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FAIT Rapport du Comité

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De nos jours, l’Afrique est le seul continent où la pauvreté augmente. Un Africain sur cinq est touché par un conflit. Près de la moitié des quelque 700 millions d’habitants que compte l’Afrique subsaharienne vivent avec moins d’un dollar par jour. L’espérance de vie dans cette région est de 47 ans […], soit 16 ans de moins que dans la région du monde classée immédiatement avant, et elle a décliné de trois ans au cours des dix dernières années. Quarante millions de personnes dans le monde sont porteuses du VIH/sida et près des deux tiers d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne. Je pourrais citer encore toute une série de chiffres alarmants …

Robert Fowler, représentant personnel du
premier ministre pour l’Afrique et pour le Sommet du G-81

Cette pandémie de [VIH-sida] dépasse tout ce que l’on a connu dans l’histoire humaine, rien ne lui est comparable, ni la peste noire du XIVe siècle, ni toutes les pertes militaires et civiles des deux grandes guerres mondiales du XXe siècle. Rien ne peut se comparer aux conséquences dramatiques de cette pandémie. On parle maintenant d’une centaine de millions de morts au bout du compte.

Stephen Lewis2

PARTIE II — CRISES URGENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

1.         Pandémie de VIH-sida

Recommandations

1.1

Le Sous-comité loue le gouvernement pour son engagement à combattre la pandémie de VIH-sida au moyen de contributions à des programmes multilatéraux et bilatéraux. Toutefois, l’ampleur et l’urgence de la crise requièrent des mesures et des ressources supplémentaires. Le Sous-comité est d’accord avec Stephen Lewis pour dire que la pandémie de VIH-sida a désespérément besoin d’un porte-parole parmi les pays industrialisés et que le Canada est dans une position idéale pour jouer ce rôle. Il exhorte le gouvernement à s’engager fermement et publiquement à devenir cet indispensable leader politique et moral de la lutte contre la pandémie de VIH-sida en Afrique subsaharienne. Et il exhorte le gouvernement à tripler sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le VIH-sida, la tuberculose et le paludisme.

1.2

Le gouvernement doit également revoir ses programmes bilatéraux d’aide au développement et ses programmes d’aide humanitaire de façon à refléter les nouvelles réalités de l’Afrique subsaharienne. Le Sous-comité estime que les ressources doivent être ciblées et que les programmes d’aide au développement et d’aide humanitaire doivent refléter le fait que, dans bon nombre des pays d’Afrique, le VIH-sida est inextricablement lié à d’autres problèmes, particulièrement les pénuries alimentaires et la famine, les conflits armés et la violence politique, ainsi que les problèmes de gouvernance. Le Sous-comité estime que l’Agence canadienne de développement international devrait accorder une priorité plus grande à la lutte contre le VIH-sida en Afrique subsaharienne et axer ses moyens et ses programmes sur un nombre moindre de secteurs et de pays, afin d’agir plus efficacement. Une telle démarche supposerait, d’une part, une aide humanitaire nécessaire de toute urgence pour aider les victime du VIH-sida et pour empêcher la maladie de se répandre et, d’autre part, des programmes à plus long terme pour reconstruire les secteurs les plus affectés par la pandémie (agriculture, soins de santé, fonction publique).

1.3

L’intervention en ce qui a trait à la pandémie de VIH-sida doit s’occuper davantage du fait que «  les inégalités sexospécifiques alimentent l’épidémie de sida  », puisque les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables à la maladie et assument une part disproportionnée du fardeau que représentent les conséquences socioéconomiques de la pandémie3. Le Sous-comité soutient la décision de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) de faire «  la promotion de l’égalité entre les sexes […], [ce qui] sous-tend toutes les activités de l’ACDI4  ».

1.4

Le Sous-comité demande au gouvernement de faire de l’accès aux médicaments dans les pays pauvres un élément prioritaire de sa position lors des négociations au sein d’organisations vouées au commerce multilatéral. Il devrait faciliter la prise des moyens recommandés par l’Organisation mondiale de la santé, comme la vente de médicaments brevetés à prix plus bas dans les pays pauvres et l’accès aux médicaments génériques. Dans le but de faciliter la prise de ces moyens, le gouvernement devrait envisager d’interdire la réimportation des médicaments en provenance des pays qui profiteront de ce traitement de faveur, comme l’a fait récemment l’Union européenne.

2.         Pénuries alimentaires et famine

Recommandations

2.1

Le Sous-comité demande au gouvernement d’augmenter ses contributions aux efforts continus de secours d’urgence, car une aide alimentaire massive est nécessaire immédiatement. En conséquence, le gouvernement devrait essayer de mobiliser un soutien international surtout pour soulager les famines qui sévissent en Afrique australe, en Éthiopie, en Érythrée et dans la République démocratique du Congo.

2.2

Le gouvernement devrait également élargir son Programme de partenariats renforcés afin d’inclure un plus grand nombre de pays parmi les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne et continuer la mise en œuvre de programmes conçus pour régler les problèmes fondamentaux dans ces pays. Le développement de l’agriculture et du secteur rural dans les pays touchés par la pandémie de VIH-sida revêt une importance particulière.

2.3

Le Sous-comité demande au gouvernement de faire des efforts supplémentaires pour délier l’aide publique au développement. Il exhorte le gouvernement à redoubler ses efforts pour : que soient éliminées les subventions agricoles dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE); que soient réformées les règles commerciales de l’OMC qui touchent à l’agriculture, en tenant particulièrement compte des besoins des petits producteurs d’Afrique, et que soit envisagé l’établissement d’un mécanisme d’assurance-stabilisation qui leur assurerait un revenu correct; que les pays les moins avancés et les pays en développement soient autorisés à recourir à des mesures commerciales pour limiter les importations de produits agricoles considérés comme indûment subventionnés; et que soit amélioré l’accès aux marchés des pays les moins avancés et des pays en développement.

2.4

Le gouvernement devrait revoir ses politiques et ses programmes d’aide au développement à la lumière de l’importance des liens entre les différentes crises humanitaires et politiques qui sévissent en Afrique subsaharienne et conformément à l’objectif de combattre les causes fondamentales des crises alimentaires actuelles dans certains des pays les plus touchés.

3.         Droits de la personne, démocratie et bonne gouvernance

Recommandations

3.1

Le Sous-comité appuie les objectifs de l’ACDI qui visent à promouvoir les droits de la personne, la primauté du droit, la démocratie et la bonne gouvernance, et exhorte le gouvernement à appliquer ces principes à d’autres politiques et programmes gouvernementaux qui influencent le développement de l’Afrique subsaharienne, y compris l’exportation et la promotion de l’investissement.

3.2

Le Sous-comité croit que les critères dont l’ACDI se sert dans sa sélection des pays pour le programme de partenariats amélioré — l’engagement en faveur de la démocratie, de la bonne gouvernance et des droits de la personne — doivent être appliqués à la lettre, afin d’inciter explicitement les gouvernements africains à faire des progrès substantiels dans ces domaines. Le gouvernement devrait aussi redoubler ses efforts pour renforcer les institutions et les pratiques démocratiques, la capacité de gouvernance, l’indépendance et l’efficacité des systèmes judiciaires et la promotion des droits de la personne, notamment les droits des femmes et des enfants.

3.3

Le Sous-comité estime que la «  bonne gouvernance  » comporte nécessairement des aspects sociaux et des principes démocratiques et qu’elle ne doit pas se réduire à la gestion économique et à la facilitation du développement du secteur privé et de l’investissement étranger. S’il est vrai que le secteur privé peut et doit jouer un rôle dans la réussite du développement de l’Afrique subsaharienne, notamment grâce à l’investissement étranger, et s’il est vrai que la consolidation de la capacité du secteur privé et des institutions publiques indispensables à une croissance économique soutenue doit constituer un élément central de toute stratégie de développement, pour que la participation et l’expansion du secteur privé réussissent et profitent à tous les Africains, elles ne peuvent pas être séparées des objectifs supérieurs du développement durable. De plus, les biens et les services publics essentiels doivent être rendus accessibles à tous les Africains, riches ou pauvres, ruraux ou urbains. Dans ce contexte, le Sous-comité exhorte l’ACDI à ne collaborer qu’avec des sociétés qui respectent les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales que le Canada a endossés.

3.4

En réponse à la gravité et à l’étendue des violations des droits de la personne commises dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, souvent avec impunité, le gouvernement devrait faire tous les efforts pour que les coupables soient poursuivis en justice en vertu du droit international et des lois nationales, grâce à la création de cours ou de tribunaux spéciaux, sur le modèle du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

4.         Le cas du Zimbabwe

Recommandations

4.1

Compte tenu de la crise humanitaire urgente au Zimbabwe, le Sous-comité estime que l’effort d’aide actuel doit continuer. Il faudrait que le gouvernement augmente les moyens dont dispose le Fonds canadien pour répondre aux besoins humanitaires et protéger les droits de la personne au Zimbabwe, et qu’il surveille de près l’acheminement de l’aide humanitaire — y compris par exemple de l’aide alimentaire et des médicaments — afin que cette aide atteigne ceux qui en ont le plus besoin et qu’elle ne soit pas utilisée à mauvais escient pour servir des fins politiques.

4.2

Le Sous-comité confirme l’évaluation faite par M. Loevinsohn indiquant qu’au Zimbabwe, «  le secteur de la santé n’a [...] pas obtenu un soutien direct  » et qu’un «  effort international massif  » est nécessaire pour répondre à la crise de santé urgente provoquée par la conjonction de la pandémie du VIH-sida, de la malaria, de la tuberculose et d’une malnutrition généralisée.

4.3

Compte tenu de la détérioration de la situation politique et des droits de la personne au Zimbabwe, le Sous-comité appelle le gouvernement à intensifier ses efforts à tous les niveaux en vue de trouver une solution pacifique au conflit. Il exhorte le gouvernement à :

i)

augmenter et maintenir des pressions diplomatiques et publiques continuelles sur le gouvernement de Robert Mugabe, notamment en poursuivant les mesures administratives annoncées au cours des deux dernières années et en s’attachant à la création d’un tribunal international spécial où seront poursuivis les responsables des violations les plus graves des droits de la personne;

ii)

surveiller de plus près la situation sur le terrain par l’intermédiaire de son haut-commissariat;

iii)

fortement encourager d’autres dirigeants africains, surtout les présidents du Nigéria et de l’Afrique du Sud, à faire preuve d’un engagement inébranlable à l’égard des droits de la personne, de la démocratie et des principes de bonne gouvernance en traitant avec le gouvernement du président Mugabe, ainsi qu’à encourager les négociations entre les parties en présence, en vue de résoudre la crise actuelle;

iv)

intensifier les efforts au sein du Commonwealth en vue d’adopter une position unifiée permettant de trouver une solution pacifique à la crise (cela pourrait comprendre une nouvelle mission d’enquête du Groupe d’action ministériel du Commonwealth et devrait comprendre la suspension du Zimbabwe du Commonwealth en attendant la résolution de la crise actuelle);

v)

rechercher, de concert avec d’autres pays africains animés des mêmes idées, une solution pacifique à la crise actuelle;

vi)

envisager de geler les avoirs personnels et de restreindre davantage les déplacements de M. Mugabe et des auteurs des violations des droits de la personne les plus graves.

4.4

Parallèlement, le gouvernement du Canada doit se préparer à soutenir sans délai le gouvernement du Zimbabwe une fois la situation actuelle réglée, en fournissant de l’assistance dans différents domaines, dont la réalisation d’une réforme agraire équitable, la reconstitution des capacités des secteurs public et privé, la formation de la police et de la magistrature, la reconstruction des secteurs de la santé et de l’agriculture et le renforcement des organisations de la société civile.

5.         Conflits armés

Recommandations

5.1

Le Sous-comité estime qu’il faut faire davantage pour régler le problème de l’exploitation illégale des ressources naturelles en Afrique subsaharienne et pour examiner et empêcher la complicité des entreprises dans l’exploitation illégale des matières premières. Nous demandons au gouvernement de prendre tous les moyens possibles, juridiques et autres, pour que les entreprises canadiennes respectent les normes internationales de bonne conduite des entreprises, telles que définies par exemple dans les neuf principes du Pacte mondial de l’ONU pour la conduite responsable des entreprises5 et dans les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales6, que le gouvernement a endossés7.

5.2

Le Sous-comité exhorte le gouvernement à envisager sérieusement de fournir un important contingent de soldats et de policiers à la nouvelle force de sécurité des Nations Unies en République démocratique du Congo. Le savoir-faire du Canada en maintien de la paix et en reconstruction d’après-guerre, ainsi que sa bonne réputation dans la région, lui permettraient de contribuer de façon significative à la résolution de la crise. Le Sous-comité est conscient que cela pourrait avoir des conséquences au niveau de la participation du Canada à d’autres efforts multilatéraux, mais il estime que l’urgence et l’ampleur de cette crise humanitaire doit en faire l’une des priorités du gouvernement.

5.3

Le Sous-comité appelle le gouvernement à intensifier ses efforts en faveur de la conclusion d’un accord au sein des Nations Unies et par le truchement d’autres voies multilatérales, et à agir immédiatement et vigoureusement pour faire cesser le conflit armé en République démocratique du Congo, lancer un effort massif d’aide humanitaire et engager la communauté internationale à participer au développement de la région et à sa stabilité à long terme.

5.4

Le Sous-comité salue le travail du Groupe d’experts de l’ONU sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo. Il exhorte le Groupe à poursuivre son travail sur la complicité des entreprises dans le pillage des richesses naturelles du pays. Le Sous-comité appelle le gouvernement à :

i)

donner suite aux déclarations faites par le Groupe quant à certaines entreprises canadiennes qui auraient violé les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, et à mener sa propre enquête et à prendre les mesures qui s’imposent:

ii)

envisager sérieusement d’appliquer unilatéralement — lorsque cela est possible — les recommandations faites par le Groupe au sujet des «  Personnes pour lesquelles le Groupe recommande des sanctions économiques et l’interdiction de voyager  »;

iii)

aider à élaborer, par l’intermédiaire de l’OCDE et des Nations Unies, des mécanismes multilatéraux qui inciteront davantage les entreprises à se conformer aux normes internationales reconnues de conduite politiquement, socialement, et environnementalement responsable.

PARTIE III — CONCLUSION

Recommandations

6.1

Le Sous-comité exhorte le gouvernement à accroître immédiatement sa contribution aux actuelles opérations de secours visant à répondre aux crises humanitaires urgentes qui sévissent en Afrique subsaharienne.

6.2

La résolution des crises humanitaires urgentes en Afrique subsaharienne et la suppression des obstacles au développement à long terme exigent une politique étrangère mieux intégrée, dans laquelle la diplomatie, la défense et le développement soient étroitement liés. Le Sous-comité demande au gouvernement d’intensifier ses efforts à cet égard, en s’alignant par exemple sur les travaux de l’ACDI concernant les liens entre la sécurité et le développement.

6.3

En l’absence de moyens suffisants, toutefois, la réorientation des politiques ne pourra pas à elle seule apporter une réponse aux besoins de l’Afrique subsaharienne ni permettre au Canada de jouer un rôle beaucoup plus grand dans son développement à long terme. Le Sous-comité appelle le gouvernement à accroître encore de façon soutenue le montant consacré aux composantes majeures de la politique étrangère canadienne, à savoir la diplomatie, la défense et le développement. Le Sous-comité prend note des réserves exprimées au sujet des ressources consacrées à la diplomatie.

6.4

Le Sous-comité approuve à la fois la focalisation plus précise de l’aide canadienne et l’engagement du gouvernement à doubler son budget d’aide d’ici à 2010. Toutefois, il rappelle la prévision du Conseil canadien pour la coopération internationale, selon laquelle les augmentations prévues ne permettront pas au Canada d’atteindre l’objectif de 0,7 % du PNB fixé par l’ONU pour l’Aide publique au développement (APD) avant 2040, soit 25 ans après la date où beaucoup des Objectifs de développement du millénaire de l’ONU doivent être atteints. Il souscrit donc à la recommandation faite en 2002 par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, à savoir que le Canada propose un calendrier réaliste pour la réalisation de l’objectif de 0,7 % fixé par l’ONU en matière d’APD et fasse pression sur ses partenaires du G8 pour qu’ils augmentent sensiblement leur APD en faveur de l’Afrique, afin de porter rapidement l’aide globale des pays du G8 au même niveau moyen que celle des pays donateurs non-membres du G8, soit 0,46 % du PNB.

6.5

Beaucoup des crises actuellement en cours en Afrique subsaharienne sont le résultat d’événements régionaux plus que nationaux. Le gouvernement devrait par conséquent envisager de donner une dimension plus régionale à ses programmes de développement en Afrique et d’intégrer une perspective régionale dans la coopération au développement qu’il exerce dans ses pays de concentration.


1Témoignages, Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international (CPAECI), séance no 53, le 29 janvier 2002.
2Témoignages, séance no 4, le1er avril 2003.
4L’honorable Susan Whelan, ministre de la Coopération internationale, dans son témoignage devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, présenté plus tôt cette année (Témoignages, CPAECI, séance no 24, le 20 mars 2003).
5http://www.unglobalcompact.org/Portal/.
6http://www.oecd.org/pdf/M00021000/M00021071.pdf.
7Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, «  Le Canada donne son aval aux nouveaux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales  »,
Communiqué N164, le 27 juin 2000,
http://webapps.dfait-maeci.gc.ca/minpub/Publication.asp?FileSpec=/Min_Pub_Docs/103520.HTM.