Passer au contenu

Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

36e Législature, 2ième Session

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 95

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 11 mai 2000

VAFFAIRES COURANTES

. 1005

VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Derek Lee
VLA SANTÉ
VL'hon. Allan Rock

. 1010

VM. Grant Hill

. 1015

VM. Réal Ménard

. 1020

. 1025

VMme Alexa McDonough

. 1030

VM. Greg Thompson

. 1035

. 1040

VLE COMMERCE
VM. Bob Speller
VCOMITÉS DE LA CHAMBRE
VTransports
VM. Stan Keyes

. 1045

VPÉTITIONS
VLe désarmement nucléaire
VM. Gerry Ritz
VLes lois du Canada
VM. Gerry Ritz
VLes recensements postérieurs à 1901
VM. Murray Calder
VLa pornographie juvénile
VM. Leon E. Benoit
VLes droits et libertés
VM. Maurice Vellacott
VLe mariage
VM. Maurice Vellacott
VL'immigration
VM. Maurice Vellacott
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Derek Lee
VL'hon. Elinor Caplan
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLOI SUR LA CITOYENNETÉ AU CANADA
VProjet de loi C-16. Étape du rapport

. 1050

VM. David Price
VM. Pat Martin

. 1055

. 1100

VReport du vote sur la motion no 6

. 1105

V(Demande et report des votes)
VM. Leon E. Benoit

. 1110

VM. Bernard Bigras

. 1115

. 1120

VM. John Bryden

. 1125

. 1130

VM. David Price

. 1135

VMme Carolyn Parrish

. 1140

VM. Réal Ménard

. 1145

. 1150

VReport du vote sur les motions du groupe no 4
VM. Leon E. Benoit

. 1155

. 1200

. 1205

VAmendement
VMme Carolyn Parrish
VReport des votes sur les motions

. 1210

VLE CODE CRIMINEL
VProjet de loi C-18. Deuxième lecture
VM. Richard M. Harris

. 1215

. 1220

. 1225

. 1230

VMotion

. 1235

. 1240

. 1245

. 1250

VM. Bill Casey

. 1255

. 1300

. 1305

VM. Réal Ménard

. 1310

. 1315

. 1320

. 1325

. 1330

VM. Antoine Dubé

. 1335

VM. Ghislain Lebel

. 1340

VM. Paul Crête

. 1345

. 1350

. 1355

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLE QUAI DE LACHINE
VMme Marlene Jennings
VLA NORTHWEST CORRIDOR DEVELOPMENT CORPORATION
VM. Jay Hill

. 1400

VLA JEUNESSE
VM. Mac Harb
VLE MANITOBA
VM. John Harvard
VLE SIERRA LEONE
VM. Irwin Cotler
VLE SYNDROME D'ALCOOLISME FOETAL
VM. Grant Hill
VLA SÉCURITÉ DES ENFANTS
VMme Aileen Carroll

. 1405

VL'IMPORTATION DE PLUTONIUM
VMme Jocelyne Girard-Bujold
VBEN SOAVE
VM. Gary Pillitteri
VCAMILLE MONTPETIT
VM. Chuck Strahl
VLE MUSÉE RÉGIONAL DE WATERLOO POUR LES ENFANTS
VMme Karen Redman

. 1410

VLA TRANSCANADIENNE
VM. John Solomon
VLE DÉCÈS DE M. ANDRÉ FORTIN
VM. Michel Gauthier
VLA FIBROSE KYSTIQUE
VM. Lynn Myers
VL'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT
VM. Bill Casey
VLES ÉCHANGES D'ÉTUDIANTS
VM. Peter Adams
VQUESTIONS ORALES

. 1415

VLE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES
VMme Deborah Grey
VL'hon. Herb Gray
VMme Deborah Grey
VMme Bonnie Brown
VMme Deborah Grey
VL'hon. Herb Gray
VMme Diane Ablonczy
VMme Bonnie Brown
VMme Diane Ablonczy
VMme Bonnie Brown

. 1420

VM. Gilles Duceppe
VMme Bonnie Brown
VM. Gilles Duceppe
VMme Bonnie Brown
VM. Paul Crête
VMme Bonnie Brown
VM. Paul Crête
VMme Bonnie Brown
VLA SANTÉ
VMme Alexa McDonough
VL'hon. Allan Rock

. 1425

VMme Alexa McDonough
VL'hon. Allan Rock
VLA DÉFENSE NATIONALE
VMme Elsie Wayne
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VMme Elsie Wayne
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VLE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES
VM. Monte Solberg

. 1430

VMme Bonnie Brown
VM. Monte Solberg
VMme Bonnie Brown
VLES JEUNES CONTREVENANTS
VM. Michel Bellehumeur
VL'hon. Anne McLellan
VM. Michel Bellehumeur
VL'hon. Anne McLellan
VL'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN
VMme Val Meredith
VL'hon. David M. Collenette

. 1435

VMme Val Meredith
VL'hon. David M. Collenette
VLA SANTÉ
VM. Réal Ménard
VL'hon. Allan Rock
VM. Réal Ménard
VL'hon. Allan Rock
VLE TRANSPORT DU GRAIN
VM. Gerry Ritz
VL'hon. Ralph E. Goodale
VM. Gerry Ritz
VL'hon. David M. Collenette

. 1440

VLE BUREAU D'INFORMATION DU CANADA
VM. Ghislain Lebel
VL'hon. Alfonso Gagliano
VLES GAZ À EFFET DE SERRE
VM. Guy St-Julien
VL'hon. Ralph E. Goodale
VLE TRANSPORT DU GRAIN
VM. Roy Bailey
VL'hon. David M. Collenette
VM. Roy Bailey

. 1445

VL'hon. David M. Collenette
VLA SANTÉ
VM. Bill Blaikie
VL'hon. Allan Rock
VM. Bill Blaikie
VL'hon. Allan Rock
VLA DÉFENSE NATIONALE
VM. Bill Casey
VL'hon. Arthur C. Eggleton

. 1450

VM. Bill Casey
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VLES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
VM. Sarkis Assadourian
VL'hon. Alfonso Gagliano
VLA RIVIÈRE ATHABASKA
VM. David Chatters
VL'hon. Harbance Singh Dhaliwal
VLES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES
VMme Suzanne Tremblay
VL'hon. Lawrence MacAulay

. 1455

VLA SANTÉ
VMme Libby Davies
VL'hon. Allan Rock
VLA DÉFENSE NATIONALE
VM. David Price
VL'hon. Arthur C. Eggleton
VL'ENVIRONNEMENT
VL'hon. Charles Caccia
VMme Paddy Torsney
VCAMILLE MONTPETIT

. 1500

. 1510

VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VM. Chuck Strahl
VL'hon. Don Boudria

. 1515

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLE CODE CRIMINEL
VProjet de loi C-18. Deuxième lecture
VM. Paul Crête

. 1520

VM. René Canuel

. 1525

. 1530

VMme Jocelyne Girard-Bujold
VMme Madeleine Dalphond-Guiral

. 1535

. 1540

. 1545

. 1550

. 1555

VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1600

VM. René Laurin

. 1605

. 1610

. 1615

. 1620

VM. Paul Mercier

. 1625

VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1630

. 1635

. 1640

. 1645

VMme Suzanne Tremblay

. 1650

. 1655

. 1700

. 1705

VM. Derek Lee

. 1710

VM. John O'Reilly
VM. René Laurin

. 1715

VM. Ghislain Fournier

. 1720

. 1725

. 1730

VReport du vote sur la motion

. 1735

VLA LOI SUR LES ESPÈCES EN PÉRIL
VProjet de loi C-33. Deuxième lecture
VL'hon. Herb Gray
VMme Paddy Torsney

. 1740

. 1745

. 1750

VINITIATIVES PARLEMENTAIRES
VLA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION
VProjet de loi C-206. Deuxième lecture
VM. Scott Brison

. 1755

VM. John O'Reilly

. 1800

. 1805

VM. David Chatters

. 1810

. 1815

VM. John Richardson

. 1820

. 1825

VMme Val Meredith

. 1830

VM. David Pratt

. 1835

VM. Grant Hill

. 1840

. 1845

VM. Derek Lee

. 1850

VL'AJOURNEMENT
VLe prix de l'essence
VM. John Solomon

. 1855

VM. John Maloney
VL'importation de plutonium
VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1900

VM. John Maloney

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 95


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 11 mai 2000

La séance est ouverte à 10 heures.



Prière


AFFAIRES COURANTES

 

. 1005 +

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à six pétitions.

*  *  *

[Traduction]

LA SANTÉ

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour présenter la position du Canada concernant l'adoption, par l'Assemblée législative de l'Alberta, du projet de loi 11, qui autorise les installations médicales privées et à but lucratif de cette province à offrir des services de chirurgie.

Permettez-moi tout d'abord de situer cette question dans un contexte plus général. Nous sommes tous conscients que le moment est aujourd'hui venu de renouveler et de consolider notre régime national d'assurance-maladie. Tous les gouvernements au Canada estiment que le statu quo est intenable. Le gouvernement du Canada reconnaît qu'il doit faire sa part. Il est disposé à investir des fonds supplémentaires dans un plan conjoint et des priorités communes.

Les changements qui s'imposent peuvent et doivent être apportés à l'intérieur de notre régime public de soins de santé. Les principes de la Loi canadienne sur la santé sont suffisamment larges et souples pour permettre l'innovation sans compromettre l'universalité de notre régime. D'après la réaction de la population de l'Alberta, la majorité de celle-ci appuie fortement le régime dans sa forme actuelle. Elle est consciente que nous ne devons pas compromettre les principes du régime pour améliorer nos pratiques.

Pour sa part, le gouvernement du Canada a exprimé à diverses reprises son opinion selon laquelle le projet de loi 11 n'est pas la meilleure avenue pour améliorer notre régime public de soins de santé. L'injection de fonds publics dans des installations privées à but lucratif, plus particulièrement lorsque ces installations offrent des services médicaux qui nécessitent une hospitalisation de courte durée, nous inspire de grandes réserves.

[Français]

Permettez-moi de répéter ici les diverses préoccupations dont j'ai personnellement saisi le gouvernement de l'Alberta et les mesures que nous entendons prendre pour protéger les intérêts de la population de l'Alberta et aussi de l'ensemble de la population canadienne en ce qui concerne les principes de la Loi canadienne sur la santé.

[Traduction]

D'abord, nous avons déjà informé le gouvernement de l'Alberta que les installations chirurgicales définies dans le projet de loi 11 seront considérées comme des hôpitaux aux termes de la Loi canadienne sur la santé. Concrètement, cela veut dire que l'imposition de frais aux patients pour la prestation dans ces installations de services de santé assurés sera considérée comme une infraction à la Loi canadienne sur la santé. Si cela se produisait, j'ai les pouvoirs voulus pour m'acquitter de mes responsabilités de ministre de la Santé et faire respecter la Loi canadienne sur la santé.

Deuxièmement, nous avons proposé au gouvernement de l'Alberta, il y a quelques semaines, d'amender le projet de loi en s'inspirant des lois de la Saskatchewan et de l'Ontario qui interdisent aux installations privées et à but lucratif d'imposer des frais pour la prestation de services de plus grande qualité. Autoriser les installations à but lucratif à offrir contre rémunération des services supérieurs en plus des services assurés risque fort de miner le principe de l'accessibilité.

 

. 1010 + -

Le gouvernement de l'Alberta a choisi de ne pas faire une telle modification. Par conséquent, nous donnons avis aujourd'hui que nous surveillerons de près ce qui se passera dans les installations privées à but lucratif autorisées en vertu du projet de loi 11 afin de nous assurer qu'il ne survient pas de problèmes de resquillage ou d'autres problèmes d'accessibilité.

Nous ne nous en prenons pas à l'Alberta particulièrement, mais nous verrons à ce que la Loi canadienne sur la santé soit respectée en Alberta comme dans toute autre province. Si des violations de la Loi canadienne sur la santé se produisent, nous avons le pouvoir d'intervenir, et nous le ferons.

[Français]

J'aimerais dire quelques mots concernant la façon dont le gouvernement du Canada applique les principes de la Loi canadienne sur la santé. Nous ne pouvons retenir les fonds, parce que nous croyons que le projet de loi ne respectera pas les dispositions de la loi.

La Loi canadienne sur la santé précise clairement le processus à suivre dans un tel cas. Il faut documenter le cas, recueillir des éléments de preuve, discuter ouvertement du cas avec la province directement impliquée, tenter de résoudre le différend et, à défaut d'y arriver, retenir les fonds.

Nous allons continuer de travailler d'une façon ouverte et transparente en partenariat avec toutes les provinces conformément aux engagements que nous avons pris au titre de l'entente-cadre sur l'union sociale.

[Traduction]

Sur la question du respect de la Loi canadienne sur la santé, le vérificateur général a dit récemment que, selon lui, Santé Canada n'avait pas la capacité d'assumer pleinement ses responsabilités aux termes de loi. J'affecte donc immédiatement 4 millions de dollars de plus au budget annuel existant de 1,5 million de dollars pour vérifier, évaluer et assurer le respect de la Loi canadienne sur la santé.

Ainsi, Santé Canada aura plus de personnel d'un bout à l'autre du pays pour vérifier le respect des conditions et des principes énoncés dans la loi, pour faire enquête sur les cas possibles de non-respect et pour évaluer les faits.

Le message que le gouvernement du Canada veut faire passer aujourd'hui est clair. Nous avons l'intention d'assumer nos responsabilités à l'égard de la protection du régime public d'assurance-maladie dans ce pays. Le régime de soins de santé n'appartient pas aux gouvernements ni aux partis politiques, mais bien aux Canadiens. Le Parlement nous a donné les outils nécessaires pour faire respecter la Loi canadienne sur la santé. Les Canadiens s'attendent à ce que nous utilisions ces outils au besoin pour protéger nos principes. Je verrai certainement à ce que ces principes soient respectés en Alberta et partout dans le pays.

Je terminerai en disant que, bien que nous soyons prêts à intervenir en cas de violation de la loi, j'espère que nous n'en arriverons pas là.

J'ai commencé en disant que le temps était venu de renouveler et de renforcer le régime public d'assurance-maladie au Canada. C'est un processus qui nécessitera la collaboration de tous les gouvernements. En dernière analyse, nous ne préserverons pas le régime d'assurance-maladie simplement en assurant le respect des règles, mais bien en renouvelant notre engagement commun à l'égard de ses principes et de ses objectifs. Cela comprend, entre autres choses, un niveau suffisant de financement, y compris de la part du gouvernement du Canada.

Au cours des semaines et des mois qui viennent, je m'emploierai à bâtir une relation de travail constructive avec l'Alberta et les autres provinces en mettant l'accent sur la créativité et l'innovation qui seront nécessaires si nous voulons préserver ce à quoi tous les Canadiens tiennent le plus, c'est-à-dire un régime public de soins de santé qui soit solide.

M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt la déclaration du ministre de la Santé. Son discours était excellent. Il a parlé de collaboration. Il a parlé de la nécessité de protéger la Loi canadienne sur la santé. Il a insisté à maintes reprises sur le fait que le statu quo ne suffit pas. Je voudrais ajouter certains faits que le ministre n'a pas mentionné, je crois. Il ne voulait probablement pas les mentionnés devant cette assemblée.

 

. 1015 + -

En 1993, les paiements de transfert aux provinces au titre de l'enseignement et des soins de santé s'élevaient à 18,8 milliards de dollars. C'est à l'époque où les libéraux ont accédé au pouvoir. Aujourd'hui, en l'an 2000, ils s'établissent à 15,5 milliards, et ils ont même baissé à 12,5 milliards de dollars. Plus importantes encore sont les statistiques sur les dépenses par habitant en matière de santé. Ces dépenses ont baissé sous les libéraux qui forment le gouvernement fédéral. Cette donnée émane de l'institut de la santé. Nous étions au deuxième rang des pays du monde pour ce qui est des dépenses en matière de soin de santé. Nous sommes maintenant au cinquième rang et la dégringolade se poursuit. Ces données ne sont pas récentes. Elles datent de trois ans environ.

La part du secteur privé dans le domaine de la santé au Canada quand les libéraux ont accédé au pouvoir était de 27 p. 100. Elle dépasse maintenant 30 p. 100. Le nombre d'interventions couvertes par l'assurance-maladie a diminué par rapport à 1993. La confiance que la population a dans notre régime de soins de santé n'a jamais été aussi basse dans toute l'histoire du Canada. Dernier point mais non le moindre, les listes d'attente au Canada sont plus longues aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été.

Je suis optimiste en ce qui concerne les soins de santé parce que je ne crois pas que les Canadiens ne laisseront pas tomber le régime de soins de santé. Récemment, même certains hauts personnages libéraux sont sortis de l'ombre pour laisser entendre qu'on ne saurait s'en tenir au statu quo. Ils ne sont pas prêts à l'exprimer en des termes aussi clairs. Je ne partage pas cet avis, mais Tom Kent estime qu'il faudra peut-être en venir au ticket modérateur.

Quelle est la réaction libérale au projet de loi adopté en Alberta, une province où j'ai exercé la médecine durant 25 ans? Plus de police de la santé, voilà l'engagement. Plus de menaces, voilà l'engagement. Plus de protection pour le système plutôt que pour le patient.

Je voudrais parler un instant de la loi 11. Il s'agit d'une mesure très timide pour innover, une mesure très modeste. Je la considère très timide. Je crois que les provinces qui tentent d'innover, de réduire les listes d'attente et d'apporter des idées neuves devraient être récompensées plutôt que menacées.

Qu'est-ce que je ferais en l'occurrence si j'étais ministre de la Santé? Je dirais à l'Alberta: «Si je ne suis pas d'accord avec la loi 11, vous avez deux années pour prouver que la mesure accomplira quelque chose.» L'Alberta croit que cette mesure réduira les listes d'attente. Peut-elle mesurer les listes d'attente aujourd'hui, et pouvons-nous les mesurer dans deux ans? Si l'Alberta réussit à réduire les listes d'attente grâce à la loi 11, je la récompenserais. Je l'en féliciterais chaleureusement.

Le gouvernement libéral ne sera pas jugé d'après ses grands discours, mais d'après ses actes. Que devrait faire le gouvernement? Je devrais me montrer constructif à cet égard. Le financement fédéral pour la santé ne devrait pas être englobé dans un gros Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, mais devrait faire l'objet d'un montant à part de sorte que tous les Canadiens puissent juger si le financement était approprié ou non. Il devrait y avoir un facteur de croissance en fonction de l'inflation et de la croissance démographique.

J'ai déjà dit que nous devrions récompenser les provinces qui réduisent les listes d'attente. Devrais-je avoir une police de la santé pour surveiller ce que fait l'Alberta? Non, je laisserais aux citoyens de l'Alberta le soin de juger si leur gouvernement provincial s'occupe du régime d'assurance-maladie d'une façon qui leur paraît appropriée.

J'adresse ce message au ministre de la Santé: je le supplie d'accorder la primauté au patient plutôt qu'au système. S'il le fait, le régime d'assurance-maladie survivra.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je veux d'abord souligner que l'intervention du ministre de la Santé est pour le moins paradoxale.

Voilà un ministre qui propose d'ajouter quatre millions de dollars additionnels pour l'embauche d'effectifs supplémentaires à des fins d'inspection et de vérification de l'application de la Loi canadienne sur la santé. Elle comprend cinq principes, dont l'universalité, la transférabilité, le caractère public, que l'on est en droit d'attendre de services publics.

Parallèlement, le gouvernement fédéral ne remplit pas sa part du contrat en matière de santé. Je vais vous parler de l'exemple du Québec. À l'instant où on se parle, pour chaque dollar investi dans le domaine de la santé, le gouvernement fédéral contribue un peu plus de 20¢, c'est-à-dire 22¢.

 

. 1020 + -

Pourtant, au moment de l'établissement des régimes publics de santé dans les années 1960, le gouvernement fédéral s'était engagé à apporter une contribution de 50 p. 100 au régime. À plusieurs reprises, tous les premiers ministres des provinces ont exigé que ce gouvernement rétablisse les paiements de transfert à leur niveau de 1993-1994.

Nous ne souscrivons pas comme parti au réflexe de la privatisation de certaines provinces. Dieu merci, le gouvernement du Québec se maintient à cent lieues d'un réflexe de privatisation. Nous croyons profondément que c'est la responsabilité des gouvernements d'utiliser les sommes publiques et leurs ressources publiques pour mettre en oeuvre un système de santé généreux, universel, accessible et qui corresponde aux besoins des concitoyens, particulièrement dans un contexte où on ne parle plus du troisième âge, mais du quatrième âge, et où les gens veulent être maintenus le plus longtemps possible dans leurs communautés naturelles.

Mais nous devons faire un lien entre le fait que ce gouvernement a coupé dans les paiements de transfert aux provinces et qu'il a fait en sorte que les provinces n'ont pas toujours eu de sa part les ressources qu'elles étaient en droit d'attendre pour maintenir le système de santé viable.

Comment le ministre peut-il être à ce point surpris? Comment le ministre peut-il jouer les vierges offensées? Comment peut-il être à ce point tartufe aujourd'hui pour s'opposer en défenseur du système public de santé, alors que lui-même ne remplit pas sa part du contrat?

Je dis au ministre que nous sommes prêts à le suivre dans un certain nombre de dossiers, comme celui sur le tabagisme, où nous voulons que les jeunes ne soient pas les premières victimes d'un déficit d'information lorsqu'il s'agit de leur propre santé. Mais nous allons talonner ce ministre pour qu'il prenne ses responsabilités et qu'il rétablisse les paiements de transfert à leur niveau de 1993-1994.

Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, être surpris, après que le gouvernement fédéral n'ait pas rempli sa part du contrat, que certaines provinces soient tentées par des réflexes de privatisation. Nous aurions souhaité qu'au-delà de l'annonce de l'augmentation d'un effectif pour un travail d'inspection, ce qu'on pourrait appeler la police de la santé, le gouvernement prenne sa part de responsabilité.

En termes de paiements de transfert, seulement pour le Québec, c'est 4,1 milliards de dollars qui ont été coupés pour la santé. Si le ministre de la Santé est sérieux et préoccupé par l'intégrité des systèmes de santé publics, sa première responsabilité est de se lever à la Chambre et de dire qu'il va mener la bataille au Cabinet pour que les paiements de transfert soient rétablis et qu'il va faire parvenir les sommes d'argent qu'il doit aux provinces.

Rappelons que pour le seul cas du Québec, sur une base annuelle, simplement pour la santé, c'est 500 millions de dollars qui sont en jeu. C'est l'équivalent du budget total dont dispose le Québec pour le maintien à domicile, et c'est l'équivalent de la moitié du budget des CLSC.

Si ce ministre veut être crédible, s'il veut que tous les partis d'opposition travaillent avec lui, s'il veut être une voix respectée dans le milieu de la santé, sa première responsabilité est d'être solidaire des provinces qui lui demandent d'être une voix tonitruante au Cabinet pour qu'on rétablisse les paiements de transfert. Voilà sa première responsabilité, et j'espère que c'est à cela qu'il va travailler dans les prochains jours.

C'est trop facile de s'inquiéter de ce qui se passe dans les provinces. C'est trop facile de vouloir empiéter.

Ce ministre a fait parvenir une lettre au Comité permanent de la santé pour nous inviter à mettre sur pied une stratégie nationale en matière de santé mentale. Est-ce qu'on peut me dire ce que le gouvernement fédéral a à voir avec la santé mentale? Lisez la lettre que ce ministre nous a fait parvenir. Il souhaite qu'il y ait une stratégie nationale en santé mentale. Ce n'est pas là sa responsabilité. Ne jouons pas les pharisiens.

C'est trop facile de s'inquiéter du non-respect de la loi de la part des provinces quand lui-même, comme partenaire qui s'était engagé, en 1966, à financer à 50 p. 100 les systèmes de santé publics, ne le fait pas. C'est trop facile de s'inquiéter.

 

. 1025 + -

Je n'attends pas de ce ministre qu'il joue les êtres angoissés, mais j'attends de lui, à l'instar de tous mes collègues du Bloc québécois et, j'en suis sûr, de tous les parlementaires de l'opposition, qu'il délie les cordons de la bourse, qu'il s'occupe de ses responsabilités, qu'il se garde de vouloir instaurer de nouveaux programmes nationaux, qu'il se garde d'empiétements éventuels et qu'il prenne ses responsabilités, qui sont de rétablir les paiements de transfert en santé à leur niveau de 1993-1994.

[Traduction]

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, c'est avec un sentiment profond de tristesse que je réponds aujourd'hui aux remarques du ministre de la Santé. C'est extrêmement ironique et décevant.

Depuis que le projet de loi 11 a été dévoilé l'automne dernier, le 17 novembre exactement, tout ce qu'a fait le ministre de la santé, c'est de faire des remarques pour dire que ce projet de loi est une mauvaise politique, des remarques pour dire qu'il veut que Ralph Klein retire ce projet de loi et des remarques pour dire qu'il est important de protéger l'accès du public aux systèmes de soins de santé. Aujourd'hui que la plus grande menace jamais posée à l'assurance-maladie est devenue loi, que fait le gouvernement? D'autres remarques.

Le 17 novembre 1999, le Nouveau parti démocratique avait demandé que des mesures soient prises. Le ministre avait alors répondu: «Les propositions nous sont parvenues de l'Alberta aujourd'hui. Nous les étudions». Le 13 décembre 1999, le Nouveau Parti démocratique a demandé une nouvelle fois que des mesures soient prises. Le ministre avait répondu: «Nous ferons connaître notre réaction dès que nous aurons terminé notre examen.» Le 2 mars, le Nouveau Parti démocratique a réitéré sa demande. Le ministre avait répondu: «Nous attendons le dépôt d'une mesure législative plus tard aujourd'hui». Le 15 mars, le Nouveau Parti démocratique a insisté. Le ministre a répondu: «nous attendons de voir le règlement d'application». Mardi, le Nouveau Parti démocratique a insisté une nouvelle fois. Le ministre a répondu: «Nous allons demeurer vigilants et surveiller ce qui se passe».

Aujourd'hui est un jour historique, un triste jour, un jour honteux, un jour où le ministre de la Santé du Canada a donné son aval à la mise en place d'un système de soins de santé parallèle, à but lucratif.

[Français]

C'est un jour où le ministre de la Santé dit qu'un hôpital peut exister et fonctionner dans le but de faire des profits.

Une voix: Incroyable.

Mme Alexa McDonough: Il dit que notre pays en est maintenant un où quelqu'un, avec de l'argent, peut se procurer des soins de santé avant quelqu'un de moins riche.

[Traduction]

Il a déclaré que le contenu du bill 11 n'est pas mauvais, qu'il ne pose aucun problème, mais que les dangers résident peut-être dans sa mise en oeuvre. C'est la façon pour le ministre de passer à l'histoire car, selon ce qu'il a dit lui-même, les hôpitaux privés à but lucratif ne sont pas mauvais en eux-mêmes.

Voyons les faits. Pendant des mois, le ministre a déclaré qu'aujourd'hui, on allait agir. Pourtant, il ne fait que parler davantage des mesures qu'il pourrait prendre demain. On ne dit pas un mot de l'accord secret en 12 points qu'il a conclu avec l'Alberta au sujet de la privatisation. On ne souffle mot des répercussions dans le cadre de l'ALENA. On passe sous silence les compressions fédérales de 24,7 milliards de dollars que Ralph Klein utilise comme excuse. Il n'est pas question non plus du fait que Ralph Klein a présenté le bill 11 deux jours seulement après que les libéraux eurent prévu dans leur budget fédéral de ne consacrer que 2¢ à la santé pour chaque dollar de réductions d'impôt.

Il est clair que le ministre s'est fourvoyé. Comme mes enfants diraient, il a commis une gaffe plus grosse que lui. Nous sommes heureux d'entendre aujourd'hui, après une longue attente, qu'on va enfin se décider à vraiment appliquer la Loi canadienne sur la santé. Cependant, il n'en demeure pas moins que le NPD a réclamé cela le 30 novembre 1999. Le fait que le gouvernement paie enfin pour la surveillance de la situation dans le domaine de la santé ne constitue pas une réponse au bill 11, car pour bien répondre au bill 11, il faudrait prendre des mesures concrètes. Il n'est pas simplement question d'agir à une date ultérieure. Il faudrait que le ministre se montre plus malin que Ralph Klein. Si le ministre prétend que le bill 11 respecte la Loi canadienne sur la santé, il faut alors modifier cette loi afin de lui donner l'efficacité nécessaire pour protéger l'assurance-maladie.

 

. 1030 + -

Le 12 avril, le ministre a déclaré que le bill 11 met en danger le principe de l'accessibilité. Je prétends qu'il détruit les principes de l'accessibilité, mais tenons-nous en aux paroles du ministre. Si cela met en danger les fondements mêmes de l'assurance-maladie, prenez des mesures alors. Si le ministre ne pense pas qu'il peut agir, on doit alors modifier la Loi canadienne sur la santé pour que ce soit possible.

[Français]

Ce gouvernement a déjà changé la Loi canadienne sur la santé auparavant. En 1995, l'article 6 a été effacé pour permettre plus de privatisation. Ce gouvernement pourrait encore la changer aujourd'hui pour empêcher plus de privatisation.

[Traduction]

Au lieu de cela, le ministre décide de faire tout un cinéma. C'est du cinéma parce que le NPD a fait état de manquements récents à la Loi canadienne sur la santé à Calgary et à Montréal et que le ministre a choisi de ne rien faire. C'est du cinéma parce qu'il y a quatre ans, la dernière fois qu'un ministre de la Santé libéral s'est rendu en Alberta soi-disant pour sauver le régime de soins de santé, il y a eu une entente secrète facilitant une médecine à deux vitesses et la privatisation. C'est une entente secrète qui a ouvert la voie à la loi 11. Si le ministre avait voulu agir, il aurait pu annuler cette entente secrète.

Il est stupéfiant que le ministre n'ait pas encore déposé et n'ait même pas évoqué aujourd'hui un seul avis juridique concernant les répercussions que pourrait avoir la loi 11 par rapport à l'ALENA. Il a annoncé une police des soins de santé, mais il n'a pas tenu compte du fait que, si l'ALENA s'applique, ce ne sera pas lui qui sera le législateur; cette tâche incombera plutôt à un tribunal commercial non élu et n'ayant pas de comptes à rendre.

Le 26 novembre 1999, le ministre a déclaré qu'il se peut que le projet de loi 11 ne respecte pas les dispositions de l'ALENA. Le 12 avril, le ministre s'est effectivement vanté d'avoir discuté avec l'Alberta d'un problème tangible par rapport à l'ALENA. Le 13 avril, le ministre a déclaré que la situation était si grave que deux autres ministères et leurs spécialistes étudiaient les conséquences par rapport à l'ALENA. Nous n'avons pas ces études. Le ministre dit maintenant que le droit du Canada de régir et de protéger son système de soins de santé n'est pas affecté par l'ALENA.

[Français]

Où sont les études qui appuient cette courageuse déclaration? Où sont-elles?

[Traduction]

Selon Barry Appelton, la Loi 11 nous fait perdre notre exemption en vertu de l'ALENA. Son étude est du domaine public. La dernière fois que les libéraux ont dit que celui-ci se trompait, c'est l'ALENA qui l'a emporté. Si le ministre soutient qu'Appelton est dans l'erreur et que lui-même a raison, où sont les études à cet effet? Montrez-nous les études. Si Appelton a raison et que le ministre a tort, il peut affecter un million de policiers à la surveillance de l'application du système de soins de santé, mais un tribunal de l'ALENA peut infirmer les décisions de la totalité d'entre eux.

La déclaration faite aujourd'hui par le ministre ne contribue en rien à réduire l'énorme menace que pose la Loi 11. Elle ne fait rien pour empêcher Mike Harris d'établir son propre projet de loi 11, rien pour empêcher John Hamm de faire la même chose et rien pour freiner Bernard Lord. Malheureusement, le projet de loi de Ralph Klein est maintenant devenu loi sans être modifié. Il affectera les Albertains et, grâce à ce ministre, il nous affectera tous. L'héritage que nous laisseront le ministre et le premier ministre sera la destruction du système de soins de santé.

Au nom des milliers d'Albertains qui ont bravement mené la lutte contre Ralph Klein, je condamne la lâcheté du ministre. Je souligne au nom des millions de Canadiens que nous n'oublierons pas.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, le système de santé est en crise, et le blâme peut être jeté sur le gouvernement et en particulier sur le ministre de la Santé. Le gouvernement avait sept ans pour faire quelque chose, mais il n'a rien fait du tout. Si cela n'est pas effrayant en soi, pensez à ceci: si le gouvernement libéral reste au pouvoir jusqu'en 2004, et espérons qu'il n'y restera pas, il aura effectué une ponction de 30 milliards de dollars dans le régime de soins de santé uniquement.

 

. 1035 + -

Étant donné que Ralph Klein et d'autres premiers ministres ont dû faire des pieds et des mains, la question serait: pourquoi pas? Ils n'ont pas eu d'autres choix, car le financement a été réduit de façon si dramatique que les provinces devront combler cette baisse. Le gouvernement a créé une crise.

Le gouvernement libéral élabore son approche au fur et à mesure. Depuis sept ans, il n'a jamais eu de plans. Le ministre de la Santé devrait envisager de tenir un symposium national avec toutes les parties concernées, à savoir les professionnels de la santé, les soignants, les médecins, les premiers ministres provinciaux, les ministres de la Santé et, surtout, le premier ministre. Pourquoi le gouvernement ne l'a-t-il pas fait? Depuis sept ans, il rejette commodément le blâme sur les provinces. Ce n'est pas une solution. Cette attitude coûtera le pouvoir au Parti libéral. Les Canadiens ne supportent plus la situation. N'oublions pas le vieux dicton qui dit «Pas d'idées, pas de votes». Le gouvernement est à court d'idées en matière de soins de santé.

Le gouvernement fédéral a enfreint les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé, sans parler de ce qu'ont fait les administrations provinciales. Voici, pour le bénéfice du ministre de la Santé, un petit récapitulatif des cinq principes en question: mettre en place un système qui soit accessible, universel, complet, transférable et financé par l'État. S'il n'est pas financé, comme il doit l'être, par l'administration fédérale, quelle solution les provinces peuvent-elles retenir? Aucune, car il n'y en a tout simplement pas.

Je voudrais faire verser au compte rendu une ou deux questions que le chef de notre parti, M. Joe Clark, avait soulevées à ce sujet. Je crois qu'elles permettent de fort bien cerner le problème. Pourquoi le gouvernement libéral ne rétablit-il pas immédiatement le financement des soins de santé, lequel a été supprimé sans la moindre consultation? Pourquoi le gouvernement libéral ne rétablit-il pas la stabilité de ce financement pour que les hôpitaux, les professionnels de la santé et les provinces puissent planifier avec une certaine certitude?

Notre parti et son chef estiment qu'il conviendrait d'adopter un sixième principe applicable au système de soins de santé, celui du financement stable et durable à long terme, pour que les provinces sachent à quoi s'en tenir et de quelle marge de manoeuvre elles disposent. Nous ne pouvons plus continuer à réagir au fur et à mesure. Nous voulons de l'initiative dans ce domaine. Or le ministre et son gouvernement en manquent regrettablement.

J'ai pris connaissance de la déclaration du ministre. Que propose-t-il? Un montant dérisoire de 4 millions de dollars pour ce que nous appelons maintenant la police de la santé. Le gouvernement va dépenser 4 millions de dollars pour faire de l'espionnage, regarder sous les tapis et surveiller ce qui se passe dans le système hospitalier. Est-ce qu'il n'a rien de mieux à offrir après sept ans? Ça ne suffit pas. Je conseille au gouvernement de convoquer immédiatement tous les principaux intervenants de la santé, de se mettre au travail et de produire un plan durable à long terme.

Essentiellement, le gouvernement a privé le système de 30 milliards de dollars et il en a repassé la note aux contribuables. En fin de compte, où passe cet argent? Qu'est-ce que le gouvernement fait avec? Où est le manque à gagner? Est-ce que cet argent sert à quelque chose? Est-ce qu'il refait surface ailleurs? Bien sûr que oui. Les libéraux se vantent d'avoir équilibré le budget, d'avoir assumé leurs responsabilités en matière de finances. Mais c'est aux dépens des contribuables qu'ils le sont. Le gouvernement n'a pas de plan.

Le système américain effraye beaucoup les Canadiens, mais nous y allons tout droit si les libéraux restent au pouvoir. Ce système repose sur deux choses: les compagnies d'assurance et les poursuites judiciaires. Nous ne voulons pas voir la même chose ici. Malheureusement, si le ministre reste en poste et si le gouvernement libéral reste au pouvoir, c'est exactement ce qui va arriver.

 

. 1040 + -

Les provinces font des pieds et des mains pour combler le déficit. À preuve tout ce qui est en train de se passer en Alberta et dans toutes les autres provinces. À propos, l'Alberta n'est pas seule dans son cas. Dans ma propre province, le Nouveau-Brunswick, le secteur privé représente environ 35 p. 100 de toutes les dépenses. En Alberta, ce pourcentage est un peu plus faible. Le problème ne se pose pas uniquement en Alberta. Il touche toutes les provinces et toutes les administrations, tout ça parce que le gouvernement fédéral refuse d'agir dans un dossier qui, aux yeux des Canadiens, représente le principal souci ou le principal défi. Jeunes ou vieux, nous disons tous que le gouvernement fédéral peut faire plus.

L'idée de base de notre position, c'est que nous voulons voir le programme. Le gouvernement est là depuis sept ans. Les députés d'arrière-ban adorent jacasser, mais ils sont eux-mêmes dépourvus d'idées. Ils suivent, comme de bons toutous, le ministre qui n'a jamais rien fait pour régler ce problème. S'ils ont quelque chose de constructif à dire, qu'ils se lèvent et qu'ils parlent. Ils n'ont absolument rien fait. Ils ne sont rien de plus qu'un poulailler. Ce sont des phoques dressés pour se lever et venir au secours du ministre de la Santé chaque fois qu'il en a besoin. Aujourd'hui n'y fait pas exception. Qu'ils viennent nous voir de ce côté-ci et nous leur donnerons des idées. Qu'ils soient assez courageux pour exprimer ces idées quand ils font leur tour de piste.

Nous voulons qu'ils fassent preuve de leadership sur la question. Les Canadiens le demandent. Il n'ont fait preuve d'aucun leadership. Pas d'idées, pas de votes. Les Canadiens se préparent à rendre leur verdict. Ils décideront si les libéraux ont traité ce dossier de façon adéquate ou non. Je dis que non.

M. Derek Lee: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Y aurait-il à la Chambre une disposition permettant de revenir au dépôt de documents? Le secrétaire parlementaire du ministre du ministre du Commerce international pourrait ainsi déposer un document émanant du gouvernement.

Le vice-président: Le secrétaire parlementaire a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour revenir au dépôt de documents?

Des voix: D'accord.

*  *  *

LE COMMERCE

M. Bob Speller (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, conformément aux paragraphes 32(2) et 32(4) du Règlement, j'aimerais déposer dans les deux langues officielles le rapport intitulé «Le point sur le commerce en l'an 2000», le premier rapport annuel sur le commerce jamais publié au Canada.

*  *  *

COMITÉS DE LA CHAMBRE

TRANSPORTS

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur et le devoir de présenter, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent des transports.

Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 29 février 2000, votre comité a étudié le projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence, et il fait rapport du projet de loi avec des propositions d'amendement.

Je m'en voudrais de ne pas souligner le travail acharné qu'ont effectué certaines personnes en élaborant le projet de loi C-26 et ses propositions d'amendement. Je voudrais d'abord remercier Guyanne Desforges, la greffière du Comité permanent des transports, ainsi que John Christopher et June Dewetering, les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement. J'aimerais également remercier le ministre des Transports, son personnel et les hauts fonctionnaires du ministère des Transports dont la participation et la collaboration au comité ont été fort précieuses. Enfin, je voudrais souligner les efforts accomplis par mes collègues de tous les partis présents à la Chambre, notamment les membres du Comité permanent des transports.

*  *  *

 

. 1045 + -

PÉTITIONS

LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions au nom des habitants de ma circonscription.

La première pétition vient d'un groupe de citoyens de Macklin, dans l'Ouest de ma circonscription. Les pétitionnaires s'inquiètent des capacités nucléaires d'un grand nombre de pays qui ne semblent pas suffisamment préparés pour cela. Ils demandent donc au gouvernement de se pencher sur la situation.

LES LOIS DU CANADA

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la deuxième pétition concerne la suprématie de Dieu. Les pétitionnaires voudrait que la mention de la suprématie de Dieu demeure dans les lois du Canada. Ils craignent que la position du gouvernement à cet égard ne s'affaiblisse.

LES RECENSEMENTS POSTÉRIEURS À 1901

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée non pas par 100, non pas par 3 000, mais par 6 000 Canadiens. Les pétitionnaires demande que les cahiers des recensements effectués après 1901 soit publiés après une période raisonnable.

Les cahiers de recensement sont une ressource fantastique pour plus de 7,5 millions de citoyens qui effectuent actuellement des recherches sur leurs familles. Ceux des recensements effectués après 1901 contiennent des renseignements sur la vie de tous les jours des Canadiens moyens. Ils sont un témoignage du passé, du présent et de l'avenir collectifs du Canada. Ils ne sont pas seulement une référence pour les descendants de nombreux immigrants qui désirent retracer leurs origines, ils sont aussi un outil essentiel pour les généalogistes.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de modifier la Loi sur la statistique pour autoriser la publication des cahiers des recensements effectués après 1901.

LA PORNOGRAPHIE JUVÉNILE

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition au nom de centaines d'habitants de la circonscription de Lakeland, surtout de la région de Cold Lake.

Les pétitionnaires s'inquiètent au plus haut point de l'inaction du gouvernement face à la pornographie juvénile. Ils invitent le Parlement à lutter contre la pornographie en ayant recours à l'article 33 de la Charte des droits et libertés, qui permet d'invoquer la disposition d'exemption pour déroger à la décision du tribunal de la Colombie-Britannique qui a légalisé la pornographie.

Je suis entièrement d'accord avec cette pétition.

LES DROITS ET LIBERTÉS

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai ici une pétition signée par environ 750 Canadiens qui attirent l'attention du Parlement sur le droit aux libertés de culte et de conscience. Les pétitionnaires demandent une protection pour les travailleurs de la santé et ceux qui suivent une formation en vue de travailler dans le secteur de la santé, et à qui ces droits ont été retirés.

Les pétitionnaires exhortent le Parlement à légiférer pour interdire de telles violations de la liberté de conscience par les administrateurs d'établissements de santé et de maisons d'enseignement.

LE MARIAGE

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la deuxième pétition porte sur le projet de loi C-23. Les pétitionnaires déplorent l'adoption de cette mesure législative, mais ils croient qu'il n'est pas trop tard puisque son étude se poursuit au Sénat.

Les pétitionnaires nous prient d'inclure la définition de mariage comme l'union entre des personnes hétérosexuelles et de veiller à ce que le mariage soit reconnu comme une institution unique qui a toujours favorisé la société. Ils demandent que cela soit reconnu par le Parlement du Canada pour le bien du pays.

L'IMMIGRATION

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Alliance canadienne): Monsieur le Président, voici une troisième pétition. Les pétitionnaires demandent le retrait de l'impôt de capitation. Ils soutiennent que c'est un impôt discriminatoire qui ne devrait pas être perçu. Ils veulent qu'il soit retiré.

Les pétitionnaires sont d'avis que cet impôt est contradictoire et qu'il ne protège nullement les droits de ceux qui immigrent au Canada, en particulier ceux qui sont démunis.

*  *  *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondrons aujourd'hui à la question no 102. .[Texte]

Question no 102—M. Leon E. Benoit:

    Parmi les groupes que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a consultés entre le 27 février 1998 et le 11 mars 1998 (inclusivement) dans le cadre des consultations ministérielles sur la revue de la législation, quels sont ceux qui ont reçu des subventions du gouvernement et, le cas échéant: a) à combien s'élevait la subvention; b) pourquoi a-t-elle été accordée; c) quel ministère fédéral l'a accordée?

L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Les groupes ci-dessous, que la Ministre de Citoyenneté et Immigration a consultés pendant la période du 27 février 1998 au 11 mars 1998, ont reçu des contributions (Citoyenneté et Immigration Canada CIC ne verse pas de subvention aux organismes) au cours de l'exercice 1997-1998* dans le cadre d'un ou de plusieurs des programmes et services d'établissement de CIC suivants: le programme d'établissement et d'adaptation des immigrants PEAI, qui offre divers services d'établissement aux immigrants: orientation, information sur la collectivité, interprétation/traduction, counselling paraprofessionnel, services d'emploi, etc.; les cours de langue pour les immigrants au Canada CLIC, qui offrent une formation linguistique aux immigrants adultes dans l'une ou l'autre des langues officielles; le programme d'accueil, qui permet de jumeler des Canadiens et immigrants afin d'aider ces derniers à s'adapter à la vie au Canada; et les maisons d'accueil (MA), qui offrent un service d'hébergement temporaire aux réfugiés pris en charge par le gouvernement.

   

Les organismes au Québec ne reçoivent pas de fonds de contribution de CIC. En vertu de l'Accord Canada-Québec, la province de Québec est responsable de la prestation des services d'établissement.

*Les ententes de contribution portent sur des montants globaux qui couvrent toute la période visée par les ententes. Nous sommes donc dans l'impossibilité de donner des montants exacts pour la période mentionnée par l'honorable député, puisque cette période ne coïncide pas avec les périodes visées par les ententes de contribution.

[Traduction]

M. Derek Lee: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, la période des initiatives ministérielles sera prolongée de 36 minutes.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LA CITOYENNETÉ AU CANADA

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 10 mai, du projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté canadienne, dont le comité a fait rapport (avec des propositions d'amendent); et du groupe no 3.

 

. 1050 + -

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi que de prendre la parole aujourd'hui sur le groupe no 3 des amendements proposés au projet de loi C-16 concernant la citoyenneté.

La motion no 6 traite du comité de surveillance et de la nomination des juges à la retraite par le gouverneur en conseil. Cet amendement demande que aient vraiment leur mot à dire. Autrement dit, les partis d'opposition devraient pouvoir donner leur consentement plutôt que d'être simplement consultés par le gouvernement. On sait que, la plupart du temps, ils entendent parler des nominations, mais celles-ci se font quand même de façon partisane. Il se peut que les personnes choisies soient compétentes, mais ce n'est pas toujours le cas.

Il est vrai qu'on a recours à ce poste uniquement si le comité de surveillance ne peut en arriver à une décision. Je suis en faveur de la motion.

La motion no 7 concernant l'article 31 est une modification tout à fait logique. Elle prévoit:

    «(1.1) Le gouverneur en conseil ne peut nommer, à titre de commissaire à la citoyenneté, une personne ayant été reconnue coupable d'une infraction visée à l'article 39 ou 40.

Elle semble si logique que je me demande pourquoi elle doit être là. Cependant, compte tenu de certains cas que nous avons vus dans le passé, c'est sans doute une bonne idée.

La motion no 8, qui concerne l'article 32, est aussi une modification qui donnerait voix au chapitre au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Dans une saine démocratie, c'est comme cela qu'il faut faire.

Les motions nos 15 à 20 concernant l'article 43 auraient pour effet de ramener au comité et à la Chambre le travail fait sur les règlements. Je suis d'accord et ces motions devraient être adoptées.

La motion no 21 revient à ce que tous les partis d'opposition disent depuis toujours, à savoir que les comités concernés devraient avoir vraiment leur mot à dire, vu qu'ils ont entendu longuement les témoins et fait l'impossible pour recueillir le point de vue des Canadiens ordinaires. Les comités devraient avoir voix au chapitre.

J'appuie toutes les motions du groupe no 3.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet des motions du groupe no 3 que divers partis proposent afin d'amender le projet de loi C-16.

Il vaut la peine de signaler d'abord, je crois, le grand intérêt qu'ont suscité le projet de loi C-16 et la question de la citoyenneté. Lorsque le projet de loi a d'abord été présenté en tant que projet de loi C-63, plus de 37 groupes et organisations ont présenté des instances au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je dirais qu'un intérêt immense a été manifesté par les Canadiens, auxquels toute la notion de citoyenneté tient très à coeur.

Si ces gens étaient tellement motivés, c'est que la seule idée d'être citoyen canadien renvoie à la fierté nationale de faire partie de quelque chose de grand comme le pays du Canada, où le tout est plus que la somme des parties.

Nous avons assisté à un épanchement d'émotions. Ces gens ont dit au comité et à la Chambre des communes qu'il fallait s'assurer, au moment de modifier la loi sur la citoyenneté et l'immigration, que les modifications traduisent à quel point nous chérissons notre citoyenneté, et non seulement les droits qu'elle nous donne, mais encore les devoirs, les obligations et les responsabilités qui l'accompagne.

 

. 1055 + -

Nous avons jugé nécessaire de proposer de nombreux amendements au projet de loi C-63, qui a précédé le projet de loi C-16, et nous sommes heureux de constater que la plupart des recommandations ou amendements que nous avions jugés nécessaires ont été insérés dans le projet de loi C-16. En fait, le caucus néo-démocrate est maintenant persuadé que le projet de loi C-16 reflète bien ce que les Canadiens nous ont dit. Les modifications que nous avons réclamées ont été insérées dans le nouveau projet de loi et nous sommes donc très heureux du nouveau projet de loi C-16 sous sa nouvelle forme. C'est une mesure que nous pouvons appuyer et nous espérons qu'elle sera adoptée rapidement.

Je note cependant que beaucoup de mes collègues de l'opposition et même des ministériels proposent des amendements. Le groupe no 3 regroupe plusieurs de ces amendements. Je vais parler de certains et préciser si oui ou non notre caucus pourra les appuyer.

En ce qui concerne la motion no 6, nous pouvons y souscrire. Elle vient du porte-parole en matière d'immigration de l'Alliance canadienne et elle cherche simplement à ce que les nominations soient ratifiées par le Parlement. Les nominations des juges de la citoyenneté ou tout autre type de nominations faites par décret devraient être soumises au Parlement ou au moins au comité permanent, où des parlementaires, des représentants élus, peuvent approuver et ratifier ces nominations. C'est une chose que la plupart des Canadiens vont appuyer, et notre parti recommande de souscrire à cette motion.

La motion no 7 cherche à modifier le projet de loi afin qu'une personne ne puisse être nommée commissaire à la citoyenneté si elle a été reconnue coupable de fraude sur des questions d'immigration, de contrebande de personnes ou de tout autre type de crime aux termes de la Loi sur la citoyenneté. C'est du simple bon sens et j'aime à penser que les autorités en viendraient à la même conclusion sans que cela soit précisé dans la loi. Je ne peux imaginer qu'on nomme comme commissaire à la citoyenneté une personne condamnée pour fraude aux termes de la Loi sur la citoyenneté. Nous souscrivons à cet amendement de l'Alliance canadienne également.

La motion no 8 dit que le comité permanent doit approuver la nomination des commissaires à la citoyenneté. Là encore, nous sommes d'accord avec cette idée. Nous croyons que le comité permanent a un rôle à jouer lorsqu'il s'agit de ratifier et d'approuver des nominations, afin de veiller à ce que ces nominations ne constituent pas du népotisme politique et à ce que ces postes importants soient occupés par des gens compétents.

La motion no 15 est incluse dans ce groupe. Nous nous opposons à cette motion proposée par l'Alliance canadienne, car nous croyons que, dans la version anglaise, il y a une erreur typographique, sinon c'est complètement insensé. On semble avoir confondu les mots «alternative» et «affirmative» dans le libellé actuel. C'est du charabia indigne de l'appui de quiconque. Ou bien c'est une erreur, ou bien les rédacteurs ont délibérément proposé cette motion pour nous embêter.

Les motions nos 16, 17 et 18 sont fondamentalement semblables.

Nous appuyons la motion no 20. Je préférerais m'attarder aux motions que nous jugeons bon d'appuyer car, à mon avis, notre appui justifie de plus amples commentaires. Cette motion, qui est elle aussi proposée par l'Alliance canadienne, permettrait au gouverneur en conseil de définir l'intérêt public aux fins de la loi. Elle permettrait au gouverneur en conseil de définir la signification de l'intérêt public. Il y a toute une série d'articles qui concernent l'intérêt public dans le projet de loi, et nous croyons qu'il faut clarifier cette notion davantage, ne serait-ce qu'aux fins de la transparence. Les avocats comprendront peut-être à la lecture du projet de loi l'objectif de cette mesure législative par rapport à l'intérêt public, mais nous ne voyons aucun inconvénient à clarifier davantage cette définition, de manière à ce que le public puisse aussi saisir facilement et rapidement la signification véritable de cette expression.

 

. 1100 + -

Nous voyons aussi la motion no 21 comme faisant partie du troisième groupe. Nous appuyons cette motion. Mon collègue de l'Alliance canadienne a fait valoir de bons points qui contribueraient à améliorer la loi. Il a notamment soutenu que le comité permanent devrait être chargé d'approuver toute règle régissant l'établissement des frais pour les services offerts par le ministère, qu'il s'agisse de services liés à des documents relatifs à la citoyenneté ou d'autres. Nous croyons que le comité devrait jouer un rôle dans l'établissement des frais, car notre parti estime que les frais sont actuellement beaucoup trop élevés.

Nous aimerions qu'on nous donne l'occasion de dire à l'étape de l'étude en comité que les frais devraient être diminués et que la taxe d'entrée tant détestée imposée aux immigrants et aux réfugiés devrait être abolie. Nous constatons que le gouvernement a cru bon de nous écouter puisqu'il a cessé récemment d'imposer cette taxe imposée aux réfugiés, mais il n'a toutefois pas aboli les autres frais de service qu'il leur facture. Il a éliminé la taxe d'entrée de 975 $, mais il maintient d'autres frais qui totalisent plus de 500 $.

Je crois que la motion no 21, tendant à faire participer le comité permanent à l'établissement de toute grille tarifaire, est très appropriée.

J'ai un point à faire valoir qui, selon moi, n'a pas été assez abordé à la Chambre. Il est manifeste que la notion de citoyenneté est directement liée à la notion d'État nation. Nous sommes fiers d'être des citoyens canadiens en raison des frontières qui délimitent notre pays.

Les notions d'État nation, de démocratie et de citoyenneté sont inexorablement interreliées. À notre avis, ces trois aspects sont mis en péril par la mondialisation du capital et la débâcle de l'État nation, dans la mesure où les accords de libre-échange ne tiennent pas compte des frontières. Le capital ne tient pas compte des frontières. La libre circulation des biens, des services et du capital ne tient pas compte des frontières et, souvent, fait fi des gouvernements librement élus.

Mon intervention se veut un avertissement. En effet, au fur et à mesure que nous accordons plus de pouvoir international à l'OMC, à l'AMI, à l'ALENA et aux accords de libéralisation des échanges commerciaux, nous diminuons le pouvoir dont jouissent les citoyens dans leur démocratie au sein de l'État nation. Je crois que l'on est de plus en plus conscient de ce problème. Nous avons vu ce qui s'est passé à Seattle, où les jeunes soulevaient justement cette question. Ils ont fait savoir qu'ils ne toléreront pas que l'on diminue la démocratie en affaiblissant l'État nation et en diminuant le rôle des citoyens dans la maîtrise de leur souveraineté économique.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion no 6. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion no 6 est reporté.

Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Des discussions ont eu lieu avec les représentants de tous les partis, et je crois que vous constaterez qu'il y a consentement, conformément au paragraphe 45(7) du Règlement, pour reporter le vote par appel nominal, s'il est demandé à l'étape du rapport du projet de loi C-16, à la fin de la période prévue pour les initiatives ministérielles, le mardi 16 mai 2000.

Le vice-président: Nous n'en avons pas encore terminé avec les votes qui peuvent être reportés. Il se peut que cela se produise ou non aujourd'hui. La députée veut-elle présenter sa motion dès maintenant ou attendre que nous ayons terminé tous les groupes? Il nous reste encore les groupes nos 4 et 5.

Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, un vote par appel nominal vient tout juste d'être demandé. Je suppose que nous pourrions attendre à la fin pour traiter du report de tous les votes demandés.

 

. 1105 + -

Le vice-président: À la condition que la députée soit des nôtres, nous pourrions peut-être attendre d'en avoir terminé avec les groupes de motions nos 4 et 5 et d'en avoir reporté le vote; je pourrais alors reporter les votes encore une fois. Ce serait peut-être plus pratique ainsi.

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, il y aurait peut-être un moyen d'accélérer le traitement de ce projet de loi. Si plus aucun député ne souhaite intervenir sur l'un ou l'autre de ces groupes de motions, ils pourraient être mis aux voix d'office, le vote par appel nominal étant demandé et différé d'office à mardi prochain, à la fin de la période prévue pour les initiatives ministérielles.

Si la Chambre donnait le consentement unanime à cette fin, nous pourrions accélérer passablement le processus. Nous n'aurions pas à nous lever ou à crier «oui» ou «non». Nous pourrions présumer que toutes les motions ont été mises aux voix et que le vote par appel nominal a été demandé et différé.

Le vice-président: Est-ce d'accord pour que le vote soit demandé et différé d'office pour chacune des motions du groupe no 3 et qu'il en aille de même pour les groupes de motions nos 4 et 5?

Des voix: D'accord.  

Le vice-président: Quand nous en aurons terminé avec les motions du groupe no 5, le vote par appel nominal aura lieu le mardi 16 mai, à la fin de la période prévue pour les initiatives ministérielles. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Passons au groupe de motions no 4.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Winnipeg d'avoir signalé la présence d'une erreur typographique dans la version anglaise de l'une des motions du dernier groupe. La motion contient les mots «alternative resolution» au lieu de «affirmative resolution». Toutes les autres motions semblables contiennent le mot «affirmative».

Le gouvernement avait organisé l'emploi du temps de telle façon que l'étude à l'étape du rapport devait avoir lieu la semaine prochaine. Or, mardi après-midi, quelques heures avant la fin du délai pour le dépôt des résolutions, nous avons constaté que le gouvernement avait reporté l'étape du rapport à mercredi après-midi. La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration se trouvait en comité au même moment, alors que de nombreux députés s'attendaient à prendre la parole au sujet des amendements présentés à l'étape du rapport. Le fait que l'emploi du temps a été bousculé explique que nous n'ayons pas relevé l'erreur. Je remercie le député de nous l'avoir signalée. J'espère qu'il est possible de corriger la motion de façon qu'elle soit conforme aux autres motions qui ont été présentées.

Nous étudions actuellement les motions d'amendement du groupe no 4, qui sont au nombre de deux seulement: la motion no 9, présentée par le porte-parole du Bloc, et la motion no 23, présentée par un député libéral.

La motion du Bloc propose qu'en plus du certificat de citoyenneté qui est remis au cours de la cérémonie d'assermentation, le gouvernement du Québec puisse remettre de la documentation. Je trouve intéressant que le Bloc québécois, qui prône la séparation du Québec et réclame plus de pouvoir pour le gouvernement du Québec, demande maintenant au gouvernement fédéral d'intervenir pour permettre de distribuer de la documentation avec le certificat.

La province peut décider de faire ce qu'elle veut, comme elle le veut, et communiquer cette information aux citoyens si elle croit qu'ils en ont besoin. C'est pourquoi je trouve insensé d'inclure cet amendement dans le projet de loi. Je n'ai, pour ma part, certainement pas l'intention de l'appuyer. Cette motion n'a aucun sens.

Le projet de loi à l'étude porte sur la citoyenneté canadienne, que la majorité des Canadiens chérissent et à laquelle la plupart des Canadiens du Québec accordent beaucoup de valeur. Durant la cérémonie d'octroi de la citoyenneté, nous devrions recevoir un certificat, que nous pourrions fièrement montrer et qui attesterait de notre citoyenneté canadienne. Il est impossible d'appuyer cette motion.

 

. 1110 + -

La motion no 23 présentée par un député libéral tend à modifier le nouveau serment de citoyenneté qui est proposé. Je ne suis pas en désaccord avec le serment proposé dans le projet de loi. C'est le processus qui est fautif. Combien de Canadiens ont participé à l'élaboration du serment? La ministre a indiqué que certaines personnes avaient collaboré à la rédaction de ce texte, mais j'aimerais bien savoir si on a demandé aux Canadiens de participer à ce processus. Je sais que je n'ai pas été invité à y participer.

Le serment n'est pas le véritable objet du litige. Le député propose un serment différent, mais celui-ci n'est pas beaucoup mieux que le premier. En fait, je dirais qu'il est moins acceptable et qu'il ne règle pas le problème. Le gouvernement pense pouvoir présenter un serment que les Canadiens n'appuient pas et au sujet duquel ils n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer. Le député agit comme le gouvernement. Il semble croire, comme les autres membres du gouvernement, qu'il sait mieux que les Canadiens en général quelle devrait être la formulation du serment de citoyenneté. C'est donc le processus qui est en faute. Je n'appuierai certainement pas cette motion car elle n'améliore ni le serment lui-même, ni le processus.

Le vice-président: Je m'excuse auprès des deux députés qui ont présenté des motions. J'avais cru comprendre qu'une motion du groupe était présentée par le Parti réformiste. Je me suis trompé.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, permettez-moi de lire la motion no 9 présentée par le Bloc québécois. Peut-être que mon collègue de l'Alliance canadienne pourra comprendre véritablement l'impact et la notion de citoyenneté que le Bloc québécois cherche à défendre.

    (2.1) Le commissaire présidant la cérémonie doit, lors de celle-ci et en présence d'un représentant du gouvernement du Québec, remettre à tout nouveau citoyen résidant au Québec une copie des documents suivants et expliquer leur objet:

    (i) la Charte de la langue française du Québec (L.R.Q., ch. C-11);

    (ii) la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., ch. C-12);

    (iii) la Loi électorale (L.R.Q., ch. E-3.3);

    (iv) la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales signée le 10 décembre 1986.

Pourquoi demandons-nous que ces documents soient présentés, soient remis aux nouveaux citoyens canadiens?

Il existe naturellement, et nous en convenons, une citoyenneté qui, par définition, est une citoyenneté juridique qui est accordée à des individus appartenant à une communauté politique, avec des droits civiques, politiques et sociaux.

Il y a une citoyenneté qui appartient à une communauté politique avec des droits, mais aussi avec des responsabilités, permettant aux citoyens d'établir des rapports entre eux. Nous convenons tous de cette définition civique et juridique de la citoyenneté et nous l'acceptons.

Ce que nous proposons, c'est d'élargir cette citoyenneté. Nous croyons fondamentalement que cette citoyenneté peut et pourrait être basée sur l'identité collective qui ne repose pas seulement sur des droits et des responsabilités, mais qui pourrait inclure des notions telles que la capacité, pour les citoyens, d'exercer leurs droits et leurs responsabilités.

 

. 1115 + -

Cela pourrait impliquer de donner des moyens aux citoyens, à l'aide de toutes sortes d'outils et de documents qu'on a développés, de participer à la vie collective et sociale du Québec. Nous croyons également qu'il est fondamental que cette citoyenneté comporte la possibilité de s'intégrer en toute solidarité à une communauté.

Ce que nous proposons, c'est une nouvelle citoyenneté qui comprend des notions inclusives, des notions de pluralisme et d'ouverture et, naturellement, des notions plus rassembleuses et ouvertes à tous. Ce que nous demandons, c'est justement de faire en sorte que cette citoyenneté ne soit non pas simplement juridique, mais puisse être reconnue de façon plus large et qu'elle puisse être traduite dans le projet de loi par l'entremise de cet article et de cette modification.

L'amendement que nous proposons aujourd'hui devrait, à notre avis, susciter l'adhésion à la fois des partisans du grand ensemble canadien et des défenseurs d'un Québec souverain, contrôlant totalement son destin. Cet amendement est le fruit d'un héritage, d'un consensus et d'un constat à l'effet qu'il existe une culture publique commune propre au Québec. Celle-ci est le plus extraordinaire levier dont nous disposons pour réussir le défi de l'intégration néo-québécoise. Cette culture publique commune définit la façon et les modalités par lesquelles les citoyens qui choisissent de s'établir au Québec peuvent et doivent participer à la vie publique.

Personnellement, je ne crois pas me tromper en affirmant que cette culture se caractérise par trois grandes composantes lignes de force qui sont au coeur de la société québécoise. Quelles sont-elles? D'abord, c'est une société dont le français est la langue publique commune.

C'est une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et favorisées. Cette participation démocratique est reconnue et protégée par la Loi sur les droits et libertés de la personne qui a valeur de Charte.

C'est également une société pluraliste qui, bien qu'ayant rejeté le multiculturalisme, demeure résolument ouverte aux multiples apports extérieurs, dans les limites qu'impose le respect des valeurs démocratiques et la nécessité de l'échange intercommunautaire.

Au nom de cette culture publique commune, qui est propre au Québec, et de l'épanouissement de la société francophone au destin si singulier en Amérique, nous demandons au gouvernement fédéral d'accepter cet amendement, qui est non seulement présenté par le Bloc québécois, mais qui a reçu l'appui d'un certain nombre de membres de la société québécoise.

Cet amendement a déjà reçu, dans le cadre de l'étude du projet de loi C-63, l'appui d'un certain nombre d'intervenants. Je pense, entre autres, à la Communauté chrétienne haïtienne du Québec, qui a appuyé l'amendement du Bloc lors de l'étude du projet de loi C-63.

Je crois que cela traduit, à mon avis, la volonté des Québécois d'appartenir à une société ouverte sur le monde, pluraliste et capable de protéger les libertés et les droits démocratiques des citoyens. C'est parce que nous croyons à ces valeurs fondamentales que nous avons créé la Charte des droits et libertés de la personne. C'est justement parce que nous croyons fondamentalement à la démocratie que nous avons créé la Loi électorale du Québec. C'est parce que nous estimons que le pluralisme est une des valeurs fondamentales à l'intégration que le gouvernement du Québec a émis la déclaration sur les relations interethniques.

Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est que ces valeurs fondamentales à la société québécoise, caractérisées et incluses dans des documents bien précis, puissent être transmises aux nouveaux citoyens.

 

. 1120 + -

J'en viens maintenant à la motion no 23. Il est assez particulier que mon collègue de Wentworth—Burlington soumette une telle motion, qui se lit comme suit:

    En prêtant allégeance au Canada, je me compte au nombre des Canadiens qui sont unis par leur foi en Dieu [...]

Je rappelle les notions et les valeurs fondamentales que j'ai exprimées plus tôt. Ce sont des valeurs d'ouverture, de pluralisme. Il ne faudrait pas faire en sorte d'exclure un certain nombre de citoyens qui n'auraient pas cette même foi en Dieu, qui n'appartiendraient pas à cette communauté.

Cela m'apparaît fondamental. Et les notions d'inclusion, les notions de pluralisme doivent être incluses dans ce projet de loi. Ma crainte, c'est que la motion no 23 fasse justement cela, c'est-à-dire discriminer et exclure un certain nombre de citoyens qui n'auraient pas cette foi en Dieu.

Mon parti se prononcera contre la motion no 23. Naturellement, je n'ai pas besoin de vous convaincre que mes collègues voteront en faveur de la motion no 9 du Bloc québécois.

Au sujet de cette motion, il m'apparaissait important de bien rappeler les valeurs fondamentales inscrites dans des documents officiels adoptés par l'Assemblée nationale du Québec. La seule prétention est d'informer ces nouveaux citoyens canadiens des valeurs démocratiques, des valeurs pluralistes propres à la société québécoise qui font consensus. Elles font l'unanimité au Québec.

Informons les nouveaux citoyens de leurs droits démocratiques. Informons ces citoyens de leurs droits et libertés. Permettons à des citoyens de bien faire comprendre que nous appartenons à une société française en Amérique. La communauté française du Québec représente 2 p. 100 du continent nord-américain. Nous avons exprimé notre désir de pouvoir nous développer et nous épanouir en français.

La Charte des droits et libertés du Québec le démontre et l'exprime. Nous souhaitons foncièrement exprimer ce même désir aux nouveaux citoyens canadiens.

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je vais parler de la motion no 23, qui a pour objet de remplacer le serment de citoyenneté qui se trouve dans le projet de loi par une autre version.

Je dois corriger ce qu'a dit le député de Lakeland. La deuxième version, que je vais vous lire immédiatement, a été rédigé au cours de la présente législature après de vastes consultations auprès des Canadiens. Jusqu'à maintenant, le gouvernement n'avait pas tenu compte de ce que les Canadiens lui disaient au sujet du serment de citoyenneté, perpétuant une version qui est essentiellement la même que le serment britannique qui existe dans notre pays depuis l'expulsion des Acadiens au milieu des années 1750.

Je vais lire le serment qui figure actuellement dans le projet de loi. Je lirai ensuite le serment de je propose. Le serment qui figure maintenant dans le projet de loi se lit comme suit:

    Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Elizabeth Deux, Reine du Canada. Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à soutenir nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).

Je le répète, cette version est directement issue du serment britannique qui a vu le jour il y a deux siècles. De par son ton et sa teneur, ce n'est pas un serment né au Canada.

Après la tenue des consultations—j'étais membre du Comité de la citoyenneté en 1994-1995—nous avons entendu les commentaires et les suggestions de nombreux Canadiens et groupes ethniques au sujet du serment actuel. Le Comité de la citoyenneté a repris le débat il y a tout juste deux ans et le gouvernement a fait des études approfondies. Il en est ressorti qu'un serment d'allégeance à la reine ne trouvait plus de résonance chez les Canadiens actuels et encore moins chez les nouveaux Canadiens qui arrivent chez nous et qui doivent prêter ce serment.

 

. 1125 + -

Lorsque le projet de loi sur la citoyenneté a été présenté pour la première fois au Parlement, l'année dernière, sous le nom de projet de loi C-63, et que nous avons découvert le serment que je viens de lire, un certain nombre d'entre nous ont été scandalisés. Nous étions absolument scandalisés. Alors, la députée de Brampton-Ouest, le député de Dufferin—Peel—Wellington et moi-même avons uni nos efforts et nous avons rédigé une nouvelle version du serment basée sur ce que nous croyons être le Canada, en tant que parlementaires, ainsi que sur ce que nous avons entendu les gens dire au Comité de la citoyenneté pendant trois ans.

Le résultat est un serment avec trois composantes. Il ne fait plus référence à la reine, mais plutôt, comme autrefois, à Dieu et il tente de résumer les principes qui sont contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés et qui, selon moi, sont les principes qui motivent les Canadiens et décrivent notre identité unique. Voici le serment auquel nous sommes arrivés:

    En prêtant allégeance au Canada, je me compte au nombre des Canadiens qui sont unis par leur foi en Dieu et leur attachement à cinq grands principes: égalité des chances, liberté d'expression, valeurs démocratiques, respect des droits de la personne et primauté du droit.

Permettez-moi de traiter de chacun de ces trois éléments, en commençant par la reine. Les audiences sur la citoyenneté ont fait ressortir que les gens qui viennent de partout dans le monde pour s'établir au Canada ne comprennent pas la référence à la reine lorsqu'ils prêtent leur serment de citoyenneté. D'ailleurs, les propres sondages du gouvernement révèlent que la majorité des néo-Canadiens ne comprennent pas la référence à la reine.

La reine est une souveraine étrangère. Il est vrai que la monarchie a un rôle à jouer dans la société canadienne en tant que personne morale et dans nos fonctions parlementaires, cependant, l'élimination de toute référence à la reine, comme les Australiens l'ont fait en 1993, ne change en rien nos traditions parlementaires, le fonctionnement du Parlement, le rôle du gouverneur général ou quoi que ce soit d'autre.

Dans les témoignages, nous avons entendu beaucoup de personnes venues d'autres pays nous dire que, chez eux, on associe la monarchie britannique à l'esclavage. Je rappelle qu'un premier serment d'allégeance a été exigé des francophones, des Canadiens français et des Acadiens, en 1755 et que, lorsqu'ils ont refusé de prêter ce serment, ils ont été déportés. Ils ont été chassés de Nouvelle-Écosse et éparpillés le long de la côte est des États-Unis.

[Français]

Je pense que la plupart des Acadiens et des Acadiennes refuseraient, aujourd'hui, de prêter un serment qui contiendrait une référence à la monarchie, à cause de ce moment noir de notre histoire.

[Traduction]

De quoi avons-nous l'air lorsque nous mettons la reine dans un serment qui décrit le Canada et que doivent prêter les gens qui nous invitons à venir vivre parmi nous? Je dirais que la reine ne symbolise plus ce qu'est être canadien. En fait, je me demande si la reine a déjà symbolisé l'esprit canadien.

Je ne crois pas qu'il soit déplacé d'éliminer la reine du serment de citoyenneté. Je crois qu'en adoptant un serment où il n'est pas question de la reine, nous nous approprions notre serment de citoyenneté. Les gens qui viennent s'installer ici savent qu'ils arrivent au Canada, pas en Grande-Bretagne, ils ne devraient pas avoir à prêter serment à un souverain étranger, ou au souverain britannique. Ces gens arrivent au Canada. C'est une première chose.

En deuxième lieu, dans le serment que je propose il est dit que les nouveaux arrivants comptent au nombre des Canadiens qui sont unis par leur foi en Dieu. J'ai été très prudent en choisissant cette référence à Dieu. Je tiens tout d'abord à signaler que tous les autres principaux serments de citoyenneté, aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne font allusion à Dieu. Ce qui s'est produit au Canada, c'est que la dernière fois que nous avons examiné notre serment de citoyenneté, nous avons supprimé toute allusion à Dieu.

 

. 1130 + -

En proposant de réinsérer cette allusion, je me contente de refléter ce qui se passe dans la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne dis pas qu'un néo-Canadien venant au Canada doit avoir le sentiment que, en prêtant ce serment, il indique qu'il croit en Dieu ou s'associe à une religion ou à une autre.

La réalité de notre histoire, de notre vie, c'est que tous les types de Canadiens ont un lien avec Dieu. Qu'ils soient chrétiens, musulmans ou autochtones, en fait, 80 p. 100 des Canadiens croient qu'il y a un être suprême. En tant que Canadiens, nous devons notre chance de pouvoir vivre dans l'un des plus merveilleux pays du monde à autre chose que le NASDAQ ou nos richesses minières.

Les Canadiens ne se limitent pas qu'à des choses matérielles et notre pays, c'est plus que la nature; c'est une chose qui dépasse notre intelligence. De façon générale, les Canadiens, en tant que société, croient en cela. Ce que nous disons dans le cas présent, c'est qu'un néo-Canadien qui vient s'établir chez nous va s'associer à cette tradition de la foi en Dieu. Ce n'est pas une idéologie. Cela laisse une certaine souplesse. La personne en question n'a pas à croire en Dieu, car c'est un pays où nous acceptons les gens ayant tous les points de vue possibles. C'est une des raisons pour lesquelles il est possible d'avoir tant de tolérance ici. Il peut y avoir des séparatistes et des gens ayant des idéologies différentes. C'est l'un des grands avantages de notre pays.

Enfin, il y a les cinq principes que sont l'égalité des chances, la liberté d'expression, la démocratie, le respect des droits de la personne et la primauté du droit. Ces principes sont tirés directement de notre Charte canadienne des droits et libertés. C'est ce que nous sommes en tant que Canadiens. C'est l'essence même de la société canadienne. C'est ce qui définit notre tolérance. Il ne s'agit pas simplement d'être égal, mais d'avoir une égalité des chances. C'est la raison pour laquelle nous croyons dans l'assurance-maladie et dans l'enseignement universel. La liberté d'expression, la démocratie et toutes ces choses sont essentielles à notre citoyenneté.

Je tiens à vous dire, monsieur le Président, que c'est ce qui définit les Canadiens. Ce sont les principes qui nous définissent. J'exhorte tous les chefs de parti à permettre un vote libre sur cette question. J'ai entendu le député de Rosemont et je respecte son point de vue. Cependant, cette possibilité de rapatrier la Constitution, de rapatrier le serment de citoyenneté pourrait certes faire l'objet d'un vote libre permis par tous les chefs de parti.

[Français]

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le groupe de motions no 4 du projet de loi C-16.

J'interviendrai tout d'abord sur la motion no 9 présentée par le député de Rosemont. Il trouvera peut-être cela surprenant, mais je suis d'accord avec une bonne partie de ce qu'il propose. Toutefois, je trouve que ce n'est peut-être pas le bon moment, lors de la cérémonie de citoyenneté, de remettre ces documents. Cela devrait être fait bien avant.

Dans sa motion, le député demande que l'on remette au nouveau citoyen:

    (i) la Charte de la langue française du Québec;

    (ii) la Charte des droits et libertés de la personne;

    (iii) la Loi électorale;

    (iv) la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales [..]

Ce sont tous des documents qu'il serait approprié de remettre à ceux qui arrivent au Québec. J'irais même plus loin en disant que ce serait valable pour n'importe quelle province au Canada. Mais on parle ici du Québec. Je pense que les gens qui arrivent au Québec comme immigrants devraient recevoir—je pense qu'ils les reçoivent de toute façon aujourd'hui—tous ces documents, ou à tout le moins être au courant de ces documents et de leur contenu.

 

. 1135 + -

À partir du moment où ils font une demande de citoyenneté, il s'écoule en moyenne sept ans. C'est pour cela que je trouve que c'est un peu tard pour eux pour recevoir ces documents à ce moment-là.

Comme parti, nous devrons malheureusement voter contre cette motion.

Le député de Rosemont parle aussi d'avoir un représentant de la province de Québec présent à la cérémonie d'assermentation. Je n'ai aucun problème avec le fait qu'il soit invité à la cérémonie, mais il ne faudrait pas que sa présence soit absolument nécessaire pour que la cérémonie puisse se dérouler.

Je sais que plusieurs députés fédéraux n'assistent pas aux cérémonies d'assermentation. Je pense que ce serait important et que ce serait même un devoir. J'assiste moi-même à ces cérémonies au moins une fois par année et j'envoie ensuite des lettres de félicitations à tous les nouveaux citoyens de mon comté.

[Traduction]

Je voudrais intervenir au sujet de la motion no 23 présentée par le député de Wentworth—Burlington. Cette motion me pose vraiment un problème. C'est une motion que je ne peux pas appuyer et que notre parti n'appuiera pas. Ce n'est certainement parce que je suis ou je ne suis pas monarchiste, et c'est cette question que j'aborderai en premier.

Si nous voulions changer quelque chose d'aussi important que cela, il nous faudrait d'abord changer notre Constitution. La reine fait toujours partie intégrante de notre Constitution et, tant que nous n'aurons pas apporter à celle-ci une modification majeure, nous ne pouvons pas faire disparaître la Reine du serment de citoyenneté. Le député a parlé de divers pays opprimés où l'on craint la royauté, mais cela va beaucoup plus loin que la royauté. Cette crainte des gens peut aussi s'appliquer aux politiciens. Nous devons être très prudents pour ne pas aller trop loin dans ce sens.

Le député parle aussi des Canadiens qui sont unis par leur foi en Dieu. Je n'hésite pas à dire que je suis chrétien et que je crois fermement en Dieu. Cependant, à l'époque où nous vivons, avec toutes les différentes religions qu'on trouve au Canada, j'ai l'impression que nous les mettons totalement de côté en ajoutant ces mots au serment. À cause de cela, je ne peux absolument pas appuyer la motion.

Les autres points que le député a soulevés au sujet du serment sont très intéressants. Je crois qu'ils sont bons, mais nous devons garder certains éléments du serment qui sont déjà là et qui font partie intégrante de notre Constitution. Par conséquent, je voterai contre cette motion.

Mme Carolyn Parrish (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui à la Chambre pour exprimer mon opposition aux deux propositions d'amendement.

Tout d'abord, la motion no 9 a trait aux lignes directrices concernant les cérémonies marquant la réussite à l'examen de citoyenneté. Il ne faut pas oublier la raison d'être de ces cérémonies, à savoir une célébration. Les participants à ces cérémonies sont là pour être célébrés et non pas pour être politisés. Ils ont réussi un examen. Ils sont accompagnés de leurs familles. J'ai moi-même assisté à plusieurs de ces cérémonies. Ce sont des événements joyeux, surtout pour les gens qui sont venus de pays où ils étaient persécutés et ont eu du mal à en sortir.

Les documents à distribuer sont envoyés aux bureaux locaux et ceux-ci sont très flexibles. Personne dit que le gouvernement du Québec ne peut pas, particulière lors d'une demande relative à l'examen de citoyenneté, être au courant et faire en sorte que les documents sont distribués. Nous n'avons aucune objection là-dessus.

Je voudrais également insister sur le fait que les gens doivent avoir vécu au Québec pendant trois ans avant de pouvoir aller à une telle cérémonie. Ils disposent donc de trois ans pour saisir l'importance de parler français et apprécier la culture québécoise, et je n'ai absolument rien contre cela.

On ne peut forcer le gouvernement du Québec, le gouvernement de l'Ontario ou le gouvernement du Manitoba, par le biais de lois de citoyenneté fédérales, à envoyer un représentant à une cérémonie qui est exclusivement fédérale.

 

. 1140 + -

Je crois qu'il serait déplacé d'entamer un débat politique lors de ce genre de cérémonie. Je ne crois pas que ce soit l'occasion d'essayer de forcer les autres niveaux de gouvernement à participer. Nous avons souvent du mal à amener nos propres députés à assister à ces cérémonies, nous ne sommes donc pas placés pour donner des ordres à d'autres gouvernements, et je ne crois pas que le député d'en face voudrait cela.

Pour ce qui est de la motion no 23, je suis désolé que le député de Wentworth—Burlington ait quitté, car la troisième partie de l'amendement constitue une proposition très intéressante. Son amendement ressemble beaucoup à un smorgasbord; il contient trop d'éléments.

Je suis d'accord avec le député d'en face. Ce n'est ni l'endroit, ni le moment de débattre de la pertinence de la monarchie. Un grand nombre des gens qui viennent s'établir au Canada proviennent de pays du Commonwealth et ne seraient pas le moins du monde surpris de plaider allégeance à la reine, car elle occupe encore une place très importante dans l'âme canadienne.

En ce qui concerne Dieu, je suis d'accord également avec le député conservateur, qui laisse entendre que les gens ont tous une idée très différente de Dieu. Bien des noms sont donnés à un être supérieur, et 20 à 30 p. 100 des habitants d'autres pays ne croient pas en Dieu. Prêter serment au Dieu dans lequel on croit fait partie intégrante de la cérémonie, et ne devrait pas être exclu. Le gouvernement n'appuiera pas ces deux amendements pour de très bonnes raisons.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de participer au débat sur le projet de loi C-16, Loi sur la citoyenneté au Canada. Autrefois, ce projet de loi était connu comme étant le projet de loi C-63.

Je veux profiter de l'occasion pour remercier notre jeune et dynamique collègue de Rosemont. En plus de s'intéresser à la violence à la télévision par le dépôt d'un excellent projet de loi—que vous vous ferez un devoir d'appuyer, j'en suis convaincu, car vous, monsieur le Président, vous êtes toujours tenu à cent lieues de la violence—, il est notre porte-parole en matière de citoyenneté et d'immigration.

Je crois qu'il a été très avisé de suivre les traces de son prédécesseur et de reprendre un amendement qui nous rappelle bien l'importance de la citoyenneté. Dans une société, ce n'est pas banal, la citoyenneté. C'est d'abord la conviction qu'on a de vivre tous ensemble, que l'on a une manière de vivre ensemble qui forme une culture publique commune. Dans la culture publique commune, il y a un certain nombre d'éléments.

On comprendra que la connaissance de l'histoire est un élément important. Sans elle, personne ne peut comprendre le Québec, mais aussi son aspiration à la réalisation de son destin national. Si la Présidence me faisait le plaisir d'opiner du bonnet, cela m'encouragerait drôlement pour la suite des événements.

Quand on parle de l'aspiration du Québec pour réaliser son destin national, il s'agit de cette quête inachevée et ininterrompue qui doit le conduire inévitablement, au cours des prochaines années, à la réalisation de la souveraineté et, bien sûr, à la naissance d'un pays. Le premier ministre du Québec nous l'a d'ailleurs rappelé puisque tout cela est maintenant revenu à l'ordre du jour de l'agenda politique.

La culture publique commune, c'est donc l'histoire. C'est aussi la langue. Personne ne doit ignorer qu'en choisissant de vivre au Québec, on choisit évidemment de participer à une langue vernaculaire qui n'est pas celle de la communauté majoritaire de l'Amérique du Nord, mais celle d'une minorité, et qui est le français. Il ne peut pas y avoir de culture publique commune sans une participation à un langage commun. J'aurai l'occasion d'y revenir, mais je crois que c'est assez central dans la proposition qui est devant la Chambre aujourd'hui.

Parmi les éléments qui constituent la culture publique commune, il y a quelque chose de tout aussi essentiel que la langue, c'est un attachement à la démocratie lorsque l'on parle de la citoyenneté québécoise. J'espère que les députés de l'Alliance canadienne, comme ceux la majorité ministérielle et comme mes collègues du Parti progressiste-conservateur—qui seront réunis en fin de semaine en congrès plénier—savent bien qu'il y a un attachement profond et viscéral à la démocratie au Québec.

 

. 1145 + -

Nous souhaitons que tous les citoyens participent au fonctionnement des institutions et nous disons que la démocratie est un élément extrêmement vivant et dynamique de la citoyenneté.

Comment cette citoyenneté s'exerce-t-elle? Si je demandais à mes collègues comme cela, à brûle-pourpoint, comment elle s'exerce, ils me répondraient qu'elle s'exerce par le droit de vote, par le choix que nous faisons de donner la parole, en notre nom, à des représentants que nous élisons et qui vont, dans les grands dossiers d'actualité, transmettre nos préoccupations dans les différentes institutions délibératives.

On sait que parmi les institutions délibératives les plus importantes qui existent en Amérique du Nord, il y a l'Assemblée nationale. Mon collègue, le député d'Argenteuil—Papineau—Mirabel, connaît mieux cette question-là que moi, puisqu'il est membre de l'Association interparlementaire mondiale. Je crois pouvoir dire que l'Assemblée nationale figure parmi les plus anciens parlements d'Amérique du Nord. Le parlementarisme est né avec l'Acte constitutionnel de 1791. À ce moment-là, il n'y avait pas beaucoup d'endroits en Amérique du Nord où il y avait des parlements. Le Québec peut donc s'enorgueillir d'une tradition démocratique aux racines extrêmement profondes.

Un autre élément de la culture publique commune, c'est celui des relations intercommunautaires. Nous ne concevons pas le Québec comme étant un tout homogène où il n'y a pas d'apports extérieurs des différentes communautés. Le Québec est une terre d'immigration pour un certain nombre de raisons. Il y a, bien sûr, l'attrait qu'exerce le Québec, parce qu'il est au confluent d'un certain nombre de carrefours culturels importants, dont l'Amérique, bien sûr, et la France. Les racines francophiles et francophones du Québec sont évidemment présentes dans son héritage et extrêmement manifestes dans sa société, parce que nous continuons à parler français, mais aussi parce que c'est l'expression de notre culture. Le Québec est au confluent de la société américaine. Ce n'est quand même pas rien d'être le voisin de la première puissance économique du monde.

Rappelons-nous d'ailleurs ce qu'a dit Kennedy. Monsieur le Président, je suis sûr que vous avez été, dans votre prime enfance, déjà pas mal loin derrière vous, un admirateur de John Fitzgerald Kennedy. Qu'a-t-il dit? Il a dit, en parlant de la relation canado-américaine: «La géographie a fait de nous des voisins, l'histoire des amis.»

On comprend la richesse de l'expression; cela veut dire que nous n'avons pas choisi d'être voisin de la plus grande puissance mondiale. Cela a ses avantages et ses désavantages. Cela a eu ses désavantages sur le plan des investissements étrangers, mais cela a également eu ses avantages sur le plan du partage d'un marché commun qui nous appelle à des possibilités d'expansion qui n'ont jamais échappé aux souverainistes. C'est pour cela que très tôt, les souverainistes ont appuyé le précédent gouvernement dans le dossier du libre-échange.

Cela étant dit, cela m'amène à parler de la façon de voir la citoyenneté avec l'agencement des différents apports de communautés culturelles. Par exemple, un député montréalais—je suis un député de Montréal, mon collègue de Rosemont est un député de Montréal et mes collègues sont dans la grande région de Montréal; je laisserai le soin à Mme Harel de définir jusqu'où tout cela doit s'arrêter—ne peut pas être un député de Montréal sans connaître, sans vivre au quotidien, la présence de communautés culturelles extrêmement vivantes.

Par exemple, chez moi, il y a une communauté haïtienne dans le nord de mon quartier. Je crois que dans le comté de Rosemont, la communauté ukrainienne est importante. Chez moi, j'ai également une petite communauté portugaise, dans la partie Bourget, dans l'est de mon comté. Qu'est-ce que cela veut dire?

Je dois faire ici une différence fondamentale. Nous sommes des souverainistes qui croyons qu'il existe une citoyenneté politique québécoise qui doit être reconnue, et j'aurai l'occasion d'y revenir. Mais nous croyons aussi que la société québécoise doit être nourrie par un apport de différentes communautés.

 

. 1150 + -

À la différence du multiculturalisme, nous ne croyons pas qu'une société, c'est la coexistence de toutes ces cultures sans l'imposition d'un facteur commun. Nous croyons qu'il est possible d'avoir un attachement pour sa culture si on est un Haïtien qui vient s'établir au Québec, un Portugais qui vient s'établir à Montréal ou un Ukrainien qui habite dans Rosemont, mais nous demandons de souscrire à une culture publique commune.

Le meilleur geste d'adhésion à cette culture publique commune, c'est bien sûr de faire l'effort de maîtriser la langue au point d'être capable de communiquer dans les différentes circonstances de la vie.

Le multiculturalisme est différent puisque c'est un peu la coexistence de toutes ces cultures où chacun peut continuer à maîtriser sa culture tout en prétendant être Canadien. Ce n'est pas la vision que nous avons de ce côté-ci de la Chambre. Ce n'est pas la vision qu'a le gouvernement du Québec. Ce n'est évidemment pas la vision que nous croyons la plus intéressante pour les Québécois et les Québécoises.

La proposition de notre collègue de Rosemont est extrêmement raisonnable et j'imagine mal qu'on puisse voter contre. Elle veut que, lors des cérémonies d'assermentation, on remette les quatre grands documents symboliques qui attestent de la culture publique commune québécoise. Je parle de la Charte de la langue française du Québec, la Charte des droits et libertés de la personne, la Loi électorale et la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales. Il y aurait un fonctionnaire du gouvernement du Québec qui serait présent pour en expliquer l'importance.

Je répète que le Québec est une terre d'immigration. Avec Montréal, Toronto et Vancouver, il y a trois grandes provinces d'immigration. Le Québec en est une. Nous souhaitons que les immigrants soient nombreux à s'établir au Québec et qu'ils participent activement à cette culture publique commune.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.  

Le vice-président: La mise aux voix sur les motions du groupe no 4 est réputée demandée. Le vote par appel nominal est différé jusqu'à la fin des ordres émanant du gouvernement le mardi 16 mai 2000.

[Traduction]

Conformément à l'ordre adopté le mercredi 10 mai, les motions du groupe no 5 ont déjà été proposées et appuyées et la Chambre en est actuellement saisie. Les motions nos 10 à 14 peuvent maintenant être débattues.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet de ces motions qui ont toutes été présentées par le Parti de l'Alliance canadienne. Ces motions portent sur la question de sanctions appropriées dans le cas d'infractions visées par la Loi sur la citoyenneté.

J'estime qu'en général les sanctions sont extrêmement peu sévères, notamment dans le cas d'un fonctionnaire de la citoyenneté qui enfreint la Loi de la citoyenneté en se laissant corrompre. Je reviendrai là-dessus, mais le problème est général.

La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration dit très souvent que la citoyenneté est une chose à laquelle on doit attacher une grande valeur, mais elle ne prend pas les sanctions en conséquence à l'égard des individus qui font un commerce frauduleux de la citoyenneté et autres choses du genre. C'est regrettable.

Le président du comité et d'autres membres du gouvernement m'ont dit de proposer mes amendements au projet de loi à l'étape de l'examen en comité plutôt qu'à celle du rapport. C'est ce que j'ai fait dans le cas de ce groupe de motions. Le comité n'a même pas voulu écouter ces motions. Il les a rejetées automatiquement. C'est dire comment il fonctionne. J'ai de nouveau proposé mes motions à la Chambre à l'étape du rapport pour montrer aux Canadiens ce que les députés libéraux avaient rejeté en comité. Il est important que le public sache. Il faut lui montrer l'attitude du gouvernement face aux moyens frauduleux qui permettent à des gens de devenir des citoyens et la timidité des sanctions qu'il prévoit pour les combattre. Les motions de ce groupe portent sur ce problème général, mais chacune d'elle vise un aspect légèrement différent.

 

. 1155 + -

Tout d'abord, les motions nos 10 et 11 portent sur l'article 39 qui a trait aux différentes infractions concernant l'obtention de la citoyenneté. Elles comprennent faire une fausse déclaration; commettre une fraude ou dissimuler sciemment des faits essentiels; se procurer ou utiliser le certificat d'une autre personne; et permettre sciemment à une autre personne d'utiliser son certificat pour que celle-ci puisse se faire passer pour un citoyen canadien. Nous pouvons tous nous rendre compte des problèmes que cela poserait. On trouve également les infractions consistant à se livrer au trafic ou d'offrir de se livrer au trafic de documents de citoyenneté.

Ce sont toutes des infractions très graves. Quel genre de peine le gouvernement a-t-il prévu dans la mesure législative lorsqu'une personne est reconnue coupable de ces infractions? Il a prévu des amendes d'un montant maximum de 10 000 $ et/ou un emprisonnement maximal de cinq ans. Les députés savent que la peine maximale d'emprisonnement est de cinq ans, mais constatent aussi que les peines infligées par les tribunaux en vertu de la Loi sur l'immigration et de la Loi sur la citoyenneté sont très faibles et que, souvent, elles ne comprennent pas d'emprisonnement et prévoient une très légère amende.

Il est très important de durcir les peines qui pourraient être imposées afin de montrer très clairement que commet une infraction grave toute personne qui se livre au trafic de documents, falsifie des documents ou entre au pays de façon frauduleuse et se fait reconnaître comme citoyen canadien de façon frauduleuse. Toutefois, le gouvernement ne prend pas la situation assez au sérieux pour mettre en place les peines appropriées.

Un aspect de la situation me choque vraiment. C'est celui des fonctionnaires de la citoyenneté, des gens qui se voient confier un poste de confiance au sein du ministère de la Citoyenneté et qui violent les lois de la citoyenneté en posant des gestes comme délivrer de faux documents ou faire de fausses déclarations concernant des questions de citoyenneté, ou qui commettent des infractions comme accepter des pots-de-vin ou encourager quelqu'un à accepter un pot-de-vin afin qu'une personne puisse obtenir sa citoyenneté en faisant des déclarations fausses et frauduleuses.

Les motions nos 13 et 14 traitent d'infractions comme manquer à diverses dispositions de la loi dans le cas de personnes qui cherchent à corrompre des fonctionnaires de la citoyenneté et à usurper l'identité de ces derniers. Je suis étonné que le gouvernement ait prévu dans le projet de loi, pour les fonctionnaires du ministère qui occupent un poste de confiance et qui violent la loi, exactement la même peine, sans plus, que dans le cas des personnes qui n'occupent pas de poste de confiance et qui violent la loi. Je ne peux comprendre le raisonnement d'un gouvernement qui pense de la sorte. Cela me dépasse complètement.

Si nous voulons dissuader les personnes qui se trouvent dans des situations où elles peuvent gagner beaucoup d'argent en se laissant acheter en échange de l'octroi d'un document de citoyenneté falsifié et frauduleux, nous devons prévoir des peines très lourdes. Ces peines devraient être plus graves que celles appliquées à d'autres pour ce type d'activité. Mais ce n'est pas ce qu'on a fait. Je pense que la proposition à l'étude est inacceptable.

Envisageons les choses telles qu'elles sont dans le monde réel et d'aujourd'hui, en gardant à l'esprit que certaines personnes veulent entrer illégalement au Canada. Si l'une de ces personnes veut faire affaire à un passeur, à un individu qui s'adonne au trafic de personnes, il lui faudra débourser entre 20 000 $ et 70 000 $. C'est beaucoup d'argent. C'est le tarif pratiqué en ce moment, tout dépendant du pays d'origine, pour entrer au Canada illégalement, avec l'aide des passeurs. Pourtant, étant donnée la façon dont le gouvernement a traité le problème dans cette loi, il est possible, pour quelques milliers de dollars, d'acheter un fonctionnaire, d'obtenir un document de citoyenneté falsifié, et non seulement être admis dans le pays, mais en devenir un citoyen à part entière aux yeux des fonctionnaires en place, si les choses sont bien faites, puisqu'il est possible de se procurer les documents appropriés et d'être reconnu comme citoyen.

 

. 1200 + -

Quel que soit le ministère, quel que soit le secteur, il s'en trouvera toujours qui, pour une raison ou une autre, sont disposés à enfreindre la loi pour faire un peu d'argent. Ils ne sont pas très nombreux à agir de la sorte, et je pense qu'il y en a très peu au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui seraient disposés à le faire, mais il y en a tout de même.

S'ils en ont la chance et que les peines imposées ne sont pas lourdes, alors la tentation devient forte. Pour les gens qui ont déjà des tendances dans ce sens, je crois que l'imposition de peines légères constitue un incitatif à se livrer à cette activité illégale qui permettra à des personnes d'être reconnues comme des citoyens canadiens sur la base de faux documents.

Pour cette raison, ma motion demande l'augmentation des amendes imposées. Le gouvernement propose un maximum de 10 000 $ ou une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement. C'est ridicule. Un fonctionnaire pourrait facilement gagner 10 000 $ en une bonne journée de travail, simplement en émettant quelques faux documents, ou une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement.

Nous savons comment ces choses fonctionnent souvent au ministère de l'Immigration, et je présume qu'il en va de même au ministère de la Citoyenneté. Quand il se présente des cas de ce genre, on les balaie sous le tapis. La personne prise en faute n'est pas toujours congédiée. Il est rare que ces gens se retrouvent devant les tribunaux, mais le cas échéant, les tribunaux ne se montrent pas très sévères. Ils savent que la peine maximale est de cinq années d'emprisonnement, mais considèrent souvent que c'est trop. Les tribunaux semblent croire qu'ils doivent plutôt imposer une condamnation avec sursis ou un genre de probation.

À mon avis, pour toutes ces raisons, il est important que la peine maximale soit accrue considérablement. Nous proposons, dans les cas qui impliquent des fonctionnaires de l'immigration, une amende maximale de 150 000 $ pour qu'elle soit vraiment dissuasive, une peine d'emprisonnement de dix ans ou les deux.

À mon avis, l'imposition d'une peine maximale supérieure fera réfléchir les fonctionnaires du ministère. Il est évident que cette mesure ne pourra pas à elle seule régler le problème, et je le reconnais, mais il est important que notre ministère soit bien géré. C'est là la responsabilité de la ministre. La ministre a échoué lamentablement, tout comme le précédent ministre ou celui d'avant. Les trois ministres libéraux de l'Immigration n'ont pas réussi à améliorer la gestion du ministère. Ce n'est pas moi qui dis cela, mais le vérificateur général.

Il y a quelques semaines à peine, le vérificateur général a remis au ministère de l'Immigration le rapport le plus accablant qu'il ait jamais publié sur un ministère. Il a dit que c'était absolument la pagaille dans la gestion, que l'administration ne fonctionnait simplement pas et que la mise en application laissait beaucoup à désirer. Nombre de gens ont déclaré que c'est le rapport le plus accablant que le vérificateur général ait jamais publié.

Le fait de prévoir des peines plus sévères incitera peut-être les gens à y réfléchir à deux fois avant de permettre à des gens de devenir citoyens canadiens quand la loi ne le leur permet pas.

Selon moi, il est honteux que le gouvernement soit si faible lorsqu'il s'agit de protéger la sécurité de notre pays.

Comment pensez-vous que des membres du crime organisé arrivent dans notre pays? Ces gens sont les premiers à ne pas hésiter à soudoyer des fonctionnaires. Ils l'ont fait et ils le feront encore. Ils sont les premiers à utiliser les services de passeurs pour entrer au Canada. Bien entendu, les grands criminels organisés ont d'autres moyens d'entrer au pays, mais ils n'hésitent certainement pas à soudoyer les fonctionnaires. Cela se produit sans cesse. Il est regrettable que le gouvernement prenne cette question aussi à la légère.

Avec les peines légères que le gouvernement a prévues dans ce projet de loi, il aide d'une certaine manière le crime organisé et les terroristes, et les encourage en quelque sorte à soudoyer les fonctionnaires afin de devenir citoyens de notre pays de manière frauduleuse.

 

. 1205 + -

Avant de conclure, j'aimerais signaler que le député de Wentworth—Burlington a proposé un nouveau serment de citoyenneté et que, même si j'ai dit que je ne l'appuyais pas, il y a un aspect de son serment que j'aime. Il s'agit de la référence à Dieu. Dans beaucoup de religions, je dirais même dans toutes les religions, Dieu est un terme générique. Reconnaître l'existence d'un être suprême est extrêmement important. Je pense qu'il faut que ce soit dans le serment.

Je regrette de ne pas avoir moi-même proposé un amendement en ce sens. J'ai ai parlé et je l'ai proposé à plusieurs reprises ces deux dernières années, depuis qu'il est question de ce projet de loi. C'est un changement que j'aimerais voir apporté.

J'ai parlé à des députés de tous les partis à la Chambre et je voudrais demander le consentement unanime pour faire une légère modification. Je pense que c'est un erreur typographique de ma part ou de la part des greffiers. Je veux modifier la version anglaise de la motion no 15, dont voici le texte tel qu'il se présente actuellement:

      «(b) subject to alternative resolution of the House of Commons...»

Je veux remplacer «alternative» par «affirmative». Je propose donc:  

    Que le projet de loi C-16, à l'article 43, soit modifié par substitution, à la ligne 41, page 21, de ce qui suit:

      «b) sous réserve de résolution de ratification de la Chambre des communes, préciser qui peut faire les demandes»

Cette version est conforme aux autres motions. Il est clair qu'il s'agit d'une petite erreur typographique. Je pense, monsieur le Président, que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour faire cette modification.

Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Lakeland demande le consentement unanime de la Chambre pour proposer cet amendement. Le député a-t-il la permission?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. McClelland): Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

(L'amendement est adopté.)

Mme Carolyn Parrish (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, cette série d'amendements aurait pour effet d'augmenter considérablement les amendes et les peines pour les infractions en matière de citoyenneté. Ils sont très cohérents. Ils font tous la même chose.

Le projet de loi C-16 augmente déjà les peines de façon plutôt appréciable. Les nouvelles peines sont également conformes aux peines qui sont proposées pour des infractions déjà prévues dans d'autres lois fédérales y compris le Code criminel.

Je résisterai à l'envie d'exprimer une opinion à propos de la propension des députés d'en face à recourir à l'emprisonnement comme leur punition préférée. Il serait peut-être très bon pour notre économie de remplir nos prisons et d'en construire de nouvelles, mais ce ne serait pas particulièrement bon pour les gens concernés.

Voilà pourquoi je dis que le gouvernement s'oppose à cette série d'amendements.

Le président suppléant (M. McClelland): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. McClelland): Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, les motions nos 10 à 14 du groupe no 5 sont réputées avoir été mises aux voix et les votes par appel nominal sont réputés avoir été demandés et reportés au mardi 16 mai 2000, à la fin de la période réservée à l'étude des initiatives ministérielles.  

*  *  *

 

. 1210 + -

LE CODE CRIMINEL

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 3 décembre 1999, de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il a fallu franchir bien des obstacles pour en arriver à cette étape-ci de l'étude du projet de loi C-18. Cette disposition faisait partie du projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai présenté il y a quelques années. Cependant, le projet de loi est resté en plan en raison des élections de 1997. L'opposition officielle a ramené le projet de loi devant le Parlement du Canada en le présentant sous la forme d'une motion d'opposition faisant l'objet d'un vote, motion qui a été adoptée à l'unanimité.

Le renvoi du projet de loi initial au comité a ensuite été retardé. Nous l'avons enfin examiné l'année dernière, tout juste avant les vacances d'été de 1999. Nous avons pu faire adopter à la Chambre environ 98 p. 100 de la motion d'opposition initiale portant sur la conduite avec facultés affaiblies. Je crois que, à ce moment-là, nous avons franchi un pas de géant en faisant preuve de leadership pour s'attaquer au problème de la conduite avec facultés affaiblies au Canada.

Nous voulions obtenir le consentement unanime pour que le projet de loi précédent ne reste pas en plan en raison des vacances d'été et d'autres retards. Nous sommes parvenus à en faire adopter la majeure partie. Cependant, les députés bloquistes n'étaient pas prêts à accepter la disposition qui, dans le projet de loi initial, octroyait aux juges le pouvoir discrétionnaire de condamner à l'emprisonnement à perpétuité quelqu'un trouvé coupable de conduite avec facultés affaiblies causant la mort lorsqu'il y avait des circonstances aggravantes.

Ce projet de loi vise à régler ce problème, c'est-à-dire le cas d'automobilistes qui sont à nouveau attrapés à conduire une automobile avec les facultés affaiblies alors qu'ils ont déjà eu à leur actif plusieurs condamnations pour cette même infraction, qui ont refusé de se faire traiter, qui ont déjà purgé des peines d'emprisonnement, qui ont peut-être pris le volant alors que leur permis avait été retiré, qui ont peut-être déjà été impliqués dans un accident causant des blessures corporelles. Avec toutes ces circonstances aggravantes à leur actif, ils ont peut-être maintenant causé la mort de quelqu'un en agissant de manière criminelle.

Voici l'outil que nous demandons depuis trois ou quatre ans pour transmettre à la société un message très clair affirmant que le gouvernement fédéral ne considère pas la conduite avec facultés affaiblies comme un simple problème social parmi tant d'autres. Au contraire, nous considérons que c'est un crime grave; la conduite avec facultés affaiblies causant la mort est le plus grave de tous les crimes. On le voit dans les journaux, à la télévision et dans les médias électroniques; il semble que tous les jours des personnes innocentes perdent la vie à cause d'un geste stupide et criminel de la part de quelqu'un qui conduit avec les facultés affaiblies.

Pour récapituler, le projet de loi C-18 vise à modifier le Code criminel dans le cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières. Il fixerait l'emprisonnement à perpétuité comme peine maximale à infliger en cas de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort.

À l'heure actuelle, un juge peut imposer une peine variant de rien du tout à 14 ans d'emprisonnement. Malheureusement, les juges ont créé des précédents au pays en attribuant généralement des peines se situant au bas de cette échelle, soit de six mois à deux ou trois ans, pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort.

 

. 1215 + -

Les registres font état d'un cas où un conducteur avec facultés affaiblies a écopé d'une peine de huit ans d'emprisonnement. Malheureusement, ce précédent n'est pas suivi aussi souvent qu'il l'aurait dû être.

Le projet de loi donnerait plus de latitude aux juges, qui auraient le choix d'imposer des peines allant jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. Dans les cas comportant des circonstances extrêmement aggravantes, un juge pourrait dire à celui à qui il rend une sentence: «Vous représentez une menace pour la société. Vous avez supprimé une vie en commettant un acte criminel. Vous avez supprimé une vie, à cause de votre stupidité. Vous avez supprimé une vie, parce que vous n'avez tiré aucune leçon de vos expériences précédentes. Votre conduite est inacceptable dans notre société. Je vous impose donc une peine d'emprisonnement à vie.»

Je voudrais citer des statistiques, au cas où quiconque aurait oublié le coût humain de la conduite avec facultés affaiblies au Canada. En 1996, 3 420 personnes ont été tuées dans des collisions d'automobiles. En outre, dans environ 1 360 accidents mortels, les tests ont révélé que près de 40 p. 100 des conducteurs avaient de l'alcool dans le sang. Cela signifie que les Canadiens ont deux fois plus de risques de mourir dans des accidents impliquant de l'alcool que par suite de meurtres.

Au plan monétaire, les accidents d'automobile coûtent 390 000 $ lorsqu'ils sont fatals, et quelque 12 000 $ par blessure. Considérant la situation incroyablement désespérée dans laquelle se trouve notre système de soins de santé, ne serait-ce pas fantastique si nous pouvions prévoir une autre désincitation à la conduite avec facultés affaiblies qui permettrait de sauver des vies et d'éviter des blessures? Cela épargnerait en outre beaucoup d'argent qui pourrait être investi dans les services de soins de santé.

Je me permets de citer une autre statistique, car il importe d'avoir ces données pour comprendre à quel point la conduite avec facultés affaiblies est fréquente. En 1998, plus de 70 000 Canadiens ont été accusés de conduite avec facultés affaiblies. Les statistiques montrent aussi que l'on conduit une vingtaine de fois environ avec facultés affaiblies avant d'être arrêté. Ces chiffres ne nous disent pas vraiment combien de personnes conduisent effectivement avec les facultés affaiblies. Elles nous disent seulement combien sont arrêtés. Cela donne le frisson de penser que chaque fois qu'on roule tranquillement quelque part avec les siens, on risque de croiser au moins une ou deux personnes qui conduisent en état d'ébriété.

Le parti de l'Alliance appuie fortement ce projet de loi. Nous croyons que, s'il y a une question dans le Code criminel qui appelle à la stratégie de la dissuasion, c'est bien la question de la conduite avec facultés affaiblies.

Les peines que nous avons pu prévoir dans le Code criminel et les modifications que nous leur avons apportées, alliées à la dernière partie du projet de loi C-18, qui a été présenté et dont une partie a été adoptée, constitueraient un excellent premier moyen de faire comprendre le mieux possible aux Canadiens que, s'ils prennent le volant après avoir consommé des boissons alcoolisées et qu'on les arrête, ils paieront leur crime très cher. Cela donnera aux juges une autre arme dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies.

 

. 1220 + -

Avec l'adoption du projet de loi C-82 qui a été présenté à l'origine, nous avons accompli certains progrès, et je voudrais revenir sur certaines de ses dispositions. Il est important que les Canadiens sachent que des changements ont été apportés et que le gouvernement fédéral a fait un excellent travail, devant l'insistance de l'Alliance, afin que certaines parties du projet de loi C-82 soient adoptées.

Dans le Code criminel fédéral, l'amende minimale pour une première infraction a doublé, passant de 300 $ à 600 $. Pour une deuxième infraction, l'interdiction de conduire est passée de deux à cinq ans, et la peine d'emprisonnement, de six mois à trois ans pour une troisième infraction. En cas de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, le projet de loi C-18 fait passer la peine de prison, actuellement de un à trois ans, à une période variant entre trois ans et la perpétuité.

Une partie du projet de loi disait que le juge peut imposer une peine d'interdiction de conduite pouvant aller de trois ans à une interdiction à vie à quelqu'un qui a commis une infraction n'entraînant ni lésions corporelles ni mort. Nous devrions être prêts à examiner ces dispositions et à reconnaître que c'est effectivement une peine sévère que les juges peuvent imposer. Dans une situation où il y a eu un mort à cause d'une personne qui conduisait avec des facultés affaiblies et qui a tout simplement enfreint les lois de notre société, nous pensons que le juge devrait avoir le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Dans le projet de loi C-82, nous avons aussi adopté une disposition concernant l'utilisation d'antidémarreur avec éthylomètre. Ce dispositif est de plus en plus connu des Canadiens. Il empêche une personne de conduire son véhicule avant d'avoir fourni un échantillon d'haleine. Si le dispositif décèle la présence d'alcool dans l'haleine de la personne, le véhicule ne démarrera pas.

Dans le projet de loi C-82, nous avons aussi accru la peine prévue pour ceux qui quittent les lieux d'un accident ayant entraîné des lésions corporelles. Le maximum a été porté de cinq à dix ans. L'Alliance canadienne s'en félicite. Nous avons aussi allongé le délai pendant lequel les forces de l'ordre peuvent exiger un échantillon d'haleine. Il passe de deux à trois heures. Il est souvent arrivé que, à cause d'une pénurie d'agents ou de problèmes de logistique, il ne soit pas possible de respecter cette limite de deux heures. Les agents ont maintenant une heure de plus.

Voici une autre modification dont je me réjouis grandement. Nous avons fait passer de deux à cinq ans la peine pour conduite pendant la suspension du permis. Pendant de longues années, dans l'ensemble du Canada, des gens ont perdu leur permis pour avoir conduit en état d'ébriété. Quelles que soient leurs raisons, un grand nombre d'entre eux ont refusé de tenir compte de cette interdiction et ont conduit quand même. La peine passe donc de deux ans—ce qui me paraît long, mais tout le monde ne pense peut-être pas comme moi—à cinq ans. C'est une modification importante, selon nous.

Lors de l'étude du projet de loi C-82, nous souhaitions un certain nombre de changements qui n'ont pas été retenus. Je vais en rappeler quelques-uns avant de conclure en parlant de l'urgence du projet de loi C-18.

Le projet de loi C-82 était sans doute un bon premier pas. Il a lancé un message plus sévère aux conducteurs en état d'ébriété. Nous aurions voulu aller plus loin dans bien des cas, mais je pense tout de même que les modifications du Code criminel auront des résultats.

 

. 1225 + -

Avant que le projet de loi C-82 n'atteigne l'étape de l'étude en comité, il y avait 13 ans que le gouvernement fédéral n'avait pas examiné les dispositions du Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies. Compte tenu des pertes humaines et financières que la conduite avec facultés affaiblies engendrent année après année, je crois qu'il était plus que temps d'effectuer cet examen mais nous y sommes finalement arrivés au bout de 13 ans.

Nous aurions souhaité que le gouvernement fédéral hausse de 300 $ à 1 000 $ le montant de l'amende minimale obligatoire pour conduite avec facultés affaiblies. Nous avons seulement obtenu qu'elle soit portée à 600 $.

Nous souhaitions également qu'une modification soit apportée au Code criminel pour que seule la preuve d'un mauvais fonctionnement de l'ivressomètre soit admise en défense contre une accusation d'alcoolémie supérieure à 0,08. Cela permettrait d'éliminer la défense fondée sur la soi-disant «consommation de deux bières». En effet, les juges au Canada acceptent trop souvent ce moyen de défense, malgré le fait que la couronne produise une preuve documentée des résultats de l'ivressomètre, malgré le rapport de l'agent de police ayant effectué l'arrestation, qui démontre clairement que la personne arrêtée semblait incapable de réussir les tests simples auxquels elle a été soumise, et en dépit des preuves que les gens jugeraient normalement suffisantes pour entraîner une condamnation.

Des avocats de la défense font parfois appel à des témoins qui déclarent: «J'ai passé toute la soirée en compagnie de l'accusé et il n'a consommé en tout et pour tout que deux bières.» Malgré une preuve documentée qui indique un taux d'alcoolémie de 0,15, certains juges demandent au témoin: «Deux bières? Vous êtes sûrs?» Et ce dernier de répondre: «Oui, Votre Honneur, deux bières». Beaucoup plus souvent qu'on ne le croit, des juges ont accepté cette défense. Voilà une attitude qui me paraît tout à fait irresponsable de la part de ces juges. Ils n'ont tout simplement pas compris le message.

Nous espérions également pouvoir faire abaisser la limite du taux d'alcoolémie de 0,08 à 0,05. Nous voulions une telle mesure parce que si les preuves montrent clairement qu'avec un taux d'alcoolémie de 0,08 la personne avait certes les facultés affaiblies, il existe une marge d'erreur qui a été invoquée par la défense et fixée au fil des ans par les juges, de sorte que personne n'a jamais été condamné à moins d'afficher un taux d'alcoolémie d'au moins 0,1. Si nous avions diminué le taux d'alcoolémie à 0,05, la marge d'erreur aurait porté à 0,08 le taux à ne pas dépasser, et le problème aurait été réglé. Malheureusement, il y avait bien trop d'avocats au sein du comité permanent lorsque nous avons examiné cette question et ils ont levé les yeux au ciel en disant que cela pourrait devenir un cauchemar judiciaire, de sorte que nous n'avons pas procédé de cette façon.

Le projet de loi C-18 est une importante mesure que prend le gouvernement canadien pour signifier aux Canadiens qui ont été victimes d'un conducteur avec les facultés affaiblies et à leur famille qui pleure la perte d'un enfant ou d'un proche que le Parlement fait preuve de leadership.

 

. 1230 + -

L'adoption du projet de loi C-18 tombe à point nommé, car elle nous permettrait de régler un problème criminel. C'est pourquoi nous l'appuyons sans réserve.

En terminant, je voudrais proposer:  

    Que la question soit maintenant mise aux voix.

Le président suppléant (M. McClelland): La motion est recevable. Selon la coutume, nous pourrions reprendre immédiatement le débat et décider qu'il n'y ait pas d'amendement.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi C-18 traitant de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort.

En commençant, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour féliciter mon collègue de Berthier—Montcalm pour son travail comme porte-parole en matière de justice pour le Bloc québécois. Il fait un travail inlassable dans ce dossier, et je lui lève mon chapeau.

J'aimerais préciser que la position du Bloc québécois dans ce dossier sera d'être contre le projet de loi C-18. Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté quant à notre position. J'aimerais qu'il soit établi clairement, dès le départ, que le Bloc québécois ne veut nullement cautionner la conduite de véhicules automobiles, quels qu'ils soient, alors que les facultés du conducteur sont affaiblies par l'alcool ou autre chose.

J'entends déjà certains ténors de droite, pour ne pas dire certains ténors situés à ma droite ici, à la Chambre des communes, certains députés de l'Alliance canadienne, venir déchirer quelques chemises, en disant: «Cela n'a pas de bon sens. Le Bloc québécois ne devrait pas être contre cela. C'est un fléau, actuellement, dans la société. Il y a des organismes, comme MADD.»

Nous, députés, recevons beaucoup de documentation de MADD, Mothers Against Drunk Driving, ou Mères contre l'alcool au volant. Une dame qui a perdu son fils et son père dans des accidents causés par des conducteurs ayant les facultés affaiblies a créé cette association.

Je veux insister là-dessus: on ne veut pas cautionner cela. Par contre, nous, les députés du Bloc québécois, sommes d'avis que la peine assortie à cette infraction est irréaliste; elle est inapplicable. Il peut y avoir une peine inscrite dans le Code criminel, mais si elle ne veut rien dire, parce que les juges considèrent qu'elle est inapplicable, à quoi cela sert-il de modifier le Code criminel en ce sens?

 

. 1235 + -

On sera peut-être surpris de voir que le porte-parole du Bloc en matière de transports s'exprime sur la question, mais il y a quand même un lien entre la conduite automobile et le transport routier, que ce soit par automobile ou par camion.

Je dois aussi préciser que ma formation d'avocat et ma pratique avant que j'entre en politique m'ont fait prendre conscience qu'il est important que les législateurs que nous sommes adoptent des modifications au Code criminel ou à toute autre loi qui soient applicables. C'est le cas du projet de loi C-18. Si on appliquait ce que le gouvernement propose, ces dispositions seraient inapplicables, mais également incompatibles avec d'autres types d'offenses prévues dans le Code criminel, et j'aurai l'occasion d'y revenir.

Le Bloc québécois est d'avis que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une infraction très grave. Néanmoins, adopter le projet de loi C-18 reviendrait à nier les caractéristiques propres à cette infraction et créerait un important déséquilibre dans notre système pénal. C'est ce que nous aurons l'occasion d'illustrer tout à l'heure.

Les statistiques démontrent que les tribunaux sont loin d'avoir épuisé la marge de manoeuvre dont ils disposent actuellement en vertu des dispositions du Code criminel. La peine d'emprisonnement la plus importante imposée par les tribunaux pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est, à l'heure actuelle, de dix ans.

Les tribunaux, qui sont les mieux placés pour analyser les caractéristiques de chaque contrevenant, n'ont pas épuisé les ressources du Code criminel qui établit actuellement à 14 ans la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort.

La proportion de personnes écopant de peines d'incarcération après avoir été reconnues coupables, par les tribunaux, de conduite avec facultés affaiblies, a décru entre 1994-1995 et 1997-1998, passant de 22 p. 100 à 19 p. 100. Les peines d'emprisonnement imposées dans ces cas sont majoritairement des sentences inférieures à deux ans.

On est donc en mesure de voir une disposition législative qui prévoit une peine maximale beaucoup plus élevée, mais en toute logique, en toute justesse et en toute justice, nos magistrats, nos tribunaux, majoritairement, imposent des peines inférieures à deux ans.

N'oublions pas l'aspect dissuasif de la peine. N'oublions pas l'aspect de réprobation sociale que crée une infraction punie par la société. C'est pour cela que les gens qui font des choses incorrectes doivent être punis par les tribunaux au moyen de peines. C'est pour cela que nous avons un Code pénal, c'est pour cela que nous avons un Code criminel.

En tenant compte de ce que je disais plus tôt, que les juges, majoritairement, imposent des sentences inférieures à deux ans, pourquoi nous, comme parlementaires, devrions-nous légiférer pour permettre l'emprisonnement à perpétuité si les tribunaux ne sont pas enclins à utiliser pleinement les outils auxquels ils ont actuellement accès?

Bien que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort soit une infraction d'une importance considérable, il est faux de prétendre qu'on fait face actuellement à une flambée de la criminalité dans ce domaine.

En 1998, au Canada, 103 personnes ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, ce qui représente la plus basse fréquence depuis 1989. Je comprends que 103 personnes condamnées, c'est encore trop. Je comprends qu'on devrait tendre vers zéro. Mais est-ce que cela représente vraiment une situation problématique au Canada, 103 personnes, malgré que ce soit encore trop? Mais c'est quand même la plus basse fréquence depuis 1989.

 

. 1240 + -

Avec ce vent de droite, ce vent de l'Alliance canadienne qui souffle chez nos amis libéraux d'en face, on dirait qu'ils se sentent obligés de réagir et de répondre par des lois beaucoup plus sévères.

Nous sommes peut-être à environ 12 à 15 mois d'une prochaine élection générale au Canada et nous savons que les libéraux se sentent menacés par la montée de l'Alliance canadienne dans l'Ouest canadien. Ils se sentent donc obligés d'utiliser le même langage et les mêmes mots présentés par des acteurs différents.

On constate qu'avec ce vent de droite qui souffle de plus en plus au Canada, celui-ci est devenu un champion de l'incarcération. Derrière quel pays se place-t-il pour ce qui est de son taux d'incarcération? Avec quel pays se compare-t-on? Au niveau de l'incarcération, le Canada est numéro 2. Qui est le numéro 1? On pourrait se demander si c'est un modèle de paix sociale et de quiétude, si c'est un pays qui a des rues sûres où les gens peuvent être en sécurité, ou si des jeunes se promènent dans les polyvalentes avec des pistolets et massacrent littéralement les gens.

Je parle de meurtres, mais on pourrait parler de toutes les infractions violentes. Le pays qui incarcère le plus sur la planète, ce sont les États-Unis. Le Canada est le deuxième pays qui incarcère le plus les gens. Posons-nous des questions.

Comparons-nous avec les pays européens. En Europe, à ce que je sache—en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie—ce n'est pas la loi de la jungle. Ce ne sont pas des corridas judiciaires. Ce n'est pas l'anarchie sociale. Je pense qu'il existe quand même un équilibre sociétal raisonnable en Europe. On constate donc que le Canada incarcère aujourd'hui deux fois plus que la plupart des pays européens.

Même les juges de la Cour suprême dénoncent la trop grande facilité avec laquelle le législateur fédéral a recours à l'emprisonnement pour traiter les problèmes de délinquance. Même les juges de la Cour suprême, nommés par le gouvernement fédéral sur la recommandation de la ministre de la Justice, qui elle veut modifier le Code criminel dans ce sens, dénoncent le plus grand recours à l'incarcération.

Je vais citer les juges Cory et Iacobucci, de la Cour suprême, dans l'arrêt Gladue:

    Le Canada fait figure de chef de file mondial dans de nombreux domaines et particulièrement en matière de politique sociale progressiste et de droits de la personne. Malheureusement, notre pays se distingue aussi à l'échelle mondiale par le nombre de personnes qu'il met en prison. Bien que les États-Unis, avec plus de 600 détenus pour 100 000 habitants [...]

Aux États-Unis, il y a 600 détenus pour 100 000 habitants. On en envoie des gens en prison. Est-ce que ça va bien aux États-Unis, quand on constate à tous les jours ce qui arrive dans des McDonald's où des désaxés se procurent facilement des armes et font une razzia contre des gens qui sont en train de manger tranquillement leurs hamburgers, ou ce qui arrive à des gens qui sont en train de prendre une marche dans un centre d'achats? Ce sont des cas qu'on voit de plus en plus aux États-Unis. Je vous fais grâce des jeunes de 10, 12, 14 ans qui commettent des crimes avec des armes à feu. Mais aux États-Unis, on incarcère 600 détenus pour 100 000 habitants.

 

. 1245 + -

Je continue la citation des juges de la Cour suprême:

    Bien que les États-Unis, avec plus de 600 détenus pour 100 000 habitants, aient de loin le plus haut taux d'incarcération parmi les démocraties industrialisées, le taux au Canada est d'environ 130 détenus pour 100 000 habitants, ce qui le place au deuxième ou troisième rang.

    Qui plus est, le taux d'incarcération par les tribunaux canadiens s'est accru considérablement au cours des dernières années, avec cependant une légère baisse récemment [...]

En 1987, dans la même veine, la Commission canadienne sur la détermination de la peine écrivait ceci dans son rapport intitulé «Réformer la sentence: Une approche canadienne»:

    Le pourcentage de la population canadienne qui est incarcérée n'est pas aussi élevé que celui de la population américaine, mais il dépasse celui de la plupart des autres démocraties occidentales.

Je continue la citation du rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine:

    Depuis plusieurs décennies, bon nombre de groupements et de comités et commissions chargés par le gouvernement fédéral d'étudier les divers aspects du système pénal ont affirmé que l'incarcération ne devrait être qu'une solution de dernier recours ou qu'elle devrait être réservée aux auteurs des infractions les plus graves.

Ces mots sont importants, parce que cela introduit l'autre partie de mon exposé où je dis qu'on va regarder comment ce type d'infraction se compare à d'autres types d'infraction. Si on considère que c'est une infraction très grave, on va regarder comment le Code criminel punit d'autres infractions très graves.

La Commission canadienne sur la détermination de la peine dit également ceci:

    Cependant, malgré la fréquence avec laquelle cette recommandation a été formulée, peu de pas ont été faits dans cette direction.

En proposant l'emprisonnement à perpétuité pour les personnes rendues coupables de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort, la ministre de la Justice fait fi des commentaires de sa propre Cour suprême, comme je le disais tout à l'heure.

La solution, c'est la prévention. L'incarcération doit être la solution de dernier recours pour régler le problème de la criminalité. Or, la ministre de la Justice n'a pas démontré qu'elle avait épuisé tous les outils mis à sa disposition pour contrer le problème de la conduite avec facultés affaiblies et ainsi protéger la situation. Elle a donc décidé d'opter pour la simplicité et la facilité en augmentant les peines d'emprisonnement. Elle a opté pour la politique du moindre effort de l'Alliance canadienne, alors qu'elle pouvait agir autrement.

Il existe des outils efficaces autres que l'incarcération pour réduire le nombre d'infractions reliées à la conduite avec facultés affaiblies. C'est le cas, notamment, d'une plus grande utilisation des systèmes antidémarreurs avec éthylomètre auxquels nous souscrivons.

L'Alberta et le Québec sont actuellement les seules provinces à imposer les systèmes antidémarreurs comme condition d'obtention d'un permis restreint pour les conducteurs sous le coup d'une suspension provinciale de leur permis.

Un antidémarreur—on le rappelle pour les gens qui nous écoutent—est un dispositif qui permet de déterminer le taux d'alcool dans le sang à partir d'un simple échantillon de l'haleine du conducteur. Ce système empêche la mise en marche du véhicule si le taux d'alcool est supérieur à un seuil prédéterminé.

Actuellement, seules les personnes accusées d'une première infraction de conduite avec facultés affaiblies peuvent faire l'objet d'une ordonnance visant à réduire la période d'interdiction de conduire, afin de permettre l'utilisation d'un système antidémarreur.

Le Bloc québécois est d'avis que le Code criminel devrait être amendé afin de rendre obligatoire l'installation des systèmes antidémarreurs, lorsque le délinquant est un récidiviste. Le député de Berthier—Montcalm, porte-parole du Bloc en matière de justice, déposera sous peu un projet de loi à cet effet.

Ce type de programme s'avérerait beaucoup plus efficace que l'incarcération. Non seulement, ce système empêche les contrevenants de commettre une infraction, mais il permet aussi de les éduquer. Imposer l'emprisonnement à perpétuité pour conduite avec facultés affaiblies pourrait générer des non-sens.

 

. 1250 + -

Par exemple, un conducteur ivre dont la négligence ne fait par ailleurs aucun doute—on est d'accord là-dessus—pourrait être condamné plus sévèrement qu'un tueur à gages qui, ayant savamment calculé l'assassinat d'un individu, bénéficie d'une réduction de peine à titre de délateur.

Est-ce qu'un individu, parce qu'il a trop fêté lors du Jour de l'an, devrait être traité de la même façon qu'un membre du crime organisé? Certes, les deux individus ont commis des actes répréhensibles. Cependant, on conviendra avec moi qu'ils possèdent des profils fort différents et que le projet de loi C-18 a pour effet de nier cette réalité.

De plus, il faut considérer un certain type de peines qui se rapportent à d'autres infractions dont les caractéristiques sont assimilables à celles de la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. Ainsi, pour la conduite dangereuse entraînant la mort, le Code criminel, au paragraphe 249(4), prévoit une peine d'emprisonnement de 14 ans.

On pourrait aussi citer d'autres types d'infractions. Par exemple, la tentative de meurtre est passible de 14 ans d'emprisonnement. La complicité après le fait peut entraîner une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. La participation aux activités d'un gang—ce sont des criminels endurcis—est passible de 14 ans d'emprisonnement. Pour ce qui est des voies de faits graves, c'est également 14 ans de prison.

Le gouvernement fédéral ne connaît qu'une vitesse quand il est question de justice pénale, c'est l'excès. Que ce soit dans le dossier des jeunes contrevenants ou dans celui de la conduite avec facultés affaiblies, la ministre de la Justice a démontré encore une fois son incapacité de pouvoir gérer des problèmes complexes sans avoir recours à des mesures dangereusement répressives.

Or, cette attitude n'est aucunement justifiée puisque la criminalité est à la baisse au Canada depuis plusieurs années. De plus, aucune étude ne démontre l'efficacité d'une telle approche.

En conclusion, on sait que la politique de la loi et de l'ordre est très payante politiquement, et la ministre de la Justice le sait fort bien.

[Traduction]

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, je ne sais trop si c'est avec plaisir que l'on peut participer au débat, mais celui-ci devrait tous nous intéresser et j'estime qu'il est important pour notre parti et pour tous les députés. La question est très sérieuse. Nous parlons d'êtres humains blessés ou tués dans des accidents qui ne devraient tout simplement pas avoir lieu.

Je suis donc très heureux de prendre la parole pour exprimer mon appui inconditionnel au projet de loi C-18. Ce projet de loi modifiera le Code criminel en augmentant la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort à l'emprisonnement à vie. Il prévoit également le prélèvement d'échantillons de sang en vue de déceler la présence de drogue. Les modifications donnent aux forces policières le pouvoir de prélever un échantillon de sang sur un individu soupçonné de l'infraction, même s'il est incapable de donner son consentement.

J'ai été vendeur d'automobiles pendant 18 ans et pendant ce temps, et même avant cela, les accidents d'automobiles représentaient une partie de notre chiffre d'affaires. Beaucoup des accidents étaient provoqués par des conducteurs ayant les facultés affaiblies et, la plupart du temps, il y avait des morts. Je peux encore me rappeler de chaque cas. Je me souviens que chaque jour les dépanneuses nous apportaient des carcasses d'automobiles et les pièces tordues nous disaient assez bien la gravité des blessures et même les décès des personnes impliquées. Ces pertes de vie n'étaient pas nécessaires.

 

. 1255 + -

Je pense particulièrement aux jeunes qui ont été impliqués dans de nombreux accidents. Je pense à toutes les vies perdues. Je pense à certains jeunes que je connaissais bien et qui ne sont plus avec nous aujourd'hui, des jeunes extraordinaires qui sont disparus à jamais.

À mon avis, on ne devrait avoir aucune tolérance à l'égard de cette infraction, et j'appuie sans réserve la peine plus sévère proposée dans le projet de loi C-18. Nous voulions que ce projet de loi soit mis en délibération plus tôt, mais même avec ce retard, nous sommes quand même heureux d'en être saisis aujourd'hui et de reprendre le débat à ce sujet.

Nous avions amorcé ce débat en décembre 1999. À ce moment-là, mon parti avait demandé au gouvernement de faire adopter rapidement ce projet de loi prévoyant une peine d'emprisonnement à vie pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, mais des mois se sont écoulés depuis ce temps et le Parlement n'a pas beaucoup avancé dans ce sens.

Nous sommes heureux de reprendre ce débat aujourd'hui, mais nous nous inquiétons du retard et nous nous posons de sérieuses questions au sujet des priorités du gouvernement. Il semblerait que celui-ci est maintenant impatient de faire avancer le débat sur le projet de loi C-17, qui porte sur la cruauté envers les animaux. Pendant ce temps, ce projet de loi, qui est tellement important à mon avis et de l'avis de mon parti, dort au Feuilleton. Il est difficile d'expliquer comment le projet de loi sur la cruauté envers les animaux peut être plus important que celui-ci, même si la cruauté envers les animaux est certainement une question importante qui mérite d'être examinée.

Hier, le gouvernement a soulevé la question des 175 millions nécessaires pour les travaux routiers dans l'Ouest du pays pour répondre aux besoins de l'industrie du grain, alors que toutes les provinces du pays ont déjà fait des demandes dans ce sens pour la réfection des routes et des autoroutes, d'un bout du pays à l'autre, dans le but de sauver des vies.

Le meilleur exemple de cela est l'autoroute 101 en Nouvelle-Écosse où plus de 50 personnes ont été tuées en six ou sept ans. La plupart des victimes étaient dans la vingtaine ou même plus jeunes. Là encore, le gouvernement a choisi de ne rien faire pour résoudre le problème de ces autoroutes, même s'il y avait des morts en cause, préférant accorder la priorité au transport du grain. Le gouvernement verse de l'argent pour améliorer les routes qui servent au transport du grain, mais continue de refuser d'améliorer les routes pour sauver des vies et éviter des accidents. Cela démontre bien quelles sont les priorités du gouvernement et il est difficile de justifier ou même de comprendre les schèmes de pensée qui se trouvent à la base de l'établissement de ces priorités.

Je m'inquiète également de savoir qu'il y a 3 400 décès par année sur les autoroutes canadiennes et que le gouvernement fédéral ne fait rien et ne mène pas d'enquête pour découvrir la cause de ces accidents. Toutefois, le Bureau de la sécurité des transports du Canada fait enquête sur tous les accidents de train ou d'avion qui se produisent au Canada, qu'il y ait des morts ou des blessés ou non. Au cours des cinq dernières années, il n'y a eu en moyenne qu'environ 100 décès par année attribuables à des accidents d'avion, alors que 3,400 personnes ont perdu la vie sur les autoroutes. On ne se penche pas sur la cause de ces accidents. Peut-être devrait-on le faire. En fait, je suis d'avis qu'on devrait se préoccuper davantage de la question de l'état des autoroutes que des transports dans ces accidents.

Le projet de loi C-18 visant à accroître les peines imposées pour la conduite avec facultés affaiblies devrait être considéré comme une priorité. Il devrait être accepté très rapidement par la Chambre. Il porte sur la disposition d'emprisonnement à perpétuité qui figurait initialement dans le projet de loi C-82, Loi modifiant le Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies. Cette mesure a été adoptée au cours de la dernière session. Le projet de loi C-18 donnera au juge la latitude voulue pour imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité. La mesure n'exige pas l'imposition de l'emprisonnement à perpétuité, mais elle donne au juge, une fois examinées toutes les circonstances de l'affaire, la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, et nous sommes entièrement d'accord.

Nous avons été déçus quand tous les partis ont adouci leur position au cours du débat sur le projet de loi C-82 et ont renoncé aux dispositions relatives à l'emprisonnement à perpétuité afin d'en assurer l'adoption rapide. Ce fut une erreur à mon avis et de l'avis de notre parti, et c'est pourquoi nous appuyons le projet de loi C-18. Nous espérons qu'il sera adopté.

Nous avons appuyé le projet de loi C-82, mais nous voulions qu'on l'améliore. Nous avons été déçus de le voir édulcorer. Nous voulions qu'on améliore la loi désuète actuelle en prévoyant des peines, des amendes et des suspensions de permis. Cette mesure ne donnait pas aux policiers suffisamment de pouvoir pour protéger la société des buveurs invétérés qui résistent au changement. Quand on examine les statistiques, on constate que ce ne sont pas les jeunes qui sont récidivistes maintenant, mais les conducteurs plus âgés qui ont adopté un style de vie et pris des habitudes dont ils trouvent difficile de changer. Les jeunes bénéficient des programmes de sensibilisation contre la conduite avec facultés affaiblies que dispensent le gouvernement fédéral, les provinces et le système d'éducation. Ce sont cependant les récidivistes plus âgés qui causent les problèmes.

 

. 1300 + -

La saison des bals des finissants et les vacances estivales approchent rapidement. D'après les chiffres compilés par MADD, les Mothers Against Drunk Driving, une victime sur huit d'accidents routiers faisant des morts et des blessés est un adolescent. Il me semble, à moi qui m'occupait auparavant de commerce de voitures et qui suis maintenant porte-parole de mon parti en matière de transports, que les chiffres sont encore pires. Je pense à la route 101 en Nouvelle-Écosse, où plus de la moitié des personnes tuées sur cette route étaient dans la vingtaine ou plus jeunes. Les conducteurs plus jeunes semblent être touchés davantage que tous les autres. MADD estime que l'alcool joue un rôle-clé dans un grand nombre d'accidents de ce genre.

En 1997, la plus récente année pour laquelle nous disposons des données, 404 jeunes âgés de 15 à 19 ans ont été tués et 28 780 autres ont été blessés dans des accidents de la route. Mais la statistique la plus préoccupante c'est que 40 p. 100 des jeunes conducteurs tués avaient bu. Trois quarts d'entre eux avaient des niveaux d'alcool supérieurs à la limite permise et pouvant dépasser 150 milligrammes. Les mauvaises habitudes acquises à un très jeune âge posent un problème chronique. Les récidivistes, ce ne sont pas les jeunes conducteurs, mais plutôt les vieux.

Des groupes tels que MADD travaillent d'arrache-pied afin de régler ce problème à un très jeune âge. Ils cherchent des moyens d'élever l'âge minimum pour consommer de l'alcool. Ils veulent que soit élevé l'âge minimum pour conduire. Bien des provinces ont instauré des systèmes selon lesquels les jeunes conducteurs se voient d'abord conférer un permis temporaire et ne deviennent titulaires d'un permis permanent que lorsqu'ils ont fait la preuve qu'ils étaient assez mûrs. En outre, certaines provinces ont introduit une technologie qui, par le truchement d'une carte à puce, permet de vérifier l'âge d'un jeune qui veut acheter de l'alcool.

Or, MADD n'obtient pas suffisamment d'attention et de collaboration de la part du gouvernement fédéral, et cela, même si l'organisme est très respecté et apprécié pour le bon travail qu'il accomplit. Son seul objectif est d'empêcher des conducteurs ivres de tuer encore plus de gens.

L'effort déployé par MADD vise à mettre fin au phénomène de l'alcool au volant chez tous les groupes d'âge. Mais il sera insuffisant s'il n'obtient pas la mesure législative qui puisse l'appuyer dans ses démarches et si la police n'est pas équipée des outils nécessaires. Il semble actuellement que les provinces mènent la bataille contre la conduite en état d'ébriété et avec facultés affaiblies en adoptant des démarches novatrices.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a récemment adopté, dans le cadre de la Loi sur les véhicules à moteur, une mesure législative sévère contre la conduite avec facultés affaiblies, mesure qui est entrée en vigueur le 1er décembre dernier. En Nouvelle-Écosse, tout conducteur appréhendé dont le taux d'alcoolémie varie entre 0,05 et 0,08 voit son permis de conduire suspendu pendant 24 heures. Il n'est pas considéré avoir commis une infraction. Des infractions sont commises lorsque le taux d'alcool s'élève à 0,08, mais, même avant cela, les permis sont immédiatement suspendus pendant 24 heures. Aucune accusation n'est portée, mais ce bon et solide avertissement attire l'attention des conducteurs. À Halifax, pendant les fêtes, l'an dernier, la police a effectué 8 000 contrôles routiers et personne n'a été accusé de conduite avec facultés affaiblies. C'était toute une réussite pour la police de Halifax.

En poursuivant son approche sévère, le gouvernement conservateur de la Nouvelle-Écosse songe à la possibilité d'imposer des frais de gîte et de couvert de 100 $ par jour aux conducteurs ivres qui sont incarcérés. Cette idée n'en est qu'à ses débuts, mais ce fardeau supplémentaire devrait être sérieusement envisagé. Les gens qui conduisent avec des facultés affaiblies doivent assumer la responsabilité de leurs actes.

L'Ontario est une autre province qui montre la voie à suivre. Elle en a eu assez d'attendre que le gouvernement fédéral agisse. Donc, en 1997, comme les statistiques de la province montraient que plus de 300 personnes avaient été tuées dans des accidents liés à la conduite avec facultés affaiblies, la province a agi. Ainsi, en Ontario, si un conducteur est arrêté à trois reprises pour conduite avec facultés affaiblies, son permis de conduire est suspendu à jamais, et cette suspension est levée après 12 ans si le conducteur installe un anti-démarreur dans son véhicule. Avec une suspension à vie, les conducteurs ne doivent plus jamais reprendre le volant. L'Ontario a fait passer les amendes de 300 $ à au moins 2 000 $. Ainsi, les juges ont la latitude voulue pour décider de la peine convenable à imposer à une personne et ils ont les moyens nécessaires à leur disposition. Le gouvernement fédéral ne donne pas aux juges et aux policiers les moyens dont ils ont besoin.

Il est temps que le gouvernement fédéral suive l'exemple de ces deux provinces et qu'il s'attaque au problème en adoptant une attitude sévère envers les contrevenants. C'est on ne peut plus important car il y a des morts et des blessés en cause, essentiellement des jeunes.

 

. 1305 + -

Le gouvernement fédéral avait la possibilité de faire comprendre aux Canadiens que la conduite en état d'ébriété ne serait plus tolérée, mais il s'en est abstenu. Chacun de ces accidents peut enlever la vie ou causer d'horribles blessures. Les personnes qui, conduisant avec des facultés affaiblies, sont à l'origine d'un accident entraînant des blessures ou la mort d'un tiers, devraient être traitées de la même façon qu'une personne qui, armée ou autrement, en tuerait une autre. Tuer quelqu'un, c'est toujours tuer quelle que soit la façon dont on s'y prend. Il ne peut y avoir d'excuse et les auteurs devraient être traités de la même façon.

Pourtant, les libéraux continuent de retarder le projet de loi C-18. Ils montrent qu'ils hésitent à aller de l'avant. Il traîne les pieds. Nous disons que nous ne devrions pas baisser les bras à la Chambre, tant que les statistiques sur la conduite en état d'ébriété n'auront pas été ramenées à zéro.

Il est des aspects positifs au projet de loi C-18, que nous approuvons et appuyons. Porter à trois heures le délai dans lequel le test avec un ivressomètre ou un autre appareil de détection approuvé doit être administré et exiger la stricte observation du taux légal de 0,08 d'alcool dans le sang, voilà autant de modifications efficaces qui aideront la police dans l'exercice de ses fonctions.

Les campagnes d'information précoces offrent l'unique moyen de démarrer ce processus. Nous sommes en faveur de la sensibilisation. Nous sommes également en faveur de la sensibilisation des conducteurs plus âgés, ceux qui ont entre 35 et 45 ans, car, dans l'état actuel de choses, c'est dans cette catégorie d'âge que l'on retrouve les récidivistes les plus fréquemment inculpés sous ce chef d'accusation. Ce ne sont pas les conducteurs âgés de 16 à 21 ans qui causent le plus de dégâts, car les 35 à 45 ans nous posent de sérieux problèmes quand ils conduisent en état d'ébriété.

Il y a également des conséquences financières qui sont de plus en plus importantes. Sur deux ans, une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies coûte au moins 5 000 $ en primes d'assurances supplémentaires au conducteur en cause. Pourtant, même compte tenu des difficultés financières, de la honte résultant de la publication des noms et de tout le reste, on a encore du mal à faire passer le message aux conducteurs âgés de 35 à 45 ans, qui devraient pourtant savoir à quoi s'en tenir.

Cette question pose de nombreux problèmes aux policiers. C'est une des questions qu'ils trouvent le plus difficile à traiter. Il faut en moyenne deux heures et 48 minutes aux policiers pour traiter une accusation criminelle. Les policiers ont besoin d'avoir accès à des appareils mobiles d'analyse d'haleine, à des appareils de vérification de la sobriété et à des détecteurs d'alcool passifs pour accroître l'efficacité de leur travail. Ils font de leur mieux avec les outils dont ils disposent, mais à l'heure actuelle, ils n'ont tout simplement pas ce qu'il faut pour s'acquitter de leur travail.

Malgré un retard d'un an, je voudrais remercier la ministre de la Justice d'avoir tenu sa promesse et d'avoir à nouveau prévu l'emprisonnement à perpétuité dans le projet de loi C-18. Nous ne pouvons qu'espérer que tous les partis comprendront l'importance de cette mesure législative et l'adopteront rapidement. Je peux dire au nom du Parti conservateur que nous allons certes l'appuyer.

Le projet de loi C-18 modifie le Code criminel afin de prévoir l'emprisonnement à perpétuité comme peine maximale à infliger en cas de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort et autorise le prélèvement d'un échantillon de sang en vue de déceler la présence de drogue. La modification donne aux policiers le pouvoir de prélever un échantillon de la personne en question même si elle ne peut donner son consentement.

En terminant, je tiens à dire que ce sont des outils nécessaires que nous devons mettre entre les mains des policiers. L'objectif final est de mettre un terme aux décès et aux blessures. Il s'agit de lutter contre la conduite avec facultés affaiblies et de rendre nos routes plus sûres.

Sur ce, je voudrais reprendre les paroles de la présidente de MADD, Carolyn Swinson, dans la lettre qu'elle a envoyée au bureau de notre collègue, le 31 mars 2000. Elle a résumé alors les sentiments de la population relativement au projet de loi C-18. Elle a dit que son...

      ...objectif personnel est de faire en sorte que ce projet de loi soit adopté et reçoive la sanction royale au Sénat avant l'été, alors que les routes seront remplies de familles en vacances.

À l'instar de mon parti, je souscris à la position de MADD là-dessus.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir de prendre la parole quand vous occupez le fauteuil. Il me semble que de ce temps-ci, vous faites pas mal de temps supplémentaire.

Qu'on me permette, avant d'aborder le fond du projet de loi à l'étude, de rappeler que le 13 mai prochain, je fêterai mon 38e anniversaire de naissance, soit samedi qui vient, et j'aimerais remercier tous mes collègues qui m'ont fait parvenir leurs bons voeux.

 

. 1310 + -

La Présidence a eu l'amabilité de me faire parvenir une petite carte de souhait. Je veux dire à ceux qui ne l'ont pas encore fait qu'il ne reste plus qu'une journée. Cela fait toujours plaisir, on le sait, que les gens pensent à nous en ce moment très personnel où on fête notre anniversaire. Je n'ai pas reçu beaucoup de cartes du NPD, mais tout cela pourra se corriger d'ici quelque temps. Alors, je les mets en demeure de s'exécuter. Du côté ministériel, ce fut assez tranquille aussi, mais enfin, il reste une journée. J'ai également un frère jumeau et je lui transmets vos bons voeux.

Allons à l'essentiel. C'est avec beaucoup de tristesse que je dois informer la Chambre que malgré la tradition de collaboration que le Bloc québécois a toujours déployée lorsque les projets de loi ont été raisonnables, nous ne serons pas en mesure d'appuyer le projet de loi C-18.

J'ai partagé, il y a quelques semaines, avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, mes préoccupations concernant le Code criminel. Elle sait que j'ai même poussé le sérieux jusqu'à m'inscrire à un cours en droit criminel avec Mme Grondin, à l'Université d'Ottawa. Celle-ci a été un excellent professeur.

J'ai eu droit à un examen coriace, il faut le reconnaître, mais je crois qu'on n'a jamais trop de connaissances lorsqu'il s'agit de prendre des décisions, ici, comme législateurs. Je le dis avec beaucoup d'aisance parce que la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine a elle-même fait son droit au début des années 1980, à l'UQAM. C'était l'époque où non seulement la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine était libérale, mais je crois qu'elle était même un peu bolchévique à ses heures. Cela étant dit, elle a toujours maintenu des préoccupations sociales qui sont toutes à son honneur, il faut quand même le dire.

Sur l'essentiel, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi C-18 parce qu'il est excessif. Il faut quand même reconnaître qu'il y a une certaine mesure, une certaine tempérance, une certaine rigueur et un certain équilibre qui sont nécessaires lorsqu'on nous propose un projet de loi.

Je veux d'ailleurs, avant d'aller au fond du débat, dire comment nous avons pu, au sein du caucus du Bloc québécois, profiter de l'expertise du député de Berthier—Montcalm, qui est lui-même un excellent juriste, un des plus brillants de sa génération, quelques fois têtu, reconnaissons-le. Je crois qu'il est quand même un des plus brillants juristes de la Chambre.

Je me permets de souhaiter, en notre nom à tous, que le député de Berthier—Montcalm sollicite un troisième mandat. Je sais qu'il pourra compter sur l'appui du président de l'association libérale de son comté qui a eu des propos extrêmement durs à l'endroit du premier ministre. La circonscription de Berthier—Montcalm est une pépinière de contestation, un milieu où la critique a le vent dans les voiles. Je ne serais pas surpris de constater qu'à cette école où la critique est nécessaire, le député de Berthier—Montcalm ait été un chargé de cours.

Sur l'essentiel du projet de loi C-18, je salue mon collègue de Burnaby—Douglas, à qui je demande de me faire parvenir des voeux de bon anniversaire pour le 13 mai, puisqu'il est sans doute le député de la Chambre à l'endroit de qui je suis le plus attaché.

Je poursuis donc en revenant à l'essentiel. Le projet de loi C-18 est un projet de loi excessif. Comment peut-on nous demander à nous, parlementaires, d'imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité—les mots ont quand même un sens— dans le cas où la conduite avec facultés affaiblies entraîne un homicide involontaire ou des lésions corporelles causant la mort? Il faut replacer les choses dans leur juste contexte.

 

. 1315 + -

Parlons de l'essentiel du Code criminel. Le Code criminel c'est une loi. On peut penser que ce n'est pas une loi, mais c'en est une. C'est une loi qui contient plusieurs centaines d'articles. Il y a des articles sur le proxénétisme, sur les taux d'intérêts usuraires, sur les biens mis en gage, sur l'homicide, sur la diffamation. Il y a l'article 347 sur les taux d'intérêts réputés usuraires. C'est une pièce législative maîtresse. Mais dans une société où on veut que le recours au droit pénal soit pris au sérieux, il doit exister un équilibre entre les sanctions qu'on nous propose comme législateurs et le délit qui est commis.

On sait que notre système de justice est un système adversarial. Il y a toujours, d'un côté, la Couronne, qui est incarnée par les gens qui défendent l'État et, de l'autre, la partie défenderesse. Même si le législateur a codifié et prévu au sein du Code criminel un certain nombre de peines suggérées, il faut savoir que c'est toujours discrétionnaire.

Qu'on me permette d'interrompre mon discours pour livrer un message que je n'hésiterai pas à rendre public avec l'aimable permission des députés de la Chambre. Je suis un peu ému. C'est écrit: «Bon anniversaire, bises, Svend Robinson.»

J'aimerais qu'on m'applaudisse puisque ce sera ma fête le 13 mai. Merci à tous ceux qui ont eu la délicatesse d'esprit de me faire parvenir leurs bons voeux à mon frère jumeau et à moi. On sait que ce sont ces délicatesses qui accentuent le plaisir qu'on a à travailler ensemble. Merci à tous mes collègues. J'aurai 38 ans et la quarantaine me guette, mais je dois dire que je me considère assez en forme pour mon âge. Encore une fois, merci à notre collègue Svend Robinson.

Le Code criminel doit donc être le reflet de ce que nous souhaitons obtenir comme efficacité en matière de détermination de la peine. On se rappelle qu'il y a quelques années, nous avons amendé le Code criminel. Je dois m'interrompre à nouveau car les bons voeux affluent.

Un homme que la Chambre apprécie beaucoup, un des plus brillants défenseurs de la classe ouvrière, m'a fait parvenir un autre télégramme de bonne fête. C'est écrit: «Bonne fête et longue vie, Yvon Godin, Acadie—Bathurst». Je remercie mon collègue et au nom de...

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. L'honorable député sait bien qu'on ne peut pas lire les noms des députés. On peut seulement dire le nom de leur circonscription. Tout le monde le sait bien et on peut citer l'honorable député d'Acadie—Bathurst sans mentionner son nom. J'espère que l'honorable député d'Hochelaga—Maisonneuve se conformera au Règlement.

M. Réal Ménard: Vous avez raison, monsieur le Président, mais j'ai pensé que cette période d'allégresse privilégiée, où on fait un peu le point sur nos vies personnelles, vous aurait amené à être un peu plus indulgent. Je veux remercier le député d'Acadie—Bathurst qui, on le sait, a été une voix extrêmement tonitruante à la Chambre pour défendre les travailleurs et les travailleuses. Je crois qu'il doit obtenir notre reconnaissance. Cela clôt la période «anniversaire».

Je veux revenir sur un projet de loi extrêmement important, le projet de loi C-18, où il doit exister un équilibre entre la détermination de la peine et le délit que nous considérons. C'est tellement vrai qu'il y a quelques années, nous avons amendé le Code criminel pour dire que socialement il y avait certaines circonstances et certains délits qui seraient considérés comme aggravant la peine.

Nous avons, par exemple, adopté des dispositions concernant les crimes haineux. Nous avons convenu, entre autres, comme société et comme parlementaires, que dans les cas où on tabasse des gens en raison de leur orientation sexuelle, la magistrature n'aurait pas d'autre choix que d'imposer des sentences plus lourdes aux gens qui se sont rendus coupables de tels sévices.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir s'il n'y a pas quelque chose d'un peu démesuré à vouloir incarcérer à perpétuité une personne qui va conduire avec des facultés affaiblies et entraîner la mort d'une autre personne?

 

. 1320 + -

Nous devons, bien sûr, prendre toutes les mesures à notre disposition pour dissuader les gens de conduire en état d'ébriété. Le Bloc québécois souscrit aux mesures comme les campagnes d'information.

On se rappelle des campagnes d'information qui ont été lancées, avec la collaboration d'un certain nombre de câblodistributeurs, concernant l'alcool au volant. Tous vont se rappeler la campagne «L'alcool au volant, c'est criminel». Je crois qu'on a raison de ne pas tolérer ce genre de comportement. Mais entre notre volonté de dissuader les gens de conduire avec les facultés affaiblies, et le fait de leur imposer des sentences à perpétuité, il m'apparaît qu'il y a un écart qu'il ne faudrait pas franchir comme parlementaires.

Le député de Berthier—Montcalm, dont nous connaissons tous l'immense talent, nous a bien fait valoir en caucus que tout cela était extrêmement important.

Je m'interromps encore une fois. Je ne peux pas ne pas porter à la connaissance de la Chambre que des fleurs me sont offertes. Cela vient d'une source anonyme. Ce sont des petites roses rouges. Comme nous sommes tous un peu socialistes à la Chambre, je veux remercier cette source anonyme, mais le plaisir n'en est pas moins grand.

Je poursuis en disant que le Bloc québécois ne pourrait pas se rendre à l'argument des députés ministériels qui souhaitent que nous puissions imposer des sentences et que nous donnions à la magistrature la possibilité de donner des sentences à perpétuité à une personne qui se rendrait coupable de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort.

Malgré l'intensité des émotions qui sont les miennes en ce moment, qu'on me permette de partager avec les députés de la Chambre un éditorial paru dans le quotidien La Presse.

C'est vraiment incroyable. Je ne sais pas comment aborder la situation, mais je veux partager avec les auditeurs la note suivante: «Bon anniversaire à un collègue brillant et charmant. Vive le Québec libre». C'est signé «le premier ministre». Alors là, vraiment, je suis un homme comblé. J'ai ici la pièce justificative. Mais on enchaîne.

Le journaliste Pierre Gravel, qui n'est pas à la solde du Bloc québécois et dont on connaît le sérieux, l'intégrité et la capacité d'analyse, écrivait l'éditorial suivant le 3 juin 1999. C'est donc quelque chose d'assez récent. Il disait:

    On a souvent reproché au Bloc québécois de faire de l'obstruction systématique à Ottawa. Simplement pour démontrer que le régime fédéral ne peux pas fonctionner. C'est un grief qu'on ne pourra cependant pas lui faire pour son intervention dans le débat sur les sanctions à imposer aux automobilistes conduisant en état d'ébriété.

    C'est, au contraire, dans ce dernier cas, son attitude ferme qui a largement contribué à modérer le zèle excessif [...]

Je répète:

      [...] à modérer le zèle excessif des grands apôtres de la tolérance zéro. Et, du même coup, à replacer toute la discussion à ce sujet dans une perspective raisonnable, où les sanctions liées à ces infractions ne seront pas disproportionnées par rapport à des crimes aussi graves qui valent à leurs auteurs des peines beaucoup moins lourdes.

    Ce n'est pas d'hier que ce problème préoccupe les autorités fédérales qui, année après année, voient le nombre d'accidents graves reliés à ce facteur prendre la dimension d'une calamité. Pour la seule année 1997, on a dénombré au Canada pas moins de 193 accidents reliés à la consommation d'alcool et ayant causé la mort d'au moins une personne.

    La publication de statistiques de ce genre aurait suffi à alerter n'importe quel gouvernement responsable sur la pertinence de revoir les mesures préventives et répressives susceptibles de limiter ce gâchis.

 

. 1325 + -

On dit encore dans cet article:

    C'était d'ailleurs le mandat d'un comité des Communes sur la justice qui, ces derniers mois, s'est astreint à revoir toutes les lois pouvant avoir une incidence sur ce sujet afin de faire des recommandations à la ministre Anne McLellan en prévision du dépôt d'une proposition de changement à apporter à la législation actuelle.

    Mais, lorsque le gouvernement [...]

Monsieur le Président, je vous invite à être particulièrement vigilant, ainsi que mes collègues ministériels. Je ne vais pas lire trop vite pour que ce ne soit pas trop pénible pour les interprètes. Je déposerai ce document pour que ce soit plus facile pour les débats.

On peut donc lire:

    Mais lorsque le gouvernement, comme c'est le cas présentement, affronte une opposition ultraconservatrice et populiste, comme le Parti réformiste [...]

Vous comprenez que cela était avant que survienne ce grand brassage où les forces de droite se sont unies, en espérant qu'un jour elles formeront le gouvernement. Tout cela, on le comprend, est de l'ordre du fantasme beaucoup plus que de la réalité, mais ce n'est pas le propos de l'auteur.

    Mais lorsque le gouvernement, comme c'est le cas présentement, affronte une opposition ultraconservatrice et populiste, comme le Parti réformiste, qui préconise toujours les peines les plus sévères pour faire régner partout la loi et l'ordre, on s'expose inévitablement à voir émerger [...]

Je crois que c'est l'essentiel de la thèse de l'auteur.

      [...] les solutions les plus radicales qui ne tiennent pas toujours compte de toute la réalité. Et qui ont comme principal mérite de calmer la grogne d'une population excédée dont le désir de vengeance est constamment exacerbé par beaucoup de démagogues.

L'expression n'est pas du Bloc québécois, je le rappelle, mais bien sûr du journaliste Pierre Gravel.

    Quand, en plus, le parti au pouvoir [...]

Il s'agit ici des libéraux, dont vous êtes vous-même issu, monsieur le Président...

      [...] sent le besoin impérieux de gagner en popularité auprès d'un groupe de citoyens qui applaudissent devant l'attitude intraitable de l'opposition, on se retrouve avec un projet inacceptable [...]

J'espère que les ministériels ont compris.

[Traduction]

Je souhaiterais que les ministériels ouvrent bien leurs oreilles pour entendre comme il faut.

[Français]

Je le dis en anglais pour être bien sûr que cela n'échappe pas à la vigilance des députés ministériels. Je poursuis donc:

      [...] on se retrouve avec un projet inacceptable comme celui qui a suscité l'opposition irréductible et, dans ce cas, totalement justifiée du Bloc québécois.

C'est donc un vibrant hommage à la lucidité du Bloc québécois qui a été rendu par le journal La Presse, dont on ne peut évidemment pas dire qu'il peut être soupçonné de sympathie à l'endroit de la cause souverainiste.

Je poursuis la lecture de cet éditorial:

    Il aurait en effet dû sauter aux yeux de ses rédacteurs que, quoi qu'aient pu soutenir les adeptes de la sévérité sans nuance, on tombait dans le délire absolu en réclamant l'emprisonnement à vie pour des automobilistes en état d'ébriété ayant provoqué un accident mortel. Il suffit pour s'en convaincre d'observer toute la gamme des nuances qui permettent à n'importe quel assassin ou tueur à gages de «négocier» avec les autorités en s'assurant une peine réduite en échange d'une collaboration ou d'un aveu plus ou moins spontané. Comme l'a justement noté le leader du Bloc, il y a une sorte d'aberration à vouloir absolument emprisonner pour la vie un conducteur qui a commis une bêtise, énorme mais néanmoins non préméditée, alors qu'un criminel ayant soigneusement organisé la mort de quelqu'un pourra s'en tirer avec une peine de quatorze ans de pénitencier.

Voilà l'incohérence la plus fondamentale. Je poursuis la pensée de M. Gravel, où il dit:

    Il est indéniable qu'il faut envoyer un message clair à tous ceux qui ont un comportement assez irresponsable pour prendre le volant en état d'ébriété. Mais si la peur est le commencement de la sagesse, on devrait peut-être commencer par leur faire savoir qu'à l'avenir les juges auront une plus grande marge de manoeuvre pour imposer des sentences plus sévères. Mais aussi que celles-ci devront vraiment être purgées.

J'ouvre une petite parenthèse pour dire que j'ai reçu un autre message de bons voeux. Je me permets de le rendre public, puisque nous sommes payés pour rendre publics nos points de vue:

    Cher collègue

      Je te souhaite une belle journée de fête. Que cette journée soit remplie de bonheur et de joie pour toi et ton frère jumeau.
      Amicalement,
      Une députée qui veille sur toi mais qui est plus belle que toi.

Il s'agit de la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine et je la remercie en votre nom. C'est toujours agréable de sentir de la franche camaraderie.

 

. 1330 + -

Nous ne serons donc pas en mesure d'appuyer le projet de loi. Nous souhaitons que le gouvernement retrouve le caractère raisonnable que les contribuables attendent du parti ministériel. Je remercie tous ceux qui ont rendu cette intervention possible.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention le discours de mon collègue, qui a été un peu déconcentré, à quelques occasions, en raison de son anniversaire de naissance, mais qui a traité sérieusement de ce sujet, puisqu'il faut penser également aux victimes qui décèdent lors de ces accidents causés par quelqu'un qui conduit en état d'ébriété.

Comme mon collègue le soulignait, il faut éviter de tomber dans l'exagération, parce que lorsque les peines sont trop sévères, il y a des effets pervers. J'étais au comité, l'année dernière, parce qu'il y avait des cas à soulever, dans mon comté comme ailleurs.

Si la peine devient trop sévère, c'est un encouragement à ce qu'on appelle des délits de fuite. Imaginez quelqu'un qui cause un tel accident, si la peine est trop sévère, comme l'emprisonnement à vie, il sera peut-être incité à fuir ses responsabilités, à ne pas se rapporter ou tenter d'aider la victime, ne serait-ce qu'en appelant les secours le plus rapidement possible.

En voulant appliquer une mesure sévère à un geste, je pense qu'il faut faire attention aux effets pervers. J'aimerais entendre les commentaires de mon collègue là-dessus.

L'an dernier, la Chambre a corrigé une situation, et nous étions d'accord pour traiter aussi sévèrement les gens qui faisaient des délits de fuite que ceux qui causaient la mort, de façon involontaire bien sûr, en raison de leur état d'ébriété. Il y a eu un nouvel équilibre. C'était une situation qu'il fallait absolument changer.

Il me semble que si une peine d'emprisonnement à vie est maintenue dans un tel cas, on incite à nouveau les gens à commettre des délits de fuite. J'aimerais entendre les commentaires de mon collègue là-dessus.

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je ne peux qu'adhérer sans réserve aux propos toujours très nuancés et judicieux du député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière dont le pragmatisme a toujours été une valeur ajoutée pour cette Chambre.

Je crois qu'il traduit le point de vue du caucus, lorsqu'il dit qu'il y a un seuil au-delà duquel la détermination d'une peine en raison de son caractère excessif est contre-productive. J'entendais en arrière-plan les propos non moins judicieux du député de Chambly, lui-même juriste. Il nous rappelait que la conséquence pratique d'un projet de loi comme celui-là, s'il était adopté, c'est d'autoriser et d'encourager les délits de fuite.

Est-ce que c'est ce qu'on veut comme parlementaires? Je crois me rappeler que dans le Code criminel, il y a une disposition qui oblige à prêter assistance lorsque la vie d'une personne est menacée, mais je ne peux malheureusement citer l'article.

Nous sommes profondément conscients qu'il faut dissuader les gens de conduire en état d'ébriété. Nous ne croyons pas que, socialement, cet objectif sera atteint par la détermination d'une peine excessive. Pensons-y: l'emprisonnement à perpétuité.

Bien sûr, la détermination de la peine est à la discrétion de la magistrature, mais il reste que la conséquence pratique du projet de loi qui est proposé sera de permettre à un juge d'emprisonner à vie une personne qui a conduit en état d'ébriété, alors que les gens les plus criminalisés de notre société—on parle de ces bandits de grand chemin qui nous terrorisent—pourraient s'en sortir avec 14 ans de prison.

Il me semble qu'il ne faut pas être grand clerc. Il me semble que le point de vue défendu par le Bloc québécois en est un d'équilibre, de justesse et de rationalité, qui fait en sorte que nous devons atteindre cet équilibre entre ce qui est possible dans le Code Criminel et ce que nous devons poursuivre, en ce qui a trait à l'intégrité des individus.

 

. 1335 + -

Ce que je demande au gouvernement, il me semble que cela n'est pas excessif, c'est de rappeler le projet de loi, de ne pas le remettre au Feuilleton, pour qu'au Comité permanent de la justice, les parlementaires puissent se pencher sur cette problématique.

Nous n'en minimisons aucunement l'importance. Je n'aimerais pas que demain matin, ma soeur, mon frère ou mon petit neveu soient blessés mortellement des suites d'une collision avec quelqu'un en état d'ébriété. Nous ne souhaitons pas, comme parlementaires, vivre cela dans nos vies personnelles, mais je crois que la démesure ne peut pas nous amener à adopter des projets de lois qui sont aussi radicalement déraisonnables.

Je crois que le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice est avec nous aujourd'hui. Je lui dis, comme on l'a toujours fait—nous sommes une opposition responsable—, que lorsque le gouvernement présente des projets de lois empreints d'équilibre et qui servent les intérêts supérieurs du Québec, nous votons en faveur de ceux-ci. La liste des projets de lois que nous avons appuyés est longue. Nous l'avons toujours fait avec ce même souci d'équilibre et de sens des responsabilités qui doivent transcender les clivages partisans.

Je le répète, ce projet de loi ne peut pas être appuyé, comme le disait le député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, parce qu'il est, à sa face même, excessif.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, je ne peux pas poser ma question sans d'abord souhaiter à mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve une journée toute particulière en ce jour de son anniversaire.

Je veux savoir si le député, qui est érudit, qui connaît et qui étudie tous les projets de loi qui sont déposés à la Chambre, ne trouve pas que dans les responsabilités des citoyens et dans la criminalité qu'on décrète sur les gestes qu'ils posent, il doit y avoir une espèce de gradation qui fait que les sentences doivent également correspondre à l'intention criminelle?

Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'on ne devrait rencontrer personne qui conduise en état d'ébriété. À moins d'être un hurluberlu, personne ici ne pourrait prétendre que c'est une bonne chose. Toutefois, on assiste au Québec à une recrudescence—et cela doit être la même chose partout ailleurs au Canada—de ce que l'on appelle en langue étrangère pour moi, des «hit and run».

Le fait d'être trop sévère ne va-t-il pas finir par augmenter ces fameux «hits and run» en vertu de la législation qu'on s'apprête à adopter? Lorsque, par exemple, quelqu'un qui fait, par distraction, un excès de vitesse avec sa voiture reçoit une amende plus forte que la personne qui a pris un bâton de baseball et qui est allé agressé son voisin, on se dit qu'il y a là un non-sens.

Je voudrais que le député d'Hochelaga—Maisonneuve puisse nous dire s'il est juste de dire que la sentence pour un comportement répréhensible ne doit pas être hors de proportion, non seulement avec le geste posé, mais avec l'intention de poser le geste? C'est toute l'histoire de la mens rea, l'intention coupable qui, dans ce projet de loi, semble être totalement ignorée. On sait que cela prend deux choses pour faire un crime: l'actus reus et la mens rea. Cela prend le geste et l'intention.

Je donne un exemple que j'ai étudié en droit. Quelqu'un entre par infraction dans un domicile, plante un poignard dans le dos de la personne—c'est déjà arrivé—, et la personne, en état de panique, saute du deuxième étage pour fuir l'agresseur et se tue.

Les tribunaux ont dit que l'actus reus ou le geste de planter le couteau n'était pas la résultante du décès de la personne. On me dira que c'est une aberration. Il ne faudrait cependant pas que le projet de loi qu'on étudie amène à des aberrations semblables. Je me demande si le député de Hochelaga—Maisonneuve, mon collègue dont c'est l'anniversaire aujourd'hui—tempus fugit, n'est-ce pas, le temps fuit—, pourrait nous dire si cela a fait l'objet de ses préoccupations? Est-ce que le brillant député et juriste pourrait nous le dire?

 

. 1340 + -

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je remercie le député de Chambly pour son érudition, car il est est un des rares esprits en cette Chambre qui peut disserter à la fois sur l'histoire de France, sur le dernier référendum et citer de mémoire le Code criminel.

Je crois qu'il est vraiment un des esprits les plus inspirants de cette Chambre, qui n'en compte pas tant que cela, finalement. Mais de ce côté-ci, il n'y en a quand même pas mal.

En conclusion, je dois dire que le député de Chambly a compris l'essentiel de la position du Bloc québécois. Il est allé à la quintessence de nos préoccupations. Nous croyons qu'il y a un divorce par excès entre les objectifs que poursuit le projet de loi et les voies utilisées pour y parvenir.

Je ne sais pas si j'ai le temps d'expliquer un peu l'actus reus et la mens rea.

M. Ghislain Lebel: Pour le bénéfice de cette Chambre.

M. Antoine Dubé: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Après les nombreux témoignages de bonne fête à l'endroit du député de Hochelaga—Maisonneuve, je pense que l'on devrait lui faire un cadeau, et avec le consentement unanime, on pourrait lui accorder cinq minutes de plus pour qu'il nous explique cela.

Le vice-président: Peut-être, mais il y aura toujours d'autres occasions. Le temps est bien expiré, comme on le sait.

La Chambre consent-elle à ce que le député de Hochelaga—Maisonneuve puisse continuer son explication pour une minute?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

[Traduction]

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je ne reprends pas le débat, je voulais seulement profiter de l'occasion rapidement pour souhaiter à notre vis-à-vis brillant et charmant un joyeux anniversaire de la part des députés de ce côté-ci de la Chambre.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je trouve important de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-18, portant sur la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort.

Le projet de loi du gouvernement fédéral, à mon avis, va beaucoup trop loin en prévoyant que quelqu'un qui est condamné pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort soit emprisonné à vie. Je pense que c'est dépasser les objectifs du Code criminel.

Le Bloc québécois est donc contre le projet de loi C-18, mais est d'avis que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est effectivement une infraction très grave. Néanmoins, pour nous, adopter le projet de loi C-18 reviendrait à nier les caractéristiques propres à cette infraction. Cela créerait un important déséquilibre dans notre système pénal.

On dit que les peines actuelles ne sont pas pleinement utilisées. Effectivement, les statistiques démontrent que les tribunaux sont loin d'avoir épuisé la marge de manoeuvre dont ils disposent actuellement en vertu des dispositions du Code criminel.

La peine d'emprisonnement la plus importante imposée par les tribunaux pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est de dix ans. Les tribunaux qui sont les mieux placés pour analyser les caractéristiques de chaque contrevenant—c'est leur responsabilité—n'ont pas épuisé les ressources du Code criminel qui établit actuellement à 14 ans la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. Autrement dit, il y a un écart entre ce qui se pratique et ce qu'il serait possible de faire. La moyenne de l'ordre de 10 ans et on aurait la possibilité d'aller jusqu'à 14 ans.

De plus, la proportion de personnes écopant de peines d'incarcération après avoir été reconnues coupables par les tribunaux de conduite avec facultés affaiblies a diminué entre 1994-1995 et 1997-1998, passant de 22 p. 100 à 19 p. 100. Les peines d'emprisonnement imposées dans ces cas sont majoritairement des sentences inférieures à deux ans.

 

. 1345 + -

Pourquoi faudrait-il légiférer pour permettre l'emprisonnement à perpétuité, si les tribunaux eux-mêmes ne sont pas enclins à utiliser pleinement les outils auxquels ils ont accès actuellement?

Au Canada—cela vient un peu de la pratique aux États-Unis et c'est le résultat de l'influence du mouvement de la droite représentée ici par l'Alliance canadienne—on a eu tendance à croire qu'on réglait un problème en imposant des pénalités plus fortes dans le Code. Chaque fois qu'on a une difficulté avec des comportements délinquants dans la société, on pense que la meilleure façon de s'en sortir et de régler le problème, c'est d'imposer une peine plus sévère dans le Code.

On a cette pratique dans l'exemple qui nous est donné aujourd'hui, mais on le voit aussi dans le projet de loi sur les jeunes contrevenants où le gouvernement libéral a été comme intoxiqué par cette approche de droite qui dit qu'il faut absolument en arriver à un resserrement de la discipline de façon très sévère, et que c'est en tapant sur les doigts des coupables le plus possible qu'on va finir par apporter des correctifs à leur comportement.

L'exemple qu'on a devant nous est flagrant et patent de cette nouvelle philosophie qui vient influencer le droit au Canada. Je pense qu'on peut admettre que cela a atteint beaucoup plus les provinces où les gens sont en majorité anglophones et que ça s'est beaucoup moins concrétisé au Québec.

On a démontré que, souvent, la compassion et l'attitude d'ouverture, le fait, par exemple, de donner une chance aux jeunes contrevenants de se réhabiliter donne un meilleur résultat en bout de ligne. Cela permet effectivement d'obtenir une société plus juste, parce que c'est toujours ça, l'objectif de la loi. Ce n'est pas seulement de punir le plus possible.

Il s'agit d'avoir une société qui soit juste et équilibrée et, dans le cas présent, l'attitude du gouvernement libéral me semble se justifier beaucoup plus par le goût de faire plaisir aux représentants de cette tendance de renforcement des pénalités qui est portée par la droite canadienne mais qui n'apparaît pas une solution intéressante.

La conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une infraction qui n'est pas à la hausse. Personne ne nie le fait que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une infraction d'une importance considérable. Il faut juger ces situations de façon très sérieuse et s'assurer d'avoir des solutions à ce problème.

Par contre, il nous apparaît faux de prétendre qu'on fait face actuellement à une flambée de la criminalité dans ce domaine. En 1998, 103 personnes ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, ce qui a représenté la plus basse fréquence depuis 1989.

On est donc devant une situation où la rumeur a décidé que c'était terrible. Souvent, c'est accentué par les médias et par le focus que l'on met sur les situations vécues. Mais lorsqu'on regarde le résultat statistique sur l'ensemble des années—on parle d'une période de 10 ans—ce n'est plus le cas qui a été mis en lumière et qui est passé au téléjournal un soir, mais bien l'ensemble de la situation. De ce côté-là, on n'a pas présentement, au Canada, une situation qui justifie une mesure de cette gravité pour régler cette question.

Je parlais du courant de la droite plus tôt. On se rend compte que le Canada est en train de devenir un champion de l'incarcération. Il se place tout juste derrière les États-Unis pour ce qui est de son taux d'incarcération. Le Canada incarcère deux fois plus que la plupart des pays européens.

Des juges de la Cour suprême ont d'ailleurs dénoncé, dans l'affaire Gladue, la trop grande facilité avec laquelle le législateur fédéral a recours à l'emprisonnement pour traiter les problèmes de délinquance.

Je pense qu'on a là, encore une fois, un exemple qu'il faut être responsable dans ce Parlement. On n'est pas seulement ici pour faire du surf sur les tendances de notre société. On est là aussi pour légiférer et prendre des décisions qui vont être conformes à la réalité.

On s'est rendu compte que l'application de ce projet de loi aurait comme conclusion qu'on traiterait un conducteur ivre de la même façon qu'on traite un tueur à gages. On est devant des situations de deux poids, deux mesures.

Dans l'intervention des députés qui m'ont précédé, on a bien expliqué que, pour la question du crime, il faut qu'il y ait un geste de posé et il faut qu'il y ait une intention. Si on prend l'exemple d'un tueur à gages, il a une intention claire au départ et le geste qu'il pose est délibéré, alors que dans le cas du conducteur qui se fait prendre avec des facultés affaiblies entraînant la mort, ce qui est horrible comme conséquence et qui doit être pénalisé, ce n'est pas aussi évident au niveau de la motivation pour le faire et la pleine connaissance de cause.

 

. 1350 + -

Je crois que ce serait une erreur que, dans notre Code criminel, on donne une importance égale à ces deux choses. Cela pourrait générer des non-sens. Par exemple, le conducteur ivre, dont la négligence ne fait par ailleurs aucun doute, pourrait être condamné plus sévèrement qu'un tueur à gages qui, ayant savamment calculé l'assassinat d'un individu, bénéficie d'une réduction de peine à titre de délateur.

On imagine cette situation. Quelqu'un est condamné à vie pour conduite en état d'ébriété ayant causé la mort et, bien que ce soit sa première infraction, se retrouve avec une peine très grave pour un acte qui est grave mais qui, selon nous, ne requiert pas ce type de peine, alors qu'un tueur à gages, parce qu'il ferait de la délation, pourrait obtenir une peine d'emprisonnement moindre. Il y a là deux poids, deux mesures et ce n'est pas acceptable.

Les deux individus ont chacun commis des actes très répréhensibles. Cependant, ils possèdent des profils fort différents. Le projet de loi C-18 a pour effet de nier cette réalité. C'est pour cela que le Bloc québécois se prononcera contre ce projet de loi.

De plus, il faut considérer certains types de peines qui se rapportent à d'autres infractions dont les caractéristiques sont assimilables à celles de la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. Ainsi, pour la conduite dangereuse entraînant la mort, le Code criminel prévoit une peine d'emprisonnement de 14 ans. De 1985 à aujourd'hui, les cours d'appel canadiennes ont imposé des peines d'emprisonnement d'une durée moyenne de 19 mois pour ce type d'infraction.

Comment la ministre peut-elle justifier qu'un contrevenant qui, de sang-froid et en plein contrôle de ses moyens, tue quelqu'un par sa conduite dangereuse, puisse être condamné à une peine d'emprisonnement moins importante qu'un conducteur dont les facultés sont affectées par l'alcool? Il y a là encore un problème de respect des règles qui sont à la base de notre droit.

Voici d'autres exemples d'infractions graves, dont les auteurs sont pleinement conscients de leurs actes, mais qui seraient traitées moins sévèrement que la conduite avec facultés affaiblies si le projet de loi C-18 est adopté.

Premièrement, parlons d'une tentative de meurtre. Une personne ayant tenté d'assassiner quelqu'un, sans toutefois parvenir à ses fins, serait condamnée moins sévèrement qu'une personne accusée de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. En vertu de l'article 463a) du Code criminel, cette personne risque en effet d'être condamnée à 14 ans d'emprisonnement. On voit qu'elle a tenté d'assassiner quelqu'un en pleine connaissance de cause, mais que la peine serait moins sévère que pour celui qui aurait conduit avec des facultés affaiblies ayant causé la mort. Il y a là deux poids, deux mesures qui ne sont pas acceptables.

Un autre exemple est celui d'être complice après le fait. Un individu ayant permis à un assassin de fuir les autorités serait jugé moins sévèrement qu'un conducteur accusé de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. Présentement, en vertu de l'article 463a) du Code criminel, il est passible d'une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement.

Un autre type de crime est la participation aux activités d'un gang. On sait aujourd'hui comment, dans notre société, on vit un drame et une crise terrible en ce qui touche la question du crime organisé. Un criminel endurci, qui fait partie du crime organisé et qui participe aux activités illégales qui en découlent, est passible d'une peine maximale de 14 ans de pénitencier en vertu de l'article 467.1(2) du Code criminel.

Voilà trois exemples où il y a deux poids, deux mesures par rapport à ce qui est prévu dans le projet de loi C-18: tentative de meurtre, complice après le fait, participation aux activités d'un gang.

J'en ajouterai un quatrième, soit celui des voies de fait graves. Celui qui commet des voies de fait graves sur une personne et la blesse, la mutile, la défigure ou met sa vie en danger commet des voies de fait graves. En vertu de l'article 268 du Code criminel, il s'agit d'une infraction rendant son auteur passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans.

Pour quelqu'un qui cause la mort dans un accident parce qu'il avait les facultés affaiblies, on voudrait, en vertu du projet de loi, le condamner à vie, alors que quelqu'un qui commet des voies de fait sur une personne, la blesse, la mutile, la défigure ou met sa vie en danger se verrait imposer une peine maximale de 14 ans.

On voit bien qu'il n'y a pas de logique dans la position actuelle. Il faut aller chercher la réponse tout simplement dans une logique qui n'est pas d'ordre juridique mais d'ordre politique. Le gouvernement libéral veut faire plaisir au courant de droite qui se retrouve principalement au Canada anglais.

Tout comme pour l'individu accusé de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort, celui qui est accusé d'avoir causé des lésions corporelles n'a pas saisi les conséquences reliées à l'infraction. Pourtant, l'un est traité beaucoup plus sévèrement que l'autre: dix ans d'emprisonnement pour celui ayant causé des lésions corporelles; la prison à perpétuité pour celui ayant causé la mort.

 

. 1355 + -

Qu'est-ce qui rend la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort plus négligente que celle causant des lésions corporelles? Les deux infractions sont identiques quant à l'intention reliée aux conséquences de l'infraction.

Bien que le Bloc québécois soit d'avis que les peines pour ces deux infractions doivent demeurer distinctes, il s'oppose à ce que cette distinction soit disproportionnée. En maintenant la peine d'emprisonnement à 14 ans, comme c'est le cas actuellement pour la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort, on maintient une distinction qui est proportionnelle aux conséquences des deux infractions, tout en reconnaissant la similitude de ces dernières au niveau de leur prévisibilité.

Tout cela, alors qu'on a déjà dans la société, présentement, au Québec et en Alberta, la possibilité d'utiliser un moyen beaucoup moins draconien qui permettra d'atteindre des résultats aussi satisfaisants, c'est-à-dire les mécanismes antidémarrage.

L'Alberta et le Québec sont actuellement les seules provinces à imposer des systèmes antidémarreurs comme condition d'obtention de permis restreints pour les conducteurs sous le coup d'une suspension provinciale à leur permis. Autrement dit, quelqu'un dont le permis a été suspendu, qui est reconnu comme étant un récidiviste, se voit imposer un système antidémarrage et on règle le problème à la source dans la majorité des cas.

Plutôt que d'imposer une peine d'emprisonnement à vie à quelqu'un pour une chose pour laquelle il ne s'était pas engagé personnellement—c'est un acte grave qui mérite d'être puni—il serait peut-être bon de tenter d'éviter que cet acte se produise en apportant des solutions pratiques comme le système antidémarreur.

L'antidémarreur est un dispositif permettant de déterminer le taux d'alcool dans le sang à partir d'un simple échantillon de l'haleine du conducteur. Ce système empêche la mise en marche du véhicule, si le conducteur a un taux d'alcool supérieur au seuil prédéterminé.

Le Bloc québécois est d'avis que le Code criminel devrait être amendé afin de rendre obligatoire l'installation des systèmes antidémarreurs, lorsque le délinquant est un récidiviste. Je pense que c'est là une solution pratique, une solution concrète qui peut être mise en place. C'est une mesure préventive qui élimine le problème à la source et évite des erreurs tragiques.

Il pourrait arriver que des citoyens, qui ont toujours été très responsables, posent un geste inacceptable, dans une circonstance donnée, c'est-à-dire de conduire en état d'ébriété, et que par ce fait, ils causent la mort. Ce n'est pas nécessairement le résultat de toute une carrière dans le crime. Ce n'est pas le résultat d'une délinquance continue, mais d'une situation qui peut se produire une fois dans la vie d'une personne. Peu de gens dans cette Chambre pourraient dire que cela ne risquerait pas de leur arriver.

La solution pratique suggérée par le Bloc québécois, et je souhaite que le gouvernement la retienne, est le système antidémarreur avec éthylomètre pour s'assurer d'éliminer ces situations à la source. Dans dix ans, on verra, si la solution du Bloc est retenue, qu'il y aura de moins en moins de peines à cause de telles infractions, et de moins en moins de morts causées par l'irresponsabilité d'un conducteur en état d'ébriété.

Le Président: Il reste encore cinq minutes à l'honorable député. S'il le désire, il pourra conclure son discours après la période des questions orales. Nous allons maintenant passer aux déclarations de députés.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LE QUAI DE LACHINE

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, jeudi dernier, le 4 mai, j'ai annoncé, au nom du ministre des Transports, le transfert de propriété du quai de Lachine de Transports Canada à la Ville de Lachine.

Le gouvernement canadien contribue un montant total de 250 000 $, laquelle somme représente le coût des travaux de réparation devant être complétés d'ici un an.

En vertu de la Politique maritime nationale annoncée en décembre 1995, les emplacements portuaires régionaux locaux de Transports Canada, dont 37 ports dans la région de Québec, seront transférés à d'autres intérêts sur une période de six ans se terminant le 31 mars 2002. Dans certains cas, les ports seront transférés comme ports en activité, dans d'autres cas, ils seront transférés pour un autre usage.

Le quai de Lachine est fréquenté par des pêcheurs sportifs et des touristes. Il est utilisé comme prolongement d'un parc municipal et sert également de protection pour une rampe de mise à l'eau.

Le transfert du quai de Lachine à la Ville...

Le Président: Le député Prince George—Peace River a la parole.

*  *  *

[Traduction]

LA NORTHWEST CORRIDOR DEVELOPMENT CORPORATION

M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour souligner le dur travail et la vision de la Northwest Corridor Development Corporation, dont le siège se trouve à Prince George, en Colombie-Britannique.

L'organisme autonome a été établi en 1998 en vue de promouvoir les échanges commerciaux entre le Canada et la région de l'Asie et du Pacifique, qui peuvent être grandement facilités par le corridor du Nord-ouest.

 

. 1400 + -

Le corridor de transport et de commerce du Nord-ouest traverse quatre provinces de l'Ouest, fournissant dans le Nord, un système de routes, de chemins de fer, de lignes aériennes, de gazoducs, de voies navigables et de télécommunications, et ceci des Prairies jusqu'au Pacifique. Actuellement, le corridor dessert les principaux secteurs de ressources naturelles du Canada; pourtant, il est fortement sous-utilisé.

Les Canadiens de l'Ouest ont toujours été à la fine pointe de l'innovation politique et commerciale. Le corridor du Nord-ouest constitue un exemple resplendissant de partenariat entre les secteurs public et privé.

J'aimerais féliciter Jeff Burghardt, le président de la Northwest Corridor Development Corporation, et son équipe d'avoir transformé les routes du XIXe siècle en grandes voies économiques pour le XXIe siècle.

*  *  *

LA JEUNESSE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai récemment assisté à un séminaire portant sur le thème de l'argent. Certaines sessions se sont déroulées dans deux écoles de ma circonscription, le Lisgar Collegiate et la Nepean High School. Les séminaires ont fait appel au talent de bénévoles de la collectivité, tels que Tammy Drapeau de la Banque de Nouvelle-Écosse.

Je félicite l'Association des banquiers canadiens d'avoir mis en place cette série de séminaires opportuns. Ce partenariat entre les entreprises et la collectivité aide les jeunes gens à prendre des décisions avisées pour leur avenir financier.

Durant la Semaine nationale de la jeunesse, cela constitue un autre exemple de la façon dont les jeunes se préparent pour l'avenir. J'encourage les organisateurs et les participants à poursuivre leur bon travail.

*  *  *

LE MANITOBA

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Monsieur le Président, la journée de demain marque le 130e anniversaire de la création du Manitoba, ma province. Grâce aux efforts de Louis Riel et de son gouvernement provisoire, la province a été dessinée à partir de ce qui était alors les Territoires du Nord-Ouest.

Depuis le 12 mai 1870, le Manitoba a connu la croissance et la prospérité. Sa population se compose d'ethnies diverses venues de tous les coins du monde, une diversité célébrée chaque année lors du festival Folklorama de Winnipeg.

Porte d'accès à l'Ouest, le Manitoba qui jadis dépendait de l'agriculture est aujourd'hui l'une des économies les plus diversifiées du pays et compte d'importants secteurs comme le secteur manufacturier, le secteur des transports, le secteur financier et le secteur de la technologie de pointe. Malgré sa forte croissance, le Manitoba reste une région d'une beauté naturelle intacte. Une région où les lacs et les forêts du bouclier canadien se fondent avec l'herbe haute et les champs de blé des Prairies. Une région qui relie vraiment l'Est et l'Ouest.

Je vous invite à féliciter avec moi le Manitoba pour son 130e anniversaire.

*  *  *

LE SIERRA LEONE

M. Irwin Cotler (Mount Royal, Lib.): Monsieur le Président, comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères, la tragédie qui est en train de se produire en Sierra Leone est une honte. C'est aussi un scandale quand on voit l'inaction de la communauté internationale et l'atteinte qu'elle porte à l'intégrité et à l'efficacité des Nations Unies ainsi qu'à la doctrine de la sécurité humaine.

Le ministre a dit que nous devions adopter une position ferme. Je demande au gouvernement de prendre l'initiative d'organiser des mesures pour assurer la sécurité humaine en Sierra Leone, y compris de renforcer le mandat, les effectifs et les ressources de la force de maintien de la paix des Nations Unies et d'établir une force d'intervention rapide avec notre participation.

Après la tragédie qui s'est produite au Rwanda en raison de notre inaction, nous avons dit «Plus jamais». Il faut agir dès maintenant. Qui s'excuse s'accuse.

*  *  *

LE SYNDROME D'ALCOOLISME FOETAL

M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, une femme enceinte qui consomme de l'alcool à outrance peut causer un tort permanent à son bébé. Le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcoolisme foetal sont aujourd'hui bien compris par les scientifiques et les professionnels de la santé. L'enfant a de la difficulté à apprendre. Bien des jeunes atteints de ce syndrome sont antisociaux. Un nombre considérable des jeunes qui commettent des crimes sont des victimes du syndrome d'alcoolisme foetal.

De nombreuses femmes n'ont aucune idée des torts que l'alcool peut causer au bébé qu'elles portent. Il serait possible de les sensibiliser en apposant une étiquette sur les boissons alcoolisées présentant le profil d'une femme enceinte marqué d'un X. De cette façon, même les Canadiennes analphabètes comprendraient l'avertissement.

Le meurtre récent de la petite Jessica Russel en Colombie-Britannique commis par une supposée victime du syndrome d'alcoolisme foetal devrait rappeler clairement aux brasseurs et aux entreprises de distillation qu'ils se doivent d'agir volontairement pour sensibiliser le public et prévenir le syndrome d'alcoolisme foetal.

*  *  *

LA SÉCURITÉ DES ENFANTS

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour offrir mes condoléances à deux familles de ma circonscription, celle de Barrie—Simcoe—Bradford, qui vivent la terrible tragédie du décès de leurs jeunes enfants qui ont suffoqué dans un coffre qui se trouvait dans le grenier de l'une des maisons familiales. Ces deux petits compagnons de jeu étaient inséparables. Alors qu'ils jouaient à la cachette, ils se sont glissés dans un vieux coffre qui s'est refermé et s'est verrouillé; c'est là qu'ils ils ont connu un triste sort.

Malgré leur chagrin, les familles ont fait part de leur désir de sensibiliser davantage le public aux dangers potentiels que posent les articles de maison courants.

 

. 1405 + -

Un fonds en fiducie a été créé et l'argent recueilli ira à l'école publique Codrington, celle des deux enfants, et servira à informer les enfants des questions de sécurité.

Aucun parent, grand-parent ou tuteur ne peut se permettre de ne pas veiller constamment à ce que rien dans sa maison, son chalet, son garage et son hangar constitue un risque pour la santé et la sécurité de ses enfants.

*  *  *

[Français]

L'IMPORTATION DE PLUTONIUM

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, ce n'est un secret pour personne que la gestion environnementale du gouvernement libéral est insuffisante à plusieurs égards. L'importation du MOX en est un bel exemple.

Suite à des modifications de dernière minute au plan de transport d'Énergie atomique du Canada Ltée, le gouvernement fédéral a importé 120 grammes de plutonium par la voie des airs, une procédure illégale aux États-Unis.

L'utilisation de la voie aérienne avait pourtant été jugée beaucoup trop dangereuse lors des consultations automnales d'Énergie atomique du Canada.

La Russie s'apprête maintenant à nous faire parvenir 600 grammes de plutonium, cinq fois plus que les plans initiaux. Le gouvernement fédéral se doit de consulter les gens sur le principe d'importation du plutonium.

À ce jour, 152 municipalités et MRC du Québec se sont opposées par voie de résolutions. J'invite la population à venir signer une pétition disponible dans tous les bureaux de circonscription des députés du Bloc québécois.

*  *  *

[Traduction]

BEN SOAVE

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Monsieur le Président, le 6 mai, le surintendant Ben Soave, qui a connu une longue et brillante carrière au sein de la GRC, a reçu l'ordre de la République d'Italie et a été fait chevalier officier de l'ordre du mérite, un ordre similaire à l'Ordre du Canada, par le consul général d'Italie.

Le surintendant Ben Soave dirige la Combined Forces Special Enforcement Unit, située à Toronto. Cette unité comprend des représentants des forces policières provinciales et fédérales, de Citoyenneté et Immigration Canada et du Service de renseignements criminels de l'Ontario.

Sous la direction du surintendant Soave, cette unité a effectué l'arrestation de certains des criminels les plus notoires dans le monde. En juin 1998, le projet Omertà a porté un coup dur à l'une des organisations les plus vastes et les mieux établies de trafic des stupéfiants et de blanchiment d'argent dans le monde.

C'est aujourd'hui un honneur pour le gouvernement de souligner la récompense qui a été accordée au surintendant Soave.

*  *  *

CAMILLE MONTPETIT

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la Chambre rend aujourd'hui hommage à un de ses plus loyaux et dévoués serviteurs, Camille Montpetit, conseiller supérieur du greffier de la Chambre des communes, qui a décidé de relever le défi de la retraite. Sa nouvelle situation concordera bien avec son nouveau titre de grand-père. Il a récemment été investi de ce titre à la suite de la naissance de Chloe Montpetit, le 8 avril.

Chloe est très fière du bilan parlementaire de son grand-père. Elle a gazouillé lorsqu'elle a appris que celui-ci avait joint les rangs du Service des comptes rendus des comités en 1968 et elle a gloussé lorsqu'elle a su qu'il avait été chef de la section de transcription de 1971 à 1975. Elle a failli régurgiter lorsqu'elle a appris qu'il est devenu greffier de comité et qu'il a ensuite été nommé greffier principal adjoint en juin 1983. Elle n'a pu retenir ses larmes lorsqu'on lui a dit qu'il était devenu greffier au bureau et greffier principal en 1986, pour ensuite passer au poste de greffier adjoint et ultérieurement de sous-greffier à la Chambre des communes, en 1998.

Lorsque la mère bien-aimée de Chloe a appris à cette dernière que son grand-père était le corédacteur du nouvel ouvrage de procédure intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, il n'y a pas que ses larmes que la petite n'a pu retenir.

Il n'y a pas à s'inquiéter. Camille a aidé bon nombre d'entre nous à s'en tirer lorsqu'ils avaient des problèmes parlementaires et l'expérience qu'il a acquise dans ce rôle lui permettra d'aider la petite Chloe quand elle aura des problèmes de Pampers dans l'avenir.

Au nom de tous les députés, je souhaite à Camille Montpetit la meilleure retraite possible et je le remercie pour les nombreuses années où il a été au service de la Chambre et du Canada.

Des voix: Bravo!

*  *  *

LE MUSÉE RÉGIONAL DE WATERLOO POUR LES ENFANTS

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui pour offrir mes félicitations au musée régional pour les enfants, à Waterloo.

Dans le cadre du programme local Partenaires sur le marché du travail, de Développement des ressources humaines, le musée recevra une aide de 36 000 $ pour aménager un atelier devant servir à la menuiserie, au travail des métaux et à la représentation graphique.

L'atelier sera occupé par des artistes et des techniciens. Ces derniers construiront les nombreux et variés segments d'exposition du musée. Les fonds publics aideront à créer cinq emplois permanents dans cet atelier.

En plus de présenter des expositions, le musée offrira des activités interactives, créatives et technologiques aux enfants et à leurs familles. Ces derniers auront l'occasion d'explorer et d'apprendre dans un environnement dynamique et sûr.

Le projet est ambitieux et je voudrais féliciter tous ceux, en particulier Rosemary Aicher, qui se dévouent pour que cet établissement stimule l'apprentissage et investisse dans nos enfants.

*  *  *

 

. 1410 + -

LA TRANSCANADIENNE

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Monsieur le Président, la Transcanadienne a déjà symbolisé l'aspiration nationale à unir notre pays d'un océan à l'autre.

Malheureusement, à Maple Creek, en Saskatchewan, elle est plutôt symbole d'accident et de mort, et elle traduit l'indifférence du gouvernement fédéral libéral. Seulement sur ce tronçon de la Transcanadienne, depuis 12 ans, il y a eu 900 accidents qui ont fait 26 morts et 356 blessés graves. En fait, une quarantaine de personnes ont perdu la vie sur ce segment de route depuis 1979.

Le jeudi 13 avril dernier, le ministre de la Saskatchewan responsable du réseau routier, Maynard Sonntag, a de nouveau demandé que les libéraux participent au projet d'élargissement à quatre voies de la Transcanadienne. Le lendemain, un autre accident tragique s'est produit, entraînant la mort de trois personnes et la fermeture de la route pendant plus de 12 heures.

Le gouvernement de la Saskatchewan assume 96 p. 100 des dépenses pour les routes. Le Canada est le seul pays industrialisé qui ne possède pas de programme national des routes.

La province peut terminer seule l'élargissement à quatre voies de la Transcanadienne d'ici 2012, mais elle y parviendra beaucoup plus tôt que cela si elle reçoit des fonds du gouvernement fédéral. Nous avons un urgent besoin de l'aide des libéraux pour sauver des vies.

*  *  *

[Français]

LE DÉCÈS DE M. ANDRÉ FORTIN

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, depuis ce matin, le Québec est plongé dans la tristesse. Un des plus grands innovateurs de la scène musicale québécoise des dix dernières années nous a quitté à l'âge de 38 ans seulement.

Chanteur et leader du groupe les Colocs, affectueusement appelé Dédé par ses proches et par un Québec qui a intégré La p'tite Julie à toutes ses fêtes depuis l'été 1993, André Fortin a quitté la vie hier.

Né à Saint-Thomas-Didyme, dans mon comté, dixième d'une famille de 11 enfants, Dédé explose littéralement sur la scène musicale québécoise pendant l'été 1993. Les jeunes et les moins jeunes de partout au Québec partagent depuis avec lui les images de Rue principale, de Magasin général, d'une Passe de puck.

Au nom du Bloc québécois, j'aimerais exprimer notre solidarité, en ce moment de profonde tristesse, à sa famille et à ses proches.

Dédé, malgré ton départ, on continuera toujours de dire «maudit que le monde est beau» en ton honneur.

*  *  *

[Traduction]

LA FIBROSE KYSTIQUE

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de rappeler à la Chambre et à tous les Canadiens que le mois de mai est le Mois de la fibrose kystique.

La fibrose kystique est une maladie héréditaire qui affecte surtout le système digestif et le système respiratoire et qui, à ce jour, demeure incurable.

Environ un Canadien sur 25 porte le gène qui cause cette maladie et un enfant sur 2 500 nés au Canada est atteint de la maladie. La fibrose kystique est l'une des maladies héréditaires les plus mortelles qui touchent les enfants et les jeunes adultes canadiens.

La Fondation canadienne de la fibrose kystique appuie les organismes offrant des services cliniques à ceux qui souffrent de la maladie, ainsi que la recherche scientifique portant sur le traitement ou le contrôle de cette condition. Les bénévoles et les collaborateurs organisent, dans les collectivités du pays, diverses activités de sensibilisation et de collecte de fonds.

Je tiens à féliciter de leurs réalisations tous ceux qui oeuvrent dans le cadre de la fondation et à leur offrir nos meilleurs voeux non seulement pour ce mois, mais pour l'année entière.

*  *  *

L'EXCELLENCE DANS L'ENSEIGNEMENT

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, je suis heureux et fier de féliciter M. Paul Barrett, un enseignant du Cobequid Education Centre de Truro, en Nouvelle-Écosse, à qui l'on a décerné hier soir le Prix du premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement.

M. Barrett est un professeur de musique qui est très actif au sein de sa communauté et met son temps et ses ressources au service des autres. Il est dévoué envers ses élèves, son école et sa musique. J'ai eu la chance d'entendre ses étudiants jouer. Je peux témoigner de leur professionnalisme, de leur excellence et de leur enthousiasme.

Un autre enseignant de ma circonscription a reçu le Prix du premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement; il s'agit de Louise Cloutier qui enseigne le français et les arts à l'école secondaire Pugwash District High. Grâce à son enthousiasme et à ses encouragements, 60 p. 100 des élèves participent au programme des arts à son école. Ces élèves en savent plus sur eux-mêmes, sur l'univers où ils vivent et sur les diverses façons de s'exprimer, grâce aux efforts de Louise Cloutier.

Je félicite Paul Barrett et Louise Cloutier, deux des meilleurs enseignants du Canada. Je félicite aussi le premier ministre de participer à ce programme très louable.

*  *  *

LES ÉCHANGES D'ÉTUDIANTS

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois cet été un groupe d'étudiants de Peterborough échangeront leurs foyers et leurs emplois d'été avec des étudiants du Québec.

L'année dernière, des étudiants québécois ont travaillé pour cinq employeurs différents à Peterborough; il y ont acquis une expérience de travail très utile, tout en faisant connaissance avec leurs familles d'accueil dans notre collectivité. Je tiens à remercier le Musée canadien du canoë, la société de conservation Otonabee, le Village Lang, l'université Trent, le site de camping de Warsaw Caves, les familles qui ont accueilli les étudiants et le personnel de DRHC qui a facilité la réalisation de ce programme.

Des programmes comme celui-ci et le programme habituel du réseau d'échange SEVEC enrichissent la vie des jeunes et de leurs familles et solidifient le Canada.

Je souhaite ce qu'il y a de mieux aux participants au programme de cet été.



QUESTIONS ORALES

 

. 1415 + -

[Traduction]

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

Mme Deborah Grey (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la ministre de second plan du Développement des ressources humaines a évoqué hier le spectre du maccarthysme. Nous avons été témoins d'un cafouillis d'un milliard de dollars, dont les amis des rouges ont profité. Des subventions douteuses ont permis aux amis des rouges de se remplir les poches. Les rouges ont encouragé leurs amis à leur faire des dons douteux, et ces derniers en ont tiré profit.

J'aimerais savoir si celle qui incarne le péril rouge est ou a déjà été membre du...

Le Président: Je rappelle aux députés qu'ils doivent s'adresser les uns aux autres par leur titre, au lieu d'employer des quolibets.

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de constater que la députée est prête à reconnaître, par ses questions, qu'elle a été membre du parti du cafouillage, l'Alliance canadienne.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je demande encore une fois aux députés de mieux choisir leurs mots. Ils dépassent un peu les bornes.

Mme Deborah Grey (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, Modes Conili a obtenu une subvention de près de trois quarts de million de dollars pour créer des emplois, mais aucun emploi n'a été créé. M. Pierre Côté, qui dirige la commission de réglementation des conditions de travail dans l'industrie du vêtement pour dames a confirmé, hier, que des emplois ont été transférés et non pas créés. Il avait pourtant donné l'assurance aux autorités réglementaires du Québec qu'il n'y aurait pas de pertes d'emplois.

Il a déclaré à la Gazette de Montréal:

    On nous a informés que les employés allaient être mutés à Conili Star.

Si M. Côté le savait et si les autorités réglementaires du Québec en étaient également informées, pourquoi DRHC a-t-il émis un chèque au nom de cette entreprise?

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit à plusieurs reprises déjà que, si de nouveaux renseignements parvenaient à la Chambre, nous enquêterions. Nous avons reçu de nouveaux renseignements mardi, nous les avons examinés hier et nous les avons communiqués à la GRC.

Mme Deborah Grey (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il a fallu attendre trois ans. Passons en revue la chronologie des faits.

Le député d'Ahuntsic intervient auprès de la ministre du Développement des ressources humaines afin d'obtenir pour Modes Conili une subvention devant lui permettre de créer des emplois. Le ministère émet ensuite un chèque de trois quarts de million de dollars au nom de cette entreprise. Modes Conili paie ensuite 10 p. 100 des coûts de la campagne électorale du député d'Ahuntsic. La ministre du Développement des ressources humaines transfère 160 nouveaux emplois dans la circonscription du député, juste à temps pour les élections fédérales.

Faut-il voir dans ces faits la raison pour laquelle la ministre a omis de donner l'alerte au sujet de cette escroquerie, il y a trois ans?

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la question de la députée est fondée sur de fausses prémisses, sur le genre d'insinuations qui a amené la secrétaire parlementaire à faire une observation tout à fait justifiée hier.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministère du DRH a prétendument examiné, en 1997, des allégations concernant la société Modes Conili. Une contre-vérification de leurs numéros d'assurance sociale montre que les travailleurs engagés par cette nouvelle société Conili ont seulement été transférés d'une ancienne société. Un journaliste a fait quelques appels téléphoniques, la semaine dernière, soit trois ans plus tard, et a vite découvert d'autres faits prouvant que tout cet exercice n'était qu'une supercherie visant à ramasser trois quarts de million de dollars de l'argent des contribuables.

Pourquoi la ministre cache-t-elle le rapport qui, d'après ce qu'elle dit, ne fait état d'aucun méfait?

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous ne cachons rien. Comme je l'ai dit hier, ce dossier a déjà été examiné. Nos fonctionnaires avaient exprimé des réserves à son sujet. Un représentant de la direction des enquêtes sur les fraudes l'a examiné. Comme il n'a trouvé alors aucune preuve de méfait, on a considéré l'affaire close.

Après que le Bloc nous eut fourni de nouvelles preuves, nous avons pu transmettre comme il se doit cette affaire à la police.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): C'est très simple alors, monsieur le Président. Si le ministère n'a effectivement trouvé aucune preuve de méfait, pourquoi ne dépose-t-il pas tout simplement le rapport qui, selon lui, montre qu'il n'avait aucune raison d'intervenir? S'il n'y a rien de mal, donnez-nous-en la preuve, expliquez-vous, faites montre de transparence et fournissez-nous les documents!

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, on nous sert toujours le thème de la transparence. Il s'agit ici du ministère dont le propre recherchiste du Parti réformiste a dit qu'il répondait le mieux aux demandes de renseignements.

 

. 1420 + -

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, dans l'affaire Conili, il n'y avait aucun problème lundi, et aujourd'hui, il y a une enquête de la GRC, la police montée, comme dit le premier ministre.

Pourtant, le gouvernement avait tous les documents en main. Ce qu'on a soulevé venait d'une enquête menée par des fonctionnaires de leur ministère. Or, il y a eu un autre rapport pour venir contredire, pour venir masquer ce qui avait été révélé.

J'ai certaines questions à proposer à la secrétaire parlementaire qu'elle pourrait transmettre à la GRC. Qu'est-ce qui s'est passé et, surtout, qui est intervenu pour faire en sorte que des jobs soient enlevées de mon comté...

Le Président: L'honorable secrétaire parlementaire a la parole.

[Traduction]

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, les nouvelles informations qui ont été données à la Chambre lundi et que nous avons reçues mardi sont celles qui ont été communiquées à la GRC.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, une chance qu'on a apporté de nouvelles informations; maintenant, il y a une enquête de la GRC. Mais j'en ai d'autres à produire aujourd'hui.

Est-ce qu'il n'est pas préoccupant qu'il y ait eu un avis de complaisance de la part de l'ancien ministre du Développement des ressources humaines, qui a pris des emplois dans mon comté pour les transporter dans le comté de Ahuntsic, et maintenant dans le sien, tout cela pour un échange de 7 000 $ à la caisse du Parti libéral, juste avant les élections?

Est-ce qu'elle pourrait demander à la GRC d'enquêter sur ce monsieur qui est ministre là-bas, et qui sévit encore dans d'autres dossiers?

[Traduction]

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis au courant d'aucun accord semblable. Si les députés ont des preuves d'irrégularités, je leur ai demandé à maintes reprises de les produire.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, l'enquête policière ne diminue en rien la responsabilité ministérielle.

Souvenons-nous que Pierre Côté, du Comité paritaire du vêtement, avait reçu au préalable des assurances de Modes Conili Star que les emplois n'allaient être que transférés. Autrement dit, tout le monde le savait, sauf le gouvernement.

Comment et pourquoi alors, si le Comité paritaire avait été averti au préalable, la ministre peut-elle nous faire croire que le gouvernement n'en savait rien?

[Traduction]

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes intervenus. Lorsque nous avons eu connaissance de ces lettres, que le Bloc québécois a brandies à la Chambre lundi, nous avons renvoyé tout le dossier à la GRC, comme il convient de le faire.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, la ministre dit qu'elle ne le savait pas.

Est-ce que c'est normal que ceux qui donnent l'argent, qui disposent de milliers de fonctionnaires, qui ont les enquêteurs qu'il faut, ne soient pas au courant de faits évidents qu'il y a un gaspillage, juste à la veille des élections, de 700 000 $ de fonds publics?

[Traduction]

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le ministère prend au sérieux tout l'argent qu'il verse. C'est pourquoi, lorsque nous prenons connaissance de faits et de preuves d'irrégularités, nous agissons, comme nous l'avons fait cette fois-ci.

*  *  *

LA SANTÉ

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, le ministre de la Santé nous dit aujourd'hui que les hôpitaux privés à but lucratif sont conformes à la Loi canadienne sur la santé. Il nous dit aujourd'hui qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter de l'ALENA. Il nous dit aujourd'hui qu'il ne fera rien pour empêcher la mise en oeuvre de la loi 11, reculant ainsi devant la plus importante menace à avoir jamais pesé sur le régime d'assurance-maladie.

Le ministre fera-t-il la seule chose qu'il lui reste maintenant à faire pour aider la cause de l'assurance-maladie et démissionnera-t-il?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, dans une déclaration à la Chambre, j'ai expliqué clairement la position et les graves préoccupations du gouvernement. Nous n'appuyons pas la politique que sous-tend la loi 11. Nous partageons les inquiétudes de nombreux Albertains par rapport à ce qui pourrait arriver. Nous surveillerons l'évolution de la situation afin de voir s'il y a atteinte à l'un des principes de la Loi canadienne sur la santé. Nous renforçons la capacité de Santé Canada de faire cela d'un océan à l'autre. Nous surveillerons de près le respect des principes de la Loi canadienne sur la santé. Nous exercerons les pouvoirs que nous avons pour nous assurer que ces principes sont respectés.

 

. 1425 + -

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, les Canadiens veulent que le ministre de la Santé fasse plus que simplement se dire très préoccupé. Il insulte les personnes âgées qui se sont réunies devant l'Assemblée législative de l'Alberta par un froid mordant pour lutter pour le maintien de l'assurance-maladie. Il tourne en dérision l'attachement des Canadiens à leur régime d'assurance-maladie. Il refuse d'admettre que c'est son inaction qui a mis en péril ce régime.

Le ministre de la Santé reconnaîtra-t-il qu'il est en partie responsable de ce fiasco? Le ministre de la Santé fera-t-il la seule chose honorable qu'il lui reste à faire, soit remettre sa démission?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les députés du NPD disent qu'il faut empêcher la mise en oeuvre de la loi 11, mais ils n'ont pas la moindre idée de comment y parvenir. Ils prétendent que la loi 11 contrevient à la Loi canadienne sur la santé, mais ils ne savent pas du tout de quelle façon elle y contrevient. Ils prétendent qu'il y a des choses qui clochent dans le régime d'assurance-maladie, mais ils n'ont pas de solutions à proposer pour y remédier.

La députée improvise au fur et à mesure. Elle n'a pas la moindre idée de ce qu'il faut faire, et il ne faut donc pas s'étonner que la population canadienne ne s'intéresse pas au NPD.

*  *  *

LA DÉFENSE NATIONALE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le gouvernement commence de toute évidence à paniquer devant les reportages de la presse sur l'état de notre flotte de Sea King. Hier, grâce à une question posée à l'autre endroit, nous avons appris que le leader du gouvernement au Sénat avait déclaré qu'il monterait à bord d'un Sea King pour une petite promenade d'agrément le long de la côte de la Nouvelle-Écosse.

Puisqu'il y a un certain temps déjà que le ministre n'est pas monté à bord d'un Sea King, lui et le premier ministre iront-ils avec leur collègue du Sénat faire cette petite promenade et le ministre acceptera-t-il de déposer à la Chambre avant le départ des doubles du journal de bord et de la fiche d'entretien de l'appareil qu'ils prendront?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, nous n'utilisons pas nos appareils pour faire des promenades de plaisir.

Je n'ai aucune objection à monter à bord d'un Sea King. Comme le sénateur l'a déclaré, il n'y a pour lui aucun problème non plus. Nous savons tous que ces appareils ne volent qu'à la condition d'être en bon état de fonctionnement. Nous suivons un programme de sécurité très rigoureux. Ces appareils sont bien entretenus. Ils sont actuellement en cours d'amélioration et 50 millions de dollars sont investis pour cela et pour s'assurer qu'ils continueront de voler et qu'ils seront sûrs.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, en 1993, le premier ministre a déclaré que l'annulation du programme d'acquisition d'hélicoptères ne lui ferait pas perdre le sommeil. Cependant, monsieur le Président, vous savez comme moi que d'autres Canadiens se font un sang d'encre pour le sort des pilotes et des équipages des Sea King.

Le ministre nous dira-t-il aujourd'hui à quelle date il annoncera un nouveau programme d'acquisition d'hélicoptères maritimes? Oui ou non?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà dit à maintes reprises que le dossier du remplacement des Sea King progressait. Les hélicoptères sont le premier article sur notre liste d'acquisitions et nous continuons de travailler à notre stratégie d'acquisitions. Les Sea Kings seront remplacés bien avant la fin de leur durée de vie utile.

Le Président: Lorsqu'une question est posée, on devrait pouvoir entendre la réponse. J'invite les députés à cesser leurs bavardages pour que nous puissions entendre les questions et les réponses.

*  *  *

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, tout juste avant les élections générales de 1997, la société Modes Conili a reçu une subvention de 720 000 $ dans le cadre du FTCE pour créer des emplois. Hier, la secrétaire parlementaire a dit que 162 personnes étaient au service de cette entreprise et qu'elles avaient posé leur candidature à un emploi dans cette dernière. C'est tout simplement faux. Aucun d'entre eux n'a jamais posé sa candidature. Le gouvernement du Québec a contredit la secrétaire parlementaire en disant avoir été informé par Modes Conili qu'il ne s'agissait que d'un transfert d'emplois. Autrement dit, tout cela n'est que de la frime.

Pourquoi la secrétaire parlementaire a-t-elle affirmé à la Chambre que de nouveaux emplois avaient été créés alors qu'elle savait sans doute que ce n'était pas le cas?

 

. 1430 + -

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, si ce n'était qu'un transfert, pourquoi donc tous ces gens-là ont-ils touché de l'assurance-emploi entre les deux emplois?

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est une bonne question. C'est un autre cas où l'argent des contribuables sert à payer quelqu'un qui semble appuyer fermement le gouvernement et à l'en récompenser.

La société Modes Conili a employé les mêmes travailleurs, avec les mêmes salaires et la même ancienneté. Cela n'est pas de la création d'emplois. C'est de l'escroquerie, et le gouvernement était sûrement au courant puisqu'il prétend avoir fait une enquête en bonne et due forme sur cette affaire il y a trois ans et avoir donné le feu vert à cette société.

L'enquête bâclée sur cette affaire est-elle une autre preuve de l'incompétence de la ministre ou assistons-nous simplement au démasquage de l'opération de camouflage et de cette tromperie de DRHC?

Mme Bonnie Brown (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, il est incroyable qu'ils puissent tisser une telle fable à partir d'une série de circonstances. Ils ne cessent de faire des insinuations malveillantes à l'endroit d'autres députés. Ce genre de propos reviennent souvent hanter ceux qui les ont tenus.

*  *  *

[Français]

LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ce matin, la Coalition pour la justice des mineurs a écrit à la ministre de la Justice et a tenu une conférence de presse pour réaffirmer sa complète opposition au projet de loi C-3 et à ses amendements.

La ministre va-t-elle entendre raison, une fois pour toutes, en retirant son projet de loi, comme le lui demande la Coalition?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai souvent dit à la Chambre que le projet de loi C-3 est une mesure législative souple qui respecte l'approche du Québec.

Comme je l'ai aussi signalé, j'ai demandé à plusieurs reprises au député de me dire quels programmes ou initiatives actuels au Québec ne pourront plus être maintenus en raison de la nouvelle loi. Il ne m'a pas encore répondu.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, il n'y a qu'à lire les mémoires. Dans les mémoires qu'on lui a soumis, il y a beaucoup d'exemples. Je lui en donne un exemple aujourd'hui.

Quand va-t-elle comprendre qu'elle ne peut pas prétendre offrir des «perspectives positives aux jeunes» et, en même temps, étendre la présomption des peines pour adultes aux jeunes de 14 et 15 ans? C'est un non-sens. Prétendre le contraire, c'est être de mauvaise foi.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. La ministre de la Justice a la parole.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le député devrait le savoir puisqu'il siège au comité de la justice, l'un des objectifs importants du projet de loi C-3 est de faire en sorte que moins de jeunes soient incarcérés. Malheureusement, notre pays affiche l'un des plus hauts taux d'incarcération de jeunes. L'un des nouveaux objectifs importants du projet de loi C-3 est d'éviter d'avoir à mettre des jeunes en prison.

*  *  *

L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, lorsque le Bureau de la concurrence et Air Canada sont parvenus à un accord en décembre dernier, les Lignes aériennes Canadien régional devaient notamment être mises en vente.

L'accord prévoyait que les Lignes aériennes Canadien régional devaient être mises en vente dans les 45 jours suivant la transaction. Cela fait maintenant presque 145 jours et Air Canada n'a toujours pas mis en vente Canadien régional. Le ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi cette condition de l'accord n'a pas encore été respectée?

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je comprends très bien la question. Il est très difficile d'évaluer la véritable valeur de Canadien régional, du fait que cette société était liée de façon inextricable aux Lignes aériennes Canadien au niveau de la commercialisation, de l'entretien et de toutes les autres activités.

Cependant, je suis heureux que le Bureau de la concurrence et Air Canada se soient entendus sur une tierce partie pour évaluer le coût de la transaction. Si je ne m'abuse, ce processus est pratiquement terminé et la société Canadien régional devrait être mise en vente d'ici quelques semaines.

 

. 1435 + -

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'en remercie le ministre, mais les employés de la compagnie aérienne, les 2 100 employés qui attendent dans l'incertitude de savoir ce qui va arriver de leur emploi, veulent qu'on leur précise combien de temps exactement va s'écouler avant qu'ils puissent savoir ce que l'avenir leur réserve, s'ils vont avoir un emploi ou pas. Pouvez-vous leur dire combien de semaines...

Le Président: Je demande à tous les députés de passer par la présidence au lieu de s'adresser directement les uns aux autres.

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je comprends que cette période extrêmement difficile a soulevé des inquiétudes non seulement chez les employés de Canadien régional, mais également chez tous les employés de Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada.

Aux termes de l'accord du 21 décembre, si Canadien régional est vendue, l'acheteur devra, pendant trois ans, continuer d'assurer les services à toutes les collectivités qui étaient desservies par Canadien régional le 21 décembre. On peut supposer alors que l'acheteur devra garder tous les employés pour maintenir ces services. Ainsi, si cette vente a lieu, ces emplois seront garantis.

*  *  *

[Français]

LA SANTÉ

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, cette semaine, un reportage nous apprenait dans quelle situation désastreuse se retrouvaient les autochtones de la réserve d'Island Lake qui ne bénéficient d'aucun soin de santé, alors que c'est le ministre fédéral de la Santé qui est responsable de leur offrir ces soins.

Comment un ministre qui n'est pas capable de s'acquitter convenablement de ses responsabilités réduites dans le domaine des soins de santé peut-il avoir la prétention de contrôler ce qui se fait dans les provinces canadiennes? Quel culot!

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous travaillons étroitement avec les communautés autochtones pour faire en sorte que les services nécessaires de soins de santé soient accessibles.

Quand on a des responsabilités avec les régions très éloignées, c'est toujours difficile. Mais nous travaillons avec les communautés pour respecter nos responsabilités.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, au lieu d'investir quatre millions de dollars pour mettre sur pied un réseau d'inspecteurs fédéraux en santé pour espionner les provinces, le ministre de la Santé ne serait-il pas plus avisé d'investir quatre millions pour s'acquitter de ses responsabilités et offrir aux autochtones des soins de santé convenables? Ça, c'est sa responsabilité, ça le regarde et c'est de ça dont il devrait s'occuper.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous dépensons annuellement une somme de plus d'un milliard de dollars pour assurer que les services de soins de santé soient disponibles aux autochtones sur les territoires des premières nations.

Nous allons continuer de travailler avec les communautés autochtones pour faire en sorte que les services essentiels soient disponibles.

*  *  *

[Traduction]

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les changements proposés hier au système de transport des céréales, et j'imagine que c'est ce qu'on pourrait appeler une conférence de presse portant établissement d'une mesure législative, sont fondés sur un protocole d'entente intervenu entre la Commission du blé et le gouvernement.

Des sceptiques pensent que la Commission du blé protégera son propre fief et ne mettra pas de l'avant toutes les améliorations réelles prévues. Le gouvernement va-t-il mettre les choses au clair en déposant ce protocole avant de présenter la mesure législative?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion de discuter tout récemment des principes que le gouvernement entend mettre de l'avant. Ces principes ont été annoncés hier par le ministre des Transports.

Dans la mesure où ces principes influent sur les activités de la Commission canadienne du blé, nous devons maintenant les exprimer dans un document juridique qui constituera un protocole d'entente entre la commission et le gouvernement. Lorsque ces discussions seront terminées, le document deviendra public. Entre-temps, nous consulterons d'autres intervenants afin d'obtenir aussi leur apport.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, en dernière analyse, dans ce dossier, les producteurs sont les intervenants qui doivent être les grands gagnants. Permettre à la Commission du blé de siéger à huis clos et de déterminer les règles ne servirait que les intérêts de cette dernière.

Toutes les études réalisées montrent au gouvernement que les coûts de transport ne diminuent que lorsque les sociétés de chemin de fer et les sociétés céréalières peuvent négocier directement entre elles une entente efficace de transport du grain.

Le ministre des Transports peut-il donner aux producteurs l'assurance que son nouveau système permettra aux sociétés céréalières et aux sociétés ferroviaires de négocier sans ingérence de la part du gouvernement ou de la Commission du blé?

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la proposition que j'ai annoncée hier se veut un programme global. Le député doit reconnaître que le montant de 178 millions de dollars consenti aux producteurs est une victoire pour les agriculteurs de l'Ouest. Je mets l'Alliance au défi de se rendre où que ce soit dans l'ouest du Canada et de prétendre le contraire.

 

. 1440 + -

C'est un programme global. Il permettra l'instauration d'un système concurrentiel dans l'ouest du Canada pour la première fois, et les producteurs en profiteront.

*  *  *

[Français]

LE BUREAU D'INFORMATION DU CANADA

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, nous apprenons, via l'accès à l'information, que le Bureau d'information du Canada, le fameux BIC, l'agence de propagande fédérale, a versé 1,2 million de dollars à BCE Média, filiale de BCE, présidé par Jean Monty, pour la production d'une émission qui s'appelait Scully RDI.

Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine. Pourquoi le gouvernement fédéral subventionne-t-il une compagnie aussi riche que BCE? Aux fins de s'en servir comme prête-nom pour produire Scully RDI?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le Bureau d'information du Canada a participé, en partenariat avec BCE Média et la Fondation CRB, à un programme appelé Le Canada du millénaire.

Dans ce programme, nous avons fait connaître les défis du Canada dans les programmes du millénaire.

*  *  *

LES GAZ À EFFET DE SERRE

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Ressources naturelles.

Le réchauffement planétaire constitue une menace réelle pour les Canadiennes et les Canadiens, ainsi que pour leur mode de vie. À Kyoto, en 1997, le Canada...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Si vous voulez avoir des discussions personnelles, je vous demande de bien vouloir vous retirer de la Chambre.

M. Guy St-Julien: À Kyoto, en 1997, le Canada s'est engagé à réduire de 6 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre sous les niveaux de 1990 d'ici l'horizon 2008-2012.

Est-ce que le ministre des Ressources naturelles pourrait nous dire quelles mesures les industries canadiennes ont prises pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux qu'on me pose cette question à la veille de la Semaine nationale de l'exploitation minière au Canada.

Le secteur minier canadien rend public aujourd'hui un document intitulé Agir en matière de changements climatiques. Ce secteur reconnaît que les changements climatiques représentent non seulement un défi, mais également une occasion à saisir. Il se joint à des organismes environnementaux comme le Pembina Institute et Stratos pour prendre des mesures constructives. Il montre que, cette année, les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur minier diminueront de plus de 4 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990, et il promet de les réduire davantage.

*  *  *

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'hiver de 1996-1997 a accentué un énorme problème dans le transport du grain dans l'ouest du Canada. Les rapports Estey et Kroeger ont présenté plusieurs recommandations, notamment assurer le transport du grain sur une base entièrement commerciale.

Ces rapports recommandaient que les sociétés de transport du grain et les sociétés ferroviaires concluent des marchés pour transporter le grain jusqu'aux ports. Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de pratiquement faire fi des recommandations importantes qui ont été faites dans les rapports Estey et Kroeger?

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député de l'Ouest sait que cette question divise tous les habitants des provinces de l'Ouest. Elle soulève grandement les passions. Elle est chargée d'histoire. Dans son rapport, M. Estey nous a présenté un cadre. Pour sa part, M. Kroeger nous a montré comment l'appliquer.

Nous nous sommes inspirés de leurs travaux pour élaborer le programme que nous avons annoncé hier. L'annonce d'hier marque le début d'un régime concurrentiel qui subsistera pendant des années.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les tiers indépendants chargés par le gouvernement de surveiller l'efficacité générale du transport du grain formuleront sans doute les mêmes recommandations que MM. Estey et Kroeger.

 

. 1445 + -

Tout le monde sait que le groupe parlementaire du Parti libéral se querelle sur cette question depuis des mois. Pourquoi le ministre des Transports a-t-il permis que des querelles internes l'emportent sur les désirs des intervenants dans le transport du grain?

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il y a peut-être des querelles internes au sein de l'Alliance canadienne, mais, dans le Parti libéral, les questions de l'heure font l'objet d'un dialogue constructif. Cela a permis de présenter un programme équilibré.

Grâce à ce programme, nous avons résolu les questions importantes qui touchent les producteurs de l'Ouest. Un montant de 178 millions de dollars a été versé aux agriculteurs et 175 millions seront consacrés à l'amélioration des routes de transport du grain. C'est une victoire pour le dialogue et une victoire pour les producteurs de l'Ouest.

*  *  *

LA SANTÉ

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.

Le fait est que le ministre de la Santé n'a pas réussi à empêcher une chose qu'il a lui-même jugée désastreuse pour le régime d'assurance-maladie. Le fait est que le bilan du ministre contraste violemment avec celui d'une ancienne ministre libérale de la Santé, Monique Bégin, qui, en constatant une menace contre le régime d'assurance-maladie, a eu recours au pouvoir du Parlement pour modifier la loi sur l'assurance-maladie et présenter la Loi canadienne sur la santé.

La situation actuelle est apparue pendant que le ministre de la Santé était de vigie. Il a échoué complètement et n'a pas pu empêcher ce qu'il a lui-même qualifié de désastreux. Pourquoi ne songe-t-il pas à démissionner?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les revoici avec la même rengaine: paroles creuses, aucune idée, aucune solution et aucune proposition précise. En quoi la loi 11 contrevient-elle à la Loi canadienne sur la santé? Comment vont-ils résoudre les problèmes de l'assurance-maladie? Pour un parti marginal, il est facile de se contenter de critiquer.

Notre gouvernement veillera sur place en Alberta à ce que les établissements privés à but lucratif ne contreviennent pas à la Loi canadienne sur la santé. Voilà le rôle que les Canadiens veulent nous voir jouer, et c'est le rôle que nous allons exercer.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, on peut vraiment dire que le ministre veille sur place. Il est sur place, maintenu par terre sous le pied de Ralph Klein, qui agit à sa guise tandis que le gouvernement fédéral assiste impuissant à cet assaut contre le régime d'assurance-maladie.

Nous avons fait toutes sortes de suggestions. Nous avons notamment recommandé au gouvernement fédéral de rétablir intégralement sa part du financement de l'assurance-maladie. S'il l'avait fait, nous n'aurions jamais eu ce problème. Qu'on ne vienne pas nous dire que nous n'avons pas fait de suggestions.

Dans sa déclaration, le ministre n'a pas dit un mot au sujet de l'ALENA. Peut-il nous dire aujourd'hui quand le gouvernement fédéral nous expliquera pourquoi il pense que cela n'a rien à voir avec l'ALENA?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le NPD prétend avoir émis une idée. Il veut que l'on consacre plus d'argent à la santé. Lors de la campagne électorale de 1997, il a parlé d'un plancher des transferts en espèces de 15 milliards de dollars. Nous l'avons porté à 15,5 milliards. Le NPD a proposé de réinvestir 7 milliards de dollars dans la santé. Nous y avons réinvesti deux fois plus depuis 1999. Avant la présentation de notre budget pour la santé, le NPD a dit que nous devrions augmenter de 2,5 milliards de dollars les transferts destinés à la santé. Nous y avons consacré 14 milliards de dollars. Le NPD retarde un peu.

*  *  *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale vient de dire que le dossier des hélicoptères avance, ce qui est une bonne nouvelle parce qu'on ne peut en dire autant des hélicoptères mêmes. Le ministre a aussi parlé d'un programme d'amélioration de 50 millions de dollars.

En fait, la plus grande partie de ce montant servira à remplacer les moteurs et les boîtes d'engrenage des hélicoptères, ce que tous les autres pays ont déjà fait. Il n'y a pas de nouveaux radios, pas de nouveau matériel: aucune amélioration.

Où sont les améliorations de 50 millions de dollars? Quelles sont au juste les nouvelles possibilités? Je voudrais des réponses à ces questions.

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il y a diverses composantes dans un hélicoptère et elles sont toutes conçues de manière à bien fonctionner ensemble, afin de garantir la sécurité de nos Sea King. Ces hélicoptères sont toujours extrêmement utiles et nos pilotes les conduisent justement pour qu'ils le soient. C'est ainsi que, dernièrement, ils ont permis de secourir des personnes lorsqu'un navire a coulé dans les Caraïbes. Ces appareils continuent de servir à des opérations de recherche et sauvetage ainsi qu'à des opérations de surveillance à partir de nos frégates de patrouille. Ils font ce qu'ils doivent faire et nous affectons des montants additionnels pour qu'ils continuent d'être utiles jusqu'à ce que nous recevions les nouveaux hélicoptères.

 

. 1450 + -

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, le ministre aurait pu abréger sa réponse et dire qu'il n'y a aucune amélioration. On tente simplement de maintenir les hélicoptères en état de voler.

Le ministre a déclaré plus tôt que les hélicoptères ne prennent les airs que lorsqu'ils peuvent voler en toute sécurité. Nous savons à quel point ils peuvent le faire. Un pilote de Sea King a dit qu'une situation d'urgence surgit une fois par douze vols. Imaginons un peu ce que ce serait si Air Canada faisait face à une situation d'urgence à tous les douze vols. Ses appareils seraient interdits de vol; ce serait inacceptable.

Pourquoi appliquer la règle de deux poids, deux mesures selon qu'il s'agit de sécurité militaire ou de sécurité civile?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je n'hésiterai jamais à comparer la sécurité et l'entretien des appareils du secteur militaire à ceux de n'importe quelle entreprise privée. Nous voyons à garantir que nos appareils soient bien entretenus et en bon état de vol. Je pense que les faits prouvent que, depuis nombre d'années, l'hélicoptère Sea King est sécuritaire.

*  *  *

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Il y a quelques semaines, l'opposition a fait une allégation au sujet de la vente d'une propriété fédérale située dans Brampton-Centre, ma circonscription. D'autres allégations concernant des ententes de faveur entre la Société immobilière de l'Ontario et les partisans de l'Alliance réformiste conservatrice ont été faites à l'Assemblée législative de l'Ontario.

Le ministre peut-il dire à la Chambre où en est cette question?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne la propriété à Brampton, la Société immobilière du Canada a demandé à KPMG de procéder à une vérification indépendante. Le rapport indique clairement l'absence de toute irrégularité. Il dit aussi que des circonstances exceptionnelles ont permis à l'acheteur original de vendre la propriété en faisant un profit considérable. Cette propriété a été mise en vente par l'intermédiaire de deux grandes agences immobilières. Elle est restée 18 mois sur le marché, ce qui est long de l'avis des agents immobiliers.

*  *  *

LA RIVIÈRE ATHABASKA

M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au mois de juin de l'année dernière, à la Chambre, j'ai demandé au gouvernement pourquoi il avait abandonné les travaux de dragage de la rivière Athabaska, la traditionnelle et unique voie d'approvisionnement menant à Fort Chipewyan. Le gouvernement m'a alors répondu qu'il me fournirait une explication.

Il y a deux jours, le ministre des Pêches et des Océans a annoncé haut et fort un programme de 15 millions de dollars pour draguer les Grands Lacs, et cela, pour les mêmes raisons qui sont en présence à la rivière Athabaska.

Pourquoi le gouvernement a-t-il abandonné la population de Fort Chipewyan tant en annonçant de nouveaux travaux pour le dragage des Grands Lacs?

L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, les députés ont réuni un excellent dossier. Le niveau des eaux des Grands Lacs n'a jamais été aussi bas.

Le député devrait savoir que le développement économique dans les rivières et dans les Grands Lacs représente une somme de deux milliards de dollars. La pêche récréative et sportive table sur les marinas. Les porte-parole des marinas nous fait savoir qu'il fallait agir en ce sens. Nous voulons collaborer à cet égard avec le gouvernement provincial et l'association des exploitants de marinas. C'est une bonne nouvelle pour les gens d'affaires et pour l'Ontario.

*  *  *

[Français]

LES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, grâce au programme de libération conditionnelle, une centaine de Rock Machines seront bientôt relâchés de prison.

Comment est-il possible de permettre à des membres de groupes criminalisés de profiter d'une mesure de réinsertion sociale, comme la libération conditionnelle, alors qu'on sait pertinemment qu'ils n'attendent que leur sortie de prison pour partir en guerre contre un autre groupe criminalisé?

[Traduction]

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ma collègue sait très bien que, lorsque quelqu'un obtient une libération conditionnelle, elle lui est accordée par l'intermédiaire de la Commission nationale des libérations conditionnelles. C'est un organisme indépendant qui réexamine toutes les informations et la sécurité publique est toujours la grande priorité.

*  *  *

 

. 1455 + -

LA SANTÉ

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, au lieu de s'en prendre au NPD qui défend le régime de soins de santé, le ministre aurait intérêt à se demander si son intervention a été suffisamment énergique pour empêcher la privatisation décidée par Ralph Klein. Peut-être que, lorsqu'il sera de retour chez lui, ce soir, il pourra se poser la question.

Croit-il sincèrement que, s'étant déclaré gravement préoccupé et ayant opté pour l'attentisme, il ait réglé les choses? Aujourd'hui, c'est fait, la loi 11 est en vigueur. Les conséquences aux termes de l'ALENA se feront sentir bientôt.

Les Canadiens ne font pas confiance au ministre qui nous a méchamment laissés tomber. Le moment est venu pour lui de remettre sa démission. Le fera-t-il?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, à quoi cela rime-t-il? Que veulent dire les néo-démocrates?

S'ils sont d'avis que la loi 11 contrevient aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé...

Des voix: Oh, oh.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Nous souhaitons entendre le ministre répondre et je demande qu'on lui en donne la possibilité.

L'hon. Allan Rock: Je vais simplifier les choses pour les néo-démocrates.

La Loi canadienne sur la santé, dont ils parlent tant, prévoit des mécanismes habilitant le gouvernement du Canada à en faire respecter les principes. Les partis de droite, comme l'Alliance canadienne et le Parti conservateur, voudraient supprimer les versements en espèces et les transferts, ne laissant que les points d'impôt. C'est là-dessus qu'ils ont fait campagne, pour qu'il n'y ait pas moyen de faire respecter la loi.

Les libéraux ont bien compris qu'il fallait faire respecter la loi. Nous avons indiqué à la Chambre aujourd'hui que nous veillerons à ce que, dans tous les établissements de santé en Alberta, les principes de la Loi canadienne sur la santé soient respectés. C'est là le devoir du gouvernement.

*  *  *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale vient de dire qu'il est prêt à soumettre à tout moment ses dossiers de sécurité des hélicoptères Sea King au Bureau de la sécurité des transports. Le ministre pourrait-il les déposer? Nous aimerions beaucoup les voir afin que les Canadiens puissent comparer la sécurité de nos soldats avec celle du public canadien.

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je serai heureux de fournir toute information qui sera susceptible d'aider le député à comprendre que nous ne faisons voler les Sea King que lorsqu'ils sont en état de voler en toute sécurité. Le programme d'entretien est très rigoureux. Nous consacrons 50 millions de dollars à l'amélioration des appareils.

Si le député veut faire un tour dans l'un d'eux, il sera le bienvenu. Il trouvera que c'est une expérience beaucoup moins dangereuse que d'être député du Parti conservateur.

*  *  *

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, le Canada est très fier d'être le premier pays à avoir signé la convention sur la biodiversité à la conférence de Rio en 1992. À partir de mai de cette année, on pourra signer le protocole sur la biosécurité dans le cadre de cette convention.

Le ministre de l'Environnement peut-il nous dire si le Canada sera l'un des premiers à le signer?

Mme Paddy Torsney (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le protocole de Carthagène a établi un nouveau cadre mondial pour la protection de la biodiversité contre tout effet nocif possible dû aux déplacements transfrontaliers d'organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne.

Le protocole est très complexe et exigeant. Nous devons consulter les provinces, les territoires, les Canadiens et l'industrie. Nous n'allons pas perdre de temps, mais nous allons faire le travail nécessaire pour nous assurer que nous comprenons bien toutes les implications du protocole avant de le signer.

*  *  *

CAMILLE MONTPETIT

Le Président: Je voudrais souligner un événement assez important à la Chambre.

[Français]

Je veux attirer votre attention sur cet événement. C'est avec un pincement au coeur que je vous annonce qu'aujourd'hui sera le dernier jour de travail au Bureau de l'un de nos greffiers les plus estimés, M. Camille Montpetit.

En effet, Camille prend une retraite bien méritée après plus de 30 ans de bons et loyaux services à la Chambre des communes.

 

. 1500 + -

[Traduction]

Comme l'a dit le leader parlementaire de l'opposition, Camille a commencé sa carrière à la Chambre en 1868—en 1968.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Si nous sommes aussi bien conservés à cet âge-là, nous serons heureux. Il s'est distingué dans les divers postes qu'il a occupés. Il a, notamment, été greffier principal de la Direction des journaux et de la Direction des recherches pour le Bureau, il a été greffier adjoint aux travaux de la Chambre et, enfin, sous-greffier, poste qu'il a occupé jusqu'à aujourd'hui.

Comme vous le savez tous, Camille est aussi le coauteur du manuel paru récemment et fréquemment cité, La procédure et les usages de la Chambre des communes, que j'ai eu l'honneur de déposer en son nom en février 2000.

[Français]

Je sais que tous les députés de la Chambre se joignent à moi pour rendre hommage à l'éminente carrière de Camille Montpetit.

Camille, je tiens à vous adresser, à vous, à votre épouse Monique et à votre famille qui sont ici aujourd'hui, non seulement mes voeux de santé et de bonheur pour les années à venir, mais ceux de tous mes collègues de la Chambre. Vous avez rendu de très grands services à la Chambre des communes et nous vous en sommes profondément reconnaissants.

Mon cher Camille, mille mercis pour le très bon travail que vous avez fait pour nous ici à la Chambre. Vous allez nous manquer.

Des voix: Bravo!

*  *  *

 

. 1510 + -

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la question que se posent les Canadiens au moment où nous discutons de la question du jeudi est: quel est exactement le programme du leader parlementaire pour les travaux des jours à venir? Allons-nous traiter des questions importantes pour le pays ou allons-nous ne parler que de la pluie et du beau temps?

Je demande au leader parlementaire de dire aux Canadiens aujourd'hui quel est son programme législatif pour le reste de la semaine et la semaine prochaine.

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, c'est toujours la meilleure question à être posée le jeudi. J'essaierai donc d'y donner aussi la meilleure réponse, quoique certains de mes collègues aient donné aujourd'hui des réponses d'une qualité qu'il sera difficile d'égaler.

Quoi qu'il en soit, nous continuerons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-18, les modifications au Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies. Si, par hasard, nous terminons ce débat, nous pourrions entreprendre l'étude du projet de loi C-33, mais je crois comprendre qu'il n'y aurait pas plus d'un ou deux députés prêts à intervenir aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, demain, nous procéderons à la deuxième lecture du projet de loi S-10, sur les empreintes génétiques, et du projet de loi S-3, sur la mise en oeuvre de traités fiscaux internationaux. Si l'étude de ces projets de loi était terminée avant la fin de la journée demain, je ne soumettrais rien d'autre à la Chambre.

Lundi, nous espérons pouvoir terminer l'étude, à l'étape du rapport et, si possible, de la troisième lecture, du projet de loi C-26, sur les sociétés aériennes. Des consultations à cet égard sont en cours. Une fois tout cela terminé, nous poursuivrons ou entreprendrons l'étude du projet de loi C-33, selon le cas. Il s'agit du projet de loi sur les espèces sauvages en péril.

Mardi, nous discuterons du projet de loi C-25, sur l'impôt sur le revenu. Ce projet de loi est présentement bloqué en deuxième lecture en raison de deux amendements motivés.

Mercredi, nous serons saisis des projets de loi déjà énumérés dont l'étude n'a pas été terminée. Je voudrais faire du jeudi 18 mai une journée de l'opposition.

 

. 1515 + -

Si c'était possible, puisqu'il ne restera qu'une journée avant l'interruption de nos travaux, j'aimerais que l'on reprenne le projet de loi C-12, qui modifie le Code canadien du travail, pour en terminer l'étude à l'étape du rapport et peut-être la troisième lecture. Ceci terminerait le programme avant la pause de mai.

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, le leader parlementaire du gouvernement pourrait-il nous dire si le projet de loi concernant le transport du grain, dont on a parlé aujourd'hui à la période des questions, sera bientôt déposé à la Chambre? Je crois savoir que le gouvernement voudrait qu'il soit adopté avant la prochaine campagne agricole, et il importe que nous puissions examiner ce projet de loi avant d'en débattre.

L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de soulever cette question qui est manifestement très importante non seulement pour nous, mais aussi pour la collectivité agricole, en particulier dans l'ouest du Canada.

J'espère présenter ce projet de loi à la première occasion. Je comptais le faire avant que nous ajournions nos travaux, la semaine prochaine, mais je crois comprendre qu'on n'aura alors pas fini de rédiger le projet de loi. Je me propose de le présenter dès notre retour afin que nous puissions tous y consacrer le plus de temps possible.

Avec le consentement de la Chambre, il pourrait être présenté dès le mardi de la rentrée. Il faudra que ce soit tard dans la journée à cause de divers instruments du gouvernement. Je proposerai que l'on sollicite ce consentement si le projet de loi est alors prêt. Sinon, il faudra que ce soit au plus tard le mercredi, mais je répète que je ferai mon possible pour l'avoir dès mardi.

Par suite notamment d'instances de la part de députés et de collègues, nous avons pris des dispositions pour que la politique soit au moins annoncée hier afin que les députés puissent consulter leurs électeurs sur cette question très importante.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE CODE CRIMINEL

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, avant la période des questions orales, j'ai eu la chance d'intervenir sur le projet de loi C-18 pour expliquer la position du Bloc québécois et pour dire que le Bloc québécois était effectivement contre le projet de loi C-18, et pour expliquer les raisons pour lesquelles nous allions nous prononcer contre.

Le Bloc québécois reconnaît que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une infraction très grave. Nous sommes tous d'accord avec cela, parce que cela a une conséquence sans retour sur une personne et cela cause des ennuis importants, des peines importantes à sa famille. Tout le monde en convient, tout le monde est d'accord avec cela.

Nous trouvons cependant que le fait de vouloir imposer une peine d'emprisonnement à vie au conducteur qui a causé cette mort en conduisant son véhicule avec facultés affaiblies, c'est démesuré par rapport à d'autres peines que l'on retrouve dans le Code criminel, et que cela ne réglerait en rien le problème.

Le Bloc québécois considère qu'il existe des solutions pratiques et concrètes qui devraient être mises en vigueur, dont, entre autres, le système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre, que je me ferai un plaisir d'expliquer tout à l'heure, si j'en ai le temps.

L'optique que je veux faire comprendre, c'est qu'on a devant nous un projet de loi déposé par le gouvernement, je dirais, beaucoup plus par intérêt politique que par besoin juridique. Personne de l'ignore, il y a, au Canada, un fort courant de droite animé principalement par l'Alliance canadienne pour amener des lois beaucoup plus strictes, beaucoup plus sévères, au niveau du Code criminel, sans nécessairement avoir des assises solides.

On l'a vu au niveau des jeunes contrevenants. C'est une situation très claire, très nette. On a développé, au Québec, une pratique, une approche préventive qui permet de ramener les jeunes délinquants dans le droit chemin, de les aider à réapprendre à vivre en société et de respecter le cadre légal, le cadre de notre société, et cela fonctionne.

 

. 1520 + -

Cependant, le reste du Canada s'est beaucoup laissé influencer par l'approche américaine. On souhaite des emprisonnements beaucoup plus sévères et que nos jeunes, lorsqu'ils commettent une erreur, en paient le prix très sévèrement. Mais on oublie souvent que cette situation crée des délinquants qui se retrouvent en prison et que les prisons deviennent des écoles du crime. Cet exemple des jeunes délinquants s'applique également dans le cas du projet de loi C-18 pour la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort.

Au lieu d'avoir une approche punitive de ce type, le Bloc québécois préfère qu'on mette de l'avant une formule pour améliorer l'effet dissuasif, soit celle comme le système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre. Il s'agit tout simplement d'un système antidémarrage qui peut permettre, en le précisant dans le Code criminel, d'indiquer le type de personnes qui devraient être obligées d'avoir ce système dans leur auto.

On pourrait envisager toutes sortes d'utilisations possibles de ce système. Pourquoi ne pas envisager—et c'est mon opinion personnelle—de pouvoir utiliser ce type d'antidémarreur pour l'ensemble des automobiles?

Par le passé, on a déjà incorporé dans les automobiles les ceintures de sécurité obligatoires. Les premières années, beaucoup de gens s'y opposaient. Aujourd'hui, on s'attache dans nos autos parce qu'on sait que c'est préférable pour notre santé et que, en cas d'accidents, les conséquences sont beaucoup moins graves. On pourrait donc envisager ce type de mesures. Toutefois, si on n'est pas prêts à aller jusque là, il faudrait, à tout le moins, qu'on applique ce type de mesures pour les conducteurs récidivistes en état d'ébriété pour s'assurer qu'ils ne puissent pas prendre la route et causer des décès qu'on voudrait pénaliser par un emprisonnement à vie.

On voit la différence. Le projet de loi veut punir après le fait et ne corrige pas la situation, soit les décès qui peuvent survenir, alors que le Bloc québécois veut éliminer le problème à la source pour s'assurer qu'il y aura le moins possible de ce genre de situations.

Je crois que l'attitude du Bloc québécois dans ce dossier est très responsable. C'est une attitude réfléchie et prônée par beaucoup d'intervenants. On a vu également que le système préventif dont je parle a été déjà appliqué par le passé en Alberta et au Québec. Les programmes actuels sont satisfaisants, donnent des résultats probants et permettent d'éviter que de telles situations se présentent.

En conclusion, je veux tout simplement dire que, pour le Bloc québécois, le projet de loi C-18 est un mauvais projet de loi. Il ne règle pas le problème à la source et en créera davantage qu'il ne va en résoudre. Il crée surtout deux poids, deux mesures dans notre Code criminel, ce qui nous apparaît inacceptable.

M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques. Il recommande des mesures intelligentes qui devraient s'appliquer le plus rapidement possible. J'appelle cela de la prévention.

Emprisonner quelqu'un et lui enlever son permis de conduire pendant des années, c'est évidemment quelque chose. Parfois, il faut peut-être le faire, mais personne ne me fera croire qu'en l'an 2000 on ne peut pas trouver quelque chose de mieux que cela.

Je vois des jeunes qui sont en général quand même plus sérieux que ceux qui ont 40 ou 45 ans. Quand ils vont à l'hôtel, ils ont pris l'habitude depuis des années de se faire reconduire. Il peut toutefois arriver que certains d'entre eux oublient et se laissent entraîner.

La semaine dernière, j'apprenais qu'il y a au Québec beaucoup d'accidents impliquant des motards. Il faut également réfléchir là-dessus. Quels moyens faut-il prendre? Faut-il envoyer quelqu'un en prison? Faut-il lui enlever son permis de conduire pendant 5, 10 ou 20 ans? Je ne crois pas que ce soit la solution. Mon collègue parle d'un système d'interrupteur d'allumage qui empêche l'auto de démarrer. Quand on adopte une loi, que veut-on? On veut deux choses: protéger la société et également celui qui, après une soirée, peut devenir, d'après notre Code, un criminel. Il faut donc y penser à deux fois.

 

. 1525 + -

Je demande à mon collègue d'expliquer davantage ce qu'est ce système. Est-ce qu'on devrait l'appliquer le plus rapidement possible? Est-ce qu'on applique ce système dans d'autres pays?

Je le félicite pour son intervention, et je demande au gouvernement de réfléchir, d'écouter et d'être très attentif aux propos de mon collègue.

M. Paul Crête: Monsieur le Président, avant d'expliquer en détail ce qu'est le système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre, je rappelle qu'effectivement, tel qu'il le disait, la proportion de personnes écopant de peines d'emprisonnement après avoir été reconnues coupables, par les tribunaux, de conduite avec facultés affaiblies a décru en 1994-1995 et 1997-1998, passant de 22 p. 100 à 19 p. 100. Il ne s'agit donc pas d'une situation d'urgence pour accroître les pénalités, mais il faut plutôt essayer d'éliminer le problème à la source.

Qu'est-ce que c'est, la proposition du Bloc, le système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre? C'est tout simplement un système antidémarrage qui, dans des circonstances précises prévues par le Code que je vais préciser, assurerait qu'un conducteur avec facultés affaiblies ne pourrait pas faire démarrer son auto.

Pour sa part, le Code criminel devrait être modifié pour permettre aux juges d'ordonner à un contrevenant de faire installer un système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre dans son véhicule, comme condition de mise en liberté surveillée, ou en échange de la réduction d'une interdiction de conduire de beaucoup plus longue durée.

On ferait alors vraiment de la prévention. On ferait même de la correction de comportement, parce que la personne aurait la possibilité de changer d'attitude. On s'assurerait ainsi qu'il y ait de moins en moins d'accidents de ce type.

Qu'est-ce que ce système? C'est un petit ivressomètre installé dans le véhicule qui oblige le conducteur à fournir un échantillon d'haleine ayant un taux nul ou faible pour pouvoir démarrer. La technologie actuelle des interrupteurs d'allumage est très fiable, même dans des conditions de température extrême. On est donc devant un système qui a été validé, qui fonctionne très bien et qui est en application au Québec et en Alberta.

On dit que les systèmes d'interrupteur d'allumage sont habituellement installés après une période de suspension du permis comme condition de rétablissement du permis de conduire du contrevenant. Donc, on va à la source. On va chez le récidiviste et on s'organise pour qu'il n'y ait pas d'autres récidives et d'autres pertes de vie, ce qui, à mon avis, est beaucoup plus progressiste que de condamner la personne après qu'il y ait eu perte de vie. C'est beaucoup plus progressiste de s'assurer qu'il n'y ait pas de perte de vie.

Les évaluations réalisées au cours des 10 dernières années ont démontré de façon constante que les systèmes d'interrupteur de démarrage étaient efficaces. Comme je le disais précédemment, l'Alberta et le Québec ont présentement des programmes satisfaisants d'installation de systèmes d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre.

Le Code criminel permettrait à tous les Canadiens de bénéficier de la sécurité accrue que peut leur apporter cette technologie. Cela pourrait se faire de deux façons. D'une part, les juges pourraient être autorisés à ordonner à un contrevenant de faire installer un système d'interrupteur d'allumage comme condition de remise en liberté surveillée et, d'autre part, les contrevenants qui sont condamnés pourraient être encouragés à installer un système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre en échange d'une réduction d'interdiction de conduite.

Cela exigerait une importante prolongation de la période d'interdiction, afin qu'après la réduction offerte en échange de l'installation du système, la période d'interdiction corresponde à la durée de la suspension du permis par la province.

Par ailleurs, les provinces pourraient être encouragées à faire de l'installation du système d'interrupteur d'allumage une condition obligatoire du rétablissement du permis, tout au moins pour les récidivistes et les personnes coupables d'une première infraction.

Si, au lieu de dire aux gens dont une personne de leur famille a été victime d'un accident: «Il va y avoir réparation, parce que la personne qui a causé cet accident va être condamné à une peine à vie», on disait à ces familles: «Si ce système avait été en place, vous n'auriez pas eu de décès dans votre famille», laquelle des deux solutions pensez-vous que les gens choisiraient?

Je pense qu'il faudrait que le gouvernement ait une attitude d'ouverture à cette proposition du Bloc québécois. C'est une position constructive, et je pense que le gouvernement fédéral devrait commencer à réagir contre la tendance à droite qu'on retrouve présentement dans toutes les modifications au Code criminel.

 

. 1530 + -

On dirait que la ministre de la Justice a beaucoup plus de préoccupations au sujet de sa réélection, parce que cette tendance est très présente dans la région qu'elle représente, alors que dans la réalité, avec la technologie moderne, nous sommes capables d'éviter ce genre d'accidents à la source.

Je souhaite que le gouvernement nous entende sur cette question.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, c'est avec immensément d'attention que j'ai écouté mon collègue, le député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques.

Est-ce qu'il pourrait nous dire si, en plus de nous suggérer un instrument que le Québec et une autre province du Canada ont trouvé efficace, il y aurait d'autres mesures préventives dont on pourrait se servir à l'endroit des individus sujets à conduire avec des facultés affaiblies et de ne pas aller à l'extrême, comme ce que préconise présentement la ministre de la Justice avec ce projet de loi?

M. Paul Crête: Monsieur le Président, je pense qu'il y a des solutions à deux niveaux.

La première, ce sont d'autres mesures préventives. Il faudrait s'assurer que la conduite en état d'ébriété soit le moins possible présente à la grandeur du Canada et qu'il y ait moins de situations de ce genre. Il faudrait donc avoir des lois à cet égard dans les provinces et au fédéral. On pourrait avoir des campagnes de publicité et de promotion pour s'assurer que les gens conduisent de moins en moins en état d'ébriété.

Il pourrait y avoir des encouragements particuliers aux actions entreprises, comme l'initiative Nez Rouge qui permet, pendant la période des Fêtes, de diminuer le nombre de personnes conduisant avec des facultés affaiblies. Ce sont des mesures préventives avec lesquelles on pourrait aller de l'avant. C'est ce que la question de ma collègue de Jonquière présupposait.

Il y a un autre élément qui n'est pas préventif, mais qui selon moi devrait être considéré. On sait que les peines actuelles ne sont pas pleinement utilisées. Je vais donner un exemple.

La peine d'emprisonnement la plus importante imposée par les tribunaux pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est de 10 ans. Les tribunaux, qui sont les mieux placés pour analyser les caractéristiques de chaque contrevenant, n'ont pas épuisé les ressources du Code criminel qui établit actuellement à 14 ans la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort.

Il y a déjà une marge. Les juges donnent déjà des peines moindres que ce qui est permis par le Code criminel. Ce serait peut-être une façon de faire. Les juges diraient, comme message à la population, que ce qui est prévu dans le Code criminel est ce qui va être imposé, plutôt que de modifier le Code criminel quand on n'utilise pas actuellement les autres moyens prévus.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-18, qui est devant la Chambre aujourd'hui, vise, encore une fois, à modifier le Code criminel.

On modifie beaucoup le Code criminel dans ce Parlement, particulièrement en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies causant la mort. Il s'agit là, bien sûr, d'un délit extrêmement grave. On comprendra que même si nous nous opposons fortement à ce projet de loi, notre position ne vise pas à laisser entendre que nous croyons que c'est un événement mineur que de causer la mort au volant d'un véhicule après avoir pris un verre de trop.

Fin 1999, un éditorialiste respecté de La Presse—certains sont respectés—, M. Pierre Gravel, écrivait, et je cite:

    On a souvent reproché au Bloc québécois de faire de l'obstruction systématique à Ottawa. Simplement pour démontrer que le régime fédéral ne peut pas fonctionner.

J'ai envie de rajouter: «Simplement pour démontrer que le régime fédéral refuse d'être amélioré par les vues de l'opposition».

M. Gravel poursuit en disant:

    C'est un grief qu'on ne pourra cependant pas lui faire pour son intervention dans le débat sur les sanctions à imposer aux automobilistes conduisant en état d'ébriété.

Voici probablement le point le plus important de son article:

    C'est, au contraire, dans ce dernier cas, son attitude ferme qui a largement contribué à modérer le zèle excessif des grands apôtres de la tolérance zéro.

 

. 1535 + -

Les grands apôtres de la tolérance zéro sont à ma droite dans cette Chambre et, malheureusement, cette intolérance a traversé allègrement le parquet de la Chambre.

M. Gravel continue, et je cite:

    Et, du même coup, à replacer toute la discussion à ce sujet dans une perspective raisonnable où les sanctions liées à ces infractions ne seront pas disproportionnées par rapport à des crimes aussi graves [...]

Ces crimes pourraient être quelquefois pires.

      [...] qui valent à leurs auteurs des peines beaucoup moins lourdes.

Le projet de loi C-18 est revenu à la Chambre aujourd'hui et c'est assez inquiétant de voir le silence relativement impressionnant du gouvernement, des partis de droite. Serait-ce qu'ils n'ont plus rien à dire pour contrer nos arguments? Ce serait déjà un signe de sagesse. Mais la plus grande sagesse serait de retirer ce projet de loi.

Serait-ce qu'ils sont davantage préoccupés de calculs électoraux? Il y a un des partis en cette Chambre dont le congrès débute, et je comprends, je les excuse de ne pas intervenir.

L'Alliance a un congrès, bien sûr, mais c'est autour de la fête nationale du Québec, alors il y a du temps. Le parti d'en face a tenu son congrès, il y a à peine quelques semaines. Alors, pourquoi se taisent-ils?

Je crois qu'ils se taisent, parce qu'ils ont décidé que ce projet de loi serait adopté à une très large majorité, puisque, bien sûr, il est clair que seul le Bloc se prononcera contre.

Pierre Gravel, dans le même article auquel je faisais référence, qui date de presqu'un an, puisqu'il l'avait écrit le 3 juin, rajoutait un peu plus loin:

    Mais lorsque le gouvernement, comme c'est le cas présentement, affronte une opposition ultra-conservatrice et populiste, comme le Parti réformiste [...]

À ce moment-là, c'était encore le Parti réformiste.

      [...] qui préconise toujours les peines les plus sévères pour faire régner partout la loi et l'ordre, on s'expose inévitablement à voir émerger les solutions les plus radicales qui ne tiennent pas toujours compte de toute la réalité.

Monsieur le Président, ce n'est pas à vous que j'ai à dire qu'il est bien rare que le radicalisme va avec le respect. On a eu des exemples très récents dans cette Chambre.

Pierre Gravel continue:

    Et qui ont comme principal mérite de calmer la grogne d'une population excédée dont le désir de vengeance est constamment exacerbé par beaucoup de démagogues. Quand, en plus, le parti au pouvoir [...]

C'était vrai il y a un an. Imaginez maintenant.

    Quand, en plus, le parti au pouvoir sent le besoin impérieux de gagner en popularité auprès d'un groupe de citoyens qui applaudissent devant l'attitude intraitable de l'opposition, on se retrouve avec un projet inacceptable comme celui qui a suscité l'opposition irréductible et, dans ce cas, totalement justifiée du Bloc québécois.

Un an plus tard, M. Gravel pourra reprendre son éditorial, l'ajuster à la réalité actuelle et voir que, de plus en plus, ce gouvernement se distingue par son opportunisme qui va avoir comme conséquence de traiter de la sorte des citoyens, au demeurant honnêtes, qui ont pu avoir une erreur de jugement. Qui n'en a pas?

 

. 1540 + -

Qui peut se lever et dire: «Moi, je n'ai jamais fait d'erreur de jugement et n'en ferai jamais.». On traitera ainsi un citoyen honnête qui, effectivement, a fait une erreur de jugement et posé un geste inacceptable, soit celui de démarrer sa voiture et de partir en ayant une conduite pouvant entraîner la mort d'une personne.

J'aimerais vous poser une question: Croyez-vous qu'un seul d'entre nous qui aurait ce manque de jugement serait capable de vivre avec une sérénité extraordinaire s'il lui arrivait par malheur de poser un geste inacceptable, soit celui de conduire sa voiture en état d'ébriété et de causer des blessures ou, pis encore, la mort d'une personne? Je ne connais personne ici, pas plus dans mon environnement ou parmi la majorité de la population, qui dirait: «Ouf, il n'y a rien là.»

Ce n'est pas vrai. Contrairement aux criminels d'habitude, qui eux sont inscrits dans une culture où les délits font partie de leur quotidien et n'ont finalement aucune importance, la majorité des citoyens qui se retrouvent face à une accusation au criminel pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort sont des gens qui se repentent. Évidemment, le repentir est quelquefois le commencement de la sagesse.

Mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques faisait référence à l'importance de la prévention. J'ai été jeune un jour. Je me rappelle qu'à l'âge tendre où les gars qui ont des voitures sont très intéressants, il m'est arrivé de partir en virée un 14 juillet. C'est même ce jour-là que j'ai rencontré mon mari. Je suis partie avec des jeunes gens qui s'en allaient célébrer le 14 juillet. On sait qu'au début des années 1960, le Québec était dans un grand réveil et le vin coulait à flots pour célébrer la fête de la France.

Quand il a été question de revenir, j'ai regardé le chauffeur et j'ai dit: «Juste ciel, jamais je ne monterai à bord.» Je trouvais que ma vie avait encore une certaine valeur. J'ai accepté quelque chose qui aurait pu être pire. J'ai accepté de partir avec un beau jeune homme que j'avais rencontré sur la piste de danse, qui lui m'apparaissait sérieux. J'avais vu qu'il n'avait pas consommé de façon excessive, peut-être un verre et demi de vin. Il m'a effectivement ramenée à bon port en toute sécurité. Avec lui, au bout de trois ans, j'ai accepté de prendre la route pour le chemin de la vie.

La prévention, cela sert à rendre les gens davantage conscients des dangers que certains comportements peuvent entraîner. Au Québec, la valeur de la prévention est entrée dans nos moeurs.

Il y a un autre projet de loi qui est devant la Chambre. On en entend parler depuis très longtemps et il touche les jeunes contrevenants. Je n'ai pas besoin de citer de nouveau ici les statistiques du Québec, elles sont de loin très évidentes. Elles démontrent que la criminalité chez les jeunes contrevenants est de plus en plus réduite, que tout le processus de prévention et de réadaptation fonctionne.

Pour cela, plutôt que de décider de mettre les jeunes en prison, ou d'envoyer en prison à vie les chauffards coupables d'avoir blessé ou tué quelqu'un, on sait que la prévention, ça marche. Cela permet de faire des citoyens qui sont davantage en mesure de faire face à leurs responsabilités.

Au fond, ce débat d'aujourd'hui aurait dû être le prétexte pour que l'on fasse une réflexion adulte, mature, entre des gens qui viennent de partout au Canada ou du Québec, sur la notion de responsabilité comme citoyens.

 

. 1545 + -

C'est peut-être là qu'il nous faut réfléchir. On a ici une tribune extraordinaire pour transmettre ce message de réflexion sur la responsabilité. Il y a ici beaucoup de gens qui ont eu des enfants et qui ont fait de leur mieux pour les élever. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de parents qui vont dire: «Moi, j'ai fait de mes enfants des citoyens exemplaires, responsables, qui réussissent bien, qui assument toutes les tâches qui leur sont confiées, parce que je les ai battus régulièrement et que je les ai enfermés dans leur chambre.»

Ce que l'on veut faire avec le projet de loi C-18, c'est un peu cela. Alors, il faut faire de la prévention et il faut investir de l'argent au niveau scolaire. Au même titre que les jeunes qui commencent à fumer à huit ou neuf ans, on sait qu'il y a des jeunes qui commencent à consommer de l'alcool relativement tôt dans leur existence.

Il faut donc avoir des programmes d'éducation avec des gens qui savent ce que cela veut dire, qui sont capables de transmettre les valeurs. Il faut des programmes d'éducation pour les parents pour faire en sorte qu'ils favorisent un éventail de comportements acceptables.

On sait que prendre un verre en bonne compagnie, ou pour souligner un événement heureux, ou tout simplement parce que c'est vendredi et qu'il fait beau, il n'y a rien de répréhensible en cela. Bien au contraire, je pense que c'est un signe de socialisation et Dieu sait qu'on en a besoin. Où cela se gâte, c'est quand on prend un, deux ou trois verres, qu'on se rend à huit verres, et que là, c'est la bouteille au complet. Je parle évidemment du vin; si je parle du scotch, c'est autre chose, il en faut moins.

Il y a un autre problème auquel je veux faire référence. Je ne sais pas si mes collègues en ont parlé. Parmi les gens qui conduisent avec facultés affaiblies et qui sont la cause d'accidents graves, il y a le citoyen honnête à qui il arrive un incident. Ce n'était pas voulu, ce n'était pas prémédité.

Il y a un autre groupe de citoyens: toutes ces personnes aux prises avec une maladie extrêmement grave qui s'appelle l'alcoolisme. On a tous eu dans notre environnement, un jour ou l'autre, à côtoyer une personne pleine de qualités, mais qui avait, hélas, une dépendance importante à l'alcool.

C'est déjà difficile de se débarrasser d'un rhume ou d'une grippe, mais se débarrasser d'un problème d'alcoolisme, ce n'est pas une grippe. C'est une maladie de l'âme qui entraîne des dépendances physiques épouvantables. Il faut aider ces gens-là, parce qu'ils ont besoin de supports à la fois psychologiques et médicaux. Il faut les aider à prendre leur décision, parce que cette maladie est un processus dont on guérit quand on est convaincu qu'on n'a plus d'autre choix.

Ce que le projet de loi C-18 vise à faire, c'est de dire: «On règle le problème, on ouvre la porte, on les met en-dedans, on ferme la porte et on dit, c'est fini, vous en sortirez les pieds devant.» On fait cela pour des citoyens honnêtes qui ont été malchanceux et pour des citoyens malades.

Je réitère encore une fois ma demande au gouvernement, et j'image que le président du Comité permanent des affaires de la Chambre et de la procédure, qui est un homme raisonnable qui comprend le bons sens, saura se faire l'apôtre de ma demande: que le gouvernement retire le projet de loi C-18.

Ce projet de loi n'améliorera en rien la situation sur les routes. Tout ce qu'il va faire, c'est qu'il va blesser davantage de citoyens, et cela ne réduira non plus en rien la peine que les familles éprouvent quand elles perdent un des leurs. Ça, c'est clair. C'est quoi alors, l'objectif?

L'objectif, je l'ai dit et je le répète, c'est d'aller chercher des votes de gens qui, pour toutes sortes de raisons, ont tendance à penser que la répression, c'est ce qui marche et c'est ce qui doit marcher.

 

. 1550 + -

Quand on est rendus à utiliser la répression comme instrument courant de gestion de l'État, on n'est pas loin d'un État qui s'apparente à la dictature. J'espère que le Canada est bien loin de la dictature. Je le souhaite.

Je voudrais qu'il soit bien clair, pour les députés qui sont à la Chambre et pour les gens qui nous écoutent à la télévision, que ce n'est jamais par la répression qu'on change les comportements. On les change par l'éducation, la prévention et un investissement sérieux de la part de professionnels qui sont capables d'aider les gens qui ont des difficultés.

Je vais lire quelque chose qui est absolument passionnant. J'ai parlé des journalistes, mais tout le monde sait que les journalistes, ce n'est pas toujours très sérieux. Qui les lit? Heureusement qu'on peut les citer à la Chambre. Je vais lire quelque chose de beaucoup plus sérieux, c'est-à-dire un extrait d'un jugement récent, soit celui sur l'affaire Gladue.

Voici donc le contexte. Au moment où je commencerai l'extrait sur lequel je veux insister, je vous en informerai.

    Nombre d'enquêtes et de commissions ont été tenues dans ce pays [...]

Ce pays, c'est le Canada.

      [...] pour examiner, entre autres choses, l'efficacité du recours à la peine d'incarcération. Depuis 1914, chaque décennie a vu au moins une commission ou une enquête sur le recours à l'emprisonnement.

Depuis 1914, la réalité a bien changé. Les moyens de communications n'ont rien à voir. C'est tout à fait autre chose. Voici donc l'extrait sur lequel je veux insister:

    Une constante se dégage de l'examen des recommandations de ces rapports: il faut éviter l'emprisonnement [...]

C'était vrai en 1914.

      [...] il faut éviter l'emprisonnement autant que possible et réserver cette sanction pour les infractions les plus graves, particulièrement les infractions avec violence. Tous recommandent que l'incarcération soit utilisée avec retenue [...]

C'est une qualité qui n'appartient pas au gouvernement d'en face.

      [...] reconnaissant que la prison n'a pas permis de réduire le taux de criminalité et qu'on ne devrait y recourir qu'avec prudence et modération.

Cela non plus ne semble pas évident pour nos amis d'en face.

    L'emprisonnement n'a pas rempli la fonction de base du système judiciaire canadien que le Rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle, intitulé «Justice pénale et correction: un lien à forger» (1969), avait ainsi défini: «protéger la société du crime d'une manière qui commande le respect du public tout en évitant de porter inutilement préjudice au contrevenant.»

Si nous sommes rendus dans une société où un citoyen, à qui il arrive d'avoir une erreur de jugement et de tuer quelqu'un, risque d'être traité, comme ce sera le cas quand le projet de loi sera adopté, comme le tueur à gages qui a très habilement fait disparaître Dédé Desjardins, à Laval, il y a environ 10 jours, je pense que ce n'est pas traiter la société avec respect.

 

. 1555 + -

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, avant de poser une question à ma collègue de Laval-Centre, permettez-moi de la féliciter pour l'exposé qu'elle vient de faire.

Ma collègue de Laval-Centre vient de nous remettre les deux pieds sur terre et de nous dire la réalité quotidienne de bien des gens au Québec et au Canada. Elle vient de nous rappeler que conduire un véhicule avec des facultés affaiblies n'est pas en soi un acte criminel et que la personne qui commet cette infraction ne doit pas être punie par l'emprisonnement à perpétuité et retirée de la société.

Elle vient de nous dire que la coercition ne mène nulle part. Elle ne règle pas les problèmes, elle remet à plus tard les vraies décisions que l'on doit prendre pour vraiment régler un problème.

Dans sa grande sagesse, que croit-elle que devrait faire ce gouvernement, lui qui est complètement déconnecté de la réalité quotidienne du peuple du Canada? Que devrait faire ce gouvernement avec le projet de loi C-18? Comment devraient être traités les gens pris avec ce problème, à l'intérieur de lois déjà existantes au Canada?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, c'est toujours agréable d'entendre un commentaire d'une de nos collègues nous félicitant pour une intervention. Je la remercie très sincèrement.

En fait, dans tout ce problème de l'alcool au volant, les recettes sont simples, et il y en a deux. Il y en a deux qui touchent le gouvernement fédéral. J'ai l'impression que mon collègue d'en face m'écoute.

La première façon est, bien sûr, d'utiliser les médias de communication pour faire passer le message. Le gouvernement du Canada dispose de budgets extraordinaires pour faire de la publicité. Je dois reconnaître qu'il arrive qu'il fasse de l'excellente publicité quand il vise le bien de la nation. Ce n'est pas toujours le cas, mais quand il vise le bien de la nation, il est capable de présenter une publicité constructive, intéressante, qui entraînera la réflexion des gens qui écoutent la télévision, notamment.

Vous aurez compris que parmi les médias qui sont les plus accrocheurs, il y a, bien sûr, la télévision aux heures de grande écoute. Cela veut dire que ça coûte très cher. Ce qu'il faut, c'est de l'investissement, de l'argent mis directement dans de l'information à la télévision.

L'autre élément, c'est de l'argent aussi, mais de l'argent dirigé vers les provinces. Le gouvernement fédéral, ce n'est même plus un secret de polichinelle, nage dans les surplus. En fait, je ne sais pas vraiment quelle sorte de nage il pratique, si c'est la brasse ou le crawl, mais il nage dans l'argent et se tient la tête en dehors de l'eau.

Alors, ne serait-il pas temps que les transferts aux provinces, en éducation, en services de santé—dans mon intervention, j'ai parlé de l'alcoolisme comme étant une maladie—soient effectivement rétablis à ce qu'ils étaient en 1994 pour que les provinces, qui sont bien conscientes du problème, disposent d'argent leur permettant d'investir pour favoriser la mise sur pied de programmes de prévention efficaces, ajustés à la clientèle? Cela pourrait donner des résultats intéressants.

Encore une fois, je suis sûre que mon collègue d'en face se fera le porte-parole de ma suggestion au Conseil des ministres, et je l'en remercie à l'avance.

 

. 1600 + -

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, on a affaire aujourd'hui au projet de loi C-18 qui veut durcir les peines pour les contrevenants, pour ceux qui ont eu la malencontreuse idée de conduire avec facultés affaiblies et dont le résultat a entraîné la mort.

Pourtant, toutes les commissions d'étude qui ont eu lieu depuis 1914—il y en a eu une à peu près tous les dix ans—toutes ont démontré que le recours à l'incarcération n'était pas une solution pour dissuader les contrevenants dans de tels cas. Ce n'est pas parce que quelqu'un a commis cette bêtise, de façon non délibérée—il faut le dire—qu'en durcissant la peine, on va le faire réfléchir davantage. La réflexion est utile, non pas lorsqu'on connaît les conséquences d'un geste, mais lorsqu'on peut l'utiliser avant de poser un geste qui peut porter à conséquence.

Quelqu'un qui, malheureusement, conduit avec facultés affaiblies et qui cause un accident entraînant la mort, n'a pas voulu poser un geste causant la mort. Quelle est la différence entre deux personnes conduisant en état d'ébriété, l'une ayant la malchance de frapper quelqu'un et de causer sa mort, et l'autre, plus heureuse, n'ayant rencontré personne sur son chemin et n'ayant pas causé de mort? Cependant, ces deux personnes se trouvaient dans la même situation et, conduisant en état d'ébriété, pouvaient occasionner le même résultat. Leur conduite pouvait avoir les mêmes conséquences. Pourtant, dans un cas, l'une serait punie moins sévèrement que l'autre qui, malheureusement, a eu la malchance de causer la mort à cause de son geste.

Qu'est-ce qu'on veut faire en augmentant les sentences dans de tels cas? Est-ce qu'on veut prévenir la répétition de tels gestes ou est-ce qu'on ne veut pas plutôt se venger contre un fait, un événement que tout le monde déplore et trouve malheureux?

Qu'est-ce qu'on dirait de deux personnes qui, voulant en tuer une autre, prépareraient une potion contenant du poison, la même quantité dans les deux cas, ces quantités étant reconnues suffisantes pour causer la mort de quelqu'un dans la très grande majorité des cas? Ces deux personnes prépareraient donc une potion empoisonnée, la mélangeraient au repas de la personne à qui on veut destiner le poison, et attendraient le résultat.

Imaginons que dans un cas, la ration de poison réussisse à abattre la personne qu'on veut faire mourir et que, dans l'autre cas, la même quantité de poison qui, normalement, devrait avoir le même effet, ne donne pas ce résultat pour toutes sortes de raisons. Dans un cas, la personne était probablement constituée normalement et dans l'autre, la victime était de plus forte constitution et a résisté au poison. Est-ce que les deux personnes qui ont, en fait, posé le même geste ne mériteraient pas le même châtiment? Est-ce que ces deux personnes ne mériteraient pas la même sentence?

 

. 1605 + -

Pourtant, la loi prévoit qu'on doit les traiter différemment. Pourquoi? Parce que, dans un cas, le résultat du geste a causé la mort et, dans l'autre cas, le résultat du même geste n'a pas causé la mort. C'est toutefois bien indépendant de la volonté des deux personnes qui ont posé le même geste.

La volonté des deux personnes qui ont posé le même geste était de causer la mort. Dans un cas, cela a réussi. Dans l'autre, cela n'a pas réussi. Les tribunaux donneront une sentence différente à ces deux personnes.

C'est là que je trouve qu'il y a un manque de logique dans ce projet de loi. En augmentant les sentences administrables à ces judiciables, on ne fait pas de prévention. On se venge contre le résultat qu'a donné un geste déplorable. Est-ce qu'on améliore les choses en agissant ainsi? Je ne crois pas.

La meilleure façon de faire réfléchir les gens serait davantage, à mon avis, qu'on donne une sentence raisonnable à une personne qui a causé un geste répréhensible. Quel est le geste répréhensible dans le cas de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort? Ce n'est pas le fait qu'il y ait eu un mort, parce que le fait qu'il y ait eu un mort est indépendant de la volonté de celui qui a causé la mort. Le geste répréhensible, c'est celui d'avoir conduit avec facultés affaiblies.

Au moment où la personne prend la décision de prendre le volant et de conduire avec facultés affaiblies, il y a une décision qui est prise. Elle est plus ou moins éclairée va-t-on me dire, parce que lorsqu'on est en état d'ébriété, on est moins en mesure d'évaluer son état d'esprit et ses capacités de conduire. Il reste quand même que l'individu a pris une décision à ce moment-là.

Ce qu'il faut donc, c'est d'empêcher les personnes de prendre le volant lorsqu'elles sont en état d'ébriété. Quel est le meilleur moyen de le faire? Ce n'est pas d'évaluer les résultats de la conduite après coup et de dire: «Dans un cas, le même geste a donné des conséquences graves. Dans l'autre, le même geste a donné des conséquences moins graves. On va punir en conséquence.» On n'améliore rien ainsi.

La société se punit elle-même en faisant ceci parce que, d'abord, il n'y a pas de meilleures chances de réadaptation lorsqu'on va envoyer quelqu'un en prison. Les chances de réadaptation dans ces deux cas ne seraient pas meilleures. Deuxièmement, il en coûte des frais administratifs énormes pour garder quelqu'un en prison.

La moyenne pour garder un criminel en prison est d'environ 62 000 $ par année au Canada. Envoyer quelqu'un en prison pour 14 ans, à 62 000 $ par année, quand la personne n'a pas besoin de 14 ans pour se rendre compte qu'elle a posé un mauvais geste, cela donne quoi, sinon la satisfaction de se venger de quelqu'un qui a causé du tort dans nos sentiments, dans notre famille et dans l'amour qu'on avait pour nos proches et notre parenté.

Je comprends les ressentiments des personnes qui ont vécu des drames comme ceux-là, qui ont perdu parfois une épouse, parfois un enfant, parfois un mari. Il y a eu un cas particulièrement pathétique dans mon comté où un médecin a perdu son épouse, qui était encore très jeune, parce que quelqu'un l'a frappée et a causé sa mort. Ce conducteur était en état d'ébriété.

 

. 1610 + -

Aujourd'hui, ce médecin fait campagne pour qu'on améliore les lois et qu'on fasse en sorte que ces choses-là ne se reproduisent plus. Je comprends fort bien sa peine. Cette personne est marquée pour le reste de sa vie. Il a perdu une épouse qu'il aimait et la peine qu'il ressent le marquera pour le reste de sa vie.

Mais est-ce qu'en imposant à la personne qui a causé cette situation une peine d'emprisonnement à vie, au lieu de 10 ans par exemple, on changera la peine que subit la personne qui a perdu un être cher? Est-ce qu'on lui redonnera son épouse bien-aimée? Est-ce que ses enfants pourront retrouver leur mère? Pas du tout. C'est malheureux, il ne faut pas excuser ces gestes, mais il ne faut pas non plus répondre à un abus par un autre.

Une société basée sur la vengeance est une société qui ne va nulle part. Si on avait des cas où la société avait besoin de se protéger, si la personne trouvée coupable de conduite en état d'ébriété est un récidiviste, si nous avons toutes les raisons de croire que cette personne ne se corrigera pas, qu'elle continuera de conduire en état d'ébriété et de mettre en danger la vie des citoyens et des citoyennes, à ce moment-là, on comprendrait qu'il faille incarcérer cette personne. La société a un devoir, celui de se protéger elle-même et de protéger ses enfants.

Est-ce qu'il s'agit de cela dans la majorité des cas que nous rencontrons? Le projet de loi C-18 ne répond pas à ce problème. S'il prévoyait augmenter les sentences dans les cas de récidives, on comprendrait mieux le but recherché, mais ce n'est pas le cas. Dans le cas d'une première offense, si celle-ci occasionne la mort, on retrouverait la personne en prison.

Imaginez qu'il s'agisse de votre enfant. Vous avez un beau jeune garçon ou une belle jeune fille de 16, 17 ou 18 ans qui, à la fin de l'année, lors de son bal des finissants, a une soirée de célébration pour fêter la fin du cours secondaire ou collégial. Ce jeune garçon ou cette jeune fille, pour la première fois de sa vie, abuse un peu trop des bonnes choses, prend la voiture dont il a la responsabilité,—qui est probablement votre voiture—et, en allant reconduire son ami ou sa petite amie, a un accident et cause la mort d'une personne.

S'il s'agit de votre enfant, comment voudriez-vous qu'il soit puni? Est-ce que vous croyez que ce jeune, à cause de l'imprévoyance de son âge et de son inexpérience, mériterait une sentence à vie? Est-ce qu'on lui ferait perdre sa vie à lui aussi, sans le faire mourir, tout en pénalisant la société des talents qu'on pourrait retirer de cette personne pendant les 50, 60 ou 70 ans à venir?

 

. 1615 + -

Il serait bien plus profitable d'imposer à ce jeune une sanction qui le ferait réfléchir, qui lui permettrait peut-être de consacrer le reste de sa vie à la promotion de l'abstinence, à la promotion de mesures de sécurité. Cela ferait en sorte que de tels événements ne se reproduisent plus.

Si on envoie quelqu'un en prison, cette personne ne sert plus à rien. Un jeune homme ou une jeune fille de cet âge qui serait en prison pour le reste de sa vie ne serait plus d'aucune utilité pour la société. Est-ce que la société retirerait une satisfaction si elle disait: «Maintenant qu'il a causé la mort de quelqu'un, on l'envoie en prison, on est bien content, on s'en lave les mains et on ne voit plus cette personne»? Est-ce qu'il s'agit là d'une satisfaction si grande et si louable qu'on ne puisse pas s'en passer?

Je pense que lorsqu'on réfléchit objectivement, on se dit que certes, il ne faut pas pardonner ce geste, mais on se rend compte qu'il faut récupérer les personnes qui ont malheureusement eu une mauvaise expérience de ce genre.

J'ai donné l'exemple d'un jeune de 18, 19 ou 20 ans, mais ce pourrait être 25 ans, ce pourrait être 30 ans. Ce pourrait être un bon père de famille qui, à l'âge de 35 ou de 40 ans, fête une circonstance spéciale. Il pourrait même fêter un anniversaire de mariage, ou l'obtention du diplôme d'un de ses enfants qui sort de l'université. Et ce bon père ou cette bonne mère de famille qui, ce soir-là, grisé par l'allégresse de l'événement, prendrait un verre de trop pourrait, après avoir conduit ainsi, causer la mort d'une personne.

On peut se demander si cette personne recherchait la mort de quelqu'un d'autre. Pas du tout. Elle était dans une soirée de réjouissances. Quand on se réjouit, on ne cherche la mort de personne.

Il peut arriver que, accidentellement, notre conduite cause la mort de quelqu'un d'autre. Faut-il, pour améliorer les choses, prendre une personne dans cette situation, un père ou une mère de famille, et l'envoyer en prison pour le reste de ses jours?

On dirait: «Monsieur, on vous enlève à votre épouse, on vous enlève à vos enfants parce que, accidentellement, à cause de votre insouciance, ou à cause de votre conduite reprochable, vous avez vous-même occasionné une telle situation. Vous avez empêché une autre famille de conserver son père.» Donc, les tribunaux diront désormais que pour réparer le tort causé à une famille, on va causer le même tort à une autre famille. Cela ne s'appelle pas de la justice, cela s'appelle de la vengeance.

Une société civilisée ne doit pas vivre selon la loi du talion. On ne peut pas vivre oeil pour oeil, dent pour dent. Cela ne mène nulle part. Ce qu'il faut faire, c'est de l'éducation.

Il faut éduquer les gens pour qu'ils comprennent bien que le geste qu'ils posent peut entraîner des conséquences. Les conséquences sont graves, mais le geste posé avant que les conséquences se produisent, le geste lui-même est extrêmement grave. C'est ce geste qu'il faut empêcher de se produire.

Les campagnes de Nez Rouge à l'occasion des Fêtes font beaucoup plus pour améliorer la situation que l'incarcération des gens. Les gens comprennent de plus en plus et évitent, à ces occasions du temps des Fêtes, de prendre leur voiture parce qu'ils sont en état d'ébriété. On a un exemple d'éducation populaire qui fait en sorte que la société est beaucoup plus gagnante que de se venger lorsque, malheureusement, une situation déplorable se produit.

Selon les statistiques, au Canada, l'incarcération est en deuxième place après les États-Unis. Ce n'est pas un record enviable. J'espère que le gouvernement comprendra que son projet de loi va trop loin et qu'il doit le retirer immédiatement.

 

. 1620 + -

M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, mon collègue de Joliette a commenté avec excellence un problème qui n'est pas nouveau, qui s'est déjà posé à travers les âges et qui se pose dans tous les pays. C'est le problème de l'adéquation des peines tenant compte de la gravité de la faute.

Je lui demanderai de commenter la phrase suivante qui, depuis longtemps, est apparue comme le fruit de la sagesse des peuples en matière judiciaire: La peine la plus adéquate qui correspond à une faute est celle au-delà de laquelle le coupable devient une victime. C'est celle qui, si elle était plus lourde, ferait que le coupable apparaîtrait aux yeux du public comme une victime. C'est évidemment le cas si la peine est trop lourde.

M. René Laurin: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de me donner l'occasion d'ajouter à ce que je disais tantôt.

Il a parfaitement raison. En d'autres termes, cela correspond à de l'abus de pouvoir. Étant un éducateur de carrière, lorsqu'à l'école on avait des élèves qui faisaient un mauvais coup, il fallait les réprimander, bien sûr, mais les réprimander par une mesure correspondant à la gravité du geste qu'ils avaient posé.

On pouvait dire à un élève: «Tu as brisé une vitre. Alors, tu vas la réparer. Tu vas payer les frais et on va te donner une petite pénitence et un travail additionnel à faire, ou bien tes parents s'en chargent et tu as une retenue à faire à la maison pendant quelques heures. On t'empêche de sortir.»

Si la mesure de correction est appropriée et équivalente à la gravité du geste posé, l'enfant va en retirer de très grands profits. Il y a des chances qu'il ne pose plus le même geste. Toutefois, si la mesure qu'on lui impose est deux fois plus forte que la gravité du geste posé, qu'est-ce qui va se produire chez l'enfant? On va faire naître chez lui la révolte, parce qu'il va bien sentir qu'il est puni plus gravement que le geste qu'il a posé.

Quand un enfant est révolté, que cherche-t-il à faire? Il sent qu'on cherche à se venger à cause de son geste et, à son tour, il va chercher lui aussi à se venger. Cela fait bousculade et escalade et on ne sait plus où cela nous mène. L'enfant vieillit. Lorsqu'il devient adolescent, il réfléchit de la même façon. Lorsqu'il est adulte, il réfléchit de la même façon.

Ce ne sont pas les conséquences malheureuses d'un geste qu'il faut punir. C'est le geste lui-même et la gravité de celui-ci. C'est ce que j'ai tenté de démontrer quand je donnais l'exemple de deux personnes qui préparent la même quantité de poison à l'intention de deux personnes différentes. L'une s'en sort et l'autre ne s'en sort pas. On leur donnerait des sentences différentes parce que l'une est plus chanceuse que l'autre. Pourtant, le geste commis est aussi grave dans les deux cas et l'intention était la même, soit celle de causer la mort.

Même dans les cas où l'intention est la même, la loi ne punirait pas de la même façon. Alors, pourquoi le ferait-on dans le cas du projet de loi C-18, alors que l'intention d'une personne conduisant en état d'ébriété n'est jamais de causer la mort d'une autre personne.

 

. 1625 + -

Bien sûr, il est plus exposé à le faire, mais ce n'est pas son intention. Et on traiterait cette personne, qui n'a pas l'intention de tuer, de la même façon qu'on va traiter un criminel qui va pénétrer dans une banque ou dans un foyer pour personnes âgées et va tirer à bout portant—et là, on a une intention—sur ces personnes.

Si une personne conduisait en état d'ébriété et causait la mort de quelqu'un, on la traiterait de la même façon que ces vulgaires criminels qui, de façon intentionnelle, vont causer la mort d'autres personnes.

Encore là, le projet de loi C-18 dans sa teneur actuelle, tient plus de l'idée de vengeance pour faire plaisir à des personnes qui, malheureusement, ont été victimes dans leur vie personnelle, dans leur famille, de drames semblables. Pour leur montrer qu'on compatit à leur situation dramatique, qu'on partage leur peine, on va imposer des sentences démesurées à des situations qui ne correspondent en rien à la justice qu'on devrait appliquer.

Encore une fois, je demande au gouvernement de réfléchir sérieusement. Au-delà de la popularité que le gouvernement peut en retirer par des votes, en faisant plaisir à des personnes qui, on peut le comprendre, seraient satisfaites qu'un tel projet de loi soit adopté, au-delà de cette popularité, au-delà des quelques votes qu'il peut aller chercher en surplus, il y a davantage à considérer. Il y a l'intérêt à plus long terme de la société, ce que la société a de mieux à faire pour traiter ceux qui ont commis des erreurs, qui ne demandent pas mieux que de s'amender, que de réparer leurs erreurs en jouant un rôle positif dans la société, et non pas en étant retirés de cette société.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole cet après-midi à la suite de ma collègue de Laval-Centre et de mon collègue de Joliette qui ont touché, dans leurs deux interventions, le côté humain de la situation qu'il faudrait prendre en considération avant que ce gouvernement n'adopte le projet de loi C-18 à la Chambre.

Je vais entretenir les députés de la Chambre et le gouvernement des statistiques reliées à la situation, parce que je pense que c'est important. Au-delà des deux discours que mes collègues ont prononcé, il est important de dire à ce gouvernement que des statistiques sont présentement disponibles et elles démontrent que les tribunaux sont loin d'avoir épuisé la marge de manoeuvre dont ils disposent actuellement en vertu des dispositions du Code criminel pour les peines existantes.

La peine d'emprisonnement la plus importante imposée par les tribunaux pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une peine de dix ans. Aujourd'hui, lorsque des gens se présentent devant les tribunaux, la peine maximale qui leur est imposée est de dix ans.

Les tribunaux qui sont les mieux placés pour analyser les caractéristiques de chaque contrevenant n'ont pas épuisé les ressources du Code criminel. Présentement, le Code criminel établit à 14 ans la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. La proportion de personnes écopant de peines d'incarcération après avoir été reconnues coupables par les tribunaux de conduite avec facultés affaiblies a décru entre 1994-1995 et 1997-1998, passant de 22 p. 100 à 19 p. 100.

 

. 1630 + -

Les peines d'emprisonnement imposées dans ces cas sont majoritairement des peines inférieures à deux ans. Vous avez bien compris. Les tribunaux pourraient imposer une peine de 14 ans, mais présentement, les sentences sont inférieures à deux ans.

Alors pourquoi légiférer pour permettre l'emprisonnement à perpétuité si les tribunaux ne sont pas enclins à utiliser pleinement les outils auxquels ils ont accès actuellement.

J'aimerais également donner d'autres statistiques. La conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une infraction qui n'est pas en hausse présentement. En 1998, 103 personnes ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, ce qui a représenté la plus basse fréquence depuis 1989.

Au-delà de ce que dit ce projet de loi, il y a des campagnes préventives qui font déjà leur effet.

Le Canada est devenu un champion de l'incarcération. Quand ça ne va pas, au lieu de voir quel est le problème, il dit, incarcérons. On est débarrassés, on n'a plus besoin de s'en occuper.

Je vais dire comme ma collègue de Laval-Centre: prenons la personne, mettons-là dans un casier, fermons la porte, c'est réglé.

Cela va à l'encontre de jugements que rendent les juges de la Cour suprême qui ont dénoncé dernièrement, dans l'affaire Gladue, la trop grande facilité avec laquelle le législateur fédéral a recours à l'emprisonnement pour traiter des problèmes de délinquance. Ce n'est pas moi qui le dis. Ce sont deux honorables juges de la Cour suprême.

Je vais lire quelques extraits du jugement Gladue:

    Le Canada fait figure de chef de file mondial dans de nombreux domaines, et particulièrement en matière de politiques sociales progressistes et de droits de la personne. Malheureusement, notre pays se distingue aussi, à l'échelle mondiale, par le nombre de personnes qu'il met en prison. Bien que les États-Unis, avec plus de 600 détenus pour 100 000 habitants, aient de loin le plus haut taux d'incarcération parmi les démocraties industrialisées, le taux au Canada est d'environ 130 détenus par 100 000 habitants, ce qui le place au deuxième ou au troisième rang. Qui plus est, le taux d'incarcération par les tribunaux canadiens s'est accru considérablement au cours des dernières années avec cependant une légère baisse récemment.

Je pense que tout le monde le sait à la Chambre, mais je pense que plusieurs font la sourde oreille aux réalités que vit présentement notre société. Depuis que j'ai été élue à la Chambre comme députée de Jonquière, je constate que ce gouvernement décide unilatéralement, dans sa tour d'ivoire, au sujet de projets de loi qui sont complètement déconnectés de la réalité que vivent les gens lorsqu'ils sont sujets à poser des actions.

Je pense que ce gouvernement est très attentif à l'extrême droite au Canada, qui pense que pour régler la situation canadienne, pour régler tout, il faut utiliser la loi du talion. Selon eux, il faut condamner et dire ensuite: «Plus longtemps tu seras incarcéré, mieux cela ira et mieux ce sera pour la société.»

 

. 1635 + -

Ce n'est pas vrai, ce n'est pas ce que pense la société québécoise. Ce n'est pas ce que nous pensons chez nous. Je constate que, présentement, la société québécoise est très avant-gardiste dans bien des domaines.

Il faut utiliser la prévention. Quoi de plus immensément profitable pour trouver des solutions, pour trouver une porte de sortie idéale pour régler des problèmes dans la société que des programmes de prévention?

Je constate que ce gouvernement fait la sourde oreille à la prévention que nous préconisons pour aider les individus. Je ne dis pas que conduire une voiture en état d'ébriété n'est pas grave, surtout quand cela cause la mort. Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que, présentement, nous devrions mettre de l'avant des processus de prévention et d'éducation. On doit commencer à éduquer nos enfants quand ils sont jeunes. Au Québec, nous avons de très bonnes campagnes de prévention qui s'adressent à toute la société québécoise et qui disent: «Conduire sa voiture en état d'ébriété, c'est criminel».

C'est vrai que c'est criminel, mais il faut également considérer que certaines circonstances font en sorte que personne ne peut dire: «Moi, cela ne m'arrivera jamais.» Cela est certainement arrivé à tout le monde, à l'occasion, de consommer un verre ou deux. Nous étions extrêmement fatigués et avons quand même pris notre voiture. Cela peut arriver que nous ayons un accident tout d'un coup.

Dans l'âme, nous n'étions pas des criminels. Je ne pense pas que nous étions des criminels. C'est un accident. Il faudra considérer la notion d'accident. Chez nous, on considère que l'alcoolisme est une maladie. Il faudra investir beaucoup dans la recherche pour améliorer les conditions des personnes qui souffrent de la maladie de l'alcoolisme.

Comme mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques l'a dit tout à l'heure, il y a un système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre qui est disponible au Canada. Il est disponible au Québec et en Alberta. Le Code criminel devrait être modifié pour permettre aux juges d'ordonner à un contrevenant de faire installer un système d'interrupteur d'allumage avec éthylomètre dans son véhicule, comme condition de mise en liberté surveillée ou en échange de la réduction de l'interdiction de conduite de plus longue durée.

Comme je le constate dans le document que m'a remis mon collègue, ce système a été prouvé comme étant efficace. Pourquoi n'exigerions-nous pas que tout constructeur d'automobiles installe ce système dans les véhicules?

On pourrait donner des exemptions fiscales aux gens qui feraient installer ce système. Cet instrument permettrait de faire diminuer le nombre de personnes qui prennent leur véhicule en état d'ébriété.

 

. 1640 + -

Comme le disait mon collègue de Joliette, durant le temps des Fêtes, il y a, au Québec, l'Opération Nez Rouge. Je ne sais pas si cela existe dans les autres provinces du Canada, mais Nez Rouge est une association qui dit: «Tu veux fêter durant le temps des Fêtes; laisse tes clés et ta voiture où tu es, appelle tel numéro de téléphone et quelqu'un va venir te prendre où tu es pour te conduire chez vous.»

Cette façon de faire a fait en sorte qu'au Québec, depuis les quelques années qu'existe Nez Rouge, le nombre de personnes qui prennent leur véhicule avec facultés affaiblies a considérablement diminué dans le temps des Fêtes. Le taux de réussite est extraordinaire, et j'aimerais dire en passant que cet organisme à but non lucratif est composé de bénévoles qui en assurent le service. C'est une autre façon de dire que l'alcoolisme, il faut s'en occuper.

Ce n'est pas en prenant des mesures de condamnation à perpétuité qu'on va régler le problème. Ce n'est pas cela qui va responsabiliser les gens. Je ne parle des gens qui conduisent en état d'ébriété à répétition, qui n'ont pas de conscience sociale et qui prennent leur véhicule, même s'ils savent qu'ils n'ont pas le droit de le faire. Je parle d'individus qui le font une fois dans leur vie et dont on va marquer la famille et le milieu de travail pour le reste de leur vie. Ce n'est pas de cette façon qu'on doit agir au Canada; ce n'est pas de cette façon que doit agir ce gouvernement pour améliorer et responsabiliser la société contre ce fléau qui est de moins en moins présent dans notre société, selon les statistiques que j'ai citées tout à l'heure.

Je demande à la ministre de la Justice de retirer son projet de loi. Il n'est pas constructif, il est répressif. Je veux la mettre en garde et lui dire également qu'elle fait fausse route avec le projet de loi sur les jeunes contrevenants. C'est la même façon de faire.

Je pense que présentement, ce gouvernement est en train de présumer que les citoyens de ce pays sont des citoyens de second ordre, qu'ils n'ont pas de jugement, qu'ils ne sont pas conscients et qu'ils ne sont pas disponibles pour améliorer leurs pratiques. C'est inacceptable. Ce gouvernement fédéral ne connaît qu'une seule vitesse quand il est question de justice pénale: l'excès.

Ce projet de loi est un projet d'excès. Que ce soit dans le dossier des jeunes contrevenants ou dans celui de la conduite avec facultés affaiblies, la ministre de la Justice démontre son incapacité de pouvoir gérer des problèmes complexes sans avoir recours à des mesures dangereusement répressives. Cette attitude n'est aucunement justifiée puisque la criminalité, je le redis, est à la baisse au Canada depuis plusieurs années. De plus, aucune étude ne démontre l'efficacité d'une telle approche.

Il faut se prémunir contre l'«inflation sentencielle» qui s'inspire dangereusement de la loi du talion. Personne ne sortira gagnant de cette course folle, sauf les geôliers.

Par contre, la politique de «la loi et l'ordre» est très payante politiquement, et cela, la ministre de la Justice le sait fort bien. En matière de justice, et plus précisément lorsqu'il est question de la criminalité juvénile, des voix s'élèvent également contre ce projet de loi pour dénoncer la simplicité des mesures proposées par le gouvernement fédéral.

Je pense qu'il va falloir que ce gouvernement réfléchisse, qu'il se branche aux vraies réalités des gens et à leur quotidien pour faire en sorte que notre société s'améliore et non pas se détruise avec de tels projets de loi présentés à la Chambre.

Il est encore temps pour la ministre de la Justice de retirer son projet de loi et je la prie, avec mes collègues du Bloc québécois, de le faire.

 

. 1645 + -

[Traduction]

Le président suppléant (M. McClelland): En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Regina—Lumsden—Lake Centre, Le prix de l'essence; la députée de Jonquière, L'importation de plutonium.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, j'ai accepté de prendre la parole sur le projet de loi C-18 concernant la révision du Code criminel parce qu'il m'était impossible de demeurer silencieuse devant un projet de loi en quelque sorte un peu odieux.

Pour une raison que j'ignore totalement et qui me semble dénuée de tout fondement et de tout bon sens, la ministre de la Justice récidive avec un projet de loi où elle veut procéder à un changement du Code criminel, afin de prévoir l'emprisonnement à perpétuité comme peine maximale pour une personne qui conduit un véhicule alors que ses facultés sont affaiblies et qu'elle a un accident provoquant la mort d'une autre personne.

Ce projet de loi veut également autoriser le prélèvement d'un échantillon de sang en vue de déceler la présence de drogue.

En regardant la nature du débat que nous avons aujourd'hui, où seul le Bloc québécois sent le besoin de parler et d'alerter la population contre l'odieux de ce projet de loi, je me rends compte encore une fois que le Québec est une société distincte. Si on cherchait encore des raisons d'avoir à quitter le Canada, on vient d'en trouver une nouvelle. Le Canada et le Québec ne sont pas sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne un projet de loi aussi important pour la société.

Loin de moi l'idée de minimiser l'importance d'un accident provoqué par une personne qui conduit avec des facultés affaiblies et qui provoque la mort d'une autre personne. La mort d'une personne, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle se produit, est toujours une chose triste et pénible. Mais quand en plus cela résulte d'une personne qui conduisait avec des facultés affaiblies, il nous semble que c'est encore plus dramatique de perdre une personne dans ces circonstances.

Donc, nous ne minimisons pas la gravité de la faute, mais je veux prendre quelque temps pour réfléchir à cette question.

Quand le premier ministre a présenté à la Chambre son fameux concept de société distincte pour le Québec—il nous reproche d'ailleurs d'avoir voté contre—, on lui disait à ce moment-là: «Monsieur le premier ministre, ce que vous nous proposez est une coquille vide.»

Le Québec est une société distincte, mais ne peut jamais exprimer d'aucune façon sa distinction. On ne lui permet pas d'être distinct. On veut faire des politiques de plus en plus centralisées. On veut faire de plus en plus des politiques mur à mur. On veut de plus en plus envahir les champs de compétence des provinces. Le Québec se sent malgré tout de plus en plus distinct. Plus on prend connaissance des valeurs qui animent la société canadienne, plus on est inquiets et inquiètes pour l'avenir de la société québécoise.

Je ne veux pas faire de cas d'espèce, mais je rappellerai que la ministre est d'abord une députée de l'Ouest canadien. Dans l'Ouest canadien, le Parti libéral a un grand concurrent. Il s'appelait le Parti réformiste, il s'appelle maintenant l'Alliance canadienne.

 

. 1650 + -

Nous, les députés du Bloc québécois, avons été témoins, depuis 1993, de quelle façon le gouvernement libéral, qui était un gouvernement progressiste—non pas au sens des conservateurs, mais progressiste au véritable sens du terme—, qui allait de l'avant avec des politiques d'avant-garde, est devenu rétrograde. Il est plutôt tourné vers le XIXe siècle, alors que nous courrons vers le XXIe à une vitesse vertigineuse, avec tous les moyens de la nouvelle technologie mis à notre disposition.

Ce gouvernement se pose les mauvaises questions. Essayons de voir lesquelles. Qu'est-ce que les sociétés québécoise et canadienne veulent? Elles veulent que leurs politiciens et politiciennes leur donnent des projets de loi qui feront avancer la société, qui la feront progresser, non pas des projets de loi qui feront que ce sera de plus en plus difficile, de plus en plus étouffant de vivre dans cette société.

Qu'est-ce qui s'est produit jusqu'à maintenant? Le Code criminel existe. À l'heure actuelle, lorsqu'une personne conduit un véhicule avec les facultés affaiblies et qu'elle a malheureusement un accident provoquant la mort, il est prévu dans le Code criminel que le juge peut lui donner 14 ans de prison. Jusqu'à ce jour, aucun juge n'a donné une peine supérieure à 10 ans. Ce fut d'ailleurs un haut fait d'arme qui a fait la manchette de tous les journaux d'une côte à l'autre, à l'autre, pour nous rappeler qu'enfin un juge avait osé donner 10 ans de prison comme sentence pour un accident relatif à la conduite d'un véhicule avec facultés affaiblies provoquant la mort.

Pourquoi, alors qu'on est jamais allés au-delà de 10 ans, arrivons-nous tout d'un coup avec une mesure que l'on veut être plus efficace, soit l'emprisonnement à perpète? Que veulent nos sociétés? Quelles sont les valeurs qui nous motivent dans le cas précis qui nous occupe aujourd'hui? Est-ce que notre rôle en tant qu'hommes et femmes politiques est de trouver le moyen de nous venger de ce qui arrive à quelqu'un d'autre dans la société? Devons-nous mettre de l'avant uniquement une approche punitive, coercitive? Est-ce vraiment là la raison pour laquelle nous existons comme Parlement?

Au contraire, voulons-nous éduquer les citoyens et les citoyennes en leur inculquant une valeur comme celle voulant que «la modération a bien meilleur goût»? Au Québec, on a eu une campagne entreprise par la Société des alcools. On voyait cela sur tous les panneaux le long des routes et des autoroutes, dans les journaux, dans les magazines, à la télévision, à la radio: «La modération a bien meilleur goût.»

Même si les ventes d'alcool n'ont pas été réduites et que les profits ont continué, on se rend compte que le comportement des Québécois et des Québécoises a été modifié. Quand vous avez maintenant des invités à la maison, il n'est pas rare d'entendre dire: «Je ne vais prendre que du jus ou de l'eau Perrier parce que je suis le chauffeur désigné.»

On a vu des pays comme la Suède mettre de l'avant des mesures éducatives, progressistes, pour améliorer le sort de la population. Mais nous, on veut punir les gens, on veut se venger.

Cela ne mène nulle part, les preuves sont là. Les recherches ont été faites. Tous les criminologues du monde le diront: emprisonner les personnes n'est pas une solution. Nous devrions au contraire trouver des moyens et adopter des lois qui nous permettent de sensibiliser la population, qui nous permettraient de mettre de l'argent dans des programmes d'éducation et dans des programmes responsabilisant les citoyens.

Qu'est-ce que l'Opération Nez Rouge a fait au Québec? C'est un vaste succès. Cette Opération Nez Rouge commence à se répandre en Ontario et dans les Maritimes. Qu'a fait l'Opération Nez Rouge? Elle a dit aux gens: «N'oubliez pas, c'est très important de fêter, mais si vous avez bu, ne prenez pas le volant, on ira vous reconduire gratuitement.»

 

. 1655 + -

Il y a moyen d'adopter des lois pour faire en sorte que la population se conduise mieux. Notre objectif, comme parlementaires, n'est pas de dépenser les fonds publics pour construire de plus en plus de prisons.

Quand on regarde ce que la ministre de la Justice fait présentement avec la réforme du Code criminel, elle est sur le point de nous amener les enfants de garderie en prison. Elle n'est pas contente de voir qu'au Québec notre réforme est un succès pour les jeunes contrevenants. Elle veut encore nous mettre des bâtons dans les roues. C'est une autre raison pour quitter ce pays.

Le projet de loi C-18 n'ira nulle part. Si on adopte la version originale de ce projet de loi, cela équivaut à nier totalement les caractéristiques propres à cette infraction et cela va créer un important déséquilibre dans notre système pénal. Ce qui est le plus important dans toute cette opération visant à procéder au changement du Code criminel, c'est de se demander si on cherche vraiment le bien de la personne qui a cette mauvaise habitude de conduire un véhicule quand ses facultés sont affaiblies, ou si on veut essayer de se battre sur le terrain de la droite et gagner plus de votes aux prochaines élections en mettant de l'avant des mesures disproportionnées eu égard à la faute commise.

Encore une fois, je ne veux pas qu'on me fasse dire ce que je n'ai pas dit. C'est une faute grave. C'est un geste inexplicable. C'est un geste difficilement acceptable, mais il faut plutôt aider les gens à se guérir de ce comportement, à le modifier, plutôt que de les punir et à faire en sorte qu'ils aillent en prison à perpétuité.

Je repense à la réponse que le solliciteur général m'a donnée cet après-midi pendant la période des questions orales quand je lui ai demandé: «Comment la population peut-elle comprendre que la libération conditionnelle est une mesure de réinsertion sociale, alors qu'on s'apprête à mettre en liberté une centaine de Rock Machines qui n'ont qu'un désir: servir le plus vite possible leur gang criminel pour s'attaquer de nouveau au gang opposé?». On a un ministre qui se lève et qui dit: «Ne vous inquiétez pas. Tout se passe dans l'ordre. Tout va très bien, madame la marquise. S'ils sortent, c'est parce qu'ils ne sont pas dangereux. S'ils sortent, c'est parce qu'ils ne sont pas un danger public. S'ils sortent, c'est parce que ce sont les règlements et on va respecter les règlements.»

Pourtant, tout le monde sait que quelqu'un qui appartient à une bande criminelle et qui vient de faire de la prison va être encore pire qu'avant lorsqu'il aura son congé, parce que ce n'est pas un milieu pour rééduquer les gens. Il sera bien content de pouvoir prendre sa place enfin dans la bande et attaquer l'autre.

Quand on voit qu'on veut condamner à perpétuité des gens qui vont avoir eu un accident, on se demande pourquoi la prison à perpétuité? Je ne suis pas une spécialiste du Code criminel, ni du droit criminel, mais il existe deux choses dans le Code. Il existe des gens qui sont condamnés à 25 ans. On dit 25 ans de prison ferme. On appelle les autres les condamnés à perpétuité.

Il semble qu'il y ait une différence. J'espère qu'un jour on pourra me l'expliquer clairement pour que je la comprenne, mais on m'a dit qu'il y avait une différence entre les deux. Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, quelqu'un qui serait condamné à perpétuité pourrait, selon les conditions indiquées par le juge, ne faire que quelques années de prison parce qu'il serait admissible à une libération conditionnelle après avoir servi le tiers de sa peine.

Je me demande pourquoi on se donne tant de mal pour passer des projets de loi aussi hypocrites. À l'heure actuelle, les juges peuvent condamner à 14 ans et ne condamnent habituellement que pour deux, trois ou quatre ans. Il y a un cas d'exception, soit une peine de 10 ans.

 

. 1700 + -

Il y a une chose importante à se rappeler, c'est que la proportion des criminels, la criminalité est en baisse au Canada et les statistiques le démontrent très clairement. La proportion des personnes qui ont écopé de peines d'incarcération après avoir été reconnues coupables, par les tribunaux, de conduite avec facultés affaiblies, a décrue au cours des années 1994-1995 et 1997-1998. Donc, en trois ans, la proportion des personnes incriminées est passée de 22 p. 100 à 19 p. 100. Les peines d'emprisonnement imposées dans ces cas sont majoritairement des sentences inférieures à deux ans.

Pourquoi légiférer pour permettre l'emprisonnement à perpétuité, si les tribunaux ne sont pas enclins à utiliser pleinement les outils auxquels ils ont accès actuellement? Bien que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort soit une infraction d'une importance considérable, il est faux de prétendre qu'on fait actuellement face à une flambée de la criminalité dans ce domaine.

En 1998, seulement 103 personnes au Canada ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort. On me dira que 103, c'est 103 de trop, et on aura raison; mais ce n'est pas en mettant ces 103 personnes en prison pour 25 ans qu'on va régler le sort des 100 autres qui suivent derrière et qui risquent d'être condamnées l'année suivante.

Il faut trouver des mesures éducatives pour changer la société, non pour la punir, non pour se venger, mais pour l'éduquer. Le Canada est devenu un champion de l'incarcération. Il se place tout juste derrière les États-Unis, et c'est loin d'être un record pour lequel on doit être fier.

En ce qui concerne le taux d'incarcération, nous sommes les deuxièmes meilleurs au monde. C'est pour cela, je pense, que notre premier ministre serait content de dire que nous somme le 180e pays au monde en ce qui concerne le taux d'incarcération. Pour une fois, ce serait une bonne chose d'être les derniers. Mais au lieu d'être le premier, nous sommes le deuxième, et sommes seulement devancés par les Américains, ce qui est honteux. Le Canada incarcère deux fois plus que la plupart des pays européens.

À cet effet, dans l'affaire Gladue, la Cour a rendu un jugement très clair, dont voici un extrait:

    Le Canada fait figure de chef de file mondial dans de nombreux domaines, et particulièrement en matière de politiques sociales progressistes et de droits de la personne.

Je l'ai d'ailleurs moi-même rappelé au début de mon discours. Je poursuis ma lecture:

    Malheureusement, notre pays se distingue aussi, à l'échelle mondiale, par le nombre de personnes qu'il met en prison. Bien que les États-Unis, avec plus de 600 détenus pour 100 000 habitants, aient de loin le plus haut taux d'incarcération parmi les démocraties industrialisées, le taux au Canada est d'environ 130 détenus pour 100 000 habitants, ce qui le place au deuxième ou au troisième rang. Qui plus est, le taux d'incarcération par les tribunaux canadiens s'est accru considérablement au cours des dernières années, avec cependant une légère baisse récemment.

Toutes les mesures que la ministre de la Justice met de l'avant depuis qu'elle occupe ce poste font en sorte qu'on vise plus d'incarcérations. L'objectif du premier ministre est-il de dépasser les Américains en ce qui concerne l'emprisonnement? Ce serait intéressant qu'il nous dise clairement, lors des prochaines élections, que son principal objectif, c'est le mettre le plus possible de Canadiens en prison, et si possible, pas trop de libéraux, parce qu'il veut également gagner ses élections.

J'avais préparé une intervention beaucoup plus longue concernant ce projet de loi, que je trouve extrêmement pénible, difficile à accepter et qui va passer de travers pour longtemps.

Nous aurons une campagne électorale où nous pourrons rappeler à la population que ce gouvernement est un gouvernement odieux qui n'a aucune empathie, un gouvernement de droite qui va encore nous mener à plus de violence que celle que nous subissons présentement, puisque son modèle semble être la société américaine. En ce qui concerne les valeurs, le Québec se distingue.

 

. 1705 + -

Nous voulons des approches éducatives. Nous voulons des approches de réinsertion sociale. Et encore une fois, je le répète, il me fait plaisir de constater que vous nous donnez une raison de plus de vous tirer notre révérence.

[Traduction]

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, nous apprécions le débat de cet après-midi, qui porte sur un sujet que la plupart des Canadiens considèrent comme une question de la plus haute importance, à savoir la manière dont nous traitons, dans le Code criminel, les délits de conduite avec facultés affaiblies ayant entraîné la mort.

Le député voudrait-il bien admettre que ce projet de loi ne consiste pas à incarcérer un plus grand nombre de gens? Il consiste plutôt à dire aux Canadiens que l'infraction dont nous parlons, si fréquente maintenant, à savoir la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, a augmenté au point qu'elle dépasse largement toutes les autre infractions graves. Les Canadiens veulent que ce genre de délits entraînant la mort compte non seulement parmi les infractions les plus graves dans le Code criminel, mais parmi les infractions les plus graves entraînant la mort, qu'elles soient délibérées ou non.

Voilà ce que fait cette mesure législative. Elle accroît la gamme des peines. Elle ne hausse pas le niveau inférieur, mais elle hausse le niveau supérieur. En élargissant ainsi la gamme, nous indiquons aux tribunaux et au public que nous estimons que ce délit compte parmi les plus graves. C'est là la raison pour laquelle ce projet de loi a été présenté. Ce n'est pas pour envoyer un plus grand nombre de conducteurs alcooliques en prison. Le député voudrait-il bien admettre que c'est là l'objectif du projet de loi?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, très sincèrement, je me demande pourquoi mon collègue ne consulte pas les mêmes statistiques que l'on nous présente. Ce n'est pas nous qui les faisons, les statistiques. Pourquoi ne va-t-il pas aux mêmes sources, aux sources officielles, qui démontrent hors de tout doute que ce qu'il vient de dire n'est pas conforme à la réalité?

Dans ce domaine, la criminalité baisse. Elle n'est pas en hausse, elle baisse. Quand je dis que ce gouvernement veut incarcérer encore plus de gens, c'est qu'à partir du moment où on condamne quelqu'un «à perpète», cela veut dire qu'on l'envoie pour 25 ans en prison, à moins que le juge ne prévoie d'autres circonstances, ou que cette personne ait accès à la libération conditionnelle au bout d'un certain temps, peut-être 10 ans.

À l'heure actuelle, la moyenne de peine d'emprisonnement est d'environ deux ans, même moins de deux ans. On sait aussi bien que moi que si on condamne les gens à deux ans et un jour, ils vont dans un autre type de prison, une prison fédérale plutôt qu'une prison provinciale. On sait très bien ce que cela donne, la prison fédérale, au bout du compte. Les gens en ressortent encore plus criminels qu'ils ne l'étaient avant, parce que la mentalité du gouvernement fédéral n'est pas la réinsertion sociale ni la rééducation, c'est la punition et la vengeance. Ce ne sont pas des valeurs qui nous animent, nous, le peuple québécois.

Nous avons essayé le plus possible de réinsérer dans notre société des gens qui avaient commis des crimes, même des jeunes qui ont commis des crimes, et nous avons un taux de succès mirobolant. Nous avons des personnes qui ont été impliquées dans des cas très bien connus, par exemple le FLQ, qui ont été capables de s'instruire en prison et de faire en sorte qu'ils sont devenus des professeurs d'université que personne ne connaît si on n'a pas reconnu leur photo de cette époque.

Nous n'en voulons pas de ce régime de prison. Pour nous, les Québécois, c'est peut-être le Canada qui devient une prison. Nous ne voulons surtout pas que les Québécois et les Québécoises soient plus incarcérés par le gouvernement fédéral que nous le sommes présentement.

 

. 1710 + -

[Traduction]

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Monsieur le Président, j'ai siégé pendant un certain temps à la Commission ontarienne des libérations conditionnelles. Je me souviens d'avoir assisté à une audience de libération conditionnelle d'un détenu qui avait l'habitude de conduire en état d'ébriété. Il ne possédait pas de voiture ni de permis de conduire. Chaque fois qu'il était incarcéré, il était censé l'être pour deux ans moins un jour dans un établissement provincial. La dernière fois qu'il a été incarcéré, lorsque j'ai assisté à son audience de libération conditionnelle, il était clair qu'il n'allait pas être libéré. Il a purgé toute sa peine de deux ans.

Après sa sortie, il a refusé d'aller en réadaptation et de confronter le fait que l'alcool était la principale source de ses problèmes. À l'époque, je croyais qu'il avait besoin d'aide thérapeutique. Je trouvais qu'il aurait dû passer plus de temps dans le système carcéral. Il s'agissait d'un individu qui n'avait jamais possédé de permis de conduire ni de voiture, et qui avait été accusé à sept reprises de conduite avec facultés affaiblie.

Je ne sais pas ce que nous pourrions faire avec une telle personne, si ce n'est de lui faire purger une peine plus longue pour tenir au moins compte de la sécurité du public.

En toute bonne conscience, que dirait la députée aux familles des deux personnes que cet homme a tuées lors de son dernier accident? Leur dirait-elle qu'une plus longue incarcération n'est pas nécessaire?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, premièrement, la justice n'est pas de ce monde. Nous le savons depuis que nous sommes au monde. Ce n'est pas en voulant venger les personnes malheureusement décédées qu'on va régler le problème de cette personne.

Cette personne avait plusieurs problèmes, d'après ce que le député nous dit: pas de permis de conduire, pas d'auto, alcoolique d'habitude, de tradition, et il tue deux personnes en conduisant un véhicule.

Qui lui a prêté un véhicule sans qu'il ait de permis de conduire? C'est cette personne qui devrait aller en prison. C'est elle la personne responsable. Soit que quelqu'un lui a prêté un véhicule ou que quelqu'un lui a loué un véhicule. Où a-t-il pris son véhicule s'il n'en possède pas et s'il n'a pas de permis de conduire? C'est là la faute grave. C'est de prêter un véhicule à quelqu'un qui n'a pas de permis de conduire et à qui on permet de boire de l'alcool.

Il y a des gens qui possèdent des cafés, qui voient quelqu'un qui est saoul prendre encore de la bière ou du scotch. Tout ce qu'ils regardent, c'est le «cash» qui passe, et non pas leur responsabilité de laisser prendre le volant à une personne qui est ivre morte.

Il faudrait faire le tour des responsabilités. Si cette personne est saoule et qu'elle est capable de voler une auto, c'est peut-être qu'on lui avait laissé assez facilement accès à un véhicule qui était peut-être en marche ou qui n'était pas verrouillé. Il faudrait faire le tour de la question avant de peut-être condamner cet innocent, même si ce qu'il a fait est triste et que deux personnes ont dû en subir les conséquences. Ce sont deux personnes de trop qui ont été victimes de cette personne, je le reconnais, mais ce n'est pas en le mettant 25 ans en prison qu'on va le rééduquer et le guérir de son habitude de boire.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais que ma collègue commente la situation suivante.

Actuellement, les tribunaux ont le pouvoir d'imposer des peines de 14 années de prison pour une telle infraction. Toutefois, dans l'histoire de nos tribunaux canadiens, aucun n'a jamais imposé une peine supérieure à 10 années pour ce genre d'infraction. Les tribunaux bénéficient donc d'une marge de manoeuvre de quatre années. Depuis que le Code criminel leur permet d'imposer une peine de 14 années de prison, aucun juge dans l'histoire de nos tribunaux n'a trouvé cette infraction suffisamment grave pour imposer 14 années de prison.

 

. 1715 + -

Est-ce que le fait de dire au juge qu'il peut imposer une sentence à vie changera la situation? Il pouvait imposer une sentence de 14 ans, mais il ne l'imposait pas. Si on dit qu'il peut imposer une sentence à vie et que les juges ne l'utilisent jamais, que vont penser les citoyens? Ils diront qu'il y a encore moins de justice qu'avant, parce que la sentence à vie n'est jamais imposée.

Est-ce que ce projet de loi ne rendra pas notre système judiciaire moins crédible?

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, c'est une excellente question. Je regrette de ne pas avoir assez de temps pour fournir une réponse égale à la valeur de la question.

Le gouvernement et la ministre de la Justice devraient penser d'abord à la qualité des personnes nommées comme juges, qu'ils soient compétents. Une fois qu'ils sont nommés juges, il faudrait qu'ils aient des cours de recyclage tous les ans pour leur permettre de se tenir à jour, dans une réflexion au niveau du cerveau, pour connaître les conditions psychologiques de la vie, pour réfléchir sur les nouvelles données dans les familles pour qu'ils comprennent mieux la société.

Il y a des gens qui siègent en cour depuis 30 ans, mais ils ne se sont jamais arrêtés deux minutes pour réfléchir à ce qu'ils font et pourquoi ils le font. Ce n'est pas évident qu'ils connaissent aussi bien le Code et qu'ils savent qu'il leur permet d'imposer des peines de 14 ans. Il faudrait mettre sur pied des cours pour recycler les juges et établir des concours pour nommer des juges compétents.

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir, à mon tour, de prendre la parole sur le projet de loi C-18. Comme vous l'avez entendu par la qualité des interventions de mes collègues, le Bloc québécois est contre le projet de loi C-18.

Nous sommes d'avis, cependant, que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est une infraction très grave. Néanmoins, il y a d'autres solutions que la vengeance et la punition. Dans le pays soi-disant le plus beau du monde, dans un pays démocratique, le projet de loi C-18 représente tout simplement un système de peur et de terreur. Comme le disaient mes collègues, les lois actuelles permettent aux cours d'imposer des sanctions adéquates.

Comme le Bloc québécois l'a expliqué, ce n'est pas la solution. Adopter le projet de loi C-18 reviendrait à nier les caractéristiques propres à cette infraction et créerait un important déséquilibre dans notre système pénal.

Pourquoi ne pas laisser aux tribunaux le temps d'épuiser la marge de manoeuvre qu'ils ont actuellement en vertu des dispositions du Code criminel?

Comme l'a si bien dit un de mes collègues précédemment, dix ans est la peine maximum qui a été utilisée par les tribunaux. Le maximum a été de 10 ans, alors qu'on pouvait aller jusqu'à 14 ans. Cette peine de 10 ans a été imposée par les tribunaux pour conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort. Qui est mieux placé que les tribunaux pour juger des peines à être imposées? C'est nier la compétence des tribunaux que de leur imposer de donner une peine plus sévère, une sentence à vie, alors qu'ils avaient la possibilité d'utiliser une plus longue peine et qu'ils ne l'ont pas fait.

Les tribunaux et la loi actuelle ont fait que la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort est en régression, passant de 22 p. 100 en 1994-1995 à 19 p. 100 en 1997-1998. Il est faux de prétendre qu'on fait face actuellement à une flambée de la criminalité dans ce domaine.

Les juges Cory et Iacobucci de la Cour suprême ont dernièrement dénoncé le fait que le Canada est devenu un champion de l'incarcération et la trop grande facilité avec laquelle le législateur fédéral a recours à l'emprisonnement pour traiter les problèmes de délinquance.

 

. 1720 + -

En proposant l'emprisonnement à perpétuité pour les personnes rendues coupables de conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort, la ministre fait fi des commentaires de sa propre Cour suprême.

La prévention, à notre avis, voilà la vraie solution. L'incarcération doit être la solution de dernier recours pour régler le problème de la criminalité. Or, la ministre de la Justice n'a pas démontré qu'elle avait épuisé tous les outils mis à sa disposition pour contrer le problème de la conduite avec facultés affaiblies et ainsi protéger la population. Elle a décidé d'opter pour la simplicité: augmenter les peines d'emprisonnement. Elle a opté pour la politique du moindre effort de l'Alliance canadienne et pourtant, elle pouvait agir autrement.

Il existe des outils efficaces, autres que l'incarcération, pour réduire le nombre d'infractions reliées à la conduite avec facultés affaiblies. Nous avons d'ailleurs connu une baisse durant les deux dernières années, au Québec, avec des campagnes de prévention qui disent: «Conduire avec facultés affaiblies, c'est criminel» et «La modération a bien meilleur goût». Je pense que cela a porté fruit, car les résultats actuels le prouvent.

Le système antidémarreur avec éthylomètre en est un que le Québec et l'Alberta sont en train d'expérimenter. Il s'agit d'un système qui permet de déterminer le taux d'alcool dans le sang à partir d'un simple échantillon de l'haleine du conducteur et qui empêche la mise en marche du véhicule si le taux d'alcool est supérieur à un seuil prédéterminé.

Actuellement, l'Alberta et le Québec sont les seules provinces à imposer les systèmes antidémarreurs comme condition d'un permis restreint pour les conducteurs sous le coup d'une suspension provinciale de leur permis.

Traiter un conducteur ivre de la même façon qu'un tueur à gages, c'est-à-dire un tueur qui pose un geste délibéré avec préméditation ou qui prépare son crime et un conducteur avec facultés affaiblies entraînant la mort, c'est deux poids, deux mesures.

Un ami, un parent qui, un soir de fête un peu trop arrosé et à qui, par négligence, arrive un accident mortel, devrait-il être traité, par les tribunaux, avec la même sévérité qu'un tueur à gages, un criminel endurci? Devrait-il être traité, par les tribunaux, sur le même pied d'égalité qu'un tueur qui pose un geste prémédité et qualifié? L'expérience du passé nous dit que non.

Il est impossible de considérer ce genre de personne de la même façon qu'on considérerait un criminel endurci. Doit-on le traiter comme un membre du crime organisé? Je crois que non. Certes, les deux individus ont chacun commis un acte très répréhensible, mais leur profil est pourtant bien différent.

Ce simple citoyen, à qui est arrivé un accident après une soirée trop arrosée, mais qui est toujours un bon père de famille et qui n'a jamais eu affaire à la loi, doit-on l'emprisonner à perpétuité?

Comment la ministre peut-elle justifier qu'un contrevenant qui tue quelqu'un, de sang froid et en plein contrôle de ses actes, puisse être condamné à une peine d'emprisonnement moins importante qu'un conducteur dont les facultés sont affaiblies par l'alcool?

Le gouvernement fédéral ne connaît qu'une seule vitesse quand il est question de justice pénale: l'excès. La politique de «la loi et l'ordre» est très payante politiquement et ça, la ministre de la Justice le sait fort bien.

Que ce soit dans le dossier des jeunes contrevenants ou dans celui de la conduite avec facultés affaiblies, la ministre de la Justice démontre son incapacité de pouvoir gérer des problèmes complexes sans avoir recours à des mesures dangereusement répressives.

 

. 1725 + -

Nous examinons ce qui semble être, aujourd'hui, la question la plus importante en matière de droit pénal, soit la tendance du législateur à mal interpréter l'état d'esprit du public et la croyance qu'une législation punitive satisfera ceux qui prônent la dissuasion comme pierre angulaire du système pénal appliqué aux adolescents.

Voilà pourquoi le Bloc québécois votera contre le projet de loi C-18.

Il ne faut quand même pas perdre le nord. En 1998, la route n'a pas causé au Québec plus de morts et de blessés graves ou légers que les actes criminels. Les statistiques le disent: il y a eu 47 000 actes criminels au Québec, en 1998, contre 39 000 accidents sur les routes. Parmi les 39 000 accidents qu'on déplore sur les routes, les experts ne s'entendent pas: ils parlent de 5 p. 100 et de 50 p. 100, ce qui rend ces statistiques inutilisables.

Dans le pire des cas, ils sont tout de même moins nombreux que les actes criminels. On dit que les accidents avec facultés affaiblies sur les routes sont 50 p. 100 moins nombreux que les actes criminels. Pourtant, on présente une loi qui vise à punir et à se venger des chauffeurs qui auraient les facultés affaiblies par l'alcool, tout en laissant de côté les vrais criminels.

Ce qu'on peut dire avec certitude, par contre, c'est qu'un accident de la route, même provoqué par l'alcool, n'est pas le résultat d'une volonté consciente et affirmée de faire le mal.

On a souvent reproché au Bloc québécois de faire de l'obstruction systématique à Ottawa, simplement pour démontrer que le régime fédéral ne peut pas fonctionner. C'est un grief qu'on ne pourra cependant pas lui faire pour son intervention dans le débat sur les sanctions à imposer aux automobilistes conduisant en état d'ébriété.

C'est, au contraire, dans ce dernier cas, son attitude ferme qui a largement contribué à modérer le zèle excessif des grands apôtres de la tolérance zéro et, du même coup, à replacer toute la discussion à ce sujet dans une perspective raisonnable où les sanctions liées à ces infractions ne seront pas disproportionnées par rapport à des crimes aussi graves qui valent à leurs auteurs des peines beaucoup moins lourdes.

Ce n'est pas d'hier que ce problème préoccupe les autorités fédérales qui, année après année, voient le nombre d'accidents graves reliés à ce facteur prendre la dimension d'une calamité. Pour la seule année 1997, on a dénombré au Canada pas moins de 193 accidents reliés à la consommation d'alcool et ayant causé la mort d'au moins une personne.

La publication de statistiques de ce genre aurait suffi à alerter n'importe quel gouvernement responsable sur la pertinence de revoir les mesures préventives et non répressives.

C'était d'ailleurs le mandat d'un comité des Communes sur la justice qui, ces derniers mois, s'est astreint à revoir toutes les lois pouvant avoir une incidence sur ce sujet afin de faire des recommandations à la ministre en prévision du dépôt d'une proposition de changements à apporter à la législation actuelle.

Mais lorsque le gouvernement, comme c'est le cas présentement, affronte une opposition ultra-conservatrice et populiste, comme le Parti réformiste, qui préconise toujours les peines les plus sévères pour faire régner partout la loi et l'ordre, on s'expose inévitablement à voir émerger les solutions les plus radicales qui ne tiennent pas toujours compte de toute la réalité et qui ont comme principal mérite de calmer la grogne d'une population excédée dont le désir de vengeance est constamment exacerbé par beaucoup de démagogues.

 

. 1730 + -

Quand, en plus, le parti au pouvoir sent le besoin impérieux de gagner en popularité auprès d'un groupe de citoyens qui applaudissent devant l'attitude intraitable de l'opposition, on se retrouve avec un projet inacceptable comme celui qui a suscité l'opposition irréductible et, dans ce cas, totalement justifiée du Bloc québécois.

Il aurait en effet dû sauter aux yeux de ses rédacteurs que, quoi qu'aient pu soutenir les adeptes de la sévérité sans nuance, on tombait dans le délire absolu en réclamant l'emprisonnement à vie.

Je m'adresse à ceux qui ont rédigé le projet de loi C-18. En toute lucidité et en toute responsabilité, ils auraient dû recommander au législateur et au Parti libéral de ne jamais adopter une telle loi.

Il est indéniable qu'il faut envoyer un message clair à tous ceux qui ont un comportement assez irresponsable pour prendre le volant en état d'ébriété.

Cela, le Bloc québécois ne le conteste pas. Il faut continuer à sensibiliser la population. Il faut continuer à trouver des moyens plus humains et plus logiques pour sensibiliser les conducteurs à ne pas conduire en état d'ébriété.

Je suis convaincu que si le gouvernement avait une réaction plus terre à terre, plus réaliste, plus responsable, il retirerait le projet de loi C-18.

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

Après l'appel du timbre:  

Le vice-président: À la demande du whip en chef du gouvernement, le vote est reporté à lundi, à la fin de la période réservée aux initiatives ministérielles.

Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Des discussions ont eu lieu entre tous les partis et, conformément au paragraphe 45(7) du Règlement, vous constaterez qu'il y a consentement pour reporter le vote par appel nominal demandé au sujet de la motion du député à la fin de la période prévue pour l'étude des initiatives ministérielles, le mardi 16 mai 2000.

 

. 1735 + -

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour reporter le vote à mardi?

Des voix: D'accord.

*  *  *

LA LOI SUR LES ESPÈCES EN PÉRIL

 

L'hon. Herb Gray (au nom du ministre de l'Environnement) propose: Que le projet de loi C-33, Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril au Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Mme Paddy Torsney (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de dire que je suis en faveur de la Loi concernant la protection des espèces en péril, la première mesure législative au Canada visant à protéger toutes les espèces d'oiseaux, de poissons, de mammifères, de plantes et d'insectes en péril. Ce projet, qui fait partie d'un ensemble de mesures équilibrées et globales, permettra de veiller à ce que les espèces et leurs habitats jouissent de la protection nécessaire.

Le principal objectif, lors de la rédaction de ce projet de loi, a été de tenir compte des besoins des différentes espèces au Canada. Le Canada, qui abrite une grande diversité de plantes et d'animaux, compte plus de 70 000 espèces connues de plantes et d'animaux, dont beaucoup sont uniques à ce pays. Étant donné l'immense taille de notre pays et la faune unique qu'il abrite, le gouvernement estime qu'il a la responsabilité de protéger cette précieuse diversité pour les générations présentes et futures.

On assiste dans le monde à la disparition de certaines espèces à un rythme alarmant par suite de l'activité humaine. Au Canada, au moins 352 espèces classifiées sont en péril. Nous devons empêcher qu'elles ne disparaissent ou ne soient menacées du fait de l'activité humaine. L'approche que nous avons adoptée dans ce projet de loi est déjà appliquée sur le terrain, où elle est d'importance majeure et où les Canadiens font déjà de sérieux efforts pour protéger les espèces.

Il y a sept ans que le projet de loi C-33 est en gestation. En 1992, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. En fait, le Canada a été l'un des premiers à avoir signé la convention, comme cela a été rappelé à la période des questions d'aujourd'hui.

En 1996, toutes les administrations canadiennes ont souscrit à l'accord relatif à la protection des espèces en péril et convenu de se pourvoir de leur propre texte de loi à cet effet. Beaucoup de provinces et de territoires ont déjà honoré cet engagement. Le moment est aujourd'hui venu pour le gouvernement fédéral d'en faire autant.

La protection de la nature au Canada n'est pas une vaine intention. Le projet de loi à l'étude protègera les espèces aujourd'hui menacées et évitera à d'autres de l'être. La solution retenue dans ce projet de loi est à la fois équilibrée et d'application pratique. On y reconnaît que nous devons tous nous donner la main si nous voulons maximiser nos chances de succès.

L'élaboration d'une loi concernant la protection des espèces menacées et son application à l'ensemble du territoire canadien n'a pas été chose facile. Il a fallu entendre de nombreux avis. Le gouvernement du Canada s'est engagé dans un long processus d'étude, de consultation et de planification. Il y a fait participer des associations d'écologistes, des propriétaires fonciers, des autochtones, différents niveaux de gouvernement, et des milliers de particuliers.

Nous avons mis à profit l'expérience des autres administrations, des autres provinces et des autres pays. Nous avons retenu les solutions qui s'étaient révélées efficaces et évité les autres. Le résultat: un projet de loi efficace en ce qui concerne la protection des forêts, un projet de loi qui réussit à trouver un juste compromis pour les nombreux et différents enjeux parfois conflictuels.

Le projet de loi concernant les espèces en péril dont nous sommes aujourd'hui saisis nous permettra de mener à bien cette mission que nous nous sommes donnée. Le projet de loi C-33 nous aidera à sauver les différentes espèces et à en protéger l'habitat sur l'ensemble du territoire canadien.

Pour récapituler rapidement, le projet de loi sur les espèces en péril prévoit l'évaluation indépendante et scientifique des espèces sauvages par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC; la mise en place d'un processus de désignation fiable des espèces fondé sur cette évaluation scientifique; un processus détaillé de planification et de mise en oeuvre de programme de rétablissement des espèces. Le projet de loi prévoit également la ferme interdiction de tuer ou de blesser des individus d'espèces en péril et d'abîmer leur habitat, et le pouvoir de protéger l'habitat vital de ces espèces sur les terres publiques et privées, au Canada.

 

. 1740 + -

En vertu de la loi, l'évaluation des espèces sauvages incombera au COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Le COSEPAC est un organisme indépendant, composé de scientifiques et d'autres experts. Il va continuer de fonctionner sans lien de dépendance avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Pour la première fois, toutefois, le COSEPAC obtient un statut légal, et il recevra le budget nécessaire pour poursuivre son travail.

Le COSEPAC évaluera si une espèce est menacée ou en voie de disparition. Cette évaluation du COSEPAC ainsi que les raisons qui la motivent seront rendues publiques. Tous les Canadiens auront accès à ces informations. Il n'y a rien de politique dans ce processus d'évaluation. Lorsque le COSEPAC détermine de façon indépendante qu'une espèce est menacée ou en voie de disparition, cette décision est automatiquement reportée.

L'évaluation scientifique du COSEPAC servira de base pour la liste gouvernementale des espèces sauvages au Canada, établie en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

Une fois qu'une espèce a été ajoutée à la liste légale, l'interdiction de tuer des individus de cette espèce entre immédiatement en vigueur, tout comme la protection de son habitat. Un processus complet de planification est lancé pour le rétablissement de ces espèces. L'utilisation des terres où vit une espèce peut être modifiée et toutes sortes d'autres conséquences économiques, juridiques et sociales peuvent entrer en jeu.

Les décisions prises en vertu de cette loi peuvent avoir de graves conséquences économiques, sociales et juridiques pour de nombreux Canadiens. Il est essentiel qu'il y ait une responsabilisation au niveau politique pour ces décisions. C'est pourquoi cette loi donne au Cabinet la responsabilité légale d'établir et de modifier la liste légale des espèces sauvages en péril au Canada.

[Français]

Cette loi reconnaît que la destruction ou la dégradation des habitats constitue la menace principale pesant sur les espèces. Au cours de ces 200 dernières années, nous avons entièrement transformé le paysage qui nous entoure. Les endroits où vivent les espèces sauvages n'ont pas été épargnés, qu'il s'agisse de terres humides, de forêts, de lacs, de rivières ou de prairies.

La perte d'habitats met en danger plus de 75 p. 100 des espèces actuellement classées en péril. Il est clair que si nous voulons protéger ces espèces, il faut protéger leur habitat.

Le projet de loi sur les espèces en péril fournit l'autorité nécessaire pour prévenir la destruction des habitats de ces espèces. Il fournit aussi l'autorité nécessaire pour prévenir partout au Canada la destruction des habitats indispensables à la survie des espèces menacées. Cette loi permet de prendre rapidement de telles mesures dans une situation d'urgence.

[Traduction]

Lorsqu'une espèce est considérée comme en voie disparition ou menacée, le processus de planification du rétablissement permettra d'établir les mesures qui doivent être prises à cette fin, notamment l'identification des besoins essentiels de cette espèce en matière d'habitat. Je le répète, cette mesure législative donne au gouvernement du Canada le pouvoir juridique voulu pour s'assurer que tous les habitats essentiels sont protégés sur les terres fédérales, provinciales ou privées.

Notre première ligne de défense consistera à protéger l'habitat en encourageant les propriétaires fonciers à prendre des mesures de conservation volontaires, souvent en collaboration avec d'autres gouvernements. Le gouvernement fédéral encouragera la conservation des habitats, car nous savons que cette méthode fonctionne pour bien protéger les espèces.

 

. 1745 + -

Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement a débloqué 180 millions de dollars sur cinq ans pour mettre en oeuvre sa stratégie de protection des espèces en péril. Une partie importante de cet argent servira à financer des mesures de gestion des habitats.

Dans bien des cas, l'habitat important pour des espèces en péril se trouvera dans une province ou dans un territoire et nous respectons leur compétence. Nous comptons sur ces gouvernements pour mettre en oeuvre des mesures de gestion de l'habitat. Ce projet de loi va simplement compléter ou améliorer les lois provinciales et territoriales existantes.

Ne vous y trompez pas, lorsque les mesures volontaires ne fonctionneront pas, lorsque d'autres gouvernements ne voudront pas ou ne pourront pas agir, on aura recours aux mesures de protection fédérales. Si une province n'a pas de loi complémentaire, le gouvernement du Canada agira pour protéger le patrimoine canadien, pour protéger les espèces qui vivent sur des terres provinciales et privées.

Lorsqu'on aura recours au filet de sécurité fédéral pour protéger des habitats essentiels qui se trouvent sur des terres privées, une indemnité sera versée pour les pertes inattendues résultant de restrictions imprévues dans l'utilisation habituelle de ces terres. Les dispositions en matière d'indemnisation n'encourageront toutefois pas les gens à se garder de prendre des mesures volontaires de protection de l'habitat dans l'espoir d'être ultérieurement indemnisés.

Tout est une question d'équilibre et, pour arriver à cet équilibre, le ministre de l'Environnement a demandé à un éminent Canadien spécialiste des questions de conservation, M. Peter Pearse, professeur émérite en économie des ressources à l'Université de la Colombie-Britannique, d'examiner ces questions et de le conseiller.

Certains diront que ce projet de loi empiète sur les droits de propriété. Ils se trompent. Leurs critiques se fondent sur des histoires d'horreur qui sont survenues dans des circonstances très différentes liées à l'application, aux États-Unis, de la loi sur les espèces en voie de disparition. La Loi canadienne sur les espèces en péril est fondamentalement différente. Il est vrai qu'elle confère au gouvernement le pouvoir de protéger des espèces sur des terres privées, mais nous avons fait beaucoup pour tenir compte des préoccupations des propriétaires et des utilisateurs de terres.

Le plus important au sujet de ce projet de loi, c'est peut-être qu'il doit être utilisé et accepté par ceux qui, sur les terres, prennent des décisions ayant quotidiennement des répercussions sur les espèces sauvages. Le projet de loi reconnaît qu'il faut sévir contre ceux qui enfreignent la loi, mais qu'il faut aussi adopter une approche coopérative sur le front. C'est ce qui nous permettra de protéger nos espèces.

Pour que le projet de loi soit efficace, toutes les personnes concernées doivent l'appuyer. La réalité et l'expérience nous ont appris que, pour que le travail se fasse, il faut que les propriétaires fonciers, les groupes de conservation et les autres ordres de gouvernement travaillent ensemble.

Les collectivités autochtones du Canada occupent une place particulièrement importante dans l'effort visant à protéger les espèces en péril. Bon nombre des espèces menacées ou en péril se trouvent dans les terres autochtones. Les autochtones participeront à toutes les étapes des efforts de rétablissement prévus dans la Loi sur les espèces en péril. Les processus d'évaluation et de rétablissement feront fond sur la sagesse découlant des connaissances traditionnelles autochtones ainsi que sur la connaissance de la collectivité locale. Nous travaillerons en étroite collaboration avec les conseils de gestion des ressources fauniques constitués en application d'accords sur des revendications territoriales et avec les premières nations en vue d'assurer la protection des espèces sur les terres autochtones traditionnelles, et nous en respecterons le rôle.

L'expérience nous a appris que si tous les gouvernements et les intervenants travaillent à l'unisson, cela peut favoriser le rétablissement des espèces. Nous avons déjà fait des progrès dans le cas du renard véloce, du pélican d'Amérique et du faucon pèlerin. Nous avons tiré des leçons de ces tentatives réussies et nous devons maintenant nous concentrer sur le sauvetage des espèces qui sont encore en péril, comme le béluga, la marmotte de l'île de Vancouver, l'espèce favorite du ministre, la chevêche des terriers et la tortue luth. Dans le but d'éviter que d'autres espèces viennent s'ajouter à la liste, notre objectif comme gouvernement, comme citoyens et comme intendants doit être de protéger les espèces au sol.

La nouvelle Loi sur les espèces en péril fait partie d'une démarche globale visant à atteindre cet objectif. En outre, grâce à l'accord signé avec les province et territoires et aux vastes activités d'intendance déjà en cours, nous sommes convaincus que les espèces et leurs habitats seront protégés au Canada.

J'invite tous les députés et tous les Canadiens à s'associer au ministre et à franchir cette étape importante dans la protection des espèces sauvages et de leurs habitats au Canada. Après sept ans de débat, il est temps de nous concentrer sur la protection et le rétablissement des espèces sauvages.

Le projet de loi C-33 ne se veut pas un instrument devant servir seulement devant les tribunaux et dans les salles de classe. Il est conçu de façon à donner des résultats où cela compte, c'est-à-dire dans les champs, les forêts, les zones humides et les eaux libres du Canada. Notre premier objectif doit être de protéger efficacement les espèces et non de susciter des contentieux onéreux.

 

. 1750 + -

Nous avons hâte de passer au processus du comité, où tous les citoyens intéressés verront exactement à quel point ce projet de loi peut être efficace.

Nous avons une occasion d'adopter une mesure législative énergique, une mesure législative indispensable qui se fait attendre depuis trop longtemps. J'espère sincèrement que tous les députés joueront un rôle dans cette monumentale responsabilité.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je crois que si vous consultez la Chambre, vous allez obtenir le consentement unanime pour indiquer qu'il est 18 h 06 et que la période prévue pour les initiatives ministérielles est terminée.

[Traduction]

Le président suppléant (M. McClelland): La députée de Rimouski—Mitis a demandé le consentement unanime de la Chambre pour que nous considérions qu'il est 18 h 06, ce qui marque la fin des initiatives ministérielles pour aujourd'hui. Y a-t-il consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. McClelland): Comme il est 18 h 06, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 avril, de la motion: Que le projet de loi C-206, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi C-206, une loi qui vise à modifier la Loi sur l'accès à l'information en définissant mieux les documents détenus par le gouvernement qui doivent être communiqués et en prévoyant des peines plus sévères pour ceux qui tentent volontairement de contourner l'intention de la loi.

D'abord, mon parti et moi-même appuyons fortement ce projet de loi, qui constitue un pas dans la bonne direction. Il y a longtemps qu'on aurait dû moderniser ainsi une loi qui a été présentée et qui a bien rempli son but en des temps peut-être moins compliqués. La loi a manifestement besoin d'être modernisée et renforcée en ces temps très critiques.

Il est à remarquer que c'est le gouvernement du chef de mon parti, le très honorable Joe Clark, qui, en 1979, a présenté pour la première fois au Canada une loi sur l'accès à l'information. Fidèles à cette tradition, nous sommes pour qu'on améliore maintenant la loi afin qu'elle reflète la réalité d'aujourd'hui.

L'actuelle Loi sur l'accès à l'information a presque permis au gouvernement de s'en tirer avec le plus énorme abus de pouvoir depuis longtemps, peut-être même de toute l'histoire de notre pays. Je veux parler du scandale du ministère du Développement des ressources humaines. Cette affaire de mauvaise gestion des fonds publics et de trahison de la confiance du public a permis de mettre au jour d'innombrables utilisations injustifiées ou, à tout le moins, discutables des deniers publics à des fins électoralistes. Les améliorations proposées dans le projet de loi C-206 contribueraient à mieux prévenir pareils abus, voire à les détecter plus rapidement.

Un élément sur lequel nous devons nous pencher, c'est la mesure dans laquelle le gouvernement privatise des services qui étaient auparavant la responsabilité exclusive de ministères. Qu'il s'agisse de la nouvelle Agence du revenu du Canada, de la nouvelle agence chargée de la lutte contre le blanchiment d'argent ou de n'importe quelle autre agence indépendante du gouvernement, nous devons demeurer vigilants quant à la possibilité d'invoquer la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir des renseignements qui devraient être connus du public.

Je crains, à l'instar de certains de mes collègues, que la création de ces agences ne compromette l'accès à l'information. C'est une chose dont nous devons nous méfier sérieusement, compte tenu que la tendance dans la prestation de services gouvernementaux au Canada est la création de ce genre d'agence. J'exhorte tous les députés à réfléchir attentivement à la question et à veiller à ce que cette tendance, au fur et à mesure de son évolution, ne compromette pas le mécanisme d'accès à l'information.

 

. 1755 + -

L'une des principales préoccupations que suscite le projet de loi est qu'il propose de priver du recours à la Loi sur l'accès à l'information quiconque présente une demande frivole ou abusive. En tant que membre du cinquième parti à la Chambre, j'espère que le député, ou tout autre député ministériel, ne voit pas les requêtes émanant de mon parti comme étant frivoles ou abusives.

Une voix: Curieuses.

M. Scott Brison: Elles sont peut-être curieuses, mais elles ne sont jamais frivoles ou abusives.

Dès que l'on a recours à des descriptions nébuleuses, on risque d'ouvrir la porte à ce que j'appellerais des insinuations qui ne peuvent bénéficier qu'au parti au pouvoir. Qu'il soit bien clair que, en gros, toute demande de renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information devrait être jugée importante et pas de prime abord frivole ou abusive. On sait que, dans bien des dossiers, une solide opposition se fonde sur les documents obtenus grâce à l'accès à l'information et sur la capacité d'obtenir des renseignements que d'autres n'étaient peut-être pas assez futés pour demander. Cela suscite certaines inquiétudes.

Nous sommes également préoccupés par l'obligation de payer qui sera faite aux personnes qui se servent fréquemment de la Loi sur l'accès à l'information. Il est évident que nous ne voulons pas instaurer un système où, au bout du compte, les riches pourront plus facilement obtenir l'information que les gens sans ressources. Cet aspect mérite qu'on s'y arrête.

Nous appuyons le projet de loi C-206. Je félicite le député de Wentworth—Burlington pour sa contribution éclairée et réfléchie aux travaux de la Chambre. Nous divergeons parfois, et même souvent, d'opinion, mais en général je respecte les opinions du député même lorsqu'elles sont frivoles et abusives. En l'occurrence, je félicite le député pour un projet de loi bien pensé et très constructif.

Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Haldimand—Victoria—Brock, pour la reprise du débat.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Il s'agit en fait, monsieur le Président, de la circonscription de Haliburton—Victoria—Brock. Pour donner la parole au député de Wentworth—Burlington, vous allez sans doute parler de Ancaster, Dundas, Flamborough et Aldershot; il faudra revoir un peu tout cela.

La Chambre a bien d'autres choses à apprendre que les noms des circonscriptions des députés, mais ne vous en faites pas, le nom de ma circonscription va bientôt changer. On ne dit plus Victoria, mais bien Kawartha Lakes. Il faudra probablement modifier cela aussi, puisque ce lieu n'existe pas. Lorsque je trouverai le temps de mener un sondage dans mon prochain bulletin parlementaire, je demanderai aux électeurs quel nom ils préfèrent pour leur circonscription.

Le projet de loi C-206 a été présenté par mon collègue de Wentworth—Burlington. Comme l'a souligné le député de Kings—Hants, il nous arrive de diverger d'opinion. Si nous sommes parfois d'accord, c'est sans doute qu'il ne me contredit pas parce que je suis du même côté que lui à la Chambre.

La population ne comprend probablement pas le phénomène des débats sur les initiatives parlementaires à la Chambre. Il faudrait préciser que tout débat, toute négociation, toute discussion portant sur les initiatives parlementaires devrait être prise très au sérieux. Les gens devraient comprendre que les députés font de longues recherches dans un dossier où ils soupçonnent une injustice ou une lacune dans la loi qui affecte les gens ordinaires, ceux que représentent les députés d'arrière-ban. Leur seul moyen de susciter un débat est de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire. Je félicite le député de Wentworth—Burlington de l'avoir fait.

 

. 1800 + -

La première lecture d'un projet de loi est cruciale car, c'est à cette étape que le projet de loi est présenté à la Chambre. C'est alors que les députés peuvent lire le projet de loi, constater le travail qu'a exigé sa préparation, le commenter et voir dans quelle mesure il modifierait la loi. Après quoi, il est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité. Il revient ensuite à la Chambre, c'est l'étape du rapport, des modifications sont apportées au besoin et il est adopté.

Bien des gens ne savent pas que c'est un long processus. Il faut une bonne dose de bon sens à un député pour franchir toutes ces étapes et tenter de prendre en compte les diverses propositions d'amendement des autres députés. Vient ensuite le débat de la troisième lecture, puis un vote l'enverra à l'autre endroit, au Sénat autrement dit. Voilà le processus à suivre.

Il ne faut pas oublier qu'il y a toujours 30 projets de loi d'initiative parlementaire sur le Feuilleton, jamais moins. Quand l'un est réglé, un autre est présenté. Je ne suis pas sûr du nombre exact de projets de loi d'initiative parlementaire qui attendent d'être débattus, mais il y en a pas mal.

L'un des sous-comités auxquels je siège a été formé par le caucus représentant le centre de l'Ontario. Ensemble, nous avons cherché des moyens d'améliorer le fonctionnement du Parlement. Ce rapport est en train de traverser les diverses étapes du système. Il contient 24 recommandations. Certaines sont réalisables, d'autres pas et d'autres encore ne résisteront pas à la politique politicienne, même si nous nous sommes employés à faire en sorte qu'il ne soit pas marqué par le sectarisme. Il traite uniquement du travail des députés d'arrière-ban.

Une des recommandations porte sur les séances du vendredi. Certains députés ont fait valoir que c'est le seul endroit qui siège le vendredi au monde, partout où il y des parlements, partout où il y a des régimes démocratiques qui fonctionnent selon le modèle britannique. Si ce n'est pas dans l'intérêt du gouvernement de siéger le vendredi, nous pourrions peut-être faire un compromis en réservant le vendredi pour les projets de loi d'initiative parlementaire. Le vendredi serait alors le jour où toutes les initiatives parlementaires seraient débattues, tant et si bien que les députés sauraient exactement quand viendrait leur tour. Nous n'aurions pas à modifier l'heure. C'est le seul endroit au monde où il est 18 h 05 et où la présidence peut déclarer qu'il est 18 h 10.

Quoi qu'il en soit, il y a certaines choses qui ont besoin d'être améliorées ici. C'en est peut-être une. Une séance du vendredi pour les initiatives parlementaires permettrait de les mettre en lumière et de leur donner la priorité qu'elles méritent, selon moi, au Parlement. J'aimerais que nous allions de l'avant avec cela. Les projets de loi ministériels pourraient être présentés sans qu'un jour soit perdu; il n'y aurait pas de motions dilatoires et pas de votes surprises et les simples députés pourraient avoir un jour à eux, le vendredi, pour leurs propres initiatives.

C'est une recommandation aux fins d'amélioration. En ce qui concerne les recommandations pour améliorer le projet de loi C-206, je remarque que le fait de transformer la Loi sur l'accès à l'information en loi sur la transparence du gouvernement, une loi tendant à rendre le gouvernement plus transparent, serait tout à fait sensé pour la population et devrait l'être pour nous tous. En fait, plus le gouvernement est transparent, plus il est digne de confiance.

Nous pourrions, en fait, en tant que politiciens, redorer quelque peu notre blason et être ainsi beaucoup mieux traités, surtout que nous sommes maintenant davantage en situation de confrontation, de nombreux députés tentant de déterminer à quel parti ils appartiennent, certains cherchant à voir à quel parti ils ne sont pas liés et d'autres essayant de faire leur propre place. Il y a davantage de confrontations. Les divers partis essaient de faire avancer leurs causes, que ce soit le Bloc essayant de faire avancer la sienne en donnant de l'importance à tout, que ce soit l'Alliance canadienne essayant de donner le plus de visibilité possible à la course à la direction de ce parti ou que ce soit le Parti conservateur essayant de mieux faire connaître son chef. On semble vouloir être moins coopératif dans cette enceinte.

 

. 1805 + -

Le manque de coopération nuit davantage aux députés d'arrière-ban, qu'ils soient du parti ministériel ou de l'opposition, qu'aux ministres ou aux députés de l'opposition qui ont des fonctions officielles et qui, de ce fait, ont droit à des avantages comme un espace de stationnement. Il serait bien que nous puissions stationner nos véhicules tout près, mais c'est interdit. Cela nous éviterait de nous entasser avec d'autres parce que nous n'avons pas assez d'argent pour payer notre appartement. Il n'existe à ma connaissance aucune entreprise au monde qui enverrait ses employés à Ottawa et qui les obligerait à s'entasser pour des raisons d'économie.

Quand on parle de loi sur la transparence du gouvernement, je crois que le droit d'accès à l'information est le droit à la démocratie. Je crois que les députés, qui sont élus démocratiquement, devraient permettre au gouvernement de montrer plus de transparence. Ce projet de loi montre un esprit de compromis. J'y vois un esprit de changement et je crois que nous estimons tous que la loi doit être modifiée.

Nous en sommes à la période des initiatives parlementaires, le seul moment où je puis me permettre de parler contre le gouvernement. De toute façon, je ne peux pas reculer davantage, je risquerais de me frotter aux rideaux. Je me sens donc libre de parler franchement à la période des initiatives parlementaires.

Le gouvernement n'appuie pas le projet de loi pour certaines raisons. Il reconnaît pourtant que la réforme de la Loi sur l'accès à l'information est une question litigieuse et complexe. Ces divergences d'opinion sont légitimes, et les initiatives parlementaires ont donc été légitimées.

Monsieur le Président, soit il me reste deux minutes, soit vous êtes un Romain en train de commander cinq bières. J'essaie toujours de faire un peu d'humour ici, parce que les occasions de rire sont rares. Quand j'entends, dans une réponse, les mots parties prenantes, que je ne connaissais pas avant de venir à Ottawa, et l'expression en définitive, je sais que le gouvernement est en difficulté.

Je sais que ce projet de loi a de bonnes chances d'être adopté. Je félicite le député de Wentworth—Burlington, qui sera bientôt député de Ancaster—Dundas—Flamboro—Aldershot, de l'avoir présenté et d'avoir ainsi fait ressortir l'importance des initiatives parlementaires. Il contribue ainsi à faire progresser notre cause, même si ce ne sera peut-être pas aujourd'hui même. Quoi qu'il en soit, cela fera avancer notre cause et la mettra en évidence. Le gouvernement sera peut-être ainsi amené à apporter des améliorations à une loi qui en a besoin, comme le faisait remarquer avec tant d'à-propos le député.

M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-206, car je suis pour quelque chose dans l'ordre de priorité concernant ce projet de loi et dans le fait que la Chambre en ait été saisie.

Notre parti ne conteste pas la nécessité de revoir et de modifier la Loi sur l'accès à l'information de façon à ce qu'elle soit plus efficace. L'expérience que nous avons eue récemment dans le cas du ministère des Ressources humaines qui ne respecte pas la loi nous a amenés à nous poser pas mal de questions sur la façon dont est gérée la question de l'accès à l'information et sur le moyen pour les députés d'obtenir en temps opportun les informations dont ils ont besoin.

Ce projet de loi propose certains changements qui pourraient être utiles. À mon avis, entre le moment où je l'ai signé et celui où il a été inscrit sur la liste des priorités, ce projet de loi a été substantiellement édulcoré pour amener un nombre suffisant de simples députés libéraux à l'appuyer et à y apposer leurs signatures. C'est dommage.

 

. 1810 + -

L'intention originale de ce projet de loi était de modifier la Loi sur l'accès à l'information de façon à ce que l'on puisse avoir accès aux informations des sociétés d'État et aux informations entourant la question de l'unité canadienne. Ces changements étaient très bons et étaient importants pour les députés. Il n'y a qu'à voir le nombre de députés qui ont signé et appuyé le projet de loi. Toutefois, pour une raison quelconque, le député qui a parrainé le projet de loi a changé sa mesure, et nous nous sommes donné beaucoup de mal pour le modifier après avoir obtenu les 100 signatures.

M. John Bryden: Vous savez que ce n'est pas vrai.

M. David Chatters. Pas du tout. Je pense que c'est la vérité absolue. M'étant impliqué dans ce dossier depuis que je siège à un sous-comité du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, lequel a entrepris d'étudier toute la question des 100 parrains pour un projet de loi, il est de plus en plus évident que le processus consistant à devoir réunir une centaine de noms pour forcer l'inscription d'un projet de loi sur la liste de priorité a cessé d'être efficace, qu'il ne le sera sans doute jamais et qu'il faudra y renoncer. Nous reviendrons au bon vieux système traditionnel du tirage au sort des projets de loi.

Le processus est en place depuis un certain temps déjà. Ce projet de loi est le premier à être déposé à la Chambre en vertu de la règle des cent signatures. Neuf autres projets de loi ont été inscrits sur la liste de priorité et pour lesquels on tente de réunir cent signatures. En vérité, tout député désireux d'amener la Chambre à débattre un projet de loi d'initiative parlementaire a, d'un point de vue statistique, de meilleures chances d'y réussir grâce au tirage au sort que grâce à la réunion d'une centaine de signatures. Je suis persuadé que le système fera long feu.

Comme l'ont fait observer beaucoup de mes collègues, et le parrain du projet de loi n'a lui-même pas manqué de le dire, le fait d'être du nombre des 100 personnes à avoir signé le projet de loi ne signifie guère plus que le fait que nous pensions que la question méritait d'être débattue à la Chambre. Si cela ne veut rien dire de plus, pourquoi un député ne signerait-il pas l'initiative parlementaire d'un autre collègue, pour que la Chambre puisse en débattre?

La règle des cent signatures avait pour objet de permettre, pour une question sortant de l'ordinaire que le gouvernement refuserait d'examiner mais pour laquelle la population ou les députés de l'opposition jugeraient utile de tenir un débat sérieux, de recourir à un processus autorisant le dépôt à la Chambre du projet de loi la concernant. Voilà quel était l'objectif de la règle des cent signatures. Mais si le fait de signer le projet de loi ne revient à rien de plus que le fait de dire que l'on souhaite la tenue d'un débat sur la question, alors le processus n'atteint pas le but recherché auquel tout le monde songeait, et il conviendrait de nous en défaire.

Je suppose que le sous-comité va faire ses recommandations et que, dans un avenir proche, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre va décider soit de le modifier afin de rendre le processus significatif d'une certaine manière soit de laisser tomber le processus afin de revenir au système de la loterie par lequel un certain nombre de projets de loi sont choisis. Si un député a la chance de voir tirer son projet de loi, il peut alors le présenter. C'est probablement le système le plus équitable, et c'est probablement pour cela que ce système s'est développé au cours des années.

Je suis surpris que le gouvernement ne semble pas avoir l'intention d'appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle, même maintenant que le député a assoupli le projet de loi afin d'obtenir l'appui des députés d'arrière-ban et les 100 signatures. Le député a continué de jacasser là-bas, mais il ne doit pas oublier que nous avons parié 100 $ que ce projet de loi serait promulgué. En fait, si le gouvernement n'appuie pas le projet de loi, je crois que, pour mon argent, c'est dans la poche.

 

. 1815 + -

Peut-être que les 100 ou 113 personnes qui ont appuyé et signé le projet de loi appuyaient simplement l'idée d'une étude approfondie de la Loi sur l'accès à l'information, avec d'importantes modifications afin que nous puissions obtenir des informations, en particulier sur les sociétés d'État et autres organisations indépendantes du gouvernement, sur lesquelles on ne peut actuellement pas obtenir d'informations en vertu de l'accès à l'information.

J'ai entendu parler, par mes électeurs, de certaines expériences en matière d'accès à l'information. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, une personne peut demander la divulgation de renseignements sans avoir à révéler son identité même à l'entité qui doit, en bout de ligne, fournir les renseignements requis.

Un homme d'affaires de ma circonscription a reçu du Commissariat à l'information un avis l'informant qu'une personne avait demandé l'obtention de renseignements privilégiés sur son entreprise qui, si divulgués, le placerait dans une situation de non-compétitivité. Il s'est opposé vivement à la divulgation de ces renseignements, mais le commissariat lui a fait savoir qu'il avait rejeté son objection et divulgué quand même les renseignements. Le commissariat a déclaré qu'il n'était pas dans l'obligation de révéler le nom de la personne qui demandait les renseignements. On lui a dit que, s'il voulait contester la décision, il pouvait avoir recours aux tribunaux.

Il me paraît étrange que, pour protéger des renseignements privilégiés sur son entreprise, une personne doive embaucher un avocat et aller en cour. Il ne me semble pas que ce soit raisonnable. Une personne devrait pouvoir protéger les renseignements privilégiés sur son entreprise, ou du moins savoir qui demande les renseignements et pour quelles raisons, lorsque le Commissariat lui demande si elle consent à ce que les renseignements soient divulgués. Il est très difficile de comprendre pourquoi une personne devrait divulguer des renseignements lorsque la nature de la requête est inconnue.

Les députés de l'opposition ont effectivement bien du mal à obtenir des renseignements en temps opportun et selon les règles établies. Nos électeurs connaissent aussi de grandes difficultés lorsqu'ils doivent avoir recours à la Loi sur l'accès à l'information et ils veulent des changements. Malheureusement, je ne crois pas que le projet de loi permet de régler ces problèmes.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, la Loi sur l'accès à l'information est entrée en vigueur le 1er juillet 1983. À l'époque, c'était une mesure législative révolutionnaire qui représentait un immense progrès pour le droit à l'information.

En mettant en oeuvre la Loi sur l'accès à l'information, le Canada se joignait à un groupe de pays hors du commun dont les gouvernements avaient mis leurs documents à la disposition de leurs citoyens. Avant la Loi sur l'accès à l'information, une demande d'accès aux documents du gouvernement était accordée ou refusée selon l'humeur du fonctionnaire chargé d'y répondre.

[Français]

Mais, au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi, les citoyens canadiens ne pouvaient plus se voir refuser le droit d'accès aux documents sans aucune justification. Le Parlement venait ainsi de consacrer le principe du droit des Canadiens et des immigrants reçus à l'accès aux documents détenus par le gouvernement sous réserve seulement d'exemptions précises et limitées prévues par la loi.

 

. 1820 + -

Ces exemptions ont été mûrement arrêtées afin de maintenir un équilibre entre la liberté d'accès à l'information, la vie privée, le secret des affaires, la sécurité nationale et la nécessité d'entretenir un climat de franche communication aux fins de l'élaboration des politiques.

[Traduction]

Pour mettre encore plus en valeur la promesse d'ouverture, on a rendu discrétionnaires la plupart des exemptions inscrites dans la loi. Absolument rien ne menace les intérêts protégés par une exemption et rien n'empêche l'institution de divulguer l'information.

La Loi sur l'accès à l'information prévoit également un processus d'appel au cas où une partie ou la totalité de l'information demandée ait été refusée, ou encore au cas où le demandeur est insatisfait du traitement de sa demande. Une plainte est d'abord déposée auprès du commissaire à l'information, fonctionnaire indépendant qui relève directement du Parlement, puis, si l'insatisfaction persiste, devant la cour fédérale.

[Français]

La Loi sur l'accès à l'information représentait un engagement de taille de la part du gouvernement du Canada en faveur de la transparence. Depuis ce temps, la plupart des provinces ont promulgué à divers degrés des mesures légales permettant l'accès à l'information relevant du gouvernement.

[Traduction]

Ce droit à l'information, inscrit dans la loi, est un moyen pour donner aux Canadiens l'occasion de voir ce que fait le gouvernement. Il permet également aux citoyens de connaître et d'utiliser des renseignements que le gouvernement conserve en leur nom.

[Français]

Les Canadiens s'entendent pour dire que l'appareil gouvernemental est devenu plus complexe, son champ de responsabilités est plus vaste et ses décisions ont une incidence directe sur la vie de nos concitoyens. Voilà pourquoi il est important de rendre compte au public et de veiller sans relâche à ce que le gouvernement diffuse systématiquement l'information sur ses activités.

[Traduction]

Par conséquent, il importe de se rappeler que la Loi sur l'accès à l'information visait à compléter d'autres moyens traditionnels de communication de renseignements gouvernementaux à la population. À mon avis, la Loi sur l'accès à l'information a encouragé des institutions à cerner de nombreuses catégories d'information qui peuvent être communiquées sans demandes officielles. De nombreuses institutions ont, de leur propre initiative, déposé des renseignements utiles dans leur site Web, dans leurs bibliothèques ou dans leurs salles de lecture.

Depuis 1983, le milieu dans lequel le gouvernement du Canada évolue a changé. La technologie a des répercussions énormes sur la façon dont le gouvernement offre ses programmes et ses services aux Canadiens, et sur la façon dont l'information est recueillie, traitée et gérée au sein du gouvernement.

[Français]

À la suite de ces changements, il a été suggéré que les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information sont périmées; qu'elles nécessitent des redressements importants afin de tenir compte des nouvelles technologies de l'information. En conséquence, nombreux sont les particuliers et les groupes d'intérêt qui proposent des amendements sur des aspects précis de la Loi ou des amendements de plus grande envergure.

Au nombre de ceux qui sont en faveur d'amender la Loi, il y a les parlementaires. Tandis que certains députés ont eu recours à la Loi pour obtenir de l'information émanant du gouvernement, un certain nombre de députés ont même déposé des projets de loi d'initiatives parlementaires afin d'amender la Loi sur l'accès à l'information.

[Traduction]

Par exemple, l'article 67.1, la toute dernière modification apportée à la loi, a été ajouté lorsque le projet de loi C-208 a été proclamé le 25 mars 1999. Il s'agissait là d'une modification importante. Depuis son adoption, quiconque entrave délibérément le droit d'accès prévu par la Loi sur l'accès à l'information est coupable d'un acte criminel.

Le projet de loi C-208 a reçu l'appui de tous les partis de la Chambre, envoyant clairement le message que tous les partis appuient fortement la notion de transparence.

Un autre projet de loi d'initiative parlementaire est celui que nous débattons aujourd'hui, le projet de loi C-206, présenté de nouveau par le député de Wentworth—Burlington. Ce projet de loi propose toutes sortes de modifications à la Loi sur l'accès à l'information.

 

. 1825 + -

J'estime qu'il constitue un bon départ. Il convient de féliciter le député pour le leadership dont il a fait preuve dans ce dossier important. Il a montré que la question de la transparence lui tient à coeur en proposant d'apporter à la loi 33 modifications qui, croit-il, permettront d'améliorer la loi et d'accroître la transparence.

Quoi qu'il en soit, même si je félicite le député pour ses efforts, je crois que, avant de nous prononcer sur ces modifications importantes à la Loi sur l'accès à l'information, nous devons demander l'opinion de tous ceux qui seront touchés par ces modifications, y compris les citoyens canadiens, le commissaire à l'information, des groupes spéciaux, des représentants des médias et du gouvernement, et ainsi de suite. Les vues diffèrent beaucoup en ce qui concerne les conséquences que pourrait avoir ce projet de loi sur la Loi sur l'accès à l'information. Afin de bien évaluer la teneur du projet de loi, nous devons entendre davantage les points de vue aussi bien de ceux qui appuient le projet de loi ou certaines de ses parties que de ceux qui s'y opposent.

Toutes les personnes et tous les groupes qui se prévalent de la Loi sur l'accès à l'information ou qui ont un intérêt dans cette loi doivent pouvoir s'exprimer ou présenter les modifications qu'ils proposent d'apporter à la loi avant que nous allions plus loin.

Nous devons être ouverts à la discussion et inviter tous les intéressés à participer à l'important débat sur les rajustements qui s'imposent et la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la loi. J'appuie l'objectif général du projet de loi et j'estime qu'il est louable, mais je trouve qu'il y a un certain nombre de questions en suspens qui doivent faire l'objet de discussions et consultations vastes et exhaustives.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'aimerais faire quelques observations au sujet du projet de loi d'initiative parlementaire C-206. Je suis sensible aux efforts déployés par le député de Wentworth—Burlington en vue d'examiner la question de l'accès à l'information. Je suppose que je ressens un peu de lassitude quand il est question d'accès à l'information et de la perspective d'avoir une mesure législative autorisant un ministre ou le premier ministre à décider si de l'information va ou non être rendue publique.

L'expérience que j'ai vécue lorsque je me suis adressée à des ministères afin d'avoir accès à de l'information n'a pas été plaisante. Je constate que chaque fois que des renseignements pourraient placer un ministère dans l'embarras ou compromettre son programme, celui-ci consent tous les efforts possibles afin de veiller à ce que l'information communiquée soit opacifiée dans les documents communiqués, ou à ce qu'elle en soit complètement retirée.

Je n'aime pas penser que quelqu'un puisse estimer qu'une demande d'accès à l'information est frivole. Elle peut sembler mal fondée aux fonctionnaires du ministère ou à une personne dans un ministère, mais elle n'est vraisemblablement pas frivole pour la personne qui fait la demande. Je suis désolée, mais je ne peux accepter l'idée que quiconque au sein d'un ministère puisse décider de son propre chef qu'une demande semble frivole ou que quelqu'un semble demander plus d'information que nécessaire, ou encore penser que la personne demande des informations à ses propres fins et n'intervient pas au nom d'un groupe ou d'un organisme.

Les règles concernant l'accès à l'information devraient être très claires. Lorsqu'un citoyen du Canada demande de l'information, il devrait l'obtenir. C'est l'argent des contribuables qui sert à recueillir l'information. Les gens qui surveillent la façon dont l'argent des contribuables est dépensé sont rémunérés avec ce même argent. Si une personne s'intéresse assez à une question pour demander de l'information au gouvernement afin de mener des travaux de recherche, d'appuyer une position, etc., rien ne devrait empêcher l'information de circuler.

Je ne veux surtout pas qu'un ministre puisse dire: «Je crois que la demande est frivole. Je crois que cela est secret ou frappé d'une interdiction de divulgation en raison de la sécurité nationale.»

Dans le cadre de mes recherches et du poste que j'occupe, j'ai constaté que l'achat d'une boîte de papier de toilette pour un ministère peut être considéré comme intéressant la sécurité nationale. Je ne veux pas qu'un ministre puisse dire que la demande est frivole ou qu'elle peut mettre en danger le bien-être du pays si l'information est divulguée.

Cette mesure législative, bien qu'il s'agisse d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui s'attaque à certains des problèmes, n'en continue pas moins essentiellement de mettre le gouvernement à l'abri de devoir divulguer des renseignements dont il ne veut pas que quiconque prenne connaissance.

 

. 1830 + -

Il nous suffit de voir le fouillis administratif et le gaspillage de fonds publics au ministère du Développement des ressources humaines. Le fait est que c'est grâce aux demandes d'accès à l'information que nous obtenons des bribes d'information qui ont conduit à d'autres bribes d'information, au lieu d'obtenir la publication de documents entiers ou de rapports de vérification sans accès à l'information. Un gouvernement peut utiliser toutes les lois qu'il veut pour dissimuler des faits ou de l'information qui pourraient le mettre dans l'embarras ou faire connaître la vérité aux Canadiens.

En toute déférence pour son auteur, je ne crois pas que la mesure à l'étude permette aux gens d'obtenir plus facilement de l'information de ministères du gouvernement qui ne veulent pas que cette information soit divulguée. La mesure signale certains points où la situation pourrait être améliorée, mais dans l'ensemble, elle ne réussit pas à assurer complètement l'accès à l'information aux citoyens ordinaires.

Elle prévoit cependant que, dans le cas où un simple citoyen s'intéresse à certaines questions et veut fouiller toujours davantage et présente de plus en plus de demandes d'information, on pourra exiger de ce citoyen qu'il paie de plus en plus cher pour l'obtenir. Autrement dit, au lieu d'un simple droit de 5 $, si la demande est jugée frivole ou si on considère qu'elle ne revêt qu'un intérêt personnel, par exemple, le citoyen pourrait avoir à payer non seulement le coût de production des documents mais aussi des frais supplémentaires de 10 p. 100.

Cela me paraît inacceptable. Ou bien le gouvernement fera preuve de franchise et divulguera l'information ou bien il ne se montrera pas ouvert. Je ne suis pas convaincue que la mesure à l'étude permettra aux Canadiens d'obtenir plus facilement de l'information que le gouvernement préférerait ne pas rendre publique parce qu'il cherche à cacher sa mauvaise gestion des fonds publics.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, peut-être pas aujourd'hui, mais un de ces jours j'aimerais pouvoir réagir aux observations de la députée d'en face concernant la loi sur la liberté d'information et la façon dont le gouvernement la conçoit. Pour l'instant je vais m'en tenir au projet de loi C-206, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information et d'autres lois en conséquence, qui a été présenté par le député de Wentworth—Burlington.

D'entrée de jeu, je voudrais reconnaître l'immense somme de travail qu'il a fallu accomplir pour rassembler un projet de loi d'initiative parlementaire d'une aussi vaste portée que le projet de loi C-206. De toute évidence, la préparation de ce projet de loi est le fruit de bien des réflexions et des efforts. Le député mérite assurément d'être félicité pour son travail acharné.

Je voudrais souligner que le gouvernement a l'ouverture et la transparence à coeur et qu'il reconnaît le rôle de la Loi sur l'accès à l'information comme moyen de faire en sorte que les valeurs d'ouverture et de transparence imprègnent tous les aspects du comportement institutionnel, sous réserve de certaines restrictions visant à protéger les renseignements personnels et commerciaux par exemple.

Le projet de loi du député a été présenté pour la première fois en novembre 1997 en tant que projet de loi C-264. Il a été présenté de nouveau cet automne en tant que projet de loi C-206. C'est un projet de loi d'une très vaste portée qui propose une réforme en profondeur de la Loi sur l'accès à l'information et il a suscité un débat fort utile sur l'accès à l'information.

Depuis que le projet de loi a été présenté pour la première fois, en 1997, les ministères et les organismes gouvernementaux ont eu amplement le temps d'examiner les propositions d'amendement que le projet de loi entend apporter. Ces ministères et organismes gouvernementaux se préoccupent des répercussions du projet de loi sur les renseignements fournis au gouvernement par des particuliers et des entreprises.

L'une des dispositions du projet de loi C-206 entraînerait la divulgation automatique d'un large éventail de renseignements qui sont sous le contrôle du gouvernement depuis 30 ans. De nombreux ministères craignent que la divulgation automatique de renseignements personnels que le gouvernement détient depuis 30 ans puisse conduire à une violation du droit à la vie privée d'une personne aux termes de la Charte.

Même si le projet de loi permet des exceptions quant à la divulgation de renseignements, notamment lorsqu'il est question de la sécurité d'une personne, il ne reconnaît pas que, dans certaines circonstances, les gens s'attendent à ce que la confidentialité des renseignements les concernant soit maintenue. En fait, ces gens ont fourni au gouvernement des renseignements personnels en s'attendant à ce que le gouvernement garde ces renseignements confidentiels. De façon générale, les renseignements personnels ne devraient pas être divulgués, si ce n'est aux fins pour lesquelles ils ont été transmis au gouvernement au départ.

Le commissaire à la protection à la vie privée a également émis de graves réserves au sujet des répercussions que ce projet de loi aurait sur la vie privée des gens et sur la confidentialité des renseignements personnels, surtout ceux touchant les déclarations de revenus des Canadiens. Les déclarations de revenus renferment de par leur nature même beaucoup de renseignements privés et personnels qui devraient continuer d'être protégés. Personne ne veut que ses renseignements fiscaux soient accessibles en tout temps.

 

. 1835 + -

Statistique Canada a signalé qu'elle est extrêmement inquiète des répercussions du projet de loi C-206 sur sa capacité de maintenir la confidentialité des renseignements qu'elle recueille auprès des particuliers et des entreprises. Par exemple, les renseignements recueillis dans le cadre des recensements par Statistique Canada sur le mode de vie des gens et auprès des gestionnaires de caisses de retraite sont personnels. La confidentialité des renseignements fournis par des entreprises est également menacée à la suite de l'application de la règle des 30 ans dont j'ai parlé plus tôt et de l'abrogation proposée de l'article 24 qui soutient les dispositions de confidentialité dans d'autres lois.

Industrie Canada a signalé que les modifications proposées à la loi pouvaient nuire à la divulgation de renseignements au gouvernement par des entreprises. Rien ne garantira aux entreprises que leurs renseignements sensibles sur le plan commercial et leurs secrets commerciaux seront protégés. Il sera alors difficile d'administrer les régimes de réglementation et les programmes gouvernementaux qui dépendent des renseignements fournis par des entreprises au gouvernement.

Santé Canada a aussi confirmé le fait que ce projet de loi risquait d'avoir un impact sur les médicaments en vente au Canada. Un nouveau médicament ne peut être vendu au Canada sans que la compagnie pharmaceutique remplisse un formulaire de présentation de médicaments. Le formulaire de présentation de médicaments contient des secrets industriels. Les entreprises ne veulent peut-être pas, en remplissant ce formulaire, risquer de perdre leur position concurrentielle si leur secret de fabrication risque d'être divulgué. Je suis sûr que c'est une importante source de préoccupation pour les Canadiens.

La discussion provoquée par le projet de loi C-206 a mis en relief la complexité de la réforme de l'accès à l'information et la controverse que cette question suscite. En fait, il est peut-être possible d'accroître la transparence et la responsabilité du gouvernement au moyen d'une réforme administrative, mais si le meilleur moyen est de modifier la loi, une importante réforme de la Loi sur l'accès à l'information comme celle proposée dans le projet de loi C-206 ne devrait pas se faire avant qu'on ait tenu de vastes consultations publiques et permis à tous les intervenants d'exprimer leur point de vue.

C'est l'avis qu'a exprimé le commissaire à l'information lorsqu'il a comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en novembre dernier. Il a dit que nous devrions adopter un processus de réforme qui permette de tenir compte d'une multiplicité de points de vue et qu'il serait préférable de tenir des consultations à grande échelle de façon à ce que tous les intervenants puissent avoir leur mot à dire.

Pour conclure, je rappelle à la Chambre que le projet de loi C-206 entraînerait d'importants changements à la Loi sur l'accès à l'information. On s'inquiète dans certains milieux des implications des changements proposés. Cela soulève une importante question et nécessite une mise en garde. Le gouvernement pourra-t-il continuer de protéger d'une part les renseignements personnels fournis par des individus au gouvernement à diverses fins, d'autre part les informations commerciales confidentielles et les secrets industriels fournis par les entreprises? De vastes consultations sont nécessaires pour répondre à un grand nombre de questions et de préoccupations auxquels il n'a toujours pas été répondu.

Je voudrais encore une fois féliciter le député pour ses efforts dans ce domaine. Je pense que c'est extrêmement important et qu'il a fait une très importante contribution à ce débat.

M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est à mon tour d'intervenir au sujet des initiatives parlementaires et je n'ai pas choisi le moment. Je porte toujours attention aux interventions du député de Wentworth—Burlington, que je trouve sensé et réfléchi. Il agit parfois comme une épine au pied du gouvernement. Cela me fait sourire.

Du point de vue d'un politicien de l'opposition, je dirais que l'accès à l'information, ainsi que toute mesure facilitant l'accès à l'information, est une excellente chose. Je suis fermement en faveur d'un plus libre accès à l'information.

J'aimerais toutefois signaler un point de procédure qui m'inquiète par rapport au projet de loi. J'espère que le député prendra mon commentaire dans le sens qu'il est formulé. On a instauré un nouveau processus qui permet de hâter l'étude des initiatives parlementaires à condition d'avoir 100 signatures. Certains députés de l'Alliance ont signé, après avoir examiné le postulat du projet de loi, et ont appuyé celui-ci avec enthousiasme.

Puis, on a modifié le projet de loi. Si le député s'était adressé directement à ceux qui ont signé en leur disant «Voici les changements qui ont été apportés. Je crois qu'ils améliorent le projet de loi. Pourriez-vous le lire et confirmer votre position?», nous aurions échappé à la harangue sur la procédure et au brouhaha qui a entouré ce projet de loi. Honnêtement, le député lui-même le reconnaîtra à mon avis.

 

. 1840 + -

Je ne pense pas que le député a fait cela pour mal faire, mais il aurait vraiment pu faciliter le processus. Étant donné que j'ai appuyé l'idée de recueillir cent signatures pour un important projet de loi d'initiative parlementaire, je ne voudrais pas que cette idée soit rejetée à cause de cette préoccupation liée à la procédure.

Le projet de loi a été présenté de nouveau avec cent signatures, ce qui témoigne qu'il jouit toujours de l'appui d'au moins cent députés et qu'il peut faire l'objet d'un vote. C'est l'occasion de débattre une question qui est importante, à mon avis.

L'heure consacrée à l'étude des initiatives parlementaires a été une expérience intéressante pour moi qui suis un parlementaire relativement novice. Très peu de projets de loi d'initiative parlementaire sont en fait adoptés. Il y a d'importants obstacles. Il a été intéressant d'observer les changements.

Le processus de votation a changé. Ce n'est plus les membres du Cabinet qui votent en premier. Quand on vote rangée après l'autre à partir de la dernière, on a un peu plus l'occasion de s'exprimer librement puisqu'on n'a pas à se soucier de la solidarité ministérielle. J'ai remarqué un certain changement des attitudes relativement aux initiatives parlementaires à cause de cela.

Je suis toujours fasciné quand j'entends les divers députés s'exprimer sur un projet de loi un peu controversé et j'observe ce processus avec intérêt.

Pourquoi suis-je si favorable à l'ouverture du processus d'accès à l'information? Je voudrais présenter quelques exemples tirés de ma propre carrière de député pour illustrer pourquoi des améliorations sont nécessaires.

Prenons la question du sang contaminé. Je considère cette question comme un des dossiers noirs, et ce n'est pas un point de vue partisan parce que le gouvernement actuel n'est pas le seul à être impliqué dans cette affaire. La responsabilité à cet égard est partagée par plusieurs organismes comme la Croix-Rouge et la Société canadienne du sang ainsi que par les gouvernements fédéral et provinciaux. Comme le montrent leurs procès-verbaux, les réunions sur le sang contaminé ont abouti à des décisions très importantes.

Dans son rapport, le juge Krever dit que la ligne de responsabilité est à blâmer en partie. Il a été freiné dans ses enquêtes parce que des procès-verbaux et d'autres documents rédigés au cours de cette période ont été détruits. Ils ont été détruits délibérément. Ils ont été détruits par des personnes qui avaient la confiance de la population, et ces gens-là s'en sont sortis haut la main. Leurs noms ont été mentionnés, mais ils ne se sont vu imposer aucune sanction ni aucune amende pour avoir détruit des documents publics qui aurait facilité, à mon sens, l'indemnisation par le gouvernement des victimes de l'hépatite C.

À cet égard, je vois que ce projet de loi prévoit des peines pour la destruction de documents et je trouve cela tout à fait opportun.

En quoi des personnes du gouvernement ont-elles commis des choses répréhensibles par rapport à des questions d'accès à l'information? Il n'y a pas si longtemps, ont fait surface des documents qui montraient qu'un ministre du gouvernement avait abusé d'allocations de dépenses. On pouvait déduire suffisamment d'information des parties blanchies, mais il y avait autant de blanc que dans un blizzard. Quiconque a déjà skié dans des tourmentes de neige, sait qu'on n'y voit rien, pas même ses propres pieds. On est désorienté. Or, la façon dont on a traité des demandes d'accès à l'information m'a rappelé le ski dans la tempête, un véritable blizzard. Cela m'a montré que la Loi sur l'accès à l'information ne fonctionnait pas bien.

Enfin, en ce qui concerne le ministère du DRH, le rapport de vérification qui a été mis à la disposition du gouvernement n'a pas été publié. Les rapports de vérification sont du domaine public et, grâce à l'accès à l'information, ce rapport a du jour au lendemain été divulgué. Je présume qu'il aurait été difficile de le tenir au secret. Il révélait que le système de contributions et de subventions du gouvernement et tout ce secteur de l'activité gouvernementale étaient équivoques. Depuis trois ou quatre mois déjà, nous consacrons beaucoup de temps à la Chambre à cette question. En rétrospective, des rapports de vérification et des plaintes similaires existent depuis longtemps déjà.

 

. 1845 + -

L'on tarde aujourd'hui à répondre aux demandes d'accès à l'information à ce sujet. Les ministères soutiennent que ces demandes sont trop volumineuses. Un délai de 30 jours est prévu, au bout desquels les informations demandées doivent être fournies, mais ce délai n'est plus respecté.

Au vu de ces trois exemples, je dirais que l'accès à l'information mérite d'être amélioré.

Que fait ce projet de loi pour éviter que les informations demandées ne soient masquées? Je n'y vois rien. Je ne sais même pas moi-même ce que je ferais à ce sujet. Je prêterai une oreille attentive à ce qu'on en dit. Il y aurait sans doute moyen d'améliorer les choses.

Il est une autre amélioration que je souhaite, et c'est que les sociétés d'État soient désormais elles aussi assujetties à l'accès à l'information. D'après le député, c'est déjà prévu dans le projet de loi. Mais je n'y ai rien trouvé qui me satisfasse complètement, mais je sais que le député ne m'induirait pas en erreur. Alors, je suppose qu'il est prévu d'étendre l'application du projet de loi aux sociétés d'État.

En principe, tout gouvernement transparent et responsable bénéficie du large soutien de la population. En pratique, ce projet de loi nous mène-t-il suffisamment loin sur cette voie? Je suivrai attentivement la suite du débat.

Je tiens à féliciter le député qui a fait de l'excellent travail en ce qui concerne les initiatives parlementaires. Je ne sais pas encore si je voterais en faveur de ce projet de loi, au vu de ce que je viens d'en dire et des préoccupations que j'ai soulevées à son sujet.

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, mes collègues vont reconnaître que l'on ne saurait discuter en profondeur de quelque élément que ce soit du projet de loi en trois minutes. Toutefois, je voulais absolument faire part de mon point de vue.

Je tiens à souligner toute l'énergie et tout le temps que le député de Wentworth—Burlington a consacrés à l'ébauche de ce projet de loi et à sa présentation à la Chambre sous forme de mesure d'initiative parlementaire. Certains députés ont noté les difficultés et les défis auxquels le député a dû faire face sur le plan de la procédure pour présenter son projet de loi. Il a réussi à surmonter ces difficultés et il a présenté un projet de loi d'une grande importance et d'une grande complexité que nous étudierons dans le cadre des initiatives parlementaires.

Il convient de souligner que ce projet de loi n'a pas été rédigé pendant des mois par un ministère en consultation avec d'autres ministères. Il a essentiellement été établi par le député lui-même en consultation avec des représentants d'un certain nombre d'autres partis. Le projet de loi est le reflet des difficultés perçues dans le processus utilisé en vue d'obtenir de l'information du gouvernement.

Le gouvernement actuel et les gouvernements antérieurs ont reconnu l'importance de l'accès à l'information et de la liberté d'information. Ce modèle a été mis en place il y a 10 ou 20 ans et il réussit raisonnablement bien à atteindre les objectifs fixés. Il y a cependant des hiatus et des obstacles et des façons dont nous pouvons l'améliorer.

Il a été question des articles concernant les peines pour avoir détruit des documents. Je me rappelle que la Chambre a adopté un autre projet de loi d'initiative parlementaire il y a environ deux ans qui comprenait des articles prévoyant des pénalités pour avoir détruit des documents. Le projet de loi du député récapitule ces articles et les simplifie.

 

. 1850 + -

Quelqu'un a mentionné que le gouvernement pourrait appuyer ou non cette mesure. Je souligne que le gouvernement s'abstient ouvertement d'indiquer s'il appuiera ou non une initiative parlementaire et qu'il laisse généralement aux députés le soin de se prononcer sur la question. Cela ne veut pas dire que des ministres ne peuvent pas à l'occasion indiquer des préférences ou créer des documents d'orientation.

Je constate, monsieur le Président, que vous vous apprêtez à souligner que les trois minutes sont écoulées. Je termine en félicitant le député de cette colossale initiative. Il y aura d'autres débats sur la question.

[Français]

Le président suppléant (M. McClelland): La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est reporté au bas de la liste de priorité au Feuilleton.



L'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Monsieur le Président, je désire revenir à ma question du 24 février au ministre des Ressources naturelles, au sujet des coûts de l'énergie.

En février, les prix de l'essence, du diesel et du mazout de chauffage domiciliaire ont atteint des niveaux records, pour deux raisons: l'OPEP a réduit sa production de pétrole, et l'hiver très rigoureux qu'a connu le nord-est des États-Unis a entraîné une augmentation en flèche de la demande de brut au moment même où il atteignait 30 $ U.S. le baril.

Le Canada est un exportateur net de pétrole. Cela signifie que nous produisons davantage de pétrole que nous n'en consommons. Nous exportons donc le surplus. Le prix de l'énergie demeure élevé et les raisons de la hausse du prix qu'on nous a données en février n'ont plus aucune justification. Rien ne prouve que les prix élevés soient attribuables à ces facteurs. Je pense que la situation est plutôt attribuable aux hausses de prix injustifiées décidées par les compagnies pétrolières.

La hausse record du prix du pétrole a durement frappé les Canadiens, en particulier ceux de la côte est et les camionneurs qui affichent déjà une très faible marge bénéficiaire.

J'ai soulevé la question à plusieurs reprises à la Chambre, mais je n'ai eu droit qu'à l'incompréhension du gouvernement libéral. On dirait que les libéraux ignoraient tout à fait la situation pénible que vivaient les Canadiens. Voilà un autre exemple du peu de contact que le gouvernement libéral entretient avec les Canadiens.

Voilà sans doute ce qui se passe lorsqu'on met une voiture officielle et un chauffeur à la disposition des ministres. Ils n'ont aucune idée de ce que coûte l'essence.

En attendant, chez nos voisins du Sud, le gouvernement a convoqué à des sommets, dans le nord-est du pays, les raffineries, les associations de camionneurs, les fournisseurs, les groupes de consommateurs et les utilisateurs industriels. Le président Clinton a déclaré que son gouvernement jugeait la situation «profondément troublante» et qu'il la suivait chaque jour de près. Il a annoncé un plan d'action en 17 points pour aider les consommateurs, les camionneurs et les entrepreneurs à traverser la crise. Le président a défendu l'économie de son pays et a dépêché son secrétaire à l'énergie, M. Bill Richardson, auprès des ministres des pays de l'OPEP un peu partout dans le monde.

En passant, un article publié quelques semaines plus tard dans le New York Times signalait que ce même Bill Richardson s'est mérité une excellente note pour l'esprit de décision dont il a fait preuve dans ce dossier et qu'il est maintenant l'un des principaux aspirants à la candidature au poste de vice-président dans le camp démocrate. Voilà l'exemple d'une personne qui sait écouter les gens et prendre leurs préoccupations au sérieux. Les libéraux feraient bien de s'en inspirer.

Mais revenons au Canada, où les provinces et les territoires n'ont eu guère plus de succès que nous, de l'opposition, auprès du gouvernement. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tenté de convaincre le gouvernement fédéral que le bon sens lui commandait, s'il entendait effectuer une étude crédible concernant les prix de détail de l'essence, de le faire avec d'autres que les compagnies pétrolières. Ils ont finalement convenu d'effectuer une étude conjointement avec le gouvernement fédéral, mais ce dernier s'est désisté et a fini par s'adresser à l'entrepreneur avec lequel les grandes pétrolières font affaire, M. J. Ervin, si bien que la moitié des provinces et les détaillants d'essence indépendants se sont retirés.

J'ai posé ma question au ministre des Ressources naturelles au même moment. Allait-il finalement convoquer un sommet sur l'énergie, auquel participeraient toutes les parties intéressées, pour examiner des mesures d'aide urgentes et des mesures préventives à long terme pour s'assurer que les hausses de prix et les problèmes d'approvisionnement ne menacent plus notre économie?

Le ministre a répondu qu'il consulterait ses homologues provinciaux. J'aimerais savoir ce soir quel était le résultat de ce sondage, trois mois après que la question ait été posée.

De plus, le gouvernement fédéral a ensuite annoncé une nouvelle étude sur l'industrie pétrolière. Au début, j'ai pensé que si elle apportait des données indépendantes et qu'elle était efficace, elle serait peut-être intéressante en ce qu'elle apporterait au débat, mais j'ai appris qu'elle coûterait 750 000 $. C'est scandaleux, étant donné que l'étude a été confiée à la société d'experts-conseils qu'utilisent les grandes compagnies pétrolières, M.J. Ervin, et que les provinces et les détaillants d'essence indépendants ont précédemment exprimé des préoccupations au sujet de cette firme et l'ont rejetée.

 

. 1855 + -

La plus grande partie de l'argent n'ira pas à la recherche. La plus grande partie, 60 p. 100, sera utilisée pour les relations publiques. Je cite le cadre de référence de l'étude: «Une session extrêmement structurée/facilitée avec uniquement des parties intéressées invitées en vue de discuter de l'intransigeance de la perception qu'a le public du prix de l'essence». Ces sessions auront lieu à Calgary, Toronto et Montréal. Elles devraient plutôt avoir lieu à Whitehorse, Regina et St. John's, à Terre-Neuve, et elles devraient être ouvertes à tout le monde.

L'unique prémisse de l'étude par le Conference Board est que la question a déjà été étudiée à fond, mais que le public ne comprend simplement pas les études.

En résumé, je pense que nous avons un problème différent dans ce pays. Premièrement, les raffineries jouissent d'un monopole. Deuxièmement, les libéraux comptent sur les compagnies pétrolières pour contribuer à leurs campagnes électorales. Troisièmement, le public paie maintenant un prix plus élevé à la pompe alors que le pétrole brut est à 26 $ le baril que durant la guerre du golfe alors que le pétrole brut a atteint 35 $ américains le baril. Comment expliquer cela?

M. John Maloney (secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à propos de la suggestion du député, permettez-moi de dire que le prix des produits pétroliers est régulièrement à l'ordre du jour des rencontres fédérales-provinciales-territoriales des ministres de l'Énergie. Des représentants de Ressources naturelles Canada consultent aussi constamment leurs homologues provinciaux au sujet de questions concernant les marchés des produits pétroliers.

Les hausses de prix du brut résultent d'une augmentation de la demande de pétrole à l'échelle mondiale qui, elle, est principalement attribuable à la reprise économique en Asie et à la baisse de production imposée par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole aussi appelée OPEP.

Les membres de l'OPEP ont convenu d'accroître leur production à la réunion des ministres de l'OPEP qui a eu lieu en mars. Cela devrait alléger les pressions un peu, mais pas entièrement, vu la demande de combustible et l'état des stocks.

Les stocks devraient s'améliorer un peu cette année. La baisse des stocks constatée à l'échelle de l'Amérique du Nord depuis l'été dernier a maintenu les prix élevés sur les marchés au comptant. Par ailleurs, au début de l'an 2000, la demande accrue de distillat, de diesel et de mazout a entraîné une flambée des prix qui ont atteint des niveaux records dans certaines villes canadiennes.

Si cela s'est produit, c'est à cause de la demande de chauffage supplémentaire attribuable à un hiver rigoureux et parce que les raffineries nord-américaines et européennes ont acheté de grandes quantités de distillat à faible teneur en soufre sur le marché du comptant pour se conformer à la réglementation environnementale qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2000.

Le gouvernement fédéral et les provinces se partagent certaines responsabilités par rapport aux prix du brut et des produits pétroliers. L'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse sont les deux seules provinces qui réglementent actuellement le prix de l'essence au détail. Les gouvernements provinciaux sont responsables de la réglementation des prix au détail. Les pouvoirs du gouvernement fédéral visent la loi et la politique en matière de concurrence ainsi que le commerce international et interprovincial.

Lorsque le gouvernement fédéral a réglementé les prix du brut pendant les années 70 et 80, il l'a fait à la suite de hausses des prix très importantes et persistantes. Conformément à l'Accord de l'Ouest de 1985, les gouvernements du Canada, de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique ont convenu que les prix du pétrole brut canadien devaient être déréglementés.

La meilleure solution qui s'offre à nous, c'est de continuer à compter essentiellement sur la compétitivité des marchés pour fixer les prix, tout en travaillant avec les autres membres de l'Agence internationale de l'énergie en vue de promouvoir la stabilité des marchés pétroliers.

[Français]

L'IMPORTATION DE PLUTONIUM

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, le 24 février dernier, je soulevais à la Chambre la question de l'importation du plutonium, appelé MOX, en provenance des États-Unis et de la Russie.

Lors du Sommet de Moscou de 1996, le premier ministre s'était engagé unilatéralement à accepter ce produit dangereux en territoire canadien. Saisi de cette question, le Comité permanent des affaires étrangères avait déposé un rapport unanime, en décembre 1998, dans lequel il était écrit noir sur blanc que:

    Le Comité recommande que le gouvernement rejette l'idée de brûler le combustible à oxyde mixte au Canada, puisque cette option est tout à fait irréaliste [...]

Pourtant, ce comité était formé majoritairement de libéraux, c'est-à-dire des députés de Chatham—Kent Essex, Scarborough-Centre, Brampton-Ouest—Mississauga, Toronto-Centre—Rosedale, Halton, Etobicoke—Lakeshore, Haldimand—Norfolk—Brant et Brampton-Centre.

Au début de l'automne dernier, Énergie atomique du Canada Limitée avait procédé à de courtes consultations publiques qui n'ont duré que 28 jours. Il est important de mentionner que ces consultations ne portaient pas sur le principe d'importation du plutonium, mais seulement sur les trajets que les convois russes et américains devaient emprunter.

Dans le rapport d'Énergie atomique du Canada, déposé le 4 novembre 1999, on avait retenu l'utilisation de camions pour transporter le MOX américain et le bateau pour le MOX russe.

 

. 1900 + -

Or, le 10 janvier dernier, le gouvernement fédéral modifiait unilatéralement ses plans initiaux et décidait d'importer le MOX américain par voie aérienne quatre jours plus tard.

Le ministre ne me fera pas croire que Transports Canada a eu le temps d'évaluer ce nouveau plan en seulement quatre jours, afin que le processus soit conforme aux règlements de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, les règles sur l'emballage de transport de matériaux radioactifs, celles de l'Organisation de l'aviation civile internationale ainsi que celles de Énergie atomique du Canada Limitée.

De ce fait, j'aimerais noter que le transport de plutonium par voie aérienne est illégal aux États-Unis. Dans cette perspective, le Département américain de l'Énergie mentionnait dans son rapport de janvier 1999 sur le projet Parallex, c'est-à-dire le projet d'importation de plutonium que, et je cite:

    Le transport de plutonium par voie aérienne est considéré comme étant plus dangereux que le transport par voie terrestre, étant donné les risques d'accidents plus élevés.

Il est indécent que le ministre des Ressources naturelles déclare candidement à la Chambre que ce danger est inexistant au nord du 49e parallèle.

La position américaine est claire à ce sujet: il n'existe pas de conteneur de plutonium suffisamment sûr pour résister à un écrasement d'avion. Selon eux, le conteneur 4H BUF, que Transports Canada a utilisé en janvier dernier, ne pourrait résister à un impact de plus de 30 milles à l'heure et à un feu de plus de 15 minutes.

Le fait d'avoir modifié unilatéralement les plans de transport du MOX est une gifle à la démocratie. Le ministre devrait convenir que l'importation de cette matière est un dossier national qui touche tous les Canadiens et tous les Québécois.

Du côté gouvernemental, on rétorque que ce geste va dans la perspective d'un désarmement nucléaire mondial. Malgré tout, le gouvernement devrait tenir compte du fait qu'entre 50 p. 100 et 66 p. 100 de la masse initiale de MOX demeurera sous forme de déchet. Ce ne sera donc plus un problème mondial, mais bien strictement canadien. Je doute fort que les Américains et les Russes accepteront de récupérer leurs déchets.

Il est évident que le ministre des Ressources naturelles n'a jamais tenu compte des préoccupations populaires dans ce dossier. Les 149 résolutions des municipalités et des MRC riveraines du fleuve Saint-Laurent s'opposant au projet d'importation de plutonium devraient faire plier le gouvernement sur cette question, tout comme 96 p. 100 des commentaires et observations négatifs de la population.

Il est inadmissible que ce gouvernement ne demande pas à la population si elle consent à l'importation de plutonium.

[Traduction]

M. John Maloney (secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui a trait à l'importation des États-Unis des éprouvettes de combustible MOX et de leur transport au Canada en hélicoptère, je tiens à assurer aux députés que l'expédition a été effectuée conformément à toutes les exigences juridiques et réglementaires, à savoir la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, les règles régissant le transport et l'emballage des matières radioactives, les exigences de l'Organisation de l'aviation civile internationale et les normes établies par l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Les envois d'éprouvettes de combustible MOX sont sans danger. Les traces de radiation sont si petites qu'il n'y a aucun risque grave pour la santé et la sécurité de la population ni pour l'environnement. Le combustible, qui est sous forme de solide, est scellé dans un récipient fait d'un alliage de zirconium et transporté dans un contenant. Comme je l'ai déjà dit, les normes canadiennes et internationales sont respectées. Le combustible n'est pas soluble et ne peut pas se répandre, s'enflammer ou exploser. Il n'est pas sous forme de poudre qui peut être inhalée. Le transport du combustible est assujetti à toutes les exigences réglementaires canadiennes, qui protègent entièrement la santé et la sécurité du public et l'environnement.

Le combustible MOX a été transporté de façon sécuritaire des États-Unis aux laboratoires de Chalk River le 14 janvier 2000. Le département américain de l'Énergie a clairement indiqué qu'il s'agissait d'un envoi unique au Canada d'une petite quantité de combustible nucléaire d'oxyde mixte usagé.

Le projet pilote MOX s'inscrit dans le cadre d'une initiative internationale sur la non-prolifération des armes nucléaires qui vise à trouver un moyen sûr de rendre les surplus de plutonium russe et américain destiné aux armes nucléaires inutilisables dans des armes nucléaires.

Le plutonium qui a été déclaré excédentaire par les États-Unis et par la Russie existe déjà et risque de contribuer à la prolifération des armes nucléaires tant qu'il n'aura pas été transformé en un produit ne pouvant pas être utilisé facilement dans des armes. L'utilisation du combustible MOX dans un réacteur nucléaire est un des moyens de rendre le plutonium inutilisable dans des armes.

Comme contribution aux initiatives internationales de désarmement, le Canada a donné son accord de principe à l'étude de l'utilisation du combustible MOX sur son territoire. Le gouvernement du Canada croit que, collectivement, les Canadiens veulent créer un monde sûr pour les générations futures et sont prêts à prendre des mesures en ce sens, à la condition que la santé et la sécurité du public ainsi que l'environnement ne soient pas menacés en cours de route.

En terminant, je dirai que les tests n'engagent pas le Canada à accepter une utilisation à grande échelle du combustible MOX dans ses réacteurs CANDU. Si cela était proposé un jour, des conditions strictes seraient imposées, y compris la participation pleine et entière de la population au processus de décision conduisant à la mise en oeuvre d'un programme.

Le président suppléant (M. McClelland): Comme il est 19 h 5, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 5.)