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FAIT Rapport du Comité

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CHAPITRE II : AGIR POUR UNE ÉCONOMIE MONDIALE
PLUS ÉQUITABLE ET PLUS DURABLE

Les perspectives mondiales continuent de poser certains risques et trop de peuples sont prisonniers d’un cycle de pauvreté et de désespoir. Notre tâche consiste à élaborer ensemble des mesures qui permettront d’atténuer davantage l’incertitude et de promouvoir une croissance économique durable et équitable à l’échelle mondiale.

                      L’hon. Paul Martin, ministre des Finances12

        Les perspectives de croissance économique actuelles sont beaucoup plus favorables au sein des pays du G8 et à l’échelle mondiale qu’elles ne l’étaient il y a plusieurs mois. Des analyses récentes montrent des signes plus évidents de reprise économique en Amérique du Nord à la suite du ralentissement provoqué par les événements du 11 septembre, le Canada affichant les prévisions de croissance les plus optimistes parmi les pays du G8 et de l’OCDE13. En dépit de ces scénarios favorables, certains facteurs de risque sont présents et ce, même au sein des économies fortes du groupe du G8, notamment la récession qui se poursuit au Japon, le niveau d’endettement considérable des particuliers et des sociétés, un dollar américain surévalué et la nécessité pour les États-Unis de financer leur énorme déficit du compte courant14, le protectionnisme commercial grandissant aux Etats-Unis, la volatilité des prix du pétrole et les effets de la crise au Moyen-Orient. Le Sommet de Kananaskis constitue une occasion importante pour les dirigeants du G8 de se pencher sur les facteurs qui risquent de compromettre une reprise soutenue et généralisée au sein du G8 et ailleurs dans le monde.

        Le ministre Martin a poursuivi en déclarant que l’économie mondiale est non seulement loin de bien se porter, mais elle profite encore moins à tout le monde de façon équitable. Même certains des pays les plus riches connaissent des niveaux inacceptables de pauvreté. Dans le cas des pays en développement, Roy Culpeper, de l’Institut Nord-Sud, a souligné dans son témoignage du 31 janvier que la croissance économique mondiale favorisée au cours de la dernière décennie et qui a fait des gagnants et des perdants a eu du même coup pour effet d’accroître le sentiment d’insécurité de beaucoup de gens, en particulier dans la population africaine. En somme, un scénario inchangé qui ne comporterait que quelques changements mineurs représenterait une solution douteuse qui n’aurait rien pour rassurer ceux et celles qui n’ont pas encore tiré profit de la croissance antérieure.

        Certains témoins sont allés plus loin et ont remis en question les principes de la croissance traditionnelle et des politiques économiques axées sur l’exportation, soulignant que d’autres valeurs au sein de la population, notamment les valeurs en matière de justice sociale, de santé, d’éducation, de gérance de l’environnement, de droits de la personne et de démocratie, devraient être prises en compte lors de l’établissement des politiques économiques mondiales et locales. Ils ont exhorté les dirigeants du G8 à élargir leurs horizons afin de trouver d’autres stratégies économiques qui donneraient la priorité au bien-être à long terme de l’humanité et de la planète dans son ensemble.

CE QUE LES CANADIENS NOUS ONT DIT15

Pour résumer, les politiques économiques actuelles, fondées sur des marchés et des flux de capitaux libéralisés et sur des politiques macroéconomiques déflationnistes, ont entraîné de graves distorsions dans l’économie mondiale, lesquelles se traduisent par des crises financières à répétition, d’énormes déséquilibres courants et des taux de change lourdement désalignés. Il faut que les dirigeants du G8, de même que leurs collègues du reste du monde, reviennent à la case départ s’ils souhaitent déclencher une croissance équitable et un développement durable.

Roy Culpeper, Témoignages, 31 janvier 2002, réunion n0 54

… les leaders du G8 doivent concilier la gestion macroéconomique avec des politiques solides en matière d’affaires sociales, d’aménagements structurels et de droits de la personne. Plutôt que de se concentrer uniquement sur le renforcement de la croissance économique mondiale, ils doivent s’assurer que les accords commerciaux affirment le principe fondamental selon lequel il est impératif de reconnaître les droits de la personne et les droits en matière de travail afin de favoriser la participation démocratique à l’économie.

Newfoundland and Labrador Federation of Labour, Mémoire, 25 février 2002, p. 1

Les indicateurs véritables du progrès humain devraient être à la base de toute planification économique du G8. Ces indicateurs éprouvés incluent l’indice du développement humain (IDH) et l’indicateur de la pauvreté humaine (IPH), tous deux déjà utilisés par le Programme des Nations Unies pour le développement […] Les autres indices, dont l’un a été mis au point au Canada, […] permettent de distinguer entre une activité économique véritablement bénéfique du point de vue social et une activité qui serait, par exemple, destructrice du point de vue social et environnemental.

St. John’s Mobilization for Global Justice, Témoignages, 25 février 2002, réunion n0 58

… le G8 peut jouer un rôle de premier plan en favorisant une coordination accrue afin de s’assurer que toutes les parties font leur part dans le cadre d’une stratégie mondiale de relance économique. L’élément clé d’une telle stratégie consiste à relancer l’économie de chaque pays, notamment en favorisant des politiques fiscales et monétaires qui ne freinent pas la croissance mais qui visent le plein emploi et exploitent l’entière capacité de production au lieu d’engendrer un bas taux d’inflation.

Congrès du travail du Canada, Mémoire, Ottawa,
30 avril 2002, p. 2 et 3

Nous serions satisfaits si le G8 reconnaissait que la croissance économique seule n’est pas à la hauteur du défi à relever et qu’il faudra des efforts plus dynamiques pour assurer la distribution équitable des richesses et des retombées de la production. Ce qui devra comprendre une réforme radicale des institutions financières afin que leurs politiques contribuent à une véritable prise en charge par les pays, à la réalisation de leur potentiel et à une meilleure autonomie de la population.

Le Comité pour la justice sociale, Mémoire, Montréal, 27 février  2002

Plutôt que de s’attaquer à la façon de promouvoir la croissance économique, le Sommet du G8 doit s’employer à créer une économie qui serait viable sur le plan environnemental et qui favoriserait l’équité économique plutôt que d’accroître les inégalités.

Jan Slakov, Enviro-Clare, Mémoire, Halifax, 27 février 2002, p. 4

Nous voulons par contre que les accords commerciaux internationaux reflètent les valeurs et les croyances des Canadiens en reconnaissant les principes de démocratie, d’équité et de justice. Ces accords devraient jouer un rôle dans le renflouement de tous les bateaux, sans en laisser sombrer certains.

Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, Mémoire, Ottawa, 21 mars 2002, « Le G8 à Kananaskis : il est temps de changer de cap », p. 2

… le microcrédit est un moyen efficace et durable de combattre la pauvreté. Le thème du sommet du G8, qui est « le renforcement de la croissance économique mondiale », doit inclure la croissance économique qui aura des retombées immédiates sur les plus pauvres de ce monde. Discutera-t-on de l’augmentation du microcrédit de la part des pays membres du G8, surtout du Canada? Est-ce qu’une partie des 500 millions de dollars que le Canada a promis pour le développement durable de l’Afrique servira à offrir le microcrédit aux personnes dans le besoin?

Blaise Salmon, Résultats Canada, Mémoire, Ottawa, 12 avril 2002

L’un des problèmes liés à la mondialisation de l’économie réside dans le fait que les solutions visant à redresser une économie en difficulté, préconisées par les institutions internationales et multilatérales qui sont contrôlées par les pays évolués sur le plan économique, produisent peut-être l’effet contraire de répandre le problème.

Alberta Federation of Labour, Mémoire, Edmonton, 9 mai 2002, p. 4

La mondialisation doit être dans l’intérêt des pauvres, non seulement des riches, et il doit y avoir protection de notre environnement.

Tony Haynes, Diocèse catholique de Saskatoon, Mémoire, 10 mai 2002

Comment peut-on réorienter notre stratégie de croissance économique pour en faire bénéficier les citoyens ordinaires? Ce serait un bon point de départ que d’adopter cet objectif comme principe de base de toute discussion en matière de politiques économiques. Par conséquent, les pays du G8 devraient fermement s’engager à adopter des stratégies économiques qui profiteront autant au citoyen ordinaire qu’au secteur des affaires… Nous exhortons le G8 à adhérer à des politiques économiques qui réduiront la nécessité de recourir aux exportations vers les États-Unis et qui élargiront les perspectives commerciales internationales.

Manitoba Federation of Labour, Mémoire, Winnipeg, 6 mai 2002, p. 4

Nous sommes en présence d’une économie du 21e siècle qui ne tient pas compte de l’initiative louable que représentent les Objectifs de développement pour le millénaire des Nations Unies, dont la structure se caractérise par des pays qui produisent des biens à forte valeur ajoutée et une majorité d’autres pays qui produisent des biens de main-d’œuvre dont les prix chutent continuellement sur le marché mondial.

Salimah Valiani, KAIROS, Témoignages, Toronto,
7 mai 2002

Le recours systématique du G7 à des options axées sur les marchés pour favoriser la croissance et le développement durable et réduire la pauvreté témoigne d’un manque flagrant de volonté pour éliminer la subjectivité inhérente au système économique mondial. Selon nous, la croissance économique mondiale, notamment dans les pays en développement, est freinée par l’appui du G7 à certaines politiques économiques qui sont souvent désignées sous le nom de consensus de Washington. En vertu de ce consensus, les pays, indépendamment de leurs caractéristiques, sont tenus de libéraliser le commerce et les investissements et de privatiser des biens publics et naturels. On ne dispose que de très peu de preuves que ces politiques favorisent la croissance et de nombreux faits démontrent qu’elles entraînent de plus en plus d’inégalités sur le plan du revenu, de la richesse et du niveau de vie entre les pays et au sein des pays.

Coalition Halifax Initiative, Mémoire, 14 mai 2002, p. 1

Favoriser les conditions propices à la reprise et à l’avancement de l’économie mondiale

        Exception faite de certains signes de reprise dans les économies du G7, lesquelles représentent près de la moitié de la production mondiale, les témoins ont exprimé beaucoup de scepticisme à l’égard de l’orientation actuelle des politiques de croissance économique et de la mondialisation de l’économie dans son ensemble. Nombre d’entre eux ont réclamé des façons différentes d’aborder le paradigme dominant de la libéralisation axée sur les marchés ainsi qu’une réorganisation majeure des structures du système économique international — ce que Blair Doucet de la Fédération du travail du Nouveau-Brunswick a appelé la « pro-mondialisation d’une justice sociale et économique ». Bien que certaines institutions comme la Banque mondiale semblent davantage sensibles à la pauvreté et aux effets du développement humain16, certaines politiques favorisées par le G7 comportent des lacunes fondamentales et il est nécessaire d’apporter des mesures correctives vigoureuses pour passer à une économie mondiale qui réponde aux besoins des populations et respecte les droits de la personne.

        Le Comité ne peut pas examiner toutes les solutions de réforme proposées par les témoins, mais il se penchera brièvement, dans des chapitres subséquents, sur des questions liées aux objectifs de coopération au développement, aux réformes financières internationales, aux normes en matière d’éthique et à la viabilité de l’environnement.

        Avant que ces questions ne soient réglées, le Sommet de Kananaskis doit permettre d’assurer que le régime commercial multilatéral n’est pas en danger en raison d’une escalade du protectionnisme entre les principales économies du G7 (aux États-Unis, les tarifs douaniers sur l’acier et les subventions à l’agriculture17 constituent deux exemples récents d’irritants), mais qu’il s’oriente plutôt dans une voie qui profitera aux régions plus pauvres, en particulier aux pays les moins développés, dont la plupart se trouvent en Afrique subsaharienne. Lors d’une présentation faite à Vancouver le 6 mai, Theodore Cohn, de l’Université Simon Fraser, a souligné qu’au cours des dernières années, le processus du G7-G8 s’est avéré faible et n’a pas rempli son rôle de premier plan en matière de commerce multilatéral; M. Cohn a déclaré que la performance du processus était « atroce » pour ce qui est de réduire le protectionnisme qui touche les pays en développement18. De plus, d’autres mémoires qui nous ont été soumis comportaient de sérieuses réserves et exigeaient que le Canada n’appuie pas de nouvelles initiatives relatives aux échanges commerciaux et à l’accès au marché, à moins qu’il ne soit clairement démontré que ces initiatives profiteront aux citoyens ordinaires des pays développés et des pays en développement et qu’elles n’empêcheront pas les gouvernements d’offrir des services publics et d’établir des réglementations respectant l’intérêt public.

        Lors d’audiences tenues il y a trois ans d’un bout à l’autre du Canada, les Canadiens ont clairement fait savoir au Comité à quel point ils s’inquiétaient des lacunes de l’actuel système commercial international. Ces audiences ont débouché sur un rapport important contenant de nombreuses recommandations pour des réformes profondes19. S’appuyant sur un rapport récemment publié par le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux, le Comité vient de déposer un autre rapport sur le calendrier des négociations de l’OMC qui contient un certain nombre de recommandations visant à améliorer les perspectives des pays en développement20. Nous exhortons le gouvernement à tenir compte de ces recommandations au moment d’établir sa position pour le Sommet du G8.

        Il ne fait aucun doute que le commerce, lorsqu’il se fait dans des conditions favorables, peut contribuer à la réduction de la pauvreté et au développement économique. Selon un rapport récemment publié par Oxfam, si les pays en développement augmentaient leur part d’exportations mondiales de seulement 5 %, des revenus de 350 milliards $US seraient générés, soit sept fois plus que le montant de l’assistance actuellement reçue par ces pays. Dans le cas de l’Afrique, une augmentation de 1 % de sa part d’exportations mondiales produirait des revenus équivalant à cinq fois le montant qu’elle reçoit en assistance et pour l’allègement de sa dette. Toutefois, ce rapport souligne que la libéralisation des échanges commerciaux peut nuire aux pays pauvres si elle s’appuie sur un système de règles subjectives qui accroît les injustices à l’échelle internationale au lieu de les atténuer21. Par conséquent, la façon dont ces règles sont établies est très importante. Voici ce que disait à cet effet un autre rapport récemment produit pour le Conseil canadien pour la coopération internationale, dont le président, Gerry Barr, a comparu devant le Comité lors des audiences tenues à Toronto : « Les règles, les institutions et les politiques qui régissent le commerce international, et leur rapport avec les réalités économiques et sociales locales, changent tout22 ».

        Dans le cadre des audiences de Winnipeg, Stuart Clark, de la Banque de céréales vivrières du Canada, a fourni aux membres du Comité un exemple concret de la façon dont le commerce international peut constituer un facteur de progrès ou un facteur de destruction, en fonction des règles largement influencées par les gouvernements du G7 et de qui elles dépendent donc le plus.

On a beaucoup parlé de l’importance relative du commerce et de l’aide internationale dans le PNB des pays en développement, notamment dans les pays d’Afrique. Comme moteur de croissance et en bout de ligne comme facteur de réduction de la pauvreté et de la famine, le commerce agit comme un moteur V8 alors que l’aide internationale joue le rôle de démarreur. Si l’on pousse un peu plus loin cette analogie à l’automobile, ce moteur V8 peut faire avancer le véhicule ou le faire reculer […] Nous devons toutefois exhorter le Canada à se pencher sur les cas où le moteur que constitue le commerce peut faire reculer un pays en matière de réduction de la pauvreté et de la famine… La Banque de céréales vivrières du Canada est fortement en faveur de la nécessité de clarifier et de promouvoir la Boîte de développement, nouvelle série de règles commerciales agricoles destinées aux pays en développement qui sont membres de l’OMC. Ces règles ont pour but de contrer les effets très néfastes de l’ouverture forcée des marchés des denrées de consommation courante en Afrique. Nous exhortons le Canada à appuyer les règles commerciales agricoles de l’OMC pour empêcher l’érosion du gagne-pain des petits agriculteurs africains23.

Recommandation 2

  • Le Canada devrait profiter du Sommet du G8 pour demander à ses partenaires de ne pas poser de gestes qui pourraient nuire aux perspectives de reprise de l’économie mondiale, notamment des mesures fiscales ou monétaires déflationnistes ou des mesures commerciales protectionnistes.

  • De façon plus générale, le Canada devrait montrer l’exemple en insistant auprès du G8 pour qu’il jette un regard critique sur ses politiques économiques et s’assure que ces dernières favorisent la croissance en améliorant les conditions de vie de la majorité des citoyens tout en contribuant à réduire les injustices flagrantes entre les pays développés et les pays en développement et à l’intérieur de ces pays. En ce qui a trait au commerce mondial, le Canada devrait promouvoir la tenue de négociations pour l’établissement de pratiques et de règles commerciales internationales révisées qui favoriseraient les peuples et les pays les plus pauvres, une attention particulière étant accordée à l’Afrique.

Réaliser des objectifs de développement international grâce à une assistance efficace

        Les dirigeants des pays du G8 sont au nombre de ceux qui se sont engagés à réaliser une série d’objectifs en matière de développement international, objectifs définis à l’occasion d’événements internationaux, notamment le Sommet mondial pour le développement social de 1995 et le Sommet du millénaire des Nations Unies, tenu en 2000. Sous les auspices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les gouvernements donateurs ont adhéré à ces objectifs en 1996 en établissant sept cibles principales en matière de développement international. Ces points de repères ont été mentionnés à maintes reprises par des témoins et il est utile de les réitérer ci-après24 :

  • Réduire de moitié, d’ici 2015, la proportion de personnes qui vivent dans la pauvreté absolue;

  • Inscrire tous les enfants à l’école primaire d’ici 2015;

  • Éliminer, d’ici 2005, les disparités entre les sexes en ce qui concerne la fréquentation de l’école primaire et secondaire;

  • Réduire des deux tiers, d’ici 2015, les taux de mortalité infantile et juvénile;

  • Donner accès, d’ici 2015, à des services de santé de la reproduction à toutes les personnes qui en ont besoin;

  • Réduire des trois quarts, d’ici 2015, les taux de mortalité maternelle;

  • Mettre en œuvre, d’ici 2005, des stratégies nationales pour le développement durable de façon à renverser, d’ici 2015, la tendance à la disparition des ressources environnementales.

        Bien qu’il soit souhaitable de stimuler les échanges commerciaux et le flot des investissements afin de donner aux pays en développement les moyens financiers de poursuivre ces objectifs, il est clair qu’il faudra augmenter considérablement l’assistance internationale pour que ces objectifs soient atteints. C’est le cas particulièrement des pays pauvres de l’Afrique. La Conférence de l’ONU sur le financement du développement, à laquelle ont assisté en mars 2002 les dirigeants du G8 à Monterrey, au Mexique, a permis de confirmer et de réitérer les objectifs de 0,7 % du PNB pour les contributions annuelles des pays donateurs en Aide publique au développement (APD), cette contribution étant de 0,15 % à 0,2 % du PNB pour les pays les moins développés. De plus, la Déclaration de Monterrey a exhorté les donateurs, les récipiendaires et les institutions internationales à « s’efforcer de rendre l’APD plus efficace25 ». Les pays européens et les États-Unis ont annoncé qu’ils augmenteraient considérablement le montant de leur assistance. Le Canada s’est, pour sa part, engagé à augmenter sa contribution annuelle de 8 %.

        Des témoins ont toutefois exprimé certaines inquiétudes au sujet du volume, de la qualité et de la distribution de l’aide et des conditions liées à son « efficacité ». Même si dans l’ensemble les montants de l’aide accordée sont à nouveau à la hausse, cette tendance survient après une décennie de baisses marquées et elle ne permet pas de combler un manque à gagner important par rapport aux estimations de l’ONU sur le financement nécessaire pour atteindre les objectifs de développement fixés. Le rapport APD/PNB moyen du G7 n’est actuellement que de 0,18 % alors qu’il s’établit à 0,46 % pour les pays donateurs de l’OCDE qui ne font pas partie du G726, et aucun échéancier n’a été établi pour faire en sorte que ce niveau se rapproche au moins de l’objectif de 0,7 %. (Selon les prévisions budgétaires des missions, établies par le Conseil canadien pour la coopération internationale27, le Canada fait bonne figure à ce chapitre avec une APD d’environ 0,3 % du PNB pour l’exercice financier 2001-2002, mais ce niveau est quand même inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, et le Canada a glissé au 17rang parmi les pays donateurs de l’OCDE.) De plus, les pays les moins développés, dont la majorité se trouvent en Afrique, reçoivent beaucoup moins que le tiers de l’aide mondiale.

        Les témoins ont fait état d’autres facteurs qui contribuent à réduire l’efficacité de l’aide visant à atténuer la pauvreté, notamment le maintien de conditions liées à des achats dans les pays donateurs et le recours à des règles orthodoxes « d’ajustement structurel » établies par les institutions financières internationales (IFI) sans la participation réelle significative des pays pauvres concernés et encore moins des personnes qui sont le plus touchées par ces conditions. Certains affirment que le Consensus de Monterrey se rapproche beaucoup trop du très critiqué consensus de Washington, et les stratégies de réduction de la pauvreté proposées actuellement par les IFI demeurent trop idéologiques et descendantes, et trop irresponsables par rapport aux préoccupations de la société civile. Certains témoins ont réclamé un nouveau régime de développement qui ferait de la propriété des programmes de développement au niveau local une réalité et non plus une question rhétorique. Il est également question de la façon dont « l’efficacité de l’aide » pourrait effectivement être appliquée comme préalable au critère pour recevoir de l’aide. Robert Letendre, de l’Organisation catholique canadienne pour le développement et la paix, a abordé cette question dans le mémoire qu’il a présenté au Comité le 28 février lors des audiences de Montréal. M. Letendre a indiqué qu’il ne fallait pas s’étonner que des pays mieux gouvernés qui s’attaquent à la criminalité et aux problèmes de corruption soient en meilleure position pour faire une utilisation efficace de l’aide. Cela équivaudrait alors à consolider les capacités ou à récompenser les pays qui connaissent du succès. Qu’adviendrait-il des autres pays? Certains témoins se sont dits préoccupés par une nouvelle mentalité axée sur la sélection et qui aurait pour effet d’abandonner à leur triste sort certains des pays parmi les plus pauvres et des peuples parmi les plus indigents.

        Il s’agit là de questions compliquées dont les solutions ne sont pas simples. Après tout, peut-être que l’un des messages véhiculés par les témoins était que le G8 devrait seulement faire des promesses qu’il est disposé à tenir en matière d’efficacité de l’aide et de réformes. Voici ce que déclare à ce sujet Blaise Salmon, président de Résultats Canada : « Sans imputabilité au niveau national et sans activités régulières de suivi et de rapport, les Objectifs de développement pour le millénaire resteront lettre morte » (Mémoire, 11 avril 2002). Le Comité convient que le G8 doit se montrer plus efficace pour faire preuve de leadership dans la réalisation des objectifs de développement international auxquels il a adhéré.

Recommandation 3

  • Le Canada devrait proposer la création par le G8 d’un groupe de travail sur l’efficacité et la réforme de l’aide auquel participeraient des spécialistes d’organismes non gouvernementaux et de pays en développement.

  • Le Canada aussi devrait présenter un échéancier réaliste afin d’atteindre l’objectif de l’ONU sur la part du PNB affectée à l’aide publique au développement (APD), soit 0,7 %, et insister auprès de ses partenaires du G8 pour qu’ils augmentent substantiellement le niveau d’APD à l’Afrique, avec pour objectif que le niveau global de l’aide des pays du G8 atteigne rapidement le niveau moyen de l’aide des pays contributeurs non membres du G8, soit actuellement 0,46 % du PNB.

  • En plus d’examiner l’efficacité des politiques existantes, le groupe de travail proposé au serait chargé de soumettre un rapport public annuel aux dirigeants du G8 sur les progrès réalisés par les pays du G8 dans l’atteinte des objectifs de l’ONU sur la part du PNB affectée à l’APD et sur leur contribution pour réaliser les objectifs de développement international confirmés lors de récents sommets de l’ONU.

        Selon des témoins, plusieurs de ces objectifs nécessitent des mesures accrues et mieux concertées de la part du G8, notamment les objectifs relatifs à la santé publique et à l’éducation.

        Le Fonds mondial pour la santé des Nations Unies, qui vise à combattre le fléau de la tuberculose, du paludisme et du VIH/SIDA, a été mis sur pied plus tôt cette année. Toutefois, certains témoins ont souligné que les engagements financiers relatifs au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, qui totalisent quelque 2 milliards $US à ce jour, sont nettement insuffisants par rapport aux 7 à 10 milliards de dollars nécessaires. Comme nous l’avons mentionné précédemment, Catherine Little, de Calgary, a fait remarquer que les pays du G8 n’ont pas respecté les engagements en matière de santé qu’ils ont pris lors du Sommet d’Okinawa, en 2000. Elle a exigé la production d’un rapport d’état complet et l’établissement d’un nouveau plan d’action en présentant à l’appui de sa demande les conclusions du rapport de la commission sur la microéconomie et la santé, présidée par le réputé économiste de l’Université Harvard, Jeffrey Sachs28. Ce problème a été confirmé par un témoignage probant livré le jour suivant à Edmonton par trois médecins, Anne Fanning, Stan Houston et Walter Kipp, au nom de l’organisme Halte à la tuberculose Canada. Ils ont fait valoir que même si le Canada s’est engagé à verser 100 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, les pays du G8 pourraient faire beaucoup plus pour investir dans des infrastructures sanitaires absolument nécessaires, en particulier dans les régions rurales de l’Afrique.

        Certains témoins ont louangé le rôle du Canada et sa contribution à l’initiative Éducation pour tous et au groupe de travail du G8 sur l’éducation de base, contribution expliquée au Comité par le président de l’ACDI, Len Good, dans le cadre du témoignage qu’il a livré à l’occasion de la deuxième comparution de l’ambassadeur Fowler, le 25 avril. Ces témoins ont toutefois souligné qu’il reste beaucoup à faire. Lors des audiences de Calgary, Randy Rudolph, coprésident de la séance sur l’éducation qui se déroulera dans le cadre de la conférence G6B de Calgary, du 21 au 25 juin, a fait remarquer que le financement accordé à l’Afrique devra être sept fois plus important pour que ce pays atteigne les objectifs de développement international en matière d’éducation de base (Mémoire, 8 mai 2002). Outre l’établissement d’objectifs de mise en œuvre annuels axés sur les résultats pour les pays donateurs, M. Rudolph a réclamé l’élimination des droits d’utilisateurs et des garanties contre toute augmentation de la prestation de l’enseignement privé, qui engendrent des coûts supplémentaires pour les familles pauvres. Dans un autre mémoire déposé le même jour à Toronto, la Fédération des enseignantes et enseignants des écoles secondaires de l’Ontario a insisté sur la nécessité de maintenir l’enseignement public.

        Sous un thème que l’on pourrait appeler « canaux de connaissances pour tous », le Comité a également écouté le témoignage de Peter Harder, sous-ministre, et celui d’autres membres des secteurs public et privé du comité consultatif canadien auprès du Groupe d’experts du G8 sur l’accès aux nouvelles technologies (GEANT), autre initiative découlant du Sommet d’Okinawa, en 2000. Le Comité convient que l’élimination du fossé numérique constitue un objectif louable et qu’il est possible d’exploiter les technologies de l’information et des communications pour atteindre les objectifs clés. Cependant, comme en font foi les documents et les plans d’action du GEANT, il est toujours aussi urgent de créer des initiatives qui permettront de réellement améliorer les conditions de vie des peuples les plus pauvres, ceux qui ont le moins accès à des technologies aussi vieilles que le téléphone. Richard Fuchs, du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), fait remarquer que la plus grande partie de la révolution numérique en Afrique, notamment dans le cas de l’Internet, s’est limitée principalement à des institutions étrangères et « à un très petit nombre de sociétés de prestige qui se consacrent à l’exportation29 ». Cependant, il existe d’énormes possibilités pour étendre les avantages de cette révolution. Il a souligné que certaines technologies nouvelles sont également les moins chères et les plus accessibles; il est donc possible de faire de grands pas en avant si les conditions sont favorables.

Recommandation 4

  • Le Canada devait exhorter les pays du G8 à collaborer afin d’assurer le financement complet et l’élargissement du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, en accordant la priorité aux infrastructures sanitaires des régions les plus pauvres, et à établir des objectifs de mise en œuvre annuels pour mesurer l’efficacité.

  • De la même façon, le Canada devrait promouvoir l’augmentation de l’aide fournie par le G8 pour l’éducation publique de base dans les pays les plus pauvres, l’établissement d’objectifs annuels en matière de résultats, l’élimination de droits d’utilisateurs et de tout autre obstacle à l’accès universel à l’éducation.

  • Pour ce qui est des initiatives reliées aux technologies de l’information et des communications visant à éliminer le fossé numérique, notamment le GEANT, le Canada devrait collaborer avec d’autres pays pour s’assurer que ces initiatives profiteront en bout de ligne aux citoyens les plus pauvres qui ont le moins accès à ces technologies.

Vers une réforme financière, l’allègement de la dette et la stabilité à l’échelle internationale

        Les propositions les plus complètes pour la réforme des règles financières internationales et des institutions financières internationales ont été soumises au Comité par l’Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens (ATTAC-Québec), lors des audiences de Montréal30. De nombreux autres témoins ont également fait valoir qu’il est impératif de procéder à des réformes, notamment pour éliminer le fardeau de dette insoutenable des pays les plus pauvres et pour prévenir ou du moins mieux gérer les crises financières récurrentes qui touchent les pays en développement. Question de placer le problème dans son contexte, la Banque mondiale a estimé que les pertes reliées à ces crises au cours des 20 dernières années sont de l’ordre d’environ 1 billion de dollars, soit l’équivalent de toute l’APD depuis 1950. Une majorité de témoins se sont également déclarés en faveur de l’imposition d’une petite taxe sur les transactions financières spéculatives, appelée « taxe Tobin » en l’honneur de celui qui l’a mise de l’avant, James Tobin. Lauréat du prix Nobel en économie, M. Tobin est décédé plus tôt cette année.

        Le Canada a agi comme chef de file pour certaines de ces questions, notamment dans le cadre des préparatifs du Sommet de 1995, à Halifax. Le pays a effacé pour environ 1,3 milliard de dettes officielles de pays en développement. Il a également fait pression pour un allègement accru de la dette de pays pauvres par l’entremise de l’Initiative pour alléger l’endettement des pays pauvres très endettés (PPTE). Le ministre des Finances, Paul Martin, a toutefois exprimé sa frustration au sujet de la lenteur du processus, indiquant que seulement cinq pays avaient bénéficié de cette initiative et que trois de ces pays continuaient de supporter des fardeaux de dette insoutenables. M. Martin a réclamé l’adoption rapide de mesures correctives lors des réunions du FMI et de la Banque mondiale, en avril. De nombreux témoins ont indiqué qu’il faudrait aller beaucoup plus loin et procéder à l’annulation pure et simple et sans condition de la dette des pays les plus pauvres, faisant valoir que dans certains cas les dettes ont été remboursées plusieurs fois par l’entremise du service de la dette ou que les pays ne sont tout simplement pas en mesure de les rembourser; dans d’autres cas, les dettes pourraient être déclarées « illégitimes » à d’autres égards31.

        Le Comité est en faveur de l’adoption de mesures plus rigoureuses d’allègement de la dette par les pays du G7. Toutefois, nous ne sommes pas convaincus qu’il faille exclure les éléments conditionnels, car cela éliminerait les incitatifs tout en laissant place à des risques sur le plan de l’éthique. Les pays qui s’efforcent de réduire la pauvreté, de pratiquer une saine gestion publique et d’adopter des mesures démocratiques et contre la corruption devraient profiter d’un traitement plus favorable. Comme l’a souligné John Hoddinott lors des audiences de Halifax : « Le fait de radier simplement la dette sans chercher à s’attaquer aux problèmes qui sont à l’origine de cette dette ne constitue pas une stratégie durable pour le développement à long terme. Temps et efforts sont nécessaires pour mettre en place des stratégies durables…32 ». Il a donné comme exemple le cas de l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, le Malawi. En vertu de l’initiative en faveur des PPTE, ce pays est censé établir un plan crédible de réduction de la pauvreté, mais il ne possède toujours pas la capacité suffisante pour le faire. Nous concluons donc que les mesures d’allègement de la dette doivent s’accompagner d’autres réformes en matière de développement et d’aide pour l’acquisition des capacités nécessaires.

Recommandation 5

Le Canada devrait promouvoir au sein du G7 une réduction supplémentaire accrue de la dette des pays les plus pauvres, assortie de l’appui efficace du G7 pour la mise en place d’un processus de gouvernance transparent et démocratiquement responsable et de mesures contre la corruption, et la mise en œuvre de stratégies crédibles d’atténuation de la pauvreté à long terme dans ces pays.

        En ce qui a trait à l’atténuation et, nous l’espérons, à la prévention des crises financières, nous soulignons ici encore le leadership dont fait preuve le Canada à ce chapitre. Le ministre Martin milite depuis longtemps en faveur de la création de mécanismes qui permettraient la résolution plus rapide et plus ordonnée de ces crises. Le plan d’action du G7 qui semble se dessiner et qui fera l’objet de discussions plus approfondies lors de la réunion des ministres des Finances du G7 du 14 au 15 juin, à Halifax, comprendrait des arrêts du remboursement de la dette, des contrats d’emprunt assortis de clauses d’action collective qui faciliteraient la renégociation de dettes que des pays ne sont plus en mesure de rembourser et enfin des limites préétablies sur le montant des aides financières futures. Comme l’a fait remarquer M. Martin, cela devrait déboucher sur la création d’un « tribunal international des faillites » qui établirait des règles et des attentes claires pour le règlement des crises liées à l’endettement, comme c’est le cas actuellement pour les systèmes régissant les échecs financiers dans les pays concernés33 ».

        Le Comité accueille favorablement les initiatives en ce sens et souligne qu’il a examiné, dans le cadre de son rapport sur le Sommet de 1995 à Halifax, certaines de ces propositions alors qu’elles en étaient au début du processus d’élaboration, dans le contexte d’une réforme du FMI et de l’élimination multilatérale des fardeaux de dette34. Nous sommes également satisfaits de l’argument suivant présenté par la coalition Halifax Initiative : « Tout mécanisme d’arbitrage régissant les dettes devrait être indépendant du FMI puisque ce dernier, en tant que créditeur, est assujetti aux impératifs politiques de son principal actionnaire, les États-Unis. Bien qu’un tribunal d’arbitrage puisse contribuer à la conclusion d’une entente ordonnée sur le règlement d’une dette, il ne permettra pas d’éviter les crises35.

        Enfin, le Comité souligne l’intérêt manifesté par de nombreux témoins pour l’adoption d’une taxe sur les transactions monétaires (semblable à la taxe « Tobin ») comme mesure qui aiderait à stabiliser les mouvements de capitaux à court terme, ce qui aurait également pour effet de dégager des sommes pouvant être consacrées à la réalisation des objectifs de développement international. Nous avons d’ailleurs conclu, dans notre rapport précédant le Sommet de 1995, que cette idée méritait d’être examinée par le G736. Certains témoins ont fait état de la résolution favorable en ce sens qui a été adoptée par la Chambre des communes en mars 1999. Bien que plusieurs des témoins entendus aient exprimé leur scepticisme au sujet de la possibilité de créer une telle taxe et de son efficacité, le mémoire de la coalition Halifax Initiative mentionne un rapport favorable publié en février 2002 pour le compte du ministère de la Coopération économique de l’Allemagne, et portant sur la façon dont une taxe sur les transactions financières peut être appliquée aux opérations effectuées en euros. En outre, certains témoins ont demandé que l’on envisage la mise en place d’autres mesures visant à exercer une gestion plus efficace des vastes mouvements de capitaux internationaux facilités par la libéralisation financière mondiale, afin que ces capitaux ne soient pas utilisés pour le crime international ou encore pour financer des activités terroristes. Dans son mémoire, l’ATTAC-Québec a d’ailleurs demandé l’adoption de mesures visant à contrer le blanchiment d’argent et d’autres formes de crimes financiers, ainsi que l’évasion fiscale créée par l’entremise de paradis fiscaux et d’une concurrence fiscale préjudiciable.

Recommandation 6

Le Canada devrait continuer de faire preuve de leadership au sein du G7 pour améliorer les mécanismes internationaux visant la gestion des crises financières internationales et la prévention des crises récurrentes et futures, notamment par la création d’un tribunal international des faillites. Dans le cadre d’un plan d’action du G7 sur la stabilisation financière, le Canada devrait appuyer la tenue d’une étude de faisabilité concernant l’adoption d’une taxe sur les transactions monétaires semblable à la taxe Tobin. Le Canada devrait également faire pression pour l’application plus efficace des conventions de l’OCDE et d’autres instruments internationaux servant à contrer la corruption et l’exploitation de réseaux financiers internationaux à des fins criminelles, et pour mettre fin à l’évasion fiscale, notamment celle qui repose sur l’existence de paradis fiscaux.

Voir plus loin que la croissance : promouvoir la justice et la viabilité

        De nombreux témoins nous ont dit, de différentes façons, que non seulement un paradigme conventionnel de développement économique mondial axé sur la croissance ne suffit pas, mais qu’une telle approche pourrait nous orienter dans la mauvaise direction et se faire au détriment de l’intérêt commun des Canadiens et des valeurs qui leur sont chères. S’exprimant avec passion et compassion, ces témoins ont parfois déploré le caractère trop limité de l’ordre du jour économique du G8 et nous ont invités à remettre en question certaines hypothèses.

        Les questions liées aux droits de la personne — notamment le droit de vivre en paix — ont particulièrement soulevé des inquiétudes, de même que le lien entre les facteurs socio-économiques et la justice et la viabilité sur le plan écologique. Selon certains témoins, les politiques en matière d’aide, d’échanges commerciaux et d’investissements et les autres initiatives visant à stimuler l’activité économique doivent être régies en vertu d’un cadre qui confirme les droits reconnus à l’échelle internationale et qui donne lieu à des modèles de production et de consommation qui seront viables à long terme dans le contexte mondial. Les suggestions suivantes ont été faites à l’intention du G8 : que son ordre du jour tienne compte de la question des droits de la personne37; utiliser des indicateurs novateurs pour mesurer les progrès accomplis en matière de développement humain; promouvoir l’utilisation des lignes directrices de l’OCDE par les entreprises multinationales; soumettre les organismes de crédit à l’exportation à des normes d’éthique communes et rigoureuses; mettre en place des normes de responsabilisation sur les marchés internationaux qui seront appliquées au moyen de mécanismes indépendants de surveillance, de vérification et de conformité. Au sujet de cette dernière proposition, voici ce qu’a déclaré le révérend Clint Mooney, du Comité inter-Églises sur les responsabilités des corporations, groupe de Calgary : « L’adoption d’un code d’éthique international est la prochaine étape obligée pour s’assurer que les normes en matière de droits de la personne, les accords environnementaux et les normes du travail seront respectés. Le caractère prévisible des comportements et la stabilité économique qui résulteraient de l’adoption et de la mise en œuvre d’un tel code seraient bénéfiques pour le commerce, les gouvernements, l’environnement et les collectivités de partout dans le monde38.

        En ce qui a trait à la viabilité de l’environnement, certains témoins ont soutenu que les approches actuelles de croissance économique doivent changer. Par exemple, Mark Butler, du Ecology Action Centre de Halifax, a servi la mise en garde suivante : « La dégradation de l’environnement pose des risques pour des écosystèmes entiers, des régions entières et dans certains cas des pays entiers. Si nous continuons dans la voie actuelle, les impacts économiques et les décès reliés à la dégradation de l’environnement vont dépasser les effets de n’importe quelle attaque terroriste39.Témoignant au nom de Science et paix, Derek Paul a soutenu que « les politiques et les attitudes dépassées devront changer » si « l’empreinte écologique » mondiale ne parvient pas à dépasser de façon croissante sa limite en matière de durabilité40. D’autres témoins comme Desirée McGraw, directrice du Groupe de recherche sur le G8, à Montréal, ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de la lenteur du Canada sur les questions environnementales, mais ils ont souligné que le Sommet du G8 qui se déroulera en juin et le Sommet mondial pour le développement durable qui se tiendra à Johannesburg au mois de septembre constituent des occasions uniques pour le Canada de se repositionner comme chef de file en matière d’environnement41.

        Toronto, Sarah Blackstock de Greenpeace Canada a indiqué que le G8 devrait accorder la priorité à ses engagements relatifs au changement climatique, y compris ceux pris en vertu du protocole de Kyoto, et aux initiatives en matière d’énergie renouvelable, notamment en adoptant les recommandations du rapport du Groupe de travail du G8 sur l’énergie renouvelable. Mme Blackstock a clairement exprimé sa position : « Les choix énergétiques qui seront faits au cours des 20 prochaines années dicteront la nature de notre développement collectif pour des dizaines d’années à venir. Devrions-nous continuer de faire des choix énergétiques traditionnels et opter pour les combustibles fossiles, l’énergie nucléaire et d’autres technologies du 19e et du 20e siècle, même si ces options sont non viables et qu’elles n’ont pas permis d’offrir ne serait-ce que le moindre service de base aux deux millions de personnes qui comptent parmi les plus pauvres au monde42?

        Ces points de vue sont peut-être provocateurs et discutables. Toutefois, ils reflètent des préoccupations légitimes sur l’orientation des politiques actuelles et les tendances sur le plan international. Ces préoccupations sont sans aucun doute partagées par un grand nombre de Canadiens et le Comité est d’avis que c’est à ses risques et périls que le G8 n’en tient pas compte.

Recommandation 7

Le Canada devrait exhorter les pays du G8 à tenir compte des impacts positifs et négatifs possibles des mesures visant à répondre aux défis de la mondialisation sur l'atteinte des objectifs en matière de droits humains internationaux, sociaux, culturels et environnementaux.


12      Déclaration produite pour le Comité monétaire et financier international du Fonds monétaire international, Washington D.C.,
            le 20 avril 2002.

13       Cf. Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale : récessions et reprises, Washington, D.C.
            avril 2002; Organisation de coopération et de développement économiques, Perspectives économiques de l’OCDE no 71,
            édition préliminaire
, Paris, parue le 25 avril 2002.

14      Selon « l’indice Big Mac », créé il y a 16 ans par le magazine The Economist, en faisant abstraction des replis récents, le dollars
            américain n’a jamais été aussi surévalué par rapport à la valeur moyenne des autres grandes devises qu’à l’heure actuelle
            (« Big MacCurrencies », The Economist, le 27 avril 2002, p. 76.) De l’avis de C. Fred Bergsten, de l’Institute for International Economics,
            l’ampleur du déficit commercial des États-Unis est telle que le pays a besoin d’attirer des investissements annuels étrangers de l’ordre
            de 500 milliards $US. M. Bergsten soutient que si les dirigeants des grandes puissances économiques mondiales ne tiennent pas compte
            de l’effet combiné du mauvais alignement des devises et des déficits du compte courant, on pourrait assister à une poussée de
            protectionnisme commercial et à un effondrement du dollar qui menaceraient l’équilibre mondial. (« The Transatlantic Century »,
            The Washington Post, le 30 avril 2002, p. A19.)

15      Ces extraits ont uniquement pour but de donner un aperçu des témoignages reçus d’un bout à l’autre du pays. Il est recommandé de
            lire également les mémoires complets et les documents relatifs aux séances.

16        Cf. Globalization, Growth, and Poverty: Building an Inclusive World Economy, World Bank Policy Research Report,
            Washington, D.C., 2002.

17       Dans son mémoire soumis au Comité le 6 mai à Winnipeg, la Commission canadienne du blé a eu le commentaire suivant :
            « Si le Sommet du G8 de 2002 désire examiner sérieusement la question du renforcement de la croissance économique mondiale,
            il devra se pencher sur les problèmes qui toucheront le commerce des produits agricoles après l’entrée en vigueur du Farm Bill
            aux États-Unis. » p. 5.

18       Le professeur Cohn a présenté certaines conclusions tirées de son livre à paraître, Governing Global Trade: International
            Institutions in Conflict and Convergence
, dans la série sur le G8 et la gouvernance mondiale de la maison Ashgate.

19       Le Canada et l’avenir de l’Organisation mondiale du commerce : Pour un programme du millénaire qui sert l’intérêt public,
            juin 1999.

20       Pour un nouveau cycle de négociations efficace : Les grands enjeux du Canada à l’OMC, mai 2002, en particulier les
            p. 12 à 28, y compris les recommandations 2 à 8.

21       Deux poids deux mesures : Commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté, Oxfam, avril 2002, p. 8 et passim
            (http://www.marketradefair.com).

22       Gauri Sreenivasan et Ricardo Grinspun, Mondialisation du commerce — Mondialisation de la pauvreté, Les enjeux pour
            le Canada : perspectives des ONG
, Introduction, Article 1, série du CCCI sur le commerce et la pauvreté, Ottawa, mars 2002, p. 1.

23       Mémoire, 6 mai 2002, p. 3.

24       Source : Sreenivasan et Grinspun, op. cit., p. 5.

25       Dans le cadre d’une allocution livrée le 21 avril à l’intention du Comité du développement de la Banque mondiale et du Fonds
            monétaire international, le ministre des Finances, Paul Martin, a dressé les grandes lignes d’une stratégie canadienne visant à
            accroître l’efficacité de l’APD. L’Agence canadienne de développement international (ACDI) a également mené de vastes consultations
            sur l’amélioration de l’efficacité de l’aide et le Comité a appris lors de sa visite à Vancouver le 6 mai que le Cabinet envisagera sous peu
            l’établissement d’une nouvelle politique en ce sens. Lors de sa comparution devant le Comité le 23 mai, la ministre de la Coopération
            internationale, Susan Whelan, a indiqué que ce document de l’ACDI sera rendu public en juillet 2002.

26       Selon des données provisoires publiées en mai 2002 par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, le rapport moyen des
            pays du G7 a connu une baisse, passant de 0,19 % en 2000 à 0,18 % en 2001, tandis que celui des pays non membres du G7 a
            connu une hausse, passant de 0,45 % en 2000 à 0,46 % en 2001.

27       The Reality of Aid 2002: An Independent Review of Poverty Reduction and International Development Assistance, IBON Foundation
            Inc., Manille, 2002, partie sur le Canada produite par Brian Tomlinson du CCCI, p. 177.

28      Macroeconomics and Health: Investing in Health for Economic Development, Organisation mondiale de la santé, Genève,
            décembre 2001.

29       Témoignages, 16 avril 2002, réunion no 68, 9 h 25.

30       Mémoire, 27 février 2002.

31       La coalition Halifax Initiative donne un sens très large à l’expression « dettes illégitimes » : dettes qui ne peuvent pas être amorties
            sans causer des préjudices à des citoyens ou à des collectivités; dettes odieuses contractées pour renforcer des régimes
            despotiques; dettes contractées à des fins frauduleuses; dettes dont le produit a été volé par voie de corruption; dettes qui ne
            peuvent plus être remboursées parce que les créditeurs ont unilatéralement haussé les taux d’intérêts. (Mémoire, 14 mai, p. 2)

32       Témoignages, 27 février 2002, réunion no 61, 9 h 55.

33      Paul Martin, « Foreign Debt: There's a Better Way », The Globe and Mail, 8 mai 2002, p. A15.

34       CPAECI, De Bretton Woods à Halifax et au-delà, mai 1995, p. 40 à 42.

35       Mémoire, 14 mai 2002, p. 2.

36       Cf. De Bretton Woods à Halifax et au-delà, p. 55 à 58, y compris la recommandation 18.

37       À ce sujet, outre le mémoire d’Amnistie Internationale, le Comité a reçu un long mémoire de suivi de l’organisme Droits et
            Démocratie, intitulé « Human Rights and Democratic Development in Africa: Policy Considerations for Africa’s Development in the
            New Millennium in Preparation for the G8 Summit », 21 mai 2002.

38       Mémoire, Calgary, 8 mai 2002, p. 2.

39       Mémoire, Halifax, 27 février 2002.

40      Mémoire, « Essentials of Foreign Policy Decision Making », Toronto, 7 mai 2002, p. 24.

41       Témoignages, 27 février 2002, réunion no 62, Montréal, 15 h 40.

42       Mémoire, Toronto, 7 mai 2002, p. 3.