AGRI Rapport du Comité
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LA TUBERCULOSE BOVINE DANS LA RÉGION Les maladies qui touchent la faune sauvage du Canada, ainsi que leur propagation entre les animaux sauvages et le bétail et vice versa, ne constituent pas un problème nouveau. Comme ces maladies ont un impact sur la santé humaine, le secteur agricole et la viabilité des espèces sauvages indigènes, elles requièrent une vigilance constante de la part des autorités publiques et des stratégies d’intervention appropriées. Le Comité permanent de la Chambre des communes sur l’agriculture et l’agroalimentaire s’est intéressé à la problématique de la tuberculose bovine qui affecte présentement les éleveurs de la région immédiate du parc national du Mont-Riding. Le parc national du Mont-Riding est situé dans le sud-ouest du Manitoba. Créé en 1929, il s’étend sur environ 3 000 kilomètres carrés et protège des écosystèmes représentatifs de la région naturelle des plaines et plateaux boréaux du Sud et d’une partie de l’escarpement du Manitoba. Comprenant une grande région boisée vestigiale, le parc s’intègre dans un vaste paysage écologique et social où l’agriculture, le tourisme et les loisirs constituent les principales activités. Comme il s’insère dans un ensemble régional à vocation multiple, le parc fait partie de la Réserve de la biosphère du Mont-Riding, désigné en 1985 en vertu du Programme sur l’homme et la biosphère de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). À l’extérieur du parc national du Mont-Riding, l’activité agricole, particulièrement l’élevage bovin, occupe une place prépondérante. En effet, on y compte environ 50 000 têtes de bétail dans 700 fermes, ce qui revient à environ 10 p. 100 des bovins au Manitoba. La tuberculose bovine est une maladie contagieuse causée par une infection des ganglions lymphatiques qui se propage à d’autres organes comme les poumons. La tuberculose bovine est l’une des formes de tuberculose les plus infectieuses, ce qui en fait une maladie à déclaration obligatoire en vertu de la Loi sur la santé des animaux. Les bovins sont l’hôte habituel de la bactérie, mais la tuberculose bovine peut être transmise des bovins à d’autres animaux d’élevage, aux bisons et à toutes les espèces de cerfs dans certaines conditions. Les cerfs peuvent aussi se transmettre la maladie entre eux. Le moyen le plus courant de transmission de la tuberculose bovine est par l’air, lorsque les animaux exhalent les bactéries en respirant, toussant et éternuant. Les animaux risquent de s’infecter mutuellement lorsqu’ils partagent la même aire d’abreuvement et d’alimentation. La tuberculose bovine ne se retrouve pas de façon naturelle chez les animaux sauvages, comme les cervidés. On pense qu’elle a été introduite chez les populations de faune sauvage par contact avec des animaux domestiques. Les relevés faits auprès des chasseurs et des animaux capturés indiquent que la maladie demeure peu fréquente chez les animaux sauvages du Canada. Un des problèmes majeurs avec la tuberculose bovine demeure sa très longue période d’incubation. De fait, il peut s’écouler beaucoup de temps entre le moment de l’infection et le moment où il est possible de détecter la maladie. Par exemple, il est possible de trouver dans un troupeau un animal atteint qui aurait été infecté 10 ans auparavant. […] Je pense qu’il est important de reconnaître que le Canada s’est lancé dans un programme d’éradication de la tuberculose bovine dans les années 60 en testant les troupeaux et en faisant abattre ceux qui étaient infectés. Le Canada a reçu la cote « exempt » pour la TB vers 1985. Notons que selon l’OIE1, la cote d’exemption signifie une prévalence inférieure à 0,5 % et non l’absence complète de la maladie. Le Manitoba a été déclaré exempt de TB en 1986. L’USDA, le ministère de l’Agriculture des États-Unis, a officiellement déclaré l’ensemble du Canada exempt de TB en 1997. Le maintien de cette cote dépend d’une surveillance régulière à l’abattage, de tests aléatoires pour la tuberculose et de l’absence de nouveaux troupeaux infectés. (Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 14 11:10, Dr. Allan Preston, 2e session, 37e législature, Ottawa, 11 février 2003) Au Manitoba, il y a eu trois épisodes de tuberculose bovine dans la région du parc national du Mont-Riding depuis 1990 : une près de Rossburn en 1991, touchant cinq troupeaux; une autre dans la même région en 1997, touchant deux troupeaux; et une près de Grandview en 2001, touchant un seul troupeau. Lors de la première infestation en 1991, un wapiti sauvage atteint de la tuberculose a été découvert dans une ferme avoisinante. C’était le premier cas de tuberculose chez les wapitis ou les cerfs sauvages dans la région du Mont-Riding. Toutefois, un sondage effectué auprès des chasseurs en 1992 n’ayant révélé aucun autre cas d’infection, les autorités ont conclu qu’il s’agissait d’un incident isolé. Après la deuxième flambée en 1997, on a commencé à penser que la faune elle-même pourrait être la source de la tuberculose bovine. La province du Manitoba, Parcs Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA)ont joint leurs efforts et entrepris de tester les wapitis, cerfs et orignaux tués par des chasseurs dans les environs du Parc. Un échantillonnage est, depuis, effectué tous les ans, pendant la saison de chasse. Jusqu’à présent, les responsables ont trouvé 10 animaux infectés 9 wapitis et 1 cerf de Virginie sur environ 3 000 animaux testés au cours de cinq saisons de chasse. Avant 2001, les scientifiques considéraient les cas de tuberculose parmi les wapitis sauvages près du Parc comme étant des incidents isolés qui n’entraînaient pas la propagation de la maladie au sein des populations de wapitis sauvages et des troupeaux de bestiaux. Toutefois, en 2001, une troisième flambée chez les bovins, ainsi que cinq cas d’infection chez des wapitis sauvages, ont porté les autorités à conclure que les wapitis sauvages de la région du parc national du Mont-Riding, probablement infectés par des bovins il y a un certain temps, demeuraient infectés et constituaient ainsi un réservoir pour la retransmission de la maladie aux bovins. On croit donc maintenant que les animaux sauvages malades aux environs du Parc sont la source de la tuberculose apparue dans le troupeau de bovins déclaré infecté en 2001 et dans un autre troupeau de bovins de la même région, qui fait actuellement l’objet d’une enquête zoosanitaire. Toujours en 2001, les États-Unis ont modifié leur programme d’éradication de la tuberculose pour répondre à l’infection, par des cerfs sauvages, de 25 troupeaux de bovins dans les six dernières années au Michigan. En conséquence, les États-Unis ont adopté une approche plus rigoureuse en matière de contrôle de maladies, et l’ont imposé à leurs plus importants partenaires commerciaux, en particulier le Canada et le Mexique. Ces modifications ont entraîné la décision, prise récemment par le ministère américain de l’agriculture, d’exiger que le bétail provenant du Manitoba obtienne des résultats négatifs aux tests de dépistage de la tuberculose bovine avant d’être exporté vers les États-Unis. Devant cette situation, l’ACIA a, de concert avec le gouvernement du Manitoba et les industries concernées, tenu des consultations dans le but de déterminer les changements à apporter au programme national d’éradication de la tuberculose bovine. Il en a résulté la modification du Règlement sur la santé des animaux pour qu’il permette la création d’une zone spéciale d’éradication de la tuberculose dans la région du parc du Mont-Riding. Cette zone, appelée « Zone d’éradication du Mont-Riding (ZEMR) », comprend les secteurs provinciaux 23 et 23A de gestion de la faune, qui comptent environ 50 000 têtes de bétail dans 700 fermes, ce qui revient à environ 10 p. 100 des bovins au Manitoba. Le reste de la province est désignée « zone manitobaine d’éradication de la tuberculose » et bénéficie, comme les autres provinces, du statut « exempt de tuberculose ». Ces modifications à la réglementation sur la santé des animaux sont entrées en vigueur le 1er janvier 2003. La zone d’éradication de la tuberculose du Mont-Riding est dorénavant considérée comme une zone accréditée supérieure pour la tuberculose, ce qui indique un très faible risque d’infection du bétail. Une fois la zone d’éradication de la tuberculose bovine dans la région du Mont-Riding établie, l’Agence canadienne d’inspection des aliments demandera au département de l’Agriculture des États-Unis d’examiner les mesures qu’elle a mises en place et de reconnaître le double statut du Manitoba en matière de tuberculose bovine. L’Agence souhaite également que les États-Unis revoient leurs exigences d’importation des bovins du Manitoba en ce sens. Il est important toutefois de mentionner que les cas de tuberculose bovine détectés chez les animaux sauvages n’ont aucune incidence sur le statut du Canada en ce qui concerne la tuberculose, à moins que la maladie ne se soit propagée au bétail. Seuls les cas d’infection décelés chez des animaux d’élevage ont une incidence sur le statut du Canada concernant la tuberculose. Lors de la comparution des représentants du gouvernement du Manitoba, le Comité a été informé que les tests de surveillance du cheptel bovin de la ZEMR avaient débuté à l’automne 2002 et qu’environ 90 p. 100 des troupeaux avaient déjà été contrôlés; de son côté, l’ACIA prévoit avoir complété ces tests d’ici le mois d’avril 20032. Jusqu’à maintenant, sept troupeaux sont soupçonnés d’infection à la tuberculose bovine et ont été placés en quarantaine; il est présentement confirmé que deux de ces troupeaux comportent des animaux infectés et sont en voie de dépopulation. Il faudra probablement trois à cinq ans de surveillance et de prélèvements continus avant que la ZEMR puisse regagner son statut de zone exempte de tuberculose bovine. L’industrie canadienne de la viande et des produits carnés (tous les produits confondus à l’exception de la volaille) représente un marché de quelque 12 milliards de dollars par année, ce qui en fait le plus important secteur de transformation agroalimentaire. Les recettes agricoles provenant de la vente de bovins et de veaux ont atteint près de 8 milliards de dollars en 2001, soit 22 p. 100 des recettes agricoles totales au Canada. En 2002, il y avait 13,7 millions de bovins et de veaux au Canada dont 42 p. 100 se concentrait en Alberta. Les exportations canadiennes de bœuf et de produits du bœuf ont totalisé 3,7 milliards de dollars en 2001, dont 3,3 milliards de dollars étaient destinés aux États-Unis. Comme mentionné auparavant, on retrouve 50 000 bovins répartis dans 700 exploitations dans la région environnante du Parc national du Mont-Riding, qui correspond à la ZEMR établie par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Ce troupeau de 50 000 têtes de bétail équivaut à 10 p.100 des bovins du Manitoba et à environ 1 p. 100 du troupeau de bovins canadien. À chaque année, il y a 32 000 bovins d’engraissement et 7 500 vaches et bœufs de réforme qui quittent la région du Parc national du Mont-Riding. La province du Manitoba met en marché annuellement 75 000 bovins de réforme et 320 000 bovins d’engraissement. Pour mieux mettre en perspective ce marché, rappelons que le Canada dans son ensemble commercialise 750 000 bovins de réforme et 3 200 000 bovins d’engraissement par année et que le marché américain est de loin le plus important débouché3. Ces statistiques mettent en relief l’importance économique de la production bovine pour le Canada et, surtout, les coûts économiques et sociaux que pourrait encourir le gouvernement et la société en générale si le foyer de contamination de la région du Mont-Riding devait déborder du Manitoba et se répandre à d’autres parties du cheptel canadien. Un témoin qui a comparu devant le Comité a bien résumé les avantages commerciaux et sociaux qui entourent l’éradication de la tuberculose : Permettez-moi de commencer en mentionnant qu’après presque cent ans d’efforts de la part des contribuables et des éleveurs canadiens, le pays entier, excepté la petite région au Manitoba autour du parc, est maintenant exempt de la tuberculose bovine. Cette victoire si difficilement remportée a de nombreuses répercussions: l’amélioration de la santé du public et l’augmentation de la productivité des exploitations d’élevage et du commerce international des animaux et produits animaux canadiens. La santé des animaux sauvages en a aussi été protégée. Nous reconnaissons cependant que les cas récents de tuberculose chez les wapitis et cerfs sauvages aux environs du parc menacent notre capacité d’éradiquer entièrement la maladie de nos cheptel. (Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 9:10, Dre Sarah Kahn, 2e session, 37e législature, Ottawa, 21 novembre 2002.) Le Canada ne peut se permettre de voir son plus important secteur de transformation agroalimentaire mis en veilleuse, voire même arrêté. La question centrale à se poser devient évidente : quelle est la meilleure façon de protéger toutes ces années d’effort et d’investissement de la part du gouvernement, des contribuables et des éleveurs canadiens, qui ont permis d’enrayer la tuberculose et, conséquemment, ont conduit au développement d’un secteur bovin florissant avec des retombées économiques de plusieurs milliards de dollars? Par ailleurs, bien que plus difficile à mesurer que ne peuvent l’être les aspects économiques et commerciaux, les enjeux écologiques ne sont pas non plus à sous-estimer dans ce dossier. Tout d’abord, la reconnaissance que les wapitis du Parc sont la source des cas de tuberculose chez les bovins, oblige le gouvernement fédéral et son administrateur, Parcs Canada, à jouer le double rôle de défenseur d’un écosystème représentatif de la région naturelle des plaines et plateaux boréaux du Sud, et de protecteur du développement de plus de 40 petites collectivités qui dépendent de l’agriculture, du tourisme et du loisir dans cette région boisée du Manitoba. Qui plus est, comme le Parc national fait partie de la Réserve de la biosphère du Mont-Riding, le Canada doit donc respecter ses obligations internationales en matière de protection de l’environnement. Ceci signifie aussi de trouver une solution équilibrée entre le maintien de l’intégrité écologique du Parc et le développement économique des communautés avoisinantes dont on ne peut ignorer le fait qu’elles constituent aussi le prolongement de l’écosystème du Parc. Les élevages, avec leurs grands pâturages naturels, favorisent la biodiversité et sont beaucoup plus compatibles avec le parc que les monocultures de céréales, qui vont d’une clôture à l’autre. […] Les autorités du parc doivent réaliser qu’ils ont besoin de nous pour atteindre leur mandat d’intégrité écologique, parce que nous gérons le paysage tout à côté de ses limites, et doivent apprendre à travailler avec nous. (Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 14 11:40, M. John Whitaker, 2e session, 37e législature, Ottawa, 11 février 2003.) JURIDICTIONS ET ACTIONS EN MATIÈRE DE TUBERCULOSE BOVINE La problématique de la tuberculose bovine dans la région du Mont-Riding est rendue plus complexe en raison de la vocation multiple des terres de la région. La présence d’un parc national et d’une réserve de la biosphère dans un ensemble régional où l’on compte 700 fermes et 50 000 bovins suppose une diversité d’intervenants et de responsabilités juridictionnelles. Divers facteurs détermineront quelle autorité sera responsable lorsque l’on soupçonne ou détecte la présence de tuberculose bovine. 1. L’Agence canadienne d’inspection des aliments À la base, la responsabilité de la lutte contre la maladie incombe à l’organisation à laquelle la loi confère la responsabilité des espèces ou catégories d’animaux infectées. Ainsi, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) est responsable de veiller à la santé du bétail canadien en prenant des mesures énergiques et soutenues pour détecter les cas de maladie et en empêcher la propagation parmi les troupeaux de bétail. Le rôle de l’ACIA est bien circonscrit et spécifique. […] le mandat de l’agence concerne le bétail d’élevage. Nous suivons de manière consciencieuse les politiques en matière d’éradication de la tuberculose bovine au Manitoba et dans le reste du Canada lorsque nous détectons un cas de tuberculose. Les cas d’infection décelés dans la faune n’ont aucune incidence sur l’état d’exemption de la tuberculose bovine au Canada en ce qui a trait au respect de la norme internationale ou à nos relations commerciales avec des partenaires comme les États-Unis. Cependant, les cas de tuberculose bovine détectés dans la faune sont importants en raison de la possibilité que cette infection atteigne les troupeaux d’élevage. Dès qu’un cas est détecté, l’agence soumet à un test de dépistage tous les troupeaux qui se trouvent dans un rayon de 10 kilomètres du cas d’infection décelé. C’est la mesure que nous prenons. Nous tentons de trouver l’origine de tout cas d’infection qui pourrait être lié à un cas décelé dans la faune. Nous suivons cette politique de manière assez constante. (Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 9:10, Dre Sarah Kahn, 2e session, 37e législature, Ottawa, 21 novembre 2002) Étant donné les graves répercussions de la tuberculose bovine et sa longue période d’incubation, le Canada adhère à un strict programme de surveillance et d’éradication quand la maladie se manifeste chez les bovins ou les bisons, les wapitis ou les cerfs d’élevage. Dès qu’on découvre un cas d’infection dans un troupeau, l’Agence déclenche une enquête approfondie et prend des mesures visant à éradiquer le foyer et à éviter qu’il ne se propage. Dans tous les cas confirmés, tous les animaux vulnérables qui ont été exposés à la maladie sont abattus et leurs propriétaires, dédommagés. Tous les animaux vendus ou achetés sont repérés et testés, ainsi que les animaux des fermes adjacentes et avoisinantes. Ce sont ces mesures exhaustives qui ont permis de pratiquement éliminer la maladie du bétail canadien. Dans le cas précis des troupeaux de bétail de la région du Mont-Riding, la stratégie de l’ACIA comprend trois éléments clés d’intervention :
Le rôle de l’ACIA est différent lorsqu’il s’agit de cas de tuberculose détectés chez des animaux sauvages. De fait, les animaux sauvages qui errent librement ou sont sur des terres provinciales publiques sont sous la responsabilité des provinces, alors que dans le cas d’un parc national comme celui du Mont-Riding, c’est à Parcs Canada que revient la responsabilité. L’ACIA n’exécute pas de programme spécial pour lutter contre les maladies chez les populations de faune sauvage, mais elle peut fournir aux organisations responsables des renseignements, des conseils et un appui scientifique, telle des analyses de laboratoire. L’Agence Parcs Canada a pour rôle de protéger et mettre en valeur des exemples représentatifs du patrimoine national pour les générations actuelles et futures. Sa première responsabilité est d’assurer la protection et la restauration de l’intégrité écologique du réseau des parcs nationaux du Canada. Pour bien s’acquitter de cette tâche, Parcs Canada a adopté un mode de gestion fondé sur l’écosystème et travaille de concert avec les partenaires des régions où sont situés les parcs nationaux. Comme l’ont mentionné les représentants de Parcs Canada devant le Comité : La santé d’un parc national se mesure avant tout par la présence d’espèces sauvages et d’habitats qui sont viables et en santé, et qui se développent de façon durable. Il faut absolument éradiquer les maladies qui frappent la faune sauvage si l’on veut assurer la viabilité du parc. Donc, le maintien d’une faune en santé fait partie intégrante du système écologique du parc. […] Pour notre agence, la préservation et le rétablissement de l’intégrité écologique sont notre première priorité, comme le prévoit la Loi sur les parcs nationaux. Pour nous, le fait que nos animaux sauvages, vivant dans nos parcs, soient infectés par la tuberculose bovine est un problème sérieux. En fait, c’est un facteur d’agression qui met en péril la population indigène de wapitis, et peut-être de cerfs, dans notre parc national. Voilà pourquoi nous avons pris la direction du comité chargé de s’occuper de ce problème avec des représentants de tous les groupes intéressés. Pour nous, la gestion de l’intégrité écologique doit reposer sur des principes scientifiques objectifs […] (Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 9:30, M. Mike Wong, 2e session, 37e législature, Ottawa, 21 novembre 2002.) Selon Parcs Canada, l’incidence de la maladie chez les animaux sauvages est faible. Elle se situe entre 1 et 3 p. 100, selon le découpage géographique de la région. Ces données reposent sur des échantillons recueillis depuis 1997 auprès de 3 000 orignaux, cerfs et wapitis. Depuis 1991, des cas de tuberculose ont été confirmés dans cinq troupeaux de bovins, ainsi que chez dix wapitis et un cerf de Virginie. Ces cas ont été décelés au sein d’un écosystème régional plus vaste qui englobe un troupeau de wapitis qui, en moyenne, compte depuis toujours environ 3 500 têtes. On dénombre environ 8 000 cerfs dans cette région4. Des 712 wapitis testés depuis deux ans, aucun ne s’est avéré porteur de l’infection. L’intervention de l’Agence Parcs Canada sur la question de la tuberculose bovine se situe dans le cadre général d’intervention mis en place par les divers intervenants qui composent le Comité de travail fédéral-provincial mis sur pied en l’an 2000. Le Comité de gestion interorganismes est formé de représentants de Parcs Canada, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, et des ministères de la Conservation et de l’Agriculture et de l’Alimentation du Manitoba. En outre, la Manitoba Cattle Producers Association et la Manitoba Wildlife Federation jouent un rôle prépondérant et participent de façon active aux travaux du comité en fournissant conseils et avis éclairés aux compétences responsables. Agriculture et Agroalimentaire Canada s’est aussi joint au comité. Le comité de travail a élaboré un programme quinquennal de gestion de la tuberculose bovine au Manitoba. Ce programme, approuvé et financé par tous les membres du comité, vise trois objectifs :
Le programme quinquennal comprend quatre secteurs d’activités, soit la surveillance et la détection, le contrôle et la prévention, la recherche et, enfin, la communication et l’éducation. En matière de surveillance et de détection, Parcs Canada procède, dans le laboratoire de terrain du parc national du Mont-Riding, à l’analyse d’échantillons prélevés sur des wapitis, des cerfs et des orignaux dans les réserves situées à l’extérieur du parc, généralement par des chasseurs. Depuis 1997, environ 3 000 échantillons ont été recueillis et analysés par le laboratoire. Parcs Canada, de concert avec le ministère de la Conservation et de l’Agriculture et de l’Alimentation du Manitoba, effectue aussi deux types de relevés aériens tous les ans. Le premier consiste à effectuer des relevés de l’abondance relative des wapitis et des orignaux dans le parc national du Mont-Riding et autour de celui-ci. Le deuxième type consiste à faire un décompte pour déterminer le rapport mères-petits et le ratio des sexes. Bien que ces relevés permettent d’abord de fixer les quotas de chasse à l’extérieur du parc national du Mont-Riding, ils seront aussi utilisés pour évaluer le succès des mesures éventuelles de réduction du cheptel. Les activités de contrôle et de prévention comprennent trois volets dont le premier consiste à élever des clôtures en vue de réduire les contacts entre les animaux sauvages et les bovins dans les zones où ils ont tendance à se concentrer, principalement autour des aires d’alimentation, dans les champs des producteurs et les fenils situés à l’extérieur du parc national. L’objectif premier est de fournir les matériaux nécessaires et de construire des clôtures autour des fenils d’environ 250 exploitations agricoles. L’Agence Parcs Canada a indiqué également qu’elle bonifiera le programme de clôtures : elle allouera au moins 40 000 $ de fonds nouveaux cette année, permettant de construire 75 nouvelles clôtures dans les zones à haut risque. Outre la participation d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, elle sollicitera également celle du Manitoba Rural Adaptation Council, avec l’appui du Comité interorganisme et du Comité de liaison du Mont-Riding5. L’adoption de règlements constitue le deuxième volet de l’activité contrôle et prévention. Les ministères de la Conservation et de l’Agriculture et de l’Alimentation du Manitoba ont déjà adopté des règlements pour interdire aux chasseurs d’utiliser des appâts et de nourrir les animaux à l’extérieur du parc. De plus, le règlement sur la chasse a été modifié en vue de permettre aux chasseurs de capturer un plus grand nombre de wapitis et de cerfs sauvages à l’extérieur du parc national du Mont-Riding. Le troisième volet de l’activité contrôle et prévention consiste en la mise sur pied, par Parcs Canada, d’un programme de brûlage dirigé à l’intérieur des limites du parc national dans le but, entre autres, d’améliorer l’habitat des wapitis, pour les encourager à demeurer à l’intérieur des limites du parc pour de plus longues périodes durant les mois d’été et d’hiver. La recherche constitue le troisième secteur d’activité du programme quinquennal de gestion. Parmi les études qui sont menées, mentionnons une étude sur la répartition et les déplacements des wapitis visant à analyser le comportement de ces animaux dans le parc et dans les terres adjacentes. Une deuxième étude porte sur les activités agricoles; elle consiste à analyser les pratiques de gestion dont font l’objet les terres agricoles adjacentes, et à évaluer la présence de wapitis et de cerfs sur ces terres, de même que leur comportement. En dernier lieu, le programme quinquennal comporte un secteur d’activités sur les communications et l’éducation. L’objectif est de fournir des renseignements fiables et opportuns sur la tuberculose bovine aux habitants de la région du Mont-Riding, qu’il s’agisse des mesures de gestion qui sont prises ou de l’impact de cette maladie sur l’industrie du bétail et la faune sauvage. D’autres activités sont prévues en vue d’assurer la diffusion de renseignements opportuns, et afin de permettre au grand public, aux associations et aux parties intéressées de participer à l’élaboration et à la mise en oeuvre du programme. Le Comité a toutefois entendu des signaux contradictoires quant aux plans de communications mis en œuvre pour développer une stratégie appropriée pour lutter contre la tuberculose bovine. Si l’intervention rapide et la transparence de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont été soulignées de façon positive par les intervenants, il en aurait été autrement du comportement de Parcs Canada. La résistance de l’Agence Parcs Canada à admettre que le foyer d’infection provenait du troupeau de wapitis du Mont-Riding et, par conséquent, à reconnaître sa responsabilité aurait considérablement nui à sa réputation et à ses relations avec les voisins immédiats du Parc. Comparaissant une deuxième fois devant le Comité, les fonctionnaires de Parcs Canada ont indiqué que l’Agence « créait un nouveau comité consultatif omnibus auquel le surintendant du parc allait siéger ». Ils ont également affimé que l’Agence tiendrait davantage de réunions d’information dans le cadre de ses efforts actuels pour communiquer rapidement les nouvelles à toutes les parties6. L’annonce arrive tard dans le processus; le Comité s’en réjouit mais considère que la relation de confiance entre Parc Canada et les intervenants locaux reste encore à établir. Par conséquent, et pour plus d’assurance : RECOMMANDATION 1 Le Comité recommande que l’Agence Parcs Canada s’assure que le surintendant participe à toutes les réunions avec les intervenants locaux ou désigne nommément quelqu’un pour le remplacer et parler en son nom. L’Agence Parcs Canada, comme tous les membres du Comité interorganismes, reconnaît qu’il n’y a pas de solution facile et toute faite, à l’élimination de la tuberculose bovine chez les populations de cervidés de la région du Mont-Riding. L’agence fédérale responsable du parc national, comme les autorités provinciales qui gèrent la faune à l’extérieur du parc, estime qu’on ne peut pas tout simplement éliminer les populations de wapitis et de cerfs dans l’écosystème régional. Ils conviennent toutefois qu’il est nécessaire de réduire la population de wapitis, tout en mettant en œuvre des mesures pour séparer le bétail des animaux sauvages, comme le prévoit le programme quinquennal de gestion. À l’heure actuelle, l’Agence dépense 470 000 $ par an et affecte 5 personnes au problème de la tuberculose. Outre la surveillance de la maladie, elle continue de suivre l’effectif et les déplacements de la population locale de wapitis. Le recensement aérien qu’elle a réalisé en 2003 avec le ministère des Ressources naturelles du Manitoba indiquerait une chute d’effectif de 29 p. 100 en un an, de 3 592 à 2 785 bêtes, avec une marge d’erreur de plus ou moins 3007. En plus de dénombrer les animaux abattus par les chasseurs, l’Agence portera le nombre de tests sur les wapitis à 150, ce qui veut dire qu’environ 500 animaux pourraient subir un test chaque année8. Ce programme scientifique visera avant tout les wapitis âgés du parc national et ceux qui habitent sa partie ouest. Parmi les 115 wapitis qui ont fait l’objet de tests depuis le début de 2003, neuf ont eu des test non concluants, ce qui signifie que ces wapitis ne peuvent être considérés comme exempt de tuberculose, tout comme ils ne peuvent être identifiés comme étant infectés9. Les connaissances scientifiques actuelles révèlent que, dans un milieu naturel, la tuberculose bovine ne persiste normalement pas pendant de longues périodes. Pour qu’elle dure longtemps, il faut qu’il y ait un contact prolongé entre les animaux. En milieu naturel donc, étant donné la faible prévalence de la tuberculose bovine, la maladie devrait disparaître au fil d’une certaine période. On croit cependant qu’une réduction des populations d’animaux sauvages, surtout les populations de wapitis et de cerfs, est de nature à accélérer l’élimination de la maladie10. Lorsqu’elle a comparu devant le Comité permanent, l’honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien responsable de l’Agence Parcs Canada, a mentionné qu’en présence d’un problème comme celui de la transmission possible de la tuberculose bovine entre les troupeaux de bovins et les wapitis, un groupe de travail comprenant les intervenants du milieu et des scientifiques est alors mis sur pied. Selon la ministre, l’objectif de ce groupe est de réunir autour d’une table les meilleurs « cerveaux » qui s’occupent de protéger le bétail et de formuler des recommandations. Lorsqu’on lui a demandé si, dans l’éventualité que le groupe lui fasse la recommandation d’un abattage sélectif, elle ferait cette recommandation au Cabinet, la Ministre a répondu : « absolument »11. Comme l’a indiqué un témoin, l’abattage de tous animaux infectés est irréaliste et il n’est pas prouvé qu’on peut éradiquer la tuberculose des populations sauvages, mais l’objectif de l’abattage sélectif est de réduire la transmission de la maladie afin que nombre de nouveaux cas soit insuffisant pour entretenir la maladie12. Dans ce contexte, il faut maintenir un effectif réduit pendant plusieurs années pour avoir l’effet désiré. Par conséquent : RECOMMANDATION 2 Le Comité recommande que Parcs Canada fasse un abattage sélectif proactif, afin de réduire et maintenir l’effectif du troupeau de wapitis à 2 500 bêtes, au moins jusqu’à ce que la tuberculose bovine soit complètement éradiquée de la région du parc national du Mont-Riding. Enfin, des témoins qui ont comparu devant nous et des lettres du Comité de liaison régional du Mont-Riding représentant 12 municipalités rurales de la région du parc national jugent que l’indemnisation pour la seule valeur marchande des bovins était insuffisante, et que les coûts afférents aux tests et à la destruction du troupeau devraient également être remboursés. Fort de l’expérience acquise durant l’infestation de la tremblante du mouton en 1988, le Comité sait que la responsabilité du gouvernement en vertu de la Loi sur la santé des animaux (article 50) est limitée et que l’indemnisation doit être égale à la valeur marchande de l’animal au moment de l’évaluation. Cependant, le Comité sait également que le ministre de l’Agriculture peur modifier la Loi et son règlement pour rendre l’indemnisation plus conforme à la perte réelle de capacité de production, comme il l’a fait en 1998 pour mieux refléter la véritable valeur marchande des moutons. Par conséquent : RECOMMANDATION 3 Le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture modifie la Loi sur la santé des animaux et son règlement pour permettre de rembourser les coûts résultant directement de l’abattage des troupeaux de bovins et d’autres mesures prises pour enrayer l’infestation de tuberculose dans la région du parc national du Mont-Riding. L’indemnisation doit couvrir les coûts de main-d’œuvre et le temps du producteur requis pour effectuer les tests et remplir les formules, les blessures du bétail et toute perte éventuelle durant les tests. L’approche pour éradiquer la tuberculose dans le cheptel bovin canadien est claire et radicale. C’est d’ailleurs en grande partie ce qui a permis au Canada d’obtenir un statut « exempt de tuberculose ». Par contre, comme l’a mentionné le représentant des éleveurs de bovins du Manitoba, le Comité est d’avis que l’élimination pure et simple du troupeau entier de wapitis du Parc national du Mont-Riding n’est pas la solution ultime. Des témoins ont d’ailleurs fait valoir au Comité que la logistique d’une telle approche serait difficile. Toutefois, le Comité reconnaît aussi qu’il est impératif de développer une stratégie visant à éradiquer la tuberculose dans le troupeau de wapitis parce que les coûts économiques, écologiques et sociaux sont très élevés. Le Canada ne peut se permettre de risquer de perdre une industrie agricole qui génère des recettes annuelles de 8 milliards de dollars par année, tout comme le Manitoba et le Canada ne peuvent se permettre, sur le plan écologique et social, de voir la réputation d’un parc qui fait partie d’une réserve de l’UNESCO ternie par un foyer de tuberculose. Le Comité croit que les recommandations formulées dans le présent rapport permettront de maintenir l’intégrité écologique du Parc national du Mont-Riding et un développement économique durable des communautés environnantes.
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