HUMA Rapport du Comité
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II. LA RÉFORME DE 1996
La Loi sur l'assurance-emploi avait pour but de
moderniser le programme canadien de soutien du revenu et d'aide à l'adaptation pour
lensemble des travailleurs au chômage au Canada. Parmi les nouveaux éléments,
mentionnons la prise en compte de la première heure de travail et une structure
dadmissibilité et de prestations fondée sur les heures. Par rapport à son
prédécesseur lAC, lAE visait à encourager les travailleurs à travailler
plus longtemps et réduire la durée des prestations. Il visait aussi une plus grande
équité en termes de droit aux prestations, de réduction des prestations pour les
revenus élevés et daugmentation des prestations pour les familles avec enfant, à
faible revenu. Cette réforme devait aussi aboutir à un programme moins coûteux pour
donner suite à l'engagement pris dans le budget fédéral de 1995 de réduire de
10 % les coûts de lassurance-chômage. Le gouvernement avait décidé de
rétablir lordre fiscal, et que cela passerait par la réduction des dépenses de
programmes.
Cette réforme proposait des changements importants, mais la Loi sur lassurance-emploi salignait
en grande partie sur la loi précédente. Les principaux changements étaient les
suivants :
le remplacement des règles dassurabilité minimale par la prise en compte de la première heure;
une structure dadmissibilité et de prestations fondée sur les heures plutôt que sur les semaines de travail assurables;
une hausse des conditions dadmissibilité des nouveaux entrants et des rentrants;
une nouvelle façon de calculer la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable (règle du « dénominateur »);
des prestations daprès lutilisation (règle de lintensité);
le renforcement de la disposition de remboursement des prestations avec une formule basée sur lutilisation (« récupération »);
laugmentation de l'exemption de gains pour les prestataires à faible revenu;
des prestations accrues pour les familles à faible revenu avec enfants (supplément familial);
labaissement du plafond de la rémunération assurable;
labaissement à 413 $ des prestations hebdomadaires maximales;
le remboursement des cotisations pour les employés gagnant 2 000 $ ou moins par année;
un nouveau processus de fixation des taux de cotisation visant à créer une réserve permettant de stabiliser les taux de cotisation;
des sanctions plus sévères en cas dinfraction;
des conditions dadmissibilité et des mécanismes de prestation nouveaux pour une adaptation « active » au marché du travail.
Le professeur Fortin a décrit en ces termes les réformes de lassurance chômage/emploi des années 1990 :
La remarque générale, cest que le régime dassurance-emploi canadien nest plus, en lan 2001, ce quil était en 1989. On a connu de 1990 à 1996 une série de changements qui ont été nombreux et qui ont eu des effets assez importants sur le comportement du marché du travail et sur les chômeurs eux-mêmes. [ ] Je ne serais certainement pas tenté, de prime abord, dimposer dans le régime davantage de restrictions qui toucheraient lensemble du Canada. Il y a peut-être des adaptations, des ajustements à faire selon les différentes régions, mais dans l'ensemble je pense que le gouvernement canadien a fait son devoir dans le domaine des changements à apporter à l'assurance-emploi. (Professeur Pierre Fortin, Université du Québec à Montréal[1]) |
Il ne fait aucun doute que cette réforme a réduit le programme. Aujourdhui, le
ratio prestataires/chômeurs (appelé aussi ratio P/C) est denviron 45 %[2]. On estime néanmoins quenviron 80 % des
personnes visées par lAE étaient admissibles à des prestations en 1999. En outre,
cette mesure de participation à lAE est demeurée relativement stable au cours des
deux derniers exercices (daprès les données de lEnquête sur la couverture
de la population par lassurance-emploi[3]).
Daprès la dernière évaluation de la réforme de 1996 faite par la Commission de
l'assurance-emploi du Canada, lAE atteint toujours ses principaux
objectifs ? soutien temporaire au revenu des personnes qui ont perdu leur emploi
et aide au réemploi; et prestations de maternité, parentales et de maladie. Néanmoins,
et malgré une économie forte, on a souvent dit au Comité que certaines régions
continuent de connaître des taux de chômage relativement élevés et ont encore du mal
à sadapter aux réformes de 1996.
Nous [le gouvernement] restons fidèles aux intentions annoncées lors des modifications de 1996. La grande majorité de ces modifications donnent de bons résultats. Celles que nous apportons dans le projet de loi C-2 concernent des mesures qui ne donnent pas les résultats escomptés. Nous considérons donc, à linstar du FMI, quil convient dapporter les modifications qui simposent. (Lhonorable Jane Stewart, ministre, Développement des ressources humaines Canada[4]) |
Daprès les derniers chiffres, les prestataires utilisent en moyenne moins des deux
tiers de ce à quoi ils ont droit et seule une faible proportion (12 %) de ceux qui
deviennent chômeurs connaissent une baisse du revenu familial[5]. Le Comité croit deviner que
beaucoup de ceux qui subissent une telle baisse vivent dans des régions à haut taux de
chômage. La fréquence des prestations a aussi baissé, mais c'est surtout chez les
travailleurs non saisonniers. Cela indique que les occasions demploi en morte saison
pour les saisonniers demeurent limitées, et que ceux-ci continueront de recourir à
lAE, même en temps de forte croissance économique[6].
La ministre de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a indiqué au Comité
que le pourcentage des prestataires habituels qui sont des saisonniers demeure au même
niveau quavant la réforme. Outre lefficacité marginale de la règle
dintensité dans la réduction de lutilisation de lAE, la Ministre a
signalé aussi que cette disposition avait eu un effet punitif non prévu. Cest pour
ces raisons que le gouvernement a décidé déliminer les prestations fondées sur
lutilisation.
Bien des gagne-petit demeurent dans des régions où lemploi est instable, de sorte
quils doivent compter sur lAE au cours des périodes de chômage. Le Comité
sest fait dire et répéter que les emplois à longueur dannée sont limités
dans bien des régions du pays et que le travail saisonnier est une réalité de la vie.
Implicitement, le projet de loi reconnaît ce fait, et si bien des témoins sont en faveur
de cette mesure, le Comité sest néanmoins fait dire quelle nallait pas
assez loin pour régler certains problèmes persistants associés à la réforme de 1996.
Certains recommandent que l'AE soit fortement assouplie et que lon revienne à un
programme comme celui qui existait au début des années 1970. Bien que tous les membres
du Comité reconnaissent la nécessité de continuer de moduler le programme dAE, la
plupart sopposent à la mise au rancart de la réforme de 1996.
Bon nombre de nos membres subissent des mises à pied de temps en temps en raison de la nature cyclique des secteurs où ils travaillent. Les plus durement touchés sont évidemment les travailleurs saisonniers de l'industrie forestière. M. Budgell va vous en parler dans quelques minutes. Il vous dira limportance de lassurance-emploi pour ses membres et surtout pour les localités quils habitent et où ils essaient tant bien que mal de gagner leur vie. Il sagit dun programme vital pour eux et leurs localités. (M. Brian Payne, président, Syndicat canadien des communications, de lénergie et du papier7) |
Ce quil faut aujourdhui, cest une AE suffisamment accessible et qui
assure un soutien du revenu adéquat, tout en incitant les gens à conserver leur emploi
et à acquérir les aptitudes professionnelles requises. Il est également important que
lAE soit équitable pour tous les cotisants. Suit une discussion sur les moyens
daméliorer davantage lAE afin de réaliser ces objectifs fondamentaux.
[1]
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des
personnes handicapées (RHPH),
Témoignages, réunion no 5
(15 h 45), 28 février 2001.
[2] Il sagit
dune mesure générale de la couverture daprès le ratio nombre de
prestataires ordinaires (P)/ nombre de chômeurs (C).
Daprès une étude intitulée Analyse de la couverture assurée par le régime
dassurance-emploi réalisée par Développement
des ressources humaines
Canada, la baisse du ratio entre 1990 et 1997 est attribuable pour 50 % à la
réforme du
programme/politique,
pour 43 % aux fluctuations du marché du travail (périodes de chômage plus longues,
travail indépendant
à la hausse, etc.) et,
pour le reste, au changement du ratio prestataires rémunérés/taux de chômage.
[3] Commission de
l'assurance-emploi du Canada (CAEC), Assurance-emploi :
Rapport de contrôle et dévaluation 2000, 22
décembre 2000, p. 16.
[4]
RHPH, Témoignages, réunion no 2
(16 h 50), 21 février 2001.
[5] CAEC, p. 57.
[6] Ibid., p. 59.
7
RHPH, Témoignages, réunion no
9 (15 h 55), 14 mars 2001.