FAIT Rapport du Comité
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CHAPITRE V : CONCLUSION : MENER LE G8 VERS
UN PROCESSUS PLUS EFFICACE ET PLUS PARTICIPATIF
Nous nous sommes réunis parce que nous partageons les mêmes convictions et les mêmes responsabilités. Nous sommes chacun pour notre part responsables de la conduite dune société ouverte, démocratique, profondément attachée à la liberté individuelle et au progrès social. Notre succès renforcera, et cela de façon décisive, lensemble des sociétés démocratiques.
174Communiqué du premier Sommet du G7, Rambouillet,
France, 1975
CE QUE LES CANADIENS NOUS ONT DIT
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Gouvernance et responsabilisation en démocratie : quelques questions pour
le G8
Même si M. Kirton a soutenu que les sommets du G7 ont été conçus « comme un concert démocratique » et que « dès le départ, la gouvernance du G7/G8 était un exercice public plutôt quun effort tendant à pratiquer la démocratie en privé176 », il ressort clairement des témoignages entendus par le Comité quun grand nombre de Canadiens ont des doutes sur la structure, le mandat et les processus en cause. Nous avons été heureux de lallocution prononcée par lambassadeur Fowler, le représentant personnel du premier ministre au Sommet, qui a dit lors de louverture de nos audiences publiques que les consultations « joueront un rôle décisif en aidant le premier ministre à se préparer pour le Sommet, en permettant aux Canadiens de participer à un véritable débat sur les questions internationales à lordre du jour du G8 et en facilitant lexpression pacifique des opinions ». Les déclarations officielles des dirigeants et des ministres du G8 donnent à entendre quils sont de plus en plus conscients de la nécessité dencourager une mobilisation plus constructive des citoyens autour des questions de mondialisation et de faire preuve dune plus grande ouverture et dune plus grande transparence. Par contre, des promesses en ce sens ne suffiront pas à apaiser les critiques et à combler les attentes de nombreux groupes dintérêt activistes, ni à régler les plaintes plus générales à propos de linsuffisance perçue des efforts de consultation publique à ce jour177.
Le Comité regrette davoir dû reporter une partie de ses audiences à lextérieur dOttawa et davoir été dans limpossibilité den donner avis suffisamment à lavance. Nous demeurons néanmoins convaincus quil était important que nous nous rendions dans chaque région pour avoir la chance dentendre le témoignage non seulement de quelques experts et dirigeants dorganismes nationaux, mais aussi de particuliers et de bénévoles, de citoyens passionnément concernés, qui nont pas eu peur de dire ce quils pensent. Nous osons espérer que ce précieux document public sera utile aux délibérations du gouvernement sur les améliorations à apporter au processus du Sommet.
En fait, sil y a une chose sur laquelle même les « sherpas » de sommets antérieurs du G7/G8, les universitaires partisans du processus et les adversaires les plus acharnés du G8 sont peut-être daccord, cest que les questions de la gouvernance, de la réforme démocratique et de la responsabilisation véritable en vue de latteinte dobjectifs réalistes ne peuvent être contournées ou évitées, quelle que soit la forme que prendront le sommet de cette année ou les sommets futurs. Le choix dun endroit relativement isolé pour le Sommet de Kananaskis, même sil peut paraître attrayant à la lumière des dilemmes que pose la sécurité, ne saurait donner limpression que le G8 se replie sur lui-même, se coupe du monde extérieur parce quil est sur la défensive, et na aucune idée des préoccupations des citoyens. Une réforme crédible du G8 suppose quil devra relever les défis de lorganisation de sommets à une époque marquée par des insécurités de toutes sortes à léchelle mondiale. Et il devra trouver des moyens, en ayant notamment recours aux technologies de linformation et des communications du XXIe siècle, de réduire les coûts des réunions et, facteur plus important encore, les déficits démocratiques. M. Kirton a fait cette mise en garde : « [ ] la tendance instinctive à organiser un petit sommet discret ultra-sécurisé et à labri de la société civile risque maintenant damener le G8 à commettre une erreur grossière [ ] Il est en effet devenu impératif de trouver de meilleurs moyens, plus novateurs, de communiquer avec la société civile et, par lintermédiaire des médias, avec les citoyens du G8 et du monde178 ».
Il a été suggéré dans certains mémoires dinstaurer dautres mécanismes de représentation et de reddition de comptes (pour accroître la confiance de la population dans la démocratie et favoriser le respect des obligations découlant du droit international) dans le processus décisionnel du G8. Plusieurs représentants de groupes ouvriers ont plaidé en faveur dune consultation officielle des associations syndicales nationales et internationales. Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, a fait valoir que cette solution permettrait au Canada de sortir des sentiers battus en montrant quil favorise la participation de ses citoyens et des représentants de ces derniers. Des représentants dONG ont expliqué comment ils avaient maintenant régulièrement accès, à titre dobservateurs officiels notamment, aux organismes et conférences des Nations Unies. Gordon Smith, ancien sous-ministre et sherpa du MAECI, actuellement responsable du Centre for Global Studies de lUniversité de Victoria, a félicité les membres du Comité davoir posé des questions critiques au sujet de la gouvernance future et il sest reporté à plusieurs rapports de son centre, selon lequel il fallait se tourner vers les meilleures pratiques pour accroître la transparence, la participation et limputabilité au niveau des institutions internationales179. Il a également suggéré denvisager des moyens novateurs pour associer un plus grand nombre dacteurs non étatiques, tout en débordant du cadre des élites (dont celles des organisations de la société civile). À son avis, le Canada était un « leader naturel dans ce domaine », ce qui nétait pas nécessairement le cas des États-Unis. Il devait ajouter : « Je crois que comme cela est déjà arrivé au cours de notre histoire, nous avons ici loccasion de jouer un rôle prépondérant, et jespère que nous le ferons180 ». (Traduction)
Le Comité partage cette opinion, compte tenu de la tradition de diplomatie multilatérale que possède le Canada, et il est confiant que son ex-président, M. Bill Graham, sous la direction de qui cette étude a débuté et qui agit maintenant comme ministre des Affaires étrangères, abondera dans le même sens. John Kirton a indiqué dans son témoignage à Toronto le 7 mai que les ministres des Affaires étrangères du G8 devraient se réunir au moins aussi fréquemment que les ministres des Finances du G7, ce qui donnerait la possibilité au Canada de profiter dune tribune supplémentaire pour exercer son leadership international dans les dossiers dactualité urgents comme la crise au Moyen-Orient. En tant que principal expert du Canada pour les questions liées au G8, le professeur Kirton a proposé également au Comité un menu utile que pourrait examiner le G8 avant le Sommet de Kananaskis et subséquemment. Il suggère entre autres ce qui suit181 :
concevoir une stratégie dinformation coordonnée et améliorée qui reconnaît que la « transparence est un devoir de base de la démocratie »;
informer le public au moyen doutils de sensibilisation multilingues et profiter des avantages des médias électroniques;
associer les parlementaires (voir ci-dessous pour plus de détails);
créer des centres détudes et des programmes de bourses du G8;
utiliser à meilleur escient la couverture médiatique des sommets182;
à la fin des sommets, présenter des communiqués clairs et compréhensibles pour le commun des mortels, en y intégrant des objectifs tangibles assortis déchéanciers précis, et faire preuve de franchise quant à la réalisation des promesses antérieures et aux nouveaux engagements;
associer la société civile aux processus entourant les sommets.
En ce qui a trait au dernier ingrédient essentiel, Kirton prétend quun « forum multilatéral de la société civile, dirigé par des parlementaires, pourrait siéger en même temps que les dirigeants. Il serait également possible de lorganiser avec un minimum de chevauchement juste avant et au début du sommet [ ] Quelle que soit la formule retenue, un tel forum donnerait aux médias et aux dirigeants qui sintéressent au point de vue de la société civile la possibilité les uns décrire des articles et les autres de faire des commentaires sur autre chose que les slogans scandés par la foule des manifestants. Dans le cadre de cette innovation, il serait important que tous les dirigeants du G8, plutôt que le chef de gouvernement du pays hôte ou dautres qui le souhaitent, sentretiennent collectivement avec les leaders du forum de la société civile ».
De fait, immédiatement avant le Sommet de Kananaskis se tiendra un « Sommet du Peuple » parallèle sur le campus de lUniversité de Calgary, sous les auspices du « G6B » ou « Groupe des 6 milliards »183. Amnistie internationale a signalé dans son mémoire que des recommandations sont formulées par le truchement du G6B dans divers champs de la gouvernance mondiale et a demandé au Comité de « faire des pressions sur le gouvernement canadien afin de trouver une manière de présenter au sommet officiel les recommandations définitives du G6B, de même que les autres points de vue exprimés par les membres de la société civile alors réunis »184. (Traduction) Lors des audiences tenues subséquemment par le Comité à Calgary, Randy Rudolph, coprésident de la séance sur léducation à la conférence du G6B, a indiqué que des discussions avaient lieu avec lambassadeur Fowler afin de trouver un mécanisme pour lui présenter leurs observations, les résumés de leur conférence et leurs recommandations et quil voyait des signes encourageants lui permettant de croire que ceux-ci seraient intégrés au processus même du Sommet185.
Finalement, le Comité constate que le point de vue de la société civile doit dabord et avant tout être exprimé par lentremise des représentants dûment élus. Comme nous la mentionné léminent spécialiste des relations internationales Joseph Nye, bien que dautres formes de démocraties mondiales puissent naître dans lavenir, à ce stade au sein des démocraties politiques nationales : « Les parlementaires sont les représentants élus du peuple. À mon avis, les mettre en contact plus fréquemment avec dautres représentants élus à léchelle internationale constitue la première étape importante à franchir pour réduire le déficit démocratique. Je suis en faveur des ONG, elles font beaucoup de bonnes choses, mais elles ne remplacent pas les parlementaires élus186 ».
John Kirton soutient que lheure est venue pour la démocratie parlementaire de prendre place au G8 : « Comme le Sommet des Amériques et le système du G7/G8 constituent, pour le Canada et les États-Unis, les seules institutions internationales vraiment centrées sur des sommets institutionnalisés plurilatéraux auxquels participent des dirigeants démocratiquement élus, il est clair que le G8 devrait suivre lexemple des Amériques en associant les parlementaires à son processus dune manière organisée ». À son avis, « Le dossier du G8 occupe cependant une place assez importante dans lesprit de lélecteur moyen pour quil soit temps détablir un Groupe interparlementaire du G8 ».
Faisant référence aux audiences nationales tenues par le Comité en 1999, avant la conférence de Seattle, concernant le programme de lOMC à légard duquel le Comité a récemment renouvelé sa demande, après Doha, en faveur de la création dun « mécanisme parlementaire permanent de lOMC187 » laquelle figure maintenant à lordre du jour du Sommet du G8 cette année, le professeur Kirton suggère dencourager des efforts parallèles dans dautres pays du G8 et de mettre en commun les résultats (comme le présent rapport) à une réunion interparlementaire du G8, puis de les transmettre au moment opportun aux dirigeants, avant la tenue des futurs sommets. De lavis de M. Kirton, cela demeurerait possible jusquà la veille de Kananaskis. Il propose que le Canada tienne une réunion interparlementaire inaugurale du G8 et que la réunion des présidents des assemblées législatives du G8 qui doit se dérouler en septembre 2002 au Canada serve pour « lancer ce nouveau Groupe interparlementaire du G8188 ».
Le Comité convient demblée que lapport de la société civile, y inclus les parlementaires, dans les processus délibératifs et décisionnels du G8, doit devenir non seulement un élément permanent de ces ententes de gouvernance internationale, mais doit se concrétiser dune manière imaginative, accessible et viable qui soit propice à une participation pacifique et productive des citoyens et de leurs représentants élus. On pourrait notamment envisager de recourir aux technologies des communications interactives de plus en plus répandues en vue de créer, par exemple, un « Forum virtuel » et/ou un « Parlement virtuel » du G8 destiné à la population. Le Comité ne prétend pas posséder toutes les réponses, mais les dirigeants du G8 se doivent danalyser les possibilités de changements plus fondamentaux. Louverture plus grande du G8 exigerait évidemment certaines dépenses, mais elles ne seraient certainement pas de lordre de centaines de millions de dollars. De plus, en innovant de la sorte pour le bénéfice de la démocratie, on pourrait au fil du temps contrer ce phénomène qui ne vise quà mettre en lumière, de manière improductive, des événements prestigieux de courte durée auxquels ne participent que des dirigeants et qui sont de plus en plus coûteux et contestés, sans compter quils suscitent une véritable obsession pour la sécurité et quils risquent de crouler sous le poids de leurs propres impératifs et appréhensions liés à leur gestion.
Bref, le moment est venu pour le G8 denvisager comment il pourrait mettre de lordre dans ses affaires avec le grand public, non seulement pour assurer son propre avenir en tant quinstrument de gouvernance multilatérale valable pouvant fonctionner de façon démocratique et transparente, mais aussi pour progresser concrètement en vue datteindre les objectifs collectifs des politiques publiques pour le bénéfice de ses citoyens, de ceux et de celles qui vivent dans des régions moins favorisées, en Afrique en particulier et surtout finalement, pour léguer un monde meilleur aux enfants de lavenir.
Recommandation 20
Le Canada devrait proposer aux dirigeants du Sommet du G8 qui aura lieu à Kananaskis de constituer un groupe de travail sur la réforme du G8, lequel analyserait des options pour élargir laccès public démocratique tout en réduisant les coûts des sommets et formulerait des recommandations en vue dinterventions pouvant être faites avant le prochain sommet. Ce groupe devrait sattarder particulièrement à améliorer la transparence et les communications du G8; accroître la participation des parlementaires et des acteurs non étatiques; mesurer lefficacité en fonction du rendement réel; revenir au point de départ à la recommandation 1, en offrant un mécanisme permettant de rendre des comptes régulièrement à la population quant aux résultats des sommets.
En outre, le Comité prie instamment le gouvernement dappuyer la tenue dune réunion inaugurale des parlementaires du G8 pour le Sommet de Kananaskis, laquelle déboucherait ensuite sur la création dun groupe interparlementaire du G8 qui serait invité à formuler directement ses recommandations aux futurs sommets.
174
Cité dans John Kirton, « Devinez qui vient à
Kananaskis La société civile et le G8 dans lannée de présidence du
Canada »,
International
Journal, hiver 2001-2002, document traduit pour le Comité.
présente son témoignage à Toronto, le 8 mai 2002. 176 Ibid. 177 Un nouveau rapport des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques qui fait état dun malaise au sujet de létat
actuel des consultations publiques sur les politiques fédérales est révélateur à cet égard. Voir Susan Phillips et Michael Orsini,
Mapping the Links : Citizen Involvement in Policy Processes, Document de recherche no F21, publié le 24 mai 2002 et disponible
à ladresse http://www.cprn.org. 178 Mémoire, « Guess who is coming to Kananaskis », p. 104. 179 Rethinking GovernanceHandbook: An Inventory of Ideas to Enhance Accountability, Participation, and Transparency, Centre
for Global Studies de lUniversité de Victoria, n.d.; rapport de la 2020 Global Architecture Conference, Victoria (C.-B.), août 2001. 180 Témoignages, 7 mai 2002, réunion no 78, Vancouver, 11 h 10. 181 Mémoire, « Devinez qui vient à Kananaskis? », passim. 182 Desirée McGraw, associée du Groupe de recherche du G8, a indiqué ce qui suit dans son mémoire présenté à Montréal le
17 février 2002 : « Étant donné que les représentants de la presse nont pas accès directement aux délégués gouvernementaux lors
des réunions du G8/G20, ils doivent se fier au contenu bien ficelé des conférences de presse et des communiqués. De plus, cet accès
direct déficient les porte à se tourner à lextérieur du sommet officiel pour obtenir des entrevues et des images, ce qui renforce, voire
exagère, le rôle des protestataires. Cette approche biaisée, imputable à lactuelle structure de la plupart des sommets économiques,
naide en rien à relever la qualité des discussions sur la mondialisation dans le grand public », p. 2. (Traduction) 183 Pour plus dinformation sur la conférence du G6B qui aura lieu du 21 au 25 juin, consultez http://www.peaceandhumanrights.org 184 Mémoire, 4 avril 2002. 185 Témoignages, 8 mai 2002, réunion no 80, Calgary, 10 h 30. 186 Témoignages, 2 mai 2002, réunion no 74, Ottawa, 10 h 55. 187 Rapport du Comité intitulé Pour un nouveau cycle de négociations efficace : Les grands enjeux du Canada à lOMC,
mai 2002, 26e recommandation, p. xix et p. 85ff. 188 Mémoire,« Devinez qui vient à Kananaskis? », p. 11.