AGRI Rapport du Comité
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L’ENQUÊTE ET LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT SUITE À LA DÉCOUVERTE D’UN CAS UNIQUE D’ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE
Dès la découverte d’un cas unique d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en Alberta le 20 mai 2003, une réaction en chaîne a été déclenchée, mais on ne connaissait alors pas l’ampleur de ses effets. Il est toutefois vite devenu évident qu’elle aurait des ramifications politiques, économiques, commerciales et sociales, qui marqueraient le secteur agricole et agroalimentaire du Canada, surtout celui des provinces de l’Ouest, pour plusieurs mois. Le Comité permanent a réagi immédiatement et a tenu sa première session d’information spéciale dès le 27 mai avec des fonctionnaires de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Par la suite, les membres du Comité permanent ont participé à diverses conférences téléphoniques et, même si le Parlement avait ajourné pour la période estivale, ils ont décidé de se réunir à Ottawa afin de rencontrer des intervenants des divers secteurs de l’industrie bovine. Ces réunions extraordinaires ont permis de suivre l’évolution de l’enquête menée par l’ACIA et d’échanger avec des bureaucrates et des intervenants sur les mesures prises par le gouvernement en matière de compensation et de relations diplomatiques avec les partenaires commerciaux du Canada, dans le contexte de ce qui est devenu approprier d’appeler la « crise de la vache folle ».
Le présent rapport ne se veut pas une description ou un compte rendu de cette crise car ce type d’information a été largement diffusé, mais certains éléments pertinents et importants ont été soulevés lors des rencontres et méritent qu’on leur accorde une attention toute particulière. Trois thèmes majeurs portant sur la gestion de la crise de la vache folle sont revenus régulièrement lors des audiences du Comité permanent. Ils prennent en quelque sorte la forme de « tests » que le gouvernement et le marché intérieur ont eu à passer. Comme dans n’importe quelle épreuve, certaines ont été mieux relevées que d’autres.
L’ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DE L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS : UNE APPROCHE IMPECCABLE
C’est l’ACIA qui a eu à subir le premier test imposé par la crise de la vache folle, soit celui de conduire une enquête épidémiologique concertée sur la découverte d’un cas d’ESB et sa gestion immédiate. Les divers intervenants qui ont comparu devant le Comité permanent ont salué le travail exceptionnel accompli par l’ACIA dès la découverte d’un cas d’ESB en Alberta. Les membres du Comité permanent peuvent aussi témoigner de la transparence et de la communication que l’ACIA a démontrées dès le début de la crise.
La reconnaissance de l’excellence du travail scientifique de l’ACIA est venue également du groupe d’experts internationaux qui ont examiné les interventions du Canada suite au dépistage d’un cas indigène d’ESB :
L’équipe désire affirmer sans le moindre doute que les autorités canadiennes ont fait preuve de transparence envers ses membres, la collectivité internationale et la population, et qu’elles ont divulgué tous les renseignements recueillis et autorisé l’accès sans restriction au personnel. La façon dont le Canada a communiqué l’information devrait servir de modèle.
[…] L’équipe est très impressionnée par la vaste portée, le niveau d’analyse et la rigueur de l’enquête menée à ce jour. En effet, dans un laps de temps très court, les experts canadiens ont recueilli et évalué un volume de données supérieur à celui recueilli dans la plupart des pays touchés par l’ESB. Ce fait témoigne de la compétence, de la capacité et de la diligence des autorités canadiennes1.
Les membres du Comité permanent considèrent qu’à lui seul ce passage du rapport du groupe d’experts envoie un puissant signal à tous les partenaires commerciaux du Canada quant à la qualité de l’enquête conduite par l’ACIA et, par conséquent, sur le fait que les produits canadiens du bœuf qui atteignent le marché sont absolument salubres. De plus, la réaction rapide du gouvernement fédéral qui a appliqué, dans les deux semaines suivant la publication du rapport, certaines mesures qui y étaient recommandées, constituait un autre message susceptible d’accroître le degré de confiance de nos partenaires commerciaux. Ainsi, le 18 juillet 2003, le gouvernement du Canada a annoncé une nouvelle politique sur les matériels à risques spécifiés (MRS) élaborée conjointement par l’ACIA et Santé Canada, qui exige le retrait de la cervelle, de la moelle épinière et des autres tissus des carcasses des bovins âgés de plus de 30 mois2. Une partie de l’intestin grêle sera aussi retirée des carcasses de tous les bovins. Cette politique est entièrement conforme aux normes internationales. D’autres pays, notamment de l’Union européenne, ont adopté des politiques encore plus strictes, fondées principalement sur des raisons socioéconomiques et logistiques comme la prévention d’une contamination croisée plutôt que scientifiques. Cela explique probablement la recommandation suivante du groupe d’experts internationaux : « il faudrait mettre en œuvre des mesures visant à garantir l’absence de MRS dans les aliments du bétail et des humains, en vérifier la conformité et prendre des mesures pour garantir leur application3. » Dans ce contexte, le Comité permanent considère que le fait d’aller au-delà de l’idée de rendre « un système très sûr encore plus sûr » apparaît comme une excellente stratégie susceptible de permettre l’élimination de toutes les barrières commerciales. Par conséquent :
RECOMMANDATION 1
Le Comité permanent recommande de mettre en œuvre des mesures visant à garantir l’absence de matériels à risques spécifiés dans l’alimentation pour le bétail, d’en assurer le respect et d’en vérifier l’application.
Le Comité permanent a également été heureux de noter que le groupe d’experts internationaux avait souligné dans son rapport l’importance d’une bonne infrastructure vétérinaire pour le fonctionnement efficace des systèmes de surveillance, un sujet qui avait fait l’objet d’une recommandation dans un rapport antérieur du Comité permanent4 à laquelle le gouvernement avait répondu positivement en injectant des fonds supplémentaires dans les facultés de médecine vétérinaire du Canada.
En ce qui concerne la valeur des systèmes de surveillance, le Comité permanent reconnaît que le Canada dispose déjà d’un système d’inspection et d’identification des animaux bien implanté et reconnu à l’échelle mondiale pour son efficacité. Malgré cela, la diversification et l’intégration croissantes de nos secteurs agricoles, tant sur la scène nationale qu’internationale, décuplent d’autant le risque d’introduction de maladies transmissibles graves chez les populations animales d’ici. Lorsqu’on a annoncé l’existence d’un cas d’ESB au Canada, le 20 mai 2003, l’ACIA a immédiatement entrepris de retracer l’exploitation agricole d’où était originaire l’ESB. Même si l’ACIA a agi très rapidement, le Comité permanent est d’avis que l’emploi de nouvelles technologies aurait pu réduire considérablement la longueur du processus. Par conséquent, nous croyons qu’il y aurait lieu d’accorder une attention particulière à la mise en place d’un système qui faciliterait le retraçage immédiat des antécédents et du lignage d’un animal dans les cas de maladies transmissibles graves. Ce système devrait tout de même tenir compte des pratiques régionales et nationales en les intégrant aux nouvelles technologies et aux procédures de santé animale. De plus, au moment d’élaborer un tel système national de traçabilité, le gouvernement devrait garder à l’esprit que c’est l’ensemble des Canadiens qui en bénéficieront; il devrait donc en répartir les coûts en conséquence. Non seulement ce système présenterait des avantages économiques et sanitaires, mais il servirait aussi à promouvoir et à démontrer la salubrité supérieure des aliments auprès des Canadiens et de nos partenaires commerciaux de l’étranger. Par conséquent :
RECOMMANDATION 2
Le Comité permanent recommande que le gouvernement fédéral, en collaboration avec l’ACIA, le secteur et les provinces, voit à l’amélioration dès que possible du Programme canadien d’identification du bétail, en établissant un système national de traçabilité qui soit exhaustif et rentable.
Le second test a été l’affaire du gouvernement fédéral qui a eu à réagir rapidement pour pallier les effets économiques et commerciaux dévastateurs de la fermeture des marchés continentaux et internationaux aux exportations canadiennes de bovins et de viande de bœuf. En effet, l’industrie bovine canadienne exporte environ 60 p.100 de sa production et sa grande intégration avec le marché américain fait en sorte que les États-Unis reçoivent 80 p.100 des exportations canadiennes de bœuf et presque 100 p.100 des bovins exportés. Lorsque la viabilité d’une industrie repose en grande partie sur des exportations annuelles totalisant environ 4 milliards de dollars, et que cette viabilité est remise en cause parce que le commerce est bloqué pour des raisons autres que scientifiques et/ou sanitaires, c’est la responsabilité du gouvernement fédéral de mettre en œuvre tous les efforts diplomatiques appropriés. C’est aussi son rôle, en collaboration avec les provinces et l’industrie, de tenter de maintenir la capacité de production de l’industrie afin que cette dernière retrouve éventuellement le chemin de la viabilité.
A. L’ouverture des marchés d’exportation
Lorsqu’on se trouve en situation de crise, tout le monde cherche une solution immédiate qui permettra de tuer dans l’œuf les effets d’entraînement, le plus souvent négatifs, qui peuvent se traduire à plus long terme en un débat inextricable ou en une impasse économique. Malheureusement, en matière de commerce international, les exemples d’impasses qui perdurent ne manquent pas, comme en font foi le moratoire européen imposé sur les importations de bœuf aux hormones et le commerce du bois d’œuvre CanadaÉtats-Unis.
Le commerce international ne se limite pas à une question d’accès aux marchés, encore faut-il que le processus de négociation qui permet des échanges soit perçu comme équitable, transparent et, bien entendu, qu’il tienne compte des susceptibilités des partenaires commerciaux. C’est probablement avec cette vision en tête que des témoins qui ont comparu devant le Comité permanent ont été très critiques à l’égard de l’approche diplomatique prise par le gouvernement fédéral pour informer ses partenaires commerciaux concernant l’enquête en cours. Pour certains des témoins, l’approche diplomatique du Canada a peut-être été obnubilée par sa grande dépendance envers le marché américain, ce qui pourrait lui avoir fait perdre de vue que le commerce repose sur un marché global et que tous les partenaires commerciaux, même si certains ont un poids économique moins important, doivent être traités sur un même pied.
Au Japon, […] pendant les trois premières semaines et demie de cette crise, alors que le Japon, lentement et sûrement, raffermissait sa position sur le bœuf canadien […] pendant ces trois semaines et demie, le Canada n’a eu aucun rapport avec les organes de réglementation du Japon.
Deux fois pendant cette période, le Japon a demandé à envoyer ses équipes techniques au Canada, et deux fois sa demande a été rejetée. Ce n’est qu’après qu’il est apparu que le Canada et les États-Unis étaient bien partis pour procéder à une ouverture précoce du marché entre les deux pays, sans pour autant qu’il y ait de dialogue, d’information ou d’interaction avec le Japon, ce n’est qu’alors que le Japon a réagi, à cause du manque d’information. Il n’y avait aucune donnée scientifique. Dans ces circonstances, il a dit « Si le Canada et les États-Unis doivent conclure une entente entre eux pour que le bœuf canadien aille aux États-Unis sans distinction, nous devrons nous protéger jusqu’à ce que notre propre équipe scientifique ait examiné la situation ». L’équipe est repartie il y a une semaine à peine.
M. Ted Haney du Canada Beef Export Federation, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 40 11h00, 37e législature, 2e session, Ottawa, 10 juillet 2003.
Pourtant, lors d’une rencontre précédente, les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) avaient soutenu devant le Comité permanent que tous les efforts pour rassurer le Japon avaient été faits :
Les discussions au niveau scientifique se poursuivent. Comme vous le savez, le Japon est très important compte tenu des inquiétudes des Américains quant à leurs exportations au Japon. C’est pourquoi nous avons envoyé notre mission hier au Japon. La mission japonaise est venue au Canada la semaine dernière. Nous sommes allés là-bas pour fournir aux Japonais les assurances dont ils ont besoin afin qu’ils n’imposent pas de mesures aux États-Unis sur la base de la vision américaine selon laquelle nous exploitons un marché continental.
L’idée initiale des Japonais était d’imposer des restrictions de façon à séparer de quelque façon le bœuf canadien du bœuf américain. Cela est très difficile à gérer. C’est pourquoi nous nous sommes rendus au Japon, pour expliquer la situation aux Japonais et pour les rassurer.
M. Claudio Valle du MAECI, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 39 10h30, 37e législature, 2e session, Ottawa, 30 juin 2003.
Selon les fonctionnaires de l’ACIA et du MAECI, même si le Japon s’était montré intéressé à visiter le Canada pendant le déroulement de l’enquête, il avait été jugé préférable d’attendre que l’enquête soit terminée afin de pouvoir partager avec eux les résultats de l’enquête scientifique.
En fait, nous sommes intervenus auprès d’eux et leur avons rappelé les circonstances qu’ils avaient eux-mêmes vécues lorsqu’ils avaient été aux prises avec l’ESB. Ils se sont vite rendus compte que ce qu’ils voulaient vraiment voir c’était les résultats de l’enquête. Nous leur avons alors dit que nous les inviterions dès que l’enquête serait sur le point d’être bouclée. Et c’est ce qui s’est en fait produit.
M. Robert Carberry de l’ACIA, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 39 11h00, 37e législature, 2e session, Ottawa, 30 juin 2003.
Une délégation du Japon a visité le Canada au cours de la semaine du 23 juin et le vétérinaire en chef du Canada s’est ensuite rendu au Japon le 30 juin, puis en Corée, pour poursuivre les discussions et partager de vive voix les résultats de l’enquête lors de rencontres spéciales avec les autorités compétentes. Des témoins ont mentionné au Comité permanent qu’une action diplomatique concertée gouvernement industrie eut été préférable afin de mieux rassurer nos partenaires.
Plusieurs pensent que le Canada a mal évalué les effets potentiels de ses décisions et perçoivent donc l’approche canadienne comme un faux-pas diplomatique qui a eu pour effet d’exacerber les effets de la crise, notamment la fermeture des marchés d’exportation. Bien qu’un tel corollaire puisse apparaître réel, on ne saura peut-être jamais s’il est bien fondé. Par contre, on sait pertinemment que l’industrie bovine canadienne a accusé à un certain moment des pertes de 11 millions de dollars par jour et qu’à ce rythme une industrie voit sa filière de production se détériorer rapidement, au point qu’elle peut atteindre, à plus ou moins long terme, un point de non-retour à sa capacité de production antérieure.
Ce soi-disant faux-pas du Canada l’a peut-être déstabilisé et fait perdre de vue que la véritable solution à la crise de la vache folle passe avant tout par la reconnaissance internationale de son nouveau statut de pays « non indemne de BSE ». Avant le 20 mai 2003, le Canada se qualifiait comme « pays provisoirement indemne d’ESB et devait atteindre le statut de pays indemne après deux années supplémentaires depuis l’interdiction lancée en juillet 1997 de l’alimentation des ruminants par des farines de viande et d’os5 ». Or, le statut du Canada n’est plus celui d’avant le 20 mai et est maintenant devenu « à risque minime ». À partir de ce nouveau statut, nos partenaires commerciaux peuvent prendre une décision concernant leurs échanges avec le Canada et, en retour, celui-ci peut déterminer si certains pays bloquent ses exportations sans raison valable.
Il existe toutefois un certain vide quant aux mesures commerciales reconnues internationalement qui peuvent être prises suite à la découverte de la maladie dans un pays donné. C’est dans cette perspective que le Canada, les États-Unis et le Mexique ont demandé conjointement à l’Office international des épizooties (OIE) « l’établissement de lignes directrices pratiques et à assise scientifique en ce qui concerne la gestion des risques liés à l’ESB6 ». Les effets de la crise de la vache folle sur la capacité du Canada à commercer librement risquent de perdurer des mois. Par conséquent :
RECOMMANDATION 3
Le Comité permanent recommande la formation d’un groupe de travail gouvernement/industrie qui se concentrerait spécifiquement sur les questions commerciales relatives à l’ouverture totale des marchés d’exportation pour le bétail et ses produits carnés.
De plus, lors de sa réunion du 11 août, le Comité permanent a unanimement approuvé une motion demandant au Premier Ministre de redoubler les efforts diplomatiques afin de rouvrir la frontière américaine aux niveaux antérieurs au 20 mai 20037. Lors de rencontres ultérieures, on a rapporté au Comité permanent que de hauts fonctionnaires du gouvernement effectuaient des missions commerciales, mais ni l’industrie ni le Comité n’étaient au courant de telles démarches. Par conséquent :
RECOMMANDATION 4
Le Comité permanent recommande que les représentants du secteur du bétail et le Parlement soient mis au courant régulièrement des efforts diplomatiques et des missions commerciales qui visent à améliorer le commerce du bétail au Canada.
Enfin, l’ouverture totale des marchés d’exportation passera par des changements de pratiques, comme celle déjà annoncée par le Canada sur l’enlèvement du matériel à risques spécifiés au moment de l’abattage, ou encore par l’augmentation du nombre de tests de détection sur les animaux abattus. Il faut donc s’attendre à une augmentation des coûts directs et indirects dans la chaîne de production bovine. Par conséquent :
RECOMMANDATION 5
Afin que les coûts additionnels résultant de changements apportés aux pratiques d’inspection, d’équarrissage et de traçabilité ne soient pas entièrement refilés aux éleveurs de bétail, le Comité permanent recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire augmente le budget de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.
De plus, le Comité recommande que le ministre s’engage à mettre en place un vérificateur chargé de veiller à ce que les coûts additionnels soient maintenus bas et qu’ils soient bien répartis entre les intervenants du secteur du bétail.
B. Le Programme de rétablissement suite à l’ESB
Le 18 juin, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture ont annoncé un programme d’aide temporaire de 460 millions de dollars, dont 276 millions de dollars provenant du gouvernement fédéral, afin de permettre que l’industrie bovine canadienne maintienne un certain niveau de fonctionnement en dépit de la perte de 60 p. 100 de ses débouchés. Le Programme de rétablissement suite à l’ESB comprenait deux volets : le Programme d’abattage, qui était doté d’un budget de 420 millions de dollars, et le Programme incitatif pour les prix et l’écoulement des stocks dont le budget était de 30 millions de dollars. Le 12 août le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a bonifié le Programme d’un montant de 36 millions de dollars. Les fonds du Programme de rétablissement étaient limités et, par conséquent, le Programme a pris fin au mois d’août quand le plafond a été atteint et ce, même si la frontière n’était pas encore totalement ouverte aux exportations de tous les types de bovins et produits du bœuf.
Le volet « Programme d’abattage » visait à intensifier l’abattage de bovins canadiens afin de modérer l’accumulation de veaux et de bovins de boucherie, de régulariser le flux de bovins lors de l’ouverture de la frontière et d’accroître les liquidités dans la chaîne de l’industrie bovine. Dans les semaines qui ont suivi la fermeture des marchés d’exportation, l’abattage hebdomadaire moyen s’est situé à environ 30 000 têtes. Le but premier du programme était d’accroître le nombre de bovins abattus par semaine à plus de 50 000 têtes, alors qu’avant le 20 mai, 70 000 bovins étaient abattus pour le marché canadien et les marchés d’exportation du bœuf et 20 000 autres bovins étaient destinés aux marchés d’exportations. Les producteurs élevant et vendant des bovins au Canada étaient admissibles à une compensation basée sur un prix de référence et une échelle mobile qui n’empêche pas les signaux du marché de se faire sentir.
Le second volet, le Programme incitatif pour les prix et l’écoulement des stocks, avait pour objectif de verser un paiement aux exploitants d’abattoir pour les aider à écouler les produits du bœuf dont la demande est plus faible et pour les inciter à offrir des prix plus élevés pour les bovins qu’ils achètent.
Bien que le gouvernement et l’industrie aient collaboré étroitement pour développer le Programme de rétablissement, il appert que le programme annoncé par le gouvernement ait été altéré et n’ait plus répondu aussi bien aux attentes des producteurs.
Au cours des deux semaines qui ont suivi, nous avons eu des rencontres intensives avec des porte-parole fédéraux et avons élaboré un programme dont nous pensions qu’il pouvait être durable. Malheureusement, avant sa mise en œuvre, plusieurs initiatives clés ont ou été ignorées ou été modifiées par rapport à la proposition originale, rendant impossibles nombre des résultats positifs escomptés. Les deux éléments les plus importants étaient le changement de la date d’expiration du programme de 30 jours après la réouverture des marchés internationaux aux ventes de bétail sur pied à la réouverture des marchés pour les coupes-muscles ainsi que le changement d’envergure au format et aux conditions de la formule régressive d’ajustement au marché.
Ces changements ont donné lieu à plusieurs conséquences néfastes, comme cela avait été prévu par l’industrie avant l’annonce, surtout sur le plan ventes excédentaires de bétail d’abattage, effondrement des marchés de bovins finis et angoisse croissante des éleveurs quant à l’avenir.
M. Brad Wildeman de l’Association canadienne
des éleveurs, Comité permanent de l’agriculture et
de l’agroalimentaire, Témoignages no 39 11h15, 37e législature, 2e session, Ottawa, 30 juin 2003.
Le Programme a toutefois rencontré certaines attentes de l’industrie, notamment en favorisant un abattage plus élevé et régulier. Ainsi, la fin du Programme au mois d’août a aussi correspondu avec un abattage de 72 631 bovins lors de la dernière semaine du mois, soit 8,5 p. 100 de plus que la semaine précédente et que la semaine correspondante en 2002. Le secteur bovin doit maintenant retrouver une forme de production fluide et fonctionnelle comme auparavant, mais vraisemblablement avec un volume moindre d’abattage.
Nous devons tenter d’équilibrer l’offre et la demande. Voilà à quoi se résument tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui. Nous avons en main des stocks excédentaires colossaux, et nous ne pouvons compter sur notre marché national pour les écouler. Je pense que toutes les personnes réunies ici seront d’accord pour dire que les consommateurs canadiens nous ont accordé un appui extraordinaire. Nous ne pouvons demander plus que ce qu’ils ont fait pour nous. La réalité, c’est qu’on ne pourra pas tout manger.
M. Brian Nilsson, coprésident-directeur général, Nilsson Brothers Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire Témoignages no 41 11h20, 37e législature, 2e session, Ottawa, 11 août 2003
Il s’agirait en fait d’établir une mise en marché ordonnée qui permettrait au secteur d’éviter de se retrouver éventuellement confronté à une rupture de stock. Les suggestions formulées au Comité pour une nouvelle approche comprennent :
• | un prix plancher afin d’éviter des ventes sous le seuil de 0,50 $ la livre; |
• | une compensation équivalente à 90 p.100 pour les ventes supérieures à 0,50 $ la livre, mais inférieures au prix de référence; |
• | un programme de soutien pour l’alimentation du bétail; et |
• | l’assurance de la part des gouvernements qu’un programme serait maintenu jusqu’à ce que les marchés d’exportation permettent à l’industrie d’être viable à nouveau. |
Mais, ce qui a été souvent mentionné, c’est un plan d’action pour un programme national de réduction du cheptel visant les animaux âgés de plus de 30 mois. L’absence de marché pour ce type de bovins leur octroie peu de valeur tandis que les éleveurs voient leurs coûts s’accroître pour maintenir cette catégorie d’animaux. Une table ronde sur l’industrie bovine regroupant les intervenants de l’industrie et des représentants du gouvernement examine les débouchés pour ces animaux. Même si la priorité du Canada doit demeurer l’ouverture complète des marchés d’exportation, son nouveau statut « à risque minime », qui limite désormais sa capacité à exporter, le force à revoir sa filière de production du bœuf, qui devrait être mieux adaptée aux conditions actuelles d’offre et de demande. Par conséquent :
RECOMMANDATION 6
Le Comité permanent recommande un plan d’indemnisation pour un programme d’abattage sélectif, incluant les vaches de réforme, selon un taux d’attrition qui permettrait à l’industrie de mieux équilibrer l’offre et la demande.
Comme un tel programme exige le développement de produits carnés à plus grande valeur ajoutée, le Comité recommande aussi que le gouvernement appuie l’industrie par un fonds d’aide spécial pour le développement de nouveaux débouchés.
Enfin, le volet de la gestion des risques de l’entreprise (GRE) du Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA) a fait l’objet de nombreuses discussions au cours des réunions estivales du Comité permanent. Mais la capacité du volet GRE à faire face aux difficultés financières des éleveurs canadiens de bovins est loin de faire l’unanimité, surtout dans le contexte où des provinces n’ont pas encore signé ce volet du CSA. Les fonctionnaires d’Agriculture et Agroalimentaire Canada ont affirmé aux membres du Comité permanent que le CSA pourrait aider les éleveurs :
Nous pensons que le Cadre stratégique pour l’agriculture et le volet gestion des risques de l’entreprise pourraient être d’une aide précieuse aux producteurs, surtout en ce qui concerne les naisseurs et les producteurs de bovins semi-finis. La marge de production par rapport à ce qu’elle était leur offre une excellente protection.
M. Gilles Lavoie, directeur général principal, Direction générale des services à l’industrie (AAC), Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 41 13h45, 37e législature, 2e session, Ottawa, 11 août 2003
Alors que les éleveurs ont un besoin immédiat d’injection de liquidités, certains membres du Comité sont sceptiques quant à la capacité du CSA de générer rapidement l’aide pécuniaire nécessaire pour maintenir viable l’industrie bovine canadienne et/ou jusqu’à ce qu’elle retrouve les conditions du marché antérieures au 20 mai 2003.
LA TRANSMISSION DES PRIX LE LONG DE LA CHAÎNE DE TRANSFORMATION DU BŒUF : UN MÉCANISME OBSCUR
Enfin, un autre test a été celui du marché intérieur et de l’établissement des prix des produits du bœuf. Alors que la fermeture des marchés d’exportation a entraîné une chute importante des prix payés aux éleveurs, les prix au détail n’ont pas suivi. Les consommateurs ont toutefois bien répondu à la crise et ont maintenu, voire même accru, leur consommation de viande de bœuf. Le Comité est heureux de souligner l’appui que les consommateurs ont offert en ne délaissant pas le marché du bœuf.
Le maintien des prix de détail à des niveaux élevés a toutefois soulevé l’ire de nombreux intervenants, surtout que les gouvernements ont injecté 30 millions de dollars sous le Programme incitatif pour les prix et l’écoulement des stocks afin d’aider les exploitants d’abattoir, qui sont perçus comme les principaux responsables du maintien des prix de détail élevés. Lors des réunions du Comité divers représentants du secteur de la transformation de la viande bovine ont expliqué le mécanisme d’établissement des prix du bœuf et de ses produits et ont fait valoir que les exploitants d’abattoir ont des coûts fixes qui se situent autour d’un abattage de 65 000 têtes par semaine. Par conséquent, leurs opérations et leurs marges de profits sont fortement perturbées parce que l’ensemble de la chaîne bovine fonctionne au ralenti. Par ailleurs, les meilleures coupes qui sont généralement en forte demande, ne comptent que pour 13 p. 100 d’une carcasse et ce sont les marchés d’exportation qui permettent de rentabiliser une carcasse entière et d’établir des prix intérieurs compétitifs. Les prix de certaines coupes, notamment celles correspondant aux produits importés, se sont éventuellement ajustés à la baisse, mais dans l’ensemble l’ajustement des prix à la baisse n’a pas atteint les niveaux attendus par plusieurs consommateurs et analystes.
Plusieurs de ces arguments n’ont pas convaincu le Comité qui considère qu’un secteur de la chaîne de transformation de la viande bovine ne devrait pas profiter indûment d’une crise qui affecte durement les éleveurs canadiens, surtout quand ce secteur reçoit de l’aide gouvernementale. Par conséquent,
RECOMMANDATION 7
Le Comité permanent recommande que le Bureau de la concurrence mène une enquête sur la formation des prix de la viande de bœuf aux niveaux de la transformation et du détail. Pour ce faire, le président du Comité et cinq autres membres formuleront par écrit une demande officielle auprès du Bureau.
1 | U. Kihm (Suisse), W. Hueston (États-Unis), Dr D. Heim (Suisse), Rapport sur les interventions du Canada à la suite de la confirmation d’un cas indigène d’ESB, Berne (suisse), 26 juin 2003, site Internet de l’ACIA, p. 1. |
2 | Gouvernement du Canada, « Le gouvernement du Canada annonce une nouvelle mesure de protection contre l’ESB », Communiqué, Edmonton, 18 juillet 2003. |
3 | U. Kihm (Suisse), W. Hueston (États-Unis), Dr D. Heim (Suisse), (2003). |
4 | Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, cinquième rapport, Le rôle futur du gouvernement en agriculture, 1re session, 37e législature, juin 2002, recommandation 28, p. 52. |
5 | Site Internet de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Contexte descriptif de l’évaluation par le Canada du cas d’ESB en Alberta et de sa réaction, Ottawa, juillet 2003, p. 1. |
6 | Agriculture et Agroalimentaire Canada, communiqué, 25 août 2003. |
7 | Comité permanent de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de la Chambre des communes : http://www.parl.gc.ca/InfoComDoc/37/2/AGRI/Meetings/Minutes/AGRImn41%285208%29-F.htm. |