Canada soit un pays où les régions et les gens économiquement défavorisés, y compris les autochtones, disposent des outils nécessaires pour se donner un avenir économique en participant à la libre entreprise et à l'économie de marchés et non pas un pays où l'on offre aux autochtones des instruments désuets de planification gouvernementale et d'économie socialiste qui créent une dépendance.
Si nous nous opposons au traité conclu avec les Nisga'a, c'est principalement parce qu'il est directement issu du XIXe siècle. Il n'y aucun autre groupe dans notre pays auquel le gouvernement oserait dire: «Votre développement économique se fera par la création de droits collectifs et la propriété collective de la terre et des ressources.» Il n'y a aucun autre groupe auquel le gouvernement oserait parler ainsi. C'est pourtant ce qu'il fait avec les autochtones. À l'approche du XXIe siècle, nous sommes en train de faire la même erreur que nous avons commise au XIXe siècle.
Notre vision du Canada est celle d'un pays où les défis auxquels sont confrontés l'agriculture, le secteur de l'infrastructure, l'industrie aérienne ou le hockey professionnel sont relevés à l'aide de politiques qui leur donnent les outils et les moyens leur permettant de régler leurs propres problèmes au lieu d'accroître leur dépendance envers les pouvoirs publics.
Je ne dispose pas d'assez de temps pour soulever tous les points du discours du Trône où l'approche du gouvernement libéral aux problèmes économiques ou aux problèmes de secteurs en particulier violent ces principes; je me limiterai donc à trois exemples.
Le premier exemple concerne l'exode de cerveaux. L'opposition officielle compte dans ses rangs certains des plus jeunes députés à la Chambre. Nombre d'entre eux ont passé beaucoup de temps sur les campus universitaires où ils entendent parler sans cesse de ce problème. J'en entends parler toutes les fois que je me rends sur un campus. Quelle est la question que nous posent les jeunes dans les universités? L'un d'eux prend la parole et dit: «J'aurai mon diplôme l'an prochain, tout comme ma femme. Voici ce que je paierais en impôts à Toronto, et voici ce que je paierais à Chicago. Dites-moi donc pourquoi je resterais ici après mes études.»
Quand je vois les nouveaux pages à la Chambre, je ne vois pas en eux que des serviteurs de la Chambre. Nombre d'entre eux nourrissent des ambitions et ils poursuivront leurs études longtemps après leur séjour à la Chambre. Je les considère comme les représentants de la plus jeune génération qui s'attend du gouvernement qu'il leur ouvre des possibilités et non qu'il les pousse à s'expatrier à cause du niveau exorbitant des impôts.
Le gouvernement ne voit pas que les impôts élevés poussent les jeunes, les capitaux, les emplois et les sociétés à quitter le pays. Sa réponse à l'exode des cerveaux consiste à nier le problème. Il n'apporte pas au problème de l'exode des cerveaux ce que la libre entreprise, les principes du marché et la saine gestion des finances publiques peuvent offrir à ces gens. C'est une erreur énorme. C'est une erreur de principe et une erreur de vision.
Regardons un instant la situation de l'agriculture. Les députés de Selkirk—Interlake et de Souris—Moose Mountain m'ont donné l'occasion de m'entretenir avec les producteurs du sud-ouest du Manitoba et du sud-est de la Saskatchewan cet été. Je n'ai pas besoin de dire aux députés qui connaissent bien le secteur agricole à quel point le problème est grave lorsque des milliers d'agriculteurs sont victimes de deux désastres tout à fait indépendants de leur volonté. Dans cette région, de vastes superficies ont été inondées, forçant les producteurs à semer plus tard, ce qui a entraîné un gel des récoltes à l'automne. Il y a le problème plus grave encore des subventions étrangères qui font baisser le prix des produits au point où un grand nombre de nos agriculteurs n'ont pas un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins.
Il vaut la peine de regarder certaines des statistiques que le député a mentionné il y a quelques instants. Statistique Canada a confirmé que 1998 a été une année désastreuse pour les agriculteurs canadiens. Le revenu net en espèces a diminué de 21 p. 100 par rapport à l'année précédente. Les prévisions d'Agriculture Canada sont encore pire pour 1999. Le ministère prévoit un revenu net en espèces de 2,2 milliards de dollars à l'échelle nationale, et ce montant comprend les paiements versés dans le cadre du programme ACRA du gouvernement. C'est la Saskatchewan qui sera le plus durement frappée, car Agriculture Canada prévoit qu'elle subira une perte nette de 48 millions de dollars. Le Manitoba s'en tirera légèrement mieux, en obtenant un gain de 64 millions de dollars, soit un peu moins que le revenu agricole net réalisé de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est pourtant une des grandes provinces agricoles des Prairies, mais voilà quel sera son revenu net.
J'attire l'attention du premier ministre sur le fait suivant. En d'autres termes, le revenu net réalisé pour l'ensemble des agriculteurs du Manitoba aura chuté de 98 p. 100 par rapport à la moyenne des quatre années précédentes. Je ne puis imaginer que le gouvernement ne réagirait pas si les statistiques pour un autre groupe de producteurs révélaient que leur revenu net réalisé avait chuté de 98 p. 100 à cause de circonstances indépendantes de leur volonté. Or, le discours du Trône ne propose aucune réponse visionnaire à ce problème.
Je ne veux pas m'étendre sur ce point, mais je vais lire les statistiques. Ces dernières ne traduisent cependant pas toute la réalité, car elles taisent d'immenses chagrins. J'assistais déjà à des assemblées d'agriculteurs lorsque je faisais partie d'un club 4-H dans la région de Horse Hill, en Alberta, dans les années 50. J'ai assisté à toutes sortes de réunions d'agriculteurs produisant divers produits agricoles.
Au cours de certaines de ces assemblées auxquelles nous avons assisté cet été, nous avons discuté avec des gens aux prises avec ce dilemme. Je ne me rappelais pas avoir vu des gens être même incapables de parler de leur problème. Ceux-là étaient de ces agriculteurs de l'Ouest stoïques et indépendants qui préféreraient aller se tirer une balle dans la tête derrière la grange plutôt que de reconnaître qu'ils ont un problème. Ils ont tendance à être comme ça.
Lors de ces réunions, nous avons vu des hommes mûrs éclater en sanglots. Ce n'était pas à cause de leurs résultats financiers, mais parce qu'ils étaient en train de perdre l'exploitation agricole qu'ils tenaient de leur grand-père. C'était à cause des effets que la crise produisait sur leur famille, à cause du stress qu'ils éprouvaient, comme le député l'a dit. Les gens appellent au secours auprès des psychiatres, des ministres et de tout le monde, mais le gouvernement ne répond pas.
Il faut que le gouvernement fasse trois choses. Premièrement, reconnaître que son programme ACRA est une plaisanterie et qu'il ne marche pas. Le ministre de l'Agriculture dit à qui veut l'entendre que le gouvernement a promis de verser aux agriculteurs 25 ou 50 dollars par acre, en collaboration avec les provinces. Je mets le gouvernement au défi de trouver un seul agriculteur qui a touché 25 dollars par acre. Certains ont payé leur comptable 500 dollars pour qu'il remplisse un formulaire leur permettant de récupérer 40 dollars. D'autres ont payé 500 dollars pour faire remplir le formulaire et se faire dire qu'ils n'étaient pas admissibles. Personne n'a touché ce qui était annoncé dans les communiqués de presse car il y a toutes sortes de conditions: quelle est la moyenne de leurs revenus au cours des trois dernières années? De combien est leur franchise? Etc. Il y a 100 raisons pour ne pas leur donner d'argent. Les agriculteurs veulent savoir où est le programme qui va remplacer l'ACRA et ils le veulent vite.
Deuxièmement, où est le programme élargi d'assurance-récolte prévoyant une aide en cas de catastrophe? C'est de la folie d'inventer un programme ponctuel à chaque fois que se produit une catastrophe naturelle. Ça ne peut que le politiser et créer toutes sortes de problèmes pour le ministre. Pourquoi ne pas élargir la portée de l'assurance-récolte de façon à inclure une assurance contre les catastrophes en général?
Troisièmement, et cela s'adresse plus particulièrement au premier ministre, où est l'Équipe Canada, composée du premier ministre, du ministre du Commerce, du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l'Agriculture, qui, en mission en Europe, ne se contenterait pas de distribuer des poignées de main, mais convaincrait les Européens que leurs subventions tuent nos agriculteurs?
Si nous tenons au libre-échange, ce que maintient le gouvernement, il ne s'agit pas uniquement de supprimer les obstacles au commerce et les subventions chez nous. Certes, cela en fait partie et nous sommes pour, mais cela signifie également qu'il faut s'attaquer vigoureusement aux entraves au commerce international.
Si le premier ministre a une grande influence auprès du président Clinton, pourquoi ne l'utilise-t-il pas pour défendre les agriculteurs? Si le Canada et les États-Unis se ralliaient pour lutter contre les subventions européennes, alors que les États-Unis ne font que de la surenchère, nous pourrions influer sur ces subventions qui tuent nos agriculteurs. Je soupçonne que, si le gouvernement n'entame pas cette démarche, c'est parce qu'il ne cherche pas vraiment des solutions qui soient fondées sur les forces du marché et sur la libre entreprise. Il préfère réduire nos subventions plutôt que de s'en prendre aux pays européens.
Je constate une lacune dans la démarche, encore une fois passéiste, du gouvernement dans un autre secteur. Le discours du Trône traite brièvement de l'infrastructure matérielle. Il ne fait que des allusions symboliques à la nécessité de construire de nouvelles autoroutes, de nouvelles routes, de nouveaux ponts, de nouveaux aéroports, de nouveaux ports, et toutes sortes d'infrastructures matérielles. Le discours du Trône passe entièrement sous silence la nécessité de construire des axes commerciaux nord-sud, de construire des réseaux de transport et de réparer ceux qui servent à acheminer chaque jour vers les États-Unis des produits d'une valeur d'un milliard de dollars.
Si le gouvernement avait examiné la question, il aurait eu tôt fait de conclure qu'il n'y a pas assez de fonds dans le budget des travaux publics du gouvernement du Canada et des ministères de la Voirie de toutes les provinces pour répondre ne serait-ce qu'aux besoins de l'Ouest en matière d'investissement dans l'infrastructure matérielle. Si nous en faisons le grand total des fonds disponibles, nous constatons qu'ils ne peuvent même pas répondre aux besoins de construction d'infrastructures dans l'Ouest au cours des 20 prochaines années.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que nous allons devoir trouver ailleurs des montants énormes pour les investir dans l'infrastructure. À mon avis, le seul endroit où nous trouverons cela est le secteur privé. Nous devrons avoir recours aux partenariats entre les secteurs privé et public pour construire ce genre d'infrastructure. Toutefois, de telles entreprises exigent des lignes directrices de la part du gouvernement fédéral pour que ces projets ne dégénèrent pas comme ce fut le cas au Canada atlantique. Là-bas, le gouvernement a choisi des projets privés-publics qui ne respectaient ni les exigences, ni les priorités des provinces et qui, dès le début, ont été entachés par un népotisme qui a discrédité toute l'approche.
Ce que je conclus en l'occurrence, c'est que le deuxième défaut du principe et de la vision exprimés dans le discours du Trône est l'absence d'engagement valable envers des mesures favorisant et facilitant l'entrepreneurship des personnes et des sociétés et envers une meilleure utilisation du marché libre pour résoudre les problèmes pratiques dans bon nombre de ces secteurs.
J'ai déjà parlé de la vision du Parti réformiste quant à la responsabilité financière, et de la nécessité pour les gouvernements de retenir leur penchant naturel pour le recours excessif à l'impôt et pour une participation mal orientée à l'économie. Cependant, les idéaux financiers et économiques ne sont pas des fins en soi. Ce ne sont que des moyens de parvenir à des fins supérieures. Les fins plus importantes à nos yeux sont de nature sociale et morale.
Je veux maintenant aborder les dimensions sociales et morales du discours du Trône. Selon les réformistes, la principale responsabilité morale d'un gouvernement est d'adopter des lois justes et équitables et de maintenir l'ordre public. La première responsabilité sociale d'un gouvernement est d'assurer la protection et le bien-être des familles. Voyons ce que fait le discours du Trône sur ces deux plans.
Sur le plan de la justice criminelle, nous considérons que le Canada est un pays où les gens sont en sécurité, où ils peuvent vivre leur vie, marcher sur le trottoir, circuler dans la rue, fréquenter l'école, se rendre au travail, courir les boutiques, visiter les parcs et habiter leurs foyers sans craindre qu'on les attaque ou qu'on s'attaque à leurs proches ou à leurs biens.
Je pense aux nombreuses personnes âgées que la crainte confine chez elles. Nous en rencontrons tous lorsque nous faisons la tournée des quartiers. Elles ont peur de se faire voler et de se faire agresser; elles ont peur de sortir le soir; et elles ont peur lorsqu'on frappe à leur porte. Il y a parmi elles des hommes qui, dans leur jeunesse, ont risqué leur vie pour notre pays, et ils en sont réduits à vivre leurs vieux jours dans la crainte. Il y a aussi des femmes qui ont fait oeuvre de pionnier sur le marché du travail tout en élevant leur famille. Un grand nombre de ces personnes sont les bâtisseurs de nos villages, de nos maisons, de nos villes.
Ne leur devons-nous pas plus qu'une pension? N'avons-nous pas l'obligation morale et sociale d'assurer leur sécurité, de faire de l'obligation constitutionnelle du gouvernement fédéral de garantir l'ordre public autre chose que les phrases creuses d'un vieux document pour donner aux personnes âgées un milieu vraiment sûr?
Il nous semble que les seuls qui prennent vraiment des risques pour protéger les citoyens du crime sont les agents de police, et plus particulièrement ceux qui patrouillent les rues. Ce sont des hommes et des femmes qui, littéralement, mettent leur vie en danger pour assurer la sécurité publique. Comment le gouvernement les traite-t-il? Il sabre leurs budgets, il se rie de leur travail et des risques qu'ils prennent en appliquant un régime de libération conditionnelle qui est une vraie passoire, et en tolérant un système de justice déséquilibré.
Nous croyons que, pour assurer une vraie sécurité publique aux Canadiens, le gouvernement fédéral doit adopter comme principe que la protection de la vie et des biens du citoyen doit être l'idéal le plus élevé du système de justice pénale et que les droits des Canadiens à cette protection et à cette considération doivent primer les droits des criminels.
Les politiques et les actes du gouvernement trahissent la tiédeur de son engagement à l'égard de ce principe. Permettez-moi d'illustrer mon point de vue en évoquant des faits qui sont survenus cet été. Comme tous les députés le savent, les lois fédérales prévoient l'entrée au Canada d'immigrants et de véritables réfugiés. Cependant, ces lois ont été maintes fois violées cet été par des gangsters internationaux qui ont illégalement fait entrer des immigrants sur la côte ouest du Canada.
Il s'agit là non seulement d'un acte illégal, mais bien d'un affront grossier aux milliers d'immigrants et de réfugiés légitimes qui attendent patiemment après avoir rempli toutes les exigences que nous leur imposons, tous ces papiers et toutes ces formalités, et après avoir observé tous les délais, pour qu'on leur reconnaisse un statut légal au Canada.
Ces arguments ont été défendus par les porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de justice, mais je tiens à les répéter. L'opposition officielle a demandé qu'on élabore des procédures accélérées pour détecter et détenir les immigrants illégaux et évaluer leur cas, afin d'expulser sans délai ceux qui ne sont pas de véritables réfugiés. Ce faisant, nous ne demandons aucune mesure inhabituelle ou draconienne. C'était ce que les modifications de 1987 à la Loi sur l'immigration de 1976 devaient faire.
Toutefois, il y a un problème que ces modifications et celles qui ont suivi n'ont pas réglé, et de nombreux députés en sont parfaitement conscients. Pourquoi ne ferions-nous pas quelque chose pour y remédier? Le problème, c'est que, conformément à l'arrêt Singh rendu par la Cour suprême en 1985, la Charte des droits et libertés s'applique à toute personne qui est physiquement présente au Canada, même si elle y est entrée illégalement et même si aucun statut légal ne lui est reconnu. Par conséquent, nous remettons à ceux qui font entrer illégalement des immigrants et aux immigrants illégaux, peu importe leur statut, tous les moyens juridiques nécessaires pour contester les procédures et les ordonnances d'expulsion. Ils peuvent lutter pendant des années, à un point tel que tout notre processus de traitement à l'égard des immigrants et des réfugiés illégaux devient une farce.
C'est une question d'ordre public, de justice pénale. Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral trouve une solution pour rendre ses lois applicables, afin que les droits accordés aux personnes qui sont présentes illégalement au pays et qui enfreignent la loi ne viennent pas ternir ou miner les droits et privilèges de ceux qui respectent nos lois.
Que constatons-nous à la lecture du discours du Trône? C'est triste, mais le discours du Trône ne renferme aucune mesure visant à combler cette lacune, ce manque de principe et de vision dans le régime canadien de justice pénale.
Comment le gouvernement illustre-t-il, dans le discours, sa troisième grave lacune en matière de principe et de vision? C'est en refusant de prendre un engagement ferme, fondé sur des principes, pour réformer la justice pénale, pour apporter notamment des réformes garantissant que, en cas de conflit, les droits des citoyens respectueux de la loi et des victimes de la criminalité l'emporteront sur les droits des contrevenants.
Je le répète, selon leur vision sociale, les réformistes accordent la priorité absolue à la protection et au bien-être de la famille. D'après notre vision du Canada, la famille constitue la plus importante unité organisationnelle de notre société. Voilà une déclaration de principe qui reçoit l'appui, je crois, de nombreux députés et qui a sûrement pour chacun d'entre nous une signification réelle et particulière.
En fin de semaine, nous célébrions l'Action de grâce. Monsieur le Président, de quoi sommes-nous reconnaissants? De quoi suis-je reconnaissant? De bien des choses. Je suis reconnaissant d'être Canadien. Je suis reconnaissant d'avoir grandi tout près des montagnes Rocheuses. Je suis reconnaissant de mon appartenance à la communauté chrétienne et de la liberté de religion qui permet à chacun d'entre nous de se tourner vers Dieu ou de s'éloigner de Dieu et d'accepter les conséquences de ses propres décisions morales. Je suis reconnaissant de la liberté politique dont je bénéficie. Les réformistes dénoncent souvent le régime politique du pays, mais je suis néanmoins reconnaissant de la liberté dont mes amis et moi-même disposons pour fonder un parti politique et pour tenter de changer la façon de gouverner.
Ce dont je suis le plus reconnaissant dans la vie, c'est l'existence de ma famille, et je pense que bien des députés partagent ce sentiment. Quelle est la chose la plus importante que Sandra et moi avons faite à l'Action de grâces? Nous avons passé du temps avec notre famille, comme bien d'autres députés.
Je remercie ma mère de sa bonté et de l'éducation qu'elle m'a donnée, et mon regretté père, de sa sagesse et de l'exemple qu'il nous a offert. Il était mon héros. Je suis reconnaissant d'avoir connu ma femme, Sandra, et je suis heureux des fondements spirituels de notre union qui nous ont permis de surmonter les tensions et les épreuves que la politique impose dans un mariage, comme tous les députés le savent.
Je remercie Sandra des efforts qu'elle fait pour que notre famille reste saine et forte et je lui suis reconnaissant de sacrifier ses propres intérêts, comme le font beaucoup de nos conjoints pour nous permettre de mener cette carrière.
Je remercie mes fils d'être devenus des êtres forts et sensés avec l'aide de bien d'autres personnes que moi et je leur suis reconnaissant de tout ce qu'ils savent faire bien mieux que moi, aussi bien pêcher que jouer d'un instrument de musique ou utiliser un ordinateur.
Je remercie mes filles d'avoir constamment été à la recherche de l'excellence dans le sport et l'éducation; je les remercie d'avoir pris des engagements par rapport à leur vie et sur le plan spirituel; je remercie mes deux filles qui sont mariées d'avoir choisi les hommes qu'elles ont épousés. Je les remercie de la force que ces hommes apportent à notre famille. Je suis reconnaissant d'avoir trois petits-enfants extraordinaires et d'attendre la venue prochaine d'un autre, des petits-enfants qui trouvent l'amour, l'acceptation et leurs racines dans la famille tout en étant sa promesse et sa perspective d'avenir la plus précieuse.
Je me considère heureux que les membres de ma famille, enfants, parents, grands-parents, arrières-grands-parents, frères et soeurs, soient un soutien les uns pour les autres et puissent compter les uns sur les autres en cas de besoin, ce qui est mieux que de n'avoir personne d'autre qu'un étranger au bout d'une ligne téléphonique gouvernementale.
En exprimant ma reconnaissance à ma famille, je ne nie pas un seul instant l'importance des services gouvernementaux qui contribuent au bien-être familial, qu'il s'agisse des services de santé, d'éducation ou d'aide sociale. Je ne nie pas un seul instant les dures réalités de tous ceux qui, en raison de circonstances économiques, sociales ou personnelles, ont perdu leur famille ou en sont privés, ou encore ceux dont le milieu familial a été transformé en un milieu de violence et d'insécurité.
Je souffre pour les gens dans cette situation, particulièrement les enfants. Je tiens sincèrement à protéger la santé d'un plus grand nombre de familles subissant des épreuves économiques, sociales et personnelles, les familles qui se retrouvent devant l'adversité, et je voudrais donner aux jeunes, peu importe dans quel milieu familial ils sont nés, au moins une chance d'éviter les erreurs de notre génération et de connaître des rapports familiaux harmonieux. Cela, je le souhaite aux enfants, à leurs enfants et à leurs petits-enfants.
À mon sens, si le gouvernement libéral veut vraiment faire quelque chose pour les enfants, il y a beaucoup de possibilités qui ne sont pas mentionnées dans le discours du Trône. Il pourrait, par exemple, s'attacher d'abord et avant tout à faire quelque chose pour les familles. Il ne devrait pas mettre l'accent sur les programmes par lesquels il tente de se substituer aux familles. Il devrait mettre l'accent d'abord et avant tout sur le soutien direct de la famille. S'il en avait la fibre morale, il pourrait commencer par le début et définir les droits de l'enfant non encore né. Il devra le faire s'il veut présenter à nouveau son projet de loi sur les techniques de reproduction. Il devra s'attaquer à ce sujet et le plus tôt sera le mieux.
Deuxièmement, si le gouvernement libéral veut vraiment faire quelque chose pour les enfants, qu'il définisse clairement le mariage et la famille, selon ce qu'il croit être dans l'intérêt du bien-être de l'enfant.
Le 8 juin 1999, par exemple, la Chambre a adopté à 216 voix contre 55 la résolution suivante, proposée par le député de Calgary-Centre:
Que, de l'avis de la Chambre, il est nécessaire, parallèlement au débat public entourant les récentes décisions judiciaires, de confirmer que le mariage est et doit demeurer exclusivement l'union d'un homme et d'une femme, et que le Parlement prendra toutes les mesures voulues...
Quelles mesures? Aucune n'est prévue dans le discours du Trône.
...dans les limites de sa compétence pour préserver au Canada cette définition du mariage.
En appuyant cette motion, le gouvernement a fait un bon pas qui devrait être suivi d'un autre. Si le gouvernement fédéral veut vraiment faire quelque chose pour les enfants, il devrait aussi clarifier la définition de la famille comme premier contexte biologique et social dans lequel naissent nos enfants.
Le Parti réformiste a pour conviction qu'une famille devrait être définie comme étant un groupe de personnes liées par le sang, le mariage ou l'adoption. Les députés remarqueront que cette définition est vaste. Ce n'est pas une définition étroite de la famille. Elle est suffisamment vaste pour englober la famille prétendument traditionnelle, l'union de fait, la famille monoparentale et la famille élargie qui est tellement importante pour beaucoup de Néo-Canadiens.
Éclaircir ces définitions du mariage et de la famille ne veut pas dire que le Parlement ne peut pas reconnaître d'autres relations de dépendance, mais, à notre avis, ces autres relations ne devraient pas être assimilées, dans la loi ou dans la politique gouvernementale, au mariage défini comme étant l'union d'un homme et d'une femme ou aux relations familiales sur cette union.
Certains diront, d'après la décision rendue récemment par la Cour suprême dans l'affaire M. c. H., que, qu'on le veuille ou non, ce tribunal semble vouloir dire que, dans la loi canadienne, un couple est un couple, quel que soit le fondement de la relation. Cependant, je crois parler au nom de la majorité des parlementaires, et non pas seulement des réformistes, lorsque je dis que le Parlement était et est encore d'avis que l'union d'un homme et d'une femme, qui est unique de par les possibilités qu'elle offre pour la procréation naturelle et l'éducation des enfants, devrait être dans une catégorie à part, ainsi que les relations familiales fondées sur cette union.
À la page 22 du discours du Trône, on dit que le Canada se fera le champion des efforts des Nations Unies visant à abolir l'exploitation des enfants. Si tel est le cas, le gouvernement devrait alors dire à nos tribunaux de cesser de protéger les consommateurs de pornographie juvénile. Lorsque le Parlement a adopté cet article du Code criminal, et cette question a été débattue devant un tribunal de la Colombie-Britannique, il voulait que la possession de pornographie juvénile soit traitée comme un crime. Pourquoi? Parce que la possession représente le côté de la demande de l'industrie pornographique. Si on veut fermer cette industrie, on doit s'attaquer au côté de la demande, et non seulement au côté de l'offre.
S'il n'est pas absolument clair dans le Code criminel que c'était là l'intention du Parlement, alors le gouvernement devrait présenter une mesure législative qui éclaircirait la question pour les tribunaux une fois pour toutes. Si les tribunaux insistent pour dire que cet article du Code criminel n'est pas compatible avec la Charte, le gouvernement ne devrait pas hésiter à recourir à la disposition d'exemption pour appliquer une telle disposition. Si le gouvernement attache de l'importance aux enfants, il va donner la priorité à leur droit d'être protégés contre le fléau de la pornographie plutôt qu'au droit d'un adulte d'être en possession de matériel de pornographie juvénile.
Dans son discours du Trône, le gouvernement fait aussi état d'une préoccupation particulière au sujet de la pauvreté chez les enfants, mais celui-ci ignore le contexte familial dans lequel cette pauvreté se manifeste souvent. Encore une fois, si le gouvernement libéral veut faire quelque chose face à la pauvreté chez les enfants, il devrait prendre deux mesures concrètes qui n'exigent pas de nouveaux programmes, à savoir cesser de surtaxer les parents et cesser d'arracher jusqu'à six milliards de dollars par année aux personnes dont le revenu annuel est de 20 000 $ ou moins. Le gouvernement enlève six milliards à ces personnes puis essaie ensuite de voir comment un programme compliqué et administrativement très coûteux lui permettra de leur redonner quelques centaines de dollars pour un besoin ou un autre. Est-ce quelque chose m'échappe ou ai-je raison de dire qu'il serait plus simple de laisser cet argent dans les poches des contribuables? Laissez leur argent aux contribuables, arrêtez d'imposer injustement les familles à revenu unique et vous verrez combien de nouvelles places en garderie seront créées.
Quelle est la quatrième grande lacune au niveau des principes et de la vision que l'on constate dans le discours du Trône? C'est l'absence d'un engagement prioritaire d'assurer concrètement la protection et l'épanouissement de la famille canadienne, c'est-à-dire l'élément humain, le contexte biologique, économique, social, culturel et spirituel dans lequel nos enfants naissent.
C'est une lacune qui, selon nous, ne peut être corrigée tant qu'au moins la moitié des députés de la Chambre ne seront pas convaincus dans leur coeur et dans leur tête que la priorité sociale absolue du gouvernement doit être la protection et l'épanouissement de la famille.
Il existe une autre série de principes auxquels il n'est fait nullement allusion dans le discours du Trône même s'il s'agit de principes qui sont absolument essentiels à l'application de tout programme législatif approuvé par le Parlement. Ce sont les principes qui délimitent les fonctions de l'exécutif, du Parlement et des tribunaux.
Ces dernières années, ces limites ont été de plus en plus transgressées par l'administration et les tribunaux ont de plus en plus empiété sur les prérogatives du Parlement au point où on peut dire qu'il est impossible d'interpréter le discours du Trône avant d'avoir lu celui des tribunaux. Je vais vous donner trois exemples.
Le premier concerne les répercussions de l'arrêt Singh sur la capacité du gouvernement de faire cesser l'entrée d'immigrants clandestins. Quelle différence cela peut-il faire que le Parlement institue un système idéal pour le traitement des immigrants et des réfugiés? Tant que l'arrêt Singh tiendra, il pourra être contourné. Il pourra être contesté pendant sept ans.
Le deuxième a trait aux effets de la décision de la cour de la Colombie-Britannique dans l'affaire Sharpe, qui rend légitime la demande de pornographie juvénile. Cette décision commence à avoir des effets secondaires dans d'autres régions du pays pendant que nous attendons une décision judiciaire qui pourrait ne pas venir.
Enfin, on a les effets de l'arrêt Marshall sur la gestion des pêches de la côte est. Il y aura d'ailleurs un débat ce soir sur cette question pendant lequel nous pourrons entrer dans les détails. Le député de Delta—South Richmond dira beaucoup de choses là-dessus un peu plus tard. Dans l'arrêt Marshall, la cour a confirmé un droit de pêche autochtone dans un traité qui ne renferme pas le mot poisson. Quand on parle de tout écrire en toutes lettres, en voilà un bon exemple.
Il semble que personne, et c'est la responsabilité du gouvernement et non pas des tribunaux, n'a souligné de façon convaincante les dangers d'avoir une loi pour les autochtones et une autre pour les pêcheurs non autochtones. Personne n'a évoqué, semble-t-il, le fait que des droits de pêche illimités pourraient entraîner la destruction de la base biologique de la pêche et que le gouvernement, en vertu du droit que lui confère l'article 91 de la Loi constitutionnelle et de la responsabilité qu'il exerce à l'égard des pêches, a aussi accordé des droits de pêche aux termes de certaines licences. Nul n'a fait ressortir que le tribunal, s'il devait se prononcer sur ce problème, devrait assurer un équilibre entre deux éventails de droits. La solution ne consistait pas simplement à faire valoir un seul éventail de droits.
Le tribunal a établi une politique de la pêche on ne peut plus distincte de celle qu'aurait adoptée le Parlement, ce qui s'est traduit par des actes de violence et une situation de chaos dans le secteur des pêches de la côte est.
Dans une perspective positive, il convient de souligner que l'opposition officielle avait une vision des liens qui devraient exister entre le Parlement, le tribunal et le pouvoir exécutif. C'est une vision qui s'appuie sur notre Constitution et sur plusieurs centaines d'années de conventions et de jurisprudence constitutionnelles britanniques. Elle se fonde sur le principe simple selon lequel le Parlement adopte la loi, l'administration l'applique et les tribunaux l'interprètent. Selon nous, toute délégation du pouvoir législatif consentie implicitement aux tribunaux par le pouvoir exécutif, ce qui correspond à ce que fait le gouvernement, ou toute hypothèse proactive selon laquelle les tribunaux exercent des fonctions législatives, constitue une violation de ce principe constitutionnel de base, situation qui exige l'adoption de mesures correctives.
Il se peut que les explications suivantes aident à comprendre pourquoi le gouvernement ne montre pas d'enthousiasme à corriger la situation. Le fondement du problème tient au fait que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, donnait au Canada une constitution qui était similaire en principe à celle du Royaume-Uni. Un des principes de base, c'est que le Parlement légifère, le pouvoir exécutif applique la loi et les tribunaux l'interprètent.
Toutefois, en 1981-1982, l'administration libérale de Pierre Trudeau, au sein de laquelle l'actuel premier ministre exerçait les fonctions de ministre de la Justice, a amorcé et assuré l'adoption de la Loi constitutionnelle, qui recèle en son sein un dispositif constitutionnel qui ressemble en principe non pas à la constitution du Royaume-Uni, mais bien à celle des États-Unis. Je fais allusion bien sûr à la Charte des droits et libertés. Cette loi introduisait pour la première fois au Canada une garantie des droits civils assurée par la constitution. Elle avait la même fonction que le Bill of Rights américain, mais sans les freins et contrôles imposés aux trois branches du gouvernement que l'on trouve dans la Constitution américaine.
C'est ce qui arrive quand on transplante une idée d'un régime constitutionnel à un autre. On ne l'accompagne pas nécessairement des freins et contrôles qui assurent son fonctionnement dans le premier cas.
Avec l'introduction de la Charte dans la Constitution canadienne, on a vu se produire un grand écart par rapport au partage traditionnel des pouvoirs entre le Parlement et les tribunaux, écart qui ne cesse de s'élargir. Les conséquences de cet écart, on les observe dans le remplacement de la suprématie du Parlement par la suprématie de Constitution telle que l'interprètent les juges. Il y a aussi le transfert des pouvoirs du Parlement et des assemblées législatives aux tribunaux, y compris le transfert du droit ultime d'interprétation. Une autre conséquence est l'ingérence, volontaire ou pas, de juges non élus qui n'ont pas de comptes à rendre à la population en matière de prise de décisions et d'activisme politique.
Les conséquences de ce grand écart et de l'activisme politique des tribunaux sont énormes. Je crois qu'elles vont bien au-delà des simples questions d'ordre juridique et académique concernant le juste équilibre entre les tribunaux et le Parlement. Penchons-nous sur la liste des domaines dans lesquels ce grand écart a amené les tribunaux à intervenir bon gré mal gré.
Le jugement rendu dans l'affaire Mahé en 1990 a amené les tribunaux à se mêler du fonctionnement des conseils scolaires. Par sa décision dans l'affaire Ulridge en 1993, le tribunal a influé sur les décisions budgétaires du gouvernement provincial. Par celle rendue dans l'affaire Singh en 1985, le tribunal s'est mêlé de la procédure d'immigration et de détermination du statut de réfugié. Comme on l'a déjà signalé, l'affaire Tharens, en 1985, a eu pour effet de conférer aux avocats dans les poursuites criminelles un rôle qui allait nettement trop loin et qui a eu des conséquences négatives. Une avons eu droit à une autre preuve de l'activisme politique et social des tribunaux lorsqu'ils ont accepté le moyen de défense de l'intoxication volontaire, une chose à laquelle le Parlement n'a jamais pensé même dans ses moments les plus féroces. C'était dans l'affaire Daviault, en 1994.
Le tribunal a influé sur la politique gouvernementale en matière de vagabondage dans l'affaire Heywood, en 1994. Dans l'affaire Feeney, en 1997, il a étendu exagérément l'utilisation obligatoire de mandats. Dans l'affaire Bollack, en 1999, les tribunaux ont fait passer la protection des droits linguistiques avant celle des victimes de la criminalité. Dans l'affaire Askov, en 1990, ils ont accepté les délais de procédure comme motif pour abandonner des milliers de poursuites criminelles.
Nous en avons encore eu la preuve lorsque les tribunaux ont étendu le droit de vote démocratique aux prisonniers par la décision rendue dans l'affaire Sauvé, en 1993. Les tribunaux ont rendu légitime le droit des adultes de posséder du matériel de pornographie juvénile dans la décision rendue dans l'affaire Sharpe en 1999. Ils ont imposé une limite sur le caractère sacré de la vie en éliminant les dispositions en faveur de la réglementation de l'avortement dans la décision rendue dans l'affaire Morgentaler en 1998. En 1999, ils se sont immiscés dans la politique entourant les élections provinciales par la décision sur les prestations de conjoint dans l'affaire M et H, chose que je trouve absolument inexcusable. La décision rendue dans l'affaire Marshall en 1999 a été à l'origine de violents affrontements à propos de la diminution des ressources halieutiques sur la côte est.
Je pourrais entretenir la Chambre toute la nuit de diverses affaires judiciaires, mais ce sera pour une autre fois. J'espère que le premier ministre veillera à ce que le Parlement se penche sur cette question. À cette occasion, je présenterai à la Chambre un certain nombre de mesures destinées à tracer une ligne de démarcation claire entre les tribunaux et nous. Je vais mentionner trois des points que comportent ces mesures.
Tout d'abord, certaines de ces mesures viseront à garantir que le Parlement précise, dans chaque loi qu'il adopte, l'objet de cette loi et qu'il obtienne de l'extérieur des conseils juridiques, qu'il ne peut obtenir du ministère de la Justice, sur la compatibilité des projets de loi avec la Charte, avant que ceux-ci ne quittent la Chambre plutôt qu'après. Il s'agit d'un processus d'examen pré-législatif.
Nous recommandons également que ces mesures correctives comprennent la création d'un comité d'examen juridique du Parlement ayant pour rôle de préparer des réponses appropriées aux décisions judiciaires fondées sur une interprétation erronée de l'intention du Parlement et des recommandations sur l'utilisation appropriée de la disposition d'exemption qui, je le rappelle aux députés, fait tout autant partie de notre Constitution que la Charte des droits et libertés.
Le discours du Trône n'en tient aucun compte, même si elle a des incidences sur toutes les mesures que nous adoptons ici. Pourquoi? Je soupçonne que c'est parce que, pour bon nombre des questions sur lesquelles s'exerce l'activisme politique des tribunaux, particulièrement dans les domaines moral et social, le gouvernement libéral préfère que les décisions soient prises par des juges nommés par les libéraux que par des députés élus.
Si tel est le cas, ce problème ne sera pas résolu avant que plus de 150 députés élus ne s'engagent à modifier la loi de façon à ce qu'il existe une ligne de démarcation bien nette entre le Parlement et les tribunaux.
Permettez-moi maintenant de traiter de l'état de notre union fédérale. Le discours du Trône consacre quatre paragraphes expressément à cette question. Pourtant, elle est au centre de tout ce que nous faisons.
Comme tous les députés le savent, le Canada est, par sa superficie, le deuxième pays du monde. Il comprend dix provinces et trois territoires qui se caractérisent par une incroyable diversité culturelle et régionale. Pour unifier ce pays si divers, d'un océan à l'autre en passant par l'Arctique, nos ancêtres ont choisi, fort justement, d'appliquer les principes du fédéralisme. Le Canada est donc un État fédéral, mais, en raison de l'immensité de son territoire et de la diversité de sa population, il ne peut pas, fût-ce pendant un seul mois, tenir son unité interne pour acquise.
Le Parlement a le droit de compter que tous les discours du Trône contiennent au moins deux éléments: des mesures de fond pour répondre aux préoccupations et aux aspirations des grandes régions qui composent le pays, et aussi des mesures sérieuses concernant l'application, le maintien et la promotion des principes du fédéralisme dont dépend la préservation de notre unité. Considérons dans cette optique l'état actuel de notre union fédérale et le discours du Trône.
Cet été, ma femme et moi avons passé plusieurs semaines dans l'Ouest, deux semaines au Québec, deux semaines en Ontario et près de trois semaines dans la région de l'Atlantique. Nous avons participé à quelque 80 activités, dont bon nombre étaient de simples rencontres sociales décontractées, ce qui nous a donné une bonne occasion d'échanger avec les gens. Nous avons pris note des préoccupations prévisibles des gens au sujet des impôts, des emplois et des soins de santé. Mais nous avons aussi perçu autre chose, quelque chose qui est moins bien défini mais qui est néanmoins très réel et qui va au-delà des préoccupations quotidiennes des gens.
À mon avis, il existe à l'échelle du pays quatre grandes préoccupations et aspirations régionales dont le Parlement doit tenir compte et auxquelles il doit donner suite afin de maintenir l'unité et d'assurer le passage du pays au XXIe siècle. Ce sont quatre courants qui se font sentir avec de plus en plus d'intensité, quatre courants qui, si nous n'en tenons pas compte ou si nous ne les interprétons pas bien, peuvent amener le navire fédéral à s'échouer. Ce sont quatre courants qui, s'ils sont bien canalisés, peuvent propulser l'union fédérale en toute confiance et sécurité dans l'univers inexploré du siècle prochain.
Je parlerai en premier lieu de l'Ouest. J'aime commencer en parlant de l'Ouest. En juin, Sandra et moi nous sommes rendus dans la région de Milk River dans le sud de l'Alberta. Nous avons emprunté deux chevaux et une tente d'un grand éleveur exerçant depuis longtemps son métier dans la région de Milk River et ayant pour nom Tom Gilchrist. Pendant trois jours, nous avons participé à la randonnée commémorant la grande marche de 1874 vers l'Ouest du premier contingent de la Police à cheval du Nord-Ouest—une grande épopée dans le cadre de laquelle, il y a 125 ans, 275 officiers et agents sont partis de Fort Dufferin, au sud de Winnipeg, et ont traversé toute la partie sud de la Saskatchewan et le sud de l'Alberta pour se rendre à Fort Whoop-Up.
Le premier groupe de représentants de la Police à cheval du Nord-Ouest comprenait le colonel James MacLeod, qui a jeté les assises d'un traité avec la grande Confédération des Pieds-Noirs sur la base d'un principe simple: l'égalité devant la loi. J'aurais aimé que James MacLeod soit là au moment de l'établissement du traité avec les Nisga'as. C'est là la façon dont il a fait la paix avec le plus implacable groupe d'autochtones que l'on trouvait dans les Prairies. C'est le dernier groupe à avoir eu une confrontation avec les Européens. Il a agi sur une base simple. Deux agents de la GRC se sont rendus à pied dans un énorme camp. Il n'y avait qu'une seule et même loi pour les blancs et les Indiens. Il a adopté quelques mesures d'appui et ce fut là le fondement de la paix.
Le fort qu'il a établi sur la rivière Old Man est devenu quelques années plus tard le lieu d'habitation de F.W.G. Haultain, avocat de l'est du Canada qui a déménagé dans l'Ouest. Il est devenu le plus grand chef du gouvernement qu'aient jamais connu les anciens Territoires du Nord-Ouest. C'est lui qui a négocié les conditions d'entrée de l'Alberta et de la Saskatchewan dans l'union fédérale en tant que provinces. Quel est le principe sur lequel il a insisté même s'il ne l'a pas obtenu? L'égalité pour les provinces. L'égalité entre les nouvelles provinces et les anciennes provinces.
Les membres de ce même contingent de l'ancien Corps de police à cheval du Nord-Ouest devaient bientôt établir un autre fort au confluent des rivières Bow et Elbow, le fort Calgary, à l'endroit où, plus d'un siècle plus tard, neuf premiers ministres provinciaux et deux chefs de gouvernement territorial devaient se réunir et produire une déclaration affirmant le principe de l'égalité de tous les Canadiens et de toutes les provinces devant la loi et le principe voulant que tout pouvoir accordé à une province pour protéger et développer son caractère unique serait accordé aux autres. L'égalité pour les individus et pour les provinces était tout autant un principe fondateur de l'Ouest d'autrefois que l'adaptation au fait français-anglais l'était pour le Canada central.
L'Ouest d'autrefois, incluant la Colombie-Britannique, était un territoire vaste et sauvage au potentiel énorme. Il a attiré des gens à l'esprit d'entreprise et d'initiative qui ont surmonté toutes sortes d'obstacles et de difficultés. Les députés devraient lire l'histoire de l'entrée de la GRC dans l'Ouest s'ils veulent savoir ce que c'était que de surmonter les difficultés.
L'Ouest d'autrefois avait toutes sortes de nouvelles idées et de convictions sur la façon dont l'Ouest lui-même devrait être gouverné. Mais, sur le plan politique, l'Ouest d'autrefois avait un énorme problème. Il était politiquement impuissant. Au tournant du siècle, l'Ouest produisait moins de 10 p. 100 du PNB, comptait moins de 10 p. 100 de la population et disposait de moins de 10 p. 100 des sièges au Parlement.
L'Ouest d'autrefois n'avait pas le poids politique pour bien faire comprendre ses intérêts au gouvernement fédéral, encore moins imposer ses idées. Il a rapidement et malheureusement adopté une attitude de perdant, à savoir que s'il participait à des négociations avec le gouvernement national ou participait à un dialogue politique avec des gens des autres régions du pays, il ferait rarement triompher sa position dans le débat et serait toujours mis en minorité.
En parcourant ce pays pour commémorer le début du développement de l'Ouest d'autrefois, j'ai été frappé de voir à quel point l'Ouest avait fait de progrès en un siècle et à quel point la position de l'Ouest d'aujourd'hui à l'aube du XXIe siècle était différente de celle de l'Ouest d'autrefois au tournant du siècle dernier.
Dans cette contrée traversée par la rivière Milk, si on se tient au bon endroit, on peut voir les collines du Cyprès à l'est, les collines Sweet Grass du Montana au sud et à l'ouest le mont Chief. Tous ces endroits étaient sacrés pour les Pieds-Noirs. Ils croyaient que du haut de ces reliefs ils pouvaient voir non seulement à l'infini, mais également l'avenir. Les jeunes y avaient des visions et les vieux des rêves. Mais est-ce qu'aucun de ceux qui ont gravi ces hauteurs à la fin du siècle dernier, qu'ils soient autochtones ou non, aurait pu prévoir ce que serait l'Ouest au XXIe siècle?
L'Ouest d'aujourd'hui n'est plus politiquement impuissant. Au XXIe siècle, l'Ouest produira plus d'un tiers de la richesse de notre pays et renfermera plus d'un tiers de la population. La Colombie-Britannique deviendra la deuxième province du pays en importance. Elle détiendra plus d'un tiers des sièges au Parlement.
Au XXIe siècle, il sera impossible de mettre en oeuvre la moindre politique véritablement nationale sans l'accord de l'Ouest ou de former un gouvernement véritablement national sans la participation de l'Ouest. Le grand défi qui se présente aux habitants de l'Ouest est de trouver comment utiliser cette nouvelle influence.
Il y aura ceux dont Haultain aurait dit qu'ils ont l'esprit étroit et qui diront que l'Ouest devrait se servir de son influence grandissante pour régler de vieux comptes et qu'il devrait s'occuper uniquement de ses propres intérêts. Les gens de ce genre préféreront les partis régionaux aux partis nationaux. Certains iront même jusqu'à dire, et c'est regrettable, que l'Ouest devrait se servir de son influence pour se séparer du Canada. Heureusement, il y en aura d'autres, dont Haultain aurait dit qu'ils ont l'esprit large, qui prôneront une approche plus positive et plus inclusive.
Le Parti réformiste est le principe et la voix de la nouvelle Ouest. Nous affirmons que la nouvelle Ouest devrait user de son influence pour défendre et faire avancer les intérêts régionaux, pour accorder une plus grande priorité aux préoccupations des agriculteurs des Prairies dans le programme national, pour protéger les régions productrices de pétrole et de gaz contre un autre raid du gouvernement fédéral, pour empêcher que le secteur de la pêche sur la côte ouest ne subisse le même sort que celui de la pêche sur la côte est et pour que la Colombie-Britannique devienne la porte du Canada sur l'Asie-Pacifique.
Nous affirmons également que la nouvelle Ouest devrait se servir de sa nouvelle influence dans la fédération pour examiner et résoudre les problèmes de l'ensemble de la fédération, pour mettre de l'ordre dans les finances du gouvernement fédéral en insistant sur une réduction des impôts et de la dette au profit de tous les Canadiens, en préconisant une réforme du régime de santé national au profit de tous les Canadiens—après tout, le régime d'assurance-maladie a vu le jour dans l'Ouest—, en insistant pour que les institutions fédérales soient plus représentatives de tous les Canadiens et démocratiquement responsables devant eux, et en insistant pour que l'égalité de tous les Canadiens et de toutes les provinces devant la loi devienne un principe inscrit dans la Constitution, dans tous les coins du pays, et que ce principe devienne ancré dans l'esprit des députés.
Or, lorsque nous parcourons le discours du Trône dans cette optique, que voyons-nous? Nous ne voyons aucune preuve que le gouvernement fédéral admet ne serait-ce que l'existence ou l'émergence de la nouvelle Ouest, et encore moins qu'il soit disposé à répondre à ses aspirations.
Le gouvernement fédéral est en désaccord, notamment avec la Colombie-Britannique, sur tous les sujets, depuis la mauvaise gestion de l'immigration et des réfugiés, la mauvaise gestion du secteur de la pêche, jusqu'à la mauvaise gestion des relations avec les autochtones. Il a négocié avec les Nisga'as un traité qui repose non pas sur le principe de l'égalité de tous devant la loi, mais sur le principe d'une loi pour les autochtones et d'une autre pour les non-autochtones, ce qui suscite des divisions.
Au lieu d'offrir des incitatifs fiscaux pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement a songé à imposer une écotaxe, qui exercerait une discrimination contre les régions productrices de pétrole, sans proposer des mesures compensatoires ou une écotaxe équivalente pour les autres sources d'énergie.
En ne proposant pas, et en n'organisant pas, une attaque internationale concertée contre les subventions à l'agriculture en Europe, le gouvernement refuse de s'attaquer à la racine du problème, c'est à dire les faibles prix des denrées qui causent tant de torts à nos agriculteurs.
Le premier ministre n'a jamais donné suite à cette résolution que nous avions adoptée un soir à la Chambre, conformément au vote des députés, et qui demandait au gouvernement fédéral de faire comprendre au Québec le véritable sens de la déclaration de Calgary.
Le discours du Trône et le gouvernement libéral sont tout à fait insensibles à l'esprit et aux aspirations de l'Ouest nouveau. C'est une lacune impardonnable dans un système fédéral où le gouvernement fédéral doit reconnaître les aspirations régionales et y réagir dans l'intérêt des Canadiens qui habitent ces régions, aussi bien que dans l'intérêt national.
J'ai parlé de quatre grands vents qui soufflent. Celui qui vient de l'Ouest en est un. Le gouvernement fédéral doit reconnaître celui qui vient de l'Ontario et répondre aux attentes de la révolution du bon sens. Il ne l'a pas fait et on trouve, dans le discours du Trône, peu de choses indiquant qu'il est disposé à le faire.
En 1993, les Ontariens ont élu le gouvernement du bon sens et des baisses d'impôts et ils ont confié à Mike Harris la tâche de remettre de l'ordre dans les finances de la province. Le premier ministre Harris l'a fait en réduisant les impôts de 30 p. 100, en présentant des programmes comme l'assistance-travail au lieu de l'assistance sociale, et en dépensant tout de même, au titre des soins de santé de la province, 50 p. 100 de plus que ce que le gouvernement fédéral consacre aux soins de santé dans tout le pays.
En 1997, M. Harris a demandé aux Ontariens s'ils voulaient que son gouvernement maintienne sa politique du gros bon sens et, en particulier, qu'il continue à réduire les impôts. En dépit d'une opposition féroce de la part des libéraux fédéraux et provinciaux, le gouvernement Harris a été réélu par les Ontariens avec une solide majorité. Nous le félicitons chaleureusement.
Un vent fort balaie l'Ontario. C'est le vent de la révolution du gros bon sens. Il est tout à fait improductif pour le plus gros gouvernement du pays, le gouvernement fédéral, d'appliquer des politiques fiscales qui vont à l'encontre des politiques fiscales du plus gros gouvernement provincial. Aussi bien en Ontario qu'en Alberta, les gens craignent que les libéraux fédéraux, qui adorent lever des impôts et dépenser, occupent l'espace fiscal durement gagné par le gouvernement provincial. Ils veulent que les principes de la révolution du gros bon sens soient respectés et appliqués tant à Ottawa qu'à Queen's Park. Le discours du Trône ne laisse absolument pas entrevoir la possibilité que cela se réalise. Loin de le respecter, le discours du Trône ne reconnaît même pas le principal intérêt financier de la plus grande province canadienne.
J'ai parlé de quatre grands vents. J'en ai décrit deux jusqu'à maintenant. Il y a un vent de l'Est qui commence à souffler au Canada. La situation des provinces de l'Atlantique se rétablit d'une manière qui est bonne pour elles et pour le Canada.
Lorsque je parle aux dirigeants d'entreprises, aux travailleurs et aux universitaires du Canada atlantique, j'entends un désir de s'engager dans de nouvelles voies vers la croissance économique, de s'éloigner des vieilles politiques libérales discréditées qui consistent à essayer de stimuler la croissance en accordant à quelques chanceux des subventions entachées de favoritisme et de les remplacer par de nouvelles politiques plus crédibles, et je vais les énumérer: des allégements fiscaux pour la majorité des contribuables afin que les consommateurs aient plus d'argent à dépenser et que les entreprises aient plus d'argent à investir dans la région de l'Atlantique; un effort concerté pour accroître le commerce entre le Canada atlantique et les États de la Nouvelle-Angleterre, ce sur quoi était fondée l'économie de la région de l'Atlantique avant que ces provinces n'entrent dans la Confédération, économie dans laquelle le Canada atlantique était plus fort qu'il ne l'est maintenant; un effort vigoureux pour accroître le commerce entre les pays de l'Atlantique pour faire du Canada atlantique la porte du commerce entre l'Europe et l'Amérique du Nord; la modernisation de l'infrastructure de toute la côte est au moyen de partenariats entre les secteurs public et privé, mais des partenariats acceptables pour les provinces et non entachés de favoritisme libéral fédéral; la création d'un climat fiscal et d'un climat d'investissement propices à la croissance de l'industrie du savoir au Canada atlantique pour profiter des nombreux excellents établissements d'enseignement supérieur et pour créer des emplois du XXIe siècle qui permettront aux jeunes Canadiens de l'Atlantique de rester dans leur région.
Certaines de ces politiques, qui représentent un changement de cap par rapport à ce que le gouvernement fédéral a fait, ont été proposées à l'origine par le premier ministre McKenna du Nouveau-Brunswick, qui vient de critiquer sévèrement l'approche adoptée par les libéraux fédéraux à l'égard du développement économique régional. Selon l'article paru dans le Globe and Mail, M. McKenna n'a pas ménagé ses paroles au sujet de la façon dont le gouvernement fédéral traite le Canada atlantique. Il a dit que les libéraux fédéraux n'avaient rien à offrir à sa région. Selon lui, ils n'ont absolument pas tenu compte des questions relatives à l'industrie de la construction navale ni du secteur de la technologie de l'information très développé qui existe dans cette région, en plus de la façon honteuse dont ils ont géré la question des pêches et des ressources en ce qui a trait aux autochtones. Il dit que toutes ces choses ne font que pousser sa région davantage vers le précipice.
Les initiatives du premier ministre McKenna ont été pour la plupart abandonnées par son successeur au niveau provincial, qui en a payé le prix lors des dernières élections. Au Nouveau-Brunswick comme en Nouvelle-Écosse, un gouvernement libéral fatigué et discrédité a été jeté dehors et remplacé par les bons offices conservateurs des M. Lord et Dr Hamm. Dans les deux cas, des relents de népotisme et d'intervention fédérale dans des projets de routes provinciales ont contribué à la défaite du gouvernement libéral provincial et les deux nouveaux gouvernements veulent aborder différemment la croissance économique. Nous leur présentons à tous deux nos félicitations les plus sincères.
Un vent de changement balaie la région canadienne de l'Atlantique. Et pourtant, quand on examine le Discours du trône, qui est censé exposer le programme législatif d'un gouvernement fédéral qui prétend chercher nuit et jour le moyen d'améliorer le fonctionnement de la fédération canadienne, on n'y voit absolument aucune reconnaissance de ce fait régional, aucun principe ni aucun idéal qui répondent au vent de changement qui vient de la région canadienne de l'Atlantique.
Cela m'amène maintenant au quatrième vent. Le quatrième vent qu'un gouvernement fédéral perspicace et sensible reconnaîtrait et chercherait à contenir est le nouveau vent qui souffle au Québec. Ce n'est encore qu'une petite brise, mais les sondages et le débat politique dans cette province montrent que jusqu'à 15 p. 100 de l'électorat québécois sont ouverts à une troisième voie: non pas la sécession d'avec le Canada, non pas le fédéralisme du statu quo des libéraux et du premier ministre, mais une réforme de la fédération et un rééquilibrage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux au XXIe siècle, un rééquilibrage qui renforcerait le gouvernement fédéral dans certaines de ses compétences clés et les provinces dans certaines de leurs compétences clés, notamment la santé, l'éducation et l'aide sociale, et accorderait aux provinces une compétence en matière linguistique et culturelle.
Pourtant, que voyons-nous lorsque nous examinons le discours du Trône et l'application des principes du fédéralisme en vue de la préservation de l'unité nationale? Je le répète, nous ne voyons rien qui puisse vraiment reconnaître la diversité croissante des régions de l'Ouest, de l'Ontario ou du Canada atlantique. En réponse aux préoccupations du Québec, on ne mentionne rien du principe ou de la vision d'un fédéralisme renouvelé, on ne fait mention que du maintien du statu quo et de la possibilité voilée de définir la position du gouvernement fédéral en ce qui concerne le processus de sécession en question.
Je trouve absolument renversant qu'un gouvernement qui se targue de toujours tendre vers l'équilibre—combien de fois avons-nous entendu cette expression—de toujours viser l'équilibre entre les dépenses et les réductions de taxes, entre la réduction de la dette et les impôts, opte pour une approche totalement déséquilibrée lorsqu'il est question d'unité nationale. Lorsqu'il est appelé à défendre l'unité nationale, à modifier le fédéralisme en fonction des tensions que suscitent les intérêts régionaux et provinciaux, le gouvernement consacre 90 p. 100 de son temps au Québec et 10 p. 100 au reste du pays. Lorsqu'il doit traiter avec le Québec, le gouvernement consacre 90 p. 100 de son temps à défendre et à maintenir un statu quo inadmissible. Quand vient le temps de préconiser une solution de rechange aux principes constitutionnels qui pourrait satisfaire les fédéralistes mécontents ou encore les nationalistes épuisés du Québec, au lieu de présenter simultanément un plan A et un plan B pour permettre aux Québécois de bien comprendre toutes les options et leurs conséquences, le gouvernement préfère ne pas faire mention du plan A dans le discours du Trône et ne faire qu'une allusion voilée à un plan B pour une loi fédérale régissant le processus de sécession et de référendum.
Au Québec, le premier ministre est sûrement perçu comme une petite brute. Lorsque les souverainistes montrent leur force, comme ils l'ont fait au cours du dernier référendum, le premier ministre se met à ramper et à promettre n'importe quoi, comme la reconnaissance dans la Constitution de la société distincte, mesure à laquelle il s'est pourtant opposé pendant 30 ans. Par contre, lorsque le premier ministre a l'impression que ses opposants faiblissent, il joue au dur qui ne craint pas les querelles juridiques.
[Français]
Sur la question de l'unité nationale, les Québécois et les Québécoises ont l'habitude de voir le premier ministre se comporter en fanfaron. C'est ce qu'il a fait tout au long de sa carrière politique. Le premier ministre est brave lorsque ses adversaires sont désorganisés, mais il se cache dès qu'ils reprennent vie.
[Traduction]
Si les fédéralistes veulent avoir une certaine crédibilité auprès des Québécois, ils doivent proposer une approche cohérente et équilibrée. Nous devrions reconnaître que le statu quo en matière de fédéralisme n'est guère attrayant, notamment pour les jeunes. Nous ne devrions pas risquer que l'appui à l'option séparatiste se ravive à cause de calculs maladroits de la part de fédéralistes tenants du statu quo. Si l'on veut proposer un plan A et un plan B, il faut qu'ils soient équilibrés, que le plan A propose une réforme de la fédération et qu'il soit expliqué à ceux qui sont en quête d'une troisième voie.
Ce sont là les quatre grands vents qui soufflent sur notre pays. Il n'y a rien dans le discours du Trône qui reconnaisse leur existence, qui montre que nous sommes prêts, à l'aube du XXIe siècle, à les exploiter dans l'intérêt de notre pays; le discours du Trône ne propose pas non plus d'adaptation du fédéralisme qui aille plus loin que le statu quo. À notre avis, pour combler cette lacune, il faudra élire au moins 150 députés qui proviennent de toutes les régions de notre pays et qui sont déterminés à proposer une réforme du fédéralisme pour le XXIe siècle.
D'aucuns peuvent se demander comment il se fait qu'il y a, partout dans notre pays, un appui et un intérêt publics aussi marqués pour des questions comme l'allégement du fardeau fiscal, la réforme de la justice pénale, le renforcement des familles, la réforme des soins de santé, la réforme des relations fédérales-provinciales en vue de les rendre plus productives et davantage axées sur la coopération, et qu'il y a par ailleurs si peu d'engagements ou de mesures proposés à cet égard dans le programme législatif du gouvernement fédéral. Cela s'explique par le fait que les institutions politiques fédérales de notre pays, notamment le Parlement et la Chambre des communes, ne peuvent pas bien représenter la population ni évaluer ce qu'elle souhaite et ne savent pas satisfaire démocratiquement à ses exigences.
Voilà pourquoi les réformistes ne veulent pas simplement réformer certaines politiques gouvernementales en matière fiscale, sociale ou économique ou dans le domaine de la justice. Nous voulons réformer le système qui élabore lui-même ces politiques et qui les met en oeuvre en premier lieu. Nous avons une vision d'un pays et d'un système de gouvernement vraiment démocratiques, non pas simplement démocratiques en apparence, non pas d'une autocratie où les gens peuvent voter pour un autocrate tous les quatre ans, mais d'une vraie démocratie où les institutions sont vraiment représentatives et comptables et où l'allégeance première des députés n'est pas à leur parti ni à eux-mêmes, mais à leurs électeurs.
Selon notre conception du Parlement, la Chambre haute doit être un actif pour la démocratie, et non pas une disgrâce comme maintenant. Nous sommes en faveur d'un Sénat dont les membres seraient élus démocratiquement et où les provinces seraient représentées par le même nombre de sénateurs, lesquels disposeraient de pouvoirs effectifs pour protéger les intérêts régionaux. Si nous avions un Sénat efficace, notamment selon le mode prévu par les pères de la Confédération, le premier endroit où souffleraient ces quatre vents régionaux au Parlement serait le Sénat. Or, actuellement, le Sénat est le dernier endroit où ils soufflent. Il pourrait y avoir un ouragan là-bas, et ils ne s'en rendraient même pas compte.
Nous croyons en un Parlement où il se tiendrait des votes libres dans les deux Chambres, non pas seulement sur les initiatives parlementaires ou des motions spéciales où le gouvernement ne veut absolument pas se mouiller, mais tous les jours sur des questions importantes, des projets de loi ministériels et des motions de l'opposition de toutes sortes.
Nous voyons une Chambre des communes où le premier ministre a de véritables convictions démocratiques et déclare—peut-être le premier ministre voudra-t-il prendre quelques notes—: «Mon gouvernement n'entend pas voir tous les votes comme étant des votes de confiance à l'endroit du gouvernement. Si une motion du gouvernement est défaite ou une motion de l'opposition est adoptée, le gouvernement ne démissionnera pas. Il respectera le résultat du vote et ne démissionnera que si une motion de censure présentée comme telle est adoptée.»
Les députés peuvent-ils s'imaginer dans quelle mesure ce simple petit changement contribuerait à améliorer le caractère démocratique de la Chambre des communes? Tous les députés pourraient mieux défendre les intérêts des électeurs de leur circonscription, particulièrement lorsqu'ils entrent en conflit avec ceux du parti. Le pouvoir des chefs de parti, tout particulièrement du premier ministre, de forcer les députés à voter comme ils le veulent serait réduit. Les comités seraient plus indépendants. Ils pourraient rédiger et proposer eux-mêmes des projets de loi. Les débats ne seraient plus des soliloques inutiles et prévisibles parce que les députés seraient libres de changer d'idée ou de changer de position après avoir entendu les arguments de leurs vis-à-vis. Les projets de loi pourraient être adoptés sous une forme légèrement différente de ce que prévoyait le gouvernement à l'origine, mais adoptés quand même par une majorité représentative d'un plus large segment de la population que c'est le cas avec le système actuel.
Nous imaginons un parlement qui inviterait régulièrement le public à participer à la prise de décisions importantes ayant une portée nationale. Nous imagions une démocratie dans laquelle des référendums sur des questions primordiales se tiendraient de façon périodique; une démocratie au sein de laquelle les citoyens pourraient demander la tenue d'un référendum si un nombre suffisant d'entre eux ressentaient la nécessité d'adopter une mesure législative; une démocratie où les élus qui abusent de leur mandat public pourraient être congédiés par l'électorat au moyen d'un processus de destitution; une démocratie dans laquelle le parlement serait prêt à donner au public une chance de voter en faveur de réformes visant le système électoral lui-même, à inviter les Canadiens à choisir parmi des options telles que le maintien du système actuel ou l'adoption d'un mode de scrutin préférentiel, d'un système de représentation proportionnelle, ou d'une combinaison de ces mesures.
Autrement dit, nous imaginons un système parlementaire démocratique au sein duquel les principes de la véritable démocratie, de la représentation efficace, de la vraie responsabilité, des votes libres et de la participation du public seraient appliqués et se refléteraient dans les activités courantes de notre institution.
Telle est la portée d'une démocratie que les Canadiens demandent et qui n'existe pas dans notre pays, comme on peut le constater en Colombie-Britannique, où la seule perspective d'un mécanisme de destitution fait trembler les opposants à la démocratie, comme ce devrait d'ailleurs être le cas. On l'a aussi constaté en Alberta, lorsque des centaines de milliers de personnes sont sorties et ont participé à l'élection de sénateurs tout en sachant que, dans son entêtement, le premier ministre ne respecterait pas leur volonté, mais ces personnes sont quand même allées voter. Elles ont aussi assisté aux assemblées. Elles ont rempli leurs bulletins de vote dans un esprit de démocratie.
L'événement le plus encourageant de l'été pour les démocrates canadiens est peut-être la conférence organisée au parc provincial de Bird's Hill, au Manitoba, par la First Nations Accountability Coalition, qui est un groupe représentant les autochtones de plus de 200 communautés des premières nations au pays. De quoi ceux-ci ont-ils parlé? De responsabilité budgétaire et démocratique pour les gouvernements des réserves et pour le ministère des Affaires indiennes.
L'esprit de démocratie est bien vivant au pays, mais lorsque nous lisons le discours du Trône, que voyons-nous? Pas une lueur d'enthousiasme pour les grands principes et les réformes démocratiques qui feraient du pays une démocratie modèle pour le XXIe siècle.
Des personnes venant de pays qui sont passés depuis peu à la démocratie, des gens de l'ancienne Union soviétique, de l'Afrique et de l'Asie, par exemple, viennent nous rendre visite à la Chambre ou sont reçus dans les appartements du Président. Ils prennent place à notre tribune. Ils s'attendent à voir chez nous un véritable modèle de démocratie en action. Toutefois, si on leur donnait à lire une copie du discours du trône, ils ne sauraient jamais que le gouvernement croit à la démocratie ou à une réforme de cette démocratie, ou qu'il s'est engagé à assurer un meilleur fonctionnement de notre démocratie, et je trouve cela bien dommage.
J'ai consacré presque toute la période qui m'était accordée pour répondre au discours du trône à démontrer ses plus grandes lacunes et ses faiblesses au chapitre des principes et de la vision. Dans un but constructif, j'ai également tenté de présenter les principes et les visions auxquels l'opposition officielle croit fermement et qui, d'après nous, devraient servir de base à tout le programme législatif du gouvernement du Canada. Je veux parler ici de la responsabilité fiscale, d'un fort encouragement de l'entreprise privée et de la libre entreprise, des principes de la responsabilité sociale face à l'ordre public et de l'intégrité de la famille, du respect de la séparation entre les tribunaux et le Parlement, de la réforme du fédéralisme et des principes de la vraie démocratie.
Tout ceci m'amène à mon argument final. L'opposition officielle croit fermement à ces principes. Nous avons d'ailleurs tous quitté nos foyers et nos occupations habituelles pour les défendre devant nos électeurs et ici même au Parlement. Toutefois, les membres de l'opposition officielle ne sont pas assez naïfs ou égocentriques pour croire que nous avons un monopole exclusif sur ces principes.
Nous savons par exemple qu'il y a d'un bout à l'autre du pays des centaines et des milliers de partisans et de membres de divers partis politiques qui croient au principe de la responsabilité fiscale, et tout particulièrement à la nécessité de réduire la dette nationale et le taux d'imposition au pays. Toutefois, puisque ces gens ont diverses affiliations politiques et qu'ils appartiennent à divers partis fédéraux, ou à des partis provinciaux qui respectent les mêmes principes alors que les partis fédéraux du même nom ne le font pas, il n'a pas été possible de recueillir l'appui politique nécessaire pour élire les quelque cent cinquante députés dont nous aurions besoin ici pour nous permettre de prendre des mesures efficaces en vue de la réduction des impôts et d'un réel allègement fiscal.
Il y a des millions de Canadiens qui reconnaissent en principe que le Canada doit s'engager davantage face à l'ordre public, au maintien de la famille et à la réforme des relations fédérales provinciales. Toutefois, là encore, du fait que l'allégeance politique de ces gens est divisée entre plusieurs formations politiques, le pays est gouverné par un parti qui ne tient à aucun de ces principes et qui n'a remporté que 38 p. 100 des suffrages.
On pourrait imaginer que si seulement on pouvait procéder à certaines des réformes démocratiques que je viens d'énumérer, plus particulièrement la tenue de votes libres à la Chambre et la modification du système électoral, il deviendrait possible de former des coalitions permanentes ou temporaires entre députés qui tiennent aux mêmes principes, mais qui pour le moment se trouvent dans des camps opposés du fait de leur allégeance politique ou de la discipline de parti.
Il y a un empêchement à ce scénario. En effet, pour procéder à de telles réformes démocratiques, il faudrait les quelque 150 voix nécessaires pour adopter une motion ou un projet de loi et, à l'heure actuelle, il n'existe à la Chambre des communes ni vote libre ni ce genre de majorité engagée. Que pouvons-nous en déduire? Qu'est-ce que les Canadiens peuvent en déduire? Qu'il faut que nous procédions à un réalignement politique dans ce pays afin de mettre en oeuvre des politiques basées sur des principes et des valeurs partagés par un grand nombre, que ce soit ceux que j'ai énumérés ou tout autres principes que d'autres définiront.
C'est pour promouvoir le principe du réalignement politique, principe selon lequel la structure et la ligne des partis doivent être rajustées de temps à autres pour unifier au lieu de diviser tous ceux qui partagent des principes communs essentiels à la mise en oeuvre de mesures d'intérêt public favorables au bon gouvernement, que l'opposition officielle a offert de travailler de concert avec ceux qui sont du même avis, quelle que soit leur affiliation politique précédente, afin de créer une solution de rechange unie et raisonnée au gouvernement actuel à temps pour les prochaines élections.
Dans une Chambre aussi partisane que celle-ci, je sais que les arguments en faveur de la coopération pour le bien du pays, en dépit des lignes de parti, tombent généralement dans l'oreille d'un sourd. Toutefois, dans le monde réel où vivent les électeurs et les contribuables, il n'en est pas de même.
Selon moi, un nombre croissant de Canadiens nous observent et se posent deux questions, que nous voulions ou non le reconnaître en notre qualité d'hommes ou de femmes politiques. Premièrement, ils cherchent à déterminer si un parti existant est disposé à consentir un effort sincère afin de trouver un nouveau terrain d'entente commun dans le cadre duquel un grand nombre de Canadiens pourraient s'unir selon de nouvelles modalités afin de réduire les impôts, d'améliorer le système de soins de santé, de démocratiser leurs institutions et d'unir leur pays, autant de choses que l'administration libérale reine du statu quo a été incapable de faire.
Deuxièmement, ils veulent voir si l'un des partis existants tient assez à ces principes pour mettre de côté ses propres objectifs partisans, ne serait-ce que pendant un moment, et travailler avec d'autres intervenants qui partagent ses vues, sans égard à l'appartenance politique antérieure, afin de les mettre en oeuvre à l'échelon fédéral.
Pendant la fin de semaine, il y a une quinzaine de jours, le Parti progressiste-conservateur du Canada, qui fut jadis une grande organisation, s'est prononcé à la fois contre l'idée de chercher un nouveau terrain d'entente commun et de mettre de côté ses objectifs partisans et étroits afin de travailler avec d'autres. Il devra vivre avec les conséquences de cette décision, le genre de pensée introspective qui a fait passer sa représentation de 169 sièges pendant la trente-quatrième législature à 2 sièges au cours de la trente-cinquième législature et qui fait que le nombre de membres du parti a chuté de 90 000 il y a un an à 18 000 sous la direction du chef actuel, près de la moitié de ces derniers rejetant les principes conservateurs traditionnels que sont le conservatisme financier et le libre-échange.
Le Parti réformiste du Canada, qui est aussi l'opposition officielle à la Chambre, a répondu oui à ces deux questions. Au cours des prochains mois, il continuera de chercher à déterminer s'il est possible de trouver une nouvelle solution fondée sur des principes pour remplacer une administration sans principe et sans vision à temps pour l'avènement du nouveau siècle.
Les Pères de la Confédération entretenaient un rêve. Nous ne devrions pas l'oublier, car c'est là une situation à laquelle a dû faire face il y a longtemps le Parlement qui a créé notre pays. Les Pères de la Confédération entretenaient un rêve dont la réalisation n'était pas possible tant que n'aurait pas eu lieu un remaniement politique au sein du vieux Parlement du Canada.
J'entretiens également le rêve d'un Canada nouveau et amélioré, qui exige un remaniement politique, si nous voulons en voir la réalisation dès le début du nouveau millénaire. On se demande quelquefois comment les pères de la Confédération, un groupe composé de gens qui voulaient conserver certaines choses anciennes, comme la langue et la culture française ou le lien britannique, et d'autres gens aux idées révolutionnaires, comme le fédéralisme et la démocratie évoluée, comment, dis-je, ces gens-là ont pu ou voulu travailler ensemble à l'édification de la nouvelle confédération?
La réponse la plus brève, celle qui nous importe aujourd'hui, c'est que les défenseurs des traditions et les partisans de la nouveauté ont appris à se tolérer les uns les autres et à apprécier mutuellement leurs différences. Les défenseurs des traditions ont besoin du défi que représentent les nouvelles idées. Sans cela, les vieilles traditions se fossilisent et finissent par perdre leur raison d'être.
Les partisans du changement ont besoin de l'influence des champions des vieux principes pour ne pas dépasser la mesure. S'il y a un exemple où ces deux camps se sont tolérés l'un l'autre, un exemple de résultat de ces efforts conjugués, à la fin du siècle dernier, c'est bien la naissance du Canada.
J'invite tous les Canadiens qui nourrissent dans leur coeur la vision d'un meilleur Canada où les impôts sont moins élevés et où le gouvernement est moins interventionniste; où l'ordre public et les valeurs familiales sont renforcés et non pas minés par la politique fédérale; où le gouvernement fédéral et les provinces collaborent, au lieu de se chamailler, dans une union fédérale renouvelée, afin d'offrir de meilleurs services à la population dans les domaines de la santé, de l'éducation et du bien-être social et où les institutions politiques fédérales telles que le Sénat et la Chambre suscitent un nouveau respect en raison de leur efficacité et de leur engagement envers les pratiques démocratiques de reddition des comptes à travailler ensemble.
J'invite, dis-je, tous les Canadiens qui partagent cette vision et les principes sur lesquels elle se fonde à travailler ensemble pour trouver des solutions au manque de principes et de vision qui caractérise le dernier discours du Trône d'un gouvernement usé et dépourvu de toute vision.
Entre-temps, je propose que les mots suivants soient ajoutés à l'Adresse:
Et que la Chambre regrette que votre Gouvernement n'ait pas, par manque de vision et d'engagement envers de bons principes, répondu aux allégations de corruption qui pèsent contre lui, y compris le recours abusif au favoritisme; qu'il n'ait pas veillé à l'intégrité du système d'immigration du Canada en permettant que le crime organisé profite de la générosité des Canadiens et en nuisant à la position des immigrants légitimes et des réfugiés de bonne foi; qu'il ne se soit pas attaqué aux problèmes du trafic des stupéfiants, de la délinquance juvénile et de la pornographie juvénile; qu'il ait rejeté la politiques pleine de bon sens d'autres gouvernements, notamment des gouvernements de l'Ontario et de l'Alberta, de réduire les impôts pour créer des emplois et empêcher que des compagnies, des jeunes et des capitaux ne quittent le pays; qu'il n'ait pas reconnu la gravité de la situation dans laquelle se trouve l'agriculture canadienne et qu'il n'ait pas assuré de cadre pour la réorganisation de l'industrie du transport aérien; qu'il n'ait pas procédé à la réforme démocratique des institutions fédérales et à la réforme des relations fédérales provinciales en rééquilibrant les pouvoirs; et donc, que n'ayant pas fait preuve de la capacité, de l'engagement et de la vision nécessaires pour aider ce pays à aborder le XXIe siècle, il ait perdu la confiance de la Chambre et du peuple canadien.
Le Président: L'amendement proposé par le chef de l'opposition est recevable. Le débat porte sur l'amendement.
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à féliciter le député de Windsor-St. Clair pour son excellente allocution à titre de motionnaire de l'adresse en réponse au discours du Trône.
[Français]
Je veux aussi féliciter la députée de Laval-Ouest qui a fait, elle aussi, une excellente présentation lorsqu'elle a appuyé l'Adresse, hier.
J'ai été très impressionné par leurs présentations et je suis confiant qu'ils ont devant eux une excellente carrière ici même au Parlement du Canada.
[Traduction]
Au nom de l'ensemble des députés, j'aimerais adresser nos félicitations à Son Excellence à la suite de son entrée en fonction comme gouverneure générale. Nous lui offrons nos meilleurs voeux.
Selon de nombreuses prévisions, le siècle qui approche sera celui du Pacifique. Il est donc tout à fait approprié que la femme remarquable qui occupe la plus haute fonction au pays soit une immigrante originaire du Pacifique. Née en Chine, elle était toute petite quand sa famille s'est réfugiée au Canada. Par la suite, elle a marqué le paysage culturel de son pays d'adoption.
Il y a 100 ans, qui aurait prédit qu'une immigrante d'origine chinoise deviendrait un jour gouverneure générale du Canada? C'est avec une très grande fierté que j'affirme que nous avons fait vraiment beaucoup de chemin dans ce merveilleux pays.
Nous sommes à 75 jours du tournant du siècle. Ce siècle qui s'achève, Laurier avait affirmé qu'il serait celui du Canada. Le moment me paraît bien choisi de nous arrêter et de réfléchir au chemin parcouru, à ce que nous avons accompli ensemble et aux raisons que nous avons d'aborder le prochain siècle avec autant d'assurance, autant d'espoir et autant d'optimisme.
On a déjà dit que le Canada représente le triomphe de la volonté sur la géographie et l'économie, et quel triomphe mes amis! Il aurait été facile pour une petite population dispersée sur toute l'étendue d'un vaste continent de succomber aux forces de la «destinée manifeste». Mais nous n'avons pas succombé. Nous avons grandi et prospéré.
Il aurait été facile pour une petite population francophone regroupée sur les rives du Saint-Laurent de succomber aux forces du creuset anglophone nord-américain. Mais nous n'avons pas succombé. Nous avons grandi et prospéré.
Il aurait été facile pour nos premiers citoyens, les peuples autochtones, de succomber aux forces de l'assimilation. Mais ils n'ont pas succombé, et une nouvelle relation grandit et prospère.
Au cours d'un siècle de tyrannie, les Canadiens ont sacrifié leur vie dans des pays lointains afin que d'autres puissent vivre en liberté. Aujourd'hui, je tiens à rendre hommage à nos troupes actuellement en mission un peu partout dans le monde pour maintenir la paix.
Au cours d'un siècle d'intolérance, le Canada est devenu un flambeau de la liberté. Au cours d'un siècle de dictatures brutales, le Canada est devenu une démocratie pluraliste avancée. Au cours d'un siècle marqué par les pires excès du nationalisme, le Canada est devenu une société postnationale multiculturelle. Au cours d'un siècle d'atteintes aux droits de la personne, le Canada s'est donné une Charte des droits et libertés. Au cours d'un siècle caractérisé par un fossé grandissant entre riches et pauvres, le Canada s'est doté d'un vaste filet de sécurité sociale.
[Français]
Au cours d'un siècle de grands progrès économiques, de petite société agraire qu'il était, le Canada est devenu l'un des sept grands pays industrialisés. Au cours d'un siècle d'entrepreneuriat et d'innovation, le Canada a été à l'avant-garde.
Au cours d'un siècle où la création artistique a connu une expansion sans précédent, les Canadiens occupent une place d'honneur: de Robertson Davies et Morley Callaghan à Gabrielle Roy et Antonine Maillet, d'Oscar Peterson à Gordon Lightfoot et Susan Aglukark, de Céline Dion à Atom Egoyan et Denys Arcand en passant par Margo Kane. Et de nouveaux talents émergent tous les jours.
Nous, les Canadiens, avons prouvé que nous sommes un peuple de grande détermination. Nous avons fait les choses d'une manière bien canadienne, suivant un modèle bien canadien. Chez nous, les différentes cultures peuvent s'épanouir ensemble. La diversité est valorisée. Un partenariat s'est établi entre les citoyens et l'État.
Ici, nous avons réalisé un équilibre entre, d'une part, la liberté individuelle et la prospérité économique et, d'autre part, la répartition des risques et des bénéfices. Et le monde entier l'a remarqué.
Le président Chirac l'a très bien exprimé le mois dernier, à Moncton, quand il a dit, et je cite: «Ce Canada, qui recherche et invente les règles d'un savoir-vivre ensemble pacifique et tolérant! Ce Canada, terre des premières nations, des francophones, des anglophones, qui offre l'exemple de la diversité culturelle et linguistique assumée et valorisée.»
Le monde entier apprécie ce que nous avons accompli. Il veut nous voir réussir. D'ailleurs, nous avons réussi et nous continuerons de réussir. Nous miserons sur nos forces. Nous prendrons des mesures audacieuses et tournées vers l'avenir. La manière canadienne sera un modèle, elle sera la norme dont le monde entier s'inspirera.
[Traduction]
Nous savons tous que certains de nos concitoyens voudront juger du succès des pays uniquement d'après les critères de l'argent qu'ils pourraient y gagner. Or, il est ironique que bon nombre de ceux qui jugent sévèrement notre politique économique ont, en fait, gagné beaucoup d'argent au Canada.
Ce n'est certainement pas le seul critère du succès, et cela ne doit pas non plus être le seul critère d'un gouvernement. Gagner de l'argent n'est pas la seule chose qui compte dans la vie. Il se peut que d'autres pays soient de meilleurs endroits pour ceux qui sont déjà très à l'aise. Je n'en suis pas sûr, mais c'est possible. Toutefois, si j'ai à choisir entre des décisions qui vont améliorer la qualité de vie pour la classe moyenne et pour les plus démunis, et des décisions favorables à ceux qui sont déjà très fortunés, je sais ce que je choisis. Je sais ce que notre gouvernement choisit et je sais ce que les Canadiens choisissent. Nous choisissons la manière canadienne.
Nous avons toutes les raisons d'être fiers de ce que nous avons accompli. Nous avons toutes les raisons d'envisager l'avenir avec espoir, avec confiance et avec optimisme. Cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux pour tout le monde au Canada. Cela ne veut pas dire que tout va comme il se doit pour tout le monde. Il ne faut surtout pas se contenter des progrès réalisés jusqu'ici. Il faut se retrousser les manches, voir ce qui reste à faire et redoubler d'efforts ensemble.
Nous avons beaucoup de pain sur la planche, pas seulement au cours de cette législature, mais au cours de la suivante aussi. Cependant, je suis convaincu que, forts de l'enseignement du passé, d'une vision audacieuse et du courage d'agir, nous saurons rendre ce pays qui est clairement le meilleur au monde encore meilleur, pour tous.
Notre vision du Canada du XXIe siècle est claire: une société de l'excellence déterminée à réussir, un pays fort et uni, une économie dynamique, une population apte à créer et à innover, une société caractérisée par la diversité et la cohésion, où la prospérité, plutôt que de profiter seulement à quelques-uns, est partagée par le plus grand nombre. C'est un Canada où chaque enfant est assuré d'un bon départ dans la vie, où les jeunes ont la possibilité de s'épanouir et de réaliser leur potentiel dans le domaine de leur choix, où les citoyens ont accès aux connaissances et aux compétences dont ils ont besoin pour exceller. C'est un Canada où les citoyens, quel que soit leur revenu, reçoivent des soins de santé de qualité, où les familles vivent en sécurité dans un milieu sain, où nous travaillons de concert avec d'autres pays à promouvoir la paix, la diversité culturelle et les bienfaits de la nouvelle économie mondialisée pour l'humanité. C'est un pays, le Canada, qui est le pays par excellence au XXIe siècle, le pays où les gens veulent s'établir pour apprendre, saisir des occasions, fonder une famille, profiter des beautés de la nature, explorer de nouveaux horizons, connaître une qualité de vie inégalée. C'est un Canada qui est un leader et un modèle dont le monde entier puisse s'inspirer.
[Français]
Aujourd'hui, j'aimerais exposer une stratégie globale qui permet aux Canadiens et à leurs gouvernements de travailler ensemble à concrétiser cette vision, une stratégie globale conçue pour nous placer à l'avant-garde de l'économie du savoir, pour promouvoir nos intérêts et projeter nos valeurs dans le monde, une stratégie globale qui touche l'économie, la politique sociale et l'environnement, une stratégie fidèle à la manière canadienne de faire les choses.
Nous ne pouvons pas tout faire, mais ce que le gouvernement national fait doit être bien fait. Notre action doit être judicieuse. Nous devons fixer des objectifs ambitieux et concrets, puis travailler avec les Canadiens en vue de les atteindre. C'est cela, le leadership.
C'est pourquoi le gouvernement énonce à la fois des objectifs sur cinq ans et des mesures concrètes qui seront prises au cours des deux prochaines années en vue de les réaliser.
D'abord et avant tout, une économie vigoureuse est le fondement indispensable de tout ce que nous pouvons faire et ce que nous voulons accomplir.
Le gouvernement s'est donné une stratégie économique globale bien définie pour faire du Canada un chef de file mondial au cours du prochain siècle.
Quand nous avons formé le gouvernement il y a six ans, nous avions un plan. Ce plan, nous l'avons suivi à la lettre. Il donne de bons résultats et nous allons continuer de le suivre.
Nous sommes maintenant bien placés pour passer à la prochaine étape en établissant de nouveaux objectifs ambitieux pour les cinq prochaines années. Il nous faudra élaborer une vision commune si nous voulons que le Canada affronte avec succès la concurrence mondiale au XXIe siècle.
Il faudra penser en termes mondiaux.
Il faudra imposer, au Canada et à l'étranger, l'image d'une économie dynamique axée sur des savoirs spécialisés. Et il faudra le faire plus vite que nos concurrents mondiaux, car le succès ira au plus rapide.
Mais pour faire concurrence à armes égales, il nous fallait d'abord assainir les finances publiques.
L'époque de l'endettement croissant et des lourds déficits est bel et bien révolue. Le budget sera équilibré chaque année d'ici la fin de cette législature et au-delà. On n'avait pas vu cela depuis des générations, depuis au moins 50 ans.
Année après année, au lieu d'alourdir la dette nationale, nous allons la rembourser. Le ratio de la dette au produit intérieur brut va ainsi diminuer progressivement.
[Traduction]
L'économie enregistre une croissance forte et durable. Les Canadiens se sentent plus optimistes au sujet de l'économie et de leurs propres perspectives qu'ils ne l'ont été depuis très, très longtemps.
Le chômage est à son plus bas niveau depuis près de 10 ans. À l'heure actuelle, les Canadiens travaillent en plus grand nombre qu'à tout autre moment de notre histoire. Le pays est engagé sur la bonne voie. Nous sommes en très bonne position pour être un chef de file mondial dans la nouvelle économie.
Beaucoup de gens ont contribué au succès économique des six dernières années. Mais le mérite en revient surtout au ministre des Finances. Je tiens à lui exprimer ma reconnaissance personnelle à titre de premier ministre, ainsi que la reconnaissance de ses collègues du groupe libéral et du Cabinet, et celle de tous les Canadiens.
Ayant redressé les finances publiques, l'économie étant vigoureuse et en pleine croissance, nous pouvons passer résolument à la mise en oeuvre de notre stratégie économique, afin de renforcer le tissu économique et social du Canada et de relever les défis d'un nouveau siècle.
Le gouvernement, le premier ministre, le ministre des Finances et le Parti libéral ont la ferme intention de continuer à réduire les impôts à mesure que les finances nationales s'amélioreront. Nous avons déjà commencé, et nous continuerons. Mais les baisses d'impôt ne sont pas une fin en soi. Elles forment un élément essentiel d'une stratégie économique en faveur de la création d'emplois, de la croissance, de la progression des revenus et de l'amélioration de la qualité de vie.
Nous avons commencé à accorder des baisses d'impôt ciblées avant même d'atteindre l'équilibre budgétaire. Par la suite, le ministre des Finances a diminué les impôts de manière générale. Les budgets de 1998 et de 1999 contiennent des baisses d'impôt cumulatives de 16,5 milliards de dollars sur trois ans.
C'est un bon début. Mais ce n'est qu'un début. Nous allons bonifier ces mesures, d'une manière responsable et durable, année après année. Au fur et à mesure que la santé financière de la nation se rétablira, nous réduirons les impôts davantage au cours des années à venir.
Dans le prochain budget, le ministre des Finances annoncera une stratégie pluriannuelle de réduction du fardeau fiscal dont l'objet sera d'augmenter le revenu net des familles, et de permettre aux entreprises canadiennes d'être encore plus concurrentielles dans l'économie du savoir mondialisée.
Cependant, les baisses d'impôt ne sont qu'une partie de l'équation. Une stratégie économique globale et équilibrée nécessite des investissements publics et privés dans l'avenir de nos enfants, dans l'acquisition du savoir, dans la créativité et l'innovation, dans la santé et dans l'environnement. Il faut aussi se réserver une marge de manoeuvre pour faire face à des situations d'urgence comme les problèmes actuels des agriculteurs dans l'ouest du Canada.
Contrairement au Parti réformiste, le gouvernement aide les agriculteurs au moyen de programmes, ce que réprouve le Parti réformiste. J'espère qu'on en prendra note.
Notre gouvernement s'est engagé au début de ce mandat à consacrer la moitié de tout excédent à réduire l'impôt et la dette et l'autre moitié à des investissements de nature économique et sociale qui rehausseront notre qualité de vie à long terme.
Un consensus grandissant confirme que c'est la bonne approche, que cette approche équilibrée est conforme à la manière canadienne de faire les choses. Au mois d'août, à Québec, les premiers ministres conservateurs de la région de l'Atlantique et de l'Ouest ont abondé dans le même sens. Les gouvernements néo-démocrates étaient présents, Mike Harris et Lucien Bouchard aussi. Quant au Premier ministre Harris, il s'est inspiré du livre rouge. Il y a vu du vrai bon sens, et c'est pourquoi il s'est rallié. Je ne lui fais aucun reproche. Je le félicite. Il ne peut pas faire autrement que d'aimer le livre rouge.
La stratégie globale par laquelle nous entendons faire du Canada un pays de prédilection au XXIe siècle met l'accent sur les enfants, le savoir, la jeunesse, la santé et l'environnement.
Il faut commencer par les enfants du Canada. Si nous voulons assurer le meilleur avenir possible à notre pays, nous devons donner à tous nos enfants le meilleur départ possible dans la vie.
Notre plan pour les deux à cinq prochaines années englobe, premièrement, un congé de maternité et un congé parental enrichis. Deuxièmement, un accord fédéral-provincial sur le soutien à l'épanouissement des jeunes enfants. Troisièmement, l'augmentation du revenu net d'impôt des familles. Quatrièmement, un milieu de travail qui tienne davantage compte des besoins des familles. Cinquièmement, la modernisation du droit de la famille. Sixièmement, la troisième injection majeure de fonds dans la Prestation nationale pour enfants. Septièmement, la promotion de l'apprentissage par le biais d'un Rescol élargi. Un soutien réel aux familles du Canada, à la manière canadienne.
[Français]
J'aimerais décrire plus en détail trois aspects de notre stratégie.
Les études scientifiques ont amplement démontré que les années de la petite enfance sont la clé d'un développement sain à long terme. Rien n'est plus important que de pouvoir passer le plus de temps possible avec son nouveau-né durant la période critique que sont les premiers mois après la naissance.
Par conséquent, je suis fier d'annoncer aujourd'hui que le gouvernement présentera, au cours des prochains mois, un projet de loi visant à prolonger les prestations de maternité et les prestations parentales dans le cadre du régime d'assurance-emploi. Le congé maximum passera de six mois à une année complète.
Les modalités du programme seront assouplies pour mieux répondre aux besoins différents des familles. De plus, les prestations seront plus accessibles, de sorte qu'un plus grand nombre de parents pourront en bénéficier. Ces changements entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier de l'an 2001.
En partenariat avec les provinces, nous avons commencé à mettre en place le Programme d'action national pour les enfants, afin d'améliorer le soutien aux familles et aux enfants.
Je crois qu'il faudrait accélérer ce travail.
Les premiers ministres des provinces sont du même avis et en ont discuté l'été dernier. Il nous faut passer le plus vite possible de la parole aux actes.
Aujourd'hui, je lance un défi à l'ensemble des gouvernements: celui de mettre en place, d'ici décembre 2000, une entente conforme à l'entente-cadre sur l'union sociale afin d'accroître les services de soutien communautaire à l'épanouissement des jeunes enfants. Cette entente porterait sur les principes et les objectifs, sur l'évaluation des résultats, et sur les comptes à rendre aux Canadiens.
Elle serait assortie d'un calendrier de cinq ans qui verrait le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux augmenter le financement des programmes dans ce domaine en vue d'atteindre nos objectifs communs.
Nous avons démontré, depuis trois ans, que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent travailler ensemble pour aider les familles qui ont des enfants. La Prestation nationale pour enfants est un exemple remarquable de collaboration fédérale-provinciale.
Nous devons maintenant continuer de nous rapprocher de notre objectif et faire en sorte que les parents n'aient plus à choisir entre un emploi et une assistance pour leurs enfants. Trop souvent, on a vu des gens refuser des emplois parce qu'ils risquaient de perdre l'aide du gouvernement. Avec le système que nous avons mis en place avec les gouvernements provinciaux, les gens ont une incitation à continuer de travailler, parce qu'ils ne sont pas pénalisés s'ils travaillent, comme cela était le cas autrefois.
Nous effectuerons aussi—et cela est très important—notre troisième investissement majeur dans la Prestation nationale pour enfants destinée aux familles à faible revenu qui ont des enfants, et ce, d'ici le 1er juillet 2001.
De plus, nous demanderons aux provinces, qui ont toutes réclamé une telle contribution fédérale supplémentaire, de la compléter par des investissements accrus de leur part dans le développement de la petite enfance.
Il y a longtemps, les Canadiens et leurs gouvernements—les gouvernements libéraux, soit dit en passant, de mes prédécesseurs, MM. Pearson et Trudeau—se sont engagés à poursuivre un objectif audacieux et admirable.
Il ne fallait pas, dans un pays aussi prospère que le nôtre, qu'une personne âgée soit privée de la sécurité d'un revenu et de la dignité qu'il procure.
Nous n'avons pas édifié notre régime de sécurité de la vieillesse et de pensions publiques du jour au lendemain. Mais nous avons concentré nos efforts et, de façon générale, nous avons réussi.
Je vous propose aujourd'hui de prendre un autre engagement ambitieux. Cette fois, engageons-nous à prendre les mesures nécessaires comme pays—c'est-à-dire tous les gouvernements en partenariat avec les collectivités et le secteur bénévole—pour donner à tous les enfants du Canada le meilleur départ possible dans la vie.
[Traduction]
Dans quel monde vont vivre ces enfants? Nous pouvons déjà en percevoir les contours. Nous voyons également ce qu'il leur faudra pour réussir. Nous entrons dans un nouveau siècle à une époque de changements d'une ampleur et d'une rapidité sans précédent.
C'est un Canadien, Marshall McLuhan, qui a créé l'expression «village planétaire». Nos chercheurs ne se font plus concurrence entre eux; ils sont en compétition avec le monde entier. Nos entreprises n'affrontent plus une concurrence locale, mais internationale. La mondialisation et la technologie sont la nouvelle donne du marché. Et les implications de ces phénomènes au plan de la politique publique sont énormes.
Pour tirer le meilleur parti de la nouvelle économie axée sur le savoir, il faut se donner une stratégie globale et ambitieuse. Nous avons commencé il y a six ans.
Nous voulons que le Canada soit perçu dans le monde entier comme le pays rêvé, le pays aux possibilités immenses.
Si nous fixons les bons objectifs, si nous ciblons bien nos investissements, si nous créons les bons partenariats et si nous travaillons ensemble comme pays, alors, les meilleurs cerveaux, non seulement nous les garderons au Canada, mais nous attirerons chez nous ceux du monde entier et nous en formerons un plus grand nombre au Canada.
Les industries du savoir qui créeront les emplois de l'avenir doivent avoir accès sur place à une diversité de talents.
Il est beaucoup plus facile d'y arriver dans un grand pays comme les États-Unis que dans un pays relativement petit comme le Canada. Si nous voulons attirer les investissements dont le Canada a besoin, nous devons tenter d'obtenir une telle masse critique. Or, pour y parvenir, il faudra que les gouvernements, les universités, les établissements de recherche et le secteur privé collaborent.
Aujourd'hui, le défi qui se pose au Canada est de créer un climat prometteur pour nos étudiants du cycle supérieur et pour nos diplômés, d'offrir des occasions intéressantes aux chercheurs canadiens et d'attirer les meilleurs chercheurs du monde de l'enseignement dans nos universités, et cela à une époque où la concurrence mondiale à cet égard est plus vive que jamais, en particulier aux États-Unis, où les universités bénéficient à la fois de dotations permanentes et d'une générosité de la part des fondations privées qui ne peuvent se comparer au financement de nos universités.
Au fil des ans, par l'entremise du Conseil de recherches médicales, du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le gouvernement du Canada a été de loin la plus importante source de fonds pour la recherche universitaire au pays.
Ces dernières années, ces conseils ont contribué à la poursuite de l'excellence en fondant et en finançant des centaines de chaires de recherche dans nos universités. Maintenant, ils vont poursuivre avec audace dans la voie qu'ils ont tracée.
Les chefs des conseils et de la Fondation canadienne pour l'innovation, en collaboration avec des présidents d'université, en particulier le recteur de l'Université de Montréal, Robert Lacroix, et la présidente de l'Université de la Colombie-Britannique, Martha Piper, ont soumis au gouvernement une proposition exaltante et ambitieuse.
Ils veulent favoriser le développement des partenariats existants entre nos universités, les conseils subventionnaires et la Fondation canadienne pour l'innovation, imposer dans le monde entier l'image du Canada comme lieu privilégié de la création du savoir à l'aube du XXIe siècle et permettre aux universités canadiennes d'offrir des possibilités de recherche exceptionnelles aux meilleurs cerveaux du Canada.
Ils veulent faire du Canada un pôle d'attraction pour les étudiants et les diplômés canadiens, pour les «étoiles mondiales de la recherche» à l'heure actuelle, ainsi que les «étoiles montantes», pour certains des meilleurs cerveaux du monde entier. Ils veulent créer un climat propice à l'éclosion des futurs prix Nobel du Canada. C'est un plan qui nous verra importer des cerveaux, et non les exporter.
Ils ont proposé un plan visant à établir au cours des trois prochaines années 1 200 nouvelles chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle dans les universités de toutes les régions du Canada.
Ils veulent assurer à chacune de ces nouvelles chaires un financement suffisant du coût total de la recherche pour les rendre compétitives sur la scène internationale et porter le plus rapidement possible le nombre des nouvelles chaires d'excellence en recherche à 2 000 dans tout le pays.
C'est un plan dont je me réjouis et dont nous nous réjouissons tous de ce côté-ci de la Chambre. Un plan fondé sur l'excellence et la compétitivité internationale auquel notre gouvernement souscrit avec enthousiasme. Nous fournirons les fonds nécessaires aux conseils subventionnaires et à la Fondation canadienne pour l'innovation. Cet investissement dans nos conseils subventionnaires en faveur de la recherche et de la poursuite de l'excellence fera véritablement du Canada un leader dans l'économie axée sur le savoir et le fera reconnaître comme un pays qui mise vraiment sur l'excellence et qui possède la volonté de réussir. Le pays du XXIe siècle.
Et ce n'est pas tout. Nous déposerons d'ici quelques semaines un projet de loi créant les Instituts canadiens de recherche en santé grâce auxquels le Canada restera à la fine pointe de la recherche dans le domaine de la santé. Nous disposerons d'un réseau national de recherche en santé plus intégré que tout autre ailleurs dans le monde. La poursuite de l'excellence dans la recherche en santé sera assurée. Le Canada pourra conserver ses plus brillants chercheurs et attirer les meilleurs de l'étranger.
La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, la Fondation canadienne pour l'innovation, les chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle et les Instituts canadiens de recherche en santé sont autant d'éléments de la vaste stratégie de notre gouvernement en vue de placer le Canada à l'avant-garde de l'économie axée sur le savoir du XXIe siècle.
[Français]
Brancher les Canadiens—entre eux, avec les écoles et les bibliothèques, avec la culture, avec l'administration publique, avec le commerce et avec le monde—est l'un des principaux moyens de hisser le Canada au rang de grande économie mondiale et de continuer à en faire un pays aux possibilités sans limites.
Nous devons viser à devenir le pays le plus branché au monde et à utiliser ces connexions d'une manière dynamique et originale. Notre objectif est de faire du Canada un chef de file mondial dans l'utilisation ingénieuse de l'électronique dans le domaine des affaires et de stimuler l'expansion du commerce électronique dans tous les secteurs de l'économie.
Aujourd'hui, c'est à tous les secteurs de notre société—privés et publics, gouvernements et entreprises—que je lance le défi de travailler ensemble afin de conquérir une part de 5 p. 100 du commerce électronique mondial pour le Canada d'ici l'an 2003, et de faire des affaires d'une valeur de plus de 200 milliards de dollars par ce moyen.
D'ici l'an 2004, notre objectif consiste à être le gouvernement le plus connecté avec les citoyens par le biais de l'électronique, de sorte que les Canadiens puissent avoir accès à tous les renseignements et services gouvernementaux, en ligne, au moment et à l'endroit de leur choix.
Dans l'avenir, notre réussite dépendra plus que jamais d'une population désireuse d'apprendre, prête à s'adapter, à l'aise avec les nouvelles technologies et l'économie numérique, et capable de maîtriser de nouveaux médias.
Si nous voulons conserver notre avance dans le monde, nous devons veiller à ce que les jeunes Canadiens aient l'occasion d'acquérir une expérience directe dans ces domaines.
D'ici le 31 mars 2001, 6 000 nouveaux sites d'accès communautaires seront créés dans les zones urbaines et rurales du Canada. Grâce à ces sites, l'accès au réseau Internet deviendra abordable pour tous les Canadiens, où qu'ils habitent. Et pour les aider à maîtriser l'usage des nouvelles technologies de l'information, nous recruterons jusqu'à 10 000 jeunes Canadiens qui donneront de la formation aux citoyens de tous les âges.
[Traduction]
Afin de préserver notre qualité de vie et le dynamisme de notre société, il nous faut pouvoir compter sur une nouvelle génération de Canadiens qui possèdent les aptitudes civiques et le leadership nécessaires, qui se comprennent eux-mêmes et comprennent leur pays, et qui ont l'esprit ouvert sur le monde.
Notre gouvernement s'est engagé à conclure un accord avec le secteur bénévole qui posera les bases d'un nouveau partenariat plus efficace au service des Canadiens. Nous travaillerons ensemble à mettre sur pied une initiative nationale sur le bénévolat en prévision de l'Année internationale des volontaires en 2001.
En collaboration avec le secteur bénévole, le gouvernement créera un guichet unique appelé Échanges Canada afin de donner à 100 000 jeunes Canadiens par année la possibilité de découvrir une autre région du Canada que la leur, d'être en contact avec une autre langue et une autre culture.
La conception de projets dans les domaines des arts, du sport amateur, des sciences et du développement communautaire ainsi que la qualité de nos infrastructures de base, comme celle de notre infrastructure du savoir, sont aussi des éléments clés de la compétitivité économique au XXIe siècle.
L'environnement, la qualité de l'air et de l'eau, la santé publique, le tourisme, les transports, les télécommunications et les équipements culturels doivent être bien planifiés en fonction des besoins d'une économie moderne, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Il faudra que les gouvernements fédéral et provinciaux, les municipalités et le secteur privé travaillent en partenariat. Chacun des partenaires devra investir de nouvelles ressources, sur plusieurs années. Par conséquent, nous tenterons de conclure une entente avec nos partenaires provinciaux et municipaux avant la fin de l'an 2000 afin de pouvoir amorcer en 2001, avant, si possible, un programme quinquennal de modernisation des infrastructures nationales du Canada.
Dans la nouvelle économie mondiale, la salubrité de l'environnement et la qualité de vie vont de pair. C'est une question à laquelle notre gouvernement attache une très haute priorité. L'environnement est important pour tous les Canadiens, mais plus particulièrement pour les jeunes. Notre génération sera jugée d'après l'héritage environnemental qu'elle léguera à ses enfants et à ses petits-enfants. La qualité de l'environnement est à la fois un défi local et un défi mondial et, comme tel, exige une action nationale et un partenariat international.
Nous déposerons, au cours de la session parlementaire, un projet de loi visant à assurer la protection des espèces menacées et de leur habitat vital. Nous continuerons de développer le réseau de parcs nationaux. Nous assainirons les sites contaminés afin de protéger la santé des Canadiens.
Le Canada aborde le prochain siècle avec de puissants atouts. À l'ère de la mondialisation, nous formons une société multiculturelle composée de gens originaires de presque tous les pays du monde. Notre pays s'ouvre sur l'Atlantique, le Pacifique et l'Arctique. Nous appartenons au Commonwealth et à la Francophonie. Nous exprimons sur la scène internationale les valeurs cultivées sur notre sol. Nous employons deux langues internationales.
À ce titre, nous sommes bien placés pour promouvoir la sécurité humaine et la diversité culturelle. Nous avons mérité le respect de la communauté des nations. Au cours des six dernières années, nous avons grandement contribué à l'atteinte d'objectifs internationaux communs comme la convention sur les mines terrestres et le Tribunal pénal international. Nous avons joué un rôle actif dans l'ancienne Yougoslavie, en Bosnie et au Kosovo. Nous avons joué un rôle de leadership en Haïti et nous sommes maintenant au Timor oriental.
En cette période de l'après-guerre froide, il devient possible d'axer la politique étrangère non seulement sur les relations entre États, mais aussi sur les besoins des personnes, des besoins qui transcendent les frontières, sur l'aspect humain de la mondialisation, sur la sécurité humaine, sur la diversité culturelle et sur les droits de la personne. Plus les gens vivront en sécurité dans leurs propres pays, plus les Canadiens pourront vivre en sécurité chez eux. Et notre qualité de vie sera meilleure.
Notre objectif est d'agir là où notre action peut être efficace, de faire appel à notre ingéniosité, à la réputation que nous ont méritée nos réalisations internationales et au respect qu'inspire le Canada dans le monde pour faire progresser le dossier de la sécurité humaine et de reconnaître que, dans un monde imparfait, il y aura toujours des choses à améliorer.
Notre pays est comblé. Nous vivons dans une société d'abondance. Nous avons l'obligation de venir en aide aux plus démunis. Nous avons une obligation envers notre prochain. Fidèles en cela aussi à la manière canadienne, nous augmenterons l'aide au développement international.
Une politique étrangère active à travers laquelle nous projetons nos valeurs, doublée d'une économie axée sur le commerce et la promotion vigoureuse des échanges et des investissements, contribuera à bien positionner le Canada pour réussir dans l'économie mondialisée du XXIe siècle.
[Français]
Cet après-midi, j'ai parlé du pays qui fait notre immense fierté, le pays que nous avons si bien façonné au XXe siècle.
Aujourd'hui, j'ai exposé les grandes lignes d'une vaste stratégie qui consiste à faire du Canada un chef de file dans l'économie du savoir, à promouvoir nos intérêts et à projeter nos valeurs dans le monde, une vision pour le Canada du XXIe siècle et un plan pour la concrétiser, une vision du modèle canadien pour un projet de société moderne, le projet d'un pays tourné vers l'avenir.
Il ne s'agit pas de vieilles recettes à des problèmes d'aujourd'hui, mais des idées nouvelles pour tirer parti de nouvelles possibilités. C'est une stratégie destinée à assurer les mêmes possibilités à tous les Canadiens, une stratégie conçue pour permettre aux Canadiens de façonner leur avenir d'une manière bien canadienne.
C'est une stratégie centrée sur l'humain, la croissance, l'excellence, le succès, la qualité de vie, le partage, la dignité et le respect mutuel, la créativité et l'innovation.
[Traduction]
La stratégie réaliste d'un pays réaliste. La stratégie généreuse d'un pays généreux. La stratégie moderne d'un pays moderne. La stratégie ambitieuse d'un pays ambitieux. La stratégie audacieuse d'un pays audacieux. La stratégie d'avenir d'un pays d'avenir, un pays ouvert sur le monde et prêt à donner l'exemple.
Les Canadiens n'ont pas l'habitude de se vanter. Nous n'avons pas tendance à afficher notre patriotisme, ni à manifester bruyamment nos émotions. Au cours d'un siècle—voire d'un millénaire—où tant de sang a été versé pour des différences de religion, de race et de nationalité, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Au lieu de cela, avec une assurance tranquille, nous avons adopté une manière canadienne de vivre ensemble, de régler les différends, de raisonner ensemble, de créer le pays où on vit simplement mieux que partout ailleurs.
J'ai commencé en invoquant la célèbre phrase de sir Wilfrid Laurier au sujet du XXe siècle qui appartiendrait au Canada. Je ne sais pas si le XXIe siècle appartiendra au Canada, mais je sais quelque chose d'encore plus important: le Canada appartient au XXIe siècle, et il fera bon vivre au Canada au XXIe siècle. Le monde entier a vu l'avenir, et c'est le Canada.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le discours du Trône a été présenté depuis plusieurs semaines comme étant l'occasion pour le premier ministre de démontrer une vision du Canada pour le prochain siècle au tournant du millénaire.
Comme vision, c'est plutôt mince. Ce à quoi nous avons eu droit, c'est plutôt à un envahissement par le fédéral des champs de compétence des provinces. Plutôt qu'une vision, nous avons droit à une invasion. Pour le Québec, ce discours du Trône est lourd de significations et de conséquences.
C'est la fin du plan A, si tant est qu'il y ait déjà eu un tel plan. Mauvaise nouvelle, d'ailleurs, pour les fédéralistes québécois. Cette vision d'avenir du premier ministre est celle d'un Canada qui exclut le Québec, qui fait fi de ses préoccupations et de ses revendications traditionnelles.
Le premier ministre a mis en pratique sa fameuse déclaration faite à la veille des dernières élections au Québec: «Le magasin général est fermé». Par ce discours du Trône, le gouvernement fédéral met un point final à tous les engagements pris envers le Québec au lendemain du référendum de 1995.
Il y a aussi un message pour tous les fédéralistes québécois dans ce discours: finis le fédéralisme renouvelé et les revendications traditionnelles du Québec, finie la notion de peuple fondateur, de fédéralisme asymétrique, de statut particulier, de caractère distinct, toutes ces formules qu'on a trouvées pour tenter de renouveler le fédéralisme canadien.
Dorénavant, c'est clair, il y a un pays, un peuple, un gouvernement. Tout le reste n'est qu'administration publique et rien de plus qu'une administration publique. Qu'on pense surtout à la mise en oeuvre de l'union sociale, une entente qui, encore une fois, exclut le Québec. Tous les partis politiques de l'Assemblée nationale ont refusé l'entente sur l'union sociale. M. Dumont et M. Charest ont clairement indiqué qu'eux non plus n'auraient pas signé l'entente sur l'union sociale.
Dans ce discours du Trône, le gouvernement fédéral indique à la fois qu'il a l'intention de travailler en collaboration avec ses partenaires et, d'autre part, qu'il se passera de leur approbation. Qu'en est-il au juste?
À la lecture du discours du Trône, la réponse nous saute aux yeux. Je voudrais citer un extrait de ce discours, à la page 5. On mentionne, et je cite: «une volonté nationale, des stratégies nationales et des partenariats à l'échelle du pays tout entier s'imposent.» Qui s'imposent: voilà le bon mot, voilà qui reflète bien l'esprit de ce discours du Trône.
Comment le gouvernement fédéral fera-t-il pour s'y prendre? Il nous dit qu'il va établir des standards, qu'il déterminera lui-même, tout seul, puisqu'il est omnipotent. On nous parle en fonction de l'entente sur l'union sociale. Que dit cette entente sur l'union sociale? Il y a des discussions, mais s'il n'y a pas d'entente, le gouvernement fédéral—Ottawa knows best—annonce, trois mois à l'avance, qu'il interviendra dans des champs de compétence provinciale où il y a des services directs à la population et que les provinces sont priées d'en prendre note. Voilà ce qu'on appelle à Ottawa des partenariats.
Dans quel domaine va-t-il imposer ses normes et implanter ses programmes? On aurait pu croire que ce serait dans le cadre de la Défense nationale, de la Gendarmerie royale du Canada ou du transport aérien. Ce ne sont pas les problèmes qui manquent dans ces secteurs qui sont de compétence fédérale.
Le gouvernement fédéral aurait pu assurer l'équité salariale dans sa propre fonction publique ou corriger les immenses injustices causées par la réforme de l'assurance-emploi, qui est ni plus ni moins qu'un vol qualifié opéré par le gouvernement sur le dos des plus démunis de la société.
C'est plutôt dans des domaines de compétence provinciale qu'il compte imposer ses normes, par exemple dans le droit de la famille, dans la politique de la famille ou celle de la petite enfance, dans le domaine de la culture, dans celui de la langue, notamment la langue de travail. D'ailleurs, cet après-midi, le premier ministre ne pouvait nier qu'en vertu de l'union sociale et des obstacles injustifiés à la mobilité, il pourrait intervenir sur la question de la Loi 101 au sujet de la langue de travail au Québec. Voilà qui est sérieux. Voilà qui remet en cause un acquis essentiel au Québec.
Il parle d'intervenir également dans le secteur de l'environnement au Québec, comme si le gouvernement fédéral avait rempli les engagements qui sont de sa compétence, comme celui de la pollution atmosphérique.
On nous parle de justice. Le gouvernement annonce qu'il s'emploiera à réformer le droit de la famille. Est-ce que ce gouvernement a l'intention de se mêler du Code civil, la base du droit québécois, qui est de stricte juridiction québécoise, et qui l'était avant même la Constitution de 1867?
À la page 23, il réitère son intention d'imposer une loi répressive contre les jeunes contrevenants, une loi dont personne ne veut au Québec. Il est prêt à sacrifier le futur de centaines de jeunes Québécois pour aller chercher une poignée de votes dans l'Ouest. Cela n'est pas de sa compétence. Il aurait pu agir au niveau du Code criminel et intervenir contre le crime organisé qui est en train de corrompre notre jeunesse, qui corrompt les institutions économiques au Québec et à travers le pays, qui s'attaque aux agriculteurs et qui s'est même attaqué à mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot. Il aurait pu déposer un projet de loi anti-gang.
Il n'y a pas un mot contre les criminels. Quand vient le temps d'aller chercher des votes dans l'Ouest, il n'hésite pas à remettre en question la réhabilitation que le Québec fait auprès de ses jeunes. C'est inacceptable, honteux et pleutre.
On nous parle de famille et de petite enfance. Il veut maintenant s'occuper des familles et des enfants après avoir pourtant sauvagement coupé dans l'assurance-emploi, dans la santé, l'éducation et le soutien au revenu? Il veut imposer, et je le cite en page 7, «des principes, des objectifs et des paramètres financiers communs pour tous les gouvernements».
Ce gouvernement pousse donc l'arrogance jusqu'à spécifier que les provinces—et on sait que le Québec est un chef de file avec ses politiques exemplaires en matière de garderie et de politique à la petite enfance—pourront offrir, dans leurs propres champs de compétence, des services complémentaires. Il veut donc imposer des politiques.
Il faut être arrogant un peu beaucoup pour dire que les provinces auront tout de même le droit, dans leurs champs de compétence, de proposer des politiques complémentaires à celles décidées ici par Ottawa.
Au sujet de la culture, le fédéral ne parle du Québec qu'à une seule reprise. On verra plus tard que c'est pour lui servir une menace. Autrement, rien. Comme si le Québec et la culture québécoise n'existaient pas.
Le gouvernement annonce pourtant toute une série de nouveaux programmes en culture, mais il promet également une approche qu'il appelle «englobante» pour l'unité nationale. On sait ce que cela veut dire: soumettre les institutions et les programmes culturels à la propagande sur l'unité nationale.
On demandera encore, j'imagine, aux éditeurs qui publient des livres et qui reçoivent des subventions du fédéral de mettre la feuille d'érable sur la première page, la dernière page, et, pourquoi pas sur les rideaux de scène, la feuille d'érable apparaissant et disparaissant après le premier acte. C'est complètement fou, mais je sais que cela inspire sûrement la ministre du Patrimoine.
On parle également d'environnement. Pourtant, le bilan de ce gouvernement est désastreux à ce chapitre. Il n'a pas atteint les objectifs, pourtant modestes, qu'il s'était fixés à Kyoto. Il refuse de signer le Protocole sur la biodiversité que 140 pays ont déjà signé. Voilà les compétences du fédéral.
Que fait-il? Eh bien, encore une fois, dans les compétences provinciales, il tentera d'imposer des projets de loi et des programmes sur les espèces menacées et les habitats, deux domaines qui relèvent, encore une fois, des provinces.
Ce gouvernement, d'un bout à l'autre du texte, ignore l'existence du Québec et fait fi des pouvoirs du Québec. C'est une collision frontale qui s'annonce. Plus que la fin du plan A, c'est son enterrement.
Quand je parle de collision frontale, je pense surtout et avant tout au domaine de l'éducation. Bien sûr, nulle part dans ce texte a-t-on utilisé le mot «éducation». Je suis convaincu que le Dictionnaire des synonymes a fortement servi à la rédaction de ce texte. On y parle de savoir, de compétence, d'apprentissage, de formation; mais cela, ce n'est pas de l'éducation, tout le monde le sait. Probablement qu'on réfère à l'agriculture quand on parle de cela; c'est bien connu.
Ottawa annonce donc un plan national en matière de compétence et d'apprentissage pour le XXIe siècle, avec un guichet unique «made in Ottawa, of course». Cela signifie qu'Ottawa annonce, ni plus ni moins, une politique nationale en matière d'éducation—compétence provinciale, s'il en est une—reconnue comme étant exclusive depuis les débuts de ce pays en 1867.
Vision d'avenir, direz-vous? Plutôt un plan d'invasion systématique des champs de compétence provinciale, avec ou sans leur consentement. C'est la fin du plan A, mais c'est également, dans ce cadre, une courte allusion laissant place à ce que sera ou pourra être un plan B, laissant pendre une épée de Damoclès sur le Québec. On parle, bien sûr, du processus référendaire, des règles de clarté.
Sur la question de la règle du 50 p. 100 plus un, qui est la règle démocratique reconnue ici même au Canada, il me semble que cela devrait être clair. Il ne saurait y avoir deux règles, une pour Terre-Neuve, où c'était 50 p. 100 plus un, et où cela a atteint 52 p. 100 et des poussières après deux référendums, et une autre pour le Québec lors d'un troisième référendum, alors que dans les deux premiers, auxquels le fédéral a participé, c'était 50 p. 100 plus un. Drôle de joueur que de vouloir changer les règles en cours de partie.
Au sujet de la clarté de la question référendaire elle-même, voilà une prérogative de l'Assemblée nationale. Je rappelle qu'à la veille du dernier référendum, le premier ministre disait lui-même: «La question est claire. Si vous votez non, vous restez dans le Canada. Si vous votez oui, vous sortez du Canada.» Je soumets que si le premier ministre a compris, tout le monde a compris.
Je conclus sur le plan B—ne sachant pas toutefois si on devrait l'appeler ainsi puisqu'il n'y a définitivement plus de plan A—en disant que la clarté réclamée par le fédéral pour les autres, il devrait commencer par se l'appliquer à lui-même.
Il devra nous dire clairement s'il entend respecter une majorité démocratique et reconnue par les Québécois lors d'un référendum et s'il entend négocier avec le Québec, en vertu de l'obligation qui lui est faite par l'avis de la Cour suprême, les termes de son départ de la fédération.
Je mets au défi le gouvernement de nous dire clairement quelle est la place du Québec dans ce pays qu'on appelle le Canada, dans ce pays où l'on parle, comme on le voit dans le discours du Trône, de la qualité de vie des Canadiens. Au moment où le Canada dispose, aux dires même du premier ministre, des plus importants surplus depuis plusieurs générations, on n'a rien annoncé pour soulager le fardeau fiscal des Canadiens et des Québécois, en particulier pour les familles de la classe moyenne, qui représentent 27 p. 100 de la population mais qui versent 50 p. 100 des sommes d'argent que reçoit le ministère du Revenu. Il y a donc une forte iniquité.
Le discours du Trône aurait dû être l'occasion pour le gouvernement de prendre un engagement solennel en ce sens. Pourtant, nous n'avons eu qu'une vague promesse qu'il y aura peut-être quelque chose dans le prochain budget, sans qu'on l'ait ciblé concrètement. Donc, c'est vague, ce sont des voeux pieux et des énoncés généraux.
On nous avait promis une vision, mais on a des répétitions et surtout pas d'action concrète pour assurer et développer la qualité de vie des citoyens canadiens. On retrouve, tel un leitmotiv, ce thème de la qualité de vie des Canadiens tout au long du discours du Trône, comme s'il suffisait de le répéter pour convaincre les Canadiens et les Québécois qu'ils vivent dans le «plus meilleur pays du monde», comme le dit l'honorable premier ministre.
Parlons-en justement de la qualité de vie des Canadiens. La qualité de vie, c'est d'abord les services directs rendus à la population, principalement au niveau de la santé et de l'éducation. Ajoutons à cela le soutien au revenu. À cet égard, ce sont les provinces qui rendent ces services à la population. Voilà cette contradiction dans ce pays qu'est le Canada où, d'un côté, ceux qui rendent des services directs à la population n'ont pas les moyens de le faire et, de l'autre, celui qui ne rend pas ces services directs a tout l'argent dans ses poches. Il y a une contradiction.
On devrait s'attendre à ce que le gouvernement fédéral rétablisse les paiements de transfert aux provinces, lui qui aura coupé 33 milliards de dollars entre 1993 et l'an 2004. Ce serait justement pour améliorer les services de santé et d'éducation. Pourtant, c'est le silence le plus complet. Pas un mot à ce sujet dans le discours du Trône, sinon pour revenir à cette vieille habitude libérale, à savoir que dès qu'on a de l'argent, on décide de s'ingérer dans les champs de compétence provinciale. On nous promet maintenant une assurance-médicaments, qui pourtant existe déjà au Québec, des soins à domicile, de l'aide aux familles et à la petite enfance, plutôt que remettre l'argent à ceux qui dispensent les services directs afin qu'ils puissent faire face à leurs responsabilités.
Dans les faits, le gouvernement fédéral récolte trop de revenus par rapport à ses propres compétences. Ce sont les provinces qui assument les programmes où les coûts explosent en raison surtout du vieillissement de la population, alors que le fédéral, lui, n'assume pas ces services directs à la population.
Il y a plus qu'un déséquilibre, il y a une injustice profonde, un dysfonctionnement majeur du système fédéral. Ce déséquilibre incite le gouvernement fédéral à créer de nouveaux programmes qui politiquement lui assurent une plus grande visibilité. C'est là tout le fond de la question.
Pour les libéraux, le gouvernement fédéral c'est le gouvernement des ligues majeures. Les provinces ne sont que des partenaires juniors qu'on consulte que si cela nous plaît et à qui on impose nos volontés avec l'argent qu'on a pris dans les poches des citoyens de ces mêmes provinces et souvent dans les budgets qu'il devait verser à ces mêmes provinces.
Le gouvernement fédéral ne propose rien pour corriger les défaillances majeures à l'assurance-emploi, comme j'en parlais tantôt. Une proportion de 60 p. 100 de ceux et celles qui paient des cotisations n'ont pas droit aux prestations lorsqu'ils sont en chômage. C'est du vol qualifié. Un agent d'assurance agissant comme le premier ministre et la ministre du Développement des ressources humaines serait traduit en justice et risquerait la prison. C'est de la fraude ni plus ni moins.
On s'attendait à des baisses d'impôt pour les familles à revenus moyens. Encore une fois, il n'y a rien. Il n'y a rien sur le rétablissement des paiements de transfert. On parle des enfants pauvres et certains versent des larmes sur leur sort. Pourrait-on se rendre compte que depuis que ce gouvernement est là il y a beaucoup plus d'enfants pauvres qu'il n'y en avait auparavant? Est-ce qu'on va comprendre enfin que s'il y a des enfants pauvres, c'est peut-être parce qu'il y a des parents pauvres? Que ce sont les politiques de ce gouvernement qui font en sorte qu'il y a des parents pauvres et que, par conséquent, il y a des enfants pauvres? C'est facile à comprendre me semble-t-il. Ce serait peut-être faire preuve de moins de visibilité mais de plus de responsabilité.
Parlons des problèmes immédiats qui concernent le gouvernement, dont le transport aérien. Actuellement, il y a entre 5 000 et 10 000 emplois en jeu, particulièrement au Québec.
Est-ce que c'est le petit «copinage» entre certains membres du gouvernement et les principaux acteurs dans ce dossier qui empêche le gouvernement d'en parler? Au dire même du ministre des Transports, cet après-midi: «C'est une question fort importante, très importante, disait-il, trop importante pour être dans le discours du Trône.» J'imagine qu'il s'est inspiré de Kim Campbell qui ne voulait pas parler des questions importantes pendant la campagne électorale en 1993. C'est trop important pour qu'on en parle. Il vaut mieux faire cela derrière des portes closes lors de soupers de financement.
Il n'y a rien sur la construction navale non plus. Pourtant, le Bloc québécois avait soumis des propositions, appuyé en cela par les trois autres partis d'opposition, pour se doter d'une politique sérieuse et rigoureuse de construction navale. Ce pays, que l'on vante à tout bout de champ, de l'autre côté, d'être d'un océan à un océan à un océan—les trois océans—n'a pas de politique maritime. Ils n'ont pas une grande imagination.
Tous les premiers ministres réunis à Québec en août dernier ont appuyé la politique maritime que nous avons proposée. Pourtant, on ne mentionne strictement rien dans ce discours du Trône.
Et que penser du sort des autochtones et de la question des pêches? C'est un fouillis dans les deux cas, et là, les deux fouillis se rencontrent. Il y a une crise majeure, et quand on relit ce discours d'un bout à l'autre, on ne retrouve rien sur ce problème.
Je pense à la mobilité—parce qu'on nous parle de mobilité des citoyens, des étudiants—et du fait qu'il faille éliminer les obstacles injustifiés à cette mobilité. On posait la question au premier ministre cet après-midi: est-ce que cela signifie que le fédéral pourrait—puisque «Ottawa knows best»—intervenir dans des contentieux tel celui portant sur la construction entre l'Ontario et le Québec? Il a laissé la porte ouverte. Doit-on s'attendre à une intervention du fédéral avec ses gros sabots dans ce domaine?
Doit-on s'attendre également à une intervention sur la question des prêts et bourses? On a dit: «Il faudrait que tous les gens qui étudient à Vancouver s'amènent à Montréal, et tous ceux de Montréal à Vancouver, et swigne la compagnie!» Ce n'est pas très sérieux.
Pour ce qui est de la langue de travail, est-ce que la Loi 101 est un obstacle à la mobilité? Il faudrait le savoir, mais on ne nous a pas répondu. C'est désolant. Je savais que les ambassadeurs avaient leur petit catéchisme, mais désormais, le premier ministre et ses ministres pourront porter la bonne parole à travers le pays avec leur propre petit catéchisme. Cela pourrait aller comme suit: Où est Ottawa? Mais Ottawa est partout. Pourquoi Ottawa est-il partout? Parce qu'il a de l'argent. Pourquoi Ottawa a-t-il de l'argent? Parce qu'il a coupé partout. Que fait Ottawa avec son argent? Il fait de bien bonnes choses, et de nouveaux programmes partout pour sa visibilité. Cela semble ridicule, mais c'est en plein le discours.
Manifestement, ce gouvernement a trop d'argent pour ses compétences, considère les provinces comme de simples intendants, et nie l'existence de la culture québécoise et du peuple québécois.
Qu'on modifie l'amendement en ajoutant, entre les mots «pouvoirs» et «et par conséquent», ce qui suit:
«, plus particulièrement en ignorant l'existence du peuple du Québec; a manqué à ses responsabilités en matière sociale en ne rétablissant pas les paiements de transfert pour les programmes sociaux relatifs à la santé, l'éducation postsecondaire et l'aide sociale, tout en maintenant un régime d'assurance-emploi inéquitable et injuste;»
[Traduction]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'impression que le discours prononcé cet après-midi par le premier ministre est le fait d'un moribond qui se repent sur son lit de mort et que ce repentir est parmi les plus révélateurs qu'il m'ait été donné de voir en 20 années de vie politique.
Après un si grand nombre d'années au cours desquelles le gouvernement libéral n'a eu cesse de tout démolir autour de lui, de revenir sur ses engagements et de provoquer des situations de crise pour nombre de Canadiens et de collectivités canadiennes, les propos tenus par le premier ministre cet après-midi recèlent d'excellentes possibilités latentes, et je le soutiens sans la moindre arrière-pensée. Cela nous rappelle également pourquoi il est dans l'intérêt des Canadiens de compter des néo-démocrates en nombre suffisant au Parlement pour lutter contre la tendance réformiste des initiatives du gouvernement depuis six ans.
Sur cette note très optimiste, je tiens à vous dire que je me réjouis de prendre part au débat de cet après-midi entourant le discours du Trône que nous avons entendu hier.
Le discours du Trône offre aux députés une excellente occasion de parler de leur circonscription. Je vous dirai donc quelques mots au sujet de la circonscription de Halifax, que j'ai l'honneur de représenter au Parlement. Je dois à une partie de cet électorat d'avoir été élue et réélue à cette charge publique depuis près de 20 ans.
Je suis immensément reconnaissante à mes électeurs pour leur témoignage de confiance et l'insigne honneur de les représenter. J'assume cette responsabilité avec le plus grand des sérieux. Je pense qu'il est de mon devoir de gagner et de regagner leur confiance au quotidien, c'est-à-dire à chaque jour où m'est donné le privilège de rester en poste et de servir en tant que représentante des électeurs de Halifax à la Chambre des communes.
Le débat sur le discours du Trône donne aux députés l'occasion de signaler certaines des contributions particulières que leurs commettants ont apportées à leur collectivité et à leur province. Je tiens à dire quelques mots cet après-midi à propos de la tristesse que je ressens, et de la grande tristesse que ressentent sans doute beaucoup de Canadiens, à propos du décès survenu au cours des dix derniers jours de trois Canadiens éminents, des Néo-Écossais qui ont contribué énormément à la vie de ma province.
L'un était le chef de longue date de l'Orchestre symphonique de l'Atlantique et plus récemment de l'Orchestre symphonique de la Nouvelle-Écosse, Georg Tintner. C'est un homme merveilleux qui était arrivé au Canada comme réfugié. Il a créé de la joie et de l'harmonie dans la collectivité au moyen de la musique qu'il y a apportée et d'une merveilleuse philosophie de la vie. Il a vraiment été un animateur qui nous a donné à tous de l'inspiration.
Deuxièmement, j'ai été très attristée d'apprendre hier la mort du révérend Donald Skeir, un chef de file en Nouvelle-Écosse qui a notamment travaillé en faveur des noirs de la province durant plus de 40 ans. C'est un homme que j'ai eu l'honneur de connaître personnellement et dont j'ai pu observer l'immense dévouement à la création de relations raciales harmonieuses et à l'avancement de la situation des noirs de la Nouvelle-Écosse. On le regrettera énormément, mais il aura laissé un grand héritage à tous les Néo-Écossais.
Troisièmement, j'ai été très attristée de lire ce matin dans mon journal que Lee Creemo était décédé lui aussi au cours de la fin de semaine. Les Néo-Écossais qui siègent avec moi à la Chambre des communes le connaissent sûrement: c'est un grand personnage du Cap-Breton, un merveilleux Micmac qui a lui aussi produit une musique dont on se rappellera longtemps. C'est un violoneux, champion au Canada et à l'étranger. On le regrettera énormément. Je tiens à offrir mes condoléances à sa famille et à sa communauté d'Eskasoni.
Je voudrais également prendre quelques instants pour parler de ce qui ont été pour moi plusieurs moments marquants de l'année dernière. Je les garderai longtemps en mémoire parmi les moments les plus inspirants de mes 20 années de vie politique.
Il y a de nombreux événements auxquels nous avons le privilège de participer, en tant que députés, dans nos collectivités d'un bout à l'autre du pays. Cela a été pour moi un privilège inoubliable de pouvoir assister sur place, le 1er avril 1999, à la naissance du dernier membre de la famille canadienne, le territoire du Nunavut. J'étais accompagnée de mon collègue de Churchill River, qui a de nombreux amis et connaissances de longue date; j'ai d'ailleurs eu le plaisir d'en rencontrer un certain nombre lors de ma visite au Nunavut à cette occasion.
Je dirais que c'est l'un des événements les plus heureux et les plus prometteurs de l'année écoulée. Il témoigne des nombreuses années de patience, de combat et de persévérance des Inuit du Canada, qui se sont attachés à réaliser un rêve visant non seulement à conduire à une réconciliation après des siècles, soit 400 ans d'exploitation et de souffrance, mais également à servir de modèle de ce qu'on peut accomplir en unissant ses efforts en vue de réaliser un rêve commun. Cela a en effet été pour moi un privilège de pouvoir assister à cet événement extraordinaire.
J'aimerais parler d'un événement qui a eu lieu dans ma circonscription de Halifax lors de la Fête du Canada, soit l'ouverture officielle du quai 21. De nombreux députés et des millions de Canadiens connaissent le quai 21 comme le point d'entrée au Canada de plus d'un million d'immigrants—dont un grand nombre de réfugiés—entre 1921 et 1973. Le député de Sackville«Eastern Shore est issu d'une de ces familles d'immigrants qui sont arrivées au Canada par le quai 21.
Cette journée a été une célébration formidable de la contribution des Canadiens immigrants à la société canadienne, non seulement durant cette période de 52 années au cours de laquelle de nombreux immigrants et réfugiés sont arrivés par le port de Halifax, mais également de la contribution passée, présente et future des millions d'immigrants et de réfugiés qui sont venus au Canada tout au long de notre histoire.
Le quai 21 est un très important monument vivant à la mémoire de ces immigrants et de leur apport. La célébration constituait un rappel très opportun de cette importante page de l'histoire des immigrants et de cette réalité au Canada, à un moment où l'arrivée de réfugiés d'origine chinoise sur nos côtes, au cours des derniers mois, a suscité des sentiments très négatifs et des craintes. Nous avons été témoins d'une réaction peu favorable et dénuée de compassion devant le sort d'un grand nombre de ces personnes, dans certains cas, de jeunes enfants qui ont été exploités par un élément criminel pour des motifs d'exaction. Nous devons éviter de nous laisser influencer par les tactiques alarmistes qui ont été employées à l'endroit de bon nombre de ces gens très exploités et désespérés.
Enfin, je désire parler d'un événement plus récent, l'installation, le 7 octobre 1999, de la toute nouvelle Gouverneure générale du Canada. Pour être honnête, j'ai assisté à cet événement sans grandes attentes. J'y ai assisté parce qu'un député se doit d'être présent à une cérémonie de ce genre. Mais je profite de cette occasion pour dire que j'ai trouvé que cet événement a été une énorme source d'inspiration. À mon avis, le discours prononcé par la toute nouvelle Gouverneure générale du Canada à cette occasion a été un moment exceptionnel pour le Canada.
On se souviendra longtemps de la vision qu'a présentée la nouvelle Gouverneure générale du Canada. Nous aurions tous intérêt à nous rappeler le message très puissant qu'elle a livré au sujet des deux genres de sociétés qui existent dans ce monde, des sociétés qui pardonnent et des sociétés qui punissent. Elle a insisté pour que le Canada s'efforce de toujours demeurer une société qui pardonne, dans tous les sens du terme.
Cela m'a rappelé une image semblable que j'ai toujours gardée à l'esprit et que Stanley Knowles avait l'habitude d'évoquer lorsqu'il disait qu'on peut accomplir beaucoup plus en ayant la main tendue qu'en ayant les poings serrés. À mon avis, il s'agit ici en fait de la même notion. Il arrive parfois que nous ne nous inspirions pas assez de ces images positives lorsque nous tentons de surmonter les grands défis auxquels nous nous heurtons dans la vie politique d'aujourd'hui.
J'ai trouvé qu'il était un peu ironique, tristement ironique en un sens, mais aussi décevant et révélateur qu'une femme entrée au Canada à titre de réfugiée, qui n'a jamais occupé la moindre charge politique au Canada et qui, à ma connaissance, n'a jamais cherché à obtenir une charge politique, soit néanmoins capable de faire valoir, dans son discours aux Canadiens la semaine dernière, une vision plus convaincante de l'avenir du Canada, une appréciation plus profonde de l'histoire et de la culture du pays et, en réalité, une meilleure compréhension des difficultés auxquelles nous faisons face au Canada aujourd'hui qu'ont pu le faire le premier ministre actuel, qui occupe une charge politique depuis plus de 30 ans, et le gouvernement libéral qui, d'après mes calculs, a été en place au Canada pendant 63 ans au cours de ce siècle.
On peut s'interroger sur le gouvernement actuel et sur le manque de leadership qu'il manifeste depuis six ans, ou depuis son élection en 1993. La première fois que je suis intervenue au cours de l'adresse en réponse au discours du Trône en 1997, j'ai cité un de mes passages favoris d'un des auteurs que je préfère et qui est aussi une comédienne accomplie, Anne-Marie Macdonald, que l'on connaît peut-être mieux pour son roman épique Fall on Your Knees. Comme c'est une excellente référence littéraire, je me permets de citer de nouveau ce bref passage qui en vaut la peine:
Il n'y a rien qui soit aussi bénéfique pour la lucidité des idées que la vue de la mer par temps clair. Cela aère l'esprit, calme les nerfs et purge l'âme.
Quand on vient des Maritimes, un renvoi à l'océan, au bord de mer ou à notre patrimoine maritime est toujours très positif, surtout quand on vient d'une circonscription où le mode de vie dépend beaucoup de la proximité de l'océan. Il y a la construction navale, la navigation, notre histoire de la marine qui est notamment liée aux industries et, bien sûr, les pêches.
Mais j'ai pensé que le manque de vision du gouvernement et du premier ministre était en partie dû au fait que ce dernier passe beaucoup trop de temps sur les terrains de golf enclavés et pas assez près de la mer où il aurait l'inspiration qui fait tellement défaut à ceux qui occupent une charge publique aujourd'hui.
Néanmoins, le premier ministre a bien fait savoir qu'il entendait rester à la barre. Certains de ses collègues diraient que cela semble être pour toujours. Cela entraîne certes des problèmes et des manoeuvres de coulisses parmi ses collègues. Mais il a bien fait savoir qu'il entendait rester à la barre. Cela commence à avoir des airs de long téléroman, qui n'a rien à envier au feuilleton national permanent qu'offrent les Partis réformiste et conservateur qui n'arrivent pas à déterminer s'ils veulent constituer une alternative divisée ou une alternative unie ou encore prendre trois directions différentes.
[Français]
Le premier ministre veut demeurer à la barre, mais c'est un mauvais capitaine. Il n'a aucune vision et aucune idée de la direction à suivre. Par conséquent, le premier ministre s'en remet aux sondeurs et utilise l'argent des contribuables pour déterminer les destinations pour le Canada du XXIe siècle.
Malheureusement, même avec l'éventail de destinations identifiées par les sondeurs et désirées par les Canadiens, le premier ministre et son équipage libéral sont incapables d'amener les Canadiens à bon port. Et ils l'ont démontré par le passé.
Il y a sept ans, les libéraux ont dit aux Canadiens: «Mettez-nous à la barre et nous établirons le cap», un cap qui devait mener à l'élimination de la TPS. Non seulement nous ne sommes pas arrivés à destination, mais les Canadiens continuent à payer ce droit de passage particulièrement injuste pour les plus démunis.
[Traduction]
En 1993, les libéraux avaient dit que si les Canadiens les mettaient à la barre, ils lanceraient un programme national de garderies. Ils avaient promis de créer des places de garderie, 50 000 places de garderie par année où la croissance économique excéderait 3 p. 100. Dans trois des quatre années qui ont suivi, la croissance économique a atteint ou excédé 3 p. 100 et pourtant, pas une seule place de garderie additionnelle n'a résulté des initiatives du gouvernement fédéral. Il s'ensuit que des centaines de milliers d'enfants et leurs familles sont laissés pour compte lorsqu'il s'agit de l'accès à des garderies sûres et de qualité à prix abordable.
On nous avait promis pour bientôt les soins à domicile de telle sorte que les familles puissent prendre soin de leurs êtres chers. On nous avait promis l'assurance-médicaments pour bientôt de telle sorte que les familles sans assurance-médicaments privée puissent absorber le coût gonflé des médicaments d'ordonnance. Ce navire-là n'a même pas encore pris la mer. Pas étonnant que les Canadiens ne croient pas que les libéraux tiendront les promesses qu'ils ont faites dans le Discours du trône.
Les libéraux prétendent s'inquiéter pour nos enfants. Ils parlent dans le Discours du trône de l'importance des premières années de la vie dans le bien-être d'un enfant. Je dois dire que nous accueillons favorablement l'annonce que le premier ministre a faite cet après-midi de l'extension du congé parental et des prestations de maternité. Je félicite mes collègues, les députés de Bras d'Or—Cap-Breton et Acadie—Bathurst, d'avoir obtenu de haute lutte cet engagement du gouvernement.
La question est de savoir ce que le gouvernement a vraiment fait pour les enfants qui vivent dans la misère au Canada. Près d'un million d'enfants vivaient déjà dans la pauvreté lorsque le premier ministre est entré en fonctions. Qu'a fait le gouvernement? Il a fait que 500 000 enfants de plus sont devenus pauvres au Canada. Quand le gouvernement libéral a-t-il décidé que 1,5 million d'enfants pauvres ne comptent pas au Canada?
[Français]
À la lecture du discours du Trône, il est clair que le gouvernement libéral n'a pas l'intention d'agir pour aider nos jeunes à s'offrir l'éducation supérieure dont ils ont besoin.
Le laisser-faire des libéraux, cela veut dire plus de dettes pour nos jeunes et plus de profits pour les banques qui financent leurs études.
L'an dernier, la dette moyenne d'un diplômé atteignait 25 000 $. Pourtant, le discours du Trône ne parle pas de réduire l'endettement étudiant ou de réduire les frais de scolarité pour faciliter l'accès à l'éducation.
Est-ce que les jeunes ne comptent pas pour le gouvernement?
[Traduction]
Le gouvernement prétend vouloir aider les Canadiens à prospérer dans le cadre d'une économie dynamique et pourtant le discours du Trône ne dit pas un seul mot au sujet de la pire crise du revenu agricole, de la crise agricole la plus grave qu'ait connue le pays depuis la dépression. Quand donc le gouvernement a-t-il décidé que les enfants d'agriculteurs et les collectivités agricoles ne comptaient plus?
Le discours du Trône ne dit rien au sujet du bouleversement des familles et des collectivités du Cap Breton menacées par la fermeture des mines de charbon ou préoccupées par un avenir incertain dans le secteur de la sidérurgie. Quand donc le gouvernement a-t-il décidé que les familles de ces collectivités ne comptaient plus?
Le gouvernement prétend s'intéresser à l'infrastructure du pays et pourtant l'avenir de notre secteur du transport aérien est des plus incertain. Le gouvernement a décidé d'abandonner tout leadership et de laisser entièrement aux actionnaires le soin de déterminer l'avenir de notre industrie du transport aérien; il n'a rien fait pour rassembler les autres intervenants dans ce secteur, par exemple les voyageurs, les employés, les gens des petites collectivités éloignées qui veulent avoir l'assurance d'un service continu.
Le Président: Il ne vous reste que quelques minutes et je crois pouvoir vous accorder un peu plus de temps. Nous passerons aux questions et observations. Une députée m'a demandé la permission de poser une question alors je vais lui donner la parole. Elle vous posera une question.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question au chef de mon parti, la députée de Halifax, au sujet de la terrible situation financière de tant de familles et de collectivités au pays. J'aimerais qu'elle nous dise ce qu'elle a vu dans le discours du Trône qui se rapporte à ces difficultés et ce qu'elle entrevoit comme solutions possibles.
Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, nous avons déjà entendu parler de certaines familles canadiennes qui ont été complètement oubliées par le gouvernement. Permettez-moi de parler du manque flagrant de leadership dont le gouvernement a fait preuve à l'égard de ceux qui n'ont pas de famille avec laquelle partager un foyer et vivre, c'est-à-dire les sans-abri.
Nous avons vu le gouvernement se soustraire entièrement à ses responsabilités par rapport à la mise en place d'une stratégie nationale en matière de logement, le Canada étant le seul pays industrialisé à ne pas avoir de telle stratégie. Quand le gouvernement a-t-il décidé que les sans-abri ne comptaient pas?
Le gouvernement prétend se soucier des familles autochtones, mais les libéraux ont rejeté bon nombre des plus importantes recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Selon un des plus grands principes énoncés dans les recommandations de la commission, les droits issus des traités devraient être négociés et ne devraient pas donner lieu à des contestations devant les tribunaux. Toutefois, à cause du manque de leadership du gouvernement, de nombreux autochtones ont fait appel aux tribunaux pour obtenir justice et faire reconnaître leurs droits. Il s'ensuit de nombreuses tensions parce que le gouvernement n'est absolument pas disposé à faire preuve de leadership en acceptant l'inéluctable et en se penchant enfin sur les droits issus des traités, droits depuis trop longtemps négligés.
Plus tard, ce soir, nous tiendrons un débat exploratoire sur certaines tensions qui existent dans le secteur des pêches. Encore une fois, il convient de rappeler que c'est la Union of Nova Scotia Indians qui a pris l'initiative il y a environ six mois, le 29 avril, devant l'incapacité du gouvernement fédéral d'examiner les tensions susceptibles de découler d'une décision favorable de la Cour suprême dans l'affaire Marshall. Nous devons maintenant réparer les torts causés par suite d'un manque de leadership.
Il existe une foule d'autres domaines où le gouvernement n'a pas rempli sa responsabilité de leader. Le gouvernement prétend, subitement, qu'il se soucie de l'environnement et que, Dieu merci, cette question figure de nouveau à son programme. Toutefois, je dois dire qu'il est très difficile pour les Canadiens de croire qu'il remplira ses nouveaux engagements alors qu'il n'a rien fait pour interdire l'exportation de l'une de nos plus précieuses ressources, l'eau.
Il n'a rien fait pour répondre aux préoccupations des localités ontariennes qui se sont opposées à l'importation de combustible MOX, avec tout ce que cela comporte, à court et à long termes, comme dangers pour l'environnement.
Comme le gouvernement a retranché de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ses plus importantes dispositions et améliorations, les Canadiens se demandent s'ils peuvent lui faire confiance quand il dit vouloir faire une priorité de l'environnement.
Avant de terminer, je voudrais faire une autre brève observation, et cela concerne l'absence complète dans le discours du Trône de tout engagement envers une vraie réforme électorale ou parlementaire. Le gouvernement sait et comprend à quel point il est grave dans une démocratie que bien des gens estiment que leur voix ne compte pas et qu'ils ne peuvent pas se faire entendre au Parlement. C'est un privilège que de vivre dans un pays démocratique. Or, nous savons que la politique est la pierre angulaire d'une société libre et démocratique.
Le Nouveau Parti démocratique croit absolument dans l'importance de moderniser notre processus électoral et nos institutions démocratiques de sorte à veiller à ce qu'elles demeurent adaptées, efficaces et responsables. Le gouvernement libéral a fait plusieurs promesses dans son discours du Trône, mais on peut pardonner aux Canadiens de ne pas faire confiance aux libéraux pour tenir ces promesses vu qu'il n'en ont guère tenu.
Mes collègues et moi saisirons chaque occasion que nous aurons à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement pour donner suite aux préoccupations des Canadiens ordinaires, pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il réponde aux préoccupations des travailleurs de ce pays car nous croyons que le gouvernement devrait jouer un rôle attentif, positif et proactif.
Nous croyons dans une vision du Canada du XXIe siècle qui inclut la notion de leadership politique et ce, non pas seulement de la part du gouvernement fédéral mais de celle de tous les paliers de gouvernement, qui travailleraient efficacement, en partenariat avec le secteur privé, le secteur coopératif et à but non lucratif, les représentants syndicaux et les producteurs primaires, à une chose d'une plus grande dimension. C'est le legs de mon parti au Canada. C'est ce qui a poussé chacun de mes collègues à se faire élire et à représenter nos électeurs et nos communautés en tant que néo-démocrates.
C'est ce qui inspirera chaque geste que nous poserons en faveur de nos électeurs. Comme l'a dit une fois Tommy Douglas: «Il n'est jamais trop tard pour bâtir un monde meilleur.» Alors que nous entrons dans le XXIe siècle, mettons-nous à la tâche et travaillons ensemble au nom de tous les électeurs à la construction d'un Canada et d'un monde meilleurs.
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les commentaires que le chef du Nouveau Parti démocratique avait à formuler en réponse au discours du Trône. J'aimerais lui poser une brève question à ce sujet. Nous l'avons entendue parler des programmes que le gouvernement fédéral songe à entreprendre et des dépenses que cela pourrait engager. Nous l'avons également entendue parler des programmes que son parti aimerait voir s'ajouter à cette liste.
Jusqu'à quel niveau Madame le chef du Nouveau Parti démocratique aimerait-elle que nous haussions les impôts des Canadiens?
Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, c'est là à mon avis une question tout à fait inutile qui provoque beaucoup de cynisme face à la politique chez bon nombre de Canadiens qui se désolent de ce qui se passe actuellement au Parlement.
J'aimerais dire très clairement que nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral, comme tout autre gouvernement d'ailleurs, se doit d'agir d'une façon responsable sur le plan financier. Il est très difficile, pour la grande majorité des Canadiens, de comprendre comment le parti de ce député peut dire d'un côté qu'il est prêt à s'engager à réinvestir dans les soins de santé et à soulager avec les deniers publics la crise agricole à laquelle bon nombre de familles et de communautés font face, alors que de l'autre côté, ce même parti parle de réductions générales des impôts qui remettraient des millions et des millions de dollars aux riches de notre pays, en n'accordant rien ou à peu près rien à ceux qui ont le plus besoin d'aide.
C'est exactement ce que fait le parti réformiste. C'est la raison pour laquelle nous sommes très heureux d'avoir la représentation suffisante pour être en mesure de prendre position et non seulement de nous opposer au programme du Parti réformiste, mais de commencer enfin à forcer le Parti libéral à adopter face à certaines de ces questions une attitude plus responsable que la domination qu'il a exercée au cours des six dernières années.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je vais commencer sur un ton élogieux. J'offre mes félicitations à tous les orateurs qui m'ont précédé ainsi qu'à leurs chefs. Je tiens également à féliciter, au nom de mon parti, le nouveau gouverneur général, Mme Adrienne Clarkson, et à assurer son prédécesseur, M. LeBlanc, de nos voeux les plus sincères. Des félicitations sont également de mise en ce qui concerne le discours du Trône, dans lequel le gouvernement annonce en termes vagues et généraux son intention de se tourner vers l'avenir.
Il faut louer le gouvernement libéral pour avoir enfin reconnu l'existence de l'économie moderne, pour avoir pris conscience de l'arrivée du siècle prochain, et pour avoir pris le temps dans le discours du Trône de dire aux Canadiens que les technologies nouvelles allaient jouer un rôle de plus en plus grand dans nos vies. Il s'agit-là d'un énoncé profond de l'évidence même, qui marque toutefois un tournant dans une approche qui consistait simplement à suivre les politiques du gouvernement conservateur précédent et à recueillir les fruits de ses initiatives visionnaires.
[Français]
Nous sommes à l'aube du XXIe siècle, voilà un fait indéniable. Les libéraux le reconnaissent, c'est encourageant. Il lui aura fallu six ans, mais le gouvernement a fini par prendre le risque de déclarer que le pays est en période de transition et que de nombreux défis se profilent à l'horizon. Pourtant, rien dans le discours du Trône n'aide les Canadiens à comprendre l'orientation que les libéraux veulent donner au Canada. Rien dans le discours du Trône n'assure les Canadiens que le pays prend la bonne direction. Le discours du Trône passe sous silence tous les rouages des affaires gouvernementales.
[Traduction]
Je félicite le gouvernement pour le geste noble qu'il a fait hier envers les Canadiens, geste par lequel il a témoigné de sa confiance suprême dans l'avenir de notre pays et dans la capacité des Canadiens de relever les défis futurs. Malheureusement, c'est un geste vide et creux, qui n'offre ni vision ni leadership. Ce n'est pas un plan détaillé de la direction dans laquelle le gouvernement entend mener le pays. C'est une esquisse au crayon, une ébauche inachevée. Malheureusement, c'est révélateur d'un gouvernement dénué d'idées, aux intentions floues et sans la moindre idée de la façon de faire progresser le pays, un gouvernement qui n'a qu'une vague notion de ce dont l'avenir aura l'air.
Les Canadiens veulent qu'on s'attaque aux problèmes graves, comme l'augmentation du fardeau fiscal, la crise agricole dans l'Ouest, l'immigration ou encore les conséquences d'une OPA hostile qui ne laisserait plus qu'une seule ligne aérienne nationale. Ceux qui auraient voulu que le discours du Trône aborde ces problèmes ont été amèrement déçus.
Il y avait beaucoup de belles expressions dans le discours du Trône, des expressions comme économie du savoir, bâtir une meilleure qualité de vie, technologie et élargir le rôle du Canada dans le monde. Ce sont toutes là des questions importantes sur lesquelles le Parlement devra se pencher, mais au-delà de ses formules accrocheuses proprement dites, il n'y avait rien de neuf et rien qui viennent expliquer le but du gouvernement.
Il est décourageant de constater qu'au cours des derniers mois, le gouvernement fédéral n'ait pas réussi à se préparer en vue de la nouvelle législature, même avec le report de trois semaines de la date d'ouverture. Il n'a pas réussi à satisfaire aux exigences des Canadiens qui réclament un gouvernement responsable et l'adoption d'un nouveau plan dynamique pour les besoins de la présente législature.
Il a aussi négligé de prévoir la décision de la Cour suprême dans l'affaire Marshall ainsi que le vide qu'elle créerait et le chaos qu'elle entraînerait.
Il convient maintenant de citer un philosophe canadien respecté, John Ralston Saul, qui a écrit ce qui suit:
Les instruments modernes de communication deviennent les instruments de la propagande. Et la crainte des conséquences de la non-conformité se répand.
Cette citation est d'une clarté et d'une ironie splendides dans le contexte du discours du Trône d'hier. Quel était le sens des promesses dont nous avons pris connaissance? Était-ce des promesses laconiques comportant peu de détails sur la façon exacte dont elles seraient mises en oeuvre? Cela ressemblait beaucoup à ce que nous avons vu dans des discours du Trône antérieurs du gouvernement. Une grande partie du discours reprenait des idées du Parti progressiste conservateur du Canada ou des idées qui ont depuis longtemps subi le test de la réactivité aux médias, des paroles qui sont belles et qui réchauffent le coeur des gens mais qui ne correspondent pas à grand-chose.
Nul ne saurait nier que nous devons améliorer notre engagement de voir à résoudre les questions liées aux enfants, de renforcer l'économie, d'assurer des soins de santé de qualité et de renforcer nos relations avec les peuples autochtones. Ce sont tous là des points sur lesquels nous pouvons nous entendre, mais où sont les détails? Quand les Canadiens peuvent-ils s'attendre à ce que le gouvernement leur explique sa vision d'une façon qui apporte des réponses au lieu de soulever d'autres questions?
Nous avons beaucoup entendu parler de la notion de diversité mise de l'avant par les Libéraux. Cette expression est revenue de nombreuses fois dans le discours d'hier. Comment le gouvernement peut-il se permettre de parler de respect de la diversité lorsqu'il choisit de provoquer le Québec ainsi que le Canada atlantique, l'Ouest et d'autres régions et lorsqu'il opte de se mettre à dos chacune des régions du pays en proposant des démarches provocatrices et aliénantes en matière de fédéralisme?
Lorsque le gouvernement affirme avec audace qu'il faut respecter la décision de la Cour suprême sur la clarté de la question référendaire, il indique manifestement qu'il cherche à provoquer le Québec. Le plan B des libéraux n'a fait que contrarier le Québec et n'est pas du tout constructif.
Nous devons encourager les Canadiens si nous voulons évoluer en tant que pays fort et uni. Lorsque le gouvernement fait fi du sort des agriculteurs de l'Ouest ou des pêcheurs de l'Atlantique, il montre qu'il respecte la diversité uniquement lorsqu'elle s'inscrit dans le programme des libéraux. Il montre que ce n'est que lorsqu'une véritable crise survient qu'il réagit, et même là, sa réaction est lente et maladroite.
Il est réconfortant de savoir que le gouvernement a enfin admis qu'il fallait accorder la priorité aux questions environnementales, six ans trop tard, ajouterai-je. Et là encore, les libéraux n'ont rien fait d'autre que d'affirmer et de réaffirmer l'engagement du Canada envers les protocoles de Kyoto et la réduction des gaz à effet de serre.
Le gouvernement parle d'un programme pour les enfants, mais il n'a pris aucune mesure sérieuse pour protéger l'environnement dans lequel nos enfants vivront. Heureusement, certaines industries ont multiplié leurs efforts et ont pris des mesures positives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans leurs usines. D'autres n'ont pas été aussi nobles. Le gouvernement doit cesser de parler de la réduction des émissions nocives de gaz à effet de serre et s'appliquer sérieusement à honorer ces engagements.
J'ai parlé du contenu du discours du Trône, mais nous en apprenons davantage au sujet du gouvernement lorsque nous débattons de ce que le document a passé sous silence.
Le discours du Trône a livré le message concernant la nouvelle économie, la technologie de pointe, Internet. Pourtant, le gouvernement a laissé de côté les industries traditionnelles du pays, des industries qui font fonctionner notre économie depuis plus d'un siècle, des industries comme les forêts, la pêche, le pétrole et le gaz, les mines, l'agriculture et la construction navale. Ces industries continuent de jouer un rôle précieux pour que nos collectivités demeurent vivantes, prospères et florissantes. Ces industries traditionnelles ont constitué le gagne-pain des Canadiens et leur ont procuré non seulement un revenu et un emploi, mais aussi un sentiment de fierté et d'idéal. Elles le font toujours. Elles continuent de faire partie de l'ensemble de l'économie du Canada, en dépit de l'indifférence du gouvernement libéral. Et qu'en est-il de l'engagement de fournir à nos braves hommes et femmes des forces armées le matériel et les ressources dont ils ont besoin pour assurer leur propre sécurité et le succès de leurs missions? Voilà une omission qui en dit long.
On sentait dans les pages du discours comme un rejet du passé. Certes, l'ouverture sur l'avenir est un noble idéal, mais on ne saurait oublier le fait que nos industries traditionnelles continuent de fournir beaucoup de travail dans les régions durement frappées par le chômage. Le discours abondait en réaffirmations de promesses ou d'engagements non tenus.
En tant que député des Maritimes, je sais pertinemment que le manque d'intérêt porté aux industries qui comptent aura un impact négatif. Le message envoyé aux Canadiens de l'Atlantique et d'ailleurs est clair: ils ne sont pas la priorité du gouvernement libéral. On n'a qu'à jeter un coup d'oeil sur les résultats de la dernière élection fédérale et des deux dernières élections provinciales qui ont eu lieu dans les provinces atlantiques, pour savoir comment réagissent les Canadiens de cette région quand ils sont laissés-pour-compte.
Quand le gouvernement libéral affirme que la haute technologie et l'économie basée sur la connaissance vont procurer une qualité de vie supérieure aux Canadiens, il oublie de mentionner ce qu'il en coûtera en qualité de vie aux pêcheurs, aux agriculteurs et aux mineurs de nos petites collectivités qui seront ainsi touchées. Bâtissons un avenir plus fort en encourageant, en reliant entre eux les Canadiens d'un océan à l'autre. Ne nous coupons pas des industries importantes qui continuent d'être le moteur de l'économie.
Il convient que ce soir nous, les membres de cette Chambre, participions à un débat sur la crise qui secoue l'industrie de la pêche commerciale et oppose pêcheurs autochtones et pêcheurs blancs. Le gouvernement marche depuis des semaines sur la pointe des pieds autour de ce problème épineux, en le laissant couver et s'aggraver au point de dégénérer en confrontation et en violence.
Espérons que le gouvernement profitera du débat de ce soir pour revoir ses priorités et se consacrer à la nécessité de trouver une solution rapide et à long terme à cette crise. La solution doit être globale et axée sur l'établissement d'un consensus, et le gouvernement doit se garder du vil antagonisme politique que certains ont pratiqué.
Nous avons appris tout à l'heure que les chefs autochtones, y compris ceux qui ont appuyé jusqu'à maintenant le moratoire, viennent de quitter la réunion au Nouveau-Brunswick et que le moratoire volontaire sur les pêches est maintenant annulé. Cela veut dire que les bateaux reprendront la mer et que les trappes seront remises à l'eau, et cela constitue un grave problème auquel il faut s'attaquer, et rapidement.
D'autres crises surgissent ici et là dans le pays. La crise à laquelle sont confrontées les familles agricoles de l'Ouest a été, au propre et au figuré, passée sous silence dans le discours du Trône d'hier. La faiblesse des prix agricoles causée par la pratique des subventions chez nos partenaires commerciaux menace de faillite bon nombre d'agriculteurs canadiens. Ce dossier exige que le gouvernement prenne des mesures avant qu'il ne soit trop tard.
Il n'y a rien dans le discours du Trône pour arrêter l'exode des cerveaux. Le gouvernement doit agir rapidement pour empêcher les Canadiens très spécialisés d'émigrer aux États-Unis. Il n'y a rien non plus pour arrêter l'exode des cerveaux d'une province à l'autre. Beaucoup trop de jeunes Canadiens se voient forcés de quitter leur région et leur famille, en privant leurs collectivités des connaissances et des compétences nécessaires pour bâtir des fondations solides pour notre pays au XXIe siècle.
Nous ne pouvons pas attendre qu'on établisse davantage de centres d'excellence, qu'on institue davantage de bourses du millénaire. Il est louable d'accorder la priorité à la recherche et au développement ainsi qu'à l'amélioration de la situation de nos enfants, mais si nos enfants doivent grandir, devenir bien instruits, dotés de compétences, pour ensuite aller s'établir aux États-Unis, qu'aurons-nous accompli et qu'aurons-nous gagné?
Nous pouvons faire davantage que simplement nous réjouir de l'engagement du gouvernement à l'égard d'un territoire ou d'une zone de libre-échange dans les Amériques d'ici l'an 2005. Nous pouvons le faire, mais il est encourageant de voir que la libération des échanges est finalement devenue une priorité du gouvernement. Le libre-échange a été pensé par notre parti. Je souhaite certes que le gouvernement libéral actuel consacre à cet effort autant de vigueur et de ténacité qu'il en a montré contre le libre-échange en 1993.
Il aura peut-être fallu six ans au gouvernement libéral, mais il a finalement compris que, pour réussir, les Canadiens doivent être innovateurs et productifs, qu'ils doivent investir dans le perfectionnement professionnel et qu'ils doivent chercher les nouveaux débouchés partout dans le monde.
En fait, sous les libéraux, il y a toujours eu une baisse de la productivité et des investissements, des taux d'imposition records, une réglementation punitive et de la bureaucratie. Les promesses en l'air ne satisfont pas les Canadiens et après six ans, ils devraient attendre davantage et ils le font.
Les libéraux disent simplement du bout des lèvres qu'ils vont améliorer le niveau de vie des Canadiens. Sous la direction du premier ministre actuel, ils ont vu les recettes fiscales fédérales grimper tandis que leur revenu disponible fondait. Au mieux, nous avons assisté au déclin des revenus. Le manque de vision et de leadership du gouvernement libéral mine et détruit vraiment la qualité de vie des Canadiens, qui ne s'améliore pas quoi qu'en dise le discours du Trône.
Le gouvernement doit réduire les impôts en commençant par l'impôt sur le revenu des particuliers et par l'impôt sur les gains en capital. Nous devons remettre l'argent dans les poches de ceux qui l'ont gagné et permettre à ces derniers de favoriser la croissance économique.
Le gouvernement doit fixer des objectifs fermes et réalistes en ce qui concerne la réduction de la dette. Le Parti progressiste-conservateur du Canada a précisé sa position à l'égard des questions fiscales, comme la diminution de l'impôt sur les gains en capital et la pleine indexation des tranches de revenus. Le gouvernement libéral est resté silencieux. Notre parti continuera de consulter des spécialistes et les Canadiens ordinaires sur cette question. Notre gouvernement fédéral choisit d'éviter la consultation.
Cette répugnance à présenter un plan de réduction des impôts va dans le sens d'une tendance. Aucune initiative innovatrice n'est venue, au cours des six dernières années, renverser cette tendance. L'engagement du gouvernement envers les employés saisonniers est épouvantable. Le gouvernement a négligé les travailleurs dans les domaines de l'agriculture et des ressources naturelles, les familles de la classe moyenne et nombre d'autres Canadiens.
La réduction des impôts est fondamentale pour le bien-être économique des Canadiens, et l'allégement fiscal constituerait un pas dans cette direction, car les familles canadiennes avec enfants disposeraient alors de plus d'argent. Pour aider les enfants, le gouvernement doit aider leurs parents au moyen d'allégements fiscaux significatifs. Dans le discours du Trône, le gouvernement a déclaré qu'il ferait un troisième investissement important dans la prestation nationale pour enfants, mais il n'a donné aucune indication du montant qu'il investira, pas plus qu'il n'a parlé de plans d'urgence au cas où les provinces et territoires choisiraient de ne pas coopérer.
Il a agi dans ce dossier comme dans bien d'autres, dont celui de la pauvreté, dans lequel les libéraux ont décelé un problème qui sautait aux yeux de tout le monde et ont donné de faux espoirs aux Canadiens. Le cynisme et le découragement s'emparent des Canadiens. Le gouvernement a même créé un ministère distinct pour s'occuper de la pauvreté, mais il ne lui a donné ni budget ni mandat. Il a ensuite tenté de convaincre les Canadiens qu'il avait réglé le problème. Or, les Canadiens ne se laisseront pas duper.
Il y a beaucoup d'autres exemples de promesses non tenues. La manière dont le gouvernement gère au jour le jour les questions qui touchent les autochtones dément la promesse de permettre aux autochtones de participer et de contribuer davantage à l'économie canadienne. Cette attitude paternaliste bat en brèche la promesse du gouvernement en matière de promotion d'une plus grande autonomie des autochtones.
La tentative du gouvernement de se faire passer pour un gouvernement plein de compassion et de bienveillance qui aide les familles, et plus particulièrement les enfants, est une mascarade. Cependant, en cette Année internationale des personnes âgées, il n'est nulle part fait mention des aînés. Comme l'a dit ma collègue de Saint John:
Dans notre société actuelle, les personnes âgées sont trop souvent oubliées et laissées de côté. Notre société vieillit et, à mesure qu'elle vieillit, de plus en plus de personnes âgées tombent entre les mailles du filet—elles habitent des logements qui ne satisfont pas aux normes, elles reçoivent des soins de santé inadéquats et, dans bien des cas, elles sont tout simplement négligées. Le gouvernement n'a toutefois pas jugé bon d'en faire la moindre mention dans ses plans pour le nouveau millénaire.
Que ce soit à l'égard des familles, des enfants ou des personnes âgées, il est évident que le gouvernement n'a pas su mettre en oeuvre des mesures législatives vraiment utiles. Pour s'en convaincre, il suffit de voir la chance dont le gouvernement ne s'est pas prévalu en 1997 lorsqu'il s'est agi de réformer le droit de la famille et d'améliorer les pensions alimentaires avec le comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat sur la garde et le droit de visite des enfants. Le gouvernement n'a pas tenu compte du rapport du comité, et la ministre de la Justice a déjà dit qu'elle veut tenir d'autres consultations qui se poursuivront jusqu'en 2002.
Le gouvernement libéral n'a pas tenu ses promesses non plus en ce qui concerne la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il a dit que cette mesure législative était prioritaire, mais il a refusé de dire où il va trouver le financement à cet égard, alors qu'il ne respecte même pas ses engagements monétaires conformément à l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants.
Le peu d'attention accordé à la criminalité chez les jeunes a eu des répercussions dans d'autres secteurs d'application de la loi. À cause d'un manque criant de financement, la GRC oblige constamment ses agents à faire davantage avec moins. Cela a littéralement mis en danger les agents et la population en général. Cédant à la pression publique, le gouvernement demande maintenant aux membres déjà surchargés de nos forces policières de combattre la criminalité technologique, comme le blanchiment d'argent, le crime organisé et la contrebande de personnes, d'armes et de drogues.
Le gouvernement dit que la sécurité publique est sa première priorité et pourtant il continue de remettre en liberté, au sein de nos collectivités, des délinquants dangereux.
Enfin, nous avons entendu encore de belles paroles libérales au sujet de l'avenir des soins de santé. Les libéraux peuvent bien parler d'améliorer notre système de soins de santé, mais nous n'oublierons pas que c'est le gouvernement qui a créé la situation désespérée où se trouvent maintenant les soins de santé au pays. On n'améliorera certainement pas le système de soins de santé en lui allouant des sommes inférieures à celles qu'on lui avait retirées.
Cela ne suffit tout simplement pas. Des soins de santé accessibles et universels sont l'une des choses dont les Canadiens sont le plus fiers. Nous avons bien hâte de voir comment le gouvernement sauvegardera cette tradition dont nous nous enorgueillons. Le discours du Trône ne nous donne aucun indice à cet égard. La recherche médicale est vitale certes, mais si le gouvernement veut acquérir une réputation internationale de leader mondial dans ce domaine, nous ne pouvons continuer à négliger les soins de santé dont les Canadiens ont besoin au jour le jour. Leur approche n'est définitivement pas la bonne.
[Français]
Le discours du Trône nous montre un gouvernement ayant une vision extrêmement limitée et peu profonde. On y trouve quelques références vagues sur le potentiel de ce pays, mais rien de substantiel qui permette aux Canadiens de comprendre les tenants et aboutissants de ce gouvernement.
[Traduction]
Alors qu'on s'apprête à franchir le cap d'un nouveau millénaire, le gouvernement libéral profitait d'une conjoncture idéale pour nous présenter un programme global sur le chemin à suivre pour le pays. Malheureusement pour tous les Canadiens, il a raté l'occasion et a préféré le flou à la vision précise.
Madame la Présidente, au nom de l'honorable Joe Clark et du Parti progressiste conservateur du Canada, je vous remercie de nous avoir permis de formuler notre réponse au discours du Trône.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Madame la Présidente, il y a une question qui a été passée sous silence dans le discours du Trône. Je me demande ce que pense le député au sujet de la situation dans laquelle se trouvent les chefs autochtones, les autochtones et le secteur de la pêche au homard, et de ce qui se passe dans ce secteur.
Je n'en suis pas sûre, mais je pense que les chefs se sont réunis à Moncton, au Nouveau-Brunswick, aujourd'hui, et qu'ils ont décidé de remettre les casiers à l'eau demain. Ce ne sont pas seulement les chefs du Nouveau-Brunswick, mais tous les chefs de l'Atlantique.
Il n'a pas été question de ce que le gouvernement a fait dans le secteur de la pêche sur les deux côtes. Je voudrais que le député nous dise ce qui aurait dû figurer dans le discours du Trône.
M. Peter MacKay: Madame la Présidente, il est devenu évident non seulement par l'omission dans le discours du Trône, mais encore par l'approche laxiste du gouvernement relativement à cette crise qui couvait. C'est deux semaines avant que le gouvernement a décidé d'agir. Si on remonte encore plus loin, on constate avec consternation que le gouvernement n'a pas prévu que cela serait un des scénarios envisagés par la Cour suprême dans l'arrêt Marshall.
Je sais que les députés de notre parti, ceux de South Shore, de Ouest Nova, de Southwest Nova, de Petitcodiac-Beauséjour, notre nouvelle collègue, et la députée de Saint John ont travaillé assidûment pour rencontrer à la fois les pêcheurs autochtones et non autochtones et entendre leurs idées. Je trouve encourageant que le ministre des Pêches et des Océans ait fait de même. Le temps est maintenant venu de s'asseoir avec les intéressés et d'essayer de parvenir à une solution qui respectera la nécessité de la conservation et ce que la Cour suprême a fait d'une manière significative, mais mesurée, pour éviter la violence, voire des morts, sur cette question. Il faut faire vite.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre procédera maintenant à l'étude d'une motion concernant les pêches canadiennes.
* * *
[Traduction]
DÉBAT SPÉCIAL
LES PÊCHES
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.) propose:
Que la Chambre prenne note des difficultés qu'éprouve le secteur des pêches au Canada, étant donné notamment les complications occasionnées par la décision rendue dans l'affaire opposant la Reine à Marshall, et ses répercussions pour les autochtones et les non-autochtones ainsi que pour la gestion future des ressources naturelles.
—Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée d'informer les députés de l'évolution de la situation dans le Canada atlantique au lendemain d'une décision récente de la Cour suprême du Canada. Beaucoup d'entre eux ont suivi les événements dans les médias au cours des quatre dernières semaines, mais c'est la première occasion que j'ai d'informer moi-même la Chambre de ce qui se passe.
Il importe que les députés comprennent le contexte du problème et ce que j'entends faire pour le résoudre. La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marshall est un important jugement qui confirme certains droits des Mi'kmaq et des Malécites découlant de traités historiques signés avec la Couronne. En un mot, la décision de la Cour suprême confirme un droit issu d'un traité qui mérite notre respect, mais il s'agit d'un droit dont l'exercice doit être réglementé. Il ne permet pas de pêcher n'importe où et n'importe quand.
À cause de ce jugement, nous devrons revoir un certain nombre de questions fondamentales dans la gestion des pêches. Dans ce nouveau contexte, notre défi consiste à trouver les moyens de collaborer pour garantir l'avenir des pêches dans l'intérêt des collectivités autochtones et non autochtones. Nous devons élaborer une formule permettant d'intégrer la pêche qui se pratiquera en vertu du droit issu du traité à l'ensemble de la pêche. Nous devons élaborer un plan de gestion qui respectera le droit décrit par les tribunaux, tout en tenant compte de la réalité sociale et économique des pêches dans l'Atlantique et de ceux qui en dépendent.
Lorsque la Cour suprême a rendu sa décision le 17 septembre dernier, je me suis immédiatement penché sur la question. Nous collaborons avec divers ministères fédéraux pour analyser les ramifications de cette décision. De plus, nous avons immédiatement amorcé un dialogue continu avec les collectivités autochtones, les gouvernements provinciaux et d'autres intervenants de l'industrie de la pêche. Au cours du dernier mois, l'engagement clair qu'ont pris les chefs Mi'kmaq pour assurer la conservation et la collaboration m'a redonné du courage.
Dès le début, notre objectif a été d'établir un régime de gestion efficace qui soit conforme à la décision de la Cour suprême et juste envers les différents intérêts dans l'industrie de la pêche. Grâce à la bonne volonté, à la patience et à la retenue dont ont fait preuve tous les participants, nous avons fait des progrès considérables. Le traité signé en 1760 entre les Britanniques et les Mi'kmaq s'appelait le «Traité de paix et d'amitié». Nous devrions toujours garder en mémoire ces deux mots, paix et amitié, pendant que nous cherchons une solution à long terme.
La décision de la Cour suprême est complexe et toutes ses ramifications ne nous apparaissent pas encore clairement. Toutefois, depuis le 17 septembre, nous avons éclairci certains points. Permettez-moi de vous résumer ce que nous comprenons de la décision qui a été rendue.
La cour a reconnu aux bénéficiaires du traité des droits de pêche, de chasse, de cueillette, entre autres, et le droit de faire le commerce du produit de ces activités afin de leur fournir des «biens nécessaires». En termes modernes, la décision indique que ce droit permet aux bénéficiaires de tirer une subsistance convenable de leurs activités de pêche, de chasse et de cueillette.
La cour nous a également dit que ce droit est limité, il ne permet pas l'accumulation illimitée de richesse, ni une cueillette sans restriction. Même si elle a clairement reconnu l'existence du droit de pêche issu d'un traité, la cour a également précisé que l'exercice de ce droit est assujetti à la réglementation du gouvernement. Des limites de prises jugées suffisantes pour assurer une subsistance convenable peuvent être appliquées sans porter atteinte au droit issu du traité.
Dans le cadre de nos négociations avec toutes les parties, certains enjeux seront cruciaux. Par exemple, nous considérons qu'il s'agit d'un droit communautaire et non d'un droit individuel. Par souci de précision, disons que, même si le droit est exercé par des individus, ce doit être pour le bien collectif.
L'élément suivant est également crucial à l'interprétation de la décision. Pour assurer le respect du droit issu du traité, nous devons comprendre qui sont les bénéficiaires actuels de ce droit. Nous estimons que le traité s'applique aux collectivités autochtones qui représentent le mieux la «manifestation moderne» des signataires originaux. Selon nos évaluations initiales, les Mi'kmaqs et les Malécites de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que les Listigujs du Québec sont, aujourd'hui, cette «manifestation moderne» des signataires originaux. Nous devons maintenant nous concentrer sur un processus qui nous permettra de reconnaître les droits issus du traité. Nous ferons intervenir dans ce processus toutes les personnes s'occupant de la pérennité de la pêche dans le Canada atlantique.
Je me suis penché plus tôt sur cette question et j'ai travaillé en étroite collaboration avec les autochtones, les pêcheurs commerciaux, les ministères fédéraux et les premiers ministres provinciaux pour trouver des solutions à court et à long terme.
Lorsque la Cour suprême a rendu sa décision, le 17 septembre, et que d'autres, au sein de l'appareil gouvernemental, ont cherché à en saisir les répercussions, nous nous sommes rapidement mis à analyser certains aspects fondamentaux de la gestion des pêches.
Certains diront peut-être que nous aurions dû être en mesure de prévoir quelle serait la décision de la cour et de passer à l'action sur-le-champ. Cependant, il est difficile de prédire les décisions de la Cour suprême et la terminologie de ces décisions. Dans certains cas, il faut des années pour arriver à une interprétation. En l'occurrence, nous avons eu une évaluation préliminaire en moins de deux semaines. Malheureusement, les réactions ont été vives dans certaines collectivités et des biens ont été endommagés, des gens ont été blessés et il y a eu des actes de violence. Ces événements m'ont profondément attristé, comme ils ont attristé beaucoup d'autres Canadiens.
Il est important que nous travaillions tous ensemble. Nous ne devons pas laisser les esprits échauffés et les jugements hâtifs ternir la réputation de tolérance, de générosité et de respect des lois des Canadiens. Je suis cependant encouragé de constater que le calme et la bonne volonté ont repris leurs droits dans la plupart des régions du Canada atlantique. Nous travaillons à un processus qui permettra de poursuivre la pêche commerciale et la pêche autochtone pendant des années.
Je tiens à remercier personnellement tous les chefs et les membres de l'industrie qui ont pris le temps de me rencontrer afin de partager leurs vues et leurs préoccupations. J'ai dit depuis le début que je respecterais les décisions des chefs et ma position n'a pas changé.
Je tiens également à féliciter les gens du secteur 35 qui ensemble, autochtones et non-autochtones, ont trouvé des solutions communautaires.
La décision rendue le 17 septembre par la Cour suprême a laissé de nombreuses questions sans réponses. Il nous faut du temps pour pouvoir travailler ensemble. Toutefois, grâce à la bonne volonté de tous ceux qui ont maintenu les voies de communication ouvertes, nous avons fait des progrès. Les autochtones du secteur de la pêche, la province et le gouvernement fédéral ont tous affiché une ferme volonté de résoudre cette question.
Selon ce qui est ressorti de mes rencontres avec les chefs dans le Canada atlantique, l'aspect vraiment important est la question à long terme. Selon bon nombre des chefs, nous ne devons pas nous concentrer sur le court terme et nous éloigner des vrais problèmes, et c'est là le long terme. Voilà ce sur quoi je souhaite mettre l'accent. Je veux que nous amorcions un plan global d'améliorations avec toutes les parties mêlées au dossier des pêches, un plan destiné à les rapprocher et à les amener à aborder de vraies solutions. Celles-ci sont possibles dans le cadre du dialogue et de la coopération, d'une situation où les gens travaillent ensemble, s'assoient autour de la table et discutent face à face des problèmes et de la façon de les résoudre.
Nous avons cherché à trouver une solution à court terme. Je sais que les chefs se rencontrent aujourd'hui. Tant qu'ils n'auront pas communiqué directement avec moi, je m'abstiendrai de faire des commentaires sur leur décision de lever ou non le moratoire, car c'est là une mesure qu'ils avaient adoptée sur une base volontaire. Je serais certes déçu s'ils décidaient de lever le moratoire, mais j'attendrai qu'ils aient communiqué directement avec moi avant de faire des commentaires à ce sujet. Un député a dit que je n'ai pas eu de contact. Je vais attendre de voir si c'est effectivement le cas.
Il faut revenir sur le fait qu'il s'agit d'un traité de paix et d'amitié qui a été signé il y a plus de deux siècles. Les autochtones et non-autochtones ont depuis ce temps vécu et travaillé ensemble dans la paix et l'harmonie au fil des générations. Ensemble, si nous faisons preuve de patience, de retenue et de respect de la loi et que chacun collabore, nous pourrons modifier les attitudes à l'amorce du nouveau siècle.
M. John Cummins: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. J'aimerais demander le consentement unanime de la Chambre pour étendre la période des questions et réponses du ministre de façon à permettre à la Chambre de le questionner à fond sur cette question.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): L'ordre adopté plus tôt aujourd'hui par la Chambre prévoit qu'il n'y aura aucune demande de consentement unanime. Je crains donc de ne pouvoir accéder à votre requête. Nous passons maintenant aux questions et observations.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Madame la Présidente, le gouvernement ignore les objectifs de la décision rendue dans l'affaire Marshall. Il n'avait pas de plan en place en cas de décision favorable à ce droit issu d'un traité et n'a fait aucune tentative dans son mémoire au tribunal ou depuis afin d'équilibrer les intérêts des autres Canadiens face à l'affirmation par le tribunal d'un droit issu d'un traité.
Le ministre a suggéré dans son intervention et ailleurs qu'il appliquera ce droit issu d'un traité comme un droit communautaire. Il a dit que ce droit communautaire sera exercé par des individus pour le bénéfice de tous. J'aimerais savoir comment il va pouvoir déterminer ce qui constitue une subsistance convenable s'il applique ce droit comme un droit communautaire. Si son objectif est d'assurer une subsistance convenable à tous les Mi'kmaq, il est clair qu'il ne restera rien pour les autres.
Le ministre pourrait-il nous dire clairement comment il est possible de déterminer ce qui constitue une subsistance convenable si le droit issu d'un traité est appliqué comme un droit communautaire?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal: Madame la Présidente, le droit communal est considéré comme un droit collectif. Je suis persuadé que le député est bien conscient de ce que cela signifie.
Nous devrons nous entendre sur ce qui constitue un revenu modeste tel que décrit par les tribunaux. Nous devrons travailler avec les autochtones et consulter tous les intéressés. Nous devrons nous demander comment nous pouvons nous assurer que les autochtones qui sont les bénéficiaires des droits conférés par ce traité entendent les exercer. Nous devons redéfinir ces termes et nous devons le faire en collaboration avec les autochtones. Nous devrons travailler avec eux, nous asseoir tous ensemble autour d'une table pour discuter.
Si nous demandions à tous les députés de cette Chambre de nous donner une définition, nous aurions probablement 30 définitions différentes. C'est une chose qui doit être négociée. Nous devons nous asseoir à la table et discuter.
J'ai toujours cru qu'il était préférable de négocier que de s'en remettre aux tribunaux, mais certaines personnes refusent de bouger. Même lorsque nous avons adopté la Stratégie relative aux pêches autochtones après l'affaire Sparrow, plusieurs ont affirmé que nous ne pouvions aller de l'avant. Le dernier gouvernement conservateur n'était pas plus en mesure de prédire comment la Cour suprême allait réagir dans l'affaire Sparrow. Nous voulions engager les autochtones dans le processus de gestion de la pêche. L'attribution de permis était un moyen de le faire. Nous avons déjà essayé de négocier pour régler les choses.
Nous devons d'abord poursuivre les négociations et, à la fin, si nous ne pouvons nous entendre, nous devrons avoir recours aux tribunaux. Toutefois, lorsque nous nous en remettons aux tribunaux, nous devons respecter ce qu'ils représentent et accepter leur opinion.
L'un des défis auxquels nous faisons face est de définir ce qui constitue un revenu modeste. C'est une question dont nous devrons discuter. C'est la raison pour laquelle nous devrons nous concentrer sur les questions à long terme et non sur les questions à court terme qui n'apportent que des distractions. Les tribunaux ont reconnu que c'était un droit qui découlait d'un traité. Nous devons travailler de concert de façon qu'ils puissent exercer ce droit, mais nous devons également prendre dûment en considération les autres intérêts qui existent dans le domaine des pêches et y être sensibles.
M. John Cummins: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Que l'on prenne note que le ministre n'a fait nullement mention des personnes qui vont être déplacées.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Madame la Présidente, je souhaite la bienvenue au tout nouveau ministre des Pêches et des Océans. Je suis heureux de l'avoir entendu dire à la Chambre et à tous les Canadiens qui nous écoutent qu'il vaut mieux négocier que de passer par les tribunaux.
Nous savons que de tout temps, les gouvernements conservateurs précédents et le gouvernement libéral actuel ont dit aux autochtones de s'adresser aux tribunaux. La pêche commerciale hauturière ouvre demain dans la région 35 de la baie de Fundy. Les pêcheurs côtiers de la baie de Fundy travaillent en étroite collaboration avec les autochtones pour trouver une solution à long terme. Le problème, c'est qu'ils font ça tout seuls, sans aucune aide des fonctionnaires du MPO.
Le ministre peut-il s'engager à fournir les ressources humaines et financières nécessaires pour aider ces gens dans leur effort coopératif en vue de trouver une solution à long terme?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal: Madame la Présidente, je tiens à remercier le député pour ses observations. Ce que nous voulons faire, c'est travailler aussitôt que possible à la solution à long terme en rassemblant les gens. Au cours des prochaines semaines, je vais proposer un plan et inviter toutes les parties intéressées à s'asseoir à la table. Nous voulons commencer le plus tôt possible. Vos suggestions sont très précieuses pour la suite à donner.
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Madame la Présidente, j'attends avec impatience l'intervention des députés réformistes dans ce débat. Il est toujours très intéressant de connaître leur position.
Je suis heureux de me joindre à mon collègue pour débattre cette motion.
La Cour suprême a fourni de précieux conseils sur la façon d'interpréter, à l'aube du XXIe siècle, une entente conclue entre deux parties, en l'occurrence le traité Mi'kmaq de 1760-1761. Toutefois, la cour n'a pas précisé comment il fallait mettre en oeuvre ces droits issus de traités et les respecter, aujourd'hui et à l'avenir.
Il est très important que les gens comprennent que la décision de la cour est fort complexe et lourde de conséquences. Il n'existe pas de solutions rapides et faciles, comme certains l'ont laissé entendre ce soir. Une résolution constructive des différends exige que toutes les parties se mettent d'accord pour respecter et affirmer les droits issus de traités d'une façon qui soit conforme aux intérêts de tous ceux qui vivent de la pêche.
Il nous reste beaucoup à faire. Les gouvernements, les premières nations et les autres ethnies doivent se réconcilier et s'efforcer de comprendre l'interprétation que donnent les tribunaux à ce traité et aux autres traités historiques. Le processus qui nous permet de rechercher ensemble une solution à ce différend n'est pas de date récente. En fait, il est déjà bien engagé. Notre détermination à négocier avec les premières nations dans un esprit de partenariat est constante. Il en va de même pour notre détermination à remplir les engagements non tenus à ce jour à l'égard des premières nations. Ces engagements ont été une nouvelle fois confirmés l'année dernière par le lancement du programme «Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les questions autochtones».
Dans sa réponse à la Commission royale sur les peuples autochtones, le gouvernement soutient que les accords sont négociés dans l'intérêt bien compris des parties prenantes lorsqu'ils permettent de respecter les droits et de tenir compte des préoccupations des premières nations et de leurs voisins.
Cela n'est pas nouveau en soi. Nous en voyons des exemples tous les jours à l'échelle du pays. Sur la côte ouest, la Commission des traités de la Colombie-Britannique négocie aujourd'hui des traités avec 51 premières nations dont les revendications n'avaient pas été réglées à ce jour. En ce qui concerne les revendications territoriales globales du Yukon, l'autonomie gouvernementale et la gestion partagée des ressources sont en voie de rétablir un sentiment de certitude dans le territoire. Dans la région atlantique, des pourparlers sont en cours avec les premières nations pour trouver des solutions devant permettre de cerner et de régler leurs revendications légitimes en suspens. Il faudra faire appel à cet esprit de partenariat pour comprendre les traités historiques.
Dans le plan d'action présenté dans le document intitulé «Rassembler nos forces», nous avons déclaré que le maintien des liens prévus dans les traités est favorable au maintien des droits et responsabilités devant assurer aux autochtones et non-autochtones de bénéficier de concert de ce merveilleux pays qui est le nôtre.
Malheureusement, pendant de trop longues années, les premières nations n'ont pas pleinement profité de ce beau pays, en partie du fait qu'elles ne jouissent que d'un accès limité à la pêche, aux forêts, aux ressources minières et autres ressources naturelles. Les décisions des tribunaux ont systématiquement et clairement démontré que les premières nations ont bel et bien des droits. Ils ont travaillé sans relâche à faire reconnaître les droits des autochtones et les droits issus de traités.
Je tiens à citer ici une lettre publiée aujourd'hui dans le courrier des lecteurs du Sun de Vancouver. Le commissaire en chef de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, Miles Richardson, écrit ceci: «Les droits des autochtones existent, qu'ils soient ou non établis dans un traité ou reconnus par qui que ce soit. Mais, sans traité, on ne saurait pas comment ni où appliquer ces droits. Les tribunaux ont toujours dit qu'il valait mieux résoudre ces questions au moyen de négociations de bonne foi au cours desquelles toutes les parties font des compromis.»
Je suis entièrement d'accord avec lui. Je puis confirmer que mon ministère travaille en partenariat avec les premières nations et d'autres gouvernements du Canada à s'assurer que les traités sont entièrement respectés.
Bref, il est évident que le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Marshall a des répercussions sur les Canadiens de l'Atlantique, les membres comme les non-membres des premières nations. Mon collègue, le ministre des Pêches et Océans, travaille très fort à trouver une solution juste et équitable qui suppose l'accès aux ressources halieutiques de l'Atlantique en vertu du jugement Marshall.
L'incidence de l'affaire Marshall ne se limitera probablement pas à la pêche ni d'ailleurs à la région canadienne de l'Atlantique. J'examinerai avec les autres parties intéressées comment il faut régler ces grandes questions. Après tout, la responsabilité est partagée entre toutes les parties. Il nous incombe à tous de contribuer à expliquer à tous les Canadiens la signification des traités et des relations par traités.
Le temps est révolu, je crois, où un seul ministre, soit le ministre des Affaires indiennes, est le seul à travailler ou à prendre la parole sur les questions autochtones. Ces questions sont très importantes pour tous les ministres et je félicite mon collègue, le ministre des Pêches et Océans, pour ses efforts.
Mon rôle est plus vaste. Il consiste principalement à collaborer étroitement au niveau fédéral avec les chefs des premières nations, mes homologues provinciaux et mes collègues du Cabinet, à explorer ensemble une approche générale à l'égard de la grande question des relations par traités et de l'accès des autochtones aux ressources.
En tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, je ne suis qu'une personne parmi tant d'autres qui travaillent ou prennent la parole sur les questions autochtones. Ces questions sont très importantes pour tous les ministres. Encore une fois, je félicite le ministre des Pêches et des Océans pour ses efforts. Ensemble, nous allons explorer une approche générale à l'égard de la grande question des relations par traités et de l'accès des autochtones aux ressources.
La présidente suppléante (Mme Thibault): De nombreux députés souhaitent poser des questions ce soir. Je propose donc que nous limitions nos questions et nos réponses à une minute afin de donner au plus grand nombre de députés possible la chance d'intervenir.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Madame la Présidente, il est très difficile de réussir à poser une question ce soir, et je m'en tiendrai à une minute.
Pour ce qui est de la déclaration du ministre, une question s'impose et doit être posée. Nous savons tous que ni le ministère des Affaires indiennes ni le ministre des Pêches ne projettent d'intégrer les autochtones dans les pêches. J'aimerais cependant savoir sur quoi le ministre se fonde pour dire qu'on a empêché les autochtones de pratiquer cette pêche par le passé.
Dans les années 50 et 60, on pouvait acheter un permis de pêche au homard dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse pour 1 $. Avant cela, je suppose qu'un permis coûtait 25 cents.
Qu'est-ce qui empêchait les membres des premières nations de pêcher le homard à l'époque?
L'hon. Robert D. Nault: Madame la Présidente, de toute évidence, les députés qui ont des préoccupations au sujet de la stratégie des pêches posent des questions très spécifiques, mais ils semblent avoir perdu de vue l'essentiel du discours et de ce que j'essayais de dire.
Je tiens à bien faire comprendre aux députés que, lorsque les tribunaux rendent des jugements sur certains droits des premières nations, ils le font dans l'intention de faire savoir aux Canadiens et aux gouvernements, fédéral et provinciaux, que ces droits existent bel et bien. Ils suggèrent ensuite aux parlementaires et aux députés ministériels de s'asseoir avec les peuples autochtones pour négocier de quelle façon ces avantages issus du traité en découleront, et ils le feront de plusieurs façons: sous l'angle du développement économique, qui a été mentionné plus tôt par le député dans sa question au ministre des Pêches et des Océans; sous l'angle de la participation des premières nations au régime de réglementation de la pêche elle-même; sous l'angle de leur participation à l'exploitation d'autres ressources; et sous l'angle de la cueillette, qui faisait partie de la décision rendue par le tribunal. Ces divers points n'ont pas été définis. Voilà tout le problème. On n'a pas à nous dire, avec un esprit simpliste, que nous devrions être préparés et prêts à présenter un plan du jour au lendemain, car ce n'est pas ce que les tribunaux nous ont demandé de faire. Ils nous ont demandé de nous asseoir avec les premières nations et de définir de quelle façon exactement elles bénéficieront de ce droit issu d'un traité.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Madame la Présidente, les libéraux nous abreuvent de paroles, affirmant que le gouvernement tentera d'amener les pêcheurs autochtones et les autres pêcheurs de la côte est à s'entendre. Mais pour la gouverne de ceux qui écoutent ou qui regardent le débat ce soir, ils sauront que le ministre est celui-là même qui, lorsque la situation s'est envenimée dans la réserve Musqueam, a fait parvenir des avis d'expulsion à tous les locataires non autochtones de cette réserve, parce que le chef insensible et belliqueux de la bande de Musqueam avait insisté pour que cela se fasse.
Le ministre peut-il nous dire quel réconfort les pêcheurs de la côte est peuvent puiser dans ses paroles et dans celles du ministre des Pêches et des Océans, alors que nous sommes constamment témoins de pareils gestes de la part du gouvernement, lorsque les droits des autochtones et ceux des autres entrent en conflit?
M. Robert D. Nault: Madame la Présidente, comme on peut le voir, chaque fois qu'une communauté autochtone tente de s'ouvrir une possibilité de développement économique, c'est un jeu à somme nulle pour le Parti réformiste.
Pour moi, la question des Musqueam est bénéfique à tous puisque, avant tout, les membres des premières nations seront économiquement avantagés par ce contrat, qui est légalement exécutoire. Je ne sais pas ce que le Parti réformiste attend du gouvernement du Canada. Si les réformistes nous exposaient leur position dans ce dossier et s'ils nous demandaient de subventionner les premières nations à hauteur de 7 millions de dollars pour régler la question, je serais prêt à étudier la proposition. Jusqu'à maintenant, le Parti réformiste parle de la question des autochtones, mais il ne propose rien pour la régler.
La question est la suivante: le ministre des Pêches et des Océans et moi allons former des tables de négociations. Ces tables de négociations seront comme celles que nous avons formées en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada, comme je l'ai dit plus tôt. Nous allons nous asseoir avec les gens, les chefs de la région atlantique et les autres groupes d'intervenants pour arriver à la meilleure façon de procéder à l'égard de ce droit issu de traité que le tribunal a confirmé.
Cela ne se fera pas demain, ni dans une semaine ou deux. Nous allons former les tables et nous allons travailler là-dessus tout l'hiver. Nous espérons qu'à brève échéance, c'est-à-dire d'ici un an, nous trouverons des solutions à ces questions. Voilà comment nous procéderons. Ce n'est pas aussi simple que certains députés d'en face l'ont laissé entendre en disant que nous devrions simplement demander aux gens d'enfreindre la loi ou encore de modifier la loi parce que nous n'aimons pas ce qui découle des décisions des tribunaux.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Madame la Présidente, le 17 septembre 1999, la Cour suprême du Canada s'est prononcée dans la cause de la Reine c. Marshall. Les effets de ce jugement sont très clairs. En droit, avant que les gestionnaires des pêches puissent légalement autoriser d'autres personnes à pêcher, les Mi'kmaq doivent avoir la possibilité d'exercer pleinement leur droit de gagner assez pour se procurer les biens nécessaires. Autrement dit, ils ont un droit de pêche prioritaire.
Cela découle de l'ordre de priorité établi dans la cause de Sparrow et d'autres qui décrètent sans équivoque que les droits conférés aux autochtones par les traités sont prioritaires par rapport à tous les droits de pêche, qu'il s'agisse de pêche commerciale, sportive ou générale.
Les biens nécessaires signifient les produits de base comme la nourriture, les vêtements et quelques commodités, mais pas l'accumulation de richesses. Il s'agit simplement de combler les besoins de la vie quotidienne. Cette définition est globale et désespérément vague. Il est fort probable que peu de pêcheurs commerciaux ont un niveau de vie supérieur à celui des pêcheurs côtiers, mais ils devront maintenant céder leur place tant que chaque Mi'kmaq qui désire pêcher n'aura pas eu la possibilité de le faire et de gagner suffisamment pour atteindre ce niveau.
Qu'arrive-t-il si on se demande quand arrêter la pêche? Ce que notre expérience nous permet de conclure est très simple: en cas de doute, les gestionnaires des pêches auront plutôt tendance à accorder trop de droits de pêche aux Mi'kmaq que pas assez. C'est ce que nous avons constaté et c'est ainsi parce que les pêcheurs non autochtones n'ont pas, en cas de violation de leurs droits de pêche, les mêmes recours constitutionnels que les pêcheurs autochtones.
Il semble qu'on ait adopté une pratique qui favorise les autochtones pour protéger les gestionnaires du MPO contre toute contestation judiciaire de leurs décisions.
Actuellement, les tribunaux peuvent aussi annuler la réglementation visant les droits de pêche des Mi'kmaq parce qu'il n'est nulle part fait expressément mention du droit de priorité dans ces règlements. Le pouvoir discrétionnaire absolu que la Loi sur les pêches confère au ministre et sur lequel repose la réglementation actuelle n'a pas été considéré comme une protection adéquate pour les droits issus des traités. Par conséquent, il n'y a, à l'heure actuelle, aucune réglementation valable du droit de pêche des Mi'kmaq; il y a un vide juridique. D'ici à ce qu'un régime de réglementation valide soit en place, les Mi'kmaq peuvent pratiquer une pêche qui n'est assujettie à aucune restriction. Cela pourrait durer des mois, voire des années, puisqu'il faut préalablement tenir des consultations.
Avant de continuer, je veux revenir sur la situation en Colombie-Britannique parce que l'expérience que nous avons vécue dans cette province, avec l'octroi de droits de pêche préférentiels aux autochtones, n'a pas été très heureuse. C'est le gouvernement conservateur, et en particulier, John Crosbie, le ministre des Pêches de l'époque, qui ont été à l'origine du problème que nous avons connu dans cette province. En juin 1992, ce ministre a autorisé une pêche commerciale autochtone distincte en Colombie-Britannique. Cette année-là, la situation a été catastrophique pour les stocks de poisson, et la situation n'a fait que se détériorer jusqu'en 1994; le système d'application réglementaire s'est alors complètement effondré et l'on a constaté l'une des plus faibles remontes de l'histoire du fleuve Fraser.
Le gouvernement libéral a alors confié à John Fraser, ex-ministre des Pêches et ex-Président de la Chambre, le soin d'enquêter sur le système de gestion établi pour le fleuve Fraser. Celui-ci a constaté que les excuses que le gouvernement faisait valoir—le gouvernement prétendait que le niveau ou la température de l'eau étaient trop élevés et il invoquait toutes sortes de catastrophes naturelles—n'étaient guère fondées. Le fait est que ce problème est survenu à cause d'une réglementation et d'une application laissant à désirer en ce qui concerne cette pêche commerciale autochtone.
Nous avons eu l'expérience de la Colombie-Britannique qui a été une tragédie. Avant 1992, la pêche dans le Fraser était rentable. Or, l'an dernier, la pêche commerciale a été complètement suspendue dans le Fraser pour la première fois de son histoire. Cela est directement attribuable à cette politique en matière de pêche autochtone et à la réglementation de la pêche commerciale adoptée par le gouvernement. Cela ne fait aucun doute.
Au fil des ans, le gouvernement a blâmé la nature, le bon Dieu, un niveau d'eau trop haut ou trop bas, une température de l'eau trop basse ou trop élevée, El Nino ou La Nina pour tous ces problèmes. Il a dit que l'effondrement de la pêche était attribuable à El Nino dans le Pacifique Nord ces dernières années.
Que s'est-il passé? Pourquoi a-t-on constaté un retour en masse du saumon rouge à Port Alberni, dans l'île de Vancouver, cette année? Pourquoi, en Alaska, a-t-on prévu que 25 millions de saumons rouges retourneraient à Bristol Bay alors qu'il y en a eu plus de 40 millions? Ces poissons se trouvaient dans les mêmes eaux du Pacifique Nord que ceux du fleuve Fraser. Ils sont revenus en grand nombre. La seule différence, c'était la réglementation de la pêche autochtone dans le Fraser adoptée par le gouvernement. Les réductions imposées par le gouvernement se sont traduites par une mauvaise application et une mauvaise surveillance de la pêche.
Le ministre parle des arrêts de la Cour suprême et de leurs effets sur le gouvernement. La Cour suprême ne prend pas ses décisions en vase clos. Le gouvernement était présent dans ce cas et il devait se pencher sur la question au nom de tous les Canadiens. Il devait présenter sa cause au tribunal, particulièrement celle des pêcheurs qui seraient touchés par cette décision, afin que le tribunal puisse se baser sur quelque chose pour rendre son jugement.
La Couronne étant représentée par le gouvernement libéral, comment a-t-elle réagi? Dans un premier cas, le témoin expert de la Couronne a décrit l'interdiction pour les Mi'kmaq de faire le commerce de la fourrure avec d'autres que les Britanniques comme étant le droit des Mi'kmaq au commerce. J'ai beaucoup de mal à comprendre comment on peut partir d'une restriction au commerce, que tout cela constituait et que constituaient également les postes de traite, pour en arriver à un droit au commerce. Mais le gouvernement a concédé ce point.
Deuxièmement, le témoin expert a concédé que le droit conféré par le traité comprenait un droit de faire le commerce du poisson, bien que le traité ne mentionnait que la fourrure et que les listes de prix sur lesquelles les chefs et les Britanniques s'étaient entendus ne tenaient pas compte du poisson.
Comment pouvons-nous passer d'une entente qui ne comprend pas le poisson et qui constitue une restriction sur les droits commerciaux à un droit prioritaire de pêcher? Je vais vous le dire. Le gouvernement avait adopté pour la côte ouest une politique qui donnait aux autochtones un droit prioritaire de pêcher. Comment peut-on adopter ce genre de politique et l'appliquer sur une côte tout en ayant recours aux tribunaux et en refusant de l'admettre sur l'autre côte? Cela ne peut pas se faire et le gouvernement le sait bien. Il ne l'a pas fait d'ailleurs, et c'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans la situation actuelle.
Il y a un autre point intéressant dont le gouvernement n'a pas tenu compte. La Couronne n'a pas non plus parlé du droit public de pêcher. Le droit public de pêcher existe en vertu de la Common Law britannique depuis l'époque de la Grande charte. Le droit public de pêcher garantit à tous un accès égal aux ressources halieutiques. Le droit public de pêcher ne peut être aboli que par la Chambre. Il faut adopter une loi fédérale pour accorder aux autochtones le droit distinct de pratiquer la pêche commerciale. Cela ne s'est pas produit sur la côte ouest. Aucune loi fédérale n'aborde cette question. La pêche est donc pratiquée illégalement.
Cet argument aurait dû être présenté à la cour lorsqu'elle a été saisie de cette affaire. La cour aurait pu ainsi comprendre la situation juridique dans laquelle le traité a été signé. Par conséquent, le traité n'aurait pas dû être interprété comme un droit exclusif ou prioritaire, étant donné le droit fondamental dont jouissent tous les Canadiens, c'est-à-dire le droit public de pêcher.
La Couronne a omis de présenter des preuves illustrant les répercussions sociales et économiques que subirait la pêche maritime, si le droit de pratiquer la pêche commerciale était accordé aux Mi'kmaq. La Couronne a également omis de faire valoir qu'une décision en faveur de la pêche commerciale de l'anguille, la pêche commerciale de l'anguille n'étant pas viable dans les Maritimes, pourrait se traduire par la pêche commerciale d'autres espèces, comme le homard. La Couronne a omis de présenter certaines preuves, comme le rapport de 1995 du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, qui laissait entendre que le homard faisait déjà l'objet d'une surpêche et que l'arrivée officielle d'un autre participant à cette pêche, aux termes d'un traité, entraînerait le déplacement d'un autre participant à la pêche commerciale publique.
Autrement dit, la Couronne a omis de décrire à la cour la situation actuelle, où la surpêche est déjà pratiquée, où il y a déjà trop de participants, selon le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, et où l'arrivée de nouveaux participants entraînerait le déplacement de Canadiens qui exercent déjà leur droit de pêcher. Il aurait fallu défendre cet argument, et cela n'a pas été fait. Le gouvernement a omis de le faire.
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement commet une omission grave lorsqu'il se présente devant la Cour suprême du Canada. C'est arrivé dans l'affaire R. c. Nikal. Je n'entrerai pas dans les détails à cause des limites de temps qui nous sont imposées, mais je ferai néanmoins référence à la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw.
Dans l'affaire Delgamuukw, le gouvernement fédéral a appuyé les revendications autochtones à l'égard de l'autonomie gouvernementale et du maintien du titre autochtone. Bien que la Cour suprême n'ait pas statué sur l'autonomie gouvernementale, elle a conclu en faveur d'un titre autochtone non éteint, qui continue de provoquer le chaos dans toute l'industrie primaire de la Colombie-Britannique. C'est tragique. Cette décision a été à l'origine des conflits qui ont sévi cet été dans l'exploitation forestière, de la violation flagrante de la loi, sans mentionner les autres difficultés. Le ministre disait justement tout à l'heure que ces droits s'étendraient à l'exploitation forestière, à l'exploitation minière, et ainsi de suite.
Dans l'est du Canada, c'est l'agitation et le chaos. Peu après que la décision a été rendue, j'ai proposé au ministre une façon de s'en sortir à la fois raisonnable et légale. Je lui ai fait cette proposition dans une lettre que j'ai également envoyée aux gouvernements provinciaux touchés. Je lui ai dit que ce qu'il devrait faire, c'était, premièrement, de surseoir à l'exécution du jugement et, deuxièmement, de demander une nouvelle audition de l'affaire.
L'effet d'un sursis d'exécution du jugement est clair. Il permettrait simplement de laisser les choses se tasser un peu. Cela aurait donné au gouvernement le temps de mettre ses ressources en commun et de déterminer comment il allait faire face à la situation.
Demander une nouvelle audition de l'affaire aurait l'effet suivant. Si une nouvelle audition avait été demandée, le gouvernement, les procureurs généraux des provinces en cause et les autres intervenants, qu'il s'agisse d'organismes de pêcheurs, d'organismes de transformation ou des collectivités touchées, auraient eu l'occasion de se présenter devant la Cour suprême et de dire: «Si ces décisions sont adoptées, voici l'incidence qu'elles auront dans nos collectivités.» Les intervenants auraient eu l'occasion de dire «Lorsqu'il a été question de la décision Gladstone de la Cour suprême, vous avez reconnu que d'autres avaient des droits.» La décision Gladstone traitait d'un droit autochtone inhérent de pêcher commercialement des oeufs de hareng sur algues.
Le tribunal a décrété qu'il s'agissait d'un droit autochtone inhérent, mais il a reconnu que d'autres intervenants avaient aussi acquis des droits. Cet argument n'a pas été invoqué devant la Cour suprême par le gouvernement. Il l'a laissé tomber. Il a refusé d'en faire état. Il a refusé de défendre les intérêts des intervenants actuels.
Les pêches sont surencombrées. Si vous vous promenez le long de la côte de la Nouvelle-Écosse et que vous portez attention lorsque vous passez dans les petites villes et les petits villages, vous constaterez que le seul bâtiment visible est l'usine de transformation de homards et qu'il y a derrière chaque maison des casiers à homards. Si on leur enlève l'accès à la ressource, que restera-t-il? Il n'y a pas que les pêcheurs qui n'auront plus d'emploi. Ce sera aussi le cas des transformateurs, des propriétaires de stations-service et des propriétaires d'épiceries. Cette situation a des effets de retombée. Elle entraînera la destruction de l'économie. On ne gagne rien en retirant quelque chose des mains d'une personne qui gagne simplement sa vie et en le donnant à une autre personne.
À mon avis, il est indispensable que le tribunal entende de nouveau cette affaire. Ni le Parlement, ni les assemblées législatives provinciales n'ont le pouvoir de se prononcer sur cette question, étant donné qu'elle a été mise hors de portée de l'autorité législative par le paragraphe 35(1) et l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. La disposition dérogatoire ne peut être invoquée étant donné que le paragraphe 35(1) ne fait pas partie de la Charte.
Il n'y a qu'une voie de recours législative, soit l'adoption d'un amendement constitutionnel par le Parlement et les assemblées législatives de sept provinces comprenant 50 p. 100 de la population du Canada. Cette solution n'est probablement pas réalisable.
Le ministre dit de négocier. Il serait merveilleux de mener des négociations, mais elles ne peuvent connaître du succès que si l'on se présente à la table en ayant quelque chose à offrir. Le ministre a les mains vides. Il n'a rien à offrir à la table. Il a tout perdu lorsqu'il a négligé d'enregistrer des points et d'apporter les arguments voulus devant la Cour suprême du Canada.
Je veux citer trois passages de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladstone. Je veux montrer les références dont le gouvernement pourrait se servir s'il demandait l'avis de la cour sur cette question. Ces trois passages donneraient du poids, du point de vue juridique, à une solution à ce problème. La première citation est la suivante:
En outre, il convient de signaler que les droits ancestraux reconnus et confirmés par le par. 35(1) existent dans un contexte juridique où, depuis l'époque de la Grande Charte, on reconnaît en common law un droit de pêcher dans les eaux à marée qui ne peut être aboli que par l'édiction de textes législatifs constitutionnels.
Cet extrait est tiré du paragraphe 67 de l'arrêt R. contre Gladstone.
La deuxième citation se lit comme suit:
Même si le fait d'élever des droits ancestraux fondés sur la common law au rang de garanties constitutionnelles a manifestement une incidence sur les droits qu'a le public, en vertu de la common law, de pêcher dans les eaux à marée, on n'entendait sûrement pas, par l'édiction du par. 35(1), que ces droits reconnus au public par la common law soient éteints dans les cas où il existe un droit ancestral de pêcher commercialement.
Cet extrait est également tiré du paragraphe 67 de l'arrêt R. contre Gladstone.
La dernière citation est la suivante:
Bien que je n'entende aucunement me prononcer de façon définitive sur cette question, je dirais qu'en ce qui concerne la répartition de ressources halieutiques données, une fois que les objectifs de conservation ont été respectés, des objectifs tels que la poursuite de l'équité sur les plans économique et régional ainsi que la reconnaissance du fait que, historiquement, des groupes non autochtones comptent sur ces ressources et participent à leur exploitation, sont le genre d'objectifs susceptibles (du moins dans les circonstances appropriées) de satisfaire à cette norme. Dans les circonstances appropriées, de tels objectifs sont dans l'intérêt de tous les Canadiens et, facteur plus important encore, la conciliation de l'existence des sociétés autochtones avec le reste de la société canadienne pourrait bien dépendre de leur réalisation.
Cet extrait est tiré du paragraphe 75 de l'arrêt R. contre Gladstone.
Cela dit tout. En ne défendant pas les droits des autres Canadiens quand la cour a été saisie de cette affaire, le gouvernement a mis en péril la paix et les principes du bon gouvernement. Il s'est désintéressé des préoccupations légitimes que d'autres Canadiens ont à l'égard de leur pêche, des autres intérêts légitimes que d'autres Canadiens portent à la pêche comme moyen de subsistance. On a du mal à croire qu'il puisse en être ainsi.
Le ministère des Pêches et des Océans pourrait chercher un juste équilibre entre les divers intérêts des Canadiens et ce de multiples façons. Il aurait pu affirmer, comme l'a fait la cour, que c'est au gouvernement fédéral qu'incombe la responsabilité ultime de concilier les intérêts de tous les Canadiens, qu'il n'y aura qu'une seule pêche commerciale régie par les mêmes règles pour tous, que l'on obviera au droit issu du traité en délivrant des permis pour la pêche commerciale dans les eaux de pêche commerciale avec d'autres Canadiens, qu'à la délivrance de tout permis de pêche au titre du traité correspondra l'achat par le gouvernement d'un permis qu'un pêcheur du secteur commercial consent à vendre.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je dois interrompre le député. Son temps de parole est largement écoulé.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Madame la Présidente, le député a suggéré au gouvernement fédéral qu'il demande une suspension de l'application du jugement pour ménager une période de calme propice à des négociations légitimes et constructives afin de permettre aux autochtones de prendre pacifiquement leur place dans le secteur des pêches. Quelle a été la réponse du gouvernement? Pourquoi n'a-t-il pas demandé cette suspension? Pourquoi n'est-il pas allé jusqu'à prendre les devants en faisant des recommandations à la Cour suprême en prévision des conséquences que pourrait avoir la décision Marshall, ce qui aurait permis aux pêcheurs autochtones de prendre pacifiquement leur place et de prévenir une partie du chaos qui existe maintenant?
Nous sommes à la veille de l'ouverture de la pêche au homard dans la baie de Fundy. Des collectivités de ma circonscription seront touchées. Nous croyons savoir que certains pêcheurs autochtones retirent leur appui au moratoire de 30 jours. Nous risquons de connaître un terrible chaos que le gouvernement aurait pu prévenir par une stratégie à long terme clairvoyante. Qu'en pense le député?
M. John Cummins: Madame la Présidente, le gouvernement a simplement rejeté ma position voulant qu'on demande une suspension à la Cour suprême du Canada et qu'une nouvelle audition soit appropriée, et il a prétendu qu'elle était dénuée de tout fondement. L'idée n'est pas de mon cru. J'ai consulté d'éminents constitutionnalistes de ma province, la Colombie-Britannique, des juristes qui ont de l'expérience à la Cour suprême du Canada. C'est leur proposition et elle est très sérieuse.
Un correspondant m'a dit ce matin que certaines des bandes qui s'étaient engagées à appliquer le moratoire avaient simplement déplacé leur matériel de pêche. Je ne peux pas confirmer l'information, mais, si le moratoire a été violé, le gouvernement devrait saisir l'occasion pour déclarer que la situation échappe à tout contrôle et qu'il serait préférable de consulter la Cour suprême sur les mesures à prendre. Le gouvernement a 30 jours pour le faire. Autrement dit, il lui reste trois jours pour faire ces démarches auprès de la Cour suprême.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Madame la Présidente, nous sommes aux prises avec une situation très sérieuse. Comme tout le monde peut s'en rendre compte, elle est très sérieuse pour ceux d'entre nous qui habitent dans les collectivités côtières et le long du littoral.
Je suis toujours contrarié lorsqu'on propose, comme l'orateur précédent l'a fait, de réentendre la cause. Cela me fait penser aux gens qui jouent à pile ou face pour savoir qui devrait passer en premier. S'ils ne sont pas satisfaits du résultat, ils optent pour les deux meilleurs sur un total de trois, et s'ils ne sont toujours pas satisfaits, ils choisissent les trois meilleurs sur un total de cinq. Ils s'entêtent à poursuivre le jeu jusqu'à ce qu'ils obtiennent ce qu'ils veulent.
Il semble très inusité de parler de réentendre une décision de la Cour suprême. Je me demande si le député avait adopté la même position si la décision n'avait pas été en faveur des traités autochtones.
La situation est très sérieuse. La cour a tranché. Elle a rendu une décision. Nous devrions maintenant nous efforcer de mettre la décision en pratique de façon à ce qu'elle soit avantageuse pour tous les participants de l'industrie. Nous devons le faire par la négociation, et c'est là où le gouvernement a failli à la tâche. Il a attendu que la décision soit rendue avant d'envisager la négociation, bien que Delgamuukw ait parlé de négociation et que la Commission royale sur les peuples autochtones en ait fait autant.
Nous savons depuis longtemps qu'il doit y avoir un partage des ressources et que ce partage doit se faire de manière à préserver la paix et l'harmonie. Pourtant, nous attendons une décision fort cruciale et elle finit par opposer un camp à l'autre, des collectivités à d'autres.
À ce propos, j'ai entendu beaucoup de paroles conciliantes de la bouche de gens de tous les camps, d'autochtones et de blancs qui veulent régler cette question d'une manière favorable. C'est là où le ministre et le gouvernement doivent prendre les devants et faire preuve de leadership. Ils ne doivent pas attendre pour voir si les négociations ont échoué. Ils ne doivent pas attendre pour voir si les casiers ont été retirés. Ils doivent plutôt faire preuve de leadership et agir immédiatement. C'est bien beau d'entendre parler des plans à long terme, mais nous sommes aux prises avec une situation qui nécessite des mesures immédiates. Il faut immédiatement exposer les priorités pour surmonter la crise qui nous guette.
M. John Cummins: Madame la Présidente, le fait de demander au tribunal d'entendre à nouveau l'affaire sert simplement à faire ce qui suit. Il y a manifestement de l'agitation sur la côte est. Des gens sont mécontents parce qu'ils ne comprennent pas bien ce que signifie la décision. Ils ne sont pas certains si ce droit de priorité permet à d'autres, c'est-à-dire aux non-autochtones, d'avoir accès aux ressources halieutiques. Il est nécessaire que le tribunal éclaircisse la question.
Il ne s'agit pas de réviser la décision. Le tribunal a statué sur ce droit. Il a reconnu l'existence de ce droit conféré par traité. Il n'a cependant pas précisé quel droit ont les autres en vertu de cette décision.
Nous pouvons en débattre sans fin, mais la façon la plus rapide de résoudre ce problème est de retourner devant la cour et de lui demander des éclaircissements. Quel genre d'équilibre avait-elle à l'esprit lorsqu'elle a approuvé ce droit conféré par traité. Avait-elle l'intention de permettre que ce droit soit enfreint? Ce qu'on a avancé dans l'affaire Gladstone et dans d'autres, c'est qu'effectivement les non-autochtones ont des droits, mais que ces droits ne sont pas mentionnés dans cette affaire. En fait, les personnes touchées par la décision n'étaient pas représentées en cour.
Je ne comprends absolument pas pourquoi le député ne veut pas que d'autres soient également entendus. Le gouvernement n'a pas représenté les intérêts des pêcheurs commerciaux lorsqu'il a présenté ses arguments à la cour. Ces gens avaient tout à fait le droit d'être entendus en cour. Que le député de Halifax laisse entendre qu'ils n'ont pas ce droit me dépasse.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Madame la Présidente, j'ai deux brèves questions à poser à mon vis-à-vis.
Premièrement, au cours de son intervention, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a laissé entendre qu'on avait refusé aux autochtones l'accès aux ressources. D'après ce que j'ai vu en Colombie-Britannique, ce n'est pas le cas. Le député pourrait-il expliquer quelle est la participation des autochtone à la pêche commerciale en Colombie-Britannique?
Deuxièmement, et c'est une vraie question, le député pourrait-il expliquer à la Chambre et aux Canadiens quelle est la participation des autochtones à la pêche au homard sur la côte est? S'agit-il d'une pêche traditionnelle qui existait avant le contact avec les Européens et avant la colonisation? La pêche au homard faisait-elle partie de la culture des Indiens micmacs et de leur mode de subsistance avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord?
M. John Cummins: Madame la Présidente, à propos de la première question, les autochtones ont joué un grand rôle dans le secteur des pêches de la Colombie-Britannique. Avant 1992, quand le gouvernement conservateur précédent a introduit cette pêche commerciale à caractère racial qui a donné aux autochtones un droit prioritaire de pêcher commercialement en Colombie- Britannique, 30 p. 100 des pêcheurs commerciaux dans la province étaient des autochtones. Certains des pêcheurs les plus prospères de la Colombie-Britannique étaient des autochtones canadiens.
À Prince Rupert, dans la circonscription du député de Skeena, 60 p. 100 des travailleurs dans les entreprises de conserverie du poisson étaient des autochtones. Il y avait une forte participation des autochtones dans le secteur de la pêche de la Colombie-Britannique, où les autochtones forment environ 3 p. 100 de la population.
Quant à la participation des autochtones à la pêche au homard sur la côte est, un historien m'a révélé aujourd'hui que le poisson n'était pas mentionné dans ce traité parce qu'il possédait très peu de valeur à l'époque où le traité a été conclu. Le poisson était facilement disponible à tous ceux qui en voulaient. Si l'on voulait du poisson, il n'était pas difficile d'en capturer. En tant qu'objet de commerce, il ne présentait pas de valeur. Il est certain que le homard n'était probablement pas une denrée recherchée par les autochtones. Rien ne prouve qu'il l'était.
Comme le député derrière moi l'a dit plus tôt, avant 1968, n'importe qui aurait pu obtenir un permis de pêche au homard. Pendant longtemps, tout le monde pouvait en obtenir pour 25¢. Ceux qui pratiquaient cette pêche le faisaient pour diverses raisons, mais il était difficile d'y gagner sa vie. Depuis l'institution des permis à portée limitée, les pêcheurs, les transformateurs et le MPO ont travaillé fort ensemble pour mettre un produit de qualité sur le marché, un produit dont la valeur a augmenté graduellement. Maintenant que c'est devenu une pêche lucrative, elle a évidemment suscité de l'intérêt chez d'autres.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Madame la Présidente, je désire débuter mon intervention en disant que je sympathise avec les pêcheurs autochtones et les pêcheurs commerciaux de la côte est.
J'ai eu le plaisir de me rendre en Nouvelle-Écosse, à l'été de 1998, lors d'une tournée. Je rappelle qu'à l'époque, la Chambre des communes avait dévolu toute la question de l'éducation aux autochtones de la Nouvelle-Écosse.
J'en avais d'ailleurs profité pour faire une tournée. Je m'étais rendu à Indian Brook et cet été je me suis rendu à l'Île-du-Prince-Édouard pour voir les gens de Lennox Island, qui sont tous des Micmacs. J'avais remarqué une chose lors de ma visite, c'est qu'il existait une paix sociale dans ces endroits. La communauté autochtone tout comme la communauté non- autochtone partagent beaucoup de visions sur la mer.
Il y a eu par la suite le fameux arrêt Marshall. Malheureusement, je trouve que le gouvernement s'en est très mal tiré. Si on regarde la tournure des événements, ce qui se passe du côté des provinces de l'Atlantique n'est pas réjouissant.
J'ai décidé de soulever la question de la vision qui caractérise les traités parce qu'on se rappelle que la Cour suprême a analysé le Traité Murray avant de rendre cette décision. La vision que les autochtones avaient des traités est complètement différente de la vision des Européens. Pour les autochtones, les traités ne se concluaient pas seulement de gouvernement à gouvernement, mais aussi de nation à nation.
Ce qu'on remarque aussi dans l'histoire, c'est que l'ensemble des membres d'une nation autochtone se sentaient liés par ce traité. Qu'il s'agisse d'un traité ordinaire, d'un traité d'amitié ou d'un traité de coopération, tous les membres d'une nation autochtone se sentaient liés par le traité.
J'ai mentionné l'exemple des gardiens des traités des Micmacs, qu'on appelle les Putu's. Les gardiens de ces traités réunissaient une fois par année les communautés micmaques, relisaient les traités et en discutaient.
On s'aperçoit que la vision autochtone des traités est une chose assez sacrée et importante. Naturellement, tout le monde le sait, même si c'est quelquefois un peu folklorique pour nous, c'est quand même une tradition qui est toujours présente. Il y avait beaucoup de festivités autour de la conclusion d'un traité. Il y avait des chants, des danses, et ainsi de suite.
Du côté européen, ce n'était pas la même chose. C'était plutôt le côté «business» qui prévalait. On signait un traité pour faire en sorte d'avoir le plus d'emprise possible sur l'ensemble des terres. Le traité était souvent signé par un général. C'était le cas du traité qui est ici en litige, soit celui signé par le général Murray. Aucun citoyen ne connaissait les tenants et les aboutissants de ce traité. On faisait tout simplement confiance au gouvernement ou au général pour signer le traité, et après cela on l'oubliait.
Quand le traité devenait un peu dérangeant, on le mettait dans le fond du garde-robe et on essayait de l'oublier. Cela a toujours été la façon dont les autochtones ont été traités.
Je voudrais raconter une histoire pour expliquer ce qui se passe dans les provinces atlantiques. Imaginons que depuis 200 ans, il y a un voisin de ma famille qui a décidé de mettre sa clôture 50 pieds sur mon terrain, et que cela dure depuis 200 ans. De père en fils, de génération en génération, on s'est toujours dit qu'on corrigerait cela, qu'on reprendrait notre territoire et notre juridiction. Deux cents ans plus tard, l'instance suprême légale au Canada, la Cour suprême, décide que la clôture est mal placée. Combien de temps va-t-on prendre pour replacer la clôture au bon endroit? Cela va se faire la journée même.
Ce n'était pas surprenant de voir les autochtones sortir et pêcher immédiatement après le jugement, parce qu'ils veulent forcer les choses. Ils constatent qu'ils ont été laissés pour compte, et qu'il est très important de sortir rapidement pour peut-être forcer une négociation. Malheureusement, les négociations tardent beaucoup à venir.
Je ne voudrais pas oublier le traité Murray, parce que je parlait plus tôt du fameux général. Il y a eu une série de traités au début du XVIIe siècle en Virginie, au Massachusetts et en Pennsylvanie. La Couronne britannique concluait des traités—je l'ai dit plus tôt—avec l'ensemble des nations autochtones.
En 1750, à Halifax, il y a eu des traités en ce sens. Le grand chef Jean-Baptiste Cope, qui était le négociateur autochtone, avait conclu des traités. Celui qui est en litige aujourd'hui, celui de 1760-1761, avait été conclu par le général Murray. Il traitait des questions d'ordre commercial, comme entre autres les comptoirs. D'ailleurs, si on lit le jugement de l'arrêt Marshall, on constate que le litige portait sur cette question.
Est-ce que les autochtones, aujourd'hui, ont le droit d'échanger une pêche commerciale contre des biens ou de l'argent? À l'époque, ils en avaient le droit, car il y avait des comptoirs spécifiques pour cela et les Anglais avaient un contrôle total sur tous les échanges commerciaux, parce qu'en signant le traité, les autochtones s'engageaient à négocier uniquement avec la Couronne britannique. Cela s'applique au traité Murray.
Les siècles se sont écoulés et bien des choses importantes se sont produites, entre autres, l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 et l'inclusion de l'article 35. L'article 35, après de dures batailles de la part des autochtones, a été inclus dans la Loi constitutionnelle. À mon avis, trois paragraphes sont importants, particulièrement celui portant sur les droits ancestraux existants ou issus des traités des peuples autochtones du Canada qui sont reconnus et confirmés. Alors, ce type de traité a été reconfirmé par la Cour qui a dit: «Oui, cela tient.»
Dans la présente loi, «peuples autochtones du Canada» s'entend notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada. Alors, les Micmacs et les Malécites satisfont à la notion de peuple et d'Indiens. Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités dont il est fait mention au paragraphe (1) «les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis». Cela veut donc dire que tout ce qui va s'appeler «négociation territoriale» va être inclus maintenant automatiquement et protégé par la Constitution.
J'ai examiné l'évolution de la jurisprudence, parce que cela me paraît important. Depuis le début du débat, j'entends les collègues dire: «On devrait retourner à la Cour suprême faire spécifier ce qu'est la subsistance convenable» ou «On devrait retourner à la Cour suprême pour lui demander de suspendre sa décision.» Depuis 1973—j'ai reculé jusqu'à 1973, mais il y a eu d'autres décisions avant cela—toutes les décisions de la Cour suprême ont été rendues en faveur des autochtones, ou presque. Le premier jugement que j'ai retenu, c'est le jugement Calder.
M. Calder, qui est un Nisga'a—d'ailleurs on va discuter de la question des Nisga'as prochainement à la Chambre—avait soumis une cause à la Cour suprême, à l'époque. Voici quelle avait été la décision de la Cour suprême:
Six des sept juges de la Cour suprême du Canada reconnaissent l'existence du titre ancestral basé sur l'occupation des terres, dans le droit canadien. Les juges reconnaissent que les droits territoriaux des autochtones existent non seulement en vertu de la Proclamation royale de 1763, mais en vertu également d'un titre indien issu de l'occupation ancestrale de ces terres. En dehors des droits garantis par des traités ou des lois, il existe au Canada des droits autochtones de nature ancestrale, c'est-à-dire des droits coutumiers ayant survécu à la colonisation et à la transformation politique du pays.
Cela a été une percée très importante pour les autochtones devant la Cour suprême en 1973. Ensuite, en 1984, est survenue l'affaire Guérin. Dans ce cas, la majorité des juges de la Cour suprême ont réaffirmé l'existence du titre ancestral et souligné les obligations de fiduciaire du gouvernement fédéral.
Donc, le gouvernement fédéral doit se mêler de ce qui se passe actuellement sur la côte est. Je continue l'extrait de la décision Guérin:
Les juges reconnaissent que les droits ancestraux autochtones existaient avant la mise en place des régimes britannique et canadien.
Donc, les droits existaient avant même que les Européens arrivent ici.
La relation entre le gouvernement du Canada et les autochtones est de nature fiduciaire et impose de véritables obligations aux autorités fédérales.
On dit bien: «de véritables obligations».
Puis arriva l'affaire Simon. La décision qui fut rendue stipule ceci:
La Cour suprême reconnaît que les droits ancestraux autochtones ou issus des traités ne peuvent s'éteindre par l'effet implicite d'une loi.
Cela veut dire que le Parlement canadien, même s'il adopte une loi, ne peut pas éteindre les droits des autochtones. Cela est expliqué clairement dans une décision rendue dans le cadre de l'affaire Simon qui date de 1985. Je suis en train de remonter la ligne du temps jusqu'à aujourd'hui. On se rendra compte que la solution n'est pas nécessairement de retourner devant la Cour suprême.
En 1989, il y a eu l'arrêt Sioui qui disait ceci:
La Cour suprême reconnaît la validité du traité signé par le général Murray [...] en faveur des Hurons [...]
Il avait conclu une entente avec les Hurons, le 5 septembre 1760.
La Cour reconnaît que le consentement des autochtones est obligatoire pour éteindre des droits issus de traités.
Cela signifie que lorsqu'on dit que l'on va éteindre des droits, il faut que les autochtones soient d'accord, sinon cela ne peut être accepté.
Un droit ancestral ou issu d'un traité ne peut être limité si l'intérêt public est respecté.
Maintenant, on en arrive à l'affaire Sparrow qui a été un pivot dans l'activité commerciale et l'activité de pêche au Canada. On y disait beaucoup de choses, dont ceci:
[...] les lois provinciales ne peuvent restreindre un droit ancestral, même en invoquant l'intérêt public. Les droits des autochtones de pêcher ont une priorité absolue sur les droits de pêcher des autres personnes. Seule la pérennité ou la rareté de la ressource faunique peut diminuer ce droit.
Je pense que c'est reconnu actuellement.
On y lit également ceci: «De plus, un droit ancestral ne peut être interprété de façon à englober la manière précise dont il était réglémenté avant 1982 [...].» La réglementation qui s'appliquait à une chose à l'époque peut s'appliquer à quelque chose d'autre aujourd'hui. C'est ce que stipule l'arrêt Marshall. Il dit qu'à l'époque, il y avait des comptoirs et aujourd'hui, on donne le droit aux autochtones de transiger et de faire de la pêche commerciale. C'est à partir de cette décision que la jurisprudence a évolué.
Je poursuis: «Toute mesure gouvernementale qui porte atteinte aux droits ancestraux des autochtones doit être justifiée de manière explicite et convaincante.» Et surtout, l'interprétation des traités doit être généreuse et libérale. Cela veut dire que lorsque les juges de la Cour suprême examinent une cause, ils peuvent appliquer au maximum la portée de ce que voulaient dire ces mots et ces dispositions à l'époque.
Ensuite, il y a eu la fameuse trilogie dont il est fréquemment question dans les journaux actuellement. Il s'agit des décisions Gladstone, Van der Peet et Smokehouse.
Dans Gladstone particulièrement, le droit ancestral de pêcher à des fins commerciales est reconnu. Dans Van der Peet et Smokehouse, les revendicateurs doivent faire la preuve que leur nation a déjà fait le commerce de la pêche pour qu'on puisse leur en donner le droit, et cela, ils n'ont pas réussi à le démontrer.
La décision Calder de 1996 reconnaît que le droit de réglementer pour la conservation est toujours là. Le ministre a donc raison de dire que pour réglementer la conservation, il a un rôle à jouer et qu'il est important.
Enfin, il y a eu l'arrêt Delgamuukw qui est en train de révolutionner notre approche auprès des autochtones. On tient compte, non seulement d'un traité, mais des traditions orales. Cela veut dire que quelqu'un qui est mandaté par sa communauté peut se présenter devant une cour avec des traditions orales et dire: «Je suis en mesure de démontrer que nous avons occupé ce territoire depuis toujours.» Et si la tradition orale est retenue par la cour, c'est aussi puissant que la signature du traité.
Ce que je suis en train de démontrer, c'est que l'édifice légal des autochtones est absolument inébranlable. Chaque fois que le ministre des Affaires indiennes vient témoigner devant le comité, ce qui se produit une fois par année, je me fais un devoir de lui poser les questions suivantes: «Quand allez-vous agir dans le dossier autochtone? Quand cesserez-vous d'être à la remorque des cours dans le dossier autochtone?»
Aujourd'hui, le Parlement est à la remorque d'un arrêt de la Cour suprême, et c'est toujours ainsi. Dans toutes ces décisions, il y a eu des petits changements de politique au gouvernement. Il y a 1 000 zones grises dans la Loi sur les Indiens. Il y a 1 000 zones grises dans les traités. Et que fait le gouvernement? Il gère cela de crise en crise.
L'intention du gouvernement, depuis le début de la crise, le 17 septembre, est celle-ci: «Si on peut régler cette crise-là et en finir, on va retourner à nos affaires.» Cela a toujours été le problème. Il va y en avoir d'autres crises dans les ressources naturelles. Il va y en avoir d'autres dans la foresterie. Il va y en avoir d'autres du côté de l'autonomie gouvernementale, parce que ce gouvernement fait preuve d'une totale incurie. Il ne s'occupe pas de ce dossier.
Il entame des discussions avec les autochtones d'un peu partout, mais il oublie les crises qui peuvent survenir. Quand la crise arrive, il faut convoquer le Parlement, il faut prendre des décisions parlementaires, il faut que le ministre se mouille.
Dans la décision Marshall, comme dans toutes les autres décisions, le gouvernement est complètement à la remorque des cours. Il n'est pas seulement à la remorque de la Cour suprême, parce qu'avant de se rendre là, il a fallu que cela gravite. Mais au lieu de voir venir et de dire: «On va s'asseoir et on va négocier», le gouvernement dit: «On va attendre que la cour tranche et, ensuite, on verra.»
La décision Marshall a reconnu les droits des pêcheurs autochtones sur la côte est et maintenant, on est pris pour leur faire de la place. C'est sûr que cela bouleverse des habitudes. Cela bouleverse d'énormes habitudes. Les pêcheurs blancs n'étaient pas habitués à voir des gens rentrer dans leur marché et dans leur pêche. Il y a quelqu'un qui va devoir céder quelque part et ce ne sera pas les autochtones. On n'est quand même pas pour envoyer la GRC arrêter les autochtones, alors qu'ils ont en main une décision de la Cour suprême du Canada qui leur donne raison.
Le ministre devrait régler cela par la négociation. Plus tôt, j'ai reçu des nouvelles très alarmantes sur le fil de presse.
Le ministre, au lieu de venir nous dire, en se pétant les bretelles avec son collègue le ministre des Affaires indiennes, que tout va très bien, qu'il n'y a pas de problème, que maintenant il y a un moratoire, que les gens vont se parler, devrait prendre l'avion tout de suite ce soir avec son collègue, s'en aller là-bas et s'asseoir afin de définir ce qu'est une subsistance convenable. C'est cela l'arrêt Marshall.
Dans l'arrêt Marshall, on dit qu'ils ont le droit de «pêcher commercialement pour leur subsistance convenable». Qu'est-ce que cela veut dire? Comme je l'ai dit tantôt, on n'est certainement pas pour cela, et le Bloc québécois ne sera pas d'accord pour retourner devant la Cour suprême en lui demandant de définir «la subsistance convenable». Est-ce que c'est le salaire minimum? Est-ce que c'est 100 000 $ par année?
Il faudrait avoir beaucoup de discussions à ce sujet. Ces discussions devraient avoir lieu à la table des négociations. La définition de la subsistance convenable doit être déterminée par la négociation, pas par des moratoires que personne ne respecte et par d'autres interprétations qui pourraient être demandées à la Cour suprême.
Je pense qu'il y a eu des erreurs historiques. On peut se rappeler entre autres que lorsque les Pères de la Confédération ont signé la Constitution en 1867, aucun autochtone n'était là.
Les traités ont toujours été faits pour en profiter sur le moment. Quand ils étaient défavorables, on les mettait dans le fond du garde-robe. Ce n'est pas pour rien que les autochtones réagissent agressivement aujourd'hui.
C'est un manque de courage du gouvernement et une incurie totale. La Loi sur les Indiens remonte à il y a 100 ans et on est encore en train d'essayer de gérer les autochtones avec une Loi sur les Indiens qui a 100 ans. Pourquoi le gouvernement n'accélère-t-il pas la question de l'autonomie gouvernementale et des revendications territoriales?
Tant que les autochtones n'auront pas un territoire suffisant, avec des ressources suffisantes pour être autosuffisants, on tournera en rond dans ce Parlement et les autochtones vont réagir, surtout que des décisions de la Cour suprême sont en leur faveur. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est à peu près 50 à zéro en leur faveur.
Il me semble qu'il y a des choses à faire. Je dis que la façon de faire du Québec sera différente. Elle a toujours été différente et elle sera différente, entre autres, dans un Québec souverain. Dans le projet de loi qui avait été déposé à l'Assemblée nationale, il était explicite que les nations autochtones s'assoiraient avec le gouvernement pour rédiger la Constitution du Québec, ce que les Pères de la Confédération n'ont pas fait en 1867. On veut éviter les erreurs historiques qui se sont produites.
Finalement, je dis aux autochtones qu'au Québec on honorera toujours les traités signés par la Couronne britannique. Il est sûr qu'on est obligé de maintenir les mêmes statuts et les mêmes conditions. On va même probablement les améliorer.
J'en veux pour preuve la Convention de la baie James signée en 1975. Le gouvernement du Québec a déjà dit aux Cris: «Si vous voulez qu'on mette à jour la Convention, on est prêts à le faire.» Cela ne se fait pas dans ce Parlement. Ici, on règle cela crise par crise, à la petite mesure, à la petite heure. Présentement, il y a des évolutions importantes et très dramatiques sur la côte et j'y ferai allusion dans une minute.
Je veux dire par contre aux autochtones que le Bloc québécois va toujours les accompagner dans leurs démarches pour avoir plus d'autonomie. Le Bloc québécois est probablement le parti à la Chambre qui est le plus en mesure de déterminer et d'apprécier ce que cela veut dire de faire une démarche vers plus d'autonomie. Je veux leur dire qu'on est de leur côté pour cette recherche d'autonomie.
Il est dommage que le ministre ne soit pas ici et que le ministre des Affaires indiennes ne soit pas ici non plus.
Des voix: Oh, oh!
M. Claude Bachand: C'est vrai, je n'ai pas le droit de le dire. Il est peut-être en train de m'écouter dans le lobby.
J'ai en main la dépêche, qui remonte à environ une heure, de l'ensemble des chefs de la côte est. Je vais citer la dépêche en anglais. Ils disent ceci:
[Traduction]
Nous les chefs déclarons que nous ne demandons plus à nos membres d'arrêter de pêcher.
[Français]
Il y aura des problèmes demain matin. C'est pour cela que je disais au ministre de prendre l'avion tout de suite avec son collègue des Affaires indiennes. Ils font mieux d'aller sur la côte est. Les chefs viennent de dire qu'il n'y a plus de moratoire, que c'est terminé, qu'ils retournent pêcher demain. La dépêche souligne également, et je cite:
[Traduction]
Nous ne demandons plus à nos membres qui veulent continuer à pêcher d'arrêter. C'est ce qu'a dit Ben Sylliboy, grand chef de la nation mi'kmaq.
[Français]
Ces propos ont été tenus à 19 h 16. Je pense que la preuve est faite que ce gouvernement a fait preuve de laxisme et d'incurie, et qu'on est en train d'en payer le prix. Je suggère aux deux ministres de prendre l'avion ce soir et d'aller réparer cela.
La solution est dans la négociation, pas dans le retour devant la Cour suprême.
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, PC): Madame la Présidente, je veux remercier mon collègue pour ses commentaires.
On constate qu'il y a une crise dans l'industrie de la pêche au homard. Toutefois, on oublie souvent aussi de parler de la crise sociale que l'on retrouve dans nos régions. C'est vrai que demain matin, nos communautés feront encore face à une crise. Les enfants vont se rendre à l'école demain matin et vont encore être divisés entre eux, les autochtones d'un côté et les non-autochtones de l'autre. C'est triste. Les familles sont prises avec ce problème. C'est dommage de constater que le gouvernement libéral a refusé de manifester du leadership et de prendre des actions à cet égard. On a laissé les communautés se battre entre elles, au lieu de prendre la relève, de prendre le contrôle, de s'asseoir et de négocier.
C'est très important de se rappeler qu'il ne s'agit pas seulement d'une crise dans l'industrie de la pêche au homard. Chez nous, c'est une crise sociale. Nous avons travaillé très fort pour communiquer ensemble, travailler et manger ensemble, et en moins de deux semaines on est en train de tout détruire.
J'espère que le ministre prendra cela en considération et entreprendra des démarches qui nous assureront de pouvoir réparer les dommages causés dans nos communautés.
Je me demande si mon collègue du Bloc québécois est d'accord avec moi à ce sujet.
M. Claude Bachand: Madame la Présidente, je suis entièrement d'accord avec ma collègue du Parti progressiste-conservateur.
Comme je le disais au début de mon discours, je me suis rendu dans les communautés autochtones cet été et l'été auparavant. J'ai constaté qu'il existait une très belle paix sociale entre les autochtones et les non-autochtones. Ce que je crains aujourd'hui, c'est que l'incurie et le laxisme du gouvernement dans ses prises de décisions, ainsi que son manque de courage, provoquent des déchirements dans la communauté. Ceux-ci ont d'ailleurs déjà commencé.
Le ministre a arrêté momentanément. Avec la dépêche que je viens de recevoir, je crois que l'urgence de la négociation est omniprésente. C'est pour cela que je suggère au ministre de prendre l'avion ce soir. S'il lui manque des points pour voyager au Canada, je suis d'accord pour lui en transférer un ou même deux s'il veut amener son collègue des Affaires indiennes sur la côte est.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Madame la Présidente, mon collègue du Bloc québécois ne convient-il pas que, à cause du manque de leadership des gouvernements conservateurs précédents et du gouvernement libéral actuel, le gouvernement doit maintenant allouer des ressources humaines et financières? Le leadership dans cette crise va venir de la base. Les pêcheurs eux-mêmes et leurs localités vont trouver les solutions à court et à long terme pour régler la crise très grave qui a éclaté dans le Canada atlantique.
Mon collègue ne convient-il pas que le gouvernement doit immédiatement fournir les ressources humaines et financières nécessaires pour aider à résoudre ce problème?
[Français]
M. Claude Bachand: Madame la Présidente, je suis entièrement d'accord pour dire que puisque la crise a été occasionnée par le gouvernement fédéral, il faut qu'il vienne encore une fois éponger le gâchis. Quand je dis «éponger le gâchis», mon collègue de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok va tantôt sûrement suggérer des façons de le faire. Cela pourrait être le rachat de permis, parce que cela se fait souvent, pour faire plus d'espace aux autochtones qui, eux, ont gagné lors d'une décision de la Cour suprême.
Il faut donc maintenant que le gouvernement se retrousse les manches et fasse preuve de courage. Il ne doit pas retourner devant la Cour suprême mais plutôt aller négocier immédiatement, de sorte que l'on puisse retrouver une paix sociale dans ces communautés.
C'est lui qui est responsable du gâchis. Le Parti progressiste-conservateur le fut avant lui aussi, comme le disait mon autre collègue. Lorsque le Bloc québécois sera à Québec ou que nous serons devenus souverains, certainement que je pourrai toujours aller appuyer mes collègues du NPD parce que je trouve qu'ils ont des positions très proches de celles de notre parti.
[Traduction]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Madame la Présidente, je pense que tous les députés et tous les Canadiens qui ont suivi les récents événements concernant la pêche au homard sur la côte est se rendent compte de la nature volatile de la situation créée par la récente décision de la Cour suprême, décision qui confirme aux Mi'kmaq et autres peuples autochtones du Canada des droits découlant d'un traité.
Je crois que la fin du moratoire volontaire, confirmée au cours des dernières heures, est très inquiétante. Elle fait ressortir à quel point il importe que chaque député à la Chambre fasse tout ce qui est humainement possible pour ne pas aviver la tension qui règne dans les collectivités de pêcheurs de la côte est.
Je dois dire, à cet égard, que je trouve affligeant d'entendre les députés réformistes répéter sans cesse des propos excessifs, incendiaires et historiquement inexacts en parlant du caractère racial des pêches. Cela ne nous rapproche aucunement d'une solution qui assurera une pêche satisfaisante et durable pour tous ceux qui méritent leur juste part dans les collectivités autochtones et non autochtones de la côte est.
Il est évident que les décisions Marshall et Delgamuukw posent des défis de taille qui auront un impact non seulement sur les pêches, mais sur de nombreux secteurs de ressources naturelles auxquelles les autochtones et les non-autochtones voudront avoir accès et dont ils voudront leur juste part.
On a peu mesuré l'importance considérable de ces jugements, tant au sein du gouvernement fédéral qu'au sein du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. S'ils en avaient adéquatement évalué l'impact, les deux paliers de gouvernements auraient travaillé de concert et sans relâche avec tous les intervenants pour élaborer un plan qui aurait été prêt à mettre en oeuvre dès le dépôt, par la Cour suprême, de sa décision dans la cause Marshall. Au lieu de cela, le gouvernement fédéral a fait montre d'inertie; on a assisté à des actions inefficaces et même à de l'inaction de sa part.
Le fait que le gouvernement ne se soit pas doté d'un plan d'urgence est inexcusable. Il en est résulté un vide dont ont profité les intervenants légitimes, avec des résultats prévisibles. Cela, soit dit en passant, est devenu bien trop fréquent par les temps qui courent, comme l'atteste hélas le manque de leadership des libéraux dans les crises du transport aérien et de l'agriculture.
Ainsi que je l'ai dit plus tôt dans mes observations sur le discours du Trône, les dirigeants micmacs n'ont pas fait preuve du même manque de clairvoyance. En fait, dès le mois d'avril 1999, ils ont imploré les gouvernements de reconnaître—et je cite un document portant sur la question de la pêche micmaque, que la décision à venir de la Cour suprême dans la cause La Reine c. Donald Marshall, fils, avait un effet favorable sur les attentes des Micmacs quant à un accès élargi à la pêche de la côte est, tout en créant de l'incertitude et de l'anxiété au sein de l'industrie.
Il est extrêmement regrettable qu'à défaut de faire preuve de pareille clairvoyance, le gouvernement n'ait, à tout le moins, pas étudié sérieusement les exhortations des chefs micmacs à prévoir les conséquences de cette décision.
[Français]
Le gouvernement libéral n'a rien fait en attendant la décision Marshall. L'inaction des libéraux a permis aux tensions et au chaos de s'installer dans les communautés de pêche de l'Atlantique.
[Traduction]
Hélas, personne n'était là pour tempérer les esprits après l'annonce de l'arrêt Marshall précisément parce que l'actuel ministre des Pêches et son prédécesseur ont été manifestement absents du dossier avant l'annonce dudit arrêt.
Il ne faut guère s'étonner alors que les localités côtières du Canada atlantique vivant de la pêche au homard aient été aux prises avec des tensions et des dissensions ces dernières semaines.
La solution ne consiste certes pas à blâmer la Cour suprême d'avoir jugé de la question des droits issus de traités dont elle avait été saisie. Il n'est pas acceptable non plus que l'on demande à la Cour de suspendre sa décision, comme l'a proposé le premier ministre, ni que l'on renvoie l'affaire à la Cour suprême, comme des députés ne cessent de le proposer au cours du présent débat.
Il importe de reconnaître que les autochtones attendent depuis deux siècles et demi qu'un jugement clarifie leur droit d'accès aux ressources halieutiques conformément aux traités existants. Le manque de préparation et de perspicacité du gouvernement est une bien e excuse pour critiquer notre plus haut tribunal. On tire ici sur le messager.
Quelle politique répondra le mieux aux défis que doivent maintenant relever le secteur de la pêche au homard et les autres pêches commerciales de la côte est? Les Canadiens de l'Atlantique réclament et méritent une réponse cohérente à cette question. Ils veulent un régime post-Marshall qui soit fondé sur les principes de justice, d'équité, de durabilité et de viabilité commerciale à long terme.
[Français]
Dans la foulée de la décision Marshall, les Canadiens de l'Atlantique veulent un régime de pêche juste, équitable et durable. Pour y arriver, il faut consulter et écouter ce que les gens impliqués ont à dire.
[Traduction]
Pour arriver à établir un ensemble pratique de règles régissant l'accès aux ressources, il faut d'abord consulter les premiers intéressés, écouter patiemment et avec respect tous les intervenants. Sans leur aperçu de la question, leurs connaissances et au moins leur accord tacite, nous ne pouvons rien faire.
Permettez-moi, toutefois, d'exposer brièvement des idées qui pourraient éclairer ce processus et constituer le fondement d'une solution acceptable. D'abord, il faudrait mettre l'accent sur la conservation, sur la préservation à long terme des stocks. Il faut mettre en oeuvre des principes solides de gestion et de conservation fondés sur des preuves scientifiques sûres.
Les Canadiens de l'Atlantique ne peuvent pas se permettre un autre effondrement causé par le gouvernement du genre du fiasco de la pêche à la morue. Il faut obtenir et suivre les conseils de spécialistes indépendants.
Deuxièmement, il nous faut trouver le moyen d'attribuer des permis aux autochtones canadiens pour qu'ils puissent avoir un accès légal et incontesté à la ressource. Cela pourrait obliger le gouvernement à racheter quelques permis à des pêcheurs commerciaux. Certains signes permettent de croire qu'il pourrait y avoir jusqu'à 10 p. 100 des pêcheurs actuels qui sont prêts à céder leur place aux autochtones afin que ceux-ci aient leur juste part de la ressource. Qu'il soit bien clair que je parle ici de pêcheurs qui seraient prêts à cesser volontairement de pêcher le homard.
Il est essentiel de parvenir à un consensus sur une série de règles applicables à la conservation, aux prises admissibles et le reste. L'adoption des mêmes règles pour tous est la seule solution susceptible d'être acceptée par les groupes touchés.
Troisièmement, nous devons travailler pour établir une politique de la pêche axée sur les collectivités pour remplacer le modèle industriel actuel qui a enrichi quelques grandes entreprises au détriment d'un très grand nombre de pêcheurs côtiers et de leurs familles. Le chômage, la pauvreté et l'émigration qui frappent tant de villages de pêcheurs sont un triste témoignage de l'échec du modèle actuel.
[Français]
À long terme, nous devons travailler à établir des politiques de pêche davantage axées sur les communautés que sur l'industrie.
[Traduction]
Il importe de reconnaître que les modestes activités de pêche entreprises par les autochtones ne sauraient expliquer les menaces qui pèsent sur les différentes pêcheries du Canada atlantique.
Au cours de mes discussions avec les représentants des Mi'kmaq la semaine dernière, ceux-ci ont exprimé une grande détresse bien compréhensible, et je crois qu'il serait juste de dire qu'ils se sont sentis blessés qu'on laisse entendre que les dommages aux stocks de poisson de la côte est sont attribuables à leurs récentes activités de pêche.
La véritable menace vient de la pêche que les grandes sociétés et les conglomérats de multinationales pratiquent sans discernement et en faisant fi des principes du développement durable. À mon avis, le chef de l'opposition a eu tort aujourd'hui de condamner une approche communautaire en matière d'allocation des ressources, comme il l'a fait à l'égard du traité conclu avec les Nisga'a.
Il y a tout lieu de croire qu'en accordant aux localités de pêche un contrôle véritable et des responsabilités accrues par rapport aux ressources, il s'ensuivra des règles qui garantissent un mode de subsistance raisonnable pour les pêcheurs autochtones et non autochtones et qui préservent du même coup l'avenir de la ressource. Ceux qui ne partagent pas cet avis ne croient absolument pas au sens moral des pêcheurs, à leur équité et à leur sens des responsabilités.
Je tiens à souligner le travail important qu'effectue le groupe de travail mixte sur la pêche commerciale des Mi'kmaq, groupe institué en février dernier. Espérons que son approche prudente, respectueuse et fondée sur la collaboration nous permettra d'accomplir des progrès importants et de faire participer à la recherche d'une solution tous les intéressés: les autochtones, les non-autochtones et les autorités gouvernementales. Ce groupe de travail a sincèrement jeté les bases d'une pêche commerciale durable qui tient compte des intérêts de tous les pêcheurs, aussi bien les autochtones que les autres.
Voilà le genre de réflexion prospective à laquelle doivent se livrer les dirigeants et les décideurs de tous les niveaux, et notamment le gouvernement fédéral qui a brillé par son inaction.
Permettez-moi de conclure en disant que nous avons besoin de politiques gouvernementales qui régissent l'exploitation de nos ressources halieutiques et autres et qui témoignent d'une vision à long terme privilégiant la délégation de pouvoirs décisionnels à ceux qui sont le plus près de la ressource, cela dans un esprit d'équité et dans le respect du mode de subsistance de tout le monde. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est à cause de l'approche industrielle actuelle inspirée par une méconnaissance scientifique et la cupidité.
Tournons la page et remodelons le secteur des pêches et nos autres industries fondées sur les ressources de manière à ce qu'ils puissent offrir un mode de subsistance à de nombreuses générations à venir.
M. Charlie Power (St. John's-Ouest, PC): Madame la Présidente, j'aimerais poser une question à la députée qui a fait des commentaires assez profonds sur toute la question.
Aujourd'hui à la Chambre, plusieurs questions ont été posées au ministre. À quelques reprises, le ministre a affirmé que nous devions féliciter aujourd'hui ces 33 chefs autochtones sur 35 qui ont décidé d'eux-mêmes d'imposer un moratoire et de ne pas pêcher pendant une période de 30 jours. Il a par la suite ajouté que c'était à son avis un bon exemple de collaboration et de dialogue et qu'il y avait en place une solution qui fonctionnerait parce que le dialogue et la collaboration fonctionnaient.
La députée commence-t-elle maintenant à croire que la confiance est essentielle au dialogue et à la collaboration? Dans le cas qui nous occupe, où les leaders autochtones ne font confiance ni au ministre, ni au gouvernement, comment pourrons-nous en arriver à une collaboration et à un dialogue et, par conséquent, comment pourrons-nous établir quelque collaboration que ce soit avec le ministre et son ministère pour arriver à résoudre cette très délicate question?
Mme Alexa McDonough: Madame la Présidente, je ne crois pas que nous pourrons en arriver à une solution en affirmant que ce problème ne peut être résolu parce que les pêcheurs blancs et autochtones du Canada Atlantique ne font pas confiance au ministre.
Il est vrai de dire que les pêcheurs doivent être en mesure d'établir des liens de confiance avec le ministre. Ils sont très touchés par le fait qu'il n'y a pas que le ministre à avoir été très absent—à s'être même tenu complètement à l'écart—au moment où il y avait un urgent besoin de leadership dans ce dossier après la diffusion de la décision Marshall. Je crois qu'ils sont très touchés par le fait que le gouvernement fédéral, tout comme le gouvernement conservateur avant lui, a fait preuve de si peu de respect pour la question des droits conférés par les traités qu'il a poussé les gens devant les tribunaux, tournant le dos aux principes importants définis dans les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones voulant que nous prenions des mesures en vue de négocier et non de plaider dans ces dossiers.
C'est une habitude bien ancrée du gouvernement actuel et du gouvernement précédent, non pas seulement de l'actuel ministre, de ne pas faire preuve du respect approprié pour les Canadiens, qui veulent maintenant obtenir leur juste part des ressources de l'Atlantique, et ça se comprend.
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Madame la Présidente, je tiens à signaler que dans son discours le chef du NPD n'a pas proposé de solutions constructives ou réalistes, contrairement au Parti réformiste qui a suggéré un sursis à l'exécution du jugement et une nouvelle audition de la cause, afin qu'on y apporte les améliorations qui s'imposent, au lieu de faire comme le gouvernement, qui s'emploie à négocier malgré toutes les lacunes décelées, car la solution ne passe pas par une loi pour mettre fin à ce problème.
J'ai écouté avec intérêt ses propos sur les grandes entreprises qu'elle juge responsables de la pauvreté qui sévit dans cette région. Je me demande comment elle concilie ce discours avec l'appui des syndicats envers son parti qui se manifeste dans les grandes entreprises florissantes. Est-elle tout à fait contre les sociétés qui pêchent le homard dans cette région? Je crois comprendre qu'elle préférerait les voir toutes fermer leurs portes.
Mme Alexa McDonough: Madame la Présidente, une fois de plus, je ne crois pas qu'il soit très utile de faire des généralisations hâtives sur quelque chose d'aussi ridicule que la condamnation de toutes les grandes sociétés.
Ce dont il est question, ce sont des méthodes de pêche pratiquées par certaines grandes sociétés qui violent littéralement le fond de l'océan, qui ne font aucun cas de l'écosystème, qui se moquent de la chaîne alimentaire, qui ne tiennent pas compte du fait que, si on ratisse tout ce qui bouge et qu'on rejette ensuite à la mer le poisson qui ne répond pas à certaines normes, on finira pas créer le genre de crise à laquelle sont actuellement confrontées les pêches de la côte est. Je pense que ce genre de conclusions ridicules ne nous mène à rien de bon.
Ce qu'il faut faire, c'est déterminer avec soin quelles sont les pratiques de pêche qui sont compatibles avec la pérennité des pêches et celles qui ne le sont pas. Dans l'intérêt de toutes les parties, il nous faut adopter un ensemble de pratiques et de règlements qui nous assurent enfin des pêches durables.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Madame la Présidente, le chef du Nouveau Parti démocratique dit qu'on doit tenter de développer une pêcherie viable et durable. Est-ce qu'elle pourrait donner son opinion sur la dernière entente internationale qui a été signée cet été par le Canada? Je parle de l'Accord des pêcheries des Nations Unies. L'article 5 de cette convention prévoit que: «[...] les pays signataires s'engagent à développer et à respecter une pêcherie durable et rentable».
Mon problème, ce soir, c'est que le Canada doit maintenant faire face à une obligation de la Cour suprême du Canada qui dit qu'on doit assurer une subsistance convenable aux autochtones. Mais on ne sait toujours pas, dans le langage et le vocabulaire utilisés par le ministère des Pêches et des Océans, ce que veut dire une pêcherie rentable et, surtout, durable. Durable, cela a trait au choix d'engin qui sera proposé, mais viable?
À quel niveau de rentabilité doit-on s'attendre, surtout dans la perspective de l'ONU, de tous les pays de la terre, dont la France, les États-Unis, l'Angleterre et d'autres, qui est «and without subsidies», c'est-à-dire sans subvention? Que veut dire «sans subvention»? Que veulent dire les mots «viable» et «rentable» dans un tel cas?
Présentement, on demande aux pêcheurs de la Gaspésie de partager leurs ressources avec les autochtones. Si la cour les y oblige, ils vont le faire, mais ils vont aussi partager leur misère. Ils vivent d'assurance-emploi en hiver.
Comment va-t-on définir l'expression «viable et rentable»? Est-ce que le NPD est prêt à s'associer à nous pour mettre de la pression sur le gouvernement libéral pour le forcer enfin à développer cette définition? On en a besoin non seulement pour régler la crise autochtone, mais aussi pour assurer la pérennité dans le monde des pêches de tout l'Est canadien.
[Traduction]
Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, permettez-moi de dire tout d'abord que, à mon avis, le député qui m'a précédé serait le premier à admettre que les questions qu'il a soulevées sont extrêmement complexes sur les plans scientifique et juridique. Mais je suis entièrement d'accord sur l'objet de la question du député, à savoir que le gouvernement fédéral doit être disposé à affecter les ressources nécessaires pour faire en sorte que nous trouvions des réponses à ces questions.
Tous ceux d'entre nous qui représentent des collectivités côtières reconnaissent la situation que le ministre décrit et qui existe dans sa circonscription. Il s'agit d'un problème qui découle de la méthode de gestion de crises que le gouvernement libéral et le gouvernement conservateur précédent ont adoptée, en refusant d'admettre que la notion de pérennité est absolument cruciale, et qu'il ne suffit pas pour le gouvernement fédéral d'imposer unilatéralement des règlements, mais de reconnaître aussi qu'il doit imposer des restrictions appropriées sur les activités de pêche, dans l'intérêt de tous les participants du secteur de la pêche à l'heure actuelle et de ceux qui voudront compter sur ce secteur à l'avenir.
Il faut reconnaître que les solutions doivent être locales, régionales, nationales et internationales. C'est pourquoi il est extrêmement important que nous nous dotions d'ententes internationales sur la pêche comme celle qui fait l'objet de discussions.
Il s'agit d'une question scientifique et juridique complexe, et il nous incombe à tous d'insister auprès du gouvernement fédéral pour qu'il affecte les ressources nécessaires et qu'il accorde aux pêcheurs des localités le respect dont ils ont besoin afin de contribuer à concevoir le régime qui régira le secteur de la pêche aujourd'hui et demain et d'en assurer la pérennité.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part à ce débat d'urgence sur la pêche commerciale autochtone sur la côte est. Je partagerai mon temps avec mon collègue de West Nova.
Je remercie le porte-parole pour les pêches, le député de St. John's—Ouest et notre leader à la Chambre, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, d'avoir demandé la tenue d'un débat sur cette question à la Chambre des communes.
J'ai essayé à plusieurs reprises de faire une remarque durant l'intervention du chef du Nouveau Parti démocratique. Je vais la faire maintenant car je suis sûr que ma collègue croit qu'il s'agit d'une pêche avec remise à l'eau. Ce n'est pas du tout cela. Il s'agit réellement d'une pêche pour les gens de l'Est du Canada.
Si nous avons ce débat, c'est à cause des implications de la décision rendue le 17 septembre par la Cour suprême qui reconnaît les droits issus des traités des Mi'kmaq, des Malécites et des Pescomodys. La décision rendue dans l'affaire Marshall dit:
[«] le Traité de 1760 confirme le droit des Mi'kmaq de continuer à assurer leur subsistance en se servant du produit de leurs activités de chasse, de pêche et de cueillette pour se procurer ce qu'on appelait en 1760 les «biens nécessaires». Ce droit a toujours été assujetti à la réglementation.
Cette citation tirée de la décision de la Cour suprême montre que l'impact de cette décision pourrait aller bien au-delà des privilèges de pêche. Elle pourrait affecter toutes les ressources se trouvant sur des terres de l'État, y compris le le l'exploitation forestière, la pêche, voire les droits sur le sous-sol. Voilà pourquoi il est impératif que le gouvernement donne l'orientation et l'impulsion nécessaires à la résolution de ce problème, ce qu'il a négligé de faire à ce jour.
La Cour suprême a rendu sa décision depuis 26 jours déjà et le gouvernement fédéral n'a toujours pas mis en place de programme à long terme pour réglementer les pêches et en faire une industrie durable. Le gouvernement a manqué d'initiative dans ce dossier, ce qui ne manquera pas d'aggraver le manque de confiance que le ministre et ses collaborateurs inspirent aux collectivités autochtones et non autochtones, si le ministre néglige de proposer sous peu une solution concrète au problème. Déjà, le secteur des pêches de la région atlantique a connu des moments de violence et frôlé la catastrophe. Cette impasse est le fait du gouvernement qui a négligé de prendre les devants et de mettre en place un plan d'action précis garantissant l'avenir de ce secteur.
Je voudrais revenir sur les propos tenus hier par le député de Windsor-St. Clair. Notre collègue a été des plus éloquents au sujet du discours du trône. En fait, il a trop bien parlé. Son discours était interminable. J'ai bien cru un moment qu'il ne s'arrêterait jamais. Mais ce ne fut heureusement pas le cas. J'en parle uniquement pour la bonne raison que le gouvernement se congratule un peu trop facilement chaque fois qu'il en a l'occasion et qu'il trouve toujours de bonnes raisons pour ce faire.
Je signale, à titre de comparaison, que le ministre des Pêches et des Océans n'a formulé aucune observation, n'a prononcé aucun discours, et n'a pris aucune initiative ni proposé de plan d'action, que ce soit pendant ou après le prononcé de la décision du 17 septembre dans l'affaire Regina c. Marshall.
Il convient également de rappeler que ses anciens camarades libéraux du gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'ont même pas jugé utile de représenter la province comme partie intervenante dans l'affaire dont la Cour suprême avait été saisie.
En fait, ce n'est pas à l'initiative du ministre des Pêches et des Océans que nous devons le moratoire de 30 jours. Nous le devons plutôt aux consultations et à l'accord qui sont intervenus entre 33 des 35 chefs de l'Assemblée des Mi'kmaq de l'Atlantique, qui ont accepté volontairement de suspendre leur activité pour permettre à toutes les parties prenantes de parvenir à un accord. Nous le devons non pas au ministre, mais bien aux chefs eux-mêmes. Malheureusement, du fait de la persistance de la mauvaise gestion et de l'incompétence du gouvernement, cet accord est en voie d'être annulé.
Les dirigeants des entreprises de pêche ont collaboré avec les chefs autochtones pour trouver le moyen de faire reconnaître les droits issus de traités pour les peuples autochtones. Il en est résulté ce moratoire de 30 jours, qui aurait dû donner au gouvernement le temps de mettre en place des plans, des recommandations et des règlements pour une pêche durable et à long terme, s'il avait su faire preuve de leadership. Nous en revenons toujours au leadership et à la confiance en ce ministre et son gouvernement.
Tous les pêcheurs reconnaissent la nécessité de négocier une place pour les pêcheurs autochtones, mais la préservation des ressources reste un sujet de préoccupation pour tout le monde. La décision Sparrow a reconnu l'existence d'arguments en faveur de la limitation de la pêche d'espèces comestibles par les autochtones. La préservation et la gestion des ressources justifient de telles mesures.
On a délivré 4 900 permis de pêche dans la circonscription de South Shore, que je représente, et 1 700 permis de pêche au homard à des pêcheurs de South Shore et de West Nova. Tous ces pêcheurs respectent les principes de préservation. Ils sont assujettis à des règles et à la gestion des ressources. Il incombe maintenant au gouvernement de veiller à ce que la préservation des ressources reste la priorité du ministère et que des règlements sont en place et sont respectés par tous ceux qui pratiquent la pêche.
La gestion des ressources repose sur la préservation et la réglementation. Des règlements ont été pris dans les années 30, et ils continuent de s'appliquer, relativement à la limitation du nombre de casiers, à la taille des prises, aux permis, aux saisons et aux zones de pêche au homard. C'est cela et uniquement cela qui a permis de préserver cette ressource. Nous devons aux pêcheurs qui ont suivi ces règles l'industrie lucrative que nous avons aujourd'hui.
Ces règles s'appliquent de façon uniforme, à Southwest Cove comme à Blandford, à Indian Point, à Port L'Hébert, à Port Mouton, à Little Harbour, à Barrington, à Clark's Harbour, à Woods Harbour, à Shag Harbour ou à Lunenburg. Chacun des permis dont j'ai parlé plus tôt est plus qu'un permis. Il représente également une famille et, dans certains cas, deux familles ou plus.
Nous savons tous quelle sera la position du Parti réformiste sur la question. Il dira que la pêche autochtone est une pêche fondée sur la race. Il faut se garder de tomber dans ce piège. Il existe des solutions, mais l'incitation au racisme n'en est pas une.
Il reste encore au ministre une possibilité. La solution est encore à sa portée...
Le président suppléant (M. McClelland): À l'ordre, s'il vous plaît. Il ne convient pas, lorsqu'il est question d'incitation au racisme, d'attribuer des propos à un parti ou à un député en particulier, surtout à la lumière de ce qu'a dit la députée de Halifax plus tôt aujourd'hui.
M. Gerald Keddy: Je retire mes paroles, monsieur le Président, et j'en prends bonne note.
Le ministre peut encore parvenir à un règlement avec les pêcheurs autochtones et non autochtones, mais, pour ce faire, il doit faire preuve de leadership. Exercer un leadership signifie qu'il faut prendre position et établir un plan. Le gouvernement n'avait pas de plan A, et encore moins un plan B.
Je tiens à répéter que le problème tient au manque de leadership et au manque de confiance des pêcheurs et des autochtones, les premiers doutant que leur mode de subsistance soit protégé et les seconds doutant que le gouvernement ait vraiment l'intention de les intégrer à la pêche. Des saisons différentes, aucune mesure de conservation et aucune réglementation de la pêche autochtone; ce n'est certes pas de cette façon qu'on parviendra à réunir les autochtones et les non-autochtones dans cette pêche. La situation a mené, et mènera encore, à la violence. Croyez-moi lorsque j'affirme que nous n'avons vu que la pointe de l'iceberg.
Comme je l'ai dit plus tôt, le juge Binnie a déclaré, dans l'affaire Marshall, que l'exercice du droit issu du traité de 1760 a toujours été assujetti à la réglementation. Ce n'est pas compliqué. Ce droit a toujours été assujetti à la réglementation. Les représentants des pêches ont déclaré dès le début que l'industrie pourrait supporter l'intégration graduelle des membres des premières nations s'ils pêchaient pendant les mêmes saisons, se conformaient à la même structure d'attribution des permis et aux mêmes règlements que les non-autochtones.
Nous savons tous que, depuis la décision de la Cour suprême, il y a un nouvel intervenant dans le secteur des pêches. Si le gouvernement avait fait preuve d'un tout petit peu de leadership, nous ne serions pas dans la situation où nous nous trouvons ce soir.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le droit prioritaire de pêche commerciale accordé aux autochtones par la Cour suprême du Canada dans le jugement Marshall correspond exactement à la pêche commerciale autochtone que le gouvernement conservateur précédent a imposée aux pêcheurs de la Colombie-Britannique.
La réglementation que le ministre impose aux pêcheurs de la côte est pour gérer les répercussions de ce jugement est précisément la même que celle qui a été imposée au secteur de la pêche de la Colombie-Britannique et qui a fait passer ce secteur de la rentabilité avant 1992 au point cette année où il ne se pratique pas de pêche dans le fleuve Fraser.
Pourquoi devrais-je croire les larmes de crocodile de la part du député qui vient d'intervenir alors que la politique de son parti était exactement la même que celle qui a été imposée par la Cour suprême du Canada?
M. Gerald Keddy: Monsieur le Président, le député veut-il laisser entendre que nous ne devrions pas nous plier au jugement de la Cour suprême du Canada, que nous serions au-dessus de la loi?
Il y a une possibilité qui s'est toujours offerte. Nous avons suivi le débat et le dossier de très près. Le gouvernement n'a pas su faire preuve de leadership. Le député fait gravement erreur en soulevant des questions et en lançant des insinuations à la Chambre à propos de dossiers qu'il ne connaît manifestement pas bien et dont il ne possède pas les faits, à propos notamment de la pêche au homard que les autochtones pratiquaient auparavant.
Si le gouvernement fait preuve de leadership, nous aurons la possibilité de mettre dès maintenant un terme au problème que présente cette pêche. Nous pouvons décréter un moratoire, mais c'est le Parti réformiste qui ne voulait pas d'un moratoire. Il a insisté pour que nous obtenions une suspension. Voyez où en est la suspension à l'heure actuelle. Il reste 72 heures avant la fin du délai. Il n'y aura pas de suspension. Nous avons fait fausse route à cet égard. Nous aurions dû nous entendre sur un moratoire dès le début. Voilà le problème.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je comprends les préoccupations du député de la côte sud de ma belle province, la Nouvelle-Écosse. Un grand nombre des pêcheurs dont nous parlons se trouvent dans sa circonscription.
Ces derniers jours, j'ai passé un temps fou au téléphone avec des pêcheurs de la circonscription du député et leurs représentants. Ils sont nombreux à dire qu'une solution à court terme en vue de faire de la place pour les autochtones serait une sorte de programme de rachat sur une base volontaire. Il y a actuellement dans les provinces maritimes 6 300 licences de pêche, qui comprennent la pêche au homard. De ce nombre, environ 10 p. 100 appartiennent à des gens qui seraient prêts à quitter l'industrie si on leur offrait un bon prix pour leur licence.
Le député ne pense-t-il pas que ça pourrait être une solution à court terme en attendant que nous arrêtions un objectif à long terme? Le gouvernement pourrait racheter ces licences et les transférer à la nation micmaque et tout le monde pourrait pêcher conformément aux mêmes lignes directrices en matière de conservation.
M. Gerald Keddy: Monsieur le Président, je pense que le problème est que le député mélange les solutions à court terme et les solutions à long terme.
Ça pourrait effectivement faire partie d'une solution à long terme. Ce serait une façon d'intégrer la pêche autochtone dans la pêche qui existe déjà. Le principe de base est très simple: une pêche commerciale réglementée, la même saison, les mêmes limites en matière de casiers et les mêmes zones de pêche au homard pour tout le monde.
Nous pouvons trouver des solutions, nous pouvons innover et nous pouvons faire de la place aux pêcheurs micmacs, mais il faut que tout le monde soit assujettis exactement aux mêmes règles.
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire Donald Marshall le 17 septembre. Près d'un mois a passé, et le gouvernement commence tout juste à prendre conscience de la gravité de cette décision.
Le débat d'urgence de ce soir est axé surtout sur la pêche et plus précisément sur la lucrative pêche au homard de l'Atlantique. Mais la décision de la Cour suprême aura des répercussions bien plus considérables sur toutes les négociations à venir entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.
Comme mon collègue de South Shore l'a fait observer, cette décision sera assurément un point de repère dans les entretiens à venir sur des questions comme les droits d'exploitation forestière, les droits miniers et même les revendications foncières.
Malgré l'importance de la décision, le gouvernement a préféré retarder de trois semaines l'ouverture de la session pour présenter un nouveau discours du Trône au lieu de convoquer le Parlement pour étudier ce problème. C'est une honte.
Ce qui est le plus troublant, dans ce mépris flagrant du gouvernement pour le processus parlementaire, c'est qu'il n'est à peu près pas question de l'industrie canadienne des pêches dans le discours du Trône. Elle n'y est que très brièvement mentionnée, ce qui donne à penser que le gouvernement libéral ne se soucie aucunement de ce qui passe dans le Canada atlantique et ne se préoccupe pas plus de l'avenir des pêches.
Après avoir observé ce qui s'est produit après la décision de la Cour suprême, on ne peut que conclure que le gouvernement n'était pas le moindrement préparé à faire face aux réactions violentes que cette décision allait forcément susciter chez les pêcheurs. Il est absolument incroyable que le gouvernement n'ait eu aucune stratégie toute prête, que la Cour suprême rende une décision favorable ou non à M. Marshall. C'est pourtant ce qui s'est passé. Au lieu de jouer un rôle de premier plan dans ce différend, le ministre s'en est remis aux parties intéressées pour trouver des moyens de sortir de l'impasse.
Les leaders autochtones viennent de trouver leur propre solution. À la suite d'un débat d'urgence tenu cet après-midi, on signale que les leaders autochtones ont maintenant décidé de retirer leur appui à un moratoire de 30 jours. Cela signifie que les pêcheurs autochtones iront de nouveau sur l'eau sans que le gouvernement leur impose la moindre restriction. Cela aura certainement pour effet d'augmenter les tensions dans un environnement déjà hostile.
Les leaders autochtones accusent le ministre des Pêches et des Océans de négocier de mauvaise foi en imposant des limites à l'égard des casiers dans les réserves de Burnt Church et d'Indian Brook, où les autochtones ont refusé un moratoire à l'instar des 33 autres leaders autochtones.
Les leaders autochtones se sont donnés beaucoup de mal pour expliquer aux médias que leur décision initiale d'accepter le moratoire avait été prise de leur propre gré et n'avait pas été influencée par la demande du ministre des Pêches et des Océans. Il semble qu'ils ne reconnaissent pas au ministre le pouvoir d'imposer une solution à la crise imminente dans les pêches. Pourquoi le feraient-ils? Le ministre et ses hauts fonctionnaires ont montré clairement qu'ils n'avaient aucune solution à proposer aux pêcheurs autochtones et non autochtones concernant ce conflit.
Étant donné la décision prise par les leaders autochtones aujourd'hui, il est essentiel que le ministre et son gouvernement propose sans tarder au moins une solution provisoire tant qu'une solution durable ne pourra pas être négociée.
Que pensait donc le gouvernement? Pourquoi était-il sûr de lui-même au point de ne pouvoir imaginer la possibilité de perdre cette cause devant la Cour suprême? Sur quoi fondait-il cette arrogance? Il ne pouvait pas se baser sur l'arrêt Sparrow, ni sur les récents conflits ayant trait à la coupe du bois au Nouveau-Brunswick. Les décisions rendues à l'égard de ces causes auraient dû servir d'avertissement au gouvernement. Qu'on me permette le poser la question que tous les Canadiens ont en tête et que notre parti a posé à la Chambre aujourd'hui. Pourquoi le gouvernement n'était-il pas prêt à répondre à une telle situation? Pourquoi?
Cette affaire dure depuis 1993. Nous sommes maintenant en 1999 et le gouvernement se comporte comme si la situation venait juste de tomber du ciel. Je pose des questions à la Chambre sur la pêche au homard illégale qui dure depuis deux ans. Le ministre et ses collaborateurs savaient ce qui se passait. Le ministre ne peut pas dire qu'il ne le savait pas. Il aurait dû prévoir un plan d'action. C'est inacceptable.
Les pêcheurs d'Ouest Nova sont peut-être les victimes de leur succès. Il n'y a pas si longtemps, la pêche au homard était considéré comme un piètre gagne-pain. Il n'y avait presque pas de marchés pour le homard. On se servait du homard pour engraisser les champs.
Le secteur lucratif de la pêche au homard ne s'est pas fait du jour au lendemain. Grâce à la conservation, à leur dévouement et à leur dur labeur, les leaders de l'industrie ont lentement développé des marchés pour ce crustacé. On est passé de l'exportation de homard aux États-Unis à l'ouverture de marchés lucratifs en Europe. Un permis de pêche au homard, qui se vendait 5 $ il y a 30 ans vaut maintenant dans certains cas 250 000 $.
Les pêcheurs risquent d'énormes sommes pour participer à cette pêche lucrative. Outre le permis de pêche, ils doivent acheter un bateau, des cages à homard, des appâts et du carburant et payer le salaire de leurs employés. Les frais généraux sont énormes dans ce secteur. Il y a tellement d'argent qui est investi que toute baisse importante des prises ou du prix du homard serait catastrophique pour beaucoup de pêcheurs, notamment ceux qui sont tout nouveaux dans le secteur.
Reconnaissons-le! Le gouvernement a été pris au dépourvu pour n'avoir pas mis en place de stratégie à l'égard du jugement de la Cour suprême. Au lieu d'admettre qu'il était mal préparé et de demander à la Cour suprême de suspendre temporairement l'application de sa décision jusqu'à ce qu'un nouveau règlement soit adopté, le ministre s'en est tout simplement lavé les mains, laissant la situation dans le secteur des pêches de l'Atlantique se détériorer au point d'engendrer la peur et, en bout de ligne, la violence. Cela aurait pu être évité si le ministre des Pêches avait pris les choses en main, en établissant des règles temporaires qui auraient favorisé le dialogue et mené à des solutions à long terme.
Pendant que les tensions s'accentuaient, le ministre ne cessait d'affirmer aux habitants du Canada atlantique qu'il avait le pouvoir d'imposer des restrictions pour assurer la conservation des ressources. J'ai demandé au ministre pourquoi, s'il s'inquiétait vraiment de la conservation, il permettrait à des pêcheurs autochtones comme non autochtones de pêcher hors saison.
La Cour suprême a rendu sa décision. Le droit des autochtones de participer à la pêche a été reconnu par le plus haut tribunal du Canada. Toutefois, cette décision ne précise pas clairement comment la pêche doit se pratiquer. La décision de la Cour suprême laisse de nombreuses questions sans réponses. On ne définit pas ce que constitue une subsistance convenable ni comment les pêcheurs évincés seront indemnisés.
De nombreux pêcheurs non autochtones sont déçus du manque de leadership du ministre. La première réaction du ministre à la décision de la Cour suprême a été de permettre aux pêcheurs autochtones de pratiquer une pêche illimitée et non réglementée. Naturellement, il fallait s'attendre à ce que la grogne monte, les pêcheurs commerciaux craignant de perdre leur moyen de subsistance.
L'industrie de la pêche dans la région de l'Atlantique rapporte plus de 1 milliard de dollars à notre économie, somme qui me semble assez considérable. Pourtant, devant cette crise, le gouvernement a affiché énormément de désinvolture et d'indifférence.
Les pêcheurs de Ouest Nova figurent parmi les meilleurs au monde. Même si le ministre et son collègue semblent vouloir les abandonner, je continuerai à les défendre et je tiens à ce qu'ils le sachent. Je continuerai d'exhorter le gouvernement à collaborer avec les intervenants pour trouver une solution acceptable à ce grave problème.
Au nom de nos pêcheurs, je demande au ministre, ou plutôt je l'implore, de s'attaquer immédiatement à ce problème avant que l'industrie de la pêche au homard ne subisse des torts irréparables.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je remercie le député de Ouest Nova pour ses déclarations concernant les pêcheurs de sa circonscription. Comme je l'ai fait remarquer à son collègue de South Shore, j'ai discuté exclusivement avec des personnes associées à la pêche ou à leurs représentants.
Je voudrais ajouter que le député a raison de dire qu'il faut une action immédiate de la part du ministre. Serait-il prêt à dire que, devant la décision des chefs autochtones de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick de lever le moratoire, ce serait une bonne chose que le ministre des Affaires indiennes et celui des Pêches et des Océans sautent immédiatement dans un avion pour aller sur place s'occuper de la question?
M. Mark Muise: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. J'imagine que la réponse est évidente. Je dis depuis le début que le ministre aurait dû se rendre sur place, dans le Canada atlantique, il y a trois semaines, dès le lendemain de la décision, afin de se faire par lui-même une bonne idée de la situation.
J'ai vécu dans cette région pendant 42 ans et je n'y ai jamais senti autant de tension qu'en ce moment. Le député de South Shore me dit la même chose de sa région et il en va de même pour mes collègues du Nouveau-Brunswick. Les ministres devraient être sur le terrain. Ils devraient s'entretenir avec les gens qui peuvent aider à faire débloquer les choses. Ils devraient faire preuve de leadership et être déjà sur place pour travailler au dossier.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, je ne peux pas m'empêcher d'intervenir à la suite des dernières remarques que le député a faites. Les tensions qu'il décrit et les craintes et les maux dont les gens lui font part sont les mêmes problèmes dont nous entendons parler en Colombie-Britannique depuis six ou sept ans. Ces problèmes ont été causés par la politique de l'ancien gouvernement conservateur.
La solution proposée est la même solution—une saison, une série de règlements—qui a été proposée par l'industrie des pêches sur la côte ouest et qui a été rejetée du revers de la main par l'ancien gouvernement et par le gouvernement actuel. C'est la solution que nous avons proposée.
Je suis curieux de savoir pourquoi mon collègue qui vient de parler rejette ma suggestion voulant qu'on demande un sursis d'exécution du jugement et que l'affaire soit entendue de nouveau. Les faits montrent clairement qu'un moratoire ne fonctionnera pas. Personne n'est forcé de respecter ce moratoire. Un sursis d'exécution aurait un certain poids juridique. Cela donnerait droit de parole aux gens qui sont touchés par le jugement. Je voudrais savoir pourquoi le député rejette cette idée.
M. Mark Muise: Monsieur le Président, les remarques incendiaires de mon collègue m'impressionnent toujours, ou plutôt ne m'impressionnent pas du tout. Je crois que c'est en travaillant ensemble et en essayant de s'entendre que nous arriverons à faire régner la paix et à trouver une solution acceptable à ce problème. Ce n'est pas en dressant un mur entre les deux parties ou en faisant des remarques désobligeantes ou incendiaires que nous en arriverons à une solution. Nous devons représenter nos électeurs. Nous devons parler en leur nom. Mais nous devons aussi encourager les gens à travailler ensemble, car c'est la seule façon de régler le problème.
Une fois que la cour a rendu sa décision dans une affaire, cette affaire ne peut pas être entendue de nouveau. On ne peut pas en appeler d'une décision de la Cour suprême. Ce qu'il nous faut faire, c'est travailler ensemble au lieu d'essayer de semer la zizanie, ce que mon collègue semble faire de façon si habile. Je ne me prêterai pas à ce genre de jeu.
L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Enfance et Jeunesse), Lib.): Monsieur le Président, en guise de préambule aux observations que je veux faire, je tiens à souligner le fait que, depuis des siècles, partout dans cet extraordinaire pays qui est le nôtre, les autochtones ont très généreusement assisté à la mise en valeur commerciale des ressources de ce pays, qu'il s'agisse des ressources pétrolières, gazières ou forestières, dans le cas de la Colombie-Britannique, ou des ressources minérales, et ils en ont retiré très peu d'avantages. Il n'existe aucun mécanisme de partage des revenus provenant des ressources qui leur permette de recevoir de tels revenus.
Les autochtones réclament maintenant l'égalité d'accès. Nous voulons que nos collectivités soient autonomes et nous voulons participer à la mise en valeur. Dans le cadre de ce débat, il faut évidemment situer certaines observations dans une juste perspective et comprendre que les autochtones et les non-autochtones ne doivent ménager aucun effort pour que la raison, la logique prévale et pour tenter de trouver des solutions constructives.
Dans le cadre de ce débat visant à clarifier la position du gouvernement à l'égard de la décision rendue dans l'affaire Marshall, je suis très impressionnée par mon collègue, le ministre des Pêches; il a très bien su déléguer les responsabilités et consulter les pêcheurs autochtones ainsi que les pêcheurs commerciaux de l'Atlantique pour résoudre le problème. Il a agi avec beaucoup de doigté. L'arbitrage et les consultations ont fait leurs preuves. Nous devons non seulement résoudre une crise provisoire, mais rechercher aussi une solution stratégique à long terme.
Lorsque la Cour suprême a rendu sa décision le 17 septembre 1999, certains ont dit que le gouvernement aurait dû présenter immédiatement une analyse et annoncer de nouvelles mesures audacieuses—on souhaitait une sorte de réaction instinctive. Certains détracteurs ont même proposé que le gouvernement fasse preuve de fermeté et qu'il interdise tout simplement la pêche du homard indéfiniment. Interdire la pêche aurait été, à certains égards, une solution facile, mais elle aurait été improductive pour toutes les parties.
La Cour suprême, comme devraient le savoir mes collègues d'en face, est l'organe juridique de dernière instance au pays et nous devons respecter ses décisions. Nous ne pouvons exercer un choix aléatoire à l'égard d'une décision que rend la Cour suprême lorsque nous estimons que nous ne l'aimons pas ou que d'autres personnes ne l'aiment pas. Quel genre de pays aurions-nous? Qu'adviendrait-il de la Charte des droits en pareil cas?
Dans la présente affaire, le tribunal a maintenu le traité de 1760 conclu avec les Mi'kmaqs, mais en lui donnant une interprétation moderne correspondant à la situation en 1999. Le jugement parle d'un moyen de subsistance modéré pour les autochtones et non d'une accumulation sans fin de richesse dans le domaine des pêches.
Il est tout aussi important de souligner que le tribunal a aussi dit que le droit pouvait être assujetti à un règlement. Je suis convaincue que des gens souhaitant envenimer le débat et créer des peurs inutiles aimeraient nous faire croire que ce serait l'anarchie sur la mer, que les autochtones iraient pêcher de façon indiscriminatoire, après des décennies et des années de dépendance à l'égard de la nourriture traditionnelle et de la pêche à des fins de subsistance. Il est ridicule de croire qu'ils s'y rendraient ensuite afin de livrer à du pillage.
Comme nous pouvons le constater, le jugement est complexe et il reste un bon nombre de questions à résoudre. Le ministre a immédiatement demandé des éclaircissements au sujet de la décision afin de fournir la meilleure réponse possible dans les plus brefs délais. Cette analyse a pris moins de deux semaines, alors que, dans de nombreuses autres affaires, elle a exigé des mois.
Nous avons entendu aujourd'hui à la Chambre des communes des propos venant de l'opposition et soutenant le fait qu'il s'agit d'un droit fondé sur la race. Il est très important de comprendre que les droits collectifs des autochtones ne sont pas fondés sur la race. Ces commentaires sont racistes. Les droits collectifs des autochtones sont des droits humains qui leur reviennent en vertu de leur existence comme peuple possédant leurs propres traditions culturelles, juridiques et politiques.
Les peuples autochtones ont accueilli d'autres peuples sur ce continent et leur ont demandé seulement de reconnaître de façon raisonnable leurs droits fondamentaux individuels et collectifs. Avec la sincérité qui nous caractérise nous, Canadiens, nous avons institué une Constitution qui tente de concilier les peuples déjà établis qui ont fait l'expérience de la colonisation et tous ceux qui sont venus s'établir par la suite.
Les Micmacs des Maritimes ont attendu 240 ans avant que leurs droits fondamentaux soient respectés en vertu d'un traité conclu avec la Couronne, un traité qui fait partie du tissu constitutionnel de notre pays. À l'instar des autres autochtones, les Micmacs ont demandé que soit respectée la primauté du droit et ils l'ont fait en s'adressant aux tribunaux.
Je ne trouve pas de termes assez forts pour dire à quel point je pense que les Canadiens, toutes origines confondues, sont des gens généreux et accommodants qui respectent la primauté du droit. Je ne doute pas que nous continuerons de l'être dans l'avenir, mais la volonté et l'esprit de coopération doivent être présents. Nous n'y parviendrons pas si nous semons la peur au sein du public. Il nous incombe d'instiller l'espoir. Il nous incombe de tenir des propos responsables. Si nous jetons de l'huile sur le feu en faisant ce genre d'observations, nous ne réussirons pas à régler la question.
Il importe que la Chambre connaisse les rôles qu'a joués le ministre des Pêches. Au lieu d'interdire la pêche, comme je l'ai dit plus tôt, le ministre a choisi la voie plus difficile des négociations. Le ministre et le gouvernement tenaient à respecter l'arrêt de la Cour suprême. D'autres suggestions n'ont pas été retenues, pour des raisons évidentes.
Alors que d'autres auraient jeté la serviette, le ministre a continué de rechercher des solutions par le dialogue et la coopération. Il est au coeur de l'action de façon quotidienne. Il est en relation constante avec les dirigeants autochtones, les pêcheurs commerciaux, les représentants gouvernementaux et les premiers ministres de la région de l'Atlantique.
Un peu plus tôt, l'arrêt Marshall a été une question importante à l'ordre du jour du Conseil de l'Atlantique des ministres des Pêches, qui s'est réuni à Québec le mois dernier. Tous les gouvernements ont clairement reconnu la nécessité de clarifier les conséquences de l'arrêt de la cour et d'adopter un régime de gestion. Le conseil a recommandé que le régime s'assure que les objectifs de conservation ne soient pas compromis et qu'ils soient équitables envers les autres intervenants des pêches.
La conservation constitue une question, mais il y en a une autre, et nous pouvons jouer là-dessus. Nous pouvons nous en servir pour être partisans, pour nous livrer à des jeux mesquins. Nous pouvons le faire, et cela concerne la préservation économique. Ces pêcheurs commerciaux ont fait d'importants investissements et ils ont accru la valeur de ces permis de pêche au homard. Cela représente un investissement considérable. C'est leur pension de retraite. S'il y a tout un nouveau groupe de gens qui viennent s'immiscer dans cette industrie, cela dévalue d'autant leur investissement. C'est bien sûr une grande préoccupation pour eux. C'est une question de sauvegarde de l'économie. Une autre question sur laquelle il faudra se pencher.
Toutefois, c'est un aspect très intéressant lorsqu'on remet les choses en perspective. Sur le territoire no 23 de la région de Burnt Church de la Baie de Miramichi, le nombre de casiers à homards des pêcheurs autochtones correspond à moins de 1 p.100 de tous les casiers utilisés dans la pêche non commerciale. Est-ce là un crime contre la sauvegarde de l'économie? Est-ce là une raison pour faire preuve d'intransigeance? Il serait bon d'y penser plus sérieusement. Je crois qu'il est important de remettre les choses en perspective.
Je suis d'accord pour dire que nous devons tenter de trouver une solution. Nous avons tous été témoins des incidents malheureux qui se sont produits dans les jours qui ont suivi la publication de la décision. Il nous faudra travailler fort.
Comme je l'ai dit a début, mettre un terme à la pêche aurait été une solution facile. Toutefois, il n'y a pas de solution facile quand il s'agit des droits des gens, de leurs vies et de leurs moyens de subsistance. Je suis persuadée que les collaborateurs du ministre ainsi que les fonctionnaires de son ministère continueront d'oeuvrer dans la bonne direction pour améliorer la vie de toutes les personnes en cause.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je tiens à féliciter la députée pour ses observations. Elles étaient à la fois perspicaces et exprimées avec passion et franchise. Je suis tout à fait en faveur d'un débat sensé et modéré.
Je demanderais donc à la députée de me dire en toute sincérité, si tel était bien le motif, pourquoi son gouvernement, trois jours avant que la décision Marshall ne soit rendue publique, a décidé de proroger le Parlement, empêchant ainsi la tenue de tout débat sur la question à la Chambre des communes? C'est le Parti progressiste conservateur qui a dû exiger la tenue de ce débat. Cette initiative ne revient pas au gouvernement.
Si tel est le cas et si le débat doit mener à une solution, et je partage l'avis de la députée là-dessus, pourquoi le gouvernement a-t-il raté cette occasion en prorogeant la Chambre?
L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, à mon avis, la question touchant la prorogation de la Chambre n'est qu'un faux-fuyant. Cela n'a rien à voir avec la question qui nous occupe. Il y a bien des choses à considérer. Il fallait s'acquitter de certains engagements. Nous étions à préparer un discours du Trône et l'installation d'un nouveau gouverneur général. Ce ne sont pas des excuses. Ce sont des raisons. Mais cela n'enlève rien à l'importance des événements, comme en font foi les mesures que le ministre a prises.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais que mon honorable collègue répète une partie de son discours. Je veux être bien certain d'avoir compris l'interprétation.
Lorsqu'elle a mentionné que la pêche autochtone qui s'effectue présentement ne représente qu'environ 1 p. 100 de ce qui peut se capturer par rapport aux captures commerciales, n'est-elle pas en train de contredire le ministre des Pêches et des Océans quand il dit qu'il faut s'assurer de la conservation? Quand on parle de seulement 1 p. 100, on parle d'une pinotte.
Je voudrais savoir si elle contredit le ministre des Pêches et des Océans et si ce n'est pas plutôt un problème de gestion, c'est-à-dire comment on va pêcher le homard—c'est le problème qu'on a avec les Blancs—et, surtout, qui va aller le pêcher maintenant. C'est cela leur problème.
[Traduction]
L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, jamais je ne me permettrai de contredire le ministre. Le ministre a dit que la conservation est importante et c'est une question importante, pas seulement pour les pêches, mais pour toutes les ressources. C'est une question importante et je parle ici de façon générale.
Ce que j'ai dit, c'est que dans le secteur 23, Burnt Church, dans la baie de Miramichi, le nombre de casiers à homards des pêcheurs autochtones correspond à moins de 1 p. 100 de tous les casiers utilisés pour la pêche commerciale.
On peut présumer tout ce qu'on veut, mais j'ai dit ensuite qu'il y avait d'autres considérations que la conservation. La conservation est toujours importante quand nous parlons de ressources, mais il y a aussi la préservation économique. C'est ce que je voulais dire.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'ai beaucoup de respect pour la députée et la région d'où elle vient. Si elle croit que ce ministre fait de l'aussi bon travail, ne devrait-elle pas essayer de convaincre son ministre, parce que la perception qu'ont les gens de la politique est aussi leur réalité, et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, d'aller dans les Maritimes et de traiter sur place de cette question au lieu de le faire d'Ottawa? La députée ne devrait-elle pas faire cette suggestion à son ministre et lui demander impérativement de se rendre immédiatement sur place pour traiter de cette question au lieu de le faire d'Ottawa?
L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, mon honorable collègue sait que cette question est importante pour le ministre. Je sais aussi que le ministre a beaucoup de respect pour les députés et voudrait être là pour répondre à leurs questions, comme il l'a fait aujourd'hui durant la période des questions. Il voudrait être ici pour répondre aux députés qui représentent les gens de la région, avec lesquels il a des communications régulières. Ce n'est pas un problème. Le ministre a clairement démontré qu'il était capable, qu'il était engagé et qu'il avait la confiance nécessaire pour faire ce travail.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le Président, comme l'a précisé la députée d'en face, c'est à Miramichi que se trouvent Burnt Church, Red Bank et Eel Ground, trois des réserves que je représente à la Chambre. En écoutant le débat de ce soir, je m'interroge sur la façon dont nos peuples autochtones sont représentés à la Chambre.
On compte près d'un million d'Indiens inscrits et non inscrits dans ce pays dont ils ont été les premiers habitants. Certaines des déclarations qui ont été faites à la Chambre relativement aux droits que les autochtones ont et devraient avoir en vertu des accords que nos ancêtres ont conclus avec eux, constituent un affront.
J'ai également dans ma circonscription une industrie très précieuse qu'est la pêche. Nous parlons ce soir de homards, mais le dossier de la pêche ne se limite pas à la pêche aux homards. Au cours des 40 ou 50 dernières années, le homard est devenu l'une de nos espèces les plus précieuses, au même titre que le crabe des neiges. Ces deux espèces fournissent une grande partie du revenu des habitants de la baie des Chaleurs et de la baie Miramichi.
Nous devons également reconnaître ce qui s'est passé et prendre conscience de la situation qui est née et qui a opposé un groupe de gens à un autre chez les pêcheurs commerciaux. J'aimerais préciser à la Chambre que certains pêcheurs commerciaux sont des autochtones.
Des permis de pêche ont été délivrés en vertu de la Stratégie sur les pêches autochtones au cours des dix dernières années; en fait, la réserve de Burnt Church en détient une dizaine. C'est aussi le cas de la réserve de Big Cove—des permis de pêche ont été délivrés—et de la réserve d'Indian Island aussi.
Un incident très malheureux est survenu ce dimanche-là, il y a quelques semaines, lorsque les pêcheurs ont décidé de faire leur propre loi. Il y avait un certain niveau de frustration car ils voyaient que la décision de la Cour suprême remettait en jeu leur industrie et leur gagne-pain. J'ai rencontré plusieurs de ces pêcheurs. Ils se sont présentés en grand nombre à mon bureau le mercredi avant l'incident de dimanche. Il semblerait que des personnes de l'extérieur soient venues dans notre région. Des homardiers et des bateaux de pêche commerciale sont venus de l'extérieur de la circonscription de Miramichi pêcher au large de Burnt Church.
Il faut reconnaître la valeur des mesures de conservation. En automne, l'eau est très chaude dans la baie Miramichi. Les homards y viennent muer, changer de carapace. C'est un endroit où ils se reproduisent et grandissent pour la saison suivante. Les pêcheurs commerciaux ont craint que leur industrie soit menacée.
Il faut également se rendre compte que, pour les autochtones du Canada atlantique, la confirmation par la cour dans l'affaire Marshall de leurs droits issus d'un traité est une grande victoire, un moment de grande joie, une chose à laquelle ils aspiraient depuis de nombreuses années. Un grand nombre d'entre eux ont posé des casiers à homard et des nasses pour voir ce qu'ils pouvaient prendre.
Nous déplorons le manque de sagesse dans cette situation. Beaucoup d'entre nous montrent du doigt certaines personnes qui ont fait des erreurs. J'aimerais faire remarquer, monsieur le Président, que lorsque je vous montre du doigt, je dirige mes trois autres doigts dans ma direction. Je pense qu'un bon nombre d'entre nous ce soir à la Chambre, tandis que nous essayons de trouver des coupables dans cette affaire, se causent trois fois plus de tort qu'aux personnes qu'ils montrent du doigt.
Certains critiquent la Cour suprême. Ils trouvent qu'elle a manqué de sagesse en ne tenant pas compte des conséquences de sa décision. Si elle avait pensé qu'il puisse y avoir des difficultés, la Cour suprême aurait pu déclarer à sa décharge qu'elle avait tenu compte du Canada rural et particulièrement des provinces atlantiques, mais elle n'a pas eu cette sagesse.
Certains formuleront des reproches à l'encontre du ministre, mais il convient de lui laisser le temps d'étudier ces décisions de justice. De concert avec le ministère de la Justice, ses collaborateurs et lui-même doivent interpréter les intentions des juges. Il faut un certain temps pour faire toute la lumière là-dessus et prendre les mesures appropriées.
D'autres critiqueront les pêcheurs qui ont été décontenancés par cette décision. Ces derniers craignaient vivement que le ministre n'en arrive à décider simplement d'interdire aux autochtones de pêcher. Mais une telle décision serait peu sage. Les autochtones ont autant droit aux ressources nationales que les autres Canadiens.
S'agissant de l'avenir du secteur des pêches, rappelons qu'il s'est développé progressivement, au fil des années. Dans les années 1960, le permis de pêche commerciale du homard coûtait 25 cents. Aujourd'hui, les permis de pêche coûtent entre 50 000 et 100 000 dollars.
Force nous est également de reconnaître que l'industrie de la pêche au homard s'est développée au cours des années.
J'ai lu il y a quelques années de cela dans un article que le sud du Nouveau-Brunswick manquait d'enseignants. À l'époque, celle de la Crise de 1929, les enseignants étaient souvent logés chez les parents des élèves. Pour attirer des candidats, une commission scolaire du sud de la province avait dû promettre que les personnes qui seraient engagées et logées chez l'habitant n'auraient pas à manger du homard plus de deux fois par semaine. Le homard était considéré comme un produit de base et seuls les pauvres en mangeaient. Aujourd'hui, bien entendu, ce n'est plus le cas.
Nous devons reconnaître que la pêche s'est développée dans la région atlantique du Canada. Les espèces variées qui y sont pêchées sont toutes de valeurs différentes. Nous avons aujourd'hui des éperlans, des praires, des huîtres, et bien d'autres produits de la mer. En fait, dans l'affaire Marshall, il était question d'anguilles. En fait, toutes ces diverses pêches devront faire l'objet de compromis quant à la façon dont les pêcheurs autochtones et non autochtones les pratiqueront.
Je ferai remarquer que non seulement les autochtones se sont fait imposer des limites en matière de pêche, mais que les gens de la côte ouest parlent maintenant du droit public de pêcher. Du côté de l'Atlantique, il n'existe pas de droit public de pêcher. La pêche a été rigoureusement réglementée et les gens ont obtenu des permis de pêche à la suite du paiement depuis de nombreuses années de droits qui ont été imposés par certains règlements.
J'espère qu'on pourra résoudre le problème d'une façon ou d'une autre. Dans la circonscription de Miramichi, les gens vivent dans la crainte. Ils craignent que d'autres empiètent sur leurs droits. Nous avons eu des incendies, des camions ont été détruits. Un local spécial de ressourcement que possédaient les autochtones de Burnt Church a été incendié. Une maison a été détruite. Tous ces événements ont créé de graves problèmes dans notre région. À cause de tout cela, des gens qui vivaient côte à côte depuis 200 ans ne sont soudainement plus de bons amis.
J'espère que, dans le débat de ce soir, nous pourrons insuffler une mesure de raisonnable dans ce problème qui a été créé dans le secteur de la pêche de l'Atlantique, que les gens pourront regagner une certaine confiance en leur capacité de comprendre les autres et de communiquer avec eux et que, surtout, nous pourrons développer dans un proche avenir une pêche susceptible de répondre aux besoins des gens, aussi bien des autochtones que des non-autochtones, et que la pêche pourra s'exercer dans les meilleurs intérêts de l'économie de la région de l'Atlantique.
Je tiens également à faire remarquer une dernière chose. Burnt Church est une réserve très isolée. Elle a une population de 900 à 1 100 personnes, selon la saison. Les habitants de Burnt Church ont de grands besoins économiques. La même chose est vraie dans le cas d'un grand nombre de réserves d'un bout à l'autre du pays. Il y en a 600. Beaucoup d'entre elles ne disposent pas des ressources économiques pour permettre à leurs habitants de se développer et pour fournir un gagne-pain à leurs enfants.
Mettons tous ces faits en perspective et espérons que nous, en tant que Canadiens et en tant que parlementaires, pourrons conjuguer nos efforts pour apporter à ce grave problème une solution capable de satisfaire la plupart de nos concitoyens.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, on a laissé entendre que demander à la Cour de surseoir à son jugement et de réentendre la cause reviendrait à sélectionner certains jugements. Ce n'est pas le cas. Si on retournait devant la Cour, ce serait pour éviter le genre d'affrontement dont nous avons été témoins et pour lui demander de clarifier l'intention de ce jugement.
Par exemple, autoriserait-elle qu'on empiète sur le droit issu de traité qu'elle a proposé? Je renvoie la Chambre au paragraphe 75 de l'arrêt Gladstone, dans lequel la Cour elle-même a reconnu que d'autres avaient acquis des droits de pêche. Elle a déclaré que la réconciliation des sociétés autochtones avec le reste de la société canadienne dépendait peut-être bien de la réalisation de cet équilibre.
Le député d'en face ne voit-il pas un avantage à retourner devant la Cour pour recueillir son opinion sur la façon de trouver une solution à ces droits qui entrent en conflit?
M. Charles Hubbard: Monsieur le Président, comme je ne suis pas avocat, je devrai certainement prendre la question du député en délibéré.
La conclusion que je tire, c'est que, au début des années 80, nous avons rapatrié la Constitution, et la Cour suprême est le tribunal suprême. Certes, le ministère de la Justice peut donner, avec les magistrats, une interprétation de certaines de leurs déclarations à propos de ce jugement, mais nous ne pouvons pas faire abstraction d'un jugement de la Cour suprême.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question à mon collègue et voisin de la Miramichi étant donné que je représente la circonscription d'Acadie—Bathurst.
Je sympathise avec les problèmes qu'on retrouve dans son comté, mais ceux-ci sont également présents chez nous.
Le député nous dit que les pêcheurs sont allés le voir à son bureau mercredi, et que tous les problèmes sont survenus le dimanche. Après cela, on apprend que le ministre est allé sur place deux semaines plus tard. J'aimerais avoir les commentaires de mon collègue par rapport à cette situation. Est-il déçu de l'attitude de son ministre ou approuve-t-il sa lenteur dans toute cette affaire? Il y a une crise chez nous, et il faut agir. Selon moi, le ministre ne devrait même pas être ici ce soir. Il devrait être dans les provinces de l'Atlantique en train de régler les problèmes des autochtones et des non-autochtones.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: Monsieur le Président, jeudi dernier, j'ai rencontré un certain nombre de personnes au New Jersey, et je me suis rendu peu après dans la réserve de Burnt Church. J'ai déclaré que, généralement, tout le monde est bon, mais que, dans tous les groupes, il se trouve toujours des gens qui veulent faire des gros problèmes.
Compte tenu des incidents survenus là-bas, on peut déplorer que des gens de l'extérieur se soient rendus à Burnt Church. Il est également regrettable que certains pêcheurs se soient comportés comme ils l'ont fait.
L'après-midi en question, des membres de l'UPM et moi avons eu un entretien avec le ministre des Pêches et des Océans. Je l'ai appelé au téléphone, et il a été facile de le joindre. Nous avons discuté du problème en la présence de représentants de l'UPM, et nous leur avons dit qu'il devrait y avoir une solution au début de la semaine suivante.
Le fait que des bateaux soient venus de l'extérieur de la circonscription pendant le week-end est un facteur qui a pesé lourd. Après, il y a eu l'incident du dimanche matin, et ensuite celui du dimanche soir, peu après mon passage. J'étais là, le soir, entre 6 h 30 et 7 heures, et c'est peu après la tombée de la nuit que les véhicules ont été détruits. C'est extrêmement regrettable, mais c'est ainsi que les choses se sont passées, et il faut s'y faire. Les beaux efforts que le ministre a déployés dans la semaine qui a suivi ont permis de dégager des éléments de solution. Il a rencontré les 30 chefs. Il fallait beaucoup de courage pour le faire, et je tiens à le féliciter. Il a aussi rencontré les représentants de l'UPM, et j'espère que nous saurons trouver une solution.
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, PC): Monsieur le Président, les collectivités autochtones, comme beaucoup de collectivités non autochtones, connaissent des difficultés économiques. Le député de Miramichi l'a souligné. Beaucoup de collectivités autochtones ont des difficultés. C'est pourquoi il est si important de faire en sorte que, maintenant qu'il est leur possible de trouver du travail dans l'industrie de la pêche, il reste encore du homard dans dix ans. Il y va de l'intérêt des autochtones autant que des non-autochtones.
Le député admet-il que son gouvernement devrait faire preuve de davantage de leadership parce que la conservation des stocks est la solution au problème? Nous devons discuter. Il est clair que la conservation est...
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Miramichi a 30 secondes pour répondre.
M. Charles Hubbard: Monsieur le Président, le leadership du gouvernement est évident. Je suis très satisfait du leadership dont le ministre a fait preuve. Je suis heureux de constater que la députée, qui a une importante collectivité autochtone dans sa circonscription, parle en son nom et la représente. Je l'en félicite.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir dans le débat ce soir.
Pour commencer, je voudrais faire des observations sur la Cour suprême. Je ne remets pas sa sincérité en doute un seul instant. Je n'entretiens aucun doute sur la personnalité ou l'intégrité des neuf juges qui siègent à la Cour suprême, ni même sur celles des gens d'en face ou des membres d'autres partis politiques dont les opinions sur cette question diffèrent des miennes.
Je voudrais bien que nos vis-à-vis cessent de s'en prendre à la personnalité et aux motivations des députés réformistes, chaque fois que ces derniers ne sont pas d'accord avec eux sur la philosophie qui sous-tend des questions qui sont si fondamentalement importantes pour l'avenir du Canada.
Je dis cela en pensant surtout à la Cour suprême. Bien des gens et de nombreux députés sont en admiration devant la Cour suprême du Canada. Ils considèrent que les neuf juges sont pratiquement infaillibles et que toute décision venant de la Cour suprême doit être acceptée comme étant définitive. On pourrait presque croire que ces juges sont sacrés ou désignés par un être supérieur, par un dieu qui nous est inconnu.
En réalité, les neuf juges de la Cour suprême ont tous bénéficié d'une nomination politique, que ce soit par un premier ministre conservateur ou libéral. C'est ainsi que, depuis 30 ou 40 ans, tous les juges de la Cour suprême ont été nommés. Même s'il ne me viendrait jamais à l'idée d'accuser un juge de la Cour suprême de partialité, je reconnais que l'on nomme des gens qui appartiennent à un certain milieu et qui adhèrent à une certaine philosophie politique dominante.
Depuis environ trois décennies au moins, cette certaine philosophie politique dominante a pu avoir plusieurs caractéristiques différentes. On pourrait dire qu'elle correspond de plus en plus à la rectitude politique. On pourrait dire qu'il s'agit d'une pensée progressive éclairée. Ou encore, en empruntant le verbe du grand écrivain américain Thomas Sowell, on pourrait dire, comme il le fait dans son oeuvre remarquable «The Vision of the Anointed», que ces gens se sont laissés gagner par une certaine vision qui est surtout une vision libérale de gauche. Cette philosophie est évidente dans nos institutions politiques et sociales et dans nos universités. Elle est de plus en plus manifeste depuis les trois ou quatre dernières décennies.
Nous ne disons pas que ces gens sont mauvais. Nous ne disons pas que leur caractère est déficient. Nous ne disons pas qu'ils devraient faire l'objet de reproches ou de critiques acerbes à cause de leurs points de vue. Nous disons que leur façon de penser est fondamentalement fausse. Voilà le problème dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui.
Les gens qui adoptent la vision des bénis, et j'emprunte encore une fois les propos de Thomas Sowell, tiennent pour acquis leur propre supériorité morale parce qu'ils sont convaincus du bien-fondé de leur cause. Par conséquent, ils se croient moralement supérieurs à tous les autres. Selon eux, quiconque n'est pas de leur avis a non seulement tort, il commet un péché. On peut parfois voir des signes de cela durant les débats en cette Chambre.
De même, ces gens habités par la vision des gens bénis, ont aussi tendance à s'isoler de la réalité des répercussions de leurs propres décisions. Ils ne veulent pas voir les effets réels des décisions qu'ils prennent. Lorsqu'on leur apprend que les effets d'une de leurs décisions ont été désastreux, ils pointent du doigt tous ceux qu'ils trouvent au lieu d'examiner sérieusement, avec une profonde honnêteté intellectuelle, leurs propres positions et leur décision pour voir comment celles-ci ont influencé les résultats qu'ils ne veulent vraiment pas voir.
J'estime que la Cour suprême du Canada est très impliquée dans cette vision des élus. Les institutions politiques du Canada, le Parti libéral en particulier, sont aussi très impliquées dans cette vision des élus.
Voici un peuple qui croit fermement pouvoir redresser les torts de l'histoire en en ignorant les leçons. Voici des gens qui ne veulent pas tenir compte des leçons de l'histoire. Ils ne veulent pas tenir compte des valeurs et des principes démocratiques fondamentaux. Ils croient pouvoir faire fi des valeurs et des principes démocratiques fondamentaux et, parce qu'ils se croient en quelque sorte plus brillants, plus doués ou plus capables, ils croient pouvoir concocter quelque arrangement sociétal réussi tout en ne tenant aucun compte de ces principes.
J'estime que 10 000 ans d'histoire humaine ont prouvé que cela n'est pas possible. Sans la démocratie, on retourne à la barbarie que tous nos ancêtres ont connue. Qui que nous soyons à la Chambre, nous venons tous de là. C'est ce que nous ont appris 10 000 ans d'histoire. C'est ce que l'expérience nous a appris. Nous avons appris par tâtonnement et après avoir essayé de très nombreux arrangements de société que la meilleure façon d'arranger nos affaires pour avoir la paix, l'harmonie, la prospérité et les droits humains, c'est par l'intermédiaire des institutions démocratiques fondamentales.
La pierre angulaire ou le principe fondamental de la démocratie est l'égalité de tous devant la loi. Il n'y a rien à faire. On ne peut pas être intelligent, égotiste ou arrogant au point de croire qu'on peut réaménager la société et accorder un statut et des droits spéciaux pour une raison ou pour une autre en ne tenant aucun compte des leçons de l'histoire ni des principes démocratiques fondamentaux et s'attendre à avoir une société paisible et harmonieuse.
J'estime que nous en avons la preuve aujourd'hui. Pendant trois ou quatre décennies, les politiques successives du gouvernement ont cherché à convaincre les Canadiens, et en particulier les autochtones canadiens, que cette situation peut se produire et qu'elle peut fonctionner. Non seulement dans le cas de la pêche au homard sur la côte est, mais aussi à l'échelle de tout le pays, il y a de plus en plus de preuves non seulement que cette solution ne fonctionne pas, mais également qu'elle mène à de véritables conflits et à un climat de désharmonie dans notre société. Ce n'est pas sain.
Je ne doute pas de la sincérité des juges de la Cour suprême et du fait qu'ils essayaient de bien faire. Je me demande cependant comment ils ont pu aboutir à leur décision alors que le traité de 1760 sur lequel ils se sont fondés ne fait même pas mention du poisson.
De toute évidence, ils cherchaient à corriger les injustices de l'histoire en lisant dans ce traité des choses qui n'y étaient pas et en cherchant à créer une structure sociétale différente qui favoriserait à leur avis au peuple Mi'kmaq.
Il y a dans le secteur de la pêche au homard sur la côte est des gens qui sont présentement déplacés et qui éprouvent des difficultés financières et qui continueront à en éprouver jusqu'à ce que le dossier soit résolu, mais les plus grands perdants à la suite de cette folie et avant que tout soit réglé seront les Mi'kmaqs eux-mêmes.
Je vais répéter ce que je viens de dire pour que quiconque le souhaite à la Chambre puisse comprendre. Les plus grands perdants avant que tout soit réglé seront les Mi'kmaqs eux-mêmes.
À moins que le gouvernement puisse faire preuve de leadership dans ce dossier, rompre avec sa vision erronée du passé, adopter les vrais principes fondamentaux de la démocratie et encourager nos frères et nos soeurs autochtones à faire de même, nous connaîtrons de véritables problèmes. Nous pouvons voir cette situation se dessiner partout. Je n'éprouve absolument aucun plaisir à le dire, mais les indices sont là. On peut les relever partout: la bande indienne de Musqueam, la pêche au homard sur la côte est, la situation au Manitoba et dans le nord de la Colombie-Britannique.
Les problèmes se dessinent parce que nous avons tenu au Canada un discours politique qui a encouragé les autochtones à emprunter cette voie. Pensez-y une minute. Les autochtones ont été encouragés à prendre la mauvaise direction. Je parie que les fils et les filles des députés ne tentent pas de se bâtir un avenir dans le secteur des pêches. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le secteur des ressources naturelles du Canada est en pleine maturité et que certaines industries de ce secteur sont plus que mûres, comme le faisait valoir mon collègue de Delta. Certaines industries en sont même à leur déclin.
L'avenir économique du Canada et du monde entier repose sur la haute technologie, les transports et une économie mondiale et non sur la pêche. Ceux qui pratiquent la pêche actuellement le font parce qu'ils sont attachés à ce secteur d'activité. Ils sont depuis longtemps attachés à ce métier qui leur permet, pour l'instant, de gagner leur vie. Je parie que, si c'était à refaire, la grande majorité des pêcheurs de 18 ou de 19 ans choisiraient une autre voie. Ils opteraient pour un métier ou une carrière qui leur garantirait, à eux et à leur famille, un avenir plus durable et prospère.
Nous incitons tous les autres Canadiens à penser en fonction de l'ère de l'information, à se lancer dans la technologie et à se préparer à la mondialisation de l'économie et des échanges commerciaux. Puis, nous encourageons les autochtones à bâtir leur avenir sur la pêche et l'exploitation forestière, l'exploitation des ressources, toutes ces industries qui sont déjà en pleine maturité au Canada.
Ce n'est qu'au sein d'institutions démocratiques que se trouve la vraie valeur de l'individu. Lorsque nous tentons d'attribuer des droits et des privilèges en fonction de tout autre critère que l'égalité des individus, nous faisons marche arrière. Nous érigeons des murs au lieu de construire des ponts et nous semons la discorde au sein de notre société.
La Cour suprême et les institutions démocratiques de notre pays croient sincèrement pouvoir réussir là où les êtres humains ont échoué depuis 10 000 ans. Aujourd'hui, nous avons la preuve qu'elles en sont incapables.
La décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Marshall devrait alerter tous ceux qui s'interrogent sur la signification de l'accord conclu avec les Nisga'a. Le traité dont je parle en l'occurrence est un document très volumineux. Le traité conclu avec les Nisga'a compte 200 pages ainsi que 400 pages d'annexes et il comprend une cinquantaine d'accords qui n'ont pas encore été négociés et qui ne sont même pas assujettis à l'accord tel qu'il existe aujourd'hui. Dans l'avenir, la Cour suprême pourrait être appelée à se prononcer sur chacune de ces dispositions ou conditions. Imaginez ce que cela pourrait signifier pour notre pays.
Ceux qui ont négocié ces traités n'en ont pas la moindre idée. Lorsque nous avons proposé, le printemps dernier, qu'ils renvoient le traité à la Cour suprême afin que celle-ci nous donne son avis sur l'application de la Charte des droits et libertés et sur la constitutionnalité de l'accord, ils se sont montrés extrêmement arrogants et tellement sûrs d'eux, tellement persuadés de leur supériorité morale, qu'ils ont tenté de dénaturer nos propos et qu'ils ont fait fi des mises en garde que nous leur servions.
Voilà maintenant six ans que nous essayons de faire ici ces mises en garde. Depuis six ans, nous demandons au gouvernement d'attendre, de bien réfléchir et de réexaminer la question. Si nous agissons ainsi, ce n'est pas parce que nous mettons en doute les motivations de ces gens ou que nous pensons qu'ils sont des individus mal intentionnés, mais c'est parce que nous sommes persuadés qu'ils se trompent fondamentalement.
Je dirai que l'évidence empirique parle en notre faveur. Elle confirme ce que le Parti réformiste du Canada dit depuis le début. Quand nous nous écartons du principe d'égalité de tous les Canadiens, quand nous commençons à accorder un statut spécial, des droits spéciaux ou un accès spécial aux ressources, quand nous commençons à accorder des droits différents aux gens sur n'importe quelle base, nous sommes voués au désastre. Nous sommes voués aujourd'hui à un désastre sur la côte est du Canada.
J'ignore la réponse mais je sais comment nous en sommes arrivés là. Je sais que le gouvernement doit faire preuve de leadership. Il doit montrer qu'il est capable de diriger et de gouverner de façon à faire régner la paix, l'ordre et un bon gouvernement, ce qu'il ne fait pas. Il permet couramment que des décisions soient prises par la Cour suprême, évitant ainsi toute responsabilité et le suivi que peut requérir le fait de prendre des décisions lui-même. C'est pourquoi nous sommes dans cette situation aujourd'hui.
Il y a au gouvernement fédéral, au ministère de la Justice des constitutionnalistes et des experts juridiques. Il doit y avoir moyen de régler cette question de façon juste et abordable.
La toute première responsabilité de ce gouvernement ou de tout gouvernement fédéral est de parler à ces autochtones qui sont pris entre les deux et de leur expliquer que leur statut particulier ne leur a jamais procuré le moindre avantage. Nous devons repenser la relation entre les autochtones et le gouvernement du Canada ainsi que le reste du Canada. Manifestement, la relation actuelle n'a profité ni aux autochtones ni au Canada.
Il est temps de rompre avec les idées erronées et les politiques ratées du passé et de proposer de nouvelles idées, de nouvelles conceptions et de nouvelles façons d'avancer. Si nous ne faisons pas cela, je crains que nous ne soyons confrontés à de nouveaux conflits, à une nouvelle agitation et à d'autres événements tels que ceux dont nous avons été témoins sur la côte est du Canada. Je crois sincèrement que cela risque de se reproduire si le gouvernement ne se montre pas capable de donner le ton et de changer sa façon de concevoir ces questions fondamentales.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, je vois que de nombreux collègues veulent poser des questions, alors je vais permettre au député de Skeena de profiter de la tribune, pendant que les ministres des Pêches et Océans et des Affaires indiennes sont là, en lui posant la question suivante.
Si la Chambre des communes a reconnu qu'il fallait, lors de la première journée des travaux—parce que le gouvernement avait abrogé les travaux de la Chambre des communes—avoir un débat d'urgence sur la crise des pêches avec l'arrêt Marshall, n'aurait-il pas été important que dès aujourd'hui, le gouvernement s'engage à reformer immédiatement les comités permanents, tant celui des affaires autochtones que celui des pêches, pour qu'on connaisse les interlocuteurs de la partie gouvernementale?
Certains députés se sont exprimés ce soir en disant: «Nous ne sommes pas avocats ou experts en droit constitutionnel». Ce comité aurait eu la possibilité et les budgets pour, justement, faire ressortir les tenants et aboutissants de façon à ce qu'on puisse prendre une décision un peu plus éclairée sur ce qui se passe.
Présentement, j'ai l'impression que le gouvernement, à l'image de son ministre qui essaie de nous faire croire qu'il fait quelque chose, nous fait tourner en rond. Je rappelle à la Chambre qu'on n'a même pas le droit de voter à l'issue du débat de ce soir. En fin de compte, j'ai l'impression de perdre un peu mon temps, alors qu'il y a des choses à négocier.
Entre-temps, si on veut être capables d'informer la population qu'on représente, je pense qu'on est en droit d'avoir accès à des informations justes et pertinentes. J'aimerais savoir si mon collègue de Skeena est aussi empressé et enthousiasmé que moi d'avoir accès à la vérité et de savoir si le gouvernement a, justement, les poches vides.
[Traduction]
M. Mike Scott: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question. Nous avons déjà siégé ensemble au comité des pêches et j'ai apprécié sa contribution.
Je pense que le député conviendra avec moi, étant donné que nous siégeons tous deux à des comités depuis belle lurette, tantôt ensemble, tantôt séparément, que le gouvernement libéral ne tient pas mordicus à ce que les comités décident quoi que ce soit. Le gouvernement ne tient pas à ce que les comités interviennent dans ces dossiers et s'y intéressent, car ils pourraient faire des recommandations auxquelles il ne voudrait pas donner suite.
Je suis sûr que le député conviendra avec moi que le gouvernement ne sait comment résoudre la question qui nous occupe. C'est comme si quelqu'un lançait une grenade dans la salle. Le gouvernement ne sait pas quoi faire, mais il ne saurait permettre à quelqu'un d'autre de proposer la décision finale. C'est en cela que réside une partie du problème que pose notre système parlementaire. Il ne fonctionne tout simplement pas comme il le devrait.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les observations du député de Skeena et le fait qu'il croit qu'il y a assez d'avocats constitutionnels, d'avis juridiques et de fonctionnaires à Ottawa qui tentent de trouver une solution à ce problème.
Le député ne convient-il pas qu'il incombe sans doute aux pêcheurs eux-mêmes et aux collectivités côtières du Canada atlantique de trouver la solution? Depuis l'annonce de l'arrêt il y a 26 jours, nous avons entendu parler à maintes reprises du fait que les autochtones et non-autochtones se sont réunis pour trouver des solutions pour la viabilité à court et à long terme et les aspects de la pêche relatifs à la conservation. Le problème, évidemment, c'est que le gouvernement ne fournit pas de ressources humaines et financières pour aider les parties dans leurs consultations.
Le député ne convient-il pas que la meilleure solution doit venir de la base plutôt que d'en haut?
M. Mike Scott: Monsieur le Président, dans la plupart des cas, je conviendrais avec le député que les solutions venant de la base sont les meilleures. Comme je suis membre d'un parti populiste, je crois certainement au populisme et à la démocratie basiste. J'ose croire qu'il y a de l'espoir pour une résolution de ce genre, et il y en a peut-être. Je ne dis pas qu'il n'y en aura pas. Loin de moi l'idée d'enterrer cette idée. De toute évidence, quelque chose doit être fait.
Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est que nous sommes en présence de deux parties ayant des intérêts qui sont fondamentalement en concurrence. La nature humaine étant ce qu'elle est, il sera très difficiles de concilier ces intérêts concurrents. Il reste à voir si nous y parviendrons à partir de la base. Il est à espérer que les deux parties feront preuve de bonne volonté. Heureusement, on tente actuellement de concilier les parties et d'aller de l'avant dans un esprit de coopération.
Nous avons été témoins d'autres exemples ailleurs au Canada où des groupes se sont concurrence et où de véritables intérêts économiques sont en jeu. Il est souvent difficile, voire impossible, d'obtenir cette conciliation à partir de la base. Je ne dis pas que cela ne peut pas arriver. Tout ce que je dis, c'est que les chances sont minces.
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Monsieur le Président, notre hymne national parle de la terre de nos aïeux. Cela s'applique à tous les Canadiens. Les Mi'kmaq et les pêcheurs du Canada atlantique ont vécu en paix les uns avec les autres pendant plusieurs centaines d'années. Soudainement, une partie d'entre eux considèrent qu'ils sont traités comme des citoyens de deuxième classe, qu'ils ne sont plus des citoyens à part entière et les relations sont devenues très tendues.
Notre collègue a fait des commentaires sur la terrible situation en cours. Avant de lui demander de nous faire part de ses commentaires, je dirais que notre hymne national parle aussi de la protection de nos foyers et de nos droits. J'aimerais qu'on me dise qui protège nos foyers et nos droits.
Tous les groupes ont leurs défenseurs. Tous les groupes ont des gens qui parlent pour eux. J'aimerais bien savoir qui donc prendra la parole pour la nation dans ce débat.
M. Mike Scott: Monsieur le Président, il revient au gouvernement fédéral de parler au nom de la nation. Il est évident qu'à l'heure actuelle, nous sommes d'avis que ce dernier est loin de remplir sa mission. Le gouvernement fédéral ne fait pas preuve de leadership en ce moment et c'est là une partie importante du problème.
Pour faire suite au premier commentaire formulé par mon collègue, j'aimerais revenir à ce que j'ai déjà dit au cours de mon intervention. Lorsque nous nous éloignons des principes et des valeurs démocratiques de base, lorsque nous nous éloignons des principes d'égalité de tous les citoyens devant la loi, aussi bonnes nos intentions puissent-elles être et aussi nobles nos motifs puissent-ils être, nous créons un environnement qui mène au genre de conflit et de confrontation auxquels nous faisons face aujourd'hui.
La nature humaine est universelle. Elle existe depuis l'apparition de l'homme sur terre. Elle est universelle et immuable. Nous avons appris sur une période de 10 000 ans que grâce aux institutions démocratiques, nous pouvons organiser notre société de façon à fonctionner en paix et avec harmonie. Lorsque nous commençons à miner ces principes et ces valeurs de base, nous obtenons le genre de résultats que nous constatons aujourd'hui sur la côte est du Canada.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le traité des Nisga'as donne à ces derniers 25 p. 100 du saumon retournant à la rivière Nass. Quatre autres bandes, dont les revendications territoriales n'ont pas fait l'objet de négociations, rivalisent entre elles pour avoir accès à cette ressource.
Le traité des Nisga'as constitue une version moderne du traité de 1760 sur lequel la Cour suprême s'est prononcée dans le jugement Marshall. Il s'agit d'une version très élargie, soit dit en passant, en ce sens qu'elle donne aux autochtones un droit prioritaire de pêche.
Voyant qu'il règne tant de consternation aujourd'hui à la Chambre, je voudrais demander au député quelle est, à sa connaissance, la position qu'ont adoptée les autres partis à l'égard du traité des Nisga'as, étant donné sa très forte ressemblance avec le traité dont nous parlons en l'occurrence?
M. Mike Scott: Monsieur le Président, au meilleur de ma connaissance, tous les partis à la Chambre, sauf le Parti réformiste du Canada, appuient le traité des Nisga'as. Tous les autres partis ont donné à entendre qu'ils voteront en faveur du traité. Tous les autres partis ont exprimé le souhait de voir le traité adopté rapidement.
Franchement, il s'agit là d'une bonne question de la part du député de Delta, car, étant donné les problèmes que nous voyons résulter du jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Marshall, fondé sur cet ancien traité qui, je le répète, est très mince, nous pouvons aisément imaginer le genre de problèmes qui pourraient résulter du traité des Nisga'as. Il mérite vraiment un second examen objectif. Il mérite vraiment un bon débat et il mérite vraiment un examen attentif du genre de problèmes auxquels nous pourrions nous exposer plus tard, compte tenu du jugement Marshall et de ses répercussions sur le secteur de la pêche de la côte est.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec le député de Malpeque.
Jusqu'à maintenant ce débat a été très intéressant, très fructueux. Il y a eu des moments où je me suis demandé quel était le sujet du débat. On a beaucoup parlé de la Cour suprême du Canada et du fait que le judiciaire façonnait la loi. C'est un sujet très valable, mais qui mérite d'être traité séparément. Il touche à la question de la pêche et des droits des autochtones et je vais le traiter uniquement dans ce contexte et en ce qu'il a de pertinent à cet égard.
La chose importante dont il faut se souvenir est ce que disait Jeremy Bentham, le plus sage des philosophes spécialistes de la common law. Il disait que le droit n'était pas l'oeuvre d'une seule personne ou d'une seule institution. Il se servait de cette merveilleuse expression « juge et compagnie» et quand on lui demandait ce qu'il voulait dire par là il répondait qu'il n'y avait pas que les juges qui façonnaient le droit, mais également les citoyens, ce sont eux qui appliquent les lois et qui demandent l'avis des tribunaux. J'aurai quelque chose à dire à ce sujet dans un instant.
On a critiqué la Cour suprême, mais je dois dire qu'ayant suggéré en 1982, quand la Charte des droits et libertés a été adoptée, qu'elle modifierait de façon fondamentale notre système constitutionnel et qu'il fallait donc procéder à une réforme, à une refonte de la Cour suprême et du rôle du judiciaire, conseil qui n'a pas été suivi, je plains les juges qui sont la cible de ces attaques. Ce que je vais suggérer, c'est un rôle plus important pour le judiciaire et aussi pour les autres intervenants du régime constitutionnel.
L'un des membres les plus réfléchis de la tribune de la presse, Jeffrey Simpson, a écrit il y a plusieurs semaines un article qui m'a rappelé quelque chose que j'avais écrit il y a de nombreuses années au sujet de l'affaire Brown c. le Board of Education de Topeka, Kansas, qui a suscité de nombreuses critiques à la Chambre et ailleurs, particulièrement de la part de personnes qui n'ont jamais lu le jugement. C'est très courant.
Cette affaire est en fait double. Il y a d'une part la décision concernant la ségrégation dans les écoles.
Le deuxième est le jugement de suivi Brown c. Board of Education, et c'est là où l'on trouve l'expression célèbre, qui a été empruntée directement au droit britannique du XVIIe siècle, à savoir «agir avec toute la diligence voulue». Cette expression provient de l'equity. Elle a été utilisée par le juge Felix Frankfurter, le plus grand, à mon avis, des juges nommés par Roosevelt à la Cour suprême. Elle attirait l'attention sur le point fondamental selon lequel des problèmes sociaux complexes nécessitent des solutions complexes qui exigent des données complexes.
C'est à cet égard que la Cour suprême des États-Unis a perfectionné un rôle qu'il nous serait peut-être utile d'étudier. La solution aux problèmes de la pêche sur la côte est, la solution aux problèmes d'exploitation forestière sur la rive ouest du lac Okanagan, la solution à d'autres problèmes liés aux droits autochtones serait plus facile à trouver si on tenait compte de données socio-économiques. Nous avons dans notre pays, car je constate que d'autres pays les consultent, des experts en gestion des ressources économiques. Dans un cas comme celui-ci, il faut rendre une décision judicieuse qui nécessite la prise en compte de données semblables.
L'essentiel du deuxième jugement, Brown c. Board of Education, c'est qu'une tierce partie avait un rôle à jouer pour surveiller la recherche d'une solution. En insistant sur cette expression «avec toute la diligence voulue», on voulait dire que la solution ne viendrait pas en un seul jour, ni dans un seul jugement, mais pourrait nécessiter plusieurs années de surveillance, de contrôle et de consultation avec les parties, et de directives données aux parties.
Ainsi, un rôle, qu'il soit exécutif, législatif ou judiciaire, ou une combinaison des deux, est un élément indispensable de la solution. Dans le contexte américain, de toute évidence, ce rôle était en grande partie judiciaire. Dans le contexte canadien, il faut tenir compte de la nature de notre Cour suprême.
Je suis très étonné et un peu troublé, parce que je pense que cela montre un manque de prise en considération des décisions de la Cour suprême et suppose l'existence d'un préjugé de classe à la Cour suprême du Canada. Je ne serais pas arrivé aux mêmes conclusions du tout. Je pense qu'une approche hautement technique est parfois bénéfique puisqu'elle permet de faire ressortir les faits sociologiques et économiques qui sont à l'origine du processus décisionnel. Dans ce cas, je ferais appel au mémoire de Brandeis. Toute la nature de la jurisprudence qui est devant le tribunal constitutionnel se résume à la production de preuves, sociales et économiques.
Dans le cas des pêches, ce serait la nature de la ressource, de la quantité, des propositions qui peuvent être faites concernant son utilisation et son partage. Je reprends ici une des phrases les plus marquantes de notre Cour suprême, un de ses plus sages conseils, soit l'obligation de négocier et de le faire de bonne foi. C'est un facteur très positif dans mon approche à l'égard du traité avec les Nisga'as, que le chef et l'avocat de la bande Nisga'a ont négocié de bonne foi, je pense.
Je serais moins porté à appuyer d'autres initiatives dans ce domaine si je n'étais pas aussi convaincu que la négociation de bonne foi suppose la reconnaissance d'une politique de bon voisinage. Ces expressions ont été utilisées par la Cour internationale de justice, mais elles s'appliquent également à la common law, puisque c'est de là que les a tirées le juge polonais qui les a citées.
Il y a d'importants vides juridiques sur les droits autochtones et les droits issus de traités. Un de ces vides juridiques est certainement la définition des droits des autochtones et des droits issus de traités. Ils sont mentionnés aux articles 25 et 35 de la Charte, mais seulement, comme on dit, à titre de dispositions d'exception. Il existe une expression latine, mais je traduis car c'est plus prudent. Ces dispositions ont été ajoutées car elles ne se trouvaient pas dans la charte d'origine. Je crois qu'on a cru nécessaire de les ajouter, mais qu'on a laissé aux intervenants constitutionnels ultérieurs le soin de définir ces droits et de les préciser; il n'est pas clair si la tâche devait incomber au pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire, la question reste ouverte au débat.
Il y a d'autres lacunes dans la loi dans la mesure où le paragraphe 35(1) sauvegarde les droits existants et que, par ailleurs, le paragraphe 35(3), adopté 12 mois plus tard, reconnaît et inscrit les futurs traités dans la Constitution.
J'ai posé des questions à la Chambre à ce sujet. Un traité futur, qui contreviendrait aux dispositions de la Charte ou de la Constitution, pourrait-il devenir constitutionnel et l'emporter sur ces deux textes? On a signalé une erreur ou une lacune qui a soigneusement été corrigée par le ministre des Affaires indiennes de l'époque grâce au projet de loi C-49, la Loi sur la gestion des terres des premières nations, et qui est corrigée, je crois, dans la loi fédérale de mise en oeuvre du traité des Nisga'as. Je tiens simplement à faire remarquer à la Chambre qu'il reste du travail à faire.
Je suis heureux de voir que les deux ministres qui ont participé au débat, le ministre des Pêches et des Océans et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, ont reconnu qu'il est impossible d'examiner les droits des autochtones dans le contexte de ministères isolés les uns des autres. Nous progressons vers une vision globale, mais c'est un processus instructif qui interpelle toutes les institutions gouvernementales et, si je peux me permettre respectueusement de le préciser, tous les parlementaires. C'est une expérience enrichissante pour nous.
Je dirais notamment à la Chambre qu'il y a tout simplement trop d'absolutisme dans ce domaine. Les théories originales d'acquisition des droits par les colons européens, qu'ils aient été britanniques, français, allemands, danois ou autres, la liste est longue, s'appuyaient sur des théories absolutistes comme celle de la terra nullius ou du territoire inoccupé. Ces théories ont été rejetées par le Tribunal international en 1975 et qui, faut-il l'admettre, ont été reconnues au Canada au début des années 1980 comme étant incorrectes. La preuve a mené au projet de rapatriement de la Constitution, qui a été accepté.
Je soutiens également que l'on commet une erreur du même ordre en adoptant les points de vue absolutistes préconisant que c'est l'un ou l'autre et voulant que l'une des parties gagne absolument et que l'autre perde absolument. Les solutions sages reposent ici dans la reconnaissance de droits comparatifs, la reconnaissance du fait que des droits nouveaux peuvent venir faire équilibre avec de prétendus droits inhérents originaux, particulièrement des droits nouveaux obtenus de bonne foi par les gens qui les exercent.
Nous amorçons un processus compliqué d'identification, de quantification et de mise en équilibre de droits concurrentiels différents. Les solutions reposent ici dans des valeurs comparatives, et il existe de nombreuses façons d'y arriver qui exigent un effort. Une partie de ce travail a été accompli dans le contexte compliqué de la prise de décisions concernant les droits de propriété en Europe centrale. Ceux-ci relevaient originalement de l'autorité territoriale nationale, puis ils ont ensuite été sous occupation soviétique, pour ensuite relever des gouvernements communistes locaux et des gouvernements de l'ère postcommuniste. La solution ne consiste jamais à déclarer absolument qu'il s'agit de droits pour une personne et que tous les autres sont des perdants. Il s'agit d'un processus compliqué de triage et, d'une certaine manière, de partage. C'est ici que nous revenons à la notion de juge et de compagnie. Tous les joueurs sont en cause.
Le débat montre qu'une solution à long terme à ce problème s'impose, mais je ne crois pas que les tribunaux doivent en faire partie. À mon avis, l'autorité législative peut s'en tirer seule. Je ne pense pas qu'une loi soit la solution. Je pense que le tribunal peut être amené à participer plus pleinement au processus.
Ce sont là les suggestions que je fais à la Chambre. Les critiques à l'endroit du tribunal proprement dit devraient être conservées pour une autre occasion, et nous suggérerons des façons d'améliorer le tribunal. Il se peut que nous constations que les juges sont très bien...
Le président suppléant (M. McClelland): Je suis très désolé de vous interrompre, mais si je ne le fais pas, je pense que le député de Vancouver Quadra ne s'arrêtera pas.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, je vois que vous essayez de contenter tout le monde, mais il ne faudrait pas que vous vous fassiez des ennemis dans votre propre parti.
Vu que plusieurs députés veulent intervenir, je poserai immédiatement les deux questions qui me viennent à l'esprit. Je suis un peu surpris de la réaction du député quand il dit que la cause devra peut-être retourner devant la Cour.
Je veux poser la question suivante, parce que je veux être certain d'avoir bien compris la fin du discours de l'honorable député d'en face. Ai-je bien compris qu'on devra revenir devant les tribunaux pour avoir une interprétation de ce qu'on vient d'avoir dans l'affaire Marshall?
J'ai une deuxième question. Le député a parlé de théorie absolutiste. Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir. Comment fait-on pour démêler la situation lorsque la Cour nous demande de faire notre travail, c'est-à-dire de négocier ce qu'est une subsistance convenable?
Est-ce que le député peut s'exprimer sur ces deux points?
M. Ted McWhinney: Monsieur le Président, j'ai suggéré plus tôt un processus beaucoup plus élaboré, soit la coopération entre les trois institutions gouvernementales, c'est-à-dire la Cour suprême, le pouvoir exécutif et le Parlement. À mon avis, c'est un processus qui exigera quelques années de travail sur des problèmes comme celui de la côte orientale.
J'aimerais que le député répète la deuxième question qu'il m'a posée?
M. Yvan Bernier: Je voulais savoir ce qu'est une subsistance convenable.
Le président suppléant (M. McClelland): Je regrette d'interrompre le député mais le temps est expiré. Le député de Delta—South Richmond a la parole.
[Traduction]
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le député d'en face a cité la chronique de Jeffrey Simpson dans le Globe and Mail. Voici deux paragraphes de la chronique en question:
Le tribunal a jugé en 1954, dans l'affaire Brown c. le Conseil scolaire de Topika, que la prétendue doctrine des égaux mais séparés a permis de justifier que la ségrégation soit anticonstitutionnelle parce que des installations scolaires séparées sont forcément inégales.
C'est là une notion intéressante à appliquer aux pêches. M. Simpson ajoute ceci:
On oublie habituellement qu'il y a eu deux affaires Brown. L'année suivante, après avoir entendu des témoignages sur la façon d'appliquer le jugement de 1954, les tribunaux ont donné aux autorités scolaires et politiques une marge de manoeuvre pour appliquer le premier jugement. Les juges ont dit que les autorités devraient agir avec toute la diligence voulue et les obligeaient à s'y mettre promptement et raisonnablement.
Ils n'ont pas exigé dans les premier et second jugements Brown que l'ordre des choses soit bouleversé dès le lendemain. Le tribunal était manifestement sensible aux principes importants qu'elle énonçait et à l'importance d'une période de transition.
La Cour suprême du Canada est sensible à cela dans l'affaire Marshall.
Compte tenu de ces observations, le député d'en face ne croirait-il pas sage et prudent de demander au tribunal de suspendre son jugement et d'entendre à nouveau l'affaire afin de conseiller le gouvernement?
M. Ted McWhinney: Monsieur le Président, telle était la question du député d'en face et nous y avions répondu dans son aspect général.
M. Simpson renvoie, en fait, à l'affaire Brown c. le Conseil scolaire no 2, un procès qui a duré un nombre considérable d'années et ne s'est pas réglé d'un seul coup. Je n'ai rien contre les affaires qui se règlent d'un coup, mais j'envisage la solution de ce problème, l'exploitation forestière sur la côte ouest et des problèmes similaires, une procédure qui suppose la collaboration entre le tribunal et le pouvoir exécutif, les parties étant constamment devant les tribunaux pendant un certain nombre d'années. Ce serait, à mon sens, une solution raffinée.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, j'ai une question pour le député au sujet de ce que disait le Parti réformiste, à savoir nous devrions retourner devant les tribunaux. Une partie du problème vient de ce que nous nous en sommes remis aux tribunaux pour régler ces questions au lieu de prévoir une solution globale à cet égard dans les traités modernes.
Si nous continuons ce débat devant les tribunaux, nous allons nous enliser encore plus profondément dans le bourbier où nous nous trouvons. C'est une erreur d'agir de la sorte. J'aimerais savoir ce que le député pense de tout cela et s'il croit que nous devrions faire appel aux tribunaux et tenir compte de toutes les solutions qu'ils ont proposées. Ce n'est pas là leur rôle. Ils estiment que ce n'est pas leur travail et ils ne veulent pas avoir à s'en acquitter.
M. Ted McWhinney: Monsieur le Président, je n'oserais pas prêter aux tribunaux des intentions sur ce qu'ils veulent faire ou ce qu'ils refusent de faire. Je me contenterai de dire que le pouvoir exécutif ou législatif ne peut se prononcer rapidement sur des questions qui concernent, par exemple, le partage d'une ressource rare.
Il vaut mieux qu'une tierce partie puisse examiner les preuves et les soupeser. À mon avis, un tribunal est plus en mesure de faire cela. J'imagine un mécanisme où les preuves sont présentées à un tribunal, où elles sont expliquées de façon éclairée et où elles donnent lieu à des plaidoyers. En choisissant cette voie, nous abordons la question des équités comparatives. Voilà où je voulais en venir.
M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le Président, nous avons entendu bien des choses ici, ce soir, mais reprenons la motion et tâchons de placer les choses dans leur juste perspective. Elle se lit comme suit:
Que la Chambre prenne note des difficultés qu'éprouve le secteur des pêches au Canada, étant donné notamment les complications occasionnées par la décision rendue dans l'affaire opposant la Reine à Marshall, et ses répercussions pour les autochtones et les non-autochtones ainsi que pour la gestion future des ressources naturelles.
Cette motion a suscité des prises de position divergentes chez certains de nos collègues. Je tiens à préciser, pour ma part, que je n'ai pris aucun parti. Nous devons prendre note de cette décision et, en notre qualité de membres du gouvernement et de parlementaires canadiens, tâcher de mettre au point une stratégie qui nous permettra, d'une part, de donner une suite juste et raisonnable à cette décision et, de l'autre, de veiller à ce que tous les intervenants, notamment les pêcheurs et ceux qui vivent de l'exploitation d'autres ressources naturelles, puissent poursuivre leur activité sans en compromettre la pérennité et vivre dans une relative prospérité.
Comme l'affirme la motion, l'heure est on ne peut plus grave. Certains députés ont soutenu ce soir que les difficultés du secteur risquaient de connaître une escalade et d'entraîner une éventuelle annulation du moratoire volontaire négocié par le ministre dimanche dernier. J'en ai discuté avec lui à diverses reprises. Je sais qu'il espérait que la bonne volonté et la tolérance l'emporteraient. En réalité, en fin de semaine dernière, le ministre a fait tout ce qui était en son pouvoir pour parvenir à une solution provisoire qui soit satisfaisante pour tous.
Étant donné que, selon les nouvelles que nous avons entendues ce soir, les négociations auraient été rompues, j'exhorterais, et j'espère que d'autres se joindre à moi pour exhorter les chefs Mi'kmaq et les autres intervenants de ces collectivités à faire en sorte que l'entente de dimanche dernier soit maintenue. Ce qu'il nous faut, c'est la paix dans ces eaux et un délai pour nous permettre d'élaborer une réglementation qui permette de gérer les pêches de façon rationnelle.
La gravité de la situation, c'est peut-être un de mes électeurs, Barry Murray, un pêcheur de la région de la baie Malpeque, qui la décrit le mieux. Il a écrit au ministre des Pêches et des Océans. Je vais citer des extraits de cette lettre car elle témoigne bien de la gravité de la situation. C'est lui qui parle:
Il y a des gens animés de forts sentiments des deux côtés et ces personnalités sont dans un tel état de volatilité qu'il suffirait de quelques étincelles pour déclencher la violence. Après quoi, le conflit pourrait dégénérer au point d'anéantir les deux collectivités. Et je ne crois pas exagérer en disant cela.
Une crise pourrait éclater dans le secteur du homard et les troubles pourraient avoir l'ampleur de ceux qu'on a connus lors de la crise de la morue au début des années 80.
Il termine sur ces mots:
Monsieur le ministre, je vous prie de fermer ces pêches autochtones sur lesquelles ne s'exerce aucun contrôle, et ce pour des raisons de conservation, jusqu'à ce qu'une entente puisse être mise en place afin de protéger convenablement les stocks et nos collectivités de pêche.
M. Murray décrit très bien la volatilité et la gravité de la situation qui prévalent dans les stocks de homard de la baie Malpèque, une région qu'il connaît parfaitement.
Je ne crains pas de reconnaître que je suis déçu que la Cour suprême n'ait pas accordé un délai. J'ignore pourquoi et si c'est le fait des avocats ou de la cour. Quoi qu'il en soit, je suis déçu que la Cour suprême n'ait pas consenti un délai qui aurait permis d'élaborer un projet de réglementation concernant les droits issus de traités.
Il est important que nous examinions les faits ce soir. Nous entendons toutes sortes de choses, et les gens se fient sur les médias pour obtenir les interprétations de la Cour suprême, au lieu de lire son jugement.
Que disait le jugement? La Cour suprême a statué que Donald Marshall avait un droit issu de traité de pêcher et de vendre des anguilles, ce qui allait au-delà du droit déjà établi des autochtones de pêcher pour de la nourriture et pour des rituels.
La Cour a également déclaré que ce droit de vendre du poisson serait circonscrit à certaines limites. Le paragraphe 58 du jugement dit ceci:
Ce qui est envisagé ce n'est pas un droit de commercer de façon générale pour réaliser des gains financiers, mais plutôt un droit de commercer pour pouvoir se procurer des biens nécessaires. Le droit issu du traité est un droit réglementé qui peut, par règlement, être circonscrit à ses limites appropriées.
La Cour a indiqué que les biens nécessaires avaient été définis comme une subsistance convenable, ce qui comprend, selon la Cour, et je vous renvoie au paragraphe 59, «des choses essentielles comme la nourriture, le vêtement et le logement, complétées par quelques commodités de la vie, mais non de l'accumulation de richesses. Elle vise les besoins courants.»
Le paragraphe 61 du jugement place les limites de l'arrêt Marshall dans son contexte. Selon ce paragraphe, il est très important que «des limites de prises, dont il serait raisonnable de s'attendre à ce qu'elles permettent aux familles mi'kmaq de s'assurer une subsistance convenable selon les normes d'aujourd'hui, peuvent être établies par règlement et appliquées sans porter atteinte au droit issu du traité. Un tel règlement respecterait ce droit.»
C'est ce que dit le jugement. Les députés d'en face ont accusé le ministre et le gouvernement de ne pas agir dans ce dossier. Le fait est que le gouvernement a été proactif. La Stratégie sur les pêches autochtones est en place depuis 1992. En raison de l'arrêt Sparrow, elle était appliquée convenablement et accordait ce que la Cour suprême reconnaît désormais comme un droit.
La Stratégie sur les pêches autochtones a été la réponse du gouvernement à l'arrêt Sparrow. Grâce à cette stratégie, le gouvernement du Canada et P&O achetaient des permis de pêcheurs qui prenaient leur retraite et les remettaient à la collectivité autochtone pour qu'elle puisse tirer sa subsistance des produits de la pêche, comme la Cour suprême a déclaré qu'elle en avait le droit. Trente-deux millions de dollars ont été dépensés chaque année pour la Stratégie sur les pêches autochtones. Si cela ne plaît pas au député de Delta, tant pis pour lui. Ce sont les faits.
La Cour a affirmé certains droits des Mi'kmaq qui sont issus de traités qui remontent jusqu'en 1760. Le problème, ce n'est pas tant la décision, mais comment régler les choses de façon équilibrée pour que la communauté autochtone et la communauté non autochtone puissent survivre et prospérer ensemble.
Je félicite le ministre pour les efforts qu'il a faits afin de régler la question par le dialogue et la coopération. Cependant, si quelque chose arrive ce soir et si l'effort de pêche dépasse la quantité prévue lorsque le ministre a pris sa décision dimanche dernier, je pense qu'il devrait songer à exercer les pouvoirs qui lui sont conférés à l'article 43 de la Loi sur les pêches dans l'intérêt de la conservation. À l'heure qu'il est, l'impact ne serait-ce que d'un petit effort de pêche sur le homard pourrait être sérieux.
Regardons ce qu'a fait le gouvernement ces dernières années. Nous pourrions revenir à un communiqué publié par l'ancien ministre des Pêches le 22 avril 1998. Il disait que, dans le rapport qu'il a publié en novembre 1995, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques émettait l'avis que les pêcheurs «prenaient trop et en laissaient trop peu.»
À la suite du rapport du CCRH et de la décision du ministre d'alors de doubler la production d'oeufs de homard, de nouvelles mesures de conservation ont été instituées. Des dispositifs d'évasion ont été placés sur les casiers. Le prix et la taille des homards ont augmenté. On a pensé marquer d'un V les femelles oeuvées du homard pour les identifier. Plusieurs mesures de gestion ont été imposées à l'industrie. C'est sérieux.
Je maintiens que si la pêche au homard dépasse la quantité prévue par le ministre dans l'accord conclu dimanche dernier, il a le pouvoir de prendre des mesures en vertu de l'article 43 de la Loi sur les pêches. Il devrait exercer ce pouvoir et prendre des mesures pour empêcher que l'avenir de la pêche au homard ne soit compromis.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, bien que le député libéral qui vient de parler reçoive beaucoup d'appui pour ses propos de la part du Parti conservateur qui se trouve derrière moi, cela ne signifie pas qu'il ait raison. Lorsqu'il dit que la Stratégie sur les pêches autochtones de la Colombie-Britannique est le résultat direct des efforts du gouvernement pour tenter de consacrer par une loi la décision Sparrow de la Cour suprême du Canada, il se trompe totalement, tout comme le juge dans l'affaire R. v. Houvinen, sur laquelle la Cour suprême de la Colombie-Britannique a récemment statué.
La décision Sparrow de la Cour suprême du Canada a expressément refusé de régler la question de la pêche commerciale des autochtones. Cette dernière a été remise à des affaires ultérieures, à savoir à Gladstone, Vanderpeet et NTC Smokehouse.
Le président suppléant (M. MacClelland): Je suis désolé, mais nous allons devoir demander au député de Malpeque de répondre à la question, car il en reste deux autres.
M. Wayne Easter: Monsieur le Président, j'aimerais beaucoup répondre à cette question.
Si les députés se rappellent ce que j'ai dit au député de Delta—South Richmond et ce que j'ai déclaré dans mes remarques, c'était que le gouvernement était proactif. Le gouvernement a reconnu dans la décision Sparrow le droit à la pêche à des fins de consommation et à des fins cérémoniales.
Nous avons reconnu, en tant que gouvernement, qu'il pouvait y avoir d'autres droits conférés par traité et que nous devions donner sa place à la communauté autochtone dans le secteur de la pêche. Nous avons adopté une stratégie proactive afin d'intégrer la communauté autochtone de façon dirigée. C'est ce que nous faisions et nous progressions bien. Voilà ce dont il s'agit.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, c'est la première fois, alors que le sujet d'un débat porte sur les pêches, que je vois autant de monde aussi enthousiasmé.
J'ai une question à poser à l'ex-secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans. J'aimerais lui demander ce qu'il pense du discours de la secrétaire d'État à l'Enfance et à la Jeunesse lorsqu'elle dit que les pêches effectuées par les peuples autochtones, présentement, dans l'est atlantique ne représentent, selon elle, que 1 p. 100 des pêches effectuées normalement par les pêches commerciales.
Je voudrais connaître la position du député sur le discours de la ministre. Il vient de faire un appel au calme, tant auprès des autochtones qu'auprès des pêcheurs non autochtones.
Si on se chicane pour 1 p. 100, que quelqu'un du gouvernement le dise et qu'on dise comment on va dédommager les autres. Autrement, c'est deux poids, deux mesures.
[Traduction]
M. Wayne Easter: Monsieur le Président. Je vais laisser les ministres donner leur point de vue, et je vais donner le mien. C'est ce que j'ai toujours fait, et je continuerai à le faire.
Je ne veux pas me lancer dans une guerre de chiffres. Les médias ont donné toutes sortes d'informations sur le nombre de casiers. Il ne faut pas oublier que, dans la baie de Malpèque et certaines régions de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, on pêche à peu près cinq fois plus à cette époque-ci de l'année qu'on ne le fait en juin. Le nombre de casiers et les pourcentages ne sont pas des informations qui suffisent forcément.
Pour en revenir à mes propos, j'ai prêché pour la préservation de la ressource. La pêche de subsistance pour les autochtones a été fermée dans la baie de Malpèque. À mon avis, il faut s'inquiéter de toute pêche au homard qui dépasse de ce qui est prévu dans les plans actuels de gestion, car ces plans prévoient déjà la pression maximum sur la ressource. Nous devons réexaminer les plans de gestion actuel et veiller à ce que l'effort de pêche ne soit pas accru par suite de cette décision tant que nous n'aurons pas un régime de réglementation en place qui tienne compte de cette décision et qui le fasse de manière contrôlée.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement les observations du député dont la circonscription se trouve de l'autre côté du détroit de Northumberland, en face de la mienne, qui se situe en Nouvelle-Écosse. En tant que secrétaire parlementaire, il a participé de très près aux activités du ministère et il a parlé de façon assez pertinente sur des questions comme la conservation, le changement de la taille des prises, qu'il a appuyé en dépit de l'opposition de certains des pêcheurs de sa région, et sur d'autres mesures qui ont été prises.
En quoi cette réaction tardive à l'arrêt, qui permet aux pêcheurs autochtones de pêcher sans être assujettis à la loi et à la réglementation relatives à la conservation, ainsi que l'inaction du ministre et la décision du gouvernement de ne pas répliquer sont-ils conformes aux objectifs de la conservation?
M. Wayne Easter: Monsieur le Président, je ne pense pas que le député puisse accuser le ministre d'inaction quand on sait que celui-ci a rencontré les autochtones et les pêcheurs commerciaux. Il a également déclaré sans équivoque que la pêche serait réglementée ou qu'il n'y en aurait pas du tout. Ce qu'il a tenté de faire en faisant appel à la bonne volonté des parties et par la discussion, c'est empêcher ces dernières de prendre la mer tant qu'un régime réglementaire n'aurait pas été élaboré. La Loi sur les pêches lui confère le pouvoir d'agir si la conservation est menacée, et je pense qu'il prendra les mesures qui s'imposent s'il doit le faire.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, je vais devoir partager mon temps de parole avec mon collègue de Beauharnois-Salaberry, à moins que la Chambre consente à nous accorder du temps supplémentaire. Si jamais il en reste, parce que la motion prévoit que l'on ne peut dépasser 20 minutes, je vais alors prendre le temps qu'il restera.
Ce que je veux d'abord souligner—parce que j'ai pris des notes pendant que le ministre faisait son allocution—c'est que je vais profiter de sa présence pour lui dire ce que je pense, puisqu'il n'a pas encore pris l'avion, malgré les conseils qu'on lui a donnés. On aime bien être capables de lui parler, mais lorsqu'il y a un feu à éteindre, il faut aller là où l'action nous demande.
Le ministre a d'emblée reconnu que les autochtones avaient des droits confirmés par la Cour suprême. C'est un droit qui devait être réglementé, puisqu'on leur confirme qu'ils ont le droit de le faire.
Tout ce qu'on recherche à faire par la suite, c'est de définir ce que signifie l'expression «subsistance convenable». Il est malheureux que, à ce stade-ci, ce soit moi qui doive répondre aux questions. Je vais toutefois lui donner une série de questions et il pourra se lever pour me donner ses réponses.
Ce que l'on cherche à définir, c'est le terme «subsistance convenable». C'est ce qui est le plus difficile à faire. Je m'adresse au ministre en tant qu'homme d'affaires, parce qu'il était auparavant un homme d'affaires. Alors, quand on est en affaires, la chose la plus difficile, et c'est au moins une qualité qui pourra lui servir dans ce cas-ci, c'est d'amener les gens à la table de négociations.
Je pense que la Cour leur a donné une indication comment faire pour amener les gens à la table. C'est-à-dire que lorsqu'on ne veut pas être pris, comme nous sommes pris présentement avec un mauvais jugement—appelons-le comme ça—, dans ces cas-là, on essaie de négocier un mauvais règlement.
Dans le cas présent, le ministre aura l'occasion de légiférer, de réglementer la pêche pour attirer les gens à la table. Je comprends que la première réglementation ne plaira pas à la partie adverse. Toutefois, la seule façon de le régler, c'est d'aller en Cour ou d'accepter de s'asseoir.
J'imagine que je n'apprends pas grand-chose au ministre ce soir, mais j'ai hâte de voir quel ordre du jour il va établir. Tout ce qu'on a vu à la télévision, c'est le ministre qui demandait un moratoire de 30 jours. On ne disait pas avec qui il allait s'asseoir pour négocier.
Ce que j'ai noté aussi dans son discours, c'est qu'il a l'intention de négocier avec les bénéficiaires actuels, et il disait aussi ceci: «Ils sont la manifestation moderne des signataires des traités». J'aimerais mieux le connaître en bon français ou en langage d'affaires, mais je voudrais avoir une liste exhaustive et que ce soit publié pour m'assurer qu'il n'y ait pas d'autres joueurs qui s'ajoutent un mois après le début des négociations.
J'aimerais aussi que le ministre prenne bonne note quand je lui demande ce qu'il va faire pendant ces 30 jours. On aurait besoin de connaître son ordre du jour, ce qui sera négocié et qui sera assis autour de la table. Certes, il y aura des représentants des pêcheurs, des collègues ministériels fédéraux et provinciaux aussi, je l'espère. Il faut rappeler à la Chambre que pour chaque homme qui travaille en mer, il y a toujours, selon la règle du pouce, cinq personnes qui travaillent à terre. Il faut aussi penser aux conséquences des transformations.
Toujours dans le cadre de ce qu'on a à préparer, quand va-t-on savoir exactement avec qui on doit négocier? La négociation doit porter sur la définition de «subsistance convenable», mais le ministère des Pêches et des Océans a signé l'Accord des pêches des Nations Unies cet été. L'article 5 s'adresse aux pêcheurs dits commerciaux qu'on connaît à l'heure actuelle, et mentionne que les pays signataires s'engagent à effectuer et à développer une pêche durable et rentable.
Dans cette définition d'accord international, je ne vois pas le début du commencement de la définition du mot «rentable» dans le vocabulaire du ministère des Pêches et des Océans ici au Canada. Il s'agit d'un accord international où tous les autres pays de l'ONU disent, chaque fois qu'on parle de développement des pêches, «without subsidies», sans subventions.
Que veut dire «sans subventions» dans le langage international, traduit en langage canadien? Est-ce que l'assurance-emploi est inclus? Est-ce que les allégements d'intérêt sur les bateaux, que certaines provinces accordent, y sont calculés?
J'ai besoin de connaître l'image qu'on se fait des pêcheries, de ce que le ministre a déjà géré, quand on parle des pêcheries rentables, parce que ce qu'on voudra donner aux autochtones quand on parle de subsistance convenable, je comprends déjà que c'est au moins une ligne au-dessus du seuil de rentabilité.
J'aimerais aussi qu'on commence à définir le niveau de rentabilité dans le vocabulaire du ministère des Pêches et des Océans.
Il y a un point qui m'inquiète dans les propos du ministre, c'est lorsqu'il dit ne pas avoir encore compris toute l'implication du jugement. J'aurais aimé ne pas taper indûment sur le ministre qui vient d'entrer en fonction, mais il est regrettable que son ministère n'ait pas préparé de plan B, surtout lorsqu'est perdant.
Je vais éviter peut-être de faire des jeux de mots faciles ici ce soir par respect pour les autochtones et les non-autochtones du monde des pêches, mais dans certains cas, ils préparent des plans B, et dans ce cas-ci, ils n'en ont pas préparé.
J'aimerais aussi savoir ce que le ministre pense des différents styles de gestion qui existent de par le monde, parce qu'en même temps qu'on se penche sur le problème autochtone, je pense que la Loi de 1867 sur les pêcheries est à revoir aussi, parce que selon les traités, le caractère discrétionnaire d'octroi des permis ne peut pas satisfaire la condition autochtone.
Je pense qu'il faudra en profiter pour dépoussiérer la vieille loi sur les pêches au Canada. Mais le plus grave problème que l'on connaît, c'est principalement le partage des historiques entre les provinces.
Si on en arrive à être obligés de définir ce qu'on va devoir offrir aux autochtones, il faudrait savoir où on va le prendre. Tant qu'à commencer à calculer pour chacun, pourquoi n'en profiterions-nous pas pour faire une forme de partage?
Il existe des systèmes de gestion et le Canada fait partie d'un système de gestion dans lequel, avant que le total des prises admissibles ne soit déterminé chaque année, le pourcentage de chacun des participants est déterminé. Je veux parler de l'OPANO, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest. C'est une organisation à laquelle le Canada participe.
Pourquoi ce qui est bon pour le Canada quand il veut s'entendre avec ses collègues de l'extérieur de ses frontières ne pourrait pas être bon pour travailler avec ses collègues à l'intérieur de ses frontières? Je pose la question au ministre.
Si jamais le vocabulaire que j'utilise irrite les oreilles des fonctionnaires du ministère ou celles du ministre, je les invite à revoir le modèle de gestion français dans lequel, au lieu de parler de quote-part historique, on parle de critères de stabilisation. Autrement dit, je fais appel à ce qui peut parfois être un défaut mais qui, dans ce cas-ci, peut être une qualité de la part du ministre.
Comme homme d'affaires, pour être capable de gérer, on a besoin d'outils. Pour gérer, il faut être capable de planifier pour savoir comment je vais faire pour payer mon bateau et mon épicerie. C'est la même chose pour l'autochtone; il a besoin de savoir comment il va le sortir de l'eau, où il va le prendre et à quel rythme. Je pense qu'il faut se retrousser les manches et le faire.
Entre-temps, il existe d'abord des outils à court terme pour savoir quoi faire pour acheter la paix sociale. Et deuxièmement, le gouvernement doit signifier aux pêcheurs qu'il entend proposer des plans à long terme. Il peut même en profiter cet hiver pour lancer un programme de rachat volontaire de permis. Il y a des gens qui doivent prendre des décisions d'investissement sur des bateaux cet hiver. Peut-être vont-ils penser qu'il est préférable pour eux de vendre leurs permis à Pêches et Océans, parce que la grosseur du contingent est trop aléatoire pour les années à venir. Tout cela, le gouvernement doit en tenir compte.
S'il ne le fait pas dans les plus brefs délais, je pense que ce sera de l'irresponsabilité et ce sera pire que ce que l'on a connu au lendemain du 17 septembre.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je voudrais poser une question très simple au député qui est aussi membre du Comité des pêches et qui représente la magnifique région de Gaspé.
Avant le discours du député, nous avons entendu un député libéral, dont le parti forme le gouvernement, et ses propos m'ont fort réjoui. Les libéraux reconnaissent finalement et commencent à croire, comme le vérificateur général l'a déclaré en avril dernier, que les stocks de mollusques et de crustacés, surtout de homards, font problème. Cette déclaration date d'avril, soit longtemps avant que l'arrêt Marshall ne soit rendu.
À qui le député attribue-t-il le ralentissement que le vérificateur général a noté dans l'industrie de la pêche au homard et que le MPO ne reconnaît toujours pas comme un problème très grave au Canada atlantique?
[Français]
M. Yvan Bernier: Je suis heureux que le député soulève la question. C'est une question que le vérificateur général a soulevée. Je sais qu'il y a certains représentants d'associations de pêcheurs qui considèrent que le vérificateur général n'est pas tout à fait à sa place pour trancher à ce niveau-là. Cela soulève toutefois un problème. La question qu'il soulevait était juste et à propos. C'est maintenant à nous d'aller vérifier le fondemement de tout cela. Je tiens à rappeler que ce que le vérificateur général a mentionné et ce que le rapport du Comité permanent des pêches et des océans a dit au sujet de la situation sur la côte de l'Atlantique—et c'était un rapport unanime de tous les partis—tous étaient d'accord pour dire qu'il y a un problème de gestion au ministère des Pêches et des Océans et que cela doit changer. Si l'avènement de l'affaire Marshall permet de donner le coup d'envoi pour qu'on recommence à neuf, je crois qu'il faudra le faire.
Les choses qui sont pointés du doigt sont significatives. Toutefois, chaque secteur de la gestion du homard est différent. Ce qui se passe dans un secteur n'a pas le même rapport avec un autre. Il y a un problème de gestion. Je suis tanné qu'on nous répète la cassette à l'effet que ce soit un problème de conservation alors que c'est un problème de gestion.
[Traduction]
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, le député était à la Chambre ce soir; il a entendu le débat et tous les arguments pour et contre. Il a beaucoup été question du traité avec les Nisga'as et de la Cour suprême. Ce sont deux sujets sur lesquels il nous faut plus de précisions.
Tout d'abord, comme je l'ai dit précédemment, la Cour suprême a déclaré dans un grand nombre de ses décisions que cette responsabilité ne lui revenait pas. D'après la Cour suprême, c'est le travail du gouvernement. C'est mon premier argument.
Mon deuxième argument, c'est que le traité avec les Nisga'as permettra l'uniformité dans cette région de la côte ouest, en Colombie-Britannique. Nous sommes maintenant en présence d'un manque d'uniformité. Nous n'avons pas de traité moderne. Nous comptions sur les décisions de la Cour suprême, ce qui a engendré une grave confusion, et nous ignorons totalement la réaction du gouvernement à cet égard.
Le député préférerait-il un traité moderne et l'uniformité, ou préfère-t-il laisser la Cour suprême se charger de la question et nous laisser aux prises avec un manque d'uniformité et une absence de réaction du gouvernement? Qu'en pense-t-il?
[Français]
M. Yvan Bernier: Monsieur le Président, si j'ai bien compris la question, on me demande si je préfère retourner devant les tribunaux ou subir encore le laxisme et l'incurie de l'autre côté de la Chambre.
Excusez l'expression, mais en français, on dit: «Mordu par un chien ou mordu par une chienne». Je ne voudrais pas laisser aux juges la responsabilité de faire cette job et je remarque qu'on n'a pas assez de leadership de l'autre côté. Comment va-t-on trouver un moyen, de ce côté-ci de la Chambre, pour faire pression pour leur faire comprendre le bon sens? Je ne le sais pas.
Beaucoup de gens ont soulevé que la vérité ou la façon de s'en sortir va peut-être partir de la base, et j'y crois. Une fois la réaction de stupéfaction de nos pêcheurs non autochtones passée—je pense que les gens sont très calmes—ils vont être capables d'envisager des solutions. On doit faire confiance aux Canadiens de l'Est. On a toujours passé à travers les crises, on va le faire encore.
Il faut qu'ensemble, on trouve une façon, avec les collectivités, de forcer la main à ce gouvernement afin qu'il prenne ses responsabilités. Mais je le répète, qu'on change du bleu ou du rouge, c'est toujours le même problème. On a un problème de gestion avec Pêches et Océans et ce n'est pas pour rien que le comité permanent, d'une façon unanime, avait pointé, pas nécessairement un gouvernement, mais le style de gestion de ce ministère.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, j'essaierai d'insuffler un peu d'énergie à cette Chambre, même si l'heure est avancée.
Il me fait plaisir de prendre la parole après mon collègue de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok qui a toujours tant de conviction lorsqu'il parle des pêches et qu'il s'exprime au nom de notre parti sur ces questions qui l'intéressent et pour lesquelles il sert si bien les citoyens de sa circonscription.
J'ai eu le plaisir aussi d'entendre mon collègue, le député de Saint-Jean, notre porte-parole en matière d'affaires autochtones, qui a aussi fait part de certaines de ses préoccupations sur la question qui fait l'objet du débat de ce soir.
Je rappelle que le Bloc québécois s'intéresse à cette question, parce qu'il s'agit d'une question de nature constitutionnelle. Il s'agit d'une question qui concerne les rapports entre les peuples autochtones ou les nations autochtones, comme nous préférons les appeler au Québec, et les autres composantes du pays. Il s'agit pour nous de prendre part à un débat qui a des conséquences sur notre avenir, sur l'avenir du Québec et sur l'avenir du Canada, des relations entre le Québec, le Canada et les peuples autochtones qui font partie de l'une et l'autre de ces juridictions.
Je crois qu'il était tout à fait justifié de participer à un débat comme celui-ci, d'autant qu'il est urgent qu'une solution soit trouvée, solution qui devient de plus en plus urgente à la lumière des faits que nous connaissons et qui semblent aggraver une crise qui a donné lieu à des gestes violents et tout à fait inacceptables dans une société libre et démocratique.
J'ai eu l'occasion d'entendre une partie des débats et je voudrais parler d'affaires constitutionnelles et de Constitution et parler du fait que dans un Québec souverain, nous voudrons éviter les problèmes que vit aujourd'hui le Canada en raison justement de ce laxisme du gouvernement, de ce refus du gouvernement de donner véritablement suite à son engagement constitutionnel que l'on retrouve à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qui veut que, je cite le premier paragraphe de cet article, «les droits existants et ancestraux issus de traités des peuples autochtones du Canada soient reconnus et confirmés».
Il ne suffit pas de dire des choses dans une constitution. Les peuples autochtones savent très bien qu'il ne suffit pas pour les constitutions de reconnaître et de confirmer des droits. Encore faut-il qu'ils soient mis en oeuvre; encore faut-il qu'ils soient appliqués; encore faut-il que des lois qui existent, qui étaient en vigueur au moment où cet article est lui-même entré en vigueur en 1982, soient revus et corrigés à la lumière des droits ainsi confirmés. C'est là toute la difficulté que l'on connaît aujourd'hui et qui est mentionnée dans la motion faisant l'objet du débat.
Ces difficultés n'ont pas été surmontées depuis 17 ans, puisque cette disposition est entrée en vigueur il y a 17 ans maintenant, et que les gouvernements successifs n'ont pas cherché à la mettre en oeuvre convenablement.
D'ailleurs, si l'on prend connaissance de l'affaire Marshall, la cour dit quelque chose qui est très instructif sur ce véritable refus de reconnaître les droits issus des traités dont il a été question dans cette affaire.
La cour dit, et je la cite en anglais:
[Traduction]
«Les droits issus de traités mi'kmaq ne sont pas pris en compte dans le Règlement probablement parce que la position de la Couronne était et continue d'être que de tels droits n'existent pas.»
[Français]
C'est la cour qui affirme que telles étaient la position et les vues de la Couronne. Cela explique très bien que l'on ait adopté des règlements qui conféraient une discrétion absolue, laquelle discrétion a été exercée et a nié les droits issus des traités qui ont fait l'objet d'une interprétation large et libérale, comme il le fallait, par la Cour suprême du Canada.
C'est donc une incurie du gouvernement qui place les citoyens, les personnes qui partagent le territoire et qui veulent partager aussi la ressource, dans une situation de crise.
Nous, au Québec, qui vivons cette crise constitutionnelle, comprenons très bien et partageons les préoccupations des nations autochtones qui voient leurs droits constitutionnels violés et qui voient un gouvernement hésiter, refuser de s'asseoir et de négocier de bonne foi, non seulement sur la façon dont leurs droits sont reconnus, mais aussi sur les limitations qui peuvent être apportées à ces droits, comme la jurisprudence de la Cour suprême du Canada a permis d'adopter des restrictions qui soient raisonnables lorsqu'il s'agit des droits issus de traités des nations autochtones.
Tout cela pour dire qu'au plan constitutionnel, cela démontre à nouveau la carence, les déficiences d'une constitution à l'égard d'un des peuples du Canada, à l'égard des peuples autochtones en général.
Lorsqu'il s'agit dans notre cas non plus seulement de parler des intérêts du Québec et de les défendre, mais aussi de promouvoir le projet qui justifie notre présence dans cette Chambre des communes, à nous les députés du Bloc québécois, lorsqu'il s'agit de parler de souveraineté, je voudrais tout simplement réitérer ici de façon solennelle, le faire pour les nations autochtones du Québec—elles sont 11—, que le gouvernement du Québec s'est engagé bien avant d'autres gouvernements à reconnaître les nations autochtones. Il les a reconnues en 1985 pour dix d'entre elles, et en 1987 pour la nation Malécite. Il a reconnu non seulement leur existence, mais a indiqué sa volonté de conclure des ententes avec chacune des nations autochtones
Dans la motion de 1985, ces ententes permettaient d'assurer «l'exercice du droit de chasser, de pêcher, de piéger, de récolter et de participer à la gestion des ressources fauniques.» C'est une reconnaissance explicite du droit de pêcher dans une motion datant de 1985.
Depuis, il y a eu des négociations de bonne foi qui ont donné suite à de tels engagements. Les partis souverainistes et les membres de la coalition souverainiste ont rappelé aussi leur engagement, dans les années 1990, d'assurer que les peuples autochtones puissent obtenir, au sein du Québec souverain, l'autonomie gouvernementale et qu'ils puissent même participer à l'élaboration d'une constitution où cette autonomie leur serait reconnue.
Comme on le dit de façon très explicite, après que l'avant-projet de loi sur la souveraineté ait été présentée aux Québécois, après qu'un projet de loi sur l'avenir du Québec ait été élaboré à la suite de consultations très vastes des Québécois à l'occasion de débats de commissions régionales et de commissions nationales, le programme actuel du Parti québécois prévoit:
[...] que la constitution d'un Québec souverain reconnaîtrait aux nations autochtones le droit de se gouverner sur des terres appartenant en propre à ces nations et de participer au développement du Québec et, en outre, les droits constitutionnels existants des nations autochtones, les droits issus de traités ou les droits ancestraux, seraient aussi, dans un Québec souverain, confirmés.
Je termine en disant que le Bloc québécois est, à l'heure actuelle, dans une phase où il examine une proposition principale dans laquelle les militants sont invités à réitérer aussi leur engagement de respecter les droits existants des nations autochtones, de confirmer de tels droits et de faire en sorte que des négociations soient faites avec les nations autochtones du Québec pour que l'autonomie gouvernementale leur soit reconnue.
Nous ajoutons dans cette proposition principale que les rapports entre les nations autochtones, le Québec souverain et le Canada pourraient être régis dans un accord de partenariat qui ferait que ces peuples et nations puissent continuer d'avoir des rapports amicaux et qui feraient en sorte que ces autochtones ne seraient pas, comme la Cour suprême l'a dit dans l'affaire Marshall, des «citizens minus», mais des citoyens à part entière d'un Québec souverain et d'un Canada souverain.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, le député de Vancouver Quadra a signalé que, pour ce qui est des solutions à long terme, le pouvoir exécutif du Parlement et le pouvoir judiciaire de la Cour suprême devraient chercher ensemble des solutions ou trouver une argumentation définitive en vue de solutions à long terme, non seulement dans ce cas-ci, mais dans d'autres cas aussi.
Le député du Bloc conviendra-t-il que les parlementaires élus qui représentent le Canada et la Cour suprême doivent unir leurs efforts pour en arriver à un règlement raisonnable dans cette affaire?
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, je pense que la Cour suprême a fait son effort. Mon collègue de Saint-Jean a énuméré les décisions qui ont cherché à interpréter l'article 35 et à lui donner un certain contenu. La Cour suprême a fait son effort et elle a indiqué au gouvernement qu'il pouvait limiter les droits pour assurer la gestion et la conservation de la ressource.
Peut-être serait-il souhaitable que les législateurs de cette Chambre révisent une vieille loi sur les pêches, comme le proposait mon collègue de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, pour justement intégrer toute la dimension des droits ancestraux et ceux de traités des nations autochtones dans une politique plus globale des pêches.
Cela, me semble-t-il, serait préférable à une réglementation qui serait adoptée et décidée par le gouvernement et par le gouvernement seul. Je vois un rôle pour cette Chambre dans la mise en oeuvre des droits ancestraux et ceux de traités qui ont été reconnus aux Micmacs et qui pourraient l'être pour d'autres nations autochtones.
À mon avis, il appartient à cette Chambre d'assumer ses responsabilités. Il appartient surtout au gouvernement d'accepter que cette Chambre assume ses responsabilités, ce qu'elle ne semble pas vouloir faire au moment où on se parle.
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, la question soulevée par mon collègue du NPD et la réponse de mon collègue de Beauharnois—Salaberry m'amènent à soulever une autre question.
Quels autres cadavres les libéraux cachent-ils dans leur placard? Est-ce qu'il y a d'autres coûts comme ceux-là dont on n'est pas au courant? Je ne veux pas qualifier les nations autochtones de cadavres, mais je veux dire qu'on cache la vérité à des parlementaires et à une population de pêcheurs non autochtones. Les gens ont le droit de savoir. On a été tenus dans l'ignorance, moi le premier.
Quand j'étais petit gars, je jouais avec des amis sans savoir qu'ils auraient plus de droits que moi aujourd'hui. Je suis bien content pour eux, mais je ne le savais pas. J'aimerais qu'une fois pour toutes, on puisse démontrer à la face de tous les Canadiens quelles sont les autres épées de Damoclès qui nous pendent au-dessus de la tête, et pas nécessairement uniquement dans le domaine des pêches.
Ce soir, on examine le problème autochtone par la lorgnette de la crise des pêches qui sévit dans les Maritimes. Mais pour utiliser une expression qu'on connaît bien dans les Maritimes, ce n'est peut-être que la pointe de l'iceberg.
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, je me permettrai seulement de commenter en rappelant que cette crise semble en déclencher d'autres, parce que les Innus ont aussi laissé entendre qu'ils avaient des revendications additionnelles en ce qui concerne le projet de Churchill Falls. Le chef de la première nation Nanoose en Colombie-Britannique souhaitait également que les droits qui leurs sont reconnus et confirmés—qu'ils prétendent avoir, en tout cas—soient aussi revus à la lumière de la décision dans l'affaire Marshall.
Effectivement, je suis du même avis que mes collègues qu'il y a un problème de transparence d'un gouvernement qui ne dit pas tout, qui ne souhaite pas dire tout pour toutes sortes de raisons qu'il garde pour lui-même, et que souvent, cette Chambre n'est consultée que pour faire valoir, et je crois que ce n'est pas une façon de gouverner.
Si on se rappelle que le premier ministre, aujourd'hui, dans son adresse en réponse au discours du Trône, disait et prétendait que le Canada est un pays qui fait rêver, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, il ne fait pas rêver les autochtones de la nation micmaque. Il leur fait probablement avoir des cauchemars. C'est quelque chose qui n'est pas souhaitable dans un pays dont on se vante, de façon si prétentieuse, d'être le meilleur pays au monde.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, il se fait tard, il est 23 h 25 ici et chez nous, il est 24 h 25. Mais connaissant les Acadiens, il y a des couche-tard, et il y en a qui doivent m'écouter présentement.
Il me fait plaisir d'intervenir ce soir sur la décision de la Cour suprême dans l'affaire Marshall. C'est une décision qui a été prise au sérieux par tous les Canadiens, et dont on entend parler depuis plusieurs semaines.
Le traité de paix a été signé en 1760, et 250 ans après, il faut interpréter ce qui est arrivé. Il ne faut pas oublier qu'en 250 ans, les conservateurs ont souvent été au pouvoir, ils l'ont été pendant 9 ans, surtout dans les années 1980. Ils ne peuvent se présenter ici et blâmer les libéraux, parce que les problèmes se sont produits pendant leurs mandats et pendant ceux des libéraux aussi.
Mais ce soir, on peut blâmer tout le monde. Ce que l'on sait, c'est qu'il y a eu un traité. On peut dire que les gouvernements n'ont pas agi face aux demandes des autochtones après le traité. Aujourd'hui, on se retrouve avec une décision qui a été forcée par les gouvernements, parce qu'ils n'ont pas agi.
La région de Burnt Church est très proche de ma circonscription d'Acadie-Bathurst, ce qui veut dire que les gens de ma circonscription sont également beaucoup touchés par cette décision.
Il y a des pêcheurs de ma circonscription qui ont communiqué avec moi. Ils me disent qu'ils sont prêts a reconnaître le droit aux pêcheurs autochtones, mais qu'il faut s'asseoir à une table et négocier.
Le plus longtemps on attend, le plus difficile ce sera de négocier. Plus cela fera mal. Il y a une femme autochtone de Burnt Church qui disait la semaine dernière que depuis les cinq dernières années les relations entre les autochtones et les blancs allaient dans la bonne direction. Aujourd'hui, il lui semble que tout soit à recommencer.
Nous avons une responsabilité dans tout cela. Je me rappelle que lorsque la décision a été rendue publique, mon confrère, le critique en matière de pêches, a envoyé une lettre au ministre lui demandant de convoquer le Comité permanent, composé de représentants de tous les partis, à une réunion à Ottawa pour discuter de la situation.
La semaine dernière, j'ai aussi envoyé une lettre au ministre et je n'ai pas eu de réponse. Il nous demande de travailler ensemble. Même aujourd'hui, à l'heure où l'on se parle, le Comité permanent n'a jamais été convoqué à une réunion pour discuter de la situation.
Donc, la seule chose qui va arriver, c'est qu'on peut avoir de la violence. On peut avoir toutes sortes de choses mais, à la fin, ce sera la négociation qui va régler ces problèmes.
Je demande donc aux gens de ma circonscription et de la circonscription voisine de Miramichi de prendre les choses calmement et d'aller négocier pour régler le problème. C'est le seul endroit pour le régler.
D'après mon expérience syndicale, peu importe les conflits qu'on a eu, peu importe si ça prenait trois mois ou six mois pour les régler, la seule place où cela s'est réglé, c'est à une table de négociations.
Alors, il faut répondre à cette invitation. Il faut que les deux groupes, les autochtones et les non-autochtones, soient invités à se rendre à la table de négociations, et ce le plus tôt possible. Je ne dis pas dans une semaine. Qu'on les invite demain matin. Demain matin, les deux groupes devraient être convoqués à participer, soit les autochtones et les syndicats représentant les pêcheurs côtiers.
J'irai plus loin que cela. J'ai des inquiétudes. C'est parce que les gens de chez-nous disent par exemple que les pêcheurs de crabes commencent maintenant à être inquiets.
Allons-nous attendre encore une fois qu'après avoir eu une crise au niveau de la pêche au homard qu'il y ait une crise dans la pêche au crabe? On va réagir à cette crise-là et ensuite on va en avoir une pour le hareng et réagir à cette crise.
Je dis que non. Je dis qu'il va falloir amener l'industrie à la table des négociations, que ce soit pour le hareng, le poisson de fond ou le crabe.
Il faut trouver une solution ensemble. Il faudra être capables de trouver une solution pour tout le monde. Sinon, on va avoir ce qui s'est passé récemment alors qu'on a eu de la violence, ce qui est inacceptable en 1999.
Le gouvernement est capable d'emprunter une voie où les pêcheurs seraient d'accord. Il y a des pêcheurs qui seraient peut-être prêts à vendre leur permis. Il y a des gens qui, étant rendus à l'âge de 55 ou 60 ans, seraient prêts à prendre leur retraite. Le gouvernement pourrait participer à l'achat de leurs permis et se rendre aux bandes autochtones pour leur offrir des permis afin d'être en mesure de régler le problème qu'on a eu depuis 250 ans et qui n'a pas été réglé. On a un traité datant de 250 ans, avec tous les avocats qu'on a au Canada. Ce sont des gens assez intelligents pour tous être à la Chambre des Communes?
Je suis heureux aujourd'hui de ne pas être avocat. Je suis également heureux que le ministre ne soit pas un avocat. On pourra ainsi peut-être régler le problème aujourd'hui.
Il a fallu 250 ans pour faire l'interprétation d'un traité de paix, d'un traité avec les autochtones. Aujourd'hui, on est tous en état de panique et on n'est pas préparés à réagir après 250 ans. On devrait avoir honte de nos gouvernements.
C'est pour cela que je vous invite fortement à ne pas attendre une semaine. On ne peut pas attendre que les gens se battent entre eux. On ne peut pas attendre qu'il y ait de la violence. Les gens sont inquiets. Ils veulent aller à la table de négociations et trouver une solution.
Pour cela, il faut du leadership. Quand un parti se présente et dit qu'il veut former le gouvernement du Canada, c'est parce qu'il est un leader et il devrait être capable de diriger le Canada, il devrait être capable de gérer des crises comme celle que l'on a aujourd'hui. Actuellement, il y a des crises partout. Il y a un problème avec les compagnies aériennes. Il y a deux compagnies aériennes au Canada, Canadien International et Air Canada. Le gouvernement ne sait même pas comment réagir à ce sujet. On a un problème avec les immigrants qui arrivent dans la région de Vancouver. On ne sait pas comment régler ce problème.
Il y a des problèmes partout. Il est temps d'agir avant de perdre le contrôle de notre pays. Le gouvernement fédéral et les libéraux ont cette responsabilité, parce que les Canadiens leur ont donné cette responsabilité.
On attend des semaines et des semaines, alors que depuis des années, les autochtones disaient vouloir trouver une solution à leurs problèmes.
Quand les conservateurs ont adopté le libre-échange, cela ne leur a pas pris de temps pour ajuster tout le programme canadien autour du libre-échange. Cela n'a pas pris des années.
Il semble que pour régler le problème entre les autochtones et les Blancs, cela peut prendre un an ou deux. C'est faux. On ne peut pas commencer à avoir une telle mentalité. Il faut régler ce problème maintenant. Il ne faut pas un an pour le régler. Il faut s'asseoir avec ces gens et régler le problème. Il y a des solutions.
Je suis certain qu'à la base, avec les pêcheurs, avec les autochtones, tous autour de la table avec le gouvernement, avec du leadership, on trouvera des réponses.
J'invite le gouvernement, j'invite le ministre, avec la nouvelle job qu'il vient d'avoir, de se faire un nom avec cela, d'être un bon ministre des Pêches et de régler nos problèmes au Canada. C'est ce que je l'invite à faire.
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, je vais essayer d'être bref, car je vois que les députés ont encore beaucoup de questions à poser.
J'aimerais dire à mon collègue qu'il a raison quand il répète les propos des gens de nos comtés qui se demandent ce que va être leur propre pêche à eux, même s'ils ne font pas de pêche au homard présentement. Il a parlé de ceux qui font la pêche au hareng ou la pêche au crabe.
Il a raison de dire que certains d'entre eux se demandent s'ils vont pouvoir continuer à pêcher avec les contingents incertains que le ministre offre comme gestion ou s'ils sont prêts à prendre leur retraite. Je pense que le député a tout à fait raison et il parle de cela avec sagesse.
J'aimerais que le député nous dise quel pas nous pourrions faire auprès de cette communauté, justement pour inciter les libéraux à comprendre le gros bon sens. En même temps, j'aimerais faire un parallèle avec ce qu'il a mentionné quand il disait que lorsque venait le temps de régler les problèmes, ils le faisaient. Je veux rappeler que lorsqu'ils ont parlé d'harmoniser la TPS, rien que dans les provinces Atlantiques—ce qui a coûté un milliard de dollars—ils ont réglé cela en un printemps.
Cette fois-ci, il faudrait que les gens comprennent que c'est aussi gros, même plus gros que ce que l'on a connu avec le moratoire sur les pêches, avec le programme de la SPA, la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, le TAG en anglais. Ce programme a coûté deux milliards de dollars. Les inepties et l'incurie, cela dure depuis 240 ans et ça va coûter quelque chose. Plus vite on s'attaquera au problème, moins cela fera mal.
M. Yvon Godin: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
Il a parlé de l'harmonisation de la TPS en disant que cela n'avait pas pris de temps à régler. Mais cela ne veut pas dire que c'est bienvenu par nous de l'Atlantique. Ils l'ont fait quand même et cela n'a pas pris de temps.
Je veux remercier le gouvernement de nous avoir permis, ce soir, de discuter d'une partie du problème. Malgré tout, je souhaite que le ministre, qui est présent ici ce soir et qui écoute nos délibérations sur ce problème, puisse réagir.
Je suis d'accord avec mon collègue qui dit que cela va coûter de l'argent et qu'il faut que le gouvernement soit prêt à investir. Mais encore là, et je reviens là-dessus, la seule place où cela peut se régler, c'est à une table de négociations, et tout de suite, demain matin s'il le faut. C'est tout de suite qu'il faut y aller et forcer le gouvernement en lui disant que s'il n'agit pas, qu'il ne vienne pas nous demander de travailler avec lui.
Il veut que l'on travaille avec lui, alors on lui soumet des suggestions ce soir, et on lui dit d'agir ensuite. S'il n'agit pas, qu'il ne vienne pas nous dire qu'on ne veut pas collaborer avec lui, parce que ce soir, on travaille avec lui en lui donnant des solutions.
[Traduction]
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, j'ai entendu bien des discussions ce soir suscitées par les députés néo-démocrates qui ont pris la parole. Certains ont dit plus tôt que ces députés avaient été en communication avec des pêcheurs des circonscriptions de South Shore et de Ouest Nova.
J'étais présent à la réunion de Yarmouth. J'étais présent à celles de Shelburne et de Lunenburg. Je n'y ai vu aucun député néo-démocrate. J'ai parlé à des centaines de pêcheurs et pas un seul m'a dit avoir rencontré ces députés néo-démocrates.
J'ai écouté ce que ces députés ont dit et c'est bien peu. Maintenant je veux savoir une chose et je vous demande une réponse simple. Le Nouveau Parti démocratique appuierait-il un moratoire immédiat sur cette décision afin de permettre aux membres des premières nations, aux pêcheurs et aux représentants du MPO de s'asseoir et d'élaborer un plan pour une intégration pacifique des autochtones à cette pêche? Est-il prêt à appuyer un moratoire immédiat relativement à la décision?
M. Yvon Godin: Monsieur le Président, il est très malheureux que ces députés, après 250 ans, ne soient pas encore capables d'admettre que nous avons un problème et que la Cour suprême du Canada a rendu une décision. C'est pourquoi je recommande que nous nous présentions à la table de négociations demain matin pour négocier une entente quelconque avec les deux groupes que sont les autochtones et les non-autochtones.
Le député a affirmé que les néo-démocrates ne font rien et ne disent rien. J'ai participé à une émission de radio l'autre jour et une de mes collègues, la députée de Beauséjour—Petitcodiac, a déclaré qu'il n'appartient pas au gouvernement de régler le problème, mais bien à la collectivité et que la collectivité est en train de s'autodétruire. Je dis qu'il appartient au gouvernement de se rendre sur place résoudre le problème avec les gens de la collectivité. Nous avons parlé à plus de pêcheurs que vous ne l'avez fait du côté des conservateurs.
Le président suppléant (M. McClelland): Je rappelle aux députés qu'ils doivent s'adresser à la Présidence.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, il se fait tard et il semble que je pourrais être le dernier à prendre la parole dans le cadre de ce débat fort profitable.
Je remercie le leader à la Chambre du Parti conservateur et député de Pictou—Antigonish—Guysborough d'avoir fait de cette question un débat d'actualité. Il est malheureux que ce ne soit pas un débat d'urgence. Je remercie également le gouvernement de nous avoir permis de tenir ce débat d'actualité. Malheureusement, il ne s'agit que d'un débat d'actualité et j'espère que le gouvernement ne se limite pas simplement à prendre note du problème. J'espère que les députés libéraux saisissent le caractère très sérieux de ce problème.
Mon collègue du Nouveau-Brunswick a souligné que le débat ne se limite pas uniquement au homard. Il a trait à toutes les espèces de poissons que l'on trouve non seulement dans le Canada atlantique, mais de toute évidence partout au pays.
Les autochtones des provinces des Prairies étudient la décision Marshall afin de déterminer son incidence par rapport à leur rôle au sein de l'OCPED à Winnipeg. Ils éprouvent de grands problèmes à cet égard. Les autochtones de la côte ouest se penchent sur cette décision à la lumière de ce qu'ils estiment être leurs droits de coupe et leurs droits de pêche. Des gens de partout au pays sont très sérieusement préoccupés des conséquences de cette décision dans leur vie. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de homard.
Nous abordons actuellement la question du homard parce que demain marquera dans le secteur 35, soit la région de la Baie de Fundy située en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, l'ouverture de la pêche commerciale au homard, qui débute normalement à cette époque de l'année.
Les hommes et les femmes prendront la mer avec leurs bateaux afin d'attraper des homards. Le gouvernement n'a toujours pas fait savoir comment il entend intégrer la décision Marshall au sujet des autochtones pour qu'ils participent à cette pêche.
Nous avons eu des nouvelles de gens comme M. Arthur Bull du Coastal Communities Network de Digby, qui dit faire du temps supplémentaire littéralement jour et nuit depuis que cette décision a été rendue afin d'aboutir à des compromis raisonnables pour les deux parties, soit les autochtones et les non-autochtones, puissent travailler ensemble. Malheureusement, c'est le silence total de la part du ministère des Pêches et du gouvernement.
Au cas où certains l'ignoreraient, il convient de rappeler que le ministre s'est vu récemment confier le ministère des Pêches et des Océans et que le personnel qui l'entoure est aussi assez nouveau. Voilà le problème. De toute évidence, le ministre doit demander conseil, sur la côte est, à des employés du MPO qui ont fait leur temps, qui sont fatigués et qui mettent en oeuvre des politiques de gestion que je trouve fort inquiétantes. Je veux parler des politiques du gouvernement actuel et de ses prédécesseurs—et il est intéressant d'entendre les conservateurs exprimer leurs inquiétudes, eux qui, de 1984 à 1993 n'ont absolument rien fait pour régler le problème. Quant au gouvernement libéral, il n'a strictement rien fait lui non plus de 1993 à 1999.
Les gouvernements conservateur et libéral ont adopté à l'égard des autochtones de notre pays une attitude très paternaliste. À maintes occasions, ils ont dit aux autochtones qu'ils refusaient de négocier et de légiférer et ils leur ont conseillé de dépenser l'argent des contribuables et de faire appel aux tribunaux.
C'est exactement ce que les autochtones ont fait. Ils sont allés devant le tribunal et celui-ci a rendu sa décision. Que cela nous plaise ou non, le plus haut tribunal du pays s'est prononcé. La Cour suprême a rendu sa décision, et le Parlement, les parlementaires n'ont pas le droit de lui dire qu'ils n'aiment pas sa décision et qu'elle devrait donc y surseoir, y renoncer ou la modifier. Si nous commençons à agir de la sorte avec la Cour suprême du Canada, nous créerons sur le plan constitutionnel une situation encore plus dangereuse que ne le font les députés de l'opposition ou les tenants de cette solution.
Je vais présenter au ministre quatre points très concrets qui l'aideront à trouver une solution à court terme. Il s'agirait entre autres de convoquer de nouveau le comité des pêches et des océans qui regroupe tous les partis dans la région des Maritimes. Le ministre lui-même et son ministère refusent de rester là le temps nécessaire pour régler le différend. Ce qui importe c'est la perception que chacun a de la réalité. On ne saurait prendre des décisions pour les provinces atlantiques à partir d'Ottawa. Il faut être dans les provinces atlantiques et mettre les ressources humaines et financières sur la table.
Les gens locaux qui exploitent la ressource la connaissent mieux que ne la connaissent le ministre lui-même et la plupart des politiciens présents dans cette enceinte. Ils savent quelles sont les solutions à court et à long termes. Le ministre doit engager les ressources humaines et financières dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur tâche.
Deuxièmement, le ministre doit envisager un programme de rachat volontaire et songer à transférer les permis ainsi obtenus à la nation Mi'kmaq afin qu'elle soit partie prenante à la pêche. On compte actuellement 6 300 permis dans les Maritimes. Environ 10 p. 100 des détenteurs seraient prêts à céder leurs permis du jour au lendemain. Le gouvernement doit établir combien de permis il faudrait à court terme pour que les autochtones puissent s'adonner à la pêche. C'est très important, car l'enjeu ici, c'est la conservation de la ressource. Tout le monde doit être assujetti aux mêmes critères de conservation. Je crois qu'il n'y a pas matière à débat à cet égard.
En avril dernier, le vérificateur général a déclaré que les stocks de homard, tous les stocks de crustacé et de coquillage en fait, sont menacés dans les provinces atlantiques. Bien des gens critiquent le vérificateur général et moi-même de croire en cela. Le fait est que le vérificateur général a tout à fait raison. Il a affirmé en avril dernier que les politiques de gestion qui ont entraîné le crise de la morue en 1992 sont celles-là mêmes qui régissent les stocks de poisson de fond.
N'oublions pas que c'est au printemps que les Mi'kmaq ont demandé au gouvernement du Canada de s'asseoir à la table afin de trouver des solutions à court terme car ils s'attendaient à ce que la décision Marshall les favorise. Ils sont venus la main tendue demander au gouvernement de trouver une solution de façon à éviter les problèmes qui se posent aujourd'hui.
Mon collègue de South Shore et mon collègue de West Nova ont absolument raison de dire qu'il n'ont jamais senti une telle tension. Ils ont tout à fait raison.
Le fait est que ce n'est pas en restant à Ottawa à essayer de trouver une solution qui lui tombe du ciel que le gouvernement réglera les problèmes. Il doit se rendre là-bas sur place et parler directement aux gens concernés. Il doit le faire pour ajouter du calme à l'équation de la controverse qui sévit en ce moment.
L'autre problème, c'est celui des importantes coupures budgétaires au sein de MPO. Le ministère n'a pas les ressources humaines ou financières pour suivre l'application des politiques et fait donc appel à l'aide de la GRC. Toutefois, les ressources de ce ministère ont été elles aussi réduites. Le fait est qu'aujourd'hui, nous n'avons même pas les ressources suffisantes pour protéger les stocks. C'est la chose la plus importante. Je ne parle pas seulement des stocks de homard, mais de toutes les espèces de crustacés et de coquillages. Si le vérificateur général a raison et qu'il y a effondrement des stocks, les prix de la morue auront l'air d'une goutte dans un sceau d'eau. Encore une fois, c'est à ce gouvernement qu'incombe la responsabilité.
Dans les interventions qu'ils ont faites aujourd'hui, tous mes collègues du Parti conservateur, du Parti réformiste, du Bloc québécois et de mon parti ont demandé que le gouvernement fasse preuve de leadership sur cette question. Il est impératif que le ministre fasse preuve de leadership. Il devrait se rendre sur place et parler à ces gens. Il ne devrait pas le faire à partir d'Ottawa. C'est très important. Pendant qu'il est sur place pour discuter de la question, il devrait envisager sérieusement une répartition communautaire de ces stocks.
M. Arthur Bull de Digby a demandé à de nombreuses reprises au Coastal Community Network of Atlantic Canada et à ceux de l'ouest du Canada de refuser toute corporatisation de nos stocks de poissons, car cela a concentré la richesse des stocks de poissons entre quelques mains. Il est temps de songer à une stratégie communautaire de façon à ce que tous, autochtones ou non, puissent unir leurs efforts dans l'intérêt à long terme de cette ressource.
Nous devons également inclure ce que dit actuellement le secteur des entreprises. L'élément qui manque maintenant dans ce débat est ce que disent Clearwater, Highliner Foods et Donna Rae Limited. Que disent dans ce débat ces grandes sociétés qui ont un accès considérable aux ressources halieutiques? Elles restent très silencieuses. Nous avons tous travaillé dur à tenter de nous concentrer sur la protection des intérêts des pêcheurs côtiers.
Ce dont nous avons maintenant besoin, c'est que ce gouvernement fasse preuve de leadership. Il ne devrait pas faire l'autruche et se cacher la tête dans le sable en espérant que le problème disparaîtra. Les membres du gouvernement doivent se rendre là-bas et travailler avec les gens afin de trouver des solutions immédiates, à court terme, solutions qui ont été présentées par tous les députés de la Chambre aujourd'hui. Ils doivent incorporer ces idées de façon à ce que nous puissions avoir un secteur des pêches calme. Nous en tirerons tous avantage à long terme.
Le président suppléant (M. McClelland): Avant que nous passions aux questions et observations, j'aimerais rappeler de nouveau à tous les députés qu'ils doivent se parler par l'intermédiaire de la Présidence.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, il ne s'agit pas d'aimer cette décision ou non. Il s'agit de consulter les tribunaux sur l'interprétation de leur décision. Ainsi, la Cour suprême du Canada n'a donné aucune définition exacte du sens de «subsistance convenable». Des avocats autochtones soutiennent qu'une subsistance convenable est un revenu annuel net de 80 000 $.
La Cour suprême du Canada n'a pas dit si l'exonération d'impôt dont jouissent les autochtones doit réduire les gains à tirer de la pêche. La Cour suprême du Canada n'a pas dit si les contributions versées par l'État aux collectivités autochtones, par le truchement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, doivent réduire les revenus à tirer de la pêche. Elle n'a pas dit non plus si les Mi'kmaq ou les Malécites non inscrits ont légalement le droit de participer à la pêche. Il y a un nombre inconnu de Mi'kmaq ou de Malécites non inscrits qui est estimé à des dizaines de milliers. Le MPO est convaincu qu'ils n'ont pas droit aux avantages du traité. Cette interprétation sera probablement contestée devant les tribunaux.
Tout ce que je veux dire, c'est que les tribunaux seront saisis de ces questions tôt ou tard. Pourquoi pas le plus tôt possible? Pourquoi ne pas obtenir les réponses tout de suite au lieu de nous laisser entraîner dans une certaine voie contre notre gré?
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je suis heureux qu'on me pose cette question.
Nous sommes les représentants élus de notre pays. Avec mes collègues du Parti réformiste, du Parti conservateur, du Bloc et du Parti libéral, nous sommes responsables en dernier lieu de rendre compte des lois aux électeurs du pays.
Si les gouvernements conservateurs précédents et le gouvernement libéral actuel ont refusé de négocier et de légiférer, il est bien évident que la Cour suprême nous dictera son interprétation des règlements et des lois. Une fois qu'elle l'aura fait, que la décision nous plaise ou non, nous devrons nous y conformer.
Nous nous retrouvons dans de deux draps aujourd'hui à cause des mauvaises orientations du gouvernement libéral actuel et des gouvernements conservateurs précédents, qui ont refusé de négocier des solutions à long terme au sujet des ressources du pays. Il revient au Parlement de trancher enfin cette question. Ce n'est pas à la Cour suprême de le faire. Il nous incombe, en tant que parlementaires, de prendre cette question très au sérieux.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, le député a parfaitement raison. C'est la responsabilité du Parlement. Je vais poser au député la même question que j'ai posée au député d'Acadie—Bathurst. Le NPD appuierait-il un moratoire sur la décision visant à accorder aux premières nations, aux pêcheurs et au MPO le temps qu'il faut pour tracer un plan permettant l'intégration pacifique des premières nations dans l'industrie des pêches en vertu de permis?
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je retourne au député la question pour qu'il la reformule. Le député de South Shore m'interroge-t-il au sujet d'un moratoire sur la pêche des autochtones ou sur la pêche des non-autochtones?
M. Gerald Keddy: Monsieur le Président, à l'heure actuelle, nous nous penchons sur une décision de la Cour suprême portant sur la pêche des autochtones. J'ai parlé d'un moratoire sur la pêche des autochtones parce que c'est la seule pêche qui s'effectue sans permis dans la région. Aucune activité de pêche en vertu de permis, aucun bateau d'autochtones participant à la pêche en vertu de permis ne serait visé par ce moratoire. Nous traitons uniquement de l'arrêt prononcé par la Cour suprême. Le NPD appuierait-il ce moratoire? Je ne vois aucun autre moyen ou plan pour amener tout le monde à la table pour régler cette question.
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, même si je souhaite vivement donner mon aval à cette solution, histoire de calmer un peu le jeu, je n'y arrive pas. Il ne nous appartient pas d'enfreindre la loi. En fait, la décision vient de la Cour suprême. Elle a reconnu sans équivoque aucune le droit de pêche des autochtones dans ce contexte. Il ne me plaît pas que ces gens puissent pêcher sans le bénéfice de directives relatives à la protection de l'environnement et être dispensés du règlement qui s'applique à tous les autres pêcheurs. Il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons pas passer outre à la décision de la Cour suprême et, sous prétexte que nous éprouvons des difficultés et que le gouvernement s'est bel et bien planté sur ce dossier, décider que les autochtones, qui ont attendu 240 ans la reconnaissance de ce droit, ne peuvent plus exercer l'activité à laquelle les autorise cette instance suprême.
La majorité des personnes à qui j'ai parlé sur place sont disposées à intégrer la pêche pratiquée par les autochtones à l'activité du secteur national des pêches. Voici ce que nous devrions faire: dialoguer et échanger, plutôt que nous en tenir à de beaux discours.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je suis ravi de pouvoir finalement participer à ce débat.
Je tiens tout d'abord à féliciter le ministre des Pêches qui, dans une rare manifestation d'intérêt pour ce que les députés de l'opposition ont à dire, est resté à la Chambre. Même si des députés estimaient qu'il devrait être au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse, il est resté ici, a écouté attentivement et a participé au débat. À l'instar d'autres députés de mon parti, je le remercie de cet effort et de cette manifestation de bonne foi.
Il a dit au cours de ses observations qu'il avait agi rapidement. Il faut revoir la chronologie des événements.
Le 17 septembre, la Cour suprême rendait son jugement dans l'affaire Marshall. Le ministre a dit qu'il avait agi en dedans de trois jours. Mais qu'est-il arrivé? En dedans de trois jours, les Canadiens ont appris que la Chambre des communes allait être prorogée. Le ministre n'a donc pas pu bénéficier de la sagesse de députés qui suivaient la question de très près, tels mes collègues, les députés de South Shore et d'Ouest Nova, et d'autres députés qui en ont bénéficié et qui ont même éclairé le ministre jusqu'à un certain point au cours du débat.
À partir de cette date, nous savons que le 27 septembre le ministre a parlé d'élaborer une certaine forme de réponse, de prendre des mesures pour informer tous les intervenants des intentions du gouvernement. Cela ne s'est pas produit.
Le 9 octobre, les chefs des communautés autochtones ont déclaré qu'ils étaient prêts à souscrire à l'idée d'un moratoire. Le 13 octobre, après avoir rencontré le ministre, à peine quelques heures après son départ des Maritimes, les chefs eux-mêmes ont imposé un moratoire. C'était un geste volontaire et préventif, qui visait à donner au gouvernement le temps de réagir et de formuler sa réponse.
Malheureusement, les communications sont maintenant entièrement rompues, au point où le moratoire n'est plus en vigueur. Les chefs ont décidé de ne plus respecter le moratoire qu'ils s'étaient imposés eux-mêmes. C'est inquiétant.
Nous pouvons faire de la rhétorique partisane à n'en plus finir. Il est facile pour les réformistes et les néo-démocrates de dénigrer les gouvernements actuel et antérieurs car ils n'ont jamais eu à prendre de pareilles décisions. Il est très facile de faire de fausses déclarations. Les faux énoncés ne deviennent pas vrais parce qu'ils sont prononcés en cette enceinte.
Le temps presse. L'enjeu n'est pas uniquement la conservation des stocks; il s'agit aussi de préserver la vie d'êtres humains. Le potentiel de violence est bien réel. Elle s'est déjà manifestée à Burnt Church et elle est sur le point d'éclater dans certaines régions de la Nouvelle-Écosse, sur la côte sud en particulier, et dans certaines parties du Cap Breton.
Dans ma circonscription, celle de Pictou—Antigonish—Guysborough, de nombreux autochtones participent déjà à la pêche commerciale. Il est possible d'accéder pacifiquement à cette industrie. On en a eu la preuve dans le passé. Il y a eu déjà eu des offres en ce sens, et je suppose qu'il y en aura d'autres dans l'avenir.
Ce qui importe maintenant, c'est d'agir rapidement. Je sais que le ministre est sincère dans les efforts qu'il déploie et lorsqu'il dit rechercher des solutions, mais il n'y a pas une minute à perdre.
Le ministre doit adopter une attitude proactive. Nous devons l'épauler dans sa recherche de solutions, mais pour trouver ces solutions, il faudra nécessairement mettre à contribution tous les intéressés, y compris les pêcheurs autochtones et non autochtones pour qui le dénouement de cette situation constitue un enjeu tout aussi important. Compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême, le sombre gouffre qui se trouve devant nous ne vise pas seulement les pêches, comme on l'a expliqué à maintes occasions dans le cadre du débat de ce soir. Il déborde largement cette industrie.
Ce n'est là que la pointe de l'iceberg, et à moins d'agir rapidement, le gouvernement se dirigera à toute vapeur vers lui. Comme le débat tire à sa fin, j'exhorte le ministre à continuer sur la voie où il s'est engagé, mais à le faire de façon très pragmatique et pondérée, et à écouter les intervenants qui sont tous aussi sincères les uns que les autres et qui ont tous intérêt à ce que le problème se règle. Je l'encourage à le faire très rapidement. Nous l'appuyons dans sa démarche, et je lui souhaite la meilleure des chances dans la recherche d'une solution qui apaisera tous ceux veulent un règlement pacifique du problème.
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, j'ai apprécié les commentaires de mes collègues qui représentent des secteurs situés plus au nord de ma circonscription en Nouvelle-Écosse.
Son autre collègue a posé une question au sujet du moratoire sur les pêches autochtones et il vient tout juste de déclarer que des négociations pacifiques s'imposent dans ce dossier.
Croit-il que si le gouvernement impose un moratoire au sujet des volets autochtones des pêches, cela aboutira à des négociations et à un dialogue pacifiques avec les non-autochtones?
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, une démarche impartiale s'impose de toute évidence. Une des démarches suggérées, soit cibler les autochtones qui se sont vus accorder ce droit par la Cour suprême, et chercher à le mettre en oeuvre d'une façon ne comportant pas d'entraves est inacceptable.
De toute évidence, le ministre n'envisage pas de cibler un des deux groupes en présence. À mon avis, cette solution ne ferait que mener à d'autres confrontations et à d'autres situations de violence. La difficulté est liée au fait qu'il s'agit d'une boîte à fusils qui est sur le point d'exploser.
Je ne tiens pas à répéter une évidence, mais le ministre doit agir rapidement. C'est là une situation qui va dégénérer à la vitesse de l'éclair.
Le président suppléant (M. McClelland): Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, comme il est minuit, la motion est réputée avoir été retirée et la Chambre doit maintenant s'ajourner.
Comme il est minuit, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 24 heures.)