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INST Rapport du Comité

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  CONCLUSION

La politique canadienne de concurrence, telle qu’énoncée dans la Loi sur la concurrence et mise en œuvre par le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence, est un cadre d’action moderne pour parer aux problèmes anticoncurrentiels contemporains. Bien qu’il puisse être souhaitable de la remanier légèrement, la Loi sur la concurrence repose globalement sur l’analyse économique moderne. De son côté, le Bureau de la concurrence peut se vanter de la clarté et de la transparence de ses lignes directrices d’application, qu’il serait toutefois utile de peaufiner. Il gère bien sa charge de travail actuelle, mais pourrait, s’il disposait de plus de ressources, veiller de plus près au respect de la Loi. Le Tribunal de la concurrence a établi une jurisprudence claire et bien réfléchie où les principes économiques ont la place qui leur revient, mais il y aurait lieu de rationaliser ses procédures de manière à le rendre plus expéditif et à accroître son activité, en accordant des droits privés d’action bien pensés. Voilà comment le Comité concluait son Rapport intérimaire Le Comité maintient ces conclusions et il y ajoute certaines précisions dans le présent rapport final.

Le Comité estime que les entreprises canadiennes profiteraient d’un climat dans lequel la prévention des complots serait une de ces première priorité. Il constate que le Bureau dispose déjà de tactiques et de stratégies bien conçues visant à dépister et à suivre les complots à l’échelle nationale et internationale, mais qu’il est gêné dans ses tentatives par une loi inefficace car elle ne tient pas assez compte dans son traitement des véritables cartels et fait trop de cas des alliances stratégiques compatibles avec un climat concurrentiel. Le Comité recommande donc que la Loi sur la concurrence soit modifiée pour devenir une loi anti-complot à deux volets. Les cartels seraient poursuivis plus vigoureusement à l’aide de mesures pénales plus strictes et les alliances stratégiques feraient l’objet de mesures législatives au civil plus raisonnables par la voie d’un nouvel article. En vertu des dispositions criminelles existantes, il faudrait abandonner le terme « indûment » pour éliminer la nécessité d’intenter des poursuites vaines et non pertinentes pour raisons économiques. Parallèlement, des moyens de protéger les gains d’efficience seraient créées, ce qui renverserait le fardeau de la preuve, de manière à garder distincts les deux volets. Et l’on créerait un système volontaire de pré-autorisation des alliances stratégiques, qui permettrait au secteur des affaires de mieux s’orienter dès le départ et de ne pas risquer des sanctions pénales. L’effet décourageant de la législation sur les entreprises s’en trouverait atténué.

Pour que la priorité soit de nouveau donnée aux complots plutôt qu’aux fusions, comme le Parlement en avait l’intention à l’origine, en 1986, le Comité recommande que davantage de ressources soient affectées au Bureau de la concurrence et que le seuil de revenu brut annuel provenant des ventes à partir duquel il faut aviser d’une fusion soit porté de 35 à 50 millions de dollars. Le Comité recommande également de modifier la Loi sur la concurrence pour qu’elle prévoie des réévaluations quinquennales automatiques, par le Parlement, de tous ces seuils. Qui plus est, il recommande que soit accordé un droit d’action privé englobant l’abus de position dominante et un élargissement des réparations, pour ceux ayant subi un préjudice du fait d’agissements susceptibles d’examen comme une vente exclusive, une vente liée, une restriction de marché, un refus de vendre ou un abus de position dominante, de manière à prévoir des dommages et intérêts et des sanctions et, de ce fait, à encourager l’application de la Loi à titre privé, en plus de l’application de cette dernière par les pouvoirs publics.

Le Comité présente un certain nombre de recommandations visant à simplifier les procédures suivies par le Tribunal de la concurrence pour régler les litiges, en lui conférant surtout le pouvoir de régler les cas d’abus de position dominante et d’imposer des dommages et intérêts et des sanctions pécuniaires lorsque la personne incriminée est reconnue coupable. Ces sanctions sans limite permettront de mieux équilibrer les mesures visant à décourager les agissements abusifs et devraient, idéalement, alléger la charge de travail du Bureau et du Tribunal. De ce fait et par suite du pouvoir général que devrait obtenir le Tribunal de délivrer promptement des ordonnances de cesser et de s’abstenir, prévu par le projet de loi C-23, les actuelles dispositions visant les transporteurs aériens deviendront redondantes. Il sera ainsi possible de les abolir pour que la Loi sur la concurrence redevienne une loi d’application générale.

Le Comité recommande également la suppression de la mention « contrôlent sensiblement ou complètement » contenue dans l’article de la Loi visant l’abus de position dominante. Cette dernière disposition serait ainsi plus conforme au concept de puissance du marché, celui-ci ayant évolué au fil des interprétations juridiques et à la lumière des autres articles de la Loi. Cette modification, ainsi que le nouveau pouvoir du Tribunal de la concurrence d’évaluer les sanctions pécuniaires en cas d’abus de position dominante, appuieraient la dépénalisation de certaines pratiques anticoncurrentielles d’établissement de prix (prix d’éviction, maintien des prix sur l’axe vertical et discrimination par les prix), conformément à la pensée économique contemporaine. Il serait possible de conserver des mesures pénales pour les cas où ces agissements constitueraient un abus de position dominante, tout en réduisant, à défaut de l’éliminer, l’effet paralysant qu’elles ont sur les applications favorables à la concurrence de ces pratiques.

Pour ce qui est de l’examen des fusions, le Comité recommande l’établissement d’un groupe de travail autonome constitué d’experts et chargé d’étudier le rôle que les gains d’efficience devraient jouer dans tous les articles de la Loi qui prévoient un examen au civil. En ce qui concerne le refus de vendre, il préconise que le Bureau de la concurrence publie une directive d’interprétation précisant si l’article 75 s’appliquerait à un fournisseur qui, dans un marché touché par une pénurie, déciderait de rationner sélectivement le produit dont il dispose de manière à exercer une discrimination contre les détaillants indépendants.

 À la lumière des changements recommandés, le Bureau de la concurrence doit s’engager à reformuler ses lignes directrices sur l’application des dispositions relatives aux alliances stratégiques, à l’examen des fusions et à l’abus de position dominante et, tout particulièrement, à y inclure les prix d’éviction, le maintien des prix sur l’axe vertical et les pratiques de discrimination par les prix.

Enfin, le Comité est convaincu que ces recommandations reflètent les témoignages des spécialistes qu’il a entendus. Ces témoignages ont été complets et approfondis. Un consensus a été atteint sur la plupart des questions, si bien qu’il a été possible de formuler des recommandations précises et concrètes. Lorsque aucun consensus n’a pu être dégagé rapidement, le Comité a recommandé une poursuite de l’étude. Aussi estimons-nous que le présent document pourrait servir de plan directeur pour un livre blanc du gouvernement sur la politique de concurrence au Canada et pour la prochaine vague de modifications à la Loi sur la concurrence.