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FAIT Rapport du Comité

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Opinion complémentaire du Bloc Québécois

au Rapport du Comité permanent des Affaires étrangères et du commerce international

Le Comité a tenu quelques audiences pour offrir sa contribution au Dialogue sur la politique étrangère que le Ministère a lancé. Ces audiences ont permis de prendre la mesure des défis qui se posent mais, par leur durée et leur ampleur restreintes, n’ont pas permis de proposer une politique étrangère complète et cohérente.

Par cette opinion complémentaire, le Bloc Québécois n’a pas la prétention de proposer une telle politique mais de mettre en lumière certains défis auxquels nous sommes confrontés et de proposer des pistes de réflexion. En fait, s’il est une chose que les audiences du Comité ont démontrées, c’est que le «  dialogue  » lancé par le Ministère ne saurait être qu’une entrée en matière pour la révision globale de la politique étrangère canadienne qui s’impose.

L’ordre international connaît des bouleversements intenses. Ceux-ci se sont accélérés suite aux attentats du 11 septembre 2001 et la guerre à l’Irak en est l’illustration la plus évidente. Tout l’édifice sur lequel s’est érigé cet ordre international est remis en question, qu’il s’agisse du principe de sécurité collective, des institutions multilatérales ou du droit international.

Le Canada doit prendre clairement position dans ce débat, non seulement pour être en mesure de défendre ses intérêts dans ce monde changeant comme le suggère l’approche des trois «  piliers  » adoptée par le ministère, mais pour être un acteur global constructif.

À la fin de la deuxième guerre mondiale, encore sous le choc des destructions et des millions de morts, sans parler des camps de la mort, la Communauté internationale a renoncé au droit de faire la guerre et a confié à l’Organisation des Nations Unies le rôle de gardien du droit international et d’arbitre des conflits internationaux. Depuis, la guerre est interdite en droit international sauf lorsqu’elle est spécifiquement autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU et, bien entendu, en cas de légitime défense.

La guerre froide a souvent empêché l’ONU de jouer efficacement son rôle de forum de la communauté internationale en vue d’assurer la sécurité de chacun. Dans ce monde séparé en deux camps, tous se sont accomodés de ces lacunes. Mais la guerre froide est bien finie et il y a une hyper-puissance qui émerge.

L’an dernier, le gouvernement américain a rendu publique sa nouvelle stratégie de défense. Celle-ci, si elle devait être mise en œuvre intégralement, remet en cause ces fondements de l’ordre international en soutenant que les États-Unis, par leur puissance inégalée, ont la responsabilité de faire face aux menaces auxquelles ils sont confrontés, unilatéralement s’il le faut. Ainsi, elle met de l’avant le principe des frappes préventives par lequel ils s’autorisent à intervenir militairement avant-même que ces dangers ne se concrétisent.

Mis à part quelques déclarations éparses, le gouvernement fédéral ne s’est jamais officiellement prononcé sur cette stratégie. Pourtant, le droit, qu’il s’agisse du droit intérieur ou du droit international, vise à protéger les faibles contre les abus des forts. Et la force n’engendre pas le droit.

Cette redéfinition de l’ordre international que certains membres de l’administration américaine tentent d’imposer ne fait pas disparaître les problèmes : pauvreté endémique, manque de démocratie, peu de respect pour les droits fondamentaux, relance de la course aux armements, montée des intégrismes, pour ne mentionner que ceux-là. Ces problèmes auxquels nous sommes confrontés commandent des réponses globales et concertées, qui ne peuvent s’élaborer qu’au sein des institutions multilatérales. Ce n’est que dans ce cadre que le Canada, puissance moyenne, pourra jouer un rôle.

Parmi les témoins, peu doutent que le Canada a la marge de manœuvre nécessaire pour préserver une politique étrangère indépendante.  L’extraordinaire mobilisation populaire à laquelle nous avons assisté au Québec dans le débat sur l’Irak démontre clairement que c’est ce que la population attend. Qui plus est, une coopération accrue avec les États-Unis risquerait d’intensifier les pressions sur d’autres politiques gouvernementales. Pensons aux politiques d’immigration ou d’accueil des réfugiés.

Le niveau élevé d’interdépendance entre les États-Unis et le Canada n’est pas qu’une source de pression. Parce que les États-Unis ont, eux aussi, besoin d’entretenir de bonnes relations avec le Canada notamment pour des raisons économiques et de sécurité, le Canada dispose peut-être d’une marge de manœuvre plus importante que certains le prétendent.

Des appels se multiplient en faveur d’une augmentation massive du budget de la Défense, notamment celui de l’ambassadeur des États-Unis au Canada, Paul Cellucci. Nous estimons qu’il serait imprudent d’y donner suite avant de réviser la politique étrangère du Canada. La politique étrangère doit primer sur la politique de défense. Selon que le Canada, dans sa politique étrangère, choisira de continuer d’intervenir dans un rôle de maintien de la paix au sein de l’ONU ou de participer à titre d’allié des États-Unis dans leurs guerres, le rôle et les besoins de l’armée seront différents.

Dans un texte publié récemment, le directeur de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique Mohammed El Baradei écrivait que la seule façon de lutter efficacement contre la prolifération des armes nucléaires était de s’attaquer aux causes de l’insécurité qui pousse certains États à s’armer. Cette logique ne s’applique pas qu’aux armes nucléaires mais à l’ensemble des menaces auxquelles nous sommes confrontés. Les récentes déclarations du gouvernement en appui au bouclier anti-missile vont justement dans le sens opposé.

Le sous-développement et l’absence de démocratie, par les frustrations qu’ils entraînent et les motifs de mobilisation qu’ils créent et que des extrémistes ne manquent pas d’utiliser, causent aussi des problèmes de sécurité. Le rapport du Comité aurait dû le dire plus clairement qu’il ne l’a fait et insister davantage sur la nécessité et l’urgence que le Canada, qui est aujourd’hui parmi les pays donateurs les moins généreux, augmente substantiellement et rapidement son budget d’aide internationale et présente un échéancier précis en vue d’atteindre l’objectif de 0,7 % de son PIB fixé par l’ONU.

Depuis la dernière révision de la politique étrangère, l’ordre économique mondial a, lui aussi, changé. La mondialisation a provoqué des changements non-désirés dont on commence aujourd’hui à prendre la mesure. La mondialisation seule ne diminue pas l’écart entre les pays riches et les pays pauvres, bien au contraire. Un changement de cap s’impose pour accompagner l’ouverture des marchés de mesures visant à contrer ses effets pervers. La difficulté à parvenir à des accords commerciaux multilatéraux le révèle.  La tendance du gouvernement à contourner cette difficulté en multipliant les accords bilatéraux dans lesquels il se trouve en position de force pour imposer ses conditions démontre qu’il n’a pas pris la mesure des difficultés que pose une intégration des marchés qui ne serait pas accompagnée d’autres mesures.

Avec ce courant de mondialisation, les questions discutées sur la scène internationale concernent aujourd’hui tous les aspects de notre vie en société. Dans une fédération, plusieurs de ces aspects ne relèvent pas du gouvernement central mais des provinces. La manière qu’a le Canada de conduire ses négociations doit s’y adapter. Plus rien ne justifie aujourd’hui que les provinces soient exclues de toutes les discussions dès qu’elles impliquent un pays étranger. Cette question touche principalement le Québec qui, parce que son gouvernement est un gouvernement national, a des responsabilités particulières qui lui incombent, notamment en matière de culture. Le Québec s’est érigé selon un modèle de développement différent de ce que nous retrouvons ailleurs au Canada et en Amérique du Nord. Seul le Québec est en mesure de le défendre efficacement.

Le monde a beaucoup changé depuis la rédaction de la politique étrangère du Canada il y a huit ans. Aussi, une révision de la politique étrangère s’impose. Elle urge. La manière de mener cette politique, de mener les négociations, le manque de transparence qui les caractérise et l’exclusion des provinces, doit aussi changer. C’est ce que le Bloc a retenu de ce trop bref dialogue sur la politique étrangère.