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HUMA Rapport du Comité

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CHAPITRE IV

CHAMP D’APPLICATION DE L’ÉQUITÉ EN EMPLOI

Beaucoup de témoins ayant comparu devant le Comité ont parlé du champ d’application de la Loi. Certains ont suggéré qu’elle s’applique au Parlement et aux entrepreneurs fédéraux. D’autres ont proposé d’englober les employeurs qui obtiennent des contrats ou reçoivent des subventions et contributions, peu importe le nombre de travailleurs employés dans leur organisation. Même si bon nombre sont en faveur de maintenir le statu quo, certains croient qu’il faut augmenter le nombre de groupes désignés dans la Loi.

1. Employeurs des secteurs privé et public

L’article 4 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi énonce quels employeurs sont visés par la Loi. De tous les groupes d’employeurs concernés par cet article de la Loi, le plus important regroupe les employeurs du secteur privé de régie fédérale et les sociétés d’État qui emploient 100 travailleurs ou plus. Selon les dernières données disponibles, il y avait 394 entreprises privées de régie fédérale visées par la Loi en 2000 avec un effectif combiné d’environ 612 000 employés37.

La Loi s’applique directement aussi à tous les ministères, organismes et commissions de l’administration fédérale, peu importe le nombre d’employés, comme il est indiqué à la Partie I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Au 31 mars 2001, il y avait 65 de ces ministères, organismes et commissions dont le Conseil du Trésor était l’employeur et leur effectif combiné était de 149 339 personnes38.

Les sociétés ou organismes de services spéciaux comptant 100 employés ou plus qui sont énumérés à la Partie II de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique entrent également dans le champ d’application de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Ces employeurs ne font pas partie de la fonction publique fédérale traditionnelle et pour cette raison sont appelés « employeurs distincts ». Il existe en ce moment 15 employeurs distincts qui emploient plus de 100 salariés39. Leur effectif combiné se situe entre 60 000 et 70 000 travailleurs40.

Pour des raisons de sécurité et de fonctionnement, la Loi sur l’équité en matière d’emploi de 1996 a été dotée de dispositions spéciales pour englober dans son champ d’application l’effectif non civil des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et du Service canadien du renseignement de sécurité. Six années se sont écoulées et ces organismes fédéraux ne sont toujours pas bien régis par la Loi. Les témoins qui en ont parlé étaient tous d’accord pour dire qu’il avait fallu trop de temps pour établir le règlement permettant d’appliquer la Loi aux travailleurs non civils de ces organisations. D’après ce que le Comité a pu vérifier, le cadre réglementaire permettant d’étendre le champ d’application à ces organisations est maintenant en place; il reste seulement à faire entrer en vigueur le règlement. Le Comité convient que l’affaire a pris beaucoup de temps et qu’aucune raison ne saurait justifier un autre report.

Nous voulons aussi attirer votre attention sur la nécessité de proclamer l’application de la Loi au personnel non civil de la GRC, du Service canadien du renseignement de sécurité et des Forces armées canadiennes. Il est un peu anormal qu’après presque six ans, cette disposition ne soit pas encore en vigueur. (M. Fo Niemi, directeur exécutif, Centre de recherche-action sur les relations raciales)41

Certains témoins ont déploré que le Parlement ne soit pas visé par la Loi sur l’équité en matière d’emploi. À leur avis, il devrait figurer dans le champ d’application puisque ayant créé la Loi il devrait donner l’exemple pour ce qui est du souci d’équité en milieu de travail.

Pour le Parlement, il est ironique que dans l’organisme même dont le personnel soutient cette Loi, les gardiens de la Loi ne soient pas couverts par ces dispositions. Il est fortement recommandé que la loi s’applique aussi à la Chambre des communes, au Sénat, aux présidents, au personnel, et à la Bibliothèque du Parlement. (M. Baljinder Gill, président, Association nationale des Canadiens d’origine indienne)42

Le Comité n’est pas sans savoir que le Parlement et la Bibliothèque du Parlement ont adopté des politiques d’équité en emploi dans leur approche globale de la gestion des ressources humaines. Les membres du Comité ne savent pas cependant jusqu’à quel point ces politiques répondent aux exigences de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. On nous a dit qu’il n’existait pas de données concernant le nombre et la proportion des membres de groupes désignés employés par la Chambre des communes. Nous savons par ailleurs que le campus parlementaire n’est pas entièrement accessible aux personnes handicapées, mais que les travaux se poursuivent pour remédier à cette lacune.

À l’instar de bien des témoins, nous sommes d’avis que le Parlement devrait entrer dans le champ d’application de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Un problème se pose toutefois pour appliquer la Loi au Parlement, mais non à la Bibliothèque du Parlement. Le problème de l’immunité parlementaire ne se limite pas à la Loi sur l’équité en matière d’emploi, mais s’applique à toutes les lois adoptées par le Parlement. On nous a dit que la Chambre des communes pouvait servir les objectifs de la Loi à condition que l’indépendance opérationnelle et la position constitutionnelle de la Chambre soient maintenues. En d’autres termes, l’immunité parlementaire doit prévaloir.

Le Comité est en faveur d’inclure la Bibliothèque du Parlement dans l’article 4 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. La plupart des membres croient également que les obligations dictées par la Loi aux employeurs devraient s’appliquer au Parlement à condition que la tradition de l’immunité parlementaire demeure intacte.

Actuellement, nous sommes non pas dans le domaine de l’équité en emploi, mais dans celui du privilège parlementaire. Le privilège parlementaire est le droit du Parlement de régler ses propres affaires et d’organiser les relations entre les employés et l’employeur à sa manière. Ce droit est protégé de façon constitutionnelle. Le principe fondamental de tout cela est que la Chambre est souveraine et ne doit pas se placer sous l’autorité de l’une de ses créations, en l’occurrence le Tribunal canadien des droits de la personne. (M. William Corbett, greffier de la Chambre des communes)43

Recommandation 6

Le Comité recommande :

 que la Bibliothèque du Parlement figure à l’article 4 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.
 que les employés du Sénat et de la Chambre des communes (sauf le personnel des députés et des sénateurs) soient visés par la Loi sur l’équité en matière d’emploi aux fins du rapport annuel et des vérifications de conformité.
 que le cadre réglementaire nécessaire pour appliquer la Loi aux employés non civils des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et du Service canadien du renseignement de sécurité soit adopté sans plus tarder.

2. Le programme de contrats fédéraux

La Loi sur l’équité en matière d’emploi ne s’applique pas directement aux entrepreneurs fédéraux. Le paragraphe 42(2) de la Loi sur l’équité en matière d’emploi oblige plutôt la ministre du Travail à veiller à ce que les exigences du Programme de contrats fédéraux (PCF) concernant l’équité en emploi soient équivalentes aux exigences d’équité en emploi des employeurs visés par l’article 4 de la Loi.

Comme il est noté ailleurs dans le rapport, le PCF a été créé en 1986. Il s’applique aux employeurs de régie provinciale dont l’effectif national compte plus de 100 employés, à condition qu’ils reçoivent des contrats de biens et de services du gouvernement fédéral d’une valeur de 200 000 $ ou plus. Pour soumissionner ces gros contrats, les entrepreneurs sont tenus d’attester par écrit leur attachement au principe de l’équité en emploi. Il existe aujourd’hui quelque 845 entrepreneurs fédéraux qui emploient environ 1,1 million de travailleurs44. Développement des ressources humaines Canada vérifie périodiquement sur place si les employeurs du PCF respectent leurs obligations d’équité en emploi.

Selon plusieurs témoins, y compris la CCDP qui a mené ses propres consultations sur la Loi sur l’équité en matière d’emploi, l’absence de fondement législatif pour le PCF et d’obligation de rendre des comptes chaque année, le peu d’encadrement et d’appui aux programmes ainsi que l’absence d’un mécanisme de surveillance significatif sont autant de facteurs qui ont créé l’impression que l’équité en emploi dans le PCF était très confuse. En fait, un témoin a indiqué que même si elle est prévue dans le PCF depuis 1987, il y avait encore de la confusion quant à ce qui constituait la non-conformité et comment on mesurait la conformité. Le Comité est tout à fait convaincu de la nécessité de renforcer ce programme.

Les examens de conformité sont sporadiques et imprévus. Selon l’Université de la Saskatchewan et d’autres employeurs que j’ai consultés, le processus et les attentes ne sont pas définis et portent donc à confusion. L’objectif de l’examen n’est pas clair, et il n’y a presque pas de surveillance du processus d’examen. Il y a un manque de communication soutenu avec les représentants du programme de contrats fédéraux. (Mme Kathy Gray, directrice des services aux employés, Université de la Saskatchewan)45


Pour ce qui est du Programme d’obligations contractuelles fédérales et du secteur privé, le ministère a effectué une étude dont les conclusions ont été clandestinement révélées aux journaux. Je pense que le programme des contrats fédéraux constitue un outil important pour assurer que le secteur privé fait sa part pour promouvoir de façon constructive l’équité en matière d’emploi. Il n’est pas possible qu’il suffise simplement de faire rapport sur la situation. Pour obtenir des contrats avec le gouvernement, il faudrait montrer que l’on a fait certains progrès, et il faut le dire aux employeurs dès le départ. Je pense que certains de ces employeurs font de bonnes choses, et que d’autres n’ont rien changé à leurs méthodes d’embauche. Donc, je pense qu’il faut faire davantage que de se contenter de leur dire que s’ils ne présentent pas leur rapport en temps voulu, ils risquent d’avoir des ennuis. (M. Hassan Yussuff, vice-président exécutif, Congrès du travail du Canada)46

Recommandation 7

Le Comité recommande que la ministre du Travail examine le Programme de contrats fédéraux afin de le restructurer et de faire en sorte que les obligations d’équité en emploi des entrepreneurs fédéraux soient les mêmes que celles des employeurs régis par l’article 4 de la Loi.*

3. Petits employeurs

Enfin, quelques témoins se sont dits d’avis qu’il fallait ajouter au champ d’application les petits effectifs dans les secteurs déjà visés par la Loi ainsi que les organisations qui reçoivent des contrats ou des subventions du gouvernement, peu importe l’ampleur de leur effectif. Certains membres du Comité sont prêts à suggérer de réduire de 100 à 50 travailleurs le seuil d’emploi déterminant l’application de la Loi. La plupart hésitent toutefois à recommander un changement du seuil d’emploi en ce moment. Nous croyons plutôt que le gouvernement devrait examiner la question plus à fond. Selon un témoin, il semblerait, d’après l’analyse menée pour le dernier examen législatif, que si le seuil passait à 20 employés, le nombre d’employeurs visés dans le secteur privé de réglementation fédérale et le PCF augmenterait de 500 % pour atteindre 530 % tandis que le nombre d’employés visés augmenterait de seulement 20 % pour atteindre 25 %47. De plus, certains d’entre nous craignent qu’un seuil d’emploi plus bas imposerait un fardeau administratif lourd aux petits employeurs et qu’il faut tenir compte du coût qui en découle avant d’envisager un changement.

Recommandation 8

Le Comité recommande que la ministre du Travail examine la possibilité d’ajouter au champ d’application les employeurs de moins de 100 employés, les entrepreneurs fédéraux réalisant des contrats de moins de 200 000 $ et les titulaires de subventions et contributions fédérales.

4. Groupes désignés

En général, les témoins étaient d’accord avec la liste actuelle des groupes désignés dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi et n’ont pas demandé de modification à la liste. Certains ont toutefois signalé ce qu’ils estiment être des lacunes dans l’application actuelle de la Loi aux travailleurs désavantagés. Plusieurs catégories de travailleurs ayant besoin de la protection de la Loi ont été mentionnées à cet égard : travailleurs âgés, jeunes travailleurs, travailleurs homosexuels et travailleurs se heurtant à des obstacles de langues officielles au travail.

On a dit également au Comité que la Commission royale sur l’égalité en matière d’emploi se servait de quatre critères — le taux de chômage, le taux de participation, les gains et la concentration professionnelle — en guise d’indicateurs du désavantage au travail. D’après ces critères, il semblerait que les travailleurs âgés ne constituaient certainement pas un groupe désavantagé. S’il est vrai que certains d’entre eux connaissent de longues périodes de chômage et donc des gains plutôt faibles, ce groupe affiche dans l’ensemble des taux de chômage inférieurs à la moyenne et des gains supérieurs à la moyenne comparativement aux autres groupes d’âge du marché du travail. De plus, tout travailleur qui croit faire l’objet de discrimination en raison de son âge peut invoquer la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le Comité est conscient du vieillissement de la population active et encourage la Direction générale du travail de Développement des ressources humaines Canada à suivre la situation de près.

Quant aux jeunes, le Comité signale que le désavantage perçu sur le marché du travail est en grande partie attribuable aux problèmes rencontrés par les jeunes qui font la transition entre l’école et le marché du travail. Ces jeunes deviennent plus tard des travailleurs adultes et voient alors leurs gains augmenter en plus de jouir d’une plus grande stabilité professionnelle.

Malheureusement, le Comité n’est pas en mesure de se prononcer sur la situation des autres travailleurs désignés potentiels parce que l’on a recueilli très peu d’information sur eux. Le Comité préconise néanmoins la collecte et l’analyse de renseignements sur tous les groupes de travailleurs potentiellement désavantagés sur le marché du travail canadien.


37 Développement des ressources humaines Canada, Rapport annuel de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, 2001, p. 2.
38 Président du Conseil du Trésor, L’équité en emploi dans la fonction publique fédérale 2000‑2001, 2002, tableau 5, p. 40.
39 Les 15 employeurs distincts visés en ce moment par la Loi sont le vérificateur général du Canada, l’Agence des douanes et du revenu du Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Centre de la sécurité des télécommunications, l’Office national de l’énergie, l’Office national du film du Canada, le Conseil national de recherches du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le Bureau du surintendant des institutions financières, Parcs Canada, Opérations des enquêtes statistiques et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
40 Selon l’information fournie par Développement des ressources humaines Canada et la Commission canadienne des droits de la personne.
41 RHPH, Témoignages (11:35), réunion no 53, 12 mars 2002.
42 RHPH, Témoignages (11:43), réunion no 53, 12 mars 2002.
43 RHPH, Témoignages (11:25), séance no 57, 11 avril 2002.
44 Développement des Ressources humaines Canada, L’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi : Un rapport au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, décembre 2001, p. 14.
45 RHPH, Témoignages (11:50), réunion n51, 26 février 2002.
46 RHPH, Témoignages (12:00), réunion n49, 19 février 2002.
* Le NPD appuie l’ajout d’une disposition selon laquelle les entrepreneurs fédéraux feraient l’objet de vérifications de la conformité dans le cadre d’un programme remanié.
47RHPH, Témoignages (12:30), réunion n61, 30 avril 2002.