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HUMA Rapport du Comité

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LA CAPACITÉ D’ÉDUQUER ET DE FORMER

 

A.  Financement fédéral de l’enseignement et de la formation postsecondaires

Selon les estimations de Statistique Canada, en 1997‑1998 (dernière année pour laquelle on dispose de données) les gouvernements (essentiellement des provinces et des territoires) ont assumé environ 62 % du coût total de l’enseignement postsecondaire, soit 12 points de pourcentage de moins qu’en 1990‑1991. Les 38 % restants ont été payés grâce aux frais universitaires, aux bourses de recherche, à des dons, aux revenus de placement, etc. En 1997‑1998, les frais universitaires ont couvert 17,3 % du coût de l’enseignement postsecondaire, soit beaucoup plus qu’en 1990‑1991, où ce pourcentage s’élevait à 8,7 %. Les frais universitaires représentent moins d’un cinquième de l’ensemble des coûts de l’enseignement postsecondaire, mais la part qu’assument les étudiants a progressé de près des deux tiers depuis le début des années 1990. Pour bien des témoins que nous avons entendus, ces frais universitaires ont suffisamment augmenté et devraient être plafonnés à leur niveau actuel, tandis que d’autres réclament leur abolition pure et simple. La plupart des témoins ont estimé que les gouvernements devraient contribuer davantage au financement du système d’enseignement postsecondaire du Canada.

Étant donné l’importance de l’apprentissage dans une économie du savoir, il est extrêmement important de maintenir et d’améliorer la capacité d’enseignement dans les établissements spécialisés et en milieu de travail, ce que l’on a rappelé à maintes reprises au Comité. Les témoins se sont dits inquiets de la qualité qu’aura notre système d’enseignement postsecondaire à l’avenir. Ces dernières années, par suite d’une baisse du financement et d’une hausse des inscriptions, le ratio des étudiants au corps enseignant a grimpé; en Ontario, par exemple, ce ratio a augmenté de 25 % au cours des dix dernières années[16], et est supérieur de 35 % à celui des universités publiques des États‑Unis. Sans financement supplémentaire, cette situation pourrait encore empirer puisque les inscriptions devraient augmenter de 20 % d’ici 2010.

Selon nos témoins, un grand nombre d’établissements d’enseignement ont dû reporter à plus tard leurs dépenses d’entretien, pour des raisons d’austérité budgétaire, si bien que la plupart des universités et collèges du Canada doivent aujourd’hui rénover et améliorer leur infrastructure. Nous avons également appris que certains de nos établissements de formation d’État n’ont pas modernisé leur équipement et ne peuvent permettre aux étudiants d’acquérir  les compétences et l’expérience dont ils ont besoin pour se tailler une place de choix sur le marché du travail d’aujourd’hui. Paul Cappon, directeur général du Conseil des ministres de l’Éducation, nous a révélé l’ampleur de cette inquiétude en ces termes :

…la question de la capacité et du renouvellement des ressources des établissements de formation et d’enseignement est prioritaire pour les ministres et les sous‑ministres du CMEC et, en fait, a été au cœur de nos récentes discussions de Toronto. Selon un rapport que nous venons de recevoir, il faudra procéder à des investissements substantiels pour maintenir le système d’enseignement postsecondaire à son niveau actuel, c’est‑à‑dire pour maintenir les taux de participation actuels, renouveler le personnel d’enseignement et effectuer les dépenses en entretien et en infrastructure que nous avons reportées[17].

La question de savoir si le gouvernement fédéral est en mesure de régler les problèmes de capacité est abordée selon des approches fortement divergentes. Pour le moment, l’État finance l’enseignement postsecondaire dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), transfert inconditionnel qui, pour certains, se prête mal au type de transfert ciblé nécessaire à l’accroissement des capacités et à l’amélioration de l’infrastructure de notre système d’enseignement postsecondaire. Même s’il est possible de lier des augmentations futures du transfert à une hausse des dépenses au titre du système d’enseignement postsecondaire, comme on l’a fait récemment pour les soins de santé, il pourrait être difficile de cibler, dans les dépenses, des projets particuliers de renforcement des capacités. Les détracteurs du TCSPS estiment qu’il faut raviver la coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans ce domaine pour répondre aux besoins des diplômés de demain. Au cours de nos audiences, les témoins ont avancé l’idée d’un accord fédéral‑provincial‑territorial, ou pancanadien, relatif à l’enseignement postsecondaire dans le cadre de l’Entente‑cadre sur l’union sociale. Le Québec n’a pas ratifié cette entente, mais il reçoit néanmoins le financement prévu à ce titre tout comme les autres provinces. Les dispositions de l’Entente‑cadre semblent tout à fait compatibles avec les priorités en matière d’enseignement et d’apprentissage postsecondaires, qui visent à :

 

  • assurer l’accessibilité à des programmes et services essentiels de qualité raisonnablement comparable;
  • venir en aide aux démunis;
  • assurer une collaboration avec les divers intervenants et la participation réelle des Canadiens aux politiques et programmes;
  • fournir un financement viable aux programmes sociaux;
  • créer des mécanismes de reddition des comptes vis-à-vis du public et assurer la transparence.

Cette approche aurait pour autre avantage de mieux faire connaître le dossier aux plus hauts échelons de l’appareil fédéral et au Cabinet. Il s’agit là d’une question épineuse qui nécessite de toute évidence la collaboration du gouvernement fédéral et des provinces.

Prochaines étapes 

  • Étudier de façon plus approfondie les moyens de renforcer les mécanismes de financement fédéraux de l’enseignement supérieur et les moyens d’accorder plus d’importance à l’enseignement et à la formation postsecondaires au gouvernement fédéral tout en respectant les compétences provinciales;
  • se pencher sur la formation et l’enseignement postsecondaires dans l’examen de l’Entente‑cadre sur l’union sociale de février prochain.

 

B. Risque de pénurie d’éducateurs et de formateurs

Le pourcentage de personnes ayant suivi des études postsecondaires au Canada (que ce soit à l’université, au collège ou dans un établissement de formation professionnelle) s’établit à 54 %; or, au cours des dix prochaines années, sur 17 emplois, 16 exigeront des études ou une formation postsecondaire d’un type ou d’un autre. Il est donc nécessaire que les inscriptions dans les établissements d’enseignement et de formation postsecondaires augmentent d’ici là. Compte tenu du tissu démographique du Canada, il y aura dans un grand nombre de secteurs professionnels clés des pénuries de compétences, notamment dans les secteurs de la technologie de l’information, des soins de santé, et dans toute une gamme de métiers techniques allant de la sidérurgie, à l’automobile en passant par la construction. Il est absolument crucial pour le bien‑être économique du pays de faire en sorte que ces risques ne se concrétisent pas. L’un des éléments nécessaires, quoique non suffisants, pour qu’il y ait un bassin adéquat de compétences, est de se doter d’une réserve adéquate de formateurs et d’enseignants. Une forte proportion des formateurs, enseignants et professeurs prendra sa retraite au cours des dix prochaines années, et nous craignons ne pas pouvoir les remplacer. Pour ce qui est de la formation professionnelle, Robert Blakely, directeur des Affaires canadiennes, Département des métiers de la construction, nous a déclaré :

Nos métiers sont tous occupés par des gens du même groupe d'âge.  L’âge moyen des gens de métier au Canada va du début de la quarantaine à la fin de la cinquantaine. Étant donné la quantité de travail attendue et le nombre de gens qui partiront à la retraite, nous connaissons une situation proche de la crise. Les baby‑boomers vont quitter les métiers de la construction au cours des dix prochaines années, et personne ne viendra les remplacer; si nous ne cherchons pas à attirer des jeunes doués dans nos métiers, ce sera problématique[18].

Dans son témoignage, Paul  Davenport, président de l’Université Western Ontario, a déclaré au nom des universités canadiennes :

Monsieur le président, j’aimerais enfin plaider la cause des diplômés. Parallèlement à cette énorme augmentation des inscriptions, il y aura une masse de départs à la retraite dans notre université. Une bonne partie du corps enseignant, soit près d’un tiers au cours des dix prochaines années, partira à la retraite[19].

  • Trouver les moyens d’améliorer au cours des années qui viennent nos capacités en matière d’enseignement et de formation,
  • revoir les budgets de nos conseils subventionnaires dans le but d’augmenter le soutien fourni aux diplômés[20],
  • revoir le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de promouvoir la formation dans les corps de métiers et le maintien de ceux qui se trouvent déjà dans le système pour qu’ils puissent obtenir le statut de compagnon. Les compagnons sont des professeurs chargés de former leurs étudiants dans certains corps de métier, et il est absolument crucial de maintenir des enseignants de grande qualité dans ce secteur clé du système d’enseignement postsecondaire.

CONCLUSION ET ORIENTATION FUTURE

Une bonne politique publique ne crée pas de barrière ou de catégorie artificielle ni de chevauchement administratif. Dans son rapport de décembre 2000, le vérificateur général a établi un cadre de gestion des dossiers, comme l’enseignement postsecondaire, qui dépasse les diverses instances en plus de passer outre aux frontières ministérielles au sein de ces instances elles‑mêmes[21]. Le Comité estime qu’il faudrait en tenir compte dans les activités futures du gouvernement fédéral, ainsi que dans sa propre étude, concernant l’enseignement postsecondaire. Il faudra surtout :

 

  • trouver une structure de coordination efficace;
  • s’entendre sur les objectifs, les résultats et les stratégies communes;
  • mesurer les résultats en suivant le rendement;
  • utiliser les renseignements obtenus pour améliorer le rendement;
  • communiquer efficacement l’information sur le rendement.

Ce cadre porte sur le processus, mais il ne suffit pas. Pour l’enseignement postsecondaire, toute approche globale doit de toute évidence partir du principe qu’il n’y a pas de solution unique, de solution miracle qui peut tout régler. Il nous semble évident qu’il faut, pour régler les questions d’accès et de mobilité, des politiques et des programmes reposant sur une approche concertée et tenant compte des besoins des étudiants, des établissements d’enseignement, des instances diverses et de la société dans son ensemble.

Cela est vrai pour la population estudiantine dans son ensemble mais, plus précisément, pour certains groupes. Par exemple, il faut veiller à ce que les personnes handicapées aient accès à un enseignement et une formation postsecondaires, ce qui signifie qu’il faut prévoir une aide plus générale à l’intention des étudiants mais également une aide supplémentaire pour tenir compte des impératifs propres aux handicapés. Les universités et les collèges doivent conjointement élaborer un cadre visant à répondre à ces besoins. Les établissements doivent aussi chacun séparément répondre aux besoins de chaque étudiant handicapé. Il s’agit donc, non seulement de leur fournir des aides techniques, mais aussi de veiller à ce qu’ils puissent avoir accès aux bibliothèques, aux salles de classe et aux installations de recherche, et étudier selon des modalités souples. À un échelon supérieur, cela signifie que les gouvernements provinciaux doivent reconnaître qu’il est nécessaire d’assurer l’universalité d’accès et libérer les fonds nécessaires pour cela. De son côté, le gouvernement fédéral doit collaborer avec ses autres partenaires pour aller dans le sens de l’équité et de l’accessibilité. Il faut prendre des mesures analogues à l’intention des Autochtones, des immigrants et de bien d’autres groupes.

Ce n’est qu’en adoptant une perspective stratégique plus vaste que le Canada peut assurer le système d’éducation et de formation postsecondaires que ses citoyens méritent.



[16]RHPH, Témoignages,séance no 27 (11:45), 2001.

[17] Ibid., (12:00), 2001.

[18] RHPH, Témoignages,séance no 29 (11:25), 2001.

[19] RHPH, Témoignages,séance no 27 (11:45), 2001.

[20] Le Comité aimerait souligner le travail accompli par le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes dans le cadre de son étude sur l’innovation. Une partie de cette étude portait sur les activités de recherche des conseils subventionnaires canadiens, le Programme des chaires de recherche du Canada et la Fondation canadienne pour l’innovation. Notre Comité appuie toutes les mesures visant à faire en sorte que les fonds publics alloués par l’intermédiaire de ces organismes de recherche profitent au plus grand nombre possible d’étudiants, en particulier à ceux qui fréquentent des universités et collèges de taille plus modeste un peu partout au Canada.

[21] Vérificateur général du Canada, Rapport du vérificateur général du Canada, chapitre 20, « La gestion ministérielle axée sur les résultats et la gestion des questions horizontales axée sur les résultats », décembre 2000, pièce 20.11, p. 39.