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FOPO Rapport du Comité

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PARTIE II - STRATÉGIE DE GESTION DES OCÉANS

La partie II de la Loi, Stratégie de gestion des océans, en est l’élément fondamental. Elle repose sur trois principes clés : le développement durable, la gestion intégrée des activités et la prévention. La mise en œuvre de la Stratégie de gestion des océans s’appuie sur deux programmes : la gestion intégrée et les zones de protection marine (ZPM).

ZONES DE PROTECTION MARINE

A. Introduction

Une partie importante de l’étude du Comité est consacrée aux zones de protection marine. L’article 35 de la Loi autorise le ministre des Pêches et des Océans à créer des ZPM. Ces dernières constituent un outil de protection et de conservation du milieu marin dans les secteurs de l’océan qui, croit-on, nécessitent une attention particulière. Un secteur peut être désigné ZPM pour diverses raisons, notamment la conservation et la protection :

  • des ressources halieutiques commerciales et non commerciales;
  • des espèces marines en péril ou menacées et de leur habitat;
  • des habitats marins uniques;
  • des zones de haute biodiversité ou productivité biologique.

Les témoins étaient en faveur du concept des ZPM, mais ils ont également soulevé plusieurs questions relativement à la lenteur de leur création, au zonage, au processus et à la précision des termes.

B. Progrès

Lorsque les audiences du Comité ont commencé, cinq projets pilotes de ZPM avaient été entrepris : Race Rocks, situé à proximité de Victoria (Colombie-Britannique); Gabriola Passage, situé dans les Gulf Islands de la Colombie-Britannique; Bowie Seamount, situé à environ 180 km à l’ouest des îles de la Reine-Charlotte; Endeavour Hot Vents, situé à environ 250 km au sud-ouest de Vancouver; et Sable Gully, situé à environ 200 km de la côte est de la Nouvelle-Écosse. Plusieurs autres endroits ont été désignés zones d’intérêt. Cependant, au moment où le Comité a tenu ses audiences, aucun site n’avait encore le statut officiel de zone de protection marine.

Plusieurs témoins se sont dits préoccupés de la lenteur apparente de la création des ZPM. D’après un commentaire représentatif, si la désignation des ZPM se poursuit à la cadence actuelle, le programme ne sera pas très efficace pour protéger les espèces en péril ou menacées et leurs habitats.

À titre d’exemple, la section de la Colombie-Britannique de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (SPPSNC) a indiqué que le rythme avait ralenti au cours de l’année précédente. La SPPSNC a fait remarquer qu’en août 1998, les organismes fédéraux et provinciaux avaient lancé une stratégie conjointe sur les ZPM, présentant une vision et des objectifs communs pour les ZPM de la côte de la Colombie-Britannique; toutefois, aucune stratégie modifiée reposant sur une vaste consultation publique n’a été présentée. La SPPSNC a déploré que la stratégie ne comporte pas de plans d’action ni d’échéanciers clairs pour mettre en œuvre un système représentatif de ZPM d’ici 2010, ce qui était le but énoncé. D’autres témoins étaient également d’accord pour dire qu’un échéancier était nécessaire pour la désignation des ZPM.

La SPPSNC a également indiqué que même si le processus public du projet pilote de ZPM de Race Rocks semblait bien fonctionner, les progrès réalisés dans les autres sites de la Colombie-Britannique ont pris du retard. Elle croit que le MPO doit redoubler d’efforts pour démontrer son engagement à l’égard du programme et pour rassurer le public que le programme sera maintenu.

C. Programmes complémentaires

Les ZPM constituent l’un de trois programmes fédéraux complémentaires, dont chacun a des objectifs différents, et qui ont pour objet l’établissement de zones marines protégées dans les eaux canadiennes.

  • Les zones de protection marine (voir ci-haut).
  • Le programme d’aires marines nationales de conservation du Canada, qui relève de Parcs Canada, dépend toujours de l’adoption du projet de loi C-10 : Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada. Cette loi établira un système de grandes aires marines de conservation polyvalentes qui représenteront, lorsqu’elles auront été créées, les 29 régions marines du Canada.
  • Le Service canadien de la faune, régi par la Loi sur les espèces sauvages du Canada et la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, assure la conservation des principales aires marines et proches du rivage en fonction de la faune, de la recherche, de la conservation et de l’éducation du public en établissant des sanctuaires d’oiseaux migrateurs, des réserves nationales de faune et des réserves marines d’espèces sauvages (aires protégées qui s’étendent au-delà de 12 milles au large). (Jusqu’à présent, aucune réserve marine d’espèce sauvage n’a été établie.)

Le Comité a entendu des points de vue divergents sur la multiplicité des types de zones marines protégées. D’une part, la SPPSNC a insisté sur la nécessité d’une série de désignations de zones protégées fédérales, chacune ayant des fonctions et des buts complémentaires. La SPPSNC a fait valoir que les trois programmes distincts pourraient contribuer de façon importante à la protection des écosystèmes marins du Canada sans dédoublement inutile du travail ou gaspillage des maigres ressources publiques. Selon la SPPSNC, les ministères fédéraux ont bien travaillé ensemble pour atteindre l’objectif commun d’établir un réseau de zones marines protégées tout en s’efforçant d’éviter le chevauchement et le dédoublement, et il y a également eu un niveau inégalé de coopération entre les gouvernements fédéral et provinciaux. La SPPSNC exhorte le Comité à appuyer l’adoption du projet de loi C-10 : Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada.

Par ailleurs, d’autres témoins étaient d’avis que la diversité des désignations de zones marines protégées créait de la confusion relativement aux responsabilités des divers organismes et à leurs processus de planification en milieu marin, entraînant chevauchements et dédoublements. On a également fait valoir que le projet de loi C-5, Loi sur les espèces en péril, pourrait créer des « résidences » d’espèces menacées qui seraient protégées par Environnement Canada ce qui ajouteraient une autre catégorie de zone protégée et accroîtrait la confusion. Des témoins ont donc recommandé que l’intendance et la gestion durable du milieu marin au Canada relèvent d’un seul organisme.

Le Comité est d’accord : il estime que toute dérogation à l’autorité du ministre des Pêches et des Océans est préoccupante. Il recommande donc :

Recommandation 4 :

Qu’un comité interministériel soit créé pour assurer que l’intendance et la gestion durable du milieu marin relève du ministre des Pêches et des Océans.

D. Processus

Même si les rapports relatifs à la collaboration entre les gouvernements et entre les agences sur la côte Ouest étaient généralement positifs, les témoins de la Nouvelle-Écosse ont affirmé qu’il y avait eu peu de collaboration entre les organismes gouvernementaux sur la côte Est pour faire progresser l’aménagement de ZPM et que le MPO n’avait pas encore reconnu la possibilité de l’intervention des organisations non gouvernementales (ONG) et de la collectivité dans l’aménagement de ZPM. Une suggestion a été présentée selon laquelle le MPO devrait établir une stratégie de ZPM et un plan de gestion intégrée en ce qui concerne les ZPM de la région de l’Atlantique.

Le Comité a également appris que les processus nécessaires pour la protection des sites en vertu de la Loi sur les océans avaient été une source de frustration pour les universitaires et les ONG. Il a été suggéré que le MPO élabore un guide pour la désignation des ZPM à l’intention des ONG et des parties qu’intéresse le processus relatif aux ZPM. Toutefois, le Comité note que le MPO a publié, en mars 1999, deux documents qui semblent jouer dans une large mesure ce rôle : Politique sur les zones de protection marine et Cadre national pour l’établissement et la gestion des zones de protection marine. Le Cadre précise également que le programme des ZPM donne la possibilité aux collectivités côtières et aux organisations de conservation non gouvernementales de participer étroitement au processus relatif aux ZPM, de la proposition et de la cogestion des sites aux activités de consultation et aux programmes de sensibilisation du public.

On a également recommandé au Comité que le MPO dresse une liste des sites de ZPM suggérés et la rende publique pour que les groupes soient en mesure de colliger l’information et de faciliter l’aménagement des ZPM. Le Comité convient que ce serait un outil valable et facilement réalisable dans le site Web « Outil de repérage des activités des programmes sur les océans » (ORAPO) du MPO, qui donne des renseignements détaillés sur les projets de gestion intégrée, sur les ZPM et sur les projets de qualité du milieu marin. Le Comité recommande :

Recommandation 5 :

Que le MPO prenne les moyens d’offrir sans tarder au public l’information sur les nouvelles ZPM suggérées dans son « Outil de repérage des activités des programmes sur les océans » de son site Web ainsi que par d’autres médias.

En outre, certains témoins ont indiqué qu’il fallait une plus grande collaboration en matière de recherche entre le MPO et l’industrie, les ONG, les universitaires, les groupes autochtones, les collectivités et les groupes de pêcheurs, ainsi qu’il est mentionné au paragraphe 33(2), et ils ont recommandé que le Ministre soit tenu de consulter ces groupes en particulier pour obtenir des renseignements supplémentaires sur les milieux marins.

E. Zonage

Certains témoins ont demandé au Comité que les ZPM soient strictement des « zones à ne pas exploiter » et ont recommandé des mesures supplémentaires, notamment la protection du benthos et l’aménagement de zones tampons autour des ZPM afin d’en assurer toute l’efficacité. La SPPSNC a demandé des normes de protection minimales pour toutes les ZPM. Elle a fait remarquer qu’une initiative fédérale-provinciale en Colombie-Britannique avait permis de déterminer qu’il fallait établir des normes de protection minimales, y compris l’interdiction de l’exploration et de la mise en valeur des ressources non renouvelables ainsi que du dragage et du déversement dans les ZPM. Selon la SPPSNC, le chalutage par le fond et la pisciculture sont également incompatibles avec les objectifs de conservation des ZPM et doivent en être exclus.

La SPPSNC a recommandé que le MPO, dans ses politiques nationales et régionales, reconnaisse explicitement et instaure des zones libres de récolte ― à ne pas exploiter ― dans tout le réseau des ZPM qui seront établies dans les océans du Canada. Elle souligne que les zones marines protégées sont utilisées de plus en plus de par le monde comme outil de conservation de la biodiversité marine et que les spécialistes des sciences de la mer ont insisté sur l’importance d’inclure les zones fermées à toute récolte dans un réseau de ZPM.

La British Columbia Seafood Alliance préconise par contre la reconnaissance explicite de l’importance de favoriser et d’accroître la production de produits comestibles de la mer dans l’aménagement des ZPM. Dans le cadre de cette démarche, les ZPM ne feraient pas simplement partie de la stratégie d’ensemble pour conserver les écosystèmes marins, mais s’inséreraient dans une stratégie visant à promouvoir les possibilités de récolte et de culture durables des produits de la mer. Par conséquent, du point de vue de l’Alliance, les ZPM (et les aires marines de conservation) devraient comporter une grande diversité d’utilisations et de désignations de zonage plutôt que de n’être que des « zones à ne pas exploiter », zones dont la création devrait se justifier par des critères scientifiques défendables au-delà des mesures de gestion courantes du MPO.

Le Comité souligne que le Cadre national pour l’établissement et la gestion des zones de protection marine traite déjà de bon nombre de ces questions. En effet, le Cadre reconnaît que la Loi sur les océans permet de définir des sous-zones comportant des niveaux de protection différents à l’intérieur des ZPM, de sorte que le plan de gestion d’une ZPM pourrait préciser les activités autorisées et interdites dans chaque sous-zone. Ces niveaux de protection pourraient comprendre des sous-zones qui sont rigoureusement « à ne pas exploiter » ou même « sans activité ». Le Cadre décrit également l’utilisation de zones tampons autour des ZPM pour protéger ces dernières des empiétements inutiles de l’activité humaine afin de conserver et de protéger les ressources marines et les habitats dans les ZPM.

La B.C. Seafood Alliance a ajouté que même si les ressources marines sont réputées être du domaine public, l’industrie des produits de la mer doit être dédommagée des préjudices économiques subis par suite de la perte de la possibilité de mener ses activités soit avec permis ou par une sorte de droit acquis dans les zones à ne pas exploiter, de la même façon que les propriétaires privés ou les détenteurs de terres publiques sont dédommagés dans l’éventualité de la création d’un parc terrestre. Dans le même ordre d’idées, la Area 19 Snow Crab Fishermen’s Association a recommandé de modifier le paragraphe 35(3) de la Loi (Règlements relatifs aux ZPM) afin de reconnaître la perturbation possible pour les pêcheurs que peut occasionner la désignation d’une ZPM et de prévoir la consultation des pêcheurs qui risquent d’être touchés.

La Area 19 Snow Crab Fishermen’s Association a recommandé d’ajouter un nouveau paragraphe 35(3) qui se lirait ainsi :

Lorsque les raisons indiquées ci-dessus sont déterminées [c.-à-d. les raisons de créer une ZPM], le Ministre rencontre et consulte toutes les organisations de pêcheurs qui ont un intérêt direct ou un droit de pêche acquis dans la zone qui doit être protégée.

Le paragraphe 35(3) deviendrait 35(4) et serait modifié pour se lire ainsi :

Lorsque les consultations sont terminées, sur la recommandation du Ministre, le gouverneur en conseil peut, par règlement …

Le Cadre reconnaît que les activités existantes ou proposées peuvent entrer en contradiction avec les objectifs de conservation d’une ZPM. Dans ce cas, le plan de gestion peut permettre l’élimination progressive de l’activité ou, lorsque l’exploitant a des droits qui sont reconnus officiellement ou qui s’assimilent à des droits acquis l’autorisant à utiliser les resources de la zone, des ententes peuvent être négociées entre l’exploitant et l’autorité responsable pour la protection des ressources de la zone. Le Cadre prévoit que les plans de gestion des ZPM doivent accorder la latitude nécessaire pour utiliser les outils en fonction des conditions locales, en collaboration avec les utilisateurs de la ressource.

1. Zones de protection marine provisoires et mesures de protection provisoires

Le paragraphe 36(1) de la Loi sur les océans prévoit que, sur la recommandation du Ministre, le gouverneur en conseil peut créer une ZPM provisoire en cas d’urgence. Toutefois, les décrets pris en vertu de ce paragraphe sont limités, c’est-à-dire qu’ils doivent respecter les accords sur les revendications territoriales existants. La Area 19 Snow Crab Fishermen’s Association a avancé que les accords sur les revendications territoriales ne devraient pas empêcher le Ministre de prendre les mesures voulues pour protéger le milieu marin et l’Association a recommandé de modifier l’article 36 en supprimant le membre de phrase suivant : « dans la mesure où le décret n’est pas incompatible avec quelque accord sur les revendications territoriales ratifié, mis en vigueur et déclaré valide par une loi fédérale ».

Il convient de noter toutefois que le paragraphe 36(1) a été rédigé ainsi à la suite des inquiétudes exprimées par le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, la Nunavut Tunngavik Incorporated et le Inuit Tapirisat of Canada lorsque le projet de loi C-98 a été présenté au Comité des pêches et des océans. Le libellé a été ajouté pour assurer la cohérence avec les paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi concernant l’accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Compte tenu de la longueur de la période nécessaire pour établir les ZPM, des témoins ont suggéré l’application de mesures de protection provisoires aux zones d’intérêt. Le Comité note que le Cadre national pour l’établissement et la gestion des zones de protection marine reconnaît que la désignation d’un site comme zone d’intérêt n’assure pas à ce dernier une protection immédiate. Toutefois, le Comité estime que ce changement est inutile car le Cadre souligne que le gouvernement dispose déjà de mesures pour protéger les ressources marines et les habitats de façon provisoire ou à long terme.

2. Précision de la terminologie

Des témoins ont indiqué que la Loi sur les océans utilise une terminologie qui se tient en théorie, mais qui doit être définie et appliquée avec précision dans la pratique pour être efficace. Ils recommandent de préciser les termes utilisés dans le paragraphe 35(1), qui énumèrent les raisons de désigner les ZPM, y compris : « des espèces en voie de disparition et des espèces menacées, et de leur habitat », « habitats uniques » et « riches en biodiversité » ou « productivité biologique ». Ils recommandent également de définir avec plus de précision le terme « prévention » dans la Loi sur les océans et que le MPO détermine comment et quand devrait s’appliquer le principe de la prévention. Enfin, ils suggèrent que l’expression « méthode des écosystèmes » dans le préambule de la Loi sur les océans soit définie pour préciser la façon dont le Ministre entend protéger les écosystèmes en vertu de la Loi sur les océans. Le Comité en convient et recommande :

Recommandation 6 :

Que ces ternes soient définis clairement dans la Loi elle-même ou qu’on renvoie aux autres lois qui les définisssent.

GESTION INTÉGRÉE

A. Introduction

On suppose dans les articles 31 et 32 de la Loi sur les océans que le ministre des Pêches et des Océans collaborera avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les organisations autochtones et les collectivités côtières pour diriger et favoriser la gestion intégrée. La gestion intégrée constitue l’un des principes de base de la Stratégie de gestion des océans et elle est vue comme un processus décisionnel qui permet aux intervenants et aux autorités de travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs et réaliser des plans et des priorités communs touchant une question ou un secteur géographique en particulier. La gestion intégrée repose sur les préceptes selon lesquels les intervenants, y compris les ministères fédéraux, ne doivent pas mettre en œuvre des plans touchant les océans sans rechercher la collaboration des autres parties intéressées; les conflits doivent être traités à l’étape de la planification; et les plans de gestion à long terme doivent reposer sur des objectifs régionaux et nationaux.

Dix-huit initiatives de gestion intégrée sont actuellement à l’essai dans les trois régions océaniques du Canada, y compris le projet de gestion intégrée de l’est du plateau néo-écossais; le projet de gestion intégrée des zones littorales de la haute Côte-Nord du Saint-Laurent; le Southern Beaufort Marine Coastline Project; et l’initiative de l’écosystème du bassin de Géorgie. Le Comité a appris que des programmes régionaux sont utilisés pour mettre en œuvre la Loi sur les océans et pour acquérir de l’expérience dans un cadre national de gestion intégrée. On croit que l’établissement simultané d’un cadre stratégique national et de programmes et d’initiatives régionaux, infrarégionaux et locaux par les régions du MPO renforce la démarche pragmatique de « l’apprentissage par l’action » de la Loi sur les océans.

B. Objectifs environnementaux

Le Sierra Club of B.C. a indiqué que l’article 31 (Plans de gestion intégrée) ne mentionne aucunement les plans visant : la destruction, la transformation ou la dégradation de l’habitat estuarien, côtier ou marin; les diminutions ou les changements des populations de poisson, de crustacés et de mollusques, d’invertébrés, de plantes ou de mammifères marins; l’arrivée d’espèces exotiques; l’incidence de la croissance de la population; le détournement ou la transformation des cours d’eau douce; la contamination toxique; les déversements de pétrole ou de produits chimiques; ou la pollution terrestre. Le Comité convient qu’il s’agit là d’objectifs valables de gestion intégrée; toutefois, il fait remarquer que plutôt que de préciser des activités, l’article 31 autorise le Ministre à diriger et à favoriser la mise en œuvre de plans de gestion intégrée.

Le Sierra Club of B.C. a également recommandé de donner plus de force au paragraphe 32d) afin de permettre la surveillance et la collecte des données pour mieux comprendre les océans ainsi que les ressources vivantes et les écosystèmes qu’ils contiennent, et de rendre obligatoire l’établissement de directives, d’objectifs et de critères de qualité des habitats estuariens, côtiers et marins. Le Comité a fait remarquer que l’alinéa 33(1)c) oblige déjà le Ministre à recueillir, à dépouiller, à analyser, à coordonner et à diffuser de l’information. En outre, le paragraphe 42a) autorise le Ministre à exercer ses pouvoirs et à s’acquitter des devoirs et fonctions prescrits à l’alinéa 4(1)c) de la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, c’est-à-dire recueillir des données pour comprendre les océans, les ressources vivantes et les écosystèmes qui s’y trouvent.

C. Consultation

Le Sierra Club of B.C. a de plus recommandé au Comité que le paragraphe 33(1) (Coopération et accords) soit modifié pour y ajouter la consultation publique. Toutefois, le paragraphe 33(2) (Consultation) prévoit que le Ministre, dans l’exercice des attributions prévues à la partie II, peut consulter d’autres ministres, conseils et organismes fédéraux, ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organisations autochtones, les collectivités côtières et d’autres personnes de droit public et de droit privé intéressées, y compris celles constituées dans le cadre d’accords sur des revendications territoriales. Le Comité recommande plutôt :

Recommandation 7 :

Que le paragraphe 33(2) soit modifié pour se lire comme suit « Dans l’exercice des attributions de cette partie, le Ministre consultera… »

D. Exploration des hydrocarbures

Le Comité est d’avis qu’une des questions les plus importantes qui s’est dégagée au cours de l’examen de la Loi sur les océans concernait la façon dont les permis d’exploration des hydrocarbures étaient accordés au large de la côte du Cap-Breton par l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers (OCNEHE). En effet, l’octroi de ces permis semble échapper à toute orientation stratégique dans l’optique de la Stratégie de gestion des océans.

En décembre 1998, l’OCNEHE a lancé l’appel d’offres NS98-2 visant les nouveaux permis d’exploration de 20 « parcelles » dans le secteur extracôtier de la Nouvelle-Écosse. Des soumissions ont été reçues pour 19 parcelles. Une des soumissions retenues portait sur la « parcelle de terrain numéro 1 », qui englobe une grande superficie du sud du golfe du Saint-Laurent située au large de la côte ouest du Cap-Breton.

L’annonce de l’ouverture de la région située au sud du golfe à l’exploration des hydrocarbures a alerté les organisations de pêcheurs et les collectivités de la région. Le sud du golfe du Saint-Laurent est l’une des zones de pêche les plus productives des eaux canadiennes et le secteur où se trouve la parcelle 1 abrite un important habitat de fraie pour de nombreuses espèces que l’on trouve dans le sud du golfe et il longe les voies de migration de nombreuses espèces du sud du golfe. Le sud du golfe est également un des plus grands secteurs du monde pour la production de homard, le pilier de la pêche du golfe.

En réaction à l’inquiétude croissante du public, le ministre des Ressources naturelles du Canada, Ralph Goodale, et le ministre responsable du Petroleum Directorate et de la Loi de mise en œuvre de l’Accord, du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, Gordon Balser, ont publié une directive conjointe le 20 octobre 2000. La directive exigeait que l’OCNEHE effectue un examen public des activités éventuelles d’exploration d’hydrocarbures et de forage concernant les permis d’exploration 2364, 2365 et 2368. Le permis d’exploration 2368 correspond à la parcelle 1 visée par l’appel d’offres NS98-2. Les deux autres parcelles sont situées dans le secteur Sidney Bight. Contrairement aux permis d’exploration précédents, qui ont tous été délivrés pour des parcelles situées au large des côtes, les trois permis d’exploration qui doivent faire l’objet d’un examen public concernent des parcelles le long du littoral du Cap-Breton. La parcelle 1 est également contiguë au littoral de l’Île-du-Prince-Édouard.

Bien que le Comité appuie la commission chargée de l’examen public, il exprime certaines réserves en ce qui a trait aux restrictions du mandat et à la composition de la commission. Le Comité indique que la commissaire est habilité à effectuer un examen public des effets des activités éventuelles d’exploration d’hydrocarbures et de forage concernant les secteurs touchés par les permis en ce qui concerne :

  • les répercussions socioéconomiques;
  • les répercussions sur l’écosystème;
  • l’atténuation des répercussions.

Le Comité est d’avis que la commissaire aurait dû recevoir un mandat plus large qui l’aurait expressément chargé d’établir si les secteurs à l’étude doivent faire l’objet d’un moratoire et de formuler des recommandations en conséquence. Comme la protection de la biodiversité et de la productivité de cette région du sud du golfe est la raison principale de l’existence de la commission, le Comité est d’avis qu’il aurait été préférable qu’une personne représentant la collectivité des pêcheurs dans la région fasse partie du personnel de la commission.

Le Comité ne disconvient pas que l’OCNEHE ait agi conformément à son mandat. Toutefois, en vertu de la Loi sur les océans, le ministre des Pêches et des Océans doit assumer la responsabilité de la gestion intégrée; pourtant, dans ce cas, le MPO semble n’avoir qu’un rôle consultatif.

La gestion intégrée repose sur le principe selon lequel les intervenants, y compris les ministères fédéraux, ne doivent pas mettre en œuvre des plans liés aux océans sans rechercher la collaboration des autres parties intéressées et selon lequel les conflits doivent être traités à l’étape de la planification. Dans le cas présent, on semble avoir méconnu les deux éléments de ce principe. Le Comité est d’accord avec les témoins qui critiquent vivement un processus au cours duquel on a omis de consulter les collectivités côtières et les pêcheurs pour déterminer les zones marines sensibles avant de faire un appel d’offres. Les membres du Comité ont conclu que la collectivité des pêcheurs a peu d’espoir que ses intérêts et l’environnement duquel elle est tributaire soient suffisamment protégés par un tel processus.

Le MPO a le mandat de protéger le poisson et son habitat en vertu de la Loi sur les pêches. La gestion intégrée est l’un des trois principes clés sur lesquels est fondée la Stratégie de gestion des océans, les deux autres étant le principe de la prévention et le développement durable. Il n’est pas évident, dans le cas présent, que ces principes guident les décisions qui sont prises.

Le Comité partage les inquiétudes des nombreux témoins qui croient que les effets de la prospection sismique, particulièrement sur la vie larvaire et les jeunes de nombreuses espèces, ne sont pas suffisamment bien documentés pour assurer que l’exploration des hydrocarbures ne causera pas des dommages aux stocks importants. Le Comité craint également les répercussions des déversements à long terme d’effluents causés par l’exploitation des hydrocarbures si des réserves rentables sont trouvées dans le secteur. Les eaux peu profondes du golfe sont presque coupées de la mer; elles sont encombrées par les glaces l’hiver et leurs courants de marée sont limités, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la pollution.

Les pêcheurs sont actifs dans cette région depuis des centaines d’années et, moyennant une bonne gestion, la pêche pourrait être durable pour une période indéfinie. L’exploitation des hydrocarbures apporterait sans doute des avantages économiques précieux, mais au mieux seulement pendant quelques décennies. Le Comité croit qu’il serait prudent d’assujettir l’exploration des hydrocarbures dans cette région à un moratoire ― comme dans le cas du Banc Georges ― jusqu’à ce que les pêcheurs et leurs collectivités puissent être assurés que les risques de l’exploration et de l’aménagement sont négligeables. Le Comité croit qu’à long terme un moratoire ne pourrait pas causer beaucoup de tort, car il est probable que la valeur des réserves d’hydrocarbures n’ira qu’en augmentant.

Le Comité fait remarquer que le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH) a également fait part de ses inquiétudes relatives à l’exploration des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent et a recommandé :

Que toutes les activités d’exploitation du pétrole et du gaz naturel dans le golfe du Saint-Laurent, de l’exploration jusqu’à la production […] soient différées jusqu’à ce
qu’on ait réalisé une évaluation complète, dans le cadre d’un processus transparent, des répercussions éventuelles de ces activités sur la vie marine.

M. Jim Dickey, directeur général de l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, a fait la remarque suivante :

Je conviens qu’il faut absolument examiner l’ensemble du secteur extracôtier en se concentrant sur l’environnement et sur les pêches d’une manière générale, afin de trouver un moyen d’y intégrer les activités pétrolières et gazières proposées pour le secteur. Si j’ai bien compris, c’est exactement ce que le MPO est en train de faire actuellement, en vertu de la Loi sur les océans, avec son plan de gestion intégrée pour les océans. […]

Mais en fin de compte, je pense qu’il serait certainement dans l’intérêt de tous ― les offices, l’industrie pétrolière et le secteur de la pêche ― que les décideurs nous informent des secteurs qui sont ouverts à l’exploration et de ceux qui ne le sont pas.

Le Comité est d’accord.

Le Comité partage les inquiétudes des témoins et celles du CCRH et se demande si ce secteur du golfe du Saint-Laurent aurait dû être ouvert à l’exploration des hydrocarbures sans qu’une évaluation environnementale complète n’ait été menée auparavant aux termes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEA).

Le Comité recommande :

Recommandation 8 :

Que le gouvernement fédéral envisage d’effectuer, en vertu de la LCEA, une évaluation environnementale complète de l’exploration éventuelle des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent, particulièrement dans le secteur désigné par le permis d’exploration 2368.

Recommandation 9 :

Que le gouvernement fédéral établisse des directives générales sur l’exploration et l’extraction d’hydrocarbures fondées sur les principes énoncés dans la Loi sur les océans et sur les intérêts des autres parties intéressées, de sorte que l’industrie des hydrocarbures soit au fait de la nature des contraintes avant de présenter une demande de permis.

Le Comité croit comprendre qu’un poste est actuellement vacant à l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et qu’il est réservé pour une personne nommée par le gouvernement du Canada. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 10 :

Que le gouvernement fédéral, en collaboration avec la Nouvelle-Écosse, nomme une personne qualifiée représentant la collectivité des pêcheurs à l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers pour représenter les intérêts des collectivités des pêcheurs et des ressources halieutiques desquelles elles sont tributaires.

La Loi sur les océans prévoit clairement que le ministre des Pêches et des Océans est censé diriger et faciliter l’élaboration d’une stratégie intégrée de gestion des océans. Il est toutefois également apparent que la responsabilité de la gestion des océans du Canada est de plus en plus partagée entre différents ministres. La Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, par exemple, désigne le ministre des Ressources naturelles comme le ministre fédéral responsable, et, en vertu du projet de loi C-10, Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, le ministre du Patrimoine canadien serait le ministre responsable de cette loi. Le Comité craint que cette fragmentation des responsabilités entraîne une érosion du pouvoir du ministre des Pêches et des Océans, ce qui minerait sa capacité à diriger une stratégie globale et coordonnée de gestion des océans.

Le Comité recommande donc :

Recommandation 11 :

Que le gouvernement affirme que le ministre des Pêches et des Océans est responsable au premier chef de tout ce qui a trait à la gestion des océans du Canada.

Recommandation 12 :

Que le ministre des Pêches et des Océans exerce son rôle en tant que ministre assumant l’entière responsabilité de la gestion des océans du Canada de manière plus énergique.