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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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37e Législature, 1ère Session

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 059

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 10 mai 2001

. 1000

VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLe dépôt de documents
VM. Stéphane Bergeron

. 1005

VLes affaires étrangères
VM. Svend Robinson
VAFFAIRES COURANTES
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Derek Lee
VLES COMITÉS DE LA CHAMBRE
VComptes publics
VM. John Williams
VPÉTITIONS
VL'industrie minière
VM. Guy St-Julien
VL'impôt sur le revenu
VM. Keith Martin
VLes affaires étrangères
VM. Keith Martin
VLa Société canadienne des postes
VM. Ghislain Lebel

. 1010

VLe commerce
VM. Svend Robinson
VLes pesticides
VM. Scott Reid
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Derek Lee
VL'hon. Jane Stewart
VL'hon. Jane Stewart
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI SUR LES BREVETS
VProjet de loi S-17. Deuxième lecture
VMme Bev Desjarlais

. 1015

. 1020

VM. Svend Robinson

. 1025

VM. Leon Benoit
VMme Libby Davies

. 1030

. 1035

VM. Keith Martin

. 1040

VM. Brian Fitzpatrick

. 1045

VM. Bill Blaikie

. 1050

. 1055

VM. Dan McTeague

. 1100

VM. Scott Brison

. 1105

. 1110

. 1115

. 1120

VM. Dan McTeague
VM. Keith Martin

. 1125

VM. Rick Borotsik

. 1130

VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1135

. 1140

VM. Réal Ménard

. 1145

. 1150

. 1155

. 1200

VReport du vote sur la motion

. 1205

VLA LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
VProjet de loi S-11. Deuxième lecture
VL'hon. Elinor Caplan
VM. John Cannis

. 1210

VM. James Rajotte

. 1215

. 1220

VM. Keith Martin

. 1225

. 1230

. 1235

. 1240

. 1245

VM. Stéphan Tremblay

. 1250

. 1255

. 1300

. 1305

. 1310

. 1315

VMme Bev Desjarlais

. 1320

. 1325

. 1330

. 1335

VMme Libby Davies

. 1340

VM. Scott Brison

. 1345

. 1350

VM. Rick Borotsik

. 1355

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLA LEO HAYES HIGH SCHOOL
VL'hon. Andy Scott
VJESSICA KOOPMANS
VM. Rick Casson

. 1400

VL'INDUSTRIE MINIÈRE
VM. Guy St-Julien
VL'ENVIRONNEMENT
VM. Andy Savoy
VLE FESTIVAL DES TULIPES
VM. David Pratt
VLA SEMAINE DES SOINS INFIRMIERS
VM. Keith Martin
VLA RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT
VM. Gurbax Malhi
VCHRISTOPHER AUGER
VM. Richard Marceau

. 1405

VLES BÉNÉVOLES
VM. Steve Mahoney
VLA CITOYENNETÉ
VM. Kevin Sorenson
VL'AMIANTE CHRYSOTILE
VM. Gérard Binet
VLES TÉLÉCOMMUNICATIONS
VMme Wendy Lill
VLE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL
VM. Paul Crête

. 1410

VLE BILINGUISME À LA VILLE D'OTTAWA
VM. Mauril Bélanger
VLES NORMES NATIONALES EN MATIÈRE D'EAU POTABLE
VM. John Herron
VMARIE CARDINAL
VM. Jean-Guy Carignan
VLES ANCIENS COMBATTANTS
VM. Roy Bailey
VMARIE CARDINAL
VMme Christiane Gagnon

. 1415

VLE MOIS DE MEDICALERT
VM. Jeannot Castonguay
VQUESTIONS ORALES
VL'ÉCONOMIE
VM. Stockwell Day
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stockwell Day
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Stockwell Day

. 1420

VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Cheryl Gallant
VL'hon. Paul Martin
VMme Cheryl Gallant
VL'hon. Paul Martin
VLE CRIME ORGANISÉ
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Lawrence MacAulay
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Anne McLellan

. 1425

VM. Réal Ménard
VL'hon. Anne McLellan
VM. Réal Ménard
VL'hon. Anne McLellan
VLA DÉFENSE NATIONALE
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VL'AUBERGE GRAND-MÈRE
VLe très hon. Joe Clark

. 1430

VLe très hon. Jean Chrétien
VLe très hon. Joe Clark
VLe très hon. Jean Chrétien
VLES PARLEMENTAIRES
VM. Grant Hill
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Grant Hill
VLe très hon. Jean Chrétien
VLES AFFAIRES URBAINES
VM. Richard Marceau
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1435

VM. Richard Marceau
VLe très hon. Jean Chrétien
VLES ANCIENS COMBATTANTS
VMme Carol Skelton
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Carol Skelton
VLe très hon. Jean Chrétien
VLA MONNAIE UNIQUE
VM. Yvan Loubier
VL'hon. Paul Martin

. 1440

VM. Yvan Loubier
VL'hon. Paul Martin
VLA JUSTICE
VM. Randy White
VL'hon. Lawrence MacAulay
VM. Randy White
VL'hon. Lawrence MacAulay
VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VM. Bryon Wilfert
VL'hon. David Kilgour
VLE TRANSPORT DU GRAIN
VM. Dick Proctor
VL'hon. David Collenette

. 1445

VM. Dick Proctor
VL'hon. David Collenette
VL'ÉCONOMIE
VM. Scott Brison
VL'hon. Paul Martin
VLA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
VM. Loyola Hearn
VL'hon. Sheila Copps
VLES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE
VM. James Rajotte
VL'hon. Ralph Goodale
VM. James Rajotte

. 1450

VM. John Cannis
VLA PAUVRETÉ
VMme Diane Bourgeois
VL'hon. Jane Stewart
VMme Diane Bourgeois
VL'hon. Anne McLellan
VLA DÉFENSE NATIONALE
VM. Peter Goldring
VL'hon. Alfonso Gagliano
VM. Peter Goldring

. 1455

VL'hon. Art Eggleton
VL'INDUSTRIE FORESTIÈRE
VM. Stephen Owen
VM. Pat O'Brien
VL'AGRICULTURE
VM. Brian Fitzpatrick
VL'hon. David Collenette
VM. Brian Fitzpatrick
VL'hon. David Collenette
VLA VOIE MARITIME DU SAINT-LAURENT
VM. Mario Laframboise
VL'hon. David Collenette

. 1500

VLA RÉFORME PARLEMENTAIRE
VM. Paul Harold Macklin
VL'hon. Don Boudria
VL'ENVIRONNEMENT
VM. Peter MacKay
VL'hon. Allan Rock
VPRÉSENCE À LA TRIBUNE
VLe Président
VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VMme Cheryl Gallant
VL'hon. Don Boudria

. 1505

VLA SANCTION ROYALE
VLe Président
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ
VProjet de loi S-16. Deuxième lecture
VL'hon. David Collenette
VM. Roy Cullen

. 1510

. 1515

VM. Keith Martin

. 1520

. 1525

VAFFAIRES COURANTES

. 1530

VLES COMITÉS DE LA CHAMBRE
VFinances
VM. Maurizio Bevilacqua
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ
VProjet de loi S-16. Deuxième lecture
VM. Paul Crête

. 1535

. 1540

VMme Libby Davies

. 1545

. 1550

VM. Peter MacKay

. 1555

. 1600

VM. Scott Brison

. 1605

VLA SANCTION ROYALE

. 1615

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ
VProjet de loi S-16. Deuxième lecture
VM. Scott Brison

. 1620

. 1625

VLOI DE 2001 SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA
VProjet de loi C-14. Étape du rapport
VMotion d'approbation
VL'hon. Ronald Duhamel
VProjet de loi C-14. Troisième lecture
VL'hon. Ronald Duhamel

. 1630

. 1635

VM. Andy Burton

. 1640

VM. Mario Laframboise

. 1645

. 1650

. 1655

VM. Norman Doyle

. 1700

. 1705

VLOI SUR LES AIRES MARINES NATIONALES DE CONSERVATION DU
VProjet de loi C-10. Deuxième lecture
VM. Andy Burton

. 1710

. 1715

. 1720

VAmendement
VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1725

. 1730

VINITIATIVES PARLEMENTAIRES
VL'IRAK
VM. Svend Robinson
VMotion

. 1735

. 1740

. 1745

VM. Denis Paradis

. 1750

. 1755

VM. Keith Martin

. 1800

. 1805

VM. Peter MacKay

. 1810

. 1815

VMme Libby Davies

. 1820

. 1825

. 1830

VMOTION D'AJOURNEMENT
VLe commerce
VM. Svend Robinson
VM. Pat O'Brien

. 1835

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 059


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 10 mai 2001

La séance est ouverte à 10 heures.



Prière


 

. 1000 +

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Il arrive occasionnellement que les formations politiques, dans un esprit de bonne entente entre elles, demandent la collaboration des autres partis. À cet égard, aujourd'hui même, le parti ministériel a demandé notre collaboration concernant une demande qu'il avait à formuler.

Dans un même esprit de bonne entente et de collaboration, je demande le consentement unanime pour le dépôt du bail qui liait l'Auberge Grand-Mère au club de golf de Grand-Mère.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime de la Chambre afin que ce document soit déposé?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

 

. 1005 + -

[Traduction]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je prends la parole ce matin pour donner préavis à la présidence et à la Chambre que j'invoquerais la question de privilège.

J'ai informé la présidence que, selon moi, il convient de soulever la question de privilège au sujet du comportement du ministre des Affaires étrangères et de ses fonctionnaires en ce qui concerne les documents portant sur les activités de la société Talisman Energy au Soudan et sur l'utilisation de ses terrains d'aviation par le gouvernement soudanais à des fins militaires offensives.

Étant donné que le ministre n'est pas présent à la Chambre ce matin, je voulais donner préavis que je soulèverai la question de privilège dès que le ministre et moi-même serions tous les deux présents à la Chambre.



AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à six pétitions.

*  *  *

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

COMPTES PUBLICS

M. John Williams (St. Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité permanent des comptes publics relativement au crédit 20, sous la rubrique Finances, Budget principal des dépenses, pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2002.

J'ai également l'honneur de présenter le quatrième rapport du Comité permanent des comptes publics relativement aux comptes publics du Canada de 1999-2000.

Conformément à l'article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale à ce quatrième rapport.

*  *  *

PÉTITIONS

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, je dépose une pétition au nom des résidants de la ville de Val-d'Or et de la MRC de la Vallée de l'Or, et au nom de tous les mineurs qui travaillent pour le secteur minier en Abitibi-Témiscamingue.

Cette pétition dit: Que le gouvernement devrait agir pour accentuer sa présence et accroître ses activités dans les régions-ressources qui éprouvent des difficultés d'adaptation dans le contexte de la nouvelle économie. Le gouvernement devrait assouplir les règles des programmes existants et s'assurer qu'ils soient utilisés dans les régions-ressources.

Par conséquent, les signataires demandent au Parlement de mettre en place un programme d'aide financière pour les mines à petite capitalisation restreinte dans les régions-ressources du Québec.

[Traduction]

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente une pétition au nom de Terry Jessop et d'autres habitants de ma circonscription d'Esquimalt—Juan de Fuca.

Dans le but d'aider l'économie canadienne et de réduire le chômage, les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une loi permettant qu'un congé par an passé entièrement au Canada soit déductible d'impôt.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition signée par des gens d'un bout à l'autre du pays.

Les pétitionnaires demandent à la Chambre des communes et au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de prendre acte du fait que M. Hun Sen, dirigeant du Cambodge, a commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des actes de génocide, et d'adopter une résolution le plus rapidement possible demandant que cet individu soit traduit en justice afin d'éviter toute autre tragédie.

[Français]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, au nom de 39 personnes de ma circonscription ou des environs, je dépose une pétition demandant au gouvernement d'abolir le fameux paragraphe 13(5) de la Loi créant la Société canadienne des postes.

J'apprenais, hier, que United Parcel, le géant américain de la messagerie, poursuit déjà la Société canadienne des postes pour compétition déloyale, en vertu du fameux chapitre 11 de l'Accord sur le libre-échange nord-américain, l'ALENA.

 

. 1010 + -

Le paragraphe 13(5), qui existe actuellement au sein de la Loi créant la Société canadienne des postes, constitue également une préférence qui est donnée à la Société canadienne des postes dont ne jouissent pas les autres livreurs de courrier postal.

De plus, ces gens qui font la livraison du courrier dans les zones rurales travaillent souvent pour un salaire inférieur au salaire minimum.

Je dépose donc cette pétition.

[Traduction]

LE COMMERCE

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par des habitants de ma circonscription, Burnaby—Douglas et d'autres régions en Colombie-Britannique.

Les pétitionnaires font remarquer que, depuis 1994, le gouvernement canadien négocie en secret la création d'une future zone de libre-échange des Amériques avec 34 pays des Amériques et les dirigeants d'entreprises. Ils se disent inquiets des conséquences néfastes qu'une telle zone de libre-échange risque d'avoir sur l'environnement, leurs communautés, leurs enfants et en fait tous les peuples des Amériques. Ils ne veulent pas d'un traité s'inspirant des éléments destructifs de l'OMC, de l'ALENA ou de l'AMI. Ils font remarquer que ces négociations secrètes ont trop duré et que le droit d'être informé est un droit fondamental dans une démocratie.

Les pétitionnaires demandent donc au gouvernement canadien de publier immédiatement la version intégrale du texte auquel ont donné lieu les négociations sur la création d'une zone de libre-échange des Amériques. Le gouvernement n'a que trop tardé à le faire.

LES PESTICIDES

M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par plus de 300 Canadiens, principalement des habitants de ma circonscription mais aussi des habitants de Nepean, Kingston et d'autres endroits.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'imposer immédiatement un moratoire sur l'utilisation des pesticides chimiques à des fins esthétiques tant qu'il n'aura pas été scientifiquement prouvé que ces pesticides ne sont pas dangereux.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui aux questions nos 15 et 16. .[Texte]

Question no 15—M. Greg Thompson:

    En ce qui concerne les enquêtes menées récemment par Développement des ressources humaines Canada (DRHC) auprès des pêcheurs et acheteurs de coquillages (moules) de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest: a) combien de pêcheurs le ministère a-t-il convoqués pour interrogatoire; b) les interrogatoires ont-ils été menés uniquement par DRHC, ou d'autres agences ou ministères y ont-ils participé; c) ces enquêtes ont-elles été effectuées parce que des pêcheurs ou acheteurs de moules avaient commis des infractions au Règlement sur l'assurance-emploi; d) les enquêteurs ont-ils dit, par écrit ou verbalement aux personnes ou parties interrogées sur quelles infractions l'enquête portait exactement; e) a-t-on divulgué aux personnes ou parties interrogées des documents justificatifs émanant d'autres ministères ou agences en sus des rapports de DRHC sur les abus ou fraudes présumés; f) quels sont les noms et adresses des personnes ou parties interrogées; g) quels sont les noms des fonctionnaires qui ont réalisé les entrevues, et à l'emploi de quels ministères ou agences sont-ils; h) a-t-on remis un rapport d'enquête au directeur régional/directeur; Enquêtes et contrôle; i) le ministère a-t-il fait une enquête interne pour savoir si les fonctionnaires auxquels l'enquête a été confiée étaient ou pouvaient être en conflit d'intérêts; j) le directeur régional/directeur. Enquêtes et contrôle, a-t-il immédiatement fait rapport de l'enquête au directeur des Programmes de contrôle de l'administration centrale de DRHC; k) à quelles date et heure le ministre a-t-il été informé pour la première fois de la portée de l'enquête?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a pour mandat de mener des enquêtes en relation avec le programme de l'assurance-emploi. Dans le cadre de l'enquête, des fonctionnaires de DRHC mènent des entrevues avec les clients, pas des interrogatoires. Les enquêteurs suivent un code de conduite sévère qui respecte les droits et la dignité des clients. Le Guide des enquêtes et du contrôle décrit les politiques et les lignes directrices du code de conduite que doivent suivre les enquêteurs durant leurs enquêtes. Ce chapitre du guide vient d'être mis à jour, mais on le considère encore comme ébauche.

Puisque cette enquête est en cours, il ne serait pas approprié de fournir des renseignements précis à ce sujet.

a) Les enquêteurs du DRHC réalisent des entrevues avec des clients conformément à notre code de conduite.

b) Ces entrevues ont été menées uniquement par le personnel du DRHC.

c) Une enquête débute par suite de soupçons de fraude mais il est impossible de déterminer si une violation a été commise à cette étape. Avant d'y arriver, les enquêteurs du DRHC recueillent des renseignements puis réalisent une entrevue avec les clients dans le but de valider les renseignements obtenus. Nous ne pouvons en venir à une conclusion sur la commission d'une infraction qu'à l'issue de l'enquête.

d) Toutes les enquêtes doivent être menées selon des normes élevées de professionnalisme. Cette enquête, tout comme les autres enquêtes que le ministère mène chaque année, est réalisée en utilisant les normes de comportement élevées auxquelles le ministère s'attend de ses employés.

e) Durant l'entrevue, on peut montrer à un client de l'assurance-emploi les documents justificatifs reçus d'autres agences du gouvernement si les renseignements sont spécifiques à son cas et si le client doit fournir une réponse. Il ne serait pas approprié de fournir une réponse précise à cette question, puisque l'enquête est en cours.

f) Conformément à la Loi sur la protection de la vie privée, à la Loi sur l'assurance-emploi de même qu'aux politiques et procédures afférentes, ces renseignements sont confidentiels.

g) Il s'agit d'une enquête en cours et il ne serait pas approprié de divulguer le nom des enquêteurs.

h) Cette enquête n'est pas terminée et les enquêteurs n'ont donc pas encore rédigé un rapport d'enquête.

Plusieurs activités sont comprises dans le processus d'enquête, notamment la rédaction des rapports. Par exemple, l'enquêteur recueille les renseignements, vérifie leur exactitude de divers moyens, y compris en communiquant avec les employeurs et les prestataires par courrier, par téléphone ou en entrevues individuelles. Les feuilles de paie peuvent aussi être examinées pour vérifier l'embauchage.

À la fin d'une enquête, les enquêteurs doivent préparer un rapport d'enquête. Les étapes entreprises, les faits reçus et les documents de toutes les entrevues sont ensuite inclus dans le rapport de l'enquête qui constitue le formulaire ministériel de DRHC pour rendre compte d'une enquête. Le rapport d'enquête est ensuite transmis à un agent de l'assurance de DRHC afin que ce dernier rende une décision en fonction des recommandations et des renseignements recueillis durant l'enquête. D'autres rapports sont parfois préparés dans les cas de nature délicate et ils sont généralement envoyés au niveau régional.

i) Le code de conduite d'Enquêtes et contrôle demande précisément au personnel d'enquête de déclarer tout conflit d'intérêts qu'il soit réel, probable ou apparent. C'est également le cas de tous les fonctionnaires et les membres de la magistrature.

j) Selon les renseignements dont nous disposons, l'enquêteur a pris les mesures appropriées dans ces circonstances et n'avait pas à fournir un rapport au directeur régional. Un tel rapport sera peut-être requis dans les cas où une non-conformité aux lignes directrices sur les conflits d'intérêts est portée à l'attention d'un gestionnaire.

k) La question a été portée à l'attention de la ministre le 6 février 2001 après que les médias aient fait mention de cette enquête.

La politique de DRHC n'est pas de mettre la ministre au courant de chaque enquête entreprise.

Question no 16—M. Greg Thompson:

    Au sujet de la procédure d'enquête de DRHC: a) pourquoi DRHC laisse-t-il ses directeurs régionaux décider librement s'ils aviseront les personnes interrogées de leurs droits; b) le ministère a-t-il fait une enquête interne sur l'usage consistant à utiliser le Formulaire de consentement officiel de DRHC pour obtenir des déclarations des prestataires; c) quelle procédure le ministère applique-t-il pour s'assurer que les rapports de tiers sur lesquels les enquêtes sont basées sont fiables et crédibles; d) le ministère fait-il des enregistrements audio ou vidéo des entrevues pour déterminer l'exactitude et la validité des témoignages reçus et des techniques d'interrogatoire utilisées par ses fonctionnaires; e) DRHC a-t-il songé à assurer la présence d'avocats de service pendant les entrevues afin d'éviter ou de réduire au maximum les contestations judiciaires intentées aux termes de la Charte des droits; f) le ministre a-t-il été conseillé par un avocat du ministère au sujet de la section 2.20 du Guide des enquêtes et du contrôle de DRHC et, le cas échéant, quelles mesures ou directives a-t-il prises ou données, selon le cas, pour corriger les contradictions apparentes qu'il y a entre ce document et le paragraphe 41(5) de la Loi sur l'assurance-emploi; g) pourquoi les prestataires ne reçoivent-ils pas de copie de leurs formulaires de déclaration signés; h) pourquoi le Guide des enquêtes et du contrôle ne précise-t-il pas que la loi oblige les fonctionnaires à remettre aux prestataires une copie de leurs formulaires de déclaration; i) de quelle façon le ministère procède-t-il pour évaluer le rendement de l'agent d'enquêtes et de contrôle; j) quelles mesures précises le ministre a-t-il prises pour régler les problèmes d'incompétence et d'inexpérience déplorés dans le rapport sur l'examen du programme de poursuites du ministère et dans le rapport du vérificateur général sur l'agent d'enquêtes et de contrôle?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): a) La plupart des contacts entre les citoyens et les agents d'Enquêtes et contrôle (enquêteurs) sont des discussions normales qui donnent lieu à des échanges de renseignements visant à obtenir des précisions et des explications concernant leur demande de prestations.

Le Guide des enquêtes et du contrôle demande clairement aux enquêteurs de mettre en garde toutes les personnes qui font des déclarations lorsqu'un enquêteur a des motifs raisonnables de croire que la personne a commis une infraction et le cas est susceptible de mener à une poursuite. Une proportion de moins de 1 p. 100 des enquêtes aboutissent à une poursuite chaque année. Il s'agit de procédures que suivent les enquêteurs des Centres de ressources humaines du Canada. Seul le fait d'envisager d'intenter une poursuite guide la décision de mettre le client en garde, pas l'endroit géographique.

b) Les fonctionnaires du ministère consultés ne sont pas au courant de l'existence d'un tel formulaire.

c) Nous pouvons entreprendre une enquête à partir de diverses sources, dont des dénonciations de tiers. Ces dénonciations peuvent être transmises verbalement, par écrit, par courrier électronique ou par téléphone et peuvent provenir de sources connues ou inconnues. Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a la responsabilité de protéger l'intégrité du Fonds de l'assurance-emploi et, à ce titre, a l'obligation de mener des enquêtes sur des présumées fraudes ou utilisations abusives. Lorsqu'il examine ces dénonciations, le personnel de DRHC entreprend plusieurs activités pour vérifier l'exactitude des renseignements fournis, que la source de la dénonciation soit connue ou inconnue. Ces activités comprennent le contact avec les employeurs pour vérifier leurs livres de paie et leurs dossiers d'embauchage, les demandes de renseignements par courrier ou par téléphone aux prestataires ainsi que les entrevues individuelles, sans s'y limiter.

d) Le personnel de DRHC mène les entrevues avec ses clients en conformité avec les lignes directrices énoncées dans le code de conduite du ministère. La politique d'Enquêtes et contrôle n'exige pas l'utilisation d'équipement audio ou vidéo pendant les entrevues, mais ne les exclut pas non plus. Par ailleurs, les clients peuvent demander que l'entrevue soit enregistée.

e) Le personnel de DRHC adhère aux principes de droit régissant la mise en garde des personnes et leur droit à un avocat.

Les enquêteurs n'ont pas le pouvoir d'arrêter ni de détenir des personnes. Néanmoins, lorsqu'on prévoit qu'une enquête aboutira à une poursuite, la personne est renseignée de son droit à retenir les services d'un avocat et de le mandater sans délai.

Le personnel de DRHC laisse aux personnes une chance raisonnable de consulter un avocat et leur donne même des renseignements sur l'aide juridique, au besoin. Le personnel de DRHC arrêtera l'interrogatoire si la personne désire retenir les services d'un avocat.

Seulement une proportion de 1 p. 100 des enquêtes aboutissent à une poursuite. Compte tenu de ce fait, le ministère n'a pas envisagé fournir un avocat de service.

f) Les directives fournies dans la section 2.20 doivent être lues conjointement avec les sections précédentes de ce chapitre.

Comme indiqué dans la section 2.20, les fonctionnaires peuvent convoquer les prestataires (en vertu du paragraphe 41(5) de la Loi sur l'assurance chômage—maitenant remplacé par le paragraphe 50(5) de la Loi sur l'assurance-emploi) à une entrevue afin de fournir des renseignements supplémentaires au sujet de leur demande. Le formulaire utilisé à cette fin est nommé la «Convocation». Le client est responsable de se présenter à une telle entrevue et de fournir les renseignements requis. S'il décide de ne pas se présenter ou de dissimuler des renseignements, cela pourrait avoir un effet sur ses prestations.

Si le but de l'entrevue porte sur une question plus sérieuse susceptible de mener à une poursuite, les enquêteurs utilisent d'autres méthodes pour communiquer avec les prestataires, comme le téléphone ou le formulaire «rendez-vous pour une entrevue». Dans ce genre d'entrevues, les prestataires sont renseignés de leur droit à retenir les services d'un avocat et de le mandater sans délai.

La ministre n'a pas été consultée sur les procédures décrites dans nos guides puisqu'elles sont conformes aux pouvoirs délégués au personnel du DRHC. Les politiques et procédures du DRHC sont conformes à la loi et à la Charte des droits et libertés.

La direction d'Enquêtes et contrôle est en train de mettre à jour son guide afin de s'assurer que les directives et les procédures soient simples et claires.

g) DRHC n'utilise aucun formulaire ministériel appelé précisément «Énoncé de déclaration». Les enquêteurs utilisent le formulaire ninistériel «Rapport d'enquête» pour consigner les renseignements obtenus durant l'entrevue. Par ailleurs, la politique de DRHC est de remettre un exemplaire du rapport d'entrevue à tous les clients. Les clients ont le droit de demander un exemplaire de ce rapport.

h) Le Guide des enquêtes et du contrôle demande aux enquêteurs de remettre un exemplaire du rapport d'entrevue au client.

i) Les délais d'exécution, l'exactitude, la clarté des documents et l'équité sont certains des principaux éléments dont nous tenons compte dans l'évaluation du rendement des agents d'Enquêtes et contrôle. Ces évaluations peuvent être effectuées de diverses façons, y compris des activités telles que d'examiner les dossiers des enquêteurs et des sessions de rétroaction.

Afin de maintenir un haut niveau de compétence de sa main-d'oeuvre, DRHC offre aux enquêteurs une formation continue et des cours de perfectionnement, y compris sur des sujets tels que «Techniques d'enquête» et «Technique d'entrevue».

j) La réduction du nombre de fonctionnaires fédéraux des années 1990 a entraîné la perte des enquêteurs les plus expérimentés. Pour aider à construire l'expertise de sa main-d'oeuvre, DRHC a mis en place des programmes de formation à l'échelle nationale de même que des politiques relatives au monitoring et à la gestion de la qualité qui assurent que ses agents d'Enquêtes et contrôle mènent des enquêtes de façon professionnelle, courtoise et juste.

En ce qui concerne les critiques du vérificateur général, son rapport de décembre 2000 portait sur la relation de travail entre DRHC et l'Agence des douanes et du revenu Canada (ADRC) contre la fraude dans le cadre d'enquêtes en cours sur des activités de certains entrepreneurs en main-d'oeuvre agricole de la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique. Les préoccuations soulevées dans ce rapport portaient sur le rôle des agents des décisions de l'ADRC, leur formation, leur connaissance générale du cas, leur expérience reliée aux enquêtes, leur aptitudes à utiliser nos renseignements, etc. Les deux ministères reconnaissent le besoin de collaborer ainsi que de communiquer et travaillent ensemble à améliorer leurs relations de travail

[Français]

M. Derek Lee: Monsieur le Président, je demande que les autres questions soient réservées.

Le président suppléant (M. Bélair): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES BREVETS

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 mai, de la motion: Que le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec mon collège de Vancouver-Est.

Je suis ravie de poursuivre aujourd'hui le débat concernant le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets. Selon moi, l'expression «poursuivre le débat» revient à peu près à dire que le Nouveau parti démocratique est le seul parti à prendre part au débat, et c'est vraiment dommage. Quand des projets de loi comme celui-ci aboutissent à la Chambre, il est important d'avoir un parti d'opposition ayant un point de vue différent de celui du gouvernement.

Ce projet de loi se traduirait par une hausse du prix des médicaments d'ordonnance au Canada et une ponction de plus de 200 millions de dollars venant des poches des Canadiens. Tous les partis d'opposition devraient être sur le pied de guerre, et le gouvernement devrait avoir honte. Toutefois, le premier jour du débat entourant le projet de loi, il est devenu très évident que nous étions les seuls à parler de cette question.

Le porte-parole de l'industrie de l'Alliance canadienne, le député de Peace River, était tout à fait ravi et félicitait le gouvernement. Il n'avait pas assez de mots pour dire à quel point le projet de loi est brillant. Pour un parti soutenant vouloir laisser l'argent dans les poches des Canadiens, je trouve plutôt honteux qu'il soit surtout porté à laisser les profits aux sociétés pharmaceutiques, à faire payer davantage les malades et à taxer notre système de soins de santé en augmentant le coût des médicaments.

Les députés de l'Alliance, comme cela leur arrive dans bon nombre de cas, parlent beaucoup mais ne prennent aucune mesure concrète. Ils disent aux Canadiens qu'ils vont défendre leurs intérêts, mais il ne le font pas. Ils défendent le point de vue des sociétés. Ils ne prennent pas le parti des Canadiens dans ce dossier.

Pour ceux qui ne connaissent pas exactement la nature du projet de loi S-17, je souligne que celui-ci s'intitule «Loi modifiant la Loi sur les brevets». Le principal problème tient au fait que le projet de loi est venu du Sénat.

 

. 1015 + -

Il ressort très clairement qu'à chaque fois que le gouvernement est accablé de honte et veut faire adopter un projet de loi à la hâte, il le présente d'abord au Sénat et le fait transmettre à la Chambre des communes. Il y a des moments cruciaux où un projet de loi doit être adopté rapidement. Nous savons tous qu'à cause des décisions rendues par l'Organisation mondiale du commerce, le gouvernement doit faire passer ce projet de loi, à défaut de quoi il enfreindra les règles de l'OMC.

Cette mesure législative vise la conformité avec les décisions de l'Organisation mondiale du commerce. Elle n'est pas destinée à tenir compte des meilleurs intérêts des Canadiens ou du Canada ou, du reste, de ceux des citoyens du monde. Elle vise simplement à respecter les décisions de l'OMC de mettre plus d'argent dans les poches des grandes sociétés pharmaceutiques.

Les décisions de l'OMC exigent que le Canada fasse passer de 17 à 20 ans la durée de protection des médicaments brevetés. Non qu'il n'y ait pas eu de protection pour les fabricants de médicaments brevetés. L'ancien gouvernement conservateur avait veillé à ce que les sociétés pharmaceutiques réalisent des profits. Ainsi, sous son administration, la protection accordée par les brevets avait été renforcée.

Or, le Parti libéral, qui constituait à l'époque l'opposition, avait alors âprement critiqué les conservateurs d'avoir adopté une mesure législative inacceptable qui augmentait la protection accordée par les brevets. Maintenant que les libéraux sont au pouvoir, ils s'apprêtent à hausser encore cette protection. Cela ressemble beaucoup aux propos des conservateurs qui s'opposent à la TPS et aux propos des libéraux qui, alors qu'ils formaient l'opposition, blâmaient les conservateurs au sujet de cette même TPS. C'est du pareil au même.

Le projet de loi abrogera l'exception concernant l'emmagasinage qui a permis aux fabricants de médicaments génériques de constituer des stocks de médicaments brevetés durant la période de six mois précédant l'expiration d'un brevet, de manière à pouvoir commercialiser leurs produits dès l'expiration du brevet. Autrement dit, les fabricants de médicaments génériques se préparaient à offrir des médicaments à un coût plus bas aux patients et aux prestataires des soins de santé au Canada, ceux-là mêmes dont nous devrions nous occuper.

La suppression de l'exception sur l'emmagasinage aura pour effet d'empêcher les fabricants de produits génériques de constituer des stocks avant d'introduire leurs produits sur le marché. Les titulaires de brevets bénéficieront beaucoup plus tôt d'une période pendant laquelle ils auront un monopole de fait après l'expiration de leur brevet. Ainsi, le système de soins de santé canadien, soit les régimes d'assurance publics et individuels, devra payer les médicament plus chers durant cette période.

Durant cette période de monopole de fait dont ils bénéficient, les fabricants de médicaments de marque pourront obtenir des injonctions de manière à retarder encore davantage l'entrée sur le marché des produits génériques. Normalement, un fabricant industriel doit intenter une action en justice s'il craint une contrefaçon de son brevet.

En raison de la réglementation sur les avis de conformité donnés par l'entremise du ministre de la Santé, et de l'autorisation de commercialiser des produits génériques, les fabricants de médicaments de marque déposée se voient accorder une période supplémentaire pendant laquelle ils n'ont pas à se plier au processus judiciaire habituel. Permettez-moi d'éclairer la Chambre à ce sujet.

Contrairement aux procédures judiciaires habituelles qui permettent de régler les litiges relatifs à des brevets dans tous les autres secteurs industriels, le Règlement concernant les avis de conformité permet l'enclenchement automatique d'une injonction qui empêche l'approbation réglementaire par Santé Canada des produits pharmaceutiques génériques pour une période de 24 mois; il suffit pour cela de prétendre qu'il y a empiètement, indépendamment des mérites de l'affaire concernant le brevet de marque et sans indemnité en cas de préjudice à l'égard du fabricant de produits génériques.

Dans plus de 80 p. 100 des décisions rendues depuis les modifications apportées en 1998, les tribunaux ont confirmé que les produits génériques qui ont fait l'objet d'obstruction n'empiétaient sur aucun brevet en vigueur. Non seulement on prolonge la protection qu'un brevet confère aux sociétés pharmaceutiques qui fabriquent des médicaments de marque, mais, du fait de l'avis de conformité émis par l'entremise du cabinet du ministre de la Santé, on leur accorde sans raison un délai supplémentaire de deux mois. On leur passe leurs caprices parce qu'elles veulent faire davantage de bénéfices.

Il ne leur suffit pas d'avoir une prolongation de la protection conférée par les brevets ou d'attendre que des gens meurent dans la rue avant de permettre la mise en marché de médicaments à prix abordables. Ces sociétés sont suffisamment cupides pour demander une injonction. Il n'y a en place aucun règlement les empêchant d'obtenir des injonctions. Il n'y a en place aucun règlement qui les obligent à justifier leur demande. Il leur suffit, si cela leur chante, de prétendre que les médicaments génériques leur feront du tort. Elles n'aurons pas à suivre toute la procédure judiciaire habituelle. Elles prolongent simplement la période où les médicaments génériques ne peuvent être mis en marché.

 

. 1020 + -

Certains prétendent que les fabricants de produits pharmaceutiques de marque investissent beaucoup d'argent dans la recherche. C'est vrai qu'ils en investissent beaucoup, mais ils n'investissent pas la totalité de leur argent dans la recherche. Une bonne partie de la recherche s'étale sur de longues périodes et est faite dans d'autres secteurs de l'industrie. La mise au point de nouveaux médicaments bénéficie de la recherche-développement qui a été faite antérieurement.

Les fabricants de produits pharmaceutiques ne font pas strictement toute la recherche, sans oublier qu'ils reçoivent des financements fédéraux et bénéficient de ce qui se fait dans les universités. Ce n'est pas comme s'ils ne profitaient pas du système en place.

Ceux-là mêmes qui disent qu'il faut encourager les fabricants de médicaments de marque en raison de toute la recherche qu'ils font les comblent d'éloges. Or ce sont ces mêmes fabricants qui ont empêché ou tenté d'empêcher des pays de produire des médicaments d'importance vitale pour les victimes du sida. Ils ne voulaient pas que ces pays puissent vendre des médicaments génériques à prix modique dans le tiers monde. Leur tentative a soulevé un tollé général de protestations dans le monde entier. Les victimes du sida mourraient littéralement par milliers, mais les fabricants de médicaments de marque voulaient jusqu'à leur dernière goutte de sang. Ils voulaient récupérer jusqu'au dernier sou de cette population qui se meurt d'une grande épidémie.

J'ai encore beaucoup de choses à dire mais je vois que mon temps de parole touche à sa fin et que d'autres collègues veulent intervenir sur ce sujet, notamment la députée de Vancouver-Est. J'invite les députés à reconnaître la gravité de la situation au Canada et ce qu'il en coûte pour notre régime de soins de santé. Les députés devraient s'intéresser beaucoup plus à ce qui est dans l'intérêt des Canadiens, et non pas seulement des compagnies pharmaceutiques.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement les propos éloquents de ma collègue de Churchill, qui est également la porte-parole de notre parti en matière d'industrie. À ce titre, c'est elle, au sein du NPD, qui se charge essentiellement d'étudier le projet de loi.

La députée a fait un survol du bilan lamentable du Parti libéral dans ce domaine. Je siégeais à la Chambre en 1987 lorsque le gouvernement conservateur de l'époque a présenté le projet de loi C-22. Je me souviens fort bien d'avoir vu des députés libéraux s'opposer avec véhémence à cette mesure législative et dénoncer le gouvernement qui, selon eux, capitulait devant les sociétés pharmaceutiques multinationales.

Une voix: Ils avaient raison.

M. Svend Robinson: Ils avaient tout à fait raison, comme le dit mon collègue. En 1992, la Chambre a été saisie du projet de loi C-91, une autre mesure législative présentée par un gouvernement conservateur. L'actuel ministre de l'Industrie, le député de Terre-Neuve, s'est dressé sur ses ergots pour exhorter le gouvernement à défendre les personnes âgées, les pauvres et les régimes provinciaux d'assurance-médicaments et pour exprimer son opposition au projet de loi.

Que s'est-il passé depuis? Les libéraux ont été portés au pouvoir et, dans une des scènes les plus pathétiques qu'il m'ait été donné de voir ces dernières années, le ministre de l'Industrie a changé d'idée et a presque rampé devant Brian Mulroney, à Davos, en Suisse, pour lui présenter des excuses. Il a déclaré que M. Mulroney avait raison. C'était pathétique.

Que pense la députée de Churchill du bilan du Parti libéral dans ce domaine? Si elle a d'autres observations qu'elle n'a pas encore eu le temps de faire, je serais également ravi de les entendre.

Mme Bev Desjarlais: Monsieur le Président, j'ai observé la conduite du nouveau ministre de l'Industrie à la Chambre et je connais ses antécédents en ce qui concerne ce dossier. Oui, je trouve cela extrêmement pitoyable. Il n'y a rien de pire qu'un politicien qui dit une chose avant une élection, ou pendant qu'il est dans l'opposition, et qui fait autre chose ensuite.

 

. 1025 + -

C'est à cause de ce genre d'attitude et d'absence de principes que les Canadiens ont perdu foi dans la démocratie et le système parlementaire. Pour être élus, des candidats trompent la population et prétendent qu'ils sont là pour défendre ses intérêts, puis, une fois élus, ils accèdent au gouvernement et disent à Brian Mulroney qu'il avait raison après tout. Il devait alors s'agir des deux Brian. C'est sûrement cela. Je trouve cela décevant.

Je veux m'arrêter aux commentaires faits par mon collègue quand il a parlé des projets de loi C-22 et C-91. La différence entre ces deux projets de loi et celui à l'étude est que le gouvernement a faufilé ce dernier par le Sénat, n'autorisant ainsi pratiquement aucune discussion sur le sujet à l'échelle nationale. C'est ce qui se produit aujourd'hui. Maintenant le gouvernement panique et va imposer la clôture et faire ce qu'il entend, parce que c'est sa façon de procéder.

C'est une question qui a une grande importance pour tous les Canadiens, particulièrement les personnes âgées. Certains parmi les plus vulnérables de notre société ont dû faire face à des augmentations énormes des coûts de l'énergie et à un manque de fonds du gouvernement dans de nombreux domaines. Il est très décourageant de voir le gouvernement leur imposer une dépense encore plus importante. C'est tout à fait inacceptable.

Je m'attends à ce qu'un bon nombre de personnes âgées soient encore là pour voter aux prochaines élections. Elles forment un groupe résolu et elles vont tenir le coup en attendant. Je veux qu'elles se rappellent, surtout les personnes de l'Ontario, comment les libéraux ont voté sur ce projet de loi.

M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis d'accord avec la députée pour dire que le gouvernement ne respecte pas les promesses qu'il fait en campagne électorale. La TPS et l'Accord de libre-échange sont des cas d'espèce.

La députée a également déclaré que le porte-parole de l'Alliance canadienne n'a toujours eu que des bons mots à l'endroit du gouvernement au sujet de cette question. D'après moi, le porte-parole de l'Alliance canadienne a dit qu'étant donné que c'est ce qui a été convenu dans l'ALENA, dans l'accord de libre-échange, nous pouvons maintenir cet accord et les liens privilégiés que nous entretenons avec les Américains, et nous devons respecter l'accord.

Est-ce que la députée accepterait que des milliers de Canadiens de sa circonscription perdent leur emploi parce que nous ne respectons pas l'accord? Est-ce cela que veut la députée?

Mme Bev Desjarlais: Monsieur le Président, ce n'est pas du tout le cas, mais je ne pense pas que nous devions nous présenter aux négociations à genoux. Nous vivons dans un pays remarquable. Nous avons une grande abondance de ressources. Nous devons nous en enorgueillir et non nous mettre à plat ventre durant les négociations commerciales. Il n'y a personne qui s'oppose aux accords commerciaux.

L'Alliance canadienne ne cesse de répéter qu'il revient au Parlement de décider de la façon dont nous allons vivre au Canada et que nous ne devons pas nous laisser dicter notre style de vie par des accords de libre-échange négociés par des personnes n'ayant pas été élues. C'est là la question.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je suis entièrement d'accord avec la députée de Churchill ainsi qu'avec le député de Burnaby—Douglas.

Il y a à peine deux semaines, nous étions à Québec avec 60 000, 70 000 ou peut-être même 80 000 personnes qui marchaient pour la démocratie et qui cherchaient à faire tomber le mur pour se faire entendre. Je crois qu'il est important de signaler que l'enjeu principal de cette manifestation était la défense de notre système démocratique. Il fallait défendre le droit des parlements, des assemblées législatives et même des administrations municipales démocratiquement élus de protéger l'intérêt public et de prendre des décisions en conséquence.

Je parle de ce qui s'est passé à Québec parce que l'opposition à la ZLEA est directement liée au débat que nous avons aujourd'hui à la Chambre sur le projet de loi S-17, qui porte sur les brevets. Nous avons probablement l'exemple le plus flagrant de la queue qui commande la tête.

Nous voyons le gouvernement du Canada qui s'empresse de modifier sa législation pour donner suite à quoi? À des préoccupations exprimées dans le cadre d'un débat public dans ce pays? Non. C'est pour donner suite à une décision du tribunal de l'Organisation mondiale du commerce.

 

. 1030 + -

Voilà ce à quoi nous nous heurtons dans ce pays à cause de la capitulation du gouvernement devant les accords commerciaux internationaux qui, comme l'a dit ma collègue de Churchill, ne font pas que nuire à la capacité des gens d'avoir accès à des médicaments d'ordonnance à des prix abordables, mais nuisent aussi à notre capacité de prendre des décisions au sujet de notre pays, des décisions qui touchent la façon de vivre des Canadiens, notre qualité de vie et les intérêts que nous défendons vraiment à la Chambre.

Je crois fermement que j'ai le devoir de dire clairement aux Canadiens que tous les députés néo-démocrates étaient à Québec et ont marché pour la démocratie et la défense de l'intérêt public, et que nous sommes aujourd'hui à la Chambre pour lutter contre ce projet de loi. Nous sommes le seul parti à le faire, parce que notre parti comprend que le projet de loi est tout à fait répréhensible.

Nous connaissons les antécédents du projet de loi. Ce n'est pas une mesure qui est venue de nulle part il y a quelques mois. Elle remonte à 1987, à la grande époque du gouvernement Mulroney, qui a commencé à modifier les lois, à modifier les règles sur les brevets afin de favoriser ces grosses compagnies pharmaceutiques.

Soyons clairs sur les enjeux. Il s'agit de créer une loi qui favorise les intérêts de très grandes compagnies pharmaceutiques au lieu d'assurer aux Canadiens l'accès à des médicaments génériques. Cela se produit à l'échelle mondiale.

C'est arrivé en 1987. Comme mes collègues l'ont si bien dit, toute cette hypocrisie est pitoyable. Les puissants libéraux, qui s'en sont pris au gouvernement Mulroney en 1987 et en 1992, semblaient comprendre que ces mesures législatives, les projets de loi C-22 et C-91, constituaient une grave menace pour le système de santé public et pour l'accessibilité à des médicaments abordables.

Quelle est la position des libéraux maintenant sur cette question? Ils n'ont même pas adopté une position neutre. Ils ont fait une volte-face complète et défendent maintenant les intérêts des compagnies pharmaceutiques contre lesquelles ils s'élevaient il y a dix ans. Il y a dix ans, ils disaient clairement avoir des réserves à cet égard.

Il y a quelques semaines, avant le Sommet des Amériques à Québec, j'ai assisté au travaux du Comité des affaires étrangères. Les témoins qui ont comparu ont parlé des droits de propriété intellectuelle comme on les appelle et du droit qu'auraient ces entreprises de restreindre l'accès à des versions génériques de leurs médicaments.

Au comité, j'ai entendu un homme parler. Je ne me rappelle pas son nom. Il était très mielleux. C'était le porte-parole principal de l'Association pharmaceutique canadienne. Il a eu le culot de dire que les accords commerciaux comme celui de la ZLEA et les décisions de l'OMC, qui sont à la source de cette mesure législative, améliorent la qualité de vie des gens de la planète, à l'instar des accords sur les droits de propriété intellectuelle et le commerce.

Je me suis dit que cette position était bien loin de la vérité. Je n'en veux pour preuve que ce qui s'est passé en Afrique du Sud, où 39 sociétés pharmaceutiques ont été contraintes par la force de l'opinion à retirer leurs poursuites contre le gouvernement sud-africain.

Des millions d'habitants de l'Afrique subsaharienne sont séropositifs ou meurent du sida. Des millions d'autres personnes en Amérique latine, en Amérique centrale, et aux quatre coins du monde, ont désespérément besoin de médicaments essentiels pour lutter non seulement contre le VIH ou le sida, mais aussi contre des maladies comme la tuberculose ou l'hépatite C. Ces millions de personnes comprennent que ces accords commerciaux ne visent pas à améliorer la qualité de vie des petites gens. Ils ne visent pas à améliorer la qualité de vie des pauvres ou des malades, mais à concentrer plus de pouvoir entre les mains des multinationales. C'est ce que le gouvernement permet par ce projet de loi.

 

. 1035 + -

C'est pourquoi nous nous opposons mordicus à ce qui se fait ici. Je ferai remarquer aux Canadiens que les conséquences du projet de loi sont redoutables. Quelles seront-elles? Le prolongement des brevets à 20 ans, comme si 17 ans n'était pas déjà beaucoup trop long, et l'interdiction faite aux fabricants de produits génériques de faire des réserves, se traduiront par une hausse vertigineuse des prix des médicaments d'ordonnance au Canada. Cela ne fait aucun doute.

Tandis que ce débat se poursuit et que cette question continue de se développer, le Nouveau Parti démocratique est bien déterminé à travailler avec d'autres organisations, le mouvement ouvrier, le Conseil des Canadiens, les groupes de défense de l'environnement et les groupes du troisième âge, qui comprennent vraiment ce qui est en jeu dans tout cela. Nous avons la responsabilité, à la Chambre, d'essayer de faire échouer ce type de mesure législative, mais nous avons aussi la responsabilité de travailler avec la collectivité et d'exercer des pressions.

Peut-être qu'un jour, nous arriverons à nous mobiliser comme les gens l'ont fait en Afrique du Sud contre les multinationales qui avaient engagé des poursuites pour empêcher les gens d'avoir accès à des médicaments essentiels. Peut-être qu'un jour assisterons-nous au Canada à une mobilisation similaire. Aujourd'hui, le moins que nous puissions faire, c'est de nous opposer à cette mesure législative. À notre avis, cette mesure législative est mauvaise et ne fait que concentrer le pouvoir et les profits dans un groupe plus restreint de multinationales.

Cela ne peut pas être dans l'intérêt du public. Je défie n'importe quel député de nous démontrer le contraire. Ce qui s'est passé en 1987 et en 1992, et ce qui se passe maintenant avec la ZLEA nous donne raison, c'est une mauvaise mesure législative. Elle doit être rejetée, tout comme ces accords de commerce internationaux qui nuisent à la capacité de nos gouvernements de prendre ce type même de décision qui nous permettrait de nous assurer que cette mesure législative ne passerait pas.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il va sans dire que je comprends et que j'appuie certaines des observations de ma collègue au sujet des ententes qui seront négociées. Il faut nous assurer que ces ententes passent par la Chambre et que le public canadien soit tenu au courant de l'objet des négociations, de leur déroulement et des principes qui les sous-tendent.

Toutefois, pour ce qui est des autres commentaires suggérant de faire échouer l'entente de libre-échange et d'essayer de contrer le libre-échange lui-même, je me demande franchement où ma collègue a la tête.

Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, et les dirigeants de groupes antipauvreté d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale et d'Afrique sont en faveur de la libéralisation du commerce. Ils désirent faire tomber les obstacles et les barrières au commerce. À cet égard, ils ont déclaré que ce qu'ils veulent avant tout c'est de l'activité commerciale, non de l'aide. Ils demandent le retrait des barrières tarifaires qui les empêchent de maximiser leur potentiel.

Le fait de s'opposer au libre-échange revient à s'opposer aux citoyens les plus pauvres de notre hémisphère et du monde et à les empêcher d'améliorer leur situation. La solution de rechange au libre-échange est de suivre le modèle de l'Albanie ou de l'ancienne URSS. Je demande à ma collègue comment elle peut justifier son opposition au libre-échange alors que les négociateurs des ententes essaient non seulement d'y intégrer des dispositions législatives équitables en matière de travail et d'environnement, mais aussi d'améliorer le sort des citoyens les plus démunis de notre hémisphère.

Mme Libby Davies: Monsieur le Président, j'accueille favorablement les observations du député d'Esquimalt—Juan de Fuca. Le député sait pourtant bien que l'enjeu n'a rien à voir avec le commerce au sens littéral. Les échanges commerciaux entre personnes existent depuis des milliers d'années, qu'elles soient d'un même pays ou non. Les humains se définissent en quelque sorte par le commerce. En débattant de ce projet de loi et de la ZLEA, nous débattons des règles qui s'adjoignent aux accords commerciaux.

 

. 1040 + -

Par exemple, il y a des règles tellement restrictives à l'égard des droits de propriété intellectuelle que nous nous retrouvons avec un projet de loi comme celui-ci qui empêchera les gens de se procurer des médicaments abordables au Canada. C'est là que se situe notre débat. Cessons le jeu des écrans de fumée et cessons de dire que le NPD s'oppose au commerce.

Si le député a écouté ne serait-ce qu'un des débats qui ont eu lieu dans cette Chambre, il sait bien que la position du NPD prône une politique commerciale équitable basée sur le respect de la dignité et des droits de tous les peuples. Le NPD prône une politique commerciale qui respecte l'autorité du Parlement de prendre des décisions dans l'intérêt public.

Je répète que ce projet de loi va à l'encontre de cela. Si la Chambre débat de ce projet de loi, c'est que l'OMC a décrété qu'il en serait ainsi. Mais qui est l'OMC au juste? Est-ce admissible? Je pense que non.

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je n'avais pas l'intention de participer au débat, mais je ne peux résister à l'envie de m'exprimer. En 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, deux pays asiatiques ont fait des choix. L'Inde a pris le parti d'ériger des obstacles et de s'isoler. Un autre pays avait une autre solution possible, soit celle de devenir un des principaux commerçants mondiaux. C'était le Japon. Depuis la destruction du Japon en 1945, les Japonais ont élevé leur économie au deuxième rang dans le monde.

La députée du NPD semble laisser entendre que les échanges commerciaux ou la concurrence ne présentent aucun avantage. Quelqu'un pourrait-il sérieusement soutenir que Toyota ou Honda n'a pas contribué à l'amélioration de l'industrie automobile en Amérique du Nord et que les produits que nous trouvons de nos jours dans le secteur de l'automobile n'ont pas été améliorés par ce genre de concurrence? Si la réponse est oui, c'est l'indication d'une méconnaissance grave d'un grand nombre de réalités.

Il a aussi été question de la propriété intellectuelle, qui fera l'objet de ma question. En ce qui concerne les médicaments, je connais des entreprises qui ont englouti jusqu'à 600 ou 700 millions de dollars dans la recherche portant sur de nouveaux produits qui n'ont jamais été approuvés. J'ai investi dans certaines de ces entreprises. Je sais donc quelle était la valeur de leurs actions au bout du compte.

La députée peut-elle bien nous expliquer comment nous réussirons à obtenir de nouveaux médicaments révolutionnaires qui serviront à lutter de façon efficace contre bon nombre de maladies si les gens qui prennent tous les risques...

Le président suppléant (M. Bélair): La députée de Vancouver-Est a la parole.

Mme Libby Davies: Monsieur le Président, ma réponse sera brève. Le député n'a peut-être pas écouté tout le débat. J'ai clairement exposé la position du NPD, qui ne consiste pas à s'opposer à toute forme d'échanges commerciaux. Nous parlons de la nécessité d'établir des ententes commerciales comprenant des règles équitables. C'est là l'aspect essentiel.

En ce qui concerne le deuxième point abordé par le député, il semble qu'il soit vraiment tombé dans le panneau des sociétés pharmaceutiques. Il va de soi que de la recherche s'impose, mais pourquoi nous faut-il établir un si grand nombre de restrictions leur permettant de monopoliser une industrie et de construire un scénario dans le cadre duquel les gens n'ont pas les moyens de se procurer leurs médicaments? C'est le problème devant lequel nous nous trouvons.

 

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M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ce projet de loi est très important pour notre parti. Nous avons indiqué au gouvernement que nous ne comptions pas en retarder plus longtemps l'adoption, et nous lui savons gré de sa coopération à cet égard.

Le projet de loi et les questions qu'il soulève au sujet des accords de libre-échange et du prix des produits pharmaceutiques sont à la base de notre objection à la situation observée au Canada depuis 10 ou 15 ans. Je pense que cela dure depuis 14 ans, si l'on se reporte à l'année 1987 où la Chambre des communes a été saisie du premier projet de loi visant à modifier la loi sur les médicaments brevetés.

À l'époque, nous avions un gouvernement progressiste-conservateur dirigé par l'ancien premier ministre, M. Brian Mulroney. On avait présenté à la Chambre un projet de loi visant à réduire la durée des brevets ou à modifier les politiques nationales relatives aux médicaments brevetés et à leurs prix. La politique en vigueur à l'époque, qui datait de plusieurs dizaines d'années déjà, permettait aux fabricants de médicaments génériques d'offrir à la vente des copies de médicaments de marque déposée, deux ans seulement après l'arrivée de ces médicaments nouveaux sur le marché.

C'est l'une des raisons, entre autres, qui explique que le Canada ait eu le système de soins de santé le plus envié dans le monde, non pas seulement du point de vue de la qualité des services offerts, mais aussi du point de vue des coûts que nous réussissions à contenir. Nous n'avions pas à payer les prix exorbitants des médicaments de marque déposée, ou du moins nous ne le faisions pas pendant très longtemps. Nous n'avions à payer le prix fort que pendant deux ans, après quoi le système de santé pouvait utiliser, et les médecins, prescrire, ces nouveaux médicaments génériques. Bien entendu, les médicaments de marque déposée étaient toujours disponibles et pouvaient être prescrits.

Nous avions compris en 1987 et nous comprenons toujours aujourd'hui qu'en guise de prélude aux négociations en vue d'un accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le gouvernement conservateur de l'époque avait fait, dans une forme très étrange de négociation, une grande concession aux Américains sur ce point-là avant même de se présenter à la table des négociations. Bien sûr, il n'avait pas fait cette concession uniquement aux Américains. Un grand nombre de sociétés pharmaceutiques multinationales françaises et autres en profitaient également. Nous nous étions opposés vigoureusement à cette mesure en 1987 lorsque nous en avions été saisis sous la forme du projet de loi C-22, sauf erreur. Nous nous y sommes opposés de nouveau en 1992 1orsque nous avons été saisis du projet de loi C-91.

Nous étions contre cette mesure alors. Aujourd'hui, nous nous opposons au projet de loi S-17 qui s'inscrit dans une série de mesures législatives qui ont progressivement privé le Canada de la capacité d'avoir sa propre politique en matière de brevets et en matière d'établissement des prix des médicaments. Le fait que nous ne pouvions pas et ne pouvons toujours pas maintenir un système qui a donné de si bons résultats au Canada et qui était le fruit d'une décision politique prise chez nous il y a de nombreuses années, voilà qui illustre clairement à notre avis ce qui cloche dans l'accord de libre-échange, à savoir que les droits, les privilèges et les profits des sociétés pharmaceutiques multinationales passent en premier. Les droits, les privilèges et la santé des Canadiens pris individuellement qui ont besoin d'avoir accès à des médicaments moins chers, et des Canadiens pris collectivement qui ont besoin d'un système de santé qui coûte moins cher au lieu de coûter plus cher, cela passe en second.

La propriété passe avant l'intérêt public, et cela de façon si flagrante que même les libéraux, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, pouvaient le voir. Ou le voyaient-ils? Nous avons passé beaucoup de temps, et à juste titre, à signaler à quel point les libéraux avaient changé de position.

 

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Dans une certaine mesure, ce n'est pas tant qu'ils aient changé d'avis qui me gêne, mais plutôt le fait qu'ils n'étaient pas sincères lorsqu'ils se sont opposés aux projets de loi C-22 et C-91, tout comme ils n'étaient pas sincères lorsqu'ils critiquaient l'Accord de libre-échange, exception faite peut-être de leur chef de l'époque, en 1988, M. Turner, qui m'apparaît de plus en plus avoir été sincère lorsqu'il dénonçait l'Accord de libre-échange. Par contre, il dirigeait un parti dont des membres, qui sont devenus premier ministre et ministre des Finances, s'opposaient à l'Accord de libre-échange.

J'ai l'intime conviction aujourd'hui qu'ils n'étaient pas vraiment contre les projets de loi C-22 et C-91, parce qu'ils savaient, tout comme nous d'ailleurs, que le Parti libéral finirait par se plier aux exigences des grandes entreprises. Au Canada et à l'étranger, peu d'entreprises sont aussi puissantes que les sociétés pharmaceutiques multinationales.

Le problème ne tient pas tant au fait que le gouvernement se plie aux exigences de ces sociétés qu'au fait que ces exigences, les intérêts des sociétés pharmaceutiques multinationales, sont maintenant consacrées dans des accords commerciaux internationaux, comme celui de l'Organisation mondiale du commerce. Ces sociétés sont donc en mesure de faire avancer leur cause sans que les dirigeants politiques aient à intervenir ou à en assumer la responsabilité. Il suffit désormais aux sociétés pharmaceutiques d'invoquer les accords de l'OMC et aucun parti politique à la tête d'un pays n'a de comptes à rendre.

Les libéraux soutiennent que le Canada doit respecter ses obligations internationales, notamment les accords commerciaux qu'il a signés. Quoi qu'il en soit, ce sont les libéraux qui ont fait adhérer le Canada à l'ALENA et à l'OMC. Pourquoi ont-ils signé ces accords s'ils s'y opposaient vraiment en 1987 et 1992? Ils sont les seuls à pouvoir répondre à cette question, et nous espérons qu'un jour ils expliqueront comment ils se sont retrouvés sur ce chemin de Damas du commerce.

Bien que le projet de loi mette en oeuvre une décision de l'OMC et bien que cette décision ait une portée moindre que la première, il s'inscrit dans une tendance des accords commerciaux internationaux et régionaux à donner priorité aux intérêts et aux gains des grandes entreprises, en l'occurrence les grandes sociétés pharmaceutiques, au détriment des intérêts des Canadiens et des gens ailleurs dans le monde.

Rappelons-nous le cas récent de l'Afrique du Sud, qui a heureusement eu gain de cause contre des sociétés pharmaceutiques qui invoquaient les droits afférents au brevet pour empêcher la distribution de médicaments utilisés pour traiter le sida.

Pendant que j'y suis, j'ai posé récemment une question à la Chambre, au sujet des nouveaux traitements et thérapies qui sont liés aux thérapies géniques. J'ai demandé au ministre de la Santé ce que le gouvernement entendait faire.

De nombreuses personnes des milieux médicaux craignent que le genre de mesures que nous débattons ait les mêmes résultats à l'égard des thérapies géniques que dans le cas des médicaments. Autrement dit, lorsque des personnes auront recours à des thérapies géniques dans l'avenir, elles risquent de devoir verser des redevances à quelque grande société pharmaceutique qui aura inventé la thérapie génique utilisée. Cette situation imposerait un fardeau supplémentaire à notre régime de soins de santé et ouvrirait encore davantage la voie à la privatisation, à un financement accru du secteur privé et à l'application de frais modérateurs.

J'ai posé la question au ministre de la Santé, et pour moi cela avait une valeur très symbolique, parce que j'estimais que c'était en rapport avec la santé. J'étais d'avis que la distribution de traitements, de thérapies et de médicaments est un sujet à l'égard duquel le ministre de la Santé devrait détenir une certaine autorité ultime. Qui s'est levé à sa place pour répondre à ma question? Ou plutôt, qui s'est levé à sa place pour ne pas répondre à ma question? C'est le ministre de l'Industrie.

 

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Je n'ai pas été surpris de ne pas obtenir de réponse. Je suppose que je ne devrais pas être surpris de voir le ministre de l'Industrie dire qu'il s'agissait d'une question très intéressante, et ainsi de suite. Cependant, le fait que le gouvernement considère que cette question relève du domaine de l'industrie répond déjà à ma question.

Nous entrons dans un nouveau territoire. Les libéraux peuvent bien dire que la question des médicaments est réglée ou qu'elle pourrait être traitée par l'OMC, mais ils doivent rapidement prendre position sur un tout nouveau domaine, les thérapies géniques, et ne pas permettre qu'elles soient considérées comme une propriété privée ou un actif social et qu'elles soient offertes juste pour engraisser la marge de profit des sociétés qui les mettent en marché. Ils devraient agir tout de suite s'ils ne veulent pas avoir à recommencer et à réécrire leur propre histoire. Mais ils ne veulent même pas faire cela. Ils trouvent que cette question relève du domaine de l'industrie, plutôt que du domaine de la santé.

Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il est malheureux que la Chambre, mis à part notre formation, semble s'entendre pour dire que cette initiative échappe à toute critique. Cela témoigne de la culture monolithique qui s'est développée à la Chambre des communes entre le Bloc, l'Alliance, les conservateurs et les libéraux, qui font tous partie d'un ensemble uniforme favorable aux intérêts des grandes sociétés, devant lequel seul le NPD se lève pour affirmer qu'il doit y avoir une autre façon d'analyser le dossier des médicaments et de la santé.

N'y a-t-il pas moyen d'adopter une autre perspective, qui ne donne pas préséance aux intérêts commerciaux par rapport aux intérêts des personnes? Nous croyons que oui. Nous croyons que les gens avaient la préséance avant que les conservateurs, et les libéraux après eux, ne détruisent le régime de médicaments génériques qui existait. Nous croyons qu'il serait possible de retrouver cette situation si les gouvernements de la planète avaient la volonté de tenir tête aux grandes sociétés au lieu de se déclarer eux-mêmes impuissants en renonçant au pouvoir qu'ils ont déjà eu, en tant que gouvernements, d'agir dans l'intérêt de la collectivité.

Les gouvernements ont renoncé à ce pouvoir en faveur des accords commerciaux. Ensuite, lorsque ces accords commerciaux sont mis en application bien des années plus tard et qu'ils imposent certaines conditions, les gouvernements ne savent que faire car ils doivent respecter leurs obligations internationales. Ce sont peut-être maintenant des obligations internationales, mais ce furent des choix politiques à un moment donné, des choix que les gouvernements ont fait, des choix qui s'offraient aux gens, mais qui n'existent plus.

Nous voulons un gouvernement qui travaille en vue de ramener ces choix politiques au Parlement et à la population canadienne afin qu'on puisse décider du genre de régime de médicaments génériques qu'on veut au lieu de laisser la décision aux bureaucrates du commerce à l'OMC, qui dînent constamment avec les fabricants de médicaments et non pas avec les gens dont le système de soins de santé sera radicalement affecté par leurs décisions.

[Français]

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur le Président, malheureusement, je n'ai pas eu la chance dernièrement de participer à ce débat. Je siégeais au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie qui se consacre à d'autres questions. Il sera évidemment impossible pour moi de faire un long discours, mais j'ai quelques questions à poser à mon collègue, le député de Winnipeg—Transcona.

[Traduction]

Je comprends les frustrations du député. Le député se souviendra non seulement de mon travail à la Chambre des communes en tant que député élu en 1993, mais également de mon rôle en 1995 en tant que membre du Comité permanent de l'examen de la réglementation, lorsque j'étais seul à essayer de faire retirer la disposition sur les avis de conformité, qui ne faisait pas partie de ce qui avait été adopté par la Chambre des communes, ainsi que de la manière dont le Comité de l'industrie avait traité la question en 1992 lorsque nous étudiions le projet de loi C-91.

Je ne peux pas revenir en arrière et changer ce qui s'est passé, mais j'aimerais poser deux questions très précises au député concernant les situations dans lesquelles la Chambre des communes pourrait agir de façon décisive et énergique.

 

. 1100 + -

En premier lieu, je vais parler de la décision rendue par la Cour suprême en 1998 au sujet des médicaments brevetés et du règlement régissant les avis de conformité. Dans cette décision, le juge Iacobucci disait que l'article 55 de la Loi sur les brevets, qui permet aux compagnies pharmaceutiques d'intenter des poursuites pour contrefaçon et de maintenir à 20 ans la durée des brevets avant de permettre aux fabricants de génériques de produire des copies bon marché des médicaments nouveaux, est un sujet de litiges.

Selon le juge:

    Il serait manifestement injuste d'assujettir les fabricants de génériques à un régime aussi draconien sans leur permettre de se protéger et de diminuer la durée de cette injonction de fait en engageant une procédure d'obtention d'ADC dès que possible.

J'aimerais savoir ce qu'en pense le député. C'est une question que nous pouvons aborder et qui est certainement sur la table en ce qui concerne le projet de loi. Nous savons que le projet de loi S-17 a été concocté du fait de l'OMC.

En deuxième lieu, et le député y a fait allusion quand il a parlé de l'Afrique du Sud, ne voit-il pas là l'occasion pour le gouvernement, de concert avec les parlementaires, de permettre que l'on revienne au régime de licences obligatoires pour lutter contre la pandémie du sida en Afrique et ailleurs au monde? Plus précisément, est-ce que le gouvernement, guidé par l'ACDI, ne pourrait pas permettre le retour au régime de licences obligatoires afin de faire baisser le prix des médicaments? Ça serait une manière vraiment canadienne de faire les choses.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, l'argument que le député a soulevé au sujet de l'opinion de la Cour suprême est pertinent. Je suis désolé qu'il n'ait pas pu convaincre son propre gouvernement d'insérer dans le projet de loi une disposition en ce sens. C'est peut-être ce que le député proposera lorsque le projet de loi sera renvoyé à un comité. Peut-être demandera-t-il au comité d'apporter au projet de loi des modifications ou des ajouts qui tiendront compte de l'opinion de la Cour suprême à cet égard.

En ce qui concerne l'Afrique du Sud, je ne sais pas au juste ce qu'entend le député lorsqu'il demande qu'on agisse par l'entremise de l'ACDI pour rétablir l'homologation obligatoire. Ce que j'espère toutefois, contrairement aux entreprises pharmaceutiques, j'en suis sûr, c'est que le repli des entreprises pharmaceutiques multinationales à l'égard de l'Afrique du Sud et leur volonté de mettre de côté ou de transcender leurs intérêts immédiats et leurs droits attachés aux brevets, pour s'attaquer à l'épidémie de sida, créeront non seulement un précédent juridique mais aussi un précédent moral.

Ce précédent moral pourrait enseigner à la communauté internationale, aux gouvernements qui participent à l'élaboration d'accords internationaux et aux citoyens du monde entier que si on invoquait un argument moral satisfaisant, nous pourrions peut-être un jour faire en sorte que les divers accords commerciaux ne donnent plus préséance aux droits à la propriété sur les droits des malades.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, je suis ravi de parler aujourd'hui de ce projet de loi important.

Lorsqu'on l'applique à l'élaboration et à la production de médicaments et de produits pharmaceutiques, la notion de protection de la propriété intellectuelle suscite beaucoup de dissensions qui, à bien des égards, opposent les défenseurs du droit à la protection des brevets et à l'accroissement des possibilités de commercialisation pour les Canadiens et les entreprises pharmaceutiques canadiennes, à ceux qui estiment qu'il faut avoir accès à ces technologies à un faible coût.

 

. 1105 + -

Il est important de reconnaître que, sans les investissements dans la recherche et le développement, il n'y aurait jamais de débat sur les moyens de faire profiter la population des percées dans le domaine pharmacologique.

Peu importe ce que nous faisons en matière de politique gouvernementale à l'égard de la propriété intellectuelle et de la protection et de la commercialisation des brevets, nous devons prendre bien garde de ne pas amoindrir les stimulants au point de tuer tout développement de nouveaux médicaments et traitements dont pourraient bénéficier l'ensemble des Canadiens. À un certain moment, ces technologies et produits pharmaceutiques deviennent des produits de base et les sociétés génériques jouent alors un rôle dans leur production.

À bien des égards, ce projet de loi, comme beaucoup d'autres adoptés par les libéraux, fait ressortir l'hypocrisie qui caractérise le gouvernement. Celui-ci affirme que la décision de l'OMC n'a aucune répercussion majeure ou durable sur le prix des médicaments. Il dit que les répercussions de la décision sur les huit années sont équivalentes à moins de 1 p. 100 des ventes des sociétés pharmaceutiques en une seule année. Il dit que les Canadiens continueront d'avoir accès à des médicaments abordables à des prix inférieurs aux prix pratiqués aux États-Unis.

Ces arguments sonnent étrangement comme ceux que le gouvernement conservateur avait avancés au début des années 1990, arguments qui avaient été rejetés par les libéraux, alors dans l'opposition. Le ministre de l'Industrie et de l'auto-promotion actuel était alors le principal porte-parole des libéraux dans la bataille contre la protection des brevets et de la propriété intellectuelle pour stimuler l'expansion et la croissance économique de l'industrie pharmaceutique canadienne.

Les libéraux ont changé de position du tout au tout. Cela est tout à fait conforme à leur manque de cohérence dans des dossiers comme le libre-échange, la TPS et bien d'autres encore. Je tiens à citer quelques déclarations colorées entendues de la bouche du ministre de l'Industrie et de l'auto-promotion. Au début des années 1990, il déclarait:

    Il faudra plus que des médicaments génériques pour panser les plaies béantes des Canadiens les plus pauvres lorsque le ministre se sera enfin repu, qu'il les aura grugés jusqu'à l'os et que le projet de loi C-22 les aura saignés à blanc.

Ce sont là les paroles d'un député libéral à l'époque dans l'opposition et maintenant ministre de l'Industrie et de l'auto-promotion. Parlait-il du ministre de l'époque ou de lui-même? Pouvait-il imaginer un jour qu'il deviendrait ministre adhérant avec enthousiasme aux politiques qu'il aura pourtant dénoncées vigoureusement quand il était dans l'opposition?

Le ministre de l'Industrie a déclaré à plusieurs reprises, et il l'a encore fait récemment lors d'une conférence sur l'économie à Davos, qu'il se trompait quand, à titre de député de l'opposition, il préconisait certaines politiques et en dénonçait d'autres, et que c'est d'ailleurs le Parti conservateur qui avait raison. En agissant comme il le fait, il est peut-être en train de faire le même aveu.

 

. 1110 + -

Il est un peu ennuyeux et agaçant pour les conservateurs de voir les libéraux adhérer aux politiques auxquelles ils se sont opposés quand ils siégeaient dans l'opposition et se féliciter des résultats de ces politiques. Toutefois, il est préférable qu'ils s'arrogent les politiques des conservateurs et se targuent des résultats obtenus plutôt que de mettre en oeuvre leurs propres politiques, qui finiraient sans doute par avoir un impact beaucoup plus négatif sur le pays.

Même s'il est important de souligner l'hypocrisie des gens d'en face dans ces dossiers, il est aussi important de leur reconnaître une extraordinaire souplesse intellectuelle. Ils sont au moins assez intelligents pour revenir sur leurs positions et admettre que certaines politiques mises en oeuvre par le gouvernement précédent leur ont grandement facilité la tâche.

Woody Allen a déjà dit que la vie, c'est en mettre plein la vue à 80 p. 100. Dans le cas du gouvernement, c'est peut-être plus près de 90 p. 100 depuis sept ans, et dans le cas du premier ministre, c'est probablement 95 p. 100. Je ne parle pas de jouer au golf, mais de diriger un gouvernement.

Il faut faire la juste part des choses. Il faut offrir suffisamment de protection par brevet pour permettre à l'industrie pharmaceutique et à l'industrie biotechnologique naissante de croître, de prospérer et de développer de nouvelles technologies offrant tellement de potentiel pour l'avenir de l'humanité. Par ailleurs, il faut aussi assurer que ces nouvelles techniques médicales et pharmaceutiques soient offertes à la population au meilleur coût et dans les meilleurs délais. C'est un équilibre qu'il est difficile de maintenir.

Le degré de protection par brevet qui est offert à l'heure actuelle au Canada assure en général un équilibre raisonnable entre ces deux besoins. Notre politique ne fonctionne pas trop mal et elle a suscité énormément de croissance économique dans les secteurs de pointe de la pharmaceutique et de la biotechnologie fondées sur le savoir. Cela étant, nous devrions chercher des moyens d'établir un meilleur équilibre entre ces deux priorités en matière de politique.

Il y a environ trois ans, le magazine The Economist a publié une étude, menée au Royaume-Uni, sur une initiative stratégique qui permettrait d'établir un équilibre entre la nécessité de la protection par brevet et l'importance que les médicaments soient offerts aux consommateurs au meilleur prix possible.

Il s'agissait d'une espèce de vente aux enchères. Lorsque les compagnies pharmaceutiques annonçaient de nouveaux médicaments ou de nouveaux traitements, les gouvernements avaient la possibilité de faire une offre sur ceux-ci. Ils devaient évidemment payer un prix considérable pour avoir ce privilège, en reconnaissant qu'il était dans l'intérêt public que ces produits pharmaceutiques soient largement diffusés. Puis ils les mettraient à la disposition de fabricants de médicaments génériques afin que le consommateur puisse y avoir accès à meilleur prix.

 

. 1115 + -

Nous devrions au moins examiner cette possibilité ou approfondir la question durant ce débat afin d'équilibrer la protection des brevets et les possibilités économiques des entreprises pharmaceutiques et des entreprises de biotechnologie tout en mettant ces nouveaux produits pharmaceutiques à la disposition de la population le plus rapidement possible. Nous devrions discuter des moyens de concilier de façon plus réaliste ces deux intérêts divergents.

L'autre aspect que nous devons examiner est l'émergence du secteur de la biotechnologie au Canada. Partout dans le monde, la biotechnologie est l'un des éléments clés de la technologie de l'information au sein des industries du savoir, des industries qui sont de plus en plus importantes pour notre compétitivité internationale.

Le Canada a fait la preuve de la vigueur de son secteur biotechnologique qui capitalise sur l'infrastructure de nos universités et établissements postsecondaires. En Nouvelle-Écosse, il y a onze établissements offrant un programme menant à un diplôme en biotechnologie. Ces établissements, à un moment donné considérés comme un poste du passif, se retrouvent aujourd'hui dans une économie du savoir et sont considérés comme un élément de l'actif.

Il suffit de songer à la symbiose qui existe entre les petites entreprises de biotechnologie et les grands fabricants de produits pharmaceutiques pour se rendre compte que la question ne se résume pas à un combat opposant les grosses compagnies et les consommateurs. C'est un argument spécieux que d'affirmer que la protection par brevet n'avantage que les grandes entreprises pharmaceutiques.

Si nous décidions de réduire notre protection des brevets et d'adopter une attitude agressive qui serait de nature à dissuader les fabricants de produits pharmaceutiques d'élaborer de nouveaux médicaments et de nouveaux traitements, nous causerions un tort considérable aux entreprises de biotechnologie. Il s'agit généralement de petites entreprises qui participent aux travaux de nos établissements d'enseignement postsecondaire d'un océan à l'autre. Nous devons éviter de faire quoi que ce soit qui, dans une optique politique, pourrait nuire à la compétitivité du Canada dans le secteur de la biotechnologie.

Nous devons aussi prendre en considération un deuxième argument. Que faire pour que les nouveaux médicaments ou produits pharmaceutiques arrivent le plus rapidement possible dans les mains des Canadiens? Si nous ne pouvons pas créer un environnement propice à la mise au point de ces nouvelles technologies dans un premier temps, la discussion sur ce deuxième point perd son sens. Ce serait un recul terrible si le gouvernement réduisait de quelque façon que ce soit les mesures que nous avons mises en place pour encourager la création de nouveaux produits pharmaceutiques qui sont à la fine pointe et les nouveaux progrès dans le domaine de la biotechnologie.

Certaines provinces ont mieux réussi que d'autres à créer une masse critique d'activités dans ces domaines. Le secteur de la biotechnologie et celui des produits pharmaceutiques présentent un potentiel de croissance important dans l'avenir. Nous devons axer nos efforts sur nos facultés de médecine et nos programmes de premier cycle dans les domaines des sciences et de la recherche.

Je me réjouis du fait que le gouvernement ait reconnu ses erreurs du passé. Il a adopté et continue d'appuyer et de mettre de l'avant les politiques des progressistes-conservateurs avec ce projet de loi.

J'espère que nous aurons dans l'avenir l'occasion de discuter d'autres solutions de rechange qui pourraient établir un équilibre plus juste entre, d'une part, les besoins des consommateurs et des patients et, d'autre part, l'importance de créer un niveau de commercialisation plus élevé, une meilleure protection conférée par les brevets et de meilleures perspectives au Canada.

 

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Le gouvernement n'a pas été aussi créatif qu'il aurait pu l'être en étudiant plus attentivement certaines des solutions de rechange possibles pour progresser de manière plus novatrice à ce chapitre.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été intéressé par ce que le député avait à dire au sujet de trouver un équilibre entre les besoins des consommateurs, les brevets et la nécessité de s'assurer que le Canada demeure compétitif au niveau mondial pour ce qui est de la propriété intellectuelle.

Je suis moi aussi quelque peu déconcerté par la façon dont nous avons changé depuis quelques années. J'ai trouvé également intéressant d'entendre une bonne partie des observations de ses collègues conservateurs au Sénat, qui ont défendu un point de vue plutôt intéressant et bien différent de l'enthousiasme exprimé par son parti et ses collègues. Il se peut qu'ils soient plus sensibles à la question maintenant à cause de leur âge, alors qu'ils sont peut-être forcés d'utiliser certains de ces médicaments et thérapies.

Comme il va siéger au Comité de l'industrie avec moi, je voudrais savoir s'il va transmettre au comité certaines des observations révélatrices de ses collègues au Sénat. Ses collègues conservateurs au Sénat ont sonné l'alarme particulièrement en ce qui concerne la contrefaçon de brevet.

Cela va bien au-delà des obligations du Canada à l'égard de l'OMC et de l'obligation de respecter un régime de brevets des médicaments compétitif sur le plan international. Va-t-il parler au Comité de l'industrie et à la Chambre de la nécessité de s'assurer que les preuves qui sont soumises pour soutenir une accusation de contrefaçon n'ont rien à voir avec les preuves prima facie qui doivent être soumises à un tribunal? Le député soulèvera la question et cherchera-t-il à la défendre? On en a maintenant l'occasion avec le projet de loi S-17.

M. Scott Brison: Monsieur le Président, les sénateurs de notre caucus national ont formulé d'importantes idées relativement à cette mesure législative. Nous devrions certes discuter de certaines d'entre elles au Comité de l'industrie.

J'estime que l'aversion de certains de nos sénateurs à l'égard d'une protection accrue des brevets a très peu à voir avec leur âge. Le fait est qu'une fois qu'on siège au Sénat, le vieillissement cesse dans une large mesure et les questions de qualité de vie qu'on y soulève aident à préserver l'acuité mentale, la santé et la vie pendant beaucoup plus longtemps. Je ne pense pas que la différence d'âge entre certains sénateurs et certains députés élus joue vraiment un rôle dans tout cela.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je félicite le député de son éloquent discours. Je voudrais connaître sa réponse à une très importante question, à savoir l'accès à des médicaments essentiels dans les pays en développement. Cette question a été soulevée par le NPD et elle est importante.

Nous venons tout juste d'être témoins d'une bataille judiciaire en l'Afrique du Sud au sujet de l'accès aux médicaments anti-VIH. Le VIH fait partie des maladies qui ravagent les pays en développement et pour lesquels il existe des médicaments très simples, peu coûteux et facilement distribués qui pourraient avoir des effets positifs et à grande échelle sur la vie de ces populations. Les sociétés pharmaceutiques qui font de la recherche ont un programme qui permet aux pays en développement d'avoir accès à ces médicaments, mais je pense qu'il faut faire bien plus.

Qu'est-ce que l'on peut faire pour aider le Canada, par l'entremise de l'ACDI peut-être, à travailler de concert avec les sociétés pharmaceutiques qui font de la recherche et les sociétés de médicaments génériques pour faire en sorte que les pays en développement aient accès à des médicaments essentiels, peu coûteux qui peuvent avoir des effets marqués sur des fléaux comme la tuberculose, le kala-azar, l'onchocercose et la malaria, qui ravagent ces pays?

 

. 1125 + -

M. Scott Brison: Monsieur le Président, le député a fait état d'une question d'intérêt et de bien-être publics d'une très grande importance. Il s'agit de la disponibilité de ces médicaments dans les pays en développement où le besoin est si grand.

Nous devons trouver le moyen de mettre en équilibre la recherche du profit des sociétés pharmaceutiques qui font de la recherche, et la recherche du bien-être public en faisant en sorte que les médicaments parviennent aux gens d'une manière efficace et opportune. C'est là que le gouvernement peut jouer un rôle. Si nous examinons le coût à long terme du traitement à l'aide de nouveaux médicaments par rapport à l'option qui consiste à ne rien faire du tout, c'est un meilleur investissement de traiter ces gens. Le député, qui a exercé la médecine dans des pays en développement, a absolument raison quand il suggère que l'ACDI joue un rôle à cet égard.

Les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada pourraient travailler ensemble pour voir à ce qu'il n'y ait aucun affaiblissement de la motivation liée aux profits afin que les compagnies pharmaceutiques axées sur la recherche mettent au point de nouvelles technologies. Le développement de nouveaux médicaments ressemble beaucoup à l'exploration minière. On creuse bien des trous avant de trouver une veine, sans vouloir faire de jeu de mots.

La recherche pharmaceutique coûte cher, et ce ne sont pas toutes les initiatives de recherche qui finissent par porter fruits. Je ne crois pas que nous devions faire quoi que ce soit pour réduire les incitatifs financiers qui créent des possibilités dans le secteur des biotechnologies et des produits pharmaceutiques. Toutefois, nous devrions aborder de façon plus innovatrice la question du rôle que le gouvernement doit jouer pour ce qui est de protéger l'intérêt public en voyant à ce que la population puisse avoir accès sans délai à des médicaments à prix abordable.

J'ai proposé l'idée que les gouvernements achètent les nouvelles technologies au moyen d'un processus d'option. Un article publié dans la revue The Economist avait proposé quelque chose de semblable il y a trois ans. Une étude a été faite sur ce sujet. Je crois que c'est une idée que nous devrions examiner et débattre parce que ce serait une façon de ne pas affaiblir la motivation liée aux profits des intérêts privés afin qu'ils continuent de développer les nouveaux médicaments dont nous avons besoin.

De cette façon, les gouvernements auraient un rôle à jouer pour voir à ce que le public ait accès aux nouvelles technologies et aux nouveaux produits pharmaceutiques, que ce soit ici ou dans les pays en développement où, comme l'a dit le député, le besoin est absolument critique. Nous pouvons avancer des arguments solides en faveur du rôle que devrait jouer le gouvernement sur le deuxième aspect de la question. Une fois que les médicaments ont été mis au point, la priorité devrait être d'en faciliter l'accès aux personnes qui en ont le plus besoin, dans notre pays ou dans le monde en développement.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, je dois dire que le député parle autant au caucus. Il n'arrête pas. Il a toutefois beaucoup de choses intelligentes à dire. J'aimerais faire deux observations et demander au député de Kings—Hants d'y répondre.

Il a démoli le ministre de l'Industrie pour avoir fait volte-face au sujet de la mesure législative. Le député pense-t-il que le ministre de l'Industrie a en fait modifié sa façon de penser et changé d'idée, qu'il est maintenant en faveur de la mesure législative, ou pense-t-il plutôt que nous assistons de la part du ministre à des effets théâtraux à seules fins politiques? J'espère qu'il peut répondre à ma question.

Le député a parlé de la nécessité d'investir des capitaux énormes dans la recherche et le développement. N'est-il pas d'avis que, si le projet de loi n'était pas adopté et si les compagnies pharmaceutiques ne pouvaient bénéficier de la protection des brevets que leur accorderait ce projet de loi, les capitaux qui pourraient être investis dans la recherche et le développement au Canada iraient ailleurs?

 

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M. Scott Brison: Monsieur le Président, quand le whip de votre parti dit quelque chose de méchant à votre sujet en cet endroit, on est réellement limité quant à la réponse. Je ne parlerai donc même pas de la première partie de ses observations.

Quant à la question de nature politique concernant le ministre actuel de l'Industrie et sa vantardise, je dirais que pour que cet individu ait modifié sa façon de penser et changé d'idée, il faudrait d'abord qu'il ait des idées, puis un cerveau. Jusqu'ici je n'ai pas vu beaucoup d'éléments de preuve qu'il ait l'un ou l'autre.

En ce qui concerne les investissements, je crains que si nous réduisons les incitatifs, qui deviendraient en l'occurrence des «désincitatifs», à la recherche et au développement de pointe de produits pharmaceutiques et de produits de la biotechnologie au Canada, nous tarirons la source des capitaux et des investissements nécessaires, lesquels iront ailleurs. La répartition des investissements ne se fait pas uniquement par le biais de la fiscalité. Elle se fait également par le biais de la réglementation, en particulier dans le domaine de la propriété intellectuelle et de l'économie basée sur les connaissances.

Je pense que le député a tout à fait raison. Nous prendrions un risque énorme et nous nous exposerions à perdre une grande partie de ces investissements, ce qui entraînerait une perte de productivité, de croissance et de perspectives d'avenir pour les Canadiens.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets. Ce projet de loi vise ni plus ni moins à modifier notre législation sur les brevets, afin de se conformer à deux décisions récentes de l'OMC.

Ces deux décisions se rapportent, d'une part, à la durée des brevets déposés avant le 1er octobre 1989, et, d'autre part, à la disposition de la Loi concernant l'emmagasinage.

En 1987, plusieurs importantes modifications ont été apportées à la Loi sur les brevets, notamment un changement de la durée de la protection conférée par un brevet, qui est passée de 17 ans, à compter de la date de sa délivrance, à 20 ans, après la date de dépôt de la demande. Cette modification est entrée en vigueur le 1er octobre 1989.

Avant le Cycle Uruguay, les négociations commerciales multilatérales ayant trait à l'Accord général sur les tarifs et le commerce, le GATT ne traitait pas des droits de propriété intellectuelle. Le Cycle Uruguay, qui a donné naissance à l'OMC, a également permis de conclure l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, dont certaines dispositions portent sur la protection conférée par un brevet. L'article 33, par exemple, prévoit que la durée de la protection ne doit pas être inférieure à 20 ans, à compter de la date de dépôt de la demande de brevet.

En effet, en 1992, le gouvernement fédéral a entrepris de modifier la Loi sur les brevets en déposant à la Chambre des communes le projet de loi C-91, Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets. Cette mesure législative éliminait les licences obligatoires pour les produits pharmaceutiques. La licence obligatoire est une licence prévue par la loi. Elle autorise le détenteur, et seulement le détenteur, à fabriquer, à utiliser et à vendre une invention brevetée avant l'expiration du brevet.

Elle créait également deux exceptions à l'action en contrefaçon de brevet, soit une règle selon laquelle quiconque fabrique, utilise ou vend un produit protégé par un brevet valide, sans le consentement du titulaire, peut être poursuivi pour contrefaçon du brevet en autorisant l'utilisation d'un brevet à certaines fins avant son expiration.

 

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Permettez-moi de faire un bref historique. À la fin de 1997, l'Union européenne a demandé que le Canada tienne des consultations dans le cadre des procédures de règlement des différends de l'OMC en raison, d'une part, de la protection accordée aux inventions pharmaceutiques en vertu de la Loi sur les brevets et, d'autre part, des obligations du Canada découlant de l'Accord sur les ADPIC.

La crainte de l'Union européenne portait en particulier sur les exceptions relatives à l'approbation réglementaire et à l'emmagasinage. Au début de 1999, l'OMC a établi un groupe spécial chargé d'examiner la contestation européenne des deux exceptions, aux termes de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.

L'Union européenne a soutenu à cet égard que la Loi sur les brevets et le règlement autorisant la protection et l'emmagasinage de produits pharmaceutiques, sans le consentement du titulaire du brevet pendant les six mois précédant son expiration—c'est le paragraphe 55.2(2)—étaient contraires aux obligations du Canada, en vertu des articles 28.1 et 33.1 de l'Accord sur les ADPIC.

L'Union européenne a également soutenu qu'en réservant aux titulaires de brevets de produits pharmaceutiques un traitement moins favorable que celui qui est accordé dans tous les autres domaines technologiques, le Canada avait manqué aux obligations que lui imposait l'article 27.1 de l'Accord sur les ADPIC, qui prévoit la délivrance de brevets et la jouissance des droits de brevet sans discrimination fondée sur le domaine technologique.

À cette occasion, l'Union européenne a affirmé, en outre, que les dispositions du paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets qui autorisent une tierce partie à utiliser, sans le consentement du titulaire, une invention brevetée pendant la durée du brevet afin d'obtenir l'approbation réglementaire pour la vente d'un produit équivalent après l'expiration du brevet, violaient les dispositions de l'article 28.1 de l'Accord sur les ADPIC.

Un groupe spécial, formé par l'OMC, a pris la part de l'Union européenne en ce qui concerne l'exception relative à l'emmagasinage prévue au paragraphe 55.2(2) de la Loi sur les brevets, estimant qu'elle est incompatible avec les obligations du Canada aux termes de l'article 4 de l'Accord sur les ADPIC.

Le Canada devait mettre en oeuvre la décision du groupe concernant l'exception relative à la constitution de stocks, au plus tard le 7 octobre 2000. Le Règlement sur la production et l'emmagasinage de médicaments brevetés a été révoqué en application de cette décision.

En septembre 1999, un groupe spécial de l'OMC a été formé pour examiner une allégation des États-Unis selon laquelle la durée de la protection conférée par un brevet délivré au Canada, par suite d'une demande déposée avant le 1er octobre 1989, est incompatible avec les obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC. Cela se répète encore aujourd'hui, que l'on prenne seulement le dossier du bois d'oeuvre.

Selon les États-Unis, l'Accord exige que la protection conférée par un brevet ait une durée minimale de 20 ans, à compter de la date du dépôt de la demande. Les brevets délivrés à l'égard de demandes déposées avant le 1er octobre 1989, les brevets délivrés selon l'ancienne loi, dont la durée est de 17 ans à compter de la date de délivrance, seraient donc contraires à l'Accord sur les ADPIC, si la durée de 17 ans, à compter de la date de délivrance, est inférieure à la durée de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande.

Cet argument s'appliquait aux brevets, selon l'ancienne loi, délivrés dans les trois années suivant la date de dépôt de la demande.

 

. 1140 + -

De son côté, le Canada, suite à la position que défendaient les États-Unis, a soutenu que les brevets délivrés selon l'ancienne loi bénéficiaient essentiellement de la même protection que les brevets délivrés selon la nouvelle loi, et que les dispositions de l'Accord sur les ADPIC concernant la durée de la protection ne s'appliquaient pas aux brevets délivrés avant l'entrée en vigueur de l'Accord.

En octobre 2000, l'OMC a rendu une décision favorable aux États-Unis, estimant que la durée de la protection conférée par les brevets selon l'ancienne loi était incompatible avec l'Accord sur les ADPIC dans le cas des brevets délivrés dans les trois années suivant la date de dépôt de la demande. Il s'agit de l'article 5.

Le projet de loi S-17 modifierait donc la Loi sur les brevets, conformément aux décisions rendues par l'OMC suite à des contestations européenne et américaine de certaines dispositions de la loi.

Je tiens à mentionner que le Bloc québécois est favorable à ces modifications. En fait, il m'apparaît clair que la protection de la propriété intellectuelle doit aller de pair avec les avancées technologiques et pharmaceutiques.

Il est toutefois malheureux de constater que le Canada ait dû se retrouver, à deux reprises, devant le tribunal de l'OMC pour régler ce litige qui est, somme toute, mineur. À mon sens, il existe des problématiques beaucoup plus fondamentales qui devraient êtres traitées par ce tribunal.

Je pense, entre autres, à la question du bois d'oeuvre où, même après avoir remporté plusieurs victoires, le Canada a accepté de s'écraser littéralement devant les Américains en imposant des quotas aux producteurs de bois canadiens et québécois. L'entente prenait fin le 31 mars dernier et nous risquons de nous retrouver une nouvelle fois devant le tribunal de l'OMC qui devra trancher ce litige pour une quatrième fois. Rappelons à quel point le bois d'oeuvre est important pour nos régions productrices.

Il me semble que le ministre du Commerce international devrait se tenir debout. Quelqu'un devrait lui injecter un peu de moelle épinière pour qu'il dise enfin aux Américains que la seule solution envisageable, à court et à long terme, est un retour intégral au libre-échange.

En terminant, je dirai simplement que la protection que le Canada doit offrir aux chercheurs en ce qui a trait à la protection de leurs inventions doit se conformer aux conventions internationales. Néanmoins, le Canada pourrait aller encore plus loin puisque, comparativement aux États-Unis ou à l'Union européenne, nous sommes en retard. Malgré tout, il me fera plaisir d'appuyer ce projet de loi.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir après ma collègue de Jonquière, dont nous connaissons les préoccupations pour les consommateurs et pour les gens.

Je disais à mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean—Saguenay, qui a été dans notre parti et quelque part dans ce Parlement, un précurseur sur la question de la mondialisation, que s'il nous fallait chercher un exemple de mondialisation qui affecte la souveraineté nationale d'un État, nous pourrions prendre le débat qui nous anime en ce moment.

Je m'explique. Le Canada est signataire d'un certain nombre de traités de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Au nombre de ces traités, il y a celui sur la protection des droits intellectuels et le commerce. Les brevets, on le comprend, renvoient au droit intellectuel. C'est pour protéger quelqu'un qui a mis au point une invention et qui décide de la faire breveter en vue d'en avoir l'exclusivité pour un certain nombre d'années.

L'OMC a rendu une décision, il y a près d'un an, concernant les brevets canadiens. En fait, c'est une décision qui a été rendue, on le comprend, suite à une contestation des États-Unis, qui disaient qu'il y avait là une forme de concurrence déloyale. Les mécanismes qui existent au sein de l'OMC ont joué. Il y a donc des mécanismes d'appel.

Dans le projet de loi, on y réfère fréquemment. Ma collègue, la députée de Jonquière, l'a probablement dit. On se réfère à l'Organisme de règlement des différends, soit l'ORD.

 

. 1145 + -

L'Organisme de règlement des différends a rendu une décision défavorable au Canada. Deux lois ont été adoptées, le projet de loi C-22 et une autre loi qu'on a revue plus récemment, il y a quatre ans. D'ailleurs, dans la Loi sur les brevets au Canada, il y a une révision quinquennale qui est statutaire.

Il y avait deux sortes de brevets. Il y avait les brevets existant avant 1986 qui, eux, faisaient l'objet d'une protection de 17 ans, et il y avait ceux qui, après 1986, faisaient l'objet d'une protection de 20 ans, conformément à la dernière loi que nous avons adoptée. J'étais membre du comité qui a revu la loi, avec le député de Témiscamingue, dont on connaît bien sûr l'attachement indéfectible à l'endroit de l'industrie du médicament d'origine.

Toujours est-il que cette décision est rendue. On constate qu'il y a deux types de brevets au Canada: ceux qui sont protégés pour 17 ans et ceux qui le sont pour 20 ans; cela est perçu comme étant non conforme à un traité spécifique signé dans le cadre de l'OMC, le Traité sur les droits intellectuels et le commerce.

On va en arbitrage, les États-Unis demandent un arbitrage contraignant. J'espère que le leader du gouvernement à la Chambre écoute, parce que j'ai lu en entier la défense produite par le gouvernement du Canada. On doutait de la possibilité que le Canada puisse actualiser sa législation à l'intérieur d'un délai d'un an, parce qu'on disait qu'il n'était pas sûr de sa majorité parlementaire.

Cela m'a fait rire. Je me suis dit: «Voilà qu'on donne à l'opposition un pouvoir qu'on ne lui reconnaît pas en d'autre temps et en d'autres lieux.» Toujours est-il que l'arbitrage contraignant qui a été demandé et obtenu par les États-Unis oblige le Canada à changer la loi d'ici le mois d'août prochain. Le gouvernement n'a pas d'autre choix que de changer sa loi.

Comme le disait le député de Lac-Saint-Jean, voilà un exemple où la mondialisation nous rejoint, comme parlementaires. Nous n'avons pas, en toute liberté, choisi de changer cette loi, au contraire. Quand le Canada, dans le cadre du Comité de l'industrie, a mis sur pied la révision quinquennale de la Loi sur les brevets pharmaceutiques, il n'avait pas choisi de faire cette modification. La mondialisation rogne la souveraineté parlementaire, il faut le reconnaître.

Bien sûr, il y a des mécanismes de différends. Dans ce cadre, nous avons perdu, mais dans d'autres cas, on gagne, et j'accepte cela. Je ne remets pas en cause le libre-échange, ce n'est pas cela l'idée, mais je crois qu'il faut quand même comprendre les réalités. Le député de Lac-Saint-Jean a soulevé la question des prérogatives de parlementaires dans le cadre de la mondialisation. Je suis sûr que lorsqu'il s'exprimera sur ces questions à l'avenir, il pourra donner l'exemple de la Loi sur les brevets.

Je comprends bien, pour le Québec, toute la question de la recherche du médicament d'origine. Il y a deux grands types de recherche qui se font dans le cadre des médicaments. Il y a la recherche du médicament d'origine. Ce sont des cycles de recherche qui peuvent durer cinq ou dix ans. Les chercheurs du médicament d'origine nous disaient que pour chaque médicament produit, commercialisé et autorisé par Santé Canada, un cycle de recherche pour commercialiser un médicament peut coûter jusqu'à 170 millions de dollars. Ça, c'est pour le médicament d'origine, pour lequel le Québec excelle. C'est une de ses grappes industrielles.

Une autre branche de cette réalité, si vous me permettez l'expression, est la recherche générique, ceux qui, une fois que la molécule de recherche existe, la copient selon des règles très particulières.

Je souhaite que, dans les prochaines années, on ait un débat, comme parlementaires, sur le coût des médicaments. Oui, mon soutien est indéfectible pour une infrastructure de recherche pour le médicament d'origine. Je comprends très bien que lorsqu'on investit 170 ou 200 millions de dollars, on attend un retour sur l'investissement, c'est tout à fait normal. Mais je souhaite que nous placions également le consommateur au centre de nos préoccupations.

Comme parlementaires, ce ne peut pas être suffisant, dans les prochaines années, de se poser la question, à savoir: A-t-on une infrastructure de recherche adéquate? Qu'importe si on a une infrastructure de recherche adéquate, si les médicaments ne sont pas disponibles pour les consommateurs, il y a aussi une préoccupation qui doit être la nôtre et nous devrons soulever ces questions.

 

. 1150 + -

Je rencontrais, ce matin, des porte-parole de l'industrie du médicament générique. On sait comment je suis. On sollicite une rencontre avec moi, et je l'accorde. Je suis comme cela. Je considère que, comme parlementaires, c'est notre rôle d'être disponibles. Il m'a donc fait plaisir de rencontrer ce matin les représentants de l'industrie du médicament générique.

Je leur disais: «Ce n'est pas le bon moment de soulever cette question. Je crois qu'il faut qu'il y ait un débat sur le coût des médicaments, à savoir si on n'est pas allés trop loin dans la protection accordée aux médicaments d'origine? Qu'est-ce qu'il faut faire sur la question du médicament générique, surtout concernant les règles d'équité procédurales.» À cet égard, il y a eu des jugements qui ont été rendus par la Cour suprême.

Encore une fois, le Bloc québécois souscrit à la nécessité d'avoir une infrastructure de recherche forte et de faire du médicament d'origine une des grappes industrielles importantes du Québec. Cette question n'est pas remise en cause.

Cependant, au cours des prochaines années, nous allons aussi devoir réfléchir sur l'aspect de l'accès aux médicaments. Quand je rencontrais les porte-parole de l'industrie du médicament générique, je leur disais: «Vous feriez une grave erreur stratégique de vouloir soulever l'aspect du cadre réglementaire qui autorise un avis de conformité.» Ce n'est pas le canal par lequel ce débat doit avoir lieu.

L'avis de conformité, on le sait, fait en sorte que dès qu'il y a la moindre allégation de contrefaçon qui est soulevée par une industrie, cela a le mérite d'interrompre le processus et, pendant 24 mois, tout est arrêté et l'industrie du médicament générique ne peut pas commercialiser le médicament.

Cependant, ce qui est en cause ici, c'est une décision de l'OMC. Autrement dit, il n'y aurait pas, au Canada, le débat du médicament générique versus le médicament d'origine, que le projet de loi S-17 serait quand même devant nous, parce que l'OMC a rendu sa décision. C'est un arbitrage qui est contraignant et le Canada a en fait jusqu'au mois d'août 2001 pour soulever lesdites questions.

Comme parlementaires, nous avons manqué un rendez-vous avec une question importante. Quand le Forum national sur la santé a déposé son rapport, en 1997, il y avait déjà des recommandations qui disaient: «Il faut se pencher sur le sujet de l'accès aux médicaments.» À l'instant où l'on se parle, il y a six provinces qui ont mis sur pied des groupes de travail sur la réorganisation du système de santé.

Évidemment, peu importe où on a les pieds—mon ami le whip du NPD le sait—, toutes les provinces vivent des débats sur la réorganisation du système de santé. Cela se comprend. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'on ne parle plus du troisième âge, on parle du quatrième âge.

Prenez la députée de Jonquière, par exemple. Elle ne fume pas, elle ne boit pas, elle fait attention à sa santé. Eh bien, si tout va bien dans sa vie, qu'elle n'a pas trop de stress généré par ses collègues, elle a d'excellentes chances de vivre jusqu'à 100 ans. C'est cela la réalité. Aujourd'hui, il n'est pas rare, dans nos communautés, que nos concitoyens vivent jusqu'à un âge avancé, et les femmes vivent plus longtemps que les hommes.

Pourquoi les femmes vivent-elles plus longtemps que les hommes? Parce que les femmes sont plus près de leurs émotions. Les femmes ont un meilleur équilibre dans la vie et sur les grandes valeurs existentielles. Les femmes, monsieur le Président, vont vivre plus longtemps que les hommes, et je sais que vous allez vous en réjouir personnellement.

Nous avons donc manqué un rendez-vous avec l'histoire que nous devrons faire dans les prochaines années sur la question de l'accès aux médicaments. Quels services, quel panier de services voulons-nous offrir à nos concitoyens? Comment va-t-on organiser le système de santé? N'oublions pas que quand je rencontre les porte-parole des associations médicales, quand je rencontre les directeurs d'hôpitaux, sait-on quel est le poste budgétaire qui draine le plus de ressources pour les hôpitaux? C'est celui des médicaments. Cela se comprend. Les gens vivent plus longtemps, mais ils vivent aussi plus longtemps avec des invalidités. La période de vie où on peut consommer des médicaments, quand on compare avec le passé, est donc plus grande qu'elle ne l'a jamais été.

À cet égard, il faudra se poser une question. Dans la liste des médicaments remboursables qui drainent des ressources considérables pour tous les gouvernements et particulièrement les gouvernements provinciaux, puisque ce sont eux qui sont responsables du remboursement des médicaments, est-ce qu'on voudra maintenir la façon actuelle de fonctionner?

 

. 1155 + -

Je donne aux députés une statistique qui va leur permettre de réfléchir à la question. Sur 72 nouveaux médicaments qui ont été autorisés par le gouvernement du Québec l'an dernier, il y en a plus de 50 qui étaient des médicaments d'origine. L'Ontario, dans la même proportion, a autorisé environ 40 nouveaux médicaments. C'est autour de ces eaux-là, je ne donne que l'ordre de grandeur. Il n'y en a que dix qui étaient des médicaments d'origine. L'Ontario, la province voisine, pour un même type de médicament disponible, a choisi de recourir à moins grande échelle à des médicaments d'origine.

Évidemment, cela suscite des questions. Encore une fois, l'infrastructure de recherche est importante. Pourquoi une compagnie pharmaceutique ferait-elle des recherches qui peuvent coûter 175 millions de dollars si elle est plagiée par un concurrent? À l'inverse, si les médicaments d'origine sont disponibles, mais qu'ils sont à ce point prohibitifs que des pans entiers de nos consommateurs et de nos concitoyens n'en profitent pas, il faut également se poser la question.

Nous voyons l'équilibre et le débat en perspective qu'il nous faudra tenir. Ce n'est pas par le biais du projet de loi S-17 par lequel ce débat doit venir.

Au Comité permanent de la santé, nous étudions présentement toute la question des nouvelles technologies de la reproduction médicalement assistée. Cependant, il n'est pas impensable que, une fois ce débat terminé en janvier 2001, je dépose moi-même une motion pour que nous regardions toute la question de l'accès aux médicaments. Je pense que, comme parlementaires, nous serions saisis d'une question extrêmement importante.

J'aurais tendance à m'arrêter là et à laisser du temps à mes collègues pour échanger sur le sujet mais, encore une fois, ce projet de loi nous renvoie bien à un dilemme important, qui est celui où la souveraineté des États nationaux est rognée. C'est celui où un organisme, un forum multilatéral, a rendu une décision qui, concrètement, a des répercussions sur notre capacité comme parlementaires de prendre des décisions. Ultimement, ce dilemme aura bien sûr des répercussions sur l'industrie. Les répercussions sur l'industrie en auront auprès des consommateurs.

Ce n'est pas que le projet de loi S-17 va en soi fondamentalement changer la réalité pour le milieu de l'industrie. Je vais donner quelques chiffres que le ministère de l'Industrie a bien voulu mettre à notre disposition, sachant que les députés sont pas mal friands de ces questions. Le nombre de brevets touchés, pour que nous ayons un ordre de grandeur, en date de janvier 2001, était de 138 000 délivrés aux termes de l'ancienne loi. De ce nombre, environ 53 500 étaient protégés pour une période de moins de 20 ans. Il y avait 85 300 autres brevets qui étaient déjà, en vertu des dernières dispositions de la loi que nous avons adoptée, protégés pour une période de 20 ans.

Ce que nous ont dit les fonctionnaires de Santé Canada, c'est que la décision de l'Organisation mondiale du commerce n'aura pas d'effets durables sur le coût des médicaments. L'incidence de la décision au cours des huit prochaines années—nous comprenons bien que les brevets qui n'étaient pas protégés par la période de 20 venaient à échéance en 2009—sera minime.

Les fonctionnaires nous disent que, exprimée en termes quantitatifs, elle équivaudra à moins de 1 p. 100 des ventes de produits pharmaceutiques d'une année. Il n'y a donc pas de risque et il faut continuer à dire à nos concitoyens que, si l'on ne considère stricto sensus que le projet de loi S-17, la population va continuer d'avoir accès à des médicaments à des prix abordables.

J'aimerais dire à mes collègues qu'une des originalités de notre système d'homologation des médicaments, c'est que nous avons mis sur pied un organisme de réglementation qui s'appelle le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Depuis que les progressistes-conservateurs ont fait adopter la Loi sur les brevets pharmaceutiques, il y un organisme de réglementation qui doit surveiller l'évolution et la hausse du prix des médicaments.

 

. 1200 + -

Une série de critères sont pris en compte et il y a une série de médicaments, les médicaments A, B ou C. D'ailleurs, une controverse existe. Certaines personnes soutiennent, dont le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, dans son huitième rapport déposé en 1995, que des nouveaux médicaments mis sur le marché, seulement 2,7 p. 100 ont véritablement une nouvelle vertu thérapeutique.

Cela étant dit, il faut quand même avoir à l'esprit la moyenne des coûts des médicaments. Les médicaments sont trop chers, on s'entend là-dessus et il faut placer les consommateurs au centre de nos préoccupations. Malgré tout, quand on se compare avec les États-Unis, et c'est le constat qu'a fait le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le prix des médicaments brevetés au Canada est en moyenne 40 p. 100 inférieur à celui des États-Unis.

Une formule du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés nous a permis d'avoir une singularité dont on a raison d'être assez fiers. Malgré le fait qu'il faudra tenir un débat sur l'accès aux médicaments, en plaçant toujours les consommateurs au centre de nos préoccupations, quand on se compare à un pays comme les États-Unis—la comparaison est quand même pertinente parce qu'on est des Nord-Américains, plusieurs filiales sont établies au Canada, dont la maison mère bien sûr est aux États-Unis—le coût des médicaments est 40 p. 100 inférieur à ce qu'on retrouve chez nos voisins américains.

J'aurais tendance à m'arrêter là, à souhaiter que le débat se fasse et que nous puissions, en toutes circonstances, avoir présent à l'esprit le meilleur intérêt des consommateurs, et la nécessité pour le Québec, dont vous connaissez le dynamisme sur le plan de son économie, de maintenir ses acquis pour une infrastructure de recherche liée aux médicaments d'origine.

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:  

Le vice-président: Le vote est donc reporté au lundi 14 mai, à la fin de la période prévue pour l'étude des initiatives ministérielles.

*  *  *

 

. 1205 + -

LA LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS

 

L'hon. Elinor Caplan (au nom du ministre de l'Industrie) propose: Que le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. John Cannis (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité d'entamer le débat, à l'étape de la deuxième lecture, sur le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois, et de faire quelques remarques au sujet de cette mesure législative dont l'objet, tous les députés seront d'accord, j'en suis sûr, est fondamental au succès des sociétés canadiennes constituées sous le régime fédéral.

Les changements et les améliorations apportés dans le projet de loi S-11 visent à renforcer la capacité des sociétés, des investisseurs, des actionnaires et des membres des coopératives de réagir rapidement et de façon créative à l'évolution du marché mondial. Les sociétés, les investisseurs, les actionnaires et les membres des coopératives seraient mieux à même de réagir si le Parlement leur fournissait des règles juridiques solides, équitables, efficaces, cohérentes et, ce qui est important, flexibles.

Toutes les entreprises canadiennes, quelle que soit leur taille, doivent bénéficier des outils et du cadre juridiques appropriés pour pleinement profiter des occasions d'affaires qui leur sont offertes sur le marché. C'est ce que le projet de loi S-11 vise à offrir aux entreprises de régime fédéral.

Parmi les 500 entreprises les plus performantes au Canada, les sociétés de régime fédéral génèrent des recettes de plus d'un demi-billion de dollars. Les enjeux, comme nous pouvons le constater, sont élevés pour ces entreprises et, bien sûr, pour notre pays.

Il est important que les députés soient conscients des efforts considérables déployés par le gouvernement au cours des sept dernières années pour s'assurer que le projet de loi S-11 soit le résultat de vastes consultations et d'un examen des plus attentifs. Par conséquent, nous nous trouvons face à une mesure législative visant à répondre aux besoins actuels des entreprises et susceptible de s'adapter à leur évolution pendant de nombreuses années.

Permettez-moi de signaler qu'en 1994, Industrie Canada a tenu une première série de consultations sur la réforme du droit des sociétés et que cet exercice a donné lieu à la publication de neuf documents de travail sur la question. Il y a ensuite eu des consultations à l'échelle nationale pour discuter des recommandations contenues dans ces documents en matière de politique. Parallèlement, le Comité sénatorial des banques et du commerce tenait ses propres audiences dans plusieurs villes, d'un océan à l'autre.

Le projet de loi S-11 avait initialement été présenté au Sénat sous le numéro S-19. Au cours de la dernière législature, le Comité sénatorial des banques et du commerce a entendu nombre de témoins. Lorsque le projet de loi a été présenté de nouveau sous le numéro S-11, le comité a tenu de nouvelles rencontres et a entendu d'autres témoins. Plus récemment, le comité sénatorial, dans le cadre de ses études du projet de loi S-11 et de sa version antérieure S-19, a également tenu deux séries d'audiences; la première en 2000 et la seconde, cette année. Le témoignage des experts a permis d'apporter de nombreux amendements qui ont grandement amélioré cette mesure législative. L'étude réalisée par le Sénat a également été prise en compte et, à partir de ses conclusions, nombre d'amendements ont été apportés à la première ébauche du projet de loi.

Je voudrais dès à présent féliciter tous les intervenants qui, au fil des années, ont prêté main-forte au gouvernement, et les membres du comité, notamment le sénateur Kirby, ancien président du comité, et le sénateur Kolber, son actuel président.

La Loi canadienne sur les sociétés par actions est la principale loi fédérale à concerner les sociétés. Cette loi et la Loi canadienne sur les coopératives sont des lois-cadres qui énoncent les règles de base du gouvernement d'entreprise, ainsi que les droits et les obligations des cadres supérieurs et intermédiaires, des actionnaires et des membres des coopératives.

Ces lois ne sont pas d'application trop lourde. Elles accordent aux sociétés et aux coopératives la souplesse voulue pour organiser leurs activités en fonction d'un cadre législatif sain. Elles prévoient les recours dont peuvent se prévaloir les parties prenantes en cas de conduite illégale. Elles sont à effet autodisciplinaire, puisque les différends sont pour la plupart réglés au civil et non par le recours à la réglementation.

Je rappelle à ce stade que, même si mes observations d'aujourd'hui porteront essentiellement sur la Loi canadienne sur les sociétés par actions, de nombreuses dispositions du projet de loi s'appliquent également à la Loi canadienne sur les coopératives, qui régit les coopératives constituées en vertu d'une loi fédérale.

Les députés savent peut-être que le Parlement a adopté en 1998 une nouvelle Loi canadienne sur les coopératives, laquelle a pris effet le 31 décembre 1999. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui fait en sorte que, lorsqu'elles s'appliquent également aux coopératives, les modifications apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions figurent aussi dans la Loi canadienne sur les coopératives.

 

. 1210 + -

La Loi canadienne sur les sociétés par actions, qui est le principal objet du projet de loi S-11, n'a pas été modifiée depuis 26 ans. Les modifications contenues dans le projet de loi mettent à jour quatre éléments fondamentaux de la loi actuelle.

Premièrement, le projet de loi accroît les droits des actionnaires de communiquer entre eux et encourage une participation accrue des actionnaires aux décisions des sociétés.

Deuxièmement, le projet de loi aidera à éliminer les obstacles à la concurrence, afin que les sociétés canadiennes puissent se positionner plus efficacement sur la scène internationale, et afin d'amener des sociétés internationales à constituer au Canada une base pour leurs activités internationales.

Troisièmement, le projet de loi S-11 définit de façon plus raisonnable les responsabilités des sociétés en ce qui a trait aux obligations des directeurs, administrateurs et actionnaires. Cette modification aura pour effet de promouvoir l'équité et la prise de risques raisonnables, qui sont nécessaires à la croissance et à la productivité dans l'environnement économique mondial actuel.

Enfin, le projet de loi élimine le chevauchement réglementaire. Nous avons tout lieu d'être fiers de la Loi canadienne sur les sociétés d'actions. D'une part, cette loi sert bien le Canada puisqu'elle est considérée dans le monde comme étant à la pointe du progrès, en alliant la prospérité à des règles équilibrées en matière de régie d'entreprise.

D'autre part, la loi sert de référence à d'autres pays en matière de pratiques commerciales légales, prévisibles, équitables et responsables. D'ailleurs, des représentants de divers pays sont venus au Canada pour chercher conseil au sujet de l'établissement de leurs propres cadres de régie d'entreprise.

La Loi canadienne sur les sociétés par actions est une mesure éclairée, qui définit les règles de gestion d'entreprise depuis un quart de siècle. Les modifications apportées à la loi permettront de moderniser et de renforcer le cadre législatif actuel.

Des débouchés très intéressants attendent notre pays sur la scène internationale. Il nous faut cependant doter nos concitoyens des règles de base, que seul le gouvernement peut établir. Les entrepreneurs canadiens eux, mettront à contribution leurs ressources, leur jugement, leur esprit d'entreprise et leurs compétences pour tirer profit des débouchés.

En terminant, je signale que les dispositions du projet de loi donnent suite, une fois de plus, à de nombreux engagements que nous avions pris dans le livre rouge. Le projet de loi va même plus loin que les engagements pris dans le livre, dans l'énoncé économique de l'automne dernier et dans le discours du Trône. Dans chaque cas, le gouvernement s'est engagé à stimuler l'innovation et l'avantage concurrentiel des entreprises canadiennes.

J'exhorte tous les députés à adopter rapidement cet important projet de loi, cette loi d'encadrement du marché qui, comme je le disais plus tôt, permettra aux entreprises canadiennes d'être très concurrentielles sur les marchés internationaux.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, avant de commencer, est-ce que j'ai le consentement unanime de la Chambre pour partager mon temps avec le député d'Esquimalt—Juan de Fuca?

Le vice-président: L'Alliance canadienne dispose de 40 minutes en tant qu'opposition officielle. Y a-t-il consentement unanime pour que la période de 40 minutes soit divisée en deux segments plus ou moins égaux de 20 minutes, pour un total de 40 minutes?

Des voix: D'accord.

M. James Rajotte: Monsieur le Président, j'adore cela lorsque la Chambre donne son consentement unanime. Cela me fait chaud au coeur. Je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la loi canadienne sur les coopératives. La Loi canadienne sur les sociétés par action n'a pas été modifiée depuis 1975. Plusieurs des modifications proposées sont attendues depuis fort longtemps.

Le projet de loi S-11 modifie aussi la Loi canadienne sur les coopératives. Il s'inscrit dans le cadre de la réforme qui a donné lieu récemment à une nouvelle loi fédérale régissant les coopératives, entrée en vigueur le 31 décembre 1999.

 

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À ce moment-là, toutefois, certaines questions nécessitaient d'autres consultations. Le projet de loi S-11 cerne ces questions. Dans leur ensemble, les modifications à la Loi canadienne sur les coopératives cadrent avec les modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et harmonisent les règles régissant les coopératives et les éléments clés du droit des sociétés.

La Loi canadienne sur les sociétés par actions est la principale loi fédérale régissant les sociétés par actions au Canada, qu'il s'agisse de grandes, de moyennes ou de petites entreprises. Elle établit le cadre législatif et réglementaire dans lequel évoluent plus de 155 000 sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale. Au Canada, les sociétés peuvent se constituer en vertu d'une loi fédérale ou d'une loi provinciale. Près de la moitié des plus grandes sociétés canadiennes sont constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés.

La mesure précédente qui visait à amender la Loi canadienne sur les sociétés par actions a été déposée au Sénat au cours de la dernière législature et portait le numéro S-19. Ce projet de loi avait été soumis au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce lorsqu'il est mort au Feuilleton par suite du déclenchement des élections fédérales. Quoi qu'il en soit, les membres du comité sénatorial ont entendu 35 témoins entre le mois d'avril et la fin de juin 2000 et ils méritent des félicitations à cet égard.

Le projet de loi S-11 est très semblable à l'ancien projet de loi S-19, sauf qu'il comprend des recommandations suggérées par des parties intéressées telle l'Association du Barreau canadien, la Coalition pour la réforme de la LCSA, la Canadian Co-operative Association et le Comité inter-Églises sur les responsabilités des corporations.

Les amendements visent à moderniser la Loi canadienne sur les sociétés par actions dans quatre domaines, cherchant premièrement à reconnaître la nature globale du marché; deuxièmement à préciser les responsabilités des administrateurs et des dirigeants de la société; troisièmement à réduire le double-emploi entre les responsabilités fédérales et provinciales; et quatrièmement à étendre les droits des actionnaires.

C'est vraiment un euphémisme de dire que les affaires ont considérablement changé depuis le milieu des années 1970 et il est grand temps que la Loi canadienne sur les sociétés par actions tienne compte des transformations engendrées par la mondialisation. Nous appuyons ces changements en principe.

La LCSA exige à l'heure actuelle qu'une majorité des administrateurs du conseil d'administration d'une société constituée en vertu d'une loi fédérale et de chaque comité du conseil soient résidants canadiens. Le Canada est le seul pays du G-7 à imposer des exigences aussi archaïques en matière de résidence.

Le projet de loi S-11 réduit à 25 p. 100 le critère de résidence pour les conseils d'administration et le fait disparaître entièrement pour les comités du conseil. Ce changement aurait dû être fait depuis longtemps et il devrait aider les sociétés canadiennes à soutenir la concurrence sur le marché mondial. Toutefois, je dois dire que c'est une pratique normale pour le gouvernement libéral d'exempter les vaches sacrées que sont les domaines de l'édition, des télécommunications et des transports, ainsi que Petro-Canada. Nous aimerions bien savoir pourquoi ces sociétés n'ont pas la flexibilité de nommer des directeurs en se basant sur les compétences des candidats et non sur l'endroit où ils vivent.

Un autre changement attendu permettrait à une filiale étrangère d'une société canadienne de faire l'acquisition d'actions de sa personne morale mère dans des conditions restreintes et clairement définies. Ce changement vise particulièrement l'acquisition de sociétés étrangères ou la fusion avec l'une de ces sociétés. Ces modifications permettront aux sociétés canadiennes constituées en vertu d'une loi fédérale de faire la concurrence aux multinationales étrangères tout en se développant sur le plan international.

Pour que les administrateurs puissent prendre des risques raisonnables en prenant des décisions, le projet de loi S-11 leur permettra de se défendre en disant qu'ils ont fait diligence raisonnable plutôt que s'appuyer de bonne foi sur des documents, et permettra aux sociétés de défrayer les coûts des enquêtes associées à la défense.

Pour clarifier les responsabilités des dirigeants et des administrateurs des sociétés, le projet de loi S-11 remplace le régime de responsabilité solidaire par un régime de responsabilité proportionnelle modifiée. En vertu de cette modification, tous les défendeurs jugés responsables d'une perte financière résultant d'une erreur, d'une omission ou d'une inexactitude dans l'information financière seront tenus responsables uniquement de la proportion des dommages qui correspond à leur degré de responsabilité. Cependant, la responsabilité solidaire continuera de s'appliquer dans les cas de fraude et à l'égard de catégories désignées de demandeurs comme l'État, les organismes de bienfaisance, les créanciers non garantis et les petits investisseurs.

Le projet de loi S-11 précise également que lorsque les pouvoirs des administrateurs sont transférés aux actionnaires en vertu d'une convention unanime d'actionnaires, la responsabilité et les moyens de défense associés sont également transférés aux actionnaires. Les nouveaux actionnaires qui ne savaient pas qu'une convention unanime d'actionnaires était en vigueur au moment de leur acquisition seront autorisés à annuler la transaction.

Le projet de loi S-11 vise à mettre fin aux procédures administratives et juridiques coûteuses et voraces de temps qui sont imposées aux sociétés constituées sous le régime de la loi fédérale en limitant les conflits entre les lois et les règlements fédéraux et provinciaux. Des modifications moderniseront également le libellé de la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour la mettre à jour par rapport aux progrès technologiques et autres.

Pour ce qui est des transactions d'initiés, le projet de loi S-11 annulera la répétition inutile au niveau fédéral des exigences provinciales relatives à la déclaration d'initié, imposera la responsabilité civile aux personnes qui divulguent de l'information connue des initiés, même si ces personnes n'ont pas participé à la transaction, et portera à un million de dollars l'amende maximale actuelle de 5 000 $.

 

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Le projet de loi prévoit l'abrogation des dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions au sujet des offres d'achat visant à la mainmise et il permettrait que priment les codes relatifs aux règlements sur les offres d'achat, aux termes des lois provinciales sur les valeurs mobilières.

Les dispositions limitant l'aide financière aux administrateurs, dirigeants, employés et actionnaires seraint éliminées parce qu'il s'est avéré difficile de les appliquer. Étant donné que les administrateurs qui approuvent les transactions d'aide financière sont déjà tenus par la loi d'agir dans l'intérêt supérieur de la société, ils peuvent être poursuivis s'ils ne le font pas. Cette garantie suffit.

Le projet de loi S-11 permettrait aux petits actionnaires de participer davantage aux décisions de la société. Il le ferait en assouplissant les règles sur les communications entre actionnaires et en permettant la sollicitation de procurations par diffusion publique ou annonce dans les journaux au lieu d'envois postaux directs. Les modifications encourageraient les sociétés à employer les nouvelles technologies comme le courrier électronique pour communiquer avec les actionnaires et tenir les assemblées d'actionnaires.

Le projet de loi tend également à libéraliser les mécanismes par lesquels les actionnaires individuels peuvent présenter des propositions, et il traite de l'actionnariat minimal et de la durée minimale de propriété exigés pour présenter une proposition. Le projet de loi vise également à limiter la capacité de la direction de bloquer des propositions ou d'en rejeter l'étude.

Le projet de loi reflète l'évolution survenue depuis 1975: marché mondialisé, révolution électronique, accroissement des droits des actionnaires, nécessité de réduire les chevauchements entre les règlements fédéraux et provinciaux.

L'Alliance canadienne appuie donc le principe du projet de loi. Nous consulterons toutefois les intéressés pour nous assurer que les modifications qui y sont proposées sont vraiment bénéfiques pour l'entreprise canadienne.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de faire preuve de tolérance et de me permettre de partager mon temps de parole avec mon collègue. Le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois est une bonne mesure législative. C'est un projet de loi que nous appuyons.

Comme mon ami et collègue vient de le souligner, la Loi canadienne sur les sociétés par action n'avait pas été modifiée depuis 1975. Après consultation, le gouvernement a mis au point un plan destiné à la modifier et figurant dans le présent projet de loi. La Loi canadienne sur les sociétés est la principale loi fédérale applicable aux sociétés au Canada, qu'il s'agisse de petites, de moyennes ou de grandes entreprises. De fait, elle s'applique à plus de 150 000 entreprises.

Toutefois, je me demande pourquoi le gouvernement ne s'est pas montré plus innovateur et dynamique dans ses démarches visant à améliorer le climat des affaires au pays. Dans les dix derniers jours, nous avons appris que la productivité canadienne diminue depuis des années. Cette réalité affecte chaque personne au pays. Notre pays et ses habitants dépendent d'un contexte dans lequel les entreprises peuvent prospérer dans un souci d'améliorer la santé et le bien-être de tous les Canadiens, afin que nous puissions avoir un emploi.

Nous avons du retard dans le contexte de l'économie mondialisée. Nous prenons de plus en plus de recul. Pourquoi acceptons-nous que des pays comme la Nouvelle-Zélande, le Singapour, les États-Unis, le Royaume Uni et l'Irlande aient connu la croissance et la prospérité en plus d'être plus productifs que le Canada? Le Canada est un pays qui a d'énormes ressources, ainsi qu'une main-d'oeuvre efficace, compétente et intelligente, une population disposée à consacrer son énergie au pays. De plus, relativement parlant, nous avons une grande richesse en surface et sous terre. Pourtant, en dépit de ces ressources naturelles, nous prenons de plus en plus de recul.

Pourquoi acceptons-nous que notre dollar chute de 70 cents à 65 cents aujourd'hui? Je crois que sa valeur était de 73 cents lorsque le gouvernement a pris le pouvoir en 1993. On ne peut voir où cela va s'arrêter, les analystes estimant que notre dollar poursuivra son recul. Certains font remarquer avec désinvolture que c'est bien car cette situation renforce notre aptitude à vendre des produits à l'étranger.

 

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C'est vrai, mais qu'est-ce que cela donne aux entreprises qui ont besoin pour fonctionner d'importer des produits? Comment peuvent-elles bien fonctionner et fabriquer leurs produits? Qu'est-ce que cela apporte aux Canadiens qui voyagent à l'étranger? Cela les gêne considérablement et réduit leur productivité et leur compétitivité.

Il faut créer au Canada une économie souple et dynamique. Le gouvernement se doit d'aider les entreprises canadiennes à atteindre leurs objectifs. Il lui faut créer un climat favorisant l'ingéniosité, où les entreprises canadiennes pourront prospérer et rivaliser avec succès avec les compagnies du monde entier, voire les supplanter.

Nous devons pouvoir compter sur une politique budgétaire et monétaire solide. Pourquoi n'avons-nous pas une stratégie de réduction de la dette? Pourquoi devons-nous accepter que notre dette s'élève à 560 milliards de dollars? Ceux qui suivent le débat seraient peut-être intéressés d'apprendre que nous sommes aux prises avec une dette qui dépasse 1 billion de dollars, quand nous tenons compte de la dette accumulée par les provinces et les sociétés d'État. C'est donc 1 billion de dollars que notre nation doit à ses créanciers.

Pourquoi le gouvernement se refuse-t-il d'uniformiser le régime fiscal? Notre régime fiscal est si complexe et onéreux que la plupart des contribuables ne produisent pas eux-mêmes leur déclaration de revenu. Ils s'adressent à un professionnel. Alors, pourquoi ne pas simplifier le régime fiscal?

Mes collègues de l'Alliance n'ont cessé au fil des ans de proposer des solutions pour uniformiser le régime fiscal, pour le simplifier et pour réduire les impôts afin que les contribuables et les entreprises du Canada aient plus d'argent à leur disposition. Pourquoi le gouvernement n'y met-il pas autant de zèle que dans le projet de loi S-11? Pourquoi ne modifie-t-il pas la structure de l'impôt pour améliorer notre économie? Pourquoi le gouvernement ne ramène-t-il pas la TPS à 5 p. 100? Pourquoi ne pas la rendre globale pour qu'on en fasse rapport une seule fois par année? Pourquoi avons-nous un système où les entreprises privées doivent embaucher des gens pour s'occuper de la TPS? Il en coûte plus cher aux entreprises pour fonctionner comme il convient.

Pourquoi ne réduit-il pas les charges sociales, qui s'ajoutent aux coûts imposés aux entreprises et aux consommateurs? Pourquoi ne réduit-il pas les impôts sur le revenu des particuliers? Que se passe-t-il lorsque les impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises sont réduits? L'économie s'améliore, le chômage diminue et, chose intéressante, plus d'argent entre dans les coffres du gouvernement.

J'attire l'attention de la Chambre sur l'histoire de deux provinces, la Colombie-Britannique et l'Ontario. Dans ma province, le NPD est au pouvoir depuis environ huit ans. Heureusement, ce ne sera pas pour bien longtemps. Avec les élections imminentes, le 16 mai, un nouveau gouvernement sera élu dans ma province, et je suis sûr qu'il fera un meilleur travail que le NPD.

Examinons les statistiques objectives d'une province qui a connu des impôts élevés, des règlements écrasants et un milieu économique qui a fait comprendre aux entreprises privées qu'elles devaient s'installer ailleurs parce qu'elles n'étaient pas les bienvenues dans la province. Lors de l'élection du NPD dans ma province, le PIB réel par habitant était de 367 $ supérieur à la moyenne nationale. Après huit ans de gouvernement néo-démocrate, d'impôts élevés, de règlements complexes et de règles syndicales écrasantes, la décennie s'est terminée avec un PIB réel par habitant de 3 471 $ de moins, tandis que l'Ontario et l'Alberta, notamment, ont connu une croissance fulgurante de leur PIB réel par habitant, soit 16,7 p. 100 et 26 p. 100 respectivement. Quant au revenu disponible, qui touche vraiment le consommateur, lorsque le NPD est arrivé au pouvoir, le revenu disponible réel par habitant était de 743 $ supérieur à la moyenne nationale. Il est aujourd'hui de 768 $ inférieur à la moyenne nationale.

 

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Il a plongé de presque 1 500 $ pendant que les Canadiens étaient aux prises avec des impôts élevés, des règles et des règlements complexes et un environnement oppressif dans le secteur privé. Voilà ce qui est arrivé à l'argent que les habitants de ma province avaient dans leurs poches.

En Ontario, le gouvernement conservateur a hérité du régime de Bob Rae en plus du gâchis des impôts élevés, des règles et des règlements complexes et d'un environnement oppressif dans le secteur privé. Depuis, comme les impôts ont baissé, les règles et les règlements ont disparu et 822 000 emplois ont été créés, les recettes fiscales ont grimpé de 15 milliards de dollars et l'économie de l'Ontario devrait connaître une croissance de 2,3 p. 100 cette année et de 3,6 p. 100 l'an prochain.

Chose curieuse, la gauche au Canada essaie de s'en prendre au supposé impitoyable parti conservateur de l'Ontario, mais il reste que 622 000 membres des groupes socio-économiques démunis ne payent pas d'impôt actuellement. En Colombie-Britannique, le même nombre d'habitants trouvent la vie plus difficile. Ils ont moins de chances de se trouver du travail et plus de risques de devoir recourir à l'aide sociale. Ils ont moins d'argent disponible et moins de possibilités. Est-ce juste? Est-ce un bon environnement?

Tous les députés, y compris ceux du NPD, doivent se rendre compte que des impôts élevés et des règles et des règlements complexes étouffent le secteur privé. Cela fait du tort à ceux qui reçoivent l'aide sociale, mais qui veulent travailler. Cela fait du tort aux travailleurs sous-employés ainsi qu'à ceux qui ont les talents et les compétences et qui voudraient les utiliser pour aider leurs familles et contribuer à la société. Ce sont ces gens qui sont lésés par la gauche, par les politiques socio-économiques qui minent la province de la Colombie-Britannique et qui minaient l'Ontario avant l'arrivée des conservateurs au pouvoir.

Même si l'éducation est une responsabilité provinciale, pourquoi le gouvernement fédéral ne travaille-t-il pas de concert avec les provinces pour élaborer des normes nationales? Puisque les gens sont forcés de déménager, et parfois assez rapidement, pourquoi leurs enfants n'ont-ils pas droit à la même structure d'enseignement dans toutes les provinces? Si on établissait des normes nationales, les enfants de tous ceux qui se déplacent ainsi d'une province à l'autre profiteraient des mêmes possibilités sur le plan scolaire.

Nous devons aussi élargir et améliorer les possibilités d'éducation. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, des partenariats entre le public et le privé? L'Allemagne a pris l'initiative d'instaurer des partenariats fort innovateurs entre le privé et le public. Les jeunes profitent de programmes d'apprentissage à l'école secondaire. Ils peuvent donc acquérir, au niveau secondaire et à l'université, une expérience et des compétences qui leur seront profitables et leur permettront d'obtenir des emplois très rémunérateurs. Voilà une idée innovatrice. J'exhorte le gouvernement fédéral à rencontrer les gouvernements provinciaux pour qu'ils s'efforcent ensemble d'atteindre cet objectif. Une telle rencontre pourrait être très utile, créatrice et profitable pour tous les Canadiens.

Le gouvernement doit aussi se pencher sur la question des prêts. À l'heure actuelle, l'accès à une instruction postsecondaire devient peu à peu l'apanage des riches. Je ne pourrais pas fréquenter une école de médecine de nos jours. Selon les statistiques, pour les jeunes qui fréquentent l'université Western Ontario, le revenu moyen des familles a grimpé radicalement et se chiffre maintenant à 80 000 $. Bien peu de familles canadiennes ont un revenu annuel de 80 000 $. Les enfants des familles ayant un revenu inférieur à cela ont beaucoup moins de chance de pouvoir fréquenter les facultés qui préparent à des professions libérales. Les Canadiens ne veulent pas d'une telle situation. Ils veulent l'égalité des chances fondée sur les compétences et non sur les ressources financières.

 

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Nous pourrions aussi chercher des moyens de réduire les tracasseries administratives qui étouffent le secteur privé. Les échanges commerciaux sont plus faciles entre Athènes et Londres qu'entre Halifax et Victoria. Pensez-y! C'est absolument absurde! Pourquoi est-il plus facile de faire du commerce entre deux villes d'Europe très éloignées l'une de l'autre qu'à l'intérieur de notre pays?

Le gouvernement a déjà essayé, mais en vain—je ne sais pas pourquoi il n'a pas réussi—de supprimer les barrières commerciales. Il n'a fait que s'attaquer à la surface du problème. Les barrières commerciales constituent un problème bien réel dans notre pays. Il est très difficile de distribuer dans le reste du Canada les excellents vins que produit la Colombie-Britannique, ma province.

Pourquoi est-ce si difficile? Pourquoi tellement de barrières empêchent-elles les producteurs et les entrepreneurs de faire du commerce à l'intérieur du Canada? On semble certes tenir au libre-échange. Pourquoi le gouvernement n'est-il pas aussi résolu à supprimer les barrières au commerce intérieur? Le gouvernement devrait y voir au cours du présent mandat. Je sais qu'il bénéficierait alors d'un appui important et de propositions constructives.

Mes collègues ont soulevé la question des transports et signalé que nos routes tombent en ruines. Comme nous bénéficions d'un excédent à l'heure actuelle, ce serait une bonne chose que le gouvernement investisse sagement dans ces structures puisque le secteur privé ne peut pas le faire. Il serait bon d'améliorer le réseau de transport canadien; ce serait un investissement judicieux qui favoriserait le commerce à l'intérieur de nos frontières.

De bonnes politiques environnementales sont également nécessaires. Nous n'en avons pas. Il ne manque pas de bonnes politiques environnementales, mais elles ne sont pas suivies par le gouvernement. Le commissaire à l'environnement présente sans cesse d'excellentes solutions constructives et propose au gouvernement des orientations pour améliorer notre environnement. Il y a de nombreux scientifiques excellents et des gens avec de très bonnes idées sur la façon de pouvoir améliorer le comportement environnemental de nos entreprises. J'encourage le gouvernement à utiliser certaines de ces idées.

De plus, le gouvernement doit voir comment nos entreprises fonctionnent à l'étranger. J'encourage tous les intéressés à voir comment la Société pour l'expansion des exportations, utilisant pour ce faire les deniers publics, finance des entreprises qui saccagent d'autres pays en se livrant à l'exploitation minière. Celles-ci déchargent des résidus et empoisonnent les cours d'eau ou détruisent systématiquement des forêts de bois dur dans des endroits comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Bornéo et l'Amérique centrale.

Pourquoi tolérons-nous la destruction environnementale à l'étranger alors que nous ne la tolérerons aucunement au Canada? Ce qui est pire, c'est que nous utilisons l'argent des contribuables canadiens pour financer les entreprises qui se livrent à ces activités. Je pense que les Canadiens vont être consternés. Je suis allé dans l'île de Bornéo et j'ai vu des jungles vierges détruites pour faire place à des plantations de palmiers à huile. J'ai conduit pendant des dizaines et dizaines de kilomètres dans ce qui était auparavant une jungle pour rejoindre la jonction entre la jungle et les plantations de palmiers à huile.

Nous avons récemment découvert que beaucoup de grands primates comme les orangs-outans sont décimés à la suite de cette destruction et que des entreprises canadiennes appuyées par le gouvernement financent tout cela. C'est tout à fait consternant.

J'invite le gouvernement à examiner le vieillissement de la population canadienne avec autant de zèle que le projet de loi S-11, ce qui s'avérerait très utile. La population vieillit. Ainsi, le nombre relatif de travailleurs comparativement à ceux qui prennent leur retraite va entraîner un grave déséquilibre. Personne ne se penche là-dessus. Et pourtant, cela va avoir des répercussions sur notre main-d'oeuvre, notre structure fiscale, les revenus du gouvernement, nos programmes sociaux et notre système de santé.

Nous savons que nous avons un régime de pension. La population serait intéressée de savoir que notre régime de pension, le Régime de pensions du Canada, n'est pas viable. Lorsqu'il a été mis en place, ses architectes savaient très bien que des décennies plus tard, il s'effondrerait sous son propre poids et que les gens qui travaillent ne seraient pas suffisamment nombreux pour financer toutes les demandes de prestations.

 

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Pourquoi le gouvernement n'envisage-t-il pas des mesures novatrices, par exemple, faire passer l'âge minimal de la retraite à 70 ans. Cela permettrait aux gens d'avoir un accès progressif au RPC et les encouragerait à faire partie de la population active, à gagner de l'argent, à payer des impôts, à être productifs et à exercer moins de pressions sur le RPC qui, autrement, s'effondrera.

Le gouvernement a dû hausser assez considérablement les cotisations au RPC, augmentant ainsi les charges sociales. On constate le déséquilibre qui se produit en l'occurrence. Parce que notre population est vieillissante et que le RPC est impossible à maintenir, le gouvernement a dû hausser les charges sociales, ce qui a entraîné une baisse de la productivité, causé des pertes d'emploi et réduit les recettes publiques.

Si le gouvernement examinait ce qui s'est produit en Ontario, province où les impôts ont été réduits, il constaterait que les recettes publiques ont augmenté de 15 milliards de dollars. Partout où l'on a réduit les impôts, que ce soit en Nouvelle-Zélande, à Singapour ou en Europe, les économies ont prospéré et il y a eu plus, et non pas moins, d'argent versé dans les coffres de l'État. Ce n'est pas une vérité absolue, c'est un fait.

Il y a un lien entre l'immigration et la population active. Notre main d'oeuvre vit une crise et la situation va s'aggraver. Nous devons faire un examen critique de notre politique d'immigration. Nous devons encourager les immigrants indépendants à venir dans notre pays en plus grand nombre et examiner les personnes inscrites sur la liste et les compétences dont nous avons besoin.

C'est actuellement la Semaine des soins infirmiers au Canada. Nous vivons une crise dans ce secteur. Au cours des dix prochaines années, il manquera 112 000 infirmiers et infirmières, cela alors que notre population vieillit et que les demandes qui pèsent sur notre régime de soins de santé augmentent. Les spécialistes des soins infirmiers ne sont pas au nombre des professionnels recherchés. Il est inimaginable qu'ils ne le soient pas. Nous avons besoin d'infirmières, et ce n'est là qu'une des nombreuses professions où il y a une pénurie qui ne figurent pas sur la liste des professions requises. J'invite vivement la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à examiner la liste et à la mettre à jour pour qu'elle soit plus conforme aux besoins actuels de l'économie et de l'industrie.

Je voudrais parler de la question d'une loi sur le droit au travail. Cette question soulève de vives controverses à la Chambre, mais cela ne devrait pas être le cas. Nous devons examiner quel effet une loi sur le droit au travail aurait et quelle est l'expérience internationale à cet égard. Une loi sur le droit au travail donne aux travailleurs, à titre individuel, le droit d'appartenir ou non à un syndicat. J'invite fortement le gouvernement à travailler de concert avec les provinces pour mettre au point une loi sur le droit au travail. Une telle loi aidera les travailleurs et rendra plus flexible la législation ouvrière. Elle libérerait en quelque sorte le secteur privé.

Ce qui s'est produit dans les pays ayant adopté une telle loi est extraordinaire. Aux États-Unis, dans les États ayant adopté de telles lois, le revenu par habitant a fortement augmenté, soit de 3 000 $ par travailleur. Le chômage a diminué de 50 p. 100. La productivité a augmenté. Dans les États ayant adopté une loi semblable, le taux de productivité est de 157 p. 100, alors que, où il n'y a pas de loi sur le droit au travail, le taux de productivité ne dépasse pas 0 p. 100.

Ces données extraordinaires témoignent de la nécessité d'une telle loi dans notre pays. Si nous nous dotons d'une telle loi, les travailleurs auraient une bien meilleure chance de trouver un emploi et verraient leur revenu disponible augmenter. Les provinces verraient leurs recettes croître. Ce serait un environnement bien plus sain.

J'invite le gouvernement à ne pas rejeter cela du revers de la main et à bien examiner les faits. Il devrait, par exemple, examiner la situation dans des pays qui ont adopté des lois semblables, comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Les faits attestent qu'une loi sur le droit au travail améliore la santé et le bien-être des travailleurs.

 

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L'absence d'une loi sur le droit au travail est préjudiciable aux personnes les plus vulnérables de notre société. Elle diminue leurs chances de trouver du travail, amincit leur portefeuille et amenuise leurs conditions de travail. J'encourage le gouvernement à travailler avec les provinces dans ce domaine.

En terminant, j'encourage également le gouvernement à étudier la possibilité de créer des zones libres d'impôt, comme celles qui ont fonctionné à Subick Bay, dans les Philippines, à Raleigh, en Caroline du Sud, et dans certaines régions d'Irlande. Si nous avions au Canada des centres aéroportuaires comprenant des zones libres d'impôt, ils constitueraient une attraction de taille pour les investisseurs, réduiraient le taux de chômage et favoriseraient l'innovation et la recherche et le développement.

Comme mes collègues, j'ai proposé au gouvernement de nombreuses solutions innovatrices. Nous appuyons le projet de loi S-11, mais j'encourage le gouvernement à examiner d'autres dossiers plus complexes auxquels il peut s'attaquer, et qui doivent être abordés dès aujourd'hui si notre pays veut être un acteur alerte et agressif sur la scène mondiale.

L'incapacité du gouvernement à régler des dossiers comme celui de l'impôt, de l'éducation, du commerce, des barrières commerciales, des règles et règlements et autres, nous vaudra un pays usant de mesures déloyales. Nous n'avons pas besoin de cela. Nous pouvons faire mieux et je supplie le gouvernement de suivre notre conseil.

[Français]

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ): Monsieur le Président, je vais situer mon discours dans un contexte de mondialisation pour ensuite parler des données que l'on retrouve dans ce projet de loi, particulièrement un élément qui m'intéresse énormément, l'article 137 de ce projet de loi.

De plus en plus, les parlementaires et la société en général parlent des impacts sociaux de la mondialisation. Je dois dire que je m'en réjouis puisque cela fait plusieurs années que je souhaite que nous ayons davantage de réflexion et de pistes de solutions afin d'humaniser la mondialisation.

Une des conséquences de ce phénomène d'accroissement des interactions entre les États, c'est bien entendu que le commerce augmente. S'il augmente, cela a pour conséquence d'accroître la concurrence entre les entreprises. Il faut se le rappeler, ces entreprises sont à la recherche de profits.

Il est pertinent de se rappeler quelles sont les conséquences d'un accroissement de la compétition entre les entreprises. Auparavant, une entreprise était davantage en concurrence avec les marchands locaux ou avec une entreprise du pays. Aujourd'hui, la concurrence peut être avec un autre pays dans le monde. Bien souvent, nous nous retrouvons dans une situation où la concurrence se fait entre les meilleures entreprises dans le monde. Cela n'est donc pas sans effet.

On voit dans les médias, dans les journaux, à quel point le comportement des entreprises est irrationnel. Je dirais même qu'il déborde, qu'il dérape. Face à ce contexte d'accroissement de la concurrence, les entreprises doivent agir de façon, je ne voudrais pas utiliser le mot «sauvage», mais c'est celui-là qui me vient à l'esprit, et c'est compréhensible.

Si on regarde les atouts de la concurrence, il faut d'abord avoir les cerveaux. Dans certains secteurs, notamment dans la nouvelle économie, comme on se plaît à l'appeler, on doit avoir les meilleurs cerveaux. Une entreprise comme Nortel ou Microsoft aura un avantage concurrentiel certain si elle attire les meilleurs cerveaux.

D'autres entreprises qui oeuvrent dans d'autres secteurs, pour atteindre leurs profits, auront comme comportement de baisser les coûts de production. Il est intéressant de réfléchir à ce qui influence le coût de production.

Il y a tout d'abord la main-d'oeuvre. Si une entreprise a plus d'employés que son concurrent, on s'aperçoit que la tendance aujourd'hui est à la rationalisation. On congédie donc les employés en trop, on rationalise pour faire en sorte que l'entreprise soit plus concurrentielle. Cela a des conséquences énormes sur les travailleurs qui se retrouvent au chômage.

 

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L'autre pression que cette concurrence pourra engendrer, c'est que les compagnies auront tendance à exercer une certaine pression pour que les salaires n'augmentent pas ou augmentent le moins possible, voire qu'ils diminuent.

Une des solutions pour une compagnie installée ici, en Amérique du Nord, sera d'aller s'installer en Amérique du Sud ou dans des pays où la main-d'oeuvre n'est pas chère, comme on dit. Alors qu'ici, le salaire minimum est aux environs de 7 $, dans certains pays, 7 $, c'est le salaire hebdomadaire ou le salaire journalier.

On s'aperçoit donc qu'une des tendances des entreprises placées dans cette situation de concurrence est de diminuer les coûts de production et, donc, de diminuer les coûts de main-d'oeuvre. Cela n'est pas sans conséquence dans la société.

L'autre élément auquel je fais référence concerne l'environnement et les ressources naturelles. Certaines entreprises, pour augmenter leurs profits, auront peut-être recours à une surexploitation des ressources naturelles ou auront peut-être tendance à ne pas respecter les règles environnementales. Si elles ne peuvent pas les respecter, elles auront peut-être aussi tendance à déménager un pan de leur production dans des pays où les règles environnementales sont moins sévères.

Je donne souvent l'exemple d'un fromager, dans mon comté, qui m'expliquait dernièrement qu'il avait dû investir plusieurs centaines de milliers de dollars pour ne plus rejeter les résidus de sa production dans la rivière, derrière l'usine. Protéger l'environnement, cela engendre des coûts. Cependant, je pense que c'est un coût fort raisonnable, en ce sens qu'il faut atteindre l'objectif du respect de l'environnement.

Un autre élément des atouts à la concurrence est que pour baisser leurs coûts de production, certaines compagnies tenteront de payer le moins d'impôt possible, d'où la pression exercée sur les gouvernements occidentaux et maintenant sur les gouvernements mondiaux. Elles feront des pressions auprès des gouvernements pour payer le moins d'impôt possible, encore une fois, pour diminuer les coûts de production.

Cela n'est pas sans conséquence. Je pense qu'un des effets majeurs de la concurrence engendrée par la mondialisation est la compétitivité fiscale. C'est-à-dire que pour attirer des investisseurs, vous devez diminuer vos impôts pour que l'entreprise voit un avantage à venir s'installer chez vous et si elle ne paie pas beaucoup d'impôt, son coût de production sera diminué et elle sera plus compétitive.

Encore une fois, cela n'est pas sans conséquence, puisque les gouvernements seront alors privés d'énormes sommes d'argent. Je donne souvent l'exemple suivant: il y a 50 ans, 50 p. 100 des recettes fiscales du gouvernement fédéral provenaient des grandes corporations; aujourd'hui, ce n'est plus que 13 p. 100. Qu'on ne se demande pas pourquoi le citoyen est égorgé jusque-là par les taxes. C'est parce que le fardeau fiscal est passé des grandes entreprises vers le citoyen. C'est donc une autre conséquence.

Il y a aussi une autre conséquence qu'on voit dernièrement, ce sont les fusions d'entreprises. Si vous ne pouvez pas battre votre compétiteur, avalez-le, achetez-le ou faites-vous acheter. Mais nous assistons, actuellement, à un phénomène sans précédent de concentration du pouvoir économique de la part des entreprises qui fusionnent, et c'est là où mon inquiétude se trouve. Je me demande où cela va s'arrêter.

Est-ce que c'est comme au Monopoly où, au début, tout le monde commence avec la même somme d'argent et on achète l'un, on achète l'autre, et finalement le jeu s'arrête lorsque quelqu'un a le «monopoly», le monopole, en fait? Je ne dis pas que cela ira jusque-là, mais actuellement, j'ai certaines inquiétudes à voir des entreprises devenir plus grosses que des pays, à voir des entreprises qui ont des chiffres d'affaires plus gros que le PIB de certains pays.

La raison pour laquelle j'explique ces éléments, ces conséquences de la mondialisation de l'économie—sans être contre, bien entendu, je ne suis pas contre la mondialisation, sauf que j'ai certaines inquiétudes, et je les émets actuellement—c'est que dans ce projet de loi, il se trouve possiblement un instrument qui permettrait d'humaniser le comportement des entreprises.

Dans les défis auxquels nous faisons face, il y a un objectif que nous devons atteindre, soit démocratiser la mondialisation. Je le divise en deux niveaux: il faut absolument travailler à démocratiser les processus décisionnels du processus de mondialisation, c'est-à-dire les instances internationales, la place des parlementaires dans les accords internationaux et dans les accords environnementaux. Bref, il y a là un grand défi. Mais ce n'est pas là l'objet du débat aujourd'hui.

 

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Un autre élément que je vois est celui de la démocratisation du capital. Actuellement, il y a un changement majeur dans notre économie eu égard aux grandes entreprises. Je donne l'exemple des papetières.

Auparavant, les entreprises étaient bien souvent la propriété de grands financiers, de propriétaires riches qui avaient plusieurs usines et qui, bon an mal an, s'organisaient pour maintenir leurs usines fonctionnelles et rentables et ainsi créer de l'emploi et maintenir ces emplois.

Aujourd'hui, nous nous apercevons que les propriétaires d'entreprises ont changé. Ce ne sont plus de grands propriétaires financiers, mais ce sont plutôt nous qui sommes les propriétaires de ces multinationales, de ces grandes entreprises. Comment? Au moyen de nos caisses de retraite et de nos fonds communs de placement.

Je souhaite à tout le monde de prendre un jour une retraite décente, où chacun pourra avoir un montant d'argent suffisant pour vivre. Aujourd'hui, ces retraites sont financées par des fonds de placement. Chacun investit, et nous faisons partie de ceux qui investissent. Les travailleurs de l'État et les travailleurs d'usines voient une partie de leur salaire différée et envoyée dans une caisse de retraite. Ce qui est important dans tout cela, c'est ce qu'on fait de l'argent à partir de ces caisses de retraite? On le donne à un gestionnaire de portefeuille et on lui donne le mandat d'investir l'argent dans des entreprises de chez nous et également dans le monde. Cela va donner du rendement pour faire grossir les caisses de retraite pour pouvoir ainsi, comme je le disais, nous offrir une retraite paisible à la fin de notre carrière.

Cet objectif est fort louable, mais ce qu'il faut voir, c'est que parfois les gestionnaires de caisses de retraite vont investir dans les entreprises les plus compétitives au monde. Pourquoi ces entreprises sont-elles les plus compétitives au monde? Parce qu'elles répondent aux caractéristiques de la compétition, celles dont je parlais tout à l'heure.

Il se trouve que peut-être des gens qui sont ici ou qui nous écoutent, et nous-mêmes qui accumulons un fonds de pension, verront possiblement leur argent investi dans des entreprises qui ne correspondent pas à leurs valeurs, des entreprises qui ne respectent peut-être pas l'environnement ou les droits sociaux. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'une prise de conscience de la part des propriétaires de caisses de retraite que nous sommes, pour pouvoir dire: «Non, ce n'est pas de cette façon que nous voulons que cet argent soit investi puisque cela ne correspond pas à nos valeurs.»

Si nous nous aveuglons à avoir comme seul objectif le rendement financier—Dieu sait qu'actuellement pour de nombreuses personnes, la première chose qu'elles font quand elles ouvrent le journal c'est de regarder le rendement de leurs actions ou de leurs fonds communs de placement, et nous pouvons bien entendu souhaiter des rendements de 15, 20, 30 et même 40 p. 100—, il faut voir pourquoi ces entreprises arrivent à avoir autant de rendement.

Je ne dis pas toujours, mais parfois, ces rendements peuvent être produits grâce à des entreprises très performantes parce qu'elles font affaire avec les «workshops», des «sweatshops» dans des pays en développement, où des enfants sont payés un dollar par jour. Ces rendements peuvent également être produits grâce à des entreprises qui ne respectent pas l'environnement.

Il est donc absolument nécessaire qu'une prise de conscience, ce que j'appelle la démocratisation du capital, puisse émerger pour faire en sorte que nous décidions où va aller notre argent, quitte à ce que le rendement soit moins bon. Si à un moment donné on presse trop le citron de la compétitivité, on va se retrouver avec des employés d'usines à côté de chez nous qui vont être mis à la porte. Il va y avoir des conséquences économiques et sociales au niveau local, chez nous, parce que notre fonds de pension exige un rendement supérieur au rendement que l'entreprise à côté de chez nous est capable de donner. Ce n'est pas sans conséquence.

Face à cette démocratisation du capital dont nous avons besoin, il existe un outil pertinent qui s'appelle l'activisme actionnarial. Comme je le disais, étant donné que plusieurs d'entre nous sont propriétaires de caisses de retraite et que ces caisses de retraite investissent dans des entreprises, il se trouve que ce nous sommes les propriétaires de ces entreprises.

 

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Nous avons donc une voix, nous avons notre mot à dire sur la direction et les décisions que prennent les entreprises. On peut bien entendu souhaiter qu'elles aient comme seul objectif le rendement. Mais si je m'aperçois que mon argent est investi dans une entreprise qui ne correspond pas à mes valeurs, je dois avoir des mécanismes pour aller à l'assemblée annuelle des actionnaires. Les actionnaires doivent pouvoir présenter des propositions afin de corriger l'orientation de l'entreprise en lui disant: «Nous pensons que vous allez dans la mauvaise direction. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui nous vous soumettons une proposition à caractère social ou environnemental.»

J'en viens au sujet de ce projet de loi. Avant ce projet de loi, il était écrit dans le paragraphe 135(5) de la Loi sur les sociétés canadiennes par actions, qu'une société n'était pas tenue de se conformer à une proposition des actionnaires, et je cite:

      [...] s'il apparaît nettement que la proposition a pour objet principal [...] de servir des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue;

C'est donc environnemental, mais le conseil d'administration de l'entreprise a le droit de rejeter cette proposition.

Comme actionnaire, par le biais de ma caisse de retraite, du Fonds commun de placement, je dois pouvoir le faire. Si un syndicat, par exemple, décide d'aller à l'assemblée annuelle des actionnaires pour dire que l'entreprise dans laquelle il a investi surexploite des coupes forestières, ne respecte pas l'environnement et ne respecte pas les droits sociaux, il est du droit de ce syndicat ou de tout autre actionnaire de présenter une proposition à l'assemblée annuelle des actionnaires, demandant au conseil d'administration de changer les habitudes de cette compagnie.

Prenons le cas d'une entreprise dont nous avons entendu parler dernièrement, soit Talisman, qui investit au Soudan. Plusieurs prétendent que le fait que Talisman soit au Soudan encourage les problèmes de guerre civile. Si les actionnaires de Talisman vont à l'assemblée des actionnaires proposer que la compagnie se retire du Soudan, puisque cela profite à la gouvernance militaire, il y a là un instrument important.

Dans la loi actuelle, le conseil d'administration a le droit de rejeter cette proposition à caractère social. Dans la nouvelle loi, dans le projet de loi S-11, c'est retiré. Cela ouvre la porte à l'activisme de l'actionnariat, à faire en sorte que les actionnaires que nous sommes puissent prendre leurs responsabilités et corriger le comportement exagéré de certaines entreprises.

Je vois là une forme d'espoir pour humaniser la mondialisation, pour humaniser le comportement de certaines entreprises. Mais cela devra se faire à l'unique condition qu'une prise de conscience émerge. Il faut une prise de conscience de la part des travailleurs, qui sont propriétaires de caisses de retraite et investissent dans certaines entreprises qui dérapent parfois par leur comportement économique. Si cette prise de conscience n'a pas lieu, le changement qu'apporte ce projet de loi ne servira à rien.

C'est pourquoi il faut absolument que les travailleurs puissent prendre conscience du choix de l'investissement qu'ils font. Un peu comme le commerce équitable. Un exemple flagrant de cela, c'est le café Équitable. Ce café a été mis sur le marché parce que plusieurs personnes trouvaient qu'il était absolument incorrect d'encourager des compagnies de café qui exploitent les fermiers dans le Sud.

Un réseau de distribution de café Équitable a été mis en place. Il fait en sorte que les agriculteurs ont leur part et tout le monde dans la chaîne économique y trouve son compte. Bien entendu, le café coûte un peu plus cher, mais au moins le consommateur fait un choix politique en achetant un café qui n'aura pas comme conséquence de surexploiter les producteurs de café.

 

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Pour un consommateur, acheter, c'est un choix politique. Si on achète des espadrilles de la compagnie Nike, par exemple, qui auparavant,—je ne sais pas si c'est encore le cas—faisait en sorte de surexploiter des enfants qui travaillaient à 1 $ par jour, et si on dit: «Non, je ne veux pas acheter ce type d'espadrilles, je vais acheter des espadrilles d'une entreprise qui respecte, par exemple, les règles du travail international», c'est un choix politique qu'on fait.

Je crois qu'il y a moyen d'humaniser cette mondialisation par des choix de consommation. C'est une chose. Mais quand vous êtes un unique consommateur, vous avez un petit poids dans la balance.

Cependant, quand vous êtes un gestionnaire de caisse de retraite, ce n'est pas de 50 $ dont on parle, on parle de milliards de dollars. On parle de milliards de dollars qui seront investis dans des entreprises qui respectent les normes sociales ou qui ne les respectent pas, d'où l'importance d'une prise de conscience de la part des travailleurs et des propriétaires de caisses de retraite.

Bien entendu, ce projet de loi n'est pas parfait. Il n'est pas parfait, puisque si on se réfère aux États-Unis, le Canada est à l'âge de pierre en ce qui a trait à l'activisme actionnarial. Heureusement, cela va dans la bonne voie.

Pourquoi est-ce que je parle des États-Unis? Parce qu'aux États-Unis, cela fait plusieurs années qu'il est beaucoup plus facile de faire des propositions d'actionnaires. Je donne l'exemple des États-Unis où, annuellement, il y a entre 200 et 300 propositions d'actionnaires dans les assemblées annuelles. Ici, cela oscille autour d'une dizaine de propositions.

Grâce à ce projet de loi, il y a une porte qui s'ouvre, bien que ce ne soit pas parfait. Aux États-Unis, les actionnaires, comme je le disais, possèdent un pouvoir plus grand. L'affaire Varity Corp. illustre bien la différence de pouvoir quant aux droits de proposer pour les compagnies incorporées au Canada en vertu du régime fédéral, et celles incorporées aux États-Unis.

L'affaire Varity Corp. traite d'une proposition à caractère social que les Jésuites ont présentée au Canada à l'assemblée annuelle des actionnaires de la compagnie Massey Ferguson en 1987. Les Jésuites souhaitaient que la société Massey Ferguson se retire de l'Afrique du Sud. Les Jésuites ont donc soumis une proposition à la société, mais sous prétexte de son caractère social, la société a pu rejeter la proposition. Les Jésuites se sont adressés aux tribunaux canadiens et ces derniers ont donné raison à la société.

Par contre, les actions de la compagnie Massey Ferguson étaient également transigées à la bourse américaine. La compagnie a dû accepter, suivant une décision de la SEC, la Security Exchange Commission, de faire circuler la proposition de désinvestissement en Afrique du Sud. La possibilité de faire circuler cette proposition à l'assemblée annuelle a donc été rejetée au Canada, tandis qu'elle a été acceptée aux États-Unis. D'ailleurs, plusieurs autres propositions de ce même type ont été acceptées aux États-Unis.

Un exemple récent d'une proposition d'actionnaires au Canada est celle déposée par différents grands investisseurs du Canada, dont la FTQ, avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, auprès des trois plus grands détaillants du Canada, soit les compagnies de la Baie d'Hudson, Sears Canada et Wal-Mart. La proposition demande aux compagnies d'améliorer leurs codes de conduite et leurs méthodes de surveillance de façon à s'assurer que leurs fournisseurs respectent les normes de l'Organisation internationale du travail.

Avec la loi que nous avons actuellement, la compagnie peut rejeter cette proposition. Avec cette nouvelle loi, ce sera plus difficile. J'en viens au point des améliorations que nous devons avoir dans ce projet de loi, ou enfin, des propositions que nous tenterons d'amener en comité, avec mon collègue de Témiscamingue, puisque le projet de loi, comme je l'ai dit, va dans la bonne direction, mais il est peut-être trop vague à plusieurs égards.

En effet, il fait beaucoup trop référence à des règlements. Ce que je veux dire, c'est qu'aux États-Unis, il y a une cour spéciale pour le règlement des litiges, c'est-à-dire que s'il y a un litige entre les actionnaires et la compagnie, il y a une cour qui s'appelle la SEC, la Security Exchange Commission.

 

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La Security Exchange Commission est un mécanisme efficace, alors que dans ce projet de loi, il n'y a aucune proposition de mécanisme de règlement des différends. On dit dans ce projet de loi que le ministre y verra plus tard. Je pense que des suggestions constructives pourront être faites.

Personnellement, je suggère qu'en fait, quand il y a un litige, il doit y avoir un mécanisme de règlement de litige qui soit établi rapidement, c'est-à-dire que la compagnie choisit un arbitre, l'actionnaire choisit un arbitre et un troisième est nommé par le ministre, impartial, bien entendu. C'est un mécanisme peu coûteux, rapide qui permettrait d'établir des règles au niveau des litiges qu'il pourrait y avoir dans de telles situations.

Malheureusement, on dit dans le projet de loi que ce sera défini par règlement. Ce ne sera donc pas inclus dans la loi. C'est le ministre qui pourra, à son gré, décider comment s'établira le mécanisme de règlement des différends.

Mon inquiétude est à l'effet que les actionnaires pourraient être désavantagés par un mécanisme établi par le ministre. Bien entendu, je parle de façon hypothétique, parce que je ne sais pas ce qu'il en sera.

Un autre élément est qu'il n'est pas inscrit dans la loi le nombre d'actions qu'un actionnaire doit détenir pour faire une proposition. Ce sera défini par règlement.

Peut-être qu'on dira que pour faire une proposition à l'assemblée annuelle des actionnaires, il faudra détenir 2 000 $ d'actions, ou 500 $, peu importe le montant. Ce que je souhaite, c'est qu'un montant fixe soit inclus dans la loi. S'il n'est pas inclus dans la loi, il le sera par règlement, et pourra donc être changé au bon vouloir du ministre.

Mon inquiétude serait de voir augmenter le plancher du montant d'argent ou du pourcentage d'actions dont un actionnaire est propriétaire. Ainsi, le pouvoir de proposer des actionnaires ne serait réservé qu'aux riches, à ceux qui détiennent beaucoup d'actions dans la compagnie. C'est une menace que l'on voit actuellement dans ce projet de loi.

Un autre élément est la possibilité pour un actionnaire de revenir l'année suivante si sa proposition est rejetée. Ce que je suggère, c'est que la première année, si la proposition de l'actionnaire est rejetée mais qu'il a obtenu au moins 3 p. 100 du vote des actionnaires, il puisse revenir l'année suivante pour refaire sa proposition. L'année suivante, s'il a obtenu 6 p. 100, il peut revenir la troisième année; la troisième année, s'il a 9 p. 100, il peut revenir, et ainsi de suite. Au moins, il peut faire avancer sa cause au sein de l'entreprise.

On pourrait dire que c'est une forme d'ingérence politique au sein des entreprises. Ce n'est pas de l'ingérence politique, c'est seulement le fait que les actionnaires prennent leurs responsabilités. À mon avis, ce serait une bonne chose pour les entreprises.

Cela peut amener une responsabilisation des entreprises. Cela peut amener un développement durable, comme on l'appelle au Saguenay—Lac-Saint-Jean, c'est-à-dire respectueux des droits sociaux et de l'environnement.

Une entreprise, dont je ne me souviens pas du nom, avait investi aux Philippines et les actionnaires avaient proposé de se retirer de cet endroit, puisque les conséquences environnementales de l'exploitation d'une mine aux Philippines allaient être désastreuses pour les populations. Ce qui est arrivé, c'est que le fait de continuer d'exploiter la mine là-bas a eu des conséquences environnementales graves. Cela a fait en sorte que l'entreprise a perdu beaucoup d'argent.

Donc, bien que mon discours soit teinté d'une vision sociale, je dois avouer que cette responsabilisation des actionnaires peut aussi avoir des conséquences positives dans l'entreprise, à long terme bien entendu. Je crois que les entreprises doivent avoir une vision à long terme de leurs activités. Elles doivent avoir une vision du respect de l'environnement, des normes sociales, tout comme les gouvernements.

L'autre élément positif pour les entreprises, et même pour le Canada, c'est que, si le président d'un syndicat qui possède une caisse de retraite aux États-Unis veut investir dans une entreprise dont le siège social est au Canada, mais qu'il n'a pas la possibilité d'émettre des propositions d'actionnaires, il pourrait dire: «Je n'irai pas investir au Canada, on bafoue mes droits d'investisseur, mes droits d'actionnaire.»

 

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Cela peut faire en sorte de restreindre les investissements au Canada. Si le projet de loi est bien amendé et qu'il permet un activisme actionnarial correct, je pense que ce sera également bon pour l'investissement au Canada puisque, comme je le disais, le droit des investisseurs sera respecté.

Tout cela n'est pas simple, je le reconnais, mais j'y vois là une forme d'espoir. Je n'ai parlé que du paragraphe 137 du projet de loi. Il y a tout l'autre volet du projet de loi qui est très volumineux et sur lequel les fonctionnaires travaillent depuis plusieurs années.

Le Bloc québécois et moi-même avons plusieurs réserves, notamment au sujet du domaine des valeurs mobilières. Nous tenterons d'exprimer ces réserves auprès du comité. Mais ce sur quoi je voulais mettre l'accent aujourd'hui, c'était cet élément qui ouvre la porte à ce qu'on appelle l'activisme actionnarial.

D'ailleurs, un des pionniers de l'activisme actionnarial au Canada—il y en a plusieurs—, un de ceux que l'on connaît davantage au Québec, qui a fait de l'activisme actionnarial dans le domaine bancaire et que nous avons appelé le «Robin des banques», c'est M. Yves Michaud. Comme actionnaire insatisfait du comportement de nos banques très gourmandes, il s'est présenté à l'assemblée annuelle des actionnaires pour faire des propositions pour avoir plus de transparence de la part de l'entreprise et pour avoir des salaires plus cohérents pour les dirigeants des banques.

L'une des propositions de M. Yves Michaud visait à faire en sorte que le salaire des dirigeants des banques ne dépasse pas 40 fois le salaire d'un employé d'une succursale, donc d'introduire un aspect social dans le comportement des banques.

Le groupe Shareholders Association for Research and Education, à Vancouver, dont le directeur est Peter Chapman, fait beaucoup de travail à cet égard. Il y a aussi le Comité interéglises sur les responsabilités des corporations et le Social Investment Organization, pour lequel travaille Tessa Hebb, professeure à l'Université d'Ottawa. Ces organismes travaillent depuis plusieurs années à cet égard.

Il y a le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Celui-ci représente le plus important syndicat au Québec s'intéressant à ces questions. Je pense également à François Rebello, qui travaille actuellement sur ces questions, qui va voir les syndicats ou les gestionnaires de caisses de retraite et leur dit: «Écoutez, donnez-moi la responsabilité d'aller sur le parquet de l'assemblée des actionnaires et je vais vous faire rapport de ce qui se fait. Donnez-moi le droit de voter à votre place.»

C'est tout cela la démocratie actionnariale. C'est tout cela la démocratisation du capital. Je ne dis pas que cela va sauver le monde, mais je pense que cela peut être un instrument pertinent pour faire en sorte que, concernant les entreprises vouées à une énorme compétitivité mondiale qui seraient tentées d'exagérer leur comportement économique en mettant des employés à la porte, en ne respectant pas l'environnement, en surexploitant les ressources naturelles, si nous prenions nos responsabilités en tant que propriétaires de caisses de retraite, cela pourrait faire une différence. Un dollar sur deux sur le marché financier appartient aux travailleurs. C'est important.

Ce sera donc l'essentiel de mon discours qui, je l'espère, pourra avoir une influence sur les décisions du Comité permanent de l'industrie. J'espère qu'il sera réceptif à nos propositions visant à ajouter, au sein de ce projet de loi, des éléments très pertinents qui concernent la possibilité de faire naître une culture de l'activisme actionnarial.

[Traduction]

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, le projet de loi est la première modification majeure de la Loi canadienne sur les sociétés par actions depuis 1975. Il met également à jour la Loi canadienne sur les coopérative et vise à harmoniser ces deux lois.

 

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Le gouvernement libéral a entrepris un long processus de consultation sur le renouvellement de la Loi canadienne sur les sociétés par actions peu après son élection en 1993, et le projet de loi est le résultat de ce processus. Il a consulté plus de 1 700 entreprises, associations d'entreprises et études en droit des sociétés, mais seulement 41 groupes de citoyens. Apparemment, il n'a pratiquement pas tenu compte de la contribution de ces derniers.

Le processus de consultation s'est étendu sur une longue période, mais il n'en a pas été équitable pour autant et le gouvernement n'a clairement pas mené des consultations aussi larges qu'il aurait dû.

Pour empirer les choses, après avoir attendu 25 ans le renouvellement de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, le gouvernement libéral se conduit comme si tout à coup il y avait urgence et veut faire adopter le projet de loi le plus rapidement possible. Je ne peux pas imaginer ce qui presse tant après 25 ans d'attente.

J'ai cependant une petite idée. Il existe la commission Broadbent, qui est présidée par Ed Broadbent et qui compte des représentants du monde des affaires et du monde ouvrier. Cette commission parcourt le pays et mène des consultations sur la responsabilité des entreprises. Ce sont des mots qui choquent probablement le parti au pouvoir: «responsabilité des entreprises».

Il est évident que le Parti libéral se précipite pour faire adopter le projet de loi avant que la commission Broadbent termine ses travaux le mois prochain. Ce ne serait que 30 jours de plus après une attente de 25 ans. Le gouvernement se hâte parce qu'il veut éviter d'avoir à discuter des questions que la commission Broadbent étudie.

Le ministre de l'Industrie a assuré à M. Broadbent qu'il tiendrait compte des conclusions de cette commission. Si c'est vrai, pourquoi le gouvernement s'empresse-t-il de faire adopter ce projet de loi après avoir attendu 25 ans?

Le ministre de l'Industrie agit un peu de la même manière à l'égard d'une autre mesure législative, le projet de loi S-17, qui est une refonte de la Loi sur les brevets. Le ministre dit qu'on n'a pas le temps de régler les problèmes de la Loi sur les brevets qui ont fait que le prix des médicaments a augmenté de 87 p. 100 au cours des dix dernières années. Maintenant, un Canadien sur dix ne peut pas acheter les médicaments d'ordonnance dont il a besoin. Le coût des médicaments d'ordonnance a augmenté de 87 p. 100. Il y a un grave problème, mais le gouvernement libéral ne veut pas le régler, alors il dit qu'il n'a pas le temps.

Le fait est que le gouvernement libéral fait passer les préoccupations des grandes sociétés avant le bien-être des malades et des personnes âgées au Canada, de ceux qui ont du mal à payer leurs médicaments.

C'est la même chose ici. Le gouvernement ne veut pas tenir compte des conclusions de la commission Broadbent. Contrairement au gouvernement, la commission Broadbent parle aux Canadiens ordinaires qui se préoccupent de la démocratie et de la responsabilité des sociétés. Le gouvernement libéral n'a consulté que les sociétés elles-mêmes et maintenant, après 25 ans, il est soudainement pressé de faire adopter le projet de loi.

Le projet de loi contient de nombreuses modifications de forme pour moderniser le libellé de la loi afin de suivre l'évolution de notre système judiciaire et de permettre aux sociétés de faire une meilleure utilisation des communications électroniques. Cela ne pose aucun problème.

Les trois parties du projet de loi qui nous inquiètent le plus sont celles traitant de la responsabilité des directeurs, des droits des actionnaires et des exigences concernant la résidence.

Le projet de loi permet aux administrateurs de société de se défendre plus facilement contre des poursuites pour manquement à leur obligation de fiduciaire. Les gouvernements canadiens ont manqué de nombreuses fois à leur obligation fiduciaire. C'est ce qui se passe envers les premières nations depuis de nombreuses décennies.

Actuellement, les administrateurs de société doivent invoquer l'argument de la bonne foi. Ils peuvent se défendre contre les poursuites s'ils peuvent démontrer avoir agi de bonne foi et s'être fondés sur des renseignements raisonnables fournis par des spécialistes comme des comptables, des économistes et des ingénieurs. Le projet de loi S-17 remplace le moyen de défense de la bonne foi par un nouveau moyen appelé la diligence raisonnable.

Le gouvernement libéral tente de réduire encore davantage l'obligation de rendre compte des administrateurs en éliminant l'obligation de démontrer qu'ils ont fondé leurs actions sur des faits et des avis de spécialistes. Le projet de loi S-17 parle maintenant vaguement de diligence raisonnable, expression qui peut signifier à peu près n'importe quoi et qui peut être interprétée à peu près n'importe comment par les tribunaux.

Pourquoi le gouvernement veille-t-il à ce que le libellé du reste du projet de loi soit clair, alors que dans le cas de cet article sur la responsabilité des administrateurs, il le laisse vague?

 

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Quiconque pense que les administrateurs de sociétés devraient être moins responsables, ainsi que le propose ce projet de loi, n'a qu'à se rappeler la tragédie de Westray. Ce projet de loi traite de la responsabilité civile et non de la responsabilité criminelle, mais ces deux types de responsabilité sont liés puisque les directeurs de la mine Westray ont réussi à se soustraire non seulement à toute responsabilité criminelle pour la mort de 26 mineurs, mais aussi à toute responsabilité civile. En fait, l'un des directeurs de la mine Westray occupe aujourd'hui le même poste dans une société minière canadienne en Amérique centrale.

Je veux que les députés reconnaissent que c'est la longue enquête du juge Richard sur la tragédie de la mine Westray, et les recommandations qui en avaient découlé, qui ont incité le gouvernement à instaurer la responsabilité criminelle pour les administrateurs et dirigeants de sociétés qui mettent sciemment des vies en danger. C'est le juge Richard qui avait demandé au gouvernement de répondre.

Qu'a fait le gouvernement? Rien. Jusqu'à ce jour, neuf ans après la tragédie, neuf ans hier, le gouvernement n'a rien fait. Il y a un certain nombre d'années que le juge Richard a fait ses recommandations.

Avant les élections, le gouvernement a fait tout un plat au sujet de son intention de présenter une mesure législative à cet égard. Que dit-il à présent? Qu'il va consulter l'industrie. Après la longue enquête menée par le juge Richard, sa première préoccupation est de consulter l'industrie. Il ferait mieux de se préoccuper d'autre chose.

Nous devons élaborer un projet de loi, le soumettre à l'examen d'un comité, et organiser des audiences publiques. Oui; voyons ce qu'ont à dire les porte-parole de l'industrie, car beaucoup d'entreprises honnêtes ont des principes moraux et respectent la réglementation. Ce n'est pas à leur intention que nous adoptons de nouvelles lois, mais plutôt à l'intention de celles qui n'ont pas de tels principes, de celles qui ne se préoccupent pas du sort des travailleurs. C'est à ces dernières que s'adresse le droit pénal. Les citoyens ne se rendent pas tous coupables d'actes criminels, mais lorsque l'un d'entre eux le fait, nous voulons pouvoir l'inculper et lui demander des comptes. C'est de cela dont il s'agit, lorsqu'il est question de responsabilité criminelle, demander des comptes aux entreprises responsables.

Ce projet de loi attend depuis combien d'années déjà? La question traîne depuis combien d'années? Le gouvernement a mené de longs pourparlers depuis 1993 au moins. Nous sommes pressés d'adopter rapidement ce texte, mais où est le projet de loi sur la responsabilité criminelle? Pourquoi n'est-il pas étudié à toute vapeur à la Chambre? Pourquoi n'en sommes-nous pas saisis? Pour la bonne raison que le gouvernement ne se soucie pas de cet aspect des choses.

Les députés auront compris que la catastrophe de la mine de Westray m'inspire énormément de colère. Je suis originaire d'une localité minière et j'ai été témoin de nombreuses disparitions au fil des ans, certaines accidentelles, inévitables, mais bien d'autres pour lesquelles nous savons que nous aurions dû demander des comptes. Nous savons que, lorsque des travailleurs vont sur les lieux de leur travail, ils n'ont pas tous les mêmes droits que tous et chacun d'entre nous ici. Si nous sommes tués à la Chambre, si un individu réussit à nous abattre à la porte d'entrée de cette enceinte, nous savons qu'il sera poursuivi pour meurtre. Il en va autrement pour les travailleurs canadiens ordinaires quand ils se rendent sur les lieux de leur travail. Nous sommes protégés. D'autres travailleurs ne le sont pas, parce que le gouvernement n'a pas légiféré à cet égard.

Néanmoins, il faut reconnaître que le projet de loi présente des changements progressistes à l'égard des droits des actionnaires. Mon collègue du Bloc québécois a fait mention de plusieurs de ces modifications. Bien que le projet de loi n'aille pas assez loin et ne donne pas aux actionnaires une influence véritable sur les sociétés, il y a tout de même une amélioration.

Le projet de loi S-11 permettrait aux actionnaires de présenter des résolutions aux assemblées générales annuelles sur toute question liée aux activités de la société. Pour le moment, les résolutions des actionnaires, si elles sont d'ordre social ou non liées à la rentabilité de l'entreprise, ne sont pas admises.

Pourtant, j'estime que les questions sociales sont liées à la rentabilité. Je n'encourage pas les entreprises qui ont des pratiques inférieures à la norme en matière de conditions de travail et participent à des violations des droits de la personne. Pendant des années, j'ai eu pour principe de boycotter les raisins à cause du traitement réservé aux travailleurs agricoles en Californie et ailleurs dans le monde. Je tiens à faire connaître ma position. Si le pays d'origine d'un produit n'est pas indiqué, je vais me renseigner à la caisse. Si personne ne peut me renseigner, je n'achète pas le produit. S'il vient d'un pays dont la feuille de route laisse à désirer en matière de droits de la personne, je n'achète pas.

 

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Je ne suis pas la seule à le faire. Beaucoup de gens responsables et qui ont des principes le font parce qu'ils ont véritablement à coeur leurs concitoyens et les gens du monde entier. J'ai la conviction, et je suis fière de le dire, que la majorité des gens feraient de même s'ils savaient que de telles violations ont lieu.

Je n'achète pas de tapis fabriqués dans certains pays à moins qu'une étiquette ne précise qu'ils n'ont pas été fabriqués par des enfants. Je n'achète pas certaines marques d'espadrilles. Comme bien d'autres, je ne porte pas de chapeaux emblématiques et je n'affiche pas le logo de certaines compagnies. Bon nombre de gens veulent savoir d'où viennent les produits et ils se font un devoir de le demander.

Je préfère acheter des produits fabriqués au Canada, car notre pays a au moins une meilleure feuille de route que bien d'autres pays. Des pratiques répréhensibles entachent certains milieux de travail au Canada, mais dans l'ensemble nous affichons une bonne conduite. Le Canada ne devrait pas abaisser ses normes de travail ou compromette les droits des travailleurs ou des enfants. Nous devons clamer haut et fort que le Canada a une bonne conduite.

Je reviens à la question de la rentabilité des sociétés. Par exemple, si un actionnaire apprend que la société dans laquelle il ou elle a des parts pollue l'environnement, il ou elle n'a pas l'autorité de présenter une résolution exigeant que cette société cesse de polluer l'environnement. Les modifications au projet de loi S-11 permettrait aux actionnaires de présenter de telles résolutions. Cela va dans le bons sens.

Une autre amélioration des droits des actionnaires a l'appui de notre parti, celle de la simplification de la communication entre actionnaires. Aux termes de la loi actuelle sur les sociétés par actions, il est illégal pour des actionnaires de solliciter des votes par procuration auprès d'autres actionnaires à moins de faire beaucoup de frais pour adresser une circulaire à tous les actionnaires. Le projet de loi S-11 permettra aux actionnaires de communiquer d'autres façons coûteuses, notamment par voie électronique.

Nous approuvons ces modifications car elles permettront plus facilement à des groupes de petits actionnaires de se liguer lors des assemblées d'actionnaires. C'est triste à dire, mais les actionnaires doivent se battre pour avoir leur mot à dire au sein d'une société dans laquelle ils investissent.

Il est important de noter que le gouvernement libéral n'innove guère avec ces améliorations qu'il apporte aux droits des actionnaires. Le Canada ne fait que combler son retard par rapport aux États-Unis, qui ont certaines des lois les plus progressistes au monde concernant les droits des actionnaires. Voilà qui montre à quel point le Canada, sous le gouvernement libéral, est à la traîne à l'égard de certains enjeux progressistes.

Il y a deux points précis sur lesquels le projet de loi ne va pas assez loin pour accroître et améliorer les droits des actionnaires.

Premièrement, les actionnaires devraient avoir le droit d'obtenir de l'information au sujet de l'observation de la loi de la part d'une société. C'est difficile à croire, mais aujourd'hui les sociétés n'ont pas à le dire si elles n'observent pas la loi. Il peut être très difficile pour les actionnaires ou d'autres personnes de savoir si une société viole les lois du travail ou les lois visant à protéger l'environnement. Il est encore plus difficile de savoir si ces violations se produisent à l'étranger. Les sociétés devraient être obligées d'être complètement franches et transparentes envers leurs actionnaires sur ces points-là.

Bon nombre de gens veulent être des investisseurs responsables. Quand ils achètent des actions dans une compagnie, ils veulent être certains que cette dernière ne contribue pas à la destruction de l'environnement et qu'elle ne viole pas les droits de la personne. Les actionnaires devraient avoir le droit de savoir ce genre de choses. Nous insistons sur le fait que les Canadiens ne veulent pas que l'argent qu'ils ont cotisé au Régime de pensions du Canada soit investi dans des fonds peu responsables, notamment dans des compagnies de tabac ou dans des sociétés minières qui font littéralement disparaître des villages au complet dans d'autres pays. Je sais qu'on a déjà parlé de la société Talisman au cours des discussions d'aujourd'hui.

On pourrait également améliorer les droits des actionnaires en créant un groupe de surveillance des droits des actionnaires. Bon nombre d'États américains ont mis sur pied des groupes de ce genre et cela fonctionne très bien. Les compagnies demandent aux actionnaires de s'inscrire dans le groupe des droits des actionnaires. Cela ne coûte rien au gouvernement, ni aux sociétés. Tout ce que la société fait, c'est d'insérer un formulaire dans les envois qui seraient transmis de toute façon. Un groupe de surveillance des droits des actionnaires est financé et dirigé par ses propres membres. Sa constitution ne devrait soulever aucune objection.

J'aimerais dire quelques mots sur la question de la résidence canadienne. Le projet de loi S-11 réduit l'exigence en matière de résidence pour les administrateurs des sociétés à charte. À l'heure actuelle, la majorité des administrateurs d'une société reconnue en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions doivent être résidants canadiens. La loi actuelle exige de plus qu'une majorité des membres de tous les comités du Conseil d'administration soient des résidants canadiens. Le projet de loi S-11 réduit l'exigence en matière de résidence à 25 p. 100 des membres du Conseil d'administration et l'élimine entièrement pour les comités du conseil. Il existe de bons arguments pour et contre l'exigence concernant la résidence au Canada.

 

. 1335 + -

D'une part, l'argument en faveur de l'exigence concernant la résidence au Canada, c'est que, en théorie, si les administrateurs de sociétés canadiennes habitaient au Canada, ils verraient de plus près les conséquences des actes des sociétés et celles-ci seraient donc plus responsables sur le plan social.

D'autre part, l'existence de ces règles n'a pas beaucoup contribué à faire en sorte que les sociétés canadiennes deviennent conscientes de leurs responsabilités collectives. De nombreux administrateurs habitent à Toronto ou à Calgary, alors que leurs sociétés font affaire dans d'autres régions du pays, voire à l'étranger. Ces règles n'ont pas empêché des sociétés canadiennes installées dans les capitales financières de certains pays de fermer des mines et des usines dans l'arrière-pays, d'enfreindre les lois du travail, de causer de la pollution ou même de violer les droits de la personne.

L'exigence concernant la résidence au Canada dissuade des entreprises de se constituer en sociétés au Canada. Le Canada est le seul pays du G-7 qui impose des exigences sur la résidence au Canada, et quatre provinces, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Québec, n'imposent aucune exigence à cet égard. Ainsi, les entreprises qui veulent contourner cette exigence peuvent déjà le faire en se constituant en sociétés dans ces provinces.

Comme nos efforts pour amener les sociétés à devenir conscientes de leurs responsabilités collectives ont été vains, réduire l'exigence concernant la résidence au Canada pourrait aider à rendre les sociétés canadiennes plus concurrentielles sur le plan international, à peu de frais. Cependant, il semble que la question mérite d'être examinée et débattue davantage. Il serait bon, par exemple, d'entendre ce que la commission Broadbent a à dire sur cette question, mais le gouvernement libéral se précipite malheureusement pour faire adopter ce projet de loi avant que la commission ait terminé ses travaux.

Pour terminer, je rappelle qu'on a beaucoup parlé depuis quelques années de la responsabilité des sociétés et des sociétés responsables sur le plan social. D'une façon générale, les exploitants, les directeurs et les administrateurs des sociétés sont respectueux des lois. Cependant, comme dans n'importe quoi, il faut des lois pour exiger des comptes des sociétés agissent sournoisement et ne sont pas honnêtes envers leurs actionnaires. Ce sont ces sociétés que nous visons. Il faut donner aux actionnaires le droit de vérifier des choses au même titre que l'entreprise peut vérifier des choses. Les actionnaires doivent avoir les mêmes droits.

Dans toute la question de la responsabilité criminelle des sociétés, il est absolument essentiel que le gouvernement aille de l'avant. Au Canada, il n'y a absolument plus aucune raison qu'un travailleur meurt et que le dirigeant de l'entreprise s'en tire alors qu'il savait fort bien que la vie de son employé était menacée.

Je rappelle de nouveau qu'il y a neuf ans, neuf travailleurs ont perdu la vie et jusqu'à hier personne n'avait encore été tenu criminellement responsable. Qu'avons-nous fait pour corriger la situation? Rien. La question ne nous échappera pas. Nous n'allons pas le permettre.

Chaque semaine, nous allons continuer de rappeler au gouvernement qu'au cours de la campagne électorale de l'an dernier, il a promis aux Canadiens de s'attaquer à la question de la responsabilité des sociétés et de leur responsabilité criminelle. Nous allons veiller à ce qu'il tienne sa promesse et, s'il ne la tient pas, nous veillerons à ce que les Canadiens entendent constamment que le gouvernement a manqué à sa parole.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je remercie ma collègue, la députée de Churchill, de ses commentaires fort éloquents. Elle a parfaitement décrit certains problèmes bien réels que les consommateurs, les citoyens et les participants actifs à la société canadienne connaissent lorsqu'ils doivent transiger avec ces mégasociétés. De nombreuses personnes se sentent impuissantes. Elles ont l'impression de s'attaquer à une structure massive qui est, de par sa nature même, non démocratique.

La députée de Churchill a donné un exemple probant du genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés lorsque nous voulons faire affaires avec ces grandes structures non démocratiques.

 

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La députée a cité l'exemple de la tragédie de la mine Westray où des mineurs ont perdu la vie il y a neuf ans. Le fait que le gouvernement n'a pas encore pris de mesure à cet égard montre encore une fois que, malheureusement, dans notre société, ces grandes sociétés, ces institutions gigantesques, peuvent agir impunément. Elles opèrent dans un milieu où la plupart d'entre nous n'ont pratiquement aucun recours contre elle. Certes, nous disposons bien du recours judiciaire, mais il est extrêmement coûteux et nous aurons comme adversaire une grande société qui possède des ressources financières illimitées.

La députée voudrait-elle commenter le mouvement en pleine croissance chez les consommateurs, qui semblent vouloir prendre les choses en mains? Les consommateurs semblent dire qu'ils vont faire des choix. Ils ne vont pas, avec leur argent durement gagné, acheter des produits et des services provenant de sociétés qui violent ouvertement les droits de la personne, négligent l'environnement ou traitent mal les femmes ou les minorités. Ce mouvement prend de l'ampleur au Canada. La députée est-elle d'accord avec cela?

Mme Bev Desjarlais: Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que la majorité des gens seraient d'accord. Ma collègue et moi sommes allées à Québec au sommet des peuples avec le reste de notre caucus car nous partageons leurs inquiétudes en ce qui concerne les questions commerciales ainsi que la manière dont, dans de nombreux pays, les grosses sociétés commencent à contrôler le programme politique et les mesures législatives.

Cette mesure législative protégerait les consommateurs et leur permettrait d'être informés. Ils devraient être informés et prendre eux-mêmes leurs décisions dans des dossiers tels que, par exemple, les aliments transgéniques.

S'il n'y a rien à craindre, l'information devrait figurer sur une étiquette et les consommateurs devraient pourvoir décider eux-mêmes s'ils veulent ou non prendre le risque. La même règle s'applique à l'achat de produits fabriqués dans d'autres pays où les normes de travail ne sont pas ce qu'elles devraient être.

Ce n'est pas parce que nous savons qu'il y a un problème en Indonésie que nous décidons de ne pas acheter de café en provenance de ce pays. Par contre, si nous savons que les agriculteurs y sont traités de manière injuste, que les gens y sont malmenés et que les violations des droits de la personne y sont chose courante, nous n'achèterons pas de café en provenance de ce pays.

Nous ne portons pas atteinte aux droits des Canadiens en disant qu'ils ne peuvent pas faire telle ou telle chose. Nous disons qu'il faut les informer. C'est d'information dont il s'agit. Tout le monde a le droit de poser des questions. Aucune mesure législative, que ce soit celle-ci ou une autre, ne devrait dire que cela risque de porter atteinte à la rentabilité des entreprises.

La rentabilité des entreprises est-elle plus importante que de savoir qu'un enfant de quatre ans a fabriqué le tapis sur lequel nous allons marcher de façon à ce que nous puissions l'acheter pour moins de 20 $? Combien d'entre nous, sachant que des enfants de quatre, cinq ou six ans travaillent sur des métiers jour après jour pour que nous puissions mettre un tapis sous nos pieds, achèteraient ce foutu machin? Pas un.

Faisons un pas de plus, montrons que nous avons des principes et disons que les gens ont le droit de savoir où quelque chose est fabriqué. Ils ont le droit de savoir si une entreprise fait travailler des enfants ou si elle paie ses employés moins que la norme. Nous avons le droit de savoir ces choses.

Le droit des actionnaires de contrôler ce que font les sociétés devrait être au coeur de cette mesure législative. Si les actionnaires décident d'investir, ils ont le droit de savoir où la société investit et si elle viole la loi. C'est ce que nous demandons. Nous ne voulons pas empêcher les actionnaires d'investir. Nous disons qu'ils ont le droit de savoir, le droit de recevoir l'information qui leur permettra de prendre des décisions.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, je félicite la députée de Churchill de son intervention passionnée et de ses observations sur la catastrophe de la mine Westray, en Nouvelle-Écosse. À titre de Néo-Écossais, je suis très touché lorsque des députés d'autres régions reconnaissent que les incidents de Westray nous invitent à agir.

La députée de Churchill m'a appris beaucoup de choses sur le pouvoir et la protection du consommateur, et même sur la production de raisins dans le respect de l'éthique. Tout producteur de ma circonscription qui tolérerait des manquements à l'éthique s'exposerait à la colère de la députée. Je reconnais également que certaines sociétés assurent un leadership mondial en ce qui concerne par exemple le traitement des animaux, les tests sur les animaux, etc.

 

. 1345 + -

Je me suis posé une question intéressante l'autre jour. Depuis des années, des entreprises font leur commercialisation en dénonçant les tests sur les animaux. Je pense que la première a probablement été Body Shop. L'autre jour, je suis allé dans une animalerie pour acheter du shampoing à chien. En regardant l'étiquette, j'ai été scandalisé de constater qu'il n'y avait aucun avertissement contre les tests sur les humains. C'est un autre problème sur lequel il faudra revenir une autre fois. Nous pouvons avancer dans le débat, mais il n'en demeure pas moins que le shampoing de mon chien a peut-être été testé sur des humains. C'est nettement une échappatoire que nous devons chercher à éliminer.

Le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, est une mesure très importante qui se fait attendre depuis longtemps. Le projet de loi nous arrive du Sénat où, faut-il le remarquer, un amendement très important a été proposé par mon collègue, le sénateur Oliver, et a été adopté par la Chambre haute.

L'amendement du sénateur Oliver a comblé une lacune importante du projet de loi. Avant cet amendement, aucun examen des dispositions et de l'application de la Loi canadienne sur les sociétés par actions n'était prévu, alors que la mesure législative aura d'importantes répercussions sur le cadre canadien des entreprises et, en fait, sur notre compétitivité. L'amendement a été proposé parce qu'on reconnaît que dans une économie mondiale hyperconcurrentielle et en mutation constante, on ne peut pas laisser une mesure législative ou un cadre réglementaire comme ceci intacts pendant 25 ans, comme cela aurait autrement été le cas.

Lorsqu'on parle de cadres stratégiques que les entreprises ou les investisseurs examinent avant de décider où ils investiront dans le monde, il n'y a pas que la politique fiscale et le fardeau de la réglementation qui soient importants, et ils le sont. De plus en plus, le gouvernement d'entreprise passe au premier plan comme extrêmement important dans tous les pays du monde. Nous devons nous assurer d'avoir à cet égard une politique claire, cohérente et moderne qui reflète celle d'autres pays.

Je me réjouis que le gouvernement soit enfin allé de l'avant sur cette question, mais il est malheureux qu'on ait dû attendre 25 ans avant que la loi soit vraiment modernisée. Je recommande chaudement la mesure et l'amendement du sénateur Oliver qui assurera que cela ne se reproduise plus.

Nous, Canadiens, luttons chaque jour pour attirer des investissements et des capitaux dans notre pays. Le déclin du dollar canadien depuis 30 ans a beaucoup à voir avec le déclin de la productivité. La productivité est liée de très près aux niveaux d'investissement et, lorsque nous ne parvenons pas à attirer des investissements, nous avons du mal, en général, à accroître les niveaux de productivité au pays.

Naturellement, cela se traduit par la faiblesse de notre dollar, source de préoccupation sinon de gêne pour bien des Canadiens qui voient leur niveau de vie décliner en même temps que le dollar. En fait, ils subissent une baisse de salaire chaque fois que le dollar perd de la valeur par rapport au dollar américain. Voilà certains facteurs dont il faut tenir compte.

L'application du droit corporatif a toujours été assez bonne au Canada. En matière de régie des entreprises, question qu'aborde le projet de loi, le Canada s'en sort assez bien. Nous n'avons pas réussi toutefois à adopter les tendances qui se dessinaient à l'étranger, chez nos partenaires commerciaux.

 

. 1350 + -

Dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, j'ai fait des recherches et j'ai été étonné d'apprendre que le Comité sénatorial des banques et du commerce a recommandé en 1996 d'effectuer un examen de l'application de la loi moins de dix ans après son entrée en vigueur et que cette recommandation a été rejetée par le ministère de l'Industrie. Le gouvernement soutenait à l'époque que:

    L'incidence de plus en plus reconnue du droit corporatif et des questions touchant à la régie des entreprises sur la compétitivité des sociétés ferait en sorte que la législation dans ce domaine s'améliorerait constamment.

Je répète, «ferait en sorte que la législation dans ce domaine s'améliorerait constamment». C'est tout un acte de foi de la part du gouvernement. À mon avis, dans une économie de marché, le gouvernement a le devoir de mettre en place une structure à l'intérieur de laquelle le secteur privé et, en fait, le secteur public peuvent fonctionner et croître. En ne tenant pas rigoureusement à jour ses règlements concernant la régie des sociétés, le gouvernement a clairement renoncé à ses responsabilités à ce chapitre.

Ce n'est là qu'un aspect de la compétitivité et de la structure nécessaires pour convaincre ceux qui envisagent d'investir quelque part dans le monde que le Canada est un excellent endroit où faire des affaires et que, en fait, cela est de plus en plus important si l'on tient également compte de la politique fiscale, de la politique en matière de réglementation et des autres questions de régie des sociétés. J'espère que le gouvernement deviendra beaucoup plus vigilant pour ce qui est d'évaluer les menaces et les possibilités dans cet environnement compétitif mondial et qu'il agira de manière plus proactive pour présenter à la Chambre des dispositions législatives qui résoudront ces questions.

Je le répète, le projet de loi nous est venu du Sénat et cela montre les aspects très positifs de notre Sénat ainsi que la réflexion prospective et les approches visionnaires de certains membres de la Chambre haute. Je les félicite d'ailleurs du rôle qu'ils ont joué par rapport à ce projet de loi et des amendements qu'ils ont proposés et qui ont permis d'améliorer celui-ci.

Une voix: Sénateur Brison.

M. Scott Brison: Un de mes collègues vient de m'appeler le sénateur Brison. Il n'en est rien, mais bien entendu, nous attendons toujours.

Nous devons faire comprendre au gouvernement que sa politique industrielle pour notre pays et son cadre de croissance et de compétitivité ont grandement laissé à désirer. Il est regrettable que nous soyons saisis de la mesure législative après si longtemps et autant de tergiversations. Nous devons veiller à mettre constamment à jour nos règles de régie des sociétés et à non seulement suivre les tendances mondiales, mais à essayer aussi d'établir certaines d'entre elles dans ce domaine et dans d'autres.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, je félicite encore une fois mon ami et collègue de Kings—Hants qui a passé beaucoup de temps ici ce matin.

Quelqu'un a laissé entendre qu'il est peut-être un sénateur de Kings—Hants. Sachant fort bien que c'est son anniversaire aujourd'hui, je me demande si son âge n'est pas la raison pour laquelle on l'a appelé sénateur?

M. Scott Brison: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Brandon—Souris pour sa question très sérieuse qui, pour une raison ou une autre, relie mon anniversaire au cadeau d'un poste au Sénat. C'est un poste intéressant, mais si c'était effectivement le cas, monsieur le Président, ce serait un cadeau qui continuerait à rapporter.

 

. 1355 + -

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée. Par conséquent, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA LEO HAYES HIGH SCHOOL

L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de prendre la parole aujourd'hui pour souhaiter la bienvenue, dans la capitale nationale, à un groupe d'élèves et d'enseignants du Leo Hayes High School.

C'est toujours un défi pour nous, parlementaires, que d'amorcer un dialogue ouvert et continu avec les jeunes, et d'attirer leur attention sur notre travail politique de tous les jours.

Je voudrais féliciter les parents et les enseignants qui ont contribué à recueillir les fonds nécessaires à ce voyage. Ils ont permis à ces jeunes de vivre une merveilleuse expérience tout en enrichissant d'une manière plus captivante leurs connaissances sur le système parlementaire canadien et Ottawa.

C'est donc avec grand plaisir que je souhaite à tous les élèves, à leurs enseignants et à leurs accompagnateurs une excellente fin de séjour. Je voudrais remercier d'une façon particulière la chorale Leo Hayes de la prestation qu'elle a donnée ce midi, à la rotonde.

*  *  *

JESSICA KOOPMANS

M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Monsieur le Président, un événement déchirant s'est produit, et nous avons besoin de l'aide de tous. Une fillette de cinq ans, Jessica Koopmans, a disparu de la cour avant de sa maison, dans le nord de Lethbridge, à 17 heures environ, vendredi dernier le 4 mai.

La police municipale de Lethbridge, avec l'aide d'agents de la GRC venant d'aussi loin que Calgary et Edmonton, travaille nuit et jour pour retrouver Jessica. Des centaines et des centaines de bénévoles venant de localités du sud-est de l'Alberta ont contribué aux recherches, et la famille éplorée est submergée de messages de soutien.

Jessica a cinq ans. Elle mesure 4 pieds et pèse 40 livres. La dernière fois qu'elle a été vue, elle portait un chandail débardeur blanc, des shorts en denim bleus et des sandales roses. Elle a les cheveux bruns coupés à la hauteur des épaules, les yeux bleus et des taches de rousseur. On trouvera de plus amples informations et une photo de Jessica sur le site www.jessicakoopmans.com.

 

. 1400 + -

Je demande à mes collègues de la Chambre des communes et à tous les Canadiens de prier pour Jessica. Quiconque obtient de l'information ou aperçoit Jessica est prié de communiquer avec la police municipale de Lethbridge, au (403) 328-4444.

*  *  *

[Français]

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, l'Abitibi—Témiscamingue réclame un fonds d'urgence pour venir en aide au secteur minier.

*  *  *

[Traduction]

L'ENVIRONNEMENT

M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Monsieur le Président, je me joins à mon collègue de Fredericton pour souhaiter la bienvenue aux membres de la chorale de l'école secondaire Leo Hayes. Leurs voix mélodieuses ont envahi le hall aujourd'hui, tranchant avec le bourdonnement habituel qui emplit les couloirs.

Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a annoncé récemment les lauréats du quatrième Concours annuel de prévention de la pollution, qui honore chaque année les organismes ayant fait preuve d'innovation et de leadership dans le domaine de la prévention de la pollution.

Le concours a été créé dans le but de mettre l'accent sur la prévention de la pollution à la source, et cette année les prix seront remis le 7 juin, à l'occasion de la table ronde canadienne sur la prévention de la pollution, qui se tiendra à St. John's, à Terre-Neuve. Deux des six lauréats de cette année, tous les deux de Saint John, au Nouveau-Brunswick, méritent d'être mentionnés.

Le premier, la société Irving Pulp and Paper Ltd., sera honorée pour avoir utilisé des technologies innovatrices pour supprimer tous les produits toxiques des eaux usées provenant de son usine de papier, rendant celles-ci moins dommageables pour le fleuve Saint-Jean.

Le second, la raffinerie de pétrole Irving, recevra un prix pour avoir été la première raffinerie de pétrole à produire de l'essence à faible teneur en souffre à des fins de consommation, deux ans avant l'entrée en vigueur des exigences législatives à ce sujet.

Je félicite les deux sociétés pour leurs réalisations. Je les encourage, elles ainsi que toute l'industrie, à continuer de miser sur les percées technologiques pour améliorer l'environnement et la qualité de l'eau.

*  *  *

LE FESTIVAL DES TULIPES

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, c'est la période de l'année où la région de la capitale nationale, et plus particulièrement la ville d'Ottawa, se pare des couleurs vives des tulipes.

[Français]

Cette fin de semaine marque le début du Festival canadien des tulipes.

[Traduction]

Depuis 1953, nous célébrons chaque année l'arrivée du printemps avec ce festival. L'origine de cet événement haut en couleurs remonte à l'année 1945, lorsque la princesse Juliana des Pays-Bas a fait don de plus de 100 000 bulbes de tulipes au Canada. Elle voulait ainsi remercier le Canada pour avoir servi de refuge à la famille royale de Hollande pendant la Seconde Guerre mondiale et les Forces canadiennes pour le rôle qu'elles ont joué dans la libération des Pays-Bas du joug nazi.

Cette année, la Grande-Bretagne va co-parrainer le festival, qui prendra son envol avec le lancement d'une montgolfière en forme de tulipe haute de 46 mètres, sur la colline du Parlement. Nous invitons tous les Canadiens à participer aux activités musicales et autres et à jouir du spectacle coloré de millions de tulipes.

*  *  *

LA SEMAINE DES SOINS INFIRMIERS

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, cette semaine est la Semaine des soins infirmiers, et la situation est grave. Au cours des dix prochaines années, nous serons confrontés à une pénurie de 112 000 infirmières et infirmiers. Les hôpitaux s'attendent à ce que le personnel infirmier fasse des heures supplémentaires uniquement pour ne pas qu'il y ait de vacances dans les postes actuels. J'ai travaillé dans des hôpitaux où la moitié des postes d'infirmières et infirmiers du service de soins intensifs et de l'urgence n'étaient pas comblés.

La crise ne se limite pas uniquement au personnel infirmier, elle touche également les médecins. Qui plus est, notre population vieillit. Aujourd'hui, 25 p. 100 des médecins ont plus de 55 ans et, au cours des 15 prochaines années, ce pourcentage atteindra 45 p. 100. La crise prend d'énormes proportions. Qui s'occupera de nous lorsque nous serons vieux s'il ne reste plus de médecins et d'infirmières?

J'exhorte le gouvernement à collaborer avec les provinces à l'accroissement de 20 p. 100 du nombre d'inscriptions dans les facultés de médecine et les programmes de soins infirmiers et de formation et à la mise en place d'un programme de subvention des frais de scolarité pour ceux et celles qui acceptent de servir dans les régions isolées afin que nous puissions résorber la grave crise dans les régions rurales. Nous devons agir maintenant. La crise ne disparaîtra pas d'elle-même. Des vies en dépendent.

*  *  *

LA RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT

M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Monsieur le Président, au nom du ministre de l'Industrie, qui est responsable de Partenariat technologique Canada, je suis heureux d'annoncer un investissement de 3,9 millions de dollars dans MD Robotics, une entreprise du domaine de la robotique spatiale de ma circonscription, Bramalea—Gore—Malton—Springdale.

Cet investissement permettra à l'entreprise de créer 74 emplois de haut calibre dans Brampton. C'est là un autre exemple du soutien que le gouvernement apporte à des projets créateurs d'emplois spécialisés, qui stimulent la croissance et qui favorisent l'émergence d'une économie du savoir dans des collectivités canadiennes comme Bramalea—Gore—Malton—Springdale.

*  *  *

[Français]

CHRISTOPHER AUGER

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le Président, hier et aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir ici, sur la Colline parlementaire, le député d'un jour de la circonscription de Charlesbourg—Jacques-Cartier, M. Christopher Auger.

Lauréat de la quatrième édition du concours «Député d'un jour» du comté de Charlesbourg—Jacques-Cartier, Christopher Auger s'est particulièrement distingué parmi près de 1 200 élèves de quatrième secondaire, au cours d'un examen de connaissances générales en politique.

Pendant son séjour à Ottawa, Christopher a pu se familiariser avec les tâches parlementaires des députés et voir de très près la vie trépidante qui anime la Colline du Parlement.

 

. 1405 + -

Accompagné de sa mère, la Dre Jocelyne Lortie, il a déjà eu l'honneur de s'entretenir avec vous hier. Aujourd'hui, avant la période des questions orales, il a été reçu par le chef du Bloc québécois et député de Laurier—Sainte-Marie pour un entretien privé.

Christopher, au nom de tous mes collègues du Bloc québécois, je tiens à te souhaiter la bienvenue au Parlement, et bon séjour.

*  *  *

[Traduction]

LES BÉNÉVOLES

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, l'année 2001 a été décrétée l'Année internationale des volontaires par l'Assemblée générale des Nations Unies. Aujourd'hui à Mississauga, le Peel District School Board rend hommage à plus de 100 parents et représentants de la collectivité qui apportent une contribution bénévole afin de resserrer les liens entre l'école et la collectivité.

Huit de ces personnes sont des mères qui donnent de leur temps dans deux écoles de ma circonscription. Mila Jack et Judy Robertson font du bénévolat depuis 20 ans; Sharlaine Howes et Marg Snider en font depuis 15 ans; Karen Bateson, Carolyn Christou et Jane Inglis comptent chacune 10 années de bénévolat, toutes au profit de la Pheasant Run Public School; quant à Joanne Bain, elle donne de son temps depuis 10 ans à la Settler's Green Public School.

Je remercie le Peel District School Board de souligner les efforts de ces huit bénévoles et de tous les autres qui se dévouent sans relâche à notre collectivité.

*  *  *

LA CITOYENNETÉ

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à trois jeunes filles de ma circonscription de Crowfoot: Darla Mohan de Camrose, Jackie Brown d'Erskine et Heather André de Drumheller. Je les félicite vivement.

Ces adolescentes sont parmi les 220 jeunes Canadiens que les clubs Rotary du Canada ont invités à visiter la région de la capitale nationale dans le cadre du programme Patriotisme vécu. Ce programme explore la diversité canadienne ainsi que les institutions et les valeurs qui unissent les Canadiens.

C'est avec joie que j'ai rejoint Darla, Jackie et Heather à l'occasion de la réception parrainée par le programme Patriotisme vécu qui a eu lieu sur la colline du Parlement. Je me suis entretenu brièvement avec elles, et j'ai tout de suite compris pourquoi elles avaient été choisies comme représentantes de leur collectivités. Ces adolescentes exceptionnelles apportent une merveilleuse contribution à leur collectivité. Je dis bravo à Darla, Heather et Jackie.

*  *  *

[Français]

L'AMIANTE CHRYSOTILE

M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Monsieur le Président, hier, plus de 1 000 personnes qui ont à coeur la survie de ma belle région de Frontenac—Mégantic, berceau de l'industrie du chrysotile, sont allées se faire entendre de vive voix à l'Assemblée nationale sur le bannissement injustifié de l'amiante.

L'amiante chrysotile est une fibre naturelle, recyclable, bon marché, mais surtout sécuritaire, qui est continuellement discréditée, même s'il est démontré, par de nombreuses données scientifiques, que la validité de l'approche de l'utilisation est contrôlée.

Le Canada appuie le principe de cette utilisation sécuritaire en intervenant mondialement sur une base assidue et continue. Un appui sans réserve à l'utilisation sécuritaire du chrysotile est grandement revendiqué pour lui rendre ses lettres de noblesse.

Travaillons tous ensemble à cette fin, autant aux niveaux fédéral, provincial que municipal, et nous aurons tout à gagner pour protéger l'avenir de cette ressource.

*  *  *

[Traduction]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, ce matin, le Comité permanent du patrimoine canadien a annoncé qu'il entreprendra une étude du système canadien de radiodiffusion qui s'échelonnera sur 18 mois. Le comité se penchera sur le contenu canadien et la création pour la radio et la télévision, la propriété de la radiodiffusion, la réglementation de l'industrie, le rôle de la radiodiffusion publique et Internet.

Si le gouvernement veut que le comité fasse un travail fiable, il doit aviser les parties de ne pas procéder à d'importantes réorganisations dans le but d'échapper aux mesures qu'il pourrait prendre à la suite de cette étude. Le gouvernement doit clairement faire savoir à l'industrie que tous les changements majeurs qui auront été effectués à compter d'aujourd'hui pourront être examinés et renversés lorsque le comité aura publié son rapport.

Le gouvernement devrait aussi annoncer que la radiodiffusion est expressément exclue des négociations commerciales internationales, y compris l'AGCS, de façon à ne pas compromettre le travail du comité.

Nous avons pour responsabilité de proposer une vision pour le XXIe siècle. Le gouvernement a celle de faire preuve de courage pour faire en sorte que cette vision se concrétise.

*  *  *

[Français]

LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral se dessaisit des installations portuaires qu'il avait laissées à l'abandon depuis des décennies.

Le gouvernement fédéral a donné les régions en otage au transport aérien; les coûts des billets sont exorbitants et les horaires de vol sont inefficaces.

Le gouvernement fédéral néglige toute l'industrie de la construction maritime et conséquemment, les chantiers maritimes québécois attendent toujours le financement nécessaire.

Le gouvernement fédéral fait systématiquement preuve d'inefficacité à doter le Québec d'infrastructures de transport qui soutiennent son développement.

Voilà les coûts du fédéralisme canadien, les coûts de la non-souveraineté du Québec que les Québécois et les Québécoises ne peuvent plus tolérer.

Un Québec souverain, sensible aux besoins de sa population, avec tout le coffre d'outils pour corriger la situation, où nous serions responsables de nos actes en tant que peuple, voilà ce qu'exige la population du Québec.

La souveraineté du Québec, voilà la seule solution.

*  *  *

 

. 1410 + -

LE BILINGUISME À LA VILLE D'OTTAWA

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le Président, hier, le conseil municipal d'Ottawa a donné au Canada une capitale bilingue où les résidants d'Ottawa et les centaines de milliers de visiteurs auront droit à des services en français autant qu'en anglais.

Aujourd'hui, je tiens à féliciter le maire Bob Chiarelli et les conseillers et conseillères: Elisabeth Arnold, Michel Bellemare, Rainer Bloess, Rick Chiarelli, Alex Cullen, Diane Deans, Clive Doucet, Dwight Eastman, Peter Hume, Herb Kreling, Jacques Legendre, Phil McNeely, Madeleine Meilleur, Alex Munter, Janet Stavinga et Wendy Stewart du geste qu'ils ont posé hier.

Ces hommes et ces femmes passeront non seulement à l'histoire de leur ville, mais également à l'histoire de leur pays.

[Traduction]

À l'automne de 1999, Glen Shortliffe avait recommandé une fusion de toutes les municipalités de façon à créer une nouvelle capitale du Canada qui serait officiellement bilingue. Le gouvernement de l'Ontario a décidé de ne pas donner suite à cette idée, disant qu'il s'agissait d'une décision locale.

La décision a été prise hier. Le conseil municipal a accepté la politique de bilinguisme et a demandé au gouvernement de l'Ontario de modifier la loi en conséquence et de garantir les services dans les deux langues. J'invite le gouvernement de l'Ontario à le faire et j'espère qu'il le fera.

*  *  *

LES NORMES NATIONALES EN MATIÈRE D'EAU POTABLE

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, le Parlement, la Chambre des communes du Canada, s'est clairement prononcé en faveur de normes nationales en matière d'eau potable au Canada, en approuvant la motion présentée par le Parti progressiste-conservateur. Nous demandons au gouvernement fédéral de donner suite à la motion et d'entreprendre immédiatement de présenter un projet de loi sur l'eau potable salubre.

Nous devons respecter le partage des compétences en matière d'environnement. Nous devons aussi reconnaître l'obligation morale de Santé Canada d'assurer la salubrité de l'eau potable. C'est ce que nous faisons en vertu de la Loi sur les aliments et drogues lorsque nous mesurons la toxicité des produits chimiques ou des pesticides.

La motion recommande d'agir immédiatement. Si le gouvernement n'agit pas d'ici l'automne en convoquant une rencontre des ministres canadiens de la Santé, si le Parlement ne légifère pas d'ici là, nous pourrons considérer cette inaction comme un outrage au Parlement et à la volonté des Canadiens. De plus, en ne prenant pas de mesures pour assurer la salubrité de l'eau potable au Canada, le ministre de la Santé ferait faux bond aux Canadiens.

*  *  *

[Français]

MARIE CARDINAL

M. Jean-Guy Carignan (Québec-Est, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de regrets que nous avons appris le décès de l'écrivaine Marie Cardinal.

Mme Cardinal nous a marqués par ses ouvrages philosophiques et féministes qui ont été traduits en 26 langues, notamment: Écoutez la mer, Autrement dit, Une vie pour deux et, plus récemment, Amours... amours.

En plus de lire ses mots, nous avons pu les entendre, puisque La clé sur la porte et Les mots pour le dire ont été portés à l'écran.

En mon nom personnel et en celui de mes collègues, permettez-moi de transmettre mes sincères condoléances aux proches de Marie Cardinal. Qu'ils soient assurés que cette grande dame demeurera dans la mémoire collective.

*  *  *

[Traduction]

LES ANCIENS COMBATTANTS

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'incident récent où un député libéral a porté atteinte à l'honneur d'un ancien combattant en raison de la façon dont il avait voté devrait normalement constituer un incident isolé, mais ce n'est pas le cas.

Le ministre des Anciens combattants avait précédemment refusé son aide afin de permettre d'envoyer des anciens combattants commémorer Noël à Ortona. Un journal local avait dû trouver les fonds nécessaires.

La ministre du Patrimoine est à l'origine du fiasco auquel a abouti la tentative du gouvernement de réserver une partie du Musée canadien de la guerre à la commémoration de l'holocauste. La ministre n'a même pas consulté les anciens combattants canadiens et elle a dû modifier sa décision à la suite de protestations énergiques au sein de l'opinion publique.

La même ministre ne s'est pas non plus donné la peine de consulter le comité consultatif du Musée de la guerre ni les organisations d'anciens combattants avant d'annoncer le déménagement du Musée de la guerre.

Quand cessera-t-on de malmener les anciens combattants et quand cessera-t-on de les insulter?

*  *  *

[Français]

MARIE CARDINAL

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, comment trouver les mots pour le dire: Marie Cardinal est morte, hier, en France, des suites d'un cancer.

Elle a marqué les femmes de ma génération par son combat pour vaincre ses peurs, en trouvant les mots pour comprendre ses vérités intérieures. Dans les années 1980, elle disait elle-même: «J'ai mené une vie qui m'a passionnée, parce qu'elle était un bouleversement par rapport à ma jeunesse. J'ai raconté mon expérience et, par une chance formidable, mes livres ont rencontré un large public.»

Si le monde perd une écrivaine de talent, la culture perd aussi une femme de lettres et une helléniste réputée. Les femmes, elles, perdent une militante qui les a introduites dans leur univers d'intimité pour regarder avec courage les blessures et les manques incurables pour faire face à la vie.

 

. 1415 + -

Marie Cardinal aimait le Québec et partageait sa vie entre la France et Montréal depuis le début des années 1960. Son oeuvre lui survit et continuera à nourrir l'imaginaire des lecteurs et lectrices en ouvrant les portes de l'intériorité.

Nous offrons nos condoléances à sa famille, à ses proches, à Jean-Pierre Ronford et à sa fille Alice. Le Québec a perdu une grande amie.

*  *  *

LE MOIS DE MEDICALERT

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'informer la Chambre et toute la population canadienne que le mois de mai a été désigné Mois de MedicAlert par la Fondation canadienne MedicAlert.

Plus de 900 000 Canadiens et Canadiennes bénéficient de la protection de ce service, mondialement reconnu, d'identification et d'information médicales d'urgence.

On estime qu'une personne sur cinq au Canada a un problème médical ou une allergie dont les gens devraient être informés en cas d'urgence médicale.

Le service MedicAlert fait en sorte que les personnes à risque soient identifiées rapidement en cas d'urgence médicale et que les dispensateurs de soins de santé d'urgence aient immédiatement accès à des renseignements personnels et médicaux sûrs.

Offrons ensemble nos meilleurs voeux à la Fondation canadienne MedicAlert pour que sa campagne de sensibilisation du public soit un succès.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous savons maintenant pourquoi le gouvernement veut passer deux ans sans présenter de budget. Les économistes au service du ministre des Finances disent que les dépenses du gouvernement nous poussent vers un déficit. Un économiste aurait même dit que le gouvernement n'avait tout simplement jamais fait les additions. C'est incroyable.

Le premier ministre peut-il nous dire comment il a pu permettre à son ministre des Finances de gérer les finances du pays si mal que nous sommes sur le point d'entrer en situation de déficit?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est probablement la question la plus facile à laquelle j'aie eu à répondre depuis longtemps.

C'est la première fois dans l'histoire du Canada que nous avons quatre ou cinq excédents d'affilée. C'est la première fois en 40 ans que nous remboursons une partie de la dette trois années d'affilée. C'est la première fois dans l'histoire de ce pays que les taux d'intérêt baissent à ce point, passant de 11,5 p. 100 à 6 p. 100 sous l'égide du ministre des Finances et de moi-même, bien sûr, et cela se poursuivra.

Parlons des dépenses. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir commencé en 1993-1994, le gouvernement dépensait 121 milliards de dollars. Sept ans plus tard, nous n'en sommes pas encore revenus au point...

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il peut rire tant qu'il veut. Les libéraux ont ri durant la dernière campagne électorale lorsque nous avons montré les chiffres qui indiquaient que nous nous dirigions vers un déficit. Ils ont dit aux électeurs que ce n'était pas le cas, mais voilà que leurs propres économistes disent que nous nous dirigeons vers un déficit. Ce n'est pas une plaisanterie. Ils peuvent rire tant qu'ils veulent. Nous voyons maintenant que toutes les réductions d'impôt promises sont compromises.

Le premier ministre va-t-il manquer à sa promesse de réduire les impôts comme il l'a fait dans le cas de la TPS et dans le cas du conseiller en éthique?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la majeure partie des réductions d'impôt sont entrées en vigueur le 1er janvier de cette année. Les autres viendront par la suite. Nous prédisons que nous aurons des budgets équilibrés pendant des années encore. Personne ne peut savoir si, dans trois, cinq ou dix ans d'ici, il y aura ou non une récession majeure. Toutefois, nous avons eu un succès énorme avec la façon dont nous avons géré les finances du pays depuis 1993.

M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ces économistes disent que nous nous dirigeons vers une récession même sans ralentissement économique. Tous les contribuables au pays savent que, dès que la fin de l'exercice approche, le gouvernement se met à dépenser sans compter.

Je rappellerai au ministre des Finances et au premier ministre que ce n'est pas leur argent qu'ils gaspillent ainsi, mais bien celui des contribuables. C'est exactement pour cette raison que le vérificateur général a demandé qui s'occupait de la boutique.

La présidente du Conseil du Trésor peut-elle nous dire si de nouvelles mesures de contrôle des dépenses sont mises en place pour nous protéger contre le déficit vers lequel nous nous dirigeons et pour nous protéger contre ces gens irresponsables et incompétents qui dépensent sans compter et qui ne présentent pas de budget? Y a-t-il des mesures de contrôle en place?

 

. 1420 + -

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je viens d'expliquer que, lorsque nous avons commencé en 1993, les dépenses s'élevaient à 121 milliards de dollars, exclusion faite des paiements d'intérêt. Nous avons réduit les dépenses de 20 p. 100 durant les années difficiles que nous avons traversées. Puis, nous avons recommencé à les augmenter lentement, et nous n'en sommes même pas encore revenus au point où nous étions en 1993-1994. Évidemment, nous avons encore des problèmes au Canada, mais nous avons un programme: réduction de la dette, réduction des impôts et dépenses pour régler certains des problèmes qui existent dans notre société et dont nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes conscients.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, une autre entreprise canadienne, la société Mitel, un employeur de la vallée de l'Outaouais, a annoncé aujourd'hui qu'elle mettra à pied 430 employés au lieu d'en embaucher 300 comme elle prévoyait le faire il y a deux mois. Cela montre bien que le gouvernement n'a plus le vent en poupe et ne peut plus compter sur les Américains pour nous aider à traverser cette période de déclin de l'économie.

Combien de gens devront perdre leur emploi avant que le gouvernement prenne des mesures concrètes?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, on ne peut douter que le gouvernement trouve très préoccupant de voir ainsi des Canadiens perdre leur emploi. Le fait est qu'on observe un ralentissement de l'activité économique aux États-Unis et un ralentissement dans le secteur de la technologie de pointe et des télécommunications. C'est là que se produisent les pertes d'emploi.

J'inviterais simplement la députée de la région d'Ottawa à nous dire quelles mesures elle pense que le gouvernement canadien devrait prendre pour amener le secteur américain des télécommunications à acquérir davantage de sociétés canadiennes.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les chômeurs canadiens veulent des emplois, pas des excuses. Le gouvernement ne doit pas se contenter de dire que ce changement de situation au Canada est attribuable à des ajustements ou à des changements dans l'économie américaine ou dans le secteur de la technologie.

Combien de temps encore les parents des éléments les plus brillants du Canada devront-ils dire au revoir à leurs enfants qui vont chercher du travail ailleurs?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, voyons ce qui se passe dans l'économie canadienne.

On a annoncé hier que les mises en chantier allaient atteindre cette année le niveau le plus élevé qu'on n'ait jamais vu, avec une augmentation de 7,5 p. 100.

On peut s'en remettre essentiellement au jugement que portent les économistes de l'étranger sur ce qui se passe au Canada. Le FMI a dit que les politiques que nous avons mises en application correspondent exactement à ce qu'il fallait faire. L'OECD a dit la même chose. La semaine dernière, le service de recherche du magazine The Economist a fait grimper le Canada de deux places pour le classer au troisième rang parmi les meilleurs pays au monde où investir.

*  *  *

[Français]

LE CRIME ORGANISÉ

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le solliciteur général a déclaré, hier, à la Chambre qu'en vertu du projet de loi présenté par sa collègue de la Justice, l'immunité accordée aux policiers pour commettre des actes illégaux, et je le cite, «ne sera pas limitée seulement au crime organisé».

Cet entêtement risque d'ouvrir la porte à des abus du type de ceux qu'on a déjà connus par la GRC à l'endroit du mouvement souverainiste dans les années 1970, lorsque des granges furent incendiées.

Est-ce que la ministre de la Justice pourrait nous dire si elle partage la position du solliciteur général, et sinon, a-t-elle l'intention de restreindre l'immunité accordée aux policiers aux seules enquêtes reliées au crime organisé?

[Traduction]

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il s'agit là d'un nouveau moyen crucial pour la police, et non d'un chèque en blanc. Le projet de loi prévoit des limites et des contrôles stricts, et une responsabilité politique directe.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Parlant de la politique en plus, monsieur le Président, c'est inquiétant. On demande que ce soit relié au crime organisé seulement. Le solliciteur général, à chaque fois qu'on lui pose une question sur des enquêtes, dit qu'il ne s'en mêle pas.

Or, ce coup-ci, c'est lui qui, en bout de ligne, va décider si les policiers peuvent commettre un crime. C'est cela qui est inquiétant.

Est-ce que la ministre de la Justice n'est pas d'accord que ce serait bien plus simple et bien plus respectueux de la loi que ce soit un juge, comme dans le cas de l'écoute électronique? Va-t-elle prendre ses responsabilités? C'est d'elle que cela dépend, va-t-elle répondre?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis d'accord sur tout ce qu'a dit mon collègue, le solliciteur général. Je ne suis vraiment pas d'accord avec le chef du Bloc pour dire que ce rôle revient à l'appareil judiciaire. Ce qu'il ne comprend pas, c'est que, si le judiciaire assumait ce rôle, il participerait à l'étape de l'enquête sur un crime, ce qui irait à l'encontre des traditions propres à notre démocratie.

 

. 1425 + -

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi sur le crime organisé prévoit que les policiers devront obtenir, ultimement, l'autorisation du solliciteur général ou du ministre de la Sécurité publique avant de pouvoir commettre des actes criminels dans le cadre de leurs activités d'infiltration des groupes, qu'ils soient liés au crime organisé ou non.

Est-ce que la ministre va reconnaître que cette façon de faire va à l'encontre de la décision traditionnelle qui existe entre les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, et que cela risque d'entraîner la banalisation du rôle du pouvoir judiciaire, qui est de protéger les droits des citoyens contre des abus politiques potentiels?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous avons décidé de faire en sorte que le judiciaire ne participe pas d'une manière indue à l'étape de l'enquête sur un crime. Ainsi, nous nous assurerons qu'il continuera de jouer son rôle de protecteur ultime des droits et des libertés des Canadiens.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, ils disent que dans le cas de l'écoute électronique, le rôle de la magistrature n'est pas approprié.

Est-ce qu'elle pourrait se ranger derrière ce que dit le Barreau du Québec et l'Association du Barreau canadien, qui dénoncent cette façon de faire et qui trouvent totalement arbitraire que l'autorisation soit donnée par le solliciteur général, plutôt que par un juge, comme cela se fait à l'évidence, dans le cas de l'écoute électronique?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit et comme le député devrait le savoir, notre tradition, du moins de ce côté-ci de la Chambre, veut que l'étape de l'enquête et l'étape judiciaire demeurent séparées et distinctes. Accepter la proposition du député changerait radicalement l'équilibre dans notre tradition juridique.

*  *  *

LA DÉFENSE NATIONALE

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, au milieu des années 80, les États-Unis ont proposé le projet de Guerre des étoiles. Aujourd'hui, nous faisons face à une autre proposition en ce sens. C'est toujours la même folie.

Le premier ministre affirme qu'il essaie de se faire une idée. Eh bien, permettez-moi d'aider en rappelant au député de Saint-Maurice ce qu'il a dit au sujet du projet de Guerre des étoiles le 22 mars 1985:

    Le gouvernement peut-il s'engager à ce que les Canadiens et le Parlement du Canada ne participent pas à la Guerre des étoiles [...]? Voilà l'engagement que nous voulons obtenir du gouvernement.

Le premier ministre pourrait-il répondre à sa propre question?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme nous l'avons dit, le gouvernement américain n'a encore adopté aucun programme. Il nous a dit qu'il allait nous consulter avant de prendre une décision. Nous avons déclaré que c'était la meilleure façon d'aborder le problème car il nous a promis de nous consulter.

Il serait très facile de simplement dire non et de rester sur nos positions, mais je pense qu'en participant aux négociations et aux discussions avec les Américains, nous pouvons influencer la décision, ce qui n'est pas le cas si nous restons à l'écart. Il y a d'autres dirigeants en Europe, en Russie et en Chine qui souhaitent la tenue d'un dialogue. Nous voulons participer à un tel dialogue.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, la position et les déclarations de ce chef libéral dépendent de l'endroit où il siège.

Écoutez ce que le premier ministre actuel a demandé à Brian Mulroney en mars 1985, et je cite là encore:

      [...] est-ce qu'il va se montrer digne de la réputation des Canadiens, qui a toujours été d'être du côté de la paix, plutôt que de se lancer dans une aventure qui va conduire à l'escalade de la course aux armements de par le monde?

Pourquoi le premier ministre a-t-il changé d'idée? Peut-il nous expliquer pourquoi il n'a pas le courage de faire ce que Brian Mulroney a fait et de dire non à la Guerre des étoiles?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a une différence fondamentale dans les positions à l'époque et aujourd'hui.

Dans la proposition soumise jusqu'à maintenant par les Américains, il est question d'une énorme réduction unilatérale des armes nucléaires par les Américains. C'est un signe positif.

Quant à savoir ce qu'ils feront avec le nouveau système, nous l'ignorons au juste. Nous voulons avoir un dialogue, à l'instar des Russes, des Européens et le reste.

Hier, j'ai passé un certain temps avec des gens qui travaillent au désarmement. Ils encouragent les Canadiens à participer au dialogue parce qu'ils pensent que...

Le Président: Le très honorable député de Calgary-Centre a la parole.

*  *  *

[Français]

L'AUBERGE GRAND-MÈRE

Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, le gouvernement continue de rejeter les demandes de dépôt du Bloc québécois du bail entre la Consolidated Bathurst et la compagnie 161341 Canada Inc. pour le terrain sur lequel repose l'Auberge Grand-Mère.

L'index aux immeubles indique que le bail n'a pas été annulé. Il ne l'a pas été non plus dans l'acte de vente entre la Consolidated et Yvon Duhaime.

 

. 1430 + -

Le premier ministre peut-il nous dire si, suivant son assermentation, le loyer continuait à être payé par sa compagnie à Consolidated ou à Yvon Duhaime?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons répondu à toutes ces question. L'honorable député va encore à la pêche avec sa question.

J'ai vendu mes intérêts le 1er novembre 1993, c'était un bail de un dollar par année. Ce qui s'est passé après que je suis parti, je ne le sais pas, mais je sais que la compagnie Consolidated Bathurst a vendu directement à M. Duhaime. Elle n'a jamais vendu l'hôtel à la corporation du golf dans laquelle j'avais des intérêts avant que je devienne premier ministre.

[Traduction]

Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, il s'est produit une très mystérieuse série de présumées falsifications dans le dossier des prêts consentis à l'Auberge Grand-Mère par la Banque de développement du Canada. Lundi, le ministre a refusé de dire pourquoi on avait demandé à la GRC de faire enquête sur certaines de ces falsifications et non sur les autres.

Ma question porte sur le dossier général qui a été conservé par la Banque de développement du Canada, un dossier qui, aux termes de la loi, devrait pouvoir être examiné par la GRC, le commissaire à l'information et le parlement. Le premier ministre peut-il dire à la Chambre si des documents ont été retirés de ce dossier ou détruits?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le dossier est entre les mains de la Banque de développement du Canada. Cette dernière a confié le problème à la GRC qui fait actuellement son travail.

*  *  *

[Français]

LES PARLEMENTAIRES

M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, suite aux agissements du député de Scarborough-Sud-Ouest, les 75 p. 100 des électeurs qui n'ont pas voté pour les libéraux s'inquiètent.

Est-ce que le premier ministre peut assurer les Canadiens qu'ils ne recevront pas un traitement de deuxième classe de la part de ce gouvernement?

Le Président: Avec son préambule, je me demande si la question concerne les affaires du gouvernement. J'ai des doutes, mais le très honorable premier ministre peut répondre.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai parlé hier avec le député en question qui a émis un communiqué ce matin, s'excusant et offrant de travailler avec l'ancien combattant en question, lequel a déjà reçu un appel du ministère des Anciens combattants pour l'aider dans son dossier.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la tendance est très nette. Votez pour les libéraux et vous avez droit à l'aide de votre député. Votez pour les libéraux et votre entreprise peut recevoir une aide financière. Votez pour d'autres personnes que les libéraux et vous êtes mis à l'écart.

Ma question s'adresse au premier ministre. La plupart des Canadiens considèrent cela comme du favoritisme. Le premier ministre est-il prêt à mettre fin à cette pratique dès maintenant?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les députés travaillent très fort pour leurs électeurs. Je me souviens toutefois qu'à la Chambre des communes, il y a environ un an, alors que nous discutions du problème de DRHC, des députés d'en face ont affirmé qu'ils avaient pour principe de ne pas aider qui que ce soit à obtenir une subvention du gouvernement du Canada. Je me souviens que cela a été dit par des députés d'en face.

Dans le cas du député de Scarborough-Sud-Ouest, il a transmis ses excuses et il a offert son aide. Le ministre des Anciens combattants a vu pas plus tard qu'hier à ce que l'on communique avec l'intéressé pour lui offrir de l'aide. Je suis heureux de voir que la situation est revenue à la normale.

*  *  *

[Français]

LES AFFAIRES URBAINES

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le Président, les libéraux fédéraux ont fait campagne l'automne dernier contre les fusions municipales reconnaissant pourtant, dès le lendemain, qu'ils ne pouvaient rien y changer.

En février dernier, le ministre des Transports déclarait que la Constitution devait être changée pour l'adapter aux réalités de l'urbanisation au Canada. Hier, le premier ministre a annoncé la création d'un groupe de travail afin d'élaborer une politique fédérale urbaine.

Comme la Constitution indique clairement que le domaine municipal est de compétence provinciale, comment le gouvernement justifie-t-il la création de ce comité? N'est-ce pas là une autre facette de la centralisation sournoise qui se poursuit?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer vis-à-vis des municipalités.

Prenons par exemple le Programme d'infrastructures. Nous aidons les municipalités. Elles sont très contentes que nous les aidions. Nous les aidons dans bien d'autres domaines, comme dans l'habitation. Par exemple, prenons la situation de la ville de Montréal. Les ponts qui sont situés au-dessus du fleuve Saint-Laurent sont de responsabilité fédérale.

C'est tout à fait normal que nous ayons un rôle à jouer. Nous ne sommes pas comme les bloquistes, nous n'avons pas la tête dans le sable.

 

. 1435 + -

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le Président, c'est vrai, ils n'ont pas la tête dans le sable, ils ont les doigts dans toutes sortes d'affaires où ils n'ont pas d'affaire à les mettre.

Le mandat de ce comité ne fait nullement allusion aux compétences des provinces et du Québec en matière de questions urbaines. Ainsi, pour le fédéral, la Constitution, sa propre Constitution, n'aurait pas à être respectée.

Comment expliquer cette attitude paternaliste et méprisante d'Ottawa vis-à-vis des provinces? Est-ce que ce n'est pas là la poursuite du «Canadian nation building», accélérée par l'entente de l'Union sociale, qui permet l'intrusion du fédéral dans les champs de compétence des provinces où il n'a pas d'affaire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on reçoit des lettres de tous les maires de toutes les provinces du Canada, y compris ceux du Québec, nous demandant d'intervenir lorsqu'on le peut. Et on le fait avec plaisir, parce que, notre préoccupation n'est pas de faire de la politique sur la tête des gens, c'est d'aider tous les gens à tous les niveaux, autant que faire se peut.

*  *  *

[Traduction]

LES ANCIENS COMBATTANTS

Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Les révélations qui ont été faites hier au sujet du député de Scarborough-Sud-Ouest sont conformes à une tendance qui se confirme très nettement au sein du gouvernement depuis un certain temps.

Il est bien connu que le Fonds transitoire de création d'emplois a été l'objet de manipulations politiques. Il est clair que, au Québec, les demandes devaient être approuvées par le député libéral local. Si le député n'était pas libéral, c'est l'association libérale de la circonscription qui distribuait l'argent des Canadiens.

Comment se fait-il que les Canadiens qui ne votent pas libéral soient considérés comme des citoyens de deuxième classe?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous accordons de l'aide chez tous les députés, nous avons même aidé le pub Moose Mulligan dans la circonscription de l'un des députés réformistes qui était intervenu auprès de la ministre, ainsi que de nombreux autres députés réformistes.

Nous les avons consultés et certains d'entre eux étaient très heureux que le gouvernement du Canada aide les institutions locales.

Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, en ne faisant bénéficier que les libéraux de l'argent des contribuables, et en allant jusqu'à refuser d'aider un ancien combattant âgé, le gouvernement fait constamment la preuve qu'il applique une politique de deux poids, deux mesures.

Le premier ministre devrait être embarrassé par cet incident honteux. Il doit s'engager à éliminer la pratique des deux poids, deux mesures de tous les aspects du fonctionnement du gouvernement, y compris chez ses propres députés de l'arrière-ban. S'engage-t-il à traiter tous les Canadiens...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement devrait avoir à répondre des actions des simples députés. Il est parfaitement légitime de poser des questions au gouvernement portant sur les activités des ministres, mais si la question porte sur les activités d'un simple député, il me semble que cela ne relève pas de la compétence du gouvernement.

J'ai de très sérieuses réserves au sujet de ces questions. Je vais quand même permettre une réponse, mais je préviens les députés que la présidence est en train de perdre patience en ce qui concerne ce sujet.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je veux dire à la députée qu'elle n'était pas ici à l'époque, mais tout le monde à la Chambre sait parfaitement que, en Saskatchewan, on a distribué plus d'argent dans les circonscriptions des réformistes que dans la circonscription de la ministre.

Malheureusement, tout l'argent n'est pas allé dans sa circonscription parce qu'on en a donné davantage aux autres. La même chose s'est passé en Alberta où on a accordé beaucoup plus d'argent aux autres circonscriptions qu'à celles des deux députés de l'Alberta.

Je tiens à présenter mes excuses aux deux ministres de l'Alberta qui n'ont pas reçu autant d'argent que les députés du Parti réformiste; la même chose s'est produite en Colombie-Britannique.

*  *  *

[Français]

LA MONNAIE UNIQUE

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui, l'économiste Thomas Courchene témoignait devant le Comité permanent des finances. M. Courchene a dit être en faveur de l'établissement d'une monnaie unique en Amérique et trouve irresponsable qu'on ne réfléchisse pas à cette question immédiatement.

Est-ce que le ministre des Finances, justement, ne fait pas preuve d'irresponsabilité en refusant d'étudier les tenants et aboutissants d'une union monétaire des Amériques, alors qu'elle pourrait être réalisée d'ici dix ans, malgré lui, malgré le Canada, et de l'avis même du gouverneur de la Banque du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'éminent économiste, M. Courchene, a droit à ses opinions. Mais j'ai répété à maintes reprises la position du gouvernement du Canada et la position de la Banque du Canada, c'est-à-dire que pour ce qui est de protéger notre économie et la croissance économique, le dollar canadien est de loin la devise que nous devons adopter et maintenir.

 

. 1440 + -

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, au lieu de déformer continuellement les propos du gouverneur de la Banque du Canada qui, lui, a dit que c'était inévitable, ce serait dans dix ans, est-ce que le ministre des Finances pourrait faire preuve de leadership en mettant sur pied une véritable commission spéciale qui creuserait en profondeur cette importante question à l'image de la Commission MacKay sur la réforme des institutions financières canadiennes?

Il ne s'agit pas simplement d'être pour ou d'être contre, mais d'être prêts.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député pourrait peut-être m'expliquer une chose.

Comment se fait-il que l'article 14 de la Loi référendaire québécoise de 1995 dit clairement, et je cite: «La monnaie qui a cours légal au Québec demeurera le dollar canadien.»

*  *  *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, hier, le solliciteur général a déclaré à la Chambre que le gouvernement prend très au sérieux les évasions de nos prisons, mais les chiffres disent le contraire. À l'heure actuelle, environ 926 individus sont illégalement en liberté ou se sont évadés de nos différentes institutions.

Le solliciteur général pourrait-il nous éclairer sur ce point et nous expliquer comment le gouvernement peut perdre 1 000 prisonniers?

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a instauré un certain nombre de changements au cours des sept dernières années et les évasions de nos prisons à sécurité minimale ont diminué de 55 p. 100 depuis sept ans.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est bien intéressant car sept autres évasions se sont produites durant le mois de février. C'est tout un exploit.

On a récemment retrouvé Keith Lawrence, un prisonnier qui était en cavale depuis 30 ans. Il vivait sous un nom d'emprunt connu et habitait à une heure à peine de la prison d'où il s'était évadé.

Le solliciteur général peut-il nous dire quelles ressources le gouvernement compte consacrer aux mesures requises pour que ces prisonniers restent en prison, ou peut-être préférera-t-il recourir à une tactique plus rigoureuse, à la mode des libéraux, et leur demander tout simplement de rester un peu plus longtemps?

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tout comme j'ai répondu à mon collègue hier, je suis convaincu que le député ne veut pas laisser entendre qu'un grand nombre de détenus s'évadent des établissements à sécurité maximale ou moyenne. En fait, comme je l'ai indiqué, même dans les prisons à sécurité minimale, nous avons réduit le nombre d'évasions de 55 p. 100 au cours des sept dernières années et nous continuerons de faire baisser ce nombre.

*  *  *

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, l'Éthiopie et l'Érythrée ont officiellement réglé leur différend frontalier le 12 décembre 2000. Cet accord de paix récent a établi un climat propice au règlement définitif de la vieille animosité qui oppose les Éthiopiens aux Érythréens.

Dans le cadre des efforts visant à assurer une paix durable entre ces deux pays, les Nations Unies ont convenu de mener sur place une mission de maintien de la paix, mieux connue sous le nom de Mission des Nations Unies pour l'Érythrée et l'Éthiopie, ou MINUEE. Le secrétaire d'État chargé de l'Afrique peut-il faire le point des efforts du Canada pour le maintien de la paix dans cette région?

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, les membres de la mission des Nations Unies pour le maintien de la paix font de leur mieux pour trouver une solution aux différends qui subsistent de part et d'autre dans cette horrible guerre.

Certains d'entre nous iront en Éthiopie et en Érythrée le mois prochain pour persuader les responsables politiques de maintenir la paix. Les Canadiens affectés à cette mission sont au nombre de 450 et, d'après tous les rapports reçus à ce jour, ils font de l'excellent travail dans la région, et tous les Canadiens devraient leur en être reconnaissants.

*  *  *

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, il y a un an aujourd'hui, le ministre des Transports a annoncé un système de transport et de manutention du grain plus concurrentiel. Il avait d'ailleurs prévu une baisse moyenne de 5,92 $ la tonne.

Bien sûr, la réalité est loin de cela. En Saskatchewan, par exemple, c'est moins du dixième, soit un maigre 53 cents la tonne. Puisque le gros de cet argent n'est pas allé aux producteurs, ma question est directe. À qui est-il allé?

L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le projet de loi C-34, adopté avant les dernières élections, a été l'une des mesures qui ont le mieux permis de rétablir l'équilibre du prix du grain dans les Prairies.

Aux termes de cette mesure, les agriculteurs et les producteurs recevront quelque 175 millions de dollars de prestations. Je crois que les calculs du député sont erronés, parce qu'il n'a pas tenu compte de toutes les différentes composantes du coût.

Le transport du grain se fait. Il se fait mieux qu'avant. Je suis certain qu'il y aura d'autres améliorations à l'avenir.

 

. 1445 + -

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, en fait, le ministre avait promis une réduction de 18 p. 100 alors que les producteurs ont reçu moins de 2 p. 100.

L'argent est allé surtout aux sociétés ferroviaires et céréalières. Il est regrettable de dire, non seulement en ce qui concerne leur engagement, mais aussi l'engagement du gouvernement, qu'il n'y a pas eu plus d'aide pour les producteurs. L'an dernier, les profits de 1,47 milliard de dollars des sociétés ferroviaires ont été supérieurs au revenu net agricole de tous les producteurs des Prairies.

Compte tenu de cela, comment le ministre peut-il justifier une hausse de 3,5 p. 100 des tarifs de transport du grain le 1er août prochain?

L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député est très sélectif. Il ne cite que le tarif d'un seul wagon. Il ne tient pas compte des réductions et d'autres incitatifs qu'offrent les sociétés ferroviaires.

J'invite le député à faire quelques calculs. Il s'apercevra que les économies que nous avions prévues sont vraiment en train de se concrétiser.

*  *  *

L'ÉCONOMIE

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, des économistes appuyant le ministre des Finances dans l'établissement de son énoncé économique nous disent que les promesses électorales des libéraux conduiront de nouveau le Canada dans une situation de déficit dans trois ans.

Dans un univers évoluant aussi rapidement et un pays s'orientant de nouveau vers des déficits en raison des nouvelles dépenses des libéraux, pourquoi le ministre des Finances juge-t-il acceptable un écart de deux ans dans la présentation des budgets?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous avons annoncé en octobre non seulement les plus importantes réductions d'impôt de l'histoire canadienne, mais aussi une des plus importantes réductions de la dette. C'était certes là un énoncé économique très important.

Permettez-moi simplement de réfuter les propos du député. La réalité, c'est que si l'on s'arrête aux projections économiques d'octobre, portant sur un horizon de cinq ans, ainsi qu'aux réserves et aux provisions pour aléas, il est très manifeste que l'on tient compte de toutes les dépenses et que le gouvernement ne retombera pas dans une situation de déficit.

*  *  *

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien.

Entre l'automne 1999 et l'automne 2000, l'auditoire des nouvelles télévisées du soir à la chaîne anglaise de Radio-Canada, à Terre-Neuve, a fondu de plus de moitié. La chaîne anglaise de Radio-Canada va-t-elle se servir de cette situation comme excuse pour éliminer le bulletin de nouvelles locales et faire subrepticement ce qu'elle n'a pas le courage de faire ouvertement?

La ministre va-t-elle enfin tenir compte des désirs des citoyens du Canada rural et dire à la chaîne anglaise de Radio-Canada de rétablir immédiatement le bulletin nouvelles dans son format original?

L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à remercier le député de sa question. Je tiens aussi à remercier le député et les autres membres du Comité permanent du patrimoine canadien de l'excellent examen de la radiodiffusion canadienne qu'ils ont entrepris aujourd'hui.

Cela donne à tous les Canadiens un bon exemple de la façon dont les comités parlementaires peuvent faire une différence. Je m'attends bien à ce que ce dossier et bon nombre d'autres questions soient analysés en profondeur par ce comité.

*  *  *

LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le Canada est un chef de file mondial en recherche sur les matériaux, en astronomie et en astrophysique.

Le gouvernement tarde beaucoup à prendre une décision sur deux grands projets scientifiques, à savoir le plan à long terme en astronomie et en astrophysique et l'Installation canadienne de détection des neutrons. À trop tarder, il risque de compromettre vraiment le rôle de chef de file du Canada et de pousser des chercheurs de premier plan à tenter leur chance ailleurs.

Le secrétaire d'État chargé des Sciences et de la Technologie fera-t-il preuve de leadership en présentant un cadre financier général pour les grands projets scientifiques et technologiques?

L'hon. Ralph Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, le député soulève une question particulièrement importante en ce qui concerne les sciences et les finances publiques.

Les projets du genre de ceux dont il parle ont tendance à coûter très cher à des moments imprévisibles. Il importe d'avoir un cadre financier et un système de planification qui tiennent compte de ces grands et coûteux projets scientifiques. Le gouvernement est déterminé à prendre une décision qui soit fondée sur des principes scientifiques objectifs, une diligence raisonnable et la responsabilité financière.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, dans le rapport qu'il a publié en décembre 2000, l'ancien vérificateur général recommandait que, pour les grands projets scientifiques, le gouvernement devrait veiller à ce qu'une autorité fédérale unique soit établie aux fins de la reddition de comptes et que cette autorité rende compte annuellement au Parlement.

 

. 1450 + -

Les Canadiens veulent demeurer des chefs de file en sciences et en technologie, mais ils veulent s'assurer que l'argent de leurs impôts est sagement dépensé.

Le gouvernement libéral laissera-t-il ces possibilités lui filer entre les doigts ou le secrétaire d'État ou tout autre ministre s'engagera-t-il aujourd'hui à présenter cette autorité fédérale unique?

M. John Cannis (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je me permets de féliciter le député qui est un membre très actif du comité. Il était présent au comité hier. Il y est toujours. Il sait pertinemment que nous sommes à examiner cette question à l'heure actuelle. De nombreux scientifiques, de nombreux chercheurs qui ont comparu devant le comité y ont félicité le gouvernement pour ses investissements. Ils y ont parlé d'importation de travailleurs intellectuels plutôt que d'exode des cerveaux.

Je tiens à féliciter le premier ministre, le ministre des Finances et le secrétaire d'État aux Sciences, à la recherche et au développement d'avoir fait en sorte que le Canada se démarque nettement des autres pays à cet égard.

*  *  *

[Français]

LA PAUVRETÉ

Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec organise cette semaine une Foire de la dignité afin de conscientiser les différents gouvernements au phénomène de la pauvreté.

Le Canada compte encore 4,9 millions de personnes pauvres, dont 1,3 million d'enfants.

La ministre de la Justice peut-elle convenir qu'il est inacceptable que le gouvernement fédéral n'ait pas encore inclus, dans la Loi sur les droits de la personne, la «condition sociale» comme motif de non-discrimination, alors que huit provinces l'ont fait, dont le Québec?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement prend très au sérieux la situation des Canadiens qui vivent dans la pauvreté. C'est pourquoi, je suis ravie de souligner que notre régime général de pensions comprenant le RPC, la SV et le supplément de revenu garanti, constitue un des principaux moyens de réduire la pauvreté, particulièrement chez les Canadiens du troisième âge. Le gouvernement est très engagé dans ces programmes.

En deuxième lieu, mon collègue devrait regarder ce que nous avons entrepris avec les provinces dans le cadre de la prestation nationale pour enfants et de la nouvelle entente sur le développement de la petite enfance. Nous savons que ces programmes vont contribuer à réduire la pauvreté chez les enfants.

[Français]

Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais, quand on adresse une question à une ministre concernant un dossier en particulier, qu'on nous réponde.

Dans son rapport à la ministre, en date du 21 juin 2000, l'ex-juge de la Cour suprême, M. Gérard LaForest, recommande d'ajouter la «condition sociale» comme motif de discrimination illicite en s'inspirant de la définition élaborée par la Commission des droits de la personne du Québec.

Est-ce que la ministre entend retenir la recommandation du juge LaForest et faire de la «condition sociale» un motif illicite de discrimination?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, l'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne, notamment entrepris par l'ancien juge LaForest, a donné lieu à 160 recommandations.

Mon ministère, en collaboration avec d'autres ministères visés, examine présentement ces recommandations. Nous y donnerons suite en temps opportun.

*  *  *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, à 25 ans, une voiture est une authentique voiture ancienne. À 30 ans, une personne peut légalement devenir sénateur. À 40 ans et plus, l'appareil Sea King, le doyen de la flotte aérienne canadienne, arrive tout juste à bouger tandis que le cauchemar de l'adjudication de marchés fondé sur des considérations politiques se poursuit.

Que faudra-t-il pour remplacer les Sea King, ces appareils qui ont été mis en service sur la première ligne pendant plus longtemps que la plupart des autres aéronefs? Faudra-t-il des adhésions au Parti libéral?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a expliqué sa position. Il veut faire ces acquisitions importantes.

Nous avons rendu publique une lettre d'intérêt et, étonnamment, au grand dam de certains de nos détracteurs, elle a suscité beaucoup d'intérêt. Bien des gens se sont montrés intéressés à cette acquisition. Nous travaillons donc avec eux et nous espérons très bientôt, dans les prochains mois, pouvoir présenter une demande de proposition officielle. Nous espérons pouvoir réaliser cette acquisition importante conformément à l'échéancier que nous avons annoncé au début.

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, contrairement au ministre, des analystes militaires indépendants estiment que nous n'avons pas une capacité de combat supérieure à notre capacité d'il y a dix ans.

Récemment, le major-général MacKenzie a demandé à une salle remplie de militaires si quelqu'un partageait l'avis du ministre et personne n'a levé la main.

Avec un aéronef de 40 ans en service de première ligne, la capacité de combat et le service intérieur s'en ressentent. Quand mettra-t-on fin à cette lacune flagrante? Quand remplacera-t-on les Sea King? Quand?

 

. 1455 + -

L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le député cite certains penseurs dépassés, dont il fait lui-même partie, je crois.

Comme je l'ai répété constamment, d'ici à ce que nous ayons de nouveaux hélicoptères, nous allons nous assurer que les Sea King sont des appareils sûrs à piloter. D'ailleurs, les États-Unis, le pays du monde le plus moderne sur le plan militaire, utilisent eux aussi des Sea King de la même cuvée. Comme notre pays, les États-Unis veulent avoir l'assurance que ces appareils peuvent voler en toute sécurité. S'ils ne sont pas sûrs, nous ne les utiliserons pas. C'est aussi simple que cela.

*  *  *

L'INDUSTRIE FORESTIÈRE

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, la population de la Colombie-Britannique se préoccupe énormément de l'environnement. C'est la raison pour laquelle nous exigeons l'adoption de mesures pour assurer une exploitation durable de la forêt.

Les groupes de pression américains accusent maintenant les Canadiens d'avoir des pratiques forestières tellement déplorables qu'elles équivalent à une subvention passible d'un droit compensateur.

Ma question s'adresse au secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international. Ces accusations concernent-elles réellement la protection de l'environnement ou ne sont-elles pas plutôt un prétexte pour accroître le protectionnisme commercial?

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, il va sans dire que les accusations américaines sont de toute évidence ridicules.

La vérité est que le Canada peut se vanter d'avoir les pratiques forestières les plus écologiques au monde. Nous n'abattons qu'un demi pour cent de nos forêts par année. En fait, nous plantons deux fois plus d'arbres que nous en abattons.

Même si notre industrie forestière est plus importante que celle de nos voisins, nous abattons moins de la moitié de ce qu'ils abattent. Selon une étude récente d'une université américaine, nous avons de meilleures pratiques forestières que les États-Unis.

*  *  *

L'AGRICULTURE

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre des Transports a l'habitude de ne pas tenir compte des intérêts des agriculteurs de l'Ouest.

Le juge Estey a publié son rapport il y a plus de deux ans. L'une de ses principales recommandations proposait d'instaurer la concurrence dans le réseau ferroviaire. La semaine dernière, le gouvernement a rejeté la demande de droits de circulation présentée par deux petites compagnies ferroviaires régionales.

Pourquoi le ministre s'oppose-t-il à des mesures qui rapporteraient des avantages réels aux agriculteurs de l'Ouest?

L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député me demande de commenter une décision de l'Office des transports du Canada, qui a refusé à des compagnies de chemins de fer secondaires le droit de circuler sur les voies du CN et de CP.

Je dirai au député que le Comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada doit me présenter son rapport en juillet. Ce comité compte des membres très en vue. Ils traiteront de ce problème, comme le Parlement en a donné instruction dans le débat sur le projet de loi C-34.

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le site Web du ministre des Transports fait la part belle aux projets favoris du ministre, dans sa propre région, tandis que les agriculteurs de l'ouest du Canada sont plongés dans de terribles difficultés.

Quand le gouvernement va-t-il donner un vrai choix aux agriculteurs de l'Ouest en mettant en oeuvre les recommandations du juge Estey?

L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député n'est pas sans savoir que toute la question du transport du grain dans l'Ouest est excessivement complexe.

En faisant adopter le projet de loi C-34, nous avons amorcé une évolution vers un système plus concurrentiel dans l'octroi des marchés de la Commission canadienne du blé. Cette mesure donne des résultats. Le transport du grain s'améliore.

Je crois que, à la faveur de l'examen de la loi, l'an prochain, et des modifications que nous apporterons à la loi, le député pourra s'attaquer à ces problèmes de façon plus sérieuse.

*  *  *

[Français]

LA VOIE MARITIME DU SAINT-LAURENT

M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, le 17 octobre dernier, le coroner Laberge recommandait de faire passer le nombre de travailleurs aux écluses de Sainte-Catherine, de trois à quatre, pour éviter des accidents regrettables comme celui du 1er juin 2000, où une septuagénaire y perdait la vie.

Le ministre des Transports peut-il nous confirmer qu'il va obliger, comme le lui permet la convention de gestion, la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, à réviser sa politique de rationalisation et de sécurité, qui a plutôt pour but de réduire de trois à deux, le personnel de surveillance et d'amarrage des 13 écluses qu'elle gère au Québec et en Ontario, incluant celles de la ville de Sainte-Catherine?

L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, c'est une question de gestion par la société de la Voie maritime. Mais de la part de Transports Canada, nos obligations sont de faire une révision de sécurité et de s'assurer qu'on se conforme à tous les standards.

Dans ce cas, il n'y a pas de raison de douter de la décision de la gestion de la société de la Voie maritime.

*  *  *

 

. 1500 + -

[Traduction]

LA RÉFORME PARLEMENTAIRE

M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Monsieur le Président, ces derniers jours, les médias ont beaucoup parlé de la réforme parlementaire.

Le leader du gouvernement à la Chambre pourrait-il nous énumérer les mesures que le gouvernement a prises pour faire de la Chambre des communes une meilleure institution au service des Canadiens?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, depuis 1993, le gouvernement collabore sans relâche avec tous les autres partis politiques pour moderniser l'institution du Parlement.

Nous avons accru la participation des députés au processus budgétaire. Nous renvoyons plus de projets de loi aux comités avant l'étape de la deuxième lecture. Nous avons augmenté le budget de recherche de tous les partis politiques. Nous avons modernisé l'étape du rapport des projets de loi. Un comité multipartite se penche sur la modernisation du Règlement de la Chambre, et ce n'est qu'un commencement.

*  *  *

L'ENVIRONNEMENT

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, c'est quand même incroyable qu'il puisse se lever le matin. Les étangs bitumineux de Sydney posent un problème aigu. Les familles ont été exposées à des taux élevés de toxines, ce qui a fait grimper de façon consternante le nombre de cancers diagnostiqués, d'anomalies congénitales et de fausses couches. La position du ministre de la Santé est aussi vaseuse et fétide que la nappe de boue de Sydney.

Elizabeth May poursuit sa grève de la faim à l'extérieur et les manifestants continuent de protester en Nouvelle-Écosse contre l'inaction du gouvernement.

Le ministre de la Santé prendra-t-il au nom de son gouvernement l'engagement ferme de fournir les ressources nécessaires pour veiller à la réinstallation des victimes de Whitney Pier, en Nouvelle-Écosse?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, depuis de nombreuses années, le gouvernement appuie une initiative communautaire par l'entremise du groupe consultatif conjoint qui étudie ce problème au sein même de la communauté. Le processus se poursuit.

Le gouvernement du Canada a versé des fonds pour que ce projet soit mené à bien. Nous appuyons le processus auquel participent la population de Sydney et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

*  *  *

[Français]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je veux souligner aux honorables députés la présence à la tribune de Son Excellence M. Nassirou Sabo, ministre des Affaires étrangères de la coopération et de l'intégration africaine de la République du Niger.

Des voix: Bravo!

*  *  *

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'aimerais poser la question du jeudi au leader du gouvernement et lui demander s'il veut bien nous informer du menu législatif pour le reste de la journée, demain et la semaine prochaine.

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je crois que c'est la première fois que j'ai l'occasion de répondre à la députée à titre officiel. Je tiens tout d'abord à la féliciter pour le poste qu'elle détient.

Cet après-midi, nous poursuivrons l'étude du projet de loi S-11, puis du projet de loi S-16 concernant le blanchiment d'argent. En fait, le débat du projet de loi S-11 pourrait prendre fin juste avant la période des questions. Le cas échéant, nous débuterons aussitôt l'étude du projet de loi S-16, puis celle du projet de loi C-14 concernant la marine marchande. Par la suite, s'il reste du temps, nous reprendrons le débat du projet de loi C-10 concernant les aires marines de conservation.

Vendredi, nous entreprendrons l'étude du projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, aux étapes du rapport et de la troisième lecture. Nous reviendrons ensuite à l'étude des projets de loi C-14, C-10 et S-16 si nous n'en avons pas terminé l'étude.

 

. 1505 + -

Lundi prochain, si nécessaire, nous reprendrons l'étude du projet de loi C-22, puis du projet de loi C-17, concernant la fondation canadienne pour l'innovation, à l'étape de la troisième lecture. Nous continuerons ensuite avec la liste de projets de loi non terminés.

Mardi, nous espérons entamer et terminer l'étude, à l'étape de la troisième lecture, du projet de loi C-26, Loi concernant le tabac, et celle du projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel, à l'étape de la deuxième lecture.

Mercredi, nous passerons au projet de loi C-7, concernant la justice pénale pour les adolescents, à l'étape du rapport. Nous espérons également entreprendre, la semaine prochaine, l'étude du projet de loi S-3 concernant les transports routiers; du projet de loi C-11 concernant l'immigration, s'il en est fait rapport, et du projet de loi C-24, concernant le crime organisé. Suite aux discussions qui ont eu lieu entre les partis politiques nous espérons pouvoir étudier le projet de loi S-24 concernant la communauté autochtone de Kanesatake, à toutes les étapes à la Chambre des communes, à condition que l'autre endroit en ait fait rapport à la Chambre.



LA SANCTION ROYALE

[Traduction]

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'ai l'honneur d'informer la Chambre que j'ai reçu le message suivant:

    Résidence de la Gouverneure générale
    Ottawa

    le 10 mai 2001

    Monsieur le Président,

    J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Ian Binnie, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant de la Gouverneure générale, se rendra à la salle du Sénat, aujourd'hui, le 10 mai 2001 à 16 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

    Le sous-secrétaire, Politique, programme et protocole
    Anthony P. Smyth



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

 

L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) propose: Que le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole aujourd'hui à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Cette mesure vient améliorer celle qui l'a précédée, le projet de loi C-22, qui a reçu la sanction royale au mois de juin dernier. Le projet de loi S-16 était nécessaire pour plusieurs raisons.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement la genèse de ce projet de loi.

[Français]

Comme les députés le savent, le blanchiment d'argent est devenu un problème de plus en plus grave au Canada ces dernières années. Par définition, le blanchiment d'argent constitue le processus par lequel l'argent sale provenant d'activités criminelles est converti en biens dont il est difficile de retracer les origines illégales.

[Traduction]

Profitant des frontières ouvertes d'aujourd'hui, les criminels procèdent tous les jours au blanchiment de millions de dollars de profits illégaux afin de les faire passer pour légitimes. Ces activités peuvent miner la réputation et l'intégrité des institutions financières et causer des distorsions dans le fonctionnement des marchés financiers, si des mesures qui conviennent ne sont pas prises pour lutter contre le blanchiment d'argent.

Pour illustrer la gravité du problème, on estime qu'entre 5 et 17 milliards de dollars de produits de la criminalité sont blanchis tous les ans au Canada. Une partie non négligeable de l'argent blanchi est liée aux profits tirés du trafic des stupéfiants.

 

. 1510 + -

Le blanchiment d'argent est devenu un crime au Canada en 1989. Avant le projet de loi C-22, le Canada disposait d'une bonne partie des composantes d'un programme de lutte contre le blanchiment d'argent dans le cadre du Code criminel et de l'ancienne Loi sur les produits de la criminalité. Cependant, le gouvernement a pris conscience qu'il devait faire beaucoup plus pour lutter contre le problème.

[Français]

D'une part, il était pressé par les organismes d'application de la loi de fournir de meilleurs outils. D'autre part, sur la scène internationale, le Canada était l'objet d'examens en raison de lacunes perçues dans ses accords de lutte contre le blanchiment d'argent.

[Traduction]

En 1997, le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, qui est composé de 26 membres et dont le Canada est un des membres fondateurs, a déclaré qu'il existait certaines lacunes au Canada et nous encourageait fortement à harmoniser notre programme de lutte contre le blanchiment d'argent aux normes internationales.

En raison de pressions exercées au Canada et sur la scène internationale, le gouvernement a présenté le projet de loi C-22 au cours de la dernière législature. Ce projet de loi renforçait la loi existante en raffermissant les mesures de dépistage, de prévention et de dissuasion du blanchiment d'argent au Canada. Le projet de loi C-22 contenait trois composantes distinctes qui permettaient au Canada de se hisser à la hauteur de ses engagements internationaux.

Tout d'abord, le projet de loi prévoyait le signalement obligatoire des transactions financières douteuses.

Deuxièmement, le projet de loi exigeait que les mouvements transfrontaliers de grande valeur en liquide ou sous forme d'instruments monétaires, par exemple des chèques de voyage, soient signalés à l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Troisièmement, le projet de loi C-22 prévoyait l'établissement du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou FINTRAC, et ce centre a vu le jour le 5 juillet 2000. FINTRAC, qui est une agence indépendante, doit recevoir et analyser les rapports et communiquer l'information aux autorités responsables de l'exécution de la loi s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une enquête ou des poursuites pour blanchiment d'argent se justifient.

[Français]

Je tiens également à mentionner que plusieurs mesures de protection ont été mises en place pour assurer un contrôle rigoureux de l'information recueillie, utilisée et divulguée par FINTRAC. Ces mesures de protection sont renforcées par des pénalités criminelles pour utilisation ou divulgation non autorisée de renseignements personnels relevant de FINTRAC.

[Traduction]

FINTRAC est également assujettie à la Loi sur les renseignements personnels, qui offre certaines protections.

L'an dernier, les députés de tous les partis avaient bien accueilli le projet de loi C-22 pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il comblait un besoin des organisations nationales d'exécution de la loi, qui souhaitaient disposer de moyens additionnels de lutter contre le crime organisé en ciblant plus efficacement les produits de la criminalité.

Deuxièmement, il répondait au besoin du Canada de s'acquitter de ses responsabilités internationales dans la lutte contre le blanchiment d'argent. De plus, le projet de loi garantissait le respect de la vie privée.

En dépit de tout cela, plusieurs de nos collègues à l'autre endroit ont cru que la loi pourrait être renforcée davantage et bénéficierait d'amendements supplémentaires. Le gouvernement leur a donné raison et c'est pourquoi nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi S-16.

Je veux maintenant vous donner quelques renseignements de base.

[Français]

Lorsque le projet de loi C-22 a été analysé par le Comité sénatorial permanent sur les banques et le commerce, le printemps dernier, ses membres ont indiqué qu'ils accordaient leur appui à ce projet de loi, mais qu'il convenait d'en modifier certaines dispositions.

[Traduction]

Le secrétaire d'État aux Institutions financières internationales s'était alors engagé à clarifier la loi en y incluant plusieurs des modifications demandées par le comité. Il en a résulté le projet de loi S-30, qui a été présenté l'an dernier et qui est mort au Feuilleton lorsque l'élection a été déclenchée. Il a été déposé de nouveau au cours de la présente législature sous le nom de projet de loi S-16.

Les modifications proposées dans ce projet de loi ont trait à quatre points précis. Le premier concerne le processus de demande du secret professionnel au cours d'une vérification faite par le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Celui-ci est autorisé à effectuer des vérifications pour s'assurer que la loi a été respectée.

La loi actuelle renferme des dispositions qui s'appliquent lorsque le Centre effectue une vérification de la conformité dans un cabinet d'avocats. Le Centre doit fournir à un conseiller juridique une chance raisonnable d'invoquer le secret professionnel en rapport avec tout document qu'il a en sa possession au moment de la vérification.

 

. 1515 + -

[Français]

La mesure proposée dans le projet de loi S-16 porte sur les documents que détient une personne qui n'est pas un conseiller juridique. Elle ordonne de donner à cette personne une occasion raisonnable de communiquer avec un conseiller juridique afin que ce dernier puisse invoquer le secret professionnel.

[Traduction]

Une autre disposition ferait en sorte que rien dans la loi n'empêcherait la cour fédérale d'ordonner au directeur du Centre de dévoiler certains renseignements, conformément à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La modification proposée garantirait le plein respect du droit de recourir à la cour fédérale. C'était d'ailleurs l'intention du projet de loi original, le C-22.

La troisième modification établirait les genres de renseignements pouvant être communiqués à la police et aux autres autorités nommées dans la loi. Elle préciserait que les règlements définissant ces renseignements peuvent seulement viser des renseignements signalétiques similaires concernant le client, l'institution et les transactions en cause.

Enfin, le projet de loi S-16 permettrait de s'assurer que tous les rapports et les renseignements en possession du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada sont détruits après un certain délai. Les informations qui n'ont pas été communiquées à la police ou à d'autres autorités doivent être détruits par le centre au bout de cinq ans. Celles qui ont été divulguées doivent être détruites au bout de huit ans.

Le projet de loi C-22 a apporté des changements radicaux à la loi canadienne sur le blanchiment d'argent. Premièrement, il a introduit, en matière de déclaration, de nouvelles exigences qui devraient permettre de disposer de renseignements plus fiables, plus à propos et plus cohérents. Deuxièmement, il a introduit un système central de collecte et d'analyse des données, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qui a permis des analyses plus poussées grandement nécessaires.

[Français]

Troisièmement, les poursuites efficaces qui découleront de l'analyse de FINTRAC pourraient entraîner une ordonnance de saisie de la part des tribunaux à l'égard des produits de la criminalité.

[Traduction]

Ce qui est le plus important, c'est qu'avec tous ces avantages, on respecte la vie privée des individus. Les autres changements proposés dans le projet de loi S-16 auraient seulement pour effet de renforcer et d'améliorer la loi.

Je suis sûr que tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique, appuieront ce projet de loi sans aucune réserve. Je leur demande de faire en sorte que cette mesure législative soit rapidement adoptée de façon à ce que nous puissions passer à d'autres points inscrits au programme législatif du gouvernement.

M. Maurizio Bevilacqua: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande le consentement unanime pour revenir aux affaires courantes afin de déposer un rapport de comité.

Le Président: La Chambre donne-t-elle son consentement unanime pour revenir au dépôt des rapports de comités?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi S-16. Ce projet de loi fort attendu touche l'un des aspects les plus importants de la criminalité dans notre pays.

On estime que la majorité des crimes commis le sont par des membres du crime organisé. Nous appuyons le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité.

L'Alliance canadienne fait depuis longtemps de laborieux efforts en vue d'inciter le gouvernement à rechercher des solutions raisonnables à ce vaste problème qui n'épargne aucune circonscription dans notre pays. Le crime organisé constitue en effet un problème d'une portée incroyable.

Les membres du crime organisé défient les lois existantes, en abusant ou les contournant à leur avantage et au détriment de la société.

Les gens associent souvent crime organisé, motards, prostitution, toxicomanie et commerce de drogues. Mais voilà, le crime organisé ne s'en tient pas là. Nous avons affaire à un problème qui transcende les frontières et qui nécessite des efforts coordonnés tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle transnationale. Les organisations criminelles ont formé des groupes transnationaux qui tirent profit des marchés mondiaux dont nous faisons maintenant partie.

Les gangs du crime organisé ne sont pas associés uniquement aux activités interlopes traditionnelles liées au blanchiment d'argent, aux drogues et à la prostitution, toutes assorties d'une grande violence, ils sont aussi impliqués dans la criminalité en col blanc. On entend par ce genre de fraude la mise sur pied d'entreprises et diverses activités illégales.

 

. 1520 + -

Des groupes de crime organisé créent des sociétés fictives censées s'occuper de l'assainissement de zones toxiques. Elles offrent leurs services à des entreprises. Elles leur disent qu'elles vont prendre leurs déchets et les en débarrasser en toute sécurité. Ce qu'elles font, c'est qu'elles font payer l'entreprise, puis prennent ses déchets et les déchargent illégalement, polluant nos terres, notre air et notre eau.

Le crime organisé prend l'argent recueilli grâce à la prostitution, au trafic de stupéfiants, à la vente d'armes et au trafic d'espèces en danger de disparition, qui vient au deuxième rang dans le monde pour ce qui est du trafic de produits illégaux, et il le réinvestit dans des entreprises légales.

Il s'agit de savoir comment s'attaquer à ces groupes organisés. Selon les policiers, il faut s'en prendre à leur argent. Si nous pouvons détruire les bases financières des groupes internationaux, nous pourrons les écraser.

Prenons un exemple. Aux États-Unis, un groupe criminel organisé a acheté un casino avec de l'argent gagné illégalement. Les autorités ont eu vent de l'affaire et ont saisi le casino. Le produit de la vente de cette propriété a servi à lutter contre le crime.

La même chose se produit dans des pays comme l'Irlande, l'Afrique du Sud et chez nos voisins américains. Cependant, pour comprendre pourquoi c'est si important, nous devons nous pencher sur les répercussions du crime organisé dans notre société à l'heure actuelle.

Au Canada, on estime qu'il nous en coûte de 5 à 9 milliards de dollars par année, ce qui inclut les fraudes touchant l'assurance, la téléphonie cellulaire, les cartes de crédit, le télémarketing et bien d'autres choses. Entre 5 et 17 milliards de dollars sont blanchis au Canada chaque année. C'est pourquoi nous sommes reconnus comme un paradis pour le crime organisé.

Peut-on imaginer que de 5 à 17 milliards de dollars sont blanchis dans notre pays? C'est beaucoup d'argent. Cela influe sur notre société civile plus que nous ne le pensons. Cela finit par nous toucher tous. Nos primes d'assurance augmentent à cause du vol d'automobiles. Il y a aussi des fraudes en matière de valeurs. Et il faut ajouter à cela la violence liée au trafic de stupéfiants qui a des répercussions si profondes et négatives sur notre société. C'est pourquoi nous souscrivons à ce projet de loi.

Je suis revenu de Colombie en février. les effets directs du trafic des stupéfiants sont énormes dans cette région de l'Amérique du Sud.

Le Canada doit s'attendre à ce que soient écoulées sur son territoire des quantités énormes d'héroïne pure à bon marché, ce qui ne manquera pas de faire baisser le prix de la cocaïne. Cela se traduira, dans la rue, par l'apparition d'un plus grand nombre de toxicomanes, par l'augmentation du nombre des victimes d'overdoses et des décès, sans parler de l'incidence de la transmission de l'hépatite B et C et du VIH, qui augmentera chez les toxicomanes. Voilà pourquoi nous sommes nombreux à avoir demandé au gouvernement de régler le problème posé par la toxicomanie en faisant appel à des méthodes plus pragmatiques et moins punitives, et en s'inspirant des différents modèles européens susceptibles de s'appliquer chez nous. En fait, j'avais présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à cet effet.

Le gouvernement pourrait également mettre en oeuvre au Canada des modifications de type RICO, lesquelles sont en vigueur aux États-Unis depuis les années 70. Ces modifications permettraient au gouvernement de mener avec une plus grande efficacité les opérations de confiscation des biens, de confiscation au civil et au criminel, après inculpation, des biens qui sont utilisés ou acquis par des moyens illicites.

Je voudrais également prendre un petit moment pour parler des ramifications internationales du crime organisé. Dans beaucoup de points chauds de la planète, du Nigéria à la Somalie, en Afrique centrale, en Sierra Leone, en Colombie, au Brésil, au Paraguay, en Bolivie et au Venezuela, l'impact et l'intégration du crime organisé sont observables dans la société, surtout dans les sociétés très fragilisées.

Quand le prix du pétrole a chuté au Nigéria, le crime organisé s'est infiltré dans le pays qui est devenu le paradis des trafiquants de cocaïne, d'héroïne et de diamants.

 

. 1525 + -

J'ai eu l'occasion de visiter l'Afrique du Sud une douzaine de fois depuis 1986. Ce pays a effectué de bons changements, mais l'ordre public s'y est malheureusement dégradé. Des bandes de criminels y ont vu une occasion de s'infiltrer dans un pays qui tâchait de se remettre sur pied. L'Afrique du Sud est donc devenue un refuge pour le crime organisé et pour la contrebande et le trafic notamment de drogues.

C'est un très grave problème, car cela déstabilise ces pays. Voyez là où cela va le plus mal dans le continent africain, là où a été versé le sang de dizaines et de centaines de milliers de personnes. Nous pouvons voir comment des groupes de mercenaires, conjointement avec des groupes de criminels opérant de façon transnationale, se sont servis du diamant pour parvenir à leurs fins, faire de l'argent. Cependant, cela a également contribué à faire mourir des centaines de milliers de gens innocents et à exacerber les conflits dans ces régions.

Ce que je veux faire comprendre, c'est que bien que les activités du crime organisé soient connues, elles ne constituent pas uniquement un problème national, mais un problème transnational et international. Ces activités contribuent également à aggraver les conflits dans certaines des pires régions du monde à cet égard. Des centaines de milliers de gens innocents se font tuer dans des régions d'où sont tout simplement absentes les règles démocratiques et la primauté du droit touchant les droits de la personne.

Les groupes criminels n'ont pas le moindre scrupule à s'infiltrer dans les conflits qui déchirent ces régions. Ils exploitent ces problèmes. Dans bien des cas, nous pensons que certains de ces conflits tournent surtout autour de la religion, comme cela semble être le cas au Soudan. Or, cela a davantage à voir avec l'argent.

En Somalie, on pensait avoir affaire à une lutte entre clans rivaux. Or, cela avait plutôt à voir en partie avec le trafic d'un produit appelé khat, une drogue. Le trafic, l'influence et la participation de bandes de criminels ont une profonde incidence sur ces conflits.

Le ministre des Finances, qui préside actuellement le G-20, tient une bonne occasion de tâcher de travailler en collaboration avec les institutions découlant des accords de Bretton Woods et de s'en servir comme d'un instrument pour lutter contre le crime organisé. Le FMI devrait se doter de moyens pour analyser où passe l'argent pour veiller à ce que le crime organisé n'en profite pas. De même, la Banque mondiale et les autres institutions financières internationales doivent examiner où l'argent est dépensé pour veiller à ce qu'il ne soit pas canalisé vers des activités illégales.

La Russie en est un bon exemple. Les pays de l'Ouest y ont envoyé en toute bonne foi des milliards de dollars pour essayer de stabiliser la situation économique. Malheureusement, un fort pourcentage de cet argent est passé entre les mains des oligarques qui ont dirigé une importante partie de ce pays pendant beaucoup trop longtemps. Je sais que M. Poutine travaille fort pour améliorer la situation.

Je ne peux qu'encourager le ministre des Finances à collaborer avec la communauté internationale pour adopter des contrôles qui assureront que l'argent qui est dépensé sert à l'établissement d'une stabilité monétaire et financière adéquate dans ces pays et qu'il n'est pas subtilisé par des personnes qui ne sont rien d'autre que des malfaiteurs en complet.

Pour terminer, j'aimerais souligner de nouveau que le crime organisé fait une énorme ponction dans notre économie et qu'il entraîne bon nombre de répercussions négatives tant visibles qu'invisibles sur notre pays. Nous appuyons le projet de loi et nous encourageons le gouvernement à y donner encore plus de force avec le temps, en mettant en oeuvre des méthodes permettant la confiscation tant au niveau criminel que civil des biens de ceux qui s'adonnent au crime et en adoptant des amendements semblables aux dispositions du RICO. Nous devrions travailler en collaboration avec la communauté internationale pour nous assurer que des lois similaires sont adoptées ailleurs, de façon à ce qu'il existe une approche transnationale et plurifactorielle face à ce fléau.

M. Ken Epp: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Nous avons maintenant réglé nos problèmes de communication entre les partis et je crois que si vous le demandiez, vous constateriez qu'il y a consentement unanime pour revenir aux Affaires courantes ordinaires et à la présentation des rapports de comités pour que le rapport du Comité des finances puisse être déposé par le député de Vaughan—King—Aurora.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour revenir au dépôt des rapports de comités?

Des voix: D'accord.



AFFAIRES COURANTES

 

. 1530 + -

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le septième rapport du Comité permanent des finances. Il donne suite à l'ordre de renvoi du vendredi 27 avril portant sur le projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'accise, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne le tabac. Le comité a étudié le projet de loi C-26 et en fait rapport avec des propositions d'amendement.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité.

Il faut en premier se rappeler que les produits de recyclage de la criminalité sont tous les produits qui peuvent être saisis suite à un acte criminel et que la justice considère comme ayant été commis avec du matériel qui a mené à la criminalité ou qui en est le résultat.

On a adopté cette loi parmi d'autres lois. Aujourd'hui, dans notre société, on a un problème majeur, important qui a pris une envergure extraordinaire durant les dernières années, à savoir que finalement, le crime organisé est devenu quelque chose de très complexe, d'international, d'évolutif, qui ne se limite pas à des aspects traditionnels du crime.

Maintenant, on parle de crimes en regard des outils informatiques et crimes internationaux. Par exemple, au niveau de la drogue, il y a tout un marché qui est l'équivalent de tout autre produit, mais pour une matière illicite, une matière qui n'est pas permise par la loi. Il y a aussi évidemment toute la criminalité liée à la nouvelle technologie.

Comme citoyens, nous nous sentons souvent démunis face à la réalité. Au Téléjournal, on voit des événements, des gens accusés, des crimes commis et on a de la difficulté à connaître la source de cette situation. Il y a un appel de toute la communauté pour que ce problème soit pris en main par les gouvernements.

Au Bloc québécois, nous pouvons nous féliciter, notamment au cours de la dernière campagne électorale, pour le courage de notre chef et de notre équipe. Nous avons proposé des choses qui ont contribué à ce que le gouvernement se décide à bouger. Je pense que c'est tout à l'honneur du chef du Bloc québécois et à celui des députés qui travaillent dans le dossier de la justice, entre autres, le député de Berthier—Montcalm, la députée de Saint-Bruno—Saint-Hubert et celui de Hochelaga—Maisonneuve. Ils mènent des actions pour lutter directement contre le crime organisé, ou en périphérie, ou à ses conséquences.

Le crime organisé a des conséquences sur la pauvreté. On s'attaque aux populations les plus vulnérables. On les utilise plus facilement. Il faut être bien conscients que cela a des coûts sociaux et économiques très importants pour notre société.

Le projet de loi à l'étude modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. La loi matrice, celle qui en est la charpente, a besoin de certains ajustements que l'on retrouve à l'intérieur de ce projet de loi. Nous espérons qu'ils permettront de contribuer à faire une lutte efficace au crime organisé.

L'article 1 du projet de loi dit, notamment, que dans un premier temps, les rapports, les déclarations et les renseignements qui se trouvent dans la loi actuelle seront conservés pendant cinq ans. L'article 1 du nouveau projet de loi précisera les circonstances qui permettront d'ajouter trois années supplémentaires à cette période.

À ce moment-là, le délai de conservation sera donc de huit ans lorsque le Centre d'analyse des opérations et de déclarations financières aura transmis des renseignements, soit aux forces policières, soit à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, soit au Service canadien du renseignement de sécurité, au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, à un organisme d'un État étranger ou d'une organisation internationale ayant des attributions similaires à celles du Centre.

Autrement dit, l'ajout des trois années supplémentaires va permettre que les documents soient disponibles plus longtemps. Ils seront conservés pendant une plus longue période de temps.

 

. 1535 + -

Quand il y a des crimes qui nécessitent des enquêtes qui prennent beaucoup de temps ou qui nécessitent d'aller récupérer des pièces qu'on avait saisies, possiblement dans des enquêtes antérieures, on se donne, par cette voie, une chance additionnelle de le faire.

De plus, avec l'ajout qu'il y a dans le paragraphe 54(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, on précise aussi que les rapports, les déclarations et les renseignements seront détruits à l'expiration de la période applicable.

C'est un article qui ne fait qu'apporter certaines précisions relatives à la conservation et à la destruction des renseignements. Cela ne soulève pas de problèmes particuliers, mais c'est important de voir que c'est l'intention des législateurs que nous sommes et que, par conséquent, c'est une loi où on s'est rendu compte qu'on avait besoin d'apporter ce type d'amendements pour la rendre plus fonctionnelle, afin qu'elle puisse jouer son rôle dans la lutte au crime organisé.

À l'article 3, on s'est rendu compte, dans l'application de la loi actuelle, que la Cour fédérale était privée de toute compétence en cette matière. L'amendement fera en sorte qu'il n'y ait aucune disposition de la loi qui puisse empêcher la Cour fédérale d'ordonner au directeur du Centre de divulguer des renseignements, en conformité avec la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, de telle façon qu'il y aura une application plus facile de la loi.

Encore là, il s'agit d'un article pour faciliter l'application de la loi. Cela permet d'appliquer la loi de façon plus pratique et plus fonctionnelle. On nous dit aussi que c'était déjà dans l'esprit de la loi de permettre à la Cour fédérale d'exercer son rôle à cet égard.

Maintenant, en changeant le texte, on s'assure que non seulement l'esprit de la loi le permet, mais aussi la lettre de la loi. Cela peut être très utile dans le domaine du crime organisé où, souvent, les gens qui sont accusés sont très bien équipés en terme de défense en ce qui a trait aux avocats. Évidemment, c'est leur rôle de voir à ce que leurs clients soient bien défendus. Il faut s'assurer qu'il n'y aurait pas, par un vice de forme, une possibilité de passer à côté de la question principale lorsqu'on a à juger quelqu'un ou lorsqu'on a à monter une preuve. C'est aussi l'objectif de cet article.

Il y a aussi un article qui traite de toute la question du secret professionnel. Quant à celui-ci, on a des problèmes, parce que tel qu'il est rédigé actuellement, on dit que toute interprétation dudit article ne serait que pure spéculation. L'article est très imprécis; il ne dit pas exactement quel est son objectif. On nous rappelle que cela a été fait, au départ, à cause des craintes exprimées par les comptables, qui auraient voulu que le privilège relatif au secret professionnel qui est accordé aux avocats par la common law leur soit également accordé.

Cependant, il faudra le rédiger autrement pour que la lecture soit moins fastidieuse et plus compréhensible. Il y aura donc un effort à faire de ce côté, probablement au niveau du travail en comité, afin qu'on puisse arriver avec des amendements qui soient intéressants.

En conclusion, il s'agit d'amendements dans le cadre des trois premiers articles du projet de loi, soit des amendements qui visent à préciser la portée des articles qu'ils amendent et qui ne changent pas la substance de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité.

Par contre, comme je viens de le dire, il y a, à l'article 4, une difficulté. On n'est pas capables d'analyser cet article. Sa rédaction est très floue. Je pense qu'à la limite on serait mieux de ne pas en avoir du tout plutôt que d'en avoir un rédigé de cette façon.

Cependant, il serait peut-être préférable de travailler à une meilleure rédaction de l'article, à une révision rédactionnelle, afin qu'on soit capables de juger si c'est un amendement qui peut s'appliquer à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité.

Évidemment, nous, du Bloc québécois, étions en faveur de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et nous étions notamment à l'origine du retrait des billets de 1 000 $. C'est une demande qui avait été faite, appuyée, débattue et défendue par le député de Charlesbourg—Jacques-Cartier, avec succès en bout de ligne. Le gouvernement a finalement bougé à cet égard.

Le dossier du Bloc à cet égard est impeccable. Nous avons proposé plusieurs mesures concrètes pour améliorer la situation, pour faire en sorte que l'État soit doté d'outils adéquats pour faire la lutte au crime organisé. On souhaite qu'il y ait encore d'autres outils qui soient mis sur la table, pour s'assurer qu'on aura, en bout de ligne, tout ce qu'il faut pour enrayer ce fléau, enrayer cette situation et faire que, dans notre société, il y ait de moins en moins cette espèce de monde parallèle et d'économie parallèle qui pénalise toute notre société en terme de fonctionnement.

 

. 1540 + -

Pour toutes ces raisons, nous allons voter en faveur du projet de loi S-16, sous réserve d'une clarification de l'article 4 pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure.

J'invite donc la Chambre à appuyer ce projet de loi qui permettra le plus tôt possible aux fonctionnaires des ministères concernés de faire leur travail avec plus de diligence et avec plus d'outils pertinents afin que nous puissions obtenir des résultats. Il est certain que, en bout de ligne, ce n'est qu'un des outils dont il faut se servir dans la lutte au crime organisé, mais celui-là est également utile.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi S-16. Au cours de la dernière législature, le Nouveau Parti démocratique a appuyé le projet de loi C-22, qui a été adopté et a reçu la sanction royale. Nous avons exprimé des réserves lorsqu'il a été étudié au comité en présentant des amendements. Nous constatons avec plaisir aujourd'hui que le projet de loi S-16 tient compte de certaines de ces réserves.

Les députés néo-démocrates, comme tous les autres députés, s'inquiètent vivement des répercussions du crime organisé sur nos localités et sur le pays tout entier. Il ne fait pas de doute que le crime organisé possède des moyens très perfectionnés. Il est partout présent et il a d'énormes conséquences pour bien des gens.

Nous tous, ainsi que les institutions financières et diverses entreprises, sommes bien au courant de cas qui sont exposés au grand jour et qui nous donnent un bref aperçu des activités illégales qui existent, du blanchiment d'argent, des produits du crime organisé, et la façon dont ces cas sont traités.

Pour la plupart des gens, un aperçu d'un système aussi complexe est très effrayant. Les efforts déployés dans ce projet de loi, comme dans son prédécesseur, pour s'attaquer à un système aussi compliqué et trouver des mécanismes appropriés pour savoir d'où vient l'argent, où il va, pour trouver les produits du crime organisé, sont très importants.

Le NPD avait exprimé ses préoccupations au sujet du projet de loi initial. Dans toute mesure législative, il convient d'établir un équilibre entre le droit d'intrusion dans la vie privée, dans des limites raisonnable, et la sensibilisation au fait que l'État ne détient pas un pouvoir absolu. Lorsqu'on crée un organisme doté de pouvoirs très étendus, nous devons chercher à savoir comment il a été mis sur pied.

Par exemple, avant l'approbation du projet de loi C-22, nous et un certain nombre de témoins au comité avions exprimé nos préoccupations au sujet de la question de savoir s'il risquait d'entraîner des violations de la Charte des droits. Ainsi, les garanties de perquisition et de saisie dans des limites raisonnables semblaient en péril.

Nous étions également préoccupés par les pressions qui pourraient être exercées sur les consommateurs. Il va sans dire que la création de tout régime visant à surveiller et à communiquer des opérations douteuses entraînerait probablement des conséquences très lourdes. Je ne sais pas si des précisions ont été apportées à ce sujet, mais il me semble que les tâches supplémentaires imposées aux établissements financiers entraîneraient des dépenses énormes qui seraient refilées aux citoyens respectueux de la loi.

Les députés néo-démocrates s'inquiètent aussi du fait que le projet de loi ne semble pas traiter de ce qu'on qualifie souvent de crimes d'affaires ou de crimes commis par des moyens technologiques. Malheureusement, ces crimes se multiplient. Nous avons tous entendu parler de la croissance d'Internet et de l'informatique en général ainsi que de l'augmentation du nombre de fraudes au moyen de cartes de crédit, de fraudes au téléphone, de manipulations sur les marchés boursiers et d'entrées illégales dans des ordinateurs. Tous ces délits peuvent être qualifiés de crimes d'affaires ou de crimes commis par des moyens technologiques. Évidemment, un bon nombre de ces crimes sont commis par des criminels organisés. J'ai donc l'impression que la loi originale et le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui ne nous donnent pas encore les moyens de lutter adéquatement contre les crimes d'affaires.

 

. 1545 + -

Au cours du débat d'aujourd'hui, un certain nombre de députés ont traité de divers aspects du crime organisé et de leurs répercussions. Le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a parlé brièvement du trafic de la drogue et de ses répercussions sociales. Je vais prendre quelques instants pour parler moi aussi de cette question, car il y a une contradiction qui me frappe.

D'une part, nous nous donnions beaucoup de mal pour composer avec un appareil légal et créer une nouvelle agence qui s'appelle le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Tout un nom! Nous nous donnons beaucoup de mal pour mettre en place un système très compliqué qui permettra de retracer les transactions douteuses, qui tentera de déterminer ce qui s'est produit et qui veillera à ce qu'il en ait été fait rapport comme il se doit.

D'autre part, lorsqu'il est question du crime organisé, des milliards de dollars qui proviennent illégalement du trafic et de la consommation de drogue ainsi que des bénéfices qui en résultent, nous n'accordons pas suffisamment d'attention aux coûts humains qui sont si évidents dans nos rues, dans les centres urbains et même dans les petites localités partout au Canada. Je n'ai qu'à regarder dans ma propre circonscription, celle de Vancouver-Est, pour constater les effets dévastateurs d'un environnement où les activités illégales liées à la drogue constituent maintenant une vaste économie souterraine.

À l'instar du député de Esquimalt—Juan de Fuca, je crois que nous devons prêter attention à l'aspect humain. Nous devons reconnaître le fait que, à certains égards, c'est l'illégalité de substances comme l'héroïne, le crack ou d'autres qui suscite cette économie souterraine et qui, dans les faits, entraîne les toxicomanes dans la criminalité lorsqu'ils se trouvent dans la rue avec très peu de ressources. Au bout du compte, nous nous retrouvons dans une situation où des gens meurent littéralement d'overdose dans la rue.

Je trouve terriblement ironique que, d'une part, on puisse intervenir du point de vue législatif en établissant ce centre, mais que, d'autre part, on ne puisse pas intervenir du point de vue humain en prenant les mesures nécessaires pour réellement diminuer le tort causé dans nos rues par ces substances illégales.

Je me joins à ceux qui préconisent une approche plus saine et plus humaine face à l'utilisation de drogues au Canada, et une réforme des lois canadiennes concernant les drogues, lois qui n'ont pas été révisées depuis des décennies. Le Sénat a tenu des audiences sur la question. Nous avons eu de sérieux débats sur certaines de ces questions dans le passé, quoique pas récemment. Si nous prenions le temps de faire cela, je crois que nous ferions beaucoup pour nous attaquer à certaines causes de la détresse que nous constatons dans nos rues. Nous pourrions examiner comment le crime organisé vit grâce au fort lucratif trafic de drogues.

Nous pourrions examiner les expériences qui se font actuellement en Europe, où l'approche consiste à médicaliser l'utilisation de drogues et la toxicomanie, au lieu de les criminaliser, et à essayer d'éliminer le tort fait par l'achat de stupéfiants dans la rue, ce qui a permis non seulement de réaliser de fortes économies au chapitre des coûts de la santé et de la justice, mais également de sauver des vies.

Je voulais faire valoir ce point parce que j'ai l'impression que nous risquons de manquer le bateau parce que nous ne regardons pas le problème dans son ensemble. Nous ne pouvons pas simplement dire que tout cet argent vient du crime organisé et qu'il en vient beaucoup du trafic de drogues, à moins d'accepter de revoir les politiques canadiennes sur les drogues et de reconnaître qu'il faut une réforme de fond en comble.

 

. 1550 + -

Par exemple, même dans le cas de la marijuana nous voyons tout le temps des reportages dans les journaux sur la culture de cette plante. Dans la région de Vancouver-Est, il est souvent question dans les médias de la destruction de champs de marijuana. Nous parlons de plusieurs millions de dollars. Il me semble que si nous avions le courage de revoir notre politique anti-drogue et de réformer en profondeur nos lois en la matière, nous contribuerions énormément à supprimer les incitatifs et à fermer la porte que nous ouvrons toute grande au crime organisé pour qu'il fasse partie de l'économie souterraine. C'est un aspect très important du débat.

En ce qui concerne le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, je tenais à dire que le NPD appuie les modifications contenues dans le projet de loi, qui découlent du projet de loi précédent, le projet de loi C-22. Nous les appuyons en principe. D'importantes questions ont été soulevées par le projet de loi C-22. Il est évident que l'on a reconsidéré les choses du fait des questions qui ont été posées précédemment; on voulait savoir, entre autres, combien de temps ce nouveau centre pourrait conserver les renseignements qu'il recueillerait et si l'équilibre entre le droit de conserver les renseignements et leur élimination était problématique.

On se demandait également quand et comment ces renseignements seraient détruits. Si on crée un organisme, combien de temps a-t-il le droit de conserver les renseignements et de quelle manière doit-il s'en débarrasser? Si les renseignements doivent être communiqués aux autorités policières, comment cela doit-il être fait? Ces questions devaient être élucidées plus en détails et nous estimons que la mesure législative actuelle contribue quelque peu à répondre à ces préoccupations énoncées par les témoins et par différents partis à la Chambre.

En conclusion, pour le moment, les députés du NPD sont heureux de continuer à accorder leur appui de principe. Nous pensons que c'est un projet de loi important. Il jouit d'un appui généralisé à la Chambre. Il est toujours bon de revoir les choses en fonction de ce qu'ont dit les témoins afin de s'assurer que le projet de loi est peaufiné de manière à répondre aux préoccupations mises de l'avant.

J'espère que, au fur et à mesure que le débat progressera, le gouvernement prendra en considération les autres préoccupations qui seront exprimées. J'ai l'impression que, dans l'ensemble, le projet de loi jouit d'un appui général, mais il reste encore certaines choses à étudier.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir prendre la parole sur le projet de loi. Cette mesure législative est très importante et je félicite les intervenants précédents, y compris ma collègue du Nouveau Parti démocratique. Fait intéressant, beaucoup de députés ont signalé que les sénateurs avaient, comme c'est souvent le cas, fait oeuvre utile en examinant et en améliorant le projet de loi.

Je devrais dire tout de suite que je partagerai le temps mis à ma disposition avec le député de Kings—Hants.

Le projet de loi S-16 vise essentiellement à répondre aux préoccupations soulevées par le Comité sénatorial des banques. Ce projet de loi modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et traite surtout du secret professionnel de même que de la divulgation d'information et de la conservation de dossiers. Il s'agit évidemment d'information qui est essentielle pour retracer de possibles produits de la criminalité. Le blanchiment d'argent qui se fait au Canada préoccupe beaucoup les Canadiens et, certes, les services de police.

Comme ne l'ignore pas la présidence, on parle de blanchiment d'argent lorsque des criminels essaient de dissimuler des produits de la criminalité de telle sorte que l'argent ait l'air de provenir de sources légitimes. Lorsque toutes les traces de l'origine criminelle de l'argent sont effacées, on peut se servir de celui-ci pour acheter des biens et des services.

Il est choquant de songer que 5 à 17 milliards de dollars sont blanchis au Canada. Il est évidemment difficile d'être plus précis, car les autorités compétentes ne peuvent pas déterminer le montant exact, mais on l'estime de cet ordre.

 

. 1555 + -

La loi originale comportait des lacunes que le projet de loi S-16 tente de corriger. L'argent blanchi passe souvent d'un pays à un autre ou est transféré entre institutions financières ou véhicules d'investissement sans laisser de trace, de sorte qu'il est impossible d'en déterminer l'origine. À mesure que la technologie se développe, des criminels compétents et très au fait des nouveautés technologiques peuvent puiser à même ces ressources qui sont maintenant illimitées pour faire transiter des sommes par le cyberespace sans laisser de signes concrets des origines de l'argent.

Évidemment, cet argent est obtenu en grande partie par des moyens infâmes comme la fraude ou l'intimidation. C'est le genre d'argent qui est souvent lié directement à des organisations criminelles au Canada et qui a fait l'objet de nombreux projets de loi et débats au cours des derniers mois et même des dernières années. Le Canada a été accusé récemment d'être un pays où les organisations criminelles pouvaient facilement recycler les produits de la criminalité. Ne serait-ce que pour cette seule raison, en notre qualité de représentants élus et de membres du pouvoir législatif fédéral, nous devons réagir. C'est ce que ce projet de loi vise à faire: améliorer la loi actuelle portant sur le recyclage des produits de la criminalité.

Le printemps dernier, la réaction s'est manifestée sous la forme du projet de loi C-22, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, qui a été adopté. Ce projet de loi instituait de nouvelles exigences en matière de déclaration et de tenue de documents et créait le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Ce centre devait recueillir et analyser des informations pour qu'il existe au Canada un centre névralgique, un bureau dont le mandat était précisément d'aider les forces policières à repérer et à retrouver les produits de la criminalité.

À cette époque, le Commissaire à la protection de la vie privée, l'Association du Barreau canadien et d'autres groupes témoignant devant le comité parlementaire ont exprimé certaines inquiétudes quant au projet de loi. Le comité sénatorial des banques a examiné le projet de loi en juin 2000 et, franchement, il n'a pas été impressionné. Le comité estimait que le projet de loi était très mal conçu et qu'il présentait quantité de lacunes qu'il espérait corriger. Le gouvernement a précisé à ce moment-là qu'il n'était pas prêt à étudier des amendements au projet de loi parce qu'il était trop tard en juin et que la Chambre des communes devait s'occuper d'autres projets de loi, et que le Sénat pourrait donc apporter des changements dans l'avenir.

Par la suite, en juin 2000, comme on le sait, le secrétaire d'État aux Institutions financières internationales s'est engagé par écrit au comité à envisager certaines modifications qui figureraient dans un nouveau projet de loi à l'automne. Ces modifications ont été énoncées dans le projet de loi S-30, qui a été présenté en octobre. Le projet de loi S-30 est identique au projet de loi S-16 dont nous sommes maintenant saisis.

Comme monsieur le Président et les Canadiens le savent très bien, le processus tout entier a cédé la place à l'obsession du premier ministre de laisser sa marque dans l'histoire quand ce dernier a pris la décision de mettre ce projet de loi, et d'autres mesures législatives fort utiles, de côté pour ne pas dire au panier, afin de profiter de son avantage politique et de déclencher des élections.

Au-delà des changements auxquels nous avons donné notre accord dans la lettre du secrétaire d'État au comité sénatorial des banques, il a été fait rapport du projet de loi avec la mention que le gouvernement devrait envisager d'autres modifications. Parmi celles-ci, on compte, d'abord, l'assurance supplémentaire que le secret professionnel serait protégé par l'ajout du terme «cabinet» partout dans l'article 63 du projet de loi où figure le terme «maison d'habitation». Cette modification apportait simplement une précision au type d'immeuble visé par le projet de loi.

Ensuite, le gouvernement procéderait au premier examen de la loi trois ans après son entrée en vigueur, et non cinq ans; les examens suivants se feraient aux cinq ans. Cette mesure permettrait essentiellement au gouvernement d'examiner plus tôt, après trois ans au lieu de cinq, les répercussions de l'application de la loi.

Enfin, le gouvernement exigerait que le règlement d'application de la loi soit présenté à la Chambre tous les ans. Le Parti progressiste-conservateur est très favorable à toutes les tentatives visant à rendre les lois plus transparentes, tant pour le public que le Parlement, et à assurer l'accès à l'information qui doit être présentée aux Canadiens.

 

. 1600 + -

Cela est important dans la mesure où l'on veut essayer de rétablir une partie de la confiance perdue dans cette institution et dans le processus lui-même. Il est clair que le projet de loi n'inclut pas toutes les modifications recommandées par le comité, mais il contribue grandement, à mon avis, à améliorer la loi.

Le projet de loi porte sur les aspects juridiques suivants. D'abord, il y a le secret professionnel, en vertu duquel une personne peut empêcher que ne soient rendus publics ou ne soient dévoilés de quelque façon des renseignements particuliers qu'elle partage avec son avocat. Le projet de loi C-22 ne touchait que les cas où le secret professionnel met en cause le conseiller juridique.

Le projet de loi S-16 précise que les employés du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada ne peuvent examiner ou reproduire des documents qui pourraient être visés par le secret professionnel lorsque les documents, et c'est là la partie importante, se trouvent en la possession de quelqu'un d'autre, sans donner à cette personne une occasion raisonnable de communiquer avec le conseiller juridique visé. Cette disposition assure à la personne la possibilité de parler à un avocat avant que ces documents ne soient saisis.

Voilà qui devrait apaiser les inquiétudes soulevées par l'Association des comptables généraux agréés de l'Ontario. La protection des renseignements personnels est une chose qu'on ne peut pas prendre à la légère. Il faut toujours s'efforcer de protéger le droit à la vie privée de l'individu, même dans ses transactions financières, en nous rappelant cependant qu'il y a des gens qui recourent parfois aux moyens les plus vils et aux stratagèmes les plus compliqués pour voler les autres, les arnaquer et les dépouiller de leurs biens.

À cet égard, je crois que le projet de loi atteint un certain équilibre. Il y a des garanties et il y a des méthodes d'examen qui permettent d'évaluer les éléments de preuve et de déterminer les intérêts de qui sont les mieux servis.

Le projet de loi S-16 permettra aux personnes ou au commissaire à la protection de la vie privée d'amener FINTRAC devant les tribunaux si l'organisme refuse l'accès à ses dossiers. Encore là, il sera possible de faire appel aux tribunaux.

Il y a ensuite la divulgation de l'information. Le projet de loi S-16 limite l'information qui pourra être révélée par FINTRAC à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, aux corps policiers et aux fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration.

Le projet de loi C-22 énumérait les documents pouvant être divulgués, mais laissait à FINTRAC une grande latitude dans la divulgation des documents de la liste. L'amendement proposé remplace ces dispositions par le pouvoir de divulguer des renseignements semblables relatifs à l'identification.

Enfin, il y a la question de la conservation des dossiers. Les dossiers qui n'ont pas été divulgués par le centre doivent être détruits cinq ans après avoir été reçus ou recueillis. Les dossiers divulgués doivent être détruits huit ans après avoir été reçus ou recueillis. Il s'agit là de protections supplémentaires. On pourrait parler de raffinements, mais il s'agit tout de même de raffinements importants. La chambre de mûre réflexion qu'est le Sénat a, en l'occurrence, joué un rôle très utile.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, le discours de mon collègue de Pictou—Antigonish—Guysborough était très exhaustif et je l'en félicite. Il était tout simplement impossible de trouver quelque question à poser après une intervention aussi détaillée et articulée.

Je suis ravi d'intervenir aujourd'hui au sujet du projet de loi S-16. La question du blanchiment d'argent revêt une énorme importance pour le Canada. Plus tôt aujourd'hui, j'ai abordé à la Chambre la question du gouvernement d'entreprise. Il est primordial de mettre en place des procédures, des organismes et des structures ayant trait aux questions de gouvernement d'entreprise et de blanchiment d'argent, questions présentant un caractère de plus en plus mondial et forçant les gouvernements à faire preuve de vigilance s'ils souhaitent maintenir une crédibilité à l'échelle internationale.

 

. 1605 + -

Il est difficile de mettre des chiffres sur le blanchiment d'argent. Au Canada, des estimations varient entre un bas de 5 milliards de dollars et un haut de 20 milliards de dollars par année. Ce seul écart témoigne de la nature du problème. Nous ne connaissons pas toute l'étendue du problème au Canada, mais nous savons que nous devons réussir à le juguler dans les meilleurs délais. Nous espérons que cette initiative nous aidera à y parvenir.

J'ai parlé de versions antérieures de cette mesure législative et des inquiétudes qu'elles ont soulevées chez moi. Je n'y trouve toujours pas d'engagement du gouvernement à fournir les ressources qui permettront à l'agence de s'acquitter de son mandat. Cela me préoccupe au plus haut point.

Le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, notre porte-parole en matière de justice, a parlé de la situation urgente que représente le sous-financement de la GRC, qui est affamée de ressources. Nous pourrions vivre les mêmes genres de problèmes avec cette agence de lutte contre le blanchiment d'argent.

Les réseaux de crime organisé utilisent des technologies de pointe et disposent de ressources globales quasi illimitées. Nous devons fournir à la nouvelle agence les ressources voulues pour connaître du succès dans la lutte contre le blanchiment d'argent. J'entretiens de grandes inquiétudes à ce sujet, en particulier en raison de la complexité des instruments financiers de nos jours. À une époque, les produits dérivés étaient considérés comme un instrument financier d'avant-garde, mais nous avons depuis longtemps dépassé ce stade.



LA SANCTION ROYALE

[Traduction]

L'huissier du bâton noir apporte le message suivant:

    Monsieur le Président, c'est le désir de l'honorable suppléant du Gouverneur général que cette honorable Chambre se rende immédiatement dans la salle de l'honorable Sénat.

En conséquence, le Président et les députés se rendent au Sénat.

 

. 1615 + -

[Français]

Et de retour:

Le vice-président: J'ai l'honneur de faire savoir à la Chambre que lorsqu'elle s'est rendue auprès du suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale dans la salle du Sénat, le suppléant de Son Excellence a bien voulu donner, au nom de Sa Majesté, la sanction royale aux projets de loi suivants:

    Projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur l'Administration du Pont Blue Water—Chapitre no 3.

    Projet de loi S-4, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law—Chapitre no 4.

    Projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche)—Chapitre no 5.

    Projet de loi S-2, Loi concernant la responsabilité en matière maritime et la validité de certains règlements—Chapitre no 6.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, quelques-uns de mes propos ont provoqué un peu d'agitation. Je n'avais jamais eu une réaction aussi frappante. Ce fut une autre journée excellente pour la démocratie, et j'ai grand plaisir d'y avoir participé. Je me permets d'ajouter que mon passage au Sénat a été trop bref.

À propos du projet de loi S-16, mon parti et moi estimons qu'il est crucial que le nouvel organisme possède les ressources nécessaires pour relever des défis de plus en plus lourds, affronter la grande complication des opérations de blanchiment, la complexité des instruments financiers et les ressources quasi illimitées du crime organisé international. Nous devons éviter de créer un organisme chargé de lourdes responsabilités, mais muni de fort peu de ressources pour s'acquitter de sa tâche.

Un mauvais emploi est un emploi où l'on a beaucoup de responsabilités mais aucun pouvoir. Je dirais que charger le centre de s'attaquer à une tâche aussi gigantesque sans lui fournir le niveau approprié de ressources serait typique de ce que le gouvernement a fait dans un certain nombre de domaines, mais ce ne serait pas la bonne façon de procéder.

Un sujet de préoccupation que j'ai eu dans le passé et que j'ai encore a trait à la responsabilité de l'organisme, notamment en ce qui a trait aux critères exigés pour répondre aux conditions auxquelles l'organisme partagera l'information avec d'autres organismes, comme par exemple l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Il serait bon que tout élément d'information que trouverait l'Agence des douanes et du revenu du Canada permettant de croire à une activité de blanchiment de fonds soit communiqué à l'organisme chargé de surveiller le blanchiment de fonds.

 

. 1620 + -

Ce genre de communication d'information dans les deux sens pourrait être constructif. Cependant, si, par exemple, des personnes travaillant au sein du nouvel organisme chargé de surveiller le blanchiment de fonds ne découvraient pas de preuve de blanchiment de fonds mais des indices d'un blanchiment potentiel de fonds donnant à penser qu'il y a évasion fiscale ou quelque chose de similaire, je trouverais très préoccupant que cet organisme communique cette information à Revenu Canada.

Je suis d'accord pour dire qu'il faut lutter beaucoup plus énergiquement contre le blanchiment de fonds, mais je ne pense pas que les Canadiens trouveraient réconfortant de savoir que cela renforcera l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Nous devons d'abord nous assurer du respect de certains critères et conditions avant que le service de blanchiment d'argent puisse partager des renseignements avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Je crains aussi que l'indépendance de ces services à un niveau institutionnel tende à réduire leur responsabilité devant le Parlement. Je comprends certains des arguments, particulièrement de la part du gouvernement, qui militent en faveur d'une plus grande souplesse dans les accords de compensation avec les travailleurs et dans la façon dont ces services publics sont offerts à des agences indépendantes.

Toutefois, on pourrait réaliser une bonne partie de tout cela en ayant recours à un plus grand nombre d'agences ministérielles plutôt qu'à des agences indépendantes. Je me préoccupe au plus haut point de ce qui semble être un déclin progressif dans le niveau de responsabilité face au Parlement, ce qui semble faire très bien l'affaire du gouvernement. Là encore, toutes ces agences indépendantes s'inscrivent dans cette tendance générale à la réduction de la responsabilité face au gouvernement.

Le Parti progressiste-conservateur appuie cette mesure législative. Il appuie également l'amendement qui permettrait d'accroître la responsabilité de la nouvelle agence. L'établissement de l'agence par cette mesure législative constitue un pas dans la bonne direction. Au Canada, nous devons cesser de nous pencher sur ce qui se fait dans d'autres pays et sur ce que nos partenaires commerciaux et les autres pays membres du G-8 et de l'OCDE font. Nous derions prendre les devants dans certains de ces dossiers, qu'il s'agisse de blanchiment d'argent ou de régie d'entreprise.

Il semble que nous soyons toujours un peu plus lents qu'un bon nombre de nos partenaires internationaux. J'ose espérer que le gouvernement d'un pays comme le Canada qui a toujours été un leader international à mains égards, en particulier sous le gouvernement précédent, prenne modèle sur ce dernier. Il l'a fait pour d'autres questions. Le gouvernement devrait à l'égard de certaines de ces questions, faire preuve de leadership sur la scène internationale au lieu de suivre le mouvement. C'est sur ce voeu que je mets fin à mes remarques aujourd'hui.

Le vice-président: Avant la reprise du débat, je voudrais faire une remarque à l'intention du député de Kings—Hants dont c'est aujourd'hui l'anniversaire et qui pense probablement que toute cette activité a pour but de l'aider à marquer cette journée spéciale.

Je n'oserais jamais mentionner l'âge d'un député, mais je crois comprendre que le député est né l'année du centenaire.

 

. 1625 + -

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des finances.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

Le vice-président: Il est de mon devoir, conformément à l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera au moment de l'ajournement, ce soir: l'honorable député de Burnaby—Douglas, Le commerce.

*  *  *

LOI DE 2001 SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

 

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-14, Loi concernant la marine marchande et la navigation et modifiant la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes et d'autres lois, dont le comité a fait rapport avec une proposition d'amendement.  

L'hon. Ronald Duhamel (au nom du ministre des Transports) propose: Que le projet de loi soit agréé.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le vice-président: Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec l'autorisation de la Chambre, maintenant?

Des voix: D'accord.  

L'hon. Ronald Duhamel (au nom du ministre des Transports) propose: Que le projet de loi soit lu une troisième fois et adopté.

—Monsieur le Président, je remercie mes collègues de leur patience. Mon empressement s'explique par le fait qu'il ne m'arrive pas aussi souvent qu'avant de prendre la parole. C'est donc avec grand plaisir que j'interviens sur le projet de loi C-14, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, à l'étape de la troisième lecture.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais souligner le rôle important qu'ont joué les députés et le comité permanent durant l'examen du projet de loi. Les modifications apportées au projet de loi C-14 n'auraient pas été possibles sans les efforts soutenus de l'industrie. Je voudrais de plus reconnaître la qualité de leurs présentations au comité.

[Français]

Ce projet de loi porte avant tout sur la sécurité et la promotion d'un environnement sain. Il s'agit de grandes priorités pour les Canadiens. Le défi consiste à maintenir la sécurité et à protéger l'environnement des nombreuses menaces, tout en continuant de promouvoir la vigueur et la viabilité de l'industrie du transport maritime.

[Traduction]

Les porte-parole de Transports Canada et de Pêches et Océans Canada ont travaillé de très près avec toutes les parties intéressées pour veiller à ce que les dispositions du projet de loi concernant la prévention de la pollution soient modernes et conformes aux autres normes nationales et internationales. Les ministères ont également travaillé en collaboration pour s'assurer que les sanctions de non-conformité seront efficaces et refléteront celles qui sont prévues dans d'autres lois.

 

. 1630 + -

Je me permets de rappeler à la Chambre qu'en cas de pollution de l'environnement marin causée par un navire, Transports Canada enquête en étroite collaboration avec Environnement Canada et la Garde côtière canadienne. Il est clair que l'industrie appuie les ministères appelés à appliquer la nouvelle Loi sur la marine marchande du Canada. Cette loi montre l'engagement du gouvernement à adopter une nouvelle loi qui profitera au secteur maritime.

Nous avons également entendu une description des dispositions du projet de loi, des principales raisons qui le justifient et de ses nombreux points forts. Transports Canada est très fier du processus de consultation qui a rendu cette loi possible.

Dans l'ensemble, l'industrie a parlé en faveur du projet de loi, mais plusieurs parties prenantes continuent de s'opposer au mécanisme de mise en oeuvre. C'est de ce mécanisme dont je voudrais vous entretenir.

Le projet de loi C-14 vise à établir un mécanisme administratif simplifié employant des moyens modernes et rentables pour assurer la conformité aux règlements. Le ministère des Transports s'est engagé à travailler de concert avec les organismes partenaires pour s'assurer que les mesures contenues dans le projet de loi soient appliquées uniformément.

Le mécanisme d'imposition des sanctions permettrait à Transports Canada de s'assurer l'accès à des statistiques solides pour évaluer l'efficacité du règlement, et l'aiderait à cibler ses activités d'exécution.

Les amendes sont assez élevées pour dissuader les pratiques dangereuses et écologiquement irresponsables. Elles correspondent aux préjudices possibles que peuvent causer de telles pratiques. Le projet de loi fait en sorte qu'elles ne seraient pas considérées comme simplement le prix à payer pour faire des affaires.

[Français]

Ce projet de loi est un effort conscient pour faire assumer aux personnes responsables de la non-conformité les conséquences de leurs actes, y compris les dirigeants des personnes morales.

Personne ne devrait pouvoir se défiler d'une responsabilité personnelle en se mettant à l'abri derrière la personne morale.

[Traduction]

Le système proposé dans ce projet de loi est équitable. Il offrirait une solution de rechange plus efficace et moins coûteuse que les tribunaux. Il s'agirait d'une solution de rechange aux sanctions financières grâce au recours aux transactions.

Ce système serait basé sur le programme réussi de sanctions administratives élaboré dans le cadre de la Loi sur l'aéronautique, de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et de la Loi sur la concurrence.

La Chambre se rappelle sans doute qu'à l'étape de la deuxième lecture, certains ont émis des réserves au sujet de la capacité du gouvernement de protéger le Canada contre des navires étrangers qui ne respecteraient pas les normes internationales. Je tiens à signaler qu'aux termes de l'article 227, les navires qui sont en contravention de conventions internationales relatives à la sécurité et à l'environnement peuvent se voir refuser l'accès aux eaux canadiennes.

Je vais maintenant parler de la partie 15 du projet de loi, qui porte sur les modifications à la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes. La partie 15 du projet de loi C-14 renferme plusieurs modifications favorables à la concurrence. Elles vont encourager une plus grande concurrence à l'intérieur des conférences maritimes.

Les modifications établissent un équilibre entre les intérêts des expéditeurs et ceux des lignes de navigation membres d'une conférence et elles sont le résultat de consultations intensives avec tous les intéressés.

[Français]

Les modifications visent aussi à rationaliser l'application de la loi.

[Traduction]

En réponse aux préoccupations des expéditeurs, la présente motion tend à modifier la mesure législative proposée relativement aux contrats de services. On a apporté des modifications pour clarifier le niveau de confidentialité en ce qui concerne les contrats de services que les expéditeurs négocient et signent avec des transporteurs membres d'une conférence.

 

. 1635 + -

[Français]

Le gouvernement est conscient qu'il faut une approche équilibrée relativement aux mesures législatives sur les conférences, afin de protéger les divers intérêts canadiens.

[Traduction]

C'est dans l'intérêt du Canada de continuer d'attirer des lignes de navigation étrangères tout en encouragent le transport maritime abordable et un service adéquat et fiable pour les expéditeurs.

En apportant des modifications à la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes, nous ferons en sorte que notre législation soit semblable à celle de nos partenaires commerciaux.

Le projet de loi dont nous sommes saisis apporte des changements tout à fait nécessaires au droit maritime canadien. Il marquerait le début d'une nouvelle ère en matière de sécurité maritime et de protection de l'environnement.

Transports Canada a largement consulté les intéressés. Il les a écoutés et a apporté des modifications pour tenir compte de leurs préoccupations. Nous sommes saisis d'un projet de loi qui répond à beaucoup de leurs préoccupations sans remettre en question l'efficacité de la loi.

Le projet de loi est équitable, exhaustif et efficace. Il donnerait à l'industrie maritime canadienne le cadre législatif nécessaire pour fonctionner avec succès au XXIe siècle.

J'exhorte les députés à souscrire au projet de loi C-14.

M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole, au nom de mon parti, l'opposition officielle, au sujet du projet de loi C-14. Le projet de loi C-14 est intitulé Loi concernant la marine marchande et la navigation et modifiant la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes et d'autres lois.

À l'intention des téléspectateurs, je vais résumer l'objet du projet de loi.

Le texte qui suit en est directement tiré:

    Le texte remplace la Loi sur la marine marchande du Canada, à l'exception des dispositions de celle-ci relatives à la responsabilité. Il constitue une mise à jour de la loi visant à favoriser la sécurité et l'essor financier du secteur de la marine marchande et à assurer la sécurité des utilisateurs d'embarcations de plaisance. Les points saillants du texte sont notamment la protection des membres d'équipage et l'imposition d'exigences quant à leur compétence ainsi que la protection des passagers, des bâtiments et de l'environnement. La mise en place d'un régime de sanctions administratives permet de poursuivre plusieurs contraventions à titre de violations.

    Le texte clarifie en outre les responsabilités respectives du ministère des Transports et du ministère des Pêches et des Océans. L'organisation des dispositions, la modernisation de la terminologie et la simplification des règles et exigences qui figurent dans le texte rendent la loi beaucoup plus claire et facile à comprendre.

    Le texte modifie en outre la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes dans le but d'accroître la concurrence dans les conférences maritimes, de simplifier l'application de la loi et d'harmoniser la législation du Canada concernant les conférences de transport maritime international de ligne avec celle de ses principaux partenaires commerciaux.

Les députés de mon parti estiment que les orientations données à la loi sont valables et méritent notre appui. Comme l'indique le texte que je viens de citer, le projet de loi C-14 est une importante mesure législative. On m'a dit que les fonctionnaires du ministère travaillent à l'élaboration et au peaufinage de ce projet de loi depuis assez longtemps déjà.

Comme le savent les députés, le projet de loi avait d'abord été présenté à la Chambre en tant que projet de loi C-35, qui a expiré au Feuilleton à la suite du déclenchement des élections, durant la trente-sixième législature. Le projet de loi C-35 n'incluait pas la Loi dérogatoire sur les conférences maritimes. Il se limitait à modifier la réglementation touchant l'industrie.

Le projet de loi à l'étude contient 334 articles et compte un peu moins de 200 pages. Comme je le disais, les fonctionnaires du ministère y ont travaillé passablement longtemps. Nous aurions aimé avoir plus de temps pour l'examiner plus à fond et peut-être l'absorber un peu mieux, mais nous ne l'avons pas eu.

Le projet de loi C-14 a été lu la première fois le 1er mars. Il a été lu la deuxième fois la semaine suivante, puis renvoyé à un comité peu après. Je le répète, le processus a été très rapide, et je me demande pourquoi.

L'étape du comité a été une aventure en soi. Des hauts fonctionnaires sont venus témoigner et tenir des séances d'information sur le projet de loi. Nous avons aussi entendu des témoignages de représentants de l'industrie. Certains députés ont peut-être reçu la visite de lobbyistes défendant les exemptions dont bénéficient les conférences maritimes et réclamant l'adoption du projet de loi sans amendement.

Tout cela s'est passé dans très peu de temps et le projet de loi a suivi un cours normal jusqu'à son examen article par article. L'opposition et même certains députés libéraux du comité n'ont pas été très impressionnés de voir le ministère si peu organisé lors de la présentation des amendements.

 

. 1640 + -

Le comité s'est penché sur 27 amendements distincts. Cela ne semble peut-être pas excessif, mais lorsqu'on les met sur la table pêle-mêle au début d'une réunion, on se sent submergés. Nous aurions aimé avoir un préavis plus long et l'occasion d'examiner ces amendements à l'avance.

Comme plusieurs députés le savent, l'examen article par article peut s'avérer assommant dans le meilleur des cas, mais le fait de recevoir à la dernière minute une myriade d'amendements détaillés à un projet de loi portant principalement sur la réglementation rend le processus encore plus éprouvant.

Jusqu'à ce moment-là, nous avions en haute estime les fonctionnaires s'étant attaqués à la tâche monumentale de procéder à la refonte d'une loi aussi vaste et détaillée. Toutefois, devant le désordre les ayant menés à remettre ces changements à la dernière minute au comité, on était porté à croire que le projet de loi n'était peut-être pas prêt à être étudié à la Chambre au moment de sa première présentation ou que les rédacteurs n'avaient pas pris le temps de vérifier leur travail.

Quoi qu'il en soit, comme l'a dit le fonctionnaire, 27 amendements mineurs ont été présentés au comité et ont contrecarré tout le processus. Les amendements étaient si mal rédigés que le secrétaire parlementaire a dû modifier l'un d'entre eux verbalement.

C'est inacceptable. Pour que les députés puissent vraiment contribuer au processus d'établissement des lois au pays, nous devons veiller à ce que l'on s'occupe du processus comme il convient.

Nous voici rendus en troisième lecture, étape où des amendements peuvent être apportés au projet de loi à l'étude. Nous constatons aujourd'hui qu'il n'y a pas d'autre amendement au projet de loi. C'est du moins ce qui semble être le cas à l'heure actuelle. Toutefois, je ne serais pas étonné, si le processus le permettait, que l'on nous présente des amendements de dernière minute.

Je sais que le président a récemment rendu une décision visant à empêcher les amendements frivoles. Toutefois, je demande aujourd'hui aux députés si cela signifie que le comité a désormais perdu sa raison d'être? J'espère que non.

Peut-être est-ce un phénomène propre au ministère des Transports. Je ne le sais pas. Toutefois, je sais que je n'ai pas aimé ça, et je ne pense pas que d'autres membres du comité aimaient ça non plus.

En ce qui concerne le projet de loi, l'opposition officielle l'appuie pour le moment dans sa forme actuelle. Comme je l'ai dit auparavant, nous étions préoccupés par la rapidité du processus mais, dans l'ensemble, l'orientation générale du projet de loi est positive, et celui-ci s'imposait.

Je vous remercie, monsieur le Président, de m'avoir accordé la possibilité d'exprimer mes frustrations au sujet du processus. Je souligne aux députés d'en face, et aux fonctionnaires s'ils sont à l'écoute aujourd'hui, que pour avoir un bon processus de rédaction législative au Canada, nous devons procéder à la rédaction en comité et à la Chambre ainsi qu'à l'étape du rapport, afin d'éviter que se reproduise une mauvaise utilisation du processus comme celle que nous avons connue dans ce comité.

En terminant, nous appuyons l'orientation générale du projet de loi et cette refonte qui s'est trop fait longtemps attendre. Nous nous interrogeons vraiment sur la nécessité de faire emprunter la voie rapide à ce long projet de loi et nous aurions préféré avoir plus de temps pour l'analyser en détail.

[Français]

M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois est favorable au projet de loi C-14, parce que tout le contexte du développement du transport maritime était à revoir depuis des décennies au Canada. Donc, c'était un projet de loi attendu, autant par la population, par ceux qui utilisent le transport maritime, que par l'industrie, à tout le moins pour une partie de celle-ci.

Encore une fois, nous ne le répéterons jamais assez, c'est un projet de loi qui aurait dû être adopté au cours de la dernière législature. Il n'a pas pu l'être, parce que le gouvernement a décidé de déclencher des élections sans aucune raison valable, pour satisfaire les plaisirs de certains politiciens. Ces élections anticipées ont fait que des projets de loi, comme le projet de loi C-14, se retrouvent devant nous aujourd'hui.

La grande question que nous et les citoyens et citoyennes du Québec et du reste du Canada qui nous écoutent devons nous poser est celle-ci: est-ce que nous avons finalement profité du délai que cela a pris? Le projet de loi C-14 présenté au cours de la dernière législature n'a pas pu être adopté, parce que le gouvernement a déclenché des élections anticipées. Le gouvernement a-t-il bien profité de cette période pour compléter un projet de loi qui aurait rendu toute l'industrie entièrement satisfaite des modifications à la Loi sur la marine marchande? À ce sujet, nous constatons que ce n'est pas le cas.

 

. 1645 + -

Le ministre des Transports déclarait, dans un communiqué de presse publié le 1er mars, que «cette loi, telle que présentée, visait à promouvoir la croissance économique de l'industrie du transport maritime». C'était la déclaration du ministre des Transports, faite le 1er mars dernier pour réintroduire le projet de loi C-14. Pour tous ceux et celles qui suivent la polémique et l'avenir de l'industrie de la marine marchande au Québec et au Canada, on s'attendait à ce que le gouvernement en profite, étant donné qu'il était en début de mandat, pour avoir un projet de loi plus corsé qui aurait réglé le sort de l'industrie du transport, comme le voulait la déclaration du ministre.

Je le répète, dans cette déclaration, il disait que «ce projet de loi visait à promouvoir la croissance économique de l'industrie du transport maritime». Or, le Bloc québécois avait mentionné à plusieurs reprises que la seule façon de promouvoir la croissance économique de l'industrie du transport maritime, c'était d'adopter une véritable politique fédérale de construction navale.

Force a été de constater que le projet de loi, qui a été déposé au début de cette nouvelle législature, était le même, qu'il était identique à ce qui a été présenté précédemment, à quelques virgules près, à quelques amendements près, les 27 qui ont été déposés et qui sont, en passant, des points, des virgules et des modifications plus juridiques qu'autre chose. On a été malheureux de constater que le gouvernement n'en avait pas profité pour introduire, dans ce projet de loi sur la marine marchande, une véritable politique fédérale de construction navale.

Même si au début du mois d'avril le ministre recevait un rapport du comité, soit le Comité du projet de partenariat national concernant la construction navale, à ce jour, il n'a toujours pas annoncé ce qu'il comptait faire de ce rapport.

On aurait pu en profiter pour introduire tout un chapitre. Ce ne sont pas des amendements à la pièce qu'il fallait. On aurait pu en profiter puisque c'était un nouveau projet de loi, même s'il avait déjà été rédigé, préparé pour être adopté au cours de la dernière législature. Maintenant qu'il y avait un comité complètement indépendant, appelé, je le répète, le Comité du projet de partenariat national concernant la construction navale, qui a soumis son rapport au ministre, on aurait pu en profiter, en bon gouvernement responsable, pour introduire tout un chapitre sur la construction navale au Canada, ce qui n'a pas été fait, vous l'avez évidemment compris.

Là-dessus, le Bloc québécois et moi-même en particulier tenons à revenir sur tout le dossier des chantiers maritimes. Au moment où on se parle, les chantiers maritimes fonctionnent seulement à 25 p. 100 de leur capacité. Évidemment, au Québec, entre autres à Lévis, à l'île aux Coudres, aux Méchins, mais partout, à Vancouver, à Halifax, la construction navale est en déclin quand on parle du nombre d'emplois. Cette industrie a déjà employé 12 000 travailleuses et travailleurs. Au moment où on se parle, c'est à peine 2 750 personnes qui sont employées par les chantiers maritimes au Canada.

Cela est difficile à comprendre. On livre des batailles pour les citoyens que nous représentons. Le Bloc québécois a livré le combat sur la construction navale, sur le nombre d'emplois dans les chantiers maritimes. On a livré le combat. Le gouvernement a créé un comité spécial indépendant qui devait faire rapport.

Quand on a rédigé le projet de loi qui a précédé le projet de loi C-14 au cours de la dernière législature, on pouvait toujours dire à l'époque qu'on ne pouvait pas ajouter un chapitre sur la construction navale parce qu'on laissait le soin au comité de présenter son rapport. Mais au moment où on se parle, le comité a présenté son rapport. Le ministre n'a pas encore décidé ce qu'il ferait du rapport du comité.

Il aurait peut-être été très intéressant, pour promouvoir la croissance économique de l'industrie comme le disait le ministre, d'ajouter tout un chapitre indépendant sur la relance de la construction navale au Canada. Pourquoi la relance de la construction navale? Parce que la main-d'oeuvre canadienne est qualifiée et son coût est inférieur à celui de la plupart des pays concurrents. On a donc un avantage sur toutes les autres industries de la planète.

La majorité des chantiers canadiens possèdent des équipements très modernes et une technologie très avancée; deux sont cotés ISO 9001, et quatre ISO 9002. Les gestionnaires des chantiers et autres intervenants de l'industrie maritime se sentent abandonnés par le gouvernement fédéral depuis au moins une dizaine d'années. Ils se disent défavorisés par rapport à d'autres secteurs, pour ne nommer que l'aérospatiale. Ce type d'industrie était en droit d'avoir une écoute importante et indépendante de ses problèmes.

 

. 1650 + -

Avec un accès direct à trois océans, à la voie d'eau navigable intérieure la plus longue au monde, les constructeurs et armateurs se demandent pourquoi le Canada a choisi de laisser tomber leur industrie.

Ce sont donc des questions qu'a soulevées le Bloc québécois et que le gouvernement a décidé de traiter, en mandatant un comité spécial pour se pencher sur la question. Cependant, on n'a pas jugé bon d'inclure tout un chapitre dans le nouveau projet de loi C-14, justement pour régler le sort de cette industrie.

Le transport maritime est le moyen de transport le plus économique et le plus respectueux de l'environnement. La survie de plusieurs chantiers est actuellement maintenue par l'intervention des gouvernements provinciaux, alors qu'il s'agit pourtant d'un domaine de compétence fédérale.

On traite de toutes sortes de compétences. Aujourd'hui ou hier, le premier ministre annonçait la mise sur pied d'un comité sur l'urbanisation, sur l'avenir urbain à travers le Canada. C'est un champ de compétence qui appartient aux provinces. C'est un champ de compétence dans lequel le Québec est le seul et unique responsable et titulaire. Qu'il le laisse aux provinces. Mais cela lui est donc difficile à comprendre.

Le Québec offre des mesures fiscales, dont un crédit d'impôt. La Nouvelle-Écosse possède un programme spécifique de garantie financière. La Colombie-Britannique a favorisé l'accélération de son programme de traversiers en aluminium. L'industrie de la construction navale du Canada lutte à armes inégales contre ses concurrents des pays d'Asie qui subventionnent la construction navale jusqu'à concurrence de 30 p. 100 de la valeur des contrats. Les pays d'Europe offrent des subventions de l'ordre de 9 p. 100, tandis que les États-Unis privilégient, pour la construction navale, des mesures protectionnistes. Or, au Canada, on n'offre ni subvention ni mesure protectionniste. On regarde passer les bateaux.

Évidemment, je dois souligner les efforts de mon collègue du Bloc québécois, le député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, qui déposait, le 14 octobre 1999, le projet de loi C-213 qui portait sur la construction navale et qui visait à promouvoir la construction navale au Canada et à rendre les chantiers maritimes canadiens plus concurrentiels.

On aura évidemment compris que notre bon gouvernement libéral a décidé que ce projet de loi ne ferait pas l'objet d'un vote. Je souligne quand même l'effort de mon collègue, parce qu'il y avait trois grandes idées très ingénieuses; elles provenaient de discussions qu'il avait eues avec l'industrie. C'est pour cela que son projet de loi comportait trois volets.

Le premier volet portait sur l'instauration d'un programme de prêts et de garanties de prêts. Globalement, cela signifiait à l'industrie de la construction navale au Canada que, maintenant, il y aurait un programme qui ferait que 87,5 p. 100 du montant d'un prêt pour l'acquisition d'un navire pourraient être garantis par le gouvernement fédéral.

Il y avait donc, dans un premier temps, une garantie de prêt et, dans un deuxième temps, un taux d'intérêt comparable à celui que portent habituellement les prêts consentis par des institutions financières aux entreprises importantes et financièrement robustes.

On aurait donc pu offrir une garantie de prêt avec des taux d'intérêt concurrentiels et une méthode de remboursement comparable à celle consentie habituellement par des institutions financières aux entreprises importantes. C'était donc un mode de remboursement qui correspondait aux obligations et qui était respectueux d'une entreprise qui pourrait devenir une entreprise en pleine vigueur.

Le deuxième volet portait sur l'exclusion des nouveaux vaisseaux des règlements de prêt-bail. À cause de leur complexité, ces prêts-baux ont eu pour effet d'éliminer l'achat de navires au Canada. Les nouveaux prêts-baux ont des conditions de remboursement qui nuisent carrément à l'industrie. On excluait donc les nouveaux vaisseaux des règlements de prêt-bail.

La troisième innovation était l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable. Le gouvernement du Québec annonçait, en 1997, une bonification de l'aide fiscale à l'industrie navale qui reposait sur un crédit d'impôt. Le gouvernement québécois bonifiait donc de 40 p. 100 à 50 p. 100 le crédit d'impôt remboursable pour la construction navale. On aurait pu penser que le gouvernement fédéral aurait pu offrir les mêmes avantages, des crédits d'impôt aux entreprises qui sont en construction navale, pour donner un nouveau souffle de vie à cette industrie.

Mais ce n'est pas le cas. Le gouvernement libéral a manqué une belle occasion, dans un projet de loi très intéressant qui voulait régler le sort de la marine marchande avec des vues très intéressées, en plus de cela, de la part du ministre. Je répète ce qu'il nous disait, le 1er mars: «Ce projet de loi visera à promouvoir la croissance économique de l'industrie du transport maritime.»

Pourquoi n'a-t-il pas écouté les recommandations du comité qu'il avait lui-même formé, lesquelles lui ont été transmises au mois d'avril? Pourquoi n'a-t-il pas pris et utilisé tout ce nouvel essor, toute cette nouvelle expérience et ces nouvelles recommandations pour tenter d'intégrer à cette loi très intéressante sur la marine marchande, tout un chapitre sur la construction navale au Canada?

Cela aurait réglé le problème et aurait donné un nouvel essor à une industrie qui ne tourne qu'à 25 p. 100 de sa capacité au moment où l'on se parle.

 

. 1655 + -

Elle comprend 2 750 travailleurs, au moment où on se parle, alors qu'ils étaient 12 000 auparavant. Ce sont des hommes, des femmes, des Québécois, des Québécoises, des Canadiens et des Canadiennes, qui s'attendent à ce que le gouvernement, lorsque vient le temps de présenter des projets de loi, en dépose un qu'ils souhaitent. Je le répète, un tel projet de loi pouvait déjà faire l'objet d'un vote à la fin de la dernière législature, laquelle avait été interrompue parce que le gouvernement a décidé de déclencher des élections anticipées pour soulager les désirs de certains politiciens.

Mais non, le gouvernement dépose de nouveau un projet de loi identique alors qu'il aurait eu une belle chance, après un rapport de comité très intéressant, de déposer un vrai projet de loi qui aurait relancé l'économie du transport maritime avec tout un chapitre consacré à la construction navale, cette importante industrie qui ne tourne qu'à 25 p. 100 de ses capacités. Nous avons les cerveaux et les compétences nécessaires et nous sommes capable de concurrencer toutes les autres industries à travers le monde.

Encore une fois, le gouvernement libéral, le gouvernement du Canada, n'a pas écouté les recommandations des contribuables, des représentants de l'industrie et du Bloc québécois. Le Bloc a défendu avec acharnement, pas pour des questions politiques mais pour des questions humaines, des travailleurs et des travailleuses qui ont des compétences, qui avancent en âge et qui voudraient toujours faire profiter notre beau pays de leur expérience. Ils ne peuvent pas le faire parce qu'ils n'ont pas d'emploi au moment où on se parle.

Le gouvernement a encore manqué une belle chance d'inclure dans ce projet de loi C-14 tout un chapitre sur la construction navale, qui aurait pu relancer plusieurs de nos régions à travers le Canada, des régions qui vivent, avec le développement régional, de graves soubresauts économiques. Nous aurions eu une chance de relancer tout ce secteur de l'industrie qui touche plusieurs régions qui longent les côtes du Québec et du Canada. Cela aurait été une belle occasion, encore une fois ratée, par un gouvernement trop arrogant, qui gouverne seul sans écouter les bonnes recommandations de ceux et celles qui veulent bien lui en faire.

[Traduction]

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, je voudrais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-14, Loi concernant la marine marchande et la navigation et modifiant la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes et d'autres lois.

Dans le communiqué de presse publié à l'occasion de la présentation du projet de loi, le ministre a déclaré que le projet de loi mettra à jour, modernisera et rationalisera le droit maritime canadien et qu'il précisera les responsabilités du ministère des Transports et du ministère des Pêches et des Océans.

Le ministre a également indiqué que le projet de loi permettra à l'ensemble du milieu maritime de fonctionner de façon plus sécuritaire, plus efficace, plus respectueuse de l'environnement et plus attentive aux besoins des Canadiens dans une économie mondiale. Ce sont des objectifs louables que notre parti peut appuyer.

Les modifications proposées à la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes sont réputées simplifier l'application de la loi dans l'ensemble, et favoriser une plus grande concurrence dans le secteur de la marine marchande.

Les conférences maritimes se composent de groupes de compagnies maritimes océaniques qui forment essentiellement des cartels. Le mot cartel fait penser à l'OPEP, organisation ayant pour vocation de déterminer le volume et le prix du pétrole sur le marché mondial. Ces compagnies maritimes s'entendent entre elles sur les prix et les services qu'elles disent stabiliser, et en éviter les fluctuations incontrôlées, dans l'intérêt du transport maritime des marchandises. Les conférences affirment que cela ne peut que profiter aux importateurs comme aux exportateurs, en apportant de la stabilité dans l'industrie du transport.

Dans l'ensemble, la plupart des parties prenantes ayant témoigné devant le Comité des transports ont déclaré que le projet de loi C-14 constituait, généralement parlant, une amélioration par rapport à la situation actuelle. Toutefois, pratiquement tous les groupes de témoins ont eu à redire contre une disposition ou une autre. En tant que porte-parole de l'opposition et profane en la matière, il me faut choisir entre accepter ou rejeter un projet de loi complexe que le témoin moyen déclare accepter à 95 p. 100, alors qu'il en rejette carrément l'article X ou Y.

L'un des changements majeurs opérés par ce projet de loi aura pour effet que tous les navires commerciaux du ministère des Transports et toutes les embarcations de plaisance relèveront du ministère des Pêches et des Océans.

 

. 1700 + -

Le ministère des Transports doit maintenant créer un registre automatisé pour les petits bâtiments car, auparavant, les petits bâtiments commerciaux de moins de 12 mètres de longueur relevaient du MPO. J'ose espérer que cela ne donnera pas lieu à un cauchemar bureaucratique pour les propriétaires de petits bâtiments commerciaux.

Une des questions qui ont été soulevées vient du fait que ces embarcations ne sont pas toujours réservées à la navigation de plaisance ou à la navigation commerciale, cela dépend de leur usage. Dans nombre de secteurs ruraux au Canada, l'embarcation de plaisance familiale est parfois louée à des entreprises de loisirs, de pêche ou de pourvoirie, s'il y a une nette augmentation de la clientèle. Un bâtiment qui satisfaisait aux normes établies pour les embarcations de plaisance peut ne pas répondre aux exigences du ministère des Transports concernant les bâtiments commerciaux. Si les règles du ministère des Transports sont appliquées rigoureusement, cela peut empêcher les gens des secteurs ruraux de gagner quelques dollars supplémentaires. En outre, bien que cela ne soit pas évident de prime abord, il y aura des répercussions pour le grand public.

Un témoin a demandé au comité ce qui se passerait si une embarcation de plaisance entrait en collision avec un bateau-taxi. Quelle instance devrait régler cette affaire? Est-ce du ressort de Transports Canada ou du MPO?

Il y a des millions d'embarcations de plaisance au Canada et ce projet de loi permettrait au ministre de prendre des dispositions réglementaires en matière de normes de construction et d'équipement devant se trouver à bord. Nombre de témoins ont dit craindre que le gouvernement puisse exiger que les embarcations de plaisance soient améliorées pour obtenir un permis. Cela pourrait entraîner de lourdes dépenses pour de nombreux propriétaires de petites embarcations, surtout ceux qui avaient acheté leur bateau de plaisance plusieurs années auparavant, quand les normes étaient différentes ou moins exigeantes qu'aujourd'hui. Va-t-on en arriver à ce que des gens se voient refuser un permis à moins de dépenser une somme considérable pour une petite embarcation?

Je crois comprendre que la loi fédérale exige qu'on obtienne un permis pour toute embarcation munie d'un moteur de plus de 9.9 CV, ce qui s'applique à bon nombre d'embarcations au Canada. À l'heure actuelle, le système de permis en vigueur n'est qu'un système papier, c'est-à-dire que le formulaire qui est transmis est versé sous sa forme papier dans une classeur. Comment les policiers peuvent-ils retrouver un bateau pour lequel un permis a été délivré et qui porte un numéro d'enregistrement s'il est perdu ou volé? Les policiers ne peuvent pas faire une recherche informatique parce que la seule copie du permis qui existe se trouve dans un classeur situé dans un bureau du gouvernement à l'autre bout du pays. Des milliers de petits bateaux n'ont donc jamais obtenu de permis et puisqu'ils sont souvent utilisés sur un lac à proximité de chalets, aucun responsable n'en connaît réellement l'existence.

La meilleure solution serait bien sûr d'adopter un système de permis informatisé, mais je me demande si le grand public est prêt ou disposé à adopter un nouveau système bureaucratique portant sur les embarcations, pour remplacer celui qui a été tenu pour acquis pendant des années. Je me rends compte que la circulation des bateaux sur certains lacs et voies navigables est très dense pendant la période estivale et qu'il est nécessaire de prévoir des contrôles plus serrés. Toutefois, dans les régions rurales du Canada, une telle intrusion dans la vie privée des Canadiens pourrait ne pas être très bien reçue. Ce qui m'inquiète bien sûr c'est que le projet de loi soulève plus de questions qu'il n'en règle.

Le projet de loi C-14 se veut progressiste dans le sens que les mécanismes d'application prévoient maintenant des pénalités administratives en plus des procédures judiciaires normales. En théorie, cela permet au ministre de prendre des mesures dans les cas d'infractions mineures sans avoir à traîner la personne en cour ou à lui coller un casier judiciaire. Cela serait très bien.

Toutefois, en cour, toute personne doit être reconnue coupable hors de tout doute raisonnable et bénéficie de la protection de la Charte des droits. Dans un régime de sanctions administratives, il incombe au ministre de prouver la culpabilité et cela est beaucoup moins onéreux. À peu près tous les témoins on dit qu'ils n'approuvaient pas le régime de sanctions administratives car le contrevenant n'aurait pas un accès complet aux voies de droit régulières comme cela serait le cas devant un tribunal. Je ne sais pas si c'est bon ou mauvais. Je suppose qu'il faudra attendre pour voir.

Au début de mon intervention, j'ai dit que les modifications à la Loi dérogatoire sur les conférences maritimes étaient censées encourager une concurrence accrue dans le secteur du transport. La dérogation à laquelle fait allusion le titre de la loi a trait à une dérogation aux lois du Canada sur la concurrence, qui interdiraient normalement les activités de cartel. Plus particulièrement, le ministre des Transports a affirmé que le projet de loi ferait concorder davantage notre loi avec celle de nos partenaires commerciaux américains. Les conférences maritimes se sont en général dites d'accord, mais les gens qui ont des marchandises à expédier, le Conseil des expéditeurs canadiens par exemple, n'étaient pas d'accord. Nous attendrons donc également pour voir où cela nous mènera.

 

. 1705 + -

Les expéditeurs veulent pouvoir conclure des contrats confidentiels avec des compagnies de navigation maritime afin d'obtenir le tarif le plus bas pour le transport de leurs marchandises. Le projet de loi leur permettrait de le faire, mais aucune disposition n'oblige le propriétaire du navire à garder secrets les détails de ce contrat auprès des autres propriétaires de navires de la conférence.

Aux États-Unis, un expéditeur pourrait conclure un marché confidentiel de ce genre, mais il est expressément interdit aux propriétaires du navire et aux membres de la conférence de communiquer les détails du marché avec leurs collègues de la conférence. Nos règles modifiées se rapprocheront des règles américaines, mais sont un peu déficientes à cet égard.

Les expéditeurs voulaient que le projet de loi prévoie un mécanisme de règlement des différends. Ils ont également été déçus. Ils voulaient en outre une disposition de temporisation qui, en fin de compte, éliminerait progressivement les cartels après un certain nombre d'années. Malheureusement, ils ont perdu cette bataille aussi.

Bref, le projet de loi sur les conférences maritimes ne change pas grand-chose qui aiderait nos exportateurs et nos importateurs. Il ne fait qu'apporter des améliorations d'ordre administratif.

Si je comprends bien, des modifications aux lois sur la marine marchande du Canada sont à l'étude depuis de nombreuses années et de longues consultations ont eu lieu avec un grand nombre d'intervenants. J'hésite à voter contre le projet de loi si ces consultations ont eu lieu. Cependant, j'ai de sérieuses réserves au sujet de ses conséquences pour les petites embarcations de plaisance et commerciales. Je crains que, un jour ou l'autre, la population ne doive faire face à plus de tracasseries administratives qu'elle ne s'y attend ou ne le désire actuellement.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

*  *  *

LOI SUR LES AIRES MARINES NATIONALES DE CONSERVATION DU CANADA

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 2 mai, de la motion: Que le projet de loi C-10, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est avec une grande inquiétude que je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-10 du gouvernement, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada. Avant de commenter les éléments du projet de loi que je trouve très préoccupants, je voudrais préciser ma position.

Je crois qu'il faut protéger le patrimoine naturel du Canada et qu'il nous incombe de transmettre un environnement viable à nos enfants et à toutes les générations futures. Cependant, je crois aussi que la survie même de nombreuses localités côtières éloignées, notamment dans ma circonscription du nord de la Colombie-Britannique, dépend des ressources naturelles.

La Colombie-Britannique a été comblée de beautés et de ressources naturelles. D'aucuns diront qu'elle en a plus qu'il ne faut. Soit, nous devons protéger notre environnement naturel, mais nous devons le faire en comprenant que toute activité industrielle ne nuit pas forcément à l'environnement, et que la survie économique de beaucoup de localités côtières et éloignées dépend de leur capacité d'exploiter les ressources naturelles: poisson, forêt, mines, combustibles fossiles. C'est une réalité que nous ne pouvons négliger.

Les députés le savent certainement, l'étude du projet de loi a été semée d'embûches.

 

. 1710 + -

Cette mesure législative a déjà été présentée à la Chambre des communes au cours de la 36e législature, en tant que projet de loi C-48. Ce dernier avait été renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien, qui a tenu des audiences en février et en mars 1999. Le projet de loi C-48 est mort au Feuilleton, quand le Parlement a été prorogé.

Il est réapparu comme projet de loi C-8, au cours de la deuxième session de la 36e législature. Il s'est alors rendu jusqu'à l'étape du rapport. Légèrement amendé par le comité, ce projet de loi est également mort au Feuilleton quand le Parlement a été dissous en vue des élections d'octobre 2000.

Le projet de loi C-10 dont nous sommes aujourd'hui saisis est une nouvelle version des projets de loi C-48 et C-8, et il tient compte des modifications proposées en 1999.

C'est peut-être à cause de l'absence d'une vaste consultation publique que les versions précédentes du projet de loi ont été rayées du programme législatif du gouvernement. Je suis d'avis que la mesure a encore besoin d'être considérablement amendée.

J'exhorte le whip du gouvernement à permettre aux députés de son parti de réfléchir sérieusement à l'impact que pourrait avoir ce projet de loi et de se laisser guider par leur conscience pour proposer des amendements soit à l'étape de l'étude au comité ou à l'étape du rapport.

Je voudrais maintenant centrer l'attention, non plus sur la portée du projet de loi, mais sur ce que je considère comme ses éléments principaux.

Pour commencer, arrêtons-nous au préambule, plus précisément aux lignes 5 à 13 de la définition que donne le gouvernement au principe de la prudence. Le projet de loi stipule d'abord:

    Attendu que le gouvernement du Canada s'engage à adopter le principe de la prudence dans le cadre de la conservation et de la gestion du milieu marin, de sorte que l'absence de certitude scientifique absolue ne puisse être invoquée comme motif pour différer la prise de mesures de prévention lorsque l'environnement risque de subir des dommages;

Les députés présents à la Chambre aujourd'hui et les gens qui nous regardent ne savent peut-être pas que le projet de loi C-10 élargit considérablement le concept du principe de prudence. Il existe un appui assez généralisé à l'égard de la formule utilisée dans le principe no 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, qui se lit comme suit:

    Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.

Les députés devraient s'inquiéter du fait que, vu que le principe de la prudence guide le gouvernement dans son processus décisionnel, cette version considérablement enrichie lui permet de créer des aires marines de conservation comme bon lui semble; la définition est assez large.

En retirant les mots graves ou irréversibles par rapport à l'évaluation des risques, le gouvernement se donne carte blanche pour décider de ce qui justifie ou non la désignation d'une aire marine de conservation. Cela n'est pas conforme à la Déclaration de Rio que le Canada a signée et, à ce titre, ce n'est pas une définition adéquate du principe de la prudence.

Je prie donc les députés d'exiger qu'on modifie cette définition. Le principe de la prudence est l'élément directeur qui sert à déterminer quelles régions deviendront des aires marines de conservation. Il n'est pas acceptable que cette définition soit élargie arbitrairement.

Certains autres articles du projet de loi m'inquiètent aussi car je crois qu'ils devraient être modifiés ou supprimés.

Le gouvernement a dit que le projet de loi sert à établir les règles qui permettront de créer, pour protéger et sauvegarder les écosystèmes marins, un réseau national d'aires marines de conservation représentatives des 29 régions côtières des océans et des Grands Lacs du Canada.

Contrairement aux parcs nationaux dont les ressources sont entièrement protégées, les aires marines de conservation sont gérées à des fins durables, sauf lorsque c'est interdit par l'article 13 qui traite de prospection et d'exploitation d'hydrocarbures, de minéraux, d'agrégats ou d'autres matières inorganiques dans une aire marine de conservation.

Le projet de loi permettrait l'utilisation durable des ressources dans ces aires marines de conservation, dans une optique de loisirs, de tourisme, d'éducation et de recherche.

Actuellement, il y a des accords fédéraux-provinciaux qui sont en vigueur ou envisagés pour quatre parcs représentant cinq des 29 régions marines. Le projet de parc Gwaii Haanas sur le plateau de la Reine-Charlotte, dans la région marine du détroit d'Hécate, est situé dans ma circonscription, celle de Skeena. Ce parc pourrait couvrir une superficie équivalant à peu près au sixième de la superficie totale de ma circonscription.

Certains croient que le projet de loi vise à interdire toute forme de développement dans les aires marines de conservation et à non seulement protéger les 29 régions marines visées par la mesure législative, mais à créer aussi de nombreuses autres aires marines de conservation. Comme bien d'autres Canadiens, je m'inquiète vivement de cet aspect.

 

. 1715 + -

Comme le mentionne le projet de loi, ces 29 aires marines de conservation seront divisées en zones pour des utilisations différentes. Certaines pourront servir uniquement à des fins touristiques, d'autres, à des fins scientifiques; bon nombre croient que les aires marines de conservation limiteront grandement tout activité humaine, mais plus particulièrement l'activité industrielle.

Quel que soit l'objectif que visait le projet de loi à l'origine, j'exhorte les députés à prendre note de l'article 13 qui interdit expressément l'extraction de minéraux ou d'autres matières inorganiques dans toutes les aires marines de conservation. Je vais lire textuellement l'article 13 du projet de loi, à la page 9. L'article est ainsi libellé:

    Il est interdit de se livrer à la prospection ou à l'exploitation d'hydrocarbures, de minéraux, d'agrégats ou d'autres matières inorganiques dans une aire marine de conservation.

Je demande à la Chambre de réfléchir et de se demander pourquoi le projet de loi doit comprendre une disposition aussi restrictive et importante qui s'applique à toutes les aires marines de conservation, alors qu'il était censé diviser chaque aire en zones pour des utilisations particulières, à moins évidemment que l'intention du gouvernement soit d'exclure du Canada les industries qui sont tributaires de l'extraction de pareilles matières.

De plus, je trouve très curieux que les députés qui représentent les régions du Canada atlantique ne s'opposent pas farouchement à cette disposition, notamment s'ils sont originaires d'une province comme Terre-Neuve, où le célèbre projet de forages en mer Hibernia a permis, tout en respectant si je puis dire l'environnement, d'exploiter les fonds marins et garantit par son existence même le gagne-pain et le bien-être de nombreux Terre-Neuviens et Canadiens de l'Atlantique. Si un tel projet de loi et une telle disposition avaient été mis en oeuvre avant le projet Hibernia et même avant les travaux de prospection reliés à ce projet, il se peut que ce dernier n'ait jamais vu le jour.

Je voudrais poursuivre dans cette voie un petit peu et dire que le projet de loi pourrait empêcher toute autre prospection et mise en valeur des ressources au large des côtes de Terre-Neuve. En fait il pourrait prévenir cette mise en valeur au large des côtes du Canada, qu'il s'agisse de l'Atlantique, de l'Arctique ou du Pacifique. Bien entendu, beaucoup diront que ce n'est vrai que si ces zones sont désignées comme des aires marines nationales de conservation. Cela m'amène à ma prochaine préoccupation relativement à cette mesure législative.

Je demande aux députés de prendre note de l'article 5 à la page 4. Le paragraphe 5(1) est tout à fait inquiétant et reflète ce qui est fondamentalement répréhensible dans l'attitude du gouvernement. Cette disposition mine sérieusement l'efficacité des représentants élus à la Chambre. Je crois qu'une fois que les députés auront entendu aujourd'hui cette disposition tirée du projet de loi, ils ne pourront que comprendre qu'il est nécessaire d'apporter des modifications importantes au projet de loi avant qu'il ne soit accepté aux Communes. Je cite donc le paragraphe 5(1) du projet de loi:

    Sous réserve de l'article 7, le gouverneur en conseil peut, par décret, en vue de constituer ou d'agrandir une aire marine de conservation composée d'eaux et de terres immergées dans les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone économique exclusive du Canada ou sur les côtes ou les îles du Canada, modifier l'Annexe 1 en y ajoutant le nom et la description de l'aire nouvelle ou en changeant la description de l'aire agrandie.

En termes simples, cela signifie que le premier ministre et son Cabinet peuvent décider d'un seul coup de créer une aire marine de conservation dans la circonscription de n'importe quel député. Oui, le projet de loi recommande que le ministre du Patrimoine canadien consulte les personnes qu'il juge concernées, mais il ne garantit pas que leurs opinions seront entendues et acceptées. Si des parties du Saint-Laurent sont constituées en aire marine de conservation, il est concevable que le gouvernement puisse restreindre ou réduire les niveaux de prises de diverses espèces, voire la navigation. La ministre du Patrimoine pourrait même choisir des lieux de pêche parmi les plus fertiles de la côte est et, quant à cela, de la côte ouest, et en faire des aires marines de conservation et nous, députés élus, ne pourrions rien y faire.

Comment la ministre croit-elle que ce sera accueilli par les Canadiens et surtout par ceux des localités côtières dont la survie elle-même dépend dans bien des cas des ressources qu'elles peuvent tirer de la mer? Le pouvoir que cette disposition du projet de loi enlève aux Canadiens et à leur Parlement pour le donner à quelques initiés, des ministres, est horrifiant. Mes électeurs ne l'appuieront pas, ni moi non plus.

J'implore les députés d'exiger que la disposition soit amendée de façon à rendre le pouvoir de créer et d'agrandir ces aires marines de conservation au Parlement, qui y accordera moult réflexion, consultation et cogitation. Nous avons des comptes à rendre à nos électeurs et aux Canadiens en général.

Mes observations, aujourd'hui, auront peut-être l'air sévères et passionnées, mais la fin du paragraphe 5(3) me fait vraiment bouillir le sang de colère. Les Canadiens qui sont à l'écoute aujourd'hui seront sans doute scandalisés de voir que le Cabinet sera le seul à pouvoir créer et agrandir des aires marines de conservation. Cependant, cela devrait les irriter davantage d'apprendre que l'organisme qui crée ces aires n'a pas le pouvoir de les réduire ni de les éliminer.

 

. 1720 + -

Je m'explique. Le gouvernement peut certes accélérer la création de ces aires marines de conservation et exercer à cette fin le pouvoir du Cabinet d'agir rapidement, mais la réduction ou l'élimination d'une aire exigerait une loi. Permettez-moi de lire de nouveau le projet de loi. Je demanderais aux députés de prendre note du paragraphe 5(3), à la page 5:

    Il ne peut retrancher de l'Annexe 1 une partie d'une aire marine de conservation.

Évidemment, je suis d'accord pour dire que le Parlement devrait être l'organisme ayant le pouvoir de décider si une aire marine de conservation sera créée ou non. Cependant, ce que les Canadiens ne savent peut-être pas, c'est que seul le gouvernement peut présenter à la Chambre une modification à une loi. Autrement dit, la modification ou la suppression d'une aire marine de conservation nécessitera l'approbation du gouvernement et non pas des députés. Les députés pourront certes débattre la question, mais ils ne pourront pas modifier quoi que soit par eux-mêmes.

Il importe également de savoir qu'il n'est pas inhabituel que l'adoption d'un projet de loi prenne jusqu'à un an pour franchir les étapes de l'étude à la Chambre des communes et au comité permanent qui en a été saisi, puis au Sénat, avant qu'il arrive à la sanction royale. Selon la place que le gouvernement attribue au projet de loi dans son ordre de priorités, le processus pourrait être encore plus long.

Nous savons qu'en réalité, le temps que la Chambre des communes et le Sénat consacrent à un projet de loi est déterminé par le gouvernement. On sait que le gouvernement a déjà fait adopter des projets de loi en quelques semaines mais qu'il a aussi retardé l'adoption de certains autres pendant des années; c'est un peu ce qui s'est passé dans le cas du projet de loi actuel.

Quant à moi, je crois que le gouvernement n'est pas obligé de supprimer sa responsabilité démocratique en conservant l'article 5. Il a déjà le pouvoir de faire adopter des lois et peut créer autant d'aires marines de conservation qu'il le veut.

J'exhorte le gouvernement à faire ce qu'il doit en permettant au Parlement d'évaluer et d'amender les projets de loi concernant les aires marines de conservation, à tenir des consultations à ce sujet et à ne pas faire adopter ce projet de loi omnibus à toute vapeur.

Je demande aux députés d'appuyer des amendements qui obligeraient le gouvernement à présenter un projet de loi pour chaque aire marine de conservation qu'il veut créer.

Je demande aux députés d'appuyer les amendements visant à supprimer l'article 13 du projet de loi, ce qui aurait pour effet d'empêcher définitivement l'extraction de ressources des aires marines de conservation, sans égard à la viabilité environnementale de quelque projet que ce soit.

Je terminerai sur ces mots de mise en garde et d'appel à la conscience de mes collègues. Les députés devraient se demander comment réagiraient leurs électeurs si les lieux où ils pratiquent la pêche étaient protégés par le projet de loi. Comment réagiraient leurs électeurs s'ils ne pouvaient plus poursuivre les activités qui leur permettent de nourrir et de vêtir leurs enfants, si on leur disait qu'ils ne pouvaient plus travailler et que le projet de loi aurait des répercussions très sérieuses sur l'avenir de leurs collectivités? Je crois que les députés consulteraient largement leurs électeurs, qu'ils feraient part de leurs préoccupations au ministres et qu'ils en feraient écho à la Chambre, afin de convaincre leurs collègues d'appuyer leurs démarches.

Dans l'état actuel des choses, le projet de loi à l'étude n'offre aucunement cette possibilité aux députés, ce qui est inacceptable. Aussi, je propose:  

    Qu'on modifie la motion supprimant tous les mots après le mot «Que» pour les remplacer par ce qui suit: le projet de loi C-10, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, ne soit pas lu maintenant pour la deuxième fois, mais que l'ordre soit annulé, le projet de loi retiré et son objet renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): L'amendement est recevable.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec une très grande attention le discours de mon collègue, le député de l'Alliance canadienne. J'aurais peut-être une dizaine de questions à lui poser à la suite de son discours, mais je vais plutôt résumer toutes ces questions.

Le député de l'Alliance canadienne a fait allusion au principe de prudence et de précaution. Je pense que c'est tout à fait normal qu'il y fasse référence.

 

. 1725 + -

J'aimerais savoir de sa part, à titre de porte-parole de l'Alliance canadienne dans ce dossier, ce qu'il entend par le principe de précaution et de prudence eu égard au projet de loi qui touche les aires marines.

Présentement, les aires marines couvrent des espèces en voie de disparition et des territoires qui sont également situés dans des provinces. Je ne l'ai pas entendu, dans toute son allocution, faire allusion à un semblant de concertation avec les provinces. Le député n'a aucunement fait allusion aux gouvernements provinciaux qui sont impliqués dans une telle décision de créer une aire marine de conservation.

Dans ma région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, nous avons le Parc marin du Saguenay—Lac-Saint-Jean, qui a été établi suite à une concertation issue du milieu et une concertation provinciale et nationale. À partir de là, le gouvernement a vraiment fait quelque chose de très bien. Je pense que c'est un modèle que le Canada et le Québec ont réalisé ensemble. Le député n'y a pas fait allusion.

Il a également dit dans son discours que peu importe la viabilité environnementale du projet, nous devons aller de l'avant. J'ai de gros points d'interrogation à ce sujet. Il faisait aussi allusion à la Convention de Rio suite au principe de prudence et de précaution.

Ce sont les premières questions que j'aimerais poser au député. Si j'ai encore du temps à ma disposition, je poursuivrai par la suite.

[Traduction]

M. Andy Burton: Madame la Présidente, je remercie la députée pour ses questions. Malheureusement, je ne puis lui répondre dans sa langue maternelle, mais je vais faire de mon mieux en anglais.

Je vais d'abord traiter des aspects de la consultation des provinces. Il est certain que si on adoptait un tel projet de loi, les provinces auraient un rôle à jouer, et je dirais un rôle majeur. Il est essentiel que les provinces soient impliquées dans la création des aires marines de conservation.

Je viens de la Colombie-Britannique, de la côte ouest du Canada. Le projet de loi pourrait avoir de graves répercussions pour la province de la Colombie-Britannique, notamment à cause des projets éventuels d'exploitation gazière et pétrolière en mer. Ces répercussions ne seraient pas contenues au large des côtes, elles frapperaient aussi des lacs, des ruisseaux et d'autres cours d'eau. On devra certainement consulter assidûment les provinces. Cela ne fait aucun doute.

Comme je l'ai dit au début, je me soucie énormément de l'environnement. Nous respectons tous l'environnement. Je viens de la campagne. J'ai passé presque toute ma vie dans une petite localité du Canada. J'aime chasser et pêcher. Je me perçois comme un écologiste dans l'âme. J'aime la nature. Comme tous mes collègues de l'Alliance, je respecte la nature et l'environnement. Il est extrêmement important que l'on continue de protéger l'environnement.

Ce que nous disons, c'est qu'on ne peut laisser ce projet de loi gêner le développement acceptable au point de vue de l'environnement. Voilà ce qui m'inquiète. Comme je l'ai dit précédemment, la Colombie-Britannique, en particulier, offre des possibilités d'exploitation pétrolière et gazière en mer, par exemple. On ne peut priver cette province, pas plus que le Canada, des retombées économiques considérables que cela pourrait avoir. Il suffit de regarder ce qui s'est produit à Terre-Neuve. Regardez ce que ça a fait pour la côte est. Nous devons prendre tout cela en considération. Nous devons arriver à un juste équilibre.

Je ne suis pas expert, mais la suppression de certains mots entourant l'expression «absence de certitude scientifique absolue» a changé dans une certaine mesure le principe de la prudence. En réalité le principe de la prudence dit ceci:

      ...de sorte que l'absence de certitude scientifique absolue ne puisse être invoquée comme motif pour différer la prise de mesures de prévention lorsque l'environnement risque de subir des dommages importants ou irréversibles;

Ce que ce que nous disons, c'est que la suppression de certains mots dans l'énoncé de ce principe confère un aspect légèrement différent et plus dur à la teneur du projet de loi. C'est ce qui nous inquiète. Même en l'absence de preuves réelles, on pourrait stopper un projet sur cette base au lieu de se demander s'il y a moyen de le réaliser d'une manière qui ne soit pas nuisible à l'environnement.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Il nous reste moins d'une minute pour les questions et observations. J'aimerais donc considérer qu'il est 17 h 30 et reporter les cinq minutes qui restent à la prochaine fois où la Chambre sera saisie de cette mesure. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

 

. 1730 + -

[Français]

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

L'IRAK

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) propose:  

    Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement canadien devrait mener les efforts aux Nations Unies pour lever les sanctions économiques qui frappent l'Irak depuis 1991, sanctions qui n'ont fait qu'infliger de terribles souffrances aux civils et en particulier aux membres les plus vulnérables de la population irakienne, c'est-à-dire les vieillards, les malades et les jeunes.

—Madame la Présidente, c'est avec une profonde tristesse et une grande colère que j'interviens aujourd'hui à la Chambre pour plaider auprès du gouvernement du Canada, pour qu'il fasse enfin preuve d'initiative et réclame devant les Nations Unies et à toutes les autres tribunes internationales qu'il soit mis fin aux sanctions génocides imposées depuis une dizaine d'années au peuple irakien.

Je ne puis croire que je sois encore aujourd'hui à plaider devant la Chambre pour que le gouvernement intervienne, alors qu'il y a plus d'un an déjà que le Comité des affaires étrangères a déposé un rapport percutant et éloquent, invitant le gouvernement libéral à faire précisément ce que je recommande, à savoir lever les sanctions économiques imposées à l'Irak, sanctions dont les répercussions ont été catastrophiques pour la population civile innocente. Ces sanctions ont certainement été sans effet sur Saddam Hussein, mais elles n'ont pas manqué de causer la mort de plus d'un million d'enfants de moins de cinq ans, aux dires de l'UNICEF.

J'ai voyagé en Irak récemment, c'est-à-dire en janvier 2000. J'accompagnais une délégation d'un groupe appelé Objection de conscience, Voices of Conscience, qui réunissait des hommes et des femmes de coeur, venus du Québec, des artistes, des journalistes, des médecins et des représentants d'organisations non gouvernementales. Nous avons voyagé par voie terrestre jusqu'à Bagdad, pour nous rendre ensuite dans le sud de l'Irak.

Pour moi, c'était un retour puisque j'avais visité l'Irak neuf ans auparavant, juste avant la guerre. En effet, en novembre 1990, je dirigeais une délégation dont faisaient entre autres partie Lloyd Axworthy, alors porte-parole du Parti libéral en matière d'affaires étrangères, et Bob Corbett, alors député du Parti conservateur.

Les conséquences de ces sanctions draconiennes et des bombardements massifs et soutenus, que bien des Canadiens sont loin de soupçonner et qui ont lieu aujourd'hui même en Irak, se sont avérées absolument désastreuses, tant pour le peuple que pour l'infrastructure du pays.

Nous ne devons jamais oublier l'attaque effroyable survenue en 1991. Je ne parle pas de guerre parce que, comme l'a déclaré un général américain, c'était comme de tirer sur des poissons dans un baril. Je crois que cette attaque s'est soldée par plus de 100 000 morts chez les Irakiens.

Avant cette attaque, l'Irak était un des pays les plus développés du Moyen-Orient sur les plans de l'économie et des droits sociaux et culturels. Les réserves de pétrole de l'Irak se classent au second rang mondial, après celles de l'Arabie saoudite. Ces réserves appartiennent aux Irakiens. Elles ont été nationalisées en 1972. L'Irak avait un système de soins de santé poussé, d'importantes réserves d'eau potable, des usines de traitement des eaux usées, des centrales électriques, un enseignement gratuit à tous les niveaux et un réseau complet de services sociaux. Au Moyen-Orient, où bien souvent les femmes sont toujours des citoyens de second ordre, l'Irak était un des pays les plus avancés pour ce qui est de la condition féminine.

 

. 1735 + -

De retour là-bas l'année dernière, notre délégation a été témoin de l'effondrement de l'infrastructure humaine et physique de l'Irak, pays qui a glissé d'une relative opulence vers une pauvreté énorme, comme le Programme des Nations Unies pour le développement en a fait état. Le chômage y est endémique. L'inflation monte en flèche. Le salaire mensuel moyen est de cinq dollars US. On constate une augmentation spectaculaire de la mendicité, de la prostitution et de la criminalité.

Le secteur de l'agriculture s'effondre, ravagé par une épidémie de fièvre aphteuse, de myiase à callitroga et par les effets d'une importante sécheresse. Le secteur culturel, jadis dynamique et florissant, est aussi victime du régime inhumain des sanctions, comme nous ont dit les artistes avec qui notre délégation s'est entretenue.

À Bagdad, nous avons rencontré Hans von Sponeck, alors coordonnateur du Comité des sanctions des Nations Unies. Cet homme, distingué fonctionnaire des Nations Unies pendant de nombreuses années, a démissionné peu après notre départ. Il a dit ne plus pouvoir participer à l'administration de ce régime inhumain de sanctions. En démissionnant ainsi, il a rejoint l'ancien coordonnateur du Comité des sanctions des Nations Unies, Dennis Halliday, et l'ancien directeur du programme alimentaire mondial des Nations Unies, Jutta Burghardt. Il a souligné dans plusieurs des discours qu'il a livrés depuis que l'Irak était redevenu un pays du tiers monde. Il a dit:

    Je ne suis jamais allé dans un pays où j'ai vu autant d'adultes pleurer.

Dans un discours récent, il a cité un rapport de l'UNICEF de décembre 2000 selon lequel l'augmentation du taux de mortalité infantile en Irak est la plus forte parmi 188 pays depuis 1991, soit un bond de 160 p. 100 en raison du manque de médicaments, de la malnutrition et des maladies transmissibles par l'eau, comme la dysenterie.

Hans von Sponeck s'oppose vigoureusement aux sanctions et a demandé qu'elles soient levées. Il a dit qu'il tenait à préciser que cela ne signifiait pas pour autant qu'il appuie Saddam Hussein, ce qui est certes également mon cas et celui des autres députés néo-démocrates.

Bien que le bilan de Saddam Hussein en matière de répression soit effroyable si l'on tient compte entre autres des attaques aux gaz asphyxiants contre les Kurdes d'Halabja dans le nord de l'Irak, et que ce dernier devrait être forcé de répondre de ses actes devant la communauté internationale, nous devons également comprendre que les répercussions de ces sanctions génocidaires signifient que ceux qui en sont directement responsables sont aussi coupables de crimes contre l'humanité.

Rappelons-nous de l'ancienne secrétaire d'État américaine Madeleine Albright à qui on a demandé au cours d'une entrevue si la mort de plusieurs milliers d'enfants irakiens innocents était un prix raisonnable à payer pour faire appliquer ces sanctions. Elle a regardé la caméra bien en face et affirmé «oui, c'est un prix qu'il vaut la peine de payer». La mort de ces enfants est un prix acceptable à payer.

Comme vient de le dire ma collègue de Vancouver-Est, c'est une vraie honte et c'est du génocide. Comme l'a dit Hans von Sponeck, «que l'on meure par balles ou que l'on meure de faim et de maladie, on est quand même mort». L'Irak souffre depuis dix ans au-delà de toutes limites admissibles imaginables.

Nous entendons souvent qualifier l'Irak d'État hors-la-loi. Les États-Unis cherchent à justifier en partie leur nouvelle initiative de guerre des étoiles, le programme national de défense antimissile balistique, en soutenant que l'Irak, la Corée du Nord, l'Iran et d'autres pays sont en quelque sorte des États hors-la-loi.

Je dirais plutôt que le véritable État hors-la-loi sur la planète aujourd'hui, ce sont les États-Unis eux-mêmes, qui ont affiché un complet mépris pour le droit international et pour les normes fondamentales d'humanité en appliquant ces sanctions profondément immorales et illégales.

 

. 1740 + -

Les États-Unis, après tout, c'est le pays qui a affiché son mépris pour le droit international à de nombreux égards. Il ont affiché leur mépris pour l'environnement en rejetant l'Accord de Kyoto. Ils ont affiché leur mépris pour les droits des enfants en étant l'un des seuls pays dans le monde, aux côtés de la Somalie, à refuser de signer la convention internationale sur les droits de l'enfant. Ils ont affiché leur mépris pour le droit international en appuyant les politiques absolument violentes et révoltantes du gouvernement israélien dans ses attaques contre les Palestiniens et sa politique illégale d'occupation par les colonies. Les Palestiniens font l'objet d'une terrible violence. Ce sont les États-Unis qui incitent constamment à cette violence. Nous pourrions aussi parler des sanctions illégales contre Cuba qu'ils soutiennent. Encore une fois, qui est le véritable État paria dans le monde aujourd'hui? Nous le savons.

La situation actuelle en Irak est absolument tragique. Ceux qui supportent le plus lourd fardeau occasionné par ces sanctions sont les plus vulnérables de la société irakienne: les enfants, les femmes, les personnes handicapées et les personnes âgées.

Comme je l'ai mentionné, l'UNICEF a confirmé que les taux de mortalité infantile sont montés en flèche depuis l'imposition de ces sanctions. Plus d'un demi-million d'enfants sont morts à cause de l'imposition de ces sanctions et, chaque mois, 4 500 autres enfants meurent.

À Bagdad et à Basra, j'ai rencontré des médecins qui, les larmes aux yeux, ont parlé de leur sentiment d'impuissance, du fait qu'ils ne pouvaient sauver la vie que de 2 p. 100 des enfants sous leurs soins, dans les pavillons d'oncologie. Ils savaient que bon nombre de ceux qui survivaient se retrouveraient dans des conditions inhumaines de malnutrition et d'insalubrité. Dans un pavillon que nous avons visité, il y avait une infirmière pour 100 enfants.

Il y a eu une montée explosive du taux d'infections endémiques comme le choléra, la fièvre typhoïde et la malaria, et une augmentation importante des cas de rougeole, de poliomyélite et de tétanos. Les sanctions ont également provoqué un énorme exode des cerveaux en Irak. La classe moyenne est en grande partie disparue, et les jeunes n'ont aucun espoir pour l'avenir. On nous a parlé de ventes aux enchères, les samedis, où de fières familles irakiennes sont obligées de vendre leurs objets de valeur et leur mobilier pour survivre.

J'ai visité une clinique de pédiatrie à Basra, dans le sud. Le taux de mortalité y a été particulièrement élevé, à cause de l'utilisation, par les alliés, d'uranium appauvri dans les bombardements du printemps de 1991. Comme je l'ai mentionné, les bombardements se poursuivent encore aujourd'hui dans cette région. C'est illégal. Il n'y a pas le moindre fondement légal pour les zones d'exclusion aérienne et pourtant États-Unis et le Royaume-Uni poursuivent les bombardements qui continuent de tuer des civils innocents. Dernièrement, ils ont lancé leurs bombes juste à l'extérieur de Bagdad. En tant que Canadien, j'ai eu honte de voir que notre gouvernement était l'un des rares disposés à se porter à la défense des États-Unis et du Royaume-Uni dans le cas de ce bombardement illégal. Le bombardement se poursuit et les malformations congénitales causées par l'uranium appauvri, en particulier dans le sud du pays, sont terribles.

Nous avons également été témoins des résultats qu'un professeur de Bagdad a qualifiés de génocide intellectuel de l'Irak. Il n'y a pratiquement plus de fonds venant du pétrole, de sorte que le système d'éducation est en train de s'effondrer. Il n'y a aucun accès aux revues scientifiques et médicales et aucune possibilité d'assister à des conférences par des professionnels. Les parents doivent fournir à leurs enfants les craies dont ils ont besoin à l'école. Notre délégation avait apporté des crayons et des fournitures dans un geste de défi silencieux.

Qu'est-ce qui est arrivé au programme «pétrole contre nourriture»? Eh bien, il n'a pas fonctionné. Le comité 661, chargé de mettre en oeuvre ce programme, a d'ailleurs été l'objet de critiques acerbes de la part de nombreux commentateurs, dont le secrétaire général des Nations Unies qui s'est dit, en novembre dernier, très préoccupé par le nombre excessif des demandes mises en attente dans de nombreux secteurs, tels que l'électricité, l'eau, l'hygiène et l'agriculture, et qui nuisent au piètre état de la nutrition en Irak.

Je voudrais dire quelques mots concernant la nutrition. Dr Sheila Zurbrigg a décrit avec éloquence la famine qui sévit aujourd'hui en Irak. Elle a fait remarquer que les récentes statistiques font état d'une croissance de la mortalité encore plus accentuée et de la dégradation de la situation. Elle a aussi déclaré que les taux de malnutrition des enfants dans le centre-sud du pays ne semble pas s'être améliorés et que les problèmes à cet égard restent graves et répandus. La malnutrition grave constitue un problème considérable qui touche plus de 10 p. 100 de la population. De nombreux enfants sont trop petits pour leur âge et dépérissent à vue d'oeil. Un enfant sur sept en Irak meurt avant l'âge de cinq ans. C'est totalement incroyable. Comme l'a souligné la FAO, le secteur agricole est aussi en crise.

 

. 1745 + -

J'ai déjà parlé du Dr Sheila Zurbrigg. Je veux aussi rendre hommage aux nombreux Canadiens et aux organisations canadiennes qui ont travaillé sans relâche avec énormément d'engagement et de dévouement contre ces sanctions génocidaires et inhumaines. Parmi eux, il faut citer le Réseau canadien pour la levée des sanctions contre l'Irak, la Nova Scotia Campaign to End Irak Sanctions, l'Association des médecins pour la survie mondiale (Canada), les organismes End the Arms Race, Objection de conscience ou Voices of Conscience, Project Ploughshares, Kawartha Ploughshares et bien d'autres groupes semblables au pays.

En terminant, je rappelle encore une fois à la Chambre la recommandation unanime du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international qui a demandé au gouvernement canadien de s'appliquer immédiatement à faire lever les sanctions économiques. Il est essentiel que ces sanctions soient levées, dès maintenant, et que le Canada fasse preuve de leadership pour que cela se produise.

M. Denis Paradis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la Présidente, le gouvernement comprend les objectifs humanitaires de la motion dont la Chambre est saisie, mais il ne peut pas l'appuyer, puisqu'elle propose la levée des sanctions de l'ONU prises contre l'Irak, malgré le fait que ce pays ne respecte pas ses obligations envers l'ONU.

La politique canadienne à l'égard de l'Irak est caractérisée par une préoccupation égale à l'égard de la situation humanitaire dans ce pays et de la sécurité compromise par Bagdad dans la région. Nous devons conserver cette approche équilibrée dans toutes les décisions que nous prenons au sujet de l'Irak.

[Français]

Nous reconnaissons que les sanctions ont eu de graves répercussions sur le peuple irakien, mais nous ne sommes pas d'accord avec l'objet de la motion. La demande de levée de sanctions peut sembler être une solution au problème, mais une telle mesure unilatérale ne tient pas compte des risques en matière de sécurité, ni des autres mesures qui ont été et continuent d'être prises pour minimiser les répercussions des sanctions sur la population civile.

Depuis le tout début, l'approche proposée par le Canada et la communauté internationale pour la conception et la mise en oeuvre du régime des sanctions contre l'Irak est axée sur les dimensions humanitaires et sécuritaires du problème. La communauté internationale est non seulement déterminée à mettre fin aux programmes irakiens d'acquisition d'armes de destruction massive, mais elle s'intéresse également à la nécessité de limiter les répercussions humanitaires des sanctions.

Les résolutions 661 et 687, qui ont établi le régime des sanctions après l'invasion du Koweït par l'Irak et l'ont prolongé après la libération du Koweït, exemptaient les produits alimentaires et les médicaments de l'embargo. Lorsque, compte tenu de l'obstruction irakienne, il est devenu évident que le désarmement de l'Irak prendrait plus que quelques semaines ou quelques mois, comme on l'avait prévu au départ, l'ONU a tenté d'établir un programme Pétrole contre nourriture, en vertu duquel les recettes pétrolières irakiennes pourraient être utilisées à des fins humanitaires. En 1991, l'ONU a adopté la résolution 706 créant le programme Pétrole contre nourriture.

Pour des raisons politiques, le gouvernement de l'Irak a rejeté la résolution 706, ce qui a retardé de presque cinq ans la mise en oeuvre du programme Pétrole contre nourriture. Cette décision a eu un effet catastrophique sur la société irakienne. Lorsque le gouvernement de l'Irak est revenu sur sa décision en 1995-1996 et a finalement accepté le programme Pétrole contre nourriture, il était déjà beaucoup trop tard pour éviter la détérioration de la santé et du niveau de vie de la population.

Le programme Pétrole contre nourriture a toutefois contribué à mettre fin au déclin de l'Irak et il a été continuellement modifié au fil des années afin d'en améliorer l'efficacité.

 

. 1750 + -

En décembre 1999, les efforts ont abouti à l'adoption de la résolution 1284 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui prévoyait encore plus de changements radicaux au programme humanitaire en Irak.

Au nombre de ces changements figuraient la suppression du plafond aux exportations de pétrole, ce qui a permis à l'Irak de vendre des quantités illimitées de pétrole, et l'élaboration de listes préapprouvées d'articles qui n'auraient pas à être vérifiées par le comité des sanctions.

Ces listes, communément appelées «listes vertes», se sont continuellement allongées et englobent actuellement les fournitures médicales, les produits pharmaceutiques, le matériel et les articles agricoles, le matériel didactique, les installations d'approvisionnement en eau, l'équipement sanitaire, les matériaux de construction et les pièces de rechange destinées à l'industrie pétrolière.

Les sanctions de l'ONU visant ces articles ont donc été levées. L'Irak a toutefois rejeté la résolution 1284 et bloqué, dans la mesure du possible, la mise en oeuvre de certaines de ses principales dispositions humanitaires.

Malgré les efforts déployés par Bagdad pour affaiblir le programme «Pétrole contre nourriture», il est clair que ce programme et les changements prévus par la résolution 1284, ont des effets positifs en Irak, comme le déclarait le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, dans son rapport du 2 mars 2001.

Grâce à l'aide financière de cinq à sept milliards de dollars, versée tous les six mois dans le cadre du programme humanitaire, l'Irak est en position d'améliorer, dès aujourd'hui, l'état nutritionnel et l'état de santé des enfants irakiens.

Toutefois, il reste à savoir si l'Irak réalisera et utilisera vraiment la totalité de ses recettes potentielles pour répondre aux besoins de ses citoyens. On a déjà mentionné, ici à la Chambre, que Saddam Hussein préférait se bâtir des châteaux, des maisons, plutôt que de répondre aux besoins de la population.

Les efforts de Bagdad pour imposer des surtaxes illégales sur les contrats pétroliers ont ralenti les exportations irakiennes pendant la majeure partie de l'an 2000, ce qui a amené le secrétaire général des Nations Unies à se demander avec inquiétude, dans son rapport, si les fonds seront suffisants pour atteindre les objectifs humanitaires en Irak.

De même, les préoccupations continuent de croître en ce qui concerne la volonté de Bagdad à dépenser les fonds humanitaires disponibles, et ce, de façon opportune.

Par exemple, au 31 janvier, l'Irak avait passé des marchés pour seulement 21 p. 100 des articles médicaux inscrits sur la liste de distribution de cette dernière phase du programme qui avait expiré au début de décembre.

En mars, le pourcentage n'atteignait que 48 p. 100. Les marchés visant le secteur de l'éducation représentaient moins de 50 p. 100 de l'allocation, alors que les marchés relatifs aux pièces de rechange destinées à l'industrie pétrolière dépassaient à peine les 10 p. 100.

Il semble que cette attitude laxiste du gouvernement irakien à l'égard du programme se poursuivra dans la phase en cours. En effet, Bagdad était plus de deux mois en retard pour soumettre le plan de distribution de la phase IX, laquelle a débuté le 6 décembre 2000.

Par conséquent, au 31 mars, soit presque trois mois plus tard, aucune demande de passation de marché n'avait été formulée concernant la santé, l'électricité, l'eau, l'assainissement, l'éducation et les pièces de rechange pour l'industrie pétrolière, et ce, malgré le fait que le compte de garantie bloqué à New York contienne actuellement près de trois milliards de dollars, soit les ressources financières disponibles pour se procurer ces articles.

L'argent est là et le régime irakien ne s'en sert pas. Il ne fait aucun doute que la communauté internationale a tenté d'atténuer les effets de ce régime sur la population, dès le début de la crise. Les efforts se poursuivent sous l'égide des États-Unis, dans le but de viser plus efficacement le régime des sanctions de l'Irak en assouplissant les programmes d'importation de biens civils en Irak, tout en resserrant les restrictions visant le matériel militaire.

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'attache à définir les mesures exactes qui seront prises à cet égard, mais l'initiative semble déjà aller dans le sens de l'approche préconisée de longue date par le Canada. Le Canada apportera sa contribution au processus, dans la mesure de ses capacités, pour veiller à ce qu'on accorde l'attention voulue aux objectifs en matière de sécurité et aux besoins humanitaires en Irak.

Un ciblage plus efficace des sanctions contre l'Irak peut sembler être une solution inadéquate aux yeux de personnes qui estiment que la levée de toutes les sanctions est l'unique solution au problème en Irak. Il demeure, toutefois, qu'il faut continuer d'appliquer les sanctions, bien sûr, tant que le désarmement n'est pas terminé.

Depuis le tout début, et tout au long des inspections qu'a menées l'ONU pendant huit ans, la collaboration irakienne s'est révélée être bien en deçà de ce qu'avait promis Bagdad et de ce qu'exigeaient aussi d'ailleurs les accords de cessez-le-feu.

L'obstruction, la tromperie, les mensonges éhontés étaient, alors, constamment à l'ordre du jour, car l'Irak essayait de garder les principaux éléments de ses programmes d'armement.

 

. 1755 + -

La question cruciale concernant les efforts de désarmement est la suivante: si, comme il le soutient, l'Irak a vraiment respecté ses obligations et n'est pas en train de reconstituer ses programmes d'armement—comme le prétendent plusieurs rapports récents—, pourquoi ne permet-il pas aux inspecteurs de l'armement de vérifier sur place ses déclarations?

La levée des sanctions maintenant, alors que l'Irak continue de manquer à ses obligations envers l'ONU, enverrait un message dangereux sur la faiblesse du système international face à un régime impitoyable et rebelle. La communauté internationale ne saurait récompenser l'Irak pour son intransigeance et son refus de s'acquitter de ses obligations envers l'ONU.

Il ne fait guère de doute que, laissé à lui-même, l'Irak constituerait, une fois de plus, une menace sérieuse pour ses voisins et pour la sécurité dans l'ensemble de la région du Golfe. Le pays est dirigé par l'un des régimes les plus cruels au monde, qui présente un bilan désastreux en matière de droits de la personne.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada comprend les objectifs qui sous-tendent la motion à l'étude. Certes, la communauté internationale essaie, avec un succès de plus en plus probant, d'atténuer les pires effets des sanctions et tente de rendre les dispositions humanitaires du régime de sanctions «à l'épreuve de Saddam», mais il demeure que la population irakienne souffre depuis trop longtemps. À terme, les sanctions devront être levées, mais l'option proposée dans la motion ne constitue pas le bon moyen d'y parvenir.

[Français]

Les actions unilatérales ne sont pas la solution au problème. Un processus est en place pour atteindre l'objectif commun qu'est la levée des sanctions, et celui-ci ne prendra fin que lorsque l'Irak se sera acquitté de ses obligations internationales.

La sécurité exige que les sanctions demeurent en place jusqu'à ce que le pays respecte ses obligations, mais cela ne signifie pas que le peuple irakien doive en porter tout le fardeau. Des instruments sont en place pour répondre aux besoins pressants des civils et des efforts sont déployés pour accroître l'efficacité de ces instruments.

Il faut faire pression pour forcer le gouvernement de l'Irak à utiliser le programme humanitaire autant que possible, et à abandonner sa politique de longue date qui consiste à sacrifier le bien-être de sa population au profit de ses objectifs politiques et militaires. Bagdad peut assurer le retour à la normale en Irak en s'acquittant de ses obligations envers l'ONU, et le Canada doit l'aider en ce sens. L'adoption de la motion, qui consisterait à récompenser l'intransigeance de l'Irak, aurait l'effet opposé.

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Madame la Présidente, nous éprouvons énormément de sympathie pour le peuple irakien qui vit une véritable tragédie. Nous plaignons les Irakiens qui sont depuis trop longtemps maltraités par un voyou de dirigeant, violent, illégitime et brutal du nom de Saddam Hussein. Tout cela tient à Saddam Hussein et non au peuple irakien, qui souffre depuis trop longtemps.

Je dois dire au député de Burnaby—Douglas que sa motion, quoique touchante, est naïve. Elle ne dit rien du véritable problème, qui est d'avoir à traiter avec un gangster violent appelé Saddam Hussein.

J'ai écouté attentivement le député de Burnaby—Douglas. Il a passé beaucoup plus de temps à vilipender les États-Unis que le gangster qu'est Saddam Hussein. Il s'en est trop pris aux États-Unis et pas assez au principal antagoniste. Cela en dit long sur lui et sur ses convictions.

Quoi qu'il en soit, voyons quelle est la situation. Saddam Hussein a causé la mort brutale de milliers de ses concitoyens par torture et exécution sommaire, de ses propres mains ou non. Un million et demi de civils irakiens sont morts depuis 1991. Selon l'UNICEF, 600 000 d'entre eux avaient moins de cinq ans. Chaque mois voit mourir 4 500 enfants. La mortalité maternelle a doublé depuis 1991. La malnutrition chez les enfants s'est accrue de plus de 300 p. 100 depuis 1991. Les hôpitaux, le réseau d'aqueduc et le système d'éducation sont désorganisés. Pourquoi?

Comme l'a signalé le député, l'Irak peut vendre autant de pétrole qu'il veut pour acheter de la nourriture. Il y a plus que 660 choses que le gouvernement peut se procurer sans aucun problème.

 

. 1800 + -

La population a besoin d'un système d'éducation, du développement des infrastructures et de l'aide humanitaire pour vivre. Pourquoi la situation sur le terrain ne s'améliore-t-elle pas? Elle ne s'améliore pas parce que Saddam Hussein utilise les habitants de son pays comme des pions dans une lutte politique brutale. Il est prêt à tuer ses propres concitoyens pour faire lever ces sanctions et pour montrer aux Occidentaux les conséquences de leurs décisions. C'est Saddam Hussein le criminel. C'est lui qui brutalise ses concitoyens. C'est lui qui empêche les Irakiens de vivre dans la prospérité, la paix et la sécurité.

Il est intéressant d'examiner la situation dans le nord de l'Irak, où il existe une zone d'exclusion aérienne, tout comme dans le sud. La zone d'exclusion aérienne dans le nord visait à protéger les Kurdes. Pourquoi? Parce que Saddam Hussein a tué des Kurdes au moyen d'armes chimiques et biologiques. Cela en dit long sur l'individu. Cela signifie que nous avons affaire à quelqu'un qui est prêt, pour un oui ou un non, à violer les normes fondamentales de respect international ainsi que le droit international pour arriver à ses fins. Il est prêt à tuer et à assassiner les habitants de son pays au moyen d'armes chimiques et biologiques. Nous avons tous vu à la télévision des images montrant le sort réservé à ces Kurdes.

Saddam Hussein a aussi tenté, parfois avec succès, d'assassiner des Arabes des marais du Sud. Ces gens ont vécu là pendant des milliers d'années; ils ne veulent de mal à personne. Il a toutefois envoyé là-bas ses soldats avec leurs chars et il a fait tuer ces gens-là, il a détruit leur environnement et il les a chassés de chez eux. C'est Saddam Hussein qui est responsable de la mort d'Irakiens, ce ne sont pas l'Occident, les Nations Unies ni le Canada.

Ce que le député de Burnaby—Douglas devrait faire, c'est dire au régime irakien que nous ne tolérerons plus cette situation. Tout ce que Saddam Hussein a à faire, c'est permettre aux inspecteurs des armements d'entrer dans son pays. Il n'a qu'à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité, à coopérer avec la communauté internationale, et nous nous empresserons de travailler avec sa population pour améliorer sa santé et son bien-être.

Nous voulons que les enfants irakiens s'instruisent et que les bébés irakiens soient en santé. Nous ne voulons pas que les enfants irakiens meurent de malnutrition. Seul Saddam Hussein a le pouvoir de changer tout cela, et il peut le faire du jour au lendemain. C'est lui qui a le pouvoir d'améliorer la santé et le bien-être de la population et du pays.

À l'instar sans doute de tous les députés ici présents, je ne pense pas que Saddam Hussein le fera. Cependant, si nous levions immédiatement les sanctions, que se passerait-il? Peut-on croire que Saddam Hussein respectera le droit international et qu'il traitera mieux la population de son pays? Le fait est qu'il fait obstruction aux efforts qui sont déployés dans son pays.

Il est intéressant de faire remarquer que Saddam Hussein, pendant que le peuple mourait de faim, a fait construire 42 palais princiers pour son usage personnel et celui de ses proches avec des fonds qui auraient dû être utilisés pour nourrir et faire instruire les enfants irakiens et améliorer l'approvisionnement en eau. Pourquoi n'utilise-t-il pas les 3 milliards de dollars qu'il détient dans un compte de garantie bloqué des Nations Unies pour la construction d'une infrastructure de distribution d'eau, pour l'agriculture, pour la production industrielle, pour l'amélioration des infrastructures du pays? Les faits sont éloquents.

Nous n'imposons pas ces sanctions de gaieté de coeur. Nous ne voulons pas qu'elles se poursuivent. Comme le disait Kofi Annan, il s'agit une mesure temporaire. Quand le régime irakien se conformera au droit international, qu'il permettra aux inspecteurs de l'ONU d'entrer librement en Irak et qu'il coopérera avec la communauté internationale, nous allons coopérer également. Ce n'est pas seulement pour la sécurité de la communauté internationale en général, mais aussi pour celle de la région.

Pourquoi, au dernier Sommet arabe, les dirigeants des États arabes, qui ne manquent jamais d'assurer leur coopération et d'exprimer leur sympathie à Saddam Hussein, se sont-il montrés peu enthousiastes à l'idée de lever les sanctions pesant sur l'Irak. La raison est qu'ils craignent pour leur sécurité.

 

. 1805 + -

L'invasion du Koweit par l'Irak offre un exemple éloquent de l'étendue de la menace que pose Saddam Hussein au Moyen-Orient. Pourquoi les dirigeants arabes, ses frères, le perçoivent-ils comme une brute et un tyran? Approuvent-ils ses actions? Non, ils le craignent, parce qu'il est imprévisible, violent et prêt à sacrifier son propre peuple à ses ambitions politiques.

Il est triste que cet individu ait réussi à acquérir un plus grand contrôle dans son pays. Nous allons appuyer d'autres pays en appuyant les courants d'opposition en Irak même. Malheureusement, les services secrets de Saddam exercent un contrôle encore plus grand sur le peuple. Ils cueillent les opposants au régime au beau milieu de la rue et les font disparaître. Ils agissent ainsi depuis longtemps. Ils ont installé un véritable régime de terreur.

On ne peut imaginer la tragédie que vit le peuple irakien depuis si longtemps. Nous lui souhaitons la prospérité et la paix. Pour cela, il faudra soit changer son dirigeant ou faire en sorte que ce dernier se plie aux normes élémentaires de sécurité internationale. Nous faisons cela pour le peuple de l'Irak et aussi pour nous. Nous le faisons pour les droits de la personne et pour la paix.

J'espère que le député de Burnaby—Douglas pourra jeter un regard pragmatique sur cette question afin d'améliorer la santé et le bien-être des Irakiens et de répondre à leurs besoins élémentaires. J'espère qu'il passera plus de son temps à critiquer Saddam Hussein, au lieu de s'en prendre aux États-Unis d'Amérique.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, je suis ravi de pouvoir intervenir ce soir au sujet de la motion no 83 au nom de mon collègue, le député de Cumberland—Colchester, le porte-parole progressiste-conservateur pour les affaires étrangères, lequel poursuit aujourd'hui sa propre mission de paix au Moyen-Orient, aux côtés du ministre des Affaires étrangères. Il défend de son propre chef une très noble cause, celle de la paix.

Des sanctions ont été imposées à l'Irak, après que ce pays ait unilatéralement décidé d'envahir le Koweït, en 1990. Le Canada a joué un rôle de premier plan, un rôle décisif, en veillant à ce que la riposte à l'agression perpétrée par l'Irak soit le fait d'une décision des Nations Unies et non pas d'une décision unilatérale. Nos alliés ont bien réagi et élaboré une stratégie bien pensée.

La communauté internationale avait jugé indispensable d'imposer des sanctions pour tenir l'Irak en échec et améliorer le sort de sa population en obligeant Saddam Hussein, cet homme sadique et brutal, à mettre fin à son régime d'oppression. Le plan d'action retenu par les Nations Unies, notamment les sanctions, a eu pour effet d'obliger l'Irak à se retirer du Koweït. Les sanctions ont eu des répercussions positives, en ce sens qu'elles ont freiné les agressions militaires et autres qui auraient fort bien pu se produire.

Les faits donnent aujourd'hui à penser que le sort des Irakiens ne s'est pas amélioré. Ce qui importe, c'est la souffrance d'hommes et de femmes. La situation du peuple irakien est tragique. On ne peut pas le nier. La pauvreté, la malnutrition et des services sociaux squelettiques, notamment dans le domaine des soins de santé, marquent désormais et à jamais la population. La situation est catastrophique et abjecte.

Les données de l'UNICEF indiquent que 4 500 enfants meurent tous les mois pour cause de malnutrition et par manque de soins de santé. Des milliers de gens, et certains parlent même de plus d'un million de personnes, ont perdu la vie depuis l'adoption de ces sanctions. Tout cela s'est produit sous le leadership négligent et oppressif, ou plutôt en raison du manque de leadership, de Saddam Hussein.

La résolution no 96 des Nations Unies, qui porte précisément sur la nourriture en échange de pétrole, accorde entre 1,5 milliard et 2 milliards de dollars pour la nourriture. Ce fonds est administré par les Nations unies et les rations alimentaires sont constituées en majorité de glucides pour les personnes souffrant de carences alimentaires. Ce programme a eu des répercussions positives, mais il n'en reste pas moins qu'il reste beaucoup à faire pour régler les autres conditions horribles auxquelles les Irakiens sont confrontés.

 

. 1810 + -

Le comité des sanctions des Nations Unies peut rejeter certains biens s'il est d'avis qu'ils peuvent servir à des fins militaires. Cela est inquiétant parce qu'il s'agit d'un sujet controversé et parfois bien imprécis. On peut trouver une application militaire pour presque tout. Les tuyaux servant aux égouts peuvent servir à plusieurs fins, à ce propos. Il est parfois difficile de faire la part des choses.

En fin de compte, les sanctions imposées peuvent aider à tenir l'Irak en échec, mais elles nuisent aussi sérieusement au grand nombre de gens innocents, principalement des enfants, qui ne méritent pas d'être punis pour une chose dont ils ne sont pas responsables. Les implications de ce qui se passe actuellement sont graves. La question évidente à laquelle il faut répondre, c'est la suivante: pourquoi les enfants devraient-ils servir de boucs émissaires dans un conflit qui oppose la communauté internationale et un individu au comportement pathologique comme Saddam Hussein?

Le régime de Saddam Hussein n'aide pas le peuple irakien dans le combat qu'ils mène pour sa survie et une vie décente et saine. Les besoins fondamentaux du peuple ne figurent pas en tête des priorités de ce régime totalitaire. Comme l'a fait remarquer le député d'Esquimalt—Juan de Fuca, le niveau de vie de Saddam Hussein n'a pas autant pâti de ces sanctions.

Si l'on en croit les signes, la fortune de Saddam Hussein n'a pas cessé d'augmenter. M. Hussein a continué de faire construire des palais, ce qui est horrible quand on songe à la pauvreté et aux conditions sordides dans lesquelles vit le peuple qu'il est censé représenter. Le régime est un régime rebelle, qui n'a aucun respect pour la communauté internationale et n'a que faire des pressions exercées par des pays comme le nôtre.

Nous devons déterminer quel est le véritable impact de ces sanctions, notamment sur les enfants. Ne nous arrêtons pas aux questions inutiles. Il ne s'agit pas d'un problème théorique. Nous devons examiner les faits et les chiffres ainsi que les coûts en termes de vies humaines, ce qui n'est pas toujours facile à déterminer.

Sans perdre de vue la situation dans laquelle se trouve la population irakienne, il est grandement temps de revoir la nature des sanctions économiques et militaires imposées à l'Irak. Est-il possible d'obtenir des chiffres exacts et fiables sur les effets de ces sanctions? Probablement pas, mais nous devrions à tout le moins être en mesure de faire une quelconque analyse des coûts des dommages qu'elles occasionnent.

Les sanctions produisent-elles les effets escomptés? Permettent-elles d'atteindre des objectifs ou d'arriver à des fins? Voilà les questions que la communauté internationale doit constamment poser. Elle doit se montrer honnête et déterminer s'il est justifié de maintenir les sanctions.

Aucun député dans cette Chambre ou dans n'importe quelle législature ne peut à lui seul répondre à ces questions. N'empêche qu'on ne saurait attendre plus longtemps pour les poser ouvertement, honnêtement et objectivement. Autrement, des innocents continueront de mourir.

Soit, la situation est complexe. Il est difficile de la décortiquer et d'en extraire les facteurs qui touchent directement et indirectement des innocents. Isoler certains aspects de la question et les examiner séparément ne rime à rien.

Des sanctions militaires et économiques entraînent inévitablement des pertes de vie et des souffrances inutiles. La solution consiste à cibler les sanctions de manière à lever celles qui touchent la population civile. Toute sanction, qu'elle soit militaire ou pas, inflige des torts collatéraux à la population. C'est le cas en Irak. Il convient donc de déterminer quels sont les pires et de cibler les sanctions en conséquence.

La motion prévoit que le gouvernement canadien devrait mener les efforts aux Nations Unies pour lever les sanctions. Le Canada a énormément de crédibilité et de respect et a la confiance des autres pays. Nous avons la possibilité d'intervenir pour faire avancer les choses de nouveau. Quel autre pays serait mieux placé que le Canada pour soulever sérieusement la question et pour obtenir des résultats?

 

. 1815 + -

Nous sommes le pays de Lester B. Pearson, des casques bleus et du combat contre l'apartheid, un pays qui a une tradition progressiste en matière de droits de la personne. Le Parti conservateur serait certainement favorable à ce que le Canada joue un rôle de premier plan pour rouvrir ce dialogue. Il est suprêmement important qu'à court terme nous établissions les faits, que nous explorions notre capacité d'effectuer un changement et que nous participions à l'action, non pas nous contenter d'en parler mais tâcher vraiment d'exercer des pressions sur ceux qui peuvent influer immédiatement sur cette décision. Il faut certainement nous attaquer à cette situation dans un avenir rapproché.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion d'intervenir dans le débat de cette importante motion. Je remercie le député de Burnaby—Douglas d'avoir porté ce sujet à l'attention de la Chambre et de tous les Canadiens. Bien que je ne sois pas le porte-parole de mon parti dans ce domaine, je vais certainement continuer à m'intéresser au problème des sanctions et à la solution globale dans laquelle les Nations Unies s'engageront dans un avenir rapproché, espérons-le, et dans laquelle le Canada jouera un rôle de premier plan.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Madame la Présidente, je suis très heureuse d'appuyer la motion présentée par le député de Burnaby—Douglas.

Le député de Burnaby—Douglas a fait un travail remarquable, non seulement en ce qui concerne l'objet de la motion, mais également en ce qui concerne la compréhension et la promotion des droits de la personne sur la scène internationale. Par ses interventions, il a donné au peuple canadien l'espoir d'assister à un changement de la politique étrangère canadienne. Le député a été, par son travail, un véritable phare pour de nombreuses personnes.

J'ai écouté avec beaucoup de tristesse la description qu'il a faite de sa visite en Irak et des choses qu'il y a vues.

Nos concitoyens et nous-mêmes sommes en mesure de satisfaire nos besoins de base, même si certains Canadiens vivent dans la pauvreté. En Irak cependant, les gens vivent dans des conditions absolument horribles.

Durant le débat d'aujourd'hui, j'ai trouvé certains propos très inquiétants. Le porte-parole du gouvernement et le porte-parole de l'Alliance canadienne étaient tous deux membres du comité qui, comme le rappelait le député de Burnaby—Douglas, a produit un rapport unanime recommandant de mettre fin aux sanctions.

Il est très préoccupant que des députés puissent, en comité, trouver le courage et des raisons de dénoncer l'horreur absolue et la dévastation engendrées par les sanctions, mais déclarer par ailleurs à la Chambre qu'ils sont favorables aux sanctions. En fait, le député de l'Alliance a dit de la motion qu'elle était naïve. Cela m'a beaucoup étonnée, car les sanctions qui sont imposées depuis une décennie à l'Irak sont en train de détruire complètement la société civile dans ce pays.

Si nous adoptions le raisonnement et la logique du député de l'Alliance, si nous pouvons parler de logique, à quoi équivaudrait selon lui la réussite sur le plan du résultat net? Serait-ce que chaque enfant meurt? Serait-ce que la moitié des enfants de moins de cinq ans soient morts? La logique de ce qui est présenté est illogique.

Je ne suis pas d'accord avec le fait que, comme nous l'avons entendu, la cible des sanctions est Saddam Hussein. Si c'est le cas, on doit alors convenir que ces sanctions ont échoué. Nous voici 10 ans plus tard, et ce personnage est toujours au pouvoir. Entre-temps, la société civile, l'infrastructure, les hôpitaux, les soins de santé, le système d'aqueduc et tout le reste ont été entièrement détruits. Aux partisans de ce genre de mesures et de politiques étrangères, je dis que ce fut un échec lamentable.

J'ai reçu des électeurs de ma collectivité de Vancouver-Est, ainsi que de Vancouver en général, bon nombre de lettres dans lesquelles ceux-ci expriment leur horreur et leur indignation devant les résultats destructeurs de ces sanctions pour la population de l'Irak.

 

. 1820 + -

J'ai assisté à des rassemblements, des manifestations silencieuses et des réunions. Je sais que certains véritables activistes de Vancouver, entre autres, Linda Morgan, qui a participé de très près à l'organisation de la délégation qui s'est rendue en Irak, l'année dernière, sont activement engagés dans une campagne internationale de solidarité avec des gens d'autres pays pour attirer l'attention sur ce qui se passe en Irak. En tant que députée canadienne, j'ai honte de voir notre gouvernement suivre aussi aveuglément cette politique de sanctions depuis tellement d'années.

Disons clairement de quoi parle la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Elle ne dit pas que le Canada devrait prendre des mesures unilatérales. Elle ne dit pas que le Canada devrait faire cavalier seul. Elle dit que le gouvernement canadien devrait mener les efforts aux Nations Unies pour lever les sanctions économiques qui frappent l'Irak. Un très grand nombre de Canadiens considéreraient qu'il s'agit là d'un rôle positif, porteur d'espoir et important que le gouvernement pourrait jouer, au lieu de tout simplement se faire le spectateur de la destruction dans laquelle l'Irak est plongé.

J'écoutais les reportages présentés aux nouvelles, l'autre jour, ce que nous faisons d'ailleurs tous les jours. J'ai remarqué que le pape venait de demander une levée des sanctions. Je crois que le monde prend de plus en plus conscience de cette réalité: si la communauté internationale est descendue aussi bas, si le plus bas dénominateur commun de la politique étrangère est essentiellement d'imposer la faim, la famine, le manque de médicaments, d'instruction, d'eau potable, si la politique étrangère en est rendue là, où donc s'en va la communauté internationale?

En tant que Canadiens nous devrions réfléchir à notre complicité dans ces sanctions. J'exhorte les ministériels, surtout ceux qui siègent au Comité des affaires étrangères et qui avaient appuyé la levée des sanctions, à réfléchir à la portée de la politique du gouvernement.

Après un conflit ou une guerre, je pense qu'il y a souvent une période de réconciliation où la communauté internationale regroupe ses efforts pour faire disparaître les dégâts causés par la guerre. Pourtant, dans ce cas-ci, non seulement il y a eu une guerre horrible, et nous pourrons discuter un autre jour de ses motifs, mais une autre guerre encore plus dévastatrice se livre depuis maintenant dix ans, la guerre des sanctions.

C'est pourquoi je trouve ce qui se produit si tragique. J'espère que la motion d'aujourd'hui aidera à attirer l'attention sur le sort des Irakiens et sur certains rapports tout à fait crédibles venant de la communauté internationale, notamment de l'UNICEF, de Médecins sans frontières et de biens d'autres organismes qui ont pu voir sur place ce qui se passe et témoigner de la situation.

Je voudrais ajouter une chose. Le député allianciste a fait une déclaration incroyable. Il a dit que le Sommet arabe ne s'est pas déclaré en faveur de la levée des sanctions, ce qui est carrément faux.

En fait, la déclaration du 28 mars du treizième Sommet arabe à Amman dit clairement:

    Nous réclamons la levée des sanctions contre l'Irak et le règlement des questions humanitaires touchant l'Irak, les prisonniers de guerre koweïtiens et autres, selon les principes de notre religion et de notre patrimoine national.

Alors, le député de l'Alliance avait nettement tort.

En terminant, je voudrais remercier le député de Burnaby—Douglas d'avoir soulevé cette question à nouveau; c'est une idée sensée, une politique plus sensée pour un monde compatissant où nous ne détruisons pas une société civile pour nous en prendre à une seule personne.

J'espère que les députés considéreront cette motion et qu'à l'instar des organisations locales et nationales qui déploient tant d'efforts, ils exerceront des pressions sur notre gouvernement pour le convaincre de participer aux efforts pour lever ces sanctions.

 

. 1825 + -

M. Svend Robinson: Madame la Présidente, en cette fin de débat, je tiens à remercier ma collègue, la députée de Vancouver-Est d'avoir, une fois encore, défendu avec éloquence la justice, les droits de la personne, le droit des Irakiens de vivre dans la dignité ainsi que cette motion visant la levée des sanctions. Je tiens à remercier aussi mon collègue, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, pour ses excellentes réflexions.

Je dois dire que je suis vraiment choqué de voir que pas un seul député libéral n'a voulu participer à ce débat ni appuyer ce pourquoi les libéraux ont voté au cours de la dernière législature. Au cours de la dernière législature, le comité des affaires étrangères a adopté une motion à l'unanimité, avec l'appui de tous les partis, y compris l'Alliance et le Parti libéral. Le secrétaire parlementaire ici présent, qui faisait partie de ce comité, a voté en faveur de cette motion, tout comme le député d'Esquimalt—Juan de Fuca. Cette motion adoptée à l'unanimité prévoyait ceci:

    Nonobstant l'adoption de la résolution 1284 du Conseil de sécurité, il faut chercher de façon urgente à faire dissocier les sanctions économiques des sanctions militaires en vue de lever rapidement les sanctions économiques dans le but d'améliorer sensiblement la situation humanitaire du peuple irakien.

Voilà ce que vise la motion d'aujourd'hui. Il est incroyable que des députés qui ont voté en faveur de ce principe au cours de la dernière législature le condamnent aujourd'hui. Combien d'autres Irakiens innocents ont payé de leur vie au cours de la dernière année seulement?

On nous dit qu'il faut maintenir ces sanctions économiques parce qu'on craint la présence d'armes de destruction massive en Irak. Ces responsables ne tiennent pas compte du rapport qu'ils ont signé. En fait, ce rapport établit très clairement—il s'agit ici du rapport de mars 1999 d'un groupe d'experts des Nations Unies sur le désarmement—que le gros des programmes d'armements de l'Irak a été éliminé et qu'une vérification de 100 p. 100 des installations n'est peut-être pas un objectif atteignable.

D'ailleurs, l'ex-inspecteur principal des armements des Nations Unies, Scott Ritter, a insisté sur le fait qu'on a retiré à l'Irak ses armes de destruction massive de 1991 à 1998. Pourtant, il n'y a eu aucune levée des sanctions.

Je suis certain que si la communauté internationale, avec le Canada comme chef de file, indiquait clairement au gouvernement irakien que nous sommes prêts à lever les sanctions économiques à une date ferme et précise avec des garanties internationales, l'Irak serait disposée à accueillir de nouveau sur son territoire des inspecteurs des armements et à donner l'assurance qu'elle prendra des mesures rigoureuses à l'égard de toute preuve d'arme produite illégalement. Ce n'est toutefois pas ce qui se produit ici aujourd'hui.

J'invite encore une fois les députés à prendre conscience de la situation. Nous dépensons, à titre de Canadiens, quelque 35 millions de dollars par année pour appliquer ces sanctions dénuées de sens qui ont des effets s'apparentant à ceux d'un génocide. Nous avons dépensé plus d'un milliard de dollars depuis 1991 dans cette région. Je ne crois pas que les Canadiens qui sont conscients des répercussions de ces sanctions sur les vies d'êtres humains innocents appuient cela un seul instant.

Au sujet de ces sanctions, Dennis Halliday, ancien coordonnateur de l'aide humanitaire des Nations Unies, a dit: «Nous détruisons une société tout entière. C'est aussi simple et terrifiant que ça.»

Il avait raison. Cette motion fait appel à l'esprit de leadership. Par une tragique coïncidence, nous débattons cette motion à la veille de la Fête des mères. Je garde un vif souvenir de nombreuses mère irakiennes qui ont perdu leurs enfants par suite de ces sanctions. J'ai toujours à l'esprit les yeux d'une mère irakienne qui me demandait: «Pourquoi tuez-vous mes enfants innocents?» J'avais été incapable de répondre.

En cette veille de la Fête des mères, j'exhorte la communauté internationale et les Canadiens à faire preuve de leadership pour mettre fin à ces sanctions qui sèment la destruction et le génocide, et à faire en sorte qu'il n'y ait plus d'enfants, plus d'innocents qui meurent en Irak à cause de ces sanctions. C'est l'appel que je lance. C'est d'ailleurs l'appel unanime que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a lancé dans son rapport.

 

. 1830 + -

En terminant, je demande le consentement unanime de la Chambre pour que la motion fasse l'objet d'un vote, afin que la Chambre puisse à tout le moins se pencher sur la question et voir à ce que les Canadiens puissent exprimer leur point de vue au comité sur cette question profondément importante de vie ou de mort.

Le président suppléant (Mme Bakopanos): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

[Français]

Le président suppléant (Mme Bakopanos): La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Puisque la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, l'ordre est rayé du Feuilleton.


MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE COMMERCE

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Madame la Présidente, je prends la parole sur un autre sujet très important, soit la démocratie et l'attaque de plus en plus marquée des grandes entreprises contre la démocratie dans le cadre de l'ALENA et de la proposition de ZLEA.

Le 20 février 2001, j'ai posé une question au ministre du Commerce international au sujet de Metalclad Corporation qui comparaissait à ce moment-là devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour défendre son droit garanti par l'ALENA d'exploiter des installations d'élimination de déchets toxiques au Mexique, au mépris des préoccupations des gouvernements élus locaux en matière de santé et d'environnement.

J'ai demandé au gouvernement libéral d'intervenir dans ce dossier et de dénoncer fermement les effets du chapitre 11, où l'on trouve la disposition de l'ALENA sur les différends entre un investisseur et l'État. J'ai tenu une conférence de presse avec le SCFP et Greenpeace pour signaler les effets du chapitre 11, la disposition sur les différends entre un investisseur et l'État, voire sur la démocratie.

Dans ce cas particulier, la petite localité mexicaine de Guadalcazar a fait valoir qu'elle ne veut pas autoriser l'exploitation d'installations d'élimination de déchets toxiques sur son territoire. Elle avait déjà constaté l'impact des installations d'élimination de déchets toxiques existantes sur les enfants et l'environnement. Elle a dit non et Metalclad, en vertu des dispositions de l'ALENA sur les différends entre un investisseur et l'État, a intenté des poursuites contre le gouvernement du Mexique.

Il y a quelques jours, nous avons appris que Metalclad avait eu gain de cause devant un tribunal secret et que la Cour suprême venait tout juste de maintenir la décision relative au versement de dommages-intérêts s'élevant à des millions de dollars. C'est une honte et une attaque contre la démocratie.

Je demande encore une fois au gouvernement canadien de s'opposer clairement et fermement à l'inclusion d'une disposition sur la relation État-investisseur dans la ZLEA. L'année dernière, le ministre du Commerce international a dit qu'il y était opposé. Maintenant il se dit en faveur d'une telle disposition. Il affirme qu'elle donne de bons résultats. En fait, ce n'est pas du tout ce qui s'est produit dans le cas du MMT et de la société Ethyl Corporation, de la poursuite de United Parcel Service contre la Société canadienne des postes et de bon nombre d'autres causes comme celle de Methanex. Nous, députés néo-démocrates, affirmons que cette attaque des sociétés contre la démocratie doit cesser.

De plus en plus de conseils locaux le reconnaissent aussi. La ville d'Ottawa vient tout juste d'adopter une motion qui demande au gouvernement canadien de ne pas signer des accords commerciaux qui comporterait cette disposition sur les rapports entre État et investisseur. La ville de Vancouver fut la première à le faire.

Je demande aujourd'hui à notre gouvernement de faire preuve de leadership et de dire clairement que nous croyons à la démocratie. Nous ne connaissons toujours pas la position du gouvernement du Canada. Il n'a pas expliqué sa position sur l'investissement dans son site web. Le texte devait être rendu public, mais il est encore secret. Nous attentons toujours ce texte.

En définitive, la démocratie, les droits de la personne et l'environnement doivent passer avant le pouvoir et les profits des sociétés. Il faut lutter contre la disposition du chapitre 11 sur les relations entre un État et un investisseur. Metalclad a démontré cela hors de tout doute. Les gens du Mexique, du Canada et des Amériques disent non à ce genre d'attaque contre la démocratie. Je demande au gouvernement de défendre la démocratie.

M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, le député a vraiment réussi à aborder plusieurs de ses questions pendant ses quatre minutes. J'ai pris quelques notes pour pouvoir lui répondre.

 

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Selon le député, le ministre du Commerce international aurait dit qu'il s'oppose à une clause sur l'investissement. C'est inexact. Le ministre et le très honorable premier ministre ont déclaré à maintes reprises que, dans le contexte général du commerce entre le Canada et les États-Unis, cette clause marche relativement bien.

Cependant, le gouvernement du Canada cherche avec ses partenaires de l'ALENA à apporter des éclaircissements. Plus précisément, le ministre du Commerce international cherche avec ses homologues à clarifier le sens du chapitre 11 pour limiter l'interprétation qu'en ont donnée certains arbitres et qui va au-delà de ce que les trois partenaires avaient en tête.

Le député prétend que le gouvernement n'a aucune position sur l'investissement. Nos consultations auprès des intéressés se poursuivent toujours. Nous avons hâte de connaître la position de tous les autres pays. Nous n'allons pas court-circuiter les consultations. Lorsque le gouvernement aura arrêté sa position, il la fera connaître aux Canadiens et la publiera sur son site Web.

Quant au texte auquel le député fait allusion, le Canada a présenté le texte en français à Buenos Aires pour traduction. Nous attendons la version portugaise. Lorsque toutes ces traductions seront achevées et lorsque le secrétariat de la ZLEA, qui est chargé de la question, aura les quatre textes en main, il les rendra publics simultanément.

À entendre le député de Burnaby—Douglas, on croirait que le ciel nous tombe sur la tête. Il y a eu en tout six causes. L'une d'elles vient d'être retirée. Nous nous sommes fort bien tirés d'affaires lorsque le chapitre 11 a été invoqué à notre encontre.

[Français]

Le président suppléant (Mme Bakopanos): La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 36.)