Passer au contenu

HEAL Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

OPINION DISSIDENTE DU
NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

Rapport du Comité permanent de la santé sur
l’assistance à la procréation

Depuis vingt ans, nos connaissances de la génétique et des techniques de la procréation ont fait un bond remarquable. La frontière du possible a été repoussée radicalement. Pendant l’examen en Comité de l’avant-projet de loi sur les techniques d’assistance à la procréation, nous avons entendu des témoignages sur la valeur de ces techniques nouvelles pour traiter l’infertilité, sur la promesse de découvertes, comme celles offertes par la recherche sur les cellules souches dans le traitement des cas médicaux graves, et sur les risques pour les citoyens de ces techniques dans un environnement non réglementé.

Le Comité de la santé a reçu l’aide de nombreux témoins durant l’étude de ce vaste sujet, qui ont donné leur avis d’expert et fait part de leurs expériences personnelles. Il s’agit de questions complexes et de questions émotives pour beaucoup; nous les remercions beaucoup de leur contribution.

Le Comité a formulé plusieurs recommandations importantes dans son rapport sur la réglementation des techniques de procréation. L’interdiction du clonage humain, le contrôle strict de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, la fin de l’anonymat des donneurs, l’interdiction de la maternité de substitution lucrative et la nécessité d’un organisme de réglementation quasi-indépendant, entre autres, sont des recommandations appuyées par le NPD. Sur d’autres sujets, comme la protection de la santé des femmes, la prévention de l’infertilité et l’impact sur les personnes handicapées, nous estimons que le jugement du Comité n’est pas équilibré.

Urgence d’agir

Il est clair que le gouvernement doit agir rapidement. Le Canada est presque seul parmi les pays industrialisés à ne pas avoir de cadre légal face à ces nouveautés scientifiques.

La Commission royale Baird a ouvert la voie à la Loi dans son rapport de 1993. Elle a formulé 293 recommandations basées sur quatre ans de consultations auprès de quelque 15 000 Canadiens par entrevues, enquêtes et étude de groupes. Le gouvernement libéral a attendu jusqu’en 1996 pour déposer un projet de loi, C-47 qui est mort au Feuilleton au déclenchement des élections en 1997 et n’a jamais été redéposé depuis. Rendus en 2002, nous avons seulement un avant-projet de loi.

Dans l’intervalle, les découvertes scientifiques et les progrès industriels dans ce domaine ont progressé rapidement, hors de tout contrôle réglementaire. Les impacts positifs et négatifs cohabitent dans le vide juridique et les Canadiens sont abandonnés sans protection sanitaire. Un véritable zoo composé d’espèces clonés, de formes de vies supérieures, de cellules souches humaines manipulables, de contrats Internet de mères porteuses et de dépistage d’embryons fait maintenant partie de notre vie quotidienne. Non gêné par la réglementation et grâce au régime public de santé qui aide à défrayer certains coûts, les compagnies de biotechnologie ont transformé le Canada en laboratoire géant et les Canadiens en cobayes au profit de la recherche et du développement de leurs produits et services.

Recommandation : Nous exhortons le ministre de la Santé à déposer le projet de loi dès la reprise parlementaire à la Chambre des communes en janvier et à rédiger le règlement le plus vite possible afin que la loi soit adoptée avant la fin de la session du printemps. Dans l’intervalle, nous exhortons le gouvernement à appliquer son moratoire volontaire à des pratiques comme la modification des lignées germinales, le clonage des embryons et l’achat et la vente d’ovules, de sperme et d’embryons et à faire appel aux lois existantes, dans des domaines comme la sûreté pharmacologique, pour protéger la santé des femmes.

Mettre fin au commerce

Les bénéfices de techniques réglementées convenablement devraient être accessibles à tous les Canadiens par notre régime de santé public. Cependant, le manque d’intervention du gouvernement depuis dix ans a abandonné le contrôle de domaine aux sociétés de biotechnologie multinationales.

Tous les Canadiens devraient profiter également des améliorations aux traitements de l’infertilité. C’est loin d’être le cas à l’heure actuelle, car la protection du régime public est presque inexistante et l’assurance privée exclut souvent les médicaments de fertilité ou impose de lourdes restrictions à leur remboursement. Il faut un leadership national pour faire de l’infertilité un problème médical et pour garantir que toutes les femmes ont accès à des traitements sûrs, fondés en science et efficaces.

Recommandation : Nous exhortons le gouvernement fédéral à entreprendre des mesures, de concert avec les provinces et les territoires le cas échéant, pour amener les techniques de procréation dans le champ de l’État et du secteur sans but lucratif. Nous exhortons le gouvernement fédéral à encourager et à soutenir des efforts comme ceux du Manitoba pour récupérer les services lucratifs au profit du régime public de santé, en particulier ceux reliés aux techniques de procréation.

 

La connaissance de la génétique fait partie de notre patrimoine commun et du bien public. Elles ne doivent pas être sacrifiées au profit des sociétés biotechnologiques et pharmaceutiques. Cependant, le zèle excessif du gouvernement à protéger les brevets et à faire primer les droits de propriété intellectuelle sur l’intérêt public a eu cet effet. Le Bureau des brevets est déjà assailli de demandes de brevets pour diverses cellules humaines transgéniques.

Recommandation : Nous exhortons le gouvernement à modifier la Loi sur les brevets pour interdire le brevetage du matériel génétique humain et pour écarter du Bureau des brevets les demandes actuelles visant des cellules humaines transgéniques. Nous exhortons également le gouvernement fédéral à jouer un rôle prépondérant dans le monde, dans le sens de la Déclaration universelle de 1997 sur le génome humain et les droits de l’homme de l’UNESCO, afin d’empêcher les accords commerciaux de prendre le pas sur la santé des Canadiens.

 

C’est là une étape importante et proactive pour structurer le droit international et pour empêcher que le Canada soit obligé d’accorder des brevets sur les gènes humains dans l’avenir.

Priorité à la santé des femmes

Les droits et la santé des femmes doivent primer sur tout le reste dans la réglementation des techniques de procréation. Notre approche aux techniques de procréation doit s’ancrer solidement sur la liberté génésique des femmes. Cela suppose que le gouvernement fédéral fasse en sorte que les techniques de procréation aient fait la preuve de leur sûreté avant d’être autorisées, et que les risques et avantages des traitements destinés aux femmes soient totalement divulgués, que l’évaluation des services de santé génésique fasse appel à l’expérience des femmes et que les fonds requis pour atteindre ces objectifs soient disponibles.

Actuellement, les femmes ne connaissent souvent pas les liens qui existent entre certains médicaments de fertilité et le cancer, le taux réel de succès ou d’échec des cliniques de fertilité. Le régime canadien d’homologation des médicaments induit les femmes en erreur s’il continue de permettre la vente de médicaments dangereux.

Recommandation : Que le gouvernement examine, suivant le principe de prudence plutôt que d’évaluation des risques, la sécurité des médicaments de fertilité qui sont actuellement vendus au Canada et s’empresse d’éliminer les médicaments douteux. Nous recommandons en outre que l’organisme de réglementation des techniques de reproduction proposé établisse des mécanismes officiels pour que le Bureau de promotion de la femme de Santé Canada ait directement son mot à dire. Il appartient aussi au gouvernement d’assurer une aide financière pour que le mouvement pour la santé des femmes puisse participer aux décisions concernant les technologies de reproduction, et nous recommandons que cette aide financière soit prévue au budget.

 

Nous appuyons une approche de prudence à la santé des femmes, selon laquelle il appartient aux fournisseurs et aux chercheurs de faire la preuve qu’une méthode est sans danger avant que son usage soit approuvé. Recommandation : Nous demandons que le principe de prudence soit explicitement énoncé dans la loi comme condition préalable à l’approbation de toutes normes et méthodes.

Toute mesure prioritaire pour la santé des femmes exige qu’on s’attaque aux causes de l’infertilité. Si on néglige les causes de l’infertilité, les femmes s’exposent à des méthodes de traitement intrusives et risquées pour des problèmes qui auraient pu très bien être évités. Les maladies transmises sexuellement, les toxines dans l’environnement, les dangers au travail et les reports de grossesse pour des raisons économiques sont des facteurs d’infertilité bien connus; pourtant, le Comité relègue ces facteurs dans la partie « Autres préoccupations » du rapport.

Recommandation : Que la prévention soit au cœur de toute politique sur les techniques de reproduction et une préoccupation importante de tout organisme de réglementation éventuel.

 

Génétique : Qui détermine l’avenir?

Les techniques de reproduction constituent de nouveaux outils permettant de prévoir et de manipuler notre avenir génétique. Il y a des avantages et des inconvénients. Les défenseurs des personnes handicapées ont soutenu que les tests génétiques visant à éliminer les incapacités constituent une forme de nettoyage eugénique qui mènera en fait à l’élimination biomédicale de la diversité. Certains craignent aussi que les décisions concernant ces questions soient prises par des entreprises privées qui échappent au contrôle public.

La discrimination génétique est aussi une préoccupation. Il n’y a pas de réglementation, et nous sommes déjà témoins : de la conduite de tests prénataux sans qu’on connaissance pleinement ce qui est ou n’est pas traitable; du dépistage courant des nouveaux-nés sans le consentement des parents; de la poursuite de tests génétiques « à la maison »; d’employeurs qui exigent des tests génétiques; et de compagnies d’assurance-vie qui exigent des résultats de test génétique pour sélectionner sa clientèle. Depuis 1993, 30 expériences sur des thérapies génétiques ont été approuvées en l’absence de toute politique ou stratégie nationale en matière de génétique. Sans réglementation, les personnes qui participent à des expériences de génétique courent de graves dangers.

Comme c’est le cas pour la transplantation d’organe, la génétique dépasse les frontières des compétences fédérales et provinciales. Elle exige une vision nationale et un leadership fédéral — notamment à cause de l’étendue des activités commerciales dans le domaine.

 

Recommandation : Que le gouvernement fédéral prépare rapidement une stratégie nationale de la génétique, fondée sur le respect de la dignité et de la diversité humaines. Nous devons inscrire dans la loi certains droits précis, notamment le droit à la protection des renseignements génétiques et au consentement éclairé et le droit d’échapper à toute forme de discrimination génétique. Et nous devons veiller à ce que les personnes handicapées et les groupes qui les représentent participent à toutes les discussions dans le domaine.

 

Les nouvelles technologies en matière de reproduction et de génétique ne doivent pas servir à marginaliser davantage les personnes handicapées. Les politiques et les lois doivent reposer sur le principe fondamental selon lequel chaque personne est unique et contribue par ses propres dons et talents à son propre bien-être et au bien-être de la société dans son ensemble.

 

La sécurité, un facteur capital

Ce qu’il faut avant tout dans le domaine des techniques de reproduction et de génétique, c’est un organisme de réglementation fort. Les recommandations du Comité en faveur d’un cadre réglementaire est une étape dans la bonne direction. En proposant un organisme de réglementation quasi autonome, le Comité reconnaît les appels répétés en faveur de plus d’indépendance, de transparence, d’accessibilité, de responsabilité et de diversité. Toutefois, la grande priorité, c’est que la réglementation doit être active et non passive, que l’organisme responsable soit une entité du gouvernement ou de l’extérieur. Le principe de prudence va plus loin que la création d’une nouvelle structure. Il exige que le gouvernement s’engage à exercer une surveillance active et abandonne le modèle de gestion passive du risque. S’il y a une chose que nous avons appris de la tragédie du sang contaminé, c’est bien que, lorsque la sécurité n’est pas garantie, c’est au prix de la santé et de leur vie que les Canadiens doivent le payer. Les recommandations du juge Krever concernant le système canadien de gestion du sang sont également applicables aux techniques de reproduction et de génétique. De même, il faut absolument prévoir dans un système national de sécurité la capacité, les ressources et le mandat nécessaires pour identifier activement les risques qui menacent la sécurité des participants, inspecter fréquemment les cliniques de fertilité, faire respecter rigoureusement la réglementation, communiquer rapidement et revoir constamment la documentation scientifique et médicale.

Comme l’affirmait le juge Krever, un organisme de réglementation ne doit pas jouer un rôle passif, c’est-à-dire réagir, ou compter sur l’observance volontaire des intéressés pour protéger la santé des Canadiens. Il faut faire respecter rigoureusement la réglementation dans le secteur et surveiller de près les mesures prises par ce dernier pour se conformer aux directives réglementaires.

Dans l’ensemble, on peut douter sérieusement de l’intention du gouvernement de créer un organisme de réglementation autonome qui aura le mandat, les outils et les ressources nécessaires pour mener sa tâche à bien. La volonté politique est le facteur déterminant de tout effort de réglementation. Elle envoie un message aux responsables de l’application de la loi ainsi qu’aux participants du secteur réglementé. Il doit ressortir du mandat de l’organisme de réglementation et de l’empressement du gouvernement à faire adopter la loi à quel point celui-ci est déterminé à réglementer de façon continue les techniques de reproduction.