LES ENFANTS DES PREMIÈRES NATIONS QUI HABITENT LES RÉSERVES, DE LA PÉRIODE PRÉNATALE À L’ÂGE DE 6 ANS
MISE EN CONTEXTE
Le gouvernement du Canada a pris des engagements importants à l’égard des peuples autochtones1 du Canada en général et de leurs enfants en particulier dans le discours du Trône qui a inauguré la 1re session de la 37e législature. Pour favoriser le développement sain des enfants autochtones dans l’ensemble du pays, le gouvernement a alors annoncé qu’il travaillerait de concert avec les Premières nations pour :
| | améliorer et étendre la portée des programmes et des services communautaires relatifs au développement de la petite enfance; |
| | accroître les ressources fournies dans le cadre du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones afin d’en élargir l’accès. |
Il s’est également engagé à collaborer avec les communautés autochtones, les provinces et les territoires en vue de réduire considérablement l’incidence du syndrome d’alcoolisation fœtale.
Par suite de ces engagements, les membres du Sous-comité des enfants et des jeunes à risque ont convenu d'amorcer une étude sur les enfants autochtones du Canada, en portant une attention particulière aux programmes et aux services fédéraux qui leur sont offerts. Vu l'importance déterminante de la petite enfance pour le développement et le bien-être futur des individus2, et les sphères de compétences distinctes des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en ce qui à trait aux Autochtones qui habitent les réserves et ceux qui habitent à l'extérieur de celles-ci3, il nous a semblé opportun de diviser cette étude en quatre phases, qui traiteront de la période prénatale jusqu’à l’âge de 12 ans chez les enfants qui habitent à l’intérieur et à l’extérieur des réserves.
Phase 1 : | La condition des jeunes enfants des Premières nations qui habitent les réserves, depuis la période prénatale jusqu’à l’âge de 6 ans. |
Phase 2 : | La condition des jeunes enfants autochtones vivant à l’extérieur des réserves, depuis la période prénatale jusqu’à l'âge de 6 ans. |
Phase 3 : | La condition des enfants des Premières nations de 6 à 12 ans qui habitent les réserves. |
Phase 4 : | La condition des enfants autochtones de 6 à 12 ans vivant à l’extérieur des réserves. |
Le Sous-comité prévoit terminer les quatre phases de l’étude d’ici la fin de l’année 2003.
Nous avons entamé notre examen de la condition des enfants des Premières nations en novembre 2001 par des séances d'information que nous ont données des représentants de plusieurs ministères fédéraux qui offrent des programmes et des services aux familles et aux enfants autochtones du Canada4. Des rencontres subséquentes ont été organisées en vue de réaliser la première phase de l'étude avec des experts du développement de la petite enfance, divers intervenants, des enseignants travaillant en milieu autochtone, des groupes communautaires, des dirigeants autochtones et des représentants de diverses bandes et communautés des Premières nations.
Ce rapport représente le terme de la première phase et traite de la condition des enfants vivant en réserve, de la période prénatale jusqu’à l’âge de 6 ans. Il constitue une synthèse des témoignages ainsi que des observations et des recommandations qui, nous l’espérons, contribueront à améliorer la vie des jeunes enfants qui habitent les réserves du Canada et les possibilités qui s’offrent à eux.
Cela dit, nous sommes tout à fait conscients des limites de ce rapport. Comme nous avons porté une attention particulière aux programmes et aux services qui visent le développement des jeunes enfants, nos recommandations se limitent à cet objet d’étude et n’abordent donc pas l’ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les membres des Premières nations à travers le pays. Bien que le Sous-comité comprenne qu’il est impossible de dissocier ces problèmes de ceux propres aux enfants, nous estimons néanmoins que de garantir aux familles et aux jeunes enfants qui habitent les réserves l’accès à un éventail complet de possibilités d’apprentissage et de développement constitue un bon point de départ pour assurer le développement sain des communautés des Premières nations, et qu’il s’agit d'un investissement important pour l’avenir de notre pays.
Tel que l’a indiqué Dre Rose-Alma McDonald, consultante auprès du Mohawk Council of Katenies et de l’Assemblée des Premières nations :
ENFANTS AUTOCHTONES AU CANADA : APERÇU
En janvier 1993, six enfants inuits à Davis Inlet se sont barricadés dans une cabane non chauffée, par des températures de moins quarante degrés, et ont tenté de se suicider. Sept ans plus tard, des caméras de télévision filmaient un groupe d’enfants de la communauté inuite de Sheshatshiu seuls dans la forêt par des températures sous zéro, en train de respirer des vapeurs d’essence. Ces images, diffusées à l’échelle nationale et internationale, sont gravées dans notre mémoire. Trois ans avant les événements tragiques de Davis Inlet, le 28 mai 1990, le Canada s’engageait à faire en sorte que « les intérêts supérieurs de l’enfant l’emportent » en signant la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant6. Malgré cet engagement solennel, les statistiques révèlent que les enfants autochtones au pays continuent d’être affligés de façon disproportionnée de maladies et de divers problèmes sociaux.
En raison de la complexité de la dynamique historique et contemporaine, les Autochtones au Canada sont désavantagés à de nombreux égards. Réunies, ces conditions socio-économiques négatives avec lesquelles les Autochtones sont aux prises ont des répercussions néfastes sur le développement de leurs enfants. À maintes reprises, les membres du Sous-comité se sont fait rappeler les disparités entre les enfants des Premières nations et les autres enfants canadiens sur les plans de la santé et du bien-être. « Il ne fait pas de doute », selon la BC Aboriginal Child Care Society, que « les enfants autochtones se trouvent dans une mauvaise situation et que leurs familles font face à de nombreux problèmes, dont la pauvreté, la dépendance à l'égard de l’aide sociale, l’analphabétisme et une détresse générale7 ». En effet, les indicateurs sociaux et économiques révèlent des taux élevés de natalité, de chômage, de logements insalubres, de sous-scolarisation et d’autres facteurs environnementaux qui aggravent les risques pour la santé des enfants et des jeunes8.
En 1996, selon les estimations, presque 60 p. 100 des enfants des Premières nations de moins de six ans vivaient au-dessous du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada. La pauvreté et son action délétère peuvent être traumatisantes, plus particulièrement chez les enfants constamment exposés à ces puissants facteurs d’agression. Les logements insalubres et surpeuplés dans les réserves expliquent les taux élevés de troubles respiratoires et de maladies infectieuses chez les enfants autochtones. De plus, comparativement aux enfants non-autochtones, ils connaissent des taux plus élevés de traumatismes et de décès prématurés et sont plus susceptibles que les autres enfants canadiens à commencer à un jeune âge à fumer, à consommer de l’alcool et à abuser de drogues9.
D’autres indicateurs sociaux des enfants des Premières nations révèlent10 :
| | Un taux de mortalité infantile deux ou trois fois plus élevé que pour la moyenne canadienne |
| | Un taux de mortalité infantile dû à des traumatismes quatre fois plus élevé que la moyenne nationale. |
| | Un taux de décès des enfants des Premières nations d’âge préscolaire cinq fois plus élevé que la norme canadienne. |
| | Un taux du syndrome d’alcoolisation fœtale et des effets de l’alcool sur le fœtus approchant les 20 p. 100. |
| | Les enfants des Premières nations qui habitent les réserves sont confiés aux soins d’autres personnes quatre fois plus que les autres enfants canadiens. |
| | Presque 30 p. 100 des enfants autochtones vivent avec un seul parent, et 15 p. 100 des enfants des Premières nations qui habitent les réserves n’habitent pas avec l’un ou l’autre de ses parents. |
| | 23 p. 100 des enfants des Premières nations qui habitent les réserves éprouvent de graves difficultés d’apprentissage. |
Ces problèmes sociaux et économiques auxquels se heurtent bon nombre d’enfants des Premières nations sont d’autant plus troublants compte tenu des tendances démographiques actuelles et futures. Au moins le tiers de la population a moins de 14 ans. D’après les Données ministérielles de base — 2000 du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, environ 50 p. 100 des Indiens inscrits ont moins de 25 ans. En outre, en raison du jeune âge de la population des Premières nations au Canada et du haut taux de natalité, ces chiffres devraient augmenter. Selon un témoin entendu par le Sous-comité, les « enfants de moins de six ans représentent 16 p. 100 de la population [autochtone], tandis que chez l’ensemble des Canadiens ils représentent environ 8 p. 100 de la population11 ». En d’autres termes, les enfants autochtones sont un groupe démographique important. Cette réalité n’est pas sans avoir des répercussions sérieuses sur les politiques des gouvernements fédéral et autochtones. La BC Aboriginal Child Care Society a exprimé cette inquiétude au Sous-comité dans les termes suivants :
Les membres du Sous-comité reconnaissent qu’il est urgent d’adopter une approche soutenue et intégrée, qui soit sensible à la culture autochtone, afin de redresser ces injustices si nous ne voulons pas que la vie des enfants des Premières nations soit caractérisée par l’aggravation du cycle de désespoir. Un témoin a fait la mise en garde suivante aux membres du Sous-comité :
PROGRAMMES ET SERVICES : CE QU’ON NOUS A DIT
Quoique les services et les programmes qui visent le développement des enfants d’âge préscolaire ne puissent à eux seuls répondre à tous les problèmes socio‑économiques auxquels se heurtent bon nombre des communautés des Premières nations à travers le pays, nos témoins ont fait valoir l'importance qu’ils revêtent pour leurs enfants, leurs familles et leurs communautés.
S’agissant des programmes de garderie et de développement de la petite enfance, Robert Lagacé, directeur de la BC Aboriginal Child Care Society, a souligné :
Au cours des audiences du Sous-comité, beaucoup de témoins ont par ailleurs tenu à souligner l’impact positif qu'ont eu certains des programmes et des services qui visent le développement des jeunes enfants dans leur communauté. Voici quelques-uns des témoignages entendus à ce propos :
| | [l]es enseignants indiquent qu’il y a toute une différence avec ces enfants [ceux qui ont bénéficié du service de garderie] parce qu’ils ont déjà commencé à apprendre en garderie. Ils ont commencé à socialiser et ils ont aussi commencé à faire certains exercices préscolaires.Cette garderie présente donc des avantages15. |
| | [Le Programme d'aide préscolaire] a fait toute une différence pour les enfants qui l’ont suivi. On a bien sûr tenu compte de leurs besoins parce qu’on leur enseigne leurs valeurs traditionnelles. On a demandé la participation des aînés. On leur a donné des repas traditionnels. De plus, ils leur ont montré comment écrire leur nom et ainsi de suite. Par conséquent, le Programme d’aide préscolaire est bénéfique pour nous tous16. |
| | Nous avons remarqué qu’un plus grand nombre d’enfants utilisent du vocabulaire de base et que leurs parents les imitent et commencent à parler. Il s’agit là d’un signe clair que les services de garderie se révèlent positifs pour les parents17. |
| | [La programmation destinée aux jeunes enfants des Premières nations] a créé beaucoup d’emplois. Cela a poussé beaucoup de gens à se reprendre en main. Cela a ouvert des carrières. Cela a donné plus d’opportunités. Cela a également permis à nos enfants d’être plus conscients de leur identité, de leurs origines, de leurs motivations et de leur avenir18. |
ALLER DE L’AVANT
De toute évidence, ces témoignages confortent le Sous-comité dans sa décision d’évaluer les programmes et services en vue d’améliorer le développement de la petite enfance chez les Premières nations. Cela dit, malgré ces discours encourageants, l’information tirée de nos rencontres a également mis au jour bien des lacunes dans la programmation destinée aux familles et aux jeunes enfants qui habitent les réserves.
Nous pensons pouvoir nous attaquer à certaines de ces lacunes et à mieux répondre aux besoins particuliers des communautés des Premières nations dans l’ensemble du pays. Le Sous-comité est d’avis qu’on peut améliorer les programmes et les suivies afin de donner aux enfants un meilleur avenir.
LA NÉCESSITÉ D’UNE ACTION CONCERTÉE AU SEIN DE LA FAMILLE FÉDÉRALE
Plusieurs ministères fédéraux se partagent la responsabilité d’offrir des mécanismes et des services de soutien aux enfants et aux familles des Premières nations qui habitent les réserves du Canada : Affaires indiennes et du Nord canadien; Santé Canada; Développement des ressources humaines; Justice Canada; Solliciteur général du Canada; Patrimoine canadien, etc. Par l’entremise de ces ministères, le gouvernement fédéral met à la disposition des enfants et des familles des Premières nations un éventail de services et de programmes d’action communautaires appartenant à différents volets : par exemple, culture et langue, éducation, alimentation, promotion de la santé, prévention, formation au rôle de parent, programmes de soutien social19.
Vu la nature multidimensionnelle et globale des questions relatives aux enfants et à la famille, l’implication de plusieurs ministères est inévitable. En soi, cela ne devrait poser aucun problème, si ce n’est que le partage des responsabilités nécessite une collaboration étroite entre les ministères afin d’assurer la coordination des efforts de chacun, et de produire les meilleurs résultats. Tel que l’a expliqué le vérificateur général dans son rapport sur La gestion ministérielle axée sur les résultats et la gestion des questions horizontales axée sur les résultats :
Depuis sa création, notre Sous-comité s'efforce d’amener le gouvernement à réfléchir de façon plus horizontale aux questions qui ne se prêtent pas à une analyse verticale : enfants, familles, personnes handicapées, invalidités, violence familiale, etc. Dans le cadre de notre étude sur la condition des enfants autochtones, nous nous sommes donc donné comme objectif de déterminer comment les programmes et les services en vigueur, qu’elle qu’en soit la source, s’articulent les uns par rapport aux autres et ce, tant au sein des ministères que des communautés où vivent les enfants et leurs parents21.
« SE CONCERTER POUR VISER LE MÊME OBJECTIF ET AVOIR LA MÊME OPTIQUE DE RÉUSSITE »22
Malgré des efforts nombreux consentis par les ministères fédéraux pour accroître leur capacité d’intervention horizontale en vue d’améliorer la coordination, et, de ce fait, les résultats des programmes et des services destinés aux familles et aux enfants des Premières nations, nous avons constaté au cours de nos audiences que l’appui offert par les ministères aux communautés demeure fragmenté. De l’avis de plusieurs témoins, représentants des ministères ou membres des Premières nations, les ministères fédéraux sont loin de fonctionner à l’unisson. Cela entraîne son lot de problèmes pour les communautés qui doivent répondrent aux besoins des enfants.
Faute de coordination, certaines communautés éprouvent ainsi des difficultés à trouver leur chemin dans le dédale des services et des programmes disponibles. Elles sont privées en conséquence de soutien et de services pourtant considérés essentiels au développement de leurs enfants23. Pour d’autres communautés qui sont confrontées à une myriade de programmes et de services dont les mandats se chevauchent, ce manque de coordination a pour conséquence de nuire à la prestation de services plus efficaces. Le financement d’une série de programmes fragmentaires crée des divisions inutiles au sein des communautés et ne permet pas de tirer le maximum des divers programmes et services disponibles.
Étant donné le cloisonnement entre les ministères, il nous a par ailleurs été impossible de dégager une vue d’ensemble des actions du gouvernement fédéral qui visent le développement sain des jeunes enfants des Premières nations. Les documents que nous avons analysés tout au long de notre examen se fondent sur les structures ministérielles et perpétuent l’existence des cloisons. Ce constat est selon nous troublant puisque, dans le cas des jeunes enfants des Premières nations, aucun ministère n’est tenu responsable de l’action globale du gouvernement. Qui plus est, nous avons noté, encore une fois, que les responsables des programmes et des services ne sont pas tenus de rendre compte de « leur incapacité à coordonner leurs activités afin d’obtenir des résultats à l’échelle de plusieurs ministères24 ».
Pour produire de véritables changements dans la vie des enfants des Premières nations, le Sous-comité est persuadé que les ministères doivent réduire au minimum le cloisonnement. Ils doivent par ailleurs se concerter afin de déterminer la stratégie à adopter pour parvenir à de véritables changements dans la vie des enfants des Premières nations. Pour ce faire, ils devront, d’une part, procéder à l’inventaire des programmes et des services existants afin de combler les lacunes et d’éliminer les doubles emplois et, d’autre part, déterminer « une vision commune des résultats, des objectifs et de la hiérarchie des responsabilités25 ».
Cela dit, à l’instar de plusieurs témoins, nous sommes d’avis que l’amélioration des programmes et des services au sein des communautés est tributaire de l’adoption par le gouvernent fédéral d’un cadre d’action intégré sur le développement de la petite enfance autochtone. Ce cadre doit, selon nous, être élaboré à partir d’un modèle de gestion horizontale qui soit propre à permettre la réalisation des objectifs du
gouvernement fédéral à l’’égard des enfants des Premières nations. Il doit en conséquence comporter l’ensemble des éléments qui ont été considérés essentiels par le vérificateur général pour assurer une bonne structure de coordination26. En outre, la création de ce plan d’action doit, selon nous, prendre appui sur les conseils et les expériences des Premières nations.
RECOMMANDATION UN
Le Sous-comité des enfants et des jeunes à risque recommande que tous les ministères fédéraux qui offrent des programmes aux familles et aux jeunes enfants des Premières nations qui habitent les réserves du pays s’associent afin d’établir un cadre d’action intégré pour le développement des jeunes enfants des Premières nations de 0 à 6 ans. Ce cadre devrait comprendre une vision commune des résultats souhaités, des objectifs à atteindre et de la hiérarchie des responsabilités.
FAVORISER L’INTÉGRATION DES PROGRAMMES ET DES SERVICES
Tel que l’a souligné l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador dans son mémoire : « les efforts les plus importants pour éviter le dédoublement des services et pour optimiser les coûts ont été investis localement27 ». De fait, l’intégration est une notion très attrayante pour nombre de communautés. Elle permet, entre autres, de remédier aux problèmes de double emploi, d’économiser des ressources et d’élargir la portée des programmes et des services. À l'heure actuelle cependant, les communautés qui souhaitent intégrer des programmes et des services se heurtent à des obstacles administratifs importants. Ainsi, au cours de nos audiences, nous avons constaté que certaines communautés ont réussi à intégrer sur le terrain des programmes et des services et ont, de ce fait, réduit les coûts administratifs et amélioré la prestation des services. Ces succès sont toutefois compromis puisque les communautés sont dans l’obligation de produire un rapport distinct pour chaque ministère participant au financement. Cette situation représente évidemment un fardeau administratif important pour les communautés qui doivent souvent assigner un intervenant à la rédaction des rapports, ce qui constitue à, notre avis, un obstacle à l'amélioration des services.
En outre, des témoins ont souligné que dans de nombreux cas, les ententes financières en place ne permettent pas aux communautés de réorienter les ressources, ce qui limite leur capacité de répondre efficacement aux besoins et aux priorités de leurs membres. À cet égard, plusieurs témoins ont souligné qu’une plus grande souplesse dans les ententes financières, là où elle existe, a eu une incidence positive sur l’épanouissement de la capacité interne des communautés de gérer leurs propres affaires et de travailler plus efficacement avec les divers paliers de gouvernement et intervenants. Citons à titre d’exemple l’Accord de transfert des services de santé de Santé Canada qui confère aux Premières nations un pouvoir et un contrôle accrus sur leurs ressources de santé. Ce genre d’accord de financement a l’avantage de permettre aux Premières nations de réassigner les ressources d’un programme à un autre afin de répondre aux priorités de la communauté28. Ces ententes donnent aussi aux Premières nations un plus grand mot à dire sur la façon dont les programmes sont offerts. Nous avons entendu cependant qu’ils ne réduisent pas suffisamment le dédoublement des exigences en matière de rapports et ne donnent pas la latitude nécessaire pour regrouper les fonds provenant de divers ministères et affecter les ressources aux secteurs prioritaires locaux. Selon de nombreux accords de financement, les Premières nations sont ainsi obligées de répondre aux priorités ministérielles avant de satisfaire aux leurs. Cette situation constitue également selon nous un obstacle à l’amélioration des services : les exigences administratives ne devraient jamais avoir préséance sur les besoins des enfants et des familles.
Le Sous-comité ne veut pas amoindrir l’importance critique des questions de financement liées aux programmes et aux services dans les communautés des Premières nations. Dans ce premier rapport sur les enfants des Premières nations, nous voulons néanmoins mettre l’accent sur la création d’un modèle permettant une utilisation plus efficace des ressources, en tant que première étape en vue d’une solution.
Pour toutes ces raisons, les membres du Sous-comité jugent utile de mettre en œuvre une série de projets pilotes dans des communautés de démonstration choisies partout au pays, afin de répondre de façon concrète et pratique à plusieurs préoccupations formulées par nos témoins. Les projets pilotes viseront à combler les lacunes de l’actuel modèle de prestation de services dans les communautés des Premières nations, nommément la couverture limitée des programmes, le besoin de ressources accrues et d’accords de transfert plus souples, le fardeau du « magasinage des programmes » ainsi que les lourdes exigences administratives et de déclaration. Par la suite, nous estimerons les économies pour les Premières nations qu'engendreraient une rationalisation des systèmes de rapports administratifs de même que l’harmonisation des programmes existants.
La mise en œuvre des projets pilotes communautaires, adaptés à la culture, permettra aux gouvernements fédéral, territoriaux, provinciaux et autochtones d’harmoniser leurs services, en commençant avec les programmes de développement de la petite enfance. Ils seront alors mieux placés pour évaluer et surveiller les mécanismes nécessaires pour que l’intégration fonctionne efficacement et réponde aux besoins des divers intervenants. En outre, la mise en œuvre du modèle de prestation dans les communautés pilotes devra tenir compte de la capacité de ces dernières de participer au projet, ainsi que de leur empressement à le faire. La sélection des communautés participantes devra se faire en consultation avec les Premières nations.
Le Sous-comité est fermement convaincu que les projets pilotes ne peuvent réussir que si le financement est adéquat et que les fonds ainsi réunis servent exclusivement à cette fin.
En outre, des témoins ont fait part au Sous-comité des frustrations causées dans le passée, par l’interruption de projets pilotes fructueux. Les membres du Sous-comité encouragent donc vivement tous les participants à s’engager résolument à poursuivre ces projets jusqu’au bout afin qu’il soit possible de les évaluer et de déterminer ce qui fonctionne le mieux, et pourquoi. Nous avons espoir que les leçons et expériences tirées de ces projets pourront servir à la prestation des services dans toutes les Premières nations du pays.
RECOMMANDATION DEUX
Le Sous-comité des enfants et des jeunes à risque recommande que le gouvernement du Canada :
a) | mette en œuvre des projets pilotes, adaptés à la culture, dans des communautés des Premières nations choisies à travers le pays. Les projets pilotes devront intégrer et harmoniser, au niveau communautaire, divers programmes et services visant les enfants de 0 à 6 ans qui habitent des réserves, au moyen d’une approche communautaire multiservices axée sur la prestation (comme celle des CLSC du Québec). Ils devront également répondre aux besoins des enfants handicapés. |
b) | Le Sous-comité recommande en outre les principes sous-jacents suivants pour les projets pilotes : |
| i) | Le choix des communautés, la planification des projets et leur mise en place doit se faire en consultation avec les instances appropriées des Premières nations. |
| ii) | Un financement suffisant devrait être prévu pour assurer la réussite des projets pilotes dans les communautés des Premières nations et pour que les communautés choisies et les ministères aient les moyens financiers de bien participer aux projets. |
| iii) | Les ministères fédéraux qui fournissent des programmes et des services de développement de la petite enfance aux Premières nations dans le cadre des projets pilotes devraient en regrouper le financement en une seule enveloppe. Ce cadre de financement devra être pluriannuel et souple. |
| iv) | Le cadre de financement ministériel regroupé devrait comprendre des mécanismes d’harmonisation des programmes et des services offerts par d’autres paliers gouvernementaux et intervenants, du moment que les mesures d’harmonisation respectent et soutiennent le travail déjà effectué et les services fournis par les différentes instances provinciales, municipales et autochtones, et que ces mesures soient communément acceptées par les dites instances. |
| v) | Avant la mise en œuvre des projets pilotes, les ministères fédéraux participants devront, de concert avec les organisations appropriées des Premières nations, préciser, d’un commun accord, les résultats souhaités. |
| vi) | Des indicateurs utiles du rendement et des résultats doivent être élaborés par les ministères fédéraux participants et les organisations appropriées des Premières nations afin d’évaluer efficacement les projets pilotes et de pouvoir apporter les modifications nécessaires. |
| vii) | Les exigences de responsabilisation financière et de production de rapports des agents externes comme MAINC, Santé Canada, DRHC, etc., devront être harmonisées et conçues de façon à réduire les dédoublements, en tenant compte des conclusions du rapport du vérificateur général du Canada, La gestion ministérielle axée sur les résultats et la gestion des questions horizontales axée sur les résultats. |
| viii) | Un engagement doit être pris pour garantir un financement soutenu afin que les projets pilotes puissent être contrôlés adéquatement pendant une période suffisante. |
CONCLUSION
Tout au long de notre examen, le Sous-comité a entendu des témoignages troublants faisant état de la situation des jeunes enfants qui habitent les réserves dans l’ensemble du pays. Nous avons constaté que les enfants et les familles des Premières nations se heurtent à des défis nombreux qui semblent parfois accablants et insolubles. Nous espérons que les observations et les recommandations formulées dans ce rapport contribueront dans une certaine mesure au processus important de recherche de solutions. Cela dit, nous croyons fermement que les communautés des Premières nations sont les mieux placées pour définir leurs besoins et les priorités d'intervention et que les problèmes et les besoins complexes des enfants et des familles seront mieux pris en charge par des programmes et des services qui cherchent à répondre aux besoins particuliers de chaque communauté. Les recommandations que nous proposons dans ce rapport se fondent sur cette prémisse.
1 | Lorsqu’il y a lieu dans ce rapport, le terme « Autochtone » s’entend collectivement des Premières nations, des Métis et des Inuits. L’expression « Premières nations » désigne exclusivement des « Indiens inscrits », c’est‑à‑dire des personnes inscrites ou ayant droit d’être inscrites comme Indiens conformément à la Loi sur les Indiens. |
2 | Des recherches ont révélé que les expériences vécues durant la période allant de la conception à la sixième année déterminent de façon critique le développement et le bien-être futur des individus et qu’une intervention précoce et de grande qualité constitue un sain investissement économique pour les enfants et leurs familles, ainsi que la société. Pour plus d’information, le lecteur pourra consulter le témoignage du Dr Fraser Mustard de même que les rapports précédents du Sous-comité sur notre site Web : . |
3 | Aux termes du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral exerce une compétence législative exclusive à l’égard des « Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». |
4 | Voir la liste des témoins à l’annexe A. |
5 | Sous-comité sur des enfant et des jeunes à risque de la Chambre des communes (ci-après appelé SCYR). Témoignages de Dre Rose-Alma McDonald, consultante pour le Mohawk Council of Katenies et pour l’Assemblée des Premières Nations, 19 mars 2002 (16:10). |
7 | Mémoire de la B.C. Aboriginal Care Society, 27 février 2002. |
8 | Institut canadien de la santé infantile, La santé des enfants du Canada : un profil de l’ICSI, 3e édition, Ottawa : Institut canadien de la santé infantile, 2000. |
9 | Selon un mémoire présenté par l’Assemblée des Premières Nations, le 24 avril 2002. |
10 | Les statistiques citées dans cette section du rapport proviennent d’une présentation faite devant le Sous‑comité par Mme Nicole Ladouceur, directrice générale, Politique des programmes, Secrétariat du transfert et planification, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, 2 mai 2001. |
12 | Mémoire de la B.C. Aboriginal Care Society, 27 février 2002. |
13 | SCYR, Témoignage de Mme Nicole Ladouceur, directrice générale, Politique des programmes, Secrétariat du transfert et planification, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, 2 mai 2001. |
14 | SCYR, Témoignage de Robert Lagacé, Directeur de la BC Aboriginal Child Care Society, 27 février 2002 (15:40). |
15 | SCYR, Témoignage de Carl Sidney, Chef adjoint du Teslin Tlingit Council, 8 mai 2002 (17:35). |
16 | SCYR, Témoignage de Brenda Sam, représentante du Ta’an Kwach’an Council, 8 mai 2002 (17:45). |
17 | SCYR, Témoignage de Bonny Traverse, coordonatrice de garderie pour l’Assembly of Manitoba Chiefs, 8 mai 2002, (15:40). |
18 | SCYR, Témoignage de Sheila Kay-Machiskinic, représentante de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, 8 mai 2002 (16:25). |
19 | Le lecteur peut consulter l’annexe B du document pour une brève description de certains des programmes clés offerts par le gouvernement fédéral aux familles et aux enfants des Premières nations qui habitent les réserves. |
20 | Rapport du vérificateur général du Canada, décembre 2000, chapitre 20, paragraphe 20.107. |
21 | Dans le cadre de cette première phase de l’étude, il nous a semblé opportun de nous limiter au manque de coordination des politiques au sein du gouvernement fédéral vu les compétences exclusives qu’il détient à l’égard des membres des Premières nations qui habitent les réserves du Canada. Évidemment, au cours de nos audiences, plusieurs problèmes de coordination des politiques entre les divers ordres de gouvernements ont été soulevés. Ces problèmes sont importants et feront l’objet d’une discussion en profondeur dans le cadre de notre second rapport qui portera sur la programmation destinée aux familles et aux jeunes enfants autochtones qui habitent à l’extérieur des réserves. |
23 | Ce qui explique en partie les inégalités importantes que nous avons observées entre les différentes communautés des Premières nations quant au nombre de services et de programmes de développement de la petite enfance disponibles. |
24 | À l’image de l’interdépendance : les personnes handicapées, le Parlement, le gouvernement et la société, rapport du Sous-comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, juin 1999, p. 5. |
25 | Une vision commune : Rapport intérimaire. Rapport conjoint du Sous-comité des enfants et des jeunes à risque et du Sous-comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, juin 2001, chapitre 1, p. 2. |
26 | Dans son rapport, le vérificateur général a souligné qu’un cadre de gestion horizontale efficace comporte les cinq éléments suivants : « définir une structure de coordination efficace; s’entendre sur des objectifs, des stratégies et des résultats communs; mesurer les résultats afin d’évaluer le rendement; utiliser l’information pour améliorer le rendement; communiquer efficacement l’information sur le rendement ». Pour plus d’information, consulter le rapport du Vérificateur général du Canada, La gestion ministérielle axée sur les résultats et la gestion des questions horizontales axée sur les résultats, décembre 2000, Chapitre 20, paragraphe 20.117. |
27 | Mémoire de l’Assembée des Premières nations du Québec et du Labrador, 22 mai 2002. |
28 | Selon l’introduction aux normes standard révisées établies par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, les collectivités autochtones peuvent, en vertu de ces types d’accords de financement, concevoir des nouveaux programmes et rediriger les ressources vers les secteurs prioritaires, à condition que les programmes obligatoires soient fournis. |
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