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CIMM Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU NOVEAU PARTI DÉMORCRATIQUE

Dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, le Comité de la citoyenneté et de l’immigration a entrepris d’étudier la sécurité des frontières afin d’aider à définir les termes des nouveaux rapports frontaliers entre les États-Unis et le Canada.

La portée des événements de septembre ne saurait être surestimée. Les Canadiens qui traversent la frontière chaque jour pour se rendre au travail ou à l’école et qui ne présentent aucune menace pour la sécurité ont vu leurs déplacements limités. Nos échanges commerciaux quotidiens avec les États-Unis, dont la valeur dépasse 1,5 milliard de dollars, ont été gravement entravés. Bon nombre de résidents canadiens ont soudainement et sans l’avoir cherché commencé à faire l’objet de soupçons ou à être la cible d’insultes et de manifestations de violence. En tant que partenaires et nations distinctes, il est essentiel que nos deux pays s’efforcent de trouver un terrain d’entente qui leur permette de s’épanouir en toute sécurité et liberté.

Le Comité a formulé plusieurs recommandations positives en vue d’instaurer une nouveau climat de « normalité » et de sécurité à nos frontières. Toutefois, certains aspects du rapport ne parviennent à concilier la sécurité et les droits individuels, comme le voudrait la tradition au Canada. Il renferme aussi des mesures susceptibles d’induire en erreur ceux qui sont chargés d’appliquer nos lois, le public canadien ainsi que les immigrants actuels et futurs.

Nous nous inquiétons particulièrement des recommandations qui, délibérément ou non, risquent de renforcer les nombreuses idées fausses et négatives qui, comme le signale à juste titre le rapport, ont commencé à circuler depuis le 11 septembre. Le rapport fait allusion, par exemple, à la perception erronée selon laquelle les mesures de sécurité au Canada laissent à désirer et auraient en quelque sorte contribuer à la tragédie du 11 septembre – le mythe selon lequel le Canada est un refuge pour les terroristes. Le rapport demande à juste titre que des mesures soient prises pour corriger cette idée fausse et préjudiciable.

Un mythe plus subtile mais tout aussi néfaste, quoique passé sous silence dans le rapport, associe les immigrants, et en particulier les réfugiés, au terrorisme. L’exemple le plus troublant est l’association que font certains Canadiens entre des groupes donnés et une menace terroriste fondée sur la race ou des croyances religieuses. Des actes de vandalisme, des insultes et des agressions ont été signalés partout au Canada. C’est inacceptable et le gouvernement aurait dû réagir d’une manière proactive. Il a au contraire envoyé un tout autre message en laissant les fonctionnaires regrouper sous un même profil certains demandeurs du statut d’immigrant et de réfugié. Le public retient que des demandeurs du statut de réfugié sont détenus uniquement parce que leur origine nationale, culturelle ou religieuse correspond à un « profil » terroriste ou parce que le gouvernement a accepté de laisser le FBI dépouiller 35 000 demandes du statut de réfugié et chercher un lien terroriste simplement parce qu’il s’agit d’hommes venant du Moyen-Orient. Est-il étonnant qu’une partie de la population en déduise que le gouvernement fait lui-même le lien entre les réfugiés et les terroristes?

Nous croyons que le Canada peut maintenir sa tradition d’accueil des immigrants et de protection des réfugiés sans compromettre la sécurité de ses frontières.

Nous proposons les moyens suivants pour y parvenir :

  • Fournir des ressources suffisantes pour traiter rapidement les demandes des immigrants et des réfugiés ? y compris l’autorisation de sécurité ? et appliquer la législation sur l’immigration;

  • Accroître le nombre de bureaux à l’étranger où les personnes désireuses de venir au Canada peuvent s’informer des règles concernant le statut d’immigrant et de réfugié sans recourir à des moyens illégaux ou inappropriés pour traverser notre frontière;

  • Appliquer des mesures contre le trafic lucratif des êtres humains;

  • Enseigner aux agents d’immigration les comportements culturels nécessaires pour obtenir les renseignements les plus exacts possibles et éviter que des réactions et comportements légitimes sèment le doute quant à l’authenticité du candidat ou du demandeur;

  • Ajouter des mesures de protection des réfugiés dans les accords internationaux pour éviter le refoulement des réfugiés qui pourraient être rejetés.

C’est dans ce contexte que nous envisageons et recommandons de nuancer la recommandation du rapport concernant la conclusion d’une entente avec les États-Unis sur les « tiers pays sûr » et l’adoption d’une politique sur le « renvoi temporaire ». Le Canada ne laisse pas entrer les réfugiés en grand nombre, par comparaison à de nombreux autres pays. De plus il est aussi un pays de « bout de ligne », en ce sens que, compte tenu de sa situation géographique, nombreux sont les réfugiés qui y trouvent leur destination finale plutôt qu’un simple lieu de passage en quête d’un domicile sûr. En gros, 60 % des demandeurs d’asile arrivent des États-Unis. Les recommandations du rapport ne visent aucun but défini, si ce n’est de réduire le nombre de réfugiés qui viennent au Canada. Cette attitude est en contradiction flagrante avec notre tradition d’accueil des réfugiés et avec nos engagements internationaux. De plus, en fermant la voie légitime d’accès des réfugiés, une entente avec les États-Unis sur les tiers pays entraînerait une augmentation du nombre de réfugiés qui auront recours à des moyens d’entrée illégaux. Toute entente de ce genre doit respecter les critères du HCR, à savoir que chaque demande d’asile doit être évaluée individuellement à l’égard de l’opportunité d’un renvoi dans un pays tiers, que les demandeurs seront entendus en audience pour faire valoir les mérites de leur demande d’asile dans le tiers pays sûr de destination et que les motifs légitimes comme la présence de membres de la famille au Canada seront pris en compte.

La recommandation concernant le renvoi temporaire impose des difficultés supplémentaires aux demandeurs légitimes en les forçant à survivre par leurs propres moyens en attendant leur autorisation. Cela équivaut à ajouter officieusement un critère de « possibilité de traitement rapide » comme condition pour que le demandeur d’asile obtienne gain de cause au Canada, ce qui contrevient à nos engagements internationaux.

Une autre des recommandations du rapport inquiète les néo-démocrates, soit celle qui précise que « le Canada et les États-Unis doivent être beaucoup plus proactifs pour encourager le transfert d’information et la coordination des efforts du renseignement à tous les niveaux. Si les lois sur les renseignements personnels et la confidentialité se révèlent des obstacles à cet égard, les deux pays devraient considérer modifier ces lois...» Cela montre qu’il faut assurer l’équilibre entre la sécurité et les droits et libertés, ce que n’a pas réussi à faire le gouvernement dans ses projets antiterroristes qui sont exécutés aux dépens des libertés civiles si chèrement acquises. Comme le signalait le commissaire fédéral à la vie privée George Radwanski « le droit à la vie privée et les autres libertés et valeurs que nous tenons pour précieuses et qui définissent la société canadienne ne sont pas des fantaisies ni des luxes dans cette situation. Ils en sont l'essence même ».

Les néo-démocrates sont d’avis que lorsqu’un gouvernement propose des changements fondamentaux aux libertés personnelles comme ce gouvernement le fait dans ses projets antiterroristes, il lui incombe de démontrer de façon claire et absolue que les lois existantes ne permettent pas de pouvoir faire face à la situation. Le gouvernement n’a pas fait cette démonstration dans ce cas-ci.

Dans le même veine, les recommandations formulées dans le rapport en faveur de l’utilisation d’un système d’identification biométrique permettant d’éviter les contrôles ont des répercussions sur la vie privée de tous les Canadiens et Canadiennes et soulèvent des questions quand à l’instauration par le gouvernement de la carte d’identité dite « feuille d’érable ». Cette carte deviendra-t-elle obligatoire et quels renseignements y trouvera-t-on?

Les néo-démocrates remettent également en question le fait que la coordination de la délivrance des visas est traitée dans le rapport comme une question administrative Une telle attitude nie les disparités du Canada et des États-Unis qui émanent de leur évolution historique distincte. Le Canada, par exemple, a des liens historiques étroits avec des pays du Commonwealth et des pays francophones, qui diffèrent de ceux qu’entretiennent les États-Unis. Il peut également arriver que nos relations avec certains pays divergent, comme c’est le cas pour Cuba. Ces relations se traduisent dans nos politiques étrangères et sont reflétées dans nos exigences en matière de délivrance de visas. Nous ne saurions ni ne devrions faire fi de ces particularités.

Depuis le 11 septembre, il est devenu particulièrement important de trouver le meilleur moyen d’harmoniser nos politiques en matière de sécurité et d’immigration. Certains ont encouragé la création d’un périmètre commun s’accompagnant de politiques identiques, en s’appuyant sur des conceptions erronées de la solidité de la sécurité au Canada. Les approches suivies par le Canada et par les États-Unis en matière d’immigration et de réfugiés sont dissemblables à de nombreux égards. La nôtre s’attache davantage à l’application régulière de la loi, tandis que celle des Américains est plus intimement liée à la politique étrangère et est plus politisée. En pratique, il faudrait donc aligner les politiques canadiennes sur les politiques suivies par nos voisins du Sud. Les néo-démocrates s‘opposent à ce scénario, car cela saperait inutilement, à leur avis, la souveraineté canadienne. Nous préconisons plutôt une collaboration entre partenaires indépendants, collaboration qui caractérise nos ententes conjointes en matière de défense depuis de nombreuses années.

Nos deux pays réussiront à surmonter les événements tragiques du 11 septembre, mais uniquement si nous conservons la liberté et les valeurs que ces attentats ont cherché à miner, et ce après une réflexion calme et raisonnée prenant en compte les répercussions pour les citoyens de nos pays ainsi que pour nos relations bilatérales. Nous devons dissiper les mythes qui ont surgi si nous voulons élaborer des solutions efficaces et non illusoires. Nos efforts porteront fruit surtout s’ils sont fondés sur un respect mutuel dans la poursuite de nos objectifs communs.