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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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37e Législature, 1ère Session

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 037

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 27 mars 2001

VAFFAIRES COURANTES

. 1000

VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Derek Lee

. 1005

VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. John Finlay
VDÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES
VMme Carolyn Parrish
VLOI SUR L'ÉVALUATION DES PROGRAMMES LÉGISLATIFS
VProjet de loi C-308. Présentation et première lecture
VM. John Williams
VLOI SUR L'ARBITRAGE DES PROPOSITIONS FINALES DANS LES
VProjet de loi C-309. Présentation et première lecture
VM. Dale Johnston

. 1010

VPÉTITIONS
VLes organismes aquatiques transgéniques
VM. Peter Stoffer
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Derek Lee
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU
VProjet de loi C-8. Étape du rapport
VDécision de la Présidence
VLe Président
VMotions d'amendement
VM. Richard Harris
VMotion no 1
VL'hon. Lorne Nystrom
VMotions nos 8 et 12
VM. Richard Harris
VMotion no 13

. 1015

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1020

. 1025

VM. Yvan Loubier
VM. Roy Cullen

. 1030

. 1035

VM. Ken Epp

. 1040

. 1045

VM. Gilles-A. Perron

. 1050

. 1055

VReport du vote sur la motion no 1

. 1100

VReport du vote sur la motion no 8
VReport du vote sur la motion no 12
VReport du vote sur la motion no 13
VL'hon. Lorne Nystrom
VMotion no 2
VM. Yvan Loubier
VMotion no 9
VL'hon. Lorne Nystrom
VMotions nos 10 et 11
VM. Richard Harris
VMotion no 14

. 1105

VMme Pauline Picard

. 1110

. 1115

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1120

. 1125

. 1130

VM. Yvan Loubier

. 1135

. 1140

VM. Scott Brison

. 1145

VM. Ken Epp

. 1150

. 1155

VM. Roy Cullen

. 1200

. 1205

VReport du vote sur la motion no 2
VReport du vote sur la motion no 9

. 1210

VReport du vote sur la motion no 10
VReport du vote sur la motion no 11
VReport du vote sur la motion no 14
VM. Yvan Loubier
VMotions nos 3 et 4
VMme Pauline Picard
VMotion no 5

. 1215

VM. Yvan Loubier
VMotions nos 6 et 7

. 1220

VM. Roy Cullen
VMme Pauline Picard

. 1225

VAFFAIRES COURANTES
VLES COMITÉS DE LA CHAMBRE
VExamen de la réglementation
VMotion d'adoption
VM. Jim Pankiw
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU
VProjet de loi C-8. Étape du rapport
VMme Pauline Picard

. 1230

. 1235

. 1240

VReport du vote sur la motion no 3
VReport du vote sur la motion no 4.
VReport du vote sur la motion no 5
VReport du vote sur la motion no 6
VReport du vote sur la motion no 7
VReport du vote

. 1245

VLOI DE 2000 MODIFIANT LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU
VProjet de loi C-22. Deuxième lecture
VL'hon. Robert Thibault
VM. Roy Cullen

. 1250

. 1255

. 1300

. 1305

VM. Jason Kenney

. 1310

. 1315

. 1320

. 1325

. 1330

. 1335

. 1340

. 1345

VM. Yvan Loubier

. 1350

. 1355

VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLe compte rendu officiel—Décision de la Présidence
VLe Président

. 1400

VDÉCLARATION DES DÉPUTÉS
VLE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
VM. Guy St-Julien
VLA SANTÉ
VM. Kevin Sorenson
VL'AUTISME
VMme Jean Augustine
VLA JOURNÉE MONDIALE DU THÉÂTRE
VMme Sarmite Bulte

. 1405

VLES MINES
VM. Benoît Serré
VLE BOIS D'OEUVRE
VM. Reed Elley
VLE SOMMET DES AMÉRIQUES
VM. Jean-Guy Carignan
VLE BÉNÉVOLAT
VM. Antoine Dubé

. 1410

VLE TOURISME
VMme Sue Barnes
VLES MINES
VMme Lynne Yelich
VL'INFRASTRUCTURE
VM. David Pratt
VLES PÊCHES
VM. Peter Stoffer
VLES JEUNES CONTREVENANTS
VMme Pauline Picard

. 1415

VLA MORAINE D'OAK RIDGES
VM. Bryon Wilfert
VLE MULTICULTURALISME
VM. John Herron
VQUESTIONS ORALES
VLE PREMIER MINISTRE
VM. Stockwell Day
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stockwell Day

. 1420

VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stockwell Day
VL'hon. Brian Tobin
VM. Stockwell Day
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stockwell Day
VL'hon. Brian Tobin
VM. Gilles Duceppe

. 1425

VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Michel Gauthier
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Michel Gauthier

. 1430

VLe très hon. Jean Chrétien
VL'ENVIRONNEMENT
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough
VL'hon. Ralph Goodale
VLE PREMIER MINISTRE
VLe très hon. Joe Clark

. 1435

VLe très hon. Jean Chrétien
VLe très hon. Joe Clark
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Diane Ablonczy
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Diane Ablonczy

. 1440

VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stéphane Bergeron
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stéphane Bergeron
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Val Meredith
VL'hon. Brian Tobin

. 1445

VMme Val Meredith
VL'hon. Brian Tobin
VMme Caroline St-Hilaire
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Caroline St-Hilaire
VLe très hon. Jean Chrétien
VLE COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES
VM. Charlie Penson
VL'hon. Don Boudria

. 1450

VM. Charlie Penson
VL'hon. Don Boudria
VLES MINES ANTI-PERSONNEL
VMme Paddy Torsney
VL'hon. John Manley
VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VM. Svend Robinson
VL'hon. John Manley
VM. Svend Robinson
VLe Président

. 1455

VLE PREMIER MINISTRE
VM. André Bachand
VL'hon. Brian Tobin
VM. Gerald Keddy
VL'hon. Brian Tobin
VLE MULTICULTURALISME
VMme Betty Hinton
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Betty Hinton
VLe très hon. Jean Chrétien
VLE PREMIER MINISTRE
VM. Gilles Duceppe

. 1500

VL'hon. Brian Tobin
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Brian Tobin
VLE MULTICULTURALISME
VM. Richard Harris
VLe très hon. Jean Chrétien
VPRÉSENCE À LA TRIBUNE

. 1505

VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLa période des questions
VM. Svend Robinson
VLe Président
VL'Auberge Grand-Mère
VM. André Bachand
VL'hon. Don Boudria

. 1510

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLOI DE 2000 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU
VProjet de loi C-22. Deuxième lecture
VM. Yvan Loubier

. 1515

VAFFAIRES COURANTES
VLE DÉPÔT DE DOCUMENTS
VL'hon. Don Boudria
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI DE 2000 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU
VProjet de loi C-22. Deuxième lecture
VM. Yvan Loubier

. 1520

. 1525

. 1530

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1535

. 1540

. 1545

VM. Peter Adams

. 1550

VM. Scott Brison

. 1555

. 1600

. 1605

. 1610

VM. Roy Cullen

. 1615

. 1620

VM. Ovid Jackson
VM. Guy St-Julien

. 1625

. 1630

VM. Ken Epp
VM. Ken Epp

. 1635

. 1640

. 1645

. 1650

VM. Peter Adams

. 1655

VM. Roy Cullen

. 1700

VMme Pauline Picard

. 1705

. 1710

. 1715

. 1720

VM. André Harvey

. 1725

. 1730

VINITIATIVES PARLEMENTAIRES
VLES ACADIENS
VM. Stéphane Bergeron
VMotion M-241

. 1735

. 1740

. 1745

VM. Jeannot Castonguay

. 1750

. 1755

VM. Gurmant Grewal

. 1800

. 1805

VM. Yvon Godin

. 1810

. 1815

VM. John Herron

. 1820

. 1825

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLE SOMMET DES AMÉRIQUES
VL'hon John Manley
VMotion

. 1830

. 1835

. 1840

VM. Monte Solberg
VM. Yvon Godin

. 1845

VL'hon. Pierre Pettigrew

. 1850

. 1855

VM. Deepak Obhrai
VM. Pierre Paquette

. 1900

VM. Stockwell Day

. 1905

. 1910

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1915

VM. Pierre Paquette
VM. Monte Solberg

. 1920

. 1925

VM. Chuck Strahl

. 1930

VMme Francine Lalonde

. 1935

. 1940

. 1945

VM. Pat O'Brien
VM. Peter Stoffer

. 1950

VM. Pierre Paquette

. 1955

. 2000

VM. Pat O'Brien
VM. Peter Stoffer

. 2005

VMme Alexa McDonough

. 2010

. 2015

. 2020

. 2025

VM. Pat O'Brien

. 2030

VM. Bill Casey

. 2035

VMme Judy Wasylycia-Leis
VLe très hon. Joe Clark

. 2040

. 2045

. 2050

. 2055

VL'hon. Diane Marleau
VM. Gary Lunn

. 2100

VMme Alexa McDonough
VM. Pat O'Brien

. 2105

VMme Jean Augustine

. 2110

. 2115

VL'hon. Diane Marleau

. 2120

. 2125

VM. Peter MacKay

. 2130

VM. Gary Lunn

. 2135

. 2140

VM. Pat O'Brien

. 2145

VM. Grant McNally

. 2150

. 2155

VM. Leon Benoit

. 2200

VM. Pat O'Brien

. 2205

. 2210

VMme Wendy Lill
VM. Svend Robinson

. 2215

VM. Stephen Owen

. 2220

. 2225

VM. Paul Crête
VM. Svend Robinson

. 2230

VMme Monique Guay

. 2235

. 2240

VM. Mac Harb

. 2245

VM. Paul Crête

. 2250

. 2255

VM. Mac Harb

. 2300

VMme Sarmite Bulte

. 2305

. 2310

VMme Wendy Lill

. 2315

VM. Paul Szabo

. 2320

. 2325

VMme Wendy Lill
VM. Svend Robinson

. 2330

VM. Rick Casson

. 2335

. 2340

VM. Keith Martin

. 2345

. 2350

VM. Larry Bagnell
VM. Svend Robinson

. 2355

VM. Mauril Bélanger

. 2400

. 2405

VM. Svend Robinson

. 2410

VM. Larry Bagnell
VM. Bryon Wilfert

. 2415

. 2420

VMme Wendy Lill

. 2425

VM. Svend Robinson
VM. Svend Robinson

. 2430

. 2435

VM. James Moore

. 2440

VM. Larry Bagnell
VM. Bill Blaikie

. 2445

. 2450

VM. Jim Abbott

. 2455

VM. Svend Robinson
VM. James Moore

. 2500

. 2505

. 2510

VM. Andy Burton

. 2515

VM. Peter Stoffer

. 2520

VM. Jason Kenney
VM. Stéphan Tremblay

. 2525

. 2530

. 2535

. 2540

VM. Larry Bagnell

. 2545

VM. Peter Stoffer

. 2550

VM. Pat Martin

. 2555

. 2600

VM. Peter Stoffer

. 2605

VMme Judy Wasylycia-Leis

. 2610

. 2615

VM. Peter Stoffer
VM. Jim Abbott

. 2620

. 2625

VM. Peter Stoffer

. 2630

VM. Jason Kenney

. 2635

. 2640

VM. Peter Stoffer

. 2645

VM. Joe Comartin

. 2650

. 2655

VM. Peter Stoffer
VM. Yvon Godin

. 2700

. 2705

VM. Larry Bagnell

. 2710

VM. Gurmant Grewal

. 2715

. 2720

VM. Peter Stoffer
VM. Larry Bagnell

. 2725

VM. Rahim Jaffer

. 2730

. 2735

VM. Peter Stoffer
VM. Peter Stoffer

. 2740

. 2745

VM. Larry Bagnell

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 037


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 27 mars 2001

La séance est ouverte à 10 heures.



Prière


AFFAIRES COURANTES

 

. 1000 +

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à une pétition.

*  *  *

 

. 1005 + -

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. John Finlay (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre dans les deux langues officielles, l'entente concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par Kanesatake sur son assise territoriale provisoire.

*  *  *

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN qui a représenté le Canada à une réunion conjointe des comités de la défense et de la sécurité, politique et économique de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, qui a eu lieu à Bruxelles et à Paris du 17 au 21 février 2001.

*  *  *

LOI SUR L'ÉVALUATION DES PROGRAMMES LÉGISLATIFS

 

M. John Williams (St. Albert, Alliance canadienne) demande à présenter le projet de loi C-308, Loi pourvoyant à l'évaluation des programmes législatifs.

—Monsieur le Président, je suis heureux de présenter le projet de loi qui rendra plus cohérente la façon dont nous évaluons les programmes pour nous assurer que les Canadiens en obtiennent pour leur argent, pour les 170 milliards de dollars que le gouvernement dépense chaque année.

Le projet de loi demande que chaque programme soit évalué en fonction des objectifs de politique publique qu'il est censé permettre d'atteindre. Donne-t-il les résultats escomptés et le fait-il de façon efficiente ou pourrait-on parvenir aux mêmes résultats d'une meilleure façon?

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

*  *  *

LOI SUR L'ARBITRAGE DES PROPOSITIONS FINALES DANS LES OPÉRATIONS DES PORTS DE LA CÔTE OUEST

 

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Alliance canadienne) demande à présenter le projet de loi C-309, Loi portant règlement des conflits de travail dans les ports de la côte ouest par arbitrage des propositions finales.

—Monsieur le Président, je suis heureux de présenter ce projet de loi visant à empêcher les arrêts de travail dans les ports de la côte ouest. Ces arrêts de travail ont coûté des milliards de dollars au Canada au fil des ans à cause des pertes subies au niveau des ventes et des exportations de grain, sans parler des répercussions que cela a eues sur l'économie agricole, sur les syndicats et les employeurs.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

Le Président: Motions. Présentation de pétitions.

M. Jim Pankiw: Monsieur le Président, la motion no 3 inscrite au Feuilleton prévoit que le premier rapport...

Une voix: Nous en sommes aux pétitions.

Le Président: J'ignorais que le député proposait sa motion. Nous y reviendrons.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. N'aviez-vous pas mentionné que nous passions à la rubrique des pétitions?

Le Président: J'ai mentionné que nous étions à la rubrique des motions et l'honorable député ne s'est pas levé.

Je n'ai pas reçu d'avis à l'effet que le député allait proposer sa motion, sauf qu'il m'a dit hier que s'il ne pouvait pas la proposer, il la proposerait aujourd'hui. Ce n'était pas sur ma liste. J'ai vraiment dû le reconnaître parce qu'il a dit cela à la Présidence hier.

M. Stéphane Bergeron: Il ne s'était pas levé.

Le Président: Il ne s'était peut-être pas levé assez vite.

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, vous devriez passer à la rubrique des pétitions.

Le Président: Très bien, nous passons aux pétitions.

 

. 1010 + -

[Traduction]

M. Jim Pankiw: Monsieur le Président, comme vous l'avez dit, je vous ai indiqué que je présenterais cette motion aujourd'hui et, lorsque vous avez appelé les motions, je me suis levé. À mon avis, le fait que vous n'ayez pas regardé de mon côté est une omission de votre part, mais je devrais néanmoins être autorisé à présenter la motion.

Le Président: La présidence ne cherche pas de bêtes noires. J'ai effectivement appelé les motions. Je reconnais que tout s'est déroulé rapidement. Je n'ai pas vu de député se lever lorsque j'ai appelé les motions.

La solution logique consiste à revenir aux motions si la Chambre est d'accord.

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: En l'absence d'un consentement unanime, j'ai en quelque sorte les mains liées. Je regrette qu'il en soit ainsi, mais je n'y peux rien.

*  *  *

PÉTITIONS

LES ORGANISMES AQUATIQUES TRANSGÉNIQUES

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je suis ravi de présenter une pétition signée par des citoyens de Toronto, et des milliers d'autres viendront s'y ajouter, concernant l'interdiction de libérer des organismes aquatiques génétiquement modifiés dans l'environnement.

Les pétitionnaires prient instamment le Parlement d'interdire la libération de ces organismes et d'entreprendre également un processus intégral et ouvert de consultation publique et d'examen en vue de déterminer les conséquences écologiques, sociales et financières liées à la mise au point et à l'utilisation d'organismes aquatiques transgéniques.

*  *  *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU CANADA

 

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, dont le comité a fait rapport avec des amendements.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Il y a 14 motions d'amendement inscrites au Feuilleton des Avis en ce qui concerne l'étape du rapport du projet de loi C-8.

Le Comité permanent des finances a fait l'étude article par article de ce projet de loi le 20 mars dernier. Cela a été fait, bien sûr, avant que je présente ma déclaration à la Chambre, énonçant les principes dont je m'inspirerai pour faire le choix des motions à l'étape du rapport.

Comme les députés ne pouvaient être au courant, à cette date, de la nouvelle façon d'appliquer ces principes, je compte être un peu plus large dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire pour le choix des motions.

[Traduction]

Je rappelle à tous les députés de profiter de l'étape du comité pour proposer leurs amendements. Si les députés ne profitent pas de cette occasion, la présidence ne retiendra pas, à l'étape du rapport, les motions qui auraient pu être proposées à l'étape du comité.

Les motions seront groupées pour les fins du débat de la façon suivante:

[Français]

Groupe no 1: Les motions nos 1, 8, 12 et 13.

[Traduction]

Groupe no 2: Les motions nos 2, 9 à 11 et 14.

[Français]

Groupe no 3: Les motions nos 3 à 7.

[Traduction]

La façon de mettre aux voix les motions de chaque groupe est disponible auprès du Greffier. La présidence redonnera les détails à la Chambre au moment de chaque mise aux voix.

[Français]

Je vais maintenant soumettre les motions nos 1, 8, 12 et 13 à la Chambre.

[Traduction]

MOTIONS D'AMENDEMENT

M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne) propose:  

    Motion no 1

    Que le projet de loi C-8, à l'article 5, soit modifié par substitution, aux lignes 15 à 17, page 5, de ce qui suit:

      «l'application de la présente loi, et des dispositions visant les consommateurs de ces autres lois et en rend compte, sous réserve des dispositions de l'article 17, à la Chambre des communes. Le Comité permanent des finances est saisi d'office de l'application de la présente loi.»

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) propose:  

    Motion no 8

    Que le projet de loi C-8, à l'article 84, soit modifié par substitution, à la ligne 26, page 39, de ce qui suit:

      «ment de la présentation de la requête.

    (4) Sauf dans les cas où la fusion résulte du fait qu'un des requérants n'est pas financièrement viable, la fusion doit être approuvée par une résolution de la Chambre des communes agréée par la majorité des députés et approuvée par une résolution du Sénat agréée par la majorité des sénateurs.»

    Motion no 12

    Que le projet de loi C-8, à l'article 183, soit modifié par adjonction, après la ligne 43, page 367, de ce qui suit:

    «978.1 À l'expiration du délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la présente loi et par la suite à la fin de chaque année, le comité de la Chambre des communes, du Sénat ou des deux chambres désigné ou constitué à cette fin est saisi d'office des règlements pris par le gouverneur en conseil en vertu de la présente loi au cours de l'année précédente. Le comité examine à fond ces règlements dès que possible et présente au Parlement, dans un délai d'un mois après le début de l'examen ou tel délai plus long autorisé par la Chambre des communes, un rapport assorti de ses recommandations, s'il y a lieu, portant sur l'objet, les répercussions ou la nécessité de ces règlements ou tout autre aspect de ceux-ci qu'il juge utile.»

M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne) propose:  

    Motion no 13

    Que le projet de loi C-8, à l'article 244, soit modifié par substitution, à la ligne 8, page 408, de ce qui suit:

      «ter les intéressés à cet égard. Le ministre fournit de plus par écrit:

      a) un énoncé des raisons pour lesquelles, selon lui, il est dans l'intérêt public de désigner un système de paiement;

      b) le processus de consultation du gestionnaire, des participants et de tous les intéressés pouvant être affectés par la désignation, et comment il peut être disposé des questions du ministre;

      c) un déclaration à l'effet que le gouverneur en conseil peut désigner un système de paiement dans le cas où il n'est pas donné suite aux questions du ministre.»

—Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir à la Chambre au nom de l'Alliance canadienne au sujet du projet de loi C-8, et en particulier de parler brièvement ce matin des motions que nous présentons à l'étape du rapport.

La motion no 1 a trait à une disposition du projet de loi original qui exigerait que, au moment de l'établissement et de l'entrée en fonction de l'agence de la consommation en matière financière, le commissaire de l'agence fasse rapport de ses activités au Parlement par l'entremise du ministre des Finances.

 

. 1015 + -

Nous avons demandé à maintes reprises à la Chambre que les organismes et les commissions qui sont censés être indépendants du gouvernement fassent rapport, non pas par l'intermédiaire d'un ministre, mais directement au Parlement et, en l'occurrence, au Comité permanent des finances. La motion propose un amendement qui obligerait l'Agence de la consommation en matière financière de faire rapport, sur une base permanente, au Comité permanent des finances.

La motion no 13 concerne le fonctionnement des services Interac. Le projet de loi exige que l'association signale au ministre des Finances tout changement aux règles régissant le fonctionnement normal des services. C'est une exigence très astreignante. Nous proposons plutôt un amendement qui mettrait en place, pour l'Association Interac, un cadre très clair et très transparent dans lequel elle pourrait fonctionner selon un mode d'autoréglementation. Les responsables de l'observation des règles auraient une idée très claire de ce que le ministre des Finances attend d'eux.

La motion exige que le ministre des Finances fournisse:

      a) un énoncé des raisons pour lesquelles, selon lui, il est dans l'intérêt du public de désigner un système de paiement;

      b) le processus de consultation du gestionnaire, des participants et de tous les intéressés pouvant être affectés par la désignation, et comment il peut être disposé des questions du ministre;

      c) une déclaration à l'effet que le gouverneur en conseil peut désigner un système de paiement dans le cas où il n'est pas donné suite aux questions du ministre.

Le cadre clair, transparent et large, défini par le ministre des Finances dans le projet de loi, serait suffisant pour assurer le fonctionnement normal de l'association qui pourrait ainsi procéder aux transactions commerciales ordinaires qui lui sont propres sans être entravée par l'exigence d'avoir à déclarer et à discuter chaque modification de ses règles, et ce, tant qu'elle opère dans les limites de ce cadre très large.

C'est tout ce que j'avais à dire au sujet des motions du groupe no 1 que l'Alliance propose. Dans l'ensemble, nous trouvons ce projet de loi progressiste. Bien que nous reprochions au gouvernement d'avoir tardé à le proposer, nous sommes satisfaits du projet de loi qui modernise le système bancaire canadien de manière à ce que nous puissions faire face à nos concurrents à l'échelle internationale.

Je demande aux ministériels de voir la prudence et le bon sens de ces amendements et je suis certain qu'ils les appuieront.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, le premier groupe comprend les motions nos 1, 8, 12 et 13. J'aimerais dire quelques mots au sujet des deux d'entre elles dont je suis l'auteur.

La motion no 2 a trait à l'autorité de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Le projet de loi traitant des institutions financières est très complexe. Il comporte 900 pages et touche 1 400 environ pages de lois. Il s'agit peut-être du projet de loi le plus complexe à être débattu à la Chambre des communes.

 

. 1020 + -

En plus des lois modifiées en conséquence, une foule de mesures prévues dans le projet de loi seront mises en place par le truchement de la réglementation fédérale. Il va de soi que la réglementation revêt une importance extrême, car c'est par elle que les citoyens ordinaires, qu'ils vivent à Halifax ou à Moose Jaw, en Saskatchewan, ressentiront les effets de la loi.

Le projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui pourrait être amélioré de diverses façons. J'aimerais signaler un léger détail d'une de mes motions. Il faudrait accroître les pouvoirs de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada relativement à l'imposition de pénalités aux sociétés qui contreviennent à la nouvelle loi. En cas de violation de la loi, on prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 50 000 $ pour le contrevenant et à 100 000 $ pour l'institution financière.

Mon amendement relèverait le plafond de la pénalité pour les sociétés, le faisant passer de 100 000 à 500 000 $. D'aucuns se demanderont peut-être pourquoi 500 000 $. C'est le montant qu'indiquait le Parti libéral dans un de ses livres blancs, il y a un an environ. Cet amendement ne présente pas un grand danger. La Chambre pourrait l'appuyer, car la pénalité proposée est tout à fait raisonnable.

M. Ken Epp: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Peut-être est-ce trop tard, mais j'allais signaler que le député est intervenu au sujet d'une motion dont la Chambre n'est pas saisie actuellement, car nous en sommes encore au groupe no 1. La motion dont il parle fait partie du groupe no 2. Cependant, je crois qu'il s'apprêtait à passer à la prochaine motion, alors j'interviens donc trop tard.

L'hon. Lorne Nystrom: Madame la Présidente, c'est pourquoi je parlais en général de l'accroissement des pouvoirs de l'agence financière. La motion no 8, qui fait partie du premier groupe, fait directement appel à la démocratie en faisant intervenir le Parlement.

En vertu de la loi actuelle, le ministre des Finances détient le dernier mot au sujet d'une fusion de banques. C'est comme ça à l'heure actuelle. Le ministre des Finances a le dernier mot. L'amendement que je propose ferait en sorte que, sauf en cas d'insolvabilité, le Parlement du Canada aurait le dernier mot. La décision de donner le feu vert à une fusion serait prise par l'entremise d'un vote au Parlement. Cette façon de faire n'est pas très radicale, mais les fusions de banques peuvent constituer des éléments extrêmement importants de la politique gouvernementale ou de la politique publique.

Les députés se souviendront qu'en janvier 1998, quatre de nos grandes banques voulaient fusionner: la Banque de Montréal, la Banque Royale, la Banque TD et la Banque Scotia. Cela a fait l'objet d'un grand débat. Je suis fier de dire que, dès le départ, notre parti était absolument contre ces fusions, soutenant qu'elles n'aideraient pas les consommateurs et qu'elles ne feraient que concentrer plus de pouvoir entre les mains d'un nombre réduit d'institutions financières. Je me souviens que les gens disaient que c'était inutile d'essayer de lutter contre les grandes banques parce qu'elles étaient trop puissantes et qu'elles gagneraient. Nous avons quand même continué de nous opposer à ces fusions, et cette opposition n'a cessé de prendre de l'ampleur d'un bout à l'autre du pays, si bien que, en décembre 1998, le ministre des Finances a dit non aux projets de fusion de ces quatre grandes banques.

C'est à la suite de cela que le nouveau mécanisme prévu dans le projet de loi C-8, que nous étudions aujourd'hui, a été élaboré. Au lieu de démocratiser le processus et de donner aux députés plus de pouvoir pour parler au nom de leurs électeurs, c'est le ministre des Finances qui aura le dernier mot pour ce qui est de décider si une fusion se fera ou non.

Nous disons dans notre amendement que c'est le Parlement qui devrait avoir le dernier mot au moyen d'une résolution. Nous devrions pouvoir voter oui ou non. Cela élargirait et renforcerait le rôle des simples députés de sorte que quelqu'un de la Nouvelle-Écosse, du Manitoba, du Québec, de l'Ontario ou de n'importe où ailleurs au Canada pourrait avoir le dernier mot pour ce qui est de déterminer si une fusion est dans l'intérêt public. Nous déciderions si elle est bonne pour le pays, si elle aidera les consommateurs ou si elle est bonne pour le Canada rural ou pour les différentes régions du pays qui seront touchées par une telle fusion. Le pouvoir ne serait pas entre les mains d'un seul ministre, soit le ministre des Finances.

Madame la Présidente, il ne faut pas penser que nous aurons toujours le même ministre des Finances. Le ministre actuel et ses successeurs pourront prendre la bonne décision ou non. Nous ne devrions pas laisser tout ce pouvoir entre les mains du ministre des Finances.

 

. 1025 + -

Cela s'inscrit dans la démocratie parlementaire. Cela s'inscrit dans la réforme démocratique et parlementaire. Cela s'inscrit dans l'exercice consistant à donner plus de pouvoirs aux députés afin que la Chambre revête plus d'importance aux yeux de la population canadienne. Quand nous constatons le sentiment de désaffection à l'égard du Parlement et quand nous voyons diminuer le nombre de Canadiens qui prennent le temps de voter, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander pourquoi nous refusons de donner plus de pouvoirs aux députés, ce qui redonnerait de l'importance à notre institution.

La Chambre des communes doit faire contrepoids aux pouvoirs de l'exécutif et du Cabinet. Pourquoi ne pas le faire en tant que députés?

Les députés d'en face peuvent voter en faveur de cette motion, car il ne s'agit pas d'une motion de défiance. Dans le cas d'une fusion, sauf s'il y a insolvabilité, la décision finale revient au Parlement. S'il y a insolvabilité, c'est le ministre des Finances qui a le pouvoir de prendre une décision et d'agir très rapidement. Comme le prévoit le projet de loi, lorsqu'une fusion fait l'objet d'un débat public, pourquoi la décision finale ne reviendrait-elle pas au Parlement du Canada plutôt qu'au ministre des Finances?

Ma motion représente un petit pas bien timide vers la réforme parlementaire et la démocratie parlementaire et elle redonnera un peu plus d'importance à la Chambre des communes. J'espère que les députés d'en face comprendront qu'il s'agit d'une occasion d'appuyer la réforme parlementaire et d'améliorer notre régime démocratique afin de rendre notre institution un peu plus importante aux yeux des simples citoyens canadiens.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais vous indiquer que nous supportons d'emblée quelques-uns des amendements présentés par l'Alliance canadienne, en particulier la motion no 1 présentée par le député de Prince George—Bulkley Valley, à l'effet que l'application de la Loi sur les banques soit redevable au Parlement et qu'il y ait un suivi périodique de cette application devant le Parlement.

J'ai feuilleté plus d'une fois avec attention le projet de loi sur les banques et avant lui, le Livre blanc du ministre des Finances qui suivait le Rapport MacKay-Ducros, pour m'apercevoir que pour la première fois peut-être dans une législation de cette importance, on voyait que le ministre des Finances avait un pouvoir discrétionnaire incroyable.

Les députés n'ont qu'à feuilleter ce projet de loi, et à toutes les dix pages ou à peu près, le ministre peut intervenir pour prendre des décisions. On laisse ces décisions à sa discrétion. Il a un pouvoir discrétionnaire qui ressemble à du jamais vu. De ce fait, la motion no 1 de l'Alliance canadienne, présentée par mon collègue de Prince George—Bulkley Valley, est une nette amélioration par rapport à ce qui existe déjà.

J'aurai l'occasion de revenir, tout au long de ce processus, sur cet aspect fort important du pouvoir discrétionnaire du ministre par opposition à ce qu'on devrait normalement retrouver dans un projet de loi, c'est-à-dire une plus grande responsabilisation de ce Parlement et un meilleur suivi des décisions prises par le ministre ou par le gouverneur en conseil.

[Traduction]

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais une petite précision. Allons-nous débattre des motions groupe par groupe? Il me semble que nous avons oublié une motion dans le groupe no 1, à moins que je ne me trompe? La motion no 12 a-t-elle été présentée par le député?

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Nous traitons des motions nos 1, 8, 12 et 13. Sauf erreur de ma part, le député de Regina—Qu'Appelle a traité des motions nos 8 et 12.

M. Roy Cullen: Madame la Présidente, je débattrai du premier groupe. Je remercie les membres du Comité des finances de la Chambre des communes pour leur approche constructive à l'égard de cette imposante et importante mesure législative.

J'aborde la motion no 1 de l'Alliance concernant l'obligation de rendre compte de l'Agence de la consommation en matière financière.

 

. 1030 + -

Je voudrais faire remarquer qu'aux termes du projet de loi C-8, le ministre des Finances est responsable de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Des dispositions précises sont prévues en matière de reddition de comptes de façon à permettre au ministre de surveiller efficacement les activités de l'Agence.

Toutefois, le projet de loi actuel renferme une disposition qui oblige l'Agence à rendre des comptes au Parlement. L'article 34 du projet de loi, en particulier, exige que le ministre fasse déposer chaque année devant chaque chambre du Parlement un rapport d'activité pour l'exercice précédent faisant état de la situation en ce qui a trait au respect par les institutions financières des dispositions visant les consommateurs qui leur sont applicables. La structure de reddition de comptes de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et les exigences du gouvernement relatives aux déclarations correspondent à ce qui est déjà en vigueur au Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF.

La deuxième motion du groupe de motions présentées par l'Alliance canadienne, soit la motion no 13, concerne le système canadien de paiement. Le processus retenu dans le projet de loi pour la désignation d'un système de paiement est exhaustif et oblige le ministre à consulter les gestionnaires des systèmes de paiement et les participants avant d'émettre l'avis de désignation.

Il n'est pas nécessaire de préciser dans le projet de loi, tel que proposé dans la motion no 13, les détails du processus auquel il sera vraisemblablement fait appel lors des consultations. Il est probable que, lors de la période des consultations, le ministre énoncera les raisons sous-jacentes à l'intérêt public de la désignation envisagée. Il serait possible de le faire, mais, si le gestionnaire du système de paiement et les participants tenaient compte des préoccupations du ministre, il ne serait pas nécessaire de procéder à cette désignation.

Passons maintenant aux motions présentées par le député de Regina—Qu'Appelle, le porte-parole du NPD en matière de finances. La motion no 8 concerne les fusions des établissements bancaires. Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair pour la Chambre que le gouvernement est tout à fait conscient de l'importance du rôle que le Parlement peut jouer lorsqu'il s'agit de l'évaluation des effets sur l'intérêt public des fusions bancaires au Canada.

Voilà pourquoi les lignes directrices relatives à la révision des fusions comprennent la consultation du Comité permanent des finances de la Chambre des communes et du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Grâce aux rapports que feront ces deux comités au ministre des Finances, l'avis des parlementaires sera pris en compte lors de la révision des grandes fusions bancaires au Canada. Le rapport du Comité des finances de la Chambre sera même présenté à la Chambre des communes.

En fin de compte, c'est le ministre des Finances qui est responsable de la sécurité et de la solidité de notre secteur financier et de son bon fonctionnement. La décision ultime au sujet de l'approbation ou du rejet d'une fusion doit revenir au ministre des Finances et ne doit pas être assujettie à l'approbation du Parlement sous forme d'une résolution.

De plus, le changement proposé pourrait sérieusement miner la sécurité et la solidité du secteur des services financiers. Étant donné que les fusions touchant des établissements en difficulté n'exigeraient pas de résolution spéciale, cela indiquerait aux Canadiens qu'au moins une des banques en question éprouve des difficultés financières. Cela pourrait conduire à des retraits massifs dans l'un ou l'autre des établissements ou les deux, ce qui pourrait à son tour miner sérieusement la confiance de la population dans le secteur des services financiers et le système des paiements.

Je voudrais maintenant m'arrêter sur la motion no 12, du groupe no 1, inscrite au nom du député de Regina—Qu'Appelle. La motion prévoit l'ajout d'une nouvelle disposition qui exigerait que tous les règlements pris aux termes du nouveau projet de loi durant une année civile soient renvoyés à un comité de la Chambre, du Sénat ou des deux Chambres pour qu'il les examine à fond.

Comme les députés le savent, le projet de loi C-8 est une initiative législative importante qui établit en détail le cadre stratégique clé que le gouvernement a annoncé dans le livre blanc qu'il a rendu public le 25 juin 1999. À l'intérieur de ce cadre, on prévoit une certaine souplesse pour certains éléments du nouveau régime de réglementation. Tout règlement proposé à l'intérieur de ce cadre serait assujetti au même processus de contrôle rigoureux qui s'applique aux règlements proposés aux termes de toute autre loi fédérale.

 

. 1035 + -

Le Bureau du Conseil privé examinera le règlement pour veiller à ce qu'il soit conforme aux objectifs de la loi, et les intéressés auront l'occasion de commenter les changements proposés.

Un élément clé de cette souplesse en matière de réglementation réside dans le fait qu'elle permet au gouvernement de répondre à des changements rapides dans l'industrie de façon plus opportune que ce que permettrait un examen après cinq ans de la loi. Or, telle que proposée, la motion nuirait à cette souplesse.

Un examen annuel des règlements créerait une certaine incertitude pour l'industrie relativement aux changements proposés par le gouvernement dans un domaine en particulier. Dans la mesure où cet examen entraînerait des retards, la motion proposée pourrait faire en sorte que des initiatives en matière de réglementation ne soient pas mises en oeuvre de façon plus opportune qu'une modification législative en bonne et due forme. Pour cette raison, le gouvernement n'appuie pas ce changement proposé.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis heureux de parler du projet de loi C-8, un texte de loi très volumineux, comme il a été mentionné. Lorsque je le tiens dans mes mains, il augmente mon poids de 10 p. 100.

Quand on regarde les amendements proposés dans le groupe no 1, on s'aperçoit qu'ils visent à améliorer le projet de loi. Je vais parler maintenant plus précisément de la motion no 1, présentée par mon collègue, qui concerne les rapports. Le secrétaire parlementaire vient d'indiquer qu'il y a une disposition à ce sujet dans le projet de loi. Pour plus de clarté, je ferai lecture d'un extrait de la page 15, sous la rubrique «Rapport annuel». Le voici:

    Chaque année, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement, au plus tard le cinquième jour de séance de celle-ci après le 30 septembre, le rapport d'activité de l'Agence pour l'exercice précédent, ainsi que des conclusions d'ordre général faisant état de la situation en ce qui a trait au respect par les institutions financières des dispositions visant les consommateurs qui leur sont applicables.

Les députés remarquent-ils qui présente le rapport? C'est le ministre qui dépose le rapport. Bien sûr, le ministre peut dire exactement ce qu'il veut. Il fait rapport à la Chambre et nous savons tous ce qu'il advient des rapports. Chaque jour, la période des affaires courantes prévoit une procédure de dépôt de rapports dans le cadre de laquelle des rapports sont présentés à la Chambre. Ainsi, il suffira au ministre de déposer selon cette procédure un rapport des activités de l'Agence.

La motion no 1 est vraiment très différente. Il est difficile, dans le cadre d'un débat raisonné, de persuader les députés d'en face, car je ne suis pas certain qu'ils écoutent. S'ils sont à l'écoute, cela ne transparaît pas dans leur langage corporel. Tout ce qu'on voit en face, c'est un tas de novices qui ne sont pas vraiment...

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Comme le député le sait puisqu'il est à la Chambre depuis un certain temps déjà, les députés doivent être traités respectueusement à cet endroit. Je l'invite à peut-être changer les mots qu'il a employés ou à s'excuser s'il le désire.

M. Ken Epp: Je m'excuse, madame la Présidente. J'exhortais simplement les députés d'en face à écouter attentivement et peut-être même à envisager de voter en faveur des amendements qui ont été présentés.

Je voudrais ouvrir une parenthèse. Récemment, la Chambre a adopté à la majorité une motion selon laquelle le Président n'est pas obligé d'accepter des amendements à l'étape du rapport. Des déclarations radicales et d'une très vaste portée ont ensuite été faites. La réalité, c'est que, lorsque nous proposons des amendements en comité, ils sont rejetés d'emblée par la majorité au sein du comité. Je soutiens que les amendements proposés à la Chambre subissent souvent le même sort. À mon avis, le moment est venu que nous changions cela.

 

. 1040 + -

Je voudrais que les députés prennent sérieusement en considération la motion no 1 proposée par mon collègue et qu'ils lui accordent leur appui. Au lieu que le ministre présente simplement un rapport à la Chambre, la motion no 1 prévoit que le commissaire examine toutes les questions liées à:

      ...l'application de la présente loi, et des dispositions visant les consommateurs de ces autres lois et en rend compte [...] à la Chambre des communes. Le Comité permanent des finances est saisi d'office de l'application de la présente loi.

Il s'agit ici d'une question d'équilibre. Les institutions bancaires ont d'énormes pouvoirs, et nous avons évidemment besoin d'elles. Elles sont une composante importante du moteur de notre bien-être financier et de notre développement économique. Cependant, il faut un équilibre entre leurs pouvoirs et dispositions et la protection des individus, des petites entreprises et des autres. Nous disons que le rapport devrait automatiquement être renvoyé au Comité des finances et à la Chambre des communes et non pas être seulement déposé par le ministre. Je prie les députés de songer sérieusement à appuyer cette mesure.

Je passe maintenant à la motion no 13 présentée par mon collègue. Elle porte sur le choix d'un système de paiement. Il y a peut-être quelqu'un qui lira le hansard quelque part, qui écoute les débats à la télévision, ou qui se trouve ici à la tribune aujourd'hui, qui ne sait même pas ce qu'est le système de paiement. En fait, un nombre colossal de transactions financières ont lieu au pays chaque jour. Elles varient des transferts de millions, et parfois de milliards, de dollars effectués par les grandes sociétés jusqu'aux transactions des personnes qui font de menus achats à la pharmacie du coin avec leur carte de crédit.

Nous avons un système de paiement qui, en fait, est le lien de communication entre toutes nos institutions financières. Lorsque je tire un chèque sur mon compte à la caisse d'épargne dont je suis membre et que quelqu'un le dépose dans une banque, il doit exister un système de communication entre ces deux institutions. Le gouvernement a, avec raison, le pouvoir de désigner le système de paiement. La motion no 13 dit que le ministre doit fournir, par écrit, un énoncé expliquant pourquoi il déclare qu'un système de paiement est valide ou non.

Je veux maintenant lire le paragraphe 37(3) du projet de loi qui se trouve à la page 408. Voici:

    Avant de désigner un système de paiement, le ministre consulte sur les effets de la désignation le gestionnaire et les participants du système de paiement et peut consulter les intéressés à cet égard.

Ça dit «peut consulter les intéressés»; il n'est pas tenu de le faire. La disposition de la motion no 13 devrait renforcer cela. Celle-ci exigerait en effet beaucoup plus de rigueur du ministre. La motion prévoit ceci:

      ...le processus de consultation du gestionnaire, des participants et de tous les intéressés pouvant être affectés par la désignation et comment il peut être disposé des questions du ministre.

Cela est renforcé. Je demanderais à nouveau aux députés d'en face de faire attention à la formulation de cet amendement. C'est un bon amendement, car il renforce la relation entre les banques et les gens qui font appel à leurs services. Il montre une responsabilité qui ne se limite pas à ce qu'un ministre puisse faire à peu près tout ce qu'il veut après avoir ou non mené des consultations.

J'aimerais aussi commenter les motions du groupe no 1 présentées par le député de Regina—Qu'Appelle. Je voudrais dire quelques mots à ce sujet. Je suis tenté à l'heure actuelle de contester ses motions pour une raison de logique. Il est bien évident que le Canada compte très peu de banques. Si je comprends bien ses amendements, ils veulent que les fusions doivent être approuvées par le Parlement.

 

. 1045 + -

Il est probablement vrai de dire que nous avons cinq, peut-être six grandes banques au Canada, à l'heure actuelle. Il est à prévoir que certaines d'entre elles pourraient essayer de fusionner leurs opérations, pour une raison ou une autre. Je ne m'étendrai pas sur ces raisons. Nous sommes passés par là il n'y a pas si longtemps, et il est raisonnable de s'attendre à ce que la situation se présente de nouveau. Le député propose que la Chambre des communes et le Sénat donnent leur accord. Tel est l'objet de l'amendement, essentiellement.

Je suppose qu'on ne devrait pas s'y opposer si on examine un ou deux cas. Toutefois, il y a des centaines de petites institutions financières aux quatre coins du pays. Nous serions sans doute dans l'erreur si la moindre petite institution d'une localité donnée désirant se fusionner avec une autre dans une localité voisine en vue de renforcer sa position devait s'en remettre à la Chambre. L'amendement du député n'est pas clair quant à savoir si des cas comme celui-là pourraient être exclus.

Je suis enclin à ne pas appuyer cet amendement, car de telles affaires pourraient s'éterniser sur le calendrier parlementaire avant de pouvoir être traitées. Bien que ce soit là le premier motif de mon rejet, je crois qu'en principe l'amendement est recevable. C'est à la Chambre que les députés sont censés avoir voix au chapitre pour répondre aux besoins des clients des banques.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Madame la Présidente, étant donné que c'est la première fois que je m'adresse à cette Chambre au cours de cette législature, je suis convaincu que vous allez me permettre un petit écart.

Permettez-moi de remercier 50 p. 100 des électeurs de la belle circonscription de Rivière-des-Mille-Îles qui ont voté pour moi aux dernières élections, et d'assurer l'autre 50 p. 100 des électeurs qui n'ont pas voté pour moi, que je suis quand même leur représentant et que je vais représenter tous les gens de ma circonscription, indépendamment des résultats du vote.

Deuxièmement, je veux surtout remercier les bénévoles qui, tout comme chez vous, madame la Présidente, ont fait que j'ai été élu. C'est grâce au travail de vos bénévoles et des miens, qui ont travaillé comme des abeilles, que nous avons pu avoir notre siège dans cette Chambre.

Troisièmement, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux recrues, notamment à mon ami de Châteauguay, ici présent. Il va vivre de très belles expériences dans cette Chambre.

Quatrièmement, je veux que vous fassiez le message au Président de la Chambre et à tous vos collègues qui ont été élus et nommés. Je suis convaincu que vous allez faire un travail impeccable, sans parti pris, et que vous allez veiller à ce que les règles et règlements que nous nous sommes imposés soient très bien respectés. Madame la Présidente, je vous remercie à l'avance du travail que vous allez faire.

Attaquons le vif du sujet. Je prends la parole ce matin, comme tout le monde le sait, sur le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières.

Pour débuter, j'aimerais faire un bref historique de ce projet de loi. On se rappelle qu'en 1998, le Rapport MacKay avait été déposé. Mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe—Bagot, avait pris à cet égard une part vraiment entière. Il avait proposé des modifications intéressantes.

Par contre, concernant le projet de loi C-38, que nous avons appuyé même si on devait y apporter certaines modifications, il y a eu un échange de correspondance entre le ministre des Finances du Québec du temps, M. Bernard Landry, qui est présentement, tout le monde le sait, premier ministre de la Belle Province.

 

. 1050 + -

Mais cet échange de correspondance entre le ministre des Finances du Québec de l'époque et le ministre fédéral des Finances était demeuré lettre morte. Heureusement, le projet de loi C-38 est mort au Feuilleton à cause du déclenchement d'une élection précipitée, élection dont la majorité des Canadiens se demandent encore quelle en était l'utilité. Je parle de l'élection de novembre. Le projet de loi C-38 est donc mort au Feuilleton.

Nous revoici ce matin à discuter du projet de loi C-8, qui remplace le projet de loi C-38. Le Bloc québécois peut vivre avec le fond du projet de loi C-8, moyennant certains amendements. Nous avons pu constater dans le nouveau projet de loi C-8, qui est presque similaire au projet de loi C-38, certaines modifications apportées, nécessairement, suite à l'échange de correspondance entre les deux ministres des Finances de l'époque.

Par contre, cela nous laisse un goût amer dans la bouche, puisque les préoccupations du ministre québécois des Finances de l'époque, M. Bernard Landry, ne sont pas incluses dans le projet de loi. Elles sont plutôt incluses dans une annexe qui s'appelle: «Les lignes directrices sur le reclassement des banques» qui figurait auparavant à l'annexe 1, et dont les capitaux propres dont inférieurs à cinq milliards de dollars.

Concernant cette annexe, le Bloc québécois a une préoccupation puisque l'annexe dit que:

      [...]le ministre des Finances, lors de sa décision unique, prendra en considération, avant de pouvoir faire un échange ou une vente d'une banque à l'autre, la sûreté et la solidité de la banque, les emplois directs et indirects, l'emplacement du centre décisionnel et de la gestion de la banque, les besoins des consommateurs, les affaires et les activités de la banques, les perspectives d'avenir de la banque dans le contexte des marchés mondiaux.

Les six points que je viens de donner sont seulement des voeux pieux puisque le projet de loi permet au ministre des Finances actuel qui, je crois, a pris cette habitude parce qu'il est propriétaire d'une compagnie de bateaux, d'être, comme un capitaine de bateau, le seul maître à bord lorsque viendra le temps de prendre des décisions. Donc, le ministre a dans ses mains tous les pouvoirs de bafouer les six points sans que nous puissions dire ou faire quelque chose.

Je crois que le projet de loi C-8 est beaucoup trop important pour que les décisions de changer quoi que ce soit dans ce projet puissent être prises uniquement par un seul homme, un seul capitaine, soit le ministre des Finances lui-même. C'est dangereux. C'est tout près de la dictature. C'est aussi dangereux connaissant les habitudes de ce gouvernement d'en face, qui a beaucoup tendance au copinage et à nourrir les petits amis. Il faudrait donc faire attention.

Je suggère fortement que les décisions finales soient prises par nous, les parlementaires. Nous sommes ici pour prendre des décisions. Nous ne sommes pas des plantes vertes, nous devons prendre des décisions. Nous devons donc faire vraiment attention.

Un autre problème qui me préoccupe et qui préoccupe certainement mon amie, la députée de Drummond, c'est que ce projet de loi est à trois vitesses quant à la possibilité pour un individu d'être propriétaire d'une banque.

 

. 1055 + -

On commence par regarder les grandes banques, celles qui ont un capital supérieur à cinq milliards de dollars. Donc, un individu peut détenir un maximum de propriété de 20 p. 100 de la valeur de la banque.

Pour ce qui est du deuxième groupe, on parle d'un capital propre allant de un milliard à cinq milliards de dollars, ce qui est le cas de la Banque Nationale, la seule banque québécoise à charte fédérale sur le marché. Dans ce cas, vu que c'est moins de cinq milliards de dollars, 65 p. 100 des actions de cette banque peuvent être détenus par un seul actionnaire.

Donc, cela redevient un peu le style de notre ministre des Finances, notre grand capitaine de bateau, du fait qu'on en arrive à un point où une seule personne peut décider comment une banque peut se gérer elle-même. Est-ce que la banque va défendre les intérêts de ses actionnaires? Sûrement, puisqu'elle est l'actionnaire majoritaire. Mais elle défendra des intérêts au détriment de qui? Du service, du nombre de personnes qui y travaillent, des employés? Nous devons nous préoccuper de ce fait.

Il y a aussi les cas des petites institutions ayant un capital propre de moins de un milliard, lequel peut être détenu à 100 p. 100 par une personne. Malheureusement, ce n'était pas la recommandation du Rapport MacKay, puisque ce dernier suggérait qu'on pouvait modifier la propriété afin de permettre et d'encourager le regroupement d'institutions financières de petite et de moyenne taille en holding financier.

Cela veut dire, selon le Rapport MacKay, qu'on pouvait associer une foule de petits états financiers et en faire une banque importante de cinq milliards de dollars et plus.

Je m'aperçois que mon temps est terminé, mais j'aimerais mentionner deux autres questions qui me préoccupent.

La première est que ce projet de loi C-8 ne répond aucunement aux attentes du Bloc québécois en matière de réinvestissement communautaire. Deuxièmement, ce projet de loi n'apporte aucune protection aux épargnants et aux investisseurs.

[Traduction]

Le président suppléant (Mme Bakopanos): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote porte sur la motion no 1. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 1 est reporté.

[Français]

Le prochain vote porte sur la motion no 8. Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui s'opposent à la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

 

. 1100 + -

 

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 8 est différé.

[Traduction]

Le prochain vote porte sur la motion no 12. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 12 est reporté.

Le prochain vote porte sur la motion no 13. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

[Français]

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 13 est différé.

[Traduction]

Je vais maintenant soumettre le groupe de motions no 2 à la Chambre.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) propose:  

    Motion no 2

    Que le projet de loi C-8, à l'article 19, soit modifié par substitution, à la ligne 13, page 11, de ce qui suit:

      «personne physique, et de 500 000 $ si l'auteur»

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) propose:  

    Motion no 9

    Que le projet de loi C-8, à l'article 98, soit modifié par adjonction, après la ligne 24, page 62, de ce qui suit:

      «i) l'incidence de la transaction sur la sûreté et la solidité de la banque, les emplois, directs et indirects, tant au siège social que dans les succursales et y compris sur les emplois professionnels ou exigeant une expertise spécialisée, l'emplacement du centre décisionnel et de la gestion de la banque, les besoins des consommateurs, les affaires et les activités de la banque et les perspectives d'avenir de la banque dans le contexte des marchés mondiaux, les intérêts des canadiens et canadiennes et, dans le cas où l'institution opère principalement dans une région, les intérêts de la population de cette région.»

[Traduction]

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) propose:  

    Motion no 10

    Que le projet de loi C-8, à l'article 113, soit modifié par substitution, à la ligne 30, page 72, de ce qui suit:

      «Compte de dépôt de détail mis à la disposition de chaque client pour la somme de trois dollars mensuellement et ayant les caracté-»

    Motion no 11

    Que le projet de loi C-8, à l'article 125, soit modifié par substitution, à la ligne 16, page 79, de ce qui suit:

      «activités. Il est entendu que la fermeture de la succursale ne peut se produire que si elle est financièrement non viable.»

M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne) propose:  

    Motion no 14

    Que le projet de loi C-8, à l'article 314, soit modifié par substitution, à la ligne 38, page 478, de ce qui suit:

      «ou augmenter l'intérêt;

    (iii) l'entité est une association et l'investissement n'est pas limité en vertu de règlements pris conformément à l'alinéa 396d);»

—Madame la Présidente, je voudrais parler principalement de la motion no 14, qui a été présentée par l'Alliance canadienne.

 

. 1105 + -

Permettez-moi de dire en guise d'introduction que l'une des choses que le gouvernement a tenté de faire pour donner suite à l'étude du groupe de travail MacKay, et plus particulièrement à l'une des nombreuses recommandations de ce dernier, est d'inclure dans la législation sur les banques la flexibilité, ou plutôt des dispositions permettant de restructurer de manière progressive le système canadien des coopératives de crédit.

Nous avons rencontré à maintes reprises les responsables de la centrale des coopératives de crédit, les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique et les représentants de ce groupe. Ils nous ont dit qu'ils étaient prêts à se restructurer de manière à pouvoir offrir davantage de services aux Canadiens. Au cas où les banques nationales fusionneraient, et le sentiment est que la concurrence sera rude, ils veulent occuper la place qui serait laissée vacante. Pour ce faire, ils doivent se restructurer. Ils veulent pouvoir regrouper un plus grand nombre de succursales au sein d'une même structure qui les chapeauterait. Pour ce faire, ils ont besoin d'une plus grande souplesse.

Je ne pense pas me tromper en disant que, à l'heure actuelle, la structure des coopératives de crédit obéit à la règle du 10-50. Si je me souviens bien, la participation peut être soit de 10 p. 100 soit de 50 p. 100. Le secrétaire parlementaire me corrigera si je suis sur la mauvaise voie, mais je pense que c'est dans cet ordre d'idée.

Ce qu'ils veulent faire, c'est avoir une certaine souplesse quant à la participation du groupe de coordination et des succursales qui fonctionneraient au sein de cette nouvelle structure commerciale. Je sais que le secrétaire parlementaire est favorable à cette proposition des coopératives de crédit et de la centrale des coopératives de crédit.

Cet amendement donnerait donc aux coopératives de crédit qui désirent ce changement la souplesse voulue pour se doter d'une nouvelle structure et avoir la souplesse nécessaire pour combler le vide laissé dans les services aux clients.

Je sais que le secrétaire d'État chargé des banques et des institutions financières est au courant de ce désir exprimé par les coopératives de crédit. Je suis d'avis que le gouvernement a sans doute dit aux responsables des coopératives de crédit avec lesquels il a discuté de ces questions qu'il ne voyait là aucun problème, mais ces derniers devraient peut-être montrer au gouvernement comment procéder. Le gouvernement a demandé l'avis des intervenants du mouvement des coopératives de crédit.

La motion reprend une suggestion faite par ces derniers au gouvernement concernant la manière de leur donner cette souplesse. Je m'arrêterai là. Je suppose que le secrétaire parlementaire du ministre des Finances verra la sagesse de cet amendement et demandera à ses collègues de l'appuyer quand il sera mis aux voix.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la Présidente, je tiens à vous dire que je suis très fière de voir une femme occuper ce fauteuil. Nous, les femmes, avons souvent à travailler très fort et c'est très difficile pour nous d'accéder à certains postes prestigieux. Alors, c'est toujours avec fierté que je m'adresse à vous.

D'entrée de jeu, je voudrais vous dire que le Bloc québécois appuie le projet de loi C-8 et, pour rassurer certains groupes, nous sommes d'accord pour que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible afin de permettre une transition rapide et sans encombre.

Cependant, il n'en demeure pas moins que le projet de loi, dans sa forme actuelle et pour certains autres groupes, ne répond pas à toutes les exigences que l'on réclame.

 

. 1110 + -

Le point le plus important pour le Québec est d'assurer la protection de la plus grande banque québécoise, la Banque Nationale, et c'est là vraiment un enjeu très important pour la nation québécoise. On sait que la Banque Nationale est la grande banque du Québec et qu'elle détient les sommes d'argent des entreprises que nous avons au Québec.

Ce projet de loi rend la Banque Nationale plus vulnérable que les grandes banques canadiennes et nous trouvons que c'est inacceptable. Il y a, dans ce projet de loi, un système à trois vitesses en ce qui a trait au contrôle des banques par un seul individu.

Ce que je voudrais vous expliquer—j'en ai déjà parlé en cette Chambre, et je pense que j'avais été assez claire—c'est une idée d'ensemble pour vraiment démontrer aux gens qui nous écoutent ainsi qu'à vous, madame la Présidente, ce qui se passe actuellement dans ce système qu'on veut introduire et qui nous semble acceptable.

On sait que pour les grandes banques canadiennes, par exemple la Banque Royale, les actions votantes pour un actionnaire passent de 10 p.100 à 20 p. 100. Alors, pour les banques qui ont 5 milliards de dollars et plus d'actif, un actionnaire pourrait détenir 20 p. 100 des actions de la banque.

Mais là où le bât blesse, et cela se retrouve au Québec, c'est que dans le cas des petites banques, celles qui détiennent moins de 5 milliards de dollars, le ministre des Finances accorde jusqu'à 65 p. 100 des actions votantes à un seul actionnaire. Cela veut dire qu'un individu peut se présenter à l'institution financière, à la Banque Nationale, et, avec son argent, acheter 65 p. 100 des actions votantes. Cet individu contrôle les avoirs de la population québécoise. C'est incroyable. Pourquoi un écart aussi grand?

Pourquoi est-ce qu'on accorde 20 p. 100 d'actions votantes à un actionnaire de la Banque Royale du Canada alors que pour la Banque Nationale, un individu—ça peut être un étranger—peut arriver chez nous, et parce qu'il a le pouvoir de l'argent, qu'il détient 65 p. 100 des actions votantes, il peut décider de transférer le bureau chef, de faire des mises à pied, de transférer ces avoirs-là, l'argent de la population québécoise, à l'étranger, parce que c'est un étranger, et tout va être administré à l'extérieur.

Alors, ce sont des préoccupations de la population. Qu'est-ce qui va se passer? En fait, il y aura probablement des pertes d'emplois et c'est inacceptable de penser qu'un seul individu étranger va gérer la plupart des avoirs de cette institution financière. C'est pour cela que nous dénonçons cet état de fait.

Par contre, il y a eu un certain changement au cours de l'étude de ce projet de loi. M. Landry, qui est maintenant le premier ministre du Québec, a fait des demandes qui ont été incorporées dans cette loi. Mais ces demandes sont comme des lignes directrices sur le reclassement des banques qui figurait auparavant à l'annexe 1 et dont les capitaux propres sont inférieurs à 5 milliards de dollars, ce qui inclut la Banque Nationale.

Ce qu'on demandait, c'était que ces lignes directrices soient incluses dans la loi, mais elles sont restées des lignes directrices. C'est un petit pas, mais ce n'est pas assez pour nous. Il faut vraiment s'assurer que ces lignes directrices soient incorporées à la loi. Je voudrais vous citer ces lignes:

    Toute transaction impliquant un reclassement sera évaluée au mérite. On devra pouvoir démontrer que l'opération favorisera le potentiel de croissance de la Banque et qu'il en résultera une amélioration du service pour ses clients.

 

. 1115 + -

Je continue la citation:

    Au moment de déterminer si une transaction impliquant un reclassement est dans l'intérêt public, le ministre des Finances tiendra compte de tous les facteurs qu'il jugera pertinents y compris la sûreté et la solidité de la Banque, les emplois directs et indirects, l'emplacement du centre décisionnel et de la gestion de la Banque, les besoins des consommateurs, les affaires et les activités de la Banque, les perspectives d'avenir de la Banque dans le contexte des marchés mondiaux.

Ces éléments, n'étant pas intégrés dans le projet de loi, pourront cependant être modifiés par le ministre, et ce, à son bon vouloir. C'est ce qui nous inquiète. C'est beau d'avoir accepté ces lignes directrices, mais ce qui nous inquiète, c'est qu'elles ne sont pas incorporées dans la projet de loi. Cela sera respecté ou non au bon vouloir du ministre des Finances.

Il faut que la population et nous, les parlementaires, ayons une très grande confiance envers le ministre à l'heure actuelle parce qu'il nous dit qu'il est de bonne foi. Mais si jamais un autre ministre—les ministres, cela se remplace—a une toute autre philosophie que celle du ministre actuel qui nous demande de lui faire confiance, qu'est-ce qui nous dit que ce que nous demandons à cet autre ministre, qui n'a pas la même philosophie, sera respecté? C'est très important que cela soit intégré dans le projet de loi.

Il faut vraiment que cela soit beaucoup plus transparent et que cela ne nous cause plus de problème. À l'heure actuelle, c'est comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la Banque Nationale parce que cela dépend seulement du bon vouloir du ministre et que ce n'est pas intégré dans le projet de loi. Si c'était intégré dans le projet de loi, nous pourrions toujours utiliser la loi pour faire valoir les intentions, mais ce n'est pas le cas.

Comme je le disais tout à l'heure, nous appuyons le projet de loi. Nous avons travaillé très fort. Mon collègue, le député de St-Hyacinthe—Bagot, a même présenté un mémoire au comité. Il a apporté des arguments qui ont été incorporés dans le projet de loi. Mais selon notre point de vue, nous avons été élus pour protéger les intérêts des consommatrices et des consommateurs québécois de nos circonscriptions. Actuellement, nous sommes un peu inquiets. Je dis «un peu», mais c'est vraiment très inquiets par rapport à la situation dans laquelle ce projet de loi place la Banque Nationale et les petites banques dont le revenu est inférieur à cinq milliards de dollars.

Je parle de cela, mais ce n'est pas seulement l'inquiétude du Bloc québécois mais celle également des administrateurs de la Banque Nationale. La Banque Nationale, voyant cet état de fait, a décidé, il y a quelques semaines, de se doter d'une série de règles pour s'assurer de ne pas faire les frais d'une prise de contrôle hostile. À la recherche de partenaires stratégiques, le président de la Banque Nationale a déclaré, et je cite: «Le maintien d'un véritable siège social à Montréal n'est pas négociable.»

Les actionnaires ont adopté deux propositions pour protéger la Banque Nationale d'une offre d'achat hostile. Ils ont accepté la mise en place d'une procédure de dragée pour donner le temps aux administrateurs d'étudier d'autres offres. Ils ont également donné leur accord pour éliminer les restrictions relatives au nombre d'actions ordinaires pouvant être émises par la Banque. Ces mesures démontrent clairement les craintes que soulève le nouvel environnement.

Le ministre des Finances se donne également, avec ce projet de loi, le pouvoir de décider seul, à sa discrétion, de l'avenir des grandes banques québécoises. C'est là, comme je l'ai déjà mentionné tout à l'heure, que nous trouvons inadmissible de constater que ce pouvoir discrétionnaire a autant, sinon plus de force, que la loi elle-même.

Je voudrais, en terminant, réitérer que nous allons appuyer le projet de loi sauf que nous aimerions que le ministre des Finances prenne en compte les inquiétudes de la population québécoise et celles du Bloc québécois.

[Traduction]

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Madame la Présidente, avant de parler des trois amendements que j'ai proposés, je tiens à dire publiquement à la Chambre que j'appuie la position des coopératives de crédit, qui demandent qu'on modifie la loi afin qu'il leur soit plus facile d'établir une institution financière nationale.

 

. 1120 + -

J'ai proposé un amendement similaire au sein du comité, mais il a été rejeté. Nous avions l'appui des quatre partis de l'opposition, l'Alliance, le Parti conservateur, le Bloc et le Nouveau Parti démocratique, représenté par moi-même. Nous avons tenu un vote par appel nominal au sein du comité. Fait à signaler, tous les libéraux ont rejeté cet amendement qui était demandé par Bill Knight, le PDG de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Cette centrale a exposé sa position très clairement au gouvernement, aux membres du comité et à la Chambre des communes. Ce qu'elle veut, ce sont des règles du jeu équitables par rapport à celles établies pour les banques.

Si un tel amendement est nécessaire, c'est en raison de la culture différente qui existe au sein des coopératives de crédit. Dans le contexte des coopératives, une entité n'est pas propriétaire d'une autre entité, contrairement à ce qui se passe avec les autres institutions financières. Dans une coopérative de crédit, chaque membre a un droit de vote. C'est vraiment une structure démocratique.

À moins que nous n'apportions un amendement à cet égard, il sera très difficile pour les coopératives de crédit d'établir un réseau national de coopératives de crédit où les gens pourront aller avec leur carte bancaire, dans n'importe quelle province, faire leurs transactions financières auprès de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Je souligne que nous appuyons cet amendement qui fait aussi partie du groupe de motions à l'étude.

J'ai proposé trois amendements dans ce groupe de motions dont la Chambre est aujourd'hui saisie. J'ai déjà parlé de l'un d'eux d'une manière générale lors de la dernière partie du débat. Cet amendement vise à modifier les pénalités pour l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Toutes sortes de pouvoirs, règlements et activités relèveront de l'agence. Toutefois, quand on en vient aux pénalités, la pénalité maximale pour une violation est de 50 000 $ si l'auteur est une personne physique et de 100 000 $ si l'auteur est une institution financière.

Ces institutions financières sont très grandes. Certaines ont des recettes excédant 10 milliards de dollars par an. Certaines de nos banques sont extrêmement grandes. Nous proposons dans notre amendement de porter la pénalité de 100 000 à 500 000 $ pour les institutions financières. Une pénalité de 500 000 $ pour une grande institution financière est plus réaliste et a plus de poids qu'une pénalité de 100 000 $. C'est plus en rapport avec la taille de son actif et son genre d'activités.

Nos banques font d'excellents profits. Il n'y a qu'à regarder leurs bilans, leurs bénéfices non répartis et leurs profits, ils ont augmenté de façon astronomique ces dernières années. Je pense à la Banque royale, à la Banque Toronto-Dominion, à la Banque de Nouvelle-Écosse et à la Banque de Montréal qui a quelques problèmes mais fait encore de très bons profits. En fait, à l'heure actuelle, les six grandes banques de ce pays font d'excellents profits. Je pense qu'une pénalité de 500 000 $ est plus en rapport avec leur taille qu'une pénalité de 100 000 $.

Le deuxième amendement que je propose, c'est la motion no 10. Il s'agit de mettre à la disposition de chaque client un compte bancaire «sans fioritures» pour la somme de trois dollars par mois. Je suis curieux de savoir ce qu'en pense le secrétaire parlementaire. J'ai honte de dire que l'amendement que je propose ici aujourd'hui est presque un amendement libéral.

Dans son livre blanc de juin 1999, le gouvernement recommande la création d'un compte de base qui permettrait d'effectuer 12 transactions au coût de 3 $ à 4 $ par mois pour le consommateur. Or, dans ce projet de loi, le gouvernement a renoncé à la création de ce compte de base qui ne coûterait que 3 $ par mois. En réalité, je ne fais que reprendre à mon compte cet amendement libéral qui propose la création d'un compte bancaire de base pour lequel seraient exigés des frais mensuels de 3 $ au maximum.

Pourquoi le proposons-nous? Pour la bonne raison que beaucoup de Canadiens gagne-petit ont de la difficulté à assumer le coût actuel des transactions bancaires. Dans ma circonscription, Regina—Qu'Appelle, je représente les quartiers défavorisés du centre de Regina. Le taux de pauvreté y est extrêmement élevé. Les assistés sociaux et les petits salariés y sont nombreux et ils ont du mal à joindre les deux bouts et à assumer les frais bancaires.

Je sais que certaines banques ont, de leur propre chef, créé des comptes spéciaux offerts à moindres frais, mais il demeure que ces personnes sont nombreuses à trouver que ces frais sont trop lourds et excessifs. Nous devrions par conséquent nous pourvoir d'une loi qui précise la perception de frais minimums auprès de tous les Canadiens, riches ou pauvres, et qui fixe à 3 $ par mois les frais maximums exigés pour un tel compte.

Nous ne voyons pas quel serait le problème avec une telle formule. Nos banques se font beaucoup d'argent. Elles se font beaucoup d'argent sur le dos de nos pauvres. Nous n'avons pas au Canada, au contraire des États-Unis, une loi sur le réinvestissement dans la collectivité qui oblige les banques à investir un certain montant dans les localités où elles poursuivent leur activité. Il n'existe pas beaucoup de règles du genre. C'est donc demander peu à une banque de créer un compte de base pour les personnes à faible revenu.

 

. 1125 + -

Je sais que mon collègue de Souris—Moose Mountain, qui représente la circonscription voisine de la mienne dans le sud de la Saskatchewan, appuie cette idée lui aussi. Sa circonscription compte également un certain nombre de personnes à faible revenu et d'autochtones qui seraient certes en faveur de la création d'un tel compte.

Cela relève de l'égalité, d'une société plus égalitaire et du bien commun. L'objectif est d'ouvrir les institutions financières à chaque Canadien, peu importe la taille de son portefeuille. C'est ce que le Parlement devrait préconiser: travailler pour le bien commun.

J'ai très hâte d'entendre ce que le secrétaire parlementaire dira à ce sujet au nom du gouvernement. Je lui rappelle encore une fois qu'il s'agit d'un amendement qui émane des libéraux. Il a été tiré du livre blanc de juin 1999 du gouvernement dans lequel il était proposé de créer des comptes bancaires de base coûtant trois dollars par mois.

Le troisième amendement inscrit à mon nom est la motion no 11, qui vise à modifier la Loi sur les banques pour faire en sorte que les succursales ne puissent fermer que pour des raisons de non-rentabilité.

De nos jours, une banque ferme souvent une succursale même si elle est rentable et prive ainsi de nombreuses collectivités de services bancaires. Ce que je fais valoir dans cette motion, c'est que, si une succursale bancaire est rentable, on ne devrait pas la fermer. Si la succursale n'est pas rentable, elle devrait pouvoir cesser ses activités.

Nous avons relevé des cas intéressants dans les Prairies. Au cours de la dernière année, la Banque de Montréal a vendu un certain nombre de ses succursales à des coopératives de crédit en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta. Dans deux ou trois localités de la circonscription de Regina—Qu'Appelle que je représente, les coopératives de crédit ont mis la main sur des succursales de la Banque de Montréal. Dans ces cas-là, la Banque de Montréal a pris des arrangements avec le mouvement des coopératives de crédit pour qu'un service très important puisse continuer d'être offert aux localités concernées. J'ai constaté dans quelques localités de ma circonscription que les gens sont heureux d'avoir accès à ce service dans leur propre milieu. Ils n'ont pas à parcourir 20 ou 30 milles pour se rendre à une banque située dans une autre ville.

Encore une fois, c'est une question d'équité. Je viens d'une région rurale du Canada et je suis convaincu que les Canadiens des régions rurales ne devraient pas être victimes de discrimination en raison du manque d'accès aux services bancaires. Si la succursale est rentable, si elle a enregistré au fil des ans et enregistre toujours des profits en consentant des prêts aux agriculteurs, aux petites entreprises et aux habitants de petites localités, alors la banque ne devrait pas la fermer. À notre avis, cela devrait être inscrit dans le projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui.

Le problème ne touche pas seulement le Canada rural. Il touche certains secteurs urbains du Canada, comme les quartiers défavorisés où sévit la pauvreté, des endroits que quittera une succursale parce que, même si elle est rentable, elle ne l'est pas autant qu'elle pourrait l'être dans une banlieue plus riche.

On pourrait parler longtemps pour dire tout ce qui devrait être dit ici. Je renvoie les députés intéressés à un exposé présenté devant notre comité par le Centre pour la défense de l'intérêt public, exposé dans lequel il était question de l'obligation de rendre compte des banques, des fermetures de succursales et des services que les banques devraient offrir aux Canadiens.

Encore une fois, je recommande à la Chambre d'adopter ces amendements. Ils vont droit au but. J'ai particulièrement hâte d'entendre ce que le secrétaire parlementaire aura à dire au sujet des comptes bancaires à 3 $ par mois pour les consommateurs. J'ai également hâte de voir sa réaction à la suggestion d'apporter de modifier le projet de loi pour aider le mouvement des coopératives de crédit.

Je n'ai pas vu ses notes d'information, mais il dira probablement qu'il essaiera de répondre aux besoins des coopératives de crédit au moyen de la réglementation. En d'autres mots, il nous demande de lui faire confiance, de faire confiance au gouvernement, au ministre et aux bureaucrates. Même le ministre responsable du sport prendrait certaines de ces remarques avec un grain de sel. Le secrétaire parlementaire va dire qu'ils prendront les règlements nécessaires pour que les coopératives de crédit soient sur un pied d'égalité avec les banques.

Selon le mouvement des coopératives de crédit, cela ne suffit pas. C'est ce qu'a dit la Centrale des caisses de crédit du Canada, de même que diverses centrales partout au pays, notamment la Van City Credit Union de Colombie-Britannique. Ces gens veulent que le projet de loi soit modifié à cet égard.

Je prédis que, si nous ne faisons pas cela à la Chambre, ils se tourneront vers l'autre endroit et feront du lobbying auprès des sénateurs pour que ceux-ci apportent le changement nécessaire. Le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes et dans quelques semaines, nous nous retrouverons encore une fois en train de débattre ce projet de loi et cet amendement en particulier.

 

. 1130 + -

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Madame la Présidente, j'aimerais revenir sur les propos tenus par ma collègue de Drummond précédemment quant à l'importance que revêt toute la question de la classification des banques au chapitre de la forme de propriété de ces banques.

Pour le bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent, j'aimerais signaler que le nouveau projet de loi sur les banques établit trois catégories de banques: les grandes banques, c'est-à-dire celles qui ont des capitaux propres de cinq milliards de dollars et plus, les banques à capitalisation moyenne, c'est-à-dire celles qui ont entre un et cinq milliards de dollars de capitaux propres et les petites banques, donc celles qui ont moins d'un milliard de dollars de capitalisation.

Pour chacune de ces catégories, il y a des droits de propriété différents. Par exemple, pour les grandes banques canadiennes, comme la Banque Royale, un individu ne peut pas détenir plus de 20 p. 100 des actions votantes et 80 p. 100 des actions votantes doivent être de propriété diffuse, comme on dit, c'est-à-dire qu'elles doivent être diffusées largement dans la population.

Dans le cas des banques de dimension moyenne, comme la Banque Nationale au Québec, c'est là que ce projet de loi devient important. Pour les banques à capitalisation moyenne, comme la Banque Nationale, les nouveaux droits de propriété sont à 65-35. Autrement dit, un seul individu pourrait disposer de 65 p. 100 des actions votantes et, donc, contrôler pleinement et plus que pleinement la Banque Nationale, et 35 p. 100 des actions votantes pourraient être diffusées largement dans le public.

Cette nouvelle disposition nous fait craindre le pire au Québec. La Banque Nationale, qui est la plus grande banque du Québec, est assujettie, par ce projet de loi, à une certaine discrimination puisque le traitement que l'on fait à la plus grande banque du Canada, la Banque Royale, avec un droit de propriété maximum par un individu de 20 p. 100 des actions votantes, et le traitement qu'on fait à la plus grande banque du Québec, la Banque Nationale, avec la possibilité pour un individu de disposer de 65 p. 100 des actions votantes, crée une discrimination injustifiée dans les circonstances.

On nous a dit que c'était pour augmenter la flexibilité de la Banque Nationale au niveau de sa capitalisation. J'ai souvent posé la question au ministre des Finances, à savoir en quoi un individu qui dispose de 65 p. 100 des actions votantes donne plus de flexibilité que 65 individus qui disposent de 1 p. 100 des actions votantes de la Banque Nationale. Je n'ai jamais eu de réponse. Il y a des craintes autour de ces nouvelles dispositions.

Je lisais récemment les chroniqueurs économiques qui disaient qu'on n'a pas à s'en faire trop puisque, de toute façon, la Banque Nationale voit ses capitaux propres augmenter à un rythme fulgurant et que bientôt, la Banque Nationale aura des capitaux propres supérieurs à cinq milliards de dollars. C'est une erreur de faire une telle analyse.

Il est certain qu'on dit, dans la loi, qu'il y a la possibilité de reclasser les banques. C'est dire que si la Banque Nationale venait un jour à avoir plus de cinq milliards de dollars de capitaux propres, elle pourrait être reclassifiée comme une grande banque et la distribution de ses actions votantes serait donc de 20-80. Cela veut dire qu'un seul individu pourrait disposer de 20 p. 100 des actions votantes et 80 p. 100 des autres actions votantes seraient diffusées largement dans le public, contrairement aux 65-35 prévus aujourd'hui dans ce projet de loi.

Là où je suis en désaccord avec les chroniqueurs économiques, c'est qu'à l'intérieur du projet de loi—il faut le lire précisément—le ministre des Finances a trois ans pour changer la classification de la Banque, et ce délai peut être reconduit à sa guise. Autrement dit, même si la Banque Nationale atteignait le plafond de cinq milliards de dollars de capitaux propres, le ministre des Finances pourrait décider d'attendre trois ans avant de reclassifier la Banque Nationale comme étant une grande banque assujettie aux droits de propriété d'un maximum de 20 p. 100 par un individu pour les actions votantes et 80 p. 100 de propriété diffuse.

Non seulement a-t-il trois ans pour pouvoir la reclasser, mais il se donne la discrétion de prolonger le délai. Autrement dit, même avec cinq milliards de dollars et plus de capitaux propres, la Banque Nationale ne serait pas automatiquement reclassifiée dans la catégorie des grandes banques et de ce fait, elle conserverait sa classification à 65-35, 65 p. 100 des actions détenues par un seul individu.

Il y a un danger là-dedans. La Banque Nationale est non seulement la plus grosse banque du Québec, mais elle est aussi la banque des PME. C'est aussi une fierté pour le Québec d'avoir une aussi grande banque qui, grâce à la contribution de gens comme M. Bérard, par exemple, a grandi à un rythme fulgurant pour représenter le fleuron qu'elle représente aujourd'hui.

 

. 1135 + -

Il y a tellement de craintes autour de cela, que même M. Landry, ex-ministre des Finances et vice-premier ministre, et maintenant premier ministre du Québec, avait écrit au ministre des Finances, le 2 juin dernier, pour lui suggérer un certain nombre de critères d'évaluation tributaires de l'intérêt public pour évaluer toute opération bancaire impliquant une banque de dimension moyenne.

À ma grande surprise, juste avant les élections, le secrétaire d'État aux Institutions financières avait même accepté que ces critères puissent être fondus dans le coeur du projet de loi sur les banques. Il avait même apposé sa signature à côté des quatre critères suggérés par M. Landry, en disant: «Oui, en faisant en sorte qu'il ne soit pas exclusivement québécois, nous pouvons canadianiser—si vous voulez—ces critères, et les fondre dans le coeur de la loi».

Or, quelques jours après, le secrétaire d'État a changé d'idée. Je ne sais pas pourquoi, mais après avoir apposé sa signature sur ce document, il a changé d'idée et il a refusé par la suite de fondre ces critères d'évaluation à l'intérieur du projet de loi.

Entre le projet de loi C-38 qui existait avant les élections et le projet de loi C-8 d'aujourd'hui, il n'y a pas de différence de fond. Par contre, lorsque le ministre des Finances et le secrétaire d'État ont rendu publics le nouveau projet de loi C-8, ils ont aussi rendu publics des communiqués de presse et des documents annexés au projet de loi, dont un qui parle de critères d'évaluation des opérations touchant les banques de dimension moyenne, comme la Banque Nationale.

À la lecture de ces critères, on s'est aperçu que le gouvernement avait compris le message au sujet des critères additionnels. On était satisfaits de voir cela, mais à moitié satisfaits. Ce qu'on a demandé—et c'est le coeur de l'amendement, c'est le tronc de l'amendement que nous présentons ce matin—, c'est que ces critères, qui se retrouvent à côté du projet de loi et qui doivent servir de balises au ministre des Finances pour prendre une décision relative à différents mouvements concernant les actions d'une banque de moyenne dimension, comme la Banque Nationale, ne soient pas à côté, qu'ils ne les considèrent pas à côté, comme étant des critères menant à sa décision, mais qu'ils soient fondus dans le coeur de la loi sur les banques pour en faire une obligation de référence.

Autrement dit, on ne dit pas au gouvernement de refuser toute transaction concernant la Banque Nationale, ce n'est pas cela le but, mais de nous assurer d'une sécurité supplémentaire, de critères supplémentaires qui puissent conduire à la meilleure des décisions, au grand bénéfice de l'économie et des finances québécoises, du secteur financier québécois et canadien.

On ne demande pas au gouvernement d'être obtus, d'être fermé à tout projet. D'ailleurs, on serait les premiers à décrier une attitude de cette nature, parce que nous voulons que nos institutions financières et bancaires puissent progresser et prendre leur place dans le monde, la Banque Nationale comme les autres.

C'est alors avec un esprit d'ouverture que nous présentons ces amendements, en espérant que le gouvernement va les accepter. Je dirais—et d'ailleurs toutes nos représentations sont là pour en témoigner—que depuis le début du processus, l'étude du groupe de travail présidé par M. MacKay, le Livre blanc et le projet de loi qui est devant nous, le Bloc québécois a toujours envisagé avec un regard positif la réforme de la Loi sur les institutions financières, d'autant plus que nous sommes en retard d'environ trois ou quatre ans. Ce retard s'accumule semaine après semaine étant donné la rapidité de l'évolution du secteur financier au Québec, au Canada et aussi dans le reste du monde.

Nous souhaitons alors l'adoption rapide de ce projet de loi. Cependant, serait-il possible, pour une fois, pour le gouvernement, de faire preuve d'une petite ouverture? On ne demande pas la mer à boire; on ne demande pas de chambouler complètement le projet de loi. On demande tout simplement de sécuriser ceux et celles qui, au Québec, ont des craintes au sujet des nouvelles dispositions qui s'adressent particulièrement à la Banque Nationale. Ils souhaitent que cette nouvelle réforme des institutions financières soit positive pour le secteur financier et non pas empreinte de certaines craintes à cause de prises de contrôle qui seraient défavorables, en particulier, aux intérêts des PME québécoises.

J'exhorte alors le gouvernement qui, par l'entremise de son secrétaire d'État, avait déjà apposé sa signature sur les quatre conditions, les quatre critères présentés par M. Landry en juin dernier, à accepter d'inclure ces critères dans le coeur de la loi. Il a récemment déposé, avec le nouveau projet de loi C-8, des documents qui contiennent ces critères, formulés de façon différente, mais qui les contiennent.

 

. 1140 + -

Alors, je demande juste une petite ouverture pour prendre ce document et l'introduire directement dans le coeur du projet de loi et ce faisant, nous allons appuyer le projet de loi, si c'est le cas.

[Traduction]

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Madame la Présidente, je suis heureux de parler de ces amendements précis faisant partie du groupe no 2.

D'abord, en ce qui a trait à la motion no 2 et aux pénalités plus sévères pour avoir contrevenu aux règles relatives à la protection du consommateur, je comprends que le député veuille rendre la punition encore plus onéreuse, mais il reste que le projet de loi ferait en sorte que le secteur des services financiers ferait l'objet de plus d'ingérence et serait plus réglementé que tout autre secteur ou toute autre industrie au Canada. Je comprends le fondement philosophique sur lequel le député s'est appuyé pour présenter son amendement, mais je suis en total désaccord avec son intention.

En ce qui concerne la motion no 9, je suis généralement d'accord avec la notion suivant laquelle il faut améliorer la qualité et accroître la flexibilité des intervenants du secteur des services financiers canadiens, soit les banques, les coopératives de crédit, et ainsi de suite. Si nous voulons vraiment accroître la concurrence, une plus grande flexibilité dans les règles de propriété pour les petites banques m'apparaît indiquée. Je ne suis pas entièrement d'accord avec la motion no 9, parce que je pense qu'elle est contraire aux principes du rapport MacKay et à l'orientation générale qui me semble la plus pertinente pour accroître la flexibilité dans le secteur des services financiers, en vue d'augmenter la concurrence et, en bout de ligne, la qualité des services à la clientèle.

La motion no 10 tombe à point. Même si je suis contre, je trouve important qu'elle ait été présentée. Elle montre l'hypocrisie des libéraux. Un compte de base à 3 $ par mois était une idée des libéraux, qui maintenant s'y opposent.

Sommes-nous disposés à accepter ce genre de règles pour chaque industrie? Prenons par exemple l'industrie de la distribution alimentaire. Il est clair que la nourriture est un bien de première nécessité, puisque nous ne pouvons pas vivre sans nourriture, tout comme nous ne pouvons pas vivre sans toit, à moins d'adopter des lois pour exiger que les épiceries et les entreprises de distribution ou les promoteurs immobiliers assurent un niveau de services de base à très faible coût, voire gratuitement. Il serait inapproprié et illogique d'imposer des conditions aussi coûteuses et une réglementation excessive au secteur des services financiers.

Les éléments du projet de loi que je n'approuve pas sont ceux qui entraîneraient, pour le secteur des services financiers, un niveau d'ingérence et une réglementation excessive n'ayant aucune commune mesure avec ce qui se fait dans les autres secteurs industriels du Canada. La motion aggraverait la situation actuelle et rendrait les services plus onéreux, ce qui est injuste.

On peut sans doute se faire du capital politique en présentant de telles motions contre les banques, mais si elles étaient adoptées, elles pourraient constituer de très mauvaises politiques gouvernementales si, à long terme, on veut défendre les intérêts des Canadiens. En général, une réglementation lourde fait augmenter les coûts de l'observation et les frais d'administration exigés des consommateurs et réduit également le rendement des actions des banques. Parmi les actionnaires des banques, il y a, directement ou indirectement, environ sept millions de Canadiens qui comptent sur le rendement à long terme de leurs placements, notamment pour leurs revenus de retraite.

La motion no 11 prévoit l'interdiction de fermer une banque pour toute raison autre qu'une situation déficitaire. C'est là une grave ingérence et les raisons d'une fermeture seraient très difficiles à vérifier. Cette motion touche la tenue de livres et de la répartition des coûts. Elle serait pratiquement impossible à mettre en oeuvre.

 

. 1145 + -

Le projet de loi impose un niveau de transparence et des formalités à suivre en cas de fermeture de succursales qui vont bien plus loin que ce que nous avons vu jusqu'à maintenant.

Je pense comme le député que les coopératives d'épargne et de crédit devraient être tenues d'explorer toutes les possibilités en vue de maintenir les services dans les collectivités, particulièrement les plus petites, lorsque les banques prévoient y fermer des succursales. Je pense que la Banque de Montréal et le mouvement des coopératives de crédit ont donné un exemple très positif du niveau de coopération dont peuvent bénéficier les consommateurs dans les petites collectivités.

Voilà je crois environ un an que plusieurs succursales de la Banque de Montréal ont été fermées dans les provinces de l'Ouest. La Banque de Montréal n'a pas attendu la réaction du public, elle a pris des mesures préventives. Elle a négocié une entente avec les coopératives de crédit, grâce à laquelle les perturbations dans les services pour les consommateurs dans ces collectivités ont été minimales. J'appuie ce genre d'initiative.

J'appuie aussi la motion no 14. Elle est compatible avec les principes à la base du mouvement coopératif et du mouvement des coopératives de crédit, ainsi qu'avec la culture démocratique des mouvements coopératifs des coopératives d'épargne et de crédit. Si nous voulons vraiment permettre aux coopératives d'épargne et de crédit de faire efficacement concurrence aux banques, cet amendement a énormément de sens car il leur permet de le faire tout en respectant les principes démocratiques à la base de leur mouvement.

Par conséquent, je pense que c'est un amendement positif et je trouve regrettable que le gouvernement ne l'appuie pas. D'un côté, le gouvernement dit vouloir créer davantage de concurrence, d'un autre, il ne fournit pas au mouvement des coopératives de crédit l'instrument législatif qui leur permettra de profiter de cette concurrence accrue. J'appuie la motion no 14.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je vous remercie de me donner la parole à ce stade du débat, ce qui me permet d'atteindre un ou deux objectifs. Dans un premier temps, comme il m'a fallu me lever à cinq ou six reprises pour obtenir la parole, j'ai pu prendre de l'exercice, ce qui est salutaire dans mon cas. Dans un second temps, je suis content de prendre la parole au sujet de ce groupe de motions, avant le secrétaire parlementaire, car j'espère réussir à lui faire changer d'avis, puisque j'estime qu'il pourrait avoir une influence considérable sur la façon dont se déroulera le vote chez les députés d'en face. J'espère à tout le moins qu'il exerce une certaine influence, bien qu'il m'arrive parfois de m'interroger là-dessus.

Revenons aux questions traitées dans ce groupe d'amendements. Je commencerai, bien entendu, par la question de la pénalité que le député bloquiste propose de modifier.

Il propose de modifier le plafond de cette pénalité. Pour donner lecture du libellé actuel de cet article, je dois me référer à ce volumineux ouvrage, le projet de loi C-8, dont nous sommes saisis. Il précise à ce sujet que la pénalité maximale pour une violation est de 50 000 $ si l'auteur est une personne physique, et de 100 000 $ si l'auteur est une institution financière. Cette pénalité est imposée en cas de violation de la loi et des règlements pris par le ministre.

Je signale qu'il y est question d'une pénalité maximale. Cet amendement serait défendable. La pénalité maximale est aujourd'hui fixée à 100 000 $ et l'amendement voudrait qu'elle soit portée à 500 000 $. Ce qui ne signifie pas qu'elle sera effectivement appliquée.

 

. 1150 + -

En fait, l'article suivant, qui ne paraît pas dans l'amendement, précise certains des critères qui doivent être pris en compte lors de l'évaluation de la pénalité: la nature de l'intention ou de la négligence de l'auteur, la gravité du tort causé, les antécédents de l'auteur en ce qui a trait à des violations de lois ou des condamnations et tout autre critère prévu par règlement.

Pour ce qui est du montant d'une pénalité liée à une violation, je suis certain qu'une grande banque ou une grande institution financière recevrait, en vertu de cette disposition, une pénalité plus importante que, disons, une petite coopérative de crédit, selon la gravité de la violation. Pourtant, en même temps, je suis porté à donner une pénalité substantielle à une grande société qui ne veut pas se conformer. Cela pourrait se produire. Je ne peux pas imaginer dans quelles circonstances, mais cela pourrait arriver.

Je pense par exemple à un grand centre d'achats d'Edmonton. À l'époque où il a ouvert ses portes, il existait en Alberta la loi sur le dimanche, qui faisait en sorte que le dimanche soit propice au temps passé en famille, car tous les magasins étaient fermés. Seuls les services essentiels étaient offerts. C'était une époque merveilleuse que celle où nous pouvions nous rassembler en famille. Nous étions libres. Les gens n'étaient pas obligés de travailler. C'était un jour de congé pour tous.

Un bon jour, le centre d'achats en question a déclaré qu'il était équitable et raisonnable de payer une amende de 10 000 $ pour chaque dimanche qu'il ouvrait ses portes. Il a donc payé l'amende et impunément enfreint la loi. La loi ne prévoyait pas de pénalité progressive. Celle-ci était de 10 000 dollars par jour. Le centre commercial a donc payé la pénalité sans s'empêcher de faire des affaires d'or ce jour-là.

En passant, je crois que c'est là que les choses ont commencé à se gâter d'un bout à l'autre du pays, dès que les travailleurs ont perdu leur journée de congé hebdomadaire commune. Aujourd'hui, les membres d'une famille ont rarement l'occasion de se rassembler, soit parce que maman, papa ou un des enfants qui a un emploi au dépanneur du coin doit aller travailler.

C'est un cas où la pénalité était tellement basse qu'elle n'incitait pas du tout l'entreprise à respecter la loi. Voilà pourquoi je suis enclin à appuyer un relèvement du plafond, pas pour qu'il soit nécessairement appliqué, mais pour que la violation flagrante et continue des règles soit traitée avec plus de mordant.

Je dois me dépêcher car j'ai passé trop de temps sur cette disposition. La motion suivante est la motion no 9. Elle concerne un problème exclusif au Québec à l'heure actuelle, mais qui pourrait survenir aussi dans d'autres provinces. Pour ménager mon temps, je dirai simplement que je suis enclin à appuyer cette motion.

La motion no 10 concerne la disposition selon laquelle les banques devraient offrir des comptes à peu de frais. Selon moi, il n'y a pas vraiment lieu d'enchâsser une telle disposition dans une loi, bien que j'adhère au principe de la motion. Le besoin est là, mais je préférerais voir les banques offrir ces comptes à peu de frais et en faire la publicité.

Supposons qu'une banque fasse paraître dans un journal une publicité expliquant qu'il y a un certain segment de la population avec lequel elle ne fait pas d'argent mais à qui elle se sent obligée d'offrir un service bancaire à peu de frais. À mon avis, cette banque gagnerait beaucoup sur le plan des relations publiques en faisant simplement cette publicité et en offrant un service. La banque demanderait aux petits entrepreneurs de la ville ou de tout autre endroit de lui confier leurs affaires. Selon moi, cette façon de faire profiterait à la banque.

Je suis d'accord avec le principe selon lequel une personne aux moyens financiers limités devrait avoir la possibilité de se présenter dans une banque, d'y encaisser un chèque et d'y ouvrir un compte bancaire dont les frais d'administration sont peu élevés. C'est certes un principe avec lequel je suis d'accord. Comme je l'ai dit, la seule raison pour laquelle je voterais contre cette mesure, c'est parce qu'il est excessif d'agir de la sorte. Je ne suis pas d'accord non plus avec le recours à un montant fixe, parce que la banque pourrait peut-être offrir ses services à moindre coût. Peut-être faudrait-il que les frais soient de 4 $ et, en pareil cas, une banque violerait les dispositions de la mesure législative si nous y avons inscrit un montant de 3 $.

Je m'oppose à cette motion parce qu'elle est trop précise et parce que je pense que les objectifs visés, que j'approuve, peuvent être atteints par d'autres moyens.

 

. 1155 + -

Je passe maintenant à la motion no 11, également présentée par la député du NPD, qui propose que la fermeture de la succursale d'une banque «ne peut se produire que si elle est financièrement non viable.» Il me répugne de le dire, mais c'est un amendement épouvantable.

À mon avis, c'est une énorme contrainte au déroulement des activités commerciales. C'est comme dire à des agriculteurs qu'ils ne pourraient ensemencer qu'un type de culture et qu'ils ne pourraient l'abandonne que si elle n'était pas rentable. Sinon, ils devraient se livrer à cette culture. Je suis en désaccord avec cette façon d'agir.

Les banques devraient bénéficier d'une marge de manoeuvre qui leur permet d'ouvrir et de fermer des succursales en se fondant sur une façon efficace de dispenser des services dans la collectivité. Supposons, par exemple, qu'il y a deux succursales, chacune étant située à l'extrémité opposée de l'autre. Les moyens de transport modernes facilitant le déplacement des gens, si les banques décident d'ouvrir une succursale au milieu au lieu d'en avoir une à chaque extrémité, il en résultera la fermeture de deux succursales. Il se peut qu'aucune d'entre elles ne perde de l'argent, mais la banque pourrait être plus efficace et offrir un meilleur service à un moindre coût, y compris aux gens à faible revenu. À mon avis, nous ne devrions pas empêcher que cela se produise. En l'instance, je souligne simplement que j'aurais vraiment de la difficulté à appuyer la motion no 11.

La dernière motion a trait aux coopératives d'épargne et de crédit et est proposée par le député de Prince George—Bulkley Valley. Je recommande que nous l'appuyions de tout coeur. C'est ici que je veux retenir l'attention du secrétaire parlementaire et le convaincre d'influer sur tous ses collègues libéraux afin qu'ils se prononcent en faveur de cet excellent amendement.

Il se trouve que je crois au mouvement des coopératives de crédit. Mon père a été durant de nombreuses années un dirigeant de coopérative de crédit en Saskatchewan. Il faisait partie du conseil d'administration, du comité des finances et du comité des prêts. Il a fait toutes sortes de choses. Après avoir grandi dans ce genre de climat, je suppose que je suis tout naturellement bien disposé à l'égard des coopératives de crédit.

Au fil des années, j'ai aussi fait affaire avec des banques pour diverses raisons. J'ai cependant constaté que, dans un marché compétitif, mes relations avec les coopératives de crédit se sont révélées très satisfaisantes. Je n'hésite pas du tout à leur faire un peu de publicité gratuite ici aujourd'hui. Elles peuvent utiliser cette séquence si elles le désirent. Je leur donne la permission. Je ne sais pas si le Règlement de la Chambre le permet, mais j'appuie certes le mouvement des coopératives de crédit, et l'amendement à l'étude le renforce. Nous devrions voter en faveur de cet amendement car l'une des meilleures choses que l'on puisse souhaiter pour le secteur canadien des services financiers c'est qu'il y règne une saine concurrence de sorte que nous puissions dire à nos institutions financières: «Si vous me traitez comme ça, vous ne me reverrez plus.»

Mon temps de parole sera bientôt écoulé, mais je veux rappeler un cas où j'avais obtenu un prêt d'une banque pour acheter une voiture. J'ai demandé à la banque si je pouvais rembourser l'emprunt plus rapidement. La banque a répondu que oui, mais qu'il faudrait pour cela payer une pénalité. Les députés ne me croiront pas, mais le paiement total que demandait la banque pour que je puisse rembourser mon emprunt plus rapidement était plus élevé que la somme des mensualités qu'il me restait à verser. J'ai dit à la banque qu'ils étaient fous ou bien ils croyaient que je l'étais. Je leur ai dit que je n'allais pas accepter ça. J'ai donc fini de payer les mensualités et je leur ai dit que si c'était comme ça que la banque faisait des affaires, j'irais voir ailleurs. Bien sûr, j'ai eu tôt fait de trouver une autre institution financière qui me plaisait davantage et j'y ai transféré mes économies.

C'est la meilleure chose que nous puissions faire: favoriser la concurrence. Les coopératives de crédit représentent un des principaux moyens d'obliger les banques à agir de façon responsable et de leur opposer une véritable concurrence.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je propose de traiter les motions dans l'ordre qui suit: d'abord la motion no 14 du député de Prince George—Bulkley Valley, puis les amendements du député bloquiste de Saint-Hyacinthe—Bagot et finalement ceux du député de Regina—Qu'Appelle.

Au sujet de la motion no 14, les députés ministériels n'ont évidemment pas besoin d'être convaincus de l'importance que revêt le mouvement des coopératives de crédit ni du rôle plus large et plus important que nous voudrions leur voir jouer dans l'économie canadienne afin de donner plus de choix aux consommateurs et d'aviver la concurrence. C'est acquis. Lorsqu'il a comparu devant le comité, le secrétaire d'État chargé des Institutions financières internationales a pris l'engagement selon lequel le gouvernement aiderait le mouvement des coopératives de crédit à améliorer son rôle dans l'économie canadienne.

Pour ce qui est de cette motion particulière, qui a d'ailleurs été présentée par le NPD au comité, je signale simplement que le député de Regina—Qu'Appelle semble soutenir que la loi n'accorde pas un traitement égal aux coopératives de crédit.

 

. 1200 + -

Le mouvement des coopératives de crédit est venu au comité demander un traitement préférentiel. On ne peut accepter qu'il bénéficie d'un traitement préférentiel par rapport à celui qui est accordé aux autres institutions financières.

Il n'y a pas que les députés ministériels qui travaillent activement avec le mouvement des coopératives de crédit. Le ministère des Finances a aussi collaboré étroitement avec ce mouvement en vue d'élaborer le projet de loi C-8. La mesure dont nous sommes saisis répond donc au besoin des coopératives de crédit d'avoir une plus grande marge de manoeuvre pour pouvoir restructurer leurs activités et devenir plus intégrées.

Toutefois, cette nouvelle souplesse s'accompagne de considérations de prudence résultant de toute une nouvelle série de possibilités associées à la propriété, dont la plupart sont encore inconnues. Parce que le paysage change tellement vite, nous devons nous préoccuper du potentiel de risques prudents. L'exigence de contrôle s'impose pour garantir contre de tels risques et vise à assurer que l'entreprise mère ait le pouvoir d'intervenir dans les cas où une filiale est en difficultés financières. Ces mêmes dispositions s'appliquent aux autres institutions financières telles que les grandes banques et les grandes compagnies d'assurances qui sont aussi à capital largement réparti.

Compte tenu des risques accrus qui sont associés à cette nouvelle souplesse, il est plus prudent, de l'avis du gouvernement, d'établir un filet de sécurité général ou une interdiction générale et de prévoir une souplesse réglementaire pour faire des exceptions si nécessaire. C'est là une utilisation courante des autorités réglementaires existantes. Si des circonstances imprévues surviennent, une interdiction générale nous permet de pécher par excès de prudence.

L'amendement qui a été apporté à l'alinéa 396a) au comité élargirait la portée du pouvoir réglementaire et garantirait à la Centrale des caisses de crédit du Canada que le gouvernement aurait la souplesse dont il a besoin pour prévoir au besoin des exceptions aux exigences de contrôle.

Le ministère des Finances est déjà engagé dans un exercice intensif de rédaction du règlement d'application du projet de loi C-8. Il a déjà eu des discussions avec la CCCC sur la possibilité de rédiger un règlement qui prévoirait la souplesse requise. Une fois adopté, le règlement aurait force de loi.

[Français]

Je veux maintenant parler de la motion no 9 du député de Saint-Hyacinthe—Bagot. Cette motion porte sur les facteurs que le ministre pourrait prendre en considération avant d'approuver l'acquisition d'un intérêt substantiel dans une banque.

Les facteurs à prendre en considération qui sont exposés dans l'alinéa i) proposé de la motion ont été envisagés à l'alinéa f) lié à la conduite des activités et des opérations des entreprises. En conséquence, le ministre aura le pouvoir législatif de prendre en considération les facteurs exposés dans la partie proposée à l'alinéa i).

Comme il n'est pas nécessaire d'apporter des modifications législatives pour permettre au ministre de prendre ces facteurs en considération, il a été déterminé que pour assurer la clarté et la transparence, les facteurs devraient être établis dans les lignes directrices.

Ces lignes directrices indiquent l'engagement qu'a pris le gouvernement de tenir compte de ces facteurs dans une situation de recatégorisation.

[Traduction]

Je voudrais clarifier un point qu'a fait valoir le député de Saint-Hyacinthe—Bagot. Dans son allocution, il a semblé laissé entendre qu'une banque ayant un actif de plus de 5 milliards de dollars pourrait ne pas être assujettie à la règle de la participation multiple.

Nous sommes saisis d'autres motions du porte-parole néo-démocrate en matière financière et député de Regina—Qu'Appelle et j'y viens maintenant.

 

. 1205 + -

Je vais maintenant passer à la motion no 10 qui porte sur des comptes à frais modiques. Le député de Regina—Qu'Appelle et d'autres ont dit que le gouvernement et le Parti libéral avaient parlé de la nécessité d'offrir des comptes à frais modiques. L'amendement néo-démocrate modifierait la définition des «comptes de dépôt de détail à frais modiques» au paragraphe 439(1) pour préciser que ces comptes devraient coûter 3 $. Nos vis-à-vis semblent laisser entendre que nous ne voulons pas offrir des comptes à frais modiques.

Or, le projet de loi C-8 établit en fait ce type de compte et c'est exactement ce que le gouvernement libéral prône depuis un certain temps. Loin de ne pas tenir notre promesse, nous la respectons dans ce projet de loi. Comme les députés le savent, le ministère des Finances a réussi à négocier avec toutes les grandes banques un protocole d'entente sur les comptes à frais modiques.

On a cherché à obtenir le point de vue des associations de consommateurs sur les caractéristiques souhaitées des comptes à frais modiques avant de négocier les ententes. En prenant en considération ces points de vue, on va faire en sorte que ces comptes respectent certaines normes, y compris des frais mensuels maximums de 4 $ et la disponibilité de certaines transactions à la succursale. En offrant aux banques une certaine souplesse dans l'établissement des prix et la conception de ces comptes, on s'assure que les consommateurs ont un plus grand choix pour ce qui est d'obtenir un compte à frais modiques qui réponde le mieux à leurs besoins.

La motion no 11 inscrite au nom du député de Regina—Qu'Appelle porte sur la fermeture de succursales. Je voudrais en parler brièvement. Nos réformes proposées tendent à encourager les institutions financières à répondre davantage aux besoins de la population sans nous ingérer indûment dans les décisions opérationnelles quotidiennes des banques. Certains de nos vis-à-vis ont clairement signalé que la motion présentée par le député de Regina—Qu'Appelle tend à s'ingérer dans les décisions quotidiennes des banques.

Ce sont les banques elles-mêmes et le marché qui doivent trancher des questions comme les heures d'ouverture des succursales et les fermetures de certaines succursales. Cela dit, nous croyons que les consommateurs devraient être avisés suffisamment à l'avance des fermetures de succursales pour faciliter leur ajustement à ces fermetures. Aux termes de notre nouveau cadre d'action, si une institution financière choisit de fermer une succursale, elle devra donner un avis d'au moins quatre mois. Si la succursale est la dernière dans une collectivité rurale, cet avis devra être de six mois. La période d'avis donnera à la collectivité l'occasion de discuter d'autres solutions avec les institutions ou peut-être de se mettre en rapport avec d'autres institutions financières qui pourraient peut-être combler le vide. Cela règle la question des motions du groupe no 2.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote porte sur la motion no 2. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 2 est reporté.

Le vote suivant porte sur la motion no 9. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 9 est reporté.

 

. 1210 + -

Le vote suivant porte sur la motion no 10. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 10 est reporté.

Le vote suivant porte sur la motion no 11. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 11 est reporté.

Le vote suivant porte sur la motion no 14. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote par appel nominal sur la motion no 14 est reporté. Je vais maintenant soumettre le groupe de motions no 3 à la Chambre.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) propose:  

    Motion no 3

    Que le projet de loi C-8 soit modifié par adjonction, après la ligne 19, page 28, du nouvel article suivant:

    «54.1 Le paragraphe 46(2) de la même loi est remplacé par ce qui suit:

    (2) Les actionnaires doivent, par résolution adoptée lors de leur première assemblée:

      a) approuver, modifier ou rejeter tout règlement administratif pris par les administrateurs;

      b) sous réserve de l'article 168, élire des administrateurs dont le mandat expirera au plus tard à la clôture de la troisième assemblée annuelle suivante;

      c) nommer un ou des vérificateurs jusqu'à la clôture de la première assemblée annuelle;

      d) adopter un code de procédures internes relatif à la tenue des assemblées d'actionnaires.»

    Motion no 4

    Que le projet de loi C-8, à l'article 63, soit modifié par substitution, aux lignes 23 à 34, page 31, de ce qui suit:

    «63. Le paragraphe 138(1) de la même loi est remplacé par ce qui suit:

    138. (1) Avis des date, heure et lieu de l'assemblée, ainsi que le procès-verbal intégral de la dernière assemblée, annuelle ou extraordinaire, doivent être envoyés, entre le cinquantième et vingt et unième jour qui la précèdent:

      a) à chaque actionnaire habile à y voter;

      b) à chaque administrateur;

      c) au ou aux vérificateurs.

    (1.1) La banque dont les capitaux propres sont égaux ou supérieurs à cinq milliards de dollars doit indiquer dans l'avis le nombre de voix possibles, au sens du paragraphe 156.09(1), qui, à la date permettant de déterminer les actionnaires qui ont le droit d'être avisés de l'assemblée, peuvent être exprimées pour chaque vote devant être tenu à l'assemblée.»

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) propose:  

    Motion no 5

    Que le projet de loi C-8, à l'article 65, soit modifié par substitution, à la ligne 6, page 32, de ce qui suit:

      «naires au nom desquels les actions sont inscrites aux registres de l'institution et devant recevoir avis des assemblées»

 

. 1215 + -

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) propose:  

    Motion no 6

    Que le projet de loi C-8 soit modifié par adjonction, après la ligne 35, page 34, du nouvel article suivant:

    «70.1 L'alinéa 160i) de la même loi est remplacé par ce qui suit:

      i) qui travaillent pour le gouvernement d'un pays étranger ou de l'une de ses subdivisions politiques ou en sont les mandataires;

      j) qui occupent le poste d'administrateur pour une autre institution financière;

      k) qui ont, directement ou indirectement, un intérêt dans l'approvisionnement de l'institution en produits ou services.»

    Motion no 7

    Que le projet de loi C-8 soit modifié par adjonction, après la ligne 11, page 35, du nouvel article suivant:

    «71.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 161, de ce qui suit:

    161.1 (1) Le rôle de président du conseil d'administration est distinct de celui de chef de la direction. Ces postes ne peuvent être cumulés par la même personne.

    (2) Il est entendu que le président du conseil d'administration veille à ce que le conseil évalue la gestion de la direction de l'institution, alors que le chef de la direction est responsable des affaires courantes de celle-ci.»

—Madame la Présidente, ces amendements visent essentiellement trois choses. La première, c'est de donner plus de pouvoirs aux actionnaires des institutions financières. Plus tôt, nous parlions—et c'est l'esprit de la première motion—de la structure particulière de propriété dans le secteur financier canadien. Nous disions, par exemple, que les grandes banques ont un droit de propriété unique de 20 p. 100 et que 80 p. 100 des actions votantes seraient diffusées largement dans le public.

Cette diffusion comporte certains aspects négatifs du fait que les petits actionnaires ont très peu de voix au chapitre, notamment lorsqu'il est question des assemblées annuelles des grandes banques canadiennes, et le projet de loi vise à donner plus de pouvoirs à ces petits actionnaires.

Nous nous joignons au combat fait par l'Association de protection des épargnants et des investisseurs du Québec, l'APEIQ. Nous ajoutons notre voix à leur combat pour une plus grande démocratisation du fonctionnement des assemblées annuelles des banques et également du fonctionnement des conseils d'administration des institutions financières.

À cet égard, nous disons, dans notre premier groupe d'amendements, que les actionnaires, si petits soient-ils, ont droit au chapitre. Ils ont droit de prendre part à toute décision des institutions financières. Pour ce faire, ils doivent être avisés promptement et suffisamment de temps à l'avance de la tenue d'une assemblée générale. Ils doivent avoir tous les documents afférents à cette assemblée et ils doivent aussi être habilités à prendre la parole, non seulement sur des questions touchant la rentabilité de l'institution financière, mais aussi sur toute autre question touchant de près ou de loin les activités de l'institution comme telle.

Je donne un exemple. À l'heure actuelle, il est impossible pour un actionnaire, lors d'une assemblée générale, de soulever, par exemple, des questions reliées aux aspects sociaux des interventions de cette entreprise. On ne pourrait pas non plus soulever de questions politiques. Par exemple, on ne pourrait pas poser de questions sur les activités d'une entreprise dont on est un petit actionnaire dans des pays où la démocratie n'a pas cours, où les droits fondamentaux ne sont pas respectés. C'est impossible dans une assemblée générale, de déposer des résolutions dans ce sens ou même de questionner le conseil d'administration. Il est temps que cela change. Nous sommes aujourd'hui en l'an 2001, et le système démocratique qui a cours lors des assemblées générales des grandes institutions financières est tout à fait archaïque.

Il y a d'autres motions aussi. Une autre motion a été déposée pour éviter toute possibilité de conflit d'intérêts.

 

. 1220 + -

On ne peut pas être membre d'un conseil d'administration d'une grande banque et, en même temps, fournisseur de biens et de services pour cette banque. On serait à la fois juge et partie lorsque viendrait le temps de prendre des décisions à l'égard de l'institution financière sur laquelle nous siégeons comme membres du conseil d'administration et, en même temps, être fournisseurs de biens et de services pour cette même institution.

On ne pourrait, par exemple, être à la fois membre du conseil d'administration d'une banque et actionnaire d'une entreprise de vérification externe qui serait engagée par cette même banque pour faire la vérification des états financiers.

Alors, ce que nous proposons, c'est justement de faire en sorte qu'il y ait de nouvelles dispositions qui diraient, par exemple, qu'on doit questionner et qu'on ne peut pas accepter qu'un membre du conseil d'administration soit aussi directement ou indirectement impliqué dans un intérêt dans l'approvisionnement à l'institution en produits et services par exemple. On ne pourrait pas accepter qu'un administrateur d'une institution financière soit aussi administrateur d'une autre institution financière. Il pourrait en résulter certains problèmes dus aux activités liées.

C'est le sens de nos propositions. C'est le sens aussi du combat qui est fait par l'Association de protection des épargnants et des investisseurs du Québec, l'APEC, et que nous endossons d'emblée.

Nous espérons que, dans un esprit de plus grande démocratisation et de transparence des activités des institutions financières, le gouvernement, de même que les députés des autres partis d'opposition, appuieront ce genre de propositions qui ne peut qu'améliorer les choses du point de vue de l'équité, de la participation des petits actionnaires, de la démocratisation et, surtout, de la transparence des activités de ces grandes institutions financières.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les motions nos 3, 4, 5, 6, et 7 du Bloc québécois sont liées aux dispositions de la Loi sur les banques relative à la régie des sociétés d'État.

Comme les députés le savent, le Sénat étudie actuellement une initiative législative distincte, le projet de loi S-11, axée sur les modifications apportées aux dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par action relative à la régie des sociétés.

Le gouvernement surveille de près l'évolution du projet de loi S-11 en vue d'évaluer l'applicabilité aux institutions financières des diverses initiatives proposées dans ce projet de loi.

Une fois que le Parlement aura terminé l'étude du projet de loi S-11, le gouvernement voudra entreprendre des consultations avec les parties intéressés au sujet de ces modifications.

Ce processus permettra aux parties intéressées, qui n'ont pas participé au projet de modification de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, de présenter leur point de vue à savoir si des modifications semblables devraient être apportées aux dispositions relatives à la régie des sociétés qui s'appliquent aux institutions financières.

Comme l'examen plus général des dispositions des lois relatives aux institutions financières qui concerne la régie des sociétés portera sur les questions soulevées dans les motions proposées, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de modifier le projet de loi pour le moment.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, c'est un grand plaisir pour moi d'intervenir sur les motions présentées par le Bloc québécois, qui sont appuyées par mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot qui a travaillé très fort dans ce dossier. Il a présenté un mémoire, écouté des centaines de témoins et il a aussi pris à coeur la plupart des recommandations que ces groupes de témoins sont venus nous suggérer.

 

. 1225 + -

Là où le bât blesse dans ce projet de loi, et on en a parlé tout à l'heure, c'est en ce qui concerne les institutions bancaires de moins de cinq milliards de dollars.

Ce qui nous inquiète aussi, ce sont les recommandations faites par l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec. Ils ont présenté un mémoire lors de l'étude du projet de loi C-38 en comité, à l'époque, qui est devenu le projet de loi C-8.

Je voudrais citer ce que l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec a dit lors de ces audiences:

    La propriété des banques est très diffuse au Canada, et c'est voulu, afin de limiter la capacité que pourrait avoir un gros actionnaire de contrôler une ou des institutions financières, alors que celles-ci sont considérées comme des services publics. Cet actionnariat diffus a malheureusement eu un effet pervers [...]

Je le répète, «un effet pervers».

      [...] en laissant aux administrateurs des grandes banques une influence démesurée. Cet effet pervers pourrait très bien être éliminé au moyen de quelques changements législatifs à la Loi sur les banques.

Le Bloc québécois appuie les recommandations de l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, et c'est pourquoi nous avons présenté ces motions. Nous en avons présenté beaucoup d'autres qui appuient les recommandations de l'APEIQ, mais elles ont été rejetées.

Il est à noter que l'Association a fait de nombreuses représentations aux autorités fédérales, que ce soit à la Commission MacKay, en 1997, au Comité sénatorial qui a étudié la Loi sur les banques, en 1998, et en novembre 1998, devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Malgré ces nombreuses rencontres, les projets de loi C-38 et C-8 n'ont repris aucune des recommandations de l'Association des épargnants et investisseurs du Québec.

Ces recommandations, pour la plupart, font suite aux recommandations de l'Association de protection des épargnants et des investisseurs. Je vais citer quelques-unes de ces recommandations. J'espère avoir le temps de le faire car le temps passe vite.

Premièrement, il y a la limitation du nombre de conseils sur lesquels un administrateur peut siéger simultanément. Notre proposition portait sur la limitation du nombre de conseils sur lesquels un administrateur peut siéger simultanément. Présentement, c'est ce qu'on appelle un old boys' club: «Je te nomme, tu me nommes, on se nomme.»



AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

 

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je regrette d'interrompre le discours de la députée, mais il s'agit d'une question de procédure. J'estime qu'il y a unanimité pour que l'on adopte sans débat la motion no 3 inscrite au Feuilleton.

Le vice-président: Le député de Saskatoon—Humboldt a-t-il le consentement unanime pour proposer la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: La Chambre a entendu le libellé de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU CANADA

 

La Chambre reprend l'étude du projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières dont le comité a fait rapport avec des amendements, ainsi que du groupe de motions no 3.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je n'ai pas vraiment compris ce qui s'est passé relativement à l'adoption de la motion no 3. Il semblerait que vous avez accordé quelque chose et, de ce côté-ci de la Chambre, nous n'avons pas entendu ce que vous avez dit.

Le vice-président: L'honorable député de Saskatoon—Humboldt a demandé le consentement unanime relativement à un rapport quelconque et il a reçu le consentement unanime. Nous reprenons donc le débat.

Mme Pauline Picard: Comme je le disais, notre proposition portait sur la limitation du nombre de conseils sur lesquels un administrateur peut siéger simultanément.

On disait que, présentement, c'est comme un old boys' club: «Je te nomme, tu me nommes, on se nomme.» Les conseils d'administration deviennent ainsi de moins en moins efficaces et de moins en moins représentatifs des actionnaires. Nous croyons que le nombre de conseils d'administration sur lesquels une personne peut siéger devrait être limité, et même très limité, car, pour bien faire le travail, il faut du temps et un peu de dévouement. Le projet de loi ne tient aucunement compte de ces recommandations.

 

. 1230 + -

Deuxièmement, il y a l'élimination des conflits d'intérêts potentiels entre les administrateurs et les fournisseurs de produits et services à l'entreprise. Notre proposition portait sur l'élimination des conflits d'intérêts potentiels entre les administrateurs et les fournisseurs des services.

Aucune disposition n'est prévue dans le projet de loi C-8 à cet effet, sauf la disposition générale sur les conflits d'intérêts très généraux. On sait qu'aux États-Unis et même au Canada, on a déjà obtenu un certain succès en faisant adopter par les assemblées d'actionnaires, souvent contre la volonté et les recommandations des directions des banques et de certaines entreprises, une obligation de divulguer au moins les honoraires qui sont versés aux vérificateurs externes par rapport aux services de vérification, d'une part, et aux services de consultation générale, d'autre part.

À titre d'exemple, on peut imaginer qu'un consultant qui reçoit un million de dollars pour faire le travail de vérification des livres et qui, par ailleurs, reçoit 10 millions de dollars pour des services de consultation de toutes sortes, peut avoir une certaine difficulté à faire un rapport critique en tant que vérificateur interne. Tout le monde comprend cela.

Troisièmement, il y a l'obligation de soumettre les états financiers pour examen et discussion lors de l'assemblée annuelle des actionnaires. Cette proposition vise à clarifier le texte de loi afin que les ordres du jour des assemblées annuelles des actionnaires prévoient un point pour l'examen des états financiers et du rapport du vérificateur.

À cet égard, le terme «examen» signifie, selon le dictionnaire Le Petit Robert, plus qu'un simple dépôt, mais bien une: «action de considérer, d'observer avec attention.» Je répète, cela signifie: «action de considérer, d'observer avec attention.» Ce n'est pas un simple dépôt. Ce sont des actions pour observer avec vigilance.

Les états financiers constituant le principal compte rendu des mandataires au sujet de leur gestion de la société, l'examen et la discussion de ce document constituent un droit fondamental des actionnaires prioritaires, même de ceux des banques.

Il y a aussi la présentation aux actionnaires pour approbation de la politique de rémunération des dirigeants. Dans le cas des banques qui sont essentiellement des services publics et qui sont dans un environnement très protégé par rapport aux autres entreprises du secteur privé, nous considérons comme littéralement scandaleuses les rémunérations qui sont payées aux dirigeants.

Évidemment, nous connaissons le processus par lequel ils reçoivent des recommandations très positives quant à leurs systèmes de rémunération qui leur permet de recevoir tant ou tant d'argent. Néanmoins, le résultat final est que les dirigeants de ces institutions ne reçoivent pas nécessairement le salaire de base, mais des rémunérations globales avec un système d'options qui est très généreux, ce qui est inacceptable.

Quant à l'adoption d'un code de procédure pour la tenue des assemblées d'actionnaires, cette proposition vise à faciliter la participation active et efficace des actionnaires aux assemblées et à les soustraire de l'arbitraire de présidents d'assemblée pressés d'en finir avec les interventions des actionnaires. Nous proposons que chaque société prépare un code de procédure sur le déroulement des assemblées et que cette procédure soit adoptée par l'assemblée annuelle des actionnaires dans un délai raisonnable.

Certaines banques, plus spécifiquement la Banque Laurentienne, ont volontairement adopté un tel code de procédure, mais il n'y a pas d'obligations prévues dans le projet de loi à ce sujet.

Il y a ensuite l'obligation pour les entreprises de rédiger un procès-verbal intégral de toutes et chacune des assemblées d'actionnaires et de le faire parvenir à tous les actionnaires. Nous recommandons qu'on oblige les entreprises à rédiger un procès-verbal intégral de toutes et chacune des assemblées des actionnaires et de le faire parvenir à tous les actionnaires. Certaines le font maintenant, mais il n'y a pas encore d'obligations prévues au projet de loi.

Nous proposons aussi une réduction des barrières au droit des actionnaires de faire des propositions en vue et lors des assemblées des actionnaires. On proposait cette réduction en général, plutôt que par le conseil et la direction en place dans les banques exclusivement. Présentement, il faut posséder au moins 5 p. 100 des actions d'une institution financière ou d'une compagnie publique, ou en avoir le contrôle, pour pouvoir proposer une personne au conseil d'administration.

 

. 1235 + -

Sait-on combien représentent 5 p. 100 des actions de la Banque Royale? Cela représente 900 millions de dollars. Je ne pense pas que vous et moi puissions posséder autant d'argent et avoir le contrôle proposé par une personne au conseil d'administration. Je n'en connais pas beaucoup qui peuvent avoir de tels moyens.

Une voix: Paul Martin.

Mme Pauline Picard: Oui. Il faut aussi permettre l'accès à tous les actionnaires au nom des actionnaires véritables. La majorité des actions sont détenues en dépôt par les courtiers et ce sont ces intermédiaires qui sont les actionnaires inscrits. Seuls ces intermédiaires détiennent la liste des actionnaires véritables, si bien que la société ne connaît pas l'identité de ses actionnaires et ne peut communiquer directement avec ceux non inscrits. Cette mesure faciliterait la communication entre la société et ses actionnaires.

Il y a aussi la séparation des postes de président du conseil et de chef de la direction. On propose aussi une réduction des barrières au droit des actionnaires de faire des propositions en vue et lors des assemblées des actionnaires. Alors, nous recommandons une réduction des barrières au droit des actionnaires de faire des propositions.

En ce moment, la loi et le projet de loi prévoient que la direction d'une banque peut refuser une proposition d'actionnaires qui a pour objet principal de servir à des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue. Essentiellement, elle peut refuser à peu près n'importe quoi et ce ne sont que les pressions publiques, pour ainsi dire, qui obligent les banques à accepter des propositions d'actionnaires.

Notre proposition vise aussi les fermetures de succursales bancaires alors qu'on nous dit que, maintenant, on va pouvoir procéder à la fermeture de succursales bancaires. On voudrait que ce soit très transparent. Pour les gens résidant surtout dans les milieux ruraux et les milieux éloignés, où on a moins de services, on va leur donner un préavis de six mois. Quelle chance! Un préavis de six mois pour avertir que votre banque va fermer. Où les gens auront ces services, cela, on s'en fout.

Il n'y a rien là-dedans. Il y a juste le ministre qui, lui, est convaincu que son projet de loi aide les gens qui composent les petits investisseurs et les petits épargnants. J'espère que ces lacunes seront corrigées dans le projet de loi avant son adoption.

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

 

. 1240 + -

Le vice-président: Le vote porte sur la motion no 3. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion no 3 est différé.

[Français]

La prochaine mise aux voix porte sur la motion no 4. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion no 4 est différé.

La prochaine mise aux voix porte sur la motion no 5. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion no 5 est différé.

La prochaine mise aux voix porte sur la motion no 6. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion no 6 est différé.

Le prochaine mise aux voix porte sur la motion no 7. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:  

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion no 7 est différé.

La Chambre abordera maintenant les votes par appel nominal différés à l'étape du rapport du projet de loi. Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:  

Le vice-président: Les votes par appel nominal sont reportés à demain, le 28 mars, à la fin des affaires émanant du gouvernement.

*  *  *

 

. 1245 + -

[Traduction]

LOI DE 2000 MODIFIANT LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

L'hon. Robert Thibault (au nom du ministre des Finances) propose: Que le projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu, certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations et une loi liée à la Loi sur la taxe d'accise, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter le projet de loi C-22, Loi de 2000 modifiant l'impôt sur le revenu, à l'étape de la deuxième lecture aujourd'hui.

Le projet de loi modifie plusieurs articles de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais surtout, il met en oeuvre d'importants éléments du programme quinquennal de réduction des impôts présenté l'an dernier par le gouvernement.

[Français]

Brièvement, ce plan prévoit une réduction d'impôt de 100 milliards de dollars d'ici à 2004-2005, ce qui réduira de 21 p. 100 en moyenne l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers que paient les Canadiens et les Canadiennes.

Pour les familles avec des enfants, la réduction d'impôt sera encore plus importante, soit 27 p. 100 en moyenne.

[Traduction]

Le projet de loi comporte aussi d'autres mesures, dont certaines modifications de forme déjà proposées l'automne dernier dans le projet de loi C-43 mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées.

Bon nombre de ces modifications sont d'ordre rectificatif. Certaines remédient à des déficiences techniques de la loi alors que d'autres facilitent l'administration du régime fiscal. Quels que soient les changements, une chose est certaine, c'est que chaque modification proposée se fonde sur les principes de justice et d'équité du régime fiscal fédéral, que notre gouvernement s'est engagé à respecter dès son arrivée au pouvoir en 1993.

[Français]

Une fois que nous avons éliminé le déficit, en 1997-1998, nous avons commencé à réduire les impôts pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Le projet de loi qui est soumis aujourd'hui constitue la mesure de réduction d'impôt la plus importante adoptée jusqu'ici, et il est fondé sur quatre grands principes.

[Traduction]

Tout d'abord, nous devons aborder la question des réductions d'impôt de façon équitable, et il faut commencer par ceux qui ont le plus besoin d'être soulagés, c'est-à-dire les petits et moyens salariés, et surtout les familles ayant des enfants.

Deuxièmement, nous nous intéresserons d'abord à l'impôt sur le revenu des particuliers, parce que c'est là que nous nous démarquons le plus.

Troisièmement, nous veillerons à ce que le Canada ait pour les entreprises une fiscalité comparable à ce qui se pratique ailleurs dans le monde.

Quatrièmement, nous ne financerons pas les réductions d'impôt par des emprunts, car ce serait la promesse d'un retour à des impôts plus élevés par la suite.

Le gouvernement estime que la responsabilité financière est fondamentale et que les réductions d'impôt sont essentielles. Par ailleurs, il est aussi essentiel de maintenir un régime fiscal efficace, équitable et défendable au plan technique. Telle est l'orientation du projet de loi à l'étude aujourd'hui.

Je vais maintenant aborder les principales mesures contenues dans le projet de loi, en commençant par certaines des modifications apportées à l'impôt sur le revenu des particuliers.

En 1999, le gouvernement a promis aux Canadiens d'établir un plan pluriannuel de réduction des impôts. Le budget de 2000 a donné suite à cet engagement en apportant les changements structurels les plus importants depuis plus de dix ans au régime fiscal canadien. L'accent a été mis plus particulièrement sur les besoins des familles avec enfants. Le projet de loi prévoit des réductions du taux d'imposition à tous les niveaux de revenu à compter du 1er janvier 2001.

[Français]

Les taux inférieur et intermédiaire d'impôt sur le revenu sont ramenés à 16 p. 100 et à 22 p. 100 respectivement. Le taux supérieur est ramené de 29 p. 100 à 26 p. 100 sur les revenus oscillant entre environ 61 000 $ et 100 000 $, ce qui signifie que le taux de 29 p. 100 ne s'appliquera qu'aux revenus supérieurs à 100 000 $.

[Traduction]

Même si tous les Canadiens profiteront d'un allègement fiscal, ce sont surtout les Canadiens à revenu moyen qui en ressentiront les bienfaits. Par ailleurs, le projet de loi abolit, en date du 1er janvier 2001, la surtaxe de 5 p. 100 pour la réduction du déficit.

L'un des éléments du plan quinquennal de réduction des impôts doit entrer en vigueur d'ici le 1er juillet, parce qu'il profite aux enfants canadiens. Je parle, bien sûr, de l'augmentation de l'aide consentie aux familles ayant des enfants par l'entremise de la Prestation fiscale canadienne pour enfants.

Comme le savent les députés, la Prestation fiscale canadienne pour enfants, élément clé de l'aide du fédéral aux familles, comporte deux volets: la Prestation fiscale canadienne pour enfants de base, pour les familles à faible et à moyen revenus, et le supplément de la Prestation nationale pour enfants, pour les familles à faible revenu.

Le montant maximal des prestations pour le premier enfant s'élèvera à 2 372 $ en juillet 2001, ce qui nous rapproche beaucoup de l'objectif quinquennal de 2 500 $ que nous devrions atteindre en 2004.

 

. 1250 + -

Pour le deuxième enfant, le montant maximal des prestations sera porté à 2 308 $ en juillet 2004. Ces hausses et les augmentations prévues par la Chambre et dans les budgets porteront d'ici 2004 la Prestation fiscale canadienne pour enfants à plus de 9 milliards de dollars par année, dont 6 milliards iront aux familles à faible revenu et 3 milliards, aux familles à revenu moyen.

Le projet de loi prévoit d'autres changements à l'impôt sur le revenu des particuliers conçus spécialement pour venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin.

[Français]

Par exemple, le montant sur lequel est fondé le crédit d'impôt pour personnes handicapées, le CIPH, est porté de 4 293 $ à 6 000 $ à compter de 2001. Cet allégement d'impôt augmentera au fil des ans, à mesure que le CIPH sera entièrement indexé à l'inflation.

[Traduction]

On a étendu la liste des parents à qui le crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique peut-être transféré, de manière à rendre le tout cohérent avec les règles concernant le crédit d'impôt pour frais médicaux.

Une autre disposition fait passer de 7 000 $ à 10 000 $ le montant maximal annuel qui est déductible au titre des frais de garde d'enfants pour chaque enfant admissible à l'égard duquel le crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique peut être demandé.

Les montants sur lesquels sont calculés le crédit d'impôt aux aidants naturels et le crédit d'impôt pour personne déficiente à charge passent tous les deux à 3 500 $. Comme il est pleinement indexé, cet allégement fiscal continuera d'augmenter au fil du temps.

[Français]

À l'heure actuelle, les particuliers dont la motricité est restreinte peuvent être admissibles à un crédit d'impôt pour frais médicaux au titre des coûts de rénovation lorsque celle-ci facilite l'accès ou les déplacements à l'intérieur de leur domicile ou qu'elle rend ce dernier plus fonctionnel. Le projet de loi C-22 inclut les coûts additionnels raisonnables liés à la construction d'une résidence principale pour aider ces particuliers.

[Traduction]

Pour aider davantage les étudiants, on fait passer de 500 $ à 3 000 $ l'exemption annuelle pour les bourses d'études ou de perfectionnement reçues par un contribuable relativement à son inscription dans un programme pour lequel il peut demander le crédit d'impôt pour études.

Je veux aussi mentionner que les travailleurs indépendants pourront désormais déduire la moitié de leurs cotisations au Régime de pensions du Canada ou à la Régie des rentes du Québec du revenu d'un travail indépendant. L'autre moitié des cotisations continuera de donner droit à un crédit d'impôt personnel à un taux moins élevé. Sans ce projet de loi, ces travailleurs n'auraient droit qu'au crédit visant les cotisations de l'employeur et de l'employé, ce qui les désavantagerait par rapport aux propriétaires-exploitants qui peuvent déduire la part de l'employeur.

[Français]

Les modifications techniques contenues dans ce projet de loi sont trop nombreuses pour que je puisse les mentionner toutes dans la courte période qui m'est allouée. J'aimerais toutefois en souligner quelques-unes avant de passer aux modifications apportées à l'impôt des sociétés, qui sont mises en oeuvre dans ce projet de loi.

[Traduction]

En ce qui concerne l'impôt des particuliers, certaines modifications clarifient les règles en vertu desquelles le clergé peut demander une déduction pour ses résidences. De plus, Revenu Canada pourra divulguer des renseignements concernant un ancien organisme de bienfaisance enregistré, pourvu que l'information porte sur la période au cours de laquelle l'organisme était enregistré.

Les municipalités n'auront plus à produire de formules T-4 pour les bénévoles à qui elles paient moins de 1 000 $. En outre, l'exemption applicable à des allocations de déplacement raisonnables dans le cas des enseignants à temps partiel sera aussi accordée aux enseignants qui n'ont pas d'autre emploi.

Le plan quinquennal de réduction des impôts contribuera beaucoup à rendre le régime canadien d'impôt sur le revenu des sociétés plus concurrentiel sur le plan international. C'est important, parce que les taux d'imposition des entreprises ont des répercussions importantes sur le niveau d'investissement, d'emploi, de productivité, de rémunérations et de revenu des entreprises.

 

. 1255 + -

[Français]

Compte tenu de ce qui précède, le projet de loi C-22 prévoit d'importantes réductions de l'impôt des sociétés. Les taux d'imposition des sociétés baisseront de 28 p. 100 à 21 p. 100 dans les secteurs les plus fortement imposés, comme les services de haute technologie, afin qu'ils soient plus concurrentiels à l'échelle internationale. Ces réductions commencent par une baisse d'un point à compter du 1er janvier 2001.

[Traduction]

En 2005, le taux moyen d'imposition fédéral-provincial, qui comprend les impôts sur le revenu et sur les gains en capital, aura diminué de 47 à 35 p. 100, contribuant ainsi à rendre nos entreprises plus concurrentielles par rapport aux autres pays du G-7.

Deux mesures du plan de réduction des impôts visent les gains en capital. La première aura pour effet de permettre un transfert avec report d'impôt des gains en capital provenant de placements dans des actions de certaines petites et moyennes entreprises exploitées activement. Le montant de l'investissement admissible annoncé dans le budget 2000 passera de 500 000 $ à 2 millions de dollars et la valeur des actifs des petites entreprises admissibles sera portée de 10 millions à 50 millions de dollars.

La seconde mesure réduit le taux d'inclusion des gains en capital à 50 p. 100. Cette mesure aura pour effet d'alléger le lourd impôt fédéral-provincial sur les gains en capital de 31 p. 100 à 23 p. 100 environ, c'est-à-dire un niveau plus faible que le taux d'impôt maximum combiné de 25 p. 100 appliqué aux États-Unis par le gouvernement fédéral et les États. Les deux mesures amélioreront l'accès au capital pour les petites entreprises offrant un potentiel de croissance élevé. Ces mesures seront particulièrement avantageuses pour les industries dans le secteur de la technologie de pointe.

Dans la foulée de la modification apportée au taux d'inclusion des gains en capital, le taux de la déduction applicable à l'option d'achat d'actions accordée à des employés passera de 33 p. 100 à 50 p. 100. Par conséquent, les employés au Canada paieront moins d'impôt que leurs homologues américains sur les avantages tirés d'une option d'achat d'actions. Le projet de loi contient une mesure qui aura pour effet de différer l'imposition de certains avantages liés aux options d'achat d'actions et d'accorder une déduction supplémentaire pour certaines actions ayant fait l'objet d'un don à des organismes de bienfaisance.

Je voudrais également parler d'une mesure qui vise les succursales de banques étrangères établies au Canada.

[Français]

Ces nouvelles règles sont issues des modifications apportées en 1999 à la Loi sur les banques, qui permettent aux banques étrangères d'établir au pays des succursales spécialisées à caractère commercial. Auparavant, les banques étrangères ne pouvaient ouvrir au Canada que des filiales constituées au Canada.

[Traduction]

Maintenant, le système d'imposition pour les nouvelles succursales de banques étrangères sera comparable à celui des banques canadiennes. Ces nouvelles règles accordent également aux banques étrangères un délai pour déplacer leurs opérations d'une filiale canadienne à une succursale canadienne, sans conséquences fiscales indues.

Comme dans le cas des mesures fiscales applicables aux particuliers, les changements aux taxes d'affaires sont trop nombreux pour en discuter individuellement au cours du débat d'aujourd'hui. J'aimerais cependant en résumer quelques-uns.

Par exemple, le projet de loi permet un report de l'impôt à l'égard de certaines distributions d'actions de l'étranger. Il renforce les règles existantes en matière de capitalisation restreinte. Il étend sur une période de trois ans le régime spécial d'impôt sur le revenu des sociétés d'investissement appartenant à des non-résidants. Il considère comme une assistance gouvernementale le montant des déductions provinciales pour la recherche scientifique qui excède les dépenses en recherche scientifique et en développement expérimental. Il assure le traitement approprié des dépenses d'exploration et de développement des sociétés étrangères en calculant les crédits pour impôt étranger. Il établit un crédit d'impôt à l'investissement temporaire de 15 p. 100 pour les nouvelles explorations minières et modifie les règles de réorganisation papillon de sociétés.

D'autres modifications techniques font en sorte que les sociétés canadiennes qui, par l'entremise de partenariats, détiennent des actions de sociétés non résidantes, ne sont pas assujetties à une double imposition. L'impôt supplémentaire sur le capital imposé aux compagnies d'assurance-vie est prolongé jusqu'à la fin de l'an 2000. Les actions d'une société étrangère peuvent être échangées, au moyen d'un transfert avec report d'impôt, pour des actions d'une autre société étrangère. Le traitement fiscal des dépenses de ressources et les règles régissant les dons de biens écosensibles sont clarifiés. Dans une chaîne de sociétés, une société est contrôlée par son parent immédiat, même si ce dernier est lui-même contrôlé par une troisième société. Les règles sur les biens de remplacement ne s'appliquent pas aux actions du capital-actions de sociétés, et l'associé d'une société de personnes à responsabilité limitée aux termes de la législation provinciale n'est pas systématiquement considéré comme un commanditaire pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

. 1300 + -

Ce sont là certains des changements de nature plus technique contenus dans le projet de loi. Il y a trois autres mesures dont j'aimerais parler brièvement avant de terminer. La première concerne les changements apportés aux règles régissant le traitement fiscal des fiducies et de leurs bénéficiaires.

[Français]

Le projet de loi C-22 porte sur l'application de l'impôt aux biens attribués par une fiducie canadienne à un bénéficiaire non-résidant. Il met également en oeuvre des mesures portant sur l'application de l'impôt aux simples fiducies, aux fiducies de protection et autres fiducies semblables, ainsi qu'aux fiducies de fonds communs de placement, aux fiducies de santé et de bien-être, et aux fiducies régies par des régimes enregistrés d'épargne-retraite et des fonds enregistrés de revenu de retraite.

[Traduction]

Par exemple, les règles existantes permettant à une personne de transférer des biens à une fiducie au profit exclusif d'un conjoint ou d'un conjoint de fait seraient élargies pour inclure les fiducies en faveur de soi-même et les fiducies mixtes au profit de l'époux ou du conjoint de fait.

Le projet de loi contient également plusieurs nouvelles mesures anti-évitement conçues pour faire en sorte que les transferts aux fiducies ne soient pas utilisés pour réduire indûment l'impôt à payer. Par exemple, il y a aurait des limites relativement à l'utilisation des transferts dans les cas où l'on se sert de fiducies à des fins d'évitement fiscal lorsqu'un bénéficiaire émigre. Par ailleurs, les attributions de revenu aux bénéficiaires ne pourraient pas être utilisées par les fiducies pour contourner les règles visant à faire en sorte que les fiducies au profit de l'époux ou du conjoint de fait, les fiducies en faveur de soi-même et les fiducies mixtes au profit de l'époux ou du conjoint de fait n'attribuent aucun revenu à d'autres avant le décès du bénéficiaire, de l'époux ou du conjoint de fait.

De plus, le transfert à une fiducie serait refusé si celui-ci faisait partie d'une série d'opérations visant à reporter des gains en capital en se servant d'une fiducie comme intermédiaire entre un vendeur et un acheteur de biens.

Un dernière mesure anti-évitement empêcherait certaines fiducies établies avant 1972 de se servir de taux d'imposition progressifs si elles recevaient des biens d'une fiducie non assujettie à ces taux et si la propriété effective des biens n'avait pas changé.

La deuxième mesure que je veux souligner concerne les nouvelles règles relatives à la migration des contribuables, qui s'inscrivent dans le cadre de l'engagement continu du gouvernement à l'égard d'un régime fiscal plus juste et équitable.

Depuis 1972, le Canada a des règles fiscales spéciales qui s'appliquent lorsque les gens cessent de résider au Canada. Ces règles sont fondées sur l'hypothèse selon laquelle l'immigrant a liquidé tous ses biens avant son départ.

[Français]

Pendant de nombreuses années, on s'est interrogés sur la portée réelle de cette présomption de disposition au départ du Canada et de son interaction avec les conventions fiscales internationales conclues par le Canada. Aux termes du projet de loi C-22, le Canada conserve le droit d'imposer les gains accumulés par les émigrants pendant leur séjour au Canada.

[Traduction]

Le projet de loi clarifierait aussi l'incidence des nouvelles règles sur divers types de droits à de futurs revenus et autoriserait les résidents de retour à annuler l'incidence fiscale de leur départ, peu importe la période pendant laquelle ils ont été non-résidents.

En outre, les anciens résidents pourraient réduire l'impôt canadien à payer sur leurs gains préalables au départ et découlant d'une distribution en y appliquant certains impôts étrangers payés sur ces mêmes gains. Cela fait partie de l'engagement du Canada visant à éviter la double imposition à l'échelle internationale, engagement qui se reflète aussi dans son éventail de conventions fiscales.

Depuis 1999, en prévision de l'entrée en vigueur de ces règles, le Canada négocie ses conventions fiscales afin d'accroître la protection contre la double imposition lorsque les gains préalables au départ des immigrants sont imposés.

Une dernière mesure a trait à des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu liées à l'accord du 3 juin 1999 intervenu entre le Canada et les États-Unis au sujet des périodiques étrangers.

Depuis les années 60, la Loi de l'impôt sur le revenu empêche la déduction des frais de publicité à moins qu'un journal ou un périodique n'appartienne au moins à 75 p. 100 des Canadiens et ne présente un contenu qui est au moins à 60 p. 100 canadien.

 

. 1305 + -

Par suite de l'accord intervenu entre le Canada et les États-Unis, cette règle ne s'applique plus à la publicité et aux périodiques. À la place, les frais de publicité et les périodiques dont le contenu rédactionnel est original à au moins 80 p. 100 seraient intégralement déductibles, et les frais de publicité et autres périodiques seraient déductibles à 50 p. 100 peu importe la propriété.

[Français]

De plus, après juillet 1996, l'expression «citoyen canadien» inclura les caisses de retraite et autres entités canadiennes qui possèdent des journaux canadiens pour faire en sorte qu'elles soient considérées comme des citoyens au titre des exigences de propriété prévues dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour les périodiques, cette modification s'applique de juillet 1996 à mai 2000, après quoi la nationalité des propriétaires n'a plus d'importance.

[Traduction]

En conclusion, bien que le projet de loi soit long, très détaillé et de nature technique, ses éléments sont tous très importants et justifient une adoption rapide. Ce sont dans la majorité des cas des mesures d'exonération ou d'éclaircissement, et quelques-unes sont d'ordre administratif.

Comme je l'ai indiqué auparavant, chaque mesure se fonde sur le principe de l'équité fiscale, et de nombreux contribuables bénéficieront de ces changements. Il va de soi que les mesures retenant le plus l'attention servent à mettre en oeuvre les éléments clés du programme quinquennal de réduction des impôts du gouvernement. En résumé, ce programme quinquennal réduit le fardeau fiscal des contribuables à revenu moyen, accroît le soutien accordé aux familles ayant des enfants et rend le régime canadien d'imposition du revenu des sociétés plus concurrentiel à l'échelle internationale. Comme je l'ai dit auparavant, le programme quinquennal de réduction des impôts correspondra à un allégement fiscal cumulatif de 100 milliards de dollars d'ici 2004-2005.

Je prie instamment tous les députés de veiller à ce que le projet de loi soit adopté rapidement et, plus que toute autre chose, de se rappeler que tous les enfants canadiens bénéficieront de la hausse de la prestation fiscale canadienne pour enfants le 1er juillet.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vous félicite pour votre accession à la présidence. Je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-22 qui, comme le secrétaire parlementaire du ministre des Finances l'a fait remarquer, est un projet de loi fiscale très important dont la Chambre a été saisie il y a quelques jours sous la forme d'une motion des voies et moyens. Le projet de loi vise à donner effet aux modifications fiscales promises par le ministre des Finances dans son énoncé économique d'octobre, avant la dissolution du Parlement lors du déclenchement des élections.

Je dirai au départ que le projet de loi dont nous sommes saisis est un exemple classique des conséquences que peut entraîner la non supervision des lois, notamment de la législation fiscale, par le Parlement. Le projet de loi compte quelque 513 pages de modifications de détail. Je suis quasi certain que pas un seul député dans cet endroit, encore moins le secrétaire parlementaire qui vient d'intervenir ou le ministre qu'il représente, n'a lu ou ne va lire ce projet de loi. Il s'agit d'un texte qui a un impact énorme sur la vie des Canadiens par l'intermédiaire de la Loi de l'impôt sur le revenu et des pouvoirs de coercition qu'elle comporte. Environ 500 pages du projet de loi sont des modifications à une loi qui fait plus de 1 300 pages.

Je tiens à rappeler aux députés qu'en 1917, avant qu'il ne soit détruit par un incendie, le Parlement avait adopté une loi provisoire intitulée Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. Elle faisait sept pages. Le gouvernement de l'époque, dirigé par le premier ministre Borden, avait déclaré que la mesure était nécessaire seulement pour une courte période, afin de financer l'effort de guerre durant la Grande guerre et qu'il serait aboli peu de temps après. Cet impôt sur le revenu ne s'appliquait, à l'époque, qu'aux Canadiens très riches qui se trouvaient au sommet de l'échelle des revenus. Les autres Canadiens, pour la grande majorité, n'en étaient pas visés. Les politiques avaient alors expliqué que cet impôt n'était que provisoire et qu'il serait abrogé.

 

. 1310 + -

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui ne me donne pas l'impression d'abroger quoi que ce soit. Il renferme 500 pages d'amendements qui s'ajouteront à une loi de quelque 1 300 pages dont je doute qu'il se trouve une seule personne au Canada pour la comprendre en totalité. Il y aurait peut-être une minuscule poignée d'experts fiscaux, dans les milieux universitaires ou au ministère des Finances, qui auraient une vague idée de la myriade de dispositions complexes de la Loi de l'impôt sur le revenu que nous cherchons à modifier aujourd'hui. Cela témoigne du caractère extrêmement complexe du code des impôts auquel les Canadiens sont confrontés au quotidien.

Cette loi avait été adoptée en 1917, en toute bonne foi, par des parlementaires qui avaient promis aux Canadiens, dont ils prenaient l'argent pour financer l'effort de guerre, qu'elle serait abrogée. La promesse n'a pas été tenue. Non seulement la loi n'a pas été abrogée, mais on y a ajouté de nouvelles dispositions et on a élargi son champ d'application de façon à assujettir à ses dispositions un nombre toujours plus grand de Canadiens et, en fin de compte, toute la population active du Canada.

Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec un énorme ensemble complexe de dispositions fiscales qui entravent la nation en freinant sa créativité potentielle et en diminuant sa productivité. S'en trouve affaiblie notre compétitivité, et amoindrie la qualité de vie des familles canadiennes qui triment toujours tant et plus pour se tirer d'affaire, tout en perdant du terrain du fait de cette loi fiscale que le projet de loi propose de modifier.

Je tiens à préciser au nom de l'opposition officielle, l'Alliance canadienne, que nous sommes, par principe, farouchement opposés à ce gigantesque et complexe système destructeur qui pénalise le travail, l'investissement, la prise de risques et la création de richesses. Ce sont là les vertus et les coutumes sur lesquelles s'établit toute nation libre et prospère. Ces éléments subissent toutefois l'attaque des taxes en général et de ce système fiscal extrêmement complexe que nous connaissons au pays.

Un philosophe politique a dit un jour que le pouvoir d'imposition correspondait à un pouvoir de destruction. Le gouvernement a le droit d'avoir recours à son monopole sur la force coercitive pour tendre le bras tout puissant de l'État pour prendre aux individus, aux commerces et aux sociétés le fruit de leurs durs labeurs. Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir destructif que cela peut impliquer. Nous ne saurons jamais combien de petites entreprises et de rêves ont été détruits parce que des personnes ont été incapables de réaliser leur potentiel, de concrétiser leurs rêves de lancer leur entreprise et de la faire fructifier parce qu'elles n'arrivaient pas à garder suffisamment de leurs revenus pour maintenir leur tête en dehors de l'eau. C'est tout cela que ce projet de loi représente.

Je suis persuadé que le secrétaire parlementaire qui vient de prendre la parole ne s'est pas souvent penché sur les premiers principes de l'imposition. Il est important pour nous de nous rappeler de temps à autre dans cette enceinte du pouvoir énorme que nous confère ce pouvoir de prélever des impôts. Nous le faisons de façon un peu téméraire. Comme je l'ai dit, je suis certain qu'aucun des députés de cette Chambre n'a jamais lu le projet de loi en entier et ne le fera jamais.

J'ai moi-même essayé de mon mieux de comprendre le projet de loi. J'ai consulté les experts du ministère des Finances. J'ai reçu le texte il y a quelques jours à peine et je suis maintenant censé représenter l'opposition officielle qui a une obligation quasi constitutionnelle de surveiller les agissements du gouvernement, tout particulièrement dans des dossiers de ce genre. Je suis censé fournir une analyse et une évaluation complètes, détaillées et rationnelles du projet de loi dont les 500 pages de modifications de détail viennent à peine de nous être remises.

Je sais très bien que le ministre des Finances n'a pas lu le projet de loi et qu'il n'est, au mieux, que vaguement au courant des répercussions qu'entraîneront les modifications qu'il contient.

 

. 1315 + -

Ce projet de loi sera sans aucun doute renvoyé au Comité des finances même si l'opposition officielle s'y opposera pour un certain nombre de raisons, et je prévois que les audiences seront brèves, car aucun des membres n'arrivera à percer la complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Des fonctionnaires du ministère des Finances bien intentionnés et très brillants comparaîtront devant le comité pour expliquer et analyser du mieux qu'ils pourront l'incidence du projet de loi. Les membres du comité, qui sont élus pour représenter les intérêts de leurs électeurs et s'acquitter des fonctions de contrôle et d'examen au nom du Parlement, devront se fier à l'analyse des fonctionnaires. Le projet de loi sera ensuite renvoyé à la Chambre qui l'adoptera.

Les députés ne seront pas en mesure de comprendre ce qu'ils ont adopté en raison de la complexité du projet de loi. Le problème est très grave, mais il n'aurait pas dû exister. Dans une institution démocratique plus fonctionnelle, comme le Congrès américain, les chambres haute et basse ont des comités des voies et moyens composés de législateurs indépendants disposant d'un personnel nombreux. Les membres du personnel de ces comités sont devenus des spécialistes des complexités des lois fiscales ils sont capables d'élaborer des projets de loi de cette nature parce qu'ils comprennent véritablement ce qu'ils font. Le Congrès américain possède des comités constitués expressément pour étudier le pouvoir d'imposition et les lois fiscales.

Ainsi, les membres du Congrès et ceux qu'ils représentent peuvent réellement et sérieusement contrôler les lois fiscales et faire jouer leurs points de vues. Nous ne pouvons que prétendre que nos points de vue ont un poids semblable à la Chambre en raison de la nature dysfonctionnelle du Parlement et de la complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Comment est-ce que je sais cela? Comment puis-je prouver que l'étude de la législation fiscale ne fonctionne pas dans ce Parlement? C'est fort simple. Ce projet de loi et au moins trois autres dont la Chambre est saisie à l'heure actuelle renferment des modifications dont le but est de corriger des erreurs de rédaction contenues dans d'autres lois fiscales adoptées précédemment par le Parlement. Il est inacceptable qu'on gaspille ainsi sans cesse le temps précieux du Parlement pour corriger des erreurs faites dans la rédaction des lois fiscales. Ces erreurs n'ont pas été relevées par des députés, car nous n'avons pas les compétences, le temps ou les ressources nécessaires. À quoi sert d'examiner à fond un projet de loi s'il va être adopté de toute façon?

Nous n'avons pas le temps de nous assurer vraiment que les bureaucrates ne se trompent pas. Le ministre non plus n'a pas le temps. Il reçoit un avant-projet de loi de bureaucrates, l'approuve d'office et l'envoie au Parlement. Nous ne devrions pas perdre notre temps à corriger des erreurs des rédacteurs et des bureaucrates. Si nous avions un meilleur système prévoyant que le Parlement peut examiner plus en profondeur les mesures fiscales et participer à leur élaboration et si nous avions un code fiscal que les profanes, les contribuables ordinaires, peuvent comprendre, nous ne serions pas forcés de constamment réexaminer des projets de loi comme celui dont nous sommes maintenant saisis.

C'est pour ces raisons que mon parti est vraiment en faveur d'une réforme d'une simplification du code fiscal. Je vais vous citer l'énoncé de politiques de l'Alliance canadienne. Ce n'est pas le fruit de l'imagination d'une personne, mais d'un processus démocratique populaire. Nos membres se sont entendus pour déclarer que:

    Nous allons rétablir la confiance de la population envers le régime fiscal canadien en le rendant moins complexe. Nous allons rétablir l'indexation et adopter un régime plus simple, reposant sur...

Voilà une notion nouvelle pour un gouvernement qui aime mettre en oeuvre une politique fondée sur l'envie et la lutte des classes. Voici la suite:

      ...un taux d'imposition uniforme afin d'assurer que tous les Canadiens paient moins d'impôt. Nous croyons que tous les Canadiens ayant un revenu au delà d'un certain seuil devraient participer au financement des services fournis par le gouvernement, dont nous profitons tous.

C'est ce que nous cherchons à faire.

 

. 1320 + -

Le secrétaire parlementaire a soutenu que le projet de loi donnait suite à ce qu'il a qualifié, avec fort peu de sincérité, la plus importante réduction d'impôt de l'histoire canadienne. C'est de la foutaise. Il soutient que le projet de loi donne suite à la déclaration politique que le ministère des Finances a faite en octobre.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Après sept ans d'une lutte menée aux Communes par les réformistes, puis par l'Alliance canadienne, pour faire reconnaître l'allégement des impôts comme la plus grande priorité économique de notre pays, après que des millions de contribuables eurent réclamé une part un peu plus généreuse de leur salaire, et après que les Canadiens eurent fait comprendre qu'ils en avaient assez des hausses d'impôt des libéraux, le ministre des Finances a enfin proposé quelques modestes réductions d'impôt quelques jours avant le déclenchement des élections.

Toutefois, ce ne sont pas des réductions réelles pour des contribuables en chair et en os. Mais voyons ce que dit le talon de chèque. Ceux qui suivent les débats aux Communes nous verront, mes collègues et moi, réclamer au ministre des Finances des réductions d'impôt, et ils l'entendront répondre qu'il les a déjà accordées. Comment savoir qui dit la vérité? Je propose un test très simple.

M. Paul Szabo: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'ai besoin de quelques éclaircissements. Le député a dit que son parti appuyait l'adoption d'un taux d'impôt uniforme et, pourtant, aux dernières élections, le programme du parti ne mentionnait même pas cette question.

Le vice-président: Sauf tout le respect que je dois au député, j'ai beau chercher, je ne trouve nulle part dans son intervention quelque chose qui pourrait se rapprocher d'un rappel au Règlement.

M. Jason Kenney: Monsieur le Président, non seulement il ne s'agissait pas d'un rappel au Règlement, mais c'était tout à fait inexact, car notre programme faisait effectivement état de notre politique concernant un taux d'impôt uniforme.

Je veux que mes propos soient clairs. Les gens sont déroutés par les affirmations contradictoires au sujet de la réduction ou de la non-réduction des impôts. Ils peuvent en juger par eux-mêmes. Ils disposent de preuves documentaires très simples pour effectuer le test. Il s'agit de leurs talons de chèque de paie.

Je demande à tous ceux qui écoutent ou regardent le débat de jeter un coup d'oeil à leur dernier talon de chèque de paie et de le comparer à leur talon de chèque de la semaine ou du mois correspondants de l'année dernière. Ils verront que la prétendue réduction des impôts effectuée par les libéraux pour cette année était en fait une hausse des impôts. Il s'agit d'une réduction bidon.

Compte tenu des répercussions de la plus importante hausse des impôts dans l'histoire du Canada—effectuée au cours du présent exercice, à la dernière législature, au moyen du projet de loi C-2, plus précisément dans les charges sociales imposées au titre du Régime de pensions du Canada—et des nombreuses autres hausses d'impôt effectuées par le gouvernement ainsi que de la lenteur avec laquelle ses modestes réductions d'impôt seront appliquées, les Canadiens constateront que, dans la majeure partie des niveaux de revenu, ils paient plus d'impôts cette année qu'ils n'en ont payé l'année dernière.

S'ils n'en paient pas plus, c'est en raison de la prévoyance des gouvernements provinciaux. Leurs impôts provinciaux, par exemple, en Ontario et en Alberta, ont peut-être baissé grâce au leadership de personnes comme Mike Harris et Ralph Klein, mais leurs impôts fédéraux sont demeurés inchangés ou ont augmenté.

Le ministre des Finances et son secrétaire parlementaire soutiennent que le projet de loi prévoit une réduction des impôts de 100 milliards de dollars. Chaque fois que j'entends un beau chiffre rond comme celui-ci, cela me fait penser à des articles de magasin dont le prix a été fixé à 9,99 $. Le ministre des Finances s'est fait dire par des stratèges électoraux de lancer un beau chiffre rond dont il puisse se vanter pendant la campagne électorale. Ils ont décidé que ce serait 100 milliards de dollars. Or, ce n'est pas du tout le cas.

Le gouvernement prétend dans le projet de loi qu'il va offrir des allégements fiscaux globaux de 100,5 milliards de dollars, dont 3,2 milliards correspondraient à une augmentation des dépenses. Le gouvernement présente la prestation fiscale pour enfants, qui est un programme de prestations, un programme de dépenses, comme une réduction d'impôt. Nous voyons donc encore une fois les ministériels d'en face, ces modèles de comptabilité transparente, induire les Canadiens en erreur.

 

. 1325 + -

Il y a aussi le montant de 29,5 milliards dont le gouvernement a augmenté les cotisations au Régime de pensions du Canada. À la suite d'énormes pressions de la part de notre parti, de la Fédération canadienne des contribuables et des Canadiens, le gouvernement a finalement décidé de mettre fin à la ponction fiscale indirecte que représentait la désindexation du système fiscal, qui faisait passer les contribuables dans une tranche supérieure d'imposition du seul fait de l'augmentation de leur rémunération en fonction de l'indice du coût de la vie et non à cause d'une véritable augmentation de leur revenu.

L'Alliance canadienne s'est objectée à cette désindexation. Le gouvernement a finalement réagi à nos objections en nous volant notre politique et a accepté de réindexer le système fiscal, mais non rétroactivement à 1986 quand le gouvernement Mulroney l'avait désindexé.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour dire qu'aux élections de 1988 et de 1993 le Parti libéral a fustigé le Parti conservateur pour avoir désindexé le régime fiscal en 1986. Cependant, lorsque les choses ont fini par se rétablir, a-t-il fait marche arrière pour remettre aux contribuables l'argent qu'il était aller chercher dans leurs poches par le truchement des impôts et de l'inflation depuis 1986? Bien sûr que non. Il a rétabli l'indexation sans redonner aux contribuables les quelque 9 milliards de dollars qu'ils avaient perdus à cause de la désindexation.

Les libéraux nous disent qu'ils vont rajuster à la hausse les fourchettes d'imposition, les exemptions et les crédits pour tenir compte de l'indice des prix à la consommation, faisant en sorte de ne plus imposer les contribuables sur l'inflation. C'est bien, mais ils annoncent cela comme une réduction d'impôt. Autrement dit, aux yeux du gouvernement, une non-augmentation d'impôt devient une réduction d'impôt. Ils disent aux Canadiens qu'ils ne seront pas imposés sur l'inflation et s'attendent à être remerciés à genoux pour avoir consenti des réductions d'impôt. Il y a des comptables sur ce parquet qui doivent trouver ça pas mal trompeur. Il s'agit de non-réductions d'impôt trompeuses d'une valeur de 21 milliards de dollars, qui ne sont en fait que des non-augmentations d'impôt.

Une fois les calculs faits, le total net réel de la réduction d'impôt dont fait état le projet de loi que nous avons devant les yeux est de 47 milliards de dollars sur cinq ans, soit environ la moitié de l'allégement fiscal qu'a proposé l'Alliance canadienne en se basant sur une méthode de calcul comparable. C'est une fraction de l'allégement fiscal de 1,6 à 2,3 billions, dépendant de la méthode de calcul choisie, que propose le président Bush aux États-Unis sur une période de 10 ans. Pas mal pour un pays où les impôts sont déjà peu élevés.

Le problème ne serait peut-être pas aussi grand si le fardeau fiscal du Canada était déjà maîtrisé dans notre pays. Cependant, ce n'est pas le cas. Les recettes du gouvernement fédéral ont atteint leur plus haut niveau historique l'année dernière. Le gouvernement soutire davantage des goussets et des bourses des gens, et des caisses des petites entreprises, que tout autre gouvernement depuis les débuts du Dominion. À lui seul, l'impôt sur le revenu des particuliers au Canada accapare un pourcentage du produit intérieur brut supérieur à ce que l'on peut constater dans tous les autres pays du G-8. Chez nous, l'impôt sur le revenu des particuliers se situe à 17,6 p. 100 du PIB.

Selon une étude récente de Price, Waterhouse, publiée dans The Economist, notre impôt sur les sociétés est le plus élevé de tous les pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques qui regroupe les 23 principaux pays industrialisés. De ces 23 pays, nous sommes le premier, le numéro un en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés.

En examinant tout le dossier, on constate que le projet de loi ne va rien changer à tout cela. Une fois les réductions d'impôt entièrement mises en oeuvre et une fois les modifications de Bush apportées à l'impôt aux États-Unis, le taux de l'impôt demeurera encore bien plus élevé au Canada qu'aux États-Unis et que dans tous les pays qui sont nos principaux concurrents; or, cette situation a un impact sur notre compétitivité et notre niveau de vie. Nous le savons.

 

. 1330 + -

Nous savons que les Canadiens travaillent plus fort que jamais et qu'ils perdent du terrain. Nous savons que l'exode des cerveaux prend de l'ampleur, que l'on perd des talents et du capital humain au profit des États-Unis et de certaines autres régions, largement à cause du fardeau fiscal.

Nous savons que, au cours des 15 dernières années, le Canada est passé de la deuxième à la seizième place parmi les pays de l'OCDE pour ce qui est du niveau de vie. Nous étions au deuxième rang quant au PIB par habitant et nous sommes maintenant au seizième rang, en plein milieu de la liste. Durant les dix dernières années, l'Irlande par exemple a devancé le Canada quant à la croissance de son PIB par habitant, ce qui est le meilleur critère pour mesurer le niveau de vie, en grande partie parce qu'elle accorde des incitatifs fiscaux considérables.

Un député d'en face a soutenu que c'était attribuable à autre chose que l'allégement fiscal. Mon frère a déménagé à Dublin une entreprise qui avait 30 emplois très bien rémunérés, justement à cause des impôts plus bas et de l'avantage énorme qu'offre l'Irlande par rapport au Canada.

Ce projet de loi ne rétablirait pas la compétitivité du Canada. Il continuerait d'imposer aux Canadiens un lourd fardeau pendant longtemps encore.

Le projet de loi renferme d'autres dispositions que nous rejetons, mais il y a deux ou trois éléments qui vont dans la bonne direction. La réduction du taux d'inclusion des gains en capital à 15 p. 100 est une mesure qui aurait dû être appliquée depuis longtemps. Nous aimerions que ce taux d'inclusion descende à 33 1/3 p. 100 pour qu'on arrête de pénaliser ceux qui investissent toute leur vie dans une entreprise ou une propriété. C'est une forme de taxe successorale. Nous travaillons fort toute notre vie, nous investissons dans une entreprise ou une propriété et nous désirons ardemment léguer tout cela à la génération suivante. Il se peut que nous, personnellement, ne puissions pas en profiter, mais le pire, c'est qu'à notre décès, le gouvernement du Canada arrive avec les supposés gains en capital, qui sont une forme d'impôt sur les biens transmis par décès ou de taxe successorale, et s'accapare le tiers de l'argent que la personne a gagné et investi toute sa vie durant. C'est inacceptable. Le gouvernement ne devrait pas s'accaparer ainsi les investissements qu'une personne a faits tout au long de sa vie. On ne devrait pas réduire sa capacité de transmettre à la génération suivante les économies de toutes sa vie, mais on le fait au moyen des supposés gains en capital.

Le projet de loi renferme aussi quelques modifications d'ordre administratif. Par exemple, il y en a une que nous acceptons fort mal et c'est le fait que le projet de loi maintient, accentue même, le caractère injuste du traitement prévu aux termes du code des impôts aux familles à revenu unique.

La Chambre se souviendra que c'était une question brûlante au cours de la dernière législature. Le secrétaire d'État aux Institutions financières, en réponse à une question que je lui posais pour chercher à savoir pourquoi le gouvernement faisait preuve de discrimination à l'égard des familles ayant des enfants et un seul revenu et pourquoi le fardeau fiscal de ces familles pouvait être jusqu'à 80 p. 100 plus élevé que celui de leurs homologues ayant deux revenus, a dit que le gouvernement faisait preuve de discrimination envers les familles à revenu unique parce qu'elles ne travaillaient pas aussi fort et qu'elles n'avaient pas autant de frais que les familles à revenu double. Il dresse ces familles les unes contre les autres.

Comme nous le disions alors et comme je le répète maintenant, le secrétaire d'État devrait savoir que les papas et les mamans qui restent à la maison pour élever leurs enfants, pour s'occuper de leurs parents âgés ou infirmes, pour assurer la cohésion de leur famille et pour lui offrir un véritable foyer, travaillent aussi fort, voire plus fort, que ceux d'entre nous qui font partie de la main-d'oeuvre rémunérée. Ils méritent notre respect et exigent que le code fiscal les traite de manière équitable.

La discrimination exercée actuellement par le code fiscal contre ces familles doit être éliminée et faire place à l'équité. L'Alliance propose, entre autres, de rendre l'exemption de base du conjoint égale à l'exemption personnelle de base.

En vertu de ce projet de loi, nous continuons à avoir deux classes de citoyens: les salariés principaux et leurs conjoints. Ils valent autant les uns que les autres et ce fait devrait être inscrit dans le code fiscal sous la forme d'une exemption du conjoint d'un montant égal à celui de l'exemption personnelle de base, ce qui n'est pas le cas ici. Nous continuerions à pénaliser les parents qui restent chez eux.

 

. 1335 + -

Nous proposons de porter le montant de l'exemption personnelle de 8 000 $, montant qu'elle finira par atteindre dans plusieurs années aux termes de ce projet de loi, à 10 000 $. Ce faisant nous pourrions rayer du rôle d'imposition des centaines de milliers de familles laborieuses qui, au lieu de donner leur argent au gouvernement pour qu'il le dépense à tort et à travers, pourrait l'investir dans des choses à eux, dans leurs enfants et dans leurs maisons.

Nous accorderions aussi une déduction fiscale pour enfants. Nous accorderions une déduction de 3 000 $ par enfant de manière à permettre aux familles ayant des enfants de garder une portion plus importante de ce qu'elles gagnent en reconnaissance de ce qu'il en coûte d'élever des enfants.

Que fait le gouvernement? Absolument rien. Bien au contraire, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui porte la soi-disant déduction pour frais de garde d'enfants de 7 000 $ à 10 000 $. C'est là un autre exemple de discrimination, car seules certaines familles pourraient bénéficier de cette déduction pour frais de garde d'enfants. Seules les ménages bi-actifs qui ont des reçus pour frais de garde d'enfants peuvent s'en prévaloir. Très peu de déclarants, soit seulement 17 p. 100, pourraient réclamer cette déduction, et encore moins pourraient la réclamer en entier.

Si la mère est le principal soutien économique d'une famille de trois enfants et le père décide de rester à la maison jusqu'à ce que les enfants aillent à l'école, selon le code des impôts, le travail du père n'est pas déductible. Selon le code, ce travail n'a aucune valeur pour la société et n'est donc pas reconnu. Toutefois, si un parent décide de toucher un second revenu et de laisser les enfants à la garderie pendant qu'il le gagne, le gouvernement fédéral reconnaît les frais de garde d'enfants à l'égard de ce troisième revenu. Ce qu'il en coûte pour rester à la maison, ce qu'il en coûte en possibilités perdues et en manque à gagner, ce qu'il en coûte réellement pour élever des enfants à la maison, cela n'est reconnu nulle part.

Il est intolérable que l'on accentue la discrimination contre les parents à revenu unique. Nous contesterons le projet de loi pour ce seul motif.

Le projet de loi contient un élément qui contribue à éroder encore plus la reconnaissance par le Parlement du rôle et du statut uniques et importants de l'institution du mariage dans notre société et dans notre culture. Il s'agit des modifications visant à remplacer toute mention de conjoint par conjoint de fait.

C'est là une modification qui remonte à un projet de loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu qui a été présenté au cours de la dernière législature mais, dans l'une des nombreuses erreurs auxquelles j'ai fait allusion plus tôt, les hauts fonctionnaires ont négligé de modifier certains articles du projet de loi, alors que dans diverses dispositions, on a pour ainsi dire aboli de la Loi de l'impôt sur le revenu les mentions faites au sujet des époux unis dans l'institution du mariage, une institution privilégiée qui, dans notre société et dans toutes les autres que je connais, s'est vu conférer certains privilèges parce qu'elle est l'institution fondamentale de notre société, celle sur laquelle repose la famille.

On dit, depuis des temps immémoriaux, que l'on devrait accorder la préférence à l'institution du mariage et lui consentir certains privilèges afin de protéger la famille. Pourtant, dans ce projet de loi, nous portons encore une fois atteinte au caractère distinct de cette institution en mentionnant les conjoints de fait plutôt que les époux.

Le Parlement ou notre pays ne devrait pas avoir honte de dire que l'engagement des époux dans un pacte matrimonial est une relation contractuelle fondamentale dans le développement de liens familiaux solides et sains qui sont indispensables si nous voulons une société forte et saine.

Nous nous opposons aussi à ce projet de loi pour cette raison: parce qu'il mine et affaiblit l'institution du mariage encore plus.

 

. 1340 + -

Il y a de nombreuses autres dispositions du projet de loi que l'Alliance trouve discutables. Ce projet de loi propose certaines modifications de forme auxquelles nous ne nous opposons pas. Voici un exemple intéressant: celui sur le crédit d'impôt pour les acteurs non-résidents. La plupart des gens se demandent de quoi il s'agit. Il appert que nous retenons actuellement 15 p. 100 du revenu des acteurs d'Hollywood qui viennent ici au Canada jouer dans des productions cinématographiques hollywoodiennes. Nous nous réservons alors le droit de les obliger à produire une déclaration d'impôt et de les imposer davantage.

Les acteurs de cinéma d'Hollywood ont versé des larmes de crocodile et dénoncé le traitement fiscal inéquitable que leur réservait le Canada. Le gouvernement, celui-là même qui n'a pas la marge de manoeuvre fiscale nécessaire pour aider les familles à un seul revenu, a donc décidé d'accorder dans ce projet de loi un allégement fiscal à l'intention d'acteurs de Hollywood qui sont millionnaires. Sylvester Stallone et Bruce Willis vont être les premiers à bénéficier d'un allégement fiscal du gouvernement. Pendant ce temps, les parents qui se débrouillent avec un seul revenu peuvent rester à la maison, ils n'auront droit à rien.

Le gouvernement fait passer la retenue d'impôt de 15 à 23 p. 100, une bien modeste augmentation, mais ajoute que les acteurs ne seront pas tenus de remplir de déclaration d'impôt au-delà de ce montant. Ces gens gagnent des millions de dollars et sont imposés au taux marginal le plus élevé.

Des employés de mon bureau ont appelé des producteurs de films, des acteurs d'Hollywood, des associations d'acteurs, et ainsi de suite pour savoir ce qu'ils pensaient de la décision du gouvernement. Ils étaient en faveur de cette mesure, car ce serait une sacrée réduction d'impôt pour les millionnaires que sont les stars d'Hollywood. Ils disent que si la loi n'est pas modifiée de cette façon, ils ne viendraient peut-être plus travailler au Canada. Les priorités du gouvernement en matière d'allégement d'impôt sont très bizarres.

L'Alliance canadienne a proposé de porter à 10 000 $ l'exemption de base pour les individus et les conjoints ou l'équivalent de conjoint. Nous proposons une déduction d'impôt de 3 000 $ par enfant. Qu'est-ce que cela veut dire? Si l'Alliance canadienne était au pouvoir, cela voudrait dire qu'une famille avec deux parents et trois enfants, ne paierait pas d'impôt sur la première tranche de revenu de 29 000 $. Cela voudrait dire qu'une mère seule pourrait bénéficier pour son premier enfant d'une déduction de 10 000 $ au titre de l'équivalent de l'exemption de marié, ce qui veut dire qu'une mère seule avec deux enfants ne paierait pas d'impôts sur la première tranche de revenu de 23 000 $.

Ces mesures permettraient de rayer 1,4 million de personnes à faible revenu du rôle d'imposition et d'aider ces personnes à améliorer leur situation. Ces personnes ne seraient plus pénalisées parce qu'elles touchent ce petit revenu additionnel qui leur permet d'améliorer un peu leur situation. Le gouvernement ne prend aucune mesure dans le projet de loi pour rayer ces personnes du rôle d'imposition.

Quand notre parti a fait cette audacieuse et puissante proposition d'établir un taux d'impôt uniforme de 17 p. 100, rayant du même coup 1,4 million de contribuables à bas revenu du rôle d'imposition, afin de rétablir l'équité fiscale en faveur des familles, le gouvernement a constaté que cette idée était assez populaire, qu'elle se portait bien dans les sondages et qu'il devait donc battre l'opposition à son propre jeu. Qu'a fait le gouvernement? Il a proposé un nouveau taux de base de 16 p. 100 dans le projet de loi, et a pensé que les Canadiens n'y verraient que du feu. Après tout, 16 p. 100, c'est mieux que 17 p. 100.

Oui, certes. Mais pour les contribuables qui touchent les plus bas revenus, nos hausses de l'exemption de base et des déductions sont beaucoup plus généreuses. Ce que les libéraux veulent, c'est qu'une mère célibataire travaillant comme serveuse paie 16 p. 100 de son maigre revenu. En vertu de notre plan, les contribuables à bas revenu ne paieraient pas d'impôts du tout parce que nous voulons que ces gens-là s'en sortent à l'aide de déductions et d'exemptions plus élevées à l'extrémité inférieure de l'échelle fiscale.

En guise de conclusion, j'invite le gouvernement à penser à l'énorme complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu et au pouvoir destructeur de cette complexité sur notre économie et notre société. Il devrait penser aux dizaines de milliers de jeunes Canadiens dont nous avons subventionné l'éducation qui quittent le pays tous les ans pour profiter de possibilités économiques ailleurs en raison surtout du peu de possibilités qui s'ouvrent à eux au Canada du fait de la voracité de notre régime fiscal.

 

. 1345 + -

Je veux qu'il songent aux familles à faible revenu, aux mères célibataires et aux personnes âgées à revenu fixe qui doivent payer de l'impôt. Je veux qu'ils rêvent avec nous à la création d'un régime fiscal simple, juste, assurant un taux d'imposition peu élevé, qui récompense la prise de risques, l'investissement et la productivité, qui eux-mêmes récompensent les vertus autour desquelles s'articule une société prospère.

Je veux les inviter les partis d'opposition, à se joindre à nous pour proposer un régime fiscal qui retire les personnes à faible revenu du rôle d'imposition, qui place la famille au premier rang, qui rétablisse l'équité dans le système d'imposition et qui mette fin à cette politique d'envie entre les différentes classes qui alimente le soi-disant système d'impôt progressif en vertu duquel on pénalise ceux qui réussissent, qui travaillent fort et qui ont de l'initiative.

J'invite les jeunes Canadiens à faire tout cela en s'opposant au projet de loi C-22, un autre texte de loi qui ajoute un couche délétère à la loi originale de l'impôt sur le revenu, adoptée dans cette enceinte en 1917. J'espère qu'ils nous appuieront et travailleront avec nous à la création d'un milieu économique qui récompense la prise de risques, l'épargne, l'investissement et le dur labeur. C'est ce que demandent les Canadiens et c'est ce pour quoi nous allons nous battre en nous opposant au projet de loi.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi C-22 mettant en application certaines dispositions du dernier budget du ministre des Finances du Canada.

Je vous annonce d'emblée que nous voterons contre ce projet de loi puisque nous avons dénoncé à maintes reprises, non seulement au cours du budget régulier de mars 2000, mais aussi lorsque le ministre des Finances a déposé son mini-budget à l'automne, le fait que les immenses ressources fiscales dont il disposera au cours des cinq prochaines années sont mal utilisées.

Quand on parle d'immenses ressources fiscales, la situation n'a pas changé, même avec les perspectives d'un ralentissement du côté des Américains. Nous y reviendrons un peu plus tard. Au cours des cinq prochaines années, même en tenant compte d'un ralentissement pour l'année 2001-2002 lié à celui des États-Unis, le ministre des Finances disposera, au cours des cinq prochaines années, d'un montant approximatif de 135 milliards de dollars de surplus.

C'est beaucoup d'argent, 135 milliards de dollars. C'est légèrement en baisse par rapport à ce qu'il prévoyait l'an passé à cause, justement, de la situation américaine. L'an passé, on parlait d'un surplus de 147 milliards de dollars environ. Maintenant, on parle d'un surplus de 135 milliards de dollars. Mais la possibilité de faire des choix autour de ces immenses surplus demeure sensiblement la même.

Le ministre des Finances est confronté à une situation où par diverses mesures, des mesures injustes, il s'est créé, sur le dos d'à peu près tout le monde, des surplus annuels qui atteindront des niveaux records au cours des cinq prochaines années.

Il a accumulé ces surplus, et il continuera de le faire, sur le dos des chômeurs. Il ira puiser à même les surplus de la caisse d'assurance-emploi, entre cinq et six milliards de dollars par année pour créer son surplus budgétaire. Ce sont cinq à six milliards de dollars par année de contributions des employeurs et des employés, de contributions qui sont tout à fait étrangères à celles du gouvernement fédéral. Cela fait plusieurs années que le gouvernement fédéral ne contribue plus à ce fonds, mais il va quand même y puiser cinq à six milliards de dollars par année. C'est honteux.

Au cours des dernières années, c'est 38 milliards de dollars de surplus dans la caisse d'assurance-emploi que le ministre des Finances est allé chercher. Cet argent vient de la poche des employeurs, des travailleurs et surtout des chômeurs. Il ne faudrait pas oublier que si les surplus s'accumulent à un rythme aussi effréné dans la caisse d'assurance-emploi, c'est parce que, d'une part, les cotisations des employeurs et des employés sont trop élevées et que, d'autre part, on a exclu la majorité des chômeurs et des chômeuses du régime d'assurance-emploi.

Je rappelle que seulement 43 p. 100 des gens qui tombent en chômage ont effectivement droit à l'assurance-emploi. Les mesures correctrices apportées par le gouvernement vont soulager une partie de ces exclus, une infime partie, mais pas la totalité. Malgré l'amélioration découlant du projet de loi concernant l'assurance-emploi, on ne touchera pas la majorité des exclus.

 

. 1350 + -

Le ministre des Finances va continuer, année après année, à empocher au moins cinq des six milliards prévus dans la caisse d'assurance-emploi pour grossir son surplus budgétaire, se faire une belle jambe et accorder des baisses d'impôt aux plus riches de la société canadienne.

En outre, il ne faudrait pas oublier que le ministre des Finances a construit ces surplus et continuera de construire ces surplus budgétaires sur le dos des provinces.

Pendant six ans, le ministre des Finances a coupé dans les transferts aux provinces pour financer l'éducation, la santé et la sécurité du revenu. C'est de l'argent que les provinces n'avaient pas, année après année, pour répondre aux besoins des citoyens.

Les surplus sont à Ottawa et les besoins sont dans les provinces. Le secteur de la santé a besoin d'argent; le ministre des Finances en a plein. Le ministre des Finances a réglé, l'année dernière, un certain redressement des fonds, mais il en manquera encore, année après année, pour tenir compte de l'évolution des coûts dans le secteur de la santé, notamment, à cause du vieillissement de la population. Il manquera environ deux milliards de dollars par année au chapitre des transferts. Il manquera 10 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

On sait qu'étant donné le vieillissement de la population, il y a une augmentation naturelle de 3 p. 100 des besoins du secteur de la santé, au Québec comme ailleurs au Canada. Cette augmentation est uniquement liée au facteur de vieillissement de la population. Le ministre des Finances n'a pas tenu compte de cet effet et les surplus s'accumulent encore dans ses coffres.

Encore cette année, malgré le ralentissement américain, le ministre des Finances va empocher un surplus de 18 à 20 milliards de dollars environ. C'est facile d'aller chercher ces surplus lorsqu'on ne fait rien soi-même pour les réaliser, mais qu'on fait faire la job par les provinces en coupant dans les transferts, en ne prévoyant pas une indexation pour tenir compte des besoins urgents en matière de santé et d'éducation et en puisant effrontément dans les surplus accumulés dans la caisse d'assurance-emploi. C'est facile d'accumuler les surplus dans ces circonstances.

Nous croyons que le ministre des Finances, avec les surplus de cette année et les surplus des quatre années suivantes, est capable de faire beaucoup plus que ce qu'il a prévu dans son plan quinquennal. Il est capable d'aller cibler des clientèles qui en ont besoin. Quand on parle, par exemple, des baisses d'impôt, le ministre des Finances a prévu des baisses d'impôt considérables pour les gens qui gagnent 250 000 $ et plus.

Dès cette année, ces gens—il n'y en a pas beaucoup—qui gagnent plus de 250 000 $ et plus et les autres à leur suite, les millionnaires, les milliardaires, vont bénéficier de baisses d'impôt considérables. Ils vont aller chercher l'essentiel, soit environ 70 p. 100 de toutes les baisses d'impôt prévues par le ministre des Finances. Si vous gagnez 250 000 $ cette année, vous êtes chanceux. Vous récoltez la palme d'or au niveau des baisses d'impôt liées soit aux modifications au niveau de l'inclusion partielle des gains en capital, soit en baisses d'impôt comme telles ou en indexation. Vous allez chercher entre 9 000 $ et 11 000 $ au minimum en baisses d'impôt.

Si vous êtes une famille monoparentale avec enfants à charge, vous êtes moins chanceux. Vous allez chercher autour de 250 $ en baisses d'impôt cette année. Belle équité, belle justice sociale.

Dans les propositions que nous avons faites, avec les mêmes ressources fiscales que celles prévues par le ministre des Finances pour les cinq prochaines années, nous, du Bloc québécois, préconisions des mesures qui auraient fait en sorte que dès cette année, les familles gagnant 35 000 $ et moins n'auraient payé aucun sou d'impôt. Les autres auraient bénéficié de baisses d'impôt de plus de 50 p. 100. C'est cela être progressiste. C'est cela voir les besoins de la population, les vrais besoins de la population.

Le ministre des Finances aurait pu orienter ses ressources fiscales vers la majorité des contribuables, comme nous l'avons fait. Neuf contribuables sur dix auraient pu bénéficier de nos propositions; pas 1 p. 100 de la population des contribuables, les plus riches, la clientèle du Parti libéral, la clientèle du ministre des Finances millionnaire, mais neuf contribuables sur dix: 90 p. 100.

Si nous sommes capables de faire ces propositions avec les mêmes chiffres de base que le ministre des Finances, pourquoi le ministre des Finances n'a-t-il pas adopté ce genre de direction?

 

. 1355 + -

Le ministre des Finances, avec les ressources fiscales des cinq prochaines années et en prenant en considération le ralentissement américain—nous avons refait nos estimations—, aurait pu consacrer 5 des 6 milliards de dollars de surplus à la caisse d'assurance-emploi annuellement. Il aurait pu le faire à tous les ans au cours des cinq prochaines années, pour améliorer le régime, pour en donner aux chômeurs, pour faire en sorte que les 57 p. 100 de chômeurs et chômeuses exclus du régime puissent de nouveau en bénéficier.

Les travailleurs saisonniers, les femmes, les jeunes surtout, qui sont les principales victimes du régime sauvage d'assurance-emploi imposé par ce gouvernement, auraient pu bénéficier, dès cette année, d'un traitement décent au niveau de l'assurance-emploi.

Pourquoi sommes-nous capables, à tous les ans, d'avoir un scénario où 5 milliards de dollars par année restent dans la caisse d'assurance-emploi, bénéficient aux jeunes, aux femmes, aux familles aussi? On parle de régime de congé parental à Québec, d'un bon régime, pas d'un régime bidon comme celui qu'on nous présente. Pourquoi sommes-nous capables, avec les surplus que nous prévoyons, d'arriver à réaliser ces choses? C'est parce que nous pensons, nous, du Bloc québécois, que nous sommes là pour servir d'abord et avant tout les citoyens et les citoyennes, les familles, les gens qui sont parmi les plus démunis, ceux qui font partie de la catégorie des familles à revenu moyen. C'est la vache à lait du gouvernement fédéral, celle où puise le gouvernement fédéral depuis qu'il a pris le pouvoir, en 1993.

Il ne faut pas oublier que les 9 contribuables sur 10 que nous voulions faire bénéficier des baisses d'impôt, étant donné les surplus incroyables qui vont s'accumuler dans les coffres fédéraux, sont ceux qui contribuent aux impôts et aux taxes sur une base très largement majoritaire. C'est auprès des gens, dont le revenu se situe entre 25 000 $ et 80 000 $ par année, des familles qui ont un tel revenu, que nous allons puiser l'essentiel des taxes et des impôts fédéraux.

Lorsque les surplus s'accumulent, on ne pense pas à ces familles-là. On ne pense pas à celles et à ceux qu'on a égorgés au cours des dernières années. On ne songe pas à les faire bénéficier de la conjoncture des surplus. On songe à en faire bénéficier les millionnaires. C'est cela, la belle justice sociale de ce gouvernement.

Le logement social, n'en parlons même plus. Ce n'est pas la priorité du gouvernement. Le gouvernement ne met plus un sou dans le logement social depuis 1993. Les besoins sont immenses. Depuis cette date, le nombre de ménages qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu au logement a presque doublé. Quand 50 p. 100 du revenu est consacré au logement, il en reste seulement 50 p. 100 pour se nourrir, nourrir ses enfants et se vêtir.

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable député, mais il lui restera 28 minutes pour faire ses remarques après la période des questions.

*  *  *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE COMPTE RENDU OFFICIEL—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Avant de commencer la période des Déclarations de députés, je dois dire quelque chose au sujet du rappel au Règlement soulevé hier par le leader du Bloc québécois à la Chambre concernant la réponse donnée par le premier ministre à une question que le leader du Bloc québécois avait posée le 21 mars 2001.

Le député de Roberval soutient que le Bureau du premier ministre serait intervenu indûment dans le processus de publication des comptes rendus pour faire modifier la réponse du premier ministre telle qu'elle se présentait dans les «bleus», et qu'il en résulte un important changement de fond dans la version publiée dans le hansard. Plus précisément, il affirme que les mots «nous n'avions pas d'intérêt financier» ont été remplacés par les mots «nous n'avions pas de parts», et que ce changement constitue une modification substantielle qui n'est pas acceptable dans le cadre de nos pratiques habituelles.

[Traduction]

J'ai eu l'occasion d'examiner tous les renseignements pertinents à cet égard, soit l'enregistrement vidéo de la question et de la réponse, les «bleus» et la version officielle du hansard, et j'ai demandé et reçu un rapport de mes collaborateurs à ce sujet. Voici ce que j'ai appris.

[Français]

L'enregistrement vidéo de l'échange contient la réponse du premier ministre dans laquelle on retrouve les mots «nous n'avions pas de parts», comme l'indique la version officielle du hansard.

 

. 1400 + -

Toutefois, il faut convenir que ce segment de l'enregistrement est difficile à comprendre et il peut y avoir eu dans la réponse quelques mots supplémentaires qui restent difficiles à déchiffrer à l'écoute de l'enregistrement. Il semble que, lors de la préparation des «bleus», le responsable de la transcription a cherché, comme cela se fait souvent lorsqu'une partie de l'enregistrement est difficile à décoder, à dégager le contexte de la question à partir des mots utilisés par la personne qui l'a posée. Par conséquent, les mots «nous n'avions pas d'intérêt financier» paraissent dans les «bleus» qui sont, je le rappelle aux honorables députés, une copie préliminaire non révisée de la transcription des débats de la Chambre.

Le remplacement des mots «nous n'avions pas d'intérêt financier» figurant dans les «bleus» par les mots «nous n'avions pas de parts» dans les Débats a été effectué par les réviseurs du hansard qui, après avoir écouté l'enregistrement vidéo, en sont arrivés à la conclusion, et j'invite les députés à faire de même, qu'il s'agissait là de la transcription exacte des paroles prononcées par le premier ministre dans sa réponse.

[Traduction]

Je suis convaincu qu'il n'y a eu aucune manoeuvre indue et aucune ingérence dans le processus habituel de la préparation du compte rendu officiel des débats de la Chambre. Je remercie le député de son intervention.

[Français]

Par conséquent, j'en conclus que les allégations du député de Roberval sont sans fondement et que la question est réglée.



DÉCLARATION DES DÉPUTÉS

[Français]

LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre, désigné par seulement 203 péquistes du Québec, déclare que les dollars sont à Ottawa et les besoins à Québec.

M. Landry et ses députés se sont bien gardés d'évoquer les études de Richard Le Hir sur la souveraineté qui s'étaient soldées par un grand fiasco pour le Parti québécois sous Jacques Parizeau.

Les coffres du gouvernement du Québec sont pleins à craquer; 983 millions de dollars de plus viendront d'Ottawa en péréquation cette année, 500 millions de plus l'an prochain. Québec n'a engagé que 10 des 730 millions de dollars qu'il a parqués dans huit organisations à but non lucratif et recevra un milliard de dollars de transferts fédéraux de plus cette année pour la santé, sans oublier un trésor de 840 millions qui dort toujours en fiducie à Toronto.

Ce que les Québécois espèrent le plus ce n'est pas un référendum, c'est une baisse substantielle de leurs impôts et l'élimination de l'indexation des tables d'impôt québécois, de la même manière que le gouvernement du Canada l'a fait.

*  *  *

[Traduction]

LA SANTÉ

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai rappelé à la Chambre les préoccupations de ma circonscription essentiellement rurale au sujet de la fièvre aphteuse. Les lettres et les appels téléphoniques n'ont pas cessé et les craintes ne sont toujours pas dissipées, tandis que les soldats britanniques continuent d'être déployés dans des camps comme Wainwright, Suffield et Cold Lake.

Nous espérons que ces craintes s'apaiseront quelque peu au vu des bulletins d'information indiquant qu'on n'enverra pas au Canada les soldats britanniques ayant aidé les civils au Royaume-Uni à se débarrasser des carcasses et que des précautions rigoureuses sont prises, notamment tremper les chaussures et autres articles personnels dans du désinfectant.

Que les ministres de la Défense et de l'Agriculture en soient prévenus. L'industrie de l'élevage est vitale pour un grand nombre de mes électeurs. La vigueur de l'économie de l'Alberta est largement tributaire de la santé de l'industrie de l'élevage.

Les ministres doivent faire tout en leur pouvoir pour empêcher la propagation de la fière aphteuse au Canada. Il leur incombe de sauvegarder le gagne-pain de mes électeurs de Crowfoot.

*  *  *

L'AUTISME

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, j'appuie mes électrices, Margaret McIntosh et Karen Taylor, qui veulent attirer votre attention sur la situation des familles qui ont à leur charge des enfants autistes.

L'autisme est un trouble neurologique du développement qui est à l'origine de graves difficultés de communication et de problèmes d'interaction sociale et de comportement. Les statistiques révèlent que 1 enfant sur 200 souffre d'une forme d'autisme, une augmentation de 500 p. 100 depuis dix ans. Les parents ont désespérément besoin de services et de soutien.

Margaret et Karen se tournent vers le Geneva Centre for Autism pour les services et le soutien nécessaires. Le centre ne peut y réussir à lui seul et doit faire appel au concours financier de la collectivité. Je félicite le Geneva Centre et j'encourage la communauté à lui accorder le soutien nécessaire pour qu'il puisse continuer d'accomplir son travail très important auprès des enfants autistes.

*  *  *

LA JOURNÉE MONDIALE DU THÉÂTRE

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, j'invite aujourd'hui les Canadiens à célébrer la Journée mondiale du théâtre. Instituée en 1962 par l'Institut international du théâtre et par l'UNESCO, la Journée mondiale du théâtre est célébrée dans plus de 90 pays.

Au Canada, les célébrations visent à reconnaître tous les Canadiens qui travaillent dans le monde du théâtre, à savoir les acteurs, les décorateurs, les directeurs, les professeurs de théâtre, les dramaturges, les producteurs ainsi que les nombreux mécènes et bénévoles qui appuient diverses communautés artistiques.

[Français]

Le théâtre est inspirant pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens. Il nous offre l'occasion de nous émerveiller, de rire, de pleurer et de réfléchir. Cet art s'insère bien dans notre société.

 

. 1405 + -

Je prends pour preuve l'importance que prennent de plus en plus nos salles de spectacles. Cette année, le Théâtre du Nouveau Monde de Montréal fête ses 50 ans. Au cours de ces années, ce théâtre a su présenter des produits de qualité appréciés autant par le monde du spectacle que par le public.

[Traduction]

Par l'entremise de ses divers programmes, le gouvernement fédéral est fier de participer à la promotion du théâtre canadien.

*  *  *

LES MINES

M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Monsieur le Président, l'industrie minière canadienne est un chef de file et l'un des quelques secteurs industriels du Canada dont la connaissance, la technologie, l'expertise et le leadership dominent à l'échelle internationale.

Cette réussite n'est certes pas un héritage du passé. L'industrie minière canadienne investit 350 millions de dollars par année dans la recherche et le développement, ce qui en fait l'un des secteurs les plus productifs et innovateurs de l'économie canadienne. Elle est inextricablement liée à l'économie mondiale axée sur le savoir et sur la technologie.

[Français]

L'industrie minière représente une part significative de l'économie du Canada et est un allié de taille pour développer la nouvelle économie. L'industrie minière, c'est près de 400 000 emplois à l'échelle du Canada, un travailleur sur 40, et les salaires industriels les plus élevés au pays.

[Traduction]

En cette journée où nous célébrons l'industrie minière canadienne, continuons de travailler ensemble pour faire en sorte que cette industrie réussisse davantage, qu'elle joue un plus grand rôle de premier plan et qu'elle jouisse de possibilités accrues, car elle est bénéfique pour le Canada.

*  *  *

LE BOIS D'OEUVRE

M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole au nom de ma circonscription, Nanaïmo—Cowichan, dont le sort est en grande partie lié à ce que fera le gouvernement après l'expiration de l'accord sur le bois d'oeuvre. Ma circonscription est couverte par la forêt humide. Ces dernières années, les débouchés du bois d'oeuvre ont été très perturbés par différents facteurs, notamment l'accord sur le bois d'oeuvre. Peu de gens seront déçus qu'il arrive à échéance samedi.

Des milliers d'habitants de la Colombie-Britannique dépendent de la vente du bois d'oeuvre. Ils s'inquiètent au sujet de la solidarité de la coalition nationale sur le bois d'oeuvre et craignent que nous donnions une impression de faiblesse si le front commun s'effrite au moment d'aller négocier avec les États-Unis.

Le gouvernement fédéral doit rester fort et ferme devant les Américains. Il doit leur rappeler nos préoccupations communes, y compris l'érosion des marchés étrangers pour le bois d'oeuvre nord-américain si nous ne parvenons pas à produire un produit économique à un prix concurrentiel.

Le gouvernement doit sensibiliser les Américains aux nouveaux produits de remplacement des matériaux de construction traditionnels. Les droits compensateurs et les autres mesures discriminatoires ne feront que nous obliger à augmenter le prix de nos produits et à pousser les consommateurs vers ces nouveaux matériaux.

Les enjeux sont énormes. Je prie le gouvernement d'intervenir fermement au nom des producteurs de bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique pour parvenir à un accord nord-américain satisfaisant pour toutes les personnes touchées.

*  *  *

[Français]

LE SOMMET DES AMÉRIQUES

M. Jean-Guy Carignan (Québec-Est, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement actuel fut élu sur la base d'un programme fondé d'abord sur la promotion des valeurs canadiennes. Pour notre gouvernement, la promotion de la démocratie, de l'état de droit, du libéralisme tant économique que politique ne doit en aucune façon s'arrêter à nos frontières.

Dans cette optique, le Parti libéral du Canada a adopté, en mars dernier, une résolution visant à assujettir nos efforts en faveur de la mondialisation à la promotion de certaines valeurs qui constituent la pierre angulaire de notre société.

Notre parti s'est engagé à préserver le droit fondamental des citoyens à participer à l'édification et au développement de notre société. Il nous est loisible ici de donner l'exemple de l'aide apportée par notre gouvernement à la tenue du Sommet des peuples où les principaux acteurs de la société civile pourront se rencontrer pour discuter des conséquences de la mondialisation.

Par son engagement international, le Canada est devenu un des principaux promoteurs d'une approche équilibrée entre les besoins sociaux et les besoins économiques dans le cadre de cette nouvelle économie de plus en plus interdépendante.

En effet, on oublie trop souvent que le Sommet des Amériques ne sera pas uniquement un forum de promotion du libre-échange, mais bien un endroit où les chefs d'États se rencontreront pour tenter de donner...

Le Président: Le député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière a la parole.

*  *  *

LE BÉNÉVOLAT

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur le Président, c'est avec fierté que je tiens à signaler qu'à partir d'aujourd'hui, et jusqu'au 3 avril prochain, se tient dans mon comté l'exposition itinérante «Le bénévolat au fil du temps».

Cette exposition ne s'arrêtera que dans trois villes québécoises, parmi lesquelles Lévis a l'honneur de figurer. Je tiens donc d'abord à féliciter le Service d'entraide, regroupement et solidarité de Lévis d'avoir obtenu le mandat de coordonner la tenue de cette exposition.

Permettez-moi, par ailleurs, de profiter de cette occasion pour souligner la contribution inestimable de l'action bénévole à notre société. En cette Année internationale des bénévoles, il faut reconnaître la valeur et la vigueur de la vie sociocommunautaire de toutes nos régions et remercier ces bénévoles qui font la démonstration de leur générosité dans des domaines si variés.

Faisons donc la lumière sur toutes ces personnes de l'ombre qui travaillent au mieux-être de notre collectivité. Merci à tous ces bénévoles. Le Québec leur doit beaucoup.

*  *  *

 

. 1410 + -

[Traduction]

LE TOURISME

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le tourisme est une industrie en forte progression, plus de gens que jamais voyageant au Canada et à l'étranger. Au Canada, les dépenses touristiques se sont élevées à plus de 50 milliards de dollars en 1999, et 70 p. 100 de cet argent a été dépensé par des Canadiens. Si on tient compte des voyages des Canadiens à l'étranger, notre déficit touristique est tombé à 1,9 milliard de dollars, soit son plus bas niveau depuis 1987.

Le tourisme est important pour les Canadiens parce qu'il procure des emplois. L'industrie touristique offre beaucoup d'emplois. Cinq cent mille Canadiens travaillent chaque année dans 80 industries liées au tourisme dans tout le Canada. En outre, les emplois dans le domaine touristique sont une grande source d'activité économique dans les régions urbaines, bien sûr, mais aussi, et de plus en plus, dans les régions rurales et parmi les populations autochtones.

[Français]

Le gouvernement fédéral, en association avec la Commission canadienne du tourisme et avec l'industrie elle-même, maintiendra et améliorera la place du Canada sur le marché mondial du tourisme.

*  *  *

[Traduction]

LES MINES

Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'industrie minière est devenue une composante très importante de l'économie de la Saskatchewan.

Nous avons quatre mines de potasse dans la région de Saskatoon, où se trouve le siège social du plus grand producteur mondial de potasse, la Potash Corporation of Saskatchewan.

Ce matin, je me suis entretenue avec des représentants de la Cameco Corporation et de Cogema Resources. La Cameco est le plus grand producteur d'uranium au monde. Elle exploite notamment les plus grandes mines d'uranium riche au monde, situées en Saskatchewan. Cogema Resources fait partie d'une grande société possédant les plus grandes réserves d'uranium au monde. Les deux ont leur siège social à Saskatoon.

Nous détenons un réel atout nucléaire. L'uranium est un combustible sans danger pour l'environnement, que beaucoup voient comme la seule source possible d'énergie à long terme. Elle suscite des peurs chez certains et l'opposition chez d'autres. Pourtant ces gens seraient surpris d'apprendre que les techniques de production d'énergie nucléaire n'en sont plus à leurs balbutiements et que cette source d'énergie représente maintenant 17 p. 100 de la production d'électricité mondiale...

Le Président: Le député de Nepean—Carleton a la parole.

*  *  *

L'INFRASTRUCTURE

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, Mike Harris a livré un discours devant la chambre de commerce d'Ottawa aujourd'hui. C'est en vain que nous attendions tous une bonne nouvelle. Le premier ministre s'est contenté de s'engager à examiner la question d'un boulevard périphérique, sans aucune mention des crédits à l'avenant. Il aurait mieux fait de ne pas se déplacer.

La ville d'Ottawa vient au second rang pour la rapidité de la croissance économique au Canada et elle a une longueur d'avance en Ontario. Nous avons besoin de nouveaux espaces pour les congrès, d'un système de transport en commun amélioré, de ressources financières plus équitables compte tenu des fusions et de plus d'équipement médical. Le discours du premier ministre, qui aurait pu s'intituler Tout va très bien madame la marquise, était particulièrement décevant au plan des soins de santé. Le manque de scanners IRM est toujours aussi criant à Ottawa. Avec seulement deux scanners pour adultes, alors que Toronto en a 17, Ottawa a une liste d'attente de 7 000 personnes. Le gouvernement fédéral vient pourtant de verser 189 millions de dollars à la province pour l'achat d'équipement médical.

Quand, mais quand donc nos députés locaux conservateurs vont-ils enfin se décider à défendre les intérêts de la capitale nationale?

*  *  *

LES PÊCHES

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, l'organisation Greenpeace attire aujourd'hui l'attention de la Chambre sur l'augmentation rapide de la production de poisson génétiquement modifié ou transgénique. Le Nouveau Parti démocratique est d'accord avec Greenpeace pour dire que le gouvernement devrait réagir au rapport de la Société royale du Canada en imposant un moratoire sur l'élevage de poisson génétiquement modifié dans des installations d'aquaculture.

Le poisson génétiquement modifié pourrait constituer un énorme danger pour nos océans, sans parler du risque inconnu qu'il représente pour la santé humaine. Le ministre des Pêches doit mettre un terme à cette nouvelle technologie des plus dangereuse. La menace qu'elle représente pour nos stocks naturels et pour nos océans est trop grande pour qu'on l'ignore.

J'aimerais maintenant offrir, au nom du NPD fédéral et de nos homologues d'un bout à l'autre du pays, nos condoléances à la famille et aux amis de David McTaggart, ce grand Canadien qui a été le fondateur de Greenpeace.

*  *  *

[Français]

LES JEUNES CONTREVENANTS

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, au nom du Syndicat des enseignants et enseignantes de la région du comté de Drummond, centre du Québec, sa présidente, Mme Micheline Germain-Saucier, me demande d'appuyer le consensus québécois qui appuie la réhabilitation en matière de traitement de la criminalité juvénile et qui s'oppose au projet de loi C-7.

Mme Saucier nous rappelle que la criminalité juvénile, en décroissance constante, atteint cette année son plus bas niveau en 20 ans, ce qui confirme que le projet de loi C-7 est purement fondé sur un mythe. Elle nous rappelle aussi que le Canada a entériné la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, qui requiert que l'on maintienne deux systèmes distincts, un pour les mineurs et un pour les adultes.

 

. 1415 + -

Les membres du Bloc québécois appuieront les positions des intervenants et intervenantes du Québec pendant que les libéraux, eux, soutiendront leur ministre de la Justice. La raison est simple: le Bloc québécois défend les intérêts du Québec à Ottawa; les libéraux, eux, défendent les intérêts d'Ottawa au Québec.

*  *  *

[Traduction]

LA MORAINE D'OAK RIDGES

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, comment peut-on mesurer l'importance de la moraine d'Oak Ridges pour la région métropolitaine de Toronto? En évaluant la superficie de la moraine que le gouvernement fédéral a protégée en tant qu'espace vert, soit 5 562 acres en tout.

Nous allons collaborer avec la collectivité, avec les groupes environnementaux, avec d'autres organismes fédéraux et provinciaux ainsi qu'avec les administrations locales pour faire en sorte que cet espace soit toujours protégé.

La moraine d'Oak Ridges est à la source de 35 cours d'eau du réseau hydrographique de l'agglomération de Toronto. C'est l'un des derniers corridors naturels ininterrompus existant encore dans le sud de l'Ontario; il comporte des ruisseaux, des boisés, des marais, des lacs de kettle, des tourbières de marmite ainsi qu'une flore et une faune importantes. La moraine, qui est encore couverte à 30 p. 100 de forêts, constitue l'un des derniers refuges pour les oiseaux forestiers de tout le sud de l'Ontario.

Les députés de la région métropolitaine de Toronto ont écouté ce que leurs commettants leur ont dit et ont mené le combat. Nous avons fait connaître le dossier, nous avons fait triompher notre thèse et nous avons obtenu la collaboration enthousiaste du gouvernement grâce au ministre des Transports. Pourquoi? Parce que c'était la chose à faire.

*  *  *

LE MULTICULTURALISME

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, il faut remplacer les questions imaginaires de multiculturalisme par un programme gouvernemental qui traite des vraies questions de diversité socioculturelle au Canada.

Le temps est venu de renouveler le programme de multiculturalisme. Il y a de nombreuses vraies questions à examiner, un si grand nombre, en fait, que la ministre chargée du Multiculturalisme n'aurait pas besoin de lutter contre des problèmes imaginaires.

Par le passé, le Canada a eu un excellent bilan de réalisations concrètes, depuis celles de Trudeau jusqu'à la promulgation de la Loi sur le multiculturalisme canadien, par l'ancien premier ministre Brian Mulroney.

Depuis quelque temps, la politique multiculturelle du Canada est floue et souvent fade lorsqu'il s'agit de promouvoir et de protéger le multiculturalisme. Cette absence de leadership dans l'élaboration d'un programme traitant des vraies questions de l'heure a eu pour conséquence que l'accent est mis sur des problèmes imaginaires, des truismes et des questions de moindre importance.

La multiplication des sites haineux sur Internet témoigne de façon objective de l'échec des programmes actuels de multiculturalisme.

L'incapacité du gouvernement de respecter entièrement son engagement à l'égard la diversité dans tous les secteurs gouvernementaux, comme le prévoit la Loi sur le multiculturalisme canadien, constitue une autre preuve objective de son échec.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

LE PREMIER MINISTRE

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, depuis 134 ans, les Canadiens s'attendent à ce que le cabinet du premier ministre soit un modèle d'intégrité et de droiture. Cependant, il semble maintenant que le cabinet du premier ministre ait été utilisé pour favoriser une transaction commerciale privée.

Tout d'abord, le premier ministre a nié avoir fait des démarches pour que des fonds soient versés à l'hôtel situé à côté du terrain de golf. Puis il l'a admis. Ensuite il a essayé de camoufler toute l'affaire, et c'était mal. Déposer quelques documents choisis comme il l'a fait aujourd'hui ne sera pas suffisant pour les Canadiens.

Le premier ministre n'a pas encore fait toute la lumière sur cette affaire. Déposera-t-il immédiatement tous les documents relatifs aux transactions qui ont eu lieu entre 1993 et 1999?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je m'attendais à ce que le chef de l'opposition se comporte en gentilhomme aujourd'hui et présente des excuses.

Des voix: Bravo!

Le très hon. Jean Chrétien: Monsieur le Président, le 15 mars 2001, la députée d'Edmonton-Nord...

Le Président: Je suis désolé, mais le temps est écoulé.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: J'ai déjà fait valoir auparavant que, si vous vous arrêtez pour des applaudissements, c'est du temps que vous perdez. Ce n'est malheureusement pas juste, mais cela se produit des deux côtés.

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai demandé au conseiller en éthique de vérifier le registre pour voir les noms des actionnaires qui y figuraient. Il a dit aujourd'hui qu'il ne l'avait même pas fait, qu'il avait plutôt demandé à quelqu'un d'autre de le faire. Quelqu'un d'autre a jeté un coup d'oeil et a dit: «Oups, nous avons un problème ici. Il faut faire quelques changements.» Cependant, nous ne savons toujours pas quels noms étaient inscrits sur ce document.

Hier, trois députés du parti du premier ministre ont refusé de se porter à sa défense. Aujourd'hui, il y en a eu cinq, et aucun d'entre nous n'acceptera cette opération de camouflage. Nous ne l'accepterons tout simplement pas. Où sont ces documents? Où sont-ils?

 

. 1420 + -

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je comprends que le chef de l'opposition soit si préoccupé. Il ne sera pas ici très longtemps encore parce qu'il a peur du chef du cinquième parti. Je veux simplement qu'il soit un peu plus cohérent parce que, le 15 mars, la députée d'Edmonton-Nord a dit:

    Le premier ministre pourrait mettre un terme à cette affaire en un clin d'oeil s'il déposait le certificat de vente de ses parts en 1993.

C'est fait, monsieur le Président.

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, rien n'a été déposé. Depuis deux ans, le cabinet du premier ministre demande aux gens de changer leur histoire pour ce qui est de dire à qui appartenaient les actions. La semaine dernière, le cabinet du premier ministre a demandé à Melissa Marcotte de changer son histoire. En 1999, ses avocats ont demandé à Jonas Prince de changer son histoire. Au départ, c'est lui qui était propriétaire des actions, puis ce n'était plus lui. Maintenant, des fonctionnaires d'Industrie Canada ont demandé à quelqu'un de modifier les dossiers. Ils ne veulent même pas nous dire ce qu'ils contenaient. Ils disent qu'ils ont dû faire quelques changements.

Le ministre de l'Industrie dira-t-il à la Chambre si le club de golf a respecté la loi ou non et, dans la négative, pourquoi son ministère a demandé à des gens de modifier ces dossiers?

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai jamais vu un baril aussi vide de toute ma vie, et tout le monde sait que ce sont les barils vides qui font le plus de bruit. Il n'y a personne de plus vide de substance que le chef de l'opposition.

Les faits n'intéressent aucunement le chef de l'opposition. Tout ce qui l'intéresse, c'est d'essayer de sauver sa peau, de se protéger contre le chef du Parti conservateur. Voilà la réalité qui se cache derrière ces questions. Industrie Canada n'a demandé à personne de modifier quoi que ce soit.

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les gens d'Industrie Canada ont dit qu'ils avaient dû faire quelques changements.

[Français]

Après deux longues années, le premier ministre a finalement levé un petit coin du voile qui camoufle son implication dans le Shawinigate. Mais il est encore loin de dévoiler la vérité. Les documents déposés aujourd'hui soulèvent encore plus de questions.

Le premier ministre va-t-il finalement mettre fin à sa danse des sept voiles et accepter de mettre sur pied une enquête indépendante?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition a écrit quatre ou cinq fois au conseiller en éthique qui a toujours répondu clairement que les parts avaient été transférées dès le mois de novembre 1993, et il l'a prouvé encore aussi clairement que possible.

J'ai fait quelque chose qui est complètement sans précédent lorsque j'ai permis de déposer des documents privés, ce qui n'a jamais été fait dans cette Chambre au préalable. Il l'a fait. Il a toujours dit, et il l'a encore répété tout à l'heure, que je n'ai ni conflit d'intérêts ni apparence de conflit d'intérêts. Tout ce que j'ai fait, c'est aider les gens dans ma circonscription électorale à avoir...

Le Président: L'honorable chef de l'opposition a la parole.

[Traduction]

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il ne nous donne pas les documents que nous avons demandés. Le conseiller en éthique n'a même pas regardé le registre. Il a demandé à quelqu'un d'autre de le faire, et cette personne a récrit en disant: «Oups, il y a quelque chose ici que nous devons changer. Nous vous en redonnerons des nouvelles plus tard.»

Ce matin, le juge à la retraite W. D. Parker, qui a mené l'enquête sur l'affaire Sinclair Stevens, a réclamé une enquête judiciaire indépendante sur cette affaire. Il a dit: «Une commission fera la lumière sur les faits.» Personne à l'époque ne réclamait une enquête sur l'affaire Sinclair Stevens plus énergiquement que les libéraux.

Écouteront-ils maintenant le juge qui a mené cette enquête et ordonnera-t-il la tenue d'une enquête complète sur le Shawinigate?

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le conseiller en éthique a rendu publics onze documents aujourd'hui. C'est du jamais vu et c'est arrivé seulement parce que le premier ministre et les autres parties à ces arrangements ont consenti à ce que ces documents soient rendus publics.

Cependant, le chef de l'opposition vient de nous faire part de la véritable motivation ici. On appelle cela de la vengeance. On appelle cela des représailles. Oeil pour oeil, dent pour dent. On appelle cela inventer n'importe quel genre d'allégation pour faire la une parce qu'il essaie de s'accrocher à son poste sachant que sa situation est très précaire.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, les documents rendus publics aujourd'hui...

Des voix: Oh, Oh!

 

. 1425 + -

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Il est impossible d'entendre l'honorable député qui a la parole.

M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, les documents rendus publics ce midi révèlent que le premier ministre avait toujours un lien financier avec le club de golf de Grand-Mère après novembre 1993. Sa compagnie était partie prenante à l'entente de septembre 1999.

À l'article 2.1 du troisième document, on peut lire que dès le transfert des actions provenant d'Akimbo à Michaud, la compagnie du premier ministre, et je cite: «n'aura plus aucun droit de propriété, ni intérêt»—je souligne les mots «ni intérêt»—«à l'égard de ces actions».

Comment le premier ministre peut-il nous dire qu'il n'avait pas de lien financier, ni d'intérêt à l'égard des actions, quand ces intérêts-là prennent fin en septembre 1999, dans une entente où sa compagnie est signataire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'était un compte recevable, et dans toute transaction là-dedans, les avocats veulent couvrir tous les éléments pour finir le dossier d'une façon très claire.

Je voudrais dire quelque chose au chef du Bloc. Il n'y a pas très longtemps, encore une fois, le député de Roberval disait ceci:

    Ne comprend-il pas que la seule façon de régler ce dossier [...]—il n'y en a pas 50, il y en a une seule—, c'est de déposer l'acte de vente comme nous le lui avons demandé tant de fois dans le passé? Qu'il dépose l'acte de vente et il n'y aura plus de problème.

Ceci a été dit dans cette Chambre, le 15 mars 2001. Ce qui prouve que c'est tout ce qu'ils veulent. Ils ne sont pas capables d'attaquer le gouvernement...

Le Président: L'honorable Chef du Bloc québécois a la parole.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, c'est parce qu'on croyait le premier ministre à l'époque.

Ce que je veux dire, quand les avocats ont tout prévu, ils ont prévu aussi qu'il y avait toujours des intérêts à l'égard des actions. Ils ont prévu plus que cela. Ils ont prévu que la compagnie du premier ministre serait responsable pour indemniser Michaud «pour les dommages ou les dépenses de toute nature», y compris l'article 3.6, et je cite: «des procédures ou des enquêtes de quelque nature que ce soit».

En d'autres mots, le premier ministre, par cette entente, nous démontre qu'il a tout intérêt à ce qu'il n'y ait aucune enquête, ni au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, parce que c'est sa compagnie qui devrait payer les frais d'avocat de Michaud. C'est pour cela qu'il ne veut pas d'enquête.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Bloc, comme tous les autres, a demandé à plusieurs reprises au conseiller en éthique s'il y avait des conflits d'intérêts. Il a répondu devant les comités en 1999. Aujourd'hui, il n'y avait toujours qu'un seul problème, disait-il, l'acte de vente. Il a été déposé aujourd'hui.

Ce qui est triste, c'est qu'alors qu'il y a des problèmes dans le pays, l'opposition ne s'occupe pas des vrais problèmes. Ils veulent s'en prendre à la réputation du premier ministre. Le premier ministre est très bien connu dans le pays. Il y a eu 172 députés qui ont été...

Le Président: Le député de Roberval a la parole.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le plus grand problème dans le pays, c'est celui de la non-crédibilité de celui qui le dirige.

Les documents de vente, pour être complets, doivent être accompagnés par les certificats d'actions, parce qu'une vente d'actions ne se réalise vraiment que par la signature des certificats à l'endos.

Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas déposé les certificats d'actions avec l'acte de vente, certifiant de ce fait qu'elles ne lui appartenaient plus, si tant est qu'il les a endossés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on dit clairement qu'à un moment donné, M. Prince a retourné tous ces documents à la compagnie, à M. Michaud. L'avocat a dit clairement, la semaine dernière, qu'une résolution a été adoptée par la compagnie, le 1er novembre, disant que j'avais vendu mes parts et que quelques jours plus tard, je n'étais plus directeur de cette compagnie.

À partir du 1er novembre 1993, ma compagnie et moi-même n'avions plus aucun intérêt, aucun lien avec la compagnie du club de golf. Ceci est clair et prouvé par des documents que nous avons déposés aujourd'hui, un fait sans précédent.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, pour que le premier ministre soit en mesure de signer, en 1999, comme l'une des parties contractantes, la cession de ses actions, ou bien il n'a jamais endossé les certificats d'actions et est toujours resté propriétaire, puisqu'il n'avait pas été payé, ou bien il les avait endossés et ils lui avaient été retournés, endossés à nouveau, auquel cas on voudrait savoir quand en est-il redevenu propriétaire.

 

. 1430 + -

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y avait une dette qui devait être payée. Je le cite encore, parce que le député ne veut pas comprendre. Nous savons que tous les partis d'opposition ont beaucoup de difficulté à trouver à redire au sujet de l'administration du gouvernement, mais je cite encore le député de Roberval qui disait: «Il n'y a qu'une seule chose à faire, c'est de déposer l'acte de vente.»

C'est ce qui a été fait ce matin devant la nation. Tous les Canadiens se demandent quand l'opposition va s'occuper des vrais problèmes du pays.

*  *  *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. L'automne dernier, à La Haye, l'accord mondial sur les réductions de gaz à effet de serre s'est envolé en fumée à cause d'un désaccord profond sur la notion de puits de carbone.

D'une part, les Américains parcourent la forêt et comptent les arbres pour montrer qu'ils contribuent à la réduction des gaz à effet de serre. D'autre part, les Européens, appuyés en cela par le comité des Nations Unies sur le changement climatique, ont rejeté la position américaine, car elle est, selon eux, sans fondement, simpliste et à courte vue.

Le premier ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi le ministre de l'Environnement se dirige vers l'Amérique latine pour défendre une position scientifique non fondée...

Le Président: Le très honorable premier ministre a la parole.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est un problème très important. Je suis heureux de dire que nous voulons nous assurer que nous discuterons non seulement de libre-échange avec tous les pays des Amériques, mais qu'il sera également question de tout ce qui touche au bon gouvernement, à l'environnement, aux programmes sociaux et à l'éducation.

Il n'est pas seulement question de libre-échange. Il s'agit d'améliorer la qualité de vie des habitants de tous les pays qui participent aux négociations qui auront lieu à Québec la semaine prochaine.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, soyons sérieux un instant. Le premier ministre sait pertinemment que le président américain a déclaré qu'il n'a aucune intention de respecter les engagements que les États-Unis ont pris à Kyoto.

Pourquoi le gouvernement se charge-t-il de la sale besogne pour le compte des Américains? La réputation du Canada en tant que citoyen responsable sur le plan environnemental est déjà ternie car nous refusons de donner l'exemple pour ce qui est de nous attaquer aux émissions de gaz à effet de serre à la source.

Pourquoi le gouvernement ajoute-t-il l'insulte à l'injure en exhortant les nations les plus pauvres de l'hémisphère à s'attirer des faveurs à la veille du Sommet des Amériques en s'associant avec la position sans fondement scientifique et irresponsable que les Américains défendent relativement aux gaz à effet de serre?

L'hon. Ralph Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, le principe des puits de carbone est inscrit dans le protocole de Kyoto lui-même. La position canadienne en ce qui concerne les puits de carbone dans le secteur de l'agriculture ou de l'exploitation forestière s'appuie sur de bonnes données scientifiques.

Le député qui siège à côté du chef du NPD et qui vient de la Saskatchewan devrait savoir que les meilleures données scientifiques au monde sur les puits de carbone viennent de la Saskatchewan. Il devrait en être fier et penser au reste du monde.

*  *  *

LE PREMIER MINISTRE

Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, selon la lettre du premier ministre hier, Debbie Weinstein agissait comme cadre de la firme J Consultants lorsqu'elle a négocié la vente finale des actions.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Il y a de l'exubérance aujourd'hui, mais il serait bon de pouvoir entendre les questions et les réponses afin d'assurer la bonne marche des travaux. Le député de Calgary-Centre a la parole et la présidence voudrait bien l'entendre.

Le très hon. Joe Clark: Monsieur le Président, selon la lettre du premier ministre hier, Debbie Weinstein était cadre de la firme J Consultants lorsqu'elle a négocié la vente finale des actions. Pourtant, d'après le rapport officiel sur le profil des sociétés du gouvernement de l'Ontario, Mme Weinstein serait devenue cadre de cette firme seulement le 1er septembre 1999, soit à peine quelques semaines avant que la transaction ne soit terminée.

 

. 1435 + -

Le premier ministre pourrait-il confirmer que Mme Weinstein a agi en tant que son avocate et sa représentante dans les négociations qui ont commencé en 1996 et qui ont inclus la période où il est intervenu en faveur de l'Auberge Grand-Mère?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit qu'elle était ma fiduciaire avec quelqu'un d'autre, parce que nous avons deux fiduciaires pour gérer nos éléments d'actifs. Tout mon avoir, tous les éléments d'actif de la firme J qui devaient être en fiducie le sont effectivement, et c'est elle qui négociait. Elle avait les livres dans son bureau. Elle se chargeait de tout cela.

Elle peut être à la fois avocate et fiduciaire, ce qui est probablement impossible pour le chef du cinquième parti. Elle peut marcher et mâcher de la gomme en même temps.

Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, elle agissait au nom du premier ministre au moment même où il prenait des dispositions avec l'Auberge Grand-Mère.

[Français]

Le premier ministre a-t-il été consulté ou a-t-il été autrement impliqué dans les décisions visant à nommer Mme Weinstein, une employée de J&AC Consultants Inc., et comment se fait-il que cette décision ait été prise aussi tard dans le dossier?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai confié mes affaires, en novembre 1993, à mes fiduciaires qui ont parlé avec le responsable des fiducies de tous les députés, ministres et fonctionnaires, M. Wilson. Mme Weinstein a toujours été en communication avec lui. On m'informe qu'elle est directrice de la compagnie depuis 1993—on peut vérifier—, et elle avait un mandat absolu de moi de se comporter, en toutes circonstances, suivant les instructions et les avis de M. Wilson et elle a très bien...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je regrette, mais nous avons des accords concernant les règlements et le temps imparti pour les réponses. Je regrette d'interrompre le très honorable premier ministre, mais ce n'est pas mon accord.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, même si tous les documents pertinents promis par le premier ministre hier n'ont pas été déposés, ce que nous avons pu voir aujourd'hui nous prouve que Jonas Prince n'a pas accepté de devenir propriétaire des actions du club de golf avant 1999. C'est ce que le conseiller en éthique a confirmé aujourd'hui.

On nous a également confirmé que le premier ministre détenait une créance, un élément d'actif, et donc un intérêt personnel face à ces actions pendant ces six années, soit de 1993 à 1999. Pendant tout ce temps, il exerçait des pressions...

Le Président: Le très honorable premier ministre a la parole.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il s'agissait d'une vente définitive sans aucun lien avec les actions. Je ne suis plus un actionnaire depuis le 1er novembre 1993. Toutefois, ce qui inquiète les députés de l'opposition au plus haut point, c'est que pendant deux ans ils ont proféré des calomnies qui n'étaient fondées sur rien de tangible.

Ils ont refusé de reconnaître la vérité. Ils l'ont maintenant en main. Ils se sentent embarrassés et ils devraient maintenant s'excuser, tourner la page et se pencher sur les problèmes du pays.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le premier ministre a dit lui-même aujourd'hui qu'il y avait une dette à payer. Cela correspond à un intérêt.

 

. 1440 + -

Pourquoi le premier ministre ne reconnaît-il pas tout simplement qu'il s'est mis dans une situation de conflit d'intérêts apparent pendant trois ans et ne laisse-t-il pas une commission d'enquête indépendante régler toute cette affaire pour rassurer les Canadiens?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il s'agissait d'une dette que M. Prince avait à mon égard et qui m'a été payée en 1999.

Les députés de l'opposition changent toujours les règles. Je vais répéter les faits encore une fois. Ils m'ont provoqué. La députée d'Edmonton-Nord a dit il y a quelques jours:

    Le premier ministre pourrait mettre un terme à cette affaire en un clin d'oeil s'il déposait le certificat de vente de ses parts en 1993.

C'est fait. Ils sont très embarrassés maintenant et ils devaient avoir honte.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, lorsqu'un ministre du gouvernement se retrouve en situation potentielle de conflit d'intérêts, c'est le premier ministre qui, après avis de son conseiller en éthique, juge de la situation et demande à son ministre de changer son comportement.

Dans le cas de l'Auberge Grand-Mère, comme c'est le premier ministre qui est lui-même impliqué, il devient donc juge et partie.

Comment le premier ministre peut-il accepter d'être seul juge de son propre comportement, se déclarant lui-même non coupable de conflit d'intérêts, alors que tous les observateurs de la scène politique considèrent le contraire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, M. Wilson a comparu à plusieurs reprises devant les comités et a donné tous les faits à tous les députés. C'est un homme qui était sous-registraire adjoint pour le gouvernement, nommé par l'ancien gouvernement, appliquant les règles qui existaient en 1993.

Il n'a jamais refusé de comparaître devant les comités. Il a été à la télévision il y a à peine deux heures. Mais on ne veut jamais accepter la vérité. Tout ce qu'on veut, c'est essayer de me salir. Mais je sais que les Canadiens savent que je sers ce pays depuis plus de 37 ans et que j'ai toujours défendu mon honneur. Mon père m'a donné mon nom.

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, dans toute cette affaire impliquant directement le premier ministre, ne serait-il pas temps maintenant, pour lui, de comparaître devant ses pairs au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, afin que sa conduite soit jugée non pas par lui-même, comme ce fut le cas jusqu'ici, mais par des personnes extérieures? S'il refuse, n'est-ce pas parce qu'il cherche à éviter, comme le prévoit l'article 3.6 de l'entente de 1999, de devoir assumer les frais de représentation et de défense de l'acheteur?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le plus grand comité de la Chambre des communes, c'est la Chambre des communes, ici.

Trois fois par semaine au moins, de mon siège, j'ai répondu à des centaines de questions. J'ai toujours dit la même chose. Je me suis départi de ces parts le 1er novembre 1993 et cela a été prouvé clairement avec le dépôt ce matin de l'acte de vente par M. Wilson.

[Traduction]

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les documents divulgués aujourd'hui soulèvent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses. Nous savons que la propriété des actions dans le club de golf est demeurée une question nébuleuse durant six longues années, au cours desquelles il a cherché des fonds pour l'hôtel voisin.

Le premier ministre va-t-il reconnaître que la dette, le différend concernant la propriété et le lobbying qu'il a fait pour l'immeuble voisin l'ont placé en situation de conflit d'intérêts?

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, des documents ont été divulgués aujourd'hui avec le consentement nécessaire des parties à l'entente, notamment le premier ministre et d'autres personnes. Le conseiller en éthique a divulgué 11 documents en tout.

Le conseiller en éthique a indiqué très clairement que ces documents établissent sans aucun doute qu'après novembre 1993, le premier ministre n'était plus propriétaire des actions du club de golf, mais surtout que M. Prince est propriétaire de ces actions, ce que ce dernier reconnaît dans le document.

 

. 1445 + -

Le chef du Parti conservateur peut toujours se lever, se gonfler le joues, rougir et s'indigner, mais cela ne change rien aux faits.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le conseiller en éthique a refusé aujourd'hui de divulguer certains des documents les plus importants, le registre des actions de la société 161341 Canada Inc. Il a cependant reconnu que la Loi canadienne sur les sociétés par actions avait été violée, et cela en dépit du fait que le premier ministre et M. Jonas Prince sont des avocats du droit des sociétés et qu'ils connaissent la loi.

Pourquoi ce ministère va-t-il modifier les faits pour les adapter à la version du premier ministre?

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, nous avons devant nous deux chefs de parti, dont l'un a coûté 800 000 $ aux contribuables de l'Alberta et a reçu une contribution de 70 000 $ de la société d'avocats qui l'a défendu et l'autre qui a vu disparaître son leadership parce que des fonds provenant d'Allemagne ont été utilisés durant le congrès à la direction de son parti. Si ces deux chefs de parti veulent enquêter au sujet de conspirations, ils feraient bien de regarder autour d'eux et non pas de ce côté-ci de la Chambre.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, le fameux contrat de 1993, par lequel le premier ministre affirmait s'être départi de ses actions, a enfin été publié. Aucune clause ne précise que même en cas de non-paiement, le premier ministre ne pourrait pas reprendre la propriété de ses actions, à moins que le premier ministre n'ait endossé les certificats d'actions.

Pourquoi le conseiller en éthique a-t-il affirmé que le premier ministre ne pouvait absolument pas reprendre ses actions en cas de non-paiement, alors qu'il semble évident qu'il n'a pas endossé ces certificats complétant ainsi le transfert?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je lis dans La Presse de ce matin, qu'un expert, Me Paul Martel, dit, et je cite: «Même si les parts ne sont pas payées, l'acheteur devient propriétaire, c'est écrit dans le Code civil, explique Me Martel. Une fois qu'une vente est conclue, on ne peut plus changer d'idée, à moins d'aller devant un juge pour faire annuler la vente.»

C'est une opinion qui a été donnée par un avocat à un journaliste de La Presse, certainement pas pour moi, et il connaissait son droit. Lorsqu'il y a une vente, la vente est accomplie au moment où le consentement des deux parties a été exprimé.

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, est-ce que la participation du premier ministre à l'entente de 1999 comme partie contractante n'est pas la confirmation que le premier ministre avait toujours un lien direct de propriété avec ses actions et qu'en affirmant le contraire, lui et son conseiller en éthique ont induit toute la Chambre en erreur?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je dois répéter toujours la même chose. Je m'excuse, mesdames et messieurs les députés libéraux, vous avez beaucoup de patience à entendre l'irresponsabilité de l'opposition, vous voudriez discuter des vrais problèmes.

Je répète pour la millième fois: j'ai vendu mes parts le 1er novembre 1993; le certificat de vente a été déposé ce matin. Nous avions une dette que nous avons collectée en grande partie en 1999. Nous n'avons rien gagné. Nous avons agi dans l'intérêt des électeurs du comté de Saint-Maurice, en créant des emplois dans un des comtés qui avaient un des plus hauts niveaux de chômage au Canada.

*  *  *

[Traduction]

LE COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la présidente du Comité permanent de l'industrie, qui, aux termes du Règlement de la Chambre, est chargé d'examiner les activités du conseiller en éthique et le fonctionnement de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Ce matin, elle a jugé irrecevable une motion visant à faire comparaître devant le comité M. Jonas Prince, un homme dont le témoignage a quelque chose à voir avec cette loi et l'éthique du gouvernement. Pourquoi la présidente du comité a-t-elle entravé la démocratie dans le but de protéger le premier ministre?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, tant le député qui vient de poser la question que l'ensemble de la Chambre connaissent le Règlement de la Chambre.

Ils connaissent très bien l'excellence de la présidente du comité permanent qui, avec l'appui de tous les députés de la Chambre, rend d'excellentes décisions en vue d'assurer le bon déroulement des travaux du comité. J'aimerais bien que les députés d'en face aient les mêmes intérêts à coeur.

 

. 1450 + -

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je pense que la plupart des Canadiens trouveraient tout simplement scandaleuse la décision prise ce matin par la présidente du comité.

Quand une véritable question d'éthique se pose, une question qui va droit au coeur de l'éthique du gouvernement, la présidente et les autres députés libéraux membres du comité ne permettent même pas qu'on en discute. La démocratie qu'elle prétend défendre en a pris un coup.

Pourquoi la présidente s'est-elle servie aujourd'hui de sa charge parlementaire pour protéger le premier ministre?

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. La présidence n'arrive pas à entendre la question. Les questions adressées au président d'un comité et portant sur les travaux de ce dernier sont recevables pendant la période des questions, mais je n'arrive pas à entendre la question.

J'ignore si la question porte sur les travaux du comité. J'ai entendu un préambule fort long, mais j'ai besoin d'entendre la question. Je prie le député de poser sa question sans préambule.

M. Charlie Penson: Monsieur le Président, je me fais un plaisir de la répéter. Pourquoi la présidente s'est-elle servie aujourd'hui de sa charge parlementaire pour protéger le premier ministre?

Le Président: Je ne suis pas sûr que la question soit recevable. Je ne suis pas sûr qu'elle porte sur les travaux du comité, mais le leader parlementaire du gouvernement peut y répondre s'il le désire.

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, ce que nous dit le député, c'est que, s'il soulève une question au comité et qu'il a tort, cela veut dire que les autres sont antidémocratiques.

Le fait est qu'il a tort parce qu'il a tort et que les faits sont inexacts. Nous savons tous quelle est la véritable réponse. Il s'agit de fausses accusations contre le premier ministre. Il ne s'agit de rien de plus. Le député ne respecte pas le Règlement de la Chambre et il le sait pertinemment.

*  *  *

[Français]

LES MINES ANTI-PERSONNEL

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes fiers, comme Canadiens et Canadiennes, de notre leadership en concluant la Conférence d'Ottawa qui abolit les mines anti-personnel.

[Traduction]

La convention, instrument important et efficace du droit international, exige que les pays signataires détruisent leurs stocks de mines antipersonnel.

Le ministre des Affaires étrangères pourrait-il dire à la Chambre ce que fait le Canada pour aider l'Ukraine à éliminer son important stock de mines antipersonnel, afin que les autorités ukrainiennes puissent respecter leurs obligations dans le cadre de la convention d'Ottawa?

L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, hier, au cours de la visite au Canada du ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine, nous avons pu conclure avec l'Ukraine une entente cadre sur la destruction des mines antipersonnel.

Ce progrès est très important. Comme les députés le savent, avec la collaboration de nos partenaires de l'OTAN, nous pourrons ainsi commencer à détruire 400 000 mines antipersonnel qui sont stockées en Ukraine.

Avec l'élimination des mines antipersonnel, nous sommes parvenus à accroître un peu plus la sécurité dans le monde. Tous les Canadiens devraient en être très fiers.

*  *  *

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères et porte sur la complicité de Talisman Energy dans la guerre civile sanglante qui déchire le Soudan.

Ce mois-ci, le secrétaire d'État chargé de l'Amérique latine et de l'Afrique a exhorté tous les Canadiens à liquider leurs actions de Talisman et réclamé une Loi sur les mesures économiques spéciales beaucoup plus rigoureuse. La semaine dernière, son collègue des Ressources naturelles se prêtait à une activité de relations publiques de Talisman qui faisait la promotion de l'industrie pétrolière.

Le ministre acceptera-t-il la recommandation de son collègue, le secrétaire d'État, voulant qu'on renforce la Loi sur les mesures économiques spéciales? Expliquera-t-il à la Chambre qui est le porte-parole du gouvernement, en ce qui concerne la présence de Talisman au Soudan? Est-ce le secrétaire d'État chargé de l'Amérique latine et de l'Afrique, qui la dénonce, où son collègue, qui l'appuie?

L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous partageons les graves préoccupations du député au sujet du conflit qui dure toujours au Soudan. Il n'est pas sans savoir qu'un certain nombre de parlementaires de divers partis se sont rendus récemment au Soudan pour observer la situation de leurs propres yeux.

J'ai reçu notamment hier un excellent rapport du député d'Esquimalt—Juan de Fuca, qui expose de façon très réfléchie la situation du Soudan.

Je vais assurément tenir compte de tous ces points de vue lorsque nous verrons si le Canada doit prendre position, et de quelle façon, au sujet du Soudan.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je le demande de nouveau expressément au ministre s'il acceptera de renforcer la Loi sur les mesures économiques spéciales.

Pendant que nous y sommes, le ministre a parlé d'un groupe de parlementaires qui sont allés au Soudan. Que pense-t-il du fait que les billets ont été payés par Talisman Energy?

Le ministre estime-t-il convenable que les deux députés libéraux, dont le vice-président du Comité des affaires étrangères, et le député allianciste se rendent au Soudan aux frais de Talisman Energy? Juge-t-il cela acceptable?

Le Président: La question ne me semble pas recevable, car elle n'a rien à voir avec les responsabilités administratives du gouvernement.

*  *  *

 

. 1455 + -

[Français]

LE PREMIER MINISTRE

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, dans le dossier de l'Auberge Grand-Mère, le premier ministre a encore des petits problèmes.

Je rappelle que dans les documents de ce matin, nous n'avons pas le document officiel de l'acte de vente. Nous avons une photocopie d'une feuille de papier signée sur un coin de table, sans témoin.

De plus, pour la période de 1993 à 1999, où le premier ministre était activement en train de faire du lobbying pour l'Auberge Grand-Mère, on ne trouve aucun document.

Où sont ces documents? Où est l'acte de vente original?

[Traduction]

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, on sait maintenant en quoi consistera la prochaine offensive du Parti conservateur. Il a mis au point une tactique puissante et importante.

Non, nous n'avons pas 300 originaux du certificat de vente à déposer à la Chambre. Voilà qui prouve les méfaits qu'aurait commis le premier ministre.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, dans sa lettre d'hier, le premier ministre affirme qu'il a respecté le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts. Le code qu'a signé le premier ministre précise que le titulaire d'une charge publique doit présenter au sous-registraire général adjoint un rapport confidentiel indiquant tous ses biens qui ne sont pas spécifiquement exemptés.

La dette que la société Akimbo Development Corporation avait contractée envers le premier ministre était un bien pouvant être déclaré. Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas déclaré ce bien?

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, qui siège tout près du député qui vient de poser une question, a déclaré le 26 mars, il y a donc, je crois, moins de 24 heures, que le premier ministre aurait très pu bien faire la lumière sur cette affaire il y a bien longtemps en prouvant très clairement qu'il n'avait rien à gagner personnellement par ses démarches en déposant un document donnant les détails de l'acte de vente qu'il a conclu avec un dénommé Jonas Prince. C'est précisément ce que le premier ministre a fait aujourd'hui.

Les Canadiens en ont assez de toutes ces sottises. Ils veulent que le Parlement se remette à défendre les intérêts de tous nos concitoyens.

*  *  *

LE MULTICULTURALISME

Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Monsieur le Président, on rapporte que la ministre du Multiculturalisme a communiqué avec la GRC pour savoir si des croix avaient été brûlées ou des incidents racistes étaient survenus suite à sa déclaration afin de pouvoir appuyer ses horribles accusations contre deux villes de la Colombie-Britannique.

Cet interrogatoire à l'aveuglette visait à se servir des pouvoirs de la GRC pour essayer d'incriminer des gens dont elle a d'abord sali la réputation en contrevenant clairement à l'éthique du Cabinet. Quand le premier ministre verra-t-il qu'il est temps que cette ministre de second rang s'en aille?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, après que la question eut été posée hier à ce sujet, j'ai vérifié que la ministre ni aucun de ses collaborateurs n'avaient fait d'appels téléphoniques à ce sujet.

Nous avons vérifié auprès du ministère et il semble maintenant qu'on ne soit pas sûr qu'il y ait eu des appels. Aucune instruction ni aucune communication à cet égard de la ministre ni de ses collaborateurs ne concernait la GRC. On n'est même pas sûr que quelqu'un du ministère ait contacté la GRC. Ce que la presse a rapporté hier ne s'était pas réellement produit. Ce n'était pas vrai.

Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Permettez-moi d'être d'un autre avis, monsieur le Président. Cette ministre de second rang a perdu toute crédibilité à l'égard de la lutte contre le racisme authentique. Elle a l'habitude de faire de fausses accusations. Elle ne produira aucune lettre à la Chambre parce qu'une telle lettre n'existe pas.

Elle a essayé de se prévaloir du pouvoir de la GRC pour appuyer après coup sa campagne de démolissage. Quand le premier ministre congédiera-t-il la ministre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je viens de dire que personne n'a appelé la GRC. Lorsque le premier ministre du Canada dit qu'il s'est enquis et qu'il n'y a eu aucun appel de la ministre ni de ses collaborateurs, le fardeau de la preuve revient à l'opposition, qui n'a aucun argument valable, car aucun appel téléphonique n'a été fait par qui que ce soit.

*  *  *

[Français]

LE PREMIER MINISTRE

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, on a posé une question au premier ministre, à savoir s'il avait endossé les certificats d'actions en 1993, lors de la prétendue vente finale de ses actions.

Je pose la question bien simplement, encore une fois, et clairement: a-t-il, oui ou non, endossé les certificats d'actions en 1993?

 

. 1500 + -

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, les déclarations du chef du Bloc québécois sont absolument fausses. Les faits sont clairs et nets. C'est la première occasion que j'ai de répondre en français, et il me fait plaisir de le faire pour cette question.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ce serait une excellente idée qu'il poursuive ses cours de français, parce que ce n'est pas une déclaration que je faisais, c'est une question que je posais.

À l'article 3.6 de l'entente du 29 septembre 1999, on dit que si Michaud, la société, ses représentants, administrateurs ou actionnaires étaient appelés à témoigner ou à participer à des procédures, c'est la compagnie du premier ministre qui devrait payer les frais d'avocats et de représentation, par exemple, s'ils comparaissaient devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Est-ce que ce n'est pas la preuve qu'il avait un intérêt puisque le premier ministre a toujours un intérêt à faire en sorte qu'il n'y ait aucune enquête sur cela, qu'il n'y ait aucune comparution parce que c'est sa compagnie qui paierait et qu'il ne veut pas qu'on entende toute la vérité sur l'affaire?

[Traduction]

L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, toutes les questions qui appellent des réponses et qui ont été soulevées à la Chambre dernièrement ont été couvertes ce matin dans les documents que le conseiller en éthique a rendus publics.

Nous avons soumis des questions à la GRC. La GRC a examiné les livres et les a refermés. Le conseiller en éthique a fait son travail. On nous a demandé de déposer l'acte de vente et d'autres documents pertinents. Nous avons tout fait cela.

Le moment est venu pour les députés d'en face de reconnaître qu'ils sont allés à la pêche, comme l'a dit le chef du Parti conservateur, mais qu'ils sont revenus bredouilles. Le moment est venu de ranger leurs cannes à pêche, de rentrer chez eux et de se remettre vraiment au travail dans l'intérêt des Canadiens.

*  *  *

LE MULTICULTURALISME

M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais dire au premier ministre que la ministre de second rang responsable du Multiculturalisme n'a reçu aucune lettre du maire d'une ville de la Colombie-Britannique ni de personne d'autre au sujet de croix qui auraient été brûlées dans cette province.

Elle a tout inventé. Elle a inventé cette histoire de toutes pièces. Elle a menti à la Chambre.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Les propos du député sont irrecevables. J'invite le député à se rétracter.

M. Richard Harris: Oui, monsieur le Président, je retire mes paroles. La ministre a inventé cette histoire et elle a induit la Chambre en erreur. Pourquoi le premier ministre ne la congédie-t-il pas tout simplement?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai dit et je le répète, la semaine dernière, la ministre a pris la parole à la Chambre, elle a admis s'être trompée et elle a présenté ses excuses.

La veille, un député d'en face avait pris des dispositions, et ce n'était pas en réponse à une question, pour que quelqu'un d'autre parle en son nom. C'était une erreur. Il est venu à la Chambre dire qu'il était désolé. Il s'est excusé. Nous avons accepté ses excuses. Je ne vois pas pourquoi l'opposition refuse d'accepter les excuses qui proviennent de ce côté-ci.

*  *  *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je signale aux députés la présence à la tribune de l'honorable Brad Clark, ministre des Transports de l'Ontario.

Des voix: Bravo!

*  *  *

 

. 1505 + -

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, mon recours au Règlement découle de la décision de la présidence de déclarer irrecevable la question complémentaire que j'ai posée au ministre des Affaires étrangères.

Je voudrais en appeler à la présidence et l'inviter, peut-être, à reconnaître que la question que j'ai posée était liée aux circonstances dans lesquelles trois députés ont accepté un voyage au Soudan payé par une société ayant fait l'objet de sévères critiques de la part d'un ministre, ce qui pourrait avoir des répercussions sur la politique étrangère du Canada.

Ma question s'adressait spécifiquement au ministre des Affaires étrangères. Elle soulevait de sérieuses préoccupations au sujet des répercussions de la décision sur ces députés d'accepter ce voyage gratuit, mais aussi, elle sollicitait, d'une façon plus particulière, l'avis du ministre quant à ses responsabilités administratives en tant que ministre.

Je voudrais attirer l'attention de la Chambre et de la présidence sur deux citations tirées du manuel Marleau et Montpetit, au chapitre 11, qui portent sur les questions:

    Les députés devraient pouvoir poser des questions de la façon la plus libre possible, tout en respectant les autres principes.

Puis, le manuel énonce des critères précis relatifs aux questions, disant que les députées devraient «chercher à obtenir des renseignements» et, bien sûr...

      ...poser une question qui relève de la responsabilité administrative du gouvernement ou du ministre concerné.

Je précise respectueusement qu'un des députés qui a pris la décision d'accepter ce financement de Talisman est le vice-président du Comité des affaires étrangères, et il est clair que cela pourrait avoir des répercussions sur le rôle du Canada en cette importante matière.

J'ose espérer que la présidence reconnaîtra que la question est tout à fait recevable et j'en appelle à la présidence de reconnaître qu'elle est recevable et de me permettre de la poser dès que possible.

Le Président: La présidence est prête à se prononcer sur cette question immédiatement. Je renvoie le député de Burnaby—Douglas, comme il l'a lui-même fait, à l'ouvrage de Marleau et Montpetit, à la page 426:

    En résumé, lorsqu'un député obtient la parole durant la période des questions, il devrait: [...] poser une question qui relève de la responsabilité administrative du gouvernement ou du ministre concerné.

    De plus, une question ne devrait pas: [...] chercher à obtenir une opinion juridique ou autre...

Le député a demandé au ministre de se prononcer sur les agissements d'un autre député. Cela n'avait rien à voir avec les dépenses du gouvernement. Cela n'avait rien à voir avec le ministère des Affaires étrangères.

Selon la question du député, il semble que ces députés aient choisi d'accepter un voyage payé par autrui. Cette situation ne concerne pas le ministre et, à mon avis, elle ne relève clairement pas de la responsabilité administrative du gouvernement. Le député demandait une opinion. Il a doublement violé les principes. La question n'était pas recevable. Je n'ai aucun doute à ce sujet.

[Français]

L'AUBERGE GRAND-MÈRE

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Nous avons fait des vérifications auprès du Greffier pour savoir si des documents liés au dossier de l'Auberge Grand-Mère avaient été déposés.

Le premier ministre de même que le ministre de l'Industrie insinuent, si on veut, qu'ils ont déposé des documents. Je rappelle aux députés que le dépôt de documents doit se faire ici à la Chambre pour que l'ensemble des parlementaires puissent en prendre connaissance, et non pas à la tribune de la presse.

De deux choses l'une: soit que vous rappeliez au membres du gouvernement que c'est leur devoir de déposer les documents à la Chambre et, s'il n'ont pas officiellement déposé les documents pour ce qui est de leurs discours prononcés à la Chambre, ils puissent se rétracter, ou bien, finalement, qu'ils déposent officiellement les documents, ce qui n'est pas le cas présentement.

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le député semble confondre deux ou trois dossiers différents.

Premièrement, il sait fort bien qu'un ministre «peut» déposer un document et non pas «doit» déposer un document.

Deuxièmement, il ne s'agit pas d'un ministre. L'honorable député devrait s'informer auprès de son chef qui le sait sans doute. Ces documents ont été rendus publics non pas par un ministre, mais par le conseiller en éthique.

 

. 1510 + -

Cela étant dit, toutefois, si la Chambre le veut, je m'engage à les déposer. D'ailleurs, aussitôt que j'obtiendrai une copie dans l'autre langue officielle, probablement dans les dix prochaines minutes, je ferai précisément cela, c'est-à-dire que je rendrai publics les documents en les déposant moi-même officiellement à la Chambre.

[Traduction]

M. Greg Thompson: Monsieur le Président, comme vous le savez, j'ai pris la parole à diverses occasions et je l'aurais fait aujourd'hui pendant la période des affaires courantes concernant les questions que j'ai inscrites au Feuilleton. Vous êtes très familier avec cette question, monsieur le Président, et je vous renvoie au hansard d'hier, à la page...

Le Président: À l'ordre s'il vous plaît. Si le député a l'intention de faire le même rappel au Règlement, puis-je lui suggérer d'attendre jusqu'à la période des affaires courantes demain, lorsque nous arriverons aux questions au Feuilleton. Je suis désolé qu'il n'ait pas été ici ce matin et je dois reconnaître que j'ai été étonné de son absence.

Toutefois, je ne suis pas d'avis que nous devrions revenir de nouveau aux questions. Nous avons abordé ce sujet ce matin. La Chambre a accepté qu'elles demeurent toutes au Feuilleton. Ce n'est donc que demain que l'on y reviendra. Le député sera libre de soulever de nouveau la question à ce moment-là, et je l'invite à le faire.

Je ne vais pas être très patient. Le député est mieux de faire cela rapidement s'il a quelque chose de nouveau à dire.

M. Greg Thompson: Monsieur le Président, il y a plus que cela. Il en résulte que la Chambre est induite en erreur. J'ai été informé que ces questions seraient présentées. Elles n'ont jamais été déposées. Pourquoi? Combien de fois me faudra-t-il...

Le Président: Le député aurait dû faire cette intervention ce matin lorsque l'on a autorisé que les questions demeurent au Feuilleton. S'il avait une question, c'était à ce moment-là qu'il aurait dû la soulever, et non maintenant.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI DE 2000 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu, certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations et une loi liée à la Loi sur la taxe d'accise, soit lu pour une deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, j'ai l'immense plaisir de poursuivre dans la veine dans laquelle j'avais commencé.

Je disais donc, avant que vous m'interrompiez avec politesse—soit dit en passant—pour la période de questions, que le gouvernement fédéral était confronté à des surplus qui, même avec le ralentissement économique appréhendé pour cette année aux États-Unis, faisaient en sorte que les coffres fédéraux augmenteront de montants faramineux, année après année, au cours des cinq prochaines années.

Même avec des hypothèses conservatrices en matière de rentrées fiscales liées à un ralentissement possible pour cette année au Canada, on en arrive à des surplus, échelonnés sur cinq ans, avoisinant les 135 milliards de dollars. Ça, c'est en tenant compte des hypothèses pessimistes quant au taux de croissance de l'économie.

C'est facile—et c'est ce que nous disions avant la période des questions—pour un ministre des Finances d'accumuler de tels surplus, lorsqu'il n'a pas à faire lui-même les efforts pour les réaliser. En résumé, le ministre des Finances est allé puiser dans la poche des chômeurs des surplus annuels de cinq à six milliards de dollars pour créer son surplus budgétaire.

Il est aussi allé chercher de l'argent en coupant dans les transferts aux provinces pour financer les programmes sociaux et l'éducation. Il est aussi allé chercher de l'argent, depuis 1993, par des hausses déguisées de l'impôt des particuliers, en n'indexant pas, avant l'année dernière, les tables d'impôt.

Quand on regarde cela, on voit qu'il y a des possibilités incroyables, pour le ministre des Finances, de faire des choix judicieux et des choix sous les auspices de la justice sociale.

Le ministre sait très bien, puisque c'est lui qui a égorgé les contribuables, les familles à revenu moyen, qu'une partie importante des baisses d'impôt qu'il a décrétées ne va, justement, pas aux familles à revenu moyen, ne va pas aux familles qui ont fait le sacrifice de leurs impôts ou des coupures à l'assurance-emploi. Elles ne gagnent pas une partie des surplus auxquels elles auraient droit normalement si on récompensait les véritables artisans et artisanes de l'assainissement des finances publiques.

Le ministre des Finances aurait pu prendre exactement le même montant qu'il a prévu au titre des baisses d'impôt pour les cinq prochaines années, soit un montant à hauteur de 73 milliards de dollars. Il aurait pu prendre ces recettes fiscales et réduire les impôts des familles à revenu faible et moyen.

 

. 1515 + -

Nos propres calculs nous permettent de dire que si le ministre des Finances refaisait ses devoirs, il pourrait, dès cette année, faire en sorte que des familles ayant 35 000 $ et moins de revenu, les familles monoparentales de façon particulière, ne paient pas un cent d'impôt fédéral.

Ils en paient à l'heure actuelle et ce ne sont pas ces familles qui ont reçu la palme d'or des réductions d'impôt pour cette année. Ceux et celles qui gagnent en réductions d'impôt vraiment significatives, ce sont les catégories de revenu de 250 000 $ et plus. Eux, au minimum, vont chercher 9 000 $ à 11 000 $ d'économie dès cette année. Si on compare cela à une famille monoparentale avec enfants à charge, on parle d'un montant d'environ 250 $ d'économie cette année. C'est rire à la face des gens.

C'est rire aussi de neuf contribuables sur dix, parce que ce sont ces contribuables qui ont contribué de façon majeure à l'assainissement des finances publiques, qui continuent aussi à contribuer à l'accumulation des surplus mirobolants du ministre des Finances et ce sont eux qui ne bénéficient pas des dividendes de cet assainissement des finances publiques.

Je disais aussi qu'au chapitre du logement social, il faudra que les plus démunis repassent, parce que le ministre des Finances n'a annoncé aucune nouvelle mesure dans son dernier budget, ni dans son mini-budget de l'automne, pour soulager les milliers de familles qui souffrent justement de problèmes au chapitre de la proportion de leur revenu qu'ils consacrent au logement, comparativement à la proportion de leur revenu qu'ils consacrent à des besoins vitaux comme la nourriture, les vêtements, le chauffage et ainsi de suite.

Lorsque le ministre des Finances est arrivé à la tête de son ministère en 1993, il y avait autour de 500 000 ménages au Canada qui consacraient plus de 50 p. 100 de leur revenu au logement. Maintenant, ils sont plus de 850 000 ménages qui consacrent plus de 50 p. 100 au coût de leur logement. Cela veut dire qu'ils ont seulement la moitié de leur revenu à consacrer à des dépenses telles que nourrir et vêtir les enfants et chauffer leur famille. C'est 50 p. 100 seulement de leur revenu.

Déjà, lorsque l'on consacre plus de 30 p. 100 de notre revenu pour se loger, on est considérés comme des personnes vraiment défavorisées, des personnes qui seront obligées de couper dans d'autres besoins vitaux pour pouvoir satisfaire le paiement du loyer.

Devant ces chiffres catastrophiques, comment se fait-il que le ministre des Finances, avec des surplus d'environ 135 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, même en tenant compte du ralentissement, n'ait pas songé à mettre de l'argent dans ce secteur?



AFFAIRES COURANTES

[Français]

LE DÉPÔT DE DOCUMENTS

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer, dans les deux langues officielles, les documents demandés plus tôt aujourd'hui par le député d'en face au sujet de la vente des actions de l'Auberge Grand-Mère.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI DE 2000 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu, certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations et une loi liée à la Loi sur la taxe d'accise, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, il y a de ces journées où on essaie de finir les choses et il n'y a rien qui avance, comme on dit. C'est seulement la troisième fois que j'essaie de terminer mon discours. J'espère qu'il n'y a pas d'autres prérogatives de la Chambre qui vont m'empêcher de poursuivre jusqu'à la fin. J'espère, monsieur le Président, que vous allez faire preuve de compréhension pour la suite des choses.

Je disais donc, avant qu'on m'interrompe, que déjà, lorsqu'on consacre 30 p. 100 de son revenu au logement, on est considérés comme des personnes qui en arrachent, des personnes qui ont besoin de soutien.

Devant des chiffres aussi effarants qui disent qu'il y a eu une augmentation d'à peu près 60 p. 100 des ménages au Canada qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu pour se loger, comment se fait-il que le ministre des Finances n'ait pas pensé une minute à mettre un sou pour le logement social? Il aurait été facile d'y consacrer deux ou trois milliards sur les 135 milliards de dollars de surplus prévus au cours des cinq prochaines années. Pourquoi n'y a-t-il pas pensé?

 

. 1520 + -

Pourquoi, par contre, a-t-il pensé à aller du côté des millionnaires, des gens qui n'en arrachent pas, des gens qui n'ont pas besoin des 9 000 $ ou 11 000 $ d'économie dès cette année? Par contre, les gens qui ont un revenu inférieur à 15 000 $ par année, eux, auraient bien aimé pouvoir mieux se loger et mieux loger leur famille. Non, cela n'est pas dans les priorités du ministre des Finances, pas du tout.

Avec les milliards qui lui pendent au bout du nez, comment se fait-il qu'il soit allé chercher l'argent dans la poche des chômeurs, des plus démunis, des personnes malades aussi, de celles qui ne peuvent pas avoir de transferts corrects correspondant aux besoins des gens dans le secteur de la santé? Comment se fait-il qu'il soit allé chercher l'argent dans la poche des étudiants aussi, qui auraient pu bénéficier d'une partie de la manne qui entre dans les coffres fédéraux? Comment se fait-il que le ministre des Finances n'ait pas pensé à mettre de l'argent dans ces secteurs? Comment se fait-il qu'il n'ait pas songé une minute non plus à augmenter la contribution du Canada au niveau de l'aide internationale qui a diminuée comme peau de chagrin depuis que ce ministre sans coeur est devenu ministre des Finances?

Comment se fait-il que cet homme continue à croire que la meilleure façon de combattre la pauvreté et de combattre le chômage, c'est de piquer, à tous les ans, le surplus de la caisse d'assurance-emploi? Comment se fait-il qu'il n'ait pas songé une minute à soulager les 57 p. 100 d'exclus, les chômeurs et les chômeuses qui sont exclus de l'assurance-emploi? C'est parce qu'il a besoin de faire du fric, qu'il a besoin de rapporter des surplus pour concéder des baisses d'impôt à ceux qui gagnent 250 000 $ et plus par année.

Comment se fait-il que cet homme n'ait pas pensé que ce serait une bonne idée d'augmenter la pension de sécurité de vieillesse pour les personnes du troisième âge, en particulier pour les femmes âgées vivant seules?

Un rapport du Conseil national du bien-être social disait, il y a à peine 16 mois, que la situation des personnes âgées seules, surtout celle des femmes âgées seules, est en train de se détériorer, et qu'il fallait mettre des fonds supplémentaires pour les aider et éviter qu'on retourne dans le vieux cercle vicieux d'avant les années 1960. À l'époque, ces personnes n'avaient aucun filet de sécurité. Comment se fait-il que cet homme pense toujours à faire surtout payer les femmes et les enfants?

Quand j'ai dit cela l'autre jour, le ministre des Finances s'est mis à rire. J'aimerais bien, à un moment donné, qu'une caméra capte son sourire quand on le met devant des évidences comme celles-là, quand on lui dit que ce sont les femmes et les enfants qui paient le prix de son incurie, quand on lui dit que le fait qu'il aille voler les milliards de dollars de surplus de l'assurance-emploi, 38 milliards depuis 1994, ce sont les femmes qu'il frappe de plein fouet en premier, ce sont les enfants, ce sont les jeunes qu'il marginalise davantage. Il nous fait un petit sourire. J'aimerais bien que la caméra le capte à un moment donné.

Quand on lui parle des femmes âgées seules, là aussi, il a un sourire. Le sort des femmes âgées seules qui commencent de plus en plus à verser dans l'extrême pauvreté, ce n'est pas drôle.

Comment se fait-il aussi que cet homme ait pensé à baisser les impôts des millionnaires avant de mettre de l'argent pour combattre l'indigence, l'itinérance?

J'entendais récemment un conseiller municipal de Hull, que je salue en passant et que je félicite pour son oeuvre, dire que dans la région de l'Outaouais québécois, non seulement il y a de plus en plus de personnes itinérantes qui perdent leur emploi, qui perdent tout, mais il y a des familles entières qui sont en itinérance. Et on n'a pas de maisons d'accueil pour ces gens-là.

Comment se fait-il que le ministre des Finances, qui doit commencer à connaître l'Outaouais puisqu'il vit ici depuis plusieurs années, comme député québécois en plus, n'ait pas pensé à mettre une partie des surplus de plusieurs milliards de dollars, qu'il pique aux plus démunis, dans la construction de maisons d'accueil pour ces familles itinérantes?

On se demande parfois si ce ministre et son gouvernement ont un coeur. Vous savez ce que c'est un coeur, monsieur le Président. Vous le savez. Je suis sûr que vous en avez un, mais le ministre des Finances et le premier ministre, je doute qu'ils en aient un quelquefois.

 

. 1525 + -

Lorsqu'on voit s'établir, se dessiner les priorités au niveau de l'allocation des budgets et quand on voit les coupures sauvages qu'on a réalisées au cours des dernières années dans les programmes sociaux, dans le programme de soutien du revenu en particulier, on se demande s'il a un coeur quelque part. S'il a un coeur—il doit en avoir un puisqu'il semble être bien vivant—il ne l'a pas à la bonne place, comme aurait dit mon grand-père.

S'il avait eu le coeur à la bonne place, avec les possibilités qui s'offrent aujourd'hui de répondre véritablement aux besoins de la population qui en arrache et aux besoins des familles à revenu moyen qu'on égorge avec la fiscalité depuis presque deux décennies, il aurait pu prendre des décisions valides.

Je l'invite à refaire ses devoirs et à faire en sorte que ces milliards de dollars qui s'en viennent soient alloués de la bonne façon et dirigés vers la bonne clientèle, vers les personnes à faible et moyen revenu, vers les familles surtout et vers les chômeurs et les chômeuses. Ces gens gagneraient avec une vraie réforme de l'assurance-emploi qui exclut, à l'heure actuelle, 57 p. 100 de la clientèle. Cet argent pourrait être alloué aussi à une indexation totale des transferts fédéraux pour financer la santé, l'éducation et la sécurité du revenu.

Au niveau du logement social, les besoins sont criants. Va-t-on crier assez fort ici pour faire comprendre au ministre des Finances qu'il y a des gens qui sont dans la rue, qui ont froid et qui ont faim? Va-t-il falloir crier de plus en plus fort le désarroi des gens qui n'ont pas la parole ici, qui n'ont pas la possibilité de parler directement à ce gouvernement sans coeur? Combien de fois va-t-on devoir crier le désarroi de ces gens?

À un moment donné, on ne sait plus quelles statistiques apporter ici, parce qu'on a l'impression, en quelque sorte, que ces gens-là sont de marbre. On a beau apporter des faits qui parlent d'eux-mêmes, d'une augmentation de 25 p. 100 de la pauvreté chez les enfants depuis qu'ils sont là, d'une augmentation de 60 p. 100 des gens qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu au logement, on a beau leur dire qu'il y a 57 p. 100 des chômeurs et des chômeuses surtout, qui sont exclus de l'assurance-emploi, on s'en fout de l'autre côté. Ça va leur prendre quoi?

Il me semble que ce serait facile pour le ministre des Finances de revoir ses prévisions. D'ailleurs, il va faire un énoncé économique au mois de mai. J'espère qu'il va avoir la décence d'arrêter de nous prendre pour des «caves» et qu'il va nous donner des vrais chiffres. Même si ce sont des chiffres qui sont un peu pessimistes, à cause du ralentissement américain, j'espère qu'il n'aura pas l'odieuse idée de tenter, encore une fois, de nous remplir comme si on était des outres. J'espère qu'il ne nous prendra pas pour ce qu'on n'est pas et qu'il ne prendra pas la population pour des imbéciles. Il y a toujours une limite à rire des gens.

Il disait, la semaine dernière: «J'ai donc bien fait d'être prudent dans mes estimations»; «L'opposition m'a toujours dénoncé parce que j'étais prudent». Il y a une différence entre être prudent et cacher la vérité. Il y a une différence entre être prudent et expliquer les faits correctement. Il y a une différence entre être prudent et faire preuve de cynisme face au besoin d'information de la population.

Le ministre des Finances a fait preuve de cynisme depuis les dernières années en commettant des erreurs de prévision au niveau des surplus qui allaient du simple au double. Je me souviens même d'une fois où en l'espace de six mois, le ministre des Finances, qui se dit compétent, ouvert et transparent, a fait une erreur de prévision, pour quatre mois ou quatre mois et demi, de 130 p. 100 quant au surplus. Il faut vouloir rire du monde, et pas à peu près. Il disait qu'il était content d'avoir été prudent. Prudent de quelle façon? Il n'a pas été prudent une miette.

Ce qu'il a pris comme surplus à la caisse d'assurance-emploi, 38 milliards de dollars depuis 1994, il l'a dépensé. Il l'a mis sur la dette. Il l'a utilisé pour diminuer les impôts des millionnaires. Où est-elle, cette prudence? Où est-il, le coussin pour l'assurance-emploi?

Supposons qu'il y ait un ralentissement économique qui fasse en sorte que le nombre de chômeurs augmente, on va avoir besoin de fonds supplémentaires pour les aider. Où est-il, ce coussin-là? Il est dépensé. Elle est où la prudence du ministre des Finances? Elle a pris le bord.

 

. 1530 + -

Je vais vous donner les vrais chiffres. Avant le ralentissement économique des États-Unis, nous prévoyions, pour les cinq prochaines années—pour une fois, nous étions d'accord avec le ministre des Finances et nous ne commencerons pas à nous obstiner sur des virgules et sur des décimales—que, grosso modo, il y aurait autour de 148 milliards de dollars de surplus. Avec le ralentissement de cette année, et nous avons également tenu compte d'un ralentissement l'an prochain et d'un taux normal réel de croissance du PIB, soit le produit intérieur brut, nous nous retrouverions avec une hypothèse pessimiste de 136 milliards de surplus. Il manque donc autour de douze milliards sur cinq ans. Un peu plus de deux milliards par année, ce n'est quand même pas si mal.

Si le ministre des Finances arrêtait de baisser les impôts des très riches et s'il consacrait l'essentiel des surplus à baisser les impôts des personnes à faible et à moyen revenu, à investir de l'argent dans le logement social, à corriger les iniquités et les injustices au régime d'assurance-emploi, à faire en sorte d'indexer les transferts pour la santé, l'éducation et la sécurité du revenu, il n'y en aurait pas de problème. Il pourrait même rembourser d'un certain montant annuellement la dette accumulée du gouvernement fédéral. Il en est capable. Qu'il ne nous arrive pas avec des chiffres qui ont diminué en bas de ces montants les prévisions de surplus.

Si tel est le cas, nous allons parcourir le Québec et le Canada s'il le faut pour dire que le ministre des Finances est en train de bourrer tout le monde. Il faut arrêter de nous prendre pour des dindes. Il faut qu'il prenne ses responsabilités.

Nous allons donc voter contre le projet de loi C-22 parce qu'il ne sert pas les intérêts de la majorité des contribuables. Lorsqu'on parle de baisses d'impôts, il faut savoir à qui cela s'adresse. Ce sont aux amis du ministre des Finances. Ce n'est pas à vous et moi, ce n'est pas aux familles à revenu moyen, ce n'est pas aux familles à faible revenu. Elles ne récoltent presque rien cette année. Ce sont ceux qui gagnent 250 000 $ et plus qui en profitent.

Pour ce qui est du plan de réduction des impôts, il faudrait que le ministre des Finances aille se rasseoir, qu'il commence par se regarder dans un miroir pour se demander s'il est fier de lui. Je suis certain que le miroir va lui répondre qu'il n'est pas fier de lui. Il va lui rester une deuxième chose à faire: se rasseoir à son pupitre, refaire ses devoirs, repenser les baisses d'impôts, les cibler sur les personnes ayant des revenus faibles et moyens et penser aux chômeurs et aux chômeuses. Pour une fois, qu'il en ait donc du coeur, qu'il regarde ce qu'il a fait depuis qu'il est en poste.

Ce serait donc une bonne idée qu'il commence à avoir un peu plus de sentiments, qu'il se comporte un peu plus comme un être humain, qu'il développe un peu ce que l'on appelle la solidarité sociale. Je ne sais pas s'il connaît cela. Il parle de compassion. C'est plus libéral comme valeur et c'est également plus bourgeois. Mais la solidarité sociale, c'est d'être solidaire des gens qui sont dans la misère pour essayer de les soulager. Il occupe un poste d'importance et il pourrait soulager ces gens.

Je lui demande simplement de revenir sur ses décisions passées, refaire ses devoirs et penser à ce que je lui ai dit: aider les gens, les soulager, faire preuve de solidarité sociale et avoir du coeur. Il me semble que c'est facile, que ce n'est pas sorcier.

[Traduction]

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, je tiens à dire quelques mots au sujet du projet de loi d'exécution du budget dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Comme mon collègue du Bloc québécois, je précise que le NPD s'opposera aussi au projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, car il porte essentiellement sur l'orientation économique globale et la position du gouvernement du Canada. Ce projet de loi est fondamental. Il indique quelles devraient être les priorités du gouvernement et de la Chambre des communes par rapport à l'orientation de notre économie pour les trois à cinq prochaines années.

Le ministre des Finances croit que la principale priorité est de réduire les impôts de quelque 100 milliards de dollars sur les quatre prochaines années. Cela ne correspond certainement pas à ce que disent les Canadiens.

Les sondages d'opinion le démontrent, et les gens nous le disent lorsqu'on les rencontre, la principale priorité n'est pas la réduction des impôts parce qu'elle s'adresse surtout aux plus riches du pays, à moins bien entendu qu'on ne soit allianciste, car c'est la principale priorité pour les alliancistes.

Les alliancistes ont maintenant convaincu le gouvernement que la première chose à faire est de réduire massivement les impôts. Un député allianciste du Manitoba applaudit avec enthousiasme cette mesure. Par conséquent, ce que je dis doit être exact. Cependant, cette priorité de l'Alliance canadienne, et maintenant du gouvernement, n'est pas prioritaire pour les Canadiens.

Les sondages montrent que de 7 à 8 p. 100 seulement des Canadiens croient que la priorité la plus importante est la réduction des impôts.

 

. 1535 + -

Les Canadiens veulent plutôt investir dans les gens, à savoir dans les soins de santé, l'éducation et l'environnement. Ils veulent investir pour aider les agriculteurs canadiens, qui traversent la pire crise depuis les années 30. Ce sont là les priorités des Canadiens. C'est là qu'ils veulent que nous dépensions la plus grande partie de l'argent.

Sous le rapport des réductions d'impôt, les Canadiens veulent un système d'imposition plus équitable et plus progressif. Ils ne veulent pas du système d'impôt uniforme que préconise l'Alliance canadienne. C'est pourtant ce vers quoi tend le ministre lui-même, par exemple en modifiant les dispositions concernant les gains en capital.

Jusqu'à récemment, 75 p. 100 des gains en capital étaient inclus dans le revenu imposable. Que le contribuable ait gagné 10 000 $, 100 000 $ ou un million de dollars à la bourse ou ailleurs, 75 p. 100 de ce gain était considéré au titre de revenu imposable et imposé au taux marginal d'imposition. Or, voilà que le ministre réduirait aux deux tiers la proportion des gains en capital faisant partie du revenu imposable.

Et comme si ce n'était pas assez, il a réduit ce taux à 50 p. 100 dans son dernier mini-énoncé à l'automne dernier. Si un plongeur dans un restaurant a le bonheur de faire un million de dollars en gains de capital, seulement la moitié de cette somme sera incluse dans son revenu imposable. Voilà ce que cautionne le ministre.

Il y a très peu de gens ordinaires qui vont vraiment tirer profit de cette mesure fiscale. Celle-ci n'avantage en fait que les riches. Ce sont eux qui profiteraient le plus d'une réduction, voire d'une très forte réduction de leurs impôts. Le principal élément du projet de loi, c'est une réduction d'impôt pour les riches, pour ceux qui gagnent beaucoup d'argent en gains en capitaux, pour les banquiers, les grandes entreprises, les privilégiés. C'est le gouvernement libéral qui leur donne cela.

Monsieur le Président, je sais que vous êtes député depuis longtemps et que vous conviendrez probablement avec moi que nous avons, en face de nous, le gouvernement libéral le plus conservateur de toute l'histoire du Canada. Il est beaucoup plus conservateur que les gouvernements de Pierre Trudeau ou de Lester Pearson ou que tous les autres gouvernements libéraux précédents. Il est plus conservateur parce que les programmes du Parti réformiste et de l'Alliance l'ont entraîné à droite. C'est ce qui se passe actuellement et c'est pour cela que nous avons le débat d'aujourd'hui.

Je suis d'accord avec le député qui disait tout à l'heure que les priorités du gouvernement sont faussées, que les Canadiens ne veulent pas dépenser presque toutes les ressources financières que nous avons ou peut-être les deux tiers ou le quart, peut-être 80 ou 90 p. 100, selon la performance économique du Canada à l'aube de la récession ou de la quasi-récession dans laquelle nous entrons. Ils ne veulent pas dépenser tout cet argent en réductions d'impôt massives. Ils veulent que l'argent soit consacré au système de santé.

Si nous remontons à 1995, nous voyons que le gouvernement, encore une fois sur les conseils du Parti réformiste, a sabré allègrement dans les transferts aux provinces au titre de la santé. La population canadienne veut que les transferts aux provinces augmentent. Elle veut que notre système de santé soit à nouveau le meilleur au monde.

Je me tourne vers une autre grande question dont le gouvernement fait fi parce qu'il accorde la priorité aux grandes réductions d'impôt, soit l'aide destinée aux agriculteurs. Il y a quelque temps, le gouvernement a annoncé une aide de quelque 500 millions de dollars pour les agriculteurs. Nos agriculteurs, particulièrement les producteurs de grain et d'oléagineux, font face à la plus grave crise qu'ils aient traversée depuis les années 30. À cause de cette crise, de nombreux agriculteurs ont maintenant abandonné l'agriculture.

Entre l'automne 1999 et l'automne 2000, plus de 20 000 agriculteurs de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta ont été forcés d'abandonner leur exploitation, en grande partie à cause de la politique du gouvernement fédéral qui n'appuie pas nos agriculteurs comme il le devrait.

Il y a quelques jours, le Globe and Mail a publié un article précisant que le gouvernement américain appuyait ses agriculteurs et subventionnait ses producteurs céréaliers huit fois plus que ne le faisait le Canada. C'est pourquoi les agriculteurs américains s'en sortent mieux que les nôtres. Les agriculteurs européens s'en tirent encore mieux que ces derniers, pour ce qui est de l'argent qu'ils obtiennent de Bruxelles. Le gouvernement fait face à une grave crise agricole et au lieu de prévoir plus d'argent pour les agriculteurs, 1 milliard de dollars ou 1,5 milliard de dollars plutôt que 500 millions de dollars, il consacre 100 milliards de dollars à des réductions d'impôt, dont une bonne partie va aux nantis et aux grandes sociétés. C'est tout à fait inadmissible et c'est pourquoi nous devrions modifier les orientations économiques et financières du gouvernement du Canada.

 

. 1540 + -

C'est l'objet de ce projet de loi. Nous y mettons en oeuvre les mesures financières et les réductions d'impôt du ministre des Finances. Ce qu'il fait entraîne le Canada dans la mauvaise voie. Nous avons une somme limitée à notre disposition.

Si on consacre 100 milliards de dollars à des réductions d'impôt, combien va-t-il rester pour les agriculteurs et pour les soins de santé? Combien restera-t-il pour lutter contre la pauvreté et régler les problèmes croissants en matière d'environnement qui s'aggravent de jour en jour? Notre dossier dans ce domaine n'est pas très reluisant.

Si on utilise 100 milliards de dollars pour réduire les impôts et bourrer les poches de certains gros banquiers et les nantis, combien restera-t-il pour les premières nations et les métis? Combien restera-t-il pour le logement social, les étudiants, les frais de scolarité et le système d'éducation? Combien restera-t-il pour la recherche et le développement en matière de science et de technologie? Combien restera-t-il pour les travaux d'infrastructure dans les petites et les grandes villes? Combien restera-t-il pour les pêcheurs des côtes est et ouest, ou pour l'industrie du bois en Colombie-Britannique ou ailleurs, ou pour l'industrie minière?

Si nous dépensons 100 milliards de dollars sur un montant total de 100 milliards, selon le ralentissement que connaîtra l'économie, ou 100 milliards sur 130 milliards si le ralentissement de l'économie n'est pas aussi sérieux que plusieurs personnes ne le craignent, combien restera-t-il pour répondre aux vraies priorités des Canadiens?

Lorsque le parti ministériel et l'opposition officielle approuvent une réduction massive des impôts—en fait, l'opposition réclamait une réduction encore plus forte que celle annoncée par le ministre des Finances—, cela démontre bien que ces partis ne connaissent pas les priorités et les besoins des Canadiens ordinaires.

Les Canadiens ordinaires veulent que l'on investisse dans les gens. Ils veulent un programme axé sur les gens. En 1995, lorsque l'actuel ministre des Finances a déposé son budget, ce sont les Canadiens qui ont souffert en raison des plus importantes compressions jamais imposées par le fédéral au Canada.

Il fallait effectuer certaines de ces compressions budgétaires à cause de l'énorme problème de la dette et du déficit, mais au lieu de réduire les dépenses de façon plus modérée et sélective, le ministre libéral a appliqué une politique de coupes aveugles.

Mon collègue libéral de Winnipeg a été horrifié par ces coupes sombres exercées dans le système de santé. Il connaît très bien le système de santé. Mon collègue libéral de Peterborough a été horrifié par les coupes sombres dans les paiements de transfert aux fins de l'éducation. Il connaît très bien le monde de l'enseignement postsecondaire, étant un vieux professeur de l'université Trent de Peterborough. Quand je dis vieux, je veux dire chevronné.

Nous avons un système parlementaire où ils doivent se tenir cois et voter comme on leur dit quand il s'agit de voter sur ces mesures législatives à la Chambre des communes. Il nous appartient donc d'essayer de persuader le ministre des Finances qu'il fait fausse route.

Au cours de la dernière décennie, celle des années 90, nous avons vu s'élargir de nouveau l'écart entre les riches et les pauvres au Canada. Tout au long des années 60 et 70 et jusqu'au milieu des années 80, l'écart entre les plus riches et les plus pauvres de notre société avait diminué. Nous avons vu plus particulièrement dans les années 60 et jusqu'au milieu des années 70 l'avènement de pensions de vieillesse convenables. Nous avons vu instituer le Régime de pensions du Canada. Entre 1972 et 1974, nous avons eu un gouvernement libéral minoritaire qui a gouverné avec l'appui du NPD. Nous avons connu l'indexation de programmes sociaux comme le régime de pensions de vieillesse et une augmentation des paiements de transfert aux provinces aux fins des soins de santé.

Grâce à l'importance très réelle accordée à la politique sociale et à la justice sociale, nous avons vu l'écart entre les riches et les pauvres diminuer tout au long des années 60, 70 et jusqu'au milieu des années 80. Que s'est-il produit dans les années 90, particulièrement après 1995? L'écart entre les riches et les pauvres s'est de nouveau élargi. Les 20 p. 100 des personnes les plus riches gagnent de plus en plus de revenus et les 20 p. 100 des personnes les plus pauvres en gagnent de moins en moins.

Il suffit de jeter un coup d'oeil à deux études, l'une réalisée récemment par Statistique Canada et l'autre effectuée par l'Institut Vanier de la famille. Les deux études mènent à la même conclusion. L'écart entre les riches et les pauvres s'est élargi au lieu de se rétrécir tout au long des années 90.

 

. 1545 + -

Lorsque nous parlons du budget, de la fiscalité et de la politique monétaire et financière, il me semble que nous devrions chercher des moyens de réduire l'écart entre les riches et les pauvres, des moyens d'offrir plus de possibilités à tous les Canadiens, des moyens de défendre davantage l'intérêt public dans nos orientations, afin d'offrir à tous les Canadiens des chances plus égales en matière de conditions, de partage et de perspectives.

Au lieu de cela, nous allons dans la direction opposée. Le nombre de gens pauvres ou défavorisés augmente. Il suffit de se rendre dans le centre-ville de Regina, de Vancouver, de Toronto, de Montréal ou de Winnipeg pour constater qu'il y a davantage de sans-abri.

Lorsque je suis parti à pied de mon hôtel ce matin, j'en ai vu quelques-uns, assis dans la rue, qui quémandaient de l'argent. Il était 7 h 30 ou 8 heures. On voit cela couramment à Ottawa, à deux ou trois coins de rue de la colline du Parlement. Pourtant, l'Alliance canadienne et le gouvernement disent qu'il faut plus d'argent pour offrir de fortes réductions d'impôt aux riches.

[Français]

Le député de Abitibi—Baie-James—Nunavik vient d'une circonscription qui n'est pas très riche. Mais lorsque le ministre des Finances a décidé de couper les impôts pour les riches au Canada et pour les grandes sociétés au Canada, le député de Abitibi—Baie-James—Nunavik est resté à son siège et n'a rien dit du tout sur la politique fiscale du gouvernement du Canada.

Il est temps de voir un député comme lui, qui vient d'une région où il y a beaucoup de pauvreté, prendre la parole pour dire au ministre des Finances que sa politique fiscale est une erreur, qu'elle n'est pas juste pour le pays, qu'elle n'est pas équitable pour les Canadiennes et les Canadiens. Nous ne voyons pas ça à la Chambre.

[Traduction]

J'ai parlé de l'élargissement du fossé entre les riches et les pauvres, des coupures dans l'éducation, dans la santé et dans l'agriculture. Au cours des dernières années, des millions de dollars ont été retirés des programmes agricoles. Je pense qu'il est temps que le gouvernement du Canada change de cap et recommence à investir dans des programmes qui aident les citoyens ordinaires.

Au lieu d'une réduction d'impôt de 100 milliards de dollars, investissons davantage dans le système de santé, dans le système d'éducation, dans des programmes d'aide aux gens à faible revenu, dans des programmes d'aide aux populations des premières nations et aux Métis, qui vivent souvent dans des conditions dignes des pays en développement. On peut faire mieux comme pays.

Il y a encore des régions où le taux de chômage est beaucoup trop élevé. Il a de plus en plus de soupes populaires, de plus en plus de sans-abri, de refuges pour itinérants et de banques alimentaires. On en ouvre tout le temps. L'ouverture de banques alimentaires est proportionnelle à la fermeture de nombreuses succursales bancaires. Tout ça dans un pays extrêmement prospère, dans un pays possédant des atouts uniques, des ressources fantastiques et une population hautement éduquée.

Nous devons nous doter d'une politique publique qui engendrera les bonnes décisions. Nous devons investir dans notre capital humain, par exemple pour mettre nos agriculteurs sur un pied d'égalité avec les agriculteurs américains et européens. À armes égales, nos agriculteurs produiront. Les agriculteurs vendront leurs produits et créeront des emplois dans les villes canadiennes, ce qui bénéficiera à toute l'économie.

Nous devons investir dans le système de santé et dans l'éducation. Nous devons investir dans le capital humain de manière à préparer la main-d'oeuvre de demain la plus qualifiée au monde. Si nous réussissons dans cette voie, notre pays sera plus fort et plus viable.

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les remarques du député de l'autre côté. Je lui sais gré de m'avoir mentionné, même si c'était d'une façon quelque peu désobligeante. Il a parlé de réductions d'impôt, de changements fiscaux et d'autres choses du genre. J'aimerais lui poser quelques questions.

Premièrement, que pense-t-il de l'idée d'avoir étendu le congé parental à 12 mois? C'est une mesure qui suppose des dépenses, pas seulement pour le gouvernement, mais pour les autres. Le crédit d'impôt pour handicapés a été augmenté, ce dont je suis très content. C'est une réduction d'impôt et une mesure fiscale. Le crédit d'impôt aux aidants naturels, une mesure assez récente, devrait augmenter. Il a aussi parlé de l'intérêt à l'égard de l'enseignement supérieur. Nous avons augmenté le crédit d'impôt pour les étudiants. Le gouvernement a fait toutes ces réductions. Ce n'est pas qu'il soit âgé, mais je sais qu'il a énormément d'expérience à la Chambre des communes. Il était là, je crois, avant tous les députés ici présents.

 

. 1550 + -

J'ai remarqué dans le discours du Trône qu'il était question de créer un régime enregistré d'apprentissage personnel. Si je comprends bien, d'après ce paragraphe du discours du Trône, chacun de nous devrait avoir une sorte de régime enregistré d'épargne-études dans lequel nous mettrions de l'argent de côté, comme dans un REER, pour que nos enfants puissent utiliser ces fonds non imposables pour leurs études. Cet argent ne serait jamais imposé pourvu que nous l'utilisions à des fins de perfectionnement.

Que pense le député de cette mesure?

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, on ne saurait ne pas être d'accord avec bon nombre des mesures préconisées dans le discours du Trône. Toute proposition visant à redistribuer les revenus et les richesses pour rendre la société plus juste et plus égalitaire me convient sans conteste. Certaines de ces mesures sont positives, par exemple le fait de réinvestir dans le tissu social canadien et dans les programmes sociaux. Toutefois, beaucoup d'entre elles avaient été supprimées dans le budget de 1995, comme le sait le député d'en face.

Maintenant que nous avons un excédent budgétaire anticipé de plus de 100 milliards de dollars sur cinq ans, ces fonds, pour la majeure partie, je dirais 75 à 80 p. 100, devraient être investis dans les programmes sociaux. Ce sont là quelques bons exemples de ce qu'on fait avec une partie de cet argent.

Ce que je reproche au gouvernement, c'est le fait que, au lieu de consacrer 75 ou 80 p. 100 de cet argent aux programmes sociaux, à l'infrastructure, aux programmes agricoles, aux programmes d'aide aux étudiants, d'éducation, de promotion des sciences et de la technologie, de recherche et de développement, de soins de santé, ainsi de suite, pour rebâtir l'infrastructure sociale et renflouer le déficit humain, le gouvernement fait tout le contraire, et utilise 75 à 80 p. 100 de ces excédents pour accorder des réductions d'impôt.

Je suis d'accord pour les changements qui favorisent l'équité fiscale et la mise en place d'un régime progressif. La réduction de la TPS en est un bon exemple. Nous devrions mettre en place un plus grand nombre de taux marginaux d'imposition. Au lieu de trois, nous devrions en avoir cinq; ainsi le régime d'imposition serait plus progressif et plus équitable.

Je reproche cependant au gouvernement son sens des priorités. Il n'a pas accordé la priorité à cette question. Il investit cet argent essentiellement dans des réductions d'impôt dont une bonne partie bénéficient surtout aux riches. L'argent ne va pas à l'agriculteur ordinaire de l'Île-du-Prince-Édouard qui éprouve des problèmes en raison de la guerre commerciale avec les Américains au sujet des pommes de terre. Il ne va pas à l'agriculteur ordinaire. Dans bien des cas, cet argent bénéficie à des gens qui n'en n'ont pas besoin.

Premièrement, les riches n'ont pas besoin des réductions substantielles d'impôts. Ils les investissent souvent à l'étranger dans des actions ou des projets. Deuxièmement, pour ce qui est de stimuler l'économie, au sein de la classe moyenne, le taux d'endettement des ménages est à son plus haut si je ne m'abuse. Une réduction des impôts permettra donc de rembourser une partie de la dette des ménages et ne stimulera pas l'économie.

Pour les contribuables à faible revenu, la réduction des impôts aura évidemment un effet de stimulation, mais ils ne bénéficient que d'une légère réduction d'impôts. À un moment auquel l'économie a besoin d'être stimulée, d'être fouettée, ces réductions globales d'impôts du ministre des Finances ne sont pas la solution. Il faut plutôt investir dans les gens et développer notre infrastructure humaine.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-22.

Le projet de loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu est un ensemble de mesures très modestes, dont certaines vont dans la bonne direction. D'autres, cependant, viennent compliquer une loi qui l'est déjà beaucoup trop et la plupart illustrent le triomphe de la politique sur l'intérêt public.

L'examen des mesures fiscales contenues dans le projet de loi révèle qu'elles sont dénuées d'orientation générale. En fait, elles sont le résultat d'un document de peu de substance mis au point avant les élections, un document qu'on a appelé parfois un mini-budget. Si on parle de mini-budget, c'est sans doute parce qu'il reflète la mini-vision que le gouvernement a du Canada.

 

. 1555 + -

Les modifications mineures contenues dans le projet de loi ne correspondent pas aux besoins des Canadiens ni à ceux du régime fiscal. Ce qu'il nous faut, c'est une véritable réforme de la fiscalité canadienne, une réforme qui serve de moteur de la croissance économique. Au lieu de proposer un rapiéçage de la fiscalité dans le cadre d'une politique préélectorale, le gouvernement aurait mieux servi les Canadiens en engageant une réforme fiscale propice à la croissance économique à long terme. Tous les Canadiens en bénéficieraient et le Canada verrait sa situation concurrentielle s'améliorer sur la scène internationale. Les mesures contenues dans le projet de loi font bien peu pour améliorer la situation concurrentielle à long terme de l'économie canadienne.

Si on examine la feuille de route du gouvernement depuis son élection en 1993, notamment sous le rapport de la confiance dans l'économie canadienne sur la scène internationale, l'indice d'évaluation le plus incriminant pour le gouvernement est sans doute la dépréciation de notre dollar et le fait que, sous le gouvernement actuel, la valeur de notre dollar a perdu plus de 11¢. En d'autres mots, la valeur de notre dollar reflète la valeur des actions de Canada Inc. Sous le gouvernement actuel, notre dollar a vu sa valeur diminuer de 11¢.

Chaque fois que notre monnaie se déprécie face à la devise américaine, le pouvoir d'achat des Canadiens diminue. Nous consommons beaucoup de biens et services provenant des États-Unis. La dépréciation de notre dollar entraîne directement une diminution de notre niveau de vie et, en définitive, de notre qualité de vie.

La politique fiscale et financière constituent un élément clé du renforcement à long terme de notre monnaie. Le gouvernement refuse de parler de la baisse du dollar canadien sous prétexte que cela relève du gouverneur de la Banque du Canada et de ses responsabilités en matière économique. À long terme, les leviers de la politique financière sont aussi importants que les leviers de la politique monétaire pour assurer à long terme la force du dollar canadien. Étant donné l'importance de la politique financière, soit l'ensemble des politiques en matière d'impôt, d'endettement et de dépenses stratégiques, pour ce qui est de renforcer l'économie canadienne pour le long terme, les réalisations du gouvernement à ce égard sont moins qu'impressionnantes.

Les réformes fiscales que nous aimerions voir, et qui seraient très logiques, sont celles de nature à remédier aux aspects du fardeau fiscal canadien les plus pernicieux et les plus négatifs sur le plan de la concurrence. Il y a par exemple l'impôt sur les gains en capital.

Même après les retouches dont il était question dans l'énoncé économique et une certaine réduction de l'impôt sur les gains en capital, il demeure toujours plus élevé qu'aux États-Unis. Si le gouvernement éliminait l'impôt sur les gains en capital des particuliers, cela coûterait environ 4 milliards de dollars par an au Trésor fédéral. Cela nous placerait devant les États-Unis dans un secteur très important de la fiscalité, particulièrement en ce qui concerne la nouvelle économie, la biotechnologie et certains des nouveaux secteurs.

Pour ce qui est d'encourager l'investissement dans la nouvelle économie, particulièrement en ce moment où les marchés sont très instables et où nous devons essayer d'offrir tous les incitatifs possibles afin de maintenir l'intérêt des investisseurs pour ces secteurs, l'élimination de l'impôt sur les gains en capital des particuliers encouragerait énormément les Canadiens à investir et à contribuer à la croissance de l'économie.

 

. 1600 + -

Cela serait encore plus important maintenant qu'il y a quelques mois, en raison du ralentissement économique observé au Canada, aux États-Unis et certainement aussi à l'échelle mondiale Cela devient encore plus important dans certains secteurs. J'ai parlé en particulier de l'impôt sur les gains en capital. C'est encore plus important maintenant que, pour une fois, nous essayons de devancer les États-Unis au lieu d'être constamment à la traîne et même un ou deux pas derrière eux. C'est un dossier dans lequel nous aurions aimé voir le gouvernement prendre une mesure plus spectaculaire et plus visionnaire au lieu de se contenter de faire quelques retouches.

Le fait est que, pour la plupart, ces mesures fiscales s'étaleront sur une période de cinq ans. Si les députés essaient de mesurer les effets de ces réductions d'impôt sur les Canadiens à court terme, ils constateront qu'ils sont bien moindres que ce que le gouvernement voudrait faire croire aux Canadiens, surtout si on tient compte de la hausse des charges sociales, puisque les cotisations au RPC ont augmenté récemment. Il est clair que l'avantage pour les Canadiens, en termes de salaire net, est minime ou nul, si on tient compte des charges sociales.

Peu importe comment le gouvernement souhaite que les Canadiens perçoivent ces mesures, il deviendra tristement évident pour les contribuables, lorsqu'ils toucheront leur chèque et bénéficieront de leurs réductions d'impôt, que ces mesures ne sont que des demi-mesures et qu'elles ne règlent pas les problèmes fondamentaux d'une fiscalité trop lourde. Les Canadiens ont l'impôt sur le revenu des particuliers le plus élevé des pays du G-7 et le Canada se classe au deuxième rang des pays de l'OCDE pour l'impôt sur le revenu des sociétés. Même une fois les mesures fiscales complètement mises en oeuvre au bout de cinq ans, nous nous situerons toujours à peu près au troisième rang des pays de l'OCDE pour l'impôt sur le revenu des sociétés, à supposer qu'aucun autre pays n'allège ses propres charges fiscales. Or, nous savons qu'au moins sept d'entre eux songent à abaisser leurs impôts.

Au moment où se rétrécit légèrement, à court terme, l'écart entre les charges fiscales au Canada et aux États-Unis, nos voisins s'apprêtent à proposer la plus importante réduction des impôts de leur histoire. Elle fait actuellement l'objet de négociations, et, au Congrès, le dossier avance. Nous traînons toujours de l'arrière. Le minibudget proposé avant les dernières élections n'a pas fait grand-chose pour nous rapprocher de l'économie américaine dans le contexte actuel. Pourtant, avec le président Bush, les États-Unis vont faire un nouveau bond en avant. Le Canada tirera de l'arrière encore plus.

Un récent rapport du Fraser Institute a établi, de façon très convaincante, un lien direct entre la faiblesse du dollar canadien et les impôts si systématiquement élevés sur tous les fronts au Canada. Le gouvernement ne s'est pas encore fermement engagé, non seulement à réformer la fiscalité, pour renforcer l'économie canadienne à long terme, mais aussi à réduire la dette. Avec un niveau de dette par habitant quatre fois supérieur à celui des États-Unis, il faudrait que le gouvernement fasse de la réduction de la dette une bien plus grande priorité qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant.

En fait, bon nombre de ces mesures de diminution des impôts ne sont que des mesures de dépense camouflées en coupes d'impôt très ciblées. Récompenser un type bien précis de comportement équivaut à dépenser. C'est une autre façon d'inciter les gens à faire quelque chose qu'ils ne feraient peut-être pas autrement, de sorte qu'ils prennent des décisions en fonction de la politique fiscale et non pas en fonction de ce qui serait logique du point de vue des affaires, des investissements ou de leur intérêt personnel.

Ce mini-budget, ce document préélectoral était très loin de ce qu'il aurait fallu aux Canadiens en ce février qui fut le plus agité des sept dernières années. Depuis sept ans, il n'y a pas eu de pire moment pour omettre le budget comme le gouvernement l'a fait cette année en esquivant la question et en décidant arbitrairement de ne pas présenter un budget.

 

. 1605 + -

Les conditions économiques ayant changé considérablement depuis la présentation du mini-budget, les Canadiens ont besoin d'un budget plus que jamais. Au cours des dernières semaines, les marchés financiers mondiaux ont subi un net repli, l'indice du TSE a dégringolé, le NASDAQ et la bourse de New York ont fait de même et les investisseurs canadiens ont vu leurs épargnes-retraites diminuer sensiblement. Au même moment, ils voient leur niveau de vie baisser à cause de la faiblesse du dollar. On constate, chez les Canadiens, une inquiétude profonde et raisonnable qu'il faudrait soulager, non pas par un exposé économique au printemps ou par un discours sur l'état de l'Union, comme celui que le ministre des Finances envisage de prononcer, mais par un véritable budget.

C'est également inacceptable du point de vue de l'obligation de rendre des comptes parce que la présente législature, qui compte de nouveaux députés, n'a pas été appelée à approuver un budget qui a été présenté après les dernières élections. Il y a un certain nombre de nouveaux députés à la Chambre. Le gouvernement devrait rendre compte au Parlement de ses estimations et de ses dépenses. Il est vraiment inacceptable que le gouvernement détermine qu'il n'est pas nécessaire de demander aux parlementaires d'approuver ses dépenses et ses orientations budgétaires.

Nous nous inquiétons des politiques financières, budgétaires et générales du gouvernement pour un certain nombre de raisons. Nous ne sommes cependant pas les seuls à nourrir des inquiétudes. De nombreux Canadiens, y compris certains des principaux économistes du pays, les partagent. En fait, les économistes du pays condamnent unanimement la tendance du gouvernement à prendre les choses à la légère dans certains dossiers budgétaires. Comme l'a dit Terence Corcoran, un journaliste, «si une monnaie faible stimulait la croissance, le Canada serait un chef de file mondial».

Le premier ministre a déjà dit qu'un dollar faible était en fait favorable au tourisme. Pareille affirmation témoigne à mon avis de sa naïveté sur le plan économique, mais elle montre aussi qu'il croit fermement qu'un pays peut parvenir à la prospérité en dévaluant sa monnaie. Le fait est qu'un dollar faible ne garantit en rien la croissance à long terme ni une hausse du niveau de vie. En fait, c'est plutôt le contraire. Si l'argument du premier ministre est correct et que la baisse du dollar est vraiment une bonne chose pour le tourisme, pensons à ceci. Le corollaire logique de son argument, c'est que, si la valeur de notre dollar tombe à zéro, nous deviendrons le plus grand et le plus prospère pays exportateur du monde. Bien sûr, nous donnerions nos produits.

Le ministre des Finances a dit, en 1990, au moment où il briguait pour la première fois la direction du Parti libéral, que, s'il en avait l'occasion, il laisserait le dollar descendre à son niveau naturel, qui se situe entre 78 et 80 cents. Il a si bien fait que le dollar ne vaut plus que 63 cents.

 

. 1610 + -

Les Canadiens posent une question légitime. Ils veulent savoir pourquoi le ministre des Finances n'en fait pas plus pour renforcer la valeur intrinsèque du dollar canadien au lieu d'accepter son recul. Est-ce parce que le gouvernement libéral a accepté que des monnaies comme celle du Canada soient à long terme marginalisées et que la meilleure façon de se débarrasser du dollar canadien indépendant consiste simplement à l'euthanasier, à le laisser dépérir et à le laisser baisser au point où les Canadiens diront, comme ils ont déjà commencé à le faire, qu'il serait préférable d'adopter une monnaie commune nord-américaine?

À mon avis, notre situation ne s'en trouverait pas améliorée si nous adoptions une monnaie commune nord-américaine. Nous commettrions une erreur en abandonnant les leviers de notre politique monétaire. Si nous cessons de laisser flotter notre devise par rapport à la monnaie des États-Unis, un autre mécanisme fonctionnel s'impose. À titre d'exemple, la crise des produits de base survenue il y a environ deux ans en Asie se serait manifestée à ce moment-là non pas par un dollar canadien à la baisse, mais par des niveaux de chômage plus élevés. En l'absence d'une devise canadienne flottante, je soutiens que le mécanisme fonctionnel qui refléterait les niveaux différents de productivité ou des prix des produits de base serait les taux de chômage. Je m'inquiète à la perspective de perdre ce très important élément de souveraineté économique que constitue la politique monétaire indépendante et le dollar canadien.

Pourquoi le gouvernement assisterait-il au recul du dollar canadien sans le défendre? Si nous, en cet endroit, n'adoptons pas de mesures pour renforcer le dollar canadien à long terme par l'entremise de politiques plus dynamiques et innovatrices de réduction des impôts et de la dette et de réformes fiscales plus innovatrices, et si nous n'abordons pas cette question de façon plus proactive et visionnaire, nous devrons accepter, comme ce sera certes le cas du gouvernement, le blâme pour le dépérissement du dollar canadien.

À un moment donné, et je ne sais trop quand, si nous continuons à permettre le recul cyclique du dollar canadien, les Canadiens vont se demander pourquoi nous avons une monnaie indépendante. Je ne veux pas que nous en arrivions là, mais je crains que nous ne soyons dangereusement près de cette situation à l'heure actuelle.

En présence d'un gouvernement qui a présidé à un recul de 11 cents du dollar canadien pendant son mandat de sept ans, il est important de rappeler à celui-ci que, sous le gouvernement Mulroney, le dollar n'a baissé que d'un cent pendant une même période. Si la valeur de la monnaie d'un pays est le reflet de la confiance globale des investisseurs dans ce pays, j'estime que les investisseurs ne manifestent pas beaucoup de confiance à long terme à l'endroit du gouvernement.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je trouve ironique que les partis de la droite, si on peut les appeler ainsi, parlent constamment du dollar canadien. Bien sûr, le dollar canadien suscite des inquiétudes mais, d'un côté, ils disent que nous devrions tout sacrifier sur l'autel du marché, tandis que de l'autre, ils affirment que le gouvernement devrait faire quelque chose au sujet du dollar.

Le député ne le dit pas, mais il sait que le dollar canadien se comporte mieux que d'autres monnaies depuis quelque temps. Je parle ici des monnaies européennes, de l'euro, du dollar australien et de la monnaie de la Nouvelle-Zélande. Cela n'est pas vraiment un réconfort, mais nous savons ce qu'il en est. Les gens se précipitent sur le dollar américain qu'ils voient comme une valeur refuge, ce qui est assez ironique puisque le marché américain est en crise et que certaines bases de l'économie américaine ne sont pas terriblement solides.

 

. 1615 + -

Il reste que nous devons faire face à la musique. Il y a un engouement pour le dollar américain. Le député de Kings—Hants a parlé de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi comporte des réductions d'impôt totalisant 100 milliards de dollars qui font que les Canadiens moyens verront leur impôt sur le revenu diminuer de 21 p. 100 et les familles canadiennes, de 27 p. 100. Quelle que soit la façon dont on examine la situation, ce sont là des réductions d'impôt substantielles.

J'ai cinq petites questions à poser, si c'est possible. Le député a parlé d'impôts. Je me demande s'il a oublié que le taux d'imposition des grandes entreprises canadiennes était de cinq points de pourcentage inférieur au taux moyen aux États-Unis. Je me demande s'il a oublié que, pour les petites entreprises dont le revenu va jusqu'à 75 000 $, le taux est comparable dans les deux pays, mais que le taux d'impôt est beaucoup plus faible au Canada pour celles dont les revenus dépassent 75 000 $.

Je me demande si le député a oublié que le taux d'impôt sur les gains en capital au Canada est de deux points de pourcentage inférieur au taux d'impôt supérieur moyen. Je me demande s'il a oublié le traitement plus généreux des options d'achat d'actions des employés au Canada.

Je me demande si c'est négligence de sa part ou simple oubli, mais il n'a pas mentionné le crédit d'impôt permanent de 20 p. 100 pour la recherche et le développement applicable à toutes les dépenses en recherche et développement au Canada, un des régimes les plus avantageux qui existent dans le monde. Je me demande s'il a oublié cela.

M. Scott Brison: Monsieur le Président, je remercie le secrétaire parlementaire de sa question. Il a tout à fait raison. Le dollar canadien se comporte fort bien par rapport au rouble. Cela dit, je tiens à dire au député qu'il y a d'autres comparaisons que nous devrions faire. Il ne faut pas oublier le dollar américain, étant donné que nos relations commerciales avec les États-Unis dépassent de loin celles que nous entretenons avec la Russie.

Le fait est que, si notre dollar continue d'être fort par rapport au rouble, alors, comme mon grand-père avait l'habitude de le dire, c'est un peu comme se pisser dessus lorsqu'on porte un habit sombre. On sent une sensation de chaleur, mais personne ne le sait. Cela ne fait aucune différence. Je suis persuadé que ce n'est pas la raison pour laquelle le député porte un habit sombre.

Il a également dit que j'avais négligé de mentionner quelques points. Si je n'ai pas dit que les impôts étaient moins élevés au Canada qu'aux États-Unis, c'est qu'ils ne le sont pas. Il y a une raison pour laquelle nous négligeons de mentionner les choses que nous savons être tout à fait fausses. Comme je comprends les différences entre les niveaux d'imposition au Canada et aux États-Unis, j'ai négligé de mentionner certaines des faussetés que le député a dites aujourd'hui à la Chambre, sans le vouloir j'en suis persuadé.

Le fait est que peu importe le niveau de revenu, nos impôts sur les gains en capital sont encore beaucoup plus élevés que ceux en vigueur aux États-Unis. Le fardeau fiscal des entreprises est le troisième en importance parmi les 31 pays membres de l'OCDE. Après cinq années de réductions d'impôt, il sera toujours plus ou moins au troisième rang.

Nous avons encore certains des taux marginaux d'imposition parmi les plus élevés pour les Canadiens qui réussissent. Si on se penche sur les niveaux de revenu de base, nous imposons encore les Canadiens à faible revenu à un niveau de revenu inférieurs de 3 000 $ au niveau à partir duquel les Américains commencent à imposer leurs citoyens à faible revenu. En dollars canadiens, la différence est plus près de 4 000 $. Le député aimerait croire, j'en suis persuadé, que nous sommes une nation plus généreuse, mais le fait est que nous imposons les Canadiens à faible revenu beaucoup plus durement que nos voisins du Sud ne taxent leurs citoyens à faible revenu.

Alors qu'il pavoise au sujet des petits pas que son gouvernement a faits dans la bonne direction, je tiens à dire au député qu'il doit se rappeler qu'une tortue qui avance dans la bonne direction sur l'autoroute finit quand même par se faire écraser.

 

. 1620 + -

M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.): Monsieur le Président, deux méthodes permettraient la remontée immédiate du dollar. Nous pourrions hausser les taux d'intérêt ou encaisser les dollars à 63 cents tout de suite, nous unir aux États-Unis et permettre à Washington de prendre les décisions à notre place. Je me demande si c'est la méthode que le député voudrait que l'on adopte pour hausser la valeur de notre dollar.

M. Scott Brison: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Non, je ne suis pas en faveur d'une politique monétaire unique pour l'Amérique du Nord.

Nous ne voulons pas trouver une solution symbolique et provisoire au problème du dollar, mais bien renforcer de façon durable notre dollar et notre monnaie au moyen des leviers de la politique fiscale. Je ne suis pas prêt à présenter la politique fiscale comme étant la solution magique pour renforcer le dollar, mais à longue échéance, je pense qu'elle peut avoir une incidence importante.

Il n'y a que deux séries de leviers que nous pouvons utiliser pour renforcer notre dollar, de façon durable ou provisoire. Il s'agit, d'une part, de la politique monétaire, qui est la responsabilité de la Banque du Canada et, d'autre part, de la politique fiscale, qui consiste à appliquer des politiques visant à réduire les impôts ou la dette, ou encore à effectuer des dépenses.

Ces politiques exigeront à long terme un certain degré de vision et d'engagement. Si nous voulons renforcer la position du Canada sur le plan fiscal dans un sens comparatif, nous devons réduire non seulement les impôts qui sont politiquement désavantageux au bout du compte, mais aussi les impôts qui nuisent le plus à la croissance durable.

En outre, le fait de réduire la dette de façon durable, pas seulement en tant que pourcentage du PIB, mais en termes réels, aiderait notablement à renforcer le dollar canadien.

[Français]

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, pour faire suite au dépôt du projet de loi C-22, la Loi de 2000 modifiant l'impôt sur le revenu, je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de prendre la parole.

On a des exemples dans les familles des régions ressources. J'ai ici des lettres qui ont été écrites au mois de septembre, adressées au ministre des Finances du Canada. Il y a certaines lettres qui ont été écrites au ministre des Finances du Québec.

Je ne voudrais pas faire la guerre entre les provinces, mais à la suite des modifications apportées par le gouvernement du Québec, en 1998, à sa politique familiale, le montant de la Prestation fiscale canadienne pour enfants a été réduit.

Aujourd'hui, j'ai une lettre que m'a écrite Clémence Côté. Son mari, Louis Germain, travaille dans le secteur minier à Val-d'Or. Elle me disait: «Aujourd'hui, mes enfants sont pénalisés». Il faut surtout comprendre la teneur de ce que dit une personne quand elle écrit que ses enfants sont pénalisés. Elle écrit: «Aujourd'hui, mes enfants sont pénalisés par rapport au régime fiscal canadien et ceci, pour une famille nombreuse comme la mienne, avec 10 enfants. Monsieur le Ministre, j'aimerais par la présente, obtenir une dérogation dans le but d'obtenir la pleine Prestation fiscale canadienne pour enfants, sans tenir compte du revenu familial.»

La problématique d'une famille de 10 enfants—il y en a qui en ont 11 ou 12—, on n'en tient pas compte dans le système fiscal canadien.

Le mari, qui a un revenu substantiel, qui travaille dans les mines, gagne plus de 60 000 $, 62 000 $ ou 63 000 $ et fait des heures supplémentaires pour aider ses enfants à poursuivre leurs études. Vous savez qu'avec 10 enfants, il y a du travail pour la mère au foyer.

Le travailleur à la mine, M. Germain, fait beaucoup d'heures supplémentaires parce que plusieurs de ses enfants sont aux études actuellement et qu'ils ont eu le choix de pratiquer seulement un sport à l'école ou à la municipalité. Même si l'enfant voulait pratiquer deux ou trois sports, les parents n'ont pas les moyens de payer pour que les enfants fassent du sport. C'est la même chose pour le transport des enfants qui font leurs études à Val-d'Or. Elle paie la commission scolaire pour le transport et quand même, elle rembourse ses prestations.

Ce que j'ai trouvé bizarre dans son dossier, c'est qu'il y a quelques années, suite à une lettre écrite par le ministre du Revenu national, en 1999, ils ont posé la question à savoir pourquoi il y avait eu un changement dans la prestation fiscale canadienne pour enfants au Québec.

 

. 1625 + -

Les gouvernements provinciaux ont le loisir de conclure avec le gouvernement du Canada des accords ayant pour effet de modifier le montant de la Prestation fiscale canadienne pour enfants que leurs résidants recevront, selon le nombre ou l'âge des enfants, ou selon les deux critères.

Avant juillet 1998, le calcul de la Prestation était différent pour les provinces de l'Alberta et du Québec comparativement aux autres provinces et territoires. Ces deux provinces avaient choisi un calcul du montant de la Prestation de base en fonction du rang de l'enfant dans la famille et de l'âge.

Ainsi, avant juillet 1998, les résidants du Québec avaient droit à un montant de base de 869 $ pour le premier enfant, de 1000 $ pour le deuxième et de l 597 $ pour le troisième et chaque enfant supplémentaire. À la suite des modifications apportées à sa politique familiale, le gouvernement du Québec avait avisé le ministre des Finances du Canada qu'à compter de juillet 1998, la Prestation versée à ses résidants ne sera plus calculée en fonction du rang et de l'âge de l'enfant.

Le calcul de la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour les résidants du Québec est maintenant le même que celui des autres provinces et territoires, à l'exception de la province de l'Alberta. Aussi, les montants de base versés seront désormais de 1 020 $ par enfant, peu importe leur rang dans la famille, puisque le montant de la Prestation fiscale canadienne pour enfants à laquelle la famille est admissible a été réduit à la suite d'une décision du gouvernement du Québec.

Peu importe la question des deux gouvernements, on s'aperçoit aujourd'hui qu'il y a plusieurs familles au Québec qui ont sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize enfants. Elles sont obligées de rembourser les prestations fiscales à cause du salaire du mari, surtout avec ses heures supplémentaires.

C'est ce message que je veux passer. Il faudrait trouver une façon d'équilibrer la question des grandes familles, des grosses familles, où il y a plusieurs enfants. Aujourd'hui, on considère que des familles de cinq ou six enfants sont de grandes familles. Quand c'est rendu à dix, il faudrait que le gouvernement du Canada trouve une façon, soit une dérogation, pour aider ces familles, surtout dans les régions ressources et même dans les régions urbaines.

On sait combien cela coûte cher aujourd'hui pour aider les enfants à poursuivre leurs études et à faire du sport. C'est ça, le message que je voudrais passer. Pour toutes les familles au Canada, il faudrait penser au nombre d'enfants. On arrête à un, deux, trois, et on dirait que les hauts fonctionnaires disent à leur ministre: «On arrête à trois. Passé trois et quatre, ça ne compte plus, les enfants».

C'est important. C'est pour ça que je passe des messages au ministre des Finances. Il s'agit de trouver une façon d'équilibrer la question des grandes familles.

Il y a un autre point au sujet duquel il n'est pas surprenant que je fasse allusion aujourd'hui. Selon un sondage qui a été rendu public le 9 mars 2001—je précise l'année, parce qu'il y en a qui vont me dire que c'était il y a quelques années—, quatre Québécois sur cinq disent oui au salaire pour le parent au foyer. Pas moins de 82 p. 100 des personnes sondées se disent très et assez favorables à l'octroi d'un salaire au parent qui reste au foyer pour s'occuper des jeunes enfants.

Pourquoi? Il y a une autre méthode. J'ai souvent fait des discours ici à la Chambre. J'ai déposé des motions, des pétitions, pour qu'on accorde un salaire quelconque à la personne au foyer, la mère ou le père qui garde ses enfants. Cela aiderait actuellement à réduire la pauvreté.

Dernièrement, j'ai vu un article écrit par une dame de Montréal, qui disait: «L'important, les trois premières années. c'est d'être à la maison avec nos enfants». On donne des congés parentaux d'un an. Qu'est-ce qu'on devrait donner à une personne qui demeure à la maison? On peut peut-être donner, comme l'Allemagne fait, comme certains pays font, un supplément, soit un supplément de 250 $ par semaine pour aider la famille ou la personne qui garde ses enfants à la maison.

Il y a un autre point, en terminant, c'est la question des pensions, celles de nos personnes âgées qui vivent sous le seuil de la pauvreté, pour qui des mesures sont nécessaires pour améliorer leur revenu à l'âge de la retraite, mais surtout après la retraite. On sait que des gens, voilà quelques années, avaient des taux d'intérêt de 16 p. 100, 17 p. 100, 20 p. 100 et que cela allait bien. Aujourd'hui, nous voyons que des personnes âgées à la retraite calculent leurs avoirs déposés dans une banque ou dans des fonds mutuels et ont 2 p. 100 ou 3 p. 100 d'intérêt.

C'est pour cela que la majorité des Canadiennes et des Canadiens sont favorables à une réforme du système de pensions.

 

. 1630 + -

Ce qui est important, c'est d'augmenter la pension, de réviser le système des pensions pour que les gens aient un revenu adéquat, surtout les personnes âgées. Il y a des personnes âgées qui demeurent seules dont le chèque est toujours le même. Parfois, on donne une augmentation de 1,04 $ pour trois mois, pour s'ajuster au coût de la vie. Il faudrait réviser le système des pensions pour que les gens aient un revenu adéquat.

C'est pour cela que j'ai présenté ces trois cas. C'est ce dont on entend parler souvent chez nous. Il faudrait trouver des solutions à long terme.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'ai suivi l'allocution du député et cela, par l'intermédiaire des interprètes, car je ne suis malheureusement pas bilingue.

Je voudrais poser une question au député. Il parle du problème des pères et des mères qui veulent rester à la maison avec leurs enfants une fois l'année écoulée. Selon le plan libéral, la seule façon de faire cela, c'est d'avoir un enfant chaque année. La limite est de un an. De toute façon, la personne qui n'a pas travaillé entre-temps serait probablement inadmissible. Après la première année, donc, le deuxième et le troisième enfant ne seraient pas admissibles à ces prestations.

Le député a-t-il une solution à ce très réel dilemme que pose le plan libéral?

[Français]

M. Guy St-Julien: Monsieur le Président, personne ne saurait remplacer une mère auprès de ses enfants, surtout durant les trois premières années de leur vie.

Sa question est bonne. Peu importe les gouvernements en place, l'important, c'est de travailler ensemble, de concert avec les partis d'opposition, pour essayer de trouver de vraies solutions à long terme. Et c'est le moment d'en trouver.

Il a parlé de la première année, mais je peux vous dire que pour les trois premières années de leur vie, il est important qu'une mère soit auprès de ses enfants, pour tous les Canadiens.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir participer au présent débat. Le gouvernement libéral manque de plus en plus de rigueur. Ce matin, nous avons débattu d'un projet de loi qui avait plus de 900 pages. Ce tout petit projet de loi de 500 pages semble un jeu d'enfant par comparaison. Mon parti va y jeter un coup d'oeil. Comme nous en débattons pour la première fois aujourd'hui, le débat porte sur l'un des principes généraux. Après cela, il sera renvoyé au Comité des finances, qui l'examinera en détail.

L'étude de la fiscalité en général est fascinante en théorie. Nous en sommes arrivés au Canada à accepter un niveau d'imposition presque révoltant.

J'ai déjà raconté cette histoire à la Chambre. Je m'excuse auprès des députés qui l'ont déjà entendue, mais elle est très importante. Il y a trois ou quatre ans, j'ai fait une de ces déclarations de député d'une minute. J'ai expliqué au Président le drame qui était survenu chez nous. Quelqu'un s'est présenté à la maison, il a reculé avec son camion jusqu'à la porte et il a commencé à sortir de la maison tout ce que nous avions accumulé au fil des ans. Il a pris la moitié de notre mobilier de salon. Il est allé à l'étage supérieur et y a vu quatre lits; il en a pris deux. Il a coupé en deux ma merveilleuse horloge grand-père et en a placé la moitié dans son camion. J'ai téléphoné à la police avant d'être dépossédé de tous mes appareils téléphoniques et j'ai demandé aux policiers de venir chez moi, car je me faisais cambrioler. Ils m'ont demandé de donner plus de détails. J'ai obtempéré, mais ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas venir ni m'aider. En fait, les policiers se sont pointés un peu plus tard et ont insisté pour que j'aide le type à charger son camion.

C'est une historie absurde, mais voilà ce qui arrive chaque année à des Canadiens moyens. Nous sommes dépossédés de la moitié de nos gains par les divers paliers d'imposition fédéral, provinciaux et municipaux. Dans la plupart des provinces, la journée d'affranchissement de l'impôt des contribuables est le 1er juillet, ce qui signifie qu'on nous confisque la moitié de notre revenu tous les ans. Si nous n'aidons pas celui à qui on doit de l'argent, si nous ne lui donnons pas l'argent que nous avons gagné, nous sommes accusés d'outrage et sommes même passibles d'une peine d'emprisonnement.

 

. 1635 + -

Je me retiens de dire que les différents paliers de gouvernement sont des escrocs. Je ne veux pas dire ça, donc je ne le ferai pas. Ils ne volent pas vraiment notre argent, ils prélèvent des impôts. Mais il reste que c'est de l'argent que j'ai gagné et que je ne peux utiliser pour ma famille. J'ai des besoins très modestes. Vous pouvez constater que tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un bon repas ou deux par jour, ainsi que de quelques vêtements et d'un toit. Je me déplacerais volontiers à bicyclette, ou mieux, en motocyclette. J'ai des besoins simples, mais je veux le meilleur. Je n'ai pas beaucoup de besoins.

Toutefois, il me faut m'occuper de ma famille. Heureusement, mes enfants sont grands et autonomes, alors les choses sont un peu plus faciles. Il ne me reste plus à la maison qu'une épouse aux goûts dispendieux. Lorsque les enfants étaient plus jeunes, j'enseignais à un institut de technologie. Tous les députés le savent probablement. J'ai travaillé pendant 27 ans à cet endroit. Nous avions décidé que ma femme serait une mère à plein temps. Les enfants avaient besoin de quelqu'un pour prendre soin d'eux à leur retour de l'école et leur donner un sentiment d'importance.

Afin d'ajouter à notre revenu, qui, à l'époque, n'était pas suffisant pour subvenir à tous nos besoins, notamment pour payer l'hypothèque, les services publics et tout le reste, nous avons décidé que j'enseignerais aussi le soir, à temps partiel. J'ai donné des cours du soir pendant presque tout le temps que j'ai passé à l'institut, à raison de deux soirs par semaine. Cela remonte à il y a longtemps, assez pour trahir mon âge. Les députés peuvent deviner à mes cheveux gris que je suis un vieux monsieur. Je disais que je travaillais les mardis soirs pour Trudeau et les jeudis soirs pour ma famille. C'était moitié-moitié.

Nous débattons du projet de loi C-22, qui modifie la Loi de l'impôt sur le revenu, or il reste une question à régler, l'énorme fardeau fiscal que doivent supporter les familles et les particuliers.

Je disais récemment, et je le répète parce que cela me paraît important, que ma famille et moi payons non seulement des impôts mais nous croyons en la charité. Soucieux d'assurer notre avenir et jugeant insuffisants les programmes mis en place par le gouvernement, comme le Régime de pensions du Canada, nous avons investi un peu d'argent dans des REER, si bien que nous devions vivre avec environ 30 p. 100 de mon revenu, car 70 p. 100 de mon revenu m'échappaient, soit 50 p. 100 en impôts, environ 10 p. 100 en dons de charité, et 10 p. 100 en épargnes, habituellement un peu moins parce que je ne pouvais pas toujours me le permettre. Notre situation n'était pas facile.

C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis devenu député. En 1988, au tout début du Parti réformiste, je suis tombé sur une brochure du parti et j'y ai trouvé toutes sortes de bonnes choses: un Sénat élu, la vraie responsabilité démocratique et un système de justice fait pour les gens honnêtes. Mais ce qui m'a le plus frappé, c'était le principe selon lequel les gouvernements doivent vivre selon leurs moyens, pour que nous puissions réduire la dette et non pas l'augmenter. C'était sous le gouvernement conservateur, quand la dette augmentait chaque année de 25 milliards, 30 milliards, et même 40 milliards l'année où les conservateurs ont enfin été chassés du pouvoir. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles ils ont été mis dehors.

Je trouvais intéressante l'idée de l'équilibre budgétaire, qui allait nous permettre de ne plus augmenter la dette mais de la rembourser et de nous affranchir du paiement des intérêts. Les gouvernements pourraient ensuite avoir de l'argent pour financer les programmes chers aux citoyens.

Le reste appartient à l'histoire. Nous sommes arrivés en grand nombre en 1993. Quand je suis devenu membre du Parti réformiste, j'étais loin de m'imaginer que j'abandonnais une carrière consacrée à l'enseignement des mathématiques, de l'informatique et d'autres matières intéressantes au NAIT pour consacrer mes efforts à essayer de persuader un gouvernement libéral de réduire les impôts, d'équilibrer le budget, possiblement de rembourser la dette et de réduire les paiements d'intérêt.

 

. 1640 + -

Toutefois, je suis fier cet après-midi de voir tout ce qui s'est passé depuis sept ans. Nous avons bénéficié d'une économie américaine très robuste, qui a eu une influence considérable sur la nôtre. C'est indéniable. En même temps, je me plais à croire que c'est notre présence ici qui a fait qu'il est devenu respectable de parler de prudence financière et de réduction des dépenses. Quand des recettes supplémentaires sont venues remplir les coffres du gouvernement au-delà de ses espérances, et certainement au-delà de ce qu'il avait planifié, le gouvernement a été capable, avec notre aide, de faire preuve d'un peu de discipline et de ne pas tout dépenser.

Ce qui s'est passé en l'an 2000 me plaît. Les élections m'ont un peu déçu. J'espérais que les libéraux formeraient l'opposition. Ç'aurait été beaucoup plus amusant. Ce qui s'est produit, c'est que quatre jours avant les élections, le gouvernement a présenté un mini-budget qu'on pourrait qualifier de principale plate-forme électorale des libéraux. C'est de ce mini-budget qu'il retourne dans ce projet de loi.

Même si c'est avec une certaine réticence, je me dois de féliciter les libéraux. Ils savent comment mener des campagnes électorales. J'ai vu une caricature du premier ministre après les élections. Elle montrait l'augmentation du nombre de sièges, et le premier ministre qui lisait la une d'un quotidien: «Les libéraux sont réélus avec une majorité écrasante». Le premier ministre, s'adressant aux contribuables canadiens, répond alors que c'est ce qu'il a fait de mieux avec 200 millions de dollars de fonds publics.

Nous savons que des élections coûtent 200 millions de dollars environ. Il s'agit là d'un projet plutôt dispendieux, mais c'est à ce prix que les libéraux ont pu garder le pouvoir. Je leur donne encore une faible note, car leur programme préélectoral laissait entendre qu'ils étaient prêts à répondre aux souhaits que nous exprimions de la part des Canadiens en ramenant la responsabilité financière au Parlement et en accordant des réductions d'impôt.

Dans les derniers sondages sur les priorités des Canadiens, la santé était au premier rang. À juste titre d'ailleurs. Nous vivons dans un pays où nous nous attendons à obtenir les soins médicaux dont nous avons besoin lorsque nous sommes malades. Il doit en être ainsi. J'adhère de tout coeur au principe, enchâssé aussi dans la Loi canadienne sur la santé, selon lequel personne ne devrait se voir refuser l'accès à des soins de santé en raison de sa situation financière. Je suis d'accord là-dessus.

La santé est la première priorité des Canadiens. En deuxième place, ils ont mis la criminalité, le châtiment et le système de justice. Un peu plus loin sur la liste viennent les réductions d'impôt, comme le député du CCF l'a dit il y a quelques instants. Il a l'habitude de mal nommer mon parti, je lui rends la pareille. Devrais-me gêner?

Il a dit que les réductions d'impôt étaient en fait très modestes. On a demandé aux Canadiens d'établir l'ordre de leurs priorités, et c'est ce qu'ils ont fait. Nous concluons à tort que, les réductions d'impôt venant au troisième, quatrième ou cinquième rang de la liste, elles ne sont pas importantes aux yeux des Canadiens.

En fait, pour ce qui concerne l'importance que les Canadiens accordent à ces questions, elles sont probablement aussi importantes les unes que les autres, ou presque. Si nous demandions à un Canadien de classer les soins de santé sur une échelle de 1 à 10, il pourrait répondre 10. Si on lui demandait d'en faire autant pour les réductions d'impôt, il répondrait probablement 9. Elles ne sont peut-être pas aussi importantes, mais elles n'en demeurent pas moins importantes. C'est ce que me disent beaucoup de gens qui se demandent pourquoi ils triment comme des esclaves du matin jusqu'au soir, sans avoir l'impression d'avancer.

 

. 1645 + -

À franchement parler, même avec les réductions d'impôt timides que le ministre des Finances a proposées dans le budget de 2000, et, bien entendu, la plupart des mesures proposées dans le mini-budget de l'automne dernier n'ont toujours pas été mises en oeuvre, la réduction effective, s'il en est, du montant total des déductions sur le chèque de paye d'un salarié moyen est bien loin d'être énorme. En fait, avec l'augmentation des cotisations perçues au titre du Régime de pensions du Canada, pour la plupart des familles canadiennes, c'est du pareil au même, et parfois pire.

Ainsi, de façon générale, avant de parler du projet de loi C-22 à l'étude aujourd'hui, je pense que nous aurions intérêt à revoir de près les niveaux d'imposition au Canada.

Je voudrais ensuite parler de la complexité de cette mesure. Je suis intervenu brièvement ce matin dans le débat sur le projet de loi C-8, concernant les banques, mais nous avons eu à discuter à la Chambre d'autres projets de loi visant à modifier le système fiscal, c'est-à-dire les recettes du gouvernement, et nous avons parfois à nous occuper de projets de loi concernant les dépenses du gouvernement. Je trouve franchement stupéfiant, et j'espère ne jamais perdre ma faculté d'étonnement à cet égard, que nous ayons pu, il y a une semaine, approuver en l'espace de 20 minutes la dépense de 15 ou 16 milliards de dollars. Il s'agissait du budget des dépenses supplémentaire que le gouvernement avait besoin de faire approuver pour parvenir au terme du présent exercice financier. Il est ahurissant de constater le montant de dépenses que nous approuvons ici. J'estime de la plus haute importance la responsabilité qui nous incombe de traiter en bons intendants cet argent qui nous est confié.

C'est pourquoi je souhaite notamment voir réduire la complexité de notre système fiscal. Je me rappelle avoir lu il n'y a pas longtemps un bulletin d'interprétation concernant la TPS où l'on établissait une différence entre les crevettes cuites et les crevettes congelées. La TPS s'applique à un taux différent. Dans un cas, on considérait que puisqu'elles étaient cuites, les crevettes constituaient un repas et étaient à ce titre assujetties à la TPS. Dans l'autre cas, comme elles étaient congelées, il s'agissait d'un article d'épicerie, et les produits d'épicerie sont exempts de la TPS. Ce n'est qu'un infime exemple.

Le projet de loi C-22 contient des propositions visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu ainsi que le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations et une loi liée à la Loi sur la taxe d'accise. Le projet de loi renferme des dispositions modifiant toutes ces lois et cela n'en accroît pas la simplicité. Cela en accroît plutôt la complexité.

Je suis porté à croire qu'il y a très peu de Canadiens, même parmi nos meilleurs fiscalistes, qui connaissent parfaitement la législation fiscale. En fait, tout citoyen qui a eu l'occasion de se présenter devant l'un des tribunaux pour obtenir une décision au sujet d'un différend en matière d'impôt espère avoir droit à une audience raisonnable parce que, selon la personne à laquelle il a affaire, l'interprétation varie.

Un habitant de ma circonscription m'a expliqué qu'il avait téléphoné à Revenu Canada au sujet d'un problème donné et qu'il avait obtenu une réponse qu'il croyait incorrecte. Il a donc téléphoné à nouveau et une personne différente lui a donné une autre réponse. Puisqu'il avait obtenu deux réponses différentes, il s'est dit qu'il lui fallait un troisième avis. Il a téléphoné une nouvelle fois, espérant obtenir encore une des deux réponses qu'il avait déjà eues, mais il a obtenu une troisième réponse. La complexité d'une telle situation suscite énormément de frustration, et ce projet de loi, entre autres, rend les choses plus complexes.

Durant la campagne électorale, l'Alliance canadienne a proposé que nous adoptions un taux d'imposition unique. Il ne s'agit pas d'un impôt uniforme. C'est un terme mal approprié qui nous est souvent attribué. Un taux d'imposition unique fait partie d'un système fiscal identique à l'actuel qui comporte des exemptions de base et d'autres déductions, mais qui ne comporte qu'un seul taux d'imposition de 17 p. 100 au lieu de trois taux. Je suppose que nous aurions pu obtenir le même résultat en précisant simplement que le montant à partir duquel ce taux s'appliquerait est un chiffre très élevé. L'idée aurait probablement été plus facile à vendre que de la façon dont elle a été présentée.

 

. 1650 + -

Le fait est que nous proposons des déductions. Nous proposons d'énormes réductions d'impôt pour les familles à revenu moyen ou faible. Les libéraux se vantent du fait que les personnes dont le revenu familial se situe à 20 000 $ par année bénéficieront d'une réduction d'impôt d'environ 16 ou 20 p. 100, quelque soit le pourcentage qu'ils utilisent. Selon notre plan, cette réduction serait de 100 p. 100. Ces personnes ne paieraient plus aucun impôt.

Selon notre plan, une famille de quatre personnes, composée d'une mère, d'un père et de deux enfants, ne paierait aucun impôt sur la première tranche de revenu de 26 000 $, puis 17 p. 100 d'impôt sur tout revenu supplémentaire. Quant à eux, les libéraux n'en finissent plus. Ils proposent des exemptions de 15 000 $ ou 16 000 $, puis un impôt de 17 p. 100 sur tout le revenu supplémentaire, bien qu'ils proposent de réduire ce taux à 16 p. 100. Soit dit en passant, il s'agit là également d'un tour de passe-passe. S'ils appliquent ce taux à une plus grande partie du revenu, le total des impôts sera plus élevé que s'ils appliquaient un taux de 1 p. 100 de plus, mais exemptaient d'impôt une partie du revenu beaucoup plus considérable.

Pour terminer, je voudrais simplement dire que certaines mesures prévues dans le projet de loi vont dans la bonne direction. Certaines autres me préoccupent quelque peu. Elles vont dans la bonne direction, mais pas assez loin. Quoi qu'il en soit, certaines dispositions du projet de loi sont carrément insatisfaisantes. Je suis très impatient d'entendre au comité non seulement les hauts fonctionnaires, mais également les témoins qui comparaîtront pour nous faire part de leur opinion sur le projet de loi. Je suis sûr que, au Comité de finances, nous aurons beaucoup de plaisir à analyser le projet de loi avant de le renvoyer à la Chambre en temps opportun.

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de mon collègue d'en face, comme je l'ai fait d'ailleurs pour tous les exposés présentés au cours de l'après-midi.

Je sais que le député s'intéresse au plus haut point à ces questions. Il est arrivé plusieurs fois aujourd'hui que l'on exprime des préoccupations en matière d'économie. Toutes sortes d'opinions sont émises quant à ce qui constitue le problème. J'ai entendu le député affirmer que le problème se situait au niveau du dollar et qu'en manipulant le dollar, nous pourrions aider l'économie. Il y a plusieurs choses.

Cependant, ce qui me frappe, c'est que tout ce que les médias rapportent dernièrement en ce qui a trait à l'économie et à ce que nous pourrions faire dans ce domaine sont des théories mises de l'avant par des économistes. Chacun a son opinion sur ce que nous pourrions faire.

Il me semble, et c'est là l'objet de la question que j'aimerais poser au député, qu'en de tels moments, nous ne devrions pas nous baser sur des théories économiques qui ne sont rien d'autre que des théories. Dans des moments comme ceux que nous vivons actuellement, dans des moments d'incertitude, la seule chose que nous pouvons faire tout en sachant que cela nous rapportera dans l'avenir est d'investir dans notre avenir. Notre politique fiscale et notre politique de dépenses publiques devraient être orientées dans ce sens.

Comme nous l'avons souligné, nous devons investir dans les gens. Nous devons consacrer des ressources aux soins prénataux et postnataux et tenter de rendre nos écoles aussi efficaces que possible. Nous devrions par exemple brancher toutes nos écoles sur le réseau Internet pour que les enfants puissent apprendre dès le jardin d'enfants à utiliser un ordinateur et à se retrouver dans Internet. Si l'on veut aller plus loin, nous devrions prévoir des bourses d'études pour faciliter l'accès des jeunes au collège et à l'université. Nous devrions rendre le système fiscal aussi favorable que possible pour la recherche et la technologie. Nous devrions accorder des allégements fiscaux pour permettre non seulement aux scientifiques mais aux gens de métier de poursuivre des études. Ce sont quelques exemples.

Ma question au député est la suivante: qu'en pense-t-il? N'est-il pas d'avis que c'est exactement ce qui est arrivé au cours des dernières années et qu'en investissant dans les ressources humaines du pays, nous jetons les meilleures bases possibles pour une économie forte?

M. Ken Epp: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question astucieuse. Je suis d'accord avec lui à bien des égards. Je crois, moi aussi, que les enfants devraient avoir un assez bon départ dans la vie. Je crois que c'est surtout la responsabilité des parents de s'en assurer et qu'il est du devoir du gouvernement de ne pas leur compliquer les choses à cet égard.

 

. 1655 + -

C'est vrai pour la plupart d'entre eux. Et puis, il y a ceux qui ont besoin de l'aide de la collectivité, au niveau de la municipalité, de la province ou du pays. Les dollars d'impôt servent à accorder des subventions et à aider les gens qui en ont vraiment besoin. Je nourris des réserves à cet égard, mais j'approuve cela en principe.

Comme je l'ai déjà dit dans une précédente intervention, je regrette notamment que les libéraux aient profité de la compassion des Canadiens pour leur enlever, au plan fiscal, la marge de manoeuvre nécessaire pour faire preuve de compassion. Donc, le gouvernement nous écrase tellement sous les impôts que maintenant, quand on rencontre quelqu'un qui est dans le besoin, je ne parle pas à titre personnel, mais bien en tant que Canadien ordinaire, on essaie de voir s'il n'y a pas un programme gouvernemental qui pourrait l'aider au lieu de lui demander de venir à la maison et de chercher à lui trouver du travail. C'est ce que je faisais quand j'étais jeune. C'était satisfaisant du fait que cela supposait une certaine mesure d'aide et de reddition de comptes. C'était nettement préférable à un programme gouvernemental qui crée souvent une dépendance.

Passons maintenant au dollar. C'est comme si je traversais une zone de 80 kilomètres à l'heure alors que l'odomètre de ma voiture indique 30 kilomètres à l'heure. Je peux toujours me dire qu'il faut changer l'odomètre, mais l'aiguille correspond vraiment à la vitesse à laquelle je roule. Je n'ai pas besoin d'un nouvel odomètre. Je dois accélérer et rouler à la vitesse des autres voitures. Je pense que c'est à peu près la même chose avec le dollar canadien. Ce n'est qu'un indicateur de la vigueur de notre économie. Le gouvernement devrait s'inquiéter beaucoup du fait qu'actuellement notre économie tourne à environ 65 p. 100 de celle des Américains, nos voisins immédiats. Nous sommes seulement aux deux tiers aussi productifs.

Il n'y a aucune excuse à cela. Notre pays est riche en ressources. Je pourrais en dresser la liste. Notre population est extrêmement énergique, et il faut qu'il en soit ainsi parce que nous devons faire face à un climat rigoureux. Absolument rien ne pourrait expliquer pourquoi nous ne pouvons pas avoir un niveau de vie supérieur à celui des Américains et pourtant nous savons que nous avons un niveau de vie nettement inférieur au leur à bien des égards. La valeur du dollar canadien l'indique.

Encore une fois, c'est un indicateur. Ce n'est pas l'indicateur qui devrait retenir notre attention, mais bien la manière de corriger les facteurs qui sous-tendent la mesure de notre productivité et de notre efficacité sur le plan économique.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté le député d'Elk Island raconter combien de temps il lui faut attendre sa journée d'affranchissement de l'impôt. Plus il parlait, plus les causes ont commencé à apparaître. J'entrevois le scénario: il fait de grandes fêtes, il invite des gens et leur sert des tonnes de crevettes, et les invités circulent en tous sens dans sa maison, se servant de ses six ou sept téléphones pour faire des appels. Je suis sûr que le Canadien moyen a sa journée d'affranchissement de l'impôt bien plus tôt que le député d'Elk Island.

Le député a parlé du positionnement des partis en prévision des élections. Il a aussi parlé d'un régime fiscal à taux unique ou uniforme. Nous savons que, avant les élections, le parti du député est passé d'un taux de 17 p. 100 à des taux de 17 et de 25 p. 100, parce qu'il avait des inquiétudes.

Je me trouvais en Colombie-Britannique, il n'y a pas très longtemps. Une grande partie de la province est acquise à l'Alliance canadienne. Bien des gens m'ont dit que le taux d'imposition unique serait une bonne affaire parce que, pour calculer son impôt, il suffirait de multiplier son revenu par 17 ou 25 p. 100. Par contre, aujourd'hui et à d'autres moments, le député a dit que nous aurions toujours toutes les déductions, des crédits pour frais médicaux jusqu'à concurrence d'un certain montant et pour les dons de charité, les REER, etc. Je présume que la Loi de l'impôt sur le revenu serait encore assez imposante. Le député pourrait-il expliquer comment nous simplifierions l'impôt en adoptant ce taux de 17 ou de 25 p. 100 dont il a parlé tout à l'heure?

M. Ken Epp: Monsieur le Président, il est indiscutable que, pour simplifier la Loi de l'impôt, il ne suffit pas de passer à un taux d'imposition unique ou à deux taux.

 

. 1700 + -

Fait à signaler, aux termes du projet de loi C-22, le gouvernement propose de passer de trois à quatre catégories à compter de l'an prochain. Il fait cela simplement parce qu'il adore ses impôts élevés.

Nous devons examiner la complexité du problème. Certaines formules sont très bien illustrées, mais d'autres sont compliquées et emberlificotées dans le projet de loi. La Loi de l'impôt sur le revenu en est pleine. Il faut aussi se demander qu'est-ce qui s'applique aux problèmes qui doivent être réglés. Les catégories ou tranches d'imposition dans lesquelles un contribuable se classe sont un de ces problèmes, mais il est mineur. Je le concède.

Pour ce qui est des impôts proprement dits, nous devons reconnaître que les baisses d'impôt ont d'extraordinaires retombées sur notre économie, car l'argent n'est pas anéanti. Lorsqu'il y a baisse des impôts, cela ne veut pas dire que le contribuable se retrouvera avec un dollar qu'il jettera simplement dans son foyer. Cet argent sert à satisfaire les besoins de sa famille, ce qui relance l'économie locale. Je préférerais nettement embaucher quelqu'un pour réparer ma toiture qui coule, ce qui créerait un emploi et me donnerait une bonne toiture, que d'envoyer mon argent à Ottawa où il tourne en rond et n'a pas d'effet.

J'ai apprécié la question du secrétaire parlementaire, mais je n'ai malheureusement pas eu assez de temps pour lui fournir une réponse complète. Il est certainement sur la bonne voie en demandant s'il faudrait simplifier le code. Ma réponse à cette question est un oui retentissant.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je voulais mentionner que j'ai déjà parlé à la Chambre, pas au cours de la présente législature, mais lors de la 36e législature, quand on avait présenté une réponse à l'énoncé économique, le minibudget. Ce minibudget est devenu, aujourd'hui, le projet de loi C-22.

Je suis surprise de voir qu'il n'y a rien de changé. Le gouvernement aurait peut-être pu parer à des difficultés ou à des manquements de cet énoncé économique. On sait que l'énoncé économique avait été annoncé tout de suite avant le déclenchement des élections et le gouvernement libéral, par l'entremise de ses représentants et de ses candidats, s'est pété les bretelles pendant toute la campagne électorale en disant: «Bon, il va y avoir des baisses d'impôts, il va y en avoir pour tout le monde maintenant que nous avons remis les finances en bon état et que nous avons des surplus. Nous allons aider ceux qui ont été victimes de ces coupures radicales.» À ce moment-là, la marge de manoeuvre dont disposait le ministre des Finances était de 147,9 milliards de dollars, incluant l'entente sur la santé qu'il avait conclue avec les provinces, le 11 septembre. On peut probablement prévoir qu'à ce moment-ci, les chiffres sont beaucoup plus élevés que ces 147,9 milliards de dollars, mais notre sujet d'aujourd'hui est basé sur cette marge de manoeuvre.

En ce qui concerne les baisses d'impôt, on peut en prévoir pour 2004. À l'heure actuelle, je pense que tout le monde, toute la population canadienne et québécoise, est en train de vérifier sa déclaration de revenu pour la soumettre au ministère du Revenu. Il n'y a pas beaucoup de gens qui se réjouissent et qui sont très contents de dire: «Cette année, j'ai pu bénéficier d'une baisse d'impôt tangible pour pouvoir, moi aussi, mettre mes finances en bon état.»

 

. 1705 + -

Je donne quelques exemples de ce que seront probablement les baisses d'impôt en 2004. Une famille monoparentale ayant un revenu de 30 000 $ et un enfant à charge obtiendrait des baisses d'impôt d'environ 550 $ et paierait encore 1 545 $ par année. Cela vaut pour une famille ayant un revenu de 30 000 $.

Si la même famille avait un revenu de 50 000 $, la baisse d'impôt serait de 1 200 $, soit deux fois plus que la famille monoparentale gagnant 30 000 $. Si cette même famille avait un revenu de 80 000 $, elle bénéficierait d'une diminution d'impôt de 2 300 $, soit quatre fois la baisse accordée à la famille gagnant 30 000 $. Pour un revenu de 100 000 $, la baisse d'impôt serait de 3 200 $, soit 5,8 fois la baisse accordée à la famille ayant un revenu de 30 000 $. Pour un revenu de 250 000 $, la baisse d'impôt serait de 6 500 $, soit 11 fois plus que la famille gagnant 30 000 $.

Sachant que plus de quatre millions de femmes, soit 60 p. 100 d'entre elles, ont un revenu inférieur à 35 000 $, cet énoncé constitue pour elles une gifle. Une famille ayant enfant et un revenu de 30 000 $ ne devrait pas payer d'impôt.

La réduction de l'inclusion des gains en capital signifie des gains moyens de 11 600 $ pour un revenu de 250 000 $ et plus, contre un gain moyen de 320 $ pour un revenu de 80 000 $ à 150 000 $. Cela représente 36 fois plus pour celui qui gagne plus de 250 000 $. Ces baisses d'impôt, vous le constaterez avec moi, sont pour les plus riches.

Dans ce projet de loi, on peut aussi constater qu'il n'y a rien pour les femmes, rien pour les jeunes et rien pour les personnes âgées seules, qui, en majorité, sont des femmes.

Monsieur le président, vous représentez un comté dans lequel vivent probablement plusieurs personnes âgées seules. Ce sont des femmes qui, pour la plupart—et c'est triste—, sont pauvres. Elles touchent des revenus de pension d'à peu près 12 000 $ par année. Où peut-on aller avec 12 000 $ par année? C'est incroyable que l'on n'ait pas pensé à ces personnes.

De plus en plus, la population est vieillissante et il y aura de plus en plus de femmes âgées seules. Souvent, ce sont des femmes qui se retrouvent sans conjoint, ce sont des veuves qu'on oublie. Quand on fait des surplus et que l'on a une marge de manoeuvre de 147,9 milliards de dollars, il est inacceptable de ne pas penser à ces femmes seules.

On ne prévoit rien non plus en ce qui concerne le financement de base pour les groupes de femmes oeuvrant au sein d'organismes. On les a complètement oubliées. Ce sont souvent des femmes bénévoles. Elles touchent, dans ces organismes, des salaires inacceptables. Elles font ce travail afin de tenir ces centres de femmes ouverts pour aider et soutenir les femmes seules, les femmes âgées, les femmes qui ont des difficultés ou qui vivent des problèmes de violence conjugale. Ces groupes de femmes tiennent le fort à bout de bras, et il n'y a rien dans le budget pour les aider à continuer leur oeuvre.

Il n'y a rien non plus pour les ex-travailleurs et les ex-travailleuses âgés. On avait fait un tapage ici, à la Chambre, pour que le ministre des Finances tienne compte des victimes de fermetures d'usines. Il y aura d'autres, il faut s'attendre à cela avec la mondialisation. Il y aura des fermetures d'usines. On profite de nouvelles qui ouvrent leurs portes, mais les grosses compagnies font de la rationalisation.

Dans mon comté, la compagnie Celanese était le pilier de l'économie à Drummondville. Il y a 50 ans, 40 ans ou 30 ans, tous les gens de mon comté connaissaient quelqu'un qui travaillait à la Celanese. Cette compagnie a déjà eu 6 000, 7 000 et 8 000 employés. Elle était vraiment à la base de l'essor économique de la population de la région. Au fil des ans, on a procédé à des transformations et cette usine a fermé ses portes l'an dernier pour aller s'installer au Mexique.

 

. 1710 + -

Il y avait un bon pourcentage de travailleurs et de travailleuses d'un certain âge, entre 50 et 60 ans, qui étaient près de la retraite et qui ont bénéficié d'un certain montant de mise à la retraite. Ces personnes n'ont pas eu droit à l'assurance-emploi. Elles devaient utiliser l'argent qu'on leur a donné suite à la mise à pied. Un an après, elles se sont retrouvées à l'assurance-emploi et, par la suite, elles se sont carrément retrouvées à l'aide sociale.

On a déjà eu des mesures permettant de venir en aide aux ex-travailleurs âgés. Ce n'était peut-être pas l'idéal, il y avait des lacunes, mais au moins ces gens pouvaient garder leur fierté car ils n'avaient pas à se retrouver à l'aide sociale en attendant de toucher leur pension.

On a laissé totalement à eux-mêmes ces gens qui se sont dévoués pendant 30 ou 40 ans dans une même usine, chez un même employeur. On les met à la retraite à cause de la mondialisation et de la fermeture de l'usine. On leur dit: «Allez chez vous maintenant, vous êtes bons pour l'aide sociale.» C'est carrément scandaleux.

Il n'y a rien non plus pour le logement social. Il n'y a rien pour l'aide internationale. Il n'y a rien pour les transferts destinés à la santé et à l'éducation. Ici, je veux parler de l'indexation, parce qu'on sait que même si des fonds ont été injectés pour la santé, on n'a pas tenu compte des coûts. La population est vieillissante, les coûts du matériel, des nouvelles technologies et des médicaments sont de plus en plus faramineux et il faut tenir compte de cela.

Il n'y a rien pour la construction navale. Il y a un milliard de dollars pour la hausse des frais de chauffage, mais on envoie un petit chèque à tout le monde. On en a parlé ici en cette Chambre. J'ai fait des démarches auprès de personnes âgées seules qui ont des maisons, qui reçoivent 13 000 $ ou 14 000 $ par année, qui chauffent à l'huile à chauffage, et qui ont vu leurs factures doubler, presque tripler.

Une personne qui payait 400 $ paiera à la fin de l'hiver 800 $ à 1 000 $ d'huile à chauffage. Avec un revenu de 13 000 $ par année, c'est scandaleux. On a donné un chèque de 125 $, au lieu de garder cet argent et de cibler les personnes qui en avaient besoin. On avait créé cette mesure pour les frais de chauffage et on a envoyé un chèque à tout le monde, même à ceux qui ne chauffent pas à l'huile. Cela n'a pas de bon sens.

Je n'ai rien contre le fait qu'on donne de l'argent aux prestataires de la TPS; je suis heureuse pour ces gens qui ont reçu le chèque de 125 $. Il était sûrement le bienvenu, surtout durant la période des Fêtes. Mais qu'a-t-on fait pour arranger la situation des personnes qui ont vu une hausse des frais de chauffage, comme les femmes seules qui n'ont pour vivre qu'un chèque de 13 000 $ par année? On aurait pu faire un effort.

C'est un peu comme si on donnait un bonbon avant le déclenchement des élections pour que tout le monde soit content; cela donne beaucoup de visibilité mais n'arrange rien. Des gens vont se retrouver encore plus pauvres parce qu'ils ont vu leurs factures doubler, presque tripler pour ne pas geler cet hiver.

Que fait-on quand on est pauvre, si on ne veut pas geler? On se prive de nourriture ou bien on ne chauffe pas, on gèle carrément pour être capable de manger un peu. C'est inadmissible, quand on a une marge de manoeuvre de 147,9 milliards de dollars.

On a fait beaucoup pour la dette. On sait que ce sont des pratiques d'administration. Le ministre des Finances a été très prudent. Il a eu des surplus qui n'avaient pas été annoncés, ce qui a permis de les affecter à la dette. Je n'ai rien contre le fait de baisser la dette, mais il faut d'abord penser à ceux qui ont été comprimés, qui ont été carrément égorgés.

 

. 1715 + -

On en a mis beaucoup pour la dette et pour les millionnaires. En effet, la famille avec un enfant, qui gagne un revenu de 250 000 $, a une baisse d'impôt. Cependant, pour la famille avec un enfant, qui gagne 30 000 $, la baisse d'impôt ne paraît pas beaucoup. Je pense que c'est de l'exploitation.

Alors que le ministre des Finances est arrivé avec des surplus mirobolants et qu'il explose littéralement, nous nous attendions à ce qu'il puisse en faire bénéficier ceux et celles qui ont vraiment contribué à l'assainissement des finances publiques, ceux et celles qui ont fait en sorte, depuis maintenant quatre ans, qu'on n'ait plus de déficit, celles et ceux qui continuent à payer encore et à être égorgés par la fiscalité fédérale, celles et ceux qui font en sorte qu'à l'heure actuelle, le ministre des Finances puisse se réjouir d'avoir de tels surplus.

Nous nous attendions à ce que les principaux bénéficiaires de ces baisses d'impôt soient les familles à faible et à moyen revenu, et non pas les familles à très haut revenu qui, elles, peuvent bénéficier largement d'échappatoires fiscales. Avec l'aide d'un bon fiscaliste, les personnes qui gagnent 250 000 $ sont capables de récupérer beaucoup d'argent.

Cette année, on ose dire que les surplus vont atteindre six milliards de dollars seulement, alors qu'à l'heure actuelle, il y a déjà tout près de 12 milliards de dollars. Je sais que mes chiffres présentement ne sont pas réels, parce que c'est plus que cela.

Le ministre des Finances aurait pu faire plus pour les démunis, pour les contribuables à faible et moyen revenu. Ce sont ces travailleuses et travailleurs qui contribuent à l'assurance-emploi, ainsi que les petites et moyennes entreprises qui, actuellement, paient pour financer les baisses d'impôt des riches contribuables.

Autrement dit, ce sont aussi les chômeuses et les chômeurs qui ne bénéficient pas du régime d'assurance-emploi, parce qu'on a fait des coupures draconiennes, parce qu'on a renforcé les critères d'exclusion. Ce sont les familles des régions rurales—ma collègue de Jonquière qui a ce dossier est à même de le constater et je pense qu'à un moment donné elle pourra s'exprimer à la Chambre et dire aussi ce qui se passe dans les régions—, ce sont les jeunes, les femmes, les personnes du troisième âge qui paient, à l'heure actuelle, pour les baisses d'impôt des riches.

On sait pourquoi le gouvernement a présenté cet énoncé qui est devenu le projet de loi C-22. C'est parce qu'on était à la veille d'un déclenchement des élections et on a voulu faire un pied de nez à l'Alliance canadienne. Ce que l'Alliance canadienne proposait à ce moment-là, c'était le taux uniforme, et le gouvernement a donc voulu courtiser son électorat. Le gouvernement s'est donc emparé du taux uniforme que l'Alliance canadienne proposait et qui a été décrié par tous parce qu'il favorisait les millionnaires. Il l'a présenté dans sa loi.

Ces surplus de 100 milliards de dollars, il les a aussi pris dans les poches des contribuables à faible et moyen revenu et, je le répète, sur le dos des chômeurs, des femmes, des jeunes, des malades et des plus démunis. C'est carrément indécent.

Il ne faut pas se réjouir trop vite. Des baisses d'impôt, c'est toujours bienvenu. Il est certain que tout le monde ne peut pas être contre la baisse des impôts. Cependant, il ne faut pas s'en réjouir tout de suite, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas dans notre rapport d'impôt de cette année qu'on verra cela. Cela ira probablement en 2004.

Le ministre des Finances aurait pu faire un budget cette année— pas dans un an et demi—et nous faire bénéficier cette année même de ces baisses d'impôt. Selon les informations qui ont été transmises, je l'ai dit tout à l'heure, une famille monoparentale ayant un revenu de 250 000 $ et plus bénéficiera d'une baisse de son fardeau fiscal 40 fois supérieure à celle d'une famille avec une personne à charge ayant un revenu de 30 000 $.

 

. 1720 + -

Pour un revenu de 250 000 $, ça équivaut à une réduction nette de 20 000 $ d'impôt, alors que pour un revenu de 35 000 $, avec une personne à charge, ça équivaut à un maigre 500 $. Cette famille ne devrait pas payer d'impôt. Au Québec, elle ne paie pas d'impôt.

Alors que c'est ici que l'argent se trouve, on utilise encore ces familles. Il y a 1,5 million d'enfants pauvres au Canada. Est-ce possible? S'il y a des enfants pauvres, c'est parce qu'il y a des femmes pauvres, des familles pauvres.

Une famille ayant un revenu de 35 000 $ avec une personne à charge, c'est une famille pauvre. Cette famille va continuer à payer de l'impôt. Elle va en payer encore 1 425 $. Elle va avoir une baisse d'impôt de 500 $, mais pas cette année, en 2004.

Le ministre répétait que les gens—on l'a entendu ici, à la Chambre—ayant un revenu de 35 000 $ ne payaient pas d'impôt. Il nous a dit cela ici, à la Chambre, à plusieurs reprises. C'est curieux, s'ils n'en paient pas, qu'il leur annonce qu'ils vont avoir une baisse d'impôt de 500 $. C'est bizarre.

J'aime mieux croire les chiffres qu'on nous a soumis dans notre recherche. Je pense que la population n'est pas dupe. Il nous a répété que cette famille-là ne payait pas d'impôt et maintenant, il annonce une baisse d'impôt de 500 $. Alors, je pense que la famille en paie de l'impôt.

On a pu voir aussi dans ce budget que le gouvernement continue à amasser des surplus sans gêne, car les baisses d'impôt, on l'a dit tout à l'heure, ce sera dans un an et demi. On continue encore une fois à traficoter les chiffres.

Je peux dire que nous étions contre l'énoncé, contre le minibudget et que nous voterons contre ce projet de loi, parce qu'il ne correspond pas aux besoins de la population canadienne et québécoise.

M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais remercier ma collègue de Drummond pour son intervention.

Je sais que le Bloc québécois doit passer le temps en attendant le prochain référendum. Tout le monde comprend cela. Dans cet esprit, j'aimerais souligner et demander à ma collègue...

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame la Président, j'invoque le Règlement. Ce que vient de dire le député de Chicoutimi—Le Fjord est une insulte à l'intelligence de ma collègue, la députée de Drummond. Je trouve cela inacceptable.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Je ne veux pas me faire le conseiller de la conscience de tous les députés à la Chambre. Je crois que chacun doit être prudent dans le choix des mots qu'il utilise, mais si le député veut se défendre, il peut prendre la parole.

M. André Harvey: Madame la Présidente, justement, j'en profiterais pour demander à la députée de Jonquière si elle a obtenu une réponse de M. Clinton suite à sa lettre.

J'ai été élu député de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Il me semble qu'il n'est pas possible que le fédéral soit responsable de tous les problèmes au Québec.

Dans cet esprit, j'aimerais souligner que cette année, le fédéral va transférer, en vertu des paiements de péréquation et du Transfert social canadien, 14 milliards de dollars. Le problème n'est pas toujours au fédéral. Le problème, c'est que rendu au niveau du gouvernement du Québec, la péréquation et le Transfert social vers les régions ne sont pas faits selon des principes objectifs.

Je vais vous en donner un exemple. C'est dommage que la députée de Jonquière ait fui la Chambre des communes.

 

. 1725 + -

Dans le domaine de la santé, notre région a un déficit annuel de 75 millions de dollars par année. Ce n'est pas la faute du fédéral puisque cela fait des années et des années que cela dure, à un point tel que j'aimerais dire à ma collègue de Drummond que, dans notre région, de plus en plus, on souhaiterait que le fédéral ralentisse ses transferts au gouvernement du Québec pour investir davantage et directement dans la région pour qu'on soit en mesure de gérer notre propre développement.

Les préjudices que nous subissons dans la gestion des ressources naturelles, dans les domaines de l'aluminium et du bois le sont dans des secteurs qui ne sont pas de juridiction fédérale. Nous avons perdu 8 000 emplois dans le domaine de l'aluminium. Ce n'est pas la faute du fédéral si on n'a pas encore commencé à faire de la transformation de l'aluminium.

J'en profite pour souligner que le fédéral va investir 52 millions de dollars pour un centre de recherche pour faire de la transformation de l'aluminium.

J'aimerais demander à ma collègue de Drummond si elle serait d'accord pour que le fédéral investisse plus directement dans les régions ressources puisque, tout le monde est d'accord avec cette réalité, le gouvernement du Québec néglige les régions ressources dans tous les secteurs. Pour ce qui est du développement régional, tout ce qu'il fait, c'est de créer des comités, le CRCD, le CSD. On appelle cela le «syndrome des comitoses péquistes».

Il faut arrêter de dire que le fédéral est responsable de tous les problèmes du Québec. On pourrait peut-être se demander si ce n'est pas au niveau de la gestion du gouvernement du Québec et au niveau de son manque de respect envers les régions. Je favorise l'intervention directe en régions du gouvernement fédéral.

Une voix: Ce n'est pas ce que vous disiez quand vous étiez de ce côté-ci de la Chambre.

M. André Harvey: Je l'ai toujours dit.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Si des députés veulent poser des questions, ils peuvent en profiter pour le faire pendant la période des questions et commentaires. La députée de Drummond a la parole.

Mme Pauline Picard: Madame la Présidente, ce qui nous révolte, c'est que ce député, alors qu'il était de ce côté-ci de la Chambre, n'avait pas le même discours. Maintenant qu'il a traversé de l'autre côté, ce n'est plus pareil.

Quand il y a eu fermetures d'usines et que mes collègues et moi avons fait un tapage à la Chambre afin qu'on vienne en aide aux ex-travailleurs âgés de la Canadian Celanese et de la Cavalier Textiles dans ma région—ainsi que dans la sienne—, c'est lui qui m'a dit: «Quand mon parti sera au pouvoir, on va rétablir les mesures pour les ex-travailleurs et ex-travailleuses âgés.» Il est maintenant de l'autre côté et son gouvernement est au pouvoir. J'attends encore les mesures qui seront mises sur pied pour aider ces gens.

En ce qui concerne le Transfert social canadien pour ce qui est de la santé, je ferai remarquer à mon collègue qu'au départ, le transfert canadien pour la santé et l'éducation, c'était 50-50. Le gouvernement fédéral, depuis 1993, s'est retiré de ses obligations et il est rendu à une part de 14¢ sur un dollar. Cela n'a plus de bon sens.

Il y a eu des coupures draconiennes. Toutes les provinces s'entendent—ce n'est pas juste le Québec, mais toutes les provinces—pour dire que si nos systèmes de santé dans les provinces sont en danger, c'est à cause des coupures du gouvernement fédéral. Alors, venir nous dire des choses comme celles-là, c'est très insultant.

Quand on a eu cet énoncé, pour une fois, on avait la même marge de manoeuvre que le ministre des Finances. Nous étions arrivés à la même marge de manoeuvre de 147,9 milliards de dollars. Nous avions les mêmes prévisions. Chaque année, nous arrivions avec des prévisions et le ministre des Finances nous disait que nous étions dans l'erreur. Toutefois, on détenait la vérité, on avait les bons chiffres et il était obligé de le reconnaître.

Cette fois-ci, il arrive au même chiffre que nous, comme je le disais, soit 147,9 milliards de dollars, mais probablement que cela a augmenté.

Pour ce qui est de la réduction du fardeau fiscal, le ministre des Finances prévoit des baisses d'impôt des particuliers de l'ordre de 75,2 milliards de dollars sur cinq ans. Ce que je voulais dire, c'est qu'avec ces 147,9 milliards de dollars, nous avions une autre façon de répartir les fonds, une autre façon pour soutenir la population qui a souffert des coupures draconiennes, notamment en santé.

 

. 1730 + -

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LES ACADIENS

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) propose:  

    Qu'une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763.

—Madame la Présidente, c'est avec fierté et grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui à la Chambre pour lancer le débat sur la motion M-241, laquelle revêt assurément un caractère solennel et historique indéniable pour le peuple acadien, de même que pour toutes les personnes qui, où qu'elles se trouvent dans le monde, ont des ascendances acadiennes, et pour cause.

Je crois que je mesure bien la portée symbolique et historique de cette motion dont j'ai l'immense honneur d'être le parrain et qui se lit comme suit:

    Qu'une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763.

Cette motion, quoique reprenant la forme cérémonieuse et ampoulée traditionnellement employée pour les communications entre le Parlement et la Couronne britannique, peut sembler impertinente et même quelque peu outrageante, au premier abord, à l'égard de la personne même de Sa Majesté.

Je vous soumets respectueusement qu'il n'en est rien. La motion ne viole en rien le serment d'office que chacune et chacun d'entre nous a prononcé afin de pouvoir siéger à la Chambre. Ce n'est pas faire preuve de déloyauté que de demander une reconnaissance formelle d'événements historiques incontestables et la présentation d'excuses officielles qui auraient dû, du reste, avoir été présentées il y a fort longtemps.

Mais quand on exige des excuses, est-ce donc parce qu'on est prêt à pardonner à celles et ceux qui ont succédé aux responsables de ces exactions? Assurément. Nous ne devons évidemment pas entretenir de rancoeur à leur égard puisqu'ils ne peuvent répondre directement des actes de leurs prédécesseurs. Mais oublier, cela jamais.

Or, plus de 200 ans après ces tristes événements, personne n'en a encore jamais officiellement reconnu la responsabilité et, partant, l'existence même. Comme si, pour l'histoire officielle, il s'agissait d'un non-événement.

Curieusement, il s'agit d'un sujet à la fois tabou et omniprésent. La Couronne britannique s'est rendue coupable d'injustices graves envers le peuple acadien qui en a bien conscience, ce qui contribue d'ailleurs à façonner et à cimenter son identité nationale. Cependant, il semble que personne n'ose demander des comptes, probablement par crainte d'ouvrir un débat déchirant. Nous devrions pourtant être en mesure de poser un regard lucide et serein sur notre passé.

Quoiqu'on ne puisse juger d'événements passés en invoquant des valeurs et principes contemporains, d'aucuns n'hésitent pas à affirmer que de telles exactions, si elles étaient commises aujourd'hui, seraient qualifiées de génocide et de crime contre l'humanité.

Mais, dans de telles situations, les spécialistes s'entendent généralement pour dire que l'impunité et, surtout, la non-reconnaissance des faits constituent le principal accroc à la justice la plus élémentaire, lequel peut entraver irrémédiablement toute normalisation de la situation après les événements.

C'est peut-être ce qui explique que, plus de 200 ans plus tard, ces événements fassent toujours l'objet d'une sorte de tabou tout en demeurant omniprésents, comme je le signalais plus tôt, dans l'imaginaire collectif du peuple acadien. J'estime donc que la reconnaissance des faits et la présentation d'excuses officielles constitueraient la moindre des peines qu'aurait à subir la Couronne britannique pour toutes celles qui ont été infligées en son nom au peuple acadien.

Et si la Chambre des communes, qui se veut l'incarnation même de la démocratie canadienne, refuse de porter son regard sur notre passé et demander à la Couronne britannique de reconnaître à son tour ces faits historiques, qui le fera?

 

. 1735 + -

Je ne suis pas sans savoir que ma démarche en cette Chambre ne fait pas nécessairement l'unanimité. Mais je dois vous dire que j'anticipais ce genre de réaction. Toute démarche du Bloc québécois à l'égard des communautés francophones et acadienne du Canada est presque invariablement jugée suspecte d'emblée.

Lorsque la formation politique dont je suis membre fait une intervention au sujet des communautés francophones et acadienne du Canada, il se trouve quelqu'un, quelque part, pour l'accuser de tenter de les récupérer à des fins politiques. Mais lorsque le Bloc québécois commet l'erreur de demeurer muet sur une problématique les concernant, on l'accuse de ne pas se préoccuper de leur sort, trop préoccupé qu'il est, insinue-t-on, par son projet séparatiste.

Il me faut donc préciser d'emblée que ce n'est pas à titre de député du Bloc québécois que j'ai entrepris cette démarche. J'affirme, à l'intention de mes détracteurs éventuels, qu'il m'est permis d'exister en dehors de mon étiquette partisane.

C'est donc plutôt à titre de Québécois d'origine acadienne que j'ai entrepris cette démarche. En effet, si je suis aujourd'hui Québécois, c'est parce que mes ancêtres, en raison du Grand Dérangement, ont dû se réfugier au Québec, plus précisément à Saint-Grégoire-de-Nicolet.

Mon premier ancêtre en terre d'Amérique s'appelait Barthélémy Bergeron, originaire d'Amboise, en Touraine. Débarqué en Nouvelle-France en 1684, en tant que volontaire du Roy, il s'établit d'abord à Québec où il aurait exercé le métier de boulanger. Membre des premières compagnies franches de la Marine, constituées pour le service dans les colonies d'Amérique, il a participé aux campagnes et raids menés par le célèbre Pierre LeMoyne d'Iberville, jusqu'à ce qu'il s'établisse à Port-Royal, après 1693, dans l'actuelle Nouvelle-Écosse. Il a épousé Geneviève Serreau de Saint-Aubin, fille d'un seigneur acadien, de qui il eût plusieurs enfants.

En 1704, après le raid du colonel Church contre Port-Royal, Barthélémy Bergeron et sa famille sont emmenés et maintenus en captivité à Boston pendant deux ans. Après la signature du Traité d'Utrecht en 1713, la Nouvelle-Écosse passe aux mains des Britanniques.

Depuis 1604, le contrôle de l'Acadie aura changé pas moins de sept fois entre la France et l'Angleterre. Ainsi, en 1730, à l'invitation pressante des autorités ecclésiastiques, Barthélémy Bergeron et sa famille se déplaceront dans l'actuel Nouveau-Brunswick, devenant l'une des familles pionnières du village de Sainte-Anne-du-Pays-Bas, qui porte aujourd'hui le nom de Fredericton, capitale de la province.

Devant l'imminence d'une guerre contre la France et doutant de la loyauté et de la neutralité des sujets français et catholiques de Sa Majesté en Acadie, les autorités coloniales britanniques échafaudèrent une stratégie qui allait malheureusement faire école dans l'histoire de l'humanité et que les Romains avaient éprouvée bien auparavant: on allait tout simplement déporter ces populations prétendument subversives et les disperser dans les différentes colonies britanniques d'Amérique.

Le 5 septembre 1755, dans la région des Mines, le lieutenant-colonel John Winslow fait lecture de l'ordre de déportation aux hommes de la localité, qu'il a fait séquestrer dans l'église et dont voici un extrait:

      [...] toutes vos terres et habitations, bétail de toutes sortes et cheptel de toute nature, sont confisqués par la Couronne, ainsi que tous vos autres biens, sauf votre argent et vos meubles, et vous devez être vous-mêmes enlevés de cette Province qui lui appartient.

Entre 1755 et les mois qui ont suivi la signature du Traité de Paris, en 1763, plus de 10 000 Acadiennes et Acadiens ont été ainsi déportés. De ce nombre, au moins le tiers périra des suites de naufrages, de maladies découlant des pitoyables conditions qui prévalaient à bord des navires assurant leur transport vers l'inconnu ou des rigueurs du temps et des conditions qui les attendaient à destination.

À ces souffrances physiques s'ajoutaient la douleur de l'exil, l'humiliation du dénuement et de la pauvreté, pour ces populations paisibles qui, à force d'efforts et d'ingéniosité, avaient réussi à faire fructifier les marais salés de la terre acadienne et ainsi assurer leur subsistance, mais aussi, trop souvent, le déchirement découlant de la séparation forcée des familles.

C'est à ce chapitre, tout particulièrement, que le récit épique de Longfellow, évoquant le destin cruel d'Évangéline, séparée de l'homme qu'elle aime au moment de la déportation et qui passera sa vie à tenter de le retrouver, prend toute sa signification.

Pour plusieurs, l'exode devait s'échelonner pendant de nombreuses années, la plupart des colonies où on voulait les établir n'ayant pas prévu d'infrastructures d'accueil pour ces immigrants impromptus et souvent considérés comme indésirables.

 

. 1740 + -

Au gré des écueils de l'histoire, cet exode aura conduit plusieurs d'entre eux dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre, alors que d'autres aboutiront dans les Caraïbes, en France, en Angleterre, mais également aussi loin qu'en Guyane française ou aux Îles Malouines.

Nombre de ces exilés entreprendront plus tard de s'établir en Louisiane, alors colonie espagnole, tandis que d'autres amorceront un long et pénible retour vers la terre d'Acadie. Ils ne reverront jamais, cependant, ces belles terres fertiles qu'ils avaient défrichées et cultivées, sur lesquelles des colons anglais s'étaient désormais établis.

Au début du XIXe siècle, près du tiers de la population acadienne aura trouvé refuge dans ce qui deviendra plus tard le Québec. C'est ainsi qu'après 1763, lassés de vivre dans la clandestinité pour échapper aux troupes britanniques, les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de Barthélémy Bergeron furent parmi les derniers à quitter la terre d'Acadie pour trouver refuge au Québec.

Après un hiver passé à Cacouna, ils établirent finalement domicile, pour la plupart, avec plusieurs autres familles de réfugiés acadiens, à Saint-Grégoire-de-Nicolet, qu'on appellera familièrement la «Petite-Cadie».

D'autres membres de la famille de Barthélémy Bergeron, beaucoup moins nombreux, cependant, ont plutôt choisir de s'établir en Gaspésie, dans la région de Carleton, et en Louisiane.

Pendant quatre générations, mes ancêtres auront donc contribué à façonner le visage de l'Acadie. Outre les Bergeron d'Amboise et les Serreau de Saint-Aubin, mes racines plongent certaines de leurs ramifications chez les Hébert, les Bourg, les Moricet, notamment.

Je suis fier de mes origines acadiennes et, quoique certains pourraient vouloir dire ou faire aujourd'hui, personne ne saurait faire en sorte que je les renie. D'aucuns peuvent aujourd'hui prétendre que je ne suis pas Acadien et que je ne suis donc pas «autorisé» à entreprendre une telle démarche, mais un fait indéniable demeure: n'eût été du Grand Dérangement, je serais probablement Acadien, aujourd'hui.

Aussi, la diaspora acadienne issue du Grand Dérangement est-elle donc directement concernée, tout autant que l'Acadie contemporaine, par cette motion dont la Chambre est actuellement saisie. C'est par le Grand Dérangement, en effet, que se définit ce que nous sommes aujourd'hui devenus.

Il y a quelques années, j'ai réellement pris conscience de mes origines acadiennes. Cette prise de conscience m'a entraîné dans une véritable quête de mes racines, qui m'a amené à me rendre à de nombreuses reprises dans les provinces Atlantiques.

J'ai sillonné l'Acadie historique et contemporaine, de Port-Royal à Louisbourg, de Fredericton à Plaisance, de Grand-Pré à Moncton, de la Péninsule acadienne à l'Île-du-Prince-Édouard, des Îles-de-la-Madeleine à Saint-Pierre-et-Miquelon, en passant par la Louisiane. J'ai rencontré nombre de profanes et de spécialistes de la question, dont M. Stephen White, généalogiste au Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton.

Mais c'est une conjonction de trois événements qui m'a incité à entreprendre la présente démarche à la Chambre des communes. En effet, ayant pris part au dernier Congrès mondial acadien, en Louisiane, j'ai d'abord été en mesure de constater les ravages considérables causés par l'assimilation des descendants des Acadiens exilés dans ces régions. J'en suis dès lors venu à épouser cette idée puissante d'une grande communauté acadienne, fière et solidaire, transcendant les frontières, une idée qui animait d'ailleurs le dernier Congrès mondial acadien.

J'ai également été troublé par la controverse entourant le choix de Moncton comme ville hôtesse du dernier Sommet de la Francophonie. On se souviendra, en effet, qu'un certain nombre d'activistes avait alors critiqué ce choix, jugé trop lourd symboliquement. Qu'il suffise simplement de rappeler, à cet égard, que le colonel Robert Monckton, dont la ville porte aujourd'hui le nom, s'était rendu coupable, envers les Acadiens, de gestes qui lui vaudraient certainement aujourd'hui, comme je le signalais plus tôt, d'être traduit devant le Tribunal pénal international.

Mais cette apparente banalisation des tragiques événements entourant le Grand Dérangement, de la part des autorités canadiennes, aurait pu être jugée négligeable si une députée de cette Chambre, à l'époque membre du Cabinet fédéral, n'avait pas elle aussi tenté de minimiser les conséquences de la déportation des Acadiens, en déclarant notamment, en France, ne pas se souvenir de l'année où avait commencé cette malheureuse opération.

Afin de mettre un terme à cette apparente désinvolture des autorités canadiennes à l'égard de cet épisode tragique de notre histoire, il m'est dès lors apparu important que la Chambre des communes du Canada se penche formellement sur la question et reconnaisse officiellement, et ce, pour la première fois de son histoire, que ces événements ont bel et bien eu lieu.

 

. 1745 + -

J'ai donc fait inscrire une première fois cette motion au Feuilleton de la Chambre des communes, à la fin d'octobre 1999. Mais, n'ayant pas été favorisé par le sort, celle-ci devait mourir au Feuilleton avec la dissolution de la Chambre, l'automne dernier. Je me suis donc employé à faire inscrire de nouveau cette motion au Feuilleton de la Chambre, au début de la présente législature.

J'ai entrepris cette démarche de bonne foi, en voulant rendre hommage au courage, à la ténacité et à la détermination de ces hommes et de ces femmes qui ont vaillamment fait face à l'adversité et qui ont assuré la survie de ce peuple étonnant qu'est le peuple acadien. Je veux rendre hommage à nos mères et nos pères, nos soeurs et nos frères qui, inlassablement, se sont employés par le passé et s'emploient encore, dans nombre d'endroits en terre d'Amérique, à défendre leur langue et leur culture et à les faire rayonner, sous des accents colorés, bien au-delà des frontières de l'Acadie. Je veux rendre hommage à ces organisations qui, des quatre coins de l'Acadie, luttent pour la défense et la promotion des droits, des intérêts et de la spécificité des communautés acadiennes.

Je voudrais qu'on ne les oublie pas, sans quoi leurs luttes et leurs efforts incessants auraient été vains. Cette motion ne vise pas à changer l'histoire. L'histoire demeure intangible et rien de ce que nous pourrions faire aujourd'hui ne pourra faire disparaître les souffrances passées.

Mais pour tirer des leçons du passé, encore faut-il avoir le courage et la clairvoyance de le regarder en face.

Les pharaons de l'Égypte ancienne avaient bien compris que la seule façon d'assurer leur immortalité et celle de leurs hauts faits et réalisations était de les inscrire dans la pierre, comme pour les graver dans la mémoire de l'humanité. Ils en avaient donc déduit que le seul fait de marteler ces inscriptions pour les faire disparaître aurait pour effet de condamner les événements et les personnages auxquels ils faisaient référence aux limbes de l'indifférence, puis de l'oubli.

Nous n'avons pas le droit d'entretenir cette apparente indifférence qui entoure l'un des événements les plus dramatiques de notre histoire, sous peine de le condamner à l'oubli.

Certains collègues à la Chambre, prenant connaissance de la motion dont il est aujourd'hui question, n'avaient jamais entendu parler des événements entourant la déportation des Acadiens, ayant même peine à croire que de tels événements aient pu réellement survenir ici, au Canada. Cela donne une petite idée de l'ampleur du problème et du fait qu'il nous faut s'y attaquer sans tarder.

En tant que représentantes et représentants de la population, une responsabilité historique nous incombe. Nous n'avons pas le droit de pécher par omission; le souvenir de tout un peuple en dépend. Et ce souvenir ne doit jamais devenir qu'un simple élément folklorique propre au peuple acadien seulement. Nous avons donc aujourd'hui le devoir de reconnaître officiellement l'existence de ces faits historiques et de réclamer que des excuses soient formulées, tout simplement.

Cette démarche est d'autant plus nécessaire que l'ordre de déportation, qui a été en vigueur jusqu'en 1764, n'aurait jamais été formellement levé depuis.

Il convient cependant de préciser ici que cette motion n'a absolument pas pour objet le versement éventuel de réparations aux familles et aux descendants de personnes lésées au moment de la déportation.

Nous aurons très prochainement l'insigne privilège de poser, ici à la Chambre, un geste historique en votant sur cette motion. J'invite tous mes collègues de la Chambre à ne pas se laisser distraire par des considérations partisanes et à appuyer massivement cette motion. Car cette question fondamentale dépasse largement les lignes de parti. Il importe donc que la Chambre pose le geste solennel qui s'impose devant l'histoire et devant le peuple acadien.

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Madame la Présidente, je vous remercie de me donner la possibilité de répondre au député de Verchères—Les-Patriotes et à sa motion, dans laquelle il demande à la Gouverneure générale d'intercéder auprès de Sa Majesté la Reine d'Angleterre, afin que des excuses officielles soient présentées aux Acadiens et Acadiennes, à qui des torts ont été causés entre 1755 et 1763.

L'histoire du Canada, comme celle de tous les pays, comporte des passages douloureux dont il n'y a pas lieu d'être fier, nous en convenons tous.

 

. 1750 + -

Ces passages sont des événements qui remontent parfois à des centaines d'années. C'est le cas de la déportation des Acadiens. L'histoire est parfois cruelle. Celle du Canada ne se résume cependant pas à des injustices seulement. C'est en grande partie une histoire de progrès, d'avancement et de croissance. Aujourd'hui, nous devons nous tourner vers l'avenir.

Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui, c'est que l'intérêt soudain du député de Verchères—Les-Patriotes est surprenant. Oui, c'est surprenant, parce que si on retourne un peu dans le passé, il est très évident que cette démarche vient à l'encontre de la logique bloquiste. Je sais que la logique bloquiste peut parfois ressembler à un épisode de Au delà du réel, mais il n'en demeure pas moins que les collègues du député de Verchères—Les-Patriotes, et même le chef de son parti, ont rarement démontré une réelle et honnête ouverture d'esprit en ce qui concerne le sort des Acadiens et des francophones hors Québec.

Il n'y a pas si longtemps, en octobre 1997, le chef du Bloc québécois expliquait dans une entrevue au Telegraph Journal de Fredericton, que le salut des artistes acadiens et acadiennes passait essentiellement par un exil à Montréal: un exil.

M. Stéphane Bergeron: C'est incroyable, comme ce débat-là n'est pas partisan.

M. Jeannot Castonguay: Pour être reconnus, pour atteindre les sommets, enfin pour réussir, tout artiste acadien doit absolument faire ses valises, «paqueter ses p'tits» comme on dit chez nous, et déménager à Montréal. C'est un raisonnement simpliste mais pas nouveau n'est-ce pas? Hors du Québec, point de salut. Nous l'avons déjà entendue celle-là.

Mais ce que nous n'avions jamais entendu, c'est ce qu'ajoutait à l'époque le chef du Bloc. Il disait, en parlant des artistes acadiens: «Ils sont eux-mêmes la preuve que ça ne fonctionne tout simplement pas à l'extérieur du Québec.» Permettez-moi d'être aujourd'hui sceptique en ce qui concerne les réelles intentions du Bloc québécois avec le dépôt de cette motion à la Chambre.

Les députés du Bloc québécois sont intéressés à notre histoire, ou à notre existence, en autant que cela serve leurs intérêts et leur objectif. Ils veulent faire croire qu'ils veulent aujourd'hui corriger les erreurs du passé, apporter un éclairage sur un coin sombre de notre histoire. Le premier venu serait porté à penser que cette démarche se ferait en consultation avec les personnes concernées, soit les Acadiens et les Acadiennes. Ce serait la moindre des choses. La logique bloquiste ne fonctionne pas ainsi.

La logique bloquiste s'inspire d'un paternalisme dépassé et irrespectueux des communautés francophones et acadienne du Canada. Encore une fois, ce n'est pas nouveau. En 1994, la député de Rimouski—Neigette-et-la Mitis, pourtant voisine géographique des Acadiens, disait à la Fédération des communautés francophones et acadienne de se mêler de ses affaires parce que cet organisme avait eu le malheur de se prononcer dans le débat sur la souveraineté. Aujourd'hui, ils ne nous disent pas seulement de nous mêler de nos affaires, mais en plus, ils nous disent qu'ils vont s'occuper de nos affaires et ce, avant ou sans, et surtout, sans notre accord. Je veux qu'une chose soit bien claire: les Acadiennes et les Acadiens ne sont pas sous la tutelle du Bloc québécois. Les Acadiennes et les Acadiens forment une communauté dynamique, fière de ses racines et ouverte sur l'avenir. Nous n'avons pas besoin d'un tuteur autoproclamé.

L'observateur moyen de la scène politique canadienne sera facilement porté à confondre la logique bloquiste et la logique péquiste. C'est tout à fait normal, l'une est le complément parfait de l'autre. Et c'est particulièrement facile à illustrer. Encore une fois, il n'y a pas si longtemps, le gouvernement du Parti québécois a refusé de participer à l'Année de la francophonie canadienne. Il n'y a pas longtemps de cela, c'était en avril 1999.

Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, M. Joseph Facal, expliquait le refus de son gouvernement en soulignant que «le Québec ne peut être assimilé à la francophonie canadienne au même titre que les communautés francophones minoritaires ailleurs au Canada.» On en revient donc aux déclarations du chef du Bloc: il y a les sauvés, qui vivent au Québec, et les perdus, qui vivent à l'extérieur de la terre promise.

Il n'est pas facile pour les Acadiennes et les Acadiens d'entendre de tels propos. Des propos inspirés, je le répète, par une attitude paternaliste offensante, insultante et blessante de la part des séparatistes du Bloc québécois. Qui ne se souvient pas du désormais célèbre: «Ils sont assimilés; Pouf! Les francophones» de la députée de Rimouski—Neigette-et-La Mitis.

Les Acadiens et les Acadiennes ont contribué à bâtir ce pays. Ils ont travaillé avec acharnement et détermination à la conservation et à la protection de leur culture et de leur identité.

 

. 1755 + -

Les Acadiennes et les Acadiens ont fondé des écoles, des collèges et des universités. Ils ont créé des théâtres, des journaux et des maisons d'édition. Ils ont fait des percées exceptionnelles dans le domaine de la culture, comme le théâtre, le cinéma, les arts visuels, la musique et la littérature. Ils ont donné au monde des écrivains, des poètes, des artistes, des danseurs, des musiciens et des chanteurs. Ils ont mis sur pied un réseau impressionnant d'entreprises et ont créé des emplois. Ils n'ont pas attendu qu'on leur prenne la main et qu'on décide pour eux.

La communauté acadienne du Canada n'est pas une, mais bien plusieurs communautés disséminées sur tout le territoire des provinces Atlantiques et ailleurs. Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens sont concentrés dans le sud-est, le nord-est et le nord-ouest de la province, et il y a également des groupes acadiens à Fredericton et à Saint-Jean.

En Nouvelle-Écosse, il existe des communautés acadiennes dynamiques à Baie-Sainte-Marie, sur la côte sud-ouest, à l'Île Madame et dans la région de Chéticamp, au Cap-Breton.

À l'Île-du-Prince-Édouard, les Acadiens vivent dans la région de l'Évangéline. À Terre-Neuve, ils sont regroupés près du cap Saint-Georges, à Saint-Jean et à Labrador City. Bon nombre d'entre eux habitent également aux Îles-de-la-Madeleine, à Gaspé, dans la région de Montréal et dans l'Ouest canadien. Toutes ces communautés, certaines nombreuses et d'autres moins, témoignent de la vitalité du peuple canadien et de celle de ses deux langues officielles.

Les Acadiens et les Acadiennes participent à la réussite et à la prospérité de notre pays. Le gouvernement du Canada reconnaît leur dynamisme et leur contribution essentielle à la société canadienne. Ils font partie des sept millions de personnes au Canada qui parlent, chantent, écrivent, travaillent et vivent en français. Ces francophones sont la preuve de la vitalité et de l'extraordinaire détermination à progresser et à se développer sur un continent à majorité anglophone.

Les langues anglaise et française et les gens qui les parlent ont façonné le Canada et l'ont aidé à définir son identité. La dualité linguistique du Canada tire ses origines des racines mêmes de notre pays. Il est impossible de s'intéresser au Canada d'aujourd'hui sans reconnaître l'importance de ces deux langues et de ces deux communautés linguistiques dans la société canadienne.

J'en reviens au coeur du débat qui nous concerne. Bien que les députés du Bloc québécois nous affirment le contraire, l'histoire récente nous enseigne que l'intérêt que porte ce parti aux communautés francophones et acadienne du Canada est toujours guidé par des motifs politiques cachés. Cette motion masque les véritables intentions de son proposeur et nous ne pouvons l'accepter. En ce sens, l'honnêteté intellectuelle nous dicte de refuser notre appui à cette motion et c'est pourquoi j'invite les députés de cette Chambre à s'y opposer.

[Traduction]

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer aujourd'hui au débat sur la motion no 241 qui se lit comme suit:

    Qu'une humble adresse soit présentée à Son Excellence la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763.

Je comprends le sentiment, l'émotion et le désir de justice personnelle qui sous-tendent cette motion. Pour les Canadiens qui regardent ce débat, je vais rapidement décrire certains faits qui sont à l'origine de cette motion.

L'Acadie a d'abord été découverte par les Italiens qui ont nommé cette région Arcadie en 1524. Ils ont signé un traité cédant la région aux Français en 1697. Au cours des années 1670, les colons français ont commencé à délaisser la colonie de Port Royal pour aller fonder d'autres centres.

Après la Guerre de succession d'Espagne, de 1701 à 1713, l'Acadie est passée sous domination britannique. De 1713 à 1744, la présence britannique relativement restreinte a permis à la population acadienne de croître à un rythme supérieur à la moyenne dans la région. On a parlé de cette période comme de l'âge d'or de l'Acadie.

L'Angleterre a demandé à ses sujets conquis de prêter le serment de loyauté inconditionnelle, mais les Acadiens ont consenti uniquement à demeurer neutres. Ce fut accepté à l'époque. Vers 1749, l'Angleterre a commencé à installer ses propres colons dans la région. Les britanniques de Halifax ont décidé de régler la question acadienne une fois pour toutes. En refusant de prêter le serment d'allégeance, la population acadienne risquait la déportation.

 

. 1800 + -

Les Acadiens ont initialement refusé de prêter serment, mais ils ont accepté de le faire par la suite. Lawrence, l'officier britannique responsable de l'établissement, n'était pas heureux du serment prêté à contrecoeur et a exécuté le plan de déportation. Pourquoi la déportation? Lawrence craignait une attaque combinée de Louisbourg et du Canada contre la Nouvelle-Écosse avec l'aide des Micmacs et des Acadiens.

Selon les archives historiques, le processus de déportation a été amorcé en 1755 et a pris fin en 1762. Les Acadiens ont été embarqués à bord de navires et déportés dans des colonies anglaises aussi éloignées que la Géorgie. D'autres ont pu s'échapper et fuir en terre française et se cacher dans les bois. On estime que les trois quarts de la population acadienne a été déportée.

Aucune distinction n'a été faite entre les innocents et les coupables. La décision tyrannique de la déportation a été exécutée dans des conditions des plus cruelles. Plus de 7 000 Acadiens de troisième et de quatrième générations ont été arrachés à leur foyer et dispersés dans des colonies donnant sur l'Atlantique, du Massachusetts à la Géorgie. Leurs terres et leurs possessions ont été confisquées par la Couronne sans compensation. Que devons-nous faire maintenant? La motion demande des excuses.

Examinons des excuses présentées récemment par le gouvernement canadien. Examinons un échange entre Brian Mulroney et le regretté Pierre Trudeau au sujet des excuses présentées aux Canadiens japonais pour leur internement durant la Seconde Guerre mondiale. M. Trudeau a dit, comme il est consigné dans le hansard du 29 juin 1984:

    Nous ne pourrons jamais revivre ces pages d'histoire. Nous ne pouvons donc pas redresser les torts qui ont été commis. Nous ne pouvons qu'exprimer des regrets collectivement comme nous l'avons fait.

Il a ajouté:

    Je ne vois pas comment je pourrais m'excuser pour un événement historique auquel personne ici n'a pris part. Nous ne pouvons que regretter ce qui est arrivé. Mais pourquoi se lancer dans de grands discours pour dire que des excuses valent mieux que de simples regrets? Je ne comprends pas très bien.

Et ceci:

    Pourquoi (M. Mulroney) n'adresse-t-il pas des excuses, pour ce qui est arrivé pendant la Seconde Guerre mondiale, aux mères et aux pères de ceux qui, parmi nous, sont allés dans des camps de concentration? J'en connais quelques-uns, monsieur le Président. Il ne s'agissait pas de Nippo-Canadiens. C'étaient des Canadiens d'origine italienne ou allemande ou même quelques vieux Canadiens français qui sont allés en prison ou dans des camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ne pas leur présenter des excuses?

Et encore ceci:

    Je ne pense pas que le gouvernement ait pour rôle de corriger les erreurs commises par le passé. Il ne peut pas réécrire l'histoire. Nous sommes là pour nous occuper de ce qui se passe actuellement et c'est ce que nous avons fait en présentant la Charte des droits.

Le 14 décembre 1994, la position des libéraux en matière de réparation a été énoncée par la secrétaire d'État chargée du Multiculturalisme et de la Situation de la femme de l'époque, qui n'est pas celle qui refuse de s'excuser pour sa bourde. C'était Sheila Finestone. Voici ce qu'elle a dit à ce sujet:

    Dans le but de panser les blessures causées par les agissements des gouvernements antérieurs, six communautés culturelles ont demandé des réparations et des compensations totalisant des centaines de millions de dollars. Le gouvernement comprend les émotions profondes qui sous-tendent ces demandes. Nous aussi voulons panser les blessures.

Soit dit en passant, il y a maintenant huit communautés culturelles. Elle enchaîne comme suit:

    Il nous fallait toutefois décider si la meilleure solution consistait à essayer de faire oublier le passé ou plutôt à investir dans l'avenir. Nous estimons que nous n'avons pas d'autre choix que celui d'utiliser les ressources gouvernementales limitées pour créer une société plus équitable aujourd'hui et un avenir meilleur pour les générations à venir. Par conséquent, le gouvernement ne versera pas de compensations financières. Nous croyons, en effet, qu'il nous incombe de prendre des mesures pour éviter que ces torts ne se reproduisent.

Je crois que cette dernière citation est la plus importante, car c'est ce à quoi le député du Bloc québécois fait face quand il tente d'amener le gouvernement à appuyer sa motion.

 

. 1805 + -

Je doute sérieusement qu'il réussira. Les excuses et l'indemnisation offertes aux Canadiens d'origine japonaise ont créé un précédent en fonction duquel les Italiens et les Ukrainiens internés durant les Première et Seconde Guerres mondiales ont aussi exigé des excuses.

Le groupe d'Ukrainiens, selon les recommandations formulées par l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association, a demandé principalement qu'Ottawa finance des programmes éducatifs et offre des plaques commémoratives au lieu d'indemniser directement les victimes.

Les Italiens n'ont pas été satisfaits du regret exprimé par M. Mulroney le 4 novembre 1990 et demandent des excuses et une indemnisation complètes. Ces deux groupes citent en exemple les excuses offertes aux Canadiens d'origine japonaise comme motif sur lequel sont fondées leurs demandes.

Permettez-moi de rappeler à la Chambre une autre situation. L'un des partis politiques représentés à la Chambre était au pouvoir en 1914, lorsque 376 passagers revendiquant le statut de sujets britanniques sont arrivés sur un navire appelé le Komagata Maru. Ils n'ont pas été autorisés à débarquer en sol canadien à cause d'une politique d'immigration discriminatoire fondée sur la race et le pays d'origine.

Cette politique remontait aux années 1880, lorsque le gouvernement canadien avait imposé un droit d'admission aux immigrants chinois. Le gouvernement a érigé divers obstacles depuis 1962. Les passagers du Komagata Maru pensaient avoir le droit d'entrer au Canada en raison de leur statut de sujets britanniques. Or, 90 p. 100 d'entre eux étaient des sikhs, le reste étant des hindous et des musulmans, et tous provenaient du Pendjab.

Des soldats sikhs avaient servi dans l'empire britannique et croyaient qu'ils pourraient travailler partout où flottait le drapeau britannique. En plusieurs occasions, les passagers en question ont manqué d'eau et de nourriture pendant plus de 24 heures. Les fonctionnaires de l'immigration leur interdisaient tout contact avec l'extérieur. Même les avocats embauchés pour les défendre n'étaient pas autorisés à les voir.

Les résidants punjabi de Vancouver ont recueilli de l'argent pour payer l'affrètement. Après deux mois de détention dans le port de Vancouver, le gouvernement a ordonné au Rainbow, un croiseur, de pointer ses canons en direction du Komagata Maru. Le navire a été escorté avec 352 passagers encore à son bord. C'était un moment triste et décevant pour les amis qui ont assisté au départ du navire.

Un voyage qui avait débuté le 4 avril a pris fin seulement le 29 septembre, à Calcutta, en Inde, où la police de l'endroit a ouvert le feu sur les passagers, en tuant 19. Les autres ont été arrêtés. Dans un Canada plus tolérant, le Komagata Maru demeure un symbole émouvant pour les sikhs, un symbole que les autres Canadiens devraient comprendre.

En cette époque où le gouvernement commence à revoir ses actions passées, le gouvernement entend-il offrir des excuses officielles?

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Madame la Présidente, je joins ma voix à celle de mon collègue du Bloc québécois de Verchères—Les-Patriotes pour débattre de la motion M-241 qui demande à Son Excellence d'intervenir auprès de Sa Majesté «afin que la Couronne britannique présente des excuses officielles pour les préjudices causés en son nom au peuple acadien de 1755 à 1763».

J'aimerais aussi expliquer que c'est une motion émanant des députés. C'est une motion d'initiatives parlementaires, c'est-à-dire que des représentants de tous les partis, assis autour d'une table, sont normalement obligés de décider unanimement si cette motion fera l'objet d'un vote.

S'il y a de l'opposition parmi les partis, par exemple, si les libéraux et les alliancistes qui assistaient à cette réunion avaient dit non, on ne pourrait même pas débattre de la motion pendant trois heures et elle ne ferait pas l'objet d'un vote. Cela veut donc dire qu'il y a des députés qui étaient d'accord avec cette motion. Il faut reconnaître que c'est une motion émanant des députés et non du Bloc québécois. Je veux éclaircir cela. C'est pour cette raison que j'appuie mon collègue du Bloc québécois, qui est un député à moitié acadien, qui veut représenter cette moitié et demander des excuses.

Étant moi-même un Acadien «pure laine», comme on dit chez nous, cette période historique est connue de tous les Acadiens et Acadiennes. Cette période que l'on appelle la déportation des Acadiens est sûrement la plus triste de l'histoire de l'Acadie. Comme je suis Acadien, et ici à la Chambre parmi vous, cela signifie que cela n'a pas eu l'effet désiré.

 

. 1810 + -

On leur a donc demandé de prêter le serment d'allégeance à la Couronne britannique en espérant ainsi éviter que ces neutres prennent les armes contre les Anglais.

Or, tout bon Acadien est de religion catholique et croyez-moi, ce sont de vrais pratiquants. Devant cette requête, les Acadiens ont refusé de prêter serment pour deux raisons: ils craignaient de perdre leur droit de pratiquer librement leur religion catholique ou d'être forcés de prendre les armes contre leur mère patrie, la France, ou leurs cousins du Canada. Tout ce qu'ils voulaient, c'était de rester neutres dans ce débat.

Malheureusement, les autorités de Londres de l'époque ont décidé, suite aux correspondances du lieutenant-gouverneur, de les laisser partir, comme ils ne prêtaient pas serment d'allégeance, et ainsi acquérir leurs terres, qui étaient considérées les meilleures de la région.

Cependant, une décision fut prise par un juge de la Nouvelle-Écosse, indiquant que si un Acadien refusait de prêter serment d'allégeance, cela annulait son droit de propriété.

Malheureusement, les Acadiens ne furent jamais invités à comparaître devant le juge afin de plaider leur cause, et la décision fut fatale. C'est donc après cette décision que l'on décida de faire déporter les Acadiens hors de la province de la Nouvelle-Écosse.

Il ne faut pas oublier que l'on est en 1755. Les saisons sont parfois difficiles et les ressources quelquefois très rares. À l'été de cette année, soit en 1755, on prépare la déportation de ces neutres. Depuis la question du serment d'allégeance, plusieurs milliers d'Acadiens avaient déjà quitté les lieux, car les relations étaient devenues très tendues entre ces deux groupes.

Dans cette Acadie de l'époque, il existait une population de près de 180 000 Acadiens. C'est impressionnant, n'est-ce pas? On donna donc l'ordre d'envoyer un nombre suffisant de bateaux afin de les transporter aux lieux indiqués.

Le tout fut bien organisé. Le plan consistait à arrêter tous les Acadiens qui leur tomberaient sous la main dans les régions les plus populeuses de l'Acadie, de les embarquer sur des bateaux et de les disperser dans les colonies anglo-américaines, sur le littoral de l'Atlantique, du Massachusetts à la Georgie.

On convoqua une réunion importante dans chaque église locale où on emprisonna les chefs de famille, les jeunes hommes de 10 ans et plus ainsi que les vieillards. Plusieurs Acadiens avaient senti le danger et avaient fui par la forêt.

Cependant, plusieurs milliers d'Acadiens furent faits prisonniers. On sépara à jamais des familles entières dont les femmes n'ont jamais revu leurs maris et des centaines d'enfants sont devenus orphelins. Le drame fut tragique. On peut imaginer la souffrance de ces personnes et la détresse de ces familles. On poursuivit donc cette opération dans plusieurs villages acadiens au cours de l'année 1755.

Comme le mentionne le colonel Winslow, préposé à l'embarquement des Acadiens de Grand-Pré et de toute la région du bassin des Mines, cité par Bona Arsenault, écrivain de L'histoire de l'Acadie:

    Les habitants, écrit Winslow en ce jour, abandonnèrent tristement et à regret leurs demeures. Les femmes, en proie à la détresse, portaient leurs nouveau-nés ou leurs plus jeunes enfants dans leurs bras. D'autres traînaient, au moyen de charrettes, leurs parents infirmes et leurs effets. Ce fut une scène où la confusion se mêlait au désespoir et à la désolation.

C'est avec émotion que je lis ces propos, et je suis sûr que tous ici présents peuvent partager la consternation qu'ont vécue mes ancêtres.

Une fois séparés, ces Acadiens furent entassés sur des bateaux et envoyés en colonies anglo-américaines. Quelque 7 000 Acadiens seront ainsi déportés dans ces colonies faisant seuls face à leur destin, alors que d'autres deviendront des esclaves. Plusieurs ont fui dans la forêt et ont ainsi trouvé la mort dans le froid de l'hiver, la maladie et la famine.

Cette déportation dura quelques années. Ces Acadiens furent impitoyablement chassés de leur patrie et plongés, du jour au lendemain, dans la plus grande pauvreté, séparés des êtres chers, de leur famille.

 

. 1815 + -

Cependant, pour ceux qui connaissent bien les Acadiens, ils savent qu'un Acadien ne s'avoue jamais vaincu. Plusieurs sont retournés dans les Maritimes afin de retrouver leur tendre Acadie. Ils s'installèrent soit au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, et même en Gaspésie, sans jamais revoir les membres de leur famille ou ceux de leur communauté antérieure séparés par la déportation.

J'invite les Canadiens et les Canadiennes à visiter un jour les Maritimes, afin de prendre davantage connaissance d'une partie de l'histoire qui a marqué un peuple, mais aussi le Canada. Je suis certain que plusieurs de mes collègues à la Chambre ont sûrement du sang acadien, comme mon collègue de Verchères—Les-Patriotes qui l'a finalement trouvé. Ils ont du sang acadien dans leurs veines et ne le savent pas.

Une voix: Pas moi.

M. Yvon Godin: Peut-être pas vous, mais on ne sait jamais, on peut faire des études. Ce serait une découverte et une richesse pour ces personnes si elles découvraient qu'elles ont du sang acadien.

Aujourd'hui, en appuyant la motion M-241, je témoigne au nom de tous les Acadiens et Acadiennes qui ont perdu leur vie, leur famille et leurs enfants dans cette partie de l'histoire acadienne qui aura façonné l'histoire du Canada et la mienne.

Le peuple acadien est toujours présent et se détache par ses particularités et sa culture qui lui est propre. Or, au fil de ces années, ce peuple n'a jamais été aussi vivant et fier de son entité.

Aujourd'hui, j'ai été déçu d'entendre le député de Madawaska—Restigouche. Cela m'a déçu de voir que l'on mettait de la partisanerie dans ce débat. Cela m'a déçu parce que je crois que chaque député élu dans cette Chambre a le droit de venir ici et, quelque soit son parti politique, présenter une motion d'initiatives parlementaires.

Je suis sûr que le député de Verchères—Les-Patriotes était sincère en présentant sa motion. J'ai du mal à accepter que l'on se lève à la Chambre pour s'attaquer les uns les autres et dire que c'est le parti qui est en cause. On est des Canadiens et des Canadiennes. Comme Acadiens pure laine, la seule chose que l'on demande, c'est que lorsqu'une erreur a été commise ou que des choses atroces ont été faites, ce n'est pas dur de dire: «Je m'excuse.»

J'ai des enfants moi aussi. Si je fais des erreurs comme père, si j'ai mal fait quelque chose, je prends mes responsabilités et je dis: «Je m'excuse, j'ai fait une erreur.» C'est ainsi que l'on gagne le respect des autres.

On ne peut peut-être pas oublier certaines mesures disciplinaires qui ont été prises mais, au moins, on peut les accepter. On peut voir le futur. Je suis obligé de faire ce commentaire parce que je suis déçu du discours de mon collègue de l'autre côté de la Chambre.

Je me demande si ce n'est pas un ministre qui a écrit ce discours à sa place. Il se fait appeler député acadien, mais je pense qu'ils vont toujours dire qu'ils sont des Brayons. Je ne veux pas commencer un nouveau débat.

La motion du Bloc québécois n'effacera pas ce drame. Cependant, elle rétablira une justice dans son fondement.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Madame la Présidente, c'est pour moi un grand plaisir d'avoir la chance de participer à ce débat.

[Traduction]

Je félicite le député de Verchères—Les-Patriotes pour avoir présenté la motion. Je crois que les motifs du député sont sincères. Il s'agit d'une partie de son histoire dont il est très fier. Après avoir discuté avec lui ce soir, je crois que c'est dans un tel esprit que la motion a été présentée.

Nous parlons d'un peuple qui a une histoire qui inspire un sentiment de fierté. Si mes collègues ont lu un peu sur l'histoire des Acadiens avant 1755, au moment de la déportation, en 1755, et à l'époque de leur retour, entre 1763 et 1768, ils auront vu que cette histoire est presque surréaliste.

 

. 1820 + -

Le Parti progressiste-conservateur appuie le principe de la motion, mais il respecte le droit de la communauté acadienne de présenter elle-même une demande d'excuses officielles fondée sur la volonté du peuple acadien.

Il ne faut pas être trop territorial dans cette affaire. Je veux dire que j'aurais tort de prétendre que, parce que le Nouveau-Brunswick, ma province, compte la plus importante population acadienne, cette population devrait avoir un poids déterminant dans cette demande. Il est clair que nous devrions consulter tous les Acadiens, qu'ils habitent Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard ou la Nouvelle-Écosse. Je signale qu'en revenant de la Louisiane, nombre d'Acadiens se sont aussi installés au Québec. Ils y vivent fièrement depuis des générations.

L'identité acadienne est profondément liée à la déportation. Cette tragique expérience collective a suscité un attachement profond à la communauté qui ne s'est pas démenti depuis des siècles. Je suis très fier de vivre dans une province qui est fière de son histoire et de ses origines.

Nous avons besoin de symboles pour nous rappeler notre histoire collective, et je suis fier de la manière dont nous vivons avec la dualité linguistique et culturelle au Nouveau-Brunswick. Sur le parterre de l'Assemblée législative, à Fredericton, ville où le député a des racines me semble-t-il, le drapeau acadien flotte majestueusement. Ce drapeau est pour ainsi dire identique au drapeau français, sauf pour l'étoile de Notre-Dame de l'Assomption. Les Acadiens ont choisi ce drapeau à cause de leurs origines françaises, mais y ont ajouté l'étoile, symbole de l'Église catholique romane, pour illustrer leur existence distincte.

La lettre que la Société nationale de l'Acadie a écrite au député de Verchères—Les-Patriotes nous préoccupe un peu. Cette lettre dit ceci:

[Français]

    Bien qu'étant évidemment en accord avec le principe de la motion, je dois vous avouer que nous sommes indignés que celle-ci ait été déposée sans la courtoisie d'avoir consulté au préalable la Société nationale de l'Acadie.

[Traduction]

La Société nationale de l'Acadie est très préoccupée du fait qu'il n'y ait pas eu de véritables consultations, et nous devrions donc être très prudents. Nous devrions respecter aussi les assemblées provinciales qui sont ici aussi en cause. Les premiers ministres et les assemblées des autres provinces pourraient aussi vouloir dire leur mot sur cette affaire.

J'ai toujours respecté le fait que la province de Québec a le droit de s'exprimer sur son propre avenir. Je soutiendrai également que la Société nationale de l'Acadie a le devoir et le droit de demander pour les Acadiens des excuses de ce genre.

Le Parti progressiste conservateur appuie vraiment ce que je qualifierais de réelle raison pour le député de proposer la motion. Il vaudrait peut-être mieux que la motion ne soit pas retirée, mais mise de côté jusqu'à ce que le député ait eu la chance de consulter les groupes d'Acadiens sur la possibilité d'en arriver à un meilleur consensus sur l'opportunité de cette initiative.

 

. 1825 + -

Une solution ou un compromis sont-ils ici possibles? À mon avis, l'esprit de compromis qui est à la base de notre pays existe dans toutes les cultures au Canada. Après une nouvelle consultation des provinces et de la Société nationale de l'Acadie et peut-être d'autres organisations représentant les communautés francophones et acadiennes, on pourrait décider de l'opportunité de cette initiative. Au bout du compte, et je pense que le député en conviendra, il leur revient à toutes d'en décider.

La motion pourrait peut-être avoir des conséquences négatives. Il vaudrait peut-être mieux que cette motion soit déposée, car un vote du Parlement contre cette motion pourrait léser la population canadienne en laissant entendre à tort que les parlementaires n'en appuient pas le principe, ce qui n'est pas le cas.

Il serait prudent à ce moment-ci de mettre cette initiative de côté jusqu'à ce qu'on en arrive à un vaste consensus et de laisser la communauté acadienne prendre elle-même la décision.

Mme Sarmite Bulte: Monsieur le Président, je demande le consentement unanime de la Chambre pour considérer qu'il est 18 h 30.

Le président suppléant (M. Bélair): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le président suppléant (M. Bélair): Puisqu'il est 18 h 30, la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et la liste est reporté au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

Comme il est 18 h 30, conformément à l'ordre adopté le mercredi 21 mars 2001, la Chambre abordera maintenant l'étude de la motion no 4, sous la rubrique des affaires émanant du gouvernement.


INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE SOMMET DES AMÉRIQUES

L'hon John Manley (au nom du leader du gouvernement à la Chambre des communes) propose:  

    Que la Chambre prenne note du Sommet des Amériques.

—Monsieur le président, dans à peine plus de trois semaines, le Canada aura l'honneur et le privilège d'accueillir le troisième Sommet des Amériques.

 

. 1830 + -

Il s'agit d'un événement de grande importance pour le Canada et pour notre hémisphère. Il convient tout à fait que la Chambre en prenne note.

Les vingt dernières années ont vu une transition remarquable s'opérer dans les Amériques. La démocratie et la croissance des marchés libres ont suscité de nouveaux espoirs et fait apparaître de nouvelles possibilités.

[Traduction]

Le dialogue et la collaboration entre les gouvernements démocratiquement élus se sont intensifiés dans chaque domaine où des efforts ont été déployés et dans toutes les sphères d'intérêt commun.

Le Canada joue un rôle actif pour faciliter le passage vers la démocratie et promouvoir les changements bénéfiques sur le plan économique et social. Notre pays s'est engagé dans les Amériques parce que c'est la chose à faire et parce que c'est dans son intérêt. Notre prospérité et notre stabilité futures sont liées à notre capacité non seulement de déceler les occasions, mais d'agir comme chef dans cette hémisphère.

[Français]

Nos relations économiques avec l'hémisphère ont traduit nos succès d'ensemble. Elles ont progressé plus rapidement au cours des dix dernières années qu'avec toute autre région du monde.

Plus de 90 p. 100 de notre commerce se fait avec les Amériques, y compris avec les États-Unis. La valeur de ces échanges a augmenté de plus de 170 p. 100 pendant cette période. Mais nos relations sont bien loin de se limiter au commerce.

[Traduction]

L'an dernier, nous avons célébré le 10e anniversaire de notre participation à l'Organisation des États américains et nous avons accueilli ce qui fut sans doute l'assemblée générale la plus remarquable de l'histoire de l'OEA. Nous collaborons également avec d'autres gouvernements de l'hémisphère à toute une gamme d'activités sectorielles qui aurait semblé inimaginable il y a 20 ans. Des ministres de presque tous les horizons, et non uniquement des affaires étrangères et du aommerce, se rencontrent régulièrement.

Le gouvernement appuie fermement l'apport des législateurs qui contribuent à faire progresser la compréhension et la coopération dans les Amériques. La rencontre inaugurale du Forum interparlementaire des Amériques, ou FIPA, a eu lieu plus tôt ce mois-ci au parlement canadien. Ses recommandations concernant tout un éventail d'intérêts et l'apport constructif de la société civile ont contribué au processus d'élaboration de politiques en prévision du prochain sommet.

Les préparatifs en vue du sommet de Québec sont presque terminés. Le Groupe de suivi du Sommet, organisme intergouvernemental chargé d'élaborer une déclaration et un plan d'action pour le sommet, établit un programme cohérent et équilibré abordant trois thèmes principaux: le renforcement de la démocratie, la création de la prospérité et la réalisation du potentiel humain.

[Français]

Nous voulons nous assurer que les initiatives du Sommet correspondent aux priorités de l'hémisphère. De plus, nous travaillons avec les organisations internationales et régionales, et avec les banques multilatérales de développement, afin d'obtenir les ressources humaines et financières nécessaires pour transformer nos engagements en réalité. Cela est fondamental pour la crédibilité du processus des sommets.

J'ai évoqué les grands thèmes du Sommet. Je ne crois pas que quiconque pourrait remettre en cause leur importance ou leur pertinence.

[Traduction]

La vigueur et l'unité de l'hémisphère reposent essentiellement sur des entreprises collectives visant à consolider la démocratie, à protéger les droits de la personne, à favoriser la primauté du droit et à améliorer la sécurité des êtres humains. L'engagement d'améliorer la qualité de la démocratie figure parmi les principaux points à l'ordre du jour du sommet et sera renforcé encore davantage à Québec. La déclaration du sommet devrait, et j'ai toutes les raisons de croire que ce sera le cas, faire de la démocratie une condition explicite de la participation à des sommets. Une telle déclaration claire et vigoureuse serait un résultat important du Sommet de Québec.

Le sommet prescrira également une coopération accrue au sein de l'hémisphère en vue de renforcer la démocratie en appuyant des processus et systèmes électoraux améliorés, secteurs où le Canada apporte d'importantes contributions depuis bon nombre d'années. Il cherchera à obtenir un appui en faveur d'instruments internationaux en matière de droits de la personne et d'institutions nationales qui favorisent et protègent les droits de la personne au sein des pays de l'hémisphère.

 

. 1835 + -

[Français]

Les démocraties vigoureuses doivent aussi être inclusives et mettre en place une aire de débats raisonnés.

Le Canada s'est employé à garantir que le processus préparatoire du Sommet de Québec soit ouvert et transparent. Le Canada a été un chef de file pour ce qui est de consulter et d'informer la société civile sur son territoire, au moyen de réunions ouvertes du Comité spécial de l'OEA sur la gestion des Sommets et dans d'autres instances.

Comme je l'ai déjà dit, l'engagement envers les principes et institutions démocratiques, et envers les droits de la personne, forme le principal critère de participation aux Sommets.

[Traduction]

Les gouvernements des pays de l'hémisphère ont exprimé de sérieuses préoccupations au sujet de la démocratie à Cuba. C'est la raison primordiale qui s'oppose à la participation de Cuba au Sommet des Amériques. Soyons clairs, c'est le gouvernement cubain et non celui du Canada ou d'autres pays qui empêchent Cuba de participer à ce sommet. Si Cuba veut s'asseoir à la table, et nous espérons qu'il le fera, il doit démontrer qu'il accepte les principes démocratiques y compris la liberté d'expression, le pluralisme politique et les normes internationales en matière de droits de la personne. C'est à Cuba de décider.

[Français]

La question des critères de participation au Sommet a été soulevée au sujet de certains autres pays de l'hémisphère.

La transition démocratique dans l'hémisphère est récente dans de nombreux cas; les sociétés qui sont en train de mettre en place ou de reconstruire des institutions démocratiques le font souvent après des années de gouvernement autoritaire ou militaire.

[Traduction]

Il y a eu des contretemps et les progrès n'ont pas toujours été réguliers, mais les pays maintiennent l'engagement qu'ils ont pris de dialoguer et d'unir leurs efforts pour promouvoir les processus démocratiques.

Il existe d'amples preuves de l'engagement des pays de l'hémisphère s'emploient activement à promouvoir ces processus démocratiques, notamment la défense des institutions démocratiques en Équateur, au Paraguay et en Haïti. Quiconque a des doutes à ce sujet n'a qu'à regarder ce qui s'est passé en juin dernier à Windsor et la façon dont les États membres de l'OEA ont uni leurs efforts pour défendre la démocratie au Pérou où de nouvelles élections nationales auront lieu le 8 avril.

[Français]

Les engagements envers la démocratie et la prospérité vont de pair avec la détermination d'encourager la participation de tous à la vie économique, politique, sociale et culturelle de leur pays et de leur région.

Les initiatives sociales, au Sommet, appuieront l'éducation, de meilleurs services de santé, l'équité entre les sexes, la participation et le dialogue entre les gouvernements et les populations autochtones, ainsi que la diversité culturelle.

[Traduction]

Par exemple, l'hémisphère réaffirmera son engagement en matière de santé comme élément fondamental de la stabilité politique, économique et sociale. Il confirmera aussi les engagements à améliorer l'accès à l'éducation et la qualité de l'éducation. Le Canada a également pris les devants pour promouvoir l'égalité des sexes dans le cadre des engagements du sommet.

Le sommet préconisera des partenariats entre les peuples autochtones et les gouvernements pour faire progresser la coopération entre les peuples autochtones de l'hémisphère dans les domaines d'intérêt commun, notamment l'éducation, la santé et le développement économique. C'est avec plaisir que j'accueille cette semaine au Canada les peuples autochtones des Amériques pour le premier sommet autochtone des Amériques et que je souligne le rôle de premier plan que les autochtones du Canada ont joué dans cette importante initiative.

Fondamentalement, le thème du potentiel humain est la responsabilisation des individus, à qui il faut assurer des chances égales de s'épanouir complètement, de contribuer à la société où ils vivent et travaillent, et d'en bénéficier.

[Français]

Le ministre du Commerce international abordera la question de la Zone de libre-échange des Amériques.

[Traduction]

Les pays qui prennent part au sommet veulent faire reculer la pauvreté, promouvoir la justice, ouvrir de plus grandes possibilités à l'entreprise, partager les bienfaits de la croissance, gérer les migrations et améliorer notre capacité collective de nous préparer à faire face aux catastrophes naturelles et à en atténuer les effets.

 

. 1840 + -

Permettez-moi de conclure en décrivant le sommet en ces termes.

[Français]

Il représente un pas déployé en coopération avec 34 partenaires différents mais égaux afin d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme d'action cohérent et équilibré sur les plans politique, économique et social, au bénéfice de tous les citoyens de l'hémisphère.

[Traduction]

C'est un moyen de faire de cette vision une réalité et de tenir les riches promesses des Amériques.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je crois que beaucoup de députés louent le libre-échange du bout des lèvres. Or, nous ne mettons pas toujours en pratique ce que nous prêchons.

Je voudrais parler plus particulièrement des tarifs qui continuent de s'appliquer à des produits comme les textiles au Canada. J'ai toujours trouvé étonnant que, d'une part, nous soyons prêts à accorder toutes sortes d'aide à des pays comme les Antilles qui connaissent des difficultés mais que, d'autre part, nous refusions d'ouvrir notre marché des textiles, par exemple.

J'aimerais que le ministre nous explique pourquoi nous avons adopté cette politique et pourquoi le Canada ne réduit pas ses tarifs afin de donner aux Antilles la chance de prospérer comme elles le devraient.

L'hon. John Manley: Monsieur le Président, si c'était la période des questions, je m'en remettrais à mon collègue, le ministre du Commerce international, qui prendra la parole sous peu. Le député de Medicine Hat voudra peut-être lui adresser sa question.

Les négociations concernant la zone de libre-échange des Amériques visent précisément à atteindre le résultat dont parle le député. Je partage le point de vue du député: si nous voulons créer la prospérité, pas seulement dans les Antilles mais dans les pays en voie de développement du monde, il est indispensable de leur assurer l'accès aux marchés des pays industrialisés. Sinon, comment pourront-ils jamais devenir prospères?

Le Mexique en est un exemple. Le nord de ce pays connaît une prospérité croissante, les taux de chômage y sont à la baisse et les salaires augmentent. L'ALENA a donné, dans le cas du Mexique, les résultats attendus. Il ne s'agit pas de transfert d'emplois des États-Unis ou du Canada, à la Ross Perot. Nous assistons plutôt à la croissance d'une classe moyenne mexicaine, qui représente un marché considérable pour les produits américains et canadiens. C'est ce qui explique que nos échanges commerciaux avec le Mexique ont augmenté de 100 p. 100 depuis la signature de l'ALENA. Je souscris assurément au principe auquel faisait référence le député de Medicine Hat.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, parfois, quand on parle de libre-échange, c'est comme si nous, les néo-démocrates, étions contre le libre-échange. Nous ne sommes pas contre le libre-échange mais pour un échange équitable. C'est ce dont nous avons besoin ici au Canada.

Lorsque nous avons eu des accords de libre-échange, par exemple, l'ALENA, c'était pour être capables d'élever le niveau de vie des gens. Ce n'est pas cela qui s'est passé, au contraire. Au Mexique, le niveau de vie a monté, mais il a baissé au Canada. L'idée était de hausser le niveau de vie dans des pays comme le Mexique et de l'amener à notre niveau.

Je vais expliquer ce que je dis. Aujourd'hui, nous avons davantage de banques alimentaires au Canada que jamais auparavant. Chaque jour, il s'en ouvre de nouvelles. Ce sont les choses qui se passent.

Regardons ce qui se passe pour les travailleurs et les travailleuses. En ce qui concerne les droits qu'ils ont perdus au cours des dernières années, cela est inacceptable. Les accords de libre-échange comme ceux que nous avons conclus ne nous ont pas apporté ce que nous pensions, qu'ils allaient apporter aux Canadiens et Canadiennes.

J'aimerais que le ministre réponde à mes propos.

 

. 1845 + -

L'hon. John Manley: Monsieur le Président, tout d'abord, depuis l'ALENA, ici, au Canada, nous avons eu une réduction du taux de chômage et une augmentation du salaire moyen des familles. En effet, le taux de chômage, qui était de plus de 11 p. 100, est maintenant à près de 6,5 p. 100.

C'est donc la création de la prospérité ici au Canada, parce que le droit le plus important pour les travailleurs, c'est certainement celui d'avoir du travail. C'est ce qui est important dans les négociations.

L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, la soirée commence bien. Nous allons certainement avoir des échanges extrêmement intéressants, et je suis très heureux que nous ayons ce soir, à la Chambre, un débat exploratoire sur le Sommet des Amériques.

Je voudrais, dans la foulée de l'enthousiasme de mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, vous parler surtout de la dimension commerciale, bien sûr, celle qui relève de ma compétence immédiate, et de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques.

Je suis très heureux de participer à ce débat exploratoire ce soir. Notre pays, le Canada, est désormais résolument engagé à l'endroit de l'hémisphère des Amériques. Le Canada est maintenant bien enraciné dans cet hémisphère des Amériques et je suis extrêmement heureux du leadership que notre pays exerce maintenant à l'endroit de l'hémisphère.

Je crois que le premier ministre du Canada, qui sera l'hôte à Québec de ce troisième Sommet des Amériques, démontre très bien à quel point notre pays est résolument engagé à l'endroit de cet hémisphère. Je suis très fier du fait que le premier ministre sera l'hôte de ses homologues, les chefs d'État et de gouvernement des 33 autres pays.

[Traduction]

Le commerce peut favoriser la stabilité et la prospérité. Le volet commerce de notre Sommet des Amériques est très important. Le commerce contribue à la richesse et à la croissance. Il mène aussi directement à l'amélioration de la stabilité et de la prospérité de notre hémisphère. Puisque le Canada fait partie des Amériques et donc de l'hémisphère, il est absolument impératif que nous fassions tout ce que nous pouvons pour contribuer à la stabilité et à la prospérité, car ces deux éléments vont de pair.

Des économies ouvertes mènent à des systèmes politiques plus ouverts. Il existe un lien direct et immédiat entre des économies ouvertes et des systèmes politiques plus ouverts. Nous l'observons partout dans l'hémisphère. Nous voyons l'extraordinaire exemple du Mexique qui, à l'instar des États-Unis et du Canada, a signé l'ALENA. Quelle incidence a eu cet accord? Il a permis à un pays de réaliser en cinq ans le développement économique que nous avions cru qu'il mettrait 20 ans à accomplir. L'ALENA a aidé le Mexique à prospérer et à se développer et il a contribué considérablement à faire du Mexique un pays plus démocratique.

Le fait que le Mexique ait progressé aussi rapidement en raison de l'ALENA permet maintenant à cet extraordinaire pays de détenir des institutions plus solides et un système démocratique plus fort. C'est ce à quoi le commerce peut mener et ce à quoi il peut contribuer. Ce sont des faits.

La même chose s'est produite au Chili. Je me souviens à quel point j'étais touché de représenter le gouvernement du Canada à Santiago l'an dernier quand le président Ricardo Lagos a été assermenté. C'était toute une émotion pour les Chiliens de s'engager sur la voie de la démocratie. Le commerce est très important et nous avons déjà conclu un accord de libre-échange avec le Chili.

Le gouvernement est vivement déterminé à favoriser des liens commerciaux plus solides. Nous croyons que le commerce mène à la stabilité dont nous avons besoin au sein de notre hémisphère. Nous avons confiance en notre hémisphère. Nous avons vu les progrès extraordinaires qui ont été réalisés au cours des dernières années. La ZLEA est un vote de confiance pour l'avenir de l'hémisphère.

 

. 1850 + -

Après des centaines d'années de pratique et de théorie, nous savons que le libre-échange permet d'accroître de façon générale les revenus. Cela se produit chaque fois, partout. Il est très important que nous continuions à le faire. Le Canada a fondé son économie sur l'exportation. Notre pays a tiré de grands avantages du commerce international. Il y a seulement 10 ans, nous exportions 25 p. 100 de notre PIB.

[Français]

Nous exportions 25 p. 100 de notre produit intérieur brut en 1990; nous en exportons maintenant 45 p. 100. C'est un progrès, au cours des 10 dernières années, de 25 p. 100 à 45 p. 100 d'exportations.

Le Canada a réussi à créer deux millions d'emplois supplémentaires dans notre économie depuis 1993, deux millions d'emplois de plus. Il faut donc rejeter ces préjugés que les emplois vont ailleurs, au Mexique ou en Amérique latine, quand nous faisons un accord de libre-échange. Le libre-échange, c'est bon pour nous, c'est bon pour tout le monde.

Tony Blair, le premier ministre de la Grande-Bretagne, chef du Parti travailliste, disait dans cette Chambre même à quel point «free trade is for the poor.» Il est absolument évident que nous devons donner au reste de notre hémisphère la même chance que nous avons à la prospérité et au développement.

[Traduction]

Le Canada a beaucoup à tirer de la ZLEA. À l'heure actuelle, 94 p. 100 des marchandises provenant des pays de l'Amérique latine entrent au pays en franchise de droits. L'inverse n'est pas vrai. Le Canada n'a pas aussi facilement accès aux pays d'Amérique latine que ces derniers ont accès au Canada. Nous devons conclure un accord qui permettra au Canada d'obtenir un meilleur accès aux pays d'Amérique latine, d'Amérique centrale et des Antilles.

Nous avons besoin de règles. C'est ce à quoi servira l'ALEA. Il nous fournira des règles qui permettent d'éviter l'évolution arbitraire et le changement de règles à tout bout de champ. Il est donc très important que le Canada continue dans la même veine.

Les pays en développement veulent aussi participer à ces ententes commerciales pour en tirer certains avantages, à l'instar du Canada. Ils veulent avoir la chance de bénéficier de la richesse et de la prospérité dont nous jouissons et que nous avons obtenues en participant au système du GATT fondé sur des règles. Nous devons aller de l'avant.

On a dit beaucoup de choses à la Chambre et ailleurs à propos de la transparence des négociations. Ce soir, je vais être très clair et très franc. Je n'ai jamais vu de négociations commerciales aussi ouvertes et transparentes. Le Canada a été à l'avant-garde de cet effort. Le Canada a été le premier pays à afficher sa position de négociation sur un site Web il y a un an. Notre exemple a été suivi par les États-Unis, le Mexique et le Chili. Nous avons maintenant accès à ces positions de négociation sur un site Web transparent.

Le Canada a été un des architectes des négociations de libre-échange les plus ouvertes jamais entreprises. J'ai mis l'opposition au défi de me citer un seul exemple de négociations commerciales internationales plus ouvertes et transparentes. Le NPD, qui parle sans cesse de ces choses, n'a pas pu fournir un seul exemple. Je suis très fier de la contribution qu'y apporte le Canada.

Nous voulons faire encore mieux. Nous espérons beaucoup que lorsque les représentants du Canada se présenteront à Buenos Aires dans quelques semaines, ils réussiront à convaincre leurs collègues de tous les autres pays de faire connaître leur position.

En conclusion, je voudrais simplement dire qu'à Buenos Aires, nous en serons à mi-parcours des négociations. Beaucoup de gens deviennent très agités et soutiennent qu'on prendra à Québec une décision radicale à propos de notre avenir. Il faut mettre les choses en perspective. Le sommet de Québec est extrêmement important pour le rôle et l'avenir du Canada dans notre hémisphère.

 

. 1855 + -

[Français]

Nous allons avoir une rencontre des ministres du Commerce international, à Buenos Aires, les 6 et 7 avril prochain. Nous aurons une réunion de mi-parcours sur cette négociation, mais il faut savoir qu'il reste encore trois ans de négociations. Nous disposons donc de tout le temps nécessaire pour continuer de consulter les Canadiens, cette Chambre, le Comité permanent des affaires étrangères, le milieu des affaires, les syndicats et les organisations non gouvernementales.

[Traduction]

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai trouvé très intéressant d'entendre le ministre du Commerce extérieur parler de commerce. Il nous a dit que l'ALEA était un système fondé sur les règles dont nous avions besoin. C'est son gouvernement qui a unilatéralement instauré de mauvaises relations avec le Brésil lorsqu'il a interdit les importations de viande sans disposer de beaucoup de preuves. Nous savons tous qu'il s'agissait de représailles contre le Brésil parce qu'il refuse de se soumettre à une décision de l'OMC.

En ce moment, on court le risque de voir des pays comme le Brésil ne pas respecter une décision de l'OMC et ne pas respecter un système fondé sur des règles. À quoi peut donc servir la signature de tous ces accords si on risque de voir des pays enfreindre les règles?

L'hon. Pierre Pettigrew: Monsieur le Président, avant de répondre à la question, je voudrais corriger ce que j'ai dit tout à l'heure: le Mexique n'a pas dévoilé sa position de négociation. C'est le Costa Rica qui l'a fait, pas le Mexique. Je voulais simplement corriger cette erreur.

La question du député est étonnante. Nous savons ce qui se passe en Europe et en Angleterre. Nous savons ce que cela a coûté à ce pays. Le gouvernement n'a jamais protégé davantage la sécurité et la santé des Canadiens que dans le dossier important de la viande. Le Canada avait le devoir de cesser l'importation de viande. Nous avons protégé la santé publique, pour le bien des Canadiens, et cela n'avait rien à voir avec les différends commerciaux avec le Brésil qui sont maintenant devant l'OMC.

Le différend entre le Canada et le Brésil au sujet d'un avion sera réglé devant l'OMC. Nous ne voulons pas que le reste de nos relations en souffre. Lorsque le gouvernement prend une position uniquement pour des raisons de santé publique, nous aimerions que l'opposition n'encourage pas les Brésiliens à croire qu'il s'agit de mesures commerciales de représailles. Ça n'en était pas.

[Français]

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais d'abord présenter très brièvement quelques chiffres au ministre du Commerce international pour avoir ses commentaires.

Ce qu'il nous présente, c'est une théorie à l'effet que l'ouverture des marchés crée la croissance et, nécessairement, enrichit l'ensemble des participants.

Prenons la moyenne mondiale du PIB par habitant égale à 100: en 1980, les États-Unis avaient un PIB par habitant équivalent à 482; en 1998, il était monté à 625. Si on prend le cas du Mexique, en 1980, le PIB par habitant était de 134; en 1998, il était tombé à 84. Donc, après l'Accord de libre-échange nord-américain, l'écart entre les Américains et le Mexique s'est creusé. Cependant, à la même période, le Brésil—on vient de parler de ses pratiques protectionnistes—connaissait une hausse de 70 à 96 entre 1980 et 1998.

Est-ce que le ministre convient que, outre l'ouverture des marchés et le respect des droits commerciaux, il faut aussi inclure dans ces accords le respect des droits de la personne et le droit du travail afin de s'assurer une véritable répartition de la richesse?

L'hon. Pierre Pettigrew: Monsieur le Président, je trouve toujours très intéressant d'entendre la voix nouvelle du porte-parole du Bloc, le député de Joliette, si critique à l'endroit du libre-échange alors que son parti, tout comme le parti qu'on peut appeler un peu la maison mère à Québec, le véritable Parti québécois, a toujours appuyé le libre-échange.

 

. 1900 + -

Le député de Joliette s'est levé à la Chambre aujourd'hui mais, malheureusement, sans l'aide d'un tableau, on n'a pas pu comprendre tous les arguments sophistiqués qu'il a présentés.

L'écart de richesse est un élément dont notre gouvernement s'occupe. Il s'en préoccupe. L'Agence canadienne de développement international fait une contribution.

Ici, au Canada, nous avons des politiques sociales pour limiter cet écart de richesse, mais je peux assurer qu'il n'y a aucun élément contradictoire. Le libre-échange et le commerce international ont systématiquement augmenté les revenus des plus riches, mais aussi des plus pauvres. Il faut s'assurer que les plus pauvres en profitent encore davantage.

[Traduction]

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis ravi de participer à ce débat spécial sur le Sommet des Amériques qui aura lieu bientôt. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que c'est un grand honneur pour le Canada d'être l'hôte de ce sommet qui, je l'espère, sera un jalon dans la création d'une nouvelle zone de libre-échange des Amériques. L'Alliance canadienne a constamment défendu le libre-échange comme allant dans le meilleur intérêt des Canadiens et des autres.

Tout le monde sait que les libéraux se sont déjà opposés à l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et à l'Accord de libre-échange nord-américain. Ils avaient promis qu'ils abrogeraient ces accords dès qu'ils prendraient le pouvoir. Je suis heureux qu'ils n'aient pas honoré ces engagements.

Toutefois, même les libéraux peuvent tirer une leçon de leurs erreurs. Il y a quelques semaines, le ministre de l'Industrie présentait des excuses à l'ancien premier ministre Mulroney, à Davos, reconnaissant que celui-ci avait raison de promouvoir le libre-échange et que les libéraux avaient tort de s'y opposer. Nous saluons cette reconnaissance. Il était temps qu'ils se rendent à l'évidence, parce que les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis, qui représentaient 235 milliards de dollars en 1989, représentaient 626 milliards en 1999, une augmentation de plus de 150 p. 100 sur dix ans.

Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Medicine Hat.

Loin de nuire à notre identité ou à notre souveraineté, le libre-échange a contribué à l'établissement de règles et de procédures clarifiant nos relations commerciales avec les États-Unis. Nous bénéficierions d'une approche semblable avec le reste de l'Amérique latine. Le Canada peut désormais miser sur le succès de l'accord de libre-échange et de l'ALENA afin de renforcer et d'améliorer les relations avec le reste de l'hémisphère.

La ZLEA offre le mécanisme qui permettra d'accroître notre prospérité et celle d'autres pays. Par conséquent, nous accueillons favorablement les négociations portant sur la ZLEA.

Bien que les libéraux aient appris à faire de belles déclarations sur le libre-échange, dans la réalité, ils s'accrochent au protectionnisme. Certaines mesures prises par les libéraux ces derniers mois risquent de nuire à la perspective de négocier avec succès une ZLEA.

Le chapitre 11 de l'ALENA, qui traite des investissements étrangers, protège les entreprises canadiennes établies à l'étranger et les entreprises étrangères installées au Canada. Avec l'ALENA, de 1998 à 1999, les investissements américains au Canada sont passés de 15 milliards à 168 milliards de dollars, tandis que les investissements canadiens aux États-Unis ont fait un bond de 10 milliards à 120 milliards de dollars. Les deux pays ont assisté à de fortes hausses de leurs investissements.

La majeure partie des pays des Amériques estiment que des dispositions relatives aux investissements étrangers, semblables à celles qui figurent dans l'ALENA, seraient bénéfiques pour tous les pays. Nous le croyons. Cependant, le gouvernement du Canada semble mener l'attaque pour miner ces dispositions sur les investissements étrangers. Nous ne devrions pas craindre d'insérer le chapitre 11 dans la ZLEA, car son insertion dans l'ALENA a été profitable tant pour le Canada que pour les États-Unis.

Le ministre du Commerce international, qui semble parfois insatisfait des décisions rendues par les tribunaux de l'ALENA dans certains cas précis, a réclamé de nouvelles ententes particulières, des ententes qui modifieraient le sens des dispositions énoncées dans le chapitre 11 de l'ALENA. L'opposition officielle craint qu'une position rétrograde ne restreigne le libre-échange et ne prive d'une protection les entreprises canadiennes établies ailleurs dans les Amérique, et qu'elle n'empêche peut-être les 34 pays des Amériques de conclure un plus vaste accord de libre-échange. C'est ce qui nous préoccupe.

Ce qui nous préoccupe également au sujet de la politique commerciale du gouvernement fédéral, c'est qu'il croit savoir ce qui est mieux et qu'il adopte une attitude centraliste à l'égard de la consultation des provinces.

 

. 1905 + -

[Français]

Les provinces attendent du gouvernement libéral qu'il leur fasse une place raisonnable dans le cadre des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques.

Contrairement à l'attitude d'ouverture adoptée par le gouvernement fédéral de l'époque lors de la négociation de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, il y a une quinzaine d'années, et de l'ALENA par la suite, le gouvernement libéral s'obstine à ne pas mettre en place un mécanisme formel de coopération avec les provinces, lorsqu'il est question de la participation de celles-ci dans un processus de négociations avec d'autres États.

Sans remettre en cause la compétence du gouvernement fédéral en matière de politique étrangère, il y a moyen de faire pleinement participer les provinces aux négociations d'accords internationaux et d'étendre sur la scène internationale les compétences constitutionnelles des provinces.

L'exemple australien, à cet égard, devrait servir de modèle. L'Australie a procédé, au cours des dernières années, à une révision du processus de négociations d'accords et de traités internationaux. Cet exercice a conduit à d'importantes réformes en vue d'inclure chacun des États fédérés dans le processus, notamment via la mise sur pied d'un Conseil des traités, composé du premier ministre et aussi des premiers ministres provinciaux, et d'une représentation des fonctionnaires provinciaux du Comité permanent des traités. Avec un peu d'imagination et beaucoup de bonne volonté, il y a moyen de trouver un consensus où tous les Canadiens gagnent.

Le Québec, par exemple, a été à l'avant-garde en matière de participation des provinces aux forums et organismes internationaux. Cette thèse est connue sous l'appellation de la doctrine Gérin-Lajoie, à la suite des interventions de Paul Gérin-Lajoie, ex-ministre de l'Éducation sous Jean Lesage.

Malheureusement, l'entêtement d'Ottawa retient l'attention, alors que nous devrions tous être occupés à développer une position de force en faveur du Québec et de toutes les provinces en vue des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques.

[Traduction]

Je sais que bien d'autres citoyens, surtout des jeunes Canadiens, craignent les effets de la ZLEA et des autres accords de commerce mondial. Je sais que bien des jeunes comptent protester dans les rues de Québec durant le sommet. Je respecte leur droit à la liberté d'expression, leur droit de ne pas être d'accord et même leur droit de le manifester bruyamment parfois. Cela fait partie de nos privilèges car nous vivons en démocratie. Cependant, j'espère que le gouvernement va faire respecter l'ordre public dans les rues de Québec et que les manifestations ne nuiront pas au sommet lui-même. J'espère aussi que, tout en faisant respecter l'ordre, le gouvernement sera juste envers les manifestants et n'aura pas recours aux forces policières pour prévenir de possibles situations politiquement embarrassantes comme il semble l'avoir fait à Vancouver durant le sommet de l'APEC. Espérons qu'on pourra éviter cela.

Ce qui me préoccupe le plus dans la possibilité d'une manifestation de grande envergure à Québec, c'est qu'elle témoignerait du fait que nous, à titre de leaders des sociétés démocratiques, n'avons pas réussi à bien guider certains de nos jeunes. Cela signifierait que nous n'avons pas réussi à montrer, au moins à quelques-uns de ces représentants de la prochaine génération, que la démocratie, le libre-échange et la liberté des marchés ne servent pas qu'à faire grimper les profits des grandes multinationales, mais servent aussi à assurer les libertés individuelles et à maintenir l'espoir en l'avenir.

Le marché libre permet à un étudiant d'université, assis dans une résidence d'étudiant quelque part, d'imaginer un programme informatique qui fera trembler IBM ou Microsoft et il assure à ces innovateurs la protection contre les grands monopoles qui pourraient vouloir les intimider et les empêcher de se lancer en affaires. Les accords commerciaux internationaux protègent les droits de propriété intellectuelle des entrepreneurs contre les sociétés et les gouvernements qui pourraient vouloir profiter de leurs idées.

En essayant d'étendre le libre-échange, que ce soit aux Amériques ou au monde entier, nous essayons d'étendre le cercle de productivité et d'échange afin que les citoyens des pays moins développés de la planète puissent aussi revendiquer le droit de créer et d'innover que nous défendons pour nos citoyens.

 

. 1910 + -

Nous voulons que le droit de propriété et les droits commerciaux dont jouit un étudiant en informatique de St. John's ou un petit commerçant de Burlington soient reconnus aussi aux habitants de Santiago, de San Salvador et de Bogota. Nous devons montrer à nos jeunes que le libre-échange, les libres marchés et la démocratie ne visent pas à favoriser les riches, mais que c'est une cause noble et fondée sur des principes qui permet aux pauvres de se prévaloir des occasions qui s'offrent et de jouir du progrès, de la prospérité et de la paix.

L'an dernier, lorsque les représentants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale se sont réunis à Prague, en République tchèque, il y a eu des manifestations, comme il y en a eu lors d'autres rencontres internationales réunissant des représentants des milieux commerciaux et financiers. Toutefois, ce qui était frappant, c'est que la plupart des contestataires venaient alors de l'Europe de l'Ouest et des États-Unis. La majorité n'étaient pas des étudiants locaux tchèques. Ces jeunes Tchèques n'étaient toutefois pas satasfaits de la tournure des événements. Des centaines de milliers d'entre eux se sont réunis sur la place Venceslas en 1989, pendant la révolution dite de velours, et ils ont obligé la dictature communiste, qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis l'anéantissement des réformes de Dubcek en 1968, à se retirer. Ces jeunes gens de la génération de Vaclav Havel avaient vécu sous un régime qui leur avait refusé le libre-échange, les libres marchés et la liberté d'expression. Les jeunes gens de Prague avaient connu l'autre régime et ils savaient que ce que l'Occident démocratique avait à leur offrir était une solution préférable et fondée sur des principes.

Nous, les politiciens et les leaders commerciaux des pays développés et démocratiques, devons apprendre à faire valoir des arguments non seulement économiques et intellectuels pour défendre le libre-échange et les libres marchés, mais aussi des arguments moraux qui font ressortir les vertus de la liberté. Nous devons montrer à nos jeunes qu'une forme démocratique de liberté d'entreprise respecte l'individu, son potentiel, sa liberté de progresser, de s'épanouir et de devenir tout ce qu'il était providentiellement destiné à être. Voilà pourquoi nous appuyons ces initiatives et continuerons de défendre ces principes.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'ai une courte question à poser au chef de l'opposition. En tant qu'habitant de l'Ouest, je suis en faveur du libre-échange. Le commerce est un très important élément de l'économie de l'ouest du Canada. Je suis en faveur du libre-échange et de l'expansion du commerce. C'est très important pour les emplois, la productivité, etc. Cependant, l'une de mes préoccupations à propos de l'ALENA et de certaines autres ententes commerciales, c'est que cela enlève souvent une partie du contrôle démocratique aux pays membres et aux collectivités locales. On peut prendre des décisions touchant l'environnement, les normes sociales, entre autres choses.

Prenons, par exemple, le cas de la société Metalclad du Mexique. En 1996, cette société voulait établir une usine de traitement des déchets dans un État mexicain. Le gouverneur de cet État et la population ont dit qu'ils n'en voulaient pas. Par la suite, la société Metalclad a poursuivi l'État en cause et a obtenu des dommages-intérêts de 17 millions de dollars US. L'État en cause a fait appel de ce jugement devant une instance supérieure.

Je voudrais que le chef de l'opposition nous dise s'il se préoccupe d'un manque de démocratie dans les accords commerciaux. Il ne s'agit pas du commerce, ni de l'expansion du commerce mondial ou du libre-échange. Dans bien des cas, il n'y a pas assez de démocratie dans la prise de décisions qui touchent les pays.

Le chef de l'opposition partage-t-il certaines de ces préoccupations quant à l'ajout de mesures de sauvegarde dans les accords commerciaux? La démocratie est une chose très importante. Les gens élisent des parlements qui devraient être souverains chez eux. Or, dans bien des cas, ces ententes commerciales ne sont, à mon avis, que des chartes pour les investisseurs qui foulent aux pieds les droits démocratiques.

M. Stockwell Day: Madame la Présidente, je comprends cette préoccupation qui est importante. Le député fait valoir un point important en disant que la question fait actuellement l'objet d'un appel. Il y a toujours une partie qui favorise un accord particulier parce qu'il est dans son intérêt.

Je rappelle au député que, lorsque l'ALENA a été élaboré, l'Alberta et le Québec ont fait valoir qu'à l'intérieur d'un pays, il pouvait y avoir des domaines de compétence provinciale et d'autres de compétence fédérale. On a déclaré qu'au Canada, il y avait deux domaines de compétence provinciale, c'est-à-dire ceux du travail et de la main-d'oeuvre, de sorte que des accords parallèles ont été conclus pour reconnaître ce fait. Ces accords ont supposé l'élaboration de règlements ainsi qu'un processus de règlement des différends.

 

. 1915 + -

Je comprends les préoccupations concernant la démocratie. Au cours des négociations, on peut prévoir la mise en place de mesures pour empêcher quelqu'un de prendre le pouvoir et de supprimer les droits démocratiques. Dans ce cas, nous espérons que lorsque l'appel sera entendu, on repensera comme il faut à ces accords parallèles.

[Français]

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Madame la Présidente, je dois d'abord dire que j'ai bien apprécié la référence faite par le chef de l'Alliance canadienne à la doctrine Gérin-Lajoie.

Effectivement, le Bloc québécois partage aussi l'idée que, tant que le Québec sera à l'intérieur de la fédération canadienne, les compétences du Québec devraient connaître un prolongement sur les questions internationales. Si les autres provinces veulent s'en prévaloir, ce sera bon pour elles aussi.

Ma question porte plus sur le domaine de la diversité culturelle. Je voudrais savoir si, dans la politique de l'Alliance canadienne, il y a une préoccupation, dans le cadre de l'ouverture des marchés de la Zone de libre-échange des Amériques, pour le développement de la diversité culturelle, le maintien et le développement de l'ensemble des cultures qui composent les Amériques.

M. Stockwell Day: Madame la Présidente, je peux dire ce soir que l'Alliance canadienne va donner son appui aux champs de compétence des provinces, surtout en ce qui a trait à la culture, comme l'a décrit le député.

Il est important de reconnaître que, dans une province ou peut-être dans un État, ce sont des choses très importantes pour les citoyens. Je peux dire ce soir que l'Alliance canadienne continuera de donner son appui, que ce soit pour une province ou un État, à savoir que si cela est important pour leur juridiction, c'est important pour nous aussi.

[Traduction]

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir la chance de participer au débat de ce soir sur le Sommet des Amériques. Même si je ne je voulais pas le faire maintenant, je vais reprendre là où mon chef a laissé sur ce thème, car je pense que c'est très important. Je vais parler de l'idée selon laquelle en tant que leaders dans cette enceinte, nous devons présenter des arguments moraux en même temps que des arguments économiques pour défendre le libre-échange.

Pendant trop longtemps, je pense que beaucoup d'entre nous dans cette enceinte et à l'extérieur avons été intimidés par des gens qui prétendent, parfois en manifestant, que nous allons perdre notre démocratie si nous cédons à une notion aussi radicale que le libre-échange. Je veux dissiper cette notion.

Tout d'abord, ce n'est tout simplement pas vrai d'un point de vue historique. Adam Smith, Adam Ferguson et David Hume ont discuté de ces idées en Écosse il y a 250 ans et en fin de compte, ils ont fait en sorte qu'elles deviennent une réalité et que l'Écosse devienne un pays de premier plan à l'époque. Au moment où ils discutaient pour la première fois de cela, l'Écosse était un parent pauvre de l'Angleterre. Les Écossais ont souscrit à l'idée d'un libre-échange et ont réussi ainsi à dépasser l'Angleterre.

L'idée s'est répandue et en fin de compte est devenue la nouvelle orthodoxie au point où, bien entendu, on la retrouve dans toute l'Amérique du Nord et dans l'Union européenne, mais également au point où des premiers ministres travaillistes, comme Tony Blair, viennent dans cette enceinte et nous disent que nous devons avoir un libre-échange car c'est la solution pour les gens à faible revenu. Si nous voulons vraiment aider les gens qui ont toujours été pauvres, nous devons alors souscrire à des idées comme le libre-échange.

Je tiens à dire cela surtout à mes collègues néo-démocrates qui parfois, selon moi, résistent à cette idée beaucoup trop au point où ils finissent, à mon avis, par nuire aux gens mêmes qu'ils veulent aider.

Il est temps pour nous dans cette enceinte de défendre, sans avoir peur, le libre-échange. Il ne fait aucun doute que non seulement cela confirme le principe de la liberté à laquelle les membres de notre parti, au moins, croient si fortement, mais cela permet également aux gens de mieux vivre sur le plan économique.

 

. 1920 + -

Je félicite le ministre des Affaires étrangères, qui a fait une bonne observation et présenté un bon argument sur la façon dont l'Accord de libre-échange nord-américain a profité aux Mexicains les plus démunis. Il a parlé des habitants du nord du Mexique, surtout ceux de la région de Monterrey, qui ont prospéré au point où leur taux de chômage a baissé considérablement. Des gens qui étaient auparavant en chômage, ou certainement sous-employés, ont maintenant des emplois bien rémunérés grâce à l'ALENA.

Nous avons besoin d'étendre cet accord et d'aider également les gens des autres parties du continent américain. J'ai parlé de libre-échange pour les habitants des Antilles pendant la période des questions. Les Antillais ont des économies vraiment sous-développées. Le Canada, jusqu'à un certain point, a fait obstacle à leur développement en imposant des tarifs sur des produits comme les textiles, un produit à valeur ajoutée qu'ils pourraient exporter ici.

Évidemment, nous voulons la réciprocité. Nous voulons nous aussi pouvoir pénétrer leurs marchés, et il faut nous rappeler que, lorsque nous abaissons nos barrières commerciales et qu'ils font de même, nous assurons une utilisation optimale des ressources. La productivité augmente, des emplois sont créés et les salaires augmentent également. Tout le monde en profite. C'est la raison pour laquelle on a instauré le libre-échange: pour aider les gens.

Il ne s'agit pas de miner la démocratie. En fait, le libre-échange est le concept le plus favorable à la démocratie qui soit parce qu'il amène les gens à voter en fonction de leurs intérêts financiers. Les gens ne veulent pas seulement pouvoir acheter le produit frappé de droits de douane élevés que leur pays a mis à l'abri de la concurrence. Ils veulent aussi pouvoir choisir entre tous les produits disponibles, y compris ceux qui sont beaucoup moins coûteux pour eux que celui de leur pays qui est protégé depuis longtemps par des droits de douane. Ils veulent avoir ce choix.

Les gens qui peuvent à peine se permettre une économie tarifaire sont ceux qui ont le plus à gagner au libre-échange. Ils peuvent employer leur argent à acheter les choses qui leur sont importantes. Une réelle démocratie s'installe lorsqu'on permet enfin aux gens d'acheter les biens et les services qu'ils veulent avec leur argent. Il nous faut reconnaître cela—l'idée de l'échange volontaire. Nous abandonnons l'idée d'obliger les gens à choisir parmi une gamme limitée de produits et nous permettons aux gens d'échanger volontairement des biens et des services au plan international aussi bien que national. C'est là un concept très démocratique, celui de la liberté et de l'échange volontaire. Nous devrions y adhérer si nous croyons dans la démocratie.

Je voudrais maintenant aborder un autre aspect. Il y a quelques minutes à peine, mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, a dit que, conformément à l'accord, le Canada ferait la promotion de la démocratie et amènerait les autres pays à devenir plus démocratiques.

Je dirai que c'est justement parce que le Parlement canadien s'est dégradé que nous avons miné dans certains cas notre argumentation en faveur de la démocratie. Il nous faut maintenant tenir des sommets parallèles au Sommet des Amériques, notamment, dirais-je, parce beaucoup de gens peuvent soutenir aujourd'hui que cet endroit ne défend plus leur point de vue. Ils essaient donc de contourner ce qui est censé être l'institution la plus démocratique du pays. Le gouvernement cède et dit qu'il tiendra aussi le sommet du peuple.

Nous n'aurions pas à recourir à cette solution si le genre de réforme que prônent de nombreux députés de mon parti avait eu lieu à la Chambre. Je crois que le leader à la Chambre de l'Alliance canadienne a bien expliqué que nous pourrions beaucoup faire pour que les gens sentent que leurs opinions y sont représentées.

Si les Canadiens éprouvaient ce sentiment, ils ne court-circuiteraient pas le Parlement comme ils le font. Il ne serait pas nécessaire de tenir un sommet du peuple. Ils comparaîtraient devant les comités et prendraient parti en faveur ou contre le libre-échange. Les membres du comité les écouteraient avec sérieux et feraient des recommandations qui auraient du poids à la Chambre. Les gens sauraient que cette institution démocratique compte pour quelque chose.

Mais les Canadiens ont perdu cette confiance. Il s'ensuit que certaines personnes, qui dans bien des cas représentent peu de gens, peuvent faire valoir de façon plausible que le Parlement n'est plus représentatif et qu'il est par conséquent nécessaire de tenir un sommet parallèle.

Je ne suis pas d'accord avec ces groupes. Je n'approuve pas non plus nécessairement la tenue du sommet du peuple, mais je crois que la Chambre des communes devrait agir comme porte-parole de ceux qui participent à ce sommet. Ces gens devraient pouvoir comparaître devant un comité, y faire valoir leurs points de vue, que les représentants au Parlement défendraient ensuite.

 

. 1925 + -

Pour des raisons que je comprends mal, le NPD, notamment, n'a pas réussi à défendre le point de vue de certains opposants à l'Accord du libre-échange, mais c'est son problème. Je veux tout simplement dire que le Parlement pourrait représenter beaucoup plus efficacement qu'il ne le fait les personnes qui ont un point de vue très arrêté sur le libre-échange.

Pour terminer, je veux souligner que, il y a plusieurs années, le gouvernement canadien et les gouvernements de nombreux autres pays ont entamé des négociations sur l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement. Leur initiative partait d'une bonne intention, je pense. Ils voulaient essentiellement promouvoir l'investissement fondé sur des règles. Malheureusement, tout le projet a été torpillé parce que les négociations avaient lieu en secret.

Le Parti réformiste avait à l'époque été l'instigateur du seul débat qu'on avait consacré à la question. Nous, du Parti réformiste, avons été les seuls à avoir amené la question sur le tapis. Nous avons dit que le meilleur moyen de nous éviter, au sujet de l'AMI, des conjectures et des hypothèses, injustifiées par moments, était de lancer un débat et d'informer la population sur ses tenants et aboutissants. En fin de compte, l'accord n'a pas vu le jour, faute d'examen approfondi des tractations. L'accord n'inspirait pas confiance.

Que cela nous serve de leçon. Nous aurions besoin, dans cette institution, d'un plus grand nombre de débats comme celui que nous avons parrainé il y a quelques années. Nous nous félicitons de la tenue du débat de ce soir, mais il faut aller encore plus loin. Quand cet accord de libre-échange sera ratifié, et nous espérons qu'il le sera, et qu'il sera présenté à la Chambre, comme nous l'espérons, nous aimerions qu'il fasse l'objet d'un débat. Nous voulons pouvoir nous prononcer à la Chambre sur l'Accord de libre-échange des Amériques. Il ne faudrait pas que le gouvernement signe cet accord et que ce soit final. Nous voulons que soit organisé un débat et un vote par un oui ou un non sur cet accord.

Je rappelle en conclusion ce que le chef de mon parti a déclaré, à savoir que nous avons besoin du libre-échange. C'est la chose à faire, d'un point de vue moral, pour les habitants de la zone des Amériques, qui ne s'en porteront que mieux, quels que soient leurs revenus. Il faudrait également procéder à une réforme parlementaire, pour éviter que ne soient organisés de tels sommets parallèles et pour que cette tribune réputée être la plus démocratique du pays puisse inspirer confiance.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à ce débat. J'espère qu'il y a au moins un fonctionnaire quelque part qui prend des notes sur le débat, parce que c'est à peu près tout.

Tout comme le chef de l'Alliance canadienne, le député de Medicine Hat a fortement insisté sur la moralité, si l'on peut dire, du mouvement de libre-échange qui a gagné le monde. Je crois que l'adoption de la Zone de libre-échange des Amériques pourrait permettre l'apparition d'une classe moyenne forte dans certaines parties du monde où cela n'existe pas. Une grande partie de la population de ces pays est très pauvre et on retrouve un petit groupe de personnes très riches au sommet, mais il n'existe pas de classe moyenne.

Tout accord international de libre-échange devrait viser la création d'une classe moyenne forte comme c'est le cas ailleurs. Une classe moyenne forte est le meilleur gage d'un environnement sain, d'une réforme efficace des droits de la personne et de la démocratie ainsi que de l'adoption de mesures législatives fortes en matière de droits du travail parce qu'une classe moyenne forte sera au travail dans la société et qu'elle exigera des règles. Une classe moyenne forte est le meilleur gage de la création de la richesse, et c'est ce que l'accord de libre-échange pourrait apporter à certaines parties des Amériques qui n'ont jamais connu la richesse.

Toutefois, je suis d'accord avec le député pour dire que nous faisons face à certains dangers. J'ai bien peur que cela se produise parce que le NPD a encouragé certains comportements véhéments à Québec. J'ai peur pour le mouvement de libre-échange parce que le gouvernement refuse de reconnaître le rôle du gouvernement qui vise à approuver toute entente à venir en matière de libre-échange, à en discuter et à la ratifier. C'est ainsi qu'on fonctionne en Australie. Il existe un système d'approbation au Parlement. Cela existe aussi en Nouvelle-Zélande.

 

. 1930 + -

Aux États-Unis, le président peut essayer d'accélérer le processus, mais il sait qu'il doit avoir le Sénat de son côté. En Suisse, un référendum devrait avoir lieu là-dessus. Dans la plupart des nations du monde, l'organe exécutif ne dispose pas de tout le pouvoir. Le pouvoir est réparti au sein du parlement comme ce devrait être le cas, ce qui créé un sentiment de confiance relativement aux accords qui sont signés.

J'implore le gouvernement, non seulement dans le cas de l'Accord de libre-échange des Amériques, mais aussi d'autres accords de libre-échange, de faire ratifier ces accords à la Chambre des communes, car en procédant ainsi et en ouvrant le débat, il peut obtenir l'appui de tous les Canadiens. Ces débats et ces discussions pourraient se tenir librement à la Chambre et en comité en faisant appel notamment à des témoins.

Ma question au député de Medicine Hat est la suivante: Croit-il que le fait de débattre à la Chambre d'accords comme l'Accord de libre-échange des Amériques fera une différence? Cela satisfera-t-il ceux qui se rendront à Québec avec la détermination de faire échouer l'accord de libre-échange? Cela les aidera-t-il à comprendre et à nous permettre de tenir des discussions passionnées, comme Tony Blair l'a dit, sur la valeur et l'importance des accords de libre-échange?

M. Monte Solberg: Madame la Présidente, je me réjouis de l'intervention de mon collègue. Il s'est livré à un plaidoyer passionné en faveur du libre-échange dans le cadre de sa question.

Il a parlé de la classe moyenne. Le Mexique compte désormais une classe moyenne plus importante que celle du Canada. C'est un pays plus populeux, mais c'était au départ un pays qui comptait beaucoup de riches et beaucoup de pauvres. Toutefois, le libre-échange et d'autres réformes économiques qui y ont été entreprises ont maintenant fait de ce pays une véritable nation émergente, un pays qui gagne de jour en jour en prospérité.

Mon collègue a demandé si un vote à la Chambre sur l'accord de libre-échange contribuerait à réprimer une partie de l'opposition des députés du NPD et de certains de leurs amis. Je ne suis pas convaincu que ce serait le cas. Le NPD est par principe si profondément opposés à cet accord que dans certains cas il manifeste un attachement de pure forme à la démocratie et s'en sert un peu comme d'un paravent parce qu'il est complètement opposé à cette idée. Nous en sommes témoins presque chaque jour en cet endroit où il cite sans cesse des arguments allant à l'encontre de la notion de libre-échange.

Nous devons nous rappeler que le libre-échange proprement dit tient d'un principe démocratique. Il s'agit d'une mesure accordant aux gens la liberté de négocier des biens et services comme ils le jugent à-propos. Comme l'a dit mon chef, des gens qui débutent et qui ont une idée peuvent de la sorte faire valoir celle-ci et l'échanger avec des gens partout dans le monde ou au-delà de nos frontières. C'est une idée démocratique. Si mes collègues du NPD ne peuvent comprendre cette idée et ne l'aiment pas, je ne crois qu'ils soient vraiment acquis à l'idée de la vraie démocratie.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, en tout premier lieu, je tiens à dire que je vais partager mon temps avec mon collègue de Joliette. Nous disposerons donc de 10 minutes chacun.

D'entrée de jeu, je voudrais souligner à quel point les Québécois ont joué un rôle important, en 1988, dans la prise de position du Canada en faveur du libre-échange. Je voudrais rappeler à tous mes concitoyens du Québec et aux Canadiens qui nous écoutent, que n'eut été de la population québécoise, Brian Mulroney, alors premier ministre, n'aurait vraisemblablement pas eu le mandat de signer l'entente de libre-échange avec les États-Unis.

Je dois cependant rappeler que ce n'était pas sans avoir fait un débat qui a souvent été l'objet d'oppositions fortes de la part du mouvement syndical et social. Toutefois, il y a eu un vrai débat au terme duquel une majorité de Québécois ont appuyé ce projet.

 

. 1935 + -

J'aimerais d'ailleurs rappeler qu'à ce moment-là, le parti qui est maintenant au pouvoir a voté contre le projet de libre-échange. Non seulement a-t-il voté contre, mais il a parlé contre celui-ci de toutes ses forces.

Je voudrais aussi rappeler que la Commission Macdonald a été créée par M. Trudeau, alors à son dernier mandat. La Commission MacDonald avait un mandat de recherche et a recommandé l'entente de libre-échange.

Je voudrais ajouter, et c'est utile pour les citoyennes et les citoyens qui nous écoutent, que lorsque la Commission Macdonald a recommandé de dire oui à une entente de libre-échange avec les États-Unis, elle n'a pas été sans mentionner que même si ce n'était pas le meilleur des mondes, dans le contexte nord-américain des multinationales qui avaient déjà 70 p. 100 des pièces s'échangeant d'un côté à l'autre de la frontière, le Canada n'avait pas vraiment le choix parce qu'en réalité, c'étaient les autres entreprises qui étaient pénalisées.

J'aime rappeler ce fait parce qu'en 1993, quand le présent gouvernement a été élu, il a aussi fait son élection contre l'autre entente de libre-échange négociée par le gouvernement précédent, celle avec le Mexique, cette fois-ci. Au sujet de cette entente qu'on a appelée l'ALENA, l'actuel premier ministre a dit qu'il ne la finirait pas, qu'il la renégocierait. Or, il ne l'a pas fait.

Depuis ce temps, nous avons acquis de l'expérience. Je suis certaine que les Québécois sont toujours libre-échangistes. Cependant, ce n'est pas pour rien qu'il y a un fort mouvement, au Québec, de ce qu'on nomme maintenant la société civile, qui s'inquiète en même temps du fait que la Zone de libre-échange des Amériques qu'on prépare ne soit pas suffisamment précise quant aux droits sociaux, quant à la réduction des pouvoirs qu'elle donne aux entreprises par rapport à l'ancienne entente de l'ALENA, et qu'elle ne soit pas suffisamment précise quant à la démocratie.

Cette société civile, à laquelle le Bloc québécois se joint, dit oui à la Zone de libre-échange des Amériques. Toutefois, soyons prudents, exerçons un rapport de force pour que les exigences sociales, les exigences culturelles pour le Québec—qui se retrouve encore plus minoritaire avec sa langue et sa culture françaises dans les trois Amériques que seulement dans l'Amérique du Nord—et aussi les exigences pour la place du Québec soient satisfaites. À partir de cela, j'inclus tout de suite, je tire, j'induis le premier point dont je veux parler, celui de la transparence de ces négociations.

Qu'entend-on par transparence? On entend la capacité pour les parlementaires et pour la société civile, les citoyens, les organismes, pas seulement les entreprises—parce qu'elles sont impliquées et sont au courant—, donc la capacité pour ces groupes et ces personnes de connaître les enjeux, d'être capables de les suivre pour être en mesure d'essayer d'influencer le gouvernement.

Nous ne sommes pas naïfs; nous savons que le gouvernement du Canada, les gouvernements des provinces et ceux des autres pays subissent de fortes pressions des entreprises, en particulier des multinationales qui veulent, sous des motifs d'apparence légitime, obtenir davantage de possibilités de s'étendre et de faire plus de profits.

 

. 1940 + -

Donc, il faut de la transparence pour nous permettre de suivre les enjeux. Pour nous, la transparence commence par avoir les textes de base qui serviront à la négociation, ces textes qui vont être soumis les 6 et 7 avril à Buenos Aires.

La transparence, ce sera aussi que le Parlement soit capable de se prononcer sur l'entente. J'entends soumettre à cette Chambre, dès demain, un projet de loi d'initiatives parlementaires qui sera appuyé, je l'espère, par mes collègues de l'opposition et aussi par le parti au pouvoir. Ce projet de loi avait déjà été soumis par notre collègue malheureusement défait, Daniel Turp, et avait eu à l'époque un large appui.

Il est essentiel qu'il puisse se bâtir un rapport de force. Dans ce rapport de force, les citoyens, les citoyennes et les groupes doivent pouvoir dire de toutes leurs forces qu'ils ne veulent pas se soumettre aux seuls impératifs commerciaux.

Il faut aussi que dans cette négociation, le Québec ait sa place. Je voudrais le dire avec toute la force dont je suis capable. Pourquoi le Québec doit-il être associé aux négociations? Il ne doit pas seulement être consulté, le Québec doit être associé aux négociations pour deux grands ordres de raisons.

Le premier, c'est sa langue et sa culture, qu'il partage de façon complète seulement avec Haïti. Alors que le Canada, lui, défend, pour une part, mais en même temps, se trouve à faire partie de ces pays...

L'hon. Pierre Pettigrew: Les Acadiens?

Mme Francine Lalonde: Monsieur le Président, j'aimerais bien pouvoir continuer. Je vais écouter avec beaucoup d'attention mon collègue.

Je voudrais donc que le Québec soit associé à cause de son statut d'État de langue française et aussi de son modèle québécois. Je sais que le ministre du Commerce international est sensible à cet argument.

Le modèle québécois, c'est celui qu'on retrouve dans plusieurs domaines de services, où des organismes privés à but non lucratif sont largement, mais pas uniquement, financés par le gouvernement. Ils agissent souvent dans un environnement commercial. Il faut donc trouver la façon non seulement précise, mais suffisamment large pour ne pas que le gouvernement soit dans un corset. Donc, ce modèle a absolument besoin d'être défendu.

Je devrais parler aussi de la gestion de l'offre en agriculture, en particulier dans l'agroalimentaire. Elle pose des problèmes ailleurs, mais elle est intimement mêlée aussi à la façon dont s'organise la société québécoise.

Le Québec doit être associé à la négociation. Je sais que le Québec n'est pas le seul à avoir demandé cela. En fait, il l'a fait avec les provinces du Canada qui demandent spécifiquement d'être associées à la négociation, ce qui, je le répète, est beaucoup plus qu'une consultation.

Je dois malheureusement terminer, parce que le temps nous est compté, en soulignant que ce Sommet de Amériques et cette Zone de libre-échange des Amériques sont uniques. Comme l'a dit l'ancien premier ministre du Québec, M. Pierre-Marc Johnson, en comité avant-hier, les États-Unis représentent 75 p. 100 du PIB total. Quatre autres pays, le Brésil, le Canada, le Mexique et l'Argentine représentent 20 p. 100 du PIB total et les 29 autres pays, 5 p. 100.

 

. 1945 + -

C'est un défi extraordinaire, beaucoup plus grand que l'ALENA, pour faire en sorte que cet enrichissement, dont on dit qu'il découle directement et sans détour du commerce—alors que cette assertion est de plus en plus mise en doute—, puisse être complété par des mesures, notamment un fonds structurel, comme le demandait Vicente Fox au début de son règne, et avec lequel il revient de temps en temps...

Le vice-président: Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais dix minutes, cela passe très vite.

[Traduction]

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je suis étonné d'entendre ce que ma collègue vient de dire. Elle a déjà soulevé la question de la transparence auparavant. À entendre ses commentaires, on dirait que le gouvernement n'a pas mené de consultations.

La députée devrait savoir ceci. La question a été soulevée au comité permanent aujourd'hui même, et un de mes collègues et moi-même avons participé à deux réunions du comité sur ce sujet précis.

Le ministre du Commerce international a tenu des réunions avec des représentants des ONG, y compris des ONG du Québec. Un processus de consultation permanente a réuni le ministre du Commerce international et ses vis-à-vis provinciaux. Nos positions sont affichées sur le Web, et c'est une première. Le ministre s'est engagé à soulever la nécessité d'une plus grande transparence lors de la réunion qui aura lieu en avril à Buenos Aires.

J'ai posé une question au comité plus tôt aujourd'hui et j'en saisis maintenant la Chambre. Je veux donner à la députée une occasion d'y répondre. La députée peut-elle nous donner un exemple précis où des négociations commerciales impliquant le Canada ont été plus transparentes ou à tout le moins aussi transparentes que celles-ci?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur le Président, je recommande à mon honorable collègue de m'écouter encore plus attentivement.

Au sujet de la transparence, les textes, ce n'est pas pour être consultés seulement; c'est pour savoir. J'ai pris part à des négociations pendant 15 ans. La consultation a une fin précise, c'est de demander aux gens ce qu'ils veulent, mais l'exercice de la négociation est de se mettre en rapport avec ce que les autres veulent et de conclure ensuite quelque part.

Or, on sait qu'il y a des enjeux, comme le chapitre 11, qui mettent en cause les entreprises d'un côté et, largement, les pays de l'autre. Il faut savoir ce qui se passe à cet égard pour être en mesure de faire pression.

Ma réponse précise à votre question est que ce petit peu, ce site Web sur lequel vos positions partielles sont contenues, si vous avez compris la première partie de mon intervention, ce n'est pas assez; ce n'est pas suffisant pour un exercice démocratique.

Je suis heureuse que le ministre du Commerce international l'ait compris en s'engageant à demander aux autres pays s'ils sont prêts à rendre les documents publics. Sinon, il va considérer de faire comme aux États-Unis et de les rendre accessibles, au moins pour les parlementaires.

Je le répète, pour un exercice démocratique, il ne faut pas seulement dire ce que l'on souhaite, il faut savoir là où sont les enjeux.

[Traduction]

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je dirai à mon honorable collègue du Bloc québécois qu'à mon avis, les négociations ne portent pas tant sur le libre-échange, en réalité, que sur les droits des investisseurs.

Son parti ne serait-il pas d'accord pour dire qu'avant de discuter de rentabilité, de protection des investisseurs ou de la libre circulation des marchandises et des services, on devrait plutôt discuter d'environnement et de droits de la personne? La protection de l'environnement est tellement sacrée pour n'importe quel accord qu'il faut en discuter en premier. On doit également discuter d'accords en termes de droits humains à l'échelle d'un pays de sorte que les travailleurs d'un pays ne soient pas exploités au profit d'un autre pays. La députée ne serait-elle pas d'accord avec cette affirmation?

 

. 1950 + -

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur le Président, je dois dire à mon honorable collègue que s'il a écouté les interventions du Bloc, elles sont à propos de ce dont il parle, sauf que nous ne disons pas non. D'ailleurs, un non ne se traduirait pas par davantage de rapports de force au libre-échange. Nous disons oui.

Toutefois, je lui dirais de venir avec nous pour exercer des pressions pour faire en sorte qu'on ne commence pas la négociation à partir du chapitre 11, comme il est là, soit de donner deux poids deux mesures, d'une part, effectivement, aux investissements, et de l'autre aux droits sociaux.

C'est un enjeu extrêmement important, mais je voudrais aussi lui dire qu'il est vrai que les pays du Sud veulent avoir accès à nos marchés. Il faut à la fois leur donner accès, mais il faut aussi protéger les droits, l'environnement et la culture.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Monsieur le Président, dès le départ, je voudrais rappeler que ce débat exploratoire sur le Sommet des Amériques est en fait le prix de consolation que le gouvernement fédéral a donné aux députés de la Chambre des communes après avoir défait la motion que j'avais déposée le 15 février dernier.

Je rappelle que cette motion, appuyée par tous les partis d'opposition, demandait que la Chambre débatte et vote au sujet de tout accord final concernant la Zone de libre-échange, avant que le gouvernement fédéral ne signe quoi que ce soit.

Même si c'est clair, car ma collègue de Mercier a déjà commencé à le faire, nous allons profiter de l'occasion pour rappeler les positions du Bloc québécois. Il faut aussi qu'il soit très clair qu'en aucun temps, cet exercice que nous faisons ce soir ne peut, pour nous, se substituer à un véritable débat et à une décision de cette Chambre concernant l'accord final de la Zone de libre-échange des Amériques avec toute l'information pertinente.

Cela veut non seulement dire pour nous le dévoilement des textes actuels sur lesquels les neuf tables de négociation travaillent, mais des rapports réguliers sur l'évolution de la négociation à ces mêmes tables de négociations.

On le sait, un des thèmes du Sommet des Amériques est le renforcement de la démocratie. On peut trouver assez paradoxal, pour ne pas dire contradictoire, qu'au moment où le gouvernement fédéral nous parle justement avec fierté de ce thème du Sommet des Amériques, on soit ici même à la Chambre en train d'affaiblir la démocratie représentative en refusant aux députés la possibilité de débattre et de voter au sujet de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques.

Cela me fait penser à un proverbe français que je vais paraphraser, si vous me le permettez, et qui dit: «La dictature, c'est ferme ta gueule, et la démocratie,—je rajouterais, selon les libéraux—c'est cause toujours». C'est l'impression que nous avons, non seulement nous, les parlementaires, mais aussi la société civile. On nous fait parler, on nous informe, mais on ne tient pas compte de ce que les gens disent, que ce soit les parlementaires ou encore la société civile.

Dans ce sens-là, le débat que nous avons présentement est insuffisant pour parler d'une véritable transparence. Le Bloc québécois pense que la transparence est essentielle au succès du projet de la Zone de libre-échange des Amériques auquel nous souscrivons.

Comme le mentionnait la députée de Mercier, le ministre du Commerce international souscrit aussi et fait le même bilan que nous à l'effet que le processus actuel n'est pas suffisamment transparent, puisqu'il est d'accord avec le fait que les textes de base de la négociation devraient être rendus publics. C'est donc, par le fait même, admettre que le processus actuel n'est pas suffisamment transparent.

Il y a deux semaines aussi, il rendait publiques des propositions supplémentaires pour renforcer les liens avec la société civile. Il est clair que tout cela vient du fait qu'il y a une mobilisation sociale à travers l'ensemble des Amériques, à travers le Canada et à travers le Québec, et que le gouvernement libéral devrait en prendre acte.

Je pense que ce à quoi on assiste, c'est davantage un monologue de la part de la société civile et des parlementaires ou, au mieux, à un dialogue de sourds.

Il faut rétablir les ponts si on veut être en mesure d'éviter des débordements, pas simplement au Sommet de Québec, parce qu'on nous l'a rappelé, et avec raison, la négociation va se poursuivre au cours des prochaines années, mais pour que justement le débat se fasse dans l'ensemble de la société québécoise et canadienne.

 

. 1955 + -

Ce n'est certainement pas le système de commandite que le gouvernement fédéral a mis en place pour financer une partie du Sommet des Amériques qui va envoyer de bons signaux à la société civile et à l'ensemble de la population du Québec et du Canada. Il est clair que les milieux d'affaires ont un accès privilégié aux décideurs dans l'ensemble du processus, et c'est inadmissible.

Le Forum des gens d'affaires va se réunir prochainement. Je pense que presque simultanément, les ministres du Commerce international vont se rencontrer à Buenos Aires. Le Forum des gens d'affaires a accès aux chef d'État et aux ministres concernés. Ce que demande le Bloc québécois, c'est que cet accès soit le même pour toutes les composantes de la société civile, et pas simplement pour les hommes d'affaires, comme c'est le cas présentement.

Dans ce sens-là, le gouvernement fédéral devrait prendre le leadership et proposer au prochain Sommet des Amériques de Québec de reconnaître l'Alliance sociale continentale comme une des composantes essentielles, comme interlocuteur dans le processus de négociation.

Je rappelle que l'Alliance sociale continentale regroupe les grandes organisations syndicales, les grands groupes sociaux, les grands groupes de coopération internationale, les groupes de femmes et les groupes d'environnementalistes de l'ensemble des Amériques. Ils ont fait un effort extraordinaire pour structurer un réseau dans l'ensemble des Amériques, qui sera d'ailleurs présent à Québec lors du Sommet des peuples. Je pense qu'on doit reconnaître ce réseau comme un interlocuteur, au même titre que le Forum des hommes d'affaires.

On doit aussi reconnaître un rôle aux provinces, et ma collègue en a déjà parlé. Il nous faut un mécanisme formel, particulièrement pour le Québec qui est le seul État totalement francophone des Amériques. Comme on représente 2 p. 100 de l'ensemble des Amériques, on a des besoins spécifiques qui doivent être protégés et dont on doit tenir compte dans la négociation. Donc, il faut que les représentants du gouvernement du Québec soient présents dans les équipes canadiennes de négociations canadiennes et dans les équipes binationales pour défendre les intérêts du Québec et s'assurer que les bons choix seront faits.

Je rappelle aussi que le Bloc québécois a à coeur le fait que dans l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques, on retrouve des références aux droits fondamentaux, que ce soient les droits de la personne, les droits du travail ou les droits environnementaux. C'est vrai, cela a été mentionné par plusieurs, les Québécois et les Québécoises ont un préjugé favorable pour le libre-échange, et cela se comprend bien. Cinquante pour cent de tout ce qu'on produit au Québec va vers l'extérieur du Québec, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.

Les Québécois comprennent bien que le principe des échanges internationaux, c'est d'importer ce que l'on n'est pas en mesure de produire, ou pas en mesure de produire à bon coût, et d'exporter pour être capable de payer les importations. Mais il ne faut pas exporter pour exporter. C'est ce principe que les Québécois et les Québécoises défendent dans le libre-échange et non pas l'exportation à tout prix au détriment des droits du travail, des droits de la personne et de l'environnement.

Ils ont tiré des leçons de l'ALENA et de l'Accord multilatéral sur l'investissement, contrairement au ministre du Commerce international. Ils comprennent mieux que le ministre ce qu'est la réalité. Ils savent très bien que le libre-échange n'a pas résolu tous les problèmes d'inégalité au sein de notre société, comme au sein des pays qui composent l'ALENA.

Je rappelle que même si le ministre—je l'ai appris aujourd'hui—n'est pas un auditif mais plutôt un visuel, les chiffres sont là. Il n'a qu'à se référer aux chiffres de la Banque mondiale. Le Canada et le Mexique ont perdu du terrain relativement aux États-Unis depuis le début des années 1980, et ce sont les chiffres de 1998. Alors, il aura beau le nier, les faits sont là et ils sont vérifiables.

Je ne dis pas que le problème de la rémunération au Mexique est strictement la faute du libre-échange, mais il faut être conscient que le libre-échange, ce n'est pas une panacée à l'ensemble des problèmes que vivent nos sociétés et qu'il faut d'autres mécanismes que simplement protéger les droits commerciaux et les droits des investisseurs. Au Mexique, la rémunération qui, au début des années 1980, était à 22 p. 100 de la rémunération américaine, est actuellement à 10 p. 100. Elle a chuté de moitié. Ce sont les faits.

C'est pourquoi il faut qu'à l'intérieur de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques, les États s'engagent, pour avoir accès aux avantages commerciaux et financiers, à respecter les droits de la personne, les droits du travail, les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail et les droits environnementaux.

Cela ne veut pas dire qu'il faut avoir une vision de sanctions concernant le respect de ces droits-là, mais il faut qu'il y ait un engagement politique de la part de tous les États pour le respect de ces droits. S'il faut effectivement se doter de plans de travail pour être capables de les respecter, s'il faut mettre en place, comme le proposait ma collègue, un fonds structurel pour aider les États à régler par exemple le problème du travail des enfants, on le fera.

 

. 2000 + -

Si un État refuse de se conformer aux droits fondamentaux, à ce moment-là, il sera exclu de la Zone de libre-échange des Amériques car il n'y aura pas sa place.

Je crois que les Canadiens et les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises n'auraient jamais accepté de faire partie d'une Zone de libre-échange avec le Chili de Pinochet. C'est aussi bien d'en prendre acte maintenant, plutôt que de se fermer les yeux, comme certains le font dans cette Chambre.

En terminant, je dirai que la Zone de libre-échange des Amériques peut être une formidable occasion de coopération supplémentaire entre les pays de l'Amérique du Nord, ceux de l'Amérique centrale et de l'Amérique latine, à la condition qu'on y mette les ingrédients pour en faire un succès. Pour le moment, ce n'est pas le cas.

C'est pourquoi le Bloc québécois va s'associer à la société civile à Québec, au Sommet des Amériques, pour travailler sur une alternative au projet actuellement sur la table et avec lequel nous sommes en grand désaccord.

[Traduction]

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, j'ai participé moi aussi autrefois à des négociations. Je voudrais poser ma question au Bloc québécois collectivement, mais je l'adresserai au député de Joliette, bien que sa collègue, la députée de Mercier, ait tenu des propos similaires.

Le ministre du Commerce international et le premier ministre ont dit bien clairement qu'ils cherchaient à assurer le plus de transparence possible. Le député de Joliette suggère-t-il que nous rendions unilatéralement publics ces textes sans l'accord de nos partenaires commerciaux? Est-ce cela qu'il suggère sérieusement de faire? Ne trouverait-il pas cela tout à fait irresponsable?

[Français]

M. Pierre Paquette: Monsieur le Président, le ministre nous a informés qu'à la rencontre de Buenos Aires, il allait proposer que les textes soient rendus publics. Je pense que cette démarche peut nous permettre d'attendre la rencontre de Buenos Aires.

Après Buenos Aires, il me semble qu'on aura à s'interroger sérieusement sur la façon, pour les parlementaires et pour l'ensemble de la société civile, d'avoir accès à plus d'information que ce n'est le cas présentement.

Le gouvernement du Québec a rendu, et rendra dans les jours qui viennent, accessibles aux parlementaires qui sont membres de la Commission des institutions du Québec les textes qui nous sont refusés.

Je m'attends à ce que le ministre identifie quels sont les pays qui s'opposent à ce que ces documents deviennent publics, qu'on ait ensuite un débat dans cette Chambre sur les tenants et les aboutissants de la question et qu'on prenne une décision.

Il est clair que je ne favorise pas un geste unilatéral, mais je ne l'exclus pas totalement. J'attends d'avoir un rapport complet de ce qui se sera passé à Buenos Aires pour me faire une idée. Si ce sont quelques pays connus pour leurs politiques conservatrices et parfois même réactionnaires qui s'opposent à ce que ces textes soient rendus publics, je pense que ce sera autre chose que si le Canada se trouvait complètement isolé.

Cela étant dit, dans tous les cas de figure, les textes devraient être rendus disponibles pour les parlementaires, en particulier ceux qui sont membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, il est intéressant de noter que le député précédent de Medicine Hat et le député de Fraser Valley dans la région d'Abbotsford, tous deux du Parti réformiste, sont effrayés lorsqueles néo-démocrates et leur chef défendent l'environnement et les droits de la personne. Ils ont très peur, car ils ne comprennent pas les questions qui se posent.

Je veux mentionner quelque chose au député du Bloc pour lequel j'ai le plus grand respect. Il a parlé des inégalités croissantes non seulement dans le monde entier, mais au Canada. Depuis l'entrée en vigueur du libre-échange, l'écart dans les salaires et les revenus et l'écart sur le plan social entre les pauvres et les riches ne fait que s'accroître. Il est énorme. Nous pouvons le constater tous les jours. Cela découle de l'Accord de libre-échange qui n'est pas équilibré et équitable pour les gens de toutes les couches de la société au Canada.

Qu'en pense le député? Reconnaît-il qu'il y a des inégalités croissantes au Canada entre les diverses couches socio-économiques?

[Français]

M. Pierre Paquette: Monsieur le Président, autant je ne suis pas de ceux qui font aveuglément l'apologie du libre-échange, autant je ne le condamne pas non plus pour l'ensemble des maux que nous vivons, aussi bien dans la société canadienne et québécoise que dans l'ensemble de la planète.

 

. 2005 + -

Je pense que l'un des grands problèmes que nous avons, c'est qu'au cours des dernières années, nos gouvernements ont pris de mauvaises décisions pour faire face aux enjeux de l'ouverture des marchés. Ils ont tous adopté une attitude qui visait davantage à abaisser les coûts du travail, les coûts liés à la protection sociale, plutôt que de chercher des réponses vers le haut.

Je souhaite, comme société, particulièrement au Canada et au Québec, que nous soyons capables de relever ce défi qui est de faire face à l'ouverture des marchés, tout en maintenant et en augmentant les normes sociales qui sont les nôtres. Je pense que nous sommes capables de le faire, si la volonté politique est là.

[Traduction]

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de participer à ce débat informatif de ce soir sur l'Accord de libre-échange des Amériques qu'on négocie.

Je veux revenir sur ce bref échange qui a eu lieu il y a un instant au sujet de la préoccupation que nous avons exprimée à de multiples reprises, à l'instar des députés bloquistes, au sujet du manque de transparence des ministériels pour ce qui est de dire précisément aux Canadiens ce qu'ils négocient en leur nom. Je n'ai pas été convaincue par les arguments peu sincères que le gouvernement nous présente, le pire étant qu'il voudrait être libre de rendre le texte public, mais que malheureusement, à cause de certains autres gouvernements qui ne donnent pas leur accord, il ne peut le faire.

Je pense que la meilleure façon de décider si le texte doit être rendu public ou non est de voir si les Canadiens le demandent. À mon avis, il ne fait aucun doute que les Canadiens, qui s'interrogent au sujet du programme corporatiste du gouvernement, qui se demandent si, en gros, les accords commerciaux que le gouvernement signe ou prône activement depuis quelques années sont axées sur les sociétés et dominées par elles, tiennent absolument à savoir si l'accord est négocié en leur nom.

Qui donc s'oppose à ce que les détails et le texte de l'accord de la ZLEA soient rendus publics? Ce n'est pas la population au nom de laquelle le gouvernement dit négocier, mais l'élite que forment les sociétés qui veulent avoir l'assurance d'avoir la main haute sur l'accord. Ces sociétés veulent avoir cet accès préférentiel que le gouvernement semble prêt à leur accorder, peu importe ce que pensent les Canadiens de l'accord qu'on négocie en leur nom.

Les députés ont peut-être entendu Bruce Cockburn. C'est un artiste, chanteur et musicien très connu et très populaire qui a récemment été intronisé au Temple de la renommée de la musique au Canada. Le discours qu'il a prononcé à cette occasion était impressionnant, il s'est exprimé avec réalisme et il a dit des choses qui ont touché bien des gens. Il a dit être renversé de constater que l'authentique mouvement de la base qui se manifestait partout dans le monde en vue de bâtir une communauté était en train d'être pris en charge par le mouvement cupide du commerce international.

Il a résumé sa pensée de la façon suivante: «Quand on l'a essayé dans les années 1700, le système mercantile était merdique et il l'est toujours. C'est notre collectivité. C'est notre monde.» Je pense que si Bruce Cockburn a touché tant de monde, c'est parce qu'il a exprimé exactement ce que les gens ordinaires ressentent de plus en plus face à ce que le gouvernement dit être en train de faire en leur nom quand il négocie l'accord de la ZLEA.

Nous nous réjouissons de la tenue du débat de ce soir. J'ai écouté attentivement les discours du ministre du Commerce international et du ministre des Affaires étrangères. J'ai écouté les propos du ministre du Commerce international et je n'en croyais pas mes oreilles; il a dit essentiellement que tout allait bien et qu'il ne fallait pas s'inquiéter parce que la ZLEA constitue un vote de confiance en l'avenir de l'hémisphère.

 

. 2010 + -

Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire pour l'amour? Je dirais que c'est à peu près aussi vague que la plupart des réponses que les libéraux fournissent aux dizaines de questions qu'on leur pose au Parlement, jour après jour, semaine après semaine, pour tenter d'aller au fond des préoccupations réelles des Canadiens.

Ce soir encore, des députés du parti ministériel et de l'opposition officielle ont laissé entendre que, d'une certaine façon, le Nouveau Parti démocratique n'est pas en faveur des échanges commerciaux. Permettez-moi de dire d'entrée de jeu, afin que cela soit bien clair, que nous reconnaissons de manière non équivoque l'importance du commerce pour notre économie, pour le secteur de l'emploi et pour notre prospérité à venir. C'est justement parce que nous reconnaissons l'importance du commerce que nous estimons capital de conclure des accords commerciaux adéquats. Voilà pourquoi les néo-démocrates parlent non pas de libre-échange d'une manière dénuée de tout sens critique, mais bien de commerce équitable. Voilà pourquoi nous insistons pour parler du modèle commercial et des principes qui sous-tendent les accords de libre-échange que nous voulons conclure.

Permettez-moi de répéter à nouveau, pour que cela soit bien clair, et je ne sais pas combien de fois nous devrons le redire, que nous sommes tout à fait en faveur d'un commerce fondé sur des règles. Voilà ce que signifie pour nous le fait de conclure des accords commerciaux. Les règles contenues dans les accords commerciaux que nous signons doivent toutefois protéger les droits de nos concitoyens et promouvoir leurs intérêts.

S'il y a une mobilisation croissante de la société civile au Canada et dans plusieurs autres pays du monde contre le modèle de libre-échange proposé aujourd'hui par le gouvernement du Canada et de nombreux autres gouvernements, c'est parce que les principes sous-jacents et les détails que renferment ces ententes ne visent pas à promouvoir et à renforcer les droits et à améliorer les perspectives des citoyens, mais à se rendre aux ordres et aux exigences des grandes sociétés.

Le problème va plus loin. Le gouvernement ignore la lutte menée en vue d'amener les gouvernements à s'attaquer aux préoccupations réelles et légitimes qui existent à l'égard des accords de commerce auxquels nous sommes maintenant partie, des préoccupations qui ont été documentées et qui découlent de décisions prises sur la base des conséquences directement liées aux accords de commerce. Le gouvernement fait complètement fi de ces préoccupations. En réalité, beaucoup de Canadiens considèrent cette lutte comme une lutte non pas tant contre ce type d'accord de commerce, mais plutôt en faveur de la démocratie.

Les pouvoirs extraordinaires accordés aux grandes sociétés sont l'un des points de négociation. C'est une chose jamais vue. Il est vrai que l'accord sur la ZLEA sera l'accord de commerce le plus important négocié dans l'histoire mondiale. Ce n'est pas exagéré de le dire.

 

. 2015 + -

Que ferait l'accord commercial? Nous serions très heureux que nous avons tort, mais l'accord commercial reprendra certains des éléments de l'ALENA qui nous inquiètent déjà et qu'il faudrait certainement modifier, et les intégrera à certains des éléments de l'antidémocratique Accord multilatéral sur l'investissement qui ont amené des gens du monde entier à se mobiliser. On mettra ensuite un beau ruban autour de cet accord qui renforcera le droit des sociétés commerciales de poursuivre des gouvernements démocratiquement élus qui ont l'audace, qui ont le culot de les empêcher de maximiser leurs profits.

C'est pourquoi cette lutte a pris les allures d'un combat pour la démocratie même, mais ce n'est pas uniquement à cause de ce qui est proposé dans l'accord. C'est aussi à cause du refus du gouvernement de réagir, de répondre, de faire participer la société civile de façon sérieuse, de permettre aux citoyens de dire leur mot dans cet accord sur la ZLEA dont la portée est tellement vaste et qui entre dans les moindres détails.

Le ministre a demandé une fois de plus de quoi nous voulons parler. Selon lui, le gouvernement laisse les citoyens s'exprimer, mais voyez ce qui se prépare pour le sommet de Québec, à la mi-avril. Les gens sont vraiment consternés de voir à quel point le gouvernement se préoccupe de protéger les hommes et femmes politiques, les décideurs, les bureaucrates de l'étranger qui se réuniront à Québec. On leur évitera d'avoir à connaître les préoccupations réelles des citoyens qui seront là pour protester et, à plus forte raison, d'avoir à en tenir compte.

C'est un droit démocratique fondamental des citoyens que celui de protester pacifiquement. C'est un droit qui a été exercé et qui a donné des résultats importants dans le monde. La démocratie en dépend. C'est grâce à des manifestations pacifiques sérieuses que quelques-uns des progrès les plus importants ont été réalisés dans le monde.

Une des raisons pour lesquelles le groupe parlementaire du Nouveau Parti démocratique a décidé d'être présent au Québec pendant le sommet de la ZLEA, c'est que nous comptons nous joindre aux dizaines de milliers de citoyens qui s'y rendront pour dire que nous refusons que notre monde soit transformé selon les exigences et les diktats des grandes entreprises. Nous voulons nous assurer d'avoir voix au chapitre sur ce qui se passe.

Nous et beaucoup d'autres personnes sommes très préoccupés par les tentatives extraordinaires qui ont été faites pour dénigrer et rejeter les craintes des manifestants. C'est la raison pour laquelle mes collègues et moi participons à des assemblées publiques dans tout le pays et qu'un nombre sans précédent de citoyens se mobilisent pour exiger d'être informés. Le gouvernement ne veut pas les informer, alors ils s'informent, ils se réunissent pour tenir des séminaires, des tribunes, des débats et des discussions, pour parler de ce à quoi ressemblent des accords de libre-échange fondés, centrés sur les citoyens.

À quoi ressemblerait un accord de commerce loyal? Comment pouvons-nous nous assurer que nous n'adhérerons pas à un modèle commercial d'entreprise qui mènera le monde à sa perte, qui ne fera rien pour protéger les normes relatives à la main-d'oeuvre, qu'on a obtenues de haute lutte, qui ne fera rien pour protéger les normes environnementales, rien pour protéger la diversité culturelle? Comment pouvons-nous nous assurer que les droits de la personne sont au coeur même des accords commerciaux, au lieu d'être sacrifiés?

 

. 2020 + -

Voilà pourquoi il y aura aussi un Sommet des peuples. J'ai entendu un député de l'Alliance rejeter l'idée même de l'importance d'un Sommet des peuples. Un tel sommet réunit des gens qui affirment comprendre l'importance du commerce, mais exigent que les accords commerciaux tiennent compte des véritables besoins des gens et ne soient pas conçus pour répondre uniquement aux dictats des grandes sociétés.

Nous serons présents au Sommet des peuples. Nous aurons l'occasion d'entendre ce que les gens viendront dire à Québec. J'espère que les députés ministériels profiteront de l'occasion pour s'y rendre et prêter l'oreille.

Récemment, j'ai eu l'occasion de participer à deux rassemblements où bien des jeunes, mais pas seulement des jeunes, se sont rencontrés. J'étais à Halifax la semaine dernière et à Fredericton hier soir, où plus de 150 personnes se sont réunies pour dire qu'elles veulent discuter du genre d'accords commerciaux que le gouvernement devrait négocier en leur nom.

Nous voulons absolument faire état de notre opposition au fait que le gouvernement semble déterminé à emmurer la démocratie, décidé à construire une clôture de trois mètres autour du lieu des rencontres afin que les leaders n'aient même pas conscience des protestations qui se feront entendre à Québec. Les gens sont préoccupés par ce que peut vouloir dire une telle criminalisation de tout désaccord.

Il est paradoxal d'entendre les ministres du Commerce international et des Affaires étrangères affirmer que cet Accord de libre-échange des Amériques vise à renforcer la démocratie, alors que, à toutes fins pratiques, le gouvernement fait fi des revendications démocratiques formulées par les Canadiens et les autres populations des Amériques dans le contexte de cet accord panaméricain.

Je suis fière de représenter un parti politique dont les membres, lorsqu'ils se sont réunis début février, ont déclaré que l'Accord de libre-échange des Amériques devait s'inscrire dans les grandes priorités du Parlement. Je voudrais faire brièvement référence à la résolution adoptée par le Conseil fédéral du Nouveau Parti démocratique. Je n'en ferai pas une lecture intégrale, mais la résolution réitère l'appui du Nouveau Parti démocratique à une approche de rechange à la mondialisation pour atteindre une économie mondiale, fondée sur des règles favorisant et protégeant les droits des travailleurs et de l'environnement, procurant une diversité culturelle et garantissant la capacité des gouvernements à agir dans l'intérêt public.

De toutes les préoccupations qu'éprouvent la grande majorité des Canadiens qui ont pris la peine de s'informer, et ils sont de plus en plus nombreux à le faire, la plus fondamentale tient au fait que le gouvernement donne l'impression de vouloir conclure un accord de libre-échange qui, essentiellement, sapera la capacité et les pouvoirs à sa disposition pour servir l'intérêt public.

Le gouvernement semble bien résolu à mettre en pratique l'idée que nous devrions commercialiser, réifier et traiter comme un bien à échanger, à vendre ou à acheter, tout ce qui est important pour les gens dans leur vie de tous les jours. C'est l'une des inquiétudes que suscite la ZLEA, même si le gouvernement persiste à dire que nos inquiétudes ne sont pas fondées. Les négociations en cours concernant l'Accord général sur le commerce des services suscite la même préoccupation. Cela comprend la notion que des choses aussi fondamentales et appréciées par les gens que les soins de santé, le système d'éducation et les ressources écologiques, des choses aussi élémentaires que les services d'égout et de distribution d'eau, ne seront plus perçues comme des biens collectifs, mais comme des produits pouvant être échangés, achetés ou vendus.

 

. 2025 + -

Le gouvernement ne peut faire semblant de ne pas comprendre que le chapitre 11 de l'ALENA est une source de préoccupation majeure qui a placé le Canada dans une situation où, s'il agit dans l'intérêt du public, s'il insiste sur la protection de notre environnement, par exemple, ou de nos soins de santé, il peut être poursuivi en justice par des sociétés qui exigent une compensation parce qu'il les empêche de faire des profits.

Je suis heureuse que tous les députés aient eu l'occasion ce soir de participer à cet important débat. J'espère que le gouvernement va commencer à s'intéresser à certaines de ces questions, maintenant qu'il s'est engagé dans sa rhétorique habituelle sur la façon dont l'accord de libre-échange, qu'il a l'intention de signer sous la forme de la ZLEA, réglera tous les maux de la société.

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, la députée vient d'évoquer les belles paroles du parti ministériel. C'est intéressant, compte tenu du discours qu'elle a prononcé.

J'aimerais qu'elle nous dise ce qu'elle pense des propos d'un de ses anciens collègues, Nelson Riis, qui a dit que le NPD n'a pas sa place dans les rues de Québec en tant que parti élu, et qu'il a le devoir de participer au processus démocratique.

J'aimerais aussi savoir ce qu'elle pense du discours prononcé à la Chambre par M. Tony Blair, qui a dit:

    Il est temps, je crois, que nous commencions à débattre vigoureusement et clairement des raisons pour lesquelles le libre-échange est une bonne chose. C'est la clé de la création d'emplois pour nos gens, la clé de la prospérité et la clé, en fait, du développement des régions les plus pauvres du monde.

Le dirigeant des Nations Unies, M. Kofi Annan, a fait récemment des commentaires semblables, mentionnant que 100 milliards de dollars pourraient être acheminés vers les pays les plus pauvres du monde dans le cadre d'un commerce mondial libéralisé.

La députée pourrait-elle laisser tomber ses commentaires au sujet des paroles creuses du gouvernement et s'exprimer au sujet des commentaires de son ancien collègue, M. Riis, du premier ministre travailliste du Royaume-Uni, M. Blair et du Secrétaire général des Nations Unies, M. Annan?

Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, je ne connais pas le détail des commentaires faits par mon ancien collègue de Kamloops. Participer à des activités extra parlementaires en guise de solidarité avec les citoyens ordinaires ne constitue pas uniquement un droit des dirigeants élus et des parlementaires. C'est une responsabilité absolue.

De plus, la majorité des grandes luttes qui, à notre époque, ont donné des progrès importants sur le plan humain se sont déroulées exactement de la façon suivante, c'est-à-dire dans le cadre d'un partenariat actif et créateur entre des parlementaires ou des législateurs progressistes et des citoyens engagés dans l'action politique directe. C'est ainsi que nous avons mis fin à l'apartheid. Le suffrage universel constitue un autre exemple. La liste est longue.

J'ai été profondément déçue par les commentaires faits il y a quelques semaines par le premier ministre Tony Blair. Sans doute parce qu'il ne connaissait pas mieux ou en raison d'un calendrier ne prévoyant ici qu'un arrêts dans le cadre d'un déplacement pour aller rencontrer George Bush, il a parlé de façon tout à fait erronée de la ZLEA comme si elle était l'équivalent du modèle européen de libre-échange.

 

. 2030 + -

J'ai eu l'occasion de dire très directement à M. Blair que j'étais très déçue de cela et qu'il était très important qu'il garde en tête qu'il était tout à fait impossible que lui-même ou tout autre dirigeant européen signe impunément un accord comme l'ALEA. Le modèle européen est fondé sur un concept fondamentalement différent. Il vise à élever les normes et non à les abaisser. Il est axé sur l'amélioration, et non pas sur la détérioration, des conditions de travail, de l'environnement ou des droits de la personne.

Le modèle européen n'est peut-être pas parfait, mais si le gouvernement fédéral veut proposer un accord commercial équitable fondé sur les principes de l'Union européenne, il obtiendra notre soutien. Dans l'intervalle, nous allons proposer un modèle de rechange et nous tenterons de persuader le gouvernement qu'un modèle fondé sur les citoyens, et non pas sur les exigences des sociétés relativement à la façon dont le commerce devrait s'effectuer, est le modèle que nous proposerons et qu'un nombre accru de Canadiens sont disposés à défendre.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt lorsque la députée a signalé que son parti croyait que la société et les citoyens devaient avoir véritablement leur mot à dire dans tout ce débat et qu'ils se réservaient le droit de protester de façon active et pacifique. Cela va directement à l'encontre de ce qu'a affirmé son collègue, le député de Burnaby—Douglas, qui prônait la désobéissance civile l'autre jour, au comité des affaires étrangères.

Le témoin à ce moment-là était Warren Allmand. Le collègue de la députée a même essayé de demander à l'ancien député de l'appuyer pour ce qui est de prôner la désobéissance civile durant le Sommet des Amériques.

La députée pourrait-elle clarifier cette contradiction? Son parti est-il en faveur de la désobéissance civile sous une forme ou une autre?

Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, je vais répéter ce que j'ai déjà dit. J'ai dit qu'il était absolument essentiel dans une société libre et démocratique que les citoyens puissent manifester et se faire entendre de façon tout à fait légitime et pacifique.

J'ai déjà dit et je vais répéter qu'à mon avis, la grande majorité des citoyens qui iront manifester à Québec, y compris les députés néo-démocrates, seront là pour se faire entendre de façon pacifique.

J'ai eu l'occasion d'être à Windsor et c'est ce qui s'est produit. Mon collègue de Winnipeg—Transcona était à Seattle. Dans la conversation téléphonique que j'ai eu avec lui, il a déclaré que la tragédie dans ce qui s'est produit autour de Seattle, c'est que 30 000 à 40 000 citoyens se sont réunis pour vraiment trouver une solution de rechange progressiste, une vision mondiale, un modèle progressiste pour des échanges commerciaux internationaux, mais que le monde n'en entendait même pas parler à cause d'un petit groupuscule de gens qui avaient des projets différents et sont disposés à utiliser des tactiques violentes pour faire connaître leurs points de vue.

Permettez-moi de signaler clairement que tout le caucus néo-démocrate sera présent à Québec pour manifester de façon pacifique. Permettez-moi également de préciser que la désobéissance civile pacifique et non violente est une tactique consacrée qui a souvent servi à remporter des luttes importantes pour la justice et la démocratie dans le monde. Le caucus néo-démocrate ne va pas à Québec pour faire de la désobéissance civile ou pour violer la loi, mais n'essayons pas de mobiliser l'opinion publique contre les milliers de...

 

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M. Peter Stoffer: Vous souvenez-vous du parc national de South Moresby? C'est grâce à nous que nous avons aujourd'hui cette forêt. Nous avons protégé ce parc. Vous auriez coupé jusqu'au dernier arbre si on vous avait laissé faire.

Une voix: Foutaises!

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'espère que la présidence et l'assemblée pourront entendre les débats, les questions et les réponses et qu'ils ne se laisseront pas distraire par les échanges énergiques qui ont lieu d'un côté et de l'autre de la Chambre entre collègues qui n'ont pas la parole.

Je donne l'occasion à la députée d'Halifax d'émettre ses derniers commentaires, si elle en a. Je n'ai pas entendu la conclusion. Si elle n'a rien à ajouter, je passerai à une autre question.

Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, je suis heureuse qu'on passe à une autre question.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais survoler les questions importantes que le chef du Nouveau Parti démocratique a soulevé dans le débat ce soir, propos qui ont été accueillies par un vent de paranoïa de la part du secrétaire parlementaire et même des conservateurs lorsqu'elle a dit que le Nouveau Parti démocratique comptait participer à une manifestation pacifique à Québec sur le sujet de la ZLEA.

Permettez-moi de prendre une minute pour aborder quelques questions essentielles dans ce débat. Il s'agit de l'avenir de notre système public de soins de santé.

Je pense que le secrétaire parlementaire est parfaitement au fait du nombre d'articles savants et de publications universitaires qui font clairement ressortir les problèmes que nous avons au Canada en ce qui a trait au maintien du régime d'assurance-maladie si nous poursuivons dans la voie de l'ALENA, puis de la ZLEA, puis de l'Accord général sur le commerce des services, puis encore plus loin dans la voie de la libéralisation du commerce.

Nous avons déjà posé la question à la Chambre, et le ministre responsable du commerce international nous a dit de ne pas nous en faire, que tout était protégé, que tout était parfait, sans toutefois nous donner de précisions. Tous les universitaires et tous les spécialistes de la question pensent autrement.

Madame le chef de notre caucus pourrait-elle nous dire comment elle interprète les assurances du ministre? Par ailleurs, a-t-elle une idée de ce qu'il veut dire lorsqu'il affirme que le Canada protégera la marge de manoeuvre de notre gouvernement?

Mme Alexa McDonough: Monsieur le Président, je partage les inquiétudes de mon collègue. Je pense qu'il y a un problème. Je ne sais pas très bien si, lorsqu'il dit que la santé et l'éducation ne sont pas sur la table des négociations, le ministre s'exprime en termes ambigus ou si c'est sa façon d'éviter le sujet.

Le fait est que la santé et l'éducation sont bel et bien sur la table des négociations. Le fait est que toutes ces questions sont sur la table des négociations à des fins commerciales et que nous avons besoin d'entendre de la bouche du ministre ou du gouvernement que le Canada n'est prêt en aucun cas à signer un accord de commerce renfermant, par exemple, sous quelle que forme que ce soit une disposition ou un chapitre comparable au chapitre 11 de l'ALENA. Dans le cas contraire, ce serait signer l'arrêt de mort de notre système de santé public et de notre système d'enseignement public. Nous avons besoin ce soir d'entendre de la bouche du ministre ou du gouvernement que le Canada n'est prêt en aucun cas à conclure un tel accord.

Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, mes collègues prendront part au débat sur la vaste gamme de questions importantes et complexes qu'englobent la question commerciale et le Sommet des Amériques en général, des questions qui vont des moyens de préserver les systèmes canadiens uniques comme notre système de gestion de l'offre à l'importance de générer la croissance sur laquelle repose la capacité d'une société de s'offrir des programmes économiques et sociaux.

L'une des qualités du Canada, c'est qu'il est branché sur le monde entier. Nous devons exploiter cette particularité. Notre pays a trop longtemps négligé notre hémisphère, en partie parce que les gouvernements libéraux antérieurs ont voulu éviter tout différend avec les États-Unis à propos des problèmes dans les Amériques. C'est la raison pour laquelle nous avons mis si longtemps à adhérer à l'Organisation des États américains.

 

. 2040 + -

Je suis fier d'avoir fait partie d'un gouvernement qui a mis cette peur de côté et permis au Canada d'adhérer pleinement à la famille des Amériques. En tant que ministre des Affaires étrangères, j'ai eu l'honneur d'être le premier ministre canadien à occuper le siège de représentant du Canada auprès de l'Organisation des États américains et de participer à la rencontre des chefs de gouvernement à Costa Rica, au cours de laquelle l'idée d'un sommet des Amériques a été évoquée pour la première fois.

Nous avons une multitude d'intérêts en commun. Nous avons mis en valeur beaucoup de ces intérêts dans le cadre du Commonwealth et de la francophonie dans les Antilles, mais il y a encore beaucoup plus à faire dans les Amériques, notamment en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, l'accroissement des échanges commerciaux, l'application de pratiques de travail équitables, la lutte contre le trafic des narcotiques, la promotion de l'égalité des sexes, et d'autres questions touchant les droits de la personne.

Toutefois, l'attention du public se portera surtout, au cours des prochains jours, sur les questions commerciales. Je débuterai donc ma participation au débat en exprimant ma prise de position ferme et celle de mon parti en faveur d'échanges commerciaux ouverts, plus libres et fondés sur des règles dans notre hémisphère et dans le monde.

Je suis fier d'être le chef d'un parti politique qui a eu la vision et le courage de rompre l'isolement protectionniste dans lequel se trouvait le Canada et de nous préparer à affronter et à diriger les transformations inévitables qui se produisent dans toute société touchée par la mondialisation de l'économie.

Les députés du Nouveau Parti démocratique ont une opinion différente sur cette question. Je dois cependant reconnaître, et c'est tout à leur honneur, que leur position actuelle est la même que celle qu'ils défendaient lorsque nous avons entamé les négociations sur l'Accord de libre-échange. Le Parti libéral, qui a fait tout ce qu'il pouvait pour faire obstacle aux changements qu'il célèbre aujourd'hui, ne peut prétendre à une position aussi honorable et à la même cohérence.

Le ministre du Commerce international déclarait l'an dernier que la plupart des deux millions de nouveaux emplois créés depuis 1993 sont attribuables à l'augmentation de nos échanges commerciaux. Pourtant, le Parti libéral a lutté contre cet accord, contre cette croissance et contre les emplois, avec toute l'énergie dont il était capable.

Le mot hypocrite est antiparlementaire; je ne l'emploierai donc pas, même s'il s'applique précisément à la position du Parti libéral en ce qui a trait au commerce.

[Français]

En ce qui concerne notre débat, je me souviens encore comment l'état-major du Parti libéral argumentait, il y a quinze ans à peine, que les ententes commerciales régionales mettraient en péril la conclusion d'accords de commerce internationaux plus vastes. Cet argument n'était pas valable alors, et il ne l'est pas davantage aujourd'hui.

En continuant d'avancer le dossier de la réglementation d'un commerce libéralisé dans notre hémisphère, nous nous rapprocherons de notre objectif à l'échelle mondiale.

Dans le même ordre d'idées, il faut mentionner que pendant des années, les gouvernements libéraux ne voulaient pas que le Canada participe pleinement dans notre hémisphère.

Le symbole de ces années libérales demeure le siège inoccupé du Canada à la table de l'Organisation des États américains, une place que l'on nous a toujours réservée parce que l'on souhaitait bénéficier de notre position équilibrée et de notre leadership, une occasion et une responsabilité ignorées jusqu'à ce qu'un gouvernement progressiste-conservateur veuille que le Canada prenne ses responsabilités comme membre de l'Organisation des États américains. C'est à ce moment que le Canada a renforcé sa réputation de chef dans la collectivité mondiale et dans la collectivité des Amériques.

C'est l'objet d'une toute autre discussion, mais je crois que le progrès que nous avons accompli vers la réglementation d'un commerce libéralisé doit absolument faire partie de tout engagement sérieux visant à réduire l'ampleur de la pauvreté, de la misère et du désespoir dans le monde.

[Traduction]

Une des accusations les plus accablantes contre le gouvernement, un gouvernement formé par le parti de Lester Pearson, est qu'il a cruellement réduit la contribution canadienne à l'aide officielle au développement et laissé se perdre la réputation du Canada en tant que chef de file du développement international.

Je suis fier de diriger aujourd'hui un parti qui a appuyé à la fois le développement international et la libéralisation des échanges. J'espère que le gouvernement suivra son exemple à ces deux égards.

Nous avons appris au plan national des leçons que nous pouvons appliquer au plan international, notamment dans ces discussions, des leçons à propos des difficultés qui peuvent découler des accords de libre-échange pour certains membres de toute société et certes des difficultés que les forces de la mondialisation peuvent causer à des secteurs de notre société.

 

. 2045 + -

Il serait imprudent pour un Parlement ou un gouvernement de ne pas tenir compte de ces problèmes. Il serait imprudent de prétendre que nous pouvons tourner le dos au monde. Il faut reconnaître que, lorsque nous traitons avec les forces et les tendances de la mondialisation, des problèmes surgissent pour des groupes de Canadiens et d'autres habitants des Amériques et qu'il faut les résoudre. Il faut les résoudre au moyen de politiques sociales, éducationnelles et autres.

Dans ce contexte, je parlerai ce soir des règles du commerce international. Nous devrions chercher à obtenir des réformes qui ne visent pas seulement à supprimer les obstacles, mais aussi à établir des normes, des pratiques et des règles qui soient suffisamment fortes et respectées pour faire autorité. La question de savoir qui fixe ces règles est manifestement critique.

En général, si la population craint la mondialisation, c'est notamment parce qu'elle a l'impression que les sociétés et les pays puissants rédigent les règles dans leur propre intérêt ou sont suffisamment puissants ou habiles pour en faire abstraction ou contourner les règles qui s'appliquent aux autres. Ces craintes sont très réelles. Certaines de ces craintes sont attribuables à une situation d'abus de pouvoir pénible, tandis que d'autres tiennent tout simplement à la peur du gigantisme et à un sentiment d'impuissance. On peut apaiser ces craintes en adoptant un ensemble de règles efficaces.

J'estime que c'est la seule façon de venir à bout de ces peurs, car les superpuissances ne vont pas tout à coup, comme par magie, devenir plus sensibles aux besoins de leurs voisins ou de leurs concurrents. L'efficience de taille et d'échelle ne disparaîtra pas à cet égard. La communauté mondiale est comme n'importe quelle collectivité locale. Nous avons besoin de règles qui sont justes, efficaces et acceptées. Cela revêt une double signification pour le Canada.

D'un côté, notre pays n'est pas une superpuissance. Il ne peut pas laisser planer son ombre menaçante comme les États-Unis ou la Chine. Nous sommes innovateurs et instruits, nous possédons un esprit d'entreprise et nous avons de la chance. Nous avons toutefois autant besoin de règles que les habitants des autres pays qui ne sont pas des superpuissances. Mais surtout, l'avantage distinctif du Canada, c'est qu'il s'agit d'un pays qui a la confiance des autres États.

Cela m'amène à parler de la question de savoir qui rédigera les règles. S'il y a un pays dans le monde qui a une capacité exceptionnelle de rédiger des règles et d'établir des normes dont les autres s'inspireront et qu'ils accepteront, c'est bien le Canada. Ce n'est pas une mince distinction. C'est un atout qui, entre autres choses, devraient rendre les Canadiens plus confiants en notre capacité de modeler les forces d'une société mondiale.

D'autres députés à la Chambre soulèveront ou ont soulevé des préoccupations légitimes au sujet des grands efforts déployés par le gouvernement libéral pour commercialiser les affaires de l'État. Il s'agit de bien plus que de patronage et de noms de sociétés écrits sur des serviettes de table, des sacs de délégués ou des cache-théière. Il s'agit d'une question plus grave, à savoir l'accès à la politique gouvernementale.

Les Canadiens ordinaires, y compris les députés, sont bâillonnés, mais les riches peuvent obtenir ce qu'ils veulent à coup d'argent. Sous le gouvernement libéral, l'accès est à vendre, que l'on soit le propriétaire de l'Auberge Grand-Mère ou une personne qui veut lancer directement une proposition commerciale à un chef d'État en visite. Nous sommes témoins d'un nouveau genre de corruption de la politique gouvernementale, qui est mal.

Les controverses engendrées par le patronage mettent également en lumière une attitude fondamentale du présent gouvernement, laquelle met en danger les intérêts du Canada à l'échelle internationale. Je parle de l'attitude querelleuse du gouvernement envers les provinces.

Or, cette attitude s'est manifestée clairement encore une fois dans la façon d'observer la règle des deux poids deux mesures à l'égard du premier ministre de la province hôte du Sommet. Toute entreprise disposée à dépenser un demi million de dollars se voit offrir la chance de parler aux chefs d'État assemblés à Québec. Cependant, le premier ministre du Québec, qui ne représente pas un demi million de dollars, mais sept millions de personnes, n'est pas autorisé à prendre la parole dans sa propre capitale. Cela ne fait que ternir l'image du Canada dans un monde qui sait que nous sommes une fédération et qui nous respecte parce que nous respectons la diversité et la liberté d'expression.

[Français]

Une autre répercussion aussi sérieuse est que, concrètement, cela envenime l'atmosphère accusatoire ici au pays et risque de miner notre capacité d'agir dans le monde qui nous entoure.

Bien entendu, le commerce international est de compétence fédérale. Mais il reste que tandis que le gouvernement fédéral peut signer les traités, leur mise en application requiert la collaboration des provinces. C'est l'une des leçons que nous avons apprises lors de l'Accord de libre-échange signé initialement avec les États-Unis.

 

. 2050 + -

Je me souviens très bien des arguments avancés par les constitutionnalistes sévères d'Ottawa, selon lesquels les provinces n'avaient pas le droit de négocier en matière de commerce international et, ainsi, ne devraient pas être admises à la table des négociations. Nous avons rejeté ces arguments, parce que nous rejetons cette vision du Canada basée sur la confrontation.

Nous savions d'autant plus que si les provinces étaient exclues des négociations, elles invoqueraient leurs propres pouvoirs constitutionnels pour empêcher l'entrée en vigueur de l'accord. Si nos négociations ont réussi, c'est justement parce que nous avons traité les provinces en partenaires.

[Traduction]

Pas le gouvernement libéral. Le gouvernement ne croit pas à grand-chose, mais un de ses actes de foi, c'est que, sur n'importe quelle question, les provinces ont tort et il faudrait leur résister. Cet antagonisme n'est pas réservé au Québec. Qu'on interroge le premier ministre Klein. Qu'on interroge le premier ministre Harris. Qu'on interroge le premier ministre de la région de l'Atlantique qui veut faire modifier le régime de péréquation.

En ce qui concerne le sommet, le gouvernement canadien aurait pu trouver un moyen de donner au premier ministre de la province hôtesse une place et une voix dans le programme. Au contraire. Le gouvernement a tout fait pour offenser le gouvernement élu de cette province.

Quelle est la réaction prévisible? Le gouvernement du Québec envisage d'adopter une mesure législative qui fera en sorte que le Canada aura encore plus de difficulté à respecter des accords sur la ZLEA qu'il pourrait signer et à les mettre en oeuvre.

Les propres objectifs du gouvernement sont foncièrement contradictoires. Bien qu'il cherche à conclure un accord dans les Amériques, il cherche la bagarre au Canada. Cette bagarre aura lieu. Elle mettra en péril la capacité du Canada de faire avancer ses intérêts et d'exercer son leadership dans le monde.

Un facteur commercial important, c'est que les États-Unis d'Amérique ne viendront pas au Sommet de Québec avec en main le pouvoir d'employer la procédure accélérée. Ainsi, tout accord qu'ils pourraient signer fera l'objet de querelles, de modifications et d'évocations d'intérêts spéciaux au Congrès américain. Dans la pratique, comme les États-Unis ne recourront pas à la procédure accélérée, aucun autre pays ne fera de compromis importants que le Congrès américain risque de prendre à part et de miner.

C'est particulièrement le cas avec les pays qui se méfient beaucoup des États-Unis d'Amérique. Des questions de boutique ou tout simplement d'intérêt spécial pour le Congrès constituent des questions de vie ou de mort pour les autres pays en question. Cela posera un problème de toute façon. La situation est aggravée par la position du Brésil, une superpuissance du Sud et un leader naturel qui se méfie profondément des États-Unis et, ces jours-ci, du Canada.

Plutôt que de tabler sur le modèle nord-américain de l'ALENA, le Brésil préférerait le faire sur le Mercosur, qui, entre autres choses, est un modèle bien moins ouvert. Ce sont là des réalités qui ne disparaîtront pas au cours d'un week-end, à Québec. Le Canada, compte tenu de sa réputation de conciliateur et d'innovateur de confiance et de son rôle d'hôte du sommet, peut se servir de la conférence pour promouvoir une entente qui pourrait recueillir l'adhésion de tous. Nous devrions avoir à l'esprit le modèle de l'ALENA, mais nous ne devrions certainement pas imposer une réplique de cet accord. Si on veut qu'un accord soit conclu entre tous les pays de l'hémisphère, celui-ci devra refléter les préoccupations des géants du Mercosur de même que les intérêts assez différents de la multitude de plus petits États de l'hémisphère.

Tout en recherchant ce consensus, nous devrions aussi poursuivre nos tentatives d'accords bilatéraux avec le Chili et Costa Rica, par exemple. Je crois fermement que pareils accords bilatéraux contribuent à l'élimination de barrières commerciales. Ils peuvent inciter les parties à changer les choses, car pour bien des pays de l'hémisphère, maintenir le statu quo, c'est perpétuer la pauvreté, les violations des droits de la personne et le recours à des pratiques nuisibles, comme le trafic des stupéfiants.

J'ai parlé tout à l'heure d'aide officielle au développement. Il y a une réalité à laquelle il faut faire face. Le commerce peut être un outil de développement aussi puissant que l'ont été les politiques de développement international. Le rôle du Canada à Québec et après Québec devrait être de trouver des moyens par lesquels un large éventail de pays des Amériques auront le sentiment que les accords commerciaux font progresser leurs intérêts fondamentaux plutôt qu'ils ne les menacent.

Dans ce processus, le Canada et d'autres pays nord-américains doivent résister à la tentation d'imposer leurs modèles aux autres pays. Cela s'applique aux outils de l'ALENA, qui permettent aux entreprises de traduire les États en justice. Cela s'applique aussi aux questions écologiques et aux autres questions où le progrès commun doit se faire dans un intérêt commun.

 

. 2055 + -

La question des droits de la personne entre dans une catégorie spéciale, en particulier pour le Canada. Nous avons en ce qui concerne le respect des droits de la personne une réputation que nous devons entretenir sans arrêt. Nous avons prouvé que le Canada peut encourager en même temps le commerce et le respect des droit de la personne. Nous sommes un des rares pays du monde à pouvoir le faire. Nous sommes en tous cas le seul pays au nord du Rio Grande à le faire.

Pour ce qui est des droits de la personnes, il faut toujours se demander ceci: si le Canada ne défend pas ces droits, qui le fera? D'autres pays de l'hémisphère partagent nos préoccupations. Nous avons appris que même dans la défense des droits de la personne, il faut tenir compte de circonstances particulières. Nous avons tout simplement une obligation à cet égard.

Ce sommet est pour le Canada une occasion unique de continuer de faire preuve dans l'hémisphère du même leadership dont il a fait preuve dans le cas du premier accord de libre-échange et dans la décision de jouer un rôle actif au sein de l'Organisation des États américains. Cela ne permettra pas de régler d'un seul coup tous les problèmes de l'hémisphère, mais c'est un grand pas en avant. Les députés de notre parti comptent bien appuyer les initiatives que pourrait prendre le gouvernement à ce sommet et sont impatients de connaître les réactions du gouvernement à ce sommet.

L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Monsieur le Président, le député de Calgary-Centre cherche-t-il à dire aux Canadiens que le premier ministre du Québec ne pourra pas avoir le même accès que les gens d'affaires aux dirigeants des autres pays? C'est tout à fait ridicule. Le premier ministre du Québec pourra les rencontrer à l'occasion de cocktails et de repas, tout comme ce sera le cas des gens d'affaires.

Le député de Calgary-Centre agit-il comme l'avait fait Brian Mulroney à l'époque et courtise-t-il les nationalistes du Québec afin d'obtenir leur vote? Est-ce là ce que fait le député? Nous savons tous ce que cela nous a donné. Cela nous a donné le Bloc québécois. Cela nous a amené de nombreux problèmes. Je me demande ce qui peut bien amener chez lui un raisonnement semblable. Lorsqu'il était ministre responsable du commerce, il a adhéré au même protocole que nous suivons maintenant.

Le très hon. Joe Clark: Monsieur le Président, les activités du gouvernement progressiste conservateur, dont je faisais partie, nous ont amené l'accord de libre-échange qui représentait principalement une coalition entre les Canadiens de l'ouest et les Québécois. L'accord n'aurait pas pu conclu si nous n'avions pu faire appel à la fierté nationaliste du Québec et faire en sorte qu'elle devienne une fierté au Canada, au lieu de réagir de façon si négative et si critique à chaque fois que la province de Québec exprimait de la fierté.

Permettez-moi de répondre à la question directe posée par ma collègue. Le premier ministre du Québec ne bénéficiera-t-il pas des mêmes possibilités, demande-t-elle? Ce ne sera pas le cas, selon la publicité du propre gouvernement de la ministre. Le propre gouvernement de la ministre offre aux dirigeants d'entreprises qui peuvent casquer jusqu'à concurrence de 500 000 $ non seulement une occasion de prendre l'ascenseur avec un chef d'État, mais encore une occasion de lui parler. Le premier ministre du Québec, province hôte du sommet, n'a pas cette possibilité.

Le véritable enjeu consiste ici à déterminer s'il est possible dans un système comme le nôtre de prendre en compte les intérêts réels des gouvernements provinciaux. Nous avons prouvé à l'occasion de l'accord de libre-échange que c'est non seulement possible, mais aussi essentiel. Sans cela, nous ne pouvons faire de progrès. Aurait-il été possible pour le gouvernement du Canada de trouver une place et une tribune pour le premier ministre de la province de Québec, hôte du sommet, s'il l'avait voulu? Cela va de soi, s'il l'avait voulu. De fait, c'est qu'il ne le voulait pas.

Le gouvernement désire conclure un accord au sein de l'hémisphère, mais il cherche la confrontation au pays. Tant et aussi longtemps qu'il cherche la confrontation au pays, il met en péril la possibilité pour le Canada de donner effet à tous les accords auxquels il pourrait adhérer dans l'exercice de la responsabilité fédérale incontestable en matière de commerce international.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais faire une toute petite observation. Il faut savoir rendre à César ce qui appartient à César. N'eut été du parti du député, à l'époque où il formait le gouvernement, nous n'aurions pas de libre-échange aujourd'hui. J'en félicite le député.

 

. 2100 + -

Le Parti libéral a très clairement et vigoureusement fait campagne contre le libre-échange, et c'est grâce au leadership démontré par les progressistes conservateurs de l'époque que nous avons aujourd'hui le libre-échange.

Je voudrais connaître l'avis du député sur le Sommet populaire. Le ministre a parlé d'une bonne occasion, mais nous ne nous attarderons pas là-dessus aujourd'hui. Nous en reparlerons une autre fois.

Je voudrais que le député nous donne son sentiment sur le Sommet populaire et sur le financement de 300 000 $ accordé par le gouvernement fédéral. Évidemment, chacun devrait avoir le droit de s'exprimer, à la condition que cela se fasse dans les règles, mais j'ai du mal à accepter les groupes qui incitent à la désobéissance civile avec le concours financier du gouvernement.

Le très hon. Joe Clark: Monsieur le Président, quel qu'en soit le montant, le soutien financier qui a été accordé par le gouvernement du Canada me paraît approprié. Il ne fait aucun doute que les groupes d'intérêts ayant des revendications légitimes à présenter n'ont pas souvent l'occasion de s'exprimer sur bien des questions débattues sur la place publique, et qu'il convient de trouver des moyens pour surmonter cet obstacle.

Si nous pouvons exiger d'entreprises un montant de 500 000 $ pour prendre la parole à une conférence, il n'est pas inapproprié pour le gouvernement du Canada de fournir une somme moindre à des groupes qui ont des choses à dire et qui, autrement, ne pourraient pas se faire entendre.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, je veux interroger le chef conservateur à propos de la fierté et de la satisfaction qu'il a exprimées à l'égard de l'accord de libre-échange que son gouvernement a négocié. À son avis, y a-t-il des aspects de cet accord de libre-échange et de son successeur, l'ALENA, qu'il considère comme inadéquats ou comme devant être améliorés pour faire en sorte que les préoccupations des Canadiens soient apaisées et que les intérêts et les droits des citoyens des autres pays avec lesquels nous concluons des accords soient protégés et améliorés?

Y a-t-il des changements qui pourraient être apportés à la ZLEA en fonction de l'expérience que nous avons de deux importants accords commerciaux antérieurs?

Le très hon. Joe Clark: Monsieur le Président, il ne fait aucun doute qu'il pourrait y avoir des changements dans la façon dont nous devrions aborder certaines de ces questions et qu'il y a des leçons que nous pouvons tirer. Je suis d'accord avec la chef du Nouveau Parti démocratique en ce qui concerne sa préoccupation à l'égard de l'application à tout accord englobant l'hémisphère des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA. Cela irait à l'encontre du but recherché, et nous nous y opposerions. Ce serait l'échec. Ça ne se produirait pas.

Ce que je regrette beaucoup à propos de l'accord de libre-échange que nous avons signé, c'est que nous n'en avons pas fait assez pour les groupes désavantagés au Canada. De toute évidence, quand de grandes initiatives sont entreprises, des initiatives qui changent littéralement l'histoire, certains en bénéficient contrairement à d'autres. L'Accord de libre-échange a désavantagé certaines personnes. En tant que gouvernement, nous avions entrepris d'être plus actifs que nous ne l'étions aux plans des politiques sociales et des politiques en matière d'éducation. Avec le recul, on constate que c'était une erreur, et nous devons en tenir compte dans les futurs accords que le Canada pourrait conclure.

Une question difficile mérite de faire l'objet d'un débat sérieux dans la Chambre, celle de savoir à quel point nous devons essayer d'imposer à l'échelle internationale des normes que nous respectons chez nous. Pour ma part, je crois que sur la question des droits de la personne, nous devons imposer, à l'échelle internationale, les normes élevées que nous essayons de respecter chez nous, en partie parce qu'aucun autre pays au monde ne le fera si nous ne le faisons pas et que ces questions risquent fort d'être laissées de côté.

Toutefois, sur d'autres questions, notamment certaines questions environnementales, nous devons reconnaître que les pays en voie de développement, différents des nôtres, ont un contexte différent qui doit être pris en compte.

Si la question est de savoir s'il y a des aspects de ces négociations que nous aurions pu changer avec du recul, je réponds que oui, évidemment. Si la question est de savoir si on avait raison de prendre ces initiatives, la réponse est oui, bien sûr. Nous devons précéder l'avenir et non pas être à sa merci.

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le chef du Parti conservateur. Je dois dire que je pense qu'un certain nombre d'entre nous voudront relire les politiques économiques du parti que le député dirige et du parti dont je suis membre. Je me rappelle de premiers ministres nommés Macdonald et Diefenbaker qui étaient loin d'être de grands défenseurs du libre-échange. Même notre collègue allianciste pourrait trouver utile de relire un petit peu de l'histoire canadienne pour voir les positions des deux partis.

 

. 2105 + -

Je voudrais poser la question suivante au chef du Parti progressiste conservateur. Lorsque son gouvernement était au pouvoir et que le Sommet de la francophonie a eu lieu à Québec et ensuite, la réunion du G-7 à Toronto, les premiers ministres de ces deux provinces ont-ils été invités à participer pleinement aux délibérations comme il le propose maintenant pour le premier ministre séparatiste du Québec, M. Landry?

Le très hon. Joe Clark: Monsieur le Président, j'ai supposé que le député avait lu nos politiques économiques, puisque son gouvernement et lui en ont adopté un si grand nombre.

Sa seconde question est presque trop facile, mais je vais accepter l'invitation. Pour ce qui est du sommet économique de Toronto, si je ne m'abuse, et qu'on me corrige si je me trompe, le premier ministre de l'Ontario, la province hôte, n'a pas demandé à être présent.

Je pense que je peux dire en toute équité au nom de mes collègues du gouvernement de l'époque que si le premier ministre provincial avait exprimé un intérêt, nous aurions trouvé une façon d'assurer la présence de la province hôte. Nous sommes une fédération. Le monde le sait. N'essayons pas de prétendre le contraire. Reflétons la réalité du Canada à l'étranger.

Permettez-moi d'en arriver au Sommet de la francophonie. En passant, il n'y aurait jamais eu d'association de la Francophonie si le Canada avait continué de suivre les politiques rigides antiprovinciales du gouvernement Trudeau. Cette organisation n'a été possible que grâce à un gouvernement progressiste-conservateur qui a pu trouver une façon de tenir compte des intérêts légitimes du Québec.

[Français]

Il a également trouvé le moyen d'accommoder les intérêts légitimes du Nouveau-Brunswick, et des autres provinces ayant une population francophone, pour que nous réussissions encore mieux la question de la francophonie.

[Traduction]

Cet organisme a été bien accueilli dans le monde car les autres pays francophones craignaient beaucoup qu'en l'absence du Canada, la France n'en mène trop large. Sous les règles rigides du gouvernement libéral qui a précédé le nôtre, cet organisme était impossible. Grâce à notre attitude plus ouverte à l'égard du Canada et de sa réalité, nous avons réussi à créer la Francophonie.

Le premier ministre du Québec a-t-il participé? Il a présidé les travaux de certaines des séances. Le ministre des Affaires intergouvernementales a-t-il participé? Il a présidé les travaux de certaines séances.

Or, il n'est pas juste de comparer la Francophonie et le Sommet des Amériques. Je réponds à la question que m'a posée le député. Cependant, il aurait certainement été possible dans ce contexte, si le gouvernement l'avait voulu, de trouver une place et une occasion de s'exprimer pour le premier ministre du Québec. Le gouvernement ne l'a pas fait parce qu'il ne le voulait pas. Les répercussions sont claires.

Déjà, à l'Assemblée nationale du Québec, on prépare une mesure législative visant à faire obstacle à l'application des accords que le Canada pourrait signer en exerçant notre compétence incontestée en matière de commerce international. C'est scier la branche sur laquelle on est assis, par dépit. C'est dangereux et un facteur de division au Canada. Cela devrait cesser.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat de ce soir. Je partagerai mon temps de parole avec le député de Vancouver Quadra.

J'aimerais dire tout d'abord que dans ma circonscription d'Etobicoke—Lakeshore, bon nombre de gens se sont dits préoccupés par ce sommet et cette entente et j'espère que ces préoccupations seront prises en compte au cours de la discussion de ce soir.

Comme nous le savons, le premier ministre et d'autres chefs d'État discuteront de la ZLEA au cours de ce sommet très important. La ZLEA est bien sûr une bonne nouvelle. Je crois que c'est une bonne nouvelle que nous entendons ce soir de la bouche des députés de notre côté et des autres, c'est-à-dire l'expansion du commerce et des investissements, et tous ces avantages qui permettent aux sociétés canadiennes de croître, d'innover et de créer de meilleurs emplois.

On a cependant beaucoup parlé de la ZLEA, de ce que les Canadiens savent de l'entente et des répercussions que cette dernière pourrait avoir pour les collectivités, et particulièrement pour certains de mes électeurs et pour les plus petits États. J'espère que toutes les personnes qui m'ont fait part de leurs préoccupations suivent le débat de ce soir et y participent avec nous.

 

. 2110 + -

L'idée de la création d'une Zone de libre-échange des Amériques a été mise de l'avant au cours du premier sommet des Amériques des temps modernes, qui s'est tenu à Miami en 1994. Tous les pays, y compris le Canada, se sont alors entendus pour finaliser une entente avant 2005. Lors du Sommet de Québec, le Canada entreprendra des négociations avec plus de 30 chefs d'État et de gouvernement dans ce sens. La Zone de libre-échange des Amériques sera basée sur les ententes bilatérales et sous-régionales conclues avec d'autres pays de l'hémisphère.

Comme nous le savons, la démocratie et l'expansion des marchés libres un peu partout au monde transforment les Amériques. Le Canada a joué un rôle clef en répondant aux défis soulevés au chapitre des changements sociaux et économiques.

Chez nous, le gouvernement s'est engagé à créer des débouchés pour les Canadiens sur les marchés mondiaux et il s'emploiera à favoriser la création de milieux propices où les Canadiens pourront se prévaloir des possibilités qui s'offrent à eux. Le Canada a un intérêt direct dans le développement économique de l'hémisphère et il fera preuve de leadership là où il le peut, afin de renforcer les relations à l'échelle des Amériques et de les intégrer.

Nous avons entendu le ministre canadien du Commerce international dire qu'on aidera les petites économies à participer non seulement au sommet, mais aussi aux pourparlers ultérieurs qui se poursuivront jusqu'en 2005.

L'économie canadienne est tributaire du commerce, qui est à l'origine de 40 p. 100 de notre produit intérieur brut et qui crée ou maintient un emploi sur trois au Canada. Il importe que les gens de la circonscription d'Etobicoke—Lakeshore sachent que, quotidiennement, la valeur de nos échanges commerciaux bilatéraux avec le monde entier dépasse plus de 2,5 milliards de dollars.

De nos jours, plus de 90 p. 100 des échanges commerciaux du Canada se font avec les Amériques, y compris les États-Unis. L'investissement étranger direct du Canada à l'échelle des Amériques a atteint 182 milliards de dollars en 1999. Au cours des dix dernières années, la valeur des échanges commerciaux a augmenté de plus de 170 p. 100.

Ce sont là des avantages pour nous, mais nous posons de nouveau la question: qu'en est-il des petites économies? Le Sommet des Amériques est loin de se limiter simplement au libre-échange. Ce sera un forum où les chefs d'État et les ministres participeront à des discussions sur trois grands thèmes: le renforcement de la démocratie, la création de la prospérité et la réalisation du potentiel humain. C'est par rapport à ces trois grands thèmes que les petites économies pourront progresser et bénéficier des accords qui seront conclus.

La position du Canada visant à renforcer les démocraties à l'échelle de l'hémisphère repose sur le principe de la consolidation de la démocratie, de la défense et de la promotion des droits de la personne et de l'amélioration de la sécurité humaine.

Dans tout accord de libéralisation du commerce, il y a une place pour le développement démocratique. Ce développement permet l'ouverture des économies et la prospérité des pays, et oblige ces derniers à mettre en place les règles et les institutions qu'exige le gouvernement mondial. Les petites économies ont besoin d'aide à cet égard.

Créer la prospérité pour les Canadiens et les habitants de l'hémisphère suppose qu'il faut s'attaquer aux problèmes tels que la pauvreté et qu'il faut promouvoir l'égalité des chances. Ce principe est mis en valeur dans le plan d'action du sommet sur les principales initiatives sociales qui favoriseraient l'éducation et l'acquisition des compétences nécessaires, permettraient d'améliorer la santé de la population, de faire progresser l'égalité des sexes, de promouvoir la diversité culturelle et de faciliter l'accès aux nouvelles technologies.

Je mets l'accent sur ces questions parce que je pense aux îles des Caraïbes et aux autres États qui pourraient bénéficier de certaines améliorations ou de certains avantages.

Ces initiatives aideront les habitants des Amériques à vivre dans la dignité, à réaliser tout leur potentiel et à participer au développement économique et social de leurs collectivités. Ces trois thèmes sont juxtaposés à plusieurs préoccupations exprimées par la société civile et les petits pays.

 

. 2115 + -

Au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, mes collègues et moi avons pu entendre les opinions des Canadiens sur les effets de l'accord de la ZLEA sur des dossiers tels que l'environnement, les normes du travail et l'écart dans les revenus. De nombreux témoins sont venus nous parler de ces dossiers. De ces audiences, un consensus grandissant se dégage selon lequel l'accord de la ZLEA doit absolument tenir compte des normes en matière d'environnement et de travail.

Les Canadiens s'inquiètent des écarts économiques et la concurrence entraînera la détérioration des normes déjà faibles en matière d'environnement et de travail dans les petits pays de l'hémisphère. La plupart de ces pays sont désavantagés puisqu'ils n'ont pas la capacité d'élaborer des stratégies de développement durable dans le domaine de l'environnement ou d'améliorer leurs normes de travail.

Certains résultats de l'ALENA au Mexique ont fait l'objet d'un examen rigoureux en raison des problèmes engendrés dans le domaine de l'environnement et du recul des normes de travail. Je sais que ces expériences nous ont été bénéfiques et il faut espérer que les résultats négatifs obtenus jusqu'à maintenant ne se reproduiront pas au Canada. Nous devons examiner attentivement ces questions afin de ne pas répéter certaines des erreurs engendrées par l'ALENA.

Le Canada et les autres pays de l'hémisphère doivent s'assurer que ces questions sont conciliées et intégrées à l'ALENA. Je trouve encourageant de savoir que le sommet sera pour les ministres de l'Environnement et du Travail l'occasion d'aborder ces questions d'une grande importance.

Je voudrais maintenant parler de la disparité des revenus. Il ne fait aucun doute que la ZLEA devra permettre de relever le niveau de vie dans l'hémisphère. Les écarts de revenu importants entre les divers pays compliqueront cependant l'application de l'accord dans les petits pays.

Nous devons être conscients de la façon dont les avantages seront répartis. L'hémisphère compte plus de 800 millions d'habitants, dont la majorité vivent dans de petits États.

La question des tarifs revêt beaucoup d'importance en ce qui a trait aux disparités de revenu. Les tarifs représentent la principale source de revenu des petits États. Ces dernier financent leurs programmes sociaux et le remboursement de leurs dettes grâce aux tarifs. L'élimination des tarifs proposée en vertu de la ZLEA pourrait contraindre les petits pays à se doter d'un régime d'impôt sur le revenu pour pouvoir adhérer à l'accord. Beaucoup de ces pays n'ont tout simplement pas les connaissances techniques requises pour le faire.

Les petits pays doivent obtenir une certaine garantie qu'ils bénéficieront de l'élimination des barrières commerciales et c'est pourquoi il est nécessaire de leur fournir le soutien voulu pour les aider à relever les défis que pose l'abolition des tarifs. Je sais que la technologie et la connectivité sont très importantes pour ces États, et le ministre canadien nous a donné l'assurance que les petits pays recevraient de l'aide.

L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais aborder un thème très important du prochain Sommet des Amériques, à savoir, la démocratie.

La démocratie est au coeur du processus du Sommet des Amériques depuis le tout début. En fait, c'est le mouvement de notre hémisphère vers la démocratie au cours des années 1980 et 1990 qui fait qu'il est possible de tenir le Sommet des Amériques. L'engagement des pays des trois Amériques en faveur de la démocratie est une des principales raisons qui ont poussé le Canada à adhérer à l'Organisation des États américains en 1990. C'est aussi pourquoi, à l'initiative du Canada, l'Unité pour la promotion de la démocratie a été créée au sein de l'OAE, afin d'aider les pays à renforcer leurs institutions démocratiques.

Le mouvement de démocratisation des gouvernements a permis l'émergence dans les Amériques d'une génération de dirigeants politiques prêts à prendre collectivement un engagement en faveur du renforcement de valeurs communes et à travailler pour atteindre des buts communs.

[Français]

Nous croyons que le Sommet de 2001 fournit à l'hémisphère une occasion d'affirmer vigoureusement son engagement envers la démocratie et de faire progresser un programme d'action politique, économique et social cohérent et équilibré.

 

. 2120 + -

Il s'agit là d'une considération primordiale pour le Canada et ses partenaires de l'hémisphère depuis que le processus préparatoire du Sommet a été lancé en juin dernier à Windsor, au moyen d'un dialogue des ministres des Affaires étrangères, à l'Assemblée générale de l'OEA.

Les ministres des Affaires étrangères ont souscrit à une approche qui a pris pour point de départ un accent sur les populations et la nécessité de procurer des avantages réels aux citoyens des Amériques par l'intermédiaire d'une action collective structurée autour de trois grands thèmes: renforcer la démocratie, créer de la prospérité et réaliser le potentiel humain.

Cette approche était importante aussi, parce qu'elle a donné une démonstration claire et convaincante du fait que les États membres de l'Organisation sont unis dans leur engagement envers les valeurs et les institutions qui soutiennent la démocratie et les droits de la personne.

[Traduction]

Le Sommet des Amériques, à Québec, sera la troisième rencontre des dirigeants depuis 1994. Puisque nous savons tous que prendre des engagements c'est une chose, mais qu'agir en est une autre, qu'est-ce qu'a permis de réaliser le processus du sommet? Quels résultats tangibles pouvons-nous présenter aux Canadiens pour démontrer que la conciliation et l'atteinte de consensus ont pris le pas sur la confrontation et la condamnation? L'assemblée générale de l'OEA tenue l'an dernier à Windsor est un bon exemple.

La décision d'envoyer au Pérou une mission de haut niveau dirigée par le secrétaire général de l'OEA et le ministre des Affaires étrangères du Canada reflétait de la part de cette organisation un effort généreux, ouvert et transparent d'assumer clairement une responsabilité dans l'évolution et le renforcement de la démocratie dans ce pays. Par ce geste, l'OEA a pris en charge la démocratie dans les Amériques. Le renforcement de la démocratie n'est pas uniquement la tenue d'élections libres et justes, c'est aussi l'élimination des menaces qui planent sur les sociétés et qui peuvent miner les institutions cruciales pour le maintien de la vigueur des valeurs démocratiques.

[Français]

Les gouvernements de l'hémisphère ont pris l'initiative au sujet des drogues et de la criminalité. Par l'intermédiaire du processus des sommets, les pays ont mis au point de nouveaux programmes créateurs de lutte contre le commerce illégal des drogues.

La réalisation culminante réside dans la création du Mécanisme multilatéral d'évaluation, le MEM, la première initiative antidrogue multilatérale du monde qui a été ordonnée par les dirigeants réunis au dernier Sommet à Santiago, au Chili. Les rapports de chacun des pays et un rapport d'ensemble de l'hémisphère qui donnent le détail des réalisations et formulent des recommandations à prendre à l'avenir doivent être présentés à Québec.

La création du Centre d'études sur la justice, également demandée à Santiago, constitue un autre exemple. Le but du Centre est de contribuer à la modernisation des systèmes et des institutions nationaux de justice au moyen de programmes de formation et de la mise en commun d'informations. Le conseil d'administration du Centre a approuvé un vaste programme de travail pour la première année de fonctionnement du Centre, la réforme de la justice criminelle étant la première priorité.

[Traduction]

Un autre exemple s'est produit il y a quelques semaines. Lors du Sommet de Miami en 1994, les leaders avaient souligné que les échanges entre législateurs étaient essentiels pour renforcer les traditions démocratiques dans notre hémisphère et seraient de plus en plus nécessaires à mesure que les pays de cet hémisphère interagiraient davantage dans un nombre croissant de secteurs. Grâce à l'inspiration, au leadership et au travail acharné des députés de ce Parlement, le Forum interparlementaire des Amériques, le FIDA, a été créé ici à Ottawa au début du mois.

La rencontre inaugurale, sous la présidence du Canada, a porté sur la recherche de solutions aux problèmes de la drogue, du crime et de la corruption, ainsi que sur l'intégration économique, la protection de l'environnement, la lutte contre la pauvreté et l'allégement de dettes.

Le forum se réunira une fois l'an dans différents pays de l'hémisphère. À titre de dernier exemple, je citerai l'inclusion des Canadiens et des citoyens de tout l'hémisphère dans le processus du Sommet. Les ministres et les fonctionnaires ont consulté régulièrement les membres de la société civile du Canada et de l'hémisphère pour assurer un dialogue ouvert sur les objectifs du Sommet et tenir compte de leurs points de vue dans le processus de planification.

 

. 2125 + -

Chacune de ces réalisations est axée sur une nette preuve de l'engagement des leaders à faire la promotion de la démocratie, à protéger les droits de la personne et à respecter la primauté du droit, ce qui nous amène à la tenue du Sommet des Amériques de cette année. Quel sujet de discussion entre les leaders servira vraiment à renforcer et à consolider la réforme de la démocratie dans l'hémisphère?

À l'occasion du Sommet, les leaders pourront discuter de moyens d'améliorer le fonctionnement de la démocratie. Les leaders démocratiquement élus chercheront, par exemple, des moyens de perfectionner la tenue des élections en améliorant la participation des citoyens, les échanges avec les médias, ainsi que les règles d'enregistrement et de financement des partis politiques. Ils essaieront de promouvoir les droits de la personne et les libertés fondamentales et ils étudieront des façons d'employer les nouvelles technologies de l'information et des communications pour améliorer et renforcer les institutions de défense des droits de la personne dans les Amériques.

[Français]

En guise de conclusion, le Sommet des Amériques est le forum et le véhicule fondamental en vue de la concrétisation de notre vision des Amériques.

Le développement d'une démocratie vigoureuse doit se fonder sur la reconnaissance du fait que nous devons nous efforcer d'être davantage inclusifs, que la mise en place d'un espace de débat raisonné peut et devrait conduire à une plus grande compréhension et jeter les bases d'un dialogue et d'une coopération constructifs.

C'est cet engagement envers les droits des individus, la transparence et l'ouverture du gouvernement, et envers la participation des citoyens, qui revêt une importance fondamentale pour que nos institutions démocratiques demeurent dynamiques et d'une importance vitale.

Le Canada est honoré d'avoir été choisi pour accueillir le Sommet de 2001 des Amériques, à Québec. Je suis persuadée que notre région se trouve au début d'une période de grandes réalisations et qu'il est crucial que nous nous engagions maintenant à travailler avec patience, persévérance et raison pour réaliser un avenir hémisphérique qui, en vérité, a toujours été et demeure plein de promesses.

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite la députée pour ses remarques et pour son enthousiasme débordant à l'approche de ce sommet. Il est intéressant de signaler que l'enthousiasme pour les questions commerciales et la vigueur avec laquelle les libéraux font la promotion de ce sommet s'apparentent à ce que nous avons vu lorsqu'ils se sont opposés au libre-échange il y a quelques années à peine.

Toutefois, ma question, qui porte davantage sur le commerce avec ce sommet qui approche à grand pas, est la suivante: le Canada n'aurait-il pas été en meilleure posture si nous avions réglé certaines des questions commerciales très sérieuses qui nous menacent à l'approche de ce sommet à Québec? Par exemple, l'expiration de l'accord sur le bois d'oeuvre le week-end prochain et la façon dont le Canada a traité la question du boeuf brésilien, qui a gravement endommagé nos relations commerciales avec ce pays. Il ne faut pas oublier non plus les problèmes constants auxquels se heurtent les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard à cause du manque de leadership du gouvernement dans ce dossier et des mesures dérisoires qu'il a prises pour tenter de les indemniser pour leurs pertes.

Ces questions sont encore en suspens. Les frontières sont encore fermées aux producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. En ce qui concerne le bois d'oeuvre, l'expiration prochaine de l'accord plongera les producteurs de bois d'oeuvre d'un bout à l'autre du pays dans une situation absolument chaotique. Nous n'avons même pas encore trouvé un terrain d'entente entre les provinces, et encore moins une façon d'aborder cette question avec nos partenaires commerciaux américains.

N'est-il pas vrai que nous manquons quelque peu de crédibilité morale en nous présentant à ce sommet sans même avoir commencé à aborder certaines de ces grandes questions tout aussi importantes? N'aurait-il pas été plus avantageux pour les Canadiens que le gouvernement de la députée tente de régler certaines de ces questions avant d'aller à ce sommet?

 

. 2130 + -

L'hon. Diane Marleau: Monsieur le Président, tous les programmes doivent progresser. Si nous ne bougeons pas dans un dossier parce qu'il pourrait y avoir des problèmes dans un autre, nous n'irions jamais où que ce soit. Nous continuerons à nous préoccuper de ces importants enjeux, celui du bois d'oeuvre étant en l'occurrence très important.

Comme on le sait, nous nous sommes adressés au tribunal de l'OMC à trois reprises et nous avons gagné, mais les États-Unis continuent d'intenter des poursuites contre le Canada. La réalité, c'est que nous comptons une industrie du bois d'oeuvre très concurrentielle et que, malheureusement, certains des États du Nord et en particulier du Nord-Ouest, continuent de s'opposer à nous parce qu'ils sont incapables de soutenir notre concurrence. Ce problème dure depuis un certain temps et se poursuivra. Nous entretenons beaucoup d'espoir parce que nous croyons dans le libre-échange et que nous désirons le libre-échange avec les États-Unis, en particulier dans le domaine du bois d'oeuvre. Nous poursuivrons cette lutte, et je suis convaincue que notre remarquable industrie aux pratiques excellentes l'emportera de nouveau.

S'agissant du Sommet des Amériques, ce n'est qu'une étape. Il y en aura de nombreuses autres, j'en suis sûre, avant que soit conclu quelque accord que ce soit. Nous devons vraiment débuter quelque part. Nous parlons de démocratie. Un certain nombre de pays des Amériques sont devenus beaucoup plus démocratiques. Il est important de collaborer avec eux. Le Canada peut jouer un rôle important, et on s'attend à ce qu'il le fasse. Nous possédons des valeurs que nous voulons faire valoir auprès d'autres pays dans les Amériques. Nous voulons être là lorsque les règles seront établies afin ces pays puissent prendre nos valeurs en considération.

Il est tout à fait essentiel que nous soyions à cette table, que nous encouragions le dialogue avec les parlementaires, comme nous le faisons ce soir, que nous encouragions le dialogue avec la société civile et que nous disions aux Canadiens que nous partageons leurs préoccupations, ce qui explique notre présence à la table. Nous voulons protéger les valeurs qui revêtent tant d'importance pour nous comme Canadiens. Si nous sommes absents de la table, les règles seront établies sans nous.

Nous devons nous rappeler que nous sommes un vaste pays faiblement peuplé. Il est préférable d'avoir des règles. C'est là l'objet de cet exercice. Il est préférable d'avoir des règles qui prennent en considération les choses qui nous sont chères plutôt que des règles qui nous sont imposées et au sujet desquelles nous n'avons rien eu à dire.

J'estime vraiment que nous devons poursuivre nos travaux sur tous les fronts afin de veiller à ce que les Canadiens bénéficient de la meilleure entente possible.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole dans ce débat. Je partagerai mon temps de parole avec le député de Dewdney—Alouette.

Je voudrais, pendant quelques instants, parler du sujet du débat. Parfois, on se perd dans tout le jargon des juristes, mais essentiellement, il s'agit du sommet de Québec.

On a beaucoup parlé du futur accord de libre-échange dans les Amériques. En réalité, cet accord, que j'appuie fermement, n'entrera en vigueur qu'en 2006, au plus tôt. On entend parler d'une ébauche de texte. Il s'agit en réalité de la position de négociation des 34 pays membres qui participeront au sommet de Québec. Toutefois, il y a beaucoup d'autres questions.

Je voudrais en outre parler un peu du libre-échange, de la raison pour laquelle je considère cela comme si important et de la raison pour laquelle le gouvernement a adopté une position qu'on pourrait qualifier de position de compromis.

Au moment où nous amorcerons les étapes très préliminaires de ces pourparlers et où les chefs d'État discuteront d'un accord de libre-échange pour l'hémisphère, le gouvernement fédéral, quelques mois avant, a adopté une position très politique relativement au boeuf du Brésil, interdisant les exportations de boeuf de ce pays alors qu'il n'avait aucun motif sérieux de le faire. Pourtant, nous allons nous battre avec les Américains au sujet de l'entente de bois d'oeuvre, qui pourrait coûter 2 milliards de dollars par année à l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, et nous allons faire valoir qu'ils devraient respecter les règlements.

Il y a quelques mois à peine, dans l'industrie aérospatiale, les Canadiens avaient très clairement le droit d'imposer des sanctions commerciales au Brésil et ils auraient pu le faire, mais ils ont joué de prudence, car ils ne disposaient pas de preuves scientifiques. Évidemment, c'était discutable. Quand le gouvernement a envoyé des scientifiques là-bas, il est très clair que ceux-ci n'ont rien trouvé qui auraient pu justifier l'interdiction.

 

. 2135 + -

Je trouve cela très regrettable. On n'a pas fait preuve de leadership sur ce plan à l'égard des pommes de terre de l'île-du-Prince-Édouard. Nous sommes certainement en droit de nous inquiéter.

Mais parlons plus précisément du Sommet qui s'en vient. Je vais indiquer quelques-unes des préoccupations de l'Alliance canadienne. L'une d'elles est le sommet du peuple. Tous les gens devraient avoir la possibilité d'exprimer leur opinion au Sous-comité du commerce international, là ou des groupes veulent se faire entendre, et de manifester très pacifiquement et légalement au Sommet de Québec.

Je trouve très frustrant que le gouvernement ait engagé une somme de 300 000 $ qui servira à des groupes de manifestants ayant ouvertement admis qu'ils allaient enfreindre la loi. En fait, ces groupes tiennent actuellement des ateliers de formation en désobéissance civile, auxquels assistent plusieurs groupes. Le caucus du NPD à la Chambre des communes a indiqué qu'il allait participer à ces ateliers. Le Conseil des Canadiens a annoncé aux médias qu'il tiendrait des ateliers de désobéissance civile, tout comme le Congrès du travail du Canada, le Syndicat des travailleurs de l'automobile et bien d'autres groupes.

Il est intéressant de noter que Nelson Riis, l'ancien député de Kamloops, a annoncé hier que le NPD abandonnerait le Parlement et compromettrait sa réputation en s'unissant aux manifestants au Sommet de Québec. Je suis très inquiet de la décision du gouvernement d'investir 300 000 $ dans le sommet du peuple.

Je pense que ces gens devraient avoir la chance de se faire entendre, mais pas à la table des discussions ni en séance plénière. Ces endroits sont, bien sûr, réservés aux chefs d'État. Nous sommes un pays très ouvert, libre et démocratique, et je crois que les intéressés ont la possibilité de se faire entendre. Je répète que, selon moi, il y a certaines préoccupations à cet égard.

L'autre côté de la médaille, comme on l'a entendu dans le débat plus tôt, c'est la commandite de sociétés. C'est curieux que le gouvernement permette à différentes sociétés de verser jusqu'à 75 000 $ pour commanditer des pauses-café, jusqu'à 500 000 $ pour fournir un véhicule et jusqu'à 500 000 $ pour une occasion de parler aux participants. Les gens influents dans le monde des affaires devraient être invités, selon moi, mais je ne crois pas qu'ils devraient payer pour obtenir un service. En tant que pays, nous sommes les hôtes de 34 chefs d'État. Je ne pense pas que nous voulions transformer cela en un véritable cirque de luxe en invitant des gens qui ont les moyens de payer. Nous savons qui sont les dirigeants des deux côtés. Il incombe au gouvernement d'obtenir le point de vue des ONG, du monde des affaires et des députés pour veiller à ce qu'il y ait un dialogue véritable et utile alors que nous entrons dans ces négociations.

Cela m'amène à parler du processus. S'il y a un groupe légitime de gens qui a un droit absolu à un véritable dialogue, c'est bien celui des députés. Oui, nous pouvons le faire par l'entremise des comités, mais le gouvernement va prétendre qu'il n'a pas le droit de rendre publics les textes. Je ne dis pas qu'il doit rendre publics tous les documents, mais soyons francs, il y a 34 États membres et leurs négociateurs, et ils connaissent exactement la position des autres pays. Ce ne sont pas des secrets. Je pense qu'il est inadmissible que le gouvernement laisse entendre qu'il ne peut révéler exactement ce qui est négocié et ce qui est discuté. Les autres pays qui négocient avec le Canada connaissent notre position comme nous connaissons la leur. C'est ce qui se fait dans le cadre des négociations.

Michael Hart de l'Université Carleton a parlé d'ouverture et de transparence. Je paraphrase, mais il a déclaré qu'il ne fallait se faire aucune illusion, que tous les pays connaissent leurs positions respectives et que nous devrions donc rendre cette information disponible. Les députés devraient participer pleinement et avoir accès aux documents. Nous pouvons spéculer sur ce qu'ils renferment. Nous pouvons revenir au Cycle d'Uruguay ou sur les accords de l'ALENA. Il y a des textes dans ces cas-là.

 

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Nous ne pouvons toutefois que supposer ce qu'il y a dans le texte. Le gouvernement pourrait fournir davantage d'information sans publier le texte. Il pourrait dire sur quoi porte les négociations, de quoi il est question au juste et ce qu'il faut qu'il arrive. Et surtout, il ne devrait absolument rien ratifier ni signer tant qu'un véritable débat public n'aura pas eu lieu à la Chambre des communes et que les députés n'auront pas eu l'occasion de se prononcer. Les députés sont démocratiquement élus et ils devraient avoir le dernier mot.

Je répète que l'Alliance canadienne appuie vraiment le libre-échange. Nous croyons que le libre-échange profitera à tous les Canadiens. Il profitera aussi à des citoyens de pays pauvres qui veulent avoir accès aux grands marchés des États-Unis et du Canada. Les pays pauvres veulent que le libre-échange soit élargi.

Toutefois, je dirai du même souffle que nous sommes sur le point de vivre une période très difficile. Je vais résumer la situation en ce qui concerne l'Accord sur le bois d'oeuvre. L'accord arrivera à échéance dimanche prochain. Je dois avouer que nous nous efforçons de demeurer unis. Le gouvernement fait valoir sa position. Le gouvernement veut que l'accord expire et il veut le libre-échange, ce que nous, de l'Alliance canadienne, voulons aussi.

La principale argumentation des Américains est que nous subventionnons prétendument la valeur du bois sur pied, ce qui est absolument faux. En fait, la valeur du bois sur pied, en Colombie-Britannique, a considérablement monté. Il incombait au gouvernement de s'assurer que le gouvernement et le secteur industriel américains en soient conscients. Le gouvernement n'y a pas réussi. Les Américains ont clairement fait savoir que l'industrie américaine réclamerait des droits compensateurs et même des mesures anti-dumping qui coûteraient des milliards de dollars à notre industrie.

Il incombait au gouvernement de faire en sorte qu'ils connaissent les faits. Le gouvernement a eu presque cinq ans pour le faire, mais il a échoué lamentablement. Les Américains croient que nous accordons toutes ces subventions, ce qui est absolument faux. Voilà qu'à la veille de l'expiration de l'accord, le gouvernement fait des pieds et des mains. Il devra bien affronter les Américains. Il cherche des stratégies devant les recours qui ne manqueront pas d'être pris pour faire imposer des droits compensateurs. Cette situation pourrait nous causer un grand tort. Ce serait très néfaste pour notre industrie. Je crois que le gouvernement a fait faux bond à l'industrie et n'est pas prêt à la veille de l'expiration du délai. Certains prétendent que l'accord sur le bois d'oeuvre était un accord nous menant au libre-échange. Nous sommes à la veille de l'expiration de l'accord et il est clair que les Américains veulent tout reprendre à zéro après avoir dépensé plus de 100 millions de dollars en frais juridiques pendant les 20 dernières années.

L'Alliance canadienne appuie l'accord de libre-échange des Amériques. Nous espérons que le gouvernement fera preuve de leadership et prendra des décisions plus éclairées que celles qu'il a prises dans le passé.

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je suis content de voir que l'opposition officielle appuie en grande partie nos efforts en ce qui concerne la ZLEA.

Je voudrais cependant revenir sur la dernière remarque que mon collègue a faite au sujet du bois d'oeuvre. Le député dit que le gouvernement n'a pas fait assez pour sensibiliser les Américains à cette question. Avec tout le respect que je lui dois, je pense qu'il a tort. Mon collègue sait certainement que le premier ministre du Canada s'est entretenu personnellement sur ce sujet avec le Président des États-Unis. C'est l'une des premières questions dont il a discuté avec lui. Mon collègue sait sans doute aussi que le ministre du Commerce international a discuté également de la question avec Robert Zoellick, le représentant américain du Commerce extérieur, lors de la toute première rencontre qu'il a eue avec lui. Enfin, mon collègue n'est pas sans savoir qu'aux États-Unis des groupes de consommateurs, des sénateurs et des membres du Congrès ont lancé un appel à leur gouvernement afin qu'il ne fasse pas ce qu'il a fait à trois reprises, autrement dit qu'il ne prenne pas des mesures compensatoires contre le Canada.

Le Canada ne contrôle tout simplement pas ce que font les États-Unis. Avec tout le respect que je dois à mon collègue, il est faux de dire que les Américains ne sont pas au courant des faits. Ils les connaissent parfaitement. Certains choisissent de les ignorer même quand les tribunaux décident qu'ils sont à côté de la question. Franchement, je ne sais pas ce que le gouvernement aurait pu faire d'autre pour sensibiliser les Américains à la question.

 

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M. Gary Lunn: Monsieur le Président, j'en suis conscient. J'accompagnais le ministre à Washington et j'ai rencontré en privé le président du comité de l'industrie et du commerce et un certain nombre de fonctionnaires américains.

Ce que je dis, c'est que cela n'est arrivé qu'au cours des quatre à six dernières semaines, après que le premier ministre et le ministre du Commerce international sont allés défendre leur cause aux États-Unis, alors qu'ils ont eu cinq ans pour le faire. Ils auraient dû informer l'industrie américaine que nous ne subventionnons pas notre industrie du bois d'oeuvre et que nous sommes concurrentiels. Les États-Unis veulent le libre-échange et ils prônent le libre-échange. Nous devrions faire comprendre aux Américains que, s'ils veulent le libre-échange, ils devraient respecter les décisions déjà rendues. Nous voulons, et à juste titre, collaborer avec les États-Unis dans d'autres secteurs, mais nous devrions leur faire comprendre que nous leur opposerons une lutte farouche s'ils commencent à imposer des droits de 1 à 2 milliards de dollars à l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, dont 45 p. 100 se trouve dans ma province, la Colombie-Britannique. L'imposition de droits paralyserait l'économie de nombreuses villes mono-industrielles. Ce n'est tout simplement pas acceptable.

Le secrétaire parlementaire avait tout à fait raison de dire que le premier ministre a soulevé la question auprès du Président. Le ministre du Commerce international s'est rendu à Washington. Toutefois, le gouvernement n'agit que depuis quatre à six semaines. Nous avons connu une période de stabilité de cinq ans grâce à l'accord sur le bois d'oeuvre. Pendant cette période, nous aurions pu soulever cette question, parce qu'elle est importante.

Nous sommes tous en faveur du libre-échange. Nous collaborerons avec le gouvernement et ferons tout ce que nous pouvons pour assurer la survie du libre-échange. L'opposition déploiera toutes les ressources dont elle dispose contre le gouvernement américain s'il impose des droits compensateurs ou s'il porte plainte pour antidumping. Les États-Unis doivent respecter les décisions du tribunal mondial.

L'Alliance canadienne est disposée à travailler avec le gouvernement, mais le gouvernement doit exercer un leadership plus dynamique. Le cas du boeuf brésilien et celui des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard nous ont fourni matière à inquiétude: le gouvernement n'a pas démontré le leadership voulu dans ces cas.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre part au débat de ce soir sur cette question très importante. Je félicite mes collègues de l'avoir soulevée. J'espère que nous réussirons à discuter de l'Accord de libre-échange des Amériques de façon raisonnée.

Permettez-moi d'affirmer sans équivoque que l'Alliance canadienne est en faveur du libre-échange. Cela a été dit et répété tout au long de la soirée. Nous sommes tout à fait d'accord sur le principe du libre-échange.

Je voudrais faire porter mes propos sur certains points précis. Je commencerai par la façon dont les accords de libre-échange sont conclus et j'expliquerai comment le processus a parfois donné lieu à des préoccupations, entre autres celles qu'éprouvent certaines personnes à l'égard du libre-échange, par exemple les groupes dont mon collègue de Saanich—Gulf Islands a parlé et qui ont l'intention de protester. Tous les citoyens ont le droit de protester et doivent le faire par des moyens pacifiques. Bien des gens ont des inquiétudes à ce sujet, comme d'ailleurs beaucoup de mes électeurs qui m'ont consulté sur la question. Ils s'inquiètent de l'environnement, des soins de santé, des ressources naturelles, de l'eau et de la culture.

Lorsque des accords de libre-échange se concluent, les gens s'inquiètent s'ils manquent d'information sur des questions très importantes. Le gouvernement devrait renseigner le mieux possible les Canadiens sur ces accords. Il devrait leur faire comprendre qu'ils auront l'occasion de s'exprimer sur des questions importantes comme celle-ci. S'il leur expliquait de façon raisonnée les bienfaits du libre-échange, il réussirait à les gagner à sa cause.

 

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Nous savons que, il y a bien des années, le gouvernement libéral a engagé le lutte électorale en dénonçant le libre-échange. Les choses peuvent changer. Je sais que la plupart de mes collègues libéraux appuieraient des motions qui vont dans le sens du libre-échange, mais nous nous interrogeons sur la sincérité de l'engagement de certains ministres à l'égard du principe du libre-échange.

Il a été rafraîchissant d'entendre ce soir le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international expliquer avec beaucoup de sincérité pourquoi ils estiment que le libre-échange est une bonne chose. C'est encourageant. Ces deux ministres vont devoir affronter leurs collègues du Cabinet qui ont montré de bien des façons par le passé qu'ils ne sont pas aussi convaincus des principes du libre-échange. Je songe à la ministre du Patrimoine canadien, au ministre de l'Industrie et à plusieurs autres membres du Cabinet.

Nous espérons que la voix, le point de vue, les convictions que les deux ministres ont exprimées ce soir prévaudront au Cabinet, car la question est très importante.

Je voudrais revenir sur certains propos tenus plus tôt au cours du débat et expliquant comment le commerce peut accroître la prospérité économique, aider les gens non seulement chez nous, mais aussi dans les pays avec lesquels nous signons des accords. Le libre-échange peut être une source de prospérité. Cela peut favoriser le développement de meilleures économies dans les pays qui n'ont pas une économie solide et stable, grâce au libre-échange de biens et de services et même des idées et de la propriété intellectuelle, car certains pourront être récompensés pour leurs idées et leurs initiatives.

Nous pensons que c'est excellent. Nous croyons que c'est un moyen pour les individus d'améliorer leur prospérité, de progresser et d'améliorer leur vie et celle de leur famille, peu importe dans quel pays ils habitent.

Je pense que nous devons établir clairement notre souveraineté dans tous les accords, notamment en matière de santé et de culture. Nous devons veiller à protéger les ressources naturelles. L'eau est une question très importante qui doit être traitée avec beaucoup de clarté dans tout accord dont nous sommes partie.

Je me permets de citer un leader mondial qui est venu nous rendre visite à la Chambre en février dernier. Tony Blair, premier ministre de Grande-Bretagne, a déclaré:

    Et pour conclure, je voudrais ajouter quelques mots à propos du commerce. Enfin, il est temps, je crois, que nous commencions à débattre vigoureusement et clairement des raisons pour lesquelles le libre-échange est une bonne chose. C'est la clé de la création d'emplois pour nos gens, la clé de la prospérité et la clé, en fait, du développement des régions les plus pauvres du monde. L'argumentation contre le libre-échange est maladroite; pire, elle est injuste. Aussi sincères que soient les protestations, elles ne doivent pas nuire à une démarche rationnelle. Nous devrions commencer à l'affirmer avec force et détermination.

Nous sommes certainement d'accord avec le premier ministre. Nous invitons les députés de tous les partis à étudier sérieusement l'argumentation contre une plus grande libéralisation des échanges et le résultat qu'elle risque d'entraîner sur ceux que nous disons vouloir aider et qui se situent tout au bas de l'échelle économique. Si nous retirons le libre-échange de l'équation, quelle sera la solution de ceux qui préconisent une économie fondée sur le tarif ou une approche protectionniste dans nos relations économiques et commerciales? Quelle sera leur réponse?

Les réponses que j'ai entendues ne sont pas très fortes. Elles ne sont pas imbibées de logique. À bien des égards, ce sont des faux-fuyants, comme l'argument selon lequel nous ne pouvons participer à des accords de libre-échange sous prétexte que notre souveraineté ou notre démocratie en souffrira.

Je crois qu'en renseignant bien la population sur le sujet, nous pourrons intégrer dans le processus les réponses aux inquiétudes qu'éprouvent les gens à cet égard. Nous pouvons y arriver lorsque nous travaillons ensemble et lorsque nous donnons aux gens l'information et la possibilité d'examiner ouvertement tout l'éventail de solutions possibles. Selon nous, c'est la meilleure façon de faire, même quand il y a des inquiétudes.

 

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C'est un peu comme si on avait une vision. Si nous savons que nous pouvons améliorer notre sort, et au bout du compte celui de nos concitoyens, de nos partenaires commerciaux et des citoyens des pays avec qui nous faisons des échanges, vaut-il la peine d'entreprendre la route? Vaut-il la peine de nous mettre au travail? Vaut-il la peine ou non de négocier et de passer des heures à élaborer une méthode fondée sur des règles commerciales? Les citoyens veulent des réponses à cette question fondamentale. Ils veulent un débat. Dans le passé, la majorité a accepté d'aller de l'avant sur ces questions. Quelles sont les autres solutions? À mon avis nous tenons une bonne solution.

Le libre-échange est une réalité économique positive pour notre pays et nos partenaires commerciaux. Il ouvrira des portes à ceux qui ont besoin d'aide. Si nous prêchons par l'exemple en prenant en compte les préoccupations des gens, nous pouvons aller de l'avant car au bout du compte nous savons que nous aurons un meilleur sort.

Le sort de nos concitoyens et des citoyens de nos partenaires commerciaux s'améliorera. Nombre de gens deviendront prospères. C'est un but valable à poursuivre, et nous pouvons nous y mettre ensemble en mettant les différences de côté. Il est évident que nous ne pouvons pas nous entendre sur tout, mais nous pouvons élargir notre vision et défendre une cause meilleure puisque nous savons que nous allons améliorer notre sort.

M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai vraiment apprécié les observations très éloquentes de mon collègue dans le cadre de ce débat.

Il est intéressant de constater que les députés du Nouveau Parti démocratique ont parlé de gagnants et de perdants dans ces accords commerciaux. Ils craignent que le Canada soit perdant, et ils se sont rangés dans le camp des contestataires, ce qui est bien dommage.

Si l'on se reporte avant 1988, on se souviendra que plusieurs membres du gouvernement actuel s'opposaient à l'accord de libre-échange proposé par les conservateurs. Des députés d'alors, dont le premier ministre, le ministre de l'Industrie et la ministre du Patrimoine, s'étaient tous rangés dans le camp des opposants à l'accord. Ils se sont opposés a un accord de libre-échange qui a été un gage de grande richesse et de prospérité pour notre pays. Cet accord a permis à l'industrie de l'élevage de plus que doubler en Alberta, et l'industrie de la haute technologie s'est aussi développée à Ottawa. Le secteur financier et celui des services ont également connu un essor à Toronto et à Vancouver.

Tout cela a provoqué un vent de prospérité partout au Canada. Toutefois, les membres du parti ministériel actuels ont été très nombreux à dénoncer cet accord en 1988 et à se rallier à ses opposants. N'est-ce pas curieux ce que quelques années peuvent faire?

Mon collègue pourrait-il nous dire pourquoi, à son avis, les ministres et les autres députés du parti ministériel se sont apparemment ravisés de la sorte sur cette question fondamentale très importante qu'est le libre-échange?

M. Grant McNally: Monsieur le Président, je dirais qu'il y a probablement beaucoup de ministres qui n'appuient pas avec énormément de conviction le libre-échange.

Il semble qu'à l'intérieur du Cabinet, comme dans tout groupe soumis à des divisions internes, ceux qui tiennent au libre-échange sont plus lourds que ceux qui ne sont pas des libre-échangistes convaincus.

J'ajouterai cependant pour faire bonne mesure que, lorsqu'un groupe comme le Cabinet progresse dans un dossier comme celui du libre-échange, il est toujours possible que certains changent d'idée et, en l'occurrence, que le Cabinet revienne à une attitude protectionniste, ce qui serait un net recul sur le plan économique.

 

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Les Canadiens sont innovateurs, créatifs, souples, intelligents et capables se soutenir la concurrence dans tous les domaines, pas uniquement au Canada, mais sur les marchés mondiaux, parce que la plus grande ressource du Canada ce sont les individus compétents et ambitieux. Pour cela, nous pouvons affronter le monde sans crainte et il nous faut un environnement nous permettant de réaliser nos ambitions.

C'est pourquoi l'Alliance appuie le libre-échange depuis si longtemps. Le Canada pourrait faire encore mieux s'il avait une politique gouvernementale favorisant un commerce encore plus libéralisé dans tous les secteurs de l'économie, compte tenu des préoccupations que j'ai exprimées plus tôt. J'espère que le gouvernement actuel ne dérogera pas aux principes du libre-échange pendant la courte période qui lui reste encore avant que nous formions le gouvernement.

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de prendre part à cet important débat où les députés de tous les partis ont l'occasion d'exprimer leurs idées et leurs préoccupations sur cet important processus ainsi que les préoccupations et les idées de leurs électeurs. La Chambre des communes est la tribune où les députés peuvent faire connaître leurs points de vue, et je suis heureux de le faire.

Les Amériques sont une des plus dynamiques régions du monde. Même si leur population de 800 millions d'âmes ne représente même pas le sixième de la population mondiale, elles comptent pour plus du tiers de l'activité économique mondiale. S'élevant à 17 billions de dollars, le produit intérieur brut combiné des Amériques est supérieur à celui de l'Union européenne. Il n'est pas étonnant que les dirigeants de l'hémisphère occidental croient au potentiel des Amériques. Ils savaient que leurs pays pouvaient travailler ensemble plus efficacement sur tous les plans, que ce soit le social, le politique ou l'économique, pour promouvoir la démocratie, le développement et la croissance.

Au Sommet des Amériques de Miami, en 1994, les dirigeants ont souscrit à une déclaration et à un plan d'action exprimant leur engagement commun envers le renforcement de la démocratie et la création d'une plus grande prospérité. Ils se sont également engagés à prendre des mesures pratiques pour améliorer les soins de santé, pour accroître l'accès à une éducation de qualité, pour protéger la biodiversité, pour lutter ensemble contre des plaies comme les stupéfiants et la corruption et pour élargir le dialogue avec la société civile sur les priorités régionales.

Au deuxième sommet à Santiago, en 1998, cette coopération a été élargie. Encore une fois les leaders ont souscrit aux actions visant à favoriser le développement des institutions démocratiques, à protéger les droits de la personne et à améliorer la transparence et le respect de la primauté du droit. Ils se sont entendus sur des directives précises pour le lancement du processus de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques. Une fois mise en oeuvre, la ZLEA sera la plus vaste zone de libre-échange du monde.

Le Sommet des Amériques présente donc de très nombreuses occasions d'élargir davantage l'ouverture du Canada sur l'hémisphère occidental. Avec son potentiel d'accès accru aux marchés pour les exportations canadiennes, la ZLEA est l'une des occasions les plus concrètes sur le front économique.

S'il est un secteur où un nouvel accès aux marchés pourrait entraîner d'énormes bénéfices pour le Canada et les entreprises canadiennes, c'est certainement celui des services. Ce secteur est le moteur de l'économie canadienne. Il génère plus de deux tiers du PIB canadien, près de trois quarts des emplois, soit 10,5 millions d'emplois, et près de 90 p. 100 des nouveaux emplois créés au Canada. Il est le principal agent de transformation de l'économie canadienne en une économie du savoir.

De nombreux employés du secteur des services sont hautement scolarisés et touchent des salaires nettement supérieurs à la moyenne. Les services sont au coeur de l'innovation au Canada. Par exemple, les télécommunications, les services financiers ainsi que les services de soutien technique aux entreprises sont parmi les secteurs les plus novateurs au Canada.

À titre de pays commerçant, le Canada mise sur ses exportations de services pour accroître sa prospérité. Sans compter les investissements directs du Canada à l'étranger dans les entreprises de services, le Canada est le 12e exportateur de services dans le monde, ses exportations à ce chapitre ayant atteint 51,8 milliards de dollars en 1999 seulement.

 

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Des entreprises canadiennes comme SNC Lavalin, Téléglobe, Enbridge et Hydro-Québec comptent parmi les chefs de file mondiaux dans leurs domaines. Leur expertise est recherchée dans tout l'hémisphère.

Les exportations du secteur tertiaire ne représentent que 12 p. 100 de l'ensemble des exportations canadiennes. Les échanges commerciaux du Canada dans le secteur des services augmentent à un rythme plus rapide que ceux du secteur des biens. Étant donné l'importance que revêt le commerce pour notre économie, nous pouvons dire sans crainte d'exagérer que le maintien de notre prospérité ne va pas sans améliorer l'accès des marchés étrangers à nos fournisseurs de services.

Les raisons pour appuyer les exportations canadiennes de services deviennent particulièrement bonnes dans le cas des Amériques. La valeur des exportations de services commerciaux du Canada à destination des pays de la ZLEA, à l'exception des États-Unis et du Mexique, s'élevait à 1,9 milliard de dollars en 1998, alors qu'elle atteignait 787 millions de dollars en 1993. Cela représente une progression annuelle moyenne de 19 p. 100 pendant cette période. Des pays comme l'Argentine, le Chili, le Costa Rica, le Venezuela, la Colombie et le Brésil sont tous des marchés cruciaux, existants ou en devenir, pour les fournisseurs de services canadiens.

Trois secteurs sont particulièrement dignes de mention: les télécommunications, les services financiers et les services d'ingénierie. Le secteur des télécommunications canadiennes connaît un succès phénoménal. En effet, il exporte des services dont la valeur dépasse 2 milliards de dollars par an et emploie quelque 104 000 personnes. C'est ainsi que depuis 1993 la croissance annuelle de ce secteur est supérieure à 9 p. 100.

Les exportateurs canadiens de services de télécommunications sont confrontés à des problèmes d'accès de marché et de réglementation dans certains pays de l'hémisphère en raison, en partie, de l'existence de monopoles dans le secteur des télécommunications ainsi que du manque de transparence, de prévisibilité et d'opportunité dans le processus d'octroi des permis d'exploitation et des licences ou des coûts prohibitifs associés à la délivrance des permis ou aux interconnexions. L'élimination de ces obstacles multiplierait les débouchés à l'exportation des entreprises canadiennes de télécommunications.

Au cours des dernières années, les institutions financières du Canada ont été très présentes en Amérique centrale et en Amérique latine. Parmi les chefs de file se range la Banque de Nouvelle-Écosse, qui fait des affaires en Argentine, au Chili, où sa filiale compte parmi les sept plus grandes banques du pays, au Brésil, au Costa Rica, au Belize, en El Salvador, où elle a 33 succursales, en Guyane, au Panama, au Pérou, en Uruguay et au Venezuela.

Autre bon exemple, la Banque nationale, qui s'est récemment associée à trois sociétés financières d'innovation américaines et à un partenaire chilien sur place pour former le consortium Corp Banca afin d'acheter des institutions bancaires dans les pays d'Amérique du Sud. La même chose s'applique au secteur de l'assurance. Nos sociétés d'assurance ont en fait identifié l'Amérique latine comme un marché en expansion pour l'avenir.

Les services d'ingénierie et autres services connexes représentent un autre secteur où l'expertise canadienne est connue dans le monde entier. Le Canada se classe actuellement au troisième rang mondial des exportateurs de services d'ingénierie. L'excellence des ingénieurs canadiens est reconnue à l'échelle de la planète. Les créneaux commerciaux sont importants, surtout en Amérique centrale et en Amérique latine, où l'expertise des ingénieurs canadiens dans le domaine des projets d'exploitation des ressources naturelles, des ressources énergétiques et d'infrastructure est en forte demande.

À cet égard, la récente acquisition par Hydro-Québec de la société Transelect du Chili, qui possède 50 p. 100 des lignes de transmission électriques chiliennes, est un bon exemple du genre de créneaux commerciaux offerts par les pays de l'hémisphère occidental. C'est la raison pour laquelle le Canada participe activement aux négociations relatives aux services dans la Zone de libre-échange des Amériques.

Le Canada a fort à gagner de l'instauration d'un ensemble exhaustif de règles sur le commerce et les services dans le cadre de l'ALEA. Pour ce qui est des négociations relatives aux services, il vise généralement à trouver un meilleur accès au marché pour les fournisseurs canadiens de services dans le contexte d'un ensemble de règles transparent et prévisible. Pour l'élaboration des règles relatives aux services dans le cadre de l'ALEA, le Canada sera guidé par ses actuels droits et obligations en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain, de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et de l'Accord général sur le commerce des services de l'OMC.

Il est possible d'atteindre ces objectifs sans menacer les valeurs chères à tous les Canadiens. Le chapitre de l'ALEA sur les services permettra aux pays de demander des exceptions pour les mesures qu'ils souhaitent conserver. En outre, et je voudrais que cela soit très clair, rien dans ces négociations ne compromettra nos systèmes de santé et d'éducation. Ils ne sont pas négociables.

 

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Encore aujourd'hui, au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, nous avons entendu colporter des rumeurs alarmistes. Il est absolument faux et inexact de dire que notre système de santé publique et notre système d'éducation sont sur la table. Ils ne sont pas négociables.

J'ai montré à quel point les services et leur exportation dynamisent l'économie canadienne. J'ai montré comment les télécommunications, les services financiers et le génie au Canada, pour ne nommer que ces trois secteurs, concurrentiels à l'échelle mondiale, regardent du côté des Amériques afin d'accroître leur part du marché. J'ai tenté de montrer comment nous allons façonner les règles du jeu afin de réaliser nos objectifs sans compromettre ce qui nous tient à coeur.

À l'instar des dirigeants de l'hémisphère, mettons notre confiance en nos capacités et en celles de notre région. Nous affichons dorénavant la stabilité, la transparence et la croissance économique voulues pour que le commerce augmente et fleurisse. Les pays de la région font de bons partenaires économiques pour le Canada et les uns pour les autres. La ZLEA représente pour nous tous un vote de confiance en notre avenir commun.

Je suis heureux de l'occasion de participer au débat. Je puis affirmer à la Chambre que le ministre du Commerce international, le ministre des Affaires étrangères et moi-même prenons bonne note des arguments que soulèvent nos honorables collègues ce soir.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, je m'inquiète au sujet de la diversité culturelle et du maintien de la culture canadienne dans le cadre de la ZLEA ainsi que dans le contexte plus vaste de l'OMC.

Nous savons que les Américains ont énoncé leur position de négociation qui prévoit de mettre la culture sur la table, de viser intégralement le secteur culturel et d'appliquer de façon exhaustive le statut de la nation la plus favorisée et le traitement national.

À l'heure actuelle, les coalitions culturelles au Canada et ailleurs dans le monde s'enthousiasment à l'idée d'avoir un nouvel instrument culturel international distinct de tous les autres accords commerciaux. Nous savons également qu'un accord culturel distinct demeurera lettre morte si le gouvernement a les mains liées par certaines clauses de la ZLEA, comme le statut de la nation la plus favorisée et le traitement national. À mon avis, notre capacité de subventionner nos industries culturelles, de garantir le contenu canadien, de protéger notre société de radiotélédiffusion au public, et ainsi de suite, serait compromise.

Le gouvernement peut-il garantir que nos négociateurs ne braderont pas la culture canadienne en permettant l'application généralisée à tous les services de la règle de la nation la plus favorisée?

M. Pat O'Brien: Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je répondrai à la député, avec qui j'ai siégé pendant un certain temps au Comité du patrimoine canadien. Pour répondre à sa question avec tout le respect que je lui dois, je pense qu'elle sait pertinemment que le gouvernement a toujours défendu sans relâche les industries culturelles canadiennes.

Des institutions importantes comme la Société Radio-Canada ou notre secteur des périodiques témoignent des nombreuses luttes que nous avons menées pour défendre les industries culturelles canadiennes; voilà une réponse très éloquente à la question de la députée.

Une importante discussion a cours au sujet d'un instrument culturel international, et le gouvernement y participe pleinement. Le gouvernement soutiendra vigoureusement le maintien de notre culture. Il est très sensible à la menace qui pèse sur notre culture étant donné que nous vivons à côté d'un géant. Nous ne pouvons rien y changer. Le gouvernement a toujours défendu ardemment la culture canadienne et il continuera de le faire.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'aurais deux questions à poser au député. L'un des aspects les plus préoccupants que bon nombre d'entre nous, qui sommes opposés à la ZLEA proposée, avons soulevé a trait à l'application des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA relatives aux différends entre investisseurs et États à l'ensemble de l'hémisphère.

Nous savons que ces dispositions se sont avérées profondément antidémocratiques. Certaines sociétés s'en sont servies pour remettre en question des politiques qui avaient été adoptées démocratiquement au niveau local, provincial ou national dans des domaines comme l'environnement et les soins de santé.

J'aimerais que le député qui vient de prendre la parole m'explique pourquoi le Canada n'a apparemment aucune position sur cette question absolument cruciale des dispositions régissant les différends entre investisseurs et États énoncées au chapitre 11 de l'ALENA? Le ministre nous a dit à maintes reprises que les Canadiens n'avaient qu'à aller consulter le site Web du gouvernement pour connaître la position du Canada à ce sujet.

 

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J'ai justement devant moi un extrait tiré du site Web du gouvernement qui dit ceci à propos de la question de l'investissement:

    Résumé de la position du Canada: À ce jour, le Canada n'a soumis aucune proposition au Groupe de négociation sur l'investissement.

Si le gouvernement se préoccupe autant qu'il le dit des dispositions du chapitre 11 concernant les différends entre investisseurs et États, pourquoi alors n'a-t-il présenté aucune proposition sur cette question absolument cruciale?

Ma deuxième question est très brève. Le député affirme que lors du sommet de 1994, les chefs de gouvernement se sont engagés à faire de leur mieux pour promouvoir la biodiversité dans l'hémisphère. Concrètement, quelles ont été les mesures prises dans le contexte de la ZLEA pour donner suite à cet engagement?

M. Pat O'Brien: Monsieur le Président, en ce qui concerne la première question du député au sujet du chapitre 11 de l'ALENA, le député était présent à la Chambre comme moi lorsque le ministre du Commerce international a formulé les mêmes réserves au sujet du chapitre 11, bien qu'il ne soit manifestement pas aussi inquiet que ceux qui estiment que nous ne devrions même pas participer à ce débat international.

Le Ministre a émis des réserves quant à l'extension de la portée des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA qui a résulté de certaines des décisions rendues dans le contexte de ce différend. En fait, le Ministre a dit qu'il serait réticent à signer un accord qui comporterait des dispositions analogues à celles du chapitre 11 de l'ALENA. Sa position est sans équivoque. Je ne sais pas si le député était présent à ces moments-là, mais il est très facile de consulter les propos du Ministre, et je peux m'assurer qu'il obtient...

Le vice-président: Je regrette de vous interrompre, mais beaucoup de députés attendent encore de prendre la parole.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion ce soir de participer à cet important débat. Le troisième Sommet des Amériques, qui aura lieu prochainement à Québec, vise entre autres, à amener une plus grande prospérité dans les Amériques en favorisant la libéralisation des échanges et surtout l'avancement de la démocratie dans l'hémisphère et, notamment, en fournissant à chacun la possibilité d'exploiter pleinement son potentiel. Vu l'importance de ce sommet, il faut garder ces vastes objectifs à l'esprit et veiller à ce que le gouvernement du Canada défende les intérêts de tous ces citoyens dans la réalisation de ceux-ci.

Je vais discuter de certains points qui n'ont pas été abordés en profondeur ce soir. Commençons par le processus. J'ai attaché beaucoup d'importance, dans le passé, aux processus et à la participation du public, et je trouve fort intéressant le degré de transparence et de participation qui anime cette démarche en faveur de la libéralisation des échanges dans les Amériques. J'aimerais faire part, à la Chambre, de mes observations au sujet de la façon dont les choses se sont déroulées jusqu'à maintenant et des améliorations qu'il y aurait peut-être lieu d'apporter.

J'ai eu à m'occuper de dossiers d'intérêt public au Canada et à l'étranger, et jamais je n'ai vu un processus aussi transparent et ouvert que celui que nous offre l'exécutif du gouvernement du Canada, qui peut seul négocier les traités internationaux de ce genre—c'est un fait que nous devons reconnaître.

Bien entendu, il revient aux gouvernements fédéral et provinciaux d'analyser et d'adopter les lois qui peuvent s'avérer nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de tout traité. C'est là leur obligation. Cependant, malgré le rôle de premier plan du pouvoir exécutif, le gouvernement du Canada a fait montre d'une transparence inégalée et fourni des possibilités sans pareil de participation au processus au moyen de réunions ministérielles fédérales, provinciales et territoriales, de consultations, de réunions publiques organisées dans tout le pays, et de la création d'un site Web qui présente toutes les positions du Canada dans les négociations à ce jour. Ce site existe depuis un an, et nous continuerons d'essayer d'y verser tout ce que le gouvernement du Canada entend proposer.

Nous avons accueilli ce mois-ci à Ottawa le Forum interparlementaire des Amériques, qui a réuni des parlementaires de tout l'hémisphère venus discuter des questions qui seront abordées au prochain sommet. Nous tenons ce débat ce soir. Le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international a comparu devant un comité permanent du Parlement pour répondre à des questions et présenter les propositions canadiennes.

 

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Avant même d'arriver à Québec, nous avons obtenu une très vaste participation du public et la communication des positions de négociation. Lorsque nous arriverons à Québec, nous pourrons compter, et le Canada a donné l'exemple à cet égard, sur la pleine participation d'un comité de la société civile dans toutes les discussions sur le libre-échange des Amériques. Et cela sera encore plus évident à Québec.

Comme nous l'avons entendu dire ce soir, le second sommet populaire des Amériques se déroulera parallèlement aux réunions des chefs de gouvernement et des chefs d'État à Québec. Le gouvernement finance ce sommet à raison de quelque 300 000 $ et le gouvernement du Québec y consacre 200 000 $. Il s'agit là d'importantes possibilités qu'il ne faudrait pas négliger. Dans les accords commerciaux internationaux, elles prennent une importance sans précédent.

J'aimerais vous parler d'une plainte importante formulée par les Canadiens au sujet de ce processus, à savoir que les positions et les textes de négociation intégraux des autres pays n'ont pas encore été rendus publics. Le Canada a été le premier à rendre sa position publique, puis les États-Unis, le Mexique et le Costa Rica lui ont emboîté le pas. À la réunion de planification qui se tiendra à Buenos Aires dans deux semaines, le Canada fera valoir que les autres pays devraient également rendre publics le texte complet de leur cadre et de leurs positions de négociation. Le Canada continuera d'être un chef de file et un modèle à cet égard.

Le Canada ne le fait pas par altruisme ou perspicacité. Dans la gouvernance moderne, il n'appartient pas uniquement à un gouvernement ou à un pays donné de gérer les affaires publiques: la société civile et les forces du marché y participent également. Il n'est tout simplement pas possible de recueillir la meilleure information ni de prendre et d'appliquer les meilleures décisions si l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques ne font pas l'objet d'une vaste participation et de transparence. Le Canada donne un bon exemple de ce genre de leadership.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la sécurité et de la liberté. Les Canadiens accordent à leurs droits politiques et civils et à leurs libertés une importance peut-être supérieure à toute autre chose dans la société. Nous les prenons très au sérieux et nous exigeons qu'on les respecte. Cela ne nous empêche pas d'aimer vivre dans un climat de sécurité et de protection et de l'exiger. C'est pourquoi nous confions à nos forces policières la lourde tâche de veiller à ce que nos droits soient respectés et à ce que notre comportement soit approprié à cette fin.

Un mot maintenant sur la tenue du sommet à Québec. La sécurité est un défi complexe et préoccupant pour les autorités policières à Québec. Trente-quatre chefs de gouvernement et chefs d'État participeront au sommet. Le Vieux Québec possède des caractéristiques topographiques très particulières, comme l'a souligné hier le maire de la ville. Il risque de survenir des blessures lors des grands rassemblements en raison de l'étroitesse des rues et des côtes.

Le maire de Québec a insisté pour dire qu'il fallait que la police assure la sécurité afin que le sommet ne dégénère pas comme lors des deux réunions tenues par l'OMC à Seattle. Pour les personnes qui voulaient exercer publiquement leur droit de manifester et de s'exprimer librement à Seattle, la plus grande menace est venue d'une poignée d'individus venus semer la confusion et jeter le discrédit sur la majorité. Nous confions aux corps policiers le soin de faire respecter l'ordre, mais cela représente un défi de taille, et nous devons délimiter certains périmètres. Je ne sais pas si les clôtures sont trop hautes ou si la zone est trop vaste, mais nous devons avoir confiance que les services policiers sauront assumer leurs responsabilités et prendre les décisions opérationnelles difficiles qui s'imposeront.

J'aborderai finalement la question du commerce et de la démocratie. Nous avons beaucoup entendu parler ce soir, des deux côtés de la Chambre, de l'importance du commerce pour le Canada et de la prospérité que nous en avons retirée. Il me semble que plus le commerce se fait librement, plus la prospérité est grande. C'est dans l'ordre des choses. Le gouvernement du Canada a indiqué d'emblée qu'il devait agir de manière responsable pour que nous ne nous engagions pas dans des accords de libre-échange en sacrifiant nos services de santé ou d'éducation, nos services sociaux ou notre intégrité culturelle.

 

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Cela dépasse nos propres intérêts. Le commerce est une question d'équilibre. Il s'agit de profiter des avantages économiques offerts par le libre-échange à l'échelle mondiale sans pour autant négliger nos responsabilités globales. C'est pourquoi le gouvernement du Canada s'est engagé à ce qu'on n'avance pas dans le sens du libre-échange aux dépens de l'intégrité de l'environnement, des droits de la personne, de la démocratie et de l'éducation. Le gouvernement a comme objectif de montrer au monde entier que tous les habitants de cet hémisphère ont toutes les chances de s'épanouir pleinement en tant qu'humains.

Regroupons-nous, comme parlementaires et comme Canadiens, pour que le gouvernement du Canada respecte les obligations qu'il a envers nous tous afin que le potentiel humain soit réalisé au-delà de nos frontières de la même manière qu'il l'est chez nous.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention le discours de mon collègue et cela me rappelait le soir de l'élection du 27 novembre. Tout au long de la campagne électorale, je ne m'imaginais pas en train de dire à mes électeurs: «Vous savez, s'il y a un accord sur la Zone de libre-échange des Amériques, nous allons laisser cela entièrement entre les mains du gouvernement et le Parlement n'aura qu'à approuver la situation par la suite.»

Est-ce que le député pourrait nous dire s'il souhaite, comme le premier ministre du Québec s'y est engagé à l'Assemblée nationale du Québec, qu'ici, dans ce Parlement, nous puissions adopter l'accord qui résultera des négociations, avant qu'il ne soit effectivement opérationnel et qu'il engage le gouvernement du Canada?

[Traduction]

M. Stephen Owen: Monsieur le président, nous devons apprécier la chance que nous avons ce soir de débattre de ces questions. Nous devons faire connaître notre point de vue et celui de nos électeurs quant à ce que devrait contenir le traité. Nous devrions débattre de ce qui est fondamental dans ce traité et tout traité parallèle pouvant porter sur d'autres questions liées à nos relations avec d'autres pays.

Comme parlementaires, nous avons cette chance. Au sein des comités permanents, nous avons eu l'occasion d'interroger le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international. Nous avons également pu rencontrer les parlementaires d'autres pays de l'hémisphère afin d'examiner les dossiers du sommet à venir.

En tant que parlementaires, et non seulement comme citoyens, nous pouvons tirer parti des possibilités de discussion et de l'information disponible. Il s'agit là de la meilleure chance que nous avons de contribuer, non seulement en tant que parlementaires mais, ce qui est peut-être plus important, en tant que Canadiens, à la négociation et de communiquer de l'information et des conseils aux membres du gouvernement qui sont chargés de négocier les traités internationaux.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le président, l'honorable député de Vancouver Quadra a parlé de démocratie, de transparence et de consultations sans précédent que son gouvernement a tenues auprès des Canadiens en ce qui concerne la ZLEA.

L'honorable député aurait-il l'obligeance de nous entretenir sur la commandite du prochain sommet des Amériques par les grandes entreprises? N'est-il pas d'accord pour dire qu'il est quelque peu obscène que ces dernières puissent acheter leur place dans le Saint des Saints du sommet? Pour 500 000 $, on leur permet de prononcer un discours à la réception d'ouverture. Pour quelque 75 000 $, elles peuvent choisir le leader auprès duquel elles seront placées lors d'un déjeuner.

N'est-ce pas là une perversion de la démocratie? Comment l'honorable député peut-il évoquer le grand triomphe de la transparence et de la démocratie alors que seules ont accès au sommet de riches entreprises capables d'y mettre le prix et que la société civile est tenue à l'écart au moyen d'un périmètre de sécurité de quatre kilomètres? Comment le député peut-il qualifier cela de démocratie?

M. Stephen Owen: Monsieur le président, je n'en crois pas mes oreilles lorsque j'entends l'honorable député mettre en doute la démocratie au Canada avec autant de véhémence. C'est un outrage, une insulte à la Chambre, aux libertés dont nous jouissons et aux privilèges démocratiques que nous exerçons.

 

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Quant à la question, le député parle d'achat d'accès privilégié. Nous avons parlé, à la Chambre, ce soir et auparavant aussi, du Comité de la société civile qui prêtera son concours, et de la possibilité d'accès aux négociateurs dans le processus de libre-échange des Amériques. Nous savons que c'est un long processus, qui se déroulera tout au long des trois prochaines années. Il ne s'agit pas seulement d'une réunion, avec un seul accès.

Cependant, le recouvrement des coûts présente aussi un intérêt économique. C'est devenu chose courante, dans les rassemblements internationaux autour du globe, de comptabiliser les grandes dépenses publiques et de tenter quelque peu de recouvrer les coûts. Quant à savoir si ça déborde des limites de la convenance, je n'en sais trop rien. Il est peut-être bon de tenir le débat public que nous avons en ce moment et de soulever la question de savoir si ce serait pertinent à l'avenir. Cela met en lumière l'opportunité que présente le débat.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que je partagerai le temps qui m'est alloué avec le député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques.

Dans un peu moins d'un mois, soit du 20 au 22 avril prochain, 34 chefs d'État et de gouvernement élus démocratiquement d'Amérique du Nord, d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale et des Caraïbes, à l'exception de Cuba, se réuniront à Québec dans le cadre du troisième Sommet des Amériques.

Brièvement, les thèmes qui seront abordés lors de cette rencontre toucheront, entre autres, au renforcement de la démocratie, où il sera question de promouvoir la paix et la sécurité des sociétés. Un autre sujet de discussion a pour thème: «Réaliser le potentiel humain». Dans cette thématique, il sera question de lutter contre la pauvreté et de faire la promotion de l'éducation et de la formation; il sera question également de droits sociaux. Un autre thème touchera la «connectivité» de la communauté. Dans ces discussions, il sera question d'Internet et des nouvelles technologies. Et pour terminer, le thème qui, nul doute, sera le plus discuté est celui qui porte le nom de: «Créer la prospérité». C'est là où nous retrouverons les négociations de la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA.

La ZLEA est un défi extraordinaire. Cette zone de libre-échange va nous donner de nouvelles opportunités économiques, bien sûr, mais aussi humaines. C'est l'ouverture vers les Amériques, vers de nouvelles cultures; c'est aussi faire la connaissance de nouveaux peuples et de nouvelles pratiques économiques, sociales et politiques. C'est un flot de 800 millions de personnes avec un produit intérieur brut combiné de quelque dix billions, dix mille milliards de dollars américains.

Cela étant dit, cette pratique économique du libre-échange est loin d'être une panacée, un remède qui va guérir tous nos bobos. Regardons un peu vers l'arrière. Projetons-nous dans le passé avec l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, qui a couvert une zone économique entre la nation du Québec, le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Malgré certains apports positifs de cet accord, il n'en demeure pas moins que la création de cette zone de libre-échange n'a pas empêché certains malheurs comme la crise du peso mexicain, l'appauvrissement et l'accroissement des disparités sociales, l'augmentation de la misère humaine, la hausse du nombre de travailleuses et de travailleurs au salaire minimum, sans conditions et avantages sociaux, ou en ayant très peu, et j'en passe. Pourtant, l'ALENA était bien supposé avoir comme conséquence le contraire de ce qui se produit présentement.

Donc, allons-nous suivre l'exemple de l'ALENA? Désirons-nous étendre et accroître la misère humaine? Bien sûr que non. Il faut tout faire pour ne pas en arriver à un tel résultat. Si tel était le cas, il serait hors de question, pour le Bloc québécois, d'appuyer la mise sur pied d'une telle zone de libre-échange.

L'autre question qu'il faut se poser est la suivante: le gouvernement libéral a-t-il le désir profond et véritable, quitte à se retirer de la table de négociation, de mettre tout en oeuvre afin d'éviter cet appauvrissement qu'on a connu avec l'ALENA? Il y a grand lieu d'en douter.

Il y a lieu d'en douter, parce que le gouvernement fédéral nous cache beaucoup trop de choses, principalement les textes de base servant à la négociation de la ZLEA. Soyons clairs, ces textes sont la principale position du Canada dans les négociations.

 

. 2235 + -

Ces textes risquent de changer nos vies et la seule chose que le ministre trouve à dire, c'est: «Faites-moi confiance aveuglément». Comme si nous, parlementaires et société civile, n'étions pas en mesure de juger de la validité et du contenu de ces textes.

Comment voulez-vous que les parlementaires et la société civile fassent confiance à un gouvernement qui négocie à notre place une entente qui risque fortement de changer nos vies, et tout cela en cachette? Comment allons-nous faire pour juger du bien-fondé et de la justesse de ces négociations? La réponse est simple: en étant mis devant le fait accompli. Cela, en démocratie, est absolument inacceptable. Les gens du comté de Laurentides ont le droit de savoir ce qui se trame derrière les rideaux.

Il est maintenant juste de dire que le gouvernement libéral ne désire pas prendre l'initiative et faire preuve de leadership, comme l'ont fait les États-Unis, et montrer à sa population les textes de base de la négociation de la ZLEA.

Maintenant, pour ce qui touche aux questions sociales, il y a lieu de douter de la bonne volonté du ministre du Commerce international de vouloir traiter de façon prioritaire les questions sociales dans les négociations. Quand je vois la position et les orientations de ce ministre face à ces questions, la clarté est loin d'être de mise.

Je veux faire référence au témoignage du ministre du Commerce international devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, le 14 juin 2000. Lors de sa comparution devant ce comité, le ministre affirmait, et je cite:

    Je crois qu'il est très important de distinguer le progrès que nous faisons sur le dossier du commerce et de ne pas le lier inextricablement à toutes les questions environnementales et des normes de travail.

Les pensées du ministre se précisent de plus en plus. Non seulement il ne veut prendre aucune initiative en matière de droits sociaux et environnementaux, mais en plus, il en ajoute en affirmant qu'il n'y a pas nécessairement de lien entre le commerce et les droits des travailleurs et travailleuses et les questions environnementales.

C'est totalement irresponsable comme affirmation et cela démontre, hors de tout doute, les intentions du ministre. Je dis à la population du Québec et du Canada, de même qu'aux travailleuses et travailleurs: «c'est cet homme qui va négocier à votre place, c'est lui qui va défendre et mettre vos droits sur la table de négociation. Avez-vous confiance?» Moi, je n'ai vraiment pas confiance. Et mon point de vue est partagé par toute la population, sauf, évidemment, les députés de l'autre côté de la Chambre.

On ne peut noter aucune trace de leadership de la part de ce gouvernement et de son ministre du Commerce international sur les questions sociales et environnementales. Ce qu'il dit finalement, c'est qu'on va faire le mouton et suivre le troupeau. Il n'y a aucune initiative de la part du gouvernement.

Toujours au sujet de cette même séance du comité, voici une dernière citation, qui cette fois, informe très clairement la Chambre et la population québécoise et canadienne sur les intentions de ce gouvernement et de son ministre qui va négocier la ZLEA.

Mon collègue et député de Charlesbourg questionnait le ministre du Commerce international à savoir si ce dernier serait d'accord d'inclure dans la ZLEA les droits fondamentaux reconnus par l'Organisation internationale du travail. Voici le contenu de ces sept conventions. Il est important que je les mentionne aux députés.

Les Conventions nos 29 et 105 sont sur l'abolition du travail forcé. Les Conventions nos 87 et 98 concernent les droits syndicaux, de négociation collective et d'organisation syndicale, dont le droit d'élire les représentants syndicaux sans ingérence des employeurs ou des pouvoirs publics, de même que le droit à la grève. Les Conventions nos 100 et 111 s'adressent à l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et l'élimination de la discrimination sur les lieux de travail. La Convention no 138 porte sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, soit l'élimination complète du travail des enfants.

Voici ce qu'a répondu le ministre à la question de mon collègue, et je cite:

    Je crois que le commerce doit rester le plus ouvert possible et que certains pays, pour en venir à être capables de respecter certaines des conventions que vous avez évoquées, ont justement besoin d'économies plus ouvertes que celles qui sont les leurs à l'heure actuelle.

    Nous croyons qu'en nous engageant dans une société donnée, notamment par le commerce, nous avons ultimement une plus grande influence parce que nous lui permettons de se familiariser avec nos valeurs et de connaître un développement économique qui lui permettra d'en arriver là. C'est ce à quoi nous souscrivons. Nous ne voulons pas fermer la porte à un pays qui ne fait pas ceci ou cela. Nous croyons qu'en pratiquant l'isolement ou le rejet à son endroit, nous l'amenons à durcir ses positions envers les valeurs sociales qui nous sont chères et que nous voulons le voir adopter.

 

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Il est maintenant clair comme de l'eau de roche, à la lumière de cette réponse du ministre du Commerce international, que le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de défendre avec vigueur et leadership, dans l'entente de la ZLEA, les droits sociaux de base. C'est inacceptable. C'est même un net recul.

Le Bloc québécois trouve inconcevable une telle position. Je demande au ministre de faire preuve de bonne volonté et de leadership dans ce dossier et de présenter les textes de base qui serviront à la négociation de la ZLEA. Sans ces textes, comment est-il possible pour nous, parlementaires, de même que pour la société civile, d'avoir une véritable opinion afin de pouvoir apporter une valeur ajoutée au débat.

Le ministre du Commerce international va-t-il s'engager à défendre pleinement et sans aucune réserve les droits sociaux fondamentaux si chers à la nation québécoise et aux Canadiens? À quelques jours du début du Sommet des Amériques, nous attendons toujours la réponse. La population a raison d'avoir peur.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma collègue a parlé, dans son discours, de bobos. Je veux juste lui poser une question et écouter ses commentaires. Est-elle d'accord que le seul bobo que nous ayons devant nous, c'est celui de l'isolement? L'isolement est l'ennemi du progrès.

Finalement, la question du libre-échange est un phénomène irréversible. À la fin, il faut qu'on ouvre de nouvelles frontières pour nos produits, que ce soit des produits québécois, des produits ontariens, des produits de la Nouvelle-Écosse ou des produits d'une autre province de notre pays. Il faut ouvrir des frontières pour ces produits.

Qu'un employé travaille à Québec ou à Montréal, il trouvera un bénéfice direct quand nous réussirons à vendre les produits de Québec ou ceux de Montréal au Mexique ou au Chili.

Si on veut parler de la défense des droits des travailleurs, qu'ils soient du Québec ou d'une autre province du Canada, on pourra les défendre beaucoup plus dans un contexte nord-américain, dans un contexte où il y a plus de deux, trois ou quatre pays, que si on le fait de façon isolée, tant au Québec qu'au Canada.

Je veux écouter la réponse de ma collègue et ses commentaires sur ce qui suit: le libre-échange, finalement, veut dire liberté pour les travailleurs et les travailleuses du Québec et ceux et celles du Canada.

Mme Monique Guay: Monsieur le Président, je trouve presque effronté ce que me dit aujourd'hui un député du Parti libéral, le parti qui a voté contre le libre-échange, qui était contre toute possibilité de libre-échange, qui n'avait aucune vision libre-échangiste, alors que c'est nous, au Québec, qui avons poussé le libre-échange et qui avons gagné en bout de ligne.

Le libre-échange ne se fait pas à n'importe quel prix. Des ententes comme la ZLEA ne peuvent pas se faire en catimini et en cachette.

Présentement, nous ressentons un inconfort partout ici, surtout au Parlement, où on trouve des gens de toutes les régions. Le Bloc québécois n'est pas le seul à ne pas être satisfait. Il y a d'autres partis ici, à la Chambre, et il y a d'autres députés qui sont insatisfaits. Je suis convaincue qu'il y a même des libéraux qui ne sont pas contents, parce qu'ils n'ont pas accès aux documents.

On ne négocie pas ainsi une entente aussi importante que la ZLEA qui fera peut-être énormément progresser toute l'Amérique. Il faut qu'elle soit bien faite. Il faut qu'elle soit faite en concertation. Il faut aussi consulter les provinces qui sont incluses là-dedans.

Au Québec, entre autres, on a des situations où on a de l'eau potable en quantité importante. Il ne faut pas que le gouvernement du Canada prenne des décisions qui vont à l'encontre de nos positions environnementales au Québec. Ils n'ont pas le droit de faire cela. Ils n'ont pas le droit de prendre des décisions et, ensuite, de dire: «La décision est prise et vous allez vivre avec elle.» Il n'en est pas question, et on va se battre contre cela.

C'est pour cela que le Québec doit devenir un pays, parce que le Québec est capable de se prendre en main. Le Québec devrait avoir un siège à la ZLEA. Cela se passe chez nous, en plus. C'est très effronté de la part du gouvernement fédéral présentement de venir faire cela chez nous et de ne même pas nous montrer les documents. C'est une honte.

 

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Mais il ne faut pas s'en faire, nous y sommes habitués, au Québec. Nous sommes capables de nous battre et nous allons continuer de le faire. Je garantis que si des décisions contenues dans cette entente vont à l'encontre des lois québécoises, cela va chauffer. Il va falloir que le gouvernement soit beaucoup plus démocratique qu'il ne l'est présentement, qu'il s'assoit avec tous les autres paliers de gouvernement, qu'il soit capable de négocier et que ces décisions ne se prennent pas à l'encontre de l'environnement et des programmes sociaux que nous possédons et que nous chérissons tous ici au Canada et au Québec.

Je pense qu'il faut qu'il y ait ici de la clarté, qu'il y ait une vision d'avenir et qu'il y ait également beaucoup de démocratie. Présentement, cela n'existe pas. J'espère que le débat de ce soir servira au gouvernement, qu'il nous écoutera tous et que le ministre du Commerce international se servira de toutes les notions que nous lui aurons apportées pour prendre une décision et faire une ouverture sur la démocratie en déposant ces documents. S'il n'y a rien dans ceux-ci qui mettent quoi que ce soit en danger, qu'il les mette sur la table, qu'on s'assoit, qu'on les regarde et qu'on fasse cela avec toute la sagesse et toutes les connaissances que nous possédons.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole ce soir dans le cadre de ce débat exploratoire sur l'impact du Sommet des Amériques.

Je pense que le but du débat finalement c'est d'envoyer un message au ministre du Commerce international pour lui dire un peu ce que ce Parlement attend de cette négociation.

Je voudrais rappeler que nous sommes ici parce qu'au mois de novembre dernier, nous avons reçu un mandat de la population. Ce sont ces personnes, qu'elles écoutent le débat ou qu'elles ne l'écoutent pas, qui nous ont confié la responsabilité de défendre leur point de vue sur des sujets qui étaient connus et pour lesquels chaque parti avait fait connaître sa position, mais également sur des sujets qui n'étaient pas nécessairement connus en détail au moment des élections. La population nous a donné un mandat de confiance et c'est ce mandat qu'il nous faut, en bout de ligne, pouvoir exercer.

Ce que les gens souhaitent, par rapport à la négociation de la ZLEA, c'est que nous puissions, comme parlementaires, surveiller la négociation de façon adéquate, donc de connaître quelle est l'évolution de la négociation, de quelle façon nous nous dirigeons vers un accord pour éviter de se retrouver devant une surprise comme nous en avons eu dans la négociation de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement.

En effet, l'accord a échoué à la dernière minute parce que, soudainement, on s'est rendu compte que les États devenaient au service des multinationales plutôt que d'obtenir le résultat inverse par lequel les États puissent vraiment contrôler les conditions dans lesquelles ils veulent que le libre-échange se fasse dans le futur.

C'est cette condition qui est posée par ceux et celles qui nous ont donné des mandats afin que nous aboutissions à des accords qui permettent certainement un meilleur accès aux marchés. Dans l'Accord de libre-échange nord-américain, nous avons vécu la preuve qu'il y avait des intérêts positifs à développer le libre-échange. Par exemple, pour ma région, il y a des aspects intéressants en ce qui concerne les exportations.

En même temps, cette expérience nous a enseigné qu'il fallait s'assurer que le cadre dans lequel le libre-échange va se réaliser en ce qui concerne les conditions de travail et les conditions sociales et environnementales soit bien défini. Sinon, nous risquons d'empirer la situation, de créer des situations dans lesquelles finalement nous accroissons la pauvreté. Même si la croissance augmente, il faut en même temps également—c'est notre responsabilité de parlementaires—s'assurer que la répartition de la richesse se fasse adéquatement.

À titre d'exemple, j'aimerais parler, comme porte-parole en matière de développement des ressources humaines, de la réforme de l'assurance-emploi que nous avons eue, il y a environ cinq ans, qui a été applaudie par des organismes internationaux comme l'OCDE. Mais nous, nous avons concrètement vu ce que cela voulait dire le fait que le gouvernement canadien décide de se mettre au service d'exigences internationales. Il y avait eu un espèce d'accord tacite pour dire que les régimes d'assurance-emploi devraient, par exemple, accorder une moyenne de 50 p. 100 du salaire moyen en prestations. Alors que chez nous, c'était supérieur à ce pourcentage, nous avons adopté une loi pour être conforme à cette volonté internationale.

Ce qui va être décidé pour la ZLEA va s'appliquer pour les dizaines d'années à venir. Ce sont nos enfants qui vont avoir à vivre dans ce cadre-là. C'est important que nous puissions participer pour qu'il y ait une qualité de débat démocratique.

 

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Ce qu'on entend partout, aujourd'hui, au sujet des gens qui veulent manifester, pacifiquement ou de façon agressive, c'est qu'ils ont la volonté de s'accrocher à ce train pour s'assurer qu'il se rendra à l'endroit où les gens, collectivement, veulent qu'il aille. Ils ne veulent pas se retrouver avec un accord qui fera l'affaire, par exemple, des multinationales et des grands commerçants et qui, en bout de ligne, mènerait à l'appauvrissement de la population. C'est ce genre de message que l'on veut envoyer au ministre.

On sait que le libre-échange vise l'amélioration du commerce. Dans le passé, cela a permis—et on en a des exemples—de prévoir les cas d'exception. Il faut que l'accord de libre-échange laisse suffisamment de place aux plus petites économies par opposition aux plus grandes.

Prenons l'exemple du bois d'oeuvre. Dans l'ALENA, on s'est rendu compte que même s'il y avait un accord de libre-échange, la force du plus gros, du gouvernement des États-Unis, faisait en sorte d'obliger le Canada à en venir à une entente qui viendra à échéance prochainement, et qui n'a pas fait l'affaire de l'ensemble des Canadiens.

Ne faudrait-il pas s'assurer que dans le prochain accord de la ZLEA, il y aura un équilibre défendable entre les plus petits et les plus gros? Je pense que c'est le principe même de vouloir harnacher le commerce international. Oui, il faut faciliter le commerce international et le libre-échange. Il faut aussi que le plus petit de tous les pays qui y seront représentés—malheureusement, le Québec n'y sera pas—puisse avoir un pouvoir devant les instances qui seront créées, un pouvoir d'intervention qui lui permettra d'obtenir des décisions basées sur la loi et non seulement sur la force économique.

Ce que je veux, c'est un accord qui réponde aux volontés des travailleurs de ma circonscription de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, lesquels vivent de l'exportation. Je veux que les travailleurs de l'usine Bombardier à La Pocatière aient un cadre, dans cet accord des Amériques, qui leur permette de travailler, de vendre ce qu'ils fabriquent à l'échelle des trois Amériques. Il ne faudrait pas que ces travailleurs se réveillent un matin et apprennent qu'on veut déménager leur usine dans un pays de l'Amérique du Sud parce qu'on n'aura pas établi des règles du jeu correctes en ce qui a trait aux conditions de travail et parce qu'on veut économiser des coûts.

Il faut que ces gens puissent être assurés que le cadre du développement respectera ce qu'ils ont comme droits en tant que travailleurs. Il faut aussi que les entreprises de haute technologie sentent ce type de situation. Il faut que nos agriculteurs, qui sont peut-être les gens les plus insécurisés face aux éventuels accords de libre-échange, se sentent rassurés.

Cela ne veut pas dire que ce qui se discutera à Québec transformera vraiment la situation. Par contre, cela veut dire que les gens qui ont, par exemple, développé des systèmes comme la gestion de l'offre dans le domaine des produits laitiers, seront assurés d'avoir leur mot à dire avant qu'on ne change le système. Il faut qu'ils sentent que leurs parlementaires pourront s'exprimer, pourront dire ce qui leur apparaît pertinent et pourront intervenir.

Je parlais du bois d'oeuvre tout à l'heure. Ce que j'en dis est aussi vrai pour toutes les entreprises forestières.

Je voudrais aussi qu'on ait un accord qui permette au gouvernement du Québec de continuer à intervenir lorsqu'il le juge pertinent, afin de ne pas se retrouver dans des situations où, suite à l'application de cet accord, on interdira l'usage d'outils qu'on a développés, tels que la Caisse de dépôt et placement du Québec, Investissement Québec ou tout autre outil de développement.

Il y a 30 ans, il y avait des raisons d'être souverainistes au Québec. On voulait vraiment mieux contrôler notre univers interne, l'univers du Québec. On sentait que beaucoup de nos pouvoirs nous échappaient parce que le gouvernement fédéral exerçait ses droits dans des champs de compétence qui n'étaient pas les siens. De plus, il continue à intervenir régulièrement dans des champs de compétence qui ne sont pas les siens. En raison de son immense pouvoir financier, il met aussi de l'avant des programmes qui ne sont pas nécessairement dans la logique des programmes du Québec.

Mais aujourd'hui, quand je parle à mes enfants, surtout à ma fille de 17 ans, ce qu'elle veut savoir et la raison pour laquelle elle est souverainiste, c'est beaucoup plus parce qu'elle veut s'assurer que le Québec aura sa place dans tous ces accords internationaux qui vont se faire au cours des prochaines années.

À mon avis, il y a un message très pédagogique en ce qui a trait à la ZLEA. On sait que des pays comme le Costa Rica et le Panama seront présents à la table de négociation et qu'ils feront connaître leurs points de vue, alors que le Québec—terre du seul peuple francophone d'Amérique vivant une réalité très particulière dans les Amériques—est obligé de quémander pour que son point de vue soit considéré par le gouvernement du Canada.

 

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Je pense que nous avons là un argument fondamental, un argument de poids pour demander aux Québécois et aux Québécoises: «Lorsque vous aurez à décider si vous voulez finalement avoir un État souverain, vous pourrez considérer cette partie-là de la réalité, à savoir que pour les prochaines années et les prochaines décennies, lorsque vous voudrez que quelqu'un prenne la parole au nom du Québec, voulez-vous que ce soit quelqu'un qui représente tout le temps 75 p. 100 de gens qui viennent de l'extérieur du Québec, ou vous voulez quelqu'un qui représente 100 p. 100 des Québécois et des Québécoises, tous ceux et celles qui ont décidé de vivre au Québec?»

Je pense que poser la question, c'est y répondre. On voit, qu'il ne suffira pas dans l'avenir d'avoir le contrôle sur la façon d'organiser les affaires internes du Québec et du Canada. Il faut également avoir le pouvoir d'influencer les décisions qui sont prises à l'extérieur. C'est ce que nous ne retrouvons pas dans la négociation actuelle.

C'est pour cela que, comme parlementaire élu, comme souverainiste élu à Ottawa, je pense que c'est important que nous puissions faire connaître notre point de vue, que l'on permette aux Québécois de faire connaître leur point de vue.

J'espère que le débat actuel permettra au ministre du Commerce international de prendre connaissance du mandat que nous lui donnons et de revenir des différentes négociations en nous assurant qu'il aura défendu adéquatement les points que nous mettons de l'avant.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, franchement, ce que mon collègue vient de dire ici à la Chambre me surprend. Il me faut lui rappeler que ces discussions qui ont lieu présentement ne sont pas contre ce que nous avons. Présentement, nous sommes membres de ce que appelons en anglais «the World Trade Organization». La majorité des pays en font partie. Cet accord que les pays des Amériques, incluant le Canada, les États-Unis et le Mexique, sont en train de négocier, est finalement en conformité avec l'Organisation internationale du commerce. Ce n'est pas quelque chose de contraire.

Ce que cet arrangement va finalement donner aux travailleurs, qu'ils soient du Québec ou d'ailleurs, c'est une opportunité de faire encore mieux, d'avoir une meilleure qualité de vie. Ce n'est pas une question de souveraineté. Mon collègue le sait bien. En Europe, il y a maintenant plus de 12, 14 ou 15 pays de langues, de cultures et d'histoires différentes qui sont en train de parler d'une union non seulement politique, mais aussi économique.

Ici, à la Chambre des communes, nous voyons encore une petite minorité, au Québec et au Canada, qui continue à parler de la question de la souveraineté même si la majorité des Québécois et Québécoises ont déjà dit, à plus d'une occasion, deux, trois ou quatre fois, que tout ce qui les intéressait, c'était une bonne qualité de vie, un bon système de justice, du travail et de l'éducation pour les enfants.

Ils l'ont dit à plusieurs occasions et mon collègue ici parle comme si les Québécois avaient déjà voté pour avoir un pays. La réponse est non. Ils ont déjà voté non à plusieurs occasions. Ils veulent continuer à vivre chez eux. Pour eux, leur chez-nous, c'est le Canada. Chez nous, c'est le Québec, c'est l'Ontario. Chez nous, c'est l'Amérique du Nord, c'est le monde tout entier. Nous sommes tous membres de la même famille. Je suis certain que mon collègue est d'accord avec cela.

Peut-il nous communiquer son opinion à ce sujet?

M. Paul Crête: Monsieur le Président, j'ai écouté l'intervention de mon collègue et cela me fait sourire. Je lui laisserai tout simplement la proposition suivante. Est-ce qu'il accepterait que les Américains le représentent pour négocier l'Accord de libre-échange des Amériques? Est-ce que, pour lui, cela serait normal? Nous avons 85 p. 100 de nos échanges avec les Américains.

Quand il dit que la question de la souveraineté n'est pas importante, serait-il effectivement prêt à dire: «Allez-y les Américains, représentez les Canadiens. Vous pouvez très bien faire cela pour nous. Nous allons vous laisser fonctionner là-dedans.» Je pense que ce n'est pas le cas. Le Canada aspire à avoir une personnalité particulière et le Québec aspire à la même chose.

Je répète qu'en ce qui concerne la culture, nous sommes dans une situation unique dans les Amériques. C'est la seule place en Amérique où il y a un peuple qui parle majoritairement français, qui a une culture francophone en Amérique et qui représente l'ensemble d'une population qui a un modèle de vie différent, une société différente qui n'est pas le Canada, qui est une autre façon de s'organiser.

 

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Je lui rappelle aussi que c'est la troisième élection de suite où les Québécois envoient un message au gouvernement fédéral: on élit une majorité de députés souverainistes au Parlement fédéral. Cela veut dire qu'il y a un malaise, qu'il y a quelque chose qui ne va pas, fondamentalement, et lorsque le gouvernement fédéral veut ignorer cette situation, il ne fait que confirmer qu'il faudrait qu'on sorte de là.

Il a dit que les Québécois ont refusé à quelques reprises de devenir un pays. Je lui rappellerai l'histoire. En 1980, nous avons eu 40 p. 100 du vote et en 1995, nous avons eu 49 p. 100 du vote. Et avec la leçon qui nous est donnée aujourd'hui sur les négociations sur la ZLEA, cela va probablement être la raison principale qui va faire que la prochaine fois, nous en obtiendrons plus de 50 p. 100. Nous allons devenir un pays et nous allons pouvoir porter la voix du Québec partout dans le monde.

[Traduction]

Mme Sarmite Bulte (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce soir, je prends part au débat sur le Sommet des Amériques en tant qu'ex-présidente du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux de la dernière législature et en ma qualité d'actuelle secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien.

Je vais partager le temps qui m'est alloué avec le député de Mississauga-Sud.

Par contre, j'utiliserai le temps dont je dispose pour parler non seulement de la Zone de libre-échange des Amériques, mais également des thèmes du sommet de 2001, de son historique et de ce que nous espérons y accomplir, comme gouvernement, surtout dans le domaine de la diversité culturelle.

Il importe aussi au plus haut point, selon moi, de souligner à ceux qui nous écoutent ce soir que le sommet ne concerne pas que la Zone de libre-échange. En fait, les ministres du Commerce international se réuniront à Buenos Aires, les 6 et 7 avril, pour poursuivre les négociations de la ZLEA en prévision du sommet. Bien que l'intégration économique soit au programme, le sommet ne vise pas qu'à favoriser la croissance économique.

Du 20 au 22 avril 2001, les présidents et premiers ministres des 34 pays de l'hémisphère vont se réunir pour la troisième fois afin d'examiner les plus importants enjeux de la région.

Les dirigeants des 34 gouvernements démocratiquement élus se sont rassemblés pour la première fois en décembre 1994, à Miami, convaincus que de solides partenariats de l'hémisphère favoriseraient la création d'intérêts réciproques, dont la paix, la démocratie, l'intégration économique et la justice sociale.

Au premier sommet, les dirigeants ont fait une déclaration de principe centrée sur quatre grands thèmes: premièrement, préserver et renforcer la communauté démocratique des Amériques; deuxièmement, favoriser la prospérité par l'intégration économique et le libre-échange; troisièmement, éliminer la pauvreté et la discrimination dans notre hémisphère; et, quatrièmement, garantir le développement durable et conserver notre environnement naturel pour les générations à venir.

Le sommet a débouché sur un plan d'action proposant 23 initiatives sur ces quatre thèmes. Quatre an plus tard, les 18 et 19 avril 1998, les dirigeants des 34 pays qui avaient participé au Sommet de Miami se sont réunis une deuxième fois au Sommet des Amériques à Santiago, au Chili, pour poursuivre le dialogue et renforcer la coopération qui avaient commencé en 1994.

En préparation du Sommet de Santiago, le Canada a défini des priorités et pris soigneusement compte des points de vue exprimés par les Canadiens au cours des consultations de la société civile tenues dans six villes du pays en octobre 1997. Les droits de la personne et la démocratie continuent d'être un thème prioritaire pour le Canada et dans le processus des sommets. Notre pays a présenté les propositions civiques pour améliorer des aspects importants de l'administration de la justice dans les Amériques.

Je suis également heureuse de signaler que c'est le Canada qui a fait des questions autochtones un point distinct de l'ordre du jour et qui a jugé important de veiller à ce qu'on accorde une attention particulière aux femmes et aux personnes handicapées.

Le Canada a été partie prenante de tous les sujets débattus au Sommet de Santiago. Le débat a notamment porté sur la façon de lutter contre le trafic de drogues dans l'hémisphère.

Au cours de ce deuxième sommet des Amériques, et je souligne qu'il ne s'agissait que du deuxième, on a amorcé les négociations relatives à la ZLEA, étant entendu qu'elles seraient conclues d'ici 2005.

À Santiago également, le premier rôle que tient le Canada dans la libéralisation des échanges a été reconnu par l'annonce qu'il présiderait les négociations de la ZLEA durant les 18 premiers mois et qu'il accueillerait la cinquième réunion des ministres du commerce de l'hémisphère en 1999. La position du Canada a toujours été et demeure que la création de la zone de libre-échange des Amériques est importante pour la prospérité économique de l'hémisphère et ensuite pour la consolidation de la démocratie dans les Amériques. À la conclusion du sommet de Santiago, la Canada a été choisi pour accueillir le prochain sommet des Amériques en 2001.

 

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En septembre 1998, l'hon. Sergio Marchi, alors ministre du Commerce international, avait demandé au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de lui présenter un rapport sur les positions que le Canada devrait adopter en vue de la négociation d'un accord visant à créer une zone de libre-échange dans les Amériques. La requête du ministre avait été transmise au Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements.

De mars à juin 1999, le sous-comité a structuré ses audiences de manière à pouvoir entendre le plus grand nombre possible de Canadiens qui soient représentatifs d'un large éventail de préoccupations et de points de vue.

Le sous-comité a aussi tenu des audiences conjointes avec le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international lorsque ce dernier s'est déplacé dans tout le pays pour mener une étude sur l'OMC et sur la ronde de négociations du millénaire.

Non seulement le sous-comité a-t-il entendu de simples citoyens, mais il a également organisé des tables rondes d'experts pour débattre des principaux enjeux pour le Canada de la création d'une ZLEA et pour analyser des questions cruciales comme les possibilités et défis qui s'offrent à nous, le développement social et économique des petites économies des Amériques et la préservation de la culture canadienne.

À la fin, 48 témoins avaient comparu devant le sous-comité et 35 mémoires avaient été reçus. En outre, des 394 témoins qui ont comparu aux réunions conjointes du comité permanent, beaucoup ont choisi d'aborder la question de la Zone de libre-échange des Amériques.

En octobre 1999, le sous-comité a déposé son rapport avec 29 recommandations pour aider nos fonctionnaires du commerce à atteindre un résultat servant au mieux les intérêts du Canada. Le comité a également précisé qu'il désirait faire savoir que ce rapport n'était pas final. C'est plutôt le premier d'un examen parlementaire permanent de la ZLEA jusqu'à l'échéance ultime de la conclusion de l'accord, en 2005.

En mars 2000, le ministre actuel du Commerce international a présenté au Parlement les priorités et les objectifs du Canada dans les négociations de la Zone de libre-échange des Amériques.

Jeudi dernier, des fonctionnaires du Commerce international et du Patrimoine canadien ont comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien pour parler de la culture dans le contexte de la ZLEA. Claude Carrière, négociateur en chef du Canada à la ZLEA a confirmé la position selon laquelle nous ne prendrions aucun engagement limitant notre objectif culturel et notre politique culturelle, tout en collaborant avec les autres pays à établir un nouvel instrument de diversité culturelle.

Vers cette date, M. Carrière déposait un projet d'énoncé sur la diversité culturelle en préambule de la déclaration de la ZLEA, projet que j'aimerais vous livrer ici et communiquer aux Canadiens:

    Reconnaissant que les pays doivent conserver leur capacité de préserver, développer et mettre en oeuvre leurs politiques culturelles afin de renforcer la diversité culturelle, étant donné le rôle essentiel des biens et services culturels dans l'identité et la diversité de la société et la vie des individus.

Le principe d'un nouvel instrument international de diversité culturelle a été recommandé dans un rapport du Groupe de consultation sectorielle des industries culturelles sur le commerce extérieur, le GCSCE, en février 1999. Dans son rapport, le GCSCE a recommandé que le nouvel instrument sur la diversité culturelle: reconnaisse l'importance de la diversité culturelle; reconnaisse que les produits et services culturels sont fondamentalement différents des autres produits; reconnaisse que les mesures et les politiques nationales destinées à assurer l'accès à divers produits culturels locaux sont nettement différentes des autres mesures générales; énonce des règles précisant la réglementation et les autres mesures nationales que les pays ne peuvent pas prendre pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique; et détermine comment les mesures disciplinaires en matière commerciale s'appliqueraient ou non aux mesures culturelles qui sont conformes aux règles adoptées.

En 1999, les comités permanents du patrimoine canadien ainsi que des affaires étrangères et du commerce international ont tous les deux approuvé le rapport du GCSCE.

 

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Dans le discours du Trône d'octobre 1999, le gouvernement s'est engagé à définir une nouvelle approche internationale pour appuyer la diversité culturelle dans le monde.

En 1998, la ministre du Patrimoine canadien a invité les ministres de la Culture de nombreux pays à une rencontre internationale pour discuter de l'approche stratégique à adopter en réponse aux pressions de la mondialisation sur l'expression de l'identité culturelle et nationale. Cette rencontre a donné lieu à la création du réseau international sur la politique culturelle.

Au départ, le réseau regroupait 19 membres. Il en compte aujourd'hui 45, et il y d'autres pays qui veulent y adhérer. Toutes les régions du monde y sont représentées.

Ce réseau international sur la politique culturelle est très favorable à la production d'un instrument et il a chargé le ministère du Patrimoine canadien d'assurer la présidence d'un groupe de travail chargé de définir la portée et le cadre d'un instrument pour l'assemblée annuelle de 2001.

Le Sommet des Amériques va bien au-delà des échanges commerciaux. Nous espérons qu'il permettra de donner suite au nouvel instrument international sur la diversité culturelle. J'aimerais également en rappeler les trois thèmes: renforcer la démocratie, créer la prospérité et réaliser le potentiel humain.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, j'ai aussi assisté, comme la députée, aux récentes réunions sur le patrimoine auxquelles a participé le négociateur principal pour la ZLEA.

J'en ai profité pour lui demander où se trouvait le point de connexion entre la culture et le commerce étant donné que nous voyons de nos jours Nike International, Michael Jordan, Benetton et toutes sortes de multinationales, participer à ce qu'ils disent être des entreprises culturelles, et quelle serait leur place dans la culture canadienne. Le président de la réunion a posé la même question, et le négociateur a renoncé à répondre pour raison d'«incompétence». Cette réponse ne m'a pas semblé très rassurante.

Le gouvernement continue de dire que la culture n'est pas sur la table et j'appuie, tout comme de nombreux groupes partout au monde, l'idée d'un instrument international indépendant. La Coalition pour la diversité culturelle, notamment, appuie cette idée. Je veux citer un commentaire de ce groupe où il fait état de ses préoccupations, et j'aimerais entendre la réaction de la députée. Il a dit:

    [On se demande] si le Canada pourra continuer de résister aux pressions exercées par les États-Unis, pressions qui ne feront que croître à mesure que se dérouleront les négociations. Il reste aussi que le Canada doit faire preuve d'une vigilance extrême lors de ces réunions, puisque les États-Unis insisteront sans doute pour faire adopter certains principes généraux s'appliquant à tous les secteurs, quels qu'ils soient. Ces principes pourraient gravement compromettre la capacité d'autres pays de refuser, le moment venu, des engagements précis visant la libéralisation commerciale dans le secteur culturel.

La députée pourrait-elle aborder cette question, qui suscite une grande crainte tant chez moi que chez de nombreux membres des milieux culturels partout au pays?

Mme Sarmite Bulte: Monsieur le Président, je sais que la députée a à coeur de protéger la diversité culturelle du Canada, et elle sait que j'y tiens tout autant.

Jeudi dernier, alors que je rentrais dans ma circonscription, j'ai rencontré R. H. Thomson, un des plus grands acteurs du Canada. Il avait été convoqué récemment à une réunion à Ottawa. D'autres groupes se réunissent sur cette question, outre la Coalition pour la diversité que dirige Robert Pilon. J'ai demandé à Robert Thomson pourquoi il avait été invité à Ottawa. Il m'a répondu avoir participé à une discussion sur le nouvel instrument culturel.

Je connais la position de Robert Thomson, et je suis convaincue que la députée la connaît aussi. Il était contre l'Accord multilatéral sur l'investissement. Il m'a dit par contre à quel point il trouvait extraordinaire que le ministre ait réuni divers groupes pour discuter de ce nouvel instrument. Il m'a assurée que l'une des premières choses que le gouvernement, les particuliers, les organismes et les artistes doivent faire est de réunir tous les pays pour bien définir l'idée d'un nouvel instrument culturel.

 

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Il estime que c'est ce que nous sommes en train de faire petit à petit. Nous sommes passés de 19 à 45 pays. Ce ne sont pas seulement les gouvernements qui auront leur mot à dire, les ONG seront elles aussi présentes à la réunion et parleront de diversité culturelle. J'espère que la coalition sera là elle aussi. Nous devons gagner le plus de monde possible à cette idée. Plus nous pourrons convaincre de pays de l'importance de cet enjeu, le mieux ce sera.

À propos des États-Unis, je sais que notre ministre, si je puis parler bien franchement, ne se laisse pas impressionné par leurs déclarations chocs. Je me plais toujours à citer en exemple les gens qui affirment que nous ne pouvons pas faire telle ou telle chose parce ce sont les États-Unis qui l'ont dit. Nos collègues savent-ils ce que les États-Unis ont dit que nous ne pouvions pas faire? Ils ont dit que nous ne pouvions pas signer de convention sur les mines anti-personnel parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec l'idée. Ils étaient contre parce qu'ils s'inquiétaient au sujet de la Corée du Nord et ils ont dit d'oublier ça parce que nous n'obtiendrions jamais le consensus des autres pays à ce sujet. Or, non seulement nous avons obtenu un consensus pour la signature de la Convention d'Ottawa, mais nous avons depuis ce temps ratifié le traité.

Comme nous l'a dit le ministre des Affaires étrangères aujourd'hui, l'Ukraine, qui ne faisait pas partie des pays signataires originaux, a maintenant entamé des pourparlers avec le ministre des Affaires étrangères pour discuter de la façon dont elle va détruire toutes les mines anti-personnel qu'elle a en sa possession.

Nous ne devrions pas avoir peur des Américains. Inspirons-nous plutôt du travail que nous avons accompli avec la Convention d'Ottawa et le traité sur les mines anti-personnel pour montrer que nous n'avons pas besoin des Américains pour faire valoir notre point de vue et pour rallier les autres pays à notre cause et faire ratifier les ententes que nous estimons importantes pour nous tous.

M. Paul Szabo (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le sommet des Amériques qui doit avoir lieu le mois prochain est le troisième; le premier a eu lieu à Miami en 1994 et le second à Santiago du Chili en 1998.

Ce sommet, dont le premier ministre du Canada est l'hôte, rassemblera les chef d'État de 34 gouvernements démocratiquement élus de l'hémisphère occidental.

Je tiens à répéter ce que la personne qui m'a précédé a déjà dit, parce que c'est important. Les travaux du sommet s'articuleront autour de trois thèmes: le renforcement de la démocratie, thème dans le contexte duquel on abordera les droits de la personne, la justice, les administrations locales, le trafic des drogues illégales, la sécurité et la société civile; la prospérité, qui touche la zone de libre-échange des Amériques, les infrastructures, le travail, l'environnement et la question des inégalités; et enfin l'actualisation du potentiel humain, ce qui recouvre l'éducation, la santé, l'égalité des sexes, les Autochtones, la diversité culturelle et les enfants.

Quand j'ai su qu'on allait débattre de la question à la Chambre, je me suis dit que j'essaierais de traiter d'un sujet qui risque de demeurer à l'arrière-plan, bien qu'il me paraisse personnellement extrêmement important. Je veux parler du rôle que jouent nos enfants dans la mesure où ils peuvent nous amener à instituer des démocraties plus fortes, à accroître la prospérité et à actualiser le potentiel humain.

J'estime que les chefs d'État qui se réuniront au sommet des Amériques doivent faire valoir les principes et les valeurs qui constituent l'essence d'une démocratie, à savoir l'équité, le respect des droits de la personne, le souci d'aider les démunis et la défense des intérêts de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre, particulièrement des générations d'enfants à venir.

Je voulais parler des enfants et de la nécessité de renforcer la famille dans le contexte de la lutte contre la pauvreté. À mon avis, les conditions que l'on retrouve au Canada ne sont pas en soi très différentes de celles que l'on peut observer dans d'autres pays des Amériques. La seule différence est une question de degré.

La pauvreté figure parmi les enjeux les moins biens compris dans les Amériques. Les associations de défense parlent de pauvreté infantile, un sujet qui fait vibrer les cordes sensibles de toute personne soucieuse du bien-être d'autrui. Elles évoquent les images d'enfants affamés traînant dans les rues et signalent que la pauvreté a augmenté de 50 p. 100 au cours des dix dernières années.

Or, comment peut-on être contre l'élimination de la pauvreté infantile? Le fait est que la pauvreté au Canada et dans les Amériques relève davantage du domaine social que du domaine économique.

Nous savons que le Parlement a adopté, en novembre 1989, une résolution prônant l'élimination de la pauvreté d'ici l'an 2000. Il s'agissait en fait de notre premier projet pour le millénaire. Au cours des dix dernières années, cette initiative a été la raison d'être de presque tous ceux qui ont dénoncé la pauvreté au Canada.

 

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Personne ne contestera le fait qu'il s'agissait là d'un geste noble, mais creux et vide de sens. Si je dis cela, c'est parce que si on arrivait à bien comprendre les causes profondes de la pauvreté, on constaterait qu'il impossible, en fait, de l'éliminer.

Les groupes anti-pauvreté sont toujours plus nombreux et plus influents. Ils font état tous les ans, dans leurs rapports, de l'accroissement de la pauvreté au Canada. Ils pressent vivement le gouvernement d'agir. Ils réclament, entre autres, plus d'emplois, d'aide sociale, de logements sociaux et d'avantages fiscaux pour les familles qui ont des enfants, plus de fonds pour la santé et le développement de la petite enfance, une hausse des prestations d'assurance-emploi et plus de services de garde subventionnée.

Ils acceptent universellement le seuil de faible revenu, le SFR, comme on l'appelle, comme mesure de la pauvreté, pour une raison bien simple. C'est une mesure économique qui appelle des solutions économiques. S'ils devaient s'attaquer aux causes profondes de la pauvreté, cela ouvrirait une boîte de Pandore, ce que craignent la plupart d'entre eux.

L'itinérance est aussi devenue récemment un cheval de bataille pour les groupes de défense des démunis. À titre d'exemple, en janvier 1999, un groupe de travail dirigé par Anne Golden a publié un rapport sur l'itinérance dans la ville de Toronto. Affirmant l'existence de solutions réalisables, le groupe de travail a instamment invité tous les paliers de gouvernement à assumer leurs responsabilités.

Cependant, si les députés examinent de près les conclusions du rapport, ils y trouveront certaines statistiques intéressantes. Parmi les itinérants recensés, 35 p. 100 souffraient de maladie mentale, 15 p. 100 étaient des Autochtones hors réserve, 10 p. 100 des femmes brutalisées et, chose importante, 28 p. 100 étaient des jeunes en rupture de famille dont 70 p. 100 avaient été victimes de sévices sexuels ou physiques. En outre, on a constaté que 47 p. 100 des sans-abri vivant à Toronto n'étaient même pas originaires de Toronto. Ils avaient, de fait, migré vers des centres urbains d'un peu partout au Canada. Les personnes qui vivent dans la misère dans les rues de nos villes sont malheureusement des personnes privées d'amour.

Les parents seuls représentent maintenant à peu près 15 p. 100 de toutes les familles canadiennes, mais malheureusement ils sont responsables d'environ 54 p. 100 de la totalité des enfants ou des familles vivant dans la pauvreté. Le taux d'éclatement de la famille est pratiquement de 50 p. 100 lorsqu'on y inclut les ruptures chez les conjoints de fait.

Les incidents de violence conjugale atteignent des niveaux sans précédent. La consommation d'alcool et de drogues dans nos écoles et nos collectivités a augmenté, avec des conséquences tragiques. Les grossesses non désirées chez les adolescentes continuent d'être en hausse. Près de 30 p. 100 des élèves décrochent au niveau secondaire et deviennent des pauvres en puissance.

Statistique Canada et Santé Canada ont conclu que 25 p. 100 des enfants canadiens arrivent à l'âge adulte avec de sérieux problèmes mentaux, sociaux ou de comportement.

Ils représentent le visage de la pauvreté sociale au Canada, laquelle est en grande partie responsable de la pauvreté économique.

Si la pauvreté au Canada est une horreur et une honte nationale, l'éclatement de la cellule familiale est la cause principale de ce scandale. Ceux qui dénoncent la pauvreté mais qui n'expriment pas la même indignation face à l'éclatement de la famille nient tout simplement la réalité.

Cependant, en cette période d'orthodoxie intellectuelle, la famille et sa structure ainsi que son état représentent un champ de mines dans lequel bien peu sont disposés à s'engager. Les groupes antipauvreté ont discrètement évacué la dimension pauvreté sociale. Cependant, si nous ne sommes pas prêts à nous attaquer à la pauvreté sociale dans notre pays, si en fait, nous choisissons de tolérer...

M. Svend Robinson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'hésite à interrompre le député parce que j'écoute avec un vif intérêt son intervention. Je me demande cependant s'il ne pourrait pas établir un lien entre ses propos et la question de la ZLEA que nous débattons en ce moment.

Le Président: Je suis sûr que le député sait à quel point il est important de s'en tenir à la question qui nous intéresse et qu'il veillera, bien sûr, à ce que ses observations soient pertinentes.

M. Paul Szabo: Monsieur le Président, il n'y a rien de plus pertinent pour le renforcement de nos démocraties, l'augmentation de la prospérité, qui passe par le commerce, et la réalisation du potentiel humain que la santé et le bien-être des enfants. Il s'agit d'une condition préalable, et c'est là le lien avec la question de ce soir.

Permettez-moi de conclure. Je pense que si nous parvenons à élever une génération d'enfants en bonne santé et bien adaptés, la pauvreté, telle que nous la connaissons dans les Amériques, sera chose du passé. Dans ce contexte, je pense que nous devrions rechercher pour nos enfants la santé physique, mentale et sociale.

 

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Cela devrait faire partie de nos valeurs sociales, morales et familiales et des valeurs que nos familles, nos enseignants et nos législateurs favorisent, protègent et défendent. Nos enfants dépendent de la société dans laquelle ils vivent. Ceux qui seront nos futurs pauvres deviendront ces pauvres parce que nous n'aurons pas su faire passer leurs intérêts avant les nôtres.

Nous sommes tous responsables de la pauvreté qui existe aujourd'hui au Canada et, par conséquent, nous avons tous la responsabilité d'en régler les causes sociales et économiques.

Pour terminer, je voudrais reprendre des propos du Dr Paul Steinhauer, de l'organisme Au nom de nos enfants ,qui sont des plus pertinents dans le contexte de la ZLEA. Il a déclaré que,

    Avec un enfant sur quatre qui arrive à l'âge adulte grandement handicapé, nous pouvons nous attendre à ce que la société soit moins en mesure de créer la base économique indispensable pour fournir les programmes sociaux et les services dont a besoin un adulte sur quatre qui ne peut se suffire à lui-même.

Dans ce contexte, nous n'avons pas d'autre choix que d'investir dans nos enfants surtout lorsqu'ils sont en bas âge. L'humble message que j'adresse aux chefs des démocraties, aux 34 pays qui se réuniront au Sommet des Amériques, c'est de placer les intérêts de nos enfants devant tous les autres parce que, selon moi, il faut absolument passer par là pour renforcer nos démocraties, créer plus de prospérité et réaliser le potentiel humain.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député pour ses observations sur la pauvreté chez les enfants et lui poser une question sur le renforcement de la démocratie.

La semaine dernière, un Québécois s'est adressé à la Cour supérieure du Québec pour demander si son droit constitutionnel au rassemblement pacifique allait être bafoué, étant donné les mesures de sécurité qui seront prises par les forces de l'ordre dans la ville de Québec lors du Sommet des Amériques. Il s'agit là d'une très bonne question. Les forces de l'ordre scelleront le coeur de la ville de Québec pendant le sommet au moyen d'un périmètre de sécurité de 3,8 kilomètres. M. Tremblay est un bon citoyen. Un avocat de 41 ans, de Montréal, spécialiste des faillites, M. Tremblay dit ne pas être un protestataire mais sait que, si son pays est si beau, c'est parce que la démocratie y règne.

Il veut défendre comme thèse que l'essence de la démocratie repose sur la libre circulation des idées. Il soutiendra que son droit d'accéder à la table est grandement limité par le périmètre que les forces de l'ordre ont érigé autour de l'endroit où se réuniront les 34 chefs d'État et de gouvernement de l'hémisphère.

Est-ce que le député croit que le droit à la démocratie des Canadiens sera compromis par le périmètre de sécurité de 3,8 kilomètres et que leurs droits à un débat ouvert sont compromis et remis en cause?

M. Paul Szabo: Monsieur le Président, l'honorable députée a assez bien répondu à sa propre question, puisqu'elle a parlé des droits constitutionnels relatifs aux rassemblements légitimes. Il s'agit d'un droit constitutionnel qui sera protégé et défendu par les lois du Canada.

La députée a parlé de questions de sécurité à propos du clôturage et d'autres mesures de sécurité. Il s'agit de protéger d'importantes délégations de visiteurs dans notre pays. Nous avons les statistiques. Beaucoup de gens vont être là et leur protection est extrêmement importante. Il s'agit d'une énorme responsabilité pour le Canada qui est l'hôte du sommet.

Je ne crois pas que la députée puisse laisser entendre qu'au Canada, les opinions des Canadiens d'un bout à l'autre du pays puissent être étouffées par une simple clôture. Nos paroles, nos actes, nos croyances, l'accessibilité et la liberté dont nous jouissons, ainsi que notre démocratie donnent à tous les Canadiens la liberté de s'exprimer de quelque façon qu'ils le souhaitent.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je tiens moi aussi à remercier l'honorable député pour ses propos au sujet de la pauvreté infantile.

Toutefois, pour ramener le débat dans le contexte du Sommet des Amériques, et en particulier dans celui de l'Accord de libre-échange des Amériques qui est proposé, je me demande si l'honorable député sait que c'est dans l'hémisphère occidental, où l'on se propose de créer la ZLEA, que la répartition de la richesse est la plus inégale sur toute la planète.

 

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Je ne trouve absolument rien dans l'ALEA proposé qui diminuerait l'écart entre riches et pauvres. Le 1er janvier 1994, jour de l'entrée en vigueur de l'ALENA, les peuples autochtones du Chiapas se sont révoltés parce qu'ils craignaient que cet accord n'entraîne pour eux une plus grande pauvreté, vu qu'ils étaient repoussés de leurs terres agricoles de subsistance pour laisser la place aux géants de l'agri-négoce qui font des cultures commerciales à des fins d'exportation.

Nous savons également que, par suite du dumping social, le nombre de familles canadiennes qui sont au chômage et qui sont aujourd'hui admissibles à l'assurance-emploi a considérablement augmenté. Le pourcentage est maintenant de près de 35 p. 100, ce qui veut dire que davantage d'enfants canadiens vivent dans la pauvreté.

J'aimerais demander à l'honorable député comment il peut défendre l'accord proposé, l'ALEA, qui se traduirait par une pauvreté accrue et qui multipliera les coups portés aux familles dans tout l'hémisphère.

M. Paul Szabo: Monsieur le Président, il est indéniable que la mondialisation fait peur. Pour certains, c'est la peur de l'inconnu. Le député a bien raison. Nous avons constaté que dans certains cas, les efforts de mondialisation pouvaient avoir ou avaient effectivement eu des conséquences négatives pour un vaste segment de l'humanité.

Il est donc impératif que les dirigeants présents au Sommet des Amériques ne nient pas les réalités dont nous avons été témoins. Mais le député a demandé si cela allait nous aider. C'est ce que le gouvernement du Canada croit, et depuis les deux derniers sommets, les dirigeants s'entendent pour dire que les sommets, la ZLEA et d'autres initiatives vont nous donner une partie des outils dont nous avons besoin pour faire face aux conditions dont le député vient de parler.

M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est bien que nous puissions débattre cette question importante. Je vais d'abord résumer brièvement le chemin parcouru et voir ce que l'on envisage de faire à Québec en avril dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques et du Sommet des Amériques. S'il me reste du temps, je terminerai par quelques enjeux locaux qui me tiennent à coeur et qui feront surface dans les négociations, s'ils ne l'ont pas déjà fait.

La question de la Zone de libre-échange des Amériques a commencé en 1990 avec George Bush, qui était alors président des États-Unis. À l'époque, c'était dans le cadre de l'Initiative des Amériques. L'Accord de libre-échange Canada-États-Unis venait d'être signé et l'on commençait à négocier ce qui allait devenir l'Accord de libre-échange nord-américain.

Au premier sommet des Amériques des temps modernes, tenu à Miami en 1994, l'idée a été reprise sous le nom de libre-échange des Amériques. Comme cela se fera lors du prochain sommet, les chefs d'État et de gouvernement des 34 pays de l'hémisphère occidental ont discuté de l'évolution des dossiers de la prospérité économique, de la démocratie et de la sécurité des Amériques.

Lors du sommet de 1994, tous les pays ont convenu d'établir une ZLEA d'ici 2005. Il s'agissait d'un échéancier ambitieux, mais ils se sont entendus pour tenter de le respecter. Le Canada et le Chili, les plus ardents défenseurs de la ZLEA, ont proposé plus tard de ramener cet échéancier à 2003, mais certains craignent qu'on n'y arrive pas.

Je vais maintenant parler du lien avec le Sommet des Amériques. La ZLEA ne constituera qu'un des sujets à l'ordre du jour du Sommet des Amériques qui sera tenu à Québec, mais un sujet important. Préparé par l'Organisation des États américains, le sommet reposait au départ sur quatre principes: premièrement, préserver et renforcer la communauté des démocraties des Amériques; deuxièmement, promouvoir la prospérité au moyen de l'intégration économique du libre-échange; troisièmement, éliminer la pauvreté et la discrimination dans notre hémisphère; et quatrièmement, garantir le développement durable et conserver notre milieu naturel pour les générations à venir. À mon avis, ces quatre objectifs seraient valables dans n'importe quelle entente.

Les questions à discuter lors du sommet de Québec ont été placées en quelque sorte dans trois vases communicants: renforcer la démocratie, susciter la prospérité et réaliser le potentiel humain. Ce sont les répercussions éventuelles de la ZLEA qui ont surtout retenu l'attention des partisans et des détracteurs du projet.

 

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Voyons la toile de fond économique. Quelles sont les dimensions de cette zone de libre-échange des Amériques? Quelque 800 millions de personnes seraient touchées dans l'hémisphère occidental. Nous représentons un peu moins de 15 p. 100 de la population mondiale totale, mais nous générons 35 p. 100 de l'activité économique mesurable à l'échelle de la planète.

Le produit intérieur brut combiné de tous les pays atteint 11 billions de dollars US. Les Amériques s'avèrent de loin la plus grande et la plus productive des régions économiques du monde, dépassant même de 3 billions de dollars US l'Union européenne, qui se classe au deuxième rang.

Les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada et reçoivent plus de 86 p. 100 de nos exportations. Les pays avec lesquels le Canada a conclu un accord de libre-échange, soit les États-Unis, le Mexique et le Chili, comptent pour 97 p. 100 de nos échanges commerciaux sur tout le continent. Même sans l'accord de la ZLEA, pas moins de 94 p. 100 des biens en provenance des pays de la ZLEA franchissent les frontières du Canada francs de droits. Ce n'est donc pas un grand changement pour le Canada, parce que nous sommes déjà presque au but.

Quels sont les avantages potentiels? L'économie du Canada repose largement sur les échanges commerciaux, puisque près d'un emploi sur trois y sont directement reliés. Près de 80 p. 100 des emplois créés depuis 1993 ont découlé des échanges commerciaux. La raison d'être de tous les accords de libre-échange est d'augmenter notre part du gâteau économique et de stimuler notre prospérité et notre bien-être.

Les priorités du Canada, relativement à la ZLEA, portent sur trois éléments: l'abolition des tarifs douaniers avec nos partenaires commerciaux; l'élimination des procédures douanières peu économiques qui font obstacle aux échanges commerciaux; et l'adoption de mesures rigoureuses de protection de l'investissement dans toute la zone des Amériques. Il y a dans ma circonscription un grand port qui donne accès aux États-Unis. Les gens qui l'utilisent régulièrement aimeraient bien voir se simplifier les procédures de manière à permettre une libéralisation des échanges commerciaux.

Une ZLEA réussie ne devrait pas avoir de répercussion structurelle importante sur l'économie canadienne, parce que nous sommes déjà presque au but. Le Canada est déjà un marché relativement ouvert. Environ 94 p. 100 des biens qui proviennent des pays de la ZLEA pénètrent au Canada en franchise de droits. Le plus grand ajustement qu'ait dû faire le Canada, c'est lorsqu'il a conclu l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, lequel porte sur 86 p. 100 de nos exportations.

L'un des grands avantages que présente une ZLEA pour le Canada est que cela ouvre et garantit l'accès au marché pour les exportateurs canadiens, avec l'élimination des tarifs douaniers. Certains secteurs versent d'importants droits de douane, notamment pour les produits du papier, les produits de la technologie, les pièces de voiture et la potasse.

Lorsqu'il a témoigné récemment devant le comité sur le commerce international, le représentant de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada a déclaré que 79 p. 100 de ses membres sont en faveur de la mesure et seulement 6 p. 100 considèrent la ZLEA comme une menace pour leur entreprise. Ces gens sont en affaires et travaillent à améliorer les marchés et la part de marché de leurs produits.

Plus tôt ce soir, le secrétaire parlementaire a indiqué que le gouvernement allait écouter toutes les observations présentées par tous les partis. Il a également indiqué que le gouvernement allait examiner de plus près certains problèmes.

Il y en a un que je veux aborder et que j'ai déjà abordé, celui du raffinage du sucre. Je parle à la fois des importations de sucre brut, et des exportations de sucre raffiné. C'est dans ma circonscription que se trouvent les seules betteraves à sucre encore cultivées au Canada, dont le produit est raffiné dans la circonscription voisine, à Taber. Une entente partielle a été conclue avec le Costa Rica, et on s'inquiète de la possibilité que cette entente serve de modèle qui serait étendu à d'autres pays latino-américains possédant une importante capacité de production de sucre.

Au Costa Rica, le tarif sur le sucre raffiné est de 50 p. 100, alors qu'il est de 8 p. 100 au Canada. L'idée est de ramener ces deux tarifs à zéro, mais dans le même délai. Si nous réduisons à zéro nos tarifs à un an d'intervalle, nos producteurs et nos raffineurs seront nettement désavantagés.

Le gouvernement doit être au courant de cela. S'il fait une offre concernant le sucre, le gouvernement devrait le traiter comme un produit de base à part entière et non l'utiliser dans le cadre d'accommodements pour résoudre d'autres problèmes, comme cela s'est produit par le passé, car il existe un potentiel de croissance pour cette industrie au Canada. Si nous gérons adéquatement cette situation commerciale, en particulier dans le cadre de la ZLEA, nous pourrons consolider l'industrie et peut-être même lui permettre une certaine croissance.

 

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Certains des points soulevés plus tôt concernent le lieu et les préparatifs faits à Québec pour le sommet. Il faut respecter les lois, mais sans brimer les gens dans leur droit de se faire entendre ou de manifester sans violence. Toutefois, si quelqu'un dépasse les bornes, il faut appliquer strictement la loi, car il s'agit d'une question importante.

Il y a beaucoup plus à gagner en participant au débat qu'en faisant du grabuge en marge. Ceux qui souhaitent sérieusement voir changer les choses et avoir leur mot à dire devraient participer. J'ai bon espoir que tout ira bien, sans trop d'ennuis.

Nous devons être conscients des subventions étrangères qui faussent la production, comme nous l'avons vu dans le secteur des céréales et oléagineux. Ces subventions existent. Si les accords commerciaux peuvent les réduire de sorte à égaliser les règles du jeu, notre situation serait bien meilleure.

Une autre question d'importance est celle de l'eau. Nous voulons que le Canada conserve la souveraineté sur son eau. Je veux que le gouvernement le sache. Nous devons nous assurer de conserver la maîtrise absolue de cette précieuse ressource.

L'autre jour, un témoin a dit au comité qu'on conclut un accord de libre-échange pour instituer un commerce absolument libre et équitable de tous les produits, puis on se retrouve avec 3 000 pages d'exceptions. J'ai bon espoir que ce ne sera pas le cas cette fois, que nous conclurons un accord solide.

Nous sommes pour le libre-échange et pour la démarche entamée. Il reste que nous aimerions que l'accord qui sera établi soit débattu à la Chambre, pour que tous les Canadiens puissent en prendre connaissance et pour que le Parlement ait, en définitive, voix au chapitre.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je participe au débat d'aujourd'hui sur la Zone de libre-échange des Amériques. Le mois prochain, le Canada aura une occasion tout à fait unique d'examiner plusieurs défis que doit relever l'hémisphère. En tant qu'hôtes du sommet, nous pourrons proposer plusieurs solutions nouvelles à certains problèmes. J'y reviendrai tout à l'heure.

Pourquoi vouloir renouveler l'accord de libre-échange? Parce que le libre-échange, s'il est équitable, profite à tout le monde. L'exploit de cette réunion sera de convaincre les Canadiens et, en fait, la population de tout l'hémisphère que nous négocions un accord de libre-échange équitable en toute transparence, un accord qui tient compte de toutes les parties et de tous les membres de la société de manière à être avantageux pour tous.

Je tiens à m'arrêter à certains problèmes avec lesquels est aux prises l'hémisphère, entre autres les drogues illicites et la lutte au narcotrafic. Le président Vincente Fox a déclaré récemment que nous avions perdu la guerre au narcotrafic. Nous sommes en train de perdre partout dans l'hémisphère et les pays qui en paient le véritable prix sont ceux qui produisent ces drogues.

Le président de la Colombie, Andres Pastrana, que j'ai rencontré le mois dernier, et les chefs d'État du Mexique, d'Uruguay et de nombreux autres pays affirment tous la même chose: la lutte au narcotrafic nuit à tous, mais elle leur nuit davantage, non seulement sur le plan des drogues, mais aussi dans les moyens d'y mettre fin.

Il faut réduire la consommation si nous voulons gagner la guerre, il faut agir sur notre propre territoire. Nous pourrions simplement essayer de faire ce que nous avons fait quand nous avons porté cette guerre en Colombie, apporté nos armements, appuyé l'armée, constitué des forces et cherché à décapiter les cartels.

C'est ce que nous avons fait avec succès, mais comme l'hydre, le mal a resurgi à d'autres endroits. En fait, c'est ce qui se produit actuellement en Colombie, où 140 000 hectares de terres ont été détruits. Nous sommes maintenant aux prises avec les guérillas de la FARC et de l'ELN, les paramilitaires et d'autres barons de la drogue qui ont rappliqué pour produire ces drogues.

 

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Et ils les produisent à un coût de plus en plus bas, comme de l'héroïne à 2 $ le gramme. On est en train de perdre la guerre à la drogue. Presque tout le monde reconnaît que nous allons perdre cette guerre à moins que nous ne réduisions notre consommation ici au pays. Les Américains viennent de l'admettre pour la première fois.

Comment allons-nous nous y prendre? Premièrement, nous devons réduire la consommation en nous inspirant des nouveaux modèles européens qui mettent l'accent non seulement sur la désintoxication et le traitement, mais utilisent également de nouveaux modèles médicaux pour s'assurer que les toxicomanes acquièrent de nouvelles compétences, ont un emploi et vivent dans un environnement sûr, loin de leur milieu habituel.

Si je me fie à mon expérience professionnelle, je peux vous affirmer que nous ne pourrons aider des toxicomanes à s'en sortir s'ils continuent à vivre dans un milieu où les drogues abondent. Il nous faut les sortir de ce milieu. Nous devons leur offrir la possibilité d'acquérir de nouvelles compétences pour qu'ils soient prêts à travailler plus tard.

Deuxièmement, nous devons parler de prévention. Le programme Bon départ qui a été adopté par la Chambre en 1998 pour assurer que, jusqu'à l'âge de six ou huit ans, les enfants vivent dans un milieu sécuritaire et créent des liens solides avec leurs parents, s'est avéré utile pour réduire la consommation de drogues plus tard dans la vie.

Sur le plan commercial, nous devons supprimer les barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que la double imposition. Comme l'ont dit Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, ainsi que des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud producteurs de drogues, il faut offrir autre chose à cultiver aux pauvres qui sont obligés de produire des drogues si on élimine le pavot et le coca. Notre seule façon d'y parvenir, c'est de leur offrir la chance de faire concurrence aux autres pays.

La Chambre devrait peut-être savoir que le principal obstacle au retrait des barrières tarifaires permettant aux pays pauvres et en développement de prospérer est l'Occident. Nous sommes ceux qui empêchent les pays en développement de mettre de l'ordre dans leurs affaires et d'améliorer leur économie nationale. En somme, ces pays n'ont pas besoin d'aide; ils ont surtout besoin de relations commerciales.

Pour ce qui est de la question judiciaire, nous devons mettre en oeuvre les modifications RICO comme les États-Unis l'ont fait. Soixante-quinze pour cent des revenus des bandes de motards organisées viennent des stupéfiants. Pour les atteindre, il faut s'en prendre à l'argent en mettant en oeuvre les modifications RICO. Si le gouvernement les adopte, nous serons en mesure de les frapper là où ça compte.

Nous devons prévoir des sanctions plus lourdes et plus sévères pour les trafiquants de drogues, mais nous devons traiter les consommateurs selon une approche médicale. Il nous faut frapper fort les producteurs, frapper fort les gangs du crime organisé, faire appel au RICO modifié, et courir après l'argent. Nous aurons alors fait beaucoup dans la guerre contre l'épidémie de crime organisé que nous sommes en train de perdre, selon l'Association canadienne des policiers.

Il nous faut également traiter du contrôle à l'importation et à l'exportation de produits chimiques servant de précurseurs aux drogues. Nous avons été épinglés par les Nations Unies, comme d'autres pays occidentaux, pour avoir permis le libre envoi de produits chimiques servant à la préparation de stupéfiants en quantité bien supérieure à ce que les pays importateurs peuvent légalement utiliser. Nous avons permis cela et nous avons fermé les yeux. Nous prétendons être blancs comme neige, mais nous ne le sommes pas.

Les contrôles à l'importation et à l'exportation des produits chimiques servant à la production et à l'extraction de la pâte de coca, de la cocaïne et à la production d'autres stupéfiants illicites pourraient empêcher ces compagnies et ces pays de les utiliser illégalement.

La troisième question est la protection de l'environnement. Les pluies acides, la pollution de l'air et la pollution de l'eau ne connaissent aucune frontière. Il nous faut adopter un point de vue collectif et prendre une action collective contre ces maux.

En ce qui concerne la sécurité de l'environnement, en 1998, l'ouragan Mitch a dévasté l'Amérique centrale: 19 000 personnes sont mortes et il y a eu pour 5 milliards de dollars de dégâts. Le monde n'a pas été capable de composer avec les désastres humanitaires et naturels.

Ce que je propose, c'est de construire un centre d'intervention rapide quelque part, de préférence en Amérique centrale. Le centre disposerait de denrées non périssables, de tentes, de couvertures, de moyens de transport de charges lourdes, ainsi que d'équipes de secours DART et d'équipes médicales. On pourrait y accéder rapidement selon un modèle d'intervention d'urgence et conduire les équipes sur les lieux d'un désastre naturel. En cas de désastre, la rapidité d'intervention est cruciale. Si on construit un de ces centres quelque part en Amérique centrale, nous serions en mesure de sauver beaucoup de vies et beaucoup d'argent lorsque surviennent les désastres naturels.

 

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En ce qui a trait à la sécurité des personnes, lorsqu'il y a eu des conflits, la communauté internationale n'a absolument pas été en mesure d'agir de façon préventive. Pour ce faire, un effort multilatéral s'impose. Je propose d'utiliser les institutions financières internationales, plus particulièrement la Banque Mondiale et le FMI, ainsi que la Banque interaméricaine de développement, pour appuyer sur les leviers économiques à l'endroit des précurseurs des conflits.

Il s'agit d'une politique étrangère d'avant-garde. Je crois que notre pays, et en fait la Chambre, pourrait jouer le rôle de chef de file à cet égard. Si nous proposons cette politique dans le cadre des discussions sur le libre-échange des Amériques à la fin du mois d'avril à Québec, nous enclencherons le processus. Nous serons en mesure d'empêcher le conflit avant qu'il se produise au lieu d'essayer à coup d'argent de régler les problèmes après coup.

À mon collègue du NPD je dirais ceci. Les efforts qu'il déploie pour tenter de détruire et de gêner le Sommet ne sont rien d'autre que destructeurs. Le député devrait se servir des idées et des questions qui sont très légitimes et auxquelles toute la population veut des réponses. Il devrait axer ses efforts sur la recherche de solutions constructives aux problèmes. Il devrait parler de transparence et collaborer avec nous pour que tous les accords fassent l'objet d'un débat à la Chambre avant d'être adoptés.

En ce qui a trait à la libéralisation du commerce, assurons-nous que les pratiques commerciales seront loyales et non pas seulement plus libres. En ce qui a trait à la transparence, unissons nos efforts pour y parvenir.

La mondialisation nous offre l'occasion de rédiger de bonnes lois en matière de travail et d'environnement. Ensemble, nous pourrons travailler à relever le niveau de vie de tous les peuples. Je suis sûr que le NPD et d'autres écouteront le Secrétaire général des Nations Unies, qui dit que les pays en développement et les plus démunis parmi les pays pauvres ont besoin du libre-échange et de pratiques commerciales loyales.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, j'espérais poser ma question à l'un des prochains orateurs, mais il arrive parfois que j'aie de la difficulté à obtenir la parole. Peut-être le député allianciste d'Esquimalt-Juan de Fuca pourrait-il répondre à ma question.

Il y a dans ma circonscription un électeur qui estime que la ZLEA aura des répercussions sur notre souveraineté et sur la capacité juridique des gouvernements de préserver les normes écologiques et environnementales. Le député pense-t-il que cela est vrai?

M. Keith Martin: Monsieur le Président, c'est une excellente question que posent souvent le NPD et les députés d'autres partis. C'est pourquoi le volet libre-échange de l'accord sera approfondi.

Il faut élaborer un ensemble de règles afin de remédier à l'affreuse situation qui a cours dans les maquiladoras du Mexique, où il n'existe absolument pas de normes régissant le travail et l'environnement. Nous avons l'occasion aujourd'hui, et nous aurons la possibilité en avril, d'élaborer un système axé sur les règles afin de garantir des normes de travail équitables. Les ouvriers des maquiladoras du Mexique pour alors dire que leur employeur doit respecter les normes parce qu'il a signé l'Accord de libre-échange des Amériques.

Nous aurons de saines normes écologiques pour empêcher que des mines rejettent leurs résidus ou empoisonnent les rivières en Amérique du Sud ou en Amérique centrale. Nous aurons des normes en matière de démocratie et de droits de la personne qui seront appliquées à l'échelle de l'hémisphère.

Voilà à quoi servira l'accord, et c'est là que repose le défi. Je suis convaincu que des députés néo-démocrates voudront poser des questions dans la même veine. J'espère qu'ils mettront l'épaule à la roue pour trouver des solutions à ces défis.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question au député sur les commentaires qu'il a faits au sujet de la Colombie, afin d'essayer de savoir quelle est la position de l'Alliance canadienne en ce qui a trait à l'un des enjeux les plus graves soulevés jusqu'ici, à savoir la proposition plutôt mal inspirée que l'on appelle Plan Colombia, en particulier le volet militaire de ce plan.

Je sais que le député d'Esquimalt—Juan de Fuca s'est rendu en Colombie le mois dernier. J'y étais moi-même en janvier et j'ai pu à cette occasion rencontrer des élus, des sénateurs, des membres de la Chambre des représentants ainsi que des défenseurs des droits de la personne et autres. Ce qui est ressorti clairement de nos discussions, c'est que ces intervenants sont farouchement opposés au volet militaire du Plan Columbia. Ils ont insisté pour qu'à la place, on reconnaisse que ce sont les préoccupations sociales et économiques qui doivent primer, en particulier la réforme agraire.

 

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J'aimerais que le député m'informe de la position de l'Alliance canadienne à ce sujet. Est-ce qu'à l'exemple du gouvernement libéral, son parti refuse de condamner le volet militaire du Plan Columbia ou s'il est prêt à prendre clairement position contre ce volet et à exiger l'on adopte une approche qui tienne compte de l'importance de s'attaquer à la pauvreté, de procéder à la réforme agraire et de remédier aux violations massives des droits humains en Colombie?

M. Keith Martin: Monsieur le président, le député a raison de dire que la Colombie a besoin de réformes agraires. Ce pays a aussi besoin de redresser son économie. Il a besoin de lutter contre les violations des droits de la personne. Le Plan Colombia comporte deux volets: un volet militaire et un volet de développement social.

Malheureusement, dans l'état actuel des choses, la majorité des terres sont sous la mainmise des guerrilleros des FARC et de la ELN, des unités paramilitaires et des barons de la drogue. Le problème tient en partie au fait que le gouvernement est relativement impuissant d'un point de vue militaire, si bien que les guerrilleros, les unités paramilitaires, les narcoterroristes et les cartels de la drogue peuvent massacrer les populations civiles en toute impunité.

Actuellement, le gouvernement de Bogota n'a pas les moyens militaires voulus pour intervenir efficacement. Mon point de vue, qui n'est pas celui de l'Alliance, est qu'il faut souscrire au Plan Colombia, pour la simple et bonne raison que les militaires doivent reprendre le dessus et défaire les unités paramilitaires, qui ne sont rien de plus que des bandits armés.

Il est très important que des observateurs accompagnent l'armée colombienne pour s'assurer que celle-ci ne commet pas de violations des droits de la personne et qu'elle n'est pas de mèche avec les paramilitaires. C'est ce qui se passe dans certaines régions, ce qui est tout à fait inacceptable. Si nous pouvons surveiller ce qui se passe et permettre au gouvernement de la Colombie de reprendre le contrôle sur son territoire dans le contexte d'une démarche multifactorielle associée à d'autres enjeux commerciaux, nous contribuerons alors au rétablissement de la paix en Colombie.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le Président, je vous avise que je partagerai mon temps avec le député de Oak Ridges.

J'aimerais débuter en remerciant le ministre du Commerce international, qui, on s'en souviendra, en réponse à une question que je lui ai posée à la Chambre, il y a quelque temps, lors de la période des questions, s'est engagé, de la part du gouvernement, à tenir un débat exploratoire—et c'est le débat que nous avons ce soir—sur la question d'une Zone de libre-échange des Amériques et ce, avant que le Sommet de Québec n'ait lieu.

Je suis fort content de voir que même à minuit, il y a encore plusieurs députés qui désirent prendre la parole.

Je ne suis pas un expert en commerce international. Je ne suis pas un avocat et je n'ai pas eu la chance encore d'explorer vraiment tout le côté du commerce international. Comme nous tous ici, plusieurs de mes commettants ont fait certains commentaires et dans certains cas, ils ont exprimé certaines préoccupations et certains encouragements, et je m'étais engagé à faire part de ces commentaires à la Chambre. C'est la raison de ma présence ici ce soir.

Plusieurs personnes qui m'ont parlé ou qui m'ont écrit semblent préoccupées par la place prépondérante, grandissante du moins, du secteur privé dans le domaine du commerce international. Elles désirent voir des mécanismes qui assureraient un équilibre pour contrer cette influence que certains perçoivent comme grandissante.

Si je pars de notre économie canadienne, qui est essentiellement capitaliste, où on encourage la création de la richesse, mais qui a quand même une forte tendance socialiste, puisqu'on taxe cette richesse et qu'on a créé des mécanismes pour la redistribuer, je constate que nous en ressortons, en bout de ligne, avec un pays qui est quand même fort intéressant et fort accueillant et qui, somme toute, est un modèle à plusieurs points de vue.

 

. 2400 + -

Par exemple, si on compare avec nos voisins du Sud, nous verrons que la polarisation du revenu ne grandit pas au Canada.

[Traduction]

En effet, l'écart de revenu, une fois la redistribution, sous forme de programmes sociaux et autres, prise en compte, n'a pas augmenté au Canada, mais aux États-Unis, oui. Côté richesse, nous devrons malheureusement faire quelque chose, car l'écart, qui n'avait pas été mesuré depuis 1984, vient de l'être récemment par Statistique Canada. Et d'après le rapport qu'elle a publié il y a deux ou trois semaines, l'écart sur le plan de la richesse, par opposition à l'écart de revenu, augmente. Nous devons donc trouver des moyens de faire en sorte que cet écart, au lieu de s'accentuer, diminue.

Toutefois, si nous jetons un coup d'oeil sur notre bilan en matière de programmes sociaux, de droits de la personne et de normes environnementales, il est vrai que nous pouvons encore apporter des améliorations dans bon nombre de ces domaines, mais en règle générale, nous nous débrouillons fort bien par rapport aux autres pays. Il s'agit là peut-être de la contribution la plus importante du Canada sur le plan international.

[Français]

Sur cette scène internationale, je me dois d'afficher mes couleurs. Je suis un de ceux qui croient au libre-échange. Je pense que l'histoire nous a démontré que là où il y a le libre-échange, il y a une plus grande création de richesses. Et si les pays souverains peuvent ensuite appliquer des mécanismes de partage de cette richesse, la population en sort grandie.

Je suis foncièrement en faveur du libre-échange. Par contre, la position canadienne s'accompagne d'autres éléments que le libre-échange. Elle s'accompagne d'éléments de droits humains, de droits de la personne, d'éléments de démocratie, de normes environnementales. Je suis fort aise de constater que la venue de ce Sommet au Canada occasionne ces débats et que notre gouvernement les encourage, parce qu'ils seront des éléments intégrés au Sommet même. Dans ce sens, je crois que la tendance est encourageante.

On nous envoie des tonnes de documents d'un peu partout. J'ai reçu la semaine dernière un petit dépliant de la Société pour l'expansion des exportations. Je voudrais citer un passage de la lettre du président et chef de la direction. Ce sont des choses qu'on n'aurait peut-être pas retrouvées il y a quelques années dans ce genre de littérature. Je cite:

    Dans le même ordre d'idée, la SEE fonctionne comme une entreprise prospère qui fait partie intégrante de la collectivité. À cet égard, nous collaborons avec d'autres sociétés éminentes de plus en plus attachées aux pratiques de responsabilité sociale des entreprises. Ces pratiques comprennent des politiques et des mesures visant à un code de déontologie des affaires, des améliorations sur le plan social et environnemental, la reddition des comptes publics et la participation à la collectivité, entre autres.

    En fait, il est de plus en plus évident qu'en adoptant ces pratiques de responsabilité sociale des entreprises, les sociétés créent des réussites réciproques, tant pour elles-mêmes que pour leurs collectivités. Selon une étude comparative récente, entre 1994 et 1999, les sociétés du Dow Jones Sustainability Group Index ont dépassé de 15 p. 100 celle du Dow Jones Global Index. Autrement dit, il est payant de bien agir.

Je crois que c'est un genre de commentaires qu'on n'aurait pas retrouvé il y a une dizaine d'années dans la littérature de la Société pour l'expansion des exportations. C'est encourageant.

J'aimerais en citer un autre dans l'éditorial de La Presse d'hier. Je cite le paragraphe à la fin de cet éditorial, qui est signé par Mario Roy:

    Il ne s'agit pas de faire preuve d'angélisme et de croire qu'il est possible de modifier en un coup de cuillère à pot un problème de civilisation qui se nourrit lui-même depuis des siècles. Néanmoins, l'occasion est là: au Sommet des Amériques siégeront des élus dont le mandat, dans leurs pays respectifs, n'est pas qu'économique, mais aussi politique et social.

    Le Canada qui, on l'a dit, aime bien donner des leçons, peut certainement se servir de son rôle d'hôte pour installer au coeur de cette ronde de négociations, qui va se poursuivre jusqu'en 2005, la question des droits de l'homme, de façon à ce qu'elle devienne incontournable, de façon à bien faire comprendre qu'une entente de libre-échange serait inconcevable sans le retour d'une certaine normalité dans les pays les plus délinquants au chapitre des droits et libertés.

    C'est un strict devoir pour l'élite politique canadienne.

    Et il ne fait pas de doute que dans l'opinion publique, le Sommet en général et la performance du Canada en particulier seront jugés sous cet angle autant que sous celui des avancées de nature commerciale qui y seront réalisés.

 

. 2405 + -

On voit, encore une fois, une volonté, reflétée par un journal quand même assez bien coté et respecté, de faire valoir ces valeurs. C'est pour cela que je trouve encourageant la tenue ce soir d'un débat sur le Sommet.

Je crois qu'on en vient à pouvoir participer ici, ce soir, en tant que députés, à ce phénomène de mondialisation, à cette tendance qui sera peut-être réversible un jour, mais qui est définitivement une tendance très forte. La plupart des pays du monde tendent vers des ententes de libre-échange, qu'elles soient bilatérales ou multilatérales. On tente de créer des zones de libre-échange. C'est la preuve qu'il y a cette volonté de créer une plus grande richesse et, de là, vient le rôle qui nous incombe.

Je suis d'avis qu'il deviendra très important, dans les années à venir, de créer de nouveaux mécanismes de partage de la richesse à l'échelle internationale.

[Traduction]

Nous avons trouvé un moyen de promouvoir le libre-échange. Il est de notre devoir, en tant que parlementaires ayant à coeur l'intérêt de la collectivité, de proposer des idées, de mettre au point des mécanismes qui permettront aux pays de partager la richesse que contribuent à créer le commerce international et le libre-échange.

Je sais qu'il s'agit ici d'un problème fort complexe, mais sa complexité ne doit pas nous empêcher de nous y attaquer. Ce que je tiens surtout à dire, ce soir, au gouvernement, c'est que nous devons déployer des efforts et créer des mécanismes qui contribueront à améliorer le niveau de vie des citoyens de par le monde.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, le député pourrait-il communiquer à la Chambre son point de vue sur l'importance d'inclure des normes environnementales dans les accords commerciaux?

Je me souviens que l'un des engagements pris au premier Sommet des Amériques tenu à Miami en 1994 consistait à renforcer la protection de la biodiversité dans l'hémisphère. C'était il y a sept ans, et je ne suis pas au courant de mesures qui ont été prises à cet égard dans le cadre du Sommet des Amériques, des négociations sur le libre-échange des Amériques ou autrement.

Le député pourrait-il nous dire si des mesures sont prévues dans les négociations actuelles de la ZLEA pour accroître de quelque manière que ce soit la protection de l'environnement de l'hémisphère, un objectif qui, je le sais, lui tient à coeur?

M. Mauril Bélanger: Monsieur le Président, je vais essayer de donner suite à la question posée par le député du Yukon et de répondre aux deux questions.

Si nous parvenions à un accord sur les normes environnementales, cela pourrait signifier qu'un pays comme le nôtre et tous les pays participant à cet accord devraient renoncer à une partie de leur souveraineté. Lorsque des gens sont voisins dans la société, ils renoncent à une partie de leur souveraineté parce qu'ils doivent respecter leurs voisins et le milieu dans lequel ils vivent.

Je ne peux pas prédire, et je ne prétends pas pouvoir prédire, l'issue des négociations et la façon dont il pourrait être tenu compte des considérations environnementales dans un accord de libre-échange des Amériques. J'espère simplement que nous pourrons tenir compte de ces considérations, tout comme j'espère que nous pourrons intégrer à tout accord international les questions de diversité culturelle.

À mon avis, la biodiversité est aussi importante que la diversité culturelle. Ma collègue de Parkdale—High Park a abordé la question tout à l'heure, et je suis d'accord avec elle.

Cela ne veut pas dire que tout est parfait. J'espère que le député continuera d'essayer d'améliorer les choses comme il l'a fait au fil des ans et je le félicite pour son travail. Ensemble, nous réussirons à réaliser des progrès. Mais regardons les choses en face: nous mettons trop de temps à atteindre notre objectif, mais ce n'est pas en lâchant la partie que nous n'y parviendrons.

 

. 2410 + -

La complexité d'un problème ne diminue en rien la nécessité de s'en occuper. J'espère que parce qu'il n'est pas satisfait du rythme des progrès, cela ne signifie pas que nous allons tout laisser tomber. Au contraire, je pense qu'il faut intensifier nos efforts pour concrétiser les choses.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, avant de poser ma question, je demande le consentement unanime pour que les pages qui doivent partir soient autorisés à le faire. La semaine dernière, lorsque nous avons siégé plus tard que minuit, une motion a été proposée et adoptée à l'unanimité pour que la plupart des pages puissent partir. On a en partie répondu à ma question, mais je vais quand même la poser, au cas où le député aimerait ajouter quelque chose.

[Français]

Une de mes électrices croit que l'Accord de libre-échange des Amériques aura un impact sur notre souveraineté et sur la capacité des gouvernements de maintenir nos standards sociaux et environnementaux.

Est-ce que c'est vrai?

M. Mauril Bélanger: Monsieur le Président, ce que je disais tout à l'heure, c'est que lorsque des gens acceptent de vivre en société, de vivre dans un même village, sur une même rue, dans une même ville, forcément, ils acceptent de restreindre leurs droits jusqu'aux droits des voisins.

Pour vivre en société, il faut convenir que nos droits sont essentiellement, foncièrement et nécessairement limités. Il en va de même, à mon avis, pour les pays qui, d'un commun accord, signent des ententes internationales de comportement, de libre-échange, de respect de l'environnement et de certaines normes environnementales.

Si un pays veut faire avancer le respect de l'environnement et qu'il le fait en devenant signataire d'ententes internationales, il est fort possible qu'il abandonne une partie de sa souveraineté pour le bien commun international. La même chose s'applique aux membres des Nations Unies. On accepte de faire partie d'un regroupement tel que les Nations Unies. On accepte ses règles. On accepte de s'y soumettre. En faisant ce geste, on limite essentiellement sa propre souveraineté, mais on le fait pour le bien commun.

Bien que mon temps soit terminé, j'espère que cela a aidé mon collègue de Yukon.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bélair): Avant d'aller plus loin, le Bureau m'avise que les leaders à la Chambre se sont entendus pour qu'on ne donne pas le consentement unanime pendant toute la durée du débat. Je dois donc rejeter la demande du député.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais surtout parler du secteur des services, mais je tiens d'abord à souligner le fait que les questions relatives au commerce et à la démocratie sont cruciales dans ce débat et que l'intérêt national du Canada doit être la question qui indiscutablement compte le plus pour les Canadiens. Il faut protéger l'intérêt national, qu'il s'agisse des soins de santé, de l'environnement ou de la culture.

L'accord de libre-échange des Amériques offre des possibilités. Toutefois, il faut à mon avis procéder lentement et avec prudence, en gardant à l'esprit le fait que des questions sont soulevées de façon très réfléchie et très lucide.

Les Amériques sont l'une des régions les plus dynamiques du monde. On y retrouve 800 millions d'habitants, pas même un sixième de la population mondiale; elles représentent par ailleurs plus d'un tiers de l'activité économique mondiale. Au total, le produit intérieur brut des pays des Amériques, soit près de 17 milliards de dollars, est supérieur à celui de l'Union européenne.

Les leaders du continent américain ont cru que les Amériques avaient d'énormes possibilités et que les pays des Amériques pouvaient travailler plus efficacement, notamment pour promouvoir la démocratie, le développement et la croissance.

Nous avons été témoins de grands changements dans les Amériques au cours des 10 ou 15 dernières années en ce qui concerne l'avancement de la démocratie sur ce continent. Des juntes militaires ont cédé la place à de nouvelles démocraties et le Canada a un rôle très important à jouer pour favoriser et protéger l'existence de ces dernières.

 

. 2415 + -

Les leaders se sont également engagés à renforcer non seulement la démocratie, mais aussi à assurer une plus grande prospérité. Ils se sont engagés par ailleurs à prendre des mesures pratiques afin d'améliorer certains domaines comme les soins de santé, un meilleur accès à une éducation de qualité, la protection de la biodiversité, ainsi que des mesures collectives contre le fléau de la drogue et de la corruption, de même qu'à élargir le dialogue avec la société civile et dans le contexte des priorités régionales.

J'ai eu l'occasion il y a quelques semaines de participer à un forum parlementaire rassemblant des parlementaires des Amériques, qui a eu lieu dans cette Chambre même. On y a débattu de questions comme la démocratie, la drogue et le commerce. Il est très important de rassembler des parlementaires du continent américain pour parler de ces questions clés.

Au deuxième Sommet, tenu à Santiago en 1998, des dossiers ont été abordés et ont progressé. Les leaders ont réitéré leur appui à la création d'institutions démocratiques pour protéger les droits humains, accroître la transparence et faire observer la règle de droit. Ce sont des enjeux cruciaux pour l'ensemble des Canadiens. Ils ont donné des instructions précises visant le lancement du processus de négociation de l'Accord de libre échange des Amériques. La signature de cet accord donnerait naissance un jour à la plus vaste zone de libre échange du monde entier.

Bref, le Sommet des Amériques pourrait offrir de nombreuses opportunités d'accroître encore l'ouverture du Canada à l'hémisphère occidental. L'ALEA est l'une des opportunités les plus tangibles qui se présente sur le front économique. Il offre à tout le moins un potentiel d'accroissement de l'accès au marché pour les exportations canadiennes.

S'il y a un secteur pour lequel la nouvelle accessibilité pourrait avoir d'importants avantages pour le Canada, et particulièrement pour les entreprises canadiennes, c'est de tout évidence le secteur des services. C'est un secteur clé. C'est le moteur de l'économie canadienne. Il représente plus des deux tiers du produit intérieur brut du Canada, près des trois quart de l'emploi, soit 10,5 millions d'emplois, et près de 90 p. 100 des nouveaux employés au pays. Il est à la tête de la transformation de l'économie canadienne en une économie fondée sur le savoir. De nombreux employés du secteur des services sont très instruits et ont des revenus supérieurs à la moyenne. Les services sont le coeur de la société innovatrice du Canada. Par exemple, les télécommunications, les services financiers et les services techniques commerciaux figurent parmi les industries les plus innovatrices du pays.

Si l'on exclut les investissements directs du Canada à l'étranger dans les entreprises de services, le Canada vient au douzième rang des exportateurs de services dans le monde, avec des exportations d'une valeur de 51,8 milliards de dollars en 1998 seulement. Des sociétés canadiennes comme SNC-Lavalin, Téléglobe, Enbridge et Hydro-Québec sont parmi les chefs de file mondiaux dans leur domaine et leur expertise est recherchée dans tout l'hémisphère.

Même si les exportations de services ne représentent que 12 p. 100 de l'ensemble des exportations canadiennes, le commerce des services augmente à un rythme beaucoup plus rapide que le commerce des marchandises. Compte tenu de l'importance du commerce pour notre économie, on peut dire, sans crainte d'exagérer, que le fait d'améliorer l'accès de nos services aux marchés internationaux nous offre la possibilité de maintenir notre prospérité.

L'argument en faveur du soutien aux exportations de services du Canada est particulièrement convaincant dans le contexte des Amériques. Pour ce qui est des services commerciaux au Canada, les exportations vers les pays de la ZLEA, à l'exclusion des États-Unis et du Mexique, s'établissaient à 1,9 milliard de dollars environ en 1998, comparativement à 787 millions en 1993. De toute évidence, il s'agit d'un marché en pleine croissance qui a accusé une hausse annuelle d'approximativement 19 p. 100 au cours de cette période.

Des pays comme l'Argentine, le Chili, le Costa Rica, le Venezuela, la Colombie et le Brésil sont tous des marchés d'exportation existants ou potentiels pour les fournisseurs de services canadiens. Trois secteurs méritent d'être particulièrement distingués, les télécommunications, les services financiers et les services d'ingénierie. On trouve un grand nombre d'entreprises de ces secteurs dans ma collectivité.

Le secteur des télécommunications canadien affiche un succès remarquable, puisqu'il exporte des services évalués à plus de 2 milliards de dollars par an et qu'il emploie plus de 104 000 personnes. En conséquence, depuis 1993, ce secteur a enregistré une hausse moyenne de 9 p. 100.

 

. 2420 + -

Malgré tout, les exportations canadiennes de services de télécommunications se heurtent à un accès limité au marché et à des restrictions de nature réglementaire dans certains pays de l'hémisphère, en partie à cause de la présence de monopoles des télécommunications. En outre, elles sont confrontées à un manque de transparence, de fiabilité et d'opportunité dans le processus d'adjudication des permis et des licences d'exploitation ainsi qu'à des frais prohibitifs pour les licences et les interconnexions. La levée de tels obstacles se traduirait par une augmentation considérable du potentiel d'exportation des sociétés canadiennes de télécommunications.

Ces dernières années, les institutions financières canadiennes ont été très présentes en Amérique centrale et en Amérique latine. On peut citer en exemple la Banque Scotia, qui est active en Argentine et au Chili, là où sa filiale se classe au septième rang des plus importantes banques, ainsi qu'au Brésil, au Costa Rica, au Belize, en El Salvador, où elle compte 33 succursales, en Guyane, au Panama, au Pérou, en Uruguay et au Venezuela. On pourrait aussi donner l'exemple de la Banque Nationale, qui s'est jointe récemment à trois sociétés d'investissement en capital de risque des États-Unis et à un partenaire local du Chili pour former le consortium Corp Banca dans le but de faire l'acquisition d'établissements bancaires dans les pays d'Amérique du Sud.

Je me suis rendu au Chili en janvier dernier en compagnie de collègues de la Chambre pour participer au Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique. J'ai eu l'occasion de discuter avec des représentants du Congrès chilien non seulement de la ZLEA, mais aussi du secteur des services financiers.

Le Canada jouit aussi d'une grande renommée internationale dans le secteur du génie. Le Canada se classe présentement au troisième rang mondial des pays exportateurs de services de génie, et le très haut niveau de compétence de nos ingénieurs est reconnu internationalement. Les possibilités d'affaires sont nombreuses, en particulier en Amérique centrale et en Amérique latine, où nos ingénieurs sont très en demande pour les projets d'infrastructure dans le secteur de l'énergie produite au moyen des richesses naturelles. Je pense ici à des entreprises comme Hydro-Québec, qui a acquis récemment la société chilienne Transelec, laquelle possède 50 p. 100 des lignes de transmission électrique du Chili. Voilà un bel exemple du genre d'occasions d'affaires que les pays de l'hémisphère occidental ont à offrir. C'est pour cette raison que le Canada participe activement aux négociations touchant les services dans le cadre de la ZLEA.

Le Canada a beaucoup à gagner à ce qu'on instaure une série de règles globales pour régir les services commerciaux dans le cadre de l'ALEA. Mais je rappelle à mes collègues députés que nous devons agir avec prudence. Nous devons veiller à la protection des intérêts de notre pays. Comme nous le savons, ce sont parfois les Américains qui sont les plus grands libre-échangistes, mais souvent en apparence seulement. Nous devons être vigilants et conscients que les négociations seront ardues, mais cela ne m'empêchera pas d'appuyer un processus qui sera ouvert et transparent.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question au député au sujet du futur accord de libre-échange des Amériques.

Voilà plus de dix ans déjà que nous vivons sous le régime de l'ALENA et de l'Accord commercial Canada-États-Unis. Durant cette période, il a fallu renoncer aux médicaments génériques à prix abordables, à soutenir notre industrie du magazine, à appliquer des normes relatives aux additifs toxiques de l'essence et à exercer notre droit d'interdire les exportations en vrac d'eau et de BPC.

Pour compenser cette perte de souveraineté démocratique, les accords étaient censés nous donner libre accès aux marchés américains. Toutefois, comme le montrent les différends récents au sujet des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard et du bois d'oeuvre résineux, ce n'est pas ce qui s'est passé. Quand leurs intérêts économiques sont menacés, les Américains ignorent les accords commerciaux ou insistent pour y inclure des exemptions qui protègent leurs producteurs.

Plutôt que de régler ces problèmes, notre gouvernement fédéral prend l'initiative de promouvoir, dans le cadre de la ZLEA, l'élargissement d'un accord commercial qui affaiblit encore plus les gouvernements démocratiquement élus tout en conférant des pouvoirs encore plus grands aux grandes multinationales.

Comme le député semble convaincu que l'accord est avantageux pour les Canadiens et pour les entreprises canadiennes, j'aimerais savoir: étant donné les exemples que je viens de donner, comment l'accord va-t-il renforcer notre position comme pays souverain et comme partenaire commercial?

M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, il est évident que la députée d'en face n'écoutait pas aussi attentivement qu'elle aurait pu le faire.

 

. 2425 + -

D'abord, j'ai dit que nous devions avancer avec prudence. J'ai parlé d'un secteur particulier, celui des services. J'ai mentionné qu'il y avait dans ce secteur des occasions favorables. Et c'est d'occasions favorables dont il est question. J'ai fait observer que les Américains sont souvent les plus grands partisans du libre-échange, mais lorsque leurs intérêts profonds sont en jeu, ils élèvent souvent des barrières. La députée a mentionné l'exemple des pommes de terre de l'Î.-P.-É.

Je ne suis pas en train de proposer, et ce n'est pas ce que j'ai fait ce soir, d'aller simplement de l'avant sans nous montrer prudents et sans nous assurer que nos intérêts sont protégés. Je suppose que la députée comprend que l'intérêt national est primordial. De fait, si nous croyons que certains éléments du libre-échange ou de l'ALENA vont à l'encontre de nos intérêts, des mécanismes de redressement s'offrent à nous, comme il y en a eu dans le passé.

Je pense toutefois que, dans le cadre de la ZLEA, nous devons veiller à mettre en place des dispositifs adéquats, qu'il s'agisse de tribunaux ou d'autres mécanismes, pour assurer notre protection. Ne pas le faire irait à l'encontre de l'intérêt national. Je n'ai donc signalé qu'un seul secteur où, à mon avis, il pourrait y avoir de meilleures possibilités pour les entreprises canadiennes. Mais j'ai aussi dit que nous devons faire le nécessaire pour protéger nos services de santé, notre culture et notre environnement, et en garder la maîtrise. Si, en fin de compte, ce n'est pas possible, je n'appuierai pas la mesure.

Les députés doivent se montrer très prudente à cet égard. J'examine un secteur où je vois des conditions favorables, mais encore une fois, nous devons progresser avec lenteur.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je serai très bref. Le député est un ex-président de la Fédération canadienne des municipalités. Je me demande s'il aimerait commenter une motion qui a été adoptée par le conseil municipal de Vancouver, formulant de graves craintes quant aux conséquences de la ZLEA sur le droit des villes de prendre des décisions sur leur avenir, sur leur environnement et sur la santé de leurs citoyens.

La ville de Vancouver a adopté à l'unanimité une motion exhortant le gouvernement fédéral à renoncer à signer tout accord commercial, comme l'expansion proposée de l'ALENA en ZLEA, qui inclurait des dispositions en cas de différends entre États et investisseurs, comme celles qui figurent dans l'ALENA. Le député est-il d'accord avec la motion adoptée par la ville de Vancouver?

M. Bryon Wilfert: Monsieur le Président, j'aimerais lire la motion de la Ville de Vancouver. Je ne l'ai pas lue. Cependant, je le répète, je ne peux pas, de toute évidence, appuyer quelque chose qui ne protège pas des intérêts, que ce soit ceux des villes ou ceux du Canada tout entier. Je réitère que tout traité proposé devrait repasser devant la Chambre pour un débat complet et honnête.

M. Svend Robinson: L'accord sera alors scellé.

M. Bill Blaikie: Vous faites tout ce qu'on vous dit de faire. Autant être inconscient.

Le président suppléant (M. Bélair): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je prends la parole pour participer à ce débat exploratoire en nourrissant un sentiment de tristesse, presque de désespoir, quant à son issue.

J'ai participé à de nombreux débats à la Chambre. Nous avons débattu des motions et nous avons débattu des projets de loi, mais il faut bien nous rendre compte de ce que nous débattons aujourd'hui. On nous demande à nous, membres du Parlement, de participer à un débat exploratoire sur un sujet d'une importance fondamentale pour l'avenir du pays, l'avenir de l'hémisphère et de la planète. Pourtant, on nous prive de ce qui est au coeur du débat.

Une voix: Où est le texte?

M. Svend Robinson: On nous prive du texte sur lequel se penchent les 34 pays qui négocient cette nouvelle donne hémisphérique, l'Accord de libre-échange des Amériques.

C'est ridiculiser la démocratie que de nous dire que nous pouvons nous prononcer sur les répercussions de la ZLEA, le Sommet des Amériques, sans que nous ayons le texte même. Voilà la première remarque que je tiens à faire.

 

. 2430 + -

C'est pervertir la démocratie que d'avancer que nous pouvons débattre ou dialoguer sérieusement quand, en fait, nous n'avons pas la possibilité de voir le texte même.

Je précise que je partagerai mon temps avec mon collègue, le député de Winnipeg—Transcona. J'aurais dû l'indiquer au début.

Non seulement on nous prive du texte qui est négocié derrière des portes closes, mais le gouvernement se targue d'une parfaite transparence et nous dit que nous n'avons qu'à consulter son site Web pour connaître sa position sur les grands enjeux des négociations de la ZLEA.

Certains d'entre nous l'ont fait. Quelles sont les questions les plus cruciales? Il y a entre autres le mécanisme de règlement des litiges, la propriété intellectuelle, les investissements et les services. Et voici ce que le gouvernement du Canada a à dire sur son site Web officiel concernant sa position sur les investissements:

    Jusqu'à maintenant, le Canada n'a soumis aucun document au comité de négociations sur les investissements. Tout document soumis par le Canada sera diffusé sur le présent site Web.

On repassera pour la transparence. Le site ne dit rien sur les investissements. En réponse à mon collègue, le député de Winnipeg—Transcona, ce même gouvernement a dit qu'il était très préoccupé à propos des répercussions du chapitre 11 de l'ALENA. Il a dit qu'il s'assurerait qu'aucune disposition de ce genre ne serait incluse dans l'accord sur la ZLEA. Quelle fraude, alors que de son propre aveu, il ne s'est même pas donné la peine de soumettre quelque document que ce soit sur la question des investissements!

Cela signifie très clairement que le gouvernement s'en fout. Il ne s'inquiète certainement pas assez de cette question pour soumettre un document sur ce que pourrait signifier cette disposition sur les différends entre investisseurs et États pour la souveraineté du Canada, pour la capacité de tous les ordres de gouvernement de prendre des décisions dans le meilleur intérêt des citoyens que nous avons l'honneur de représenter.

Lorsque nous examinons ce sur quoi porte réellement la ZLEA, l'ALENA ou l'OMC, on se rend compte qu'il s'agit de plus en plus de retirer des pouvoirs aux gouvernements élus démocratiquement pour les mettre entre les mains d'élites corporatives qui n'ont de comptes à rendre qu'à leurs actionnaires.

La Chambre n'a pas à me croire sur parole. Je citerai simplement quelques personnes qui ont signifié très clairement que c'était là l'objectif visé. L'une d'entre elles est Renato Ruggiero, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce. Voici ce qu'il a dit:

      —il y a dans le monde un excédent de démocratie qui gêne la libre circulation des investissements et des capitaux.

Que Dieu nous protège d'un excédent de démocratie. Il nous faut conclure des accords commerciaux comme l'accord sur la Zone de libre-échange des Amériques et l'ALENA. Ces accords empêcheront la démocratie d'avoir trop d'influence sur les grandes entreprises. Selon Michael Walker de l'Institut Fraser:

    Un accord commercial limite simplement la capacité de tout gouvernement en place de réagir à la pression exercée par ses citoyens.

Comme c'est vrai. Il ne faudrait surtout pas que les citoyens soient en mesure d'influencer leur gouvernement dans des domaines comme l'avenir des soins de santé, de l'éducation, de la culture, des programmes sociaux et de l'environnement. Nous savons que ces domaines sont grandement menacés dans le cadre de ce qu'on appelle les négociations commerciales.

Hier, par exemple, le Front commun de l'Organisation mondiale du commerce a publié un document exprimant sa grande inquiétude en ce qui trait aux répercussions des négociations en cours relativement à l'Accord général sur le commerce des services, communément appelé le GATS. Il a clairement fait ressortir que le seul objectif des négociations en cours consiste à ouvrir les services publics à la privatisation et à la concurrence internationale. En d'autres mots, on confierait à des entreprises privées à but lucratif la prestation des services qui sont maintenant assurés, dans l'intérêt public, par le secteur public. Cela sonnerait le glas d'un grand nombre de programmes sociaux que nous avons fini par tenir pour acquis.

Il s'agit d'un processus tout à fait antidémocratique. Je veux également signaler que, en ce qui a trait au processus, nous sommes témoins, dans le contexte du Sommet des Amériques, d'une criminalisation de plus en plus grande de la dissension.

 

. 2435 + -

Nous savons que la ville de Québec elle-même est en train d'être transformée en forteresse armée et que toute dissension, et je parle de protestations non violentes, pacifiques, de gens qui marchent dans les rues pour exprimer leurs craintes au sujet de ce que ces pactes signifieront non seulement pour la population canadienne, mais pour tout le continent américain, est en train d'être criminalisée à bien des égards.

Nous assistons au spectacle obscène de l'élite corporative qui achète son passage dans les corridors du pouvoir. Un demi-million de dollars permet de dire quelques mots à la cérémonie d'ouverture. Si la société ne peut verser que 75 000 $, elle devra se limiter à choisir auprès de quel chef elle fera des démarches et du lobbying dans le contexte de l'accord de libre-échange des Amériques. Quel mépris pour la société civile.

C'est un spectacle consternant que la société civile soit ainsi à l'extérieur du périmètre de quatre kilomètres, et les amis du gouvernement et les membres de l'élite des sociétés qui ont payé ce qu'il fallait pour avoir accès au processus à l'intérieur en train de festoyer.

Je veux dire un mot au sujet d'un autre élément qui nous préoccupe, nous les néo-démocrates. Ce processus n'englobe pas les 35 pays du continent américain. En effet, un pays a été exclu, car les États-Unis ont indiqué très clairement que c'était la règle qu'ils imposaient pour le sommet. Je parle de Cuba. Il est complètement inacceptable que Cuba se retrouve isolé à cause des pressions américaines.

Il n'y a pas si longtemps, le premier ministre a déclaré que Cuba devrait être un membre de la grande famille, devrait être invité à la table, mais suite à un profond revirement de la politique du Canada, le nouveau ministre des Affaires étrangères a déclaré que non, le Canada n'appuierait pas la présence de Cuba aux négociations. C'est tout à fait inacceptable.

Ce processus n'est absolument pas démocratique: on refuse l'accès aux documents des négociations et on criminalise toute dissension de la part de ceux qui s'opposent non seulement au processus, mais aussi au fond. La participation aux négociations et l'influence des sociétés dans tout le processus sont préoccupantes, toutefois, le fond même de l'OMC, de l'ALENA, et maintenant de la ZLEA, inquiète profondément les néo-démocrates.

Je sais que le député de Winnipeg—Transcona va davantage s'attarder sur certaines de ces préoccupations, notamment sur l'impact du chapitre 11, les soi-disant dispositions relatives aux États investisseurs. Nous avons vu ce que donnait la présence de sociétés dans le domaine de la soi-disant propriété intellectuelle, alors que, dans le cadre de l'OMC, des sociétés pharmaceutiques ont essayé d'empêcher le Brésil et l'Afrique du Sud d'offrir des médicaments génériques peu coûteux pour lutter contre le sida et le VIH. C'est le résultat direct de ces soi-disant ententes commerciales dont nous avons pu être témoins.

Pour terminer, je répète que ces ententes commerciales ne visent pas le commerce. Il s'agit plutôt de la puissance des sociétés. En notre qualité de néo-démocrates, nous disons qu'il est temps d'avoir un gouvernement qui négocie une entente commerciale équitable. Nous sommes pour une économie et des échanges commerciaux basés sur des règles, mais des règles qui placent la durabilité écologique, les droits des travailleurs, les droits de la personne et l'environnement avant le profit et le résultat net des sociétés.

M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai une question pour le député de Burnaby—Douglas. Il dénonce le libre-échange avec véhémence, mais il est favorable à un régime d'échanges équitables.

Il y a eu des rumeurs il y a quelque temps et les Canadiens veulent savoir si les néo-démocrates fédéraux n'auraient pas changé d'avis au sujet du libre-échange et s'ils ne seraient pas plus ouverts à l'idée maintenant, au point où ils seraient effectivement prêts à reconnaître que la notion d'avantage concurrentiel et comparatif a du bon et mérite qu'on s'y rallie.

Les premiers ministres néo-démocrates de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et du Manitoba ont tous pris part à la récente mission commerciale d'Équipe Canada dans la région de l'Asie-Pacifique. Le député de Burnaby—Douglas a-t-il informé ces trois premiers ministres de son aversion pour le concept du libre-échange? A-t-il fait preuve à leur endroit d'autant de mépris qu'il en a manifesté à l'égard du projet de libre-échange de l'actuel gouvernement?

M. Svend Robinson: Monsieur le Président, la position des néo-démocrates là-dessus est claire et, comme je l'ai indiqué dans mon dernier commentaire, nous rejetons le modèle proposé dans l'ALENA. Nous rejetons le modèle de l'accord de libre-échange des Amériques. Nous avons exprimé de profondes réserves quant au modèle de l'APEC.

 

. 2440 + -

À l'instar de mes collègues, je me suis beaucoup fait entendre à ce sujet. Nos inquiétudes ont été exprimées dans le cadre de l'APEC. Nous avons certes soulevé de vives préoccupations au sujet des droits de la personne et du respect de l'environnement, comme la vente de réacteurs CANDU à la Chine, les répercussions du projet de barrage des Trois-Gorges et d'autres problèmes graves liés aux violations des droits de la personne en matière de liberté de religion, que ce soit le cas du Falun Dafa ou d'autres cas d'abus semblables. Nous avons assurément parlé de ces problèmes.

Je dirais que nous attendons que l'Alliance canadienne prenne fermement position au sujet des graves violations des droits de la personne dans cet hémisphère. J'ai été surpris d'entendre le député de la circonscription d'Esquimalt—Juan de Fuca défendre le plan des États-Unis en Colombie, en disant qu'en tant que député il approuve l'initiative militaire du plan Colombie.

Pour ce qui est des droits de la personne, je suggère à l'honorable député de Coquitlam de parler à son collègue de la circonscription d'Esquimalt—Juan de Fuca pour lui rappeler le problème des droits de la personne dans cet hémisphère, qui est le sujet de notre débat de ce soir.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux choses à dire. Peut-être était-ce dû à la façon dont le député a formulé son intervention lorsqu'il a dit que le secteur privé faisait certaines choses que le gouvernement faisait, mais il m'a semblé dénigrer les travailleurs du secteur privé. Je pense que l'ensemble des travailleurs, qu'ils oeuvrent dans le secteur privé ou public au Canada, travaillent généralement très fort pour fournir un service particulier.

Ma question porte sur les services. L'honorable député a laissé entendre que la santé, l'éducation publique et les services sociaux pourraient être compromis. La semaine dernière, le ministre du Commerce international a annoncé la position du Canada au sujet du GATT. Il a dit clairement que ces domaines ne subiraient aucun préjudice dans le GATT ou dans l'Accord de libre-échange des Amériques.

M. Svend Robinson: Monsieur le Président, je me demande pourquoi nous devrions accorder foi aux propos du ministre compte tenu de la feuille de route du Parti libéral dans les dossiers commerciaux. Je me souviens qu'au cours de la campagne électorale de 1993, les libéraux ont vigoureusement pris position contre l'ALENA. Ils ne voulaient absolument rien savoir de l'ALENA.

Au cours de la législature précédente, l'actuel ministre de l'Industrie, à l'instar de tous ses collègues, s'est élevé vigoureusement contre la loi sur les produits pharmaceutiques, ce cadeau aux sociétés pharmaceutiques multinationales. Dans l'intervalle, nous avons assisté à un revirement des plus honteux. En fait, le ministre de l'Industrie s'est aplati devant Brian Mulroney à Davos, en Suisse: «Tu avais raison, Brian. Nous du Parti libéral avons eu tort».

Encore la semaine dernière, devant un comité sénatorial, le ministre s'est excusé auprès du Sénat de la position libérale, à savoir que le projet de loi sur les produits pharmaceutiques saignerait à blanc les citoyens canadiens démunis. C'est ce qu'il a dit à l'époque. Aujourd'hui, il affirme le contraire. Pourquoi devrions-nous croire un mot de ce que raconte le ministre du Commerce au Parlement ou aux Canadiens?

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole après mon collègue, le député de Burnaby—Douglas, afin d'exprimer officiellement les préoccupations profondes du NPD concernant la ZLEA. Nos préoccupations touchent non seulement la ZLEA, mais aussi divers autres accords contenant des éléments identiques à ceux que le gouvernement voudrait inclure dans la ZLEA.

Nous nous élevons contre le libre-échange des Amériques pour les mêmes raisons que nous avons contesté l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, l'Accord de libre-échange nord-américain, l'Accord multilatéral sur l'investissement et l'Organisation mondiale du commerce. Tous ces accords, dont certains existent comme l'ALENA, certains ont marqué l'histoire comme l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, certains ont été défaits comme l'Accord multilatéral sur l'investissement et certains sont en voie de négociation, sont assimilables à l'OMC. Tous ces accords ont en commun le fait qu'ils ont été conçus d'abord et avant tout pour limiter la capacité de gouvernements élus démocratiquement d'agir pour le bien du pays, pour le bien commun.

 

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Comme l'a dit plus tôt mon collègue, quand il a cité Renato Ruggiero, l'ancien directeur de l'OMC, l'élite des grandes entreprises tant nationales qu'internationales est d'avis depuis un certain temps déjà, en fait depuis le milieu des années soixante-dix, que le monde occidental connaît un surplus de démocratie. Il y avait un dérapage. La réglementation de l'économie était en train d'empêcher les grandes entreprises de maximiser les profits à leur goût.

On a commencé à observer un mouvement de ressac de la part des grandes entreprises dans les années 70, mouvement qui, à la fin des années 80, s'est traduit par des accords de libre-échange. On a pris le vieux concept du libre-échange et du protectionnisme, qui, à divers moments a trouvé des partisans parmi les divers éléments du spectre politique, et qui visait essentiellement l'élimination des droits de douane et ainsi de suite, pour l'appliquer à un phénomène nouveau englobant non seulement les éléments classiques du libre-échange, mais aussi des secteurs tout à fait nouveaux comme l'énergie, l'investissement, et maintenant les services, le dernier en date dans la liste des secteurs que les entreprises voudraient voir assujettis à ces accords.

Le député de Burnaby—Douglas a dit qu'il était déçu du fait que nous discutions du libre-échange des Amériques sans avoir le texte de l'accord. Le fait que nous n'ayons pas le texte de l'accord n'a rien de fortuit. La seule fois où nous avons eu le bénéfice du texte d'un accord avant qu'il soit adopté, le projet a avorté. Le texte de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement, s'était retrouvé sur Internet où n'importe qui pouvait en prendre connaissance. Si cet accord n'a pas abouti, c'est que les gens étaient en mesure de savoir exactement ce que leurs gouvernements s'apprêtaient à leur imposer.

Je ne crois pas le ministre du Commerce lorsqu'il dit qu'il aimerait bien publier le texte du projet d'accord mais qu'il n'arrive pas à convaincre les autres pays concernés de le faire. Je suis convaincu que tous les pays se sont entendus pour éviter de publier le texte de l'accord. Ils savent trop bien que, s'ils le publiaient, cela ne ferait qu'inciter encore davantage de gens à se rendre à Québec pour protester contre ce que leurs gouvernements s'apprêtent à leur faire.

La question n'est pas seulement de savoir ce que ces gouvernements entendent faire à leurs citoyens dans le sens de les dépouiller de leurs droits et de les empêcher de se servir de l'État pour favoriser le bien commun. La vraie question est: pourquoi les gouvernements veulent-ils se réserver ce traitement? C'est ce que nous avons vu de plus consternant au cours de la dernière décennie du XXe siècle et ce que nous voyons encore au début du XXIe siècle.

Lorsque, dans cent ans, on écrira l'histoire de la démocratie libérale occidentale, on mettra en relief le déclin de cette démocratie de la même manière que nos livres d'histoire parlent du déclin de la démocratie d'Athènes, du déclin des idéaux de la république romaine ou d'autres époques où, au départ, une idée a fleuri, puis a connu son apogée, avant de commencer à perdre de son lustre pour une raison ou pour une autre.

Depuis la fin des années 1980, nous avons assisté de manière constante, dans le cadre des accords de libre-échange, à un abandon conscient, en faveur des sociétés, de pouvoirs de la part des représentants élus, des parlementaires, individuellement et collectivement, et de la part des gouvernements élus démocratiquement, pouvoirs qui leur avaient été confiés par leurs citoyens, leurs électeurs. Cela s'est fait directement ou indirectement, par le truchement d'accords commerciaux internationaux ou régionaux destinés à protéger les valeurs et les intérêts de ces mêmes sociétés.

 

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Dans 100 ans, il sera vraiment intéressant de voir les historiens essayer de comprendre ce qui s'est produit au cours des années 1990 et au début du XXIe siècle, cela si nous pouvons survivre, respirer l'air et boire l'eau que nous aurons dans une économie de marché mondiale déréglementée. Si nous survivons, on ne comprendra pas pourquoi ces gens auront abandonné le contrôle de l'économie et trahi la confiance des citoyens qui les ont élus. On se demandera pourquoi diable ils ont sacrifié ce pouvoir.

C'est pour cette raison que les gens viendront manifester à Québec, comme ils l'ont fait à Seattle et à Windsor. Ceux qui peuvent le faire vont se rendre au Qatar, lors de la prochaine réunion de l'OMC, pour manifester. Le prochain sommet des Amériques aura sans doute lieu dans les îles Malouines. On ne pourra plus tenir ces réunions dans des enceintes clôturées et artificielles. Il faudra les tenir dans des îles qui peuvent être défendues par diverses forces navales, parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui considèrent ces rencontres comme une attaque contre la démocratie.

Ce que je déplore, c'est que les personnes qui devraient défendre la démocratie, les représentants qui sont en fait élus, se laissent avoir. Nous avons entendu bien des commentaires, ce soir, de la part de députés qui vantaient les mérites du libre-échange sans se rendre compte qu'ils vantaient, en tant que parlementaires, leur propre déchéance et individuelle et collective.

Et tout cela dans quel but? Comme je l'ai déjà mentionné, dans le but de limiter le pouvoir du gouvernement, et aussi, comme l'a indiqué un député libéral plus tôt, dans une perspective canadienne, dans le but de favoriser l'accès du Canada aux marchés. Le député libéral qui a fait ce commentaire voulait plutôt dire favoriser l'accès des sociétés canadiennes de services aux marchés.

On nous demande d'abandonner les programmes et les politiques d'intérêt public qui nous ont permis de bâtir une société différente, et de réglementer notre économie dans l'intérêt de la collectivité et non dans celui des particuliers et des sociétés. On nous demande d'abandonner tout cela pour que les entreprises canadiennes ne soient pas confrontées à des politiques similaires dans d'autres pays.

On nous demande d'abandonner notre mode de vie dans l'intérêt des entreprises, afin qu'elles puissent réaliser des bénéficies et aller de l'avant avec leurs stratégies axées sur les profits. Voilà ce qu'on nous demande de faire. On nous dit que cette initiative favorisera la création d'emplois. Peut-être. Si nous devons, en même temps, abandonner notre mode vie, abandonner la possibilité de nous démarquer des autres pays, d'épouser des valeurs socio-économiques distinctes, alors je dis que qui sème le vent récolte la tempête. Ça ne vaut pas le coup.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le député sait sûrement que je lui porte le plus grand respect en tant que personne et que je respecte aussi grandement sa carrière au Parlement. Ces dernières semaines, j'ai été fort impressionné par la sagesse des propos qu'il a tenus à la Chambre.

Je ne discuterai pas de ce qu'il vient de dire, même si je suis fondamentalement en désaccord avec sa thèse. Je voudrais lui donner, et donner peut-être aussi au Nouveau Parti démocratique, la possibilité de se voir cité au compte rendu au sujet d'une question connexe. Je respecte sincèrement le Nouveau Parti démocratique, notamment ce député, et le fait qu'ils ont un point de vue particulier. Ils veulent aller à Québec pour faire ces déclarations.

 

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Je respecte aussi sincèrement les autres Canadiens réfléchis qui partagent ce point de vue. Je voudrais donner au député la possibilité de faire quelques commentaires sur les personnes qui s'emparent de la crédibilité des personnes réfléchies comme lui et d'autres qui veulent protester et qui s'en servent pour semer l'anarchie.

Il est malheureux que le gouvernement ait dû dresser des barrières et des murs et prendre d'autres mesures de sécurité. Je voudrais donner au député et à son parti la possibilité de dire qu'ils veulent avoir le droit de contester démocratiquement ce sommet, qu'ils veulent avoir le droit de manifester pacifiquement, et qu'ils veulent avoir le droit de faire leurs déclarations avec autant de vigueur que possible, mais qu'ils dénoncent et rejettent les tendances anarchistes des personnes qui se présenteront avec l'intention avouée de semer l'anarchie et de se livrer à des méfaits publics.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je réponds au député que, dans toutes les déclarations faites par le député de Burnaby—Douglas en tant que porte-parole du NPD en matière de commerce, par moi-même qui fus ce porte-parole, ou par notre chef, il ne fait aucun doute que nous irons à Québec pour être solidaires avec les gens qui veulent manifester pacifiquement contre la Zone de libre-échange des Amériques.

J'étais présent à Seattle pour représenter le NPD. Ce n'était pas incompatible avec ce que nous ferons à Québec. Ce n'était pas incompatible avec ce qui s'est fait jusqu'à présent. Des dizaines de milliers de personnes à Seattle manifestaient contre l'Organisation mondiale du commerce et n'avaient en rien planifié, posé ou approuvé les gestes d'une minorité de protestataires qui avaient une philosophie différente et ont cassé des vitres.

Il y a des gens qui sont contre toute forme de gouvernance mondiale. Nous avons déjà dit que nous n'étions pas contre une économie basée sur des règles multilatérales. Nous voulons cependant qu'elle soit conçue non dans l'intérêt des multinationales mais dans celui de tous les peuples. Cela signifie que nous devons prévoir des normes fondamentales en matière de travail et d'environnement et ainsi de suite, tout ce dont les grandes sociétés ne veulent pas dans ces accords.

Je remercie le député d'avoir posé la question, mais comme d'autres néo-démocrates, j'y ai déjà répondu bien des fois.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je vais poser une brève question. Le dossier est complexe, mais je veux donner au député l'occasion de commenter brièvement une des dispositions les plus menaçantes de l'ALENA qu'on propose de reproduire dans la ZLEA. Il s'agit du chapitre 11 qui porte sur les États investisseurs.

Nous avons fait l'objet de contestations par UPS, qui intente une action contre notre service postal public, par S.D. Myers parce que nous avons interdit les exportations de BPC et par Sun Belt Water au sujet des exportations d'eau en grandes quantités. Le député pourrait-il expliquer brièvement ce qu'il pense de cette disposition très dangereuse?

M. Bill Blaikie : Monsieur le Président, si j'avais eu plus de temps pour élaborer sur l'impact de ces accords sur la démocratie et pour expliquer comment ils menacent la démocratie, j'aurais cité à titre d'exemple le chapitre 11, le mécanisme de règlement des différents entre états investisseurs.

Les éléments que le député de Burnaby—Douglas vient d'énumérer, et je pourrais poursuivre la liste, correspondent essentiellement à une liste de décisions, de choix que les gouvernements démocratiquement élus ont faits dans le passé ou pourraient faire à l'avenir, dans le cadre de l'élaboration des politiques gouvernementales, et qui pourraient maintenant être contestés par le truchement de ce mécanisme de règlement des différents entre États investisseurs.

Non seulement ces décisions font l'objet d'une contestation, mais cette situation entraîne un effet pervers car les gouvernements craignent ensuite de prendre d'autres décisions à cause de l'existence de ce mécanisme.

M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vais partager la période de temps dont je dispose avec le député de Skeena. Du 20 au 22 avril 2001, 34 dirigeants démocratiquement élus qui représentent un territoire allant d'Iqaluit à la Terre de Feu et comptant une population réunie de quelque 800 millions d'habitants se réuniront à Québec dans le cadre du Sommet des Amériques.

 

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Au programme figurent des thèmes comme l'intégration économique, un accès amélioré à l'éducation, l'atténuation de la pauvreté, un plus grand respect des droits de l'homme et le développement démocratique.

L'exercice a pour objet de faire un pas collectif vers la mise en oeuvre d'une zone de libre-échange des Amériques, de libre-échange de l'hémisphère qui offrirait une plus grande intégration économique, une meilleure croissance économique et un développement général qui profiterait à tous les intéressés.

Ceux d'entre nous qui acceptent et encouragent le principe d'un avantage concurrentiel et comparatif dynamique espèrent que les pourparlers seront francs et productifs. Toutefois, ces pourparlers pourraient être occultés par les manifestations monstres de militants tapageurs qui se tiendront partout dans Québec. La presse, toujours à la recherche d'histoires juteuses, devra choisir entre un reportage aride sur le commerce accru entre le Costa Rica et le Canada et des images explicites de manifestants anti-Sommet en train de protester haut et fort.

En fin de compte, les manifestants réussiront peut-être à faire passer leur message—que le libre-échange est mauvais—auprès d'un public indifférent, comme ce fut le cas à Seattle. Cependant, le Canadien moyen guidé par son bon sens saura que la vérité est en fait tout autre. Le libre-échange est non seulement bon, mais le commerce fondé sur des règles équitables est un but qui mérite d'être poursuivi avec énergie.

Entrez dans n'importe quelle cuisine canadienne: vous y verrez des fruits et du café d'Amérique latine à côté de bières mexicaines, de vins chiliens et de fromages canadiens, ce qui vous confirmera les très évidents avantages du commerce pour tous, des avantages que nous les tenons souvent pour acquis. Au départ, le sommet des Amériques de Québec vise à définir des règles garantissant que la libéralisation du commerce dans les Amériques profitera à tous. Malheureusement, on entend uniquement parler de la propagande contre le libre-échange, une propagande qui est franchement dénuée de toute vérité.

J'examinerai certaines des objections les plus fréquentes à propos du libre-échange.

Nous venons d'entendre mon collègue de Winnipeg—Transcona et, avant lui, mon collègue de Burnaby—Douglas. Ils soutiennent tous les deux, comme le Syndicat canadien de la fonction publique, que:

    En vertu du chapitre 11 de l'ALENA, pratiquement toute mesure prise par un gouvernement et qui limite la valeur actuelle ou future d'un élément d'actif détenu par une société étrangère peut faire l'objet d'une demande d'indemnisation.

Cette affirmation est vraie, mais ce que le SCFP oublie bien sûr d'ajouter, tout comme les opposants à l'ALENA, c'est qu'au Canada, les citoyens comme les entreprises, qu'ils soient étrangers ou non, ont depuis longtemps le droit de poursuivre le gouvernement pour exiger une indemnisation lorsque celui-ci a pris des mesures qui leur ont injustement porté préjudice.

De nombreux Canadiens se souviendront probablement du fameux scandale de la privatisation de l'aéroport Pearson. Il faisait suite à la vente, durant les derniers jours de l'administration Mulroney, des terminaux 1 et 2 de l'aéroport Pearson à un consortium comprenant des alliés politiques.

Durant la campagne électorale de 1993, les libéraux avaient promis d'annuler cette transaction et de réexaminer le contrat. Ils ont gagné les élections et annulé la transaction. Le consortium a intenté des poursuites. Lorsque les libéraux ont répondu qu'on ne pouvait poursuivre un gouvernement parce qu'il n'avait pas tenu une promesse électorale, la Cour d'appel de l'Ontario ne fut pas du même avis. La décision rendue en 1995 est que nous pouvons poursuivre un gouvernement pour l'annulation d'un contrat et réclamer des dommages-intérêts pour profits perdus.

Le gouvernement a alors décidé de régler hors cour avec le consortium, acceptant de verser 265 millions de dollars à ce dernier.

Ainsi, les Canadiens et les entreprises canadiennes peuvent poursuivre le gouvernement canadien. Les étrangers et les entreprises étrangères peuvent faire de même. À seulement deux coins de rue de cette Chambre se trouve un tribunal appelé la Cour fédérale du Canada, qui est compétente «dans toutes les affaires où une réparation est demandée contre la Couronne», et elle reconnaît le droit des particuliers et des entreprises de poursuivre le gouvernement fédéral. Bien entendu, ce droit comprend celui de poursuivre le gouvernement pour la perte de profits ou la perte de biens.

Nos accords commerciaux n'ont donc pas vraiment accordé de nouveaux droits aux entreprises étrangères ici au Canada. Ils ont plutôt pour effet d'exporter vers d'autres pays les normes canadiennes en matière de droits juridiques et politiques.

Un deuxième mythe souvent propagé par les détracteurs d'un commerce élargi est leur croyance que le commerce planétaire est un mal ne profitant qu'aux grandes entreprises et devant être combattu à tout prix. Nous avons entendu cet argument dans les deux exposés précédents. Ce point de vue ne correspond tout simplement pas à la réalité ni ne résiste à un raisonnement économique sérieux. Nous avons observé la montée en flèche de la croissance et de la prospérité par suite de la signature de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ainsi que de l'ALENA. Nous avons constaté de première main l'avantage extraordinaire qu'il y a à commercer dans le cadre d'une structure et de règles convenues avec une démocratie d'optique commune au sud de notre frontière.

En appliquant des principes qui ont fait leurs preuves à l'ALENA, à un accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, et maintenant, à l'accord de libre-échange proposé entre le Canada et le Costa Rica, nous avons voulu diversifier le marché canadien des exportations, en partie pour rendre le Canada un peu moins dépendant à l'égard des États-Unis sur le plan commercial. C'est un pas dans la bonne direction.

 

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À l'heure actuelle, le Canada fait plus de 80 p. 100 de ses échanges avec les États-Unis, et nous commerçons plus avec le Japon, notre deuxième partenaire, qu'avec l'Amérique latine et les Caraïbes réunies. Le commerce, c'est bien, mais le commerce multilatéral, avec de nombreux partenaires, c'est encore mieux.

Par la ZLEA, on vise à créer un régime commercial fondé sur des règles, qui serve les intérêts de chacun. Reportons-nous en octobre 1999, quand l'OMC, à la suite d'une plainte du Japon, a annulé le vieux pacte canado-américain de l'automobile. En supprimant l'accès de la production automobile canadienne aux marchés américains, cette décision aurait pu être désastreuse et entraîner la perte de milliers d'emplois en Ontario et au Québec.

Au lieu de cela, le commerce ouvert prévu par l'Accord de libre-échange canado-américain s'est concrétisé, et, depuis, les exportations canadiennes vers les États-Unis ont augmenté de plus de 15 p. 100 dans ce secteur. Voilà qui profite aux travailleurs canadiens de l'automobile, surtout à ceux qui sont membres du syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile, ceux des usines en Ontario et au Québec qui construisent maintenant des automobiles destinées à des marchés aussi éloignés que ceux du Chili et de l'Arabie saoudite.

Ainsi, même si le Syndicat canadien de la fonction publique, le SCFP, dénonce le libre-échange, les exportations font vivre les membres du syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile. Peut-être que les dirigeants du SCFP devraient écouter leurs frères et soeurs du syndicat TCA, qui leur diraient que le libre-échange fondé sur des règles a du bon et que leurs emplois en sont la preuve.

Cet argument n'a pas été perdu dans les projets de souveraineté du Bloc québécois et du Parti québécois. Ils ont toujours pris soin de laisser entendre que la séparation n'exclurait pas le Québec ni de l'Accord de libre-échange ni de l'ALENA. La question de savoir si son statut serait maintenu est un autre débat, mais il reste que le libre-échange est avantageux pour l'économie du Québec, et ses représentants à Ottawa et à Québec le reconnaissent et le font bien savoir.

On peut dire que, si les dernières élections qui se sont déroulées au Mexique peuvent être reconnues à juste titre comme les premières élections libres et honnêtes de l'histoire de ce pays, c'est grâce entre autres à la participation du Mexique à l'ALENA et à l'attachement à la démocratie qui est exprimé dans l'accord par le Canada et les États-Unis.

De même, il semblerait qu'en Amérique du Sud un attachement sincère à la démocratie et à tout ce qu'elle suppose est considéré comme une condition nécessaire à la participation à la Zone de libre-échange des Amériques.

Le député de Burnaby—Douglas a demandé plus tôt, comme il l'avait déjà fait en comité, pourquoi Cuba n'est pas invité au Sommet sur la ZLEA. Je vais répéter aujourd'hui ce qui je lui ai répondu en comité. Si Cuba n'est pas à Québec, c'est parce qu'il doit y avoir un consensus entre les 34 pays participants au sujet de la présence de Cuba. Et s'il n'y a pas de consensus à ce sujet, c'est peut-être, pourrais-je indiquer au député de Burnaby—Douglas, parce que, depuis 1959, le régime castriste a chassé, incarcéré ou tué le cinquième de la population du pays. C'est peut-être lié à cela.

Beaucoup de ceux qui manifestent contre la tenue du sommet sont des activistes syndicaux qui défendent ardemment le droit à la négociation collective. Les Canadiens respectent depuis longtemps ce droit et admettent la nécessité de tenir des négociations patronales-syndicales derrière des portes closes dans la mesure où les syndiqués de la base sont consultés avant le début des négociations et qu'ils ont la possibilité de ratifier l'entente finale.

Les mêmes principes doivent s'appliquer dans le cas du sommet de Québec. Ceux qui disent autrement ne sont pas vraiment intéressés à une plus grande transparence mais plutôt à plaider pour une plus grande ouverture et s'en servir comme d'un cheval de Troie afin de faire saboter les négociations de la ZLEA. Il nous faut reconnaître ce comportement pour ce qu'il est, antidémocratique et contraire à leurs pratiques et à leurs intérêts.

Bref, il s'agit d'une application sélective de la négociation à huis clos quand cela fait leur affaire, mais pas quand la négociation est dans le meilleur intérêt de leurs contradicteurs. Les vrais démocrates reconnaissent cette incohérence comme un manque de courage devant un principe jugé insaisissable de la négociation collective.

Je termine en citant un des grands socialistes européens, le premier ministre Tony Blair du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, qui a affirmé devant cette Chambre:

    Il est temps, je pense, de débattre avec vigueur et clarté de la justesse du libre-échange. C'est la clé de l'emploi pour nos gens, de la prospérité et même du développement des régions les plus pauvres du monde. L'argumentation contre le libre-échange est mal inspiré et, pire encore, injuste.

Au nom de l'opposition officielle, je dis «amen» au premier ministre Blair. Aucun premier ministre n'a énoncé ici de vérité plus juste depuis longtemps.

 

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M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui concernant le Sommet des Amériques qui aura lieu bientôt à Québec, soit le 20 avril de cette année. Mes remarques à ce sujet viseront principalement le commerce et, plus précisément, le commerce du bois d'oeuvre entre les États-Unis et le Canada.

Le gouvernement libéral ne semble pas prendre la question au sérieux. Nous, tant que nous sommes sur les banquettes alliancistes, souhaitons que l'accord actuel disparaisse et soit remplacé par le régime de libre-échange qui devait être établi quand l'ALENA a été signé. Nous estimons trop faibles les efforts déployés en ce sens.

Le commerce du bois d'oeuvre sera de nouveau régi par les règles de l'ALENA si aucun accord n'est conclu à cet égard. Le 7 juin 2000, l'Alliance canadienne a affiché sur son site Internet sa position sur le retour au libre-échange pour ce qui est du bois d'oeuvre résineux. Pendant les élections de novembre, il nous a été impossible de débusquer les libéraux pour connaître leur position et, depuis janvier, ce ne n'est que par bribes qu'ils nous livrent un petit aperçu de leur position sur le libre-échange.

Ayant signé en 1996 un accord peu judicieux qui a imposé toutes sortes de contraintes aux producteurs canadiens de bois d'oeuvre, nous sommes maintenant dans la mire des gros canons américains pour le commerce. Le gouvernement libéral a fait faux bond aux producteurs canadiens il y a longtemps en ne se taillant pas une place en faveur du libre-échange du bois d'oeuvre. On ne peut que se demander à quoi il s'est occupé.

Je veux vous donner un peu de contexte pour expliquer l'importance de cette question pour moi et pour ma circonscription de Skeena, en Colombie-Britannique. Cette province réalise plus de 50 p. 100 des exportations canadiennes de bois d'oeuvre vers les États-Unis, exportations dont la valeur estimée dépasse 5 milliards de dollars par année. Étant donné que l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux entre le Canada et les États-Unis arrive à échéance et qu'aucun accord de libre-échange n'est prévu, ma circonscription, ainsi que bien d'autres en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, vont en pâtir.

Dans ma circonscription, Skeena Cellulose Inc., le plus gros producteur, n'a pas de quota américain vu qu'elle exporte essentiellement vers le marché asiatique. Toutefois, maintenant que ces marchés se sont refroidis, SCI se tourne maintenant vers les États-Unis qui pourraient lui offrir un marché potentiel. Le problème, c'est que l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux dépend de l'historique des échanges. Ce que l'on a exporté vers les États-Unis dans le passé détermine ce que l'on est autorisé à exporter aujourd'hui. Cet important producteur de bois d'oeuvre n'a jamais fait d'exportation à destination des États-Unis. Il y a probablement des fermetures et des mises à pied imminentes.

Au cours des cinq dernières années, les quatre provinces qui ont signé l'accord de 1996 n'ont pas ménagé leurs efforts pour respecter et ne pas dépasser le quota qui leur était autorisé pour les États-Unis, tandis que les six provinces canadiennes exemptées ont vu leur part de marché augmenter jusqu'à concurrence de 130 p. 100. La part du marché de la Colombie-Britannique a diminué de 20 p. 100; celle du Québec a modestement augmenté de 2,8 p. 100. La part du marché américain des quatre provinces visées a diminué jusqu'à concurrence de 14,5 p. 100.

Le gouvernement doit mettre les choses au clair avec les États-Unis avant que cet accord ne coûte des milliards de dollars en droits compensateurs et droits antidumping au Canada. Les ministres du gouvernement ne semblent même pas s'entendre. Le ministre de l'Industrie aurait dit qu'un renouvellement de l'accord existant est un point qui fera partie des négociations, tandis que le ministre du Commerce international dit qu'il n'y aura pas de renouvellement du tout. Qui croire?

Comment les producteurs canadiens de bois d'oeuvre peuvent-ils croire ce que le gouvernement est prêt à faire pour eux, lorsque le gouvernement lui-même ne sait pas ce qu'il fait? Cela ne m'inspire pas beaucoup confiance.

Entre-temps, 50 sénateurs des États-Unis ont envoyé une lettre au président disant qu'il faut prendre des mesures pour empêcher le Canada d'inonder le marché américain avec son bois d'oeuvre. Quelle ligne de conduite adopteront-ils? Selon la lettre, les Américains demandent qu'Ottawa impose volontairement une taxe à l'exportation sur le bois d'oeuvre canadien. C'est une mesure que nous avons prise dans les années 1980. Avons-nous tellement progressé que nous devons retourner en arrière?

Les États-Unis cherchent aussi à lancer une enquête sur les mesures antidumping et les subventions en vertu d'une loi commerciale rarement utilisée pour s'assurer que le Canada paiera à l'expiration de l'accord actuel à la fin du mois. La loi sur les circonstances critiques est utilisée uniquement lorsque le marché national risque d'être inondé de produits importés bon marché. Aux termes des lois commerciales américaines normales, des droits d'importation ne peuvent pas être imposés pendant au moins 90 jours suivant l'expiration de l'accord commercial. Si l'enquête confirme que les producteurs sont subventionnés, comme le prétendent les États-Unis, la loi sur les circonstances critiques permettra alors au gouvernement américain d'imposer des droits punitifs rétroactivement pour cette période de 90 jours.

Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que, même si nous aurons une forme de libre-échange pendant trois mois, lorsque cette période sera terminée, les producteurs canadiens se verront imposer des droits pour ces mois où un régime de libre-échange étaient censé être en place.

Pour aggraver les choses, les producteurs canadiens n'ont aucune idée du montant des droits qu'ils auront à payer. Ils pourraient varier entre 15 et 45 p. 100. Cela pourrait coûter aux producteurs canadiens des dizaines de millions de dollars. Selon l'amendement Byrd adopté l'automne dernier, ces droits devront être versés aux producteurs de bois d'oeuvre des États-Unis. Ainsi, non seulement les producteurs canadiens ne pourront plus expédier leur bois d'oeuvre aux États-Unis sans avoir à payer des droits élevés, mais les paiements qu'ils feront iront à leurs concurrents américains.

 

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On peut dire que c'est là une subvention, monsieur le Président, mais c'est malheureux que ce sont les producteurs canadiens qui subventionnent leurs homologues américains. Les vraies perdants sont les consommateurs américains et les emplois au Canada, et la gagnante est une bruyante coalition américaine de producteurs de bois d'oeuvre. Le tout pourrait dégénérer en crise nationale, mais bien malin celui qui pourrait s'en rendre compte à la façon dont le gouvernement gère la situation. Est-il prêt à rencontrer ses homologues américains au cours du sommet pour s'assurer du respect des dispositions de libre-échange dans le secteur du bois d'oeuvre? Lorsque les ministres se réuniront plus tard à Buenos Aires pour discuter de la nouvelle zone de libre-échange des Amériques, le gouvernement devra être prêt à faire appliquer le libre-échange dans le commerce du bois d'oeuvre avec les États-unis.

Pour l'instant, le président Bush est prêt à recourir à la procédure accélérée pour faire adopter la ZLEA. Il est temps que le gouvernement libéral prennent les choses en mains et défendent les intérêts des producteurs canadiens de bois d'oeuvre et ceux de leurs dizaines de milliers d'employés.

Si, au terme de l'ALENA, le gouvernement ne peut garantir que les échanges commerciaux avec les États-Unis seront un jour libéralisés dans l'industrie du bois d'oeuvre, comment alors pouvons-nous être certains qu'avec la ZLEA, les Américains ne recourront pas à des solutions protectionnistes, comme ils l'ont fait dans le cas du bois d'oeuvre, dès qu'une de leurs industries se sentira menacée par une homologue canadienne?

Le Canada n'est pas le seul grand pays industrialisé à être tributaire du commerce. Les échanges commerciaux génèrent le tiers de nos emplois. Notre pays a été un ardent partisan de la ZLEA, qu'il considère comme un moyen de promouvoir la prospérité régionale et de stimuler l'activité commerciale et l'emploi au Canada. Il serait logique que ces avantages proviennent en partie de l'industrie du bois, mais on a l'impression que le gouvernement du Canada préférerait que le commerce soit axé sur ce qu'il appelle la nouvelle économie, c'est-à-dire le secteur des hautes technologies. Ne vous méprenez pas. Bien sûr qu'il faut constamment chercher à améliorer nos technologies. Mais faut-il le faire aux dépens des autres secteurs d'activité plus traditionnels? Non.

Tous les secteurs d'activité du Canada doivent avoir les mêmes chances de croître et de prospérer. Si nous avions avec les États-Unis un accord de libre-échange de cinq ans sur les fibres optiques qui arrivait à expiration dans trois jours, je me demande si le gouvernement se croiserait les bras ou s'il ne ferait pas des pieds et des mains pour trouver une solution qui éviterait aux entreprises de ce secteur de perdre des millions de dollars au profit de leurs homologues américaines. Est-ce que le gouvernement n'essaierait pas de conclure un autre accord? Je me demande bien pourquoi alors le gouvernement laisse le secteur du bois d'oeuvre se débrouiller tout seul pour défendre ses intérêts commerciaux.

Nous avons l'étrange impression que le gouvernement ne se rend pas compte que notre pays dépend de ces secteurs d'activité au moins autant, sinon plus, que lorsqu'il en était encore à ses premiers balbutiements. Ces industries, dont on dit qu'elles appartiennent a ce qu'on appelle la vieille économie, sont pourtant le moteur de la recherche et du développement dans le secteur des hautes technologies. Elles sont l'un des plus gros consommateurs des avancées technologiques. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas défendre le libre-échange dans le secteur du bois d'oeuvre?

Nous avons besoin d'un consensus. Nous avons besoin de nous unir pour affronter l'industrie américaine du bois d'oeuvre d'un bloc, avec toutes les provinces dans le même camp, sans le clivage est-ouest que l'on observe actuellement.

Nous avons tous les mêmes intérêts à défendre. Nous devons nous rendre compte que nous avons des alliés aux États-Unis, notamment un groupe appelé American Consumers for Affordable Homes qui est en faveur de logements abordables et qui défend les mêmes objectifs que le groupe canadien Free Trade Lumber Council qui prône la libéralisation du marché du bois d'oeuvre. Ce groupe a reçu l'appui de 49 membres de la Chambre des représentants, des membres qui ont déposé, au début mars, une résolution demandant que l'on mette fin à l'accord sur le bois d'oeuvre. Pourquoi ont-ils posé un tel geste? Parce que la coalition des constructeurs d'habitations soutient que les restrictions imposées au bois canadien ajoutent environ 1 000 $ au coût de chaque nouvelle maison construite aux États-Unis.

L'ancien président des États-Unis Jimmy Carter appuie l'industrie canadienne du bois dans un éditorial paru le 24 mars. Il prône la fin de l'accord sur le bois d'oeuvre et l'adoption d'une entente permanente de libre-échange qui aurait pour effet d'uniformiser les règles du jeu auxquelles sont soumis les deux pays dans le marché du bois d'oeuvre. Si des membres de la Chambre des représentants, des citoyens américains et même des anciens présidents sont prêts à défendre l'industrie canadienne du bois auprès de leur propre gouvernement, pourquoi le gouvernement du Canada ne le fait-il pas lui aussi?

Nous devons intervenir sans délai. Je demande au gouvernement libéral du Canada de prendre position sur la question et de se porter à la défense de l'industrie canadienne du bois. N'abandonnez pas les producteurs canadiens de bois.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le président, je tiens à remercier le député de l'Alliance canadienne d'avoir soulevé la question du bois d'oeuvre, car, comme il le sait, l'entente visant les provinces maritimes, entente qui exempte les provinces des modalités des accords conclus récemment, nous a été, dans la région de l'Atlantique, grandement profitable.

Est-ce que le député, ou son parti, appuie la région de l'Atlantique, qui souhaite que l'entente visant les provinces maritimes soit maintenue advenant la conclusion de tout nouvel accord sur le bois d'oeuvre?

 

. 2520 + -

M. Andy Burton: Monsieur le Président, mon parti et moi sommes en faveur de l'égalité d'accès et de l'ouverture d'accès au marché pour tous les producteurs canadiens. Je crois fermement que l'industrie au Canada peut livrer une concurrence très sérieuse à son homologue américain. Il suffit simplement d'avoir librement accès à ce marché sur une base égale dans tout le pays. Tant que nous n'aurons pas obtenu cela, il n'y aura ni satisfaction ni consensus chez les producteurs du Canada. Tous réclament l'égalité d'accès au marché américain, de manière libre et ouverte.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de la circonscription de Skeena qui fait de l'excellent travail en défendant constamment les intérêts des résidants de sa circonscription face au désastre économique que constitueraient les tarifs sur le bois d'oeuvre résineux que veulent imposer nos amis américains.

Nous tenons ce soir un débat très important sur un accord commercial également très important. En fait, ce débat exploratoire doit son existence à une motion du gouvernement qui occupe, si je ne m'abuse, 172 sièges à la Chambre.

Une voix: C'est 171 plus Lynn Myers.

M. Jason Kenney: C'est 171 moins le député de Waterloo—Wellington.

Il y a environ 130 députés dans l'opposition. Je me demandais seulement si mon collègue voudrait réfléchir au fait que pour faire suite à cette très importante motion du gouvernement dont il vient tout juste de parler à 1 h 20, heure de l'Est, il y a actuellement à la Chambre huit fois plus de députés de l'opposition que de députés du parti au pouvoir.

Le président suppléant (M. Bélair): Le député de Calgary-Sud-Est sait très bien qu'il ne peut pas mentionner l'absence de députés à la Chambre. Je le prie d'écouter au moins ce que j'ai à dire.

M. Andy Burton: Monsieur le Président, de toute évidence mon collègue a des préoccupations tout à fait fondées. C'est incontestable. Je reconnais le député du Yukon dans le coin là-bas.

Il est très étrange qu'un débat aussi important ne suscite pas plus d'intérêt. Je constate en regardant autour de moi que mon collègue a raison. Nous sommes neuf ici, je crois, comparativement à un de l'autre côté. Ce n'est pas particulièrement...

Le président suppléant (M. Bélair): Le député de Lac-Saint-Jean—Saguenay a la parole.

[Français]

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ): Monsieur le Président, je pense qu'à cette heure-ci du matin, il y a quelque chose qui semble faire consensus par rapport à ce que j'ai entendu antérieurement de la part de mes collègues, à savoir que c'est effectivement un débat important. Aujourd'hui, c'est un jour heureux puisque nous avons l'occasion d'en débattre à la Chambre.

Je dois avouer aux députés que ma joie diminue énormément quand je vois qu'il est 01 h 25. Cela ne me dérange pas de débattre à 01 h 25. Nous considérons que ce débat est important. Il me semble que par rapport au message que nous renvoie la population, c'est un débat important. Mais nous le faisons en soirée. Nous le faisons la nuit et on dirait qu'on s'en débarrasse un peu. On va mettre cela sous le tapis et ne pas trop considérer ce qui va être dit, ou je ne sais trop.

C'est très triste de voir dans quel cadre nous faisons ce débat. Cela ne me dérange absolument pas de m'être levé en plein milieu de la nuit pour venir débattre de choses importantes comme celles-là. Cela fait longtemps que je veux que nous débattions de questions de ce genre, de questions d'intégration économique. Je ne suis pas contre, loin de là. Mais par contre, ce que je suggère, c'est que nous fassions notre travail et que nous en débattions.

Aujourd'hui, de quoi parle-t-on? Nous parlons du Sommet des Amériques, de discussions sur la Zone de libre-échange des Amériques qui se tiendront le 20 avril prochain. Pour moi, c'est une date très importante. Au-delà du Sommet, c'est une date anniversaire au cours de laquelle j'ai, à un moment donné, pris un risque énorme en voulant soulever un débat de société sur les impacts sociaux, sur les impacts que peuvent avoir la mondialisation et l'intégration économique sur la démocratie. En fait, j'ai pris ce fauteuil, qui appartient à mes concitoyens de Lac-Saint-Jean—Saguenay, et je le leur ai apporté en leur disant: «Écoutez, après deux ans de vie politique, je m'interroge sur le pouvoir de ce fauteuil à réduire les écarts entre riches et pauvres dans un contexte de mondialisation.»

 

. 2525 + -

Au début, nous avions de la difficulté à trouver de la documentation sur la mondialisation. Je ne veux pas dire que c'est moi qui ai provoqué le débat, mais je pense que je me suis inséré dans une mouvance populaire où est apparu un degré d'inquiétude qui se manifeste toujours et qui continuera de se manifester les 20 et 21 avril prochain. Malheureusement ou heureusement, plein de gens descendront dans les rues de Québec.

Quand je dis «malheureusement», je pense à la violence qu'il pourrait y avoir. Je dois vous dire que je condamne à tous les degrés la violence qui pourrait sévir à l'égard des manifestations et des expressions publiques qui se tiendront. C'est à bannir complètement et cela menace la démocratie. Je fais partie de ceux qui seront dans les rues pour exprimer leur inquiétude ou pour dénoncer le fait qu'il y a eu absence ou manque de débat. J'en fais partie, parce que je suis d'avis qu'il y a, effectivement, un problème.

Quand j'ai sorti mon fauteuil, ce que je souhaitais faire, c'était un débat. D'ailleurs, 50 000 signataires d'une pétition ont demandé que les collègues parlementaires se penchent sur ces questions. Il me semble que c'est le minimum que nous aurions pu faire. Mais en l'absence de débat et en présence d'un manque de communication, c'est ce qui arrive.

Même si le projet de la ZLEA était positif, les citoyens dans la rue ont de la difficulté à savoir si, effectivement, c'est bon pour eux ou si ça ne l'est pas, parce qu'il n'y a pas eu de débat. Peut-être y en a-t-il eu ici et là, mais il n'y a pas eu un débat de société. Je trouve qu'il est extrêmement pertinent que l'on débatte de cette question ce soir. Comme je vous l'ai dit, je trouve déplorable que cela se fasse aux petites heures du matin, alors que les gens et les parlementaires ne sont pas nécessairement à l'écoute.

Je ne veux pas dire que je suis contre tout ce qui se passe, loin de là. Comme je vous l'ai dit, si on avait inclus davantage dans ces débats, comme, par exemple, des textes de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques, textes que bien des citoyens voudraient avoir entre les mains, ces derniers auraient pu porter un jugement sur ce qui se passe. Mais on ne les a pas. On a des bribes d'information.

Lors d'un récent voyage au Chili, je discutais avec la ministre de la Coopération internationale qui me disait qu'il se faisait beaucoup de travail parallèlement à cet accord, afin de faire en sorte que cet accord des Amériques puisse, justement, avoir des bénéfices pour le reste des pays des Amériques. C'est tant mieux qu'il en soit ainsi.

Comme cette question ne fait pas l'objet d'un débat et que nous ne savons pas trop ce qui se fait à gauche et à droite, il m'est difficile d'aller rencontrer les gens de mon comté pour leur dire de ne pas s'inquiéter, que tout va bien, que je pense que c'est un accord positif. Je ne sais pas si je peux aller voir les entreprises de mon comté pour leur dire que ce sera bon pour elles. Je ne le sais pas. C'est ce que je critique et c'est la raison pour laquelle je marcherai pacifiquement dans la rue le 21 avril prochain.

Dimanche prochain, une journée de formation sur la Zone de libre-échange des Amériques se tiendra ici, dans le Parlement. Un comité de la population va venir ici, à l'intérieur du Parlement, pour débattre de ces questions. Ces gens sont tellement inquiets qu'ils sont prêts à faire de la désobéissance civile. Je ne veux pas dire que je les appuie, mais un député du NPD et moi avons ouvert le Parlement, parce que je pense que ces gens méritent d'être entendus. Ils ont des choses à dire et ils sont prêts à se faire passer sur le corps pour dire ce qu'ils ont à dire. Ce doit être sérieux.

Il y a plein de choses dont nous pourrions discuter dans cet accord de libre-échange, notamment ce qu'il y a au chapitre 11. Si je pouvais voir les textes, je pourrais peut-être dire que je suis d'avis que des erreurs ont été faites dans le cadre du texte de l'ALENA et qu'il ne faudrait peut-être pas répéter ces erreurs dans le texte d'accord de la ZLEA. Mais je ne le sais pas. Alors, comment puis-je juger? Dans le doute, qu'est-ce qu'on fait? On descend dans la rue et on proteste, parce qu'on trouve que le processus est antidémocratique.

Cependant, il y a des choses à faire. En tant que parlementaires à la Chambre, nous pouvons agir. Plusieurs sont en train de dormir puisqu'il est tout à fait normal, à cette heure-ci du matin, de ne pas être à la Chambre.

 

. 2530 + -

Il n'empêche que, comme parlementaire, je pense que des initiatives intéressantes sont en train de se prendre. Il y a des parlementaires dans le monde qui se disent: «Nous, notre rôle, comme représentants d'une population, c'est de faire notre travail. Nous ne sommes pas d'accord avec ce qui se passe. Il faut s'exprimer.»

C'est d'ailleurs pourquoi il s'est formé une Association interparlementaire comme la COPA, à Québec, où dernièrement, il y a un an et demi, se sont réunis des parlementaires de toutes les Amériques pour que nous puissions débattre de nos problèmes, de nos réalités et de nos inquiétudes communes. C'est fort heureux.

Je pense que le parlementarisme doit sortir des frontières et davantage débattre de ces questions. C'est urgent. Bien entendu, le Canada a répondu à la COPA parce que, à travers elle, il a une place parmi les pays qui forment des fédérations et les parlementaires des provinces sont inclus. Dernièrement, il y a eu la création du Forum interparlementaire des Amériques ici, à Ottawa, où il y avait des parlementaires de chaque pays. Cela excluait les provinces, mais nous ne ferons pas ce débat, ce n'est pas ce qui est important.

Dans cette Chambre, il y a eu des parlementaires de toutes les Amériques. C'était extrêmement enrichissant de pouvoir dialoguer avec une parlementaire du Honduras, un parlementaire du Chili, du Mexique et des États-Unis. Les États-Unis manquaient peut-être un peu à l'appel, mais disons qu'il faut regarder l'objectif plutôt que les résultats actuels. En tout état de cause, s'il y a une chose, je pense, qu'il faut faire à la Chambre, étant donné la réalité de la continentalisation ou de la mondialisation, c'est de sortir de ce Parlement pour parler avec d'autres parlementaires des Amériques ou du monde.

Les députés vont me dire: «Oui, mais ce n'est pas évident de se déplacer, de se rencontrer, de faire déplacer des parlementaires.» Je suis revenu du Chili la semaine passée. Cela demande beaucoup d'énergie de se déplacer dans le sud de l'hémisphère.

Ce que j'ai proposé à ce Forum interparlementaire des Amériques concerne la technologie qui avance à un pas infernal. Cela va très vite. La technologie bouleverse nos vies et nous pouvons également nous en servir positivement. C'est pourquoi j'ai proposé que le secrétariat technique de la FIPA donne un soutien à l'élaboration d'un mécanisme de télécommunications virtuelles qui permettrait aux parlementaires, sur une base virtuelle, de se réunir fréquemment.

Quand je dis «fréquemment» je parle sérieusement, quelque chose comme une fois par semaine, comme un comité parlementaire national de ce Parlement, qui se réunit une fois par semaine pour approfondir des débats, pour étudier des questions et pour écouter la population. Je pense que nous allons devoir faire maintenant ce type de travail comme parlementaires.

Étant donné que la Terre est une boule et qu'il est difficile de rencontrer un parlementaire ou des groupes aux antipodes, je suggère que nous nous dotions de ces instruments qui nous permettraient, par exemple—je sais que c'est peut-être futuriste, mais je n'ai pas de problème à me tourner vers l'avenir—de m'asseoir dans une salle de comité ici, au Parlement d'Ottawa, et où, virtuellement, j'aurais l'impression—je n'aurais pas seulement l'impression, ce serait la réalité—que mes collègues parlementaires des pays, du continent ou du reste du monde sont là et que je peux débattre. Ainsi, nous pourrions, entre parlementaires, travailler ensemble et faire front commun par exemple sur des questions comme la taxe Tobin.

Je suis un parlementaire qui milite pour une taxe de type Tobin. Bien entendu, cela mérite une action de tous les pays en même temps. Donc, des groupes de parlementaires pourraient pousser simultanément sur les mêmes questions, pousser davantage sur des questions environnementales. Bref, toutes les questions qui dépassent les frontières des États pourraient être débattues sérieusement et fréquemment grâce à un moyen comme celui-là.

Est-ce que nous avons la technologie pour le faire maintenant? Actuellement, ce n'est peut-être pas au point, mais d'ici cinq ou dix ans, je pense que nous l'aurons et que nous pourrons faire ce que j'appelle «du parlementarisme virtuel», et être en mesure de dépasser les frontières et de débattre fréquemment. C'est une chose concrète à laquelle il faut se préparer comme parlementaires.

Nous vivons une révolution à bien des égards. Je pense également que le travail du parlementaire doit vivre une révolution, doit suivre cette tangente d'ouverture sur le reste du monde. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis absolument pas contre ce type de mondialisation.

 

. 2535 + -

Ce que je souhaite, c'est une mondialisation à saveur démocratique, une mondialisation où on arrivera à répartir la richesse et où chaque être humain pourra s'épanouir.

Je ne suis pas contre les échanges entre pays; j'ai un petit problème avec le mot «libre». Libre-échange, selon moi, cela veut dire absence totale de règles. S'il n'y a pas de règles du jeu en économie, je m'excuse, mais ça ne fonctionne pas. Si on laisse exclusivement le marché établir l'agenda politique de nos sociétés, ça me pose un problème. Je considère que l'économie doit avoir un minimum d'encadrement ou même un encadrement.

Nous avons besoin de règles environnementales, de règles sociales. Nous devons penser aux gens qui n'ont pas de facilité pour accéder à la nouvelle économie. Il y a donc plusieurs défis. Bien sûr, on peut se décourager et dire que cela n'a pas de bon sens. Cependant, on peut se relever les manches, chercher des solutions et se bagarrer pour avoir un monde ou un continent à notre image, selon nos valeurs.

Aujourd'hui, c'est essentiellement le message que je veux porter et je pense que c'est un message du coeur. Nous vivrons, au cours du prochain mois, des moments assez intenses. Je suis heureux que cela se passe chez nous, parce que cela provoque des débats. Je vois des étudiants de cégeps, des étudiants d'universités. Malheureusement, il y a quand même un phénomène qui menace aussi la démocratie, c'est le désintérêt des populations. La population se désintéresse un peu de la politique. On ne se contera pas de peurs ici, je suis certain que les députés vivent tous cela dans leur comté, actuellement.

Il y a, en revanche, un phénomène qui suscite un intérêt grandissant, et c'est à propos de toutes ces questions-là. On l'a vu à Seattle, à Prague, à Nice, à Washington, partout. Il y a une inquiétude et je pense que c'est notre rôle, non pas de se faire rassurants, mais de provoquer le débat. Provoquer le débat, c'est notre travail.

Si l'accroissement des échanges et des interrelations économiques entre les nations est une chose qui engendrera une répartition de la richesse, cela ne me pose pas de problème. Si, par contre, après une analyse et un débat en profondeur, on arrive à dire qu'il faudrait s'y prendre de telle façon, plutôt que de s'y prendre autrement, cela ne me pose pas de problème. Je suis bien ouvert, mais en autant qu'on puisse débattre et que je puisse aller voir la population que je représente et lui dire quelle est la position et où on en est. Mais je ne peux pas le faire. Je ne sais pas ce qui se passe. Bien entendu, il y a certains débats ici et là.

Encore une fois, la ministre de la Coopération internationale me disait: «Stéphan, il n'y a pas que l'aspect économique dans ces négociations-là, il y a aussi l'aspect coopération internationale, l'aspect social, environnemental, éducationnel». L'approche de la ministre est pertinente à certains égards sur le plan de l'accès à l'éducation, et c'est cela, le moteur du développement. Il y a des choses intéressantes qui se font.

D'ailleurs, elle me disait que, malheureusement, les médias ne couvraient pas ces éléments. Malheureusement, les médias ont tendance à couvrir le sensationnalisme. C'est peut-être un peu triste. Il y a des choses intéressantes qui se font. J'en conviens. Toutefois, quand on n'est pas dans le débat, quand on n'est pas partie prenante de toutes ces choses, il est difficile d'être pour ou contre. Voilà, c'est l'essentiel de mon point de vue.

Dernièrement, on a appris que Québec, qui est l'hôte du Sommet, ne pourra pas prendre la parole, à moins de commanditer des cocktails, de commanditer le Sommet. Alors là, ce sont les élus du peuple qui doivent payer pour avoir leur billet d'entrée. De toute façon, comme le premier ministre l'a dit, cela n'a absolument aucune influence. Espérons-le. Cependant, si cela en a une, je pense que c'est grave, surtout quand une nation comme le Québec, qui aimerait être présente lors de ces négociations, doit envisager de payer pour avoir accès à tous ces gens.

C'est la même chose pour moi. Je suis un élu et j'aimerais pouvoir dire à mes concitoyens ce qui se passe, leur dire de ne pas s'inquiéter, que ça va pour le mieux ou que, s'il y a quelque chose qui va mal, je serai là pour les défendre.

 

. 2540 + -

La seule chose que je peux faire, c'est venir exprimer mon point de vue à 1 h 30. Sera-t-il entendu par la partie gouvernementale? Bien entendu, je ne peux pas faire allusion au nombre de députés présents à la Chambre, donc, je ne le ferai pas. Cependant, permettez-moi de conclure que je suis certain que mes remarques n'auront pas tout l'écho que j'aurais souhaité qu'elles aient. Ce n'est pas grave, on va continuer à faire notre boulot. On va continuer à donner des conférences, à susciter le débat et à faire en sorte qu'il y ait davantage de transparence et de démocratie.

Je vais continuer à faire mes recherches pour savoir comment on peut s'y prendre pour arriver à se doter d'instruments de télécommunication puisque que je considère que nous avons, en tant que parlementaires, un travail à faire. Malgré mes critiques sur cette réalité socioéconomique et politique, je pense que face à ces défis, il est excitant de faire de la politique. C'est très excitant. Il y a des défis majeurs et il se trouve que nous sommes des parlementaires de cette époque qui devrons nous adapter à cette nouvelle réalité et prendre une place plus grande dans ces questions.

À moins que les dirigeants du gouvernement continuent de nous balayer sous le tapis et de nous dire: «C'est bien beau. Faites-vous élire et venez faire de beaux discours à 1 h 30 du matin. Ainsi, vous pourrez vous défouler et cela va vous faire du bien.» Mais non, cela ne me défoulera pas. Je vais aller me recoucher, mais je vais quand même dire à mes concitoyens qu'on a pu débattre de la question de la ZLEA, mais qu'on en a débattu à 1 h 30 du matin.

Je ne veux pas paraître méprisant pour ceux qui travaillent de nuit. Je les salue. Je pense qu'on a tous besoin des travailleurs de nuit. Cependant, je pense qu'à cette heure-ci, cela n'a peut-être pas le même impact. Heureusement, il y aura le hansard.

J'en profite pour saluer le personnel de la Chambre qui travaille toujours à cette heure-ci.

Cela résume l'essentiel de mes propos. Il me fera grand plaisir de répondre aux questions de mes collègues qui sont toujours ici présents et passionnés par cette question.

[Traduction]

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux courts commentaires à faire. D'abord, le député a mentionné à maintes reprises que les gens ne sont pas présents. Tout le monde est distinct au Canada. L'heure n'est pas la même dans l'Ouest. Il est seulement 22 h 45 en Colombie-Britannique et au Yukon, et les gens sont encore debout. Nous avons un autre Yukonnais dans la chambre, ce qui est bien.

Mon second commentaire concerne l'absence du Québec. Tous les Québécois qui font partie de la délégation canadienne auront le même accès que n'importe quel participant d'une autre province. Je crois même que le chef de la délégation canadienne est québécois si bien que le Québec aura un meilleur accès que tout autre Canadien.

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Monsieur le Président, il y a effectivement un décalage horaire. Je salue les gens de la Colombie-Britannique et du Yukon qui sont peut-être sur le point d'aller se coucher. Par contre, ceux des Maritimes doivent être couchés depuis longtemps.

Pour ce qui est de la question de la place du Québec, bien entendu, le premier ministre est québécois, tout comme le ministre du Commerce international. Cependant, ces derniers doivent avoir une perspective totalement canadienne, non pas qu'il soit mauvais d'avoir une perspective canadienne, mais il me semble que quand on va chez quelqu'un, il est normal de pouvoir parler aux gens qui sont là et de leur souhaiter la bienvenue.

Or, le premier ministre du Québec, de tous les Québécois—et je ne fais pas de politique partisane; j'essaie de ne pas en faire dans ce débat—aurait pu, il me semble, être invité à souhaiter la bienvenue aux délégués. Cela aurait été une courtoisie minimale.

Bien que nous fassions partie d'une fédération qui est peut-être de plus en plus centralisée, nous constatons, en regardant la Constitution, que divers champs de juridiction provinciale, dont ceux de la santé, de l'éducation et d'autres, touchent le Québec. Donc, si cela le concerne, je considère qu'il devrait être davantage impliqué dans les négociations. C'est la moindre des choses.

On pourrait parler longuement de toute cette question, mais je demeure convaincu qu'il y a eu négligence quant à la place du Québec.

 

. 2545 + -

[Traduction]

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'éprouve beaucoup de respect pour l'honorable député de Lac-Saint-Jean-Saguenay. Il est encore un membre très jeune de la Chambre, mais il a réussi à briguer un troisième mandat comme député. C'est tout un record. Il a, de toute évidence, beaucoup de respect pour ses électeurs. J'aimerais bien qu'il parle plus souvent à la Chambre, parce qu'il pourrait beaucoup nous éclairer.

Une chose que j'ai relevé dans ses discours, tout au long des années, à la Chambre, c'est son approche à l'égard des jeunes gens des universités. Pourrait-il expliquer un peu plus longuement son point de vue sur les étudiants des universités du Québec, et leur perspective ou leur attitude à l'égard de l'ALEA et des négociations qui doivent bientôt avoir lieu à Québec.

[Français]

M. Stéphan Tremblay: Monsieur le Président, c'est une question très pertinente.

J'ai parlé plus tôt de l'implication de la jeunesse en politique. Quand je parle de la jeunesse, je parle aussi des universitaires, qui sont de plus en plus débordés par les études et par le travail. Je pense qu'il y a un manque d'implication.

Dans mon collège, à Alma, je tente de faire des midi-débats. Je rencontre les étudiants. Je leur dis que ce qui se passe actuellement nous concerne tous et que cela aura des conséquences tout au long de leur vie et qu'il est donc important de s'en occuper maintenant.

D'ailleurs, c'est à la base de mon engagement politique. Lorsque j'ai été élu pour la première fois, j'avais 22 ans. Je me disais que les décisions prises aujourd'hui auraient des conséquences tout au long de notre vie. C'est donc important d'avoir, à la Chambre, un équilibre entre la jeunesse et l'expérience. Je pense que malheureusement, par manque de temps ou parce qu'ils ont trop de responsabilités, les jeunes ne participent pas assez au débat. C'est ce que je pense: ils n'y prennent pas assez part.

Si vous me dites qu'ils le font autant qu'il y a 20 ans, ce n'est pas assez. Nous faisons face à des défis d'une ampleur jamais vue. Nous avons besoin de créativité et d'imagination pour faire face à ces défis. Nous avons donc besoin de tout le monde.

Il m'est arrivé de me faire dire, dans une université: «Écoute, Stéphan, l'université n'est pas l'endroit pour faire de la politique.» Eh bien, si l'université n'est pas l'endroit pour faire de la politique, où peut-on en faire à part à la Chambre des communes?

Je pense qu'il y a là un problème sérieux. C'est peut-être parce que les médias couvrent mal la politique, ou qu'ils ne font que couvrir les chicanes de la période des questions orales ou je ne sais quoi, mais il y a un malaise au plan démocratique. Je trouve qu'il est extrêmement pertinent de soulever cette question.

D'un autre côté—et je vous donne ce qui se passe au Québec—, lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, des sondages ont été faits. On a démontré que, pour les jeunes de 19 à 24 ans, les questions relatives à la mondialisation sont la priorité. C'est quelque chose de nouveau. J'ai célébré mon cinquième anniversaire de vie politique avant-hier et je sais qu'ils n'avaient pas, à cette époque, un intérêt aussi grand qu'actuellement, et c'est fort heureux. Il y a donc une croissance de l'intérêt pour ces questions.

Je pense que notre rôle, comme parlementaires, est d'aller voir les étudiants, d'aller écouter leur point de vue. Quand je parle du chapitre 11 de l'ALENA, qui sait de quoi je parle? Si je dis à la population que dans le chapitre 11 de l'ALENA, et peut-être aussi dans l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques, il sera possible, pour une entreprise insatisfaite de mesures législatives d'un gouvernement, de poursuivre ce gouvernement, comme cela s'est fait et se fait présentement. Je pense qu'un des derniers cas a été celui d'une municipalité au Mexique qui est poursuivie parce qu'elle établit des règles environnementales. Quand on s'aperçoit que des compagnies peuvent maintenant poursuivre des pays, je me pose de sérieuses questions. C'est mon rôle de rencontrer les étudiants et la population en général pour leur expliquer ce qui se passe actuellement.

Si on avait des débats, on pourrait parler de ces questions. On a un débat, mais c'est un peu un semblant de débat, malgré tout le respect que j'ai pour mes collègues qui sont ici ce soir. Il y a, en tout cas, beaucoup de travail à faire.

 

. 2550 + -

Espérons que la jeunesse se saisisse de ces questions-là. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que j'ai fait un geste populiste, à un moment donné, en sortant mon siège de la Chambre. Je voulais parler avec une image. Je voulais dire à la jeunesse qu'il y avait une question qui menaçait la démocratie.

Si c'est vrai que les parlementaires ont de moins en moins de pouvoirs dans un contexte de mondialisation, est-ce qu'on peut en parler? C'est toute la démocratie qui est menacée dans ce cas. Je ne dis pas que ce n'est plus démocratique du tout. Qu'on aille dans des pays d'Amérique latine où il n'y a pas beaucoup de démocratie et on verra qu'ils sont autrement dans la misère que nous. Mais est-ce que cela veut dire qu'il faut que je «dorme au gaz» en pensant que chez nous, ça va encore bien? Non.

Je m'interroge sur le type de société dans laquelle je vais devoir vivre dans 20 ans. Et quand je regarde ce qui se passe, j'ai des inquiétudes. Et c'est mon devoir de le dire à la population.

C'est pour cette raison que je tenais à susciter un débat de société. Trois ans plus tard, je suis pris encore, à 1 h 30 du matin, à exiger qu'il y ait davantage de transparence et de démocratie.

On a du chemin à faire. C'est pour cela que je vais continuer d'aller dans les cégeps et dans les universités pour débattre ces questions. Je les incite à suivre les débats, à se politiser et à critiquer le système de façon constructive.

Le 20 avril prochain, certains seront dans les rues. J'ai parlé à des gens de mon âge qui m'ont dit: «Écoute Stéphan, si des affaires de même sont pour passer, j'aime mieux me faire passer sur le corps.» Ce sont des gens d'ici qui disent cela. Il me semble que ce sont des gens informés. J'ai discuté avec eux et ce sont des gens informés. Ces gens-là sont prêts à se faire arrêter.

Il y a quand même un problème. Ou bien ils n'ont pas raison, ou bien il y a un problème de communication entre les décisions étatiques et la compréhension de la population. En tout état de cause, il y a un problème, c'est sûr.

[Traduction]

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Il est près de 2 heures du matin et nous m'avons pas besoin des pages de la Chambre. Ils doivent aller étudier. Je demande un consentement unanime pour permettre aux pages de rentrer chez eux.

Le vice-président: On me dit que dans le débat, en ce moment, il n'y a pas de consentement unanime, mais nous pouvons examiner cette question autrement. J'interviendrai au nom de tout le monde.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je remercie les nombreux orateurs qui, ce soir, ont apporté leurs points de vue à un débat très intéressant. Je tiens à préciser, monsieur le Président, que je vais partager mon temps de parole avec le député de Winnipeg-Centre-Nord.

D'entrée de jeu, je répéterai les propos du député de Burnaby—Douglas. Ce dernier a commencé son discours en citant le dirigeant actuel ou passé de l'OMC, Renato Ruggiero, qui a dit que ces accords commerciaux sont nécessaires parce que:

    Il y a dans le monde un excédent de démocratie qui gêne la libre circulation des capitaux et des investissements.

Cela résume à l'envi les appréhensions et les objections du NPD au sujet d'accords commerciaux comme ceux auxquels nous nous apprêtons à adhérer. Un nombre considérable de personnes sont vraiment convaincues qu'il y a dans le monde un excédent de démocratie qui entrave les mouvements de capitaux.

Ces mêmes personnes voudraient nous faire croire que la mondialisation du capital est un fait accompli et qu'on n'y peut rien changer. Pourtant, lorsque nous réclamons la mondialisation des droits de la personne, des conditions de travail et des normes environnementales, tout à coup, c'est impossible. On ne peut même pas en discuter. Il n'y a pas de place pour cela à la table des négociations. Ces enjeux n'ont pas suffisamment d'importance.

Notre collègue du Lac-Saint-Jean a tenu les propos les plus visionnaires que j'ai entendus ce soir en demandant s'il ne serait pas merveilleux que les dirigeants du monde se réunissent dans une assemblée planétaire virtuelle pour discuter de ces questions.

 

. 2555 + -

Nous n'aurions pas autant d'appréhensions au sujet de ces accords internationaux si nous étions persuadés qu'on s'occupe de ces dossiers.

Si l'Union européenne a pris 20 ans pour négocier l'accord de l'UE, c'est qu'elle s'est attardée à ces dossiers fort importants. On a pensé améliorer les choses, viser une moyenne convenable, plutôt que de se limiter au plus bas dénominateur commun comme on l'envisage dans les actuels accords de libre-échange qui demeurent à toutes fins utiles non contrôlés.

C'est pourquoi je suis heureux de dire que le groupe parlementaire néo-démocrate sera à Québec. Nous serons solidaires de ceux et celles qui partagent les mêmes craintes et appréhensions. Nous participerons aux manifestations pacifiques. Nous étions présents à l'APEC à Vancouver. J'y étais, en compagnie des députés de Burnaby—Douglas, Yukon et Vancouver-Est. Nous étions aussi à Windsor et à Seattle. Nous avons fait partie de ce mouvement qui porte un nombre sans cesse croissant de jeunes Canadiens et Canadiennes à craindre l'affaiblissement de notre démocratie, estimant que ces accords commerciaux constituent une menace véritable à ce chapitre.

Ce que je viens d'évoquer est assez éloquent, mais voici ce qu'a déclaré un autre chef de file à l'échelle mondiale, un ancien parlementaire du Canada, Donald Johnston: «Par définition, les accords de libre-échange sont faits pour imposer des ajustements au sein de nos sociétés». Autrement dit, ils démolissent les instruments de politique gouvernementale que nous nous sommes donné la peine de mettre en place après la guerre pour répondre à nos besoins personnels et pour jouir d'une certaine autonomie. On nous dit maintenant qu'il faut harmoniser, du moins en ce qui concerne ces instruments de politique gouvernementale, qu'il faut les abolir de manière à ne pas nuire aux mouvements de capitaux des entreprises.

Le député de Winnipeg—Transcona a fait un commentaire brillant. Il a fait remarquer que c'est un spectacle étrange de nous voir délibérément détruire le Canada et renoncer à notre souveraineté économique, au profit d'une entreprise étrangère. Pourquoi agirions-nous ainsi? Quand on écrira l'histoire de cette époque, on croira que nous étions fous. Nous sommes en train, délibérément et en toute connaissance de cause, de banaliser quelque chose d'aussi précieux que la véritable démocratie ou, du moins, de l'affaiblir. Nous sommes en train de sciemment réduire notre capacité d'exercer notre souveraineté économique nationale.

S'il faut donner un exemple concret, je vous rappelle la flambée des prix de l'énergie qui a ébranlé la plupart des Canadiens durant tout l'hiver. Le gaz naturel est une ressource qui nous appartient, que nous acquérons en naissant et qui fait partie de notre richesse collective. Pourtant, à cause de l'ALENA, on n'a pas le droit de le vendre moins cher aux Canadiens. Quand on cherche à savoir pourquoi un produit aussi abondant de notre sous-sol coûte si cher, on nous répond que, malheureusement, l'ALENA nous interdit de le vendre moins cher qu'à nos clients des marchés d'exportation. Nous avons cédé le droit de le faire.

Faut-il s'étonner que les Canadiens appréhendent ce qui se trouve dans le texte de l'accord sur la ZLEA. Chaque fois que nous soulevons la question, on nous donne l'assurance que le gouvernement ne ferait rien d'aussi stupide que de compromettre notre régime de soins de santé ou notre système d'éducation. Pourtant, quand il a négocié l'ALENA, il a ni plus ni moins que troqué son droit d'aînesse contre un plat de lentilles.

Le gouvernement ne veut pas nous dire de quoi il parlera ni nous renseigner sur ce qu'il négociera dans le cadre de la ZLEA. À la Chambre des communes fédérale, les députés n'ont pas le droit de savoir ce que le gouvernement est en train de négocier au nom des Canadiens. C'est absolument scandaleux.

Je sais pourquoi nous ne pouvons consulter ce texte. On l'a déjà dit dans des discours antérieurs. Nous avons mis la main sur le texte de l'AMI parce que quelqu'un l'a affiché sur Internet. En quelques jours, tous les étudiants des universités du pays avaient lu le texte négocié de l'AMI. Ils ont vu ce qu'on cédait. Ils ont vu aussi qu'on instaurait une charte des droits des sociétés, aux dépens des gouvernements librement élus. Ils ont frissonné d'horreur, sont descendus dans la rue et ont mis fin à l'exercice. Si nous réussissons effectivement à voir le texte, il nous sera possible de le contester et de l'invalider, ou à tout le moins de faire connaître notre opinion, et de faire partie de ce débat.

 

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Je pense qu'il y a une conspiration internationale pour garder ce texte secret. Si le gouvernement est sérieux lorsqu'il dit qu'il ne ferait jamais rien pour mettre en péril le droit légitime des pays d'établir leurs propres instruments de politique sociale et qu'il ne prendrait aucune mesure susceptible de porter atteinte à la politique sociale, qu'il nous laisse voir le texte. Nous pourrions classer toute cette affaire. Et nous pourrions être couchés à l'heure actuelle, au lieu de nous trouver ici à tenir ces discours.

Il y a d'autres illustrations éloquentes. Comment savons-nous que nous n'allons pas subir les pires inconvénients de l'ALENA avec cette ZLEA? Il s'agit vraiment d'un super ALENA qui est en train de voir le jour ici.

Le chapitre 11 de l'ALENA, dont il a été question plus tôt, donne à l'investisseur le statut d'État, ce qui permet en fait à une entreprise étrangère d'intenter une procédure contre le gouvernement du Canada si celui-ci porte atteinte à ce que l'entreprise considère être son droit d'assurer ses conditions d'existence et lui fait rater des occasions.

Par exemple, le Canada a voulu interdire récemment le MMT comme additif de l'essence, parce qu'il le trouvait malsain. En fait, il le jugeons toxique. Ethyl Corporation, qui fabriquait le MMT, a soutenu que nous ne pouvions limiter son droit de vendre son produit chez nous, et elle a eu gain de cause dans une poursuite de plusieurs millions de dollars en raison de l'occasion manquée.

Voilà qui illustre comment nous perdons la faculté de protéger nos intérêts nationaux par la faute des accords commerciaux que nous avons conclus. Ce n'est pas simplement faire preuve de radicalisme. Ce n'est pas se montrer anti quoi que ce soit que d'appréhender l'accord de libre-échange. Au contraire, le caucus néo-démocrate est pour le libre-échange. Nous sommes libres-échangistes. Nous convenons que le Canada est un pays commerçant et que le libre-échange est absolument nécessaire.

Alors qu'on entendait par «libre-échange» l'élimination des tarifs douaniers et des obstacles afin que nous puissions commercer ouvertement avec d'autres pays, la nouvelle définition des accords de libre-échange va beaucoup plus loin que nous ne l'avions jamais envisagé.

Maintenant, nous avons bonne raison de croire que des services que nous offrons, parce que certains ont été privatisés ou commercialisés, donnent maintenant prise à la contestation sous le régime de ces accords, des services comme ceux de l'éducation. Plus nous caressons l'idée de privatiser notre réseau d'écoles publiques ou celui de la santé, plus nous risquons d'être attaqués par une entreprise américaine ou internationale qui considère qu'elle devrait pouvoir offrir le service avec profit dans notre pays.

Voilà ce qui nous fait peur, et légitimement, selon nous. Nous sommes fiers d'aller à Québec faire connaître nos craintes. Nous dénonçons le gouvernement qui fait tout pour réprimer les manifestations légitimes et non violentes de protestation.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, si le reste du pays venait d'entendre les propos de mon collègue de Winnipeg-Centre, il pourrait véritablement comprendre les appréhensions des membres de mon parti à l'égard des prochains pourparlers commerciaux.

Les entreprises étrangères peuvent poursuivre une société d'État canadienne pour des services légitimes, telle la compagnie UPS qui a poursuivi la Société canadienne des postes. Le député pourrait-il nous expliquer brièvement ce qui arrive si une société étrangère poursuit une société d'État de notre pays?

M. Pat Martin: Monsieur le Président, je suis bien content de pouvoir expliquer ce cas particulier.

UPS est la plus grande société de messageries postales au monde. La Société canadienne des postes offre un très bon service à ses clients avec sa messagerie prioritaire. Puisque ce service va au-delà du courrier de base habituel, c'est-à-dire les simples lettres, UPS estimait qu'elle devrait avoir le droit de présenter une soumission. En fait, UPS poursuit le gouvernement du Canada pour une somme de 160 millions de dollars US en occasions manquées parce que cette société estime qu'elle pourrait mieux s'acquitter de cette tâche. Elle juge qu'elle a le droit de soumissionner pour ce travail. Elle ne croit pas que le gouvernement du Canada a le droit de l'en empêcher.

Imaginez l'impact de cette décision. Il ne s'agit pas simplement de confier ce service à une autre entreprise. La Société canadienne des postes se sert des profits que génère son service de messagerie pour assumer le coût du courrier régulier et de l'acheminement des lettres dans les foyers. Si quelqu'un s'empare du fruit le plus juteux, c'est-à-dire qu'il choisit de retirer à la Société canadienne des postes la partie la plus rentable de son mandat, cette décision aura un impact sérieux sur la capacité de celle-ci d'offrir un service de base à 46 ou 47 cents comme c'est le cas actuellement.

 

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Ces poursuites intentées par des entreprises étrangères ont donc des répercussions financières réelles et significatives pour les contribuables canadiens.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir la chance, même s'il est tard, de participer à ce débat sur le prochain Sommet des Amériques à Québec où, comme on l'a tous signalé ce soir, 34 chefs d'État se réuniront pour discuter de la création d'un accord de libre-échange des Amériques et où des milliers de Canadiens préoccupés de la chose se rassembleront pour exprimer leurs rêves et leurs aspirations à l'égard de leur pays et de leur responsabilité comme nation sur le front mondial.

Il est très pertinent que nous ayons ce débat au même moment, durant la même semaine, qu'un organisme extraparlementaire se réunit pour réclamer un moratoire sur l'expansion des pourparlers internationaux visant à libéraliser le commerce. Je veux parler d'une coalition d'ONG qui estiment, assez légitimement, que l'expansion des pourparlers commerciaux pave la voie à la privatisation des services publics essentiels et, comme beaucoup de mes collègues l'ont dit ce soir, sape l'autorité des démocraties sur des programmes aussi essentiels que la santé, l'éducation et une vaste gamme de services publics.

Voilà vraiment la question de l'heure. Elle est au coeur des craintes soulevées par mes collègues du NPD. Elle est certainement au coeur du débat soulevé partout par des Canadiens inquiets. Après tout, ce dont nous parlons, c'est de notre identité comme nation, de notre sentiment d'identité, des liens qui nous unissent, des valeurs que nous livrons au monde.

Il est clair que ce dont il est question ici, c'est de notre capacité comme pays de contrôler notre propre destin, et de la capacité de notre gouvernement de modeler notre avenir, de décider de nos actions, et de ne pas tout laisser cela dans les mains des multinationales qui, ces jours-ci, semblent déterminer tous les aspects de vie quotidienne. Nous parlons de programmes nationaux d'intérêt public, comme l'a dit mon chef, la députée de Halifax, qui sont maintenant traités comme des produits à acheter, à vendre et à échanger sur le marché au profit d'intérêts privés. Cette situation est vraiment au coeur du débat, et je pense que c'est ce qui motive tellement de Canadiens à intervenir, à se mobiliser, à s'exprimer au sujet de la ZLEA.

Nous devons nous demander aujourd'hui si la santé, l'éducation et d'autres services publics sont vraiment protégés dans le cadre de la ZLEA. Je crois qu'il nous est impossible de le savoir en raison de tout le silence, du manque de transparence et des nombreux obstacles qui entourent cette question. Le gouvernement refuse de faire connaître le projet d'accord à tous les Canadiens et il ne veut pas non plus rendre publiques les propositions de services qu'il négocie en vertu de la ZLEA.

Cependant, je pense qu'il est probablement raisonnable de présumer que le gouvernement, compte tenu de ses antécédents, va agir comme il l'a fait dans le cas des négociations de l'OMC sur le GATS, l'Accord général sur le commerce des services.

Ces négociations visent avant tout à libéraliser le commerce des services. C'est l'essentiel du processus. Il est donc raisonnable de présumer qu'il est question de favoriser les perspectives commerciales dans des domaines lucratifs comme la santé, l'éducation, l'énergie, l'eau, et beaucoup d'autres.

Il nous semble que le gouvernement canadien n'a vraiment rien fait dans ces négociations, qu'il ne s'est pas engagé à corriger les lacunes dans le libellé du GATS proposé, qui fragilise tous les services publics, y compris l'assurance-maladie du Canada. Les exceptions envisagées sont extrêmement limitées, et ne s'appliquent qu'aux services et aux secteurs qui relèvent entièrement du secteur public.

 

. 2610 + -

Vu l'étendue de la privatisation autour de nous et vu la réaction passive du gouvernement face à des initiatives telles que la loi de l'Alberta sur les hôpitaux privés à but lucratif, la situation est certes très sombre. Les conséquences de la libéralisation du commerce auxquelles s'ajoutent celles de la privatisation passive sont sinistres et très inquiétantes.

La menace est réelle. Elle existe actuellement dans le cadre de l'ALENA. Nous avons entendu toutes sortes d'opinions à ce sujet. La menace, qui est encore plus importante dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services, est sans aucun doute perpétuée, d'après tout ce que nous savons sur le gouvernement, dans le cadre de la ZLEA. Elle découle de la notion, décrite par mon collègue de Winnipeg-Centre, selon laquelle les perspectives économiques à l'étranger doivent être ouvertes à tous, et le traitement des intérêts étrangers ne doit pas être moins favorable que celui qui est réservé aux intérêts nationaux. Cela veut dire permettre aux tribunaux commerciaux internationaux de s'immiscer dans notre politique intérieure en matière de santé et autres.

Comme j'y ai fait allusion dans une question que j'ai posée la semaine dernière à la Chambre, le journal de l'Association médicale canadienne a publié un article dans lequel on peut lire ceci: «Il est à peu près certain que l'on demandera à un tribunal commercial de se prononcer sur des questions touchant le secteur hospitalier canadien». Autrement dit, il n'est plus question d'exclure des services de santé entièrement publics. Les hôpitaux deviennent la cible légitime des investisseurs étrangers et de la concurrence du secteur privé.

On retrouve la même opinion dans un autre journal médical très sérieux, The Lancet, qui a dit en décembre dernier que la santé publique était en train d'être remplacée par les fortunes privées. On y parlait de la loi 11 qui place le Canada dans une situation précaire et des répercussions que cette mesure législative aura sur l'ensemble du pays et sur notre capacité de garder le contrôle de notre secteur de la santé.

Une étude importante faite pour le compte du Centre canadien de recherche en politiques de rechange par Matt Sanger est parvenue à la même conclusion dans un rapport intitulé «Abandon total: Le Canada, le GATS et l'avenir des soins de santé». Il concluait que, lorsqu'un secteur des services de santé est géré par un mélange d'organismes gouvernementaux et d'organismes privés, cela donne aux sociétés étrangères le droit d'entrer en lice sur un pied d'égalité avec les sociétés nationales. Cela signifie que tout nouveau programme ou toute réforme novatrice des soins de santé seraient assujettis à des restrictions. Nous perdrons le contrôle des facteurs de la hausse des coûts tout en restant responsables de la facture. C'est ridicule. Cela annonce la disparition des entreprises sans but lucratif et, pendant que les sociétés étrangères s'en mettront plein les poches, c'est nous qui paierons la facture.

Puisque nous parlons des inducteurs de coût, j'aimerais aborder brièvement la question des prix des médicaments, car ces prix montrent à quel point nous pourvoyons déjà aux besoins des multinationales sur le plan commercial. Les prix des médicaments ont beau monter en flèche, le gouvernement se sent tenu de céder aux demandes des multinationales pharmaceutiques et de garantir la protection de leurs brevets. Il a manqué à sa promesse d'abroger le projet de loi C-91 et fait passer par la porte arrière le projet de loi S-17, qui élargirait encore la protection des brevets accordée aux compagnies pharmaceutiques.

C'est bien là le meilleur exemple de notre asservissement aux exigences mondialisantes des grandes entreprises internationales. Nous le voyons aussi dans la situation dont nous avons tous entendu parler et qui sévit en Afrique du Sud. Ce pays se fait poursuivre par une quarantaine de compagnies pharmaceutiques parce qu'il tente de fournir des médicaments génériques moins dispendieux pour traiter les millions de personnes séropositives ou sidéennes. Ces situations illustrent clairement les proportions qu'a prises le problème du libre-échange, et je pourrais citer de nombreux autres exemples.

Je termine en précisant que nous ne nous opposons pas aux dispositifs ou aux traités mondiaux. Nous savons que des pourparlers sont en cours concernant un traité mondial antitabac, ce qui pourrait être bien. Il y aurait peut-être là un moyen de mettre un terme à la vaste emprise que les producteurs de tabac exercent dans tous les pays du monde, en plus du Canada.

 

. 2615 + -

Nous sommes certes prêts à appuyer la solidarité mondiale pour éliminer le travail des enfants, protéger les réfugiés et lutter contre la dégradation environnementale. Toutes ces mesures sont terriblement nécessaires, et nous affirmons que c'est justement sur ce plan que nous devons agir: rechercher la justice à l'échelon local et mondial, sans jamais renoncer à la souveraineté de notre pays ou aux valeurs canadiennes.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, la députée de Winnipeg a affirmé avec une belle éloquence que les compagnies pharmaceutiques réclamaient davantage de protection. Après avoir bénéficié pendant 20 ans de lois protectrices, elles réclament maintenant une protection de 23 à 25 ans, si je ne m'abuse.

Le fait est que depuis l'adoption d'une législation protectrice par le gouvernement conservateur, le prix des médicaments a pratiquement quintuplé. Nous dépensons maintenant davantage pour les médicaments dans notre pays que pour les honoraires des médecins. C'est un problème incroyable que celui auquel notre pays est confronté.

Je me demandais si la députée de Winnipeg ne pourrait pas nous en dire un peu plus long à ce sujet. Si cet accord commercial va de l'avant, entrevoit-elle une autre hausse des prix des médicaments et une baisse de l'influence des médecins dans notre pays?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question et de toutes les questions qu'il a posées au cours du débat. Il a joué un rôle très important pour faire en sorte que nous puissions avoir une discussion exhaustive au sujet de l'Accord de libre-échange des Amériques.

À mon avis, l'un des enjeux cruciaux de l'ALEA est le régime public des soins de santé du Canada. Nous savons tous que d'importants défis nous attendent. L'un de ces défis est l'escalade des prix des médicaments. En fait, nous savons que le prix des médicaments est actuellement le volet qui augmente le plus rapidement dans le système des soins de santé. Les coûts des médicaments ont maintenant dépassé les coûts associés aux services fournis par les médecins. Cela nous en dit long quant à la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Cette situation exige sans contredit l'intervention du gouvernement.

Or, le gouvernement de l'heure nous affirme avoir les mains liées à cause de divers accords commerciaux. C'est l'excuse qu'il a avancée pour ne pas tenir sa promesse d'abroger le projet de loi C-91 sur la protection de brevets, présenté par les conservateurs du gouvernement Mulroney. Qui plus est, une nouvelle mesure législative présentée au Sénat nous apprend que le gouvernement devra se plier à davantage de décisions de l'OMC et, en fait, prolonger la protection des brevets accordée aux sociétés pharmaceutiques.

Cela signifie que le prix des médicaments grimpera encore considérablement. Autrement dit, c'est aux gouvernements et aux contribuables qu'il incombera de payer la note des médicaments dont les malades ont désespérément besoin pour se soigner. C'est une situation intenable.

Même s'il y a certaines mesures que le gouvernement peut encore prendre à l'échelle nationale, au bout du compte, si nous ne trouvons pas une façon de nous libérer des entraves commerciales qui nous empêchent d'agir, nous allons rencontrer de très sérieuses difficultés. C'est vrai non seulement ici au Canada, mais dans des pays comme l'Afrique du Sud et le Brésil, où les problèmes sont écrasants et où l'on a désespérément besoin de médicaments génériques et d'un meilleur accès à des solutions à prix modique. C'est un problème grave à l'échelle mondiale et je pense que nous devons jouer notre rôle pour y apporter une solution dans toutes les instances possibles, que ce soit l'ALEA, le GATS ou tout autre cadre de négociations commerciales.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il est bientôt deux heures vingt du matin; c'est très intéressant de constater que, même si cela fait près de huit heures que nous discutons, il reste encore pas mal de députés qui tiennent à participer au débat, moi compris.

On pourrait se demander ce qu'il reste encore à dire après huit heures de débat. Nous parlons de cette rencontre qui doit avoir lieu à Québec, le Sommet des Amériques. J'aborderai la question sous un angle légèrement différent par rapport à ce que nous avons entendu dans les deux dernières heures. Je dirai que nous devons veiller à préserver la société civile, à maintenir la civilité, non seulement dans la société canadienne, mais dans toutes les sociétés de tous les pays représentés à la conférence.

 

. 2620 + -

Malheureusement, il y a deux ans, à Seattle, des brutes, des casseurs et des anarchistes ont tout fait pour empêcher le débat. Ils se sont servis de gens réfléchis. Ils se sont servis de manifestants qui étaient sincèrement préoccupés par le libre-échange et les questions de mondialisation connexes. Ils se sont servis de ces gens comme d'un bouclier.

En conséquence, des mesures de sécurité élaborées ont été prises à Calgary récemment à l'occasion d'une conférence sur le pétrole, et on en fait autant en prévision du sommet de Québec. Personnellement, j'ai du mal à accepter cela. Je pense que nous sommes dans une situation exceptionnelle au Canada. Par exemple, à la Chambre des communes, je crois qu'il n'y a qu'une ou deux voitures de la GRC qui sont les seuls signes visibles de sécurité sur la colline. Nous savons qu'il y a plus de mesures de sécurité qui sont prises en coulisses mais, essentiellement, nous faisons tout ce que nous pouvons pour assurer une certaine civilité et protéger la société civile.

Comme je l'ai déjà dit à la Chambre, j'ai eu quelques divergences d'opinion assez tranchées avec les députés néo-démocrates qui viennent de prendre la parole. Je ne partage pas du tout leurs préoccupations.

C'est mon droit et c'est leur droit dans une société civile. C'est ça la démocratie. Nous avons le droit de n'être pas d'accord. Il y a au Canada des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers, de personnes qui partagent leur point de vue qui ont le droit de n'être pas d'accord.

Je dirais, avec tout le respect que je vous dois, qu'une bonne partie de leurs données se fondent sur une mauvaise compréhension de leur part ou sur de faux renseignements. Certes, le genre de considérations abordées est malheureusement de nature à nourrir les craintes, mais je crois que ce qui ressort de tout cela, c'est le fait que bon nombre de citoyens, non seulement au Canada, mais un peu partout dans l'hémisphère et peut-être même ailleurs dans le monde, n'ont pas confiance dans les présidents et les premiers ministres qui négocient ces accords. On manque de confiance dans les gouvernements qui négocient ces accords.

Venons-en maintenant aux acronymes, qui sont bien sûr une simple apposition de lettres correspondant aux premières lettres de noms d'organismes, par exemple. Ainsi, l'Organisation mondiale du commerce devient l'OMC, sous sa forme abrégée, et le Fonds monétaire international, le FMI. Il y a aussi l'ALE, l'ALENA et maintenant la ZLEA, sans oublier, bien sûr, la Banque mondiale. Nous avons beaucoup de ces acronymes qui, pour les Canadiens intéressés à ces questions, sont parfois difficiles à décoder.

J'aimerais attirer leur attention, de même que celle de mes collègues socialistes, à l'autre bout de la Chambre, sur ce qu'a dit Tony Blair, grand socialiste européen et premier ministre du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord. Voici ce qu'il a déclaré à la Chambre, alors qu'il se trouvait à 25 pieds de moi. Je l'ai entendu dire:

    Il est temps que nous commencions à débattre vigoureusement et clairement des raisons pour lesquelles le libre-échange est une bonne chose. C'est la clé de la création d'emplois pour nos gens, la clé de la prospérité et la clé, en fait, du développement des régions les plus pauvres du monde. L'argumentation contre le libre-échange est malavisé; pire, il est injuste. Aussi sincères que soient les protestations, elles ne doivent pas nuire à une démarche rationnelle. Nous devrions commencer à l'affirmer avec force et détermination.

Or, il reste qu'il y a des dizaines de milliers de personnes au Canada qui ont de vives inquiétudes au sujet de ces négociations. Quelle est la solution? J'aimerais humblement en proposer une au gouvernement par le biais de ce débat.

Nous pouvons surmonter cette crainte, cette méfiance, en établissant, dans le cadre des négociations commerciales, des associations parlementaires composées de représentants de tous les partis, non seulement à la Chambre, mais entre les républicains et les démocrates aux États-Unis, et dans tous les pays qui sont parties à l'entente et qui comptent un gouvernement et une opposition. Ainsi les parlementaires pourraient participer à la surveillance permanente du FMI, de l'OMC, de l'ALENA, de la Banque mondiale et de tous ces organismes qui préoccupent les Canadiens.

 

. 2625 + -

Pourquoi proposer une telle solution? En tant que parlementaires, nous ne sommes pas protégés par une bulle de sécurité comme notre premier ministre. Cette bulle est nécessaire pour lui en raison des esprits malveillants de ce monde. En ma qualité de parlementaire, je suis un habitué des cafés-restaurants, des écoles, et des centres commerciaux. Je tiens des assemblées publiques. Je donnes des conférences dans des clubs Rotary. Je rencontre des gens dans la rue. D'autres viennent me saluer quand je suis dans mon jardin, le samedi. Les gens de ma circonscription peuvent me joindre, me toucher.

Avec une association parlementaire, nous aurions l'occasion d'intervenir et nous renseigner pour mieux comprendre. Nous pourrions donner confiance à ces personnes qui ont des craintes à l'égard de ces organisations, car nous serions sur place et nous pourrions prendre part au processus de surveillance.

J'étais à Valparaiso, au Chili, en janvier, lors du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique, une tribune qui ressemble beaucoup à ce dont je parle ici. Ont participé à cette rencontre 26 pays de l'Asie-Pacifique.

S'il y a quelqu'un parmi nous, et peut-être même dans tout le Canada, qui est reconnu pour ne pas mâcher ses mots, c'est bien le député de Burnaby—Douglas. Il était également membre du Forum parlementaire de l'Asie pacifique. Il s'est promené parmi les différentes délégations parlementaires pour faire valoir son point de vue. Sa démarche a donné lieu à la présentation d'une résolution sur le parquet, ce qui ne serait pas arrivé, s'il n'avait pas été là. C'est ce genre d'accès que nous souhaitons pour nos associations parlementaires et nos parlementaires ordinaires, afin que les parlementaires puissent assurer une certaine surveillance sur des entités comme la Banque mondiale, le FMI, l'ALENA et la ZLEA.

La reddition de compte est indispensable. Je crois que nous devons susciter un climat de confiance. Nous devons donner l'occasion aux Canadiens et aux Canadiennes de faire connaître leurs points de vue. Les personnes inquiètes et désireuses de faire connaître leurs opinions ont la responsabilité de dénoncer les brutes, les gorilles et les anarchistes qui profitent d'elles et de ces manifestations. Je reconnais par ailleurs que les Canadiens réfléchis qui veulent y participer doivent se sentir à l'aise, d'où ma recommandation en faveur d'une association parlementaire capable d'assurer une certaine surveillance.

Je pense que tous les Canadiens attentionnés doivent avoir confiance au processus. C'est dans cette perspective que je suggère humblement que le concept d'associations parlementaires chargées d'assurer, dans le cadre du processus en cours, la surveillance du processus ferait vraiment beaucoup pour apaiser les craintes et les préoccupations de ces Canadiens attentionnés.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'entendre le député de Kootenay parler d'une rencontre avec un groupe de parlementaires, pas nécessairement de la Chambre, mais peut-être aussi des assemblées législatives provinciales et d'autres démocraties du monde, afin d'examiner ces questions en permanence afin d'envisager les changements à apporter, car rien n'est coulé dans le béton. Nous devons réfléchir, analyser, modifier et renouveler. Je respecte les opinions de mon collègue et je pense que la Chambre doit les examiner avec sérieux.

Toutefois, il a aussi parlé de M. Blair, le premier ministre de l'Angleterre, et de ses opinions. Je me souviens très bien du discours qu'il a prononcé. Notre parti est le seul à ne pas avoir applaudi lorsque M. Blair a évoqué les subtilités du libre-échange. Nous croyons que M. Blair n'avait qu'une connaissance très fragmentaire de l'ALENA lorsqu'il a voulu montrer la similitude entre le libre-échange ou l'ALENA et l'accord de l'Union économique européenne. C'est tout simplement un non-sens. Il s'agit de deux choses complètement différentes.

Ma question à l'honorable député de Kootenay et au Parti allianciste est celle-ci: ne croyez-vous pas que l'environnement, les droits de la personne, les normes du travail ainsi que la capacité des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux d'adopter des lois protégeant leurs citoyens de la manière qui leur semble indiquée devraient revêtir une importance primordiale dans tout accord commercial dont il sera question dans le proche avenir?

 

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M. Jim Abbott: Monsieur le Président, c'est une très bonne question et, encore une fois, nous aurions des vues diamétralement opposées à cet égard.

Des règles doivent régir les échanges, parce que le commerce contribue dans une proportion de 50 p. 100 au produit intérieur brut du Canada, qui est de 900 milliards de dollars par année. Il est intéressant de noter que l'ALENA couvre 80 p. 100 des 50 p. 100 en question. Autrement dit, près de 400 milliards de dollars du produit intérieur brut sont générés chaque année par les travailleurs canadiens et l'industrie canadienne. Par conséquent, grâce à l'ALENA, nous avons vraiment été en mesure il y a environ cinq ans de nous extirper de la profonde récession dans laquelle nous nous trouvions.

La divergence d'opinion que j'ai avec mon ami du NPD est que l'ALENA, avec les règles commerciales actuelles, a de façon générale, car il y a des exceptions, rapporté un net avantage au Canada dans tous les secteurs dont parle l'honorable député. Je ne suis pas porté à penser que nous sommes moins bien nantis aux chapitres des normes environnementales, des normes du travail ou autres. Tout compte fait, je crois que notre situation est meilleure par suite de l'ALENA.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vous remercie pour votre tolérance, ainsi que pour celle des dirigeants et des fonctionnaires de la Chambre, qui nous permet, à moi-même et à mes collègues, de poursuivre cet important débat sur le prochain sommet sur l'accord de libre-échange des Amériques.

J'aimerais souligner au départ qu'il s'agit d'une question importante, si importante effectivement que le gouvernement lui-même a présenté la question devant la Chambre sous forme de débat exploratoire. Pourtant, c'est avec découragement que je dois signaler qu'il apparaît clairement que beaucoup plus de députés des partis d'opposition, qui représentent 40 p. 100 des sièges de la Chambre, auront participé au débat, par rapport aux députés du gouvernement qui l'a lui-même proposé. Cela reflète en partie l'estime dans laquelle les députés du gouvernement, avec l'exception très remarquable du député du Yukon, tiennent cet endroit comme chambre de délibérations démocratiques.

Les députés de l'Alliance canadienne ont exprimé très clairement leurs points de vue sur les éléments positifs du libre-échange et de son impact sur la démocratie. J'aimerais faire particulièrement mention de la participation très active dans ce débat des députés du caucus du Nouveau Parti démocratique, dont les contributions sont réfléchies et pleines de verve mais avec lesquelles je suis en désaccord pour des raisons de principe. On ne peut toutefois pas douter de leur volonté de saisir cette occasion pour exprimer leurs profondes préoccupations au sujet de ce sommet et de l'accord auquel il va aboutir.

Beaucoup de députés de mon parti ont souligné notre appui général au principe du libre-échange et aux objectifs du sommet. Toutefois, permettez-moi de dire que nous tenons toujours pour acquise l'incroyable richesse de notre société. Les politiciens libéraux disent, et c'est pratiquement un truisme, que le Canada est le meilleur pays au monde. Je suis d'accord sur ce point.

S'il fait si bon vivre dans ce pays, c'est en grande partie en raison de son fort développement économique, issu en grande partie d'un système de marché libre. En outre, comme notre pays exporte énormément de biens et de services, nous profitons énormément, en nous enrichissant collectivement, des échanges avec le monde entier, en particulier avec les pays de l'hémisphère et, parmi ceux-ci, avec les États-Unis d'Amérique.

C'est vrai que nous tenons pour acquis ce niveau de développement. Nous devrions à l'occasion réfléchir au fait que la famille canadienne de classe moyenne jouit actuellement d'un niveau de vie qui est presque inconcevable pour la majorité des gens dans le monde et pour la plus grande partie de l'hémisphère ouest et qui l'aurait certainement été pour la plupart des humains au cours de l'histoire.

 

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Les Canadiens de classe moyenne, dont les ressources sont plutôt modestes, jouissent de biens et de services, de commodités et d'une sécurité, d'une santé et d'une espérance de vie, d'un niveau d'éducation, d'un revenu disponible et d'une liberté politique presque sans précédent dans la longue histoire de l'humanité.

À vrai dire, une famille de classe moyenne au Canada aujourd'hui profite d'avantages économiques plus grands et, à bien des égards, de plus de luxes qu'un roi de l'époque des Tudors il y a 500 ans ou qu'un empereur romain il y a 2 000 ans. Nous devrions réfléchir aux formidables avantages que nous apportent les normes évoluées établies par l'économie de marché et par le système de libre-échange sur lequel elle repose.

Depuis deux siècles, les pays occidentaux, notamment l'Europe septentrionale et l'Amérique du Nord, ont connu l'amélioration du niveau de vie, de la durée de vie, de la santé et du bien-être humain de loin la plus rapide de tous les temps. Voilà, encore une fois, une situation qui est attribuable au système de commerce qui a permis de réaliser des gains d'efficacité dans les économies nationales pour changer la valeur des biens qu'elles produisent.

Un théoricien politique contemporain de renom, Michael Novak, a écrit un livre brillant, intitulé The Spirit of Democratic Capitalism, dans lequel il propose une théorie pour expliquer cette extraordinaire liberté politique et économique dont nous jouissons dans ce pays et dans d'autres sociétés occidentales semblables. Il affirme que le capitalisme démocratique s'appuie sur trois piliers.

Ces trois piliers sont, premièrement, un système de libre marché qui s'appuie sur le principe et la réalité de la propriété privée et sur celui qui veut que les gens aient le droit de posséder et de conserver le fruit de leur travail.

Deuxièmement, il y a le système politique qui considère la personne humaine comme empreinte d'une dignité inviolable parce que créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, à laquelle cette dignité confère le droit à un gouvernement autonome et à une société libre et démocratique.

Le troisième pilier du capitalisme démocratique, selon Michael Novak, c'est une culture morale fondée sur la vertu où la tendance de l'homme à poursuivre ses intérêts personnels sur le marché et dans l'arène politique est tempérée par l'élan moral qui l'élève vers la vertu. L'auteur affirme que ces trois éléments ont créé une société à la richesse, à la prospérité et à la santé inégalées.

En principe, comme le chef de l'opposition l'a dit plus tôt aujourd'hui dans ses propos sur cette motion, il est important que nous défendions le libre-change pour des motifs moraux. Nous sommes quelque 800 millions de personnes dans cet hémisphère, dont 300 millions environ participent au cycle de prospérité. Toutefois, la grande majorité vit en deçà de ce que nous Canadiens considérons comme le seuil de la pauvreté, avec des possibilités économiques limitées.

Il nous faut être généreux. Il nous faut tenter d'entraîner cette multitude dans le cycle de la prospérité par le commerce, leur permettre de nous vendre les biens qu'ils produisent, les services qu'ils fournissent et parallèlement les faire profiter des choix et des rendements accrus par les biens et les services que nous pouvons leur exporter. Voilà en quoi consiste vraiment l'accord de libre échange des Amériques: étendre le cycle de productivité et donc de prospérité aux 800 millions d'habitants de l'hémisphère.

 

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Nous savons que beaucoup de détracteurs enragés laissent entendre que cela représente un programme caché qui vise à miner la démocratie. Bien des gens qui pensent ainsi se réuniront à Québec pour participer délibérément à des campagnes de désobéissance civile visant à nuire au bon déroulement du sommet.

Comment ces défenseurs de la désobéissance civile peuvent-ils prétendre représenter la population et les sociétés civiles de leurs pays respectifs, et du Canada en particulier? Les Canadiens qui participeront au sommet parallèle de protestation, qui ont bénéficié, contre toute décence, d'un financement gouvernemental de l'ordre de 300 000 $ pour l'organisation de ce qu'on appelle le sommet populaire, représentent un point de vue si marginal qu'il n'obtient pratiquement aucun soutien politique digne de ce nom à l'occasion d'élections démocratiques.

En ce qui concerne mes collègues du NPD, je crois que leur parti a obtenu 8 ou 9 p. 100 du vote populaire lors des dernières élections générales, ce qui signifie que plus de 90 p. 100 des Canadiens ont rejeté leur message de protectionnisme vis-à-vis du commerce.

En terminant, je dis que ces opposants à l'Accord n'ont aucun droit légitime de se proclamer les défenseurs de la démocratie. Chacun de ces gouvernements doit rendre compte de ses actes à ses électeurs. À mesure que continuera de croître la prospérité économique, nous allons créer, dans ces sociétés, une classe moyenne qui renforcera la stabilité des institutions démocratiques et la responsabilité démocratique. C'est le cercle vertueux auquel nous devrions inviter à se joindre toutes les nations de l'hémisphère occidental.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que le député de l'Alberta, pour lequel j'ai le plus grand respect, a parlé de l'économie mexicaine qui s'était améliorée grâce au libre-échange. En réalité, depuis la signature de l'ALENA, le libre-échange a peut-être créé un nouveau milliardaire et cent nouveaux millionnaires au Mexique, mais le salaire moyen des Mexicains a régressé. Voilà la réalité. Voilà la vérité. Le Mexique a aussi mis un bémol à ses préoccupations d'ordre environnemental.

Je pose donc au député une question semblable à celle que j'ai posée au député de Skeena en rapport avec les accords visant le bois d'oeuvre. Le député de Skeena a déclaré, je crois, que l'Alliance appuie l'égalité d'accès aux marchés américains pour le bois d'oeuvre résineux du Canada. Le fait est que 80 p. 100 du bois d'oeuvre récolté viennent de terres privées dans le Canada atlantique alors que 80 à 90 p. 100 du bois d'oeuvre récolté en Colombie-Britannique viennent de terres publiques. Il y a donc là une différence au départ.

Pour préserver le bien-être économique de l'industrie du bois d'oeuvre du Canada atlantique, le député ne serait-il pas d'accord pour appuyer le maintien de l'accord maritime déjà en place qui s'est avéré fort avantageux pour la population de cette région?

M. Jason Kenney: Monsieur le Président, je vais faire quelque chose qu'un politicien fait rarement, soit avouer mon ignorance au sujet de l'accord maritime par rapport à l'industrie de l'exportation du bois d'oeuvre vers les États-Unis. Comme je ne peux pas répondre ou commenter de manière intelligente, je ne tenterai pas de le faire.

Je dirai cependant que si nous sommes fermement en faveur du libre-échange concernant le bois d'oeuvre en général, c'est que les mesures compensatoires que les Américains s'apprêtent à imposer nuiraient énormément à des dizaines de milliers de travailleurs canadiens, y compris à bon nombre de membres de syndicats qui soutiennent sûrement le parti de mon collègue.

En ce qui concerne ses déclarations au sujet du Mexique, je crois comprendre que les revenus et le niveau de vie se sont améliorés par suite de l'instauration du régime de libre-échange. En fait, les Mexicains ont récemment élu, au cours des premières élections vraiment démocratiques de leur histoire au niveau national, le président Vicente Fox, un ardent défenseur du libre-échange qui, bien entendu, participera au sommet de la ZLEA à Québec et qui viendra ensuite dans ma ville natale, Calgary.

 

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Le président Fox a été élu par les Mexicains en partie parce qu'ils considèrent sa position en faveur d'échanges plus libres, de mesures moins protectionnistes, d'une réglementation plus souple, de meilleures relations multilatérales dans l'hémisphère et de meilleures relations bilatérales avec les États-Unis comme une partie intégrante des bases de la prospérité dans leur pays. Les Mexicains avaient un choix à faire lors de ces élections.

Les collègues du député parlent beaucoup de démocratie et laissent entendre que la ZLEA la mine en quelque sorte, mais quand les Mexicains ont été appelés à prendre une décision démocratique, souveraine, la décision la plus démocratique de leur histoire moderne, ils ont choisi un partisan du libre-échange. Ils ont choisi un défenseur de la ZLEA.

Je ne veux pas laisser entendre que c'est le cas du député de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, mais je crois que certaines personnes dans cette salle et ailleurs au pays ont une attitude paternaliste envers les populations du monde en développement et pensent que ces gens ne savent pas ce qui leur convient le mieux.

Le peuple mexicain a exprimé très clairement où se situaient ses intérêts dans une élection démocratique; les Mexicains ont souscrit au programme de libre-échange et de croissance économique du président Fox. Si la démocratie nous tient vraiment à coeur, au lieu de lancer des cocktails Molotov aux policiers à Québec, nous devrions écouter les citoyens et les électorats du monde en développement qui choisissent la démocratie, le libre marché et le libre-échange, et rejettent les régimes économiques fermés qui les ont mal servis pendant des décennies.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec mon collègue d'Acadie—Bathurst.

J'ai demandé la parole parce que je sens que le débat tire à sa fin. Je vous parlerai pendant quelques minutes de l'incidence que les accords commerciaux, et l'ALENA en particulier, ont eue sur la position défendue au pays en matière d'environnement.

Tout au long du débat, il a été fait mention de certaines poursuites en justice qui ont été intentées. Celle que je veux mentionner, parce que je ne crois pas qu'on ait fait plus qu'en parler en passant, est l'affaire S.D. Myers c. Canada. La société Myers poursuivait le Canada, comme l'ALENA l'autorisait à le faire, parce que nous ne voulions pas exporter de déchets dangereux aux États-Unis. Nous avons fermé nos frontières à ce commerce.

Nous avons fait prendre au pays souverain qu'est le Canada une position très respectueuse de l'environnement, position qu'il était en fait tenu de prendre en vertu de la Convention de Bâle, qui porte sur le mouvement transfrontalier des déchets dangereux. Cette convention nous oblige à traiter nos propres déchets dangereux. S.D. Myers voulait traiter nos déchets dangereux aux États-Unis. Lorsque nous avons fermé nos frontières à ce commerce, cette société a intenté des poursuites et a gagné la cause. Le Canada s'est retrouvé puni pour son sens civique international, si je puis dire. Il a signé de bonne foi avec d'autres partenaires étrangers une convention qu'on lui a ensuite demandé de violer en vertu de l'ALENA.

 

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Un des avocats qui a examiné la question a dit, au sujet de la décision rendue dans l'affaire S.D. Myers c. Canada, qu'elle interprétait les règles de l'ALENA de façon tellement vague et confuse que cela revenait à dire que le Canada viole les obligations de l'ALENA parce que nous le disons. Je vais y revenir plus tard parce que je veux parler de l'impact de l'ALENA et des accords commerciaux sur notre souveraineté et, surtout, notre démocratie.

Je veux aussi parler de l'affaire Metalclad que d'autres intervenants ont évoquée. Sur le plan de l'environnement, cette affaire fait ressortir le manque d'intégrité fondamental de toute entente commerciale. Je parle de l'intégrité relative à la protection de l'environnement.

Cette affaire touche une municipalité assez pauvre qui a été contrainte d'accepter des déchets toxiques. On pourrait dire qu'une municipalité ne peut pas être forcée d'accepter. Aucune entente dans le monde ne devrait obliger une municipalité qui n'en a pas les moyens à recevoir une énorme quantité de déchets toxiques à cause de normes internationales. À la grande surprise de la municipalité, elle s'est fait dire qu'elle devait accepter les déchets. Comme nous le savons tous, l'affaire a été portée en appel. Compte tenu des interprétations passées de l'ALENA, on doit se demander s'il est même possible que cet appel soit accueilli. Il y a un certain nombre d'autres cas.

Une résolution a été adoptée à la Chambre il y a à peu près une semaine et elle a reçu l'appui de tous les partis, sauf le NPD je crois. Elle a été proposée par nos amis du Bloc. Nous avons voté contre parce que nous nous soucions de l'environnement. Elle traitait de la question du bois d'oeuvre résineux. Si nous persistons dans ce genre d'ententes commerciales, nous continuerons à nous exposer aux types de décisions que je viens de mentionner.

Ce à quoi nous devrions réellement penser comme entente commerciale, que ce soit avec les États-Unis, avec le Mexique ou avec le reste de l'hémisphère, c'est une entente qui reconnaît la souveraineté du Canada, la valeur de la démocratie et notre droit de protéger notre environnement, les droits de la personne et les normes de travail. Ces thèmes reviennent sans cesse.

J'aimerais vous parler brièvement de la démocratie. J'ai fait une liste des atteintes à la démocratie que nous observons et avons observées depuis le premier accord de libre-échange conclu à la fin des années quatre-vingts. Notre perte de souveraineté figure au haut de cette liste. Des bureaucrates anonymes travaillant on ne sait où prennent maintenant des décisions qui ont une incidence sur chacun d'entre nous.

Malgré les commentaires de mon ami de l'Alberta, nous nous retrouvons dans une situation où nos jeunes estiment que le seul moyen qui leur reste pour exprimer leur opposition à ces accords est de descendre dans la rue, non pas en songeant à des actes de violence comme il l'a laissé entendre, mais simplement pour exercer leur droit démocratique d'affirmer que ce pays leur appartient, qu'ils y vivent et qu'ils ont le droit de dire qu'ils ne sont pas d'accord avec les gestes posés par leur gouvernement. Et à quoi se heurteront-ils? À des barricades et, dans les faits, à l'équivalent d'un État police à Québec à la fin d'avril. C'est là quelque chose que je peux attester avec beaucoup de vigueur. Nous avons vécu la même situation dans ma circonscription en juin dernier.

 

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Ces citoyens n'ont en fait aucun moyen de se faire entendre dans le système parlementaire actuel. Nous n'allons rien voter ici. Nous n'allons même pas voir le texte de l'accord. Pourtant, nous sommes des représentants élus par nos concitoyens pour les représenter ici et défendre leurs intérêts. En fait, nous sommes muselés.

Au cours des prochains mois et des prochaines années, il faudra que nous débattions des choix qui s'offrent à nous pour arriver à s'entendre avec le reste du monde sur un régime d'échanges commerciaux beaucoup plus démocratique et utile.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais poser la question suivante à mon collègue de Windsor—St. Clair. Le Pacte de l'automobile qui, si je ne m'abuse, a fort bien servi le pays depuis 1965 est chose du passé.

Le député pourrait-il expliquer à la Chambre ce que les travailleurs de l'automobile et leurs familles ont à craindre au juste, maintenant que ce pacte est chose du passé?

M. Joe Comartin: Monsieur le Président, les gens du comté de Windsor—Essex ont grandement bénéficié du Pacte de l'automobile. Pour les Canadiens, deux termes sont souvent associés au Pacte de l'automobile, soit commerce administré et commerce loyal. Le Pacte de l'automobile a permis au comté de Windsor—Essex de connaître un développement considérable de l'industrie automobile.

Comme mes collègues l'ont signalé, nous avons perdu cet accord le mois dernier, encore une fois par suite d'une décision commerciale. Les résidents de ma circonscription sont très inquiets. Nous n'avons plus d'entente garantissant un commerce loyal.

Laissez-moi vous donner un exemple. Le Mexique produit maintenant un nombre considérable d'automobiles. À titre de comparaison, en moyenne, une personne qui travaille à Windsor dans une des grandes usines automobiles gagne plus de 20 $ de l'heure, ou près de 30 $ de l'heure si on compte les avantages sociaux et le reste. Une personne qui fait le même travail au Mexique, pour construire le même genre de véhicule, est payée en moyenne un dollar de l'heure. Ça, ce n'est pas un commerce loyal. C'est peut-être du libre-échange, selon certaines des autres définitions du commerce que nous avons entendues, mais ce n'est pas du commerce loyal.

L'économie mexicaine compromet sérieusement la position des travailleurs au Canada et ne fait rien, ou très peu, pour améliorer la condition des travailleurs au Mexique.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, comme certains l'ont dit, à l'heure qu'il est, à 3 heures du matin ici, il est peut-être minuit en Colombie-Britannique, mais chez nous il est 4 heures. Les mineurs sont peut-être en train de se lever pour aller travailler et ils vont me voir juste avant de partir.

La ville de Québec recevra, au cours du mois d'avril, les chefs d'État de 34 pays des Amériques afin de poursuivre les négociations sur l'application du libre-échange nord-américain à tous les pays des Amériques, à l'exception de Cuba.

 

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Cette rencontre, le Sommet des peuples des Amériques, fait suite aux rencontres de Prague, Seattle et Washington.

Or, le Nouveau Parti démocratique est tout à fait contre une telle pratique. Il croit que la société civile devrait pouvoir prendre part aux négociations d'accords commerciaux internationaux et discuter de l'adoption de pratiques équitables en matière de commerce.

L'autorisation de l'accord sur la Zone de libre-échange des Amériques à ce Sommet compromettra fortement la démocratie axée sur les citoyens et la notion d'échanges commerciaux équitables.

Le Canada est un pays fondé sur le commerce. Le commerce international est un élément important de notre économie. Depuis l'approbation de l'Accord de libre-échange par le Canada, nous avons négocié une série d'ententes commerciales qui accordent la priorité aux intérêts des sociétés multinationales et des investisseurs internationaux sur ceux des travailleurs, de l'environnement et de la démocratie.

Il est important de mentionner que plusieurs politiques publiques du Canada ont été victimes de désaccords commerciaux internationaux. Rappelons la conservation des stocks de poissons, l'appui aux maisons d'édition canadiennes, les normes relatives aux additifs toxiques dans l'essence, la Loi sur les médicaments génériques, le financement de la recherche et le développement dans les secteurs de la haute technologie au Canada et le Pacte de l'automobile.

On se rappelle, il n'y a pas si longtemps, les négociations de l'AMI, où on a tenté de reproduire les règles de l'ALENA en matière d'investissement avec les pays industrialisés et d'utiliser l'ALENA comme modèle d'entente commerciale avec le reste du monde. Le Nouveau Parti démocratique s'est toujours opposé aux négociations de l'AMI.

En 1998, les protestations publiques ont réussi à abattre le projet de l'AMI. Même la France et l'Australie l'ont rejeté comme une menace à leur démocratie, alors que notre gouvernement était en faveur, ce qui était incroyable. Pourquoi? Parce qu'on avait eu la chance d'avoir les documents.

Comme on l'a dit à maintes reprises à la Chambre ce soir, le document avait été mis sur l'Internet et les gens du monde entier ont eu la chance de le voir et de pouvoir parler des changements qui allaient avoir lieu et qui allaient faire mal à la société.

Le Nouveau Parti démocratique n'est pas contre le commerce. Au contraire, il favorise le commerce équitable, administré dans un contexte social de respect pour le développement social, les droits des travailleurs et travailleuses et l'environnement.

Or, ces négociations sont loin d'être établies dans ce contexte. Le gouvernement fédéral ne cesse d'indiquer que ces négociations seront faites dans le respect des Canadiens et Canadiennes et dans le meilleur intérêt du Canada. Pourquoi ne pas rendre publics les documents de négociation de ces accords commerciaux?

Malheureusement, le gouvernement libéral manque sérieusement de transparence. Si on regarde le dossier de Grand-Mère et maintenant le Sommet des Amériques, cela devient une problématique courante au sein du gouvernement libéral. Le Nouveau Parti démocratique croit fortement que les accords commerciaux doivent être présentés à la Chambre des communes et débattus en profondeur par les parlementaires et le public avant d'être signés par le gouvernement.

Qu'est-ce que le gouvernement a caché dans cet accord? Pourquoi cacher un accord aux Canadiens et Canadiennes? Pourquoi devrait-on se fier à un Cabinet? Pourquoi devrait-on se fier à un chef d'État? Pourquoi devrait-on se fier à des chefs d'État, incapables de le présenter au public? Qu'ont-ils à cacher?

Lorsqu'on évoque le mot «démocratie», on réalise bien vite que dans le contexte du Sommet des Amériques, ce mot n'a plus son sens. Au contraire, les valeurs et les intérêts deviennent purement commerciaux et économiques, au profit d'entreprises privées et sélectives.

Le gouvernement fédéral se doit de veiller aux intérêts de chaque citoyen et citoyenne, dont les services publics, qui font du Canada un pays exemplaire dans ses politiques sociales, que ce soit l'assurance-maladie, les soins de santé, les règlements sur la protection de la santé, l'enseignement public, les programmes de services sociaux, l'eau et les systèmes et le service de l'environnement.

 

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L'impact de telles négociations antérieures s'est fait directement sentir ici au Canada, comme le démontre l'augmentation de la pauvreté chez les enfants. Au Canada, le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté a augmenté de 60 p. 100 depuis 1990 et ce, même après que le Parlement se soit engagé à enrayer cette pauvreté que nous jugeons sans raison et inacceptable.

Seulement au Québec, on a remarqué une nette augmentation des bénéficiaires de l'aide sociale, soit 595 000 en 1991, comparativement à 793 000 en 1997. C'est beau de dire que le taux de chômage a baissé, mais il faut dire à quel point celui du bien-être social a augmenté.

De plus, les travailleuses et les travailleurs canadiens travaillent plus fort, de plus longues heures, pour maintenir leur salaire au même niveau qu'il y a 20 ans. Il est donc difficile d'imaginer qu'ils pourront ainsi améliorer leur sort.

Deux semaines avant les négociations de Seattle en 1999, le ministre du Commerce international avait clairement confirmé qu'il favoriserait la libération des services de santé et d'éducation à titre de domaines prioritaires pour les discussions des négociations de l'OMC. Le NPD croit que cette position amènera un système de santé à deux niveaux, un système d'éducation pour les pauvres et un pour les riches, ce qui est inacceptable.

Le 20 avril prochain, le NPD et moi-même serons sur place pour dénoncer ces négociations fermées. Des militants de partout dénonceront haut et fort leur opposition à l'accord sur la Zone de libre-échange des Amériques et aux visées commerciales et économiques des grandes entreprises, ainsi qu'à l'atteinte à la démocratie.

Comme l'indiquait le vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada le 19 mars 2001 à Ottawa, lors d'une conférence de presse:

    Les Canadiens et Canadiennes veulent que leur gouvernement les écoute. Lorsqu'il ne le fait pas, nous devons trouver d'autres moyens d'attirer son attention.

Et c'est ce que les militants feront le 20 avril prochain à Québec.

Même s'il demeure que les organisateurs de ce Sommet ont prévu des mesures de grande sécurité, l'heure est à la dénonciation et à la solidarité, et c'est ce que nous démontrerons par notre présence.

Je terminerai mon discours avec les propos du président du CTC tenus à Windsor le 3 juin 2000, dans le cadre d'une séance d'étude:

    La solidarité va l'emporter, car nous voulons réaliser nos rêves pour nos enfants: le rêve d'une société instruite et compétente; le rêve d'une économie où tout le monde a un emploi; le rêve d'un environnement durable, où l'air est pur et l'eau est bonne; le rêve de collectivités où les gens se soucient les uns des autres, travaillent ensemble et s'entraident; le rêve de familles et d'enfants qui envisagent l'avenir dans l'espoir et l'optimisme; le rêve de la solidarité entre les familles de nos pays, de notre continent, du monde entier, qui partagent les mêmes rêves et qui sont prêts à lutter ensemble pour réaliser ces rêves.

[Traduction]

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, depuis que j'ai mentionné au député de Burnaby—Douglas les propos du ministre du Commerce international, trois députés du Nouveau Parti démocrate ont soulevé la question de l'éducation publique. Je le répète, la semaine dernière, le ministre du Commerce international, en parlant du GATT et de l'ALEA, a affirmé catégoriquement que l'éducation publique n'était pas en danger.

Les gens ne peuvent pas vraiment se plaindre de ne pas avoir de points de vue si, lorsqu'il n'y en a un qui est exposé, ils s'en plaignent. Nous ne pouvons pas tout avoir. Le député de Burnaby—Douglas a faiblement répondu qu'il ne croyait pas quelque chose qui est arrivé il y a pas mal de temps. Eh bien, les gouvernements changent.

 

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Plusieurs membres du NPD parlent très positivement de la situation actuelle des échanges commerciaux, ce qu'ils ne faisaient pas il y a quelques années. Je trouve cela normal. Les gens changent, et le monde change. L'argument de ces députés était plutôt faible. J'aimerais aborder certains de leurs autres arguments admirables concernant des choses qui ne sont pas négociables et des choses qui risquent d'être bradées, mais on a catégoriquement affirmé que cette autre chose dont nous parlions ne risque rien.

Si j'ai bien compris l'argument, c'est qu'en fait, nous avons moins de revenu disponible qu'il y a 20 ans. Est-ce en partie à cause des programmes sociaux accrus que nous avons maintenant? Les soins de santé sont beaucoup plus efficaces. Plus de médicaments ont été inventés, et il nous faut les payer. Nous fournissons une aide internationale supérieure à ce qu'elle était il y a 20 ans. Il y a beaucoup plus de contrôles environnementaux qu'à l'époque. Toutes ces choses coûtent de l'argent, mais généralement, le NPD les approuve. N'est-ce pas en partie pourquoi le revenu disponible a baissé?

M. Yvon Godin: Monsieur le Président, ce n'est pas pour cette raison. Nous approuvons le commerce loyal, mais pas le libre-échange. Le NPD a été très clair à ce sujet.

Pourquoi le revenu des gens a-t-il baissé? C'est à cause des libéraux qui, en 1989, 1990 et 1992 ont indiqué par exemple, lorsque les conservateurs faisaient des compressions dans l'assurance-emploi, que s'ils arrivaient au pouvoir, ils ne feraient pas ces compressions, mais rétabliraient l'assurance-emploi.

Au lieu de cela, ils ont fait des compressions dans l'assurance-emploi jusqu'au point où seulement 35 p. 100 des Canadiens qui y cotisent peuvent percevoir des prestations d'assurance-emploi. Nous avons maintenant des pauvres qui ne l'étaient pas auparavant, puisque 800 000 personnes ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi. C'est le fait des libéraux. Près de 1,4 million d'enfants ont faim dans notre pays et c'est à cause de ce qu'ont fait les libéraux depuis qu'ils étaient au pouvoir, soit depuis 1993. Ils devraient avoir honte.

Je crois que c'est à cause du libre-échange qu'ils ont fait ces compressions. Ils doivent répondre aux Américains et aux Mexicains. C'est ce qu'ils ont fait du libre-échange. Or, le libre-échange qui nous était promis était censé rehausser le niveau de vie de ces gens-là et non abaisser celui des Canadiens. C'est ce que les libéraux ont fait.

C'est la raison pour laquelle nous ne nous fions pas aux propos du ministre: les paroles des libéraux ne correspondent pas à leurs actes. Nous ne pouvons pas leur faire confiance. S'ils veulent que nous leur fassions confiance, ils doivent nous montrer le document pour que nous puissions le lire. Nous ne sommes pas stupides. Nous avons une responsabilité en tant que parlementaires et nous devrions avoir accès à ce document. Il n'appartient pas uniquement au ministre de l'Industrie ou au ministre du Commerce international, mais aux parlementaires et aux Canadiens.

Nous devrions pouvoir prendre nos décisions et non pas simplement nous fier aux libéraux qui ont causé beaucoup de tort au pays. Ils ont causé un grand tort aux travailleurs du Canada. C'est la raison pour laquelle nous ne faisons pas confiance aux libéraux.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au nom des habitants de Surrey-Centre, je suis très heureux de participer au débat-thème sur le prochain Sommet des Amériques. Je vais partager mon temps avec l'honorable député d'Edmonton-Strathcona.

Pour l'information des Canadiens intéressés et engagés qui regardent encore ce débat à la télévision, je rappelle que les 21 et 22 avril le Canada accueillera 34 dirigeants démocratiquement élus des Amériques, dont 21 seront nouveaux. Cuba sera le seul pays à ne pas participer au sommet. La ZLEA s'appliquerait à plus de 800 millions de personnes. Les Amériques ont un PIB combiné de plus de 11 billions de dollars américains.

Il s'agira du troisième sommet des Amériques. Le premier, qui portait sur le commerce, a eu lieu à Miami en 1994. Le deuxième a porté sur l'éducation et a eu lieu à Santiago du Chili, en 1998. Au cours de ce troisième sommet, on examinera la proposition d'éliminer progressivement les barrières commerciales de l'Arctique à l'Argentine d'ici à 2005. Le plan d'action du sommet comprend des initiatives dans 18 domaines différents, y compris le trafic des stupéfiants et le blanchiment d'argent.

 

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Permettez-moi de rappeler certains faits concernant la Zone de libre-échange des Amériques, appelée communément ZLEA.

Une transformation politique et économique est en train d'avoir lieu au sein du bloc commercial. Aujourd'hui, il n'y a pas de dictature militaire, alors qu'en 1995, il y en avait 14. En 1950, le Canada et l'Argentine avaient atteint le même niveau de développement, mais regardez l'écart aujourd'hui. Le Canada a investi 12 milliards de dollars au Chili, trois fois plus que ce que nous avons investi au Japon. Le Canada a investi 42 milliards dans les Amériques, à l'extérieur des États-Unis. À l'heure actuelle, plus de 90 p. 100 des produits de l'Amérique latine, de l'Amérique centrale et des Caraïbes entrent au Canada en franchise de droits. Le Canada exporte environ 45 p. 100 de son PIB.

Je vais passer en revue les énormes avantages du libre-échange. Il permettra d'élargir nos droits commerciaux. Il profite à tous les pays qui y participent. Il donne aux consommateurs un meilleur choix de biens et de services, et à des prix moindres aussi, que dans les pays sous protection douanière. Il nous aide à obtenir des produits à valeur ajoutée. Il contribue à la prospérité, au développement, à la création d'emplois et à l'essor économique. Il renforce la liberté d'entreprise, la démocratie et le bon gouvernement. Il augmente l'échange volontaire des biens, des services et de l'argent. Et il protège les droits de propriété intellectuelle.

Le chapitre 11 de l'ALENA donne une protection aux investisseurs canadiens.

L'Alliance canadienne est favorable au libre-échange. En principe, nous appuyons les initiatives de la ZLEA. Je rappelle poliment à nos collègues néo-démocrates que Tony Blair, premier ministre libéral du Royaume-Uni, a fait ressortir, devant cette assemblée, l'importance du libre-échange.

Nous devons aussi rappeler que c'est le Parti libéral du Canada qui s'est battu avec énergie contre le libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Cette politique à fait perdre aux libéraux l'élection de 1988. Le très honorable John Turner a mené les députés d'en face à une cuisante défaite, parce qu'il s'opposait à l'expansion des échanges avec notre principal partenaire commercial. À l'époque, les libéraux ont prévenu que le Canada cesserait d'exister et que nous perdrions notre souveraineté si le libre-échange était adopté. Les Canadiens ne les ont pas crus.

Les libéraux ont fait volte-face. Nous savons tous comment nous appelons cela en politique. Aujourd'hui, nous nous méfions de la politique commerciale du gouvernement libéral. Nous avons assisté à l'échec des missions d'Équipe Canada, missions dont la majorité se sont soldées par une chute de nos exportations vers les pays visités et une diminution de nos échanges. Voilà qui est de notoriété publique. Les faits et les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Il y a des gens qui disent que le Canada devrait envisager ce genre de sommet avec l'Europe de l'Ouest. Les échanges Est-Ouest pourraient aussi être avantageux pour le Canada.

Il convient aussi de noter que les barrières commerciales internes du Canada demeurent en place. Il y a davantage d'obstacles au commerce entre la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick et d'autres provinces qu'il y en a entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington. Cette question n'est pas au maigre menu de la Chambre parce que les libéraux ne la prennent pas au sérieux. Il n'y a jamais eu de dialogue sérieux en vue de favoriser la coopération fédérale-provinciale. Le gouvernement a toujours eu une approche oppositionnelle à l'égard des provinces.

Les Canadiens ont un certain nombre de questions auxquelles le gouvernement n'a pas fourni de réponse claire. Quel serait exactement le rôle du Canada dans l'ALEA? De quelle façon précisément le sommet avantage-t-il le Canada? Je crains que le Canada se présente au sommet sans avoir fait ses devoirs et, comme d'habitude, en position de faiblesse. Il est difficile de discuter de cette question car le gouvernement a été très avare de documents. Quels critères le gouvernement devrait-il employer pour promouvoir les relations commerciales dans le cadre de l'ALEA? Le gouvernement libéral va-t-il continuer de troquer son aide contre des contrats commerciaux? D'après ce scénario, le gouvernement libéral se sert de l'aide étrangère du Canada comme d'une carotte et invoque ensuite les politiques commerciales comme un bâton dans ses relations avec les nations défavorisées et sous-développées.

 

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Les libéraux vont-ils mesurer les avantages de l'ALEA par rapport à ce qu'il lui en coûte de traiter avec des pays qui ne respectent pas de saines pratiques de gestion publique? Le gouvernement va-t-il exiger de ces nations une reddition de comptes en matière de droits de la personne? Qu'en est-il des valeurs démocratiques? Comment seront-elles définies? Et les sanctions commerciales? Le gouvernement a un bilan des plus inconstants pour ce qui est de l'application de sanctions commerciales contre des États parias.

On peut dire qu'il y a deux poids deux mesures, mais ce pourrait être trois ou même pire. Le gouvernement prend des décisions insensées au sujet des sanctions commerciales.

Il n'écoute pas les Canadiens. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a recommandé de séparer en deux catégories les sanctions que nous avons prises contre l'Irak. Il a recommandé qu'on distingue entre les sanctions à caractère militaire et humanitaire, suggérant qu'on mette fin aux sanctions d'ordre humanitaire. Qu'est-ce qui est arrivé depuis la parution du rapport unanime de ce comité en 1999? Absolument rien.

Faible et arrogant, le gouvernement libéral a négocié l'AMI dans le secret pendant plus d'un an avant que les Canadiens s'en rendent compte. Si le gouvernement libéral avait écouté les Canadiens, le sommet populaire parallèle au sommet de Québec n'aurait pas été nécessaire.

Qu'en est-il des différends qui opposent le Canada à d'autres pays en matière d'agriculture, de bois d'oeuvre ou de pêches? Notre gouvernement a-t-il l'intention de présenter ces dossiers au sommet? Les Canadiens l'ignorent, car les libéraux ne nous le disent pas.

Que font les libéraux pour contrer la faiblesse du dollar canadien et les impôts élevés? Ces problèmes nuisent au Canada dans ses négociations d'accords de libre-échange et l'empêchent d'attirer les investisseurs. Les libéraux doivent traîner ce boulet que représente notre faible dollar à travers le monde, ce qui ne nous aide pas à négocier avec les autres pays. La question des subventions commerciales est-elle sur la table? Notre différend avec le Brésil l'est-il?

Les Canadiens s'inquiètent surtout de la criminalité internationale et du crime organisé. Allons-nous accroître les échanges avec les pays qui nous nuisent en raison du trafic des stupéfiants, du trafic d'êtres humains, du blanchiment d'argent ou encore des fraudes bancaires et informatiques?

Nous devons également déterminer avec soin si tous les pays qui participent au sommet se conforment aux accords commerciaux existant à l'échelle internationale. Malheureusement, le Parlement n'a pu aider d'aucune manière à établir les paramètres de la position de négociation du Canada dans le cadre des pourparlers.

En conclusion, pour notre parti, il semble essentiel que les parlementaires puissent participer au processus, notamment au moyen d'un débat exhaustif et d'un vote libre sur un éventuel accord. Il nous semble important de favoriser une économie saine pour les consommateurs en instituant des échanges commerciaux libres au pays et à l'étranger. Nous sommes en faveur de l'accès aux marchés internationaux par l'entremise de la négociation d'accords commerciaux, mais nous devons agir de manière réfléchie.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, ma question au député de la Colombie-Britannique est simple: à son avis, les questions comme les soins de santé, l'éducation et les systèmes d'aqueduc et d'égout dans les grandes agglomérations devraient-elles ou non faire partie du processus de négociation de la ZLEA? Il peut me répondre par oui ou par non.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, ma réponse courte est oui. Lors du deuxième sommet, le thème principal portait sur l'éducation. Il serait très sain que d'autres préoccupations sociales soient inscrites à l'ordre du jour, par exemple, les soins de santé et d'autres services qui sont offerts aux quelque 800 000 millions de personnes de ce bloc commercial. Ce serait là une très bonne chose.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, j'ai quelques commentaires à formuler. Le député a parlé des provinces. L'une des choses que je ne pourrai jamais admettre dans le programme de l'Alliance, c'est cette volonté d'affaiblir la fédération canadienne et de la départir de ses pouvoirs au profit des provinces, au risque d'enlever toute efficacité à l'État.

 

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De nombreuses ententes fédérales-provinciales ont été conclues cette année, dont une, très importante, sur les soins de santé. Cela prouve bien que les provinces et le gouvernement fédéral sont parfois capables de travailler main dans la main.

À propos de la lourdeur du régime fiscal, le Canada vient tout juste de connaître la plus importante réduction d'impôt de son histoire.

Ma question fait suite au commentaire du député concernant la valeur du dollar. Que ferait le député si la hausse artificielle de la valeur du dollar devait entraîner des pertes d'emplois dans les industries d'exportation canadiennes?

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, j'apprécie l'intérêt que le député porte à la question.

Il a parlé des provinces. L'Alliance canadienne estime qu'il importe d'aborder les provinces dans un esprit de coopération et non dans un esprit de contradiction comme le pratique actuellement son parti.

Le gouvernement libéral prend systématiquement le contre-pied des provinces, et c'est pour cette raison que tant de problèmes perdurent, notamment celui des obstacles au commerce. C'est pour cette raison que la Confédération ne fonctionne pas. Celle-ci fonctionnerait mieux si les provinces et le gouvernement fédéral se partageaient les responsabilités, établissaient un dialogue et collaboraient dans les dossiers qui les concernent.

Pour ce qui est des impôts élevés, le député affirme que les allégements fiscaux consentis dernièrement sont les plus importants de toute l'histoire du Canada. C'est une absurdité. C'est faux. La plus forte augmentation d'impôt qui a eu lieu depuis que les Libéraux sont arrivés au pouvoir en 1993, c'est l'augmentation des cotisations au RPC. Je me souviens que c'était le premier projet de loi dont nous avons débattu à la Chambre. Il prévoyait une augmentation de 73 %. C'était la plus forte augmentation d'impôts de toute l'histoire du Canada et elle était le fait du présent gouvernement.

Le député a parlé des pertes d'emplois. Lorsque le dollar canadien est fort nous ne perdons d'emplois. En fait, cela aide à rétablir la crédibilité, ainsi que la confiance dans notre économie. J'aimerais que le député étudie ces questions plus en détail. Les réponses que j'ai données à ses trois questions sont sans doute contraires à ce qu'il pensait.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de ce dossier particulier. Peut-être est-ce dû à l'heure avancée, mais il règne ici une paix incroyable à laquelle je ne suis pas habitué. Il est donc un peu excitant de pouvoir parler dans ces conditions.

Le débat d'aujourd'hui me donne l'impression de déjà vu, après le débat sur l'AMI que nous avons eu lors de la législature précédente. C'est l'opposition officielle qui, grâce à une motion, une journée de l'opposition, a réclamé un débat sur la position du gouvernement à l'égard de l'AMI. Nous revoilà, en train de tenir un débat d'une certaine urgence pour savoir quelle sera la position du gouvernement durant la ronde de négociations en cours concernant la ZLEA.

Pour ce qui est de l'AMI, l'opposition officielle avait mis cartes sur table. Nous avions dit que nous étions favorables au principe du libre-échange, comme nous l'avions toujours été, mais que nous souhaitions connaître la position exacte que défendrait le gouvernement au cours des négociations. Nous n'avons pas eu droit au genre de transparence que nous aurions aimé avoir à ce moment-là. Ironie du sort, nous n'allons pas y avoir droit, cette fois non plus, en ce qui a trait à la ZLEA.

Autre ironie, avant 1993, l'actuel gouvernement s'opposait avec véhémence au libre-échange. Le voilà maintenant qui porte l'étandard du libre-échange mais, à nouveau, sans plus de transparence, du moins sans la transparence souhaitée par les Canadiens et Canadiennes.

Si l'on examine ce qui est au programme durant le sommet de Québec, on se rend compte qu'il y a trois grands thèmes, fort honorables selon moi, soit renforcer la démocratie, créer de la prospérité et réaliser le potentiel humain. Tous ces sujets intéressent au plus haut point les Canadiens et les différents pays qui vont prendre part aux négociations.

 

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Encore une fois, l'opposition officielle est en faveur du libre-échange. Toutefois, nous avons évidemment des inquiétudes au sujet des questions de souveraineté qui se rapportent à tous les sujets inscrits à l'ordre du jour. Si le gouvernement avait clairement exposé la position qu'il entend adopter lors des négociations, s'il avait permis la tenue de consultations publiques et d'un débat ouvert, nous n'aurions pas eu à composer avec les manifestations violentes et déplorables auxquelles nous avons assisté dans le passé. Il aurait pu favoriser l'adoption d'un programme constructif en faveur d'une mondialisation coordonnée conforme au droit international.

Les discussions, lors des réunions de la ZLEA, porteront sur un grand pan de l'économie mondiale, de sorte que les objectifs et les enjeux sont énormes. Ces réunions constituent pour nous une occasion unique de défendre les intérêts des consommateurs canadiens et nos secteurs de l'agriculture, de la fabrication et des services. C'est aussi le forum idéal pour promouvoir les droits de la personne.

Il est clair que les dirigeants politiques et les gens d'affaires qui font partie de la communauté internationale doivent aborder avec beaucoup de sérieux les questions comme la liberté démocratique, l'exploitation sans déprédation de l'environnement et la protection des identités nationales et culturelles au sein de l'économie mondiale.

Toutefois, en tant que Canadiens, nous devons relever le défi d'être proactifs face aux changements au sein de l'économie mondiale et non pas attendre que ceux-ci se manifestent. Je suis persuadé que c'est la meilleure chose que nous puissions faire pour protéger nos intérêts nationaux et les faire progresser.

J'aimerais plus particulièrement m'adresser ce soir aux jeunes Canadiens. Les jeunes sont conscients des changements qui s'opèrent aujourd'hui. Nous sommes poussés dans l'ère révolutionnaire de la numérisation. Les technologies de l'information ont déjà commencé à transformer notre mode de vie, nos habitudes de travail, ainsi que notre façon de faire des affaires et de communiquer. Au cours de notre existence, nous serons témoins d'une autre révolution dont nous ignorons tout encore. Le défi que nous devons relever ici consiste non pas à nous opposer à cette ère de changement et de mondialisation, mais à nous y tailler une place.

Les innovateurs dans le secteur des affaires, les créateurs d'emplois et les décideurs devront, dans l'avenir, déployer tous les efforts possibles pour assurer un équilibre des intérêts. Nous devons chercher à établir un équilibre entre les intérêts économiques et l'environnement. Nous devons également établir un équilibre entre les intérêts, l'identité et la culture d'un pays et ceux d'autres pays.

En tant que Canadiens, nous avons beaucoup à protéger mais tout autant, sinon plus, à offrir au reste du monde. Nous avons non seulement des produits et services à commercialiser, mais aussi la possibilité d'offrir de l'énergie et de l'espoir. Nous sommes un pays jeune qui déborde de potentiel.

Nous pouvons offrir un leadership de qualité forgé par des siècles de développement d'une nouvelle frontière dans l'adversité. À des réunions comme celle sur la ZLEA, le Canada est beaucoup mieux placé pour instaurer des règles du jeu équitables en matière de commerce mondialement et s'assurer que les droits des membres sont protégés et les intérêts nationaux respectés.

Sans ces réunions, les chances d'en arriver à un équilibre et à des sociétés justes dans la nouvelle économie mondiale sont beaucoup moins grandes. Nous devrions tenter d'utiliser notre position d'influence comme leader mondial pour dresser le programme des pourparlers à la réunion de la ZLEA et aux prochaines réunions de l'OMC. Nous devons nous faire entendre parmi les autres nations et faire montre de leadership et de courage en cette ère de mondialisation.

Les changements à l'échelle du globe sont inévitables. Nous pouvons seulement décider comment nous allons réagir au changement ainsi qu'où et comment nous, les chefs de file, allons faire de la mondialisation un phénomène dont il y a lieu de se réjouir et non qu'il faut craindre.

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas insister assez sur l'importance d'un processus transparent et ouvert. Nous devons faire participer les Canadiens et leur donner l'impression de faire partie du processus démocratique. C'est pour cette raison qu'un grand nombre de mes collègues, et de Canadiens je pense, continueront d'insister pour que nous ayons un débat complet et ouvert sur cette question, et même jusqu'à un certain point une consultation publique. Il est à espérer qu'on puisse tenir un vote libre à la Chambre des communes afin que les Canadiens aient la conviction que le gouvernement ne signera aucun accord de commerce international s'il n'a pas bien en mains leurs intérêts.

 

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M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'avais demandé au député de Surrey-Centre s'il croyait que la santé, l'éducation, l'eau et les égouts et les services publics devaient faire partie de l'accord de libre-échange des Amériques et sa réponse a été oui.

Je me demande si le député d'Edmonton-Strathcona serait d'accord pour dire que la santé, l'éducation et les services publics, comme l'eau et les égouts, devraient être abordés à la table de négociation de cet accord.

M. Rahim Jaffer: Monsieur le Président, j'aimerais répondre à cette question par oui ou non. Mais il faut que je nuance ma réponse: oui, il est important que l'on parle de ces questions, mais seulement dans l'optique de protéger notre souveraineté.

Comme je l'ai dit dans mon allocution, il est très important de ne pas fermer les yeux sur de nombreuses questions qui touchent de près les Canadiens. Je crois même que bien d'autres pays sont concernés par ce que nous avons à offrir sur tel ou tel point. Nous devons toutefois adopter l'attitude, dans le contexte des négociations, que nous pouvons protéger les points que les Canadiens estiment très importants. Tout en essayant d'améliorer les choses, nous devons nous assurer de ne pas perdre de vue l'équilibre que nous avons réussi à créer en protégeant les institutions publiques qui sont sacrées à nos yeux.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, vous avez été très patient à mon égard aujourd'hui et je l'apprécie énormément. Comme je serai sans doute le dernier intervenant à la Chambre aujourd'hui, j'aimerais dire que nous du NPD, comme bien des gens dans tout le pays et partout dans le monde, croyons que la démocratie elle-même est menacée par la ZLEA. Il n'est pas nécessaire de chercher plus loin que la décision dans l'affaire Metalclad, celle qui fera sans doute partie des appels, ou la décision relative à UPS.

UPS poursuit maintenant la Société canadienne des postes parce que cette dernière a eu l'audace de se doter d'un service de courrier, lequel s'ajoute à d'autres services postaux offerts dans le pays. UPS, une société américaine, soutient que la Société canadienne des postes ne peut pas agir ainsi et qu'elle va intenter une poursuite.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique est poursuivi parce qu'il a eu l'audace de vouloir de protéger ses eaux. À l'échelle du pays, nous croyons que nos ressources environnementales, comme l'eau, le bois d'oeuvre et les autres, sont véritablement en jeu.

Ce fut absolument ahurissant d'entendre, en cette Chambre, un député du Parti allianciste décrire en toutes lettres la réalité des choses, c'est-à-dire que, oui, la santé, l'éducation et nos autres services publics devraient être mis sur la table lorsque nous négocierons la ZLEA.

Nous avons toujours su que telle était la position de l'Alliance. Nous avons toujours su qu'il s'agissait de la position du Parti conservateur. Nous avons toujours soupçonné qu'il s'agissait de la position du gouvernement. Je n'en reviens pas de ce qui se passe à cette heure matinale. La vérité finit par sortir. C'est renversant.

Je me demande si l'honorable député de Surrey-Centre a vraiment dit aux citoyens de sa circonscription que la santé, l'éducation et les autres services publics devraient être mis sur la table. Je ne pense pas qu'il continuerait à représenter longtemps cette circonscription s'il devait avouer carrément cela à ses électeurs.

Lorsque les conservateurs ont négocié le libre-échange, ils ont oublié d'inclure une politique sur la construction navale. Les États-Unis se sont protégés avec ce qu'ils ont appelé la Jones Act, qui stipule qu'un navire transportant des marchandises entre New York et Miami doit avoir été fabriqué aux États-Unis, avoir un équipage américain et être enregistré aux États-Unis; tout doit y être américain. Par contre, le Canada a complètement oublié de faire de même pour protéger sa propre industrie et maintenant, il serait pratiquement impossible d'essayer d'instituer une politique sur la construction de navires au Canada.

Toutefois, nous encourageons le ministre de l'Industrie à en inclure une, à faire tout ce qui est en son pouvoir pour rebâtir l'industrie afin que des milliers de gens puissent retourner au travail sur les chantiers navals de Saint Jean, Marystown ou Halifax. Cependant, je soupçonne qu'à la façon dont se déroulent ces pourparlers, il lui sera pratiquement impossible de le faire, à moins qu'il ne prenne une position ferme et dise non.

Nous avons entendu le député de Calgary dire à la Chambre qu'il y aura des cocktails Molotov, de la violence et toutes sortes de choses du genre. Personne du NPD n'a dit cela. Tout ce que le parti a dit, c'est que ses membres ont le droit démocratique d'assister à un sommet des peuples, à une initiative de citoyens issus d'un vaste échantillon de la société du Canada et du globe, pour qu'on puisse exprimer nos protestations aux gens qui sont de l'autre côté de la barrière.

 

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Affirmer que nous pourrions perturber les délibérations en cours dans les immeubles derrière la barrière équivaut à laisser entendre que nous dépasserions les bornes. Ça n'a tout simplement pas de sens. Il y aura plus de 5 000 agents de police qui seront là pour veiller à ce que nous ne le fassions pas. En fait, je prévoyais porter un foulard au cas où il ferait froid, mais je crois comprendre qu'il faudra faire attention à Québec, car toute personne portant un foulard pourrait être arrêtée en vertu d'un règlement municipal. Imaginez. Le député se demande pourquoi nous nous inquiétons des pourparlers qui seront tenus derrière la clôture alors que le gouvernement municipal adopte un règlement empêchant le port du foulard. C'est tout simplement incroyable.

Les alliancistes, les libéraux, les conservateurs et les bloquistes sont tous inquiets de voir que des néo-démocrates assistent à la conférence parallèle. J'ai déjà assisté à une manifestation de désobéissance civile dans mon comté. Il y a quelques années, une usine Volvo de Halifax devait être déménagée au Mexique. L'entreprise devait quitter la province sans se préoccuper du sort des travailleurs. Qu'est-ce que ces derniers ont fait? Ils ont occupé l'usine, mais d'une manière très pacifique. C'était un geste de désobéissance civile. Ils ont occupé une propriété privée et se sont tout simplement assis sur place.

Qui était présent pour les appuyer? Un grand dissident de toujours, l'actuel premier ministre de la Nouvelle-Écosse, John Hamm. Il était là afin d'appuyer ces travailleurs de l'usine Volvo. Devinez qui était aussi sur place? Un autre grand dissident, l'ancien maire de Halifax, Walter Fitzgerald. Il était là pour appuyer les travailleurs.

M. Joe Comartin: Ce sont des anarchistes.

M. Peter Stoffer: Oui, des anarchistes. Comment un premier ministre conservateur de la Nouvelle-Écosse et un libéral avoué, le maire de Halifax, ont-ils osé appuyer des travailleurs du pays?

Devinez qui d'autre les accompagnait. Regardez-moi, vous avez bien vu. Votre humble serviteur. Imaginez. Un conservateur, un libéral et un néo-démocrate debout ensemble, à l'extérieur de l'usine, pour écouter des discours et diverses interventions appuyant les travailleurs qui occupaient l'usine et pour appuyer leur intervention en vue de recevoir une juste compensation pour les années de travail qu'ils avaient données à Volvo.

Et savez-vous quoi? Pas une seule ampoule électrique n'a été brisée. L'usine était plus propre après la manifestation que quand nous y sommes entrés. Les travailleurs ont obtenu ce qu'ils méritaient. Ils n'ont pas pu conserver leur emploi, mais ils ont pu garder leur dignité et leur respect et ils ont reçu de meilleures pensions. C'est la base de la désobéissance civile. En voici la recette.

Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse était là, le maire d'Halifax était là et j'étais là: trois grands anarchistes canadiens. Imaginez un député fédéral, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse et le maire de Halifax, grands dissidents de la démocratie. Il est absolument incroyable que ces trois anarchistes aient été là pour appuyer les travailleurs.

Pourquoi l'Alliance, les libéraux, le Bloc et les conservateurs s'énervent-ils tant de voir que le NPD veut participer au sommet des peuples? Je pense qu'il y a un sous-entendu à ce qu'ils disent. Je crois qu'ils savent, au plus profond d'eux-mêmes, que la ZLEA sera très menaçante pour le Canada. Dans l'avenir, les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral vont perdre leur pouvoir d'adopter des lois et des règlements pour protéger les citoyens du Canada.

Que va-t-il arriver? Tout à coup, nous allons apprendre qu'ils sont impuissants à faire quelque chose à cause des accords commerciaux, qu'ils ne peuvent pas adopter des lois protectrices à cause des accords commerciaux.

 

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Depuis que l'ALENA et le libre-échange existent, jamais, dans l'histoire du Canada, la situation des personnes âgées n'a été aussi difficile. Si on veut vraiment constater les lacunes de cet accord commercial, il n'y a qu'à regarder ses répercussions sur nos aînés, qui sont parmi les personnes les plus vulnérables du pays. Il suffit d'interroger les gens âgés de ma circonscription et d'ailleurs dans le pays. Ils doivent maintenant faire des choix entre la nourriture, l'huile à chauffage et des médicaments.

Nous les avons mis dans cette situation. Ils ont travaillé dur toute leur vie et, à cause de ces accords commerciaux, nous ne pouvons rien faire au sujet des prix de l'énergie. À cause de ces accords commerciaux, nous ne pouvons rien faire au sujet des prix des médicaments. À cause de ces accords commerciaux, nous ne pouvons ni aider ni protéger nos producteurs agricoles. Nos personnes âgées nous disent qu'ils nous ont élus pour intervenir à ce sujet et ils nous demandent pourquoi nous n'avons rien fait. Nous nous dérobons à nos obligations en invoquant les accords commerciaux.

Nous, du NPD, n'avons jamais été contre les échanges commerciaux. Nous sommes un peuple de commerçants. Tout ce que nous demandons, ce sont des échanges équitables, des échanges avantageux pour tous les travailleurs et respectueux de l'environnement mondial.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur le Président, pour clore ce débat, à 3 h 50 du matin, j'aimerais parler de la perte de liberté. Quelques députés ont déjà parlé de la perte de souveraineté.

Lorsqu'on se joint à une famille, on abandonne une certaine liberté, une certaine souveraineté. Ainsi, on ne peut plus choisir les mêmes vacances, mais on gagne des avantages plus importants. Lorsque j'ai choisi de vivre dans un lotissement, je ne pouvais pas conduire aussi vite que je le voulais. J'ai dû renoncer à certaines libertés, une certaine souveraineté, mais c'était pour améliorer ma vie. Lorsque j'ai opté pour la ville de Whitehorse, une des villes les plus sensationnelles du Canada, j'ai perdu le droit d'allumer des pétards sans raison et de faire du bruit tard la nuit. Toutefois, c'est une ville où il fait bon vivre. Je considère avoir gagné plus que je n'ai perdu. Cela fait partie du grand contrat social.

Quand j'ai choisi de vivre au Yukon, j'ai renoncé à certaines choses. Je ne peux pas conduire à certaines vitesses. Je ne peux pas sauter dans mon bateau pour aller pêcher dans le lac Teslin en passant du Yukon à la Colombie-Britannique sans obtenir un autre permis de pêche, mais le Yukon est un endroit sensationnel où vivre, et il y a beaucoup de collaboration entre Yukonnais. Ce sont des gens formidables. J'ai gagné au change.

Quand j'ai décidé de vivre au Canada, j'ai accepté de respecter des lois et des règles; cela fait partie du grand contrat social. Par exemple, je dois me munir d'un passeport pour sortir du Canada et pour y revenir. Mais j'ai fait ce choix parce que ce que j'ai trouvé vaut largement ce que j'ai perdu.

Les pays qui se sont réunis dans l'Organisation des Nations Unies après la Seconde Guerre mondiale ont renoncé à une part de leur souveraineté pour que ne surviennent jamais plus des choses aussi horribles que les deux guerres mondiales. Ils ont renoncé à une partie de leur souveraineté pour quelque chose de mieux.

C'est aussi pourquoi on a conclu des traités mondiaux sur les mines terrestres et des traités contre la prolifération des armes nucléaires. Avec l'ALE, nous avons renoncé aux droits de douane entre le Canada et les États-Unis pour que les sociétés ne puissent pas se cacher derrière des barrières tarifaires, demeurer non concurrentielles et ne pas créer autant d'emplois qu'elles l'auraient pu autrement. Les barrières tarifaires permettent d'imposer des prix élevés, ce qui nuit aux pauvres dans les deux pays. Nous avons renoncé à quelque chose, mais je crois que c'était pour le mieux. Comme l'a dit le député d'Esquimalt—Juan de Fuca un peu plus tôt ce soir, nous avons renoncé à quelques contrôles internationaux de manière à avoir de meilleurs programmes sociaux et un meilleur environnement dans certains des pays qui malmènent ces éléments.

De mon point de vue, nous avons renoncé à notre souveraineté pour joindre les rangs des Nations Unies afin de nous débarrasser des dictatures qui existent dans le monde aujourd'hui et des gouvernements autocratiques qui maltraitent les gens, tout en empêchant que de tels événements puissent se reproduire dans l'avenir. À mon avis, il a valu la peine de renoncer à cette souveraineté pour adhérer à la souveraineté plus vaste de l'humanité, la plus grande démocratie de l'humanité entière. Pour moi, ça a valu la peine.

M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je n'ai pas de question, seulement une observation. J'aimerais vous remercier, ainsi que le personnel de la Chambre des communes, d'avoir participé à ce débat et d'avoir permis que nous nous fassions entendre. Merci, monsieur le Président, et mes hommages aux pages et aux greffiers et à tous ceux qui ont contribué au succès de cette soirée. Je leur transmets mes remerciements.

Le vice-président: Bonne nuit, et bonne journée. Comme aucun autre député ne souhaite intervenir, et conformément à l'ordre adopté le mercredi 21 mars, la Chambre s'ajourne jusqu'à plus tard aujourd'hui, à 14 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 3 h 50.)