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HAFF Rapport du Comité

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ANNEXE I

 

OPINION DISSIDENTE

 

ALLIANCE CANADIENNE

 


Comité de la procédure et des affaires de la Chambre

Enquête sur le ministre de la Défense nationale

Rapport minoritaire de l’Alliance canadienne

 

 

La présente question de privilège a été soumise au Comité à la suite de la décision rendue par le Président le 1er février 2002, selon laquelle la Chambre était confrontée à deux déclarations contradictoires faites par le ministre de la Défense nationale, cette question devant être examinée plus à fond. Ces déclarations contradictoires ont été faites par le ministre lorsque deux questions lui ont été posées pendant la Période de questions, la première le 29 janvier 2002 par l’honorable député de Laurier-Sainte-Marie, et la deuxième le 30 janvier 2002 par l’honorable député de St. John. Ces questions visaient à savoir quand le ministre a été informé pour la première fois que la FOI 2 des Forces armées canadiennes avait capturé des terroristes en Afghanistan et les avait remis aux Américains.

Les preuves démontrent que le 29 janvier, le ministre a dit à la Chambre qu’il avait été informé que des prisonniers avaient été capturés le 25 janvier. « J’ai été informé pour la première fois de cette possibilité vendredi » (25 janvier), a-t-il dit. Pourtant, le 30 janvier, il a dit aux Communes qu’il avait en réalité été informé le 21 janvier : « J’ai effectivement été informé de la détention de prisonniers et de la mission dans les 24 heures » (21 janvier).

On a reconnu que les deux réponses du ministre étaient clairement contradictoires. La question soumise à ce Comité vise à déterminer si en raison de cette contradiction, le ministre a fait outrage au Parlement et porté atteinte au privilège.

Le rapport majoritaire libéral soutient que la conduite du ministre de la Défense nationale ne constitue pas un outrage au Parlement, mais cette conclusion n’est pas soutenue par les faits.

La question soumise à ce Comité ne consiste pas à savoir si des prisonniers ont été capturés ou si ces prisonniers ont été remis aux autorités américaines. Elle ne traite pas de l’indifférence avec laquelle ce gouvernement aborde les questions militaires. Elle ne traite pas de l’apparent détachement du premier ministre et du Bureau du Conseil privé face aux questions militaires en temps de guerre. Elle ne vise même pas uniquement à savoir si des déclarations contradictoires ont été faites à la Chambre des communes – les preuves indiquent clairement que c’est le cas. Elle vise plutôt à déterminer si le ministre a fait outrage au Parlement en tenant les propos contradictoires susmentionnés. Comme l’a statué le Président le 1er février :

« … l’intégrité de l’information est d’une importance capitale du fait qu’elle vise directement les règles d’engagement des troupes canadiennes affectées au conflit en Afghanistan, un principe qui est au cœur même de la participation du Canada à la guerre contre le terrorisme. »

Les agissements du ministre compromettent certainement l’intégrité de l’information. Les preuves soumises au Comité indiquent également que le ministre a fait outrage au Parlement en se conduisant comme il l’a fait.

Le ministre a agi intentionnellement

Selon les membres alliancistes du Comité, le ministre a délibérément trompé la Chambre. Les questions posées au ministre par les députés à la Chambre des communes et des journalistes les 29 et 30 janvier étaient très claires.

Le ministre soutient que la raison pour laquelle il n’a pas dit à la Chambre des communes le 29 janvier qu’il avait été informé le 21 janvier est qu’il était confus quant aux faits. Le ministre a dit au Comité le 20 février qu’il avait confondu le jour où il a été informé de l’existence de la photographie (le 25 janvier) et le jour où il a été informé de la situation (le 21 janvier). Plus précisément, il a dit :

« La question précédente, qu'avait posée le député de Portage-Lisgar, portait sur la photographie et, compte tenu de cette première question, j'ai répondu au chef du Bloc québécois que je m'étais rendu compte que cette possibilité existait le vendredi. … pendant les échanges animés de la période des questions, j'ai établi dans mon esprit un rapport entre les questions posées par les deux députés vu qu'elles s'étaient succédées très rapidement. »

Cependant, cela n’est pas conforme aux faits. Premièrement, la question du député de Portage-Lisgar n’était pas destinée au ministre de la Défense nationale, et ce n’est pas lui qui y a répondu. En outre, la question posée par le député de Portage-Lisgar mentionnait la photographie de façon fortuite.

La question posée par le chef du Bloc québécois le 29 janvier était très précise et ne mentionnait nullement la photographie :

Question : « Depuis quand savait-il qu'il y avait des prisonniers afghans capturés par les Canadiens et remis aux Américains? Depuis quand le savait-il? Et pourquoi n'a-t-il pas informé le premier ministre qui, dès dimanche, affirmait qu'il n'y en avait pas, et qu'il n'a pas pris la peine de le lui dire au caucus qu'il y avait hier matin, avant la période des questions orales? Qu'est-ce qui se passe avec ce ministre? Le savait-il ou ne le savait-il pas? »

Réponse du ministre : « Monsieur le Président, j'ai été informé pour la première fois de cette possibilité vendredi. »

La seule conclusion que l’on peut tirer est que le la déclaration faite par le ministre à ce Comité sur la raison pour laquelle il a répondu de cette manière est inexacte.

Le ministre soutient également que quand il a été informé par le vice-amiral Maddison, le sous-chef d’état-major de la Défense, le 29 janvier, que la réponse donnée au chef du Bloc québécois était inexacte, il a décidé de faire la lumière sur l’affaire le lendemain. Cependant, le 30 janvier, le ministre n’a corrigé sa déclaration de la veille qu’à la fin de la Période de questions, quand la députée conservatrice Elsie Wayne lui a directement demandé quand il avait été informé pour la première fois de la capture des prisonniers. Le ministre ne pouvait nullement savoir qu’on lui poserait cette question, et rien n’indique qu’il aurait reconnu avoir fait une déclaration inexacte la veille si cette question ne lui avait pas été posée. On doit donc conclure que le ministre a délibérément trompé cette Chambre quant au moment où il a été informé que des prisonniers avaient été capturés, et qu’il n’a nullement cherché à corriger la situation avant qu’on le questionne directement sur cette affaire le lendemain.

Le ministre soutient qu’il n’a pas pu informer le premier ministre ou le Parlement de la capture des prisonniers car, pendant la semaine du 21 au 27 janvier, il ne disposait pas de tous les faits quand il a été informé pour la première fois de la capture des prisonniers. Quand le Comité lui a demandé s’il disposait de tous les faits requis le 21 janvier, le ministre a répondu en ces termes :

M. Jay Hill : « À propos d'une mission à laquelle prenait part une force multinationale, on vous a informé, lors du briefing régulier, j'imagine, que la FOI n'avait pas fait de prisonniers elle-même, et pourtant, lorsqu'elle a fait des prisonniers, lorsqu'elle a elle-même capturé les terroristes, on ne vous en a rien dit. »

M. Art Eggleton : « Non, je n'avais pas une compréhension parfaite des détails de la mission. Je savais que la FOI avait pris part à cette mission. Je savais que des prisonniers avaient été capturés. J'ai reçu de plus amples détails à mon retour au Canada le 25 janvier. »

Cependant, quand on examine les preuves afin de déterminer quand le ministre a été informé de la capture des prisonniers, et la nature détaillée des briefings, il est impossible de conclure que le ministre ne disposait pas de tous les faits ou qu’il était simplement « confus » quand il a fait une fausse déclaration le 29 janvier.

Premièrement, le ministre a lui-même reconnu dans sa déclaration écrite que les rapports, en particulier ceux traitant de questions vitales, sont très complets :

« À titre de ministre de la Défense nationale, je reçois de bonnes séances d'information et des conseils utiles en temps opportun de mes adjoints, tant dans la chaîne de commandement militaire que du côté civil du ministère. »

Deuxièmement, dans son témoignage, le vice-amiral Maddison confirme qu’il a pleinement informé le ministre de la mission et de la capture de prisonniers.

M. Vic Toews : … vous reconnaissez que vous avez fourni de l’information au ministre le 21 janvier. Vous lui avez d’abord dit que les militaires étaient sains et saufs, que le mission relative aux détenus était réussie et qu’elle avait été réalisée conformément à la politique gouvernementale et aux règles d’engagement.

Vam. G.R. Maddison : C’est en gros le message que j’ai transmis au ministre, Monsieur le Président.

M. Vic Toews : Très bien, et en ce qui vous concerne, vous avez fourni au ministre toute l’information disponible requise sur la capture de prisonniers le 21 janvier.

Vam. G.R. Maddison : Monsieur le Président, quand j’ai informé le ministre le 21 janvier, j’ai dit au ministre qu’une mission avait eu lieu, qu’elle avait très bien réussi, qu’elle avait été effectuée de façon tout à fait professionnelle, dans le respect total des règles d’engagement et des directives reçues par les forces spéciales, que nous avions capturé des terroristes présumés, et qu’ils avaient été transportés et remis aux autorités américaines, à leurs installations de détention, comme le précisaient les directives reçues.

M. Vic Toews : Vous avez donc dit clairement au ministre le 21 janvier que les militaires canadiens avaient participé à la capture de prisonniers en Afghanistan et que les Canadiens avaient remis ces prisonniers aux Américains ?

Vam. G.R. Maddison : Monsieur le Président, c’est de cette façon que j’interprète le message que j’ai transmis au ministre. (Témoignage du vice-amiral Maddison, 26 février)

Troisièmement, le vice-amiral Maddisson a témoigné que le ministre avait participé à cette discussion :

M. Vic Toews : Sans aborder la question de la sécurité, est-ce que le ministre vous a posé des questions sur cette affaire ?

Vam. G.R. Maddison : Monsieur le Président, j’ai eu l’occasion d’informer le ministre à maintes reprises au cours des dernières années, à la fois comme commandant des Forces navales et très certainement à mon poste actuel. Il pose toujours des questions pendant les briefings, il demande des éclaircissements, il répète des messages clés.

M. Vic Toews : Est-ce que quelque chose laisse croire que le ministre avait besoin d’informations supplémentaires, compte tenu de son souci du détail ? Vous avez dit qu’il a été très précis pendant ce briefing. Est-ce qu’on peut croire qu’il ait demandé des renseignements additionnels ?

Vam. G.R. Maddison : Monsieur le Président, j’ai sans aucun doute pensé, compte tenu de l’information que je lui avais fournie, qu’aucune information additionnelle n’était nécessaire sur les principaux points de cette mission.

Quatrièmement, le vice-amiral Maddison a confirmé à la députée libérale Marlene Catterall que la séance d’information sur la question des prisonniers avait été exceptionnellement longue et précise :

Mme Marlene Catterall : Ce que je comprends, Monsieur le Président, c’est que pendant une séance d’information de 15 à 20 minutes, 15 points différents ont été soulevés avec le ministre. Ça signifie environ une minute par point ?

Vam. G.R. Maddison : Sauf dans ce cas, en raison du fait, si vous permettez, Monsieur le Président, que c’était la première mission, comme nous l’avons précisé, au cours de laquelle nous avions capturé des terroristes présumés. Selon mes souvenirs, nous avons parlé de ce point pendant environ cinq minutes.

Cinquièmement, le général Henault, chef d’état-major de la Défense, a confirmé que non seulement le ministre a été pleinement informé de mission le 21 janvier, mais qu’il savait que cette mission avait été prévue un peu avant le 20 janvier, jour où la mission a eu lieu :

M. Vic Toews: Général, Monsieur le Président, le vice-amiral Maddison nous a dit aujourd’hui que le 20 janvier 2002, le général a été informé de la participation de la FOI 2 à la capture de prisonniers en Afghanistan. Avant le briefing du 20 janvier 2002, le général peut-il nous dire s’il a participé à un briefing avec le ministre sur la préparation de cette opération et la participation des Canadiens, dans la mesure où il a le droit de divulguer cette information ?

Gén. Raymond Henault : Je peux dire que le ministre a été tenu pleinement au courant des opérations, pas seulement celle de la FOI 2, mais d’autres opérations réalisées dans le cadre de la campagne contre le terrorisme et d’opérations dans le monde entier.

M. Vic Toews : Ce qui comprend, Monsieur le Président, la préparation de cette opération, qui a eu lieu vers le 20 janvier de cette année.

Gén. Raymond Henault : Oui.

M. Vic Toews : Le général a-t-il informé le ministre de la préparation de cette opération ?

Gén. Raymond Henault : Monsieur le Président, je peux dire que le ministre était au courant de la préparation de cette opération, mais qu’il ne connaissait pas tout le détail de la mission.

Non seulement le ministre a été pleinement informé de la mission le 21 janvier, mais il semble qu’il a posé des questions à ce sujet. Il a même été informé au préalable que la mission allait avoir lieu. Il a dû trouver le temps, alors qu’il était très occupé au Mexique, d’aller à l’ambassade pour un briefing spécial sur la sécurité. En d’autres termes, le ministre savait que des militaires canadiens interviendraient le 20 janvier ou vers cette date. On aurait pu croire qu’à titre de ministre responsable de ces militaires, il aurait été impatient de connaître le résultat de la mission.

Nous devons donc conclure que le ministre n’aurait pas pu oublier le briefing du 21 janvier.

Motif

Le ministre a caché la capture de prisonniers par des militaires canadiens jusqu'à ce qu’il apprenne qu’une photographie de l’événement avait été rendue publique. Il l’a appris le 25 janvier. Il a ensuite trompé la Chambre des communes (le 29 janvier) en disant qu’il a été informé de l’événement pour la première fois quand il a vu la photographie. Il a répété la même chose hors de la Chambre, niant complètement ce qu’il a reconnu le lendemain comme étant la vérité.

Le 21 janvier, quand le ministre a appris pour la première fois que des prisonniers avaient été capturés, il savait que cette histoire faisait rage dans les médias, au Parlement et au sein du caucus libéral. Les preuves démontrent que de nombreux députés libéraux étaient fort mécontents de savoir que des militaires canadiens avaient peut-être capturé des prisonniers en Afghanistan pour les remettre aux autorités américaines.

Le 17 janvier, le ministre a été longuement questionné sur la question des prisonniers par les médias et ses propres collègues libéraux. Tous les membres libéraux du Comité qui ont pris la parole le 17 janvier lors d’une réunion conjointe du Comité de la Défense nationale et du Comité des affaires étrangères ont soulevé la question des prisonniers.

La capture des prisonniers était la nouvelle dominante au pays avant et immédiatement après la rencontre du Comité du 17 janvier. Après cette date, on peut raisonnablement supposer que le ministre a probablement voulu cacher le fait que des prisonniers avaient effectivement été capturés et éviter que cette question soit soulevée à la retraite du caucus libéral du week-end des 26 et 27 janvier – une rencontre qui promettait d’être conflictuelle sur divers autres points.

Si l’on se fonde sur les preuves soumises au Comité, on peut raisonnablement conclure que le ministre a délibérément caché pendant huit jours l’incident dont il a été informé le lundi 21 janvier. Quand il a vu la preuve photographique de l’incident (le 25 janvier), il était clair qu’il ne pouvait pas nier qu’il avait eu lieu. Pour éviter d’admettre qu’il avait caché l’incident du 21 au 29 janvier, le ministre a soutenu qu’il avait été informé de l’incident le 25 janvier seulement, et qu’il avait eu besoin du week-end des 26 et 27 janvier pour se procurer toute l’information. Dans sa déclaration écrite au Comité, le ministre a également soutenu qu’il a profité du week-end (les 26 et 27 janvier) pour examiner la question. Il a dit :

« Dans le but de me préparer à la rencontre du cabinet le mardi suivant (le 29 janvier), j'ai décidé que je devais avoir de nouveaux entretiens avec les dirigeants et officiers supérieurs du ministère pour me préparer à la réunion du cabinet le mardi suivant, d'abord pour mieux comprendre la mission dont on m'avait parlé le lundi précédent, mais aussi pour discuter de la question des détenus et de la politique du gouvernement à ce sujet. J'ai donc commencé à avoir des rencontres et des conversations téléphoniques avec des gens comme le chef d'état-major de la Défense, le sous-chef d'état-major de la Défense, le sous-ministre et le juge-avocat général, qui est le principal conseiller juridique et celui qui est le plus au courant de la question au ministère. »

Cependant, ces propos ont été contredits par l’amiral Maddison, le général Henault et le sous-ministre de la Défense nationale, Jim Judd. En réponse aux questions de Jay Hill, l’amiral Maddison a précisé ce qui s’était réellement passé.

M. Jay Hill : Avez-vous participé à un briefing au cours du week-end des 26 et 27 janvier, avant que la Chambre reprenne ses travaux la semaine suivante ?

Vam. G.R. Maddison : Monsieur le Président, oui, j’ai informé le ministre samedi matin et dimanche, par des briefings habituels sur les opérations. Rien n’avait changé dans l’information fournie lors des briefings des 21 et 25 janvier, et rien ne justifiait le fait de soulever des questions entourant la mission du 20 janvier.

M. Jay Hill : Donc, puisque rien n’avait changé, je suis porté à croire que vous n’avez pas rappelé au ministre lors des briefings de samedi matin, le 26 janvier, et de dimanche, le 27 janvier, que des prisonniers avaient été capturés. Vous n’en avez pas discuté ?

Vam. G.R. Maddison : Nous n’en avons pas parlé, Monsieur le Président.

Le général Henault confirme ce fait :

M. Jay Hill : Général, avez-vous eu une conversation, en personne ou par téléphone, avec le ministre entre le 21 janvier et le briefing du 29 janvier avec le vice-amiral Madison, c'est-à-dire entre le 21 et le 29 janvier ?

Gén. Raymond Henault : Non, Monsieur le Président.

M. Jay Hill: J’aimerais attirer votre attention sur la déclaration faite par le ministre devant ce Comité, je cite : « J'ai donc commencé à avoir des rencontres et des conversations téléphoniques avec des gens comme le chef d'état-major de la Défense, le sous-chef d'état-major de la Défense, le sous-ministre et le juge-avocat général, qui est le principal conseiller juridique et celui qui est le plus au courant de la question au ministère ». Le ministre faisait référence à cette période. Comme nous savons, par le témoignage du sous-ministre plus tôt aujourd’hui, que celui-ci n’a pas discuté avec le ministre au cours de cette période, pourquoi à votre avis le ministre dirait qu’il a discuté, qu’il a eu une série de rencontres et de conversations téléphoniques avec tout le monde, notamment vous et ces personnes ?

Gén. Raymond Henault : Monsieur le Président, je peux confirmer que je n’ai pas parlé au ministre entre le 21 et le 29 janvier, alors que je l’ai rencontré dans l’après-midi en compagnie du sous-chef d’état-major de la Défense. Je ne peux pas vraiment vous dire pourquoi il dit ça, parce que je peux confirmer que ce n’est pas le cas.

Et, de façon tout à fait extraordinaire, le sous-ministre de la Défense nationale n’a eu aucune conversation avec le ministre au sujet de la capture de prisonniers.

M. Jay Hill : Vous avez dit que vous avez appris que des Canadiens, plus précisément la FOI 2, avaient participé à la capture de prisonniers le 22 janvier, quand le vice-amiral Maddison est venu vous voir pour parler de la photographie. Vous n’en avez pas discuté avec le ministre avant le 29 janvier. Est-ce exact ? C’est ce que vous avez dit aujourd’hui ?

M. Jim Judd : Je crois que c’est exact. Oui.

Ainsi, le ministre a trompé le Comité dans sa déclaration écrite sur les conversations qu’il a eues avec le chef d’état-major de la Défense, le sous-ministre de la Défense nationale et le sous-chef d’état-major de la Défense sur la question des prisonniers. On ne peut qualifier cela de simple oubli sous le feu roulant des questions. C’est plutôt une tentative délibérée de tromper.

Le ministre aurait pu faire la lumière sur cette question, mais quand les membres de l’opposition au Comité ont voulu convoquer de nouveau le ministre pour qu’il explique pourquoi sa déclaration écrite est contredite par tous les hauts responsables du ministère de la Défense nationale, la majorité libérale a refusé.

Conclusion

En 1997, la Commission d’enquête sur la Somalie, chargée d’enquêter sur un déploiement militaire très mal géré, a conclu en ces termes :

« La condition essentielle pour le contrôle des Forces armées et de tous les aspects de la Défense nationale est un Parlement vigilant… le Parlement doit faire preuve d'une plus grande diligence quand il s'agit de surveiller d'un oeil critique les conditions convenues ou fixées par le gouvernement pour l'utilisation des Forces canadiennes à l'étranger et de protéger les membres des Forces armées contre des risques excessifs. Le Parlement doit également surveiller les opérations des commandants et des troupes sur le terrain. »

Le Parlement ne peut exercer cette vigilance quand on le trompe ou quand on lui ment. Le fait d’induire le Parlement en erreur représente un outrage au Parlement. Cela ne peut être toléré en aucune circonstance, en particulier quand notre pays est en guerre.

Les membres alliancistes du Comité ne peuvent appuyer le rapport majoritaire, qui soutient que les déclarations contradictoires du ministre à la Chambre des communes ont été faites sans intention de confondre la Chambre ou de l’induire en erreur. Comme le précise le paragraphe 40 du rapport majoritaire, quand on détermine l’intention, on doit examiner le contexte entourant l’incident.

Dans ce cas, le contexte était caractérisé par les sérieuses divisions au sein du caucus libéral, à savoir si les militaires canadiens devaient faire des prisonniers en Afghanistan et les remettre aux Américains alors qu’on ne savait pas si les Américains allaient respecter la Convention de Genève sans protester. Ce contexte, jusqu’à ce que le ministre soit informé le 21 janvier, était, pour citer le premier ministre, « hypothétique ». À partir du moment où il a été informé, ce n’était plus le cas. Il était dans l’intérêt du ministre de maintenir le statu quo le plus longtemps possible, et l’un des moyens d’y parvenir était de s’assurer qu’il aurait une raison de ne pas avoir informé de ce développement les députés d’arrière-ban à la retraite du caucus des 26 et 27 janvier. Cette raison était qu’il en avait été informé le vendredi 25 janvier seulement, juste avant la retraite du caucus, et qu’il avait besoin de temps pour éclaircir la question. Il n’aurait pas pu invoquer cette raison si le caucus libéral savait qu’il avait été informé de l’incident pour la première fois le lundi 21 janvier.

Les preuves présentées au Comité indiquent que le ministre a été pleinement informé de la capture de prisonniers le 21 janvier, qu’il a bien compris le briefing et qu’il n’a pas demandé d’éclaircissements, contrairement à ce qu’il soutient dans son témoignage. En établissant que le ministre savait le 21 janvier que des prisonniers avaient été capturés, le Comité a prouvé que le ministre savait qu’il faisait une fausse déclaration à la Chambre des communes le 29 janvier.

Cependant, en plus de soutenir que les preuves sont suffisantes, prises dans leur contexte, pour conclure que le ministre a délibérément trompé la Chambre, nous n’approuvons pas les critères avancés dans le rapport majoritaire pour déterminer ce qui constitue un outrage.

Les critères fournis au Comité par M. J.P. Maingot sont suffisants pour établir que les déclarations contradictoires représentent un outrage au Parlement. Lors de son témoignage, M. Maingot a dit :

« C’est aux députés de déterminer ce qui, à leur avis, représente un outrage. Il peut y avoir outrage si, après avoir entendu les témoignages, vous avez le sentiment qu’une personne a délibérément trompé la Chambre ou si les déclarations contradictoires sont telles qu’elles nuisent à l’intégrité, à la dignité de la Chambre. »

Le fait de manifester de l’indifférence face à son devoir au point de faire de fausses déclarations à la Chambre des communes de façon cavalière représente également un outrage au Parlement. Cela remet sérieusement en question la capacité du ministre d’exercer son pouvoir et une autorité crédible sur la conduite des militaires canadiens. Et cela empêche le Parlement d’exercer un contrôle approprié et de protéger les intérêts des membres des Forces armées canadiennes en temps de guerre.

Le refus du ministre d’éclaircir la question, qui revêtait alors une importance capitale au Parlement, et le fait de ne pas immédiatement corriger le même jour les fausses déclarations faites le 29 janvier, constituent un affront au Parlement. Le fait d’attendre jusqu’à la Période de questions du lendemain, sans toutefois éclaircir la situation, même après plusieurs questions, et de s’expliquer uniquement quand il a été acculé au pied du mur par une question si précise qu’il devait répondre franchement, rend cet affront au Parlement encore plus grave.

Le ministre a ensuite aggravé cet affront en trompant délibérément ce Comité en ce qui a trait aux discussions qu’il a eues avec de hauts responsables de son ministère. Les contradictions évidentes entre la déclaration écrite du ministre et le témoignage de deux officiers de grade supérieur et du sous-ministre de la Défense nationale, comme nous l’avons mentionné plus tôt, combinées à la décision de la majorité libérale du Comité de ne pas convoquer de nouveau le ministre pour fournir des explications sur ces contradictions, met le Comité face à certains faits qu’il ne peut ignorer. Ces faits ne nous permettent que de conclure que le ministre a trompé la Chambre ou, si ce n’est pas le cas, qu’il s’est conduit d’une façon constituant un affront à la Chambre.

Aussi, les membres alliancistes du Comité se dissocient du rapport majoritaire du Comité et soutiennent que les preuves démontrent que le ministre Eggleton a délibérément trompé la Chambre dans les deux déclarations faites à la Chambre des communes le 29 janvier 2002 et le 30 janvier 2002, quant à savoir quand il a été informé que les prisonniers capturés par la FOI 2 en Afghanistan ont été remis aux États-Unis. En conséquence, les membres alliancistes du Comité concluent que le ministre Eggleton a fait outrage au Parlement.

Les membres alliancistes du Comité se dissocient également du rapport majoritaire du Comité en soutenant que si les preuves sont insuffisantes pour déterminer que le ministre Eggleton a délibérément trompé la Chambre, la nature de ses actes et les circonstances entourant ses deux déclarations contradictoires, de même que le fait qu’il n’a pas informé la Chambre dès qu’il a su qu’il l’avait induite en erreur, nuisent à l’intégrité et à la dignité de la Chambre, ce qui constitue un affront et, par conséquent, un outrage au Parlement.