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HUMA Rapport du Comité

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UN SYSTÈME PLUS JUSTE ENVERS LES CANADIENS : LE CRÉDIT D'IMPÔT POUR PERSONNES HANDICAPÉES

INTRODUCTION

          En réponse aux préoccupations de plus en plus nombreuses formulées par les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, le président du Sous-comité de la condition des personnes handicapées annonçait le 6 novembre 2001 l’intention du Sous-comité d’étudier la décision de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) de revoir l’admissibilité de plus de 100 000 personnes dont la demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées avait été approuvée avant 1996. Les audiences du Sous-comité ont débuté le 20 novembre 2001 et il y a eu depuis plusieurs tables rondes avec des organisations nationales représentant les personnes handicapées, des particuliers, des professionnels de la santé et des fonctionnaires de l’ADRC et du ministère des Finances.

          Le gouvernement fédéral administre diverses mesures conçues pour venir en aide aux personnes handicapées, dont certaines relèvent du régime fiscal. Le Comité s’intéresse en particulier au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH), un crédit d’impôt non remboursable visant à aider les personnes frappées d’un handicap grave à assumer les coûts que leur impose leur condition. Toute personne désireuse de se prévaloir de ce crédit doit remplir le formulaire T2201, le Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées. L’admissibilité des requérants au crédit dépend en grande partie des réponses par « oui » ou « non » à une série de questions figurant sur le formulaire T2201.

          À notre avis, les instructions données à l’égard de chacune des questions sont très restrictives et concourent à refuser le crédit à trop de personnes souffrant d’un handicap grave. Ce reproche n’a rien de nouveau. En effet, lorsque le ministère des Finances a fait le bilan du CIPH en 1991, il avait constaté ces problèmes et avait conclu que, dans un système administratif où l’admissibilité est déterminée et attestée par un médecin de famille, la réussite du système dépendait en grande partie de l’élaboration et de la diffusion de lignes directrices exprimant clairement l’application prévue de la définition1. En outre, une bonne partie des problèmes que pose le crédit d’impôt pour personnes handicapées mentionnés durant nos audiences avaient déjà été signalés en 1996 par le Groupe de travail sur les personnes handicapées et dans un sondage effectué par Brighton Research en 1999 pour le compte de l’ADRC.


[1]         Ministère des Finances, Crédit pour personnes handicapées : Évaluation de l’expérience récente, Ottawa, 1991, p. ii. 

         L’absence de suite donnée à la question témoigne d’un problème apparemment endémique des administrateurs du régime fiscal. Durant ses audiences, le Sous-comité a été si alarmé par les conséquences du réexamen, par l’ADRC, de l’admissibilité des personnes handicapées au CIPH pour les personnes concernées que, à la mi-décembre 2001, il a écrit une lettre à ce sujet au ministre du Revenu national et organisé une conférence de presse. Le Sous-comité a demandé à l’unanimité au Ministre d’intervenir de toute urgence, d’envoyer une lettre d’excuses aux personnes ayant reçu de l’ADRC un avis de réexamen de leur dossier et de voir à ce qu’on ne change en rien leur admissibilité pour l’année d’imposition 2001. Plus de deux mois ont passé, le temps des déclarations de revenus est arrivé, et le Sous-comité attend toujours une réponse du Ministre.

          En dépit de cette façon cavalière de traiter le Parlement, le Comité a préparé un rapport sur le CIPH dans lequel il formule d’autres recommandations sur la manière dont le gouvernement devrait s’y prendre pour améliorer l’administration de cette importante mesure fiscale. Notre rapport commence par un examen de la décision de l’ADRC de revoir l’admissibilité de plus de 100 000 personnes qui bénéficiaient du crédit depuis déjà plusieurs années. Suivent plusieurs sections portant entre autres sur les fondements stratégiques et législatifs du crédit d’impôt pour personnes handicapées, sur les consultations menées par l’ADRC et sur le formulaire T2201.

          Le Comité estime important de rappeler aux Canadiens et à l’ADRC elle-même le mandat de l’Agence. Sur le site Web de l’ADRC, il est précisé que :

[…] l’équité et la promotion des droits des clients ont toujours été parmi nos objectifs clés. Nous sommes engagés à fournir des services équitables pour nos clients et à protéger leurs droits grâce à nos politiques en matière d’équité.

          Il est temps de passer des paroles aux actes.

I. LE PROBLÈME : LA DÉCISION DE L'ADRC DE REVOIR L'ADMISSIBILITÉ AU CRÉDIT DE PERSONNES QUI EN BÉNÉFICIAIENT DEPUIS DÉJÀ PLUSIEURS ANNÉES

          Actuellement, l’ADRC examine toutes les demandes d’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées dès réception. Cela n’a pas toujours été le cas. Avant que l’ADRC ne se voie confier l’administration du crédit en 1996, toutes les demandes étaient approuvées au moment du traitement de la déclaration de revenus de la personne concernée. Une petite partie seulement des demandes faisaient l’objet d’un examen postcotisation. Après 1996, l’ADRC a institué une nouvelle procédure dans laquelle l’admissibilité des requérants est déterminée au moment où la demande est présentée. On a dit au Comité que de 15 à 20 % environ des nouvelles demandes (estimées à 170 000 par an) sont rejetées. De celles qui sont agréées, à peu près le tiers (de 45 000 à 49 000 demandes) sont acceptées pour une période temporaire et le reste (entre 90 000 et 99 000 demandes), à vie. Malheureusement, l’ADRC n’a pas fourni au Comité de confirmation écrite de ces chiffres et celui-ci n’est pas certain de l’exactitude des données fournies verbalement par les porte-parole de l’ADRC.

          En 2000, l’ADRC a réalisé un projet pilote d’examen des dossiers qui ont été approuvés entre 1985 et 1996. Elle en a conclu qu’une partie des demandes présentées durant cette période n’auraient pas dû être approuvées ou seulement pour une courte période. Dans d’autres cas, l’ADRC a constaté que les dossiers ne contenaient pas suffisamment d’informations pour justifier le maintien de l’admissibilité au crédit. Ce problème-là aussi avait été décelé il y a plus de dix ans lors de l’évaluation du CIPH réalisée par le ministère des Finances2.

          En conséquence, l’ADRC a décidé d’examiner environ 200 000 demandes de crédit qui avaient été présentées initialement entre 1985 et 1996. La première phase de cette opération concernait 135 000 demandes actives présentées par les personnes concernées elles-mêmes. À la suite de cet examen, l’ADRC a envoyé une lettre datée du 19 octobre 2001 à 106 000 de ces personnes exprimant des doutes quant à leur admissibilité au crédit et leur demandant de présenter une nouvelle demande (au moyen du formulaire T2201 — Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées) afin de déterminer leur admissibilité en 2001 et les années d’imposition subséquentes.

          La seconde phase de l’examen de l’ADRC portera sur 65 000 demandes de transfert du crédit à une personne pour le compte d’un conjoint ou d’une personne à charge admissible au crédit mais incapable de s’en prévaloir, en totalité ou en partie. L’ADRC n’a pas encore demandé aux personnes de ce groupe de présenter une nouvelle demande d’admissibilité.

          Le Comité comprend facilement le mécontentement des personnes qui ont reçu la lettre en question de l’ADRC puisqu’elles avaient déjà demandé le crédit en question et que leur demande avait été approuvée. En outre, jusqu’à ce qu’ils reçoivent cette lettre, la plupart des bénéficiaires du crédit pensaient, ce qui était logique, qu’ils étaient admissibles à vie, ou tout au moins à long terme. Par ailleurs, on a dit au Comité que, dans bien des cas, le handicap visé par l’approbation initiale s’était aggravé, et non atténué, et qu’il n’y avait pas vraiment de raison de demander aux personnes concernées de présenter un nouveau formulaire T2201. Nous avons aussi entendu parler de contribuables qui ont reçu la lettre en date du 19 octobre 2001 alors qu’on leur avait dit à peine quelques mois auparavant que leur dossier était en ordre et que leur demande était toujours valable. Dans d’autres cas encore, l’Institut national canadien pour les aveugles a demandé à l’ADRC de vérifier les dossiers de personnes ayant reçu la lettre en question et ces dossiers étaient en fait complets. Comme l’a dit une des personnes que nous avons entendues :

Nous ne désapprouvons pas que l’on exige de fournir des renseignements la première fois que l’on fait une demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées. Il serait également raisonnable de demander des renseignements en cas de découvertes médicales qui augmenteraient les probabilités de recouvrement de la vue. Cela n’a toutefois pas été le cas depuis 20 ou 30 ans. J’ai déjà signalé que très peu de personnes, en fait 21 de nos clients, ont recouvré la vue au cours des cinq dernières années. (M. Angelo Nikias, directeur national, Relations gouvernementales et liaison internationale, Institut national canadien pour les aveugles3)

Lorsque nous avons reçu la lettre […] nous avons été extrêmement choqués, surtout par la phrase […] « Après avoir examiné votre dossier, nous estimons que nous n’avons pas suffisamment de renseignements pour vous permettre de continuer à réclamer le crédit d’impôt pour 2001 et les années fiscales suivantes. » Pourquoi? Le dossier de mon fils a-t-il été détruit? Lorsqu’on a accepté de lui accorder le crédit en 1987, l’approbation a été donnée à cause de la permanence du handicap de notre fils et parce qu’en raison de la nature de ce handicap, son autonomie dans les activités courantes est restreinte de façon grave et prolongée, et qu’il a besoin de soins et d’attention. Quels renseignements supplémentaires pourrions-nous donner? L’état de notre fils n’a pas changé. […] Notre fils n’a pas soudainement appris à parler; il ne peut, pas plus qu’avant, se nourrir ou faire sa toilette seul. Il est toujours entièrement dépendant des autres. En insinuant qu’il n’a pas fourni des renseignements suffisants, les autorités prennent une décision arbitraire et font preuve d’un manque total de tact et de politesse. (Mme Audrey Cole, Association canadienne pour l’intégration communautaire4)

[…] l’ADRC semble avoir une conception un peu étrange du crédit d’impôt pour personnes handicapées, une conception qui est insultante, blessante et honteuse lorsqu’il s’agit de gens ayant un ou plusieurs handicaps permanents et qui, pourtant, répondent à tous les critères d’admissibilité. Nous sommes des contribuables et le fait de nous traiter de cette manière est un manque de respect indigne et inutile. (M. Colin Cantlie, président, Association des malentendants canadiens5)


[2]         Ministère des Finances, Crédit pour personnes handicapées : Évaluation de l’expérience récente, Ottawa, 1991. L’étude initiale
             d’un certain nombre de demandes avait fait conclure que 38 % des demandes reçues avant 1991 ne répondaient pas aux
             conditions. On s’est cependant rendu compte que ce chiffre n’était pas représentatif de l’ensemble des bénéficiaires du fait que
             l’échantillon était constitué en grande partie de demandes que Revenu Canada considérait comme des cas irrecevables. Une
             nouvelle évaluation fondée sur un échantillon statistiquement approprié et réalisée par des conseillers médicaux de Santé et
             Bien-être social Canada et non par Revenu Canada a fait tomber à 15 % la proportion des cas non admissibles.

[3]        Sous-comité de la condition des personnes handicapées (SCCPH), Témoignages, réunion no 9 (16 h 15), 20 novembre 2001.

[4]         Ibid., (16 h 20).

[5]         SCCPH, Témoignages, réunion n0 11 (15 h 40), 4 décembre 2001.

       Le Comité comprend parfaitement les sentiments des personnes qui ont reçu la lettre de l’ADRC. Non seulement est-il malvenu de forcer des personnes dont le handicap est demeuré inchangé ou s’est aggravé à soumettre une nouvelle demande, mais la procédure utilisée à cette fin pèche à deux égards. Premièrement, les articles 118.3 et 118.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu n’expriment pas correctement l’intention du législateur relativement au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Ensuite, le formulaire T2201 est mal pensé au niveau de son contenu, de sa structure et des instructions qu’il contient.

1.      Le Comité recommande :

a)   que l’ADRC envoie à toutes les personnes qui ont reçu la lettre
      en date du 19 octobre, leur demandant de soumettre une nouvelle
      demande pour établir leur droit au CIPH, une nouvelle lettre pour
      s’excuser du ton de la première et leur exposer en détail les
      raisons qui motivent cette requête.

b)   que toutes les personnes dont l’admissibilité sera rétablie à la
       suite de la lettre du 19 octobre soient défrayées des dépenses
       qu’elles auront engagées pour faire remplir le formulaire T2201
       ou faire envoyer des renseignements complémentaires à l’ADRC
       par une personne autorisée, sur production de reçus; et

c)   que l’ADRC fasse savoir à toutes les personnes qui ont reçu la
       lettre datée du 19 octobre que toute personne qui se voit refuser
       le CIPH à la suite du réexamen de son dossier aura le droit de
       présenter une nouvelle demande après que le formulaire T2201
       aura été révisé (voir la recommandation 5). Dans l’intervalle,
       l’ADRC doit aussi informer les personnes concernées de leur
       droit de faire appel.

2.      Le Comité recommande qu’on ne demande à aucune autre des
         personnes qui ont bénéficié du crédit d’impôt pour personnes
         handicapées, en totalité ou en partie, entre 1985 et 1996 de
         soumettre une nouvelle demande pour établir leur droit au crédit
         tant que le formulaire T2201 n’aura pas été révisé (voir la
         recommandation 5).

II. LE FONDEMENT STRATÉGIQUE ET LÉGISLATIF DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

          Le système fédéral d’impôt sur le revenu des particuliers tient compte de différentes façons d’une partie des dépenses contractées par les personnes handicapées : par le crédit d’impôt pour les personnes handicapées, par le crédit d’impôt pour frais médicaux, par les crédits d’impôt personnels pour les personnes à charge infirmes et les fournisseurs de soins ainsi que par les dispositions concernant l’épargne des particuliers prenant la forme d’une fiducie ou d’un régime d’épargne à impôt différé. D’autres dispositions permettent de tenir compte des coûts à assumer pour subvenir aux besoins des enfants à charge. Les mesures destinées aux personnes handicapées prennent la forme de crédits non remboursables qui sont déduits de l’impôt de base sur le revenu. Le but des mesures fiscales destinées aux personnes handicapées est d’atteindre une équité horizontale (un traitement fiscal semblable si la situation est semblable) et de rendre égales les règles du jeu.

          Le crédit d’impôt pour les personnes handicapées a été créé durant la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agissait à l’époque d’une déduction de 480 $ du revenu imposable des personnes complètement aveugles qui ne déclaraient pas de frais de soins auxiliaires. Cette disposition visait à tenir compte des dépenses non discrétionnaires et non documentées que les aveugles devaient généralement assumer et à dédommager un peu les membres de leur famille qui prenaient soin bénévolement d’eux6.

          Aujourd’hui, ce crédit d’impôt est devenu un crédit fixe non remboursable, déduit de l’impôt de base sur le revenu des particuliers, et beaucoup plus de personnes atteintes de handicaps graves peuvent s’en prévaloir. Selon la Loi de l’impôt sur le revenu, pour qu’une personne soit admissible au crédit d’impôt, sa déficience mentale ou physique doit être « prolongée » (durer au moins 12 mois d’affilée) et « limiter de façon marquée » sa capacité, au point où « même avec des soins thérapeutiques et l’aide des appareils et des médicaments indiqués », la personne est « toujours ou presque toujours incapable d’accomplir une ou plusieurs activités courantes de la vie quotidienne ». Ainsi, la thérapie ne comprend pas ce qui est essentiel pour maintenir une fonction vitale de la personne et elle doit avoir lieu au moins trois fois par semaine pour une durée totale d’au moins 14 heures par semaine. Les activités de base de la vie quotidienne consistent à percevoir, réfléchir, se souvenir, s’alimenter, s’habiller, parler, entendre, éliminer (intestins et vessie) et marcher.

          Les personnes désirant obtenir le crédit d’impôt doivent présenter le formulaire T2201. Une « personne qualifiée » (médecin, optométriste, audiologiste, ergothérapeute, psychologue ou orthophoniste) doit remplir le formulaire. Seul un médecin peut attester toutes les déficiences alors que les autres personnes qualifiées sont limitées à leur champ de compétence. Par exemple, un audiologiste peut seulement attester la déficience auditive tandis qu’un optométriste est limité à la déficience visuelle7.

          Les personnes jugées admissibles au crédit d’impôt peuvent réclamer un crédit d’impôt non remboursable d’une valeur de 960 $ (c.-à-d. 16 % de 6 000 $). L’exposé budgétaire d’octobre 2000 a indexé ce crédit d’impôt pour tenir compte de l’inflation. Une personne qui subvient aux besoins de la personne admissible au crédit d’impôt peut, dans certaines circonstances, réclamer la fraction inutilisée du crédit.

          Sans fournir de chiffres exacts, l’ADRC et le ministère des Finances ont dit au Comité qu’environ 400 000 personnes réclamaient le crédit d’impôt pour elles-mêmes, 100 000 pour leur conjoint et 100 000 pour une personne à charge. Les dépenses fiscales associées au crédit d’impôt pour personnes handicapées s’élèvent à près de 500 millions de dollars.

          De nombreux problèmes d’admissibilité au crédit d’impôt mis en lumière durant les audiences découlent de ce que le Comité estime être les critères inadéquats, et souvent subjectifs, qui permettent de déterminer si la capacité de la personne de s’acquitter d’une ou de plusieurs activités courantes de la vie quotidienne est limitée de façon marquée. Les autres problèmes ont trait, par exemple, à la définition de « prolongée » et à l’absence de « respirer » dans la liste des activités courantes de la vie quotidienne.


[6]        David G. Duff, Disability and the Federal Income Tax, Williams Research, Public Policy Working Paper WRO2, Toronto,
            février 2000, p. 33.

[7]        Pour avoir droit à la totalité ou à une partie du crédit d’impôt, la personne doit également réclamer le crédit d’impôt pour équivalent
            de conjoint ou le crédit d’impôt pour personne à charge à l’égard de la personne admissible.

Déficience prolongée

          Les membres du Comité acceptent qu’il soit obligatoire que la déficience de la personne soit « prolongée » pour qu’elle soit admissible au crédit d’impôt. Ils hésitent toutefois à souscrire à l’exigence contenue dans la Loi de l’impôt sur le revenu selon laquelle la déficience de la personne doit durer pendant une période continue d’au moins 12 mois. À leur avis, cette définition est passablement restrictive et exclut bien des personnes dont la déficience est grave et dure longtemps. La sclérose en plaques, par exemple, est une maladie cyclique, imprévisible, progressive et dégénérative. En raison de son caractère épisodique, bien des personnes atteintes de cette maladie sont inadmissibles au crédit d’impôt puisque les périodes de crise ne durent pas 12 mois d’affilée, même si les effets invalidants sont récurrents et durent longtemps. La maladie mentale est une autre déficience sérieuse qui peut être à la fois grave et durable mais de nature épisodique. Les experts qui ont témoigné nous ont dit que :

Les maladies mentales graves et prolongées sont très débilitantes. La déficience existe par définition pendant longtemps, dépassant, dans ce cas, 12 mois. Les symptômes de gravité peuvent ainsi augmenter et diminuer mais la déficience reste constante. Il est parfois impossible de prévoir l’aggravation des symptômes. Les critères d’admissibilité doivent donc en tenir compte et les informations et formulaires de l’ADRC doivent être très clairs pour les praticiens. (Dr John C. Service, directeur exécutif, Société canadienne de psychologie)8

D’autres ont indiqué la façon dont la définition de « déficience prolongée » empêche de nombreuses personnes ayant une maladie mentale d’avoir droit au crédit en raison de la manifestation épisodique des symptômes de la plupart des maladies mentales. (Dr Blake Woodside, président de l’Association des psychiatres du Canada)9

          Le Comité est d’avis que la définition de déficience prolongée devrait être modifiée de manière à ce que les personnes ayant une déficience grave, récurrente et à long terme, mais ne durant pas nécessairement 12 mois d’affilée, aient droit au crédit d’impôt. Le Comité n’est pas prêt à faire une recommandation précise à ce sujet, mais il suggère d’étudier la possibilité de consulter des organismes comme ceux qui s’occupent de la sclérose en plaques et des troubles de l’humeur dans le but d’accorder l’admissibilité au crédit d’impôt dans le cas d’une déficience qui dure pendant une période discontinue de 12 mois à l’intérieur d’une période de 24 mois.

Activités courantes de la vie quotidienne

          Les activités courantes de la vie quotidienne faisant appel « à la perception, à la réflexion et à la mémoire » sont autant d’activités dont des personnes souffrant d’une déficience mentale grave ne peuvent s’acquitter. D’après les témoignages recueillis, ces termes ne s’appliquent pas ensemble dans la pratique, mais le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu et du formulaire T2201 donne à penser le contraire. Le Comité croit par conséquent que par souci de clarté, le sous-alinéa 188.4(1)c)i) de la Loi de l’impôt sur le revenu et le formulaire T2201 devraient indiquer « perception, réflexion ou mémoire ». De même, le sous-alinéa 118.4(1)c)ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu et le formulaire T2201 devraient dire « s’alimenter ou s’habiller ». Les témoins nous ont dit que ce changement refléterait la jurisprudence puisque :

Le formulaire demandait au patient s’il pouvait « percevoir, réfléchir et se souvenir ». Maintenant, d’après la jurisprudence, le critère est le suivant : « percevoir, réfléchir ou se souvenir ». C’est d’ailleurs l’usage actuel à l’ADRC; nous pensons que c’est un progrès important et qu’il doit apparaître clairement sur le formulaire. (Dr John C. Service, directeur exécutif de la Société canadienne de psychologie)10

          Le Comité croit que les tests réglementaires associés à la faculté de parler et d’entendre et selon lesquels ces activités courantes doivent se dérouler dans un cadre tranquille avec une autre personne que l’intéressé connaît bien sont irréalistes et contraires au vécu réel des personnes atteintes de ces déficiences.


[8]         SCCPH, Témoignages, réunion n13 (15 h 45), 29 janvier 2002.

[9]        Ibid., (15 h 50).

[10]        Ibid., (15 h 50).

Le critère est par ailleurs extrêmement rigoureux. Si, grâce à une prothèse auditive ou à un implant, vous parvenez à comprendre une conversation — c’est cela le gouvernement — dans une pièce où il n’y a pas de bruit et sans lire sur les lèvres, vous n’avez pas droit à l’exemption. En fait, le degré de perte d’ouïe n’a pas vraiment d’importance pour le bureaucrate. Et le texte lui-même ne se prête à aucune autre interprétation. En fait, cela suppose que tous les malentendants vivent dans le calme et l’isolement, contrairement au reste de la population. Ce critère ne reflète pas nécessairement l’environnement quotidien du malentendant ni les difficultés qu’il éprouve. Cela veut dire en réalité que très peu de malentendants vont pouvoir être admissibles. (Colin Cantlie, président de l’Association des malentendants canadiens)11.

          Le Comité soutient que les sous-alinéas 118.4(1)c)iii) et iv) devraient être reformulés pour mieux refléter les situations de tous les jours que les personnes souffrant d’une déficience grave de la parole et de l’ouïe rencontrent. Par ailleurs, le rapport rédigé par Brighton Research pour l’ADRC signale que selon les audiologistes on pourrait se servir des mesures et des échelles dont eux-mêmes se servent12.

          En dernier lieu, le Comité estime qu’il y aurait lieu d’ajouter le mot « respirer » à la liste des activités courantes. Les membres croient que l’absence de ce terme dans la liste est une lacune évidente et que cet ajout serait conforme aux décisions des tribunaux selon lesquels la respiration est une activité courante de la vie quotidienne13.

Capacité limitée de façon marquée

          Selon l’alinéa 118.4(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, la capacité d’une personne d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne est « limitée de façon marquée » seulement si la personne est incapable, « toujours ou presque toujours », de s’acquitter d’une ou de plusieurs activités courantes. Le Comité est d’avis que cette obligation, transposée dans la pratique, est à l’origine de bien des problèmes d’admissibilité au crédit d’impôt pour les personnes handicapées.

          Selon les lignes directrices associées aux questions auxquelles les personnes qualifiées doivent répondre dans le formulaire T2201, seulement deux des sept questions (Le patient peut-il voir? Le patient peut-il marcher?) offrent un test objectif. Pour ce qui est de marcher, le test consiste à franchir une distance de 50 mètres sur un terrain plat sans prendre un temps excessif. Le Comité a appris que le test des 50 mètres venait peut-être d’une des quatre questions relatives à la capacité de marcher et aux activités courantes qui ont été établies par l’Organisation pour la coopération économique et le développement. Que signifie une distance de 50 mètres? La plupart des gens marchent 50 mètres dans la demi-heure qui suit leur réveil. Et qui circule tous les jours sur du terrain plat? Qu’entend-on par un temps excessif?


[11]        SCCPH, Témoignages, réunion no 11 (15 h 45), 4 décembre 2001.

[12]        Brighton Research, Awareness, Knowledge and Attitudes to the Disability Tax Credit Among Health Care Professionals,
              Ottawa, décembre 1999.

[13]         Voir Duff (2000), p. 34-5. Contient des renvois à Renken c. La Reine [1996] 2 C.T.C. 2687 (CCI) et Fillion c. La Reine [1998]
               Carswell Nat. 2907 (CCI).

          Les cinq autres questions ne contiennent pas de test d’évaluation pour aider la personne qualifiée. Le Comité a cependant appris que l’expression « toujours ou presque toujours » est courante dans la Loi de l’impôt sur le revenu et que la jurisprudence associée à cette expression l’interprète comme équivalant à 90 %. C’est peut-être effectivement le cas, mais il faut bien comprendre que l’application de ce terme dans le contexte du crédit d’impôt pour personnes handicapées diffère passablement de son application courante. Aux fins du crédit d’impôt, l’expression « limitée de façon marquée » se rapporte à l’incapacité d’une personne de s’acquitter d’une activité courante et il n’y a pas lieu de croire que le même test d’évaluation devrait s’appliquer à toutes les déficiences. Par exemple, les personnes qui oublient ou ne peuvent pas réfléchir pendant 50 % du temps sont peut-être limitées d’une façon plus marquée dans leur quotidien que les personnes qui ne peuvent pas entendre 90 % du temps. Le Comité a entendu différents points de vue à ce sujet :

Je ne crois pas qu’on puisse considérer séparément le mot « presque ». Nous devrions plutôt examiner « presque toujours » ou « toujours ou presque toujours », qui sont des expressions couramment utilisées dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Il y a bien sûr des contextes différents, par exemple lorsqu’une entreprise utilise « tous ou presque tous » ses biens pour exercer une certaine activité pouvant donner lieu à une aide fiscale. Compte tenu de la jurisprudence concernant la Loi de l’impôt sur le revenu, l’expression « toujours ou presque toujours » a été interprétée comme signifiant 90 %. De toute évidence, cela ne signifie pas que si une personne est handicapée à 88 %, sa demande sera rejetée. Il faut examiner l’ensemble des circonstances et la situation réelle. (Robert Dubrule, agent principal de la Politique fiscale, ministère des Finances)14.

Au cours des dernières années, il est devenu pratiquement impossible pour quiconque souffrant d’une maladie mentale grave d’être admissible au crédit d’impôt sans en appeler de la décision de l’ADRC devant la Cour de l’impôt du Canada. Même pour ceux qui avaient auparavant droit au crédit d’impôt, les questions auxquelles on doit répondre par un simple oui ou par un simple non rendent frivoles les complexités de toutes les maladies mentales. La question « Votre patient est-il capable de percevoir, de réfléchir ou de se souvenir? » exclut essentiellement tous ceux qui souffrent d’une maladie mentale grave et prolongée, puisqu’ils peuvent toujours percevoir, réfléchir et se souvenir, même si leurs processus mentaux sont parfois dysfonctionnels, excentriques, bizarres ou délirants. Cette discrimination est illégale. (Lembi Buchanan, présentation individuelle)15.

Encore une fois, je reviens à la question de savoir si une personne est en mesure de percevoir, de penser et de se rappeler les choses. Nous voulons appuyer ce qui a déjà été dit à propos de la position insoutenable du professionnel de la santé qui doit répondre à cette question par oui ou non. Le médecin ne peut répondre non que dans les cas où le patient ne peut penser, percevoir ou se rappeler les choses en aucun temps ou presque jamais, même lorsqu’il suit une thérapie, une pharmacothérapie ou un traitement avec un appareil. Bon nombre de médecins ont refusé de remplir le questionnaire parce qu’ils considèrent que la définition de déficience y est beaucoup trop étroite et les place dans une situation professionnelle impossible. En effet, il est très difficile pour le médecin de répondre à cette question sans contredire son évaluation du patient. (Ed Pennington, directeur exécutif de l’Association canadienne pour la santé mentale)16

Les activités élémentaires de la vie quotidienne relèvent de la perception, de la pensée et de la mémoire. C’est également raisonnable… Toutefois, l’interprétation de ces seuils, qui exige que la déficience existe toujours ou presque toujours — règle de 90 % — est raisonnable pour certains Canadiens qui souffrent par exemple de troubles neurologiques, mais non pour beaucoup d’autres qui ont une maladie mentale ou des troubles psychologiques. Pour les Canadiens de ce dernier groupe, il est préférable de considérer d’autres critères pour voir s’ils sont admissibles ou non à ce crédit. (Dr John C. Service, directeur exécutif de la Société canadienne de psychologie)17


[14]         SCCPH, Témoignages, réunion no 14 (15 h 55), 5 février 2002.

[15]         SCCPH, Témoignages, réunion no 10 (16 h 05), 27 novembre 2001.

[16]         Ibid., (16 h 15).

[17]         SCCPH, Témoignages, réunion no 13 (15 h 45), 29 janvier 2002.

          On a dit au Comité que le test de la capacité limitée de façon marquée était appliqué individuellement à chaque activité courante de la vie quotidienne. Qu’en est-il des personnes qui sont incapables de s’acquitter de plusieurs activités courantes pendant 30 % ou 50 % du temps? L’effet cumulatif ne peut-il pas se traduire par une limitation marquée? De l’avis du Comité, la loi doit tenir compte des personnes qui souffrent malheureusement de déficiences multiples graves, dont aucune, prise individuellement, ne restreint leur capacité de façon marquée selon les critères.

Personnes qualifiées

          En plus des problèmes susmentionnés qui découlent des critères d’admissibilité au crédit d’impôt et aux lignes directrices correspondantes, la personne souffrant d’une déficience grave doit avoir accès à une personne qualifiée pour faire une demande. Le Comité croit que parfois des personnes habitant une région éloignée du pays ne peuvent pas consulter facilement un des professionnels énumérés à l’alinéa 118.3 (1)(a.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Lorsqu’un médecin se présente, le but premier est de traiter les individus qui ont des problèmes médicaux pressants, non pas de remplir des formulaires. Le Comité croit que les personnes habitant une région éloignée du pays et n’ayant pas accès à des personnes qualifiées devraient pouvoir faire remplir le formulaire T2201 par une personne, une infirmière diplômée par exemple, qui connaît leur handicap et qui a une connaissance pratique des déficiences mentales et physiques visées par le crédit d’impôt pour les personnes handicapées.

[…] Il y a sans doute d’autres façons d’obtenir les services dont on a besoin. Dans les cas les plus difficiles et les plus complexes, on peut recourir à la télémédecine et au soutien en ligne. On peut mettre en contact les différents fournisseurs de soins d’une localité avec les hôpitaux de l’endroit. L’accès est donc possible. (Dr Claude Renaud, secrétaire général associé et médecin chef de l’Association médicale canadienne)18

          Même si on a dit au Comité que l’admissibilité au crédit d’impôt était appliquée rétroactivement, la plupart des membres croient que les personnes ne devraient pas avoir à attendre longtemps pour faire une demande de crédit d’impôt et le recevoir. Pour le Comité, le délai prolongé ne résulte pas seulement de l’absence de personnes qualifiées pour remplir la demande initiale de crédit d’impôt, mais peut aussi résulter du supplément d’information demandé par l’ADRC. Nous suggérons d’ajouter une infirmière diplômée à la liste des personnes qualifiées.

3.      Le Comité recommande au gouvernement de modifier immédiatement
         la Loi de l’impôt sur le revenu pour incorporer les décisions judiciaires.
         Pour plus de clarté, le Comité recommande au gouvernement :

a)   d’ajouter « respirer » à la liste des activités courantes de la vie
      quotidienne à l’alinéa 118.4c);

b)   de modifier le libellé des sous-alinéas 118.4(1)c)(i) et (ii) en
       remplaçant « la perception, la réflexion et la mémoire » et
       « le fait de s’alimenter et de s’habiller » par « la perception, la
       réflexion ou la mémoire » et « le fait de s’alimenter ou de
       s’habiller ».

4.      Le Comité recommande qu’après les consultations (voir la
         recommandation 6) le gouvernement modifie la Loi de l’impôt sur le
         revenu
pour :

a)   définir « limitée de façon marquée » dans le contexte de chaque
       activité courante de la vie quotidienne ou combinaison de
       celles-ci. Le Comité croit que ces changements devront clarifier
       la signification de « toujours ou presque toujours » afin de
       traduire ce qu’est vraiment vivre avec un handicap;

b)   redéfinir « prolongée » de manière à englober les personnes
       qui ont une déficience substantielle et récurrente même si
       celle-ci ne dure pas nécessairement 12 mois d’affilée;

c)   reformuler les sous-alinéas 118.4(1)c)(iii) et (iv) afin de mieux
       refléter les situations de tous les jours que les personnes
       atteintes d’une déficience grave de la parole et de l’ouïe rencontrent;

d)   ajouter « infirmière diplômée » à la liste des personnes
       qualifiées pour les personnes handicapées habitant une
       région éloignée du Canada où l’accès à d’autres
       professionnels de la santé,
       surtout un médecin, est extrêmement limité.


[18]         Ibid., (17 h 10).

III. LA CONSULTATION ET UN NOUVEAU FORMULAIRE T2201

          Le Comité trouve à la fois irritant et frustrant de constater que certains des problèmes actuels liés au crédit d’impôt pour les personnes handicapées auraient pu être évités si le gouvernement avait suivi les conseils et les recommandations que ses prédécesseurs et lui-même ont formulés au cours des dix dernières années. Dans ses rapports antérieurs, le Comité a insisté sur l’importance de la consultation pour que les bonnes décisions soient prises et qu’elles soient comprises par la communauté des personnes handicapées et par les ministères. À deux reprises, nos prédécesseurs au Parlement qui ont étudié le régime fiscal et l’invalidité ont recommandé à l’unanimité la tenue de consultations entre les ministères (Finances et Revenu national) et la communauté au sujet de la définition de personne handicapée et des critères appliqués pour déterminer l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées19. Le Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées a exposé succinctement la raison principale pour laquelle il faut parler aux Canadiens et l’avantage de le faire :

La loi doit être respectée, bien sûr, mais l’interprétation de la loi doit être équitable et perçue comme étant équitable20.

          Malgré les efforts de nos prédécesseurs pour redresser la situation, les membres du Comité se trouvent maintenant dans l’obligation de se prononcer sur des demandes contradictoires : celles des ministères, d’une part, par opposition à celles des personnes handicapées et des professionnels de la santé, d’autre part.

          Selon un représentant ministériel, soit Alain Jolicoeur, commissaire adjoint de l’ADRC :

L’agence est passée maîtresse dans l’art de tenir des consultations[…] efficaces[…] Cette année-là [1996], nous avons consulté 55 associations et groupes de revendications différents représentant des personnes handicapées au sujet du formulaire T2201 et de la nouvelle brochure rédigée pour 1996 concernant le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Nous avons reçu de nombreuses suggestions. Celles qui avaient trait à des points de droit ont été transmises au ministère des Finances21.

          Le Comité n’a peut-être pas toutes les preuves en main, mais il reste que le Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées n’a indiqué nulle part dans le rapport qu’il a publié à la fin de 1996 que le processus de consultation avait donné des résultats satisfaisants; en fait, il a demandé qu’il y ait consultation au sujet du formulaire T220122. Le commissaire adjoint a aussi indiqué que l’ADRC se tenait en communication avec les groupes d’intérêts et les consultait constamment et que l’Agence entretenait de bons rapports de travail avec les professionnels de la santé qui avaient qualité pour signer le formulaire T2201. M. Jolicoeur a également déposé un rapport que Brighton Research a publié en 1999 et qui contenait les vues de groupes de consultation composés de médecins23.


[19]         Pour ces recommandations voir :

              Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, Les personnes handicapées, une
              réalité : le système fiscal et les personnes handicapées,
Ottawa, mars 1993, p. 9. Le Comité a recommandé que : Le ministère
              des Finances etdes représentants des personnes handicapées, de concert avec le ministère du Revenu national (Impôt) et le
              ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, devraient examiner et préciser la définition de l’incapacité et son
              application pratique, notions qui déterminent l’admissibilité au crédit pour personnes handicapées.

              Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : La volonté
              d’intégrer les personnes handicapées, Ottawa : 1996. Le Comité a recommandé que : Pour l’année d’imposition 1996, le
              gouvernement du Canada devrait revoir la formule T2201 en vue de la rendre conforme à la définition statutaire, après avoir
              consulté les organisations de personnes handicapées.

[20]         Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : La volonté
               d’intégrer les personnes handicapées, Ottawa : 1996, p. 105.

[21]         SCCPH, Témoignages, réunion no 13 (15 h 40), 11 décembre 2001.

[22]         Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : La volonté
               d’intégrer les personnes handicapées
, Ottawa : 1996, p. 104.

[23]         Brighton Research, Awareness, Knowledge and Attitudes to the Disability Tax Credit Among Health Care Professionals, Ottawa :
              décembre 1999.

          Par ailleurs, un grand nombre de représentants de différents groupes de personnes handicapées et des professionnels de la santé nous ont dit qu’ils croyaient ne pas avoir été adéquatement consultés, du moins ces dernières années. Cela est particulièrement vrai des témoins qui représentaient des personnes souffrant de troubles psychiatriques ou cognitifs ou qui travaillent avec elles. Ed Pennington de l’Association canadienne pour la santé mentale nous a fait observer ceci :

À notre avis, le gouvernement fédéral n’a pas consulté les professionnels de la santé sur la question des capacités et des limites cognitives ou intellectuelles des personnes atteintes de maladies mentales graves. Conséquemment, le gouvernement a laissé libre cours à des lieux communs erronés entourant ces malades24.

Pauline Mantha, de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage, a indiqué au Comité qu’elle ne se souvenait d’aucune consultation depuis que Revenu Canada était devenu l’Agence des douanes et du revenu du Canada en 199925. Laurie Beachell du Conseil des Canadiens avec déficiences a fait observer qu’il croyait que les professionnels de la santé, mais pas les personnes handicapées, avaient été consultés au sujet du formulaire26. Des représentants des personnes handicapées ont indiqué qu’à leur avis, l’ADRC n’avait pas consulté d’autres ministères ou organismes gouvernementaux au sujet de l’envoi de la lettre exigeant un nouveau certificat, le 19 octobre. Quant au motif qui a poussé Revenu Canada (et l’ADRC) à démanteler le Comité consultatif des personnes handicapées, à savoir qu’on était « fatigué de la consultation », le Comité s’est laissé dire que les personnes handicapées étaient prêtes à se réunir à n’importe quel moment pour discuter de questions comme la lettre de réévaluation27. Le Dr John Service de la Société canadienne de psychologie a dit au Comité que cette dernière avait tenu sa première réunion en septembre 2001. Le Dr Henry Haddad, président de l’Association médicale canadienne, qui a pris la parole au nom de celle-ci, a indiqué que :

Le Sous-comité a peut-être eu l’impression que l’AMC avait été consultée souvent et régulièrement. En réalité, ces réunions, bien que productives, ont été assez aléatoires. Je dirais qu’au mieux, nous pouvons décrire notre rapport de travail comme étant sporadique28.

          Une lettre lue au Comité a fait ressortir les conséquences du manque de consultation, à propos notamment de la demande de l’ADRC relative à l’établissement d’un nouveau certificat :

Elle [une bénéficiaire du CIPH] n’arrive pas à comprendre ce qu’on veut d’elle. Des lettres comme celle que vous avez envoyée le 9 octobre lui causent beaucoup de stress dont elle pourrait se passer[…] Mettez-vous à la place de ses parents. Pensez-vous qu’un parent dirait que son enfant est handicapé mentalement ou intellectuellement[…] si ce n’était pas vrai? C’est la situation la plus pénible que son père et moi ayons jamais eu à affronter. Les personnes qui travaillent avec des adultes atteints de déficiences considéreront sans doute que votre lettre est une forme de harcèlement29.


[24]         SCCPH, Témoignages, réunion no 11 (16 h 20), 27 novembre 2001.

[25]        Ibid.,(17 h 20).

[26]         SCCPH, Témoignages, réunion no 9 (17 h 10), 20 novembre 2001.

[27]         Ibid., (17 h 45).

[28]         Association médicale canadienne, « Notes pour une allocution du Dr Henry Haddad, président de l’Association médicale
               canadienne, au sujet du programme de crédits d’impôt pour personnes handicapées », Ottawa, janvier 2002.

[29]         SCCPH, Témoignages, réunion no 9 (16 h 55), 20 novembre 2001.

          Il ne sert à rien au Comité d’essayer de trancher un litige quant à savoir s’il y a eu des consultations ou non. Nous soupçonnons que les déclarations des personnes handicapées et des médecins reflètent à propos des « consultations » des vues différentes de celles du ministère. À notre avis, consultation ne veut pas dire bénédiction occasionnelle pour la forme. À un moment donné, Alain Jolicoeur, commissaire adjoint de l’ADRC, a dit que son organisme avait distribué une brochure à 900 exemplaires. Plus tard au cours de la même réunion, Kathy Turner, directrice générale de l’ADRC, a indiqué que cet envoi équivalait à une consultation, mais sans décrire les changements qui s’en étaient suivis30. C’est ce qu’elle a répété lors d’une réunion subséquente31. S’agissait-il de consultation ou non? David Miller, le sous-commissaire de l’ADRC, nous a également indiqué à titre d’exemple que pouvoir marcher sur une distance de 50 mètres était devenu un critère pour déterminer l’admissibilité avant que son organisme n’assume la responsabilité de l’administration du CIPH. Cette mesure de la capacité de marcher était déjà controversée au moment des audiences de l’ancien Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées il y a dix ans. Il nous semble étrange que cette question n’ait pas fait l’objet de consultations et que des changements n’aient pas été envisagés ou apportés. Nous n’avons en fait entendu aucun témoignage en ce sens32.

          Quoi qu’il en soit, c’est au fruit qu’on juge l’arbre. Il est évident, à la lumière des critiques formulées par nos témoins du monde médical et du milieu des personnes handicapées au sujet de l’absence de consultation, que les discussions qui ont pu avoir lieu n’ont pas été très satisfaisantes à long terme. Qui plus est, le manque de transparence du processus de consultation a semé le doute et permis de croire que certains groupes de personnes handicapées avaient été consultés contrairement à d’autres, ou que la profession médicale avait joui d’un traitement préférentiel. Nous nous sommes également laissé dire que certains critères figurant dans le formulaire T2201 mais non dans la Loi n’avaient pas fait l’objet d’une consultation. (Cela est particulièrement le cas pour les personnes souffrant de troubles mentaux et cognitifs.) S’il y a eu consultation, l’ADRC et le ministère des Finances n’en ont pas tenu compte et n’ont pas expliqué publiquement non plus pourquoi ils n’y ont pas donné suite33. Nous ne nous attendons pas à ce que la consultation satisfasse les personnes concernées dans tous les cas, mais elle devrait toujours être marquée au sceau de la transparence et donner lieu à un rapport public qui indique clairement qui a été consulté, l’objet de la consultation et la nature de toute mesure que l’ADRC ou le ministère des Finances se propose de prendre (ou de ne pas prendre) en conséquence.

          Le Comité croit donc sur parole les témoins qui lui ont indiqué être en faveur des consultations. David Miller, sous-commissaire de l’ADRC, nous a dit que l’Agence aimerait apporter des améliorations au formulaire et qu’elle croit qu’il est de son devoir de travailler avec ses groupes clients. Selon Kathy Turner, directrice générale, l’ADRC cherchera à connaître les vues d’autres intéressés, y compris bon nombre des témoins qui ont comparu devant nous34. Nous avons entendu des témoignages en faveur de consultations à plus grande échelle, tant à court terme pour revoir le formulaire T2201 qu’à plus long terme pour régler les grandes questions de l’administration de l’impôt et de l’élaboration de politiques35. Nos témoins du milieu des personnes handicapées et du monde médical ont eux aussi vivement recommandé que les réunions et les contacts se fassent plus nombreux36. Voici ce qu’Adele Furrie avait à dire au Comité :

[…] à mon avis, il faut d’abord réunir tous les intervenants, c’est-à-dire les handicapés, les groupes de revendication, l’Agence des douanes et du revenu du Canada, afin que tous soient sur la même longueur d’ondes au sujet de l’initiative et s’entendent sur un formulaire et un processus37.


[30]         SCCPH, Témoignages, réunion no 12 (15 h 40) par comparaison à Ibid., (15 h 50).

[31]         SCCPH, Témoignages, réunion no 14 (16 h 15), 5 février 2002.

[32]         SCCPH, Témoignages, réunion no 12 (15 h 50), 11 décembre 2001

[33]         Cela est particulièrement remarquable étant donné le fait que le rapport de l’ADRC sur le crédit d’impôt pour personnes
               handicapées renfermait bon nombre des commentaires et critiques au sujet de l’administration qui ont été formulés
               durant nos audiences.
(Voir : Brighton Research, « Awareness, Knowledge and Attitudes to the Disability Tax Credit
               Among Health Care Professionals », Ottawa : décembre 1999.)

[34]         SCCPH, Témoignages, réunion no 14 (16 h 35), 5 février 2002.

[35]         SCCPH, Témoignages, réunion no 10 (16 h 45), 27 novembre 2002.

[36]         Pour un exemple, voir la déclaration faite par M. Colin Cantlie au SCCPH, Témoignages, réunion no 11 (15 h 45),
               4 décembre 2001.

[37]         SCCPH, Témoignages, réunion no 13 (17 h 05), 29 janvier 2002.

          Le Comité s’est attardé sur la nécessité de consultations, parce qu’il en est venu à la conclusion qu’il ne sera possible de régler le problème du formulaire T2201 et de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu qu’après consultation des parties intéressées. C’est le meilleur moyen de s’assurer que les formulaires utilisés pour attester l’admissibilité au CIPH reflètent à la fois la Loi de l’impôt sur le revenu et les réalités de la vie d’une personne handicapée. Les témoins — experts, médecins, particuliers, organisations de personnes handicapées — se sont tous, sans exception, plaints du fait que le formulaire était inadéquat dans un cas comme dans l’autre. Au cours de son témoignage, Adele Furrie, une experte de réputation internationale, a longuement passé en revue le formulaire T2201 pour montrer comment les définitions ont changé et en quoi le formulaire T2201 semble différer de la Loi. De plus, elle a signalé que certaines des questions du formulaire T2201 incluaient des mesures objectives, contrairement à d’autres. Quelques-unes de ces mesures apparaissent inopportunes à la lumière des termes employés dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Le Dr John Service a expliqué que le problème que pose le formulaire dans le cas des handicaps mentaux pouvait être attribué au fait qu’on « a tenté d’utiliser ce qui était essentiellement un modèle et une culture de santé physique pour évaluer la maladie mentale ou des problèmes psychologiques38 ». Pour reprendre les propos de nos témoins :

Bien que nous ne disposions pas des données nous permettant de déterminer la proportion relative de requérants pour chaque catégorie, de nombreux psychiatres indiquent de façon anecdotique que les critères, tels qu’ils sont présentés dans les instructions qui accompagnent le formulaire T2201, signifient que leurs patients ne sont pas admissibles, indépendamment de la gravité de leur maladie[…] les psychiatres en général trouvent que le formulaire T2201 ne convient pas. Cherchant à rendre ce formulaire plus facile à remplir, on en a fait un document trop simpliste.

Il faut élaborer des définitions plus claires de déficiences psychiatriques et de santé mentale afin de permettre aux praticiens de décrire correctement l’état de leurs patients. (Dr Blake Woodside, président, Association des psychiatres du Canada)39

À notre avis, le certificat pour le crédit pour personnes handicapées T2201 est discriminatoire envers les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démence connexe. Les questions qui exigent une réponse de type oui ou non ne fournissent pas une évaluation juste ou exacte de l’incapacité de ces personnes[…] Nous croyons que la façon dont le formulaire T2201 est formulé limite l’évaluation du professionnel de la santé à un simple oui ou non. (Mary Ann Change, directrice générale, Société Alzheimer du Canada)40

          Ce problème s’explique surtout par le fait qu’on définit « en tout temps ou presque en tout temps » comme étant 90 % du temps. Nous sommes d’accord avec tous les organismes et particuliers qui ont comparu devant nous et qui ont unanimement signalé que cela ne s’appliquait pas à leur cas. Harry Beatty du Centre de la défense des droits des handicapés a fait observer que les définitions de la Loi de l’impôt sur le revenu n’avaient pas changé, mais que :

[…] au cours des dernières années, le formulaire a été remanié de sorte que, dans la plupart des cas, ces changements font qu’un médecin a de plus en plus de réticences à signer pour appuyer la demande de son patient ou de sa patiente, même si les critères prévus dans la définition officielle n’ont pas changé; mais le médecin n’a pas lu la loi; c’est le formulaire qu’il lit[…] Autrefois, le médecin pouvait indiquer si, dans l’ensemble, il estimait que la personne était atteinte d’un handicap grave et profond; il pouvait porter un jugement global. Ce n’est plus possible depuis que ce formulaire a été remanié41.

          Les médecins praticiens ont indiqué qu’ils trouvent le formulaire déroutant et qu’ils aimeraient que les questions soient reformulées afin d’être mieux en mesure de définir la gravité de l’invalidité. Un grand nombre de nos témoins ont également fait des recommandations quant aux questions qu’il faudrait inclure sur le formulaire T2201. Nous comprenons le désir d’améliorer le formulaire, mais un comité du Parlement ne devrait pas dicter le libellé de questions particulières. C’est aux fonctionnaires ministériels, aux médecins praticiens, aux professionnels paramédicaux, aux personnes handicapées et aux experts qu’il faudrait confier la conception des formulaires.

          De nombreux témoins ont également exprimé des réserves quant au formulaire supplémentaire que les médecins et autres professionnels qualifiés pourraient avoir à remplir. Selon le Dr John Service de la Société canadienne de psychologie, « ces questions posent problème aussi. Certaines ne sont pas appropriées; certaines donnent des renseignements qui ne permettent pas une bonne évaluation42. »

          Ces préoccupations n’ont rien de nouveau. Elles ont été soulevées lors de l’étude du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées qui a recommandé, il y a six ans, que le gouvernement du Canada revoie « la formule T2201 en vue de la rendre conforme à la définition statutaire, après avoir consulté les organisations de personnes handicapées43  ». La situation est d’autant plus urgente que rien n’a été fait en ce sens durant les années qui se sont écoulées depuis.

5.      Le Comité recommande que tous les formulaires utilisés pour
          évaluer l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées
          soient complètement modifiés. Le nouveau formulaire T2201 devrait
          être conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu, être moins normatif et
          laisser une plus grande place au diagnostic d’une personne qualifiée.
          S’il y a lieu, il faudrait soit allonger le formulaire soit le scinder en des
          formulaires distincts pour qu’il renferme des questions se rapportant à
          une invalidité particulière. Le formulaire révisé devrait être soumis au
          Comité permanent du développement des ressources humaines et
          de la condition des personnes handicapées d’ici au 1er décembre 2002
          aux fins d’examen avant d’être rendu public.

6.      Le Comité recommande que l’ADRC et le ministère des Finances
          entreprennent immédiatement des consultations à grande échelle en
          vue d’apporter des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu
          (recommandation 4) et d’améliorer le processus et le formulaire de
          demande de CIPH. Ils devraient notamment consulter des
          représentants des organisations qui s’occupent de différents types
          d’invalidité, de groupes professionnels de praticiens ayant qualité pour
          attester l’admissibilité au CIPH ainsi que du Bureau de la condition des
          personnes handicapées. Il leur faudrait accorder une attention
          particulière à la nécessité d’élaborer des critères d’admissibilité et un
          formulaire de demande qui tiennent adéquatement compte de la maladie
          mentale et des troubles cognitifs. L’ADRC et le ministère des Finances
          devraient présenter un rapport écrit au Comité à propos de la nature et
          des résultats de leurs consultations au plus tard le 1er décembre 2002.

7.      Le Comité recommande que l’ADRC et le ministère des Finances
          mettent sur pied un groupe consultatif mixte de haut niveau afin que la
          consultation se poursuive avec les hauts fonctionnaires (y compris le
          Bureau de la condition des personnes handicapées), les groupes de
          revendication, les représentants des groupes professionnels de
          praticiens qui remplissent le formulaire T2201 et les particuliers. Ce
          groupe consultatif devrait s’occuper des questions courantes touchant
          l’administration et l’efficacité du programme de CIPH pour s’assurer que
          le CIPH atteint les objectifs fixés.


[38]        Ibid., (15 h 45).

[39]        Ibid.,(15 h 50).

[40]        SCCPH, Témoignages, réunion no 10 (16 h 15), 27 novembre 2001.

[41]        SCCPH, Témoignages, réunion no 9 (17 h 05), 20 novembre 2001.

[42]        SCCPH, Témoignages, réunion no 13 (16 h 45), 29 janvier 2002.

[43]        Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : La volonté
              d’intégrer les personnes handicapées
, Ottawa : 1996, p. 105, recommandation 47.

IV. COÛTS IMPOSÉS AUX PARTICULIERS

          Tout au long des audiences, de nombreux témoins ont parlé des coûts que les particuliers doivent engager pour faire remplir le formulaire T2201 par un professionnel de la santé. Tout d’abord, pour présenter une demande de CIPH, une personne doit débourser entre 25 $ et 150 $44. Le Dr John Service a indiqué que les honoraires de 50 $ demandés aux personnes souffrant d’un handicap mental ou cognitif représentent un tarif réduit car celui des psychologues est plus élevé45. Il y a aussi les frais que doivent engager les personnes auxquelles on a demandé récemment d’établir de nouveau leur admissibilité. L’Association des malentendants canadiens nous a indiqué que ce coût était suffisamment élevé pour justifier l’adoption d’une mesure compensatrice autorisant par exemple un contribuable à réclamer une partie du coût au titre des frais médicaux. Enfin, si l’ADRC demande des renseignements additionnels, la personne doit voir un médecin ou un autre professionnel de la santé une deuxième fois.

          Dans le rapport de l’Agence préparé par Brighton Associates, il est indiqué que les coûts et le temps nécessaire pour réévaluer une personne et remplir des formules de renseignements supplémentaires posent problème. Dans ce rapport, on mentionne que la plupart des personnes qui ont participé aux groupes de discussion estimaient que l’Agence devrait prendre à sa charge le coût de ces mises à jour46. D’autres témoins ont souligné qu’une évaluation faite par un psychologue pour prouver une difficulté d’apprentissage et attester l’admissibilité du demandeur au CIPH est très onéreuse (jusqu’à 3 000 $). Le Dr Henry Haddad, de l’Association médicale canadienne, a dit au Comité que le fait de devoir remplir des formulaires additionnels sans rémunération ou presque constitue un fardeau pour les médecins47. Enfin, selon Harry Beatty, du Centre de la défense des personnes handicapées, les frais médicaux peuvent compromettre les possibilités d’appel d’une personne car les médecins sont de plus en plus réticents à produire des rapports détaillés susceptibles d’occasionner à leurs patients des frais considérables alors que la valeur maximale du crédit est de moins de 1 000 $ par an48.

          D’après les témoins, beaucoup de médecins hésitent à imposer des frais pour remplir un formulaire qui pourrait retirer au patient le droit de recevoir le CIPH. Le Dr Henry Haddad a présenté le point de vue du milieu médical à ce sujet :

… dans la majorité des cas, le malade qui demande le CIPH n’a pas toujours les moyens d’acquitter les frais liés au programme et par conséquent le médecin hésite à exiger des honoraires. En ce cas et dans de nombreux autres, le médecin fait deux évaluations, remplit deux formulaires, ce qui peut prendre plus d’une heure et même davantage lorsqu’il s’agit d’un cas complexe, et au bout du compte, cet acte n’est pas rémunéré. Ce genre de situation est frustrant aussi bien pour le malade que pour le médecin et finit bien souvent par compromettre leur relation et par accroître la méfiance à l’égard du système49.

          Laurie Beachell, du Conseil des Canadiens avec déficiences, a résumé comme suit le point de vue des personnes handicapées :

[Nous employons] un des systèmes de certificat et d’admissibilité les plus coûteux. Un nombre croissant de personnes vont trouver leur médecin dans le seul but d’obtenir un crédit d’impôt pour personnes handicapées, des prestations d’invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada, des permis de stationnement, etc. Les médecins remplissent des formules pour lesquelles la plupart d’entre eux font payer […], qui ne sont pas couverts par l’assurance-maladie. Par conséquent, c’est un coût supplémentaire qui est à la charge de la personne concernée50.


[44]         SCCPH, Témoignages, réunion n10 (17 h 25), 4 novembre 2001.

[45]         SCCPH, Témoignages, réunion n13 (16 h 50), 29 janvier 2001.

[46]         Brighton Research, Awareness, Knowledge and Attitudes to the Disability Tax Credit Among Health Care Professionals, Ottawa,
                décembre 1999, p. iii.

[47]         SCCPH, Témoignages, réunion n13, (15 h 35), 29 janvier 2002.

[48]         SCCPH, Témoignages, réunion n9 (16 h 05), 20 novembre 2001.

[49]         Association médicale, « Notes pour une allocution du Dr Henry Haddad, président de l’Association : le Programme de crédit
                d’impôt pour personnes handicapées », janvier 2002.

[50]         SCCPH, Témoignages, réunion n9 (15 h 45), 20 novembre 2001.

         Le Comité estime que des particuliers, surtout ceux atteints d’un handicap grave et qui ont souvent un faible revenu, ne devraient pas être obligés d’engager des frais indûment élevés pour obtenir un crédit d’impôt annuel de moins de 1 000 $. Bien que les frais exigés pour remplir le formulaire T2201 ne soient pas couverts par les régimes médicaux provinciaux, certaines personnes peuvent obtenir un remboursement partiel. Il faudrait faire savoir qu’une personne admissible au crédit d’impôt pour frais médicaux peut avoir le droit de déduire les frais exigés pour remplir le formulaire.

8.      Le Comité recommande qu’à compter de l’année d’imposition 2002,
          le gouvernement soit tenu d’acquitter le coût des services d’un
          professionnel de la santé qui fournit à l’ADRC des renseignements
          autres que ceux demandés dans le formulaire T2201, si cela permet
          au patient d’obtenir le crédit ou d’interjeter appel. Le montant pourra
          comprendre tous les frais liés à la fourniture à l’ADRC de
          renseignements additionnels sur la production d’une nouvelle
          attestation aux fins du CIPH ou à l’évaluation médicale demandée
          lorsqu’une personne fait appel après s’être fait refuser le crédit. Pour
          plus de clarté, le demandeur ou l’appelant devrait attendre que sa
          demande soit approuvée avant de réclamer le remboursement de
          ces frais.

9.      Le Comité recommande, dans le but d’assurer une utilisation plus
         efficace des ressources de santé et une réduction des frais éventuels
         à engager par les demandeurs du CIPH, de simplifier le processus
         pour pouvoir déterminer aisément si le handicap d’une personne est
         demeuré stable ou s’est aggravé.

V. INFORMATION ET COMMUNICATIONS

          Pour le Comité, il ne fait aucun doute que les vives réactions suscitées par la lettre du 19 octobre sont dans une large mesure attribuables à l’absence d’un plan de communication. La nécessité d’une campagne de sensibilisation pour expliquer le crédit d’impôt pour personnes handicapées n’est pas nouvelle. Voici les points saillants de la dernière évaluation du CIPH effectuée par le ministère des Finances en 1991 :

Il est important de poursuivre les discussions entre les ministères (Santé et Bien-être social, Finances et Revenu Canada), les médecins et les associations de personnes handicapées afin d’améliorer les instruments de communication et de recueillir un consensus sur la façon d’appliquer la définition de handicap dans diverses situations51.

          Dans l’étude du régime fiscal qu’il a réalisée en 1993, le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées a recommandé d’améliorer les communications52. La même recommandation a été faite dans le rapport préparé par Brighton pour le compte de l’ADRC, lequel propose des mesures distinctes pour les comptables et les conseillers financiers et pour les professionnels de la santé53. En outre, si la population était mieux informée, le nombre de demandes diminuerait peut-être. Par exemple, si les personnes moins gravement handicapées comprenaient les critères, elles économiseraient le temps et l’argent nécessaires pour remplir le formulaire T2201 et se rendre chez un médecin.

          Plusieurs témoins ont souligné qu’il était essentiel d’offrir sur des supports de substitution l’information sur l’ensemble des éléments se rapportant au CIPH54. Harry Beatty, du Centre de la défense des personnes handicapées, nous a mentionné que dans les années 80, les médecins semblaient être mieux au courant grâce à l’information fournie à ce moment-là par Revenu Canada. « Ce n’était pas parfait, et peut-être que pour certains handicaps on établissait des distinctions qui n’avaient pas lieu d’être, mais je crois que l’on s’efforçait davantage de déterminer la nature des handicaps sérieux ou très graves55. »

          L’ADRC a reconnu ne pas avoir communiqué avec les personnes handicapées et que, par exemple, les personnes auxquelles on avait envoyé la lettre leur demandant de présenter une nouvelle demande n’avaient pas été prévenues à l’avance. Le commissaire adjoint nous a décrit les mesures prises pour répondre aux besoins sur le plan de l’information et de la sensibilisation :

[En 1996] les suggestions qui pouvaient être mises en oeuvre sans modifier la loi ont été intégrées au formulaire et à la nouvelle brochure. Cette participation publique nous a beaucoup aidés à améliorer les deux publications. Copie de la brochure mise à jour a été envoyée par courrier à tous les députés et à quelque 900 associations et groupes de revendication56.

          L’Agence a en outre fait savoir que toute modification des critères devrait être accompagnée d’une stratégie de communication pour informer les intéressés57. Les représentants de l’Agence ont dit reconnaître l’importance de collaborer avec la communauté et d’utiliser les réseaux qu’elle a mis en place afin que l’information soit communiquée aux personnes handicapées au travers de leurs sites Web et de leurs bulletins. Le Comité a par ailleurs constaté que la modification au formulaire concernant les soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie n’avait pas été suffisamment bien expliquée. En effet, de nombreuses associations de personnes handicapées ne savaient pas qu’elle ne visait pas uniquement les personnes atteintes de fibrose kystique et de maladies du rein58.

          Le Comité tient à ce que les personnes dont la demande de CIPH a été rejetée disposent d’informations claires et complètes sur leur droit d’en appeler de la décision. L’existence de ce droit doit être signalée très clairement dans le formulaire T2201 ainsi que dans toutes les campagnes d’information et de communication menées par l’ADRC. Harry Beatty, du Centre de la défense des personnes handicapées, a fourni la précision suivante au Comité :

Bien sûr, le droit d’en appeler existe, mais pour la plupart des personnes et des familles, il est très difficile de le faire valoir. Bien sûr, beaucoup de personnes ne savent pas en quoi consiste un droit d’appel. Certains dépassent les 90 jours alloués pour déposer un avis d’opposition…59.


[51]         Ministère des Finances, Crédit pour personnes handicapées : Évaluation de l’expérience récente, Ottawa, 1991, p. iii.

[52]         Comité permanent des droits de la personne et de la situation des personnes handicapées, Les personnes handicapées, une
               réalité : Le système fiscal et les personnes handicapées,
Ottawa, 1993, p.8. La troisième recommandation se lit comme suit :
               Le ministère des Finances et celui du Revenu national devraient mener une campagne d’information pour faire connaître les
               critères qui s’appliquent aux dispositions du régime fiscal concernant les soins médicaux et les personnes handicapées.
               Tous les renseignements, qu’ils soient destinés aux professionnels de la santé ou aux personnes handicapées, devraient
               être offerts sur des supports de substitution. Il convient de rédiger dans un langage clair et simple ceux qui s’adressent aux
               handicapés mentaux. Les formules d’impôt appropriées devraient également être offertes sur des supports de substitution.

[53]         Brighton Research, Awareness, Knowledge and Attitudes to the Disability Tax Credit Among Health Care Professionals, Ottawa,
                décembre 1999, p.1.

[54]         SCCPH, Témoignages, réunion n11 (15 h 50), 4 décembre 2001.

[55]         SCCPH, Témoignages, réunion n9 (17 h 40), 20 novembre 2001.

[56]         SCCPH, Témoignages, réunion n12 (15 h 40), 11 décembre 2001.

[57]         SCCPH, Témoignages, réunion n14 (16 h 35), 5 février 2002.

[58]         SCCPH, Témoignages, réunion n11 (16 h 35), 4 décembre 2001.

[59]         SCCPH, Témoignages, réunion n9 (16 h 05), 20 novembre 2001.

10.      Le Comité recommande que l’ADRC, en collaboration avec les
           associations de personnes handicapées et les médecins, prépare
           pour l’année d’imposition  2002 une stratégie et une campagne de
           sensibilisation visant à :

a)    informer la population en général de l’objet, de la teneur et des
       dispositions du crédit d’impôt pour personnes handicapées;

b)    offrir aux personnes habilitées à attester l’admissibilité de
        particuliers au CIPH (plus particulièrement les professionnels
        qui traitent des personnes ayant des déficiences mentales et
        psychiques et des difficultés d’apprentissage) des
        informations qui leur feront mieux comprendre la nature du
        processus d’attestation et des renseignementsrequis aux
        fins de l’octroi du CIPH.

c)    prévoir, à l’intention des spécialistes en déclarations, des
       conseillers en fiscalité et de leurs clients, un guide détaillé
       décrivant les critères d’admissibilité et les étapes préliminaires
       afin de permettre aux contribuables de décider de l’opportunité
       de demander le crédit.

11.      Le Comité recommande que l’ADRC traite les appels de façon
            appropriée. À cette  fin, l’Agence doit :

  a)    regrouper dans les documents d’information qu’elle produit
         les renseignements nécessaires sur le droit d’appel dont
         peuvent se prévaloir les personnes dont la demande de
         CIPH a été rejetée. Il convient que cette information figure
         de façon bien visible sur le formulaire T2201.

  b)   modifier la procédure d’appel prévue pour les personnes dont
         la demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées a
         été rejetée afin de mieux répondre aux besoins de ces
         personnes (par exemple en prolongeant le délai). Comme il
         est mentionné à la recommandation 7, il serait souhaitable
         que ces éventuelles modifications soient étudiées et
         approuvées par le groupe consultatif.

VI. DÉCISION SUR L'ADMISSIBILITÉ

          Le Comité n’a pu déterminer précisément qui prend les décisions sur l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Nous avons reçu quelques éclaircissements à ce sujet de la part des représentants de l’ADRC, mais certaines questions demeurent.

          Au sujet de l’évaluation des demandes de crédit au sein de l’ADRC, le sous-commissaire David Miller a précisé que le gouvernement fédéral ne suit pas le modèle du Québec où le professionnel de la santé peut répondre « oui », « non » ou « non évalué », et il a expliqué pourquoi l’ADRC agit ainsi :

[…] il nous semblait clair qu’en prévoyant des cases « oui » et « non », nous ne laissions aucune place à l’interprétation. Ainsi, ce serait le professionnel de la santé qui trancherait et non le personnel de l’ADRC. Il est difficile d’évaluer si une personne répond aux critères établis sur la seule base des renseignements fournis. Nous avons choisi cette façon de faire afin que ce soit la personne travaillant directement avec le client, qui connaît bien sa déficience, qui prenne la décision, et non quelqu’un analysant un formulaire60.

          Par ailleurs, Maureen Tapp, directrice des Programmes spéciaux et des partenariats, nous a dit que, s’il n’y a pas suffisamment d’information, l’ADRC demande des précisions aux médecins ou aux responsables de la certification, et l’Agence a informé le Comité que les lettres de clarification sont adaptées à chaque cas. Quand des doutes persistent, l’Agence appelle le praticien qualifié qui a rempli les formulaires.

          Pour notre part, nous avions l’impression que le formulaire devait permettre au professionnel de la santé le plus au courant de la déficience de se fonder sur son opinion pour certifier l’admissibilité. Ce système, en place au début des années 90, concorde avec le principe de l’auto-évaluation du régime fiscal canadien. En ce moment, les contribuables autres que les demandeurs du crédit d’impôt pour personnes handicapées peuvent en général s’auto-évaluer et sont sujets à des vérifications de routine de la part de l’ADRC. Ne pas se fier au jugement de celui qui connaît le mieux la personne handicapée est très risqué. Comme nous l’ont dit ces professionnels, ils mettent contre leur gré leur crédibilité en jeu et, pourtant, des membres de l’ADRC dont on ne connaît pas les qualifications peuvent revoir leur évaluation.

          En outre, le Comité estime que ceux qui ont essuyé un refus et le professionnel qui a signé le formulaire ont droit à des explications. Pauline Mantha de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage donne de très bons arguments en ce sens :

À notre avis, les médecins mettent leur statut professionnel en jeu en signant ces formulaires, et il est raisonnable de s’attendre à ce que l’ADRC, qui a le pouvoir de rejeter la demande, justifie cette décision par égard professionnel61.

Elle nous a ensuite informés que l’ADRC a traité de façon plutôt irrégulière les demandes des personnes ayant des troubles cognitifs. Le Comité est d’avis que l’obligation de justifier le rejet d’une demande apporterait une certaine uniformité aux décisions d’accorder ou de refuser le crédit d’impôt.

          Interrogés à ce sujet, les porte-parole de l’ADRC n’ont pas dit catégoriquement au Comité si les professionnels de la santé à l’emploi de l’Agence décidaient qui était admissible au crédit, ni à quelle étape du processus de demande ou d’évaluation ils le faisaient. Tom Kissner, gestionnaire de la Section des crédits d’impôt pour personnes handicapées, a déclaré ce qui suit :

Nous pensons bien avoir quelques personnes qui s’y connaissent dans l’interprétation des formulaires […] Dans chaque centre fiscal, nous avons des gens qui ont reçu une formation concernant le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Nous leur transmettons des instructions venant de l’administration centrale et nous leur donnons des lignes directrices. Nous avons un manuel de procédures et ainsi de suite […] S’il faut une interprétation supplémentaire ou un contact avec le médecin, le dossier revient à nos services à l’administration centrale, où nous avons des infirmières qui agissent comme conseillères médicales. Ce serait elles qui téléphoneraient au médecin ou assureraient un suivi à une lettre visant à clarifier des aspects médicaux62.


[60]         SCCPH, Témoignages, réunion n9 (16 h 05), 20 novembre 2001.

[61]         SCCPH, Témoignages, réunion no 10 (16 h 25), 27 novembre 2001.

[62       SSCPH, Témoignages, réunion no14 (16 h 55), 5 février 2002. Toutefois, selon le rapport remis par Brighton Research à l’ADRC,
              les professionnels de la santé sont peu enclins à fournir de l’information par téléphone.

          Étant donné les autres renseignements reçus, les remarques de M. Kissner ont besoin d’être précisées. Nous n’avons eu aucune preuve que l’ADRC consulte des spécialistes médicaux de l’Agence ou de l’extérieur, ce qui, de l’avis du Comité, est rétrograde par rapport aux pratiques antérieures. L’étude du crédit d’impôt pour personnes handicapées réalisée en 1991 fait état de l’aide que les conseillers médicaux de Santé Canada ont fourni pour l’évaluation de la validité des demandes63.

          De plus, Mme Mantha a recommandé que le personnel de l’ADRC reçoive davantage de formation concernant les troubles d’apprentissage ou autres troubles cognitifs, parce qu’ils sont très difficiles à évaluer :

[…] il est mal avisé de prétendre que [les agents de l’ADRC] disposent de la formation et des connaissances nécessaires à de telles évaluations. C’est pourquoi ils devraient bénéficier régulièrement de formation64.

Dans son mémoire au Comité, l’Association des malentendants canadiens a elle aussi recommandé une formation, assortie de paramètres précis : qu’elle ait lieu tous les 18 mois pour ceux qui travaillent en première ligne, qui élaborent les politiques et qui prennent les décisions et qu’elle soit assurée par des personnes ayant des déficiences65.

12.      Le Comité recommande que, dès le 1er janvier 2003, toute décision
           de l’ADRC d’approuver ou de rejeter une demande de crédit d’impôt
           pour personnes handicapées soit prise par une personne qualifiée
           conformément à l’alinéa 18.3(1)(a.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu
           (en ce moment, un médecin, un optométriste, un audiologiste, un
           ergothérapeute, un psychologue ou un orthophoniste).

13.      Le Comité recommande que, lorsqu’elle rejette une demande de
           crédit d’impôt, l’ADRC fournisse au demandeur une explication
           écrite des raisons du refus, lui  précisant ses droits et les
           procédures d’appel.

14.      Le Comité recommande que l’ADRC fournisse, à tous les
           employés qui s’occupent du crédit d’impôt pour personnes
           handicapées, une formation relative à la nature de la déficience,
           à l’objet du crédit d’impôt et aux défis administratifs d’une
           application équitable. Cette formation devrait impliquer les
           personnes handicapées et insister sur la complexité des
           troubles cognitifs et des déficiences mentales.

VII. RÉÉVALUATION ET RÉFORME

          Même si l’étude du Comité couvrait les aspects administratifs du crédit d’impôt pour personnes handicapées, presque tous les témoins ont replacé ce crédit dans le contexte plus vaste de l’imposition des individus ayant des déficiences. Nous avons encore une fois été frappés par le fait que, malgré les recommandations formulées par le Parlement au cours de la dernière décennie, le gouvernement n’a effectué aucun examen exhaustif du régime fiscal en ce qui touche les personnes handicapées. La dernière évaluation du crédit d’impôt pour personnes handicapées a eu lieu il y a plus de dix ans. Le Dr Claude Renaud de l’Association médicale canadienne décrit la situation actuelle comme étant :

[…] le symptôme d’un programme en désarroi. Le fait de devoir envoyer des missives pour créer plus d’équité dans le programme, pour redresser certains torts, révèle que les formulaires sont inadéquats. Ils ne concordent pas avec la loi. Le processus de mise à jour a été confié à des fonctionnaires, plutôt que de recevoir l’appui du pouvoir politique, du gouvernement lui-même ou de la société. Il serait peut-être plus judicieux de revenir à la case départ et d’examiner la loi. Les Canadiens veulent un crédit d’impôt plus généreux, il faudra prendre une décision à cet effet. Comme vous l’avez dit, revoyons les définitions, les problèmes opérationnels et logistiques, et assurons-nous d’avoir une procédure administrative saine, qui puisse être confirmée rapidement à tous les paliers66.

          Le Comité sait que l’ADRC doit faire des compromis entre les objectifs d’équité, d’assurance d’application et d’efficience administrative, et il est d’avis qu’il incombe maintenant au gouvernement d’examiner si un équilibre raisonnable a été établi entre ces objectifs.


[63]         Ministère des Finances, Crédits pour personnes handicapées : Évaluation de l’expérience récente, Ottawa, 1991.

[64]         SSCPH, Témoignages, réunion no 10 (16 h 30), 27 novembre 2001.

[65]         Association des malentendants canadiens, notes de présentation, décembre 2001. Voir aussi SSCPH, Témoignages, réunion
                 no 11 (15 h 45), 4 décembre 2001.

[66]         SSCPH, Témoignages, réunion n13 (17 h), 29 janvier 2002.

15.      Le Comité recommande que le ministère des Finances effectue
           une évaluation exhaustive du crédit d’impôt pour personnes
           handicapées et la remette au Comité permanent du
          développement des ressources humaines et de la condition des
          personnes handicapées au plus tard le 31 décembre 2002.

          Durant son travail, le Comité s’est rendu compte que, malgré la volonté de restreindre l’étude à l’administration du crédit d’impôt, les témoins ne faisaient naturellement pas la distinction entre, d’une part, la politique et l’administration fiscales et, d’autre part, l’utilisation du régime fiscal pour atteindre des objectifs sociaux. Comme l’a écrit l’un des analystes :

Les considérations de politique sociale ont trait à la façon dont les ressources économiques sont réparties et distribuées parmi les membres de la collectivité. La politique fiscale, elle, vise la collecte des recettes gouvernementales d’une manière qui permet de traiter équitablement les contribuables, a une incidence minimale sur leurs décisions économiques et est relativement facile à comprendre et à administrer. Ces objectifs s’appellent équité, efficience et simplicité. Quant aux dépenses liées aux déficiences, la politique sociale déterminera dans quelle proportion elles sont assumées soit par la personne handicapée et ceux qui subviennent à ses besoins, soit par la société dans son ensemble, tandis que la politique fiscale a trait à la façon dont les dépenses assumées par l’individu et sa famille doivent être prises en compte dans le calcul de l’impôt à payer par l’individu67.

          Nous avons reçu des témoignages, trop nombreux pour les citer ici, à l’effet que le crédit d’impôt pour personnes handicapées doit être examiné à la lumière des objectifs de politique sociale pour les personnes handicapées et non pas seulement en tant que mesure fiscale. De plus en plus, les gouvernements utilisent le régime fiscal pour conférer des avantages sociaux mais, dans le cas du crédit d’impôt pour personnes handicapées, le Comité a pu constater, sur la foi de multiples preuves, que cet objectif semble être visé sans grand égard aux résultats obtenus ou qui devraient l’être. Lorsqu’on lui a demandé si le crédit d’impôt pour personnes handicapées était trop restrictif, M. Serge Nadeau du ministère des Finances a répondu qu’il fallait faire des compromis entre les coûts, les coûts fiscaux, l’équité et aussi la facilité d’administration parce que le régime fiscal est un instrument très peu raffiné68. Dans la considération de ces compromis et de leur application, certaines études réalisées par des parlementaires ont poussé beaucoup plus loin que nous sommes disposés à le faire sans le bénéfice d’autres témoignages69. Quoi qu’il en soit, le Comité croit fermement que ces questions exigent un débat public.

16.      Le Comité recommande que le gouvernement entreprenne un examen
           exhaustif de toutes les mesures du système fiscal fédéral destinées à
           appuyer les personnes handicapées. En vue d’une discussion
           publique, le gouvernement devrait rédiger et communiquer, d’ici le
           31 mars 2003, un document énonçant de possibles options de réforme.
           Ledit document devrait examiner précisément le regroupement de
           mesures fiscales (p. ex., le crédit d’impôt pour personnes handicapées
           et le crédit d’impôt pour frais médicaux), la possibilité deremboursement
           et un régime enregistré d’épargne (assorti d’un volet subvention
           comme le REEE) pour les enfants handicapés qui ne pourront
           peut-être pas bénéficier d’un enseignement supérieur mais qui ont
           besoin d’aide financière pour vivre.


[67]        David G. Duff, Disability and the Federal Income Tax Act: Executive Summary, Williams Research (Toronto, février 2000)
              (Executive summary of Public Policy Working Paper WR02). p. ii.

[68]         SSCPH, Témoignages, réunion no 14 (15 h 55), 5 février 2002.

[69]        Voir Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, Les personnes handicapées,
              une réalité : Le système fiscal et les personnes handicapées
, Ottawa, mars 1993; Groupe de travail sur les personnes
               handicapées, Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : La volonté d’agir, Ottawa, 1996.