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INST Rapport du Comité

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PRÉFACE

            Pendant la majeure partie du XXe siècle, le niveau de vie au Canada a monté de façon régulière et impressionnante, à la même cadence que celui des États-Unis; en fait, au cours de cette période, le taux de croissance économique moyen a été de 1,7 % par année dans les deux pays. Canadiens et Américains sont donc en moyenne quatre fois plus riches aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au début du XXe siècle. Mais depuis peu de temps, le rendement du Canada à ce chapitre suit une courbe inquiétante. En effet, après avoir été pour le moins léthargique dans les deux pays de 1973 à 1990, la productivité a connu un rebond aux États-Unis — entraînant avec elle le niveau de vie des Américains —, mais elle n’a pas suivi la même évolution au Canada, la productivité moyenne des Canadiens prenant un retard d’environ 20 points de pourcentage sur celle des Américains. L’ « écart de productivité » de quelque 10 % qui séparait le Canada et les États-Unis à la fin des années 1970 est donc maintenant d’environ 30 %.

            Il est important de se rendre compte que la croissance sans précédent de la richesse et du bien-être matériel enregistrée en Amérique du Nord et, en fait, dans le monde occidental pendant la majeure partie du XXe siècle ne reflète pas simplement une hausse d’ordre quantitatif des mêmes biens et services. Si l’histoire de cette période est jalonnée d’inventions dignes de mention — relevant le plus souvent d’une technologie polyvalente — la prospérité plus grande dont nous jouissons de nos jours repose en bonne partie sur de nouveaux produits, dérivés de nouvelles technologies et fabriqués à partir de matériaux totalement différents. Les gens qui vivaient au début du siècle dernier trouveraient sûrement sur le marché d'aujourd'hui une majorité de biens et de services dont ils n'auraient pu que rêver à leur époque. Dans certains secteurs, la réalité économique dépasse même les chimères les plus folles.

            La création continue de richesse matérielle est attribuable à l’adoption de nouvelles méthodes de travail plus intelligentes plutôt qu’à un travail plus intense pendant plus longtemps avec des machines plus nombreuses dans une usine plus spacieuse. Ironiquement, le changement doit être permanent, c’est-à-dire que nos méthodes de travail doivent évoluer constamment à mesure que nous intégrons les technologies, les méthodes de travail, les pratiques de gestion et les structures organisationnelles les plus récentes dans l’économie. Cette évolution de tous les instants doit toutefois être viable et donc gérée, les Canadiens n’étant pas des robots pouvant s’adapter instantanément à la nouveauté.

            Le Canada s’est engagé non seulement à maintenir son haut niveau de vie et son excellente qualité de vie, mais également à les améliorer. Or, compte tenu de la globalisation croissante de l’économie et du fait que cette dernière est de plus en plus fondée sur la matière grise, le pays ne peut plus se fier à ses stratégies traditionnelles — l’exploitation de ressources naturelles abondantes et la réalisation d’économies d’échelle

            au chapitre de la production — pour assurer son avantage concurrentiel. Comme l’ont bien démontré des pays très riches dotés de ressources naturelles limitées et d’une faible population, les entrepreneurs qui savent consacrer les ressources humaines et financières du pays à la S. et T. dans le but de repousser les frontières du savoir, puis qui diffusent, appliquent et commercialisent les nouvelles connaissances, peuvent obtenir des avantages concurrentiels dans le secteur industriel. La Suisse, la Suède, la Norvège et, plus récemment, Singapour et la République d’Irlande en sont de parfaits exemples. Donc, dans une économie fondée sur le savoir, la richesse de la terre, la taille des usines de fabrication ou l’ampleur horizontale et verticale d’un conglomérat ne sont plus garantes de la richesse ni de la réussite économique d’un pays et ont été supplantées par la créativité de la nation. Mais cet avantage concurrentiel peut toutefois être de brève durée si la recette est reprise par des rivaux qui cherchent à rattraper leur retard.

            L’innovation, ayant pour assise la S. et T., est donc devenue le principal moyen de parvenir à la réussite économique en ce XXIe siècle. Mais il ne sera pas aisé pour le Canada d’appliquer une stratégie aussi exigeante, qui nécessitera la mise sur pied d’une culture de l’innovation dans tous les secteurs de l’économie, les entreprises du pays étant traditionnellement frileuses en matière de R. et D., puisque depuis 20 ans le ratio de la DIRD au PIB, ou ratio de la dépense intérieure brute en R. et D. par unité de PIB, est en moyenne de 1,5 % au Canada contre 2,2 % pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Au lieu de créer de nouvelles technologies et de nouveaux produits et services de façon généralisée dans la plupart de ses secteurs de pointe, notre pays fait appel à l’investissement étranger direct, auprès surtout de son voisin du Sud, et à d’autres moyens classiques, comme les franchises, les brevets, la sous-traitance et les alliances, sans parler du phénomène qui se produit fréquemment lorsqu’il y a fuite de connaissances à partir de la source de l’innovation, c’est-à-dire que la main-d’œuvre qualifiée et les gestionnaires changent d’employeur et que les fournisseurs locaux de la société innovatrice produisent des articles de meilleure qualité et de plus grande fiabilité. Toutefois, comme un certain nombre d’observateurs l’ont récemment fait remarquer, « l’écart de productivité » qui se creuse entre le Canada et les États-Unis — pays dont nous dépendons tant pour un certain nombre d’innovations industrielles — est lui-même le résultat d’un « déficit d’innovation » croissant que notre pays accuse par rapport à notre voisin.

            La culture des entreprises canadiennes doit évoluer et le gouvernement du Canada doit donner l’exemple en mettant sur pied un programme solide en matière d’innovation, assorti d’objectifs précis, en établissant des cibles élevées mais réalistes pour ce qui est des résultats et en établissant des indicateurs d’innovation permettant de se mesurer aux chefs de file mondiaux. Qui plus est, compte tenu de la taille moyenne de notre économie (notre population compte pour moins de 1 % de la population mondiale et notre PIB pour à peine plus que 2 % du PIB du monde), le Canada devra établir avec soin la mesure dans laquelle il doit accroître sa R. et D. pour que cela soit économiquement judicieux, ses créneaux en matière de R. et D. ainsi que son niveau de

            participation aux projets internationaux de R. et D. Les pouvoirs publics devront de plus avoir une idée claire de la façon dont l’invention est diffusée, des modes de création de valeur et de richesse et des progrès de la connaissance pour des raisons autres que commerciales. La prochaine étape que franchira le gouvernement du Canada à l’égard de son programme de stimulation de l’innovation sera cruciale et déterminera, plus que toute autre politique des pouvoirs publics, l’évolution future de la productivité, du niveau de vie et du bien-être général.