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FAIT Rapport du Comité

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De nos jours, l’Afrique est le seul continent où la pauvreté augmente. Un Africain sur cinq est touché par un conflit. Près de la moitié des quelque 700 millions d’habitants que compte l’Afrique subsaharienne vivent avec moins d’un dollar par jour. L’espérance de vie dans cette région est de 47 ans […], soit 16 ans de moins que dans la région du monde classée immédiatement avant, et elle a décliné de trois ans au cours des dix dernières années. Quarante millions de personnes dans le monde sont porteuses du VIH-sida et près des deux tiers d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne. Je pourrais citer encore toute une série de chiffres alarmants …

Robert Fowler, représentant personnel du premier
ministre pour l’Afrique et pour le Sommet du G-81

Alors que l’attention du monde, et surtout celle des médias internationaux, continue de s’intéresser à l’Irak et au terrorisme, de nombreux pays d’Afrique subsaharienne font face à la crise la plus grave de leur histoire. En janvier 2003, Stephen Lewis, envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le VIH-sida en Afrique, et James Morris, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (OMS) et envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les besoins humanitaires en Afrique australe, ont déclaré que la conjonction de la pandémie de VIH-sida, de la famine, de la détérioration de l’environnement, de la pauvreté endémique, des faibles structures de gouvernance et des mauvaises politiques menaçait des sociétés entières2. De plus, la violence politique et les conflits armés continuent à détruire la vie de millions de gens et à créer des conditions où les maladies se répandent, où la pauvreté et la faim sont omniprésentes, où la démocratie et la règle de droit sont réprimées et où les violations des droits humains sont généralisées. Le Sous-comité est d’avis que, à moins d’un effort massif concerté de la communauté internationale et des dirigeants africains pour répondre aux besoins humanitaires immédiats et supprimer les causes à plus long terme de la crise, des millions de gens de plus perdront la vie et les perspectives à long terme d’un développement des pays les plus touchés s’évanouiront.

1.         Objet du présent rapport

Entre mars et mai 2003, le Sous-comité des droits de la personne et du développement international a tenu plusieurs audiences visant à examiner certaines des crises humanitaires les plus urgentes de l’Afrique subsaharienne. Le présent rapport résume ses constatations, ainsi que ses recommandations concernant à la fois les besoins immédiats et les problèmes de développement à plus long terme de cette région.

Le présent document porte sur la pandémie de VIH-sida, la crise humanitaire la plus dévastatrice de l’Afrique subsaharienne, de même que sur: les famines qui affligent plusieurs régions du continent, la situation des droits humains, les problèmes de gouvernance et de démocratie et les conflits armés. Il s’intéresse particulièrement à la situation actuelle au Zimbabwe et dans la République démocratique du Congo. Il ne prétend pas offrir un compte rendu complet des crises en cours. En revanche, il attire l’attention sur certains des problèmes urgents qui réclament des mesures immédiates de la part de la communauté internationale — et du Canada — et il signale les dossiers à plus long terme qui exigent une approche stratégique pour le développement du continent. Tout cela aura des implications importantes pour les composantes de la politique étrangère canadienne — les «  Trois D  » que sont la diplomatie, la défense et le développement — mais plus particulièrement pour l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

Les aspects du développement à plus long terme de l’Afrique subsaharienne ont été examinés plus en détail dans un rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Assurer le progrès de l’Afrique et du reste du monde, déposé en mai dernier, qui porte surtout sur le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NPDA), qui y est présenté comme un pas dans la bonne direction pour le G-8, et sur d’autres efforts internationaux3. Au cours des 18 derniers mois, le Sous-comité a également tenu des audiences sur la crise qui sévit au Zimbabwe, et il continue de suivre de près la situation de ce pays. Il poursuit aussi des travaux sur les droits humains, le développement et divers autres dossiers relatifs au Soudan.

2.         Aperçu des crises humanitaires urgentes en Afrique subsaharienne

Il y a moins de trois ans, les chefs d’État et de gouvernement du monde, réunis aux Nations Unies à New York, se sont engagés à poursuivre une série d’« objectifs de développement pour le millénaire  ». Parmi ceux-ci : faire disparaître l’extrême pauvreté et la faim; réduire des deux tiers la mortalité infantile; stopper la propagation du VIH-sida et commencer la marche arrière; maîtriser le paludisme et d’autres grandes maladies —  tout cela d’ici à 2015 —; assurer un environnement durable; et mettre en place un partenariat mondial pour le développement4. Ces objectifs sont également ceux du NPDA.

Les crises humanitaires qui sévissent actuellement dans plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne nous rappellent cruellement à quel point il sera difficile d’atteindre ces objectifs. Le Sous-comité s’inquiète particulièrement du fait que les périls (pandémie de VIH-sida, famine à large échelle et, dans quelques régions et États, conflits armés et violence politique) s’additionnent et sont interreliés.

Parmi les 42 millions de personnes touchées par le VIH-sida dans le monde, 70 % vivent en Afrique subsaharienne. De plus, 20 millions d’Africains sont déjà morts du sida. Dans plusieurs pays, la prévalence du VIH chez les adultes dépasse 30 %. Mais d’autres maladies font aussi des ravages sur le continent. En conséquence, l’espérance de vie a considérablement reculé, parfois de plus de 25 ans5. Dans certains pays, surtout en Afrique australe, les effets de la pandémie du VIH-sida sur l’économie et sur la capacité de faire face aux graves sécheresses qui y sévissent sont dramatiques. Dans cette région, «  pas moins de 14 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, risquent de mourir de faim  », et plus de 12 millions courent le même danger en Éthiopie et en Érythrée6. En tout, il y a «  plus de 40 millions de victimes de la grave famine qui sévit sur le continent7  ».

Souvent, les conflits armés et la violence politique causent ou aggravent les crises humanitaires. Par exemple, dans la République démocratique du Congo, pas moins de «  3,5 millions de personnes sont décédées par suite de la guerre [commencée en 1998], de maladies ou de faim, pour la plupart8  ». Au Zimbabwe, la violence et l’incurie politique encouragées par l’État ont fait du «  grenier  » de l’Afrique australe un pays incapable d’affronter une sécheresse grave; dans une société où plus d’un tiers des adultes sont infectés par le VIH-sida, plus de la moitié de la population risque maintenant de mourir de faim. Les conflits armés et la violence politique contribuent également à l’avancée du VIH-sida et d’autres maladies, en aggravant les conditions dans lesquelles elles se répandent, mais également de façon directe, car la violence sexuelle exercée contre les femmes et les enfants est courante et «  souvent utilisé[e] comme arme de guerre et de terreur9  ».

Le Sous-comité estime que la capacité de faire face aux crises humanitaires et de mettre en place des stratégies efficaces pour réaliser un développement à long terme est également entravée dans de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne par les moyens insuffisants des secteurs public et privé, par le manque de démocratie et de respect des droits humains, par la faiblesse ou l’absence de règle de droit et par la corruption. Résultat : l’énorme potentiel de développement de l’Afrique subsaharienne reste inutilisé, et la vie de dizaines de millions d’Africains — enfants et jeunes notamment — continue d’être menacée par la pauvreté, la maladie, la dégradation de l’environnement et les conflits armés.

À l’échelle internationale aussi, d’importants obstacles s’opposent à la résolution des crises immédiates et à la satisfaction des besoins de développement à long terme de l’Afrique subsaharienne. Comme Stephen Lewis, envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le VIH-sida en Afrique, l’a souligné dans le témoignage qu’il a présenté devant le Sous-comité, il n’existe aucune réponse stratégique globale à l’échelon international, et les moyens débloqués jusqu’à maintenant ne sont pas suffisants pour combattre la pandémie de VIH-sida. D’après le Programme alimentaire mondial de l’ONU, les ressources engagées pour répondre aux besoins alimentaires d’urgence dans de nombreuses régions sont également insuffisantes10.

Pendant ce temps-là, les pays les plus riches du monde continuent de subventionner leurs producteurs agricoles au rythme de plus de 300 milliards de dollars américains par année, soit environ six fois le montant qu’ils consacrent à l’aide au développement. Comme l’a fait remarquer le Secrétaire général de l’OCDE, le Canadien Donald Johnson, ces subventions «  imposent un prix énorme à payer aux pays en développement […].  » Elles représentent «  presque 20 milliards de dollars en pertes annuelles relatives à l’aide sociale dans les pays en développement11  ». Les progrès du Programme de Doha pour le développement [de l’Organisation mondiale du commerce] restent lents, car les pays de l’OCDE se refusent à apporter les changements nécessaires dans les secteurs qui seraient vitaux pour l’avenir du développement des pays d’Afrique et d’ailleurs. Comme l’a souligné Mme Gauri Sreenivasan, du Conseil canadien pour la coopération internationale, devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, en février 2003 :

… l’agriculture est le sujet central du développement dans les débats de l’Organisation mondiale du commerce. Toutes les questions sont importantes, mais nous parlons de la situation de pays en développement où au moins 50 % de la population tire son existence de l’agriculture. Dans les pays les moins développés, cette proportion monte même à 70 ou à 80 %. C’est un dossier d’une importance extrême. Ce n’est pas un secteur de l’économie, c’est la quasi totalité de l’économie. Rien n’est plus important que l’agriculture pour le développement12.

Enfin, les conflits armés en Afrique, en dépit des coûts humains énormes qu’ils entraînent, ne reçoivent pas, au Canada et dans les autres pays industrialisés, la même attention que les guerres, le terrorisme et la violence politique qui se déroulent ailleurs dans le monde.

Les raisons des crises humanitaires urgentes en Afrique subsaharienne sont donc nombreuses. Il s’agit de causes d’origine humaine et naturelle; de facteurs locaux, nationaux, régionaux et mondiaux; de forces politiques, sociales et économiques; et du fait que l’engagement des pays et de la communauté internationale reste insuffisant pour permettre des changements réels et un développement durable dans la région. Mais, si les crises qui ne cessent d’accabler plusieurs États subsahariens peuvent paraître insurmontables par leur ampleur et leur complexité, selon le Sous-comité, beaucoup de ces problèmes sont pourtant réglables, et le Canada peut et doit jouer un rôle de chef de file, aussi bien dans la recherche des remèdes que dans leur application.


1Témoignages, Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international (CPAECI), séance no 53, le 29 janvier 2002.
2James Morris, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les besoins humanitaires en Afrique australe, et Stephen Lewis, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le VIH-sida en Afrique, Mission Report: Lesotho, Malawi, Zambia, and Zimbabwe, 22-29 janvier 2003, http://www.who.int/disasters/repo/8922.pdf.
3Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Assurer le progrès de l’Afrique et du reste du monde. Un rapport sur les priorités canadiennes en vue du sommet du G-8 de 2002, juin 2002, http://www.parl.gc.ca/InfoComDoc/37/1/FAIT/Studies/Reports/faitrp21/03-cov-f.htm.
4www.un.org/french/milleniumgoals/; http://www.un.org/french/millenaire/ares552f.htm.
5Témoignages, séance no 4, le 1er avril 2003; Programme des Nations Unies sur le VIH-sida (ONUSIDA) et Organisation mondiale de la santé (OMS), Le point sur l’épidémie de sida, décembre 2002, http://www.unaids.org/worldaidsday/2002/press/Epiupdate.html, pages 5, 17; Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2002, http://www.undp.org/hdr2002/francais/, p. 27-28.
6UNICEF, page Internet sur la crise en Afrique australe, http://www.unicef.org/french/noteworthy/safricacrisis/index.html; CARE Canada, «  L’Éthiopie et
l’Érythrée — Une importante crise alimentaire  », http://care.ca/rgnc/ethiopia/ethiopia_f.shtm.
7Programme alimentaire mondial, «  The Hunger Crisis in Africa  », http://www.wfp.org/, le 12 mai 2003.
8«  Peace, they say, but the killing goes on  », The Economist, le 27 mars 2003.
9ONUSIDA et OMSA, Le point sur l’épidémie de sida,
http://www.unaids.org/worldaidsday/2002/press/Epiupdate.html, p. 32.
10http://www.wfp.org.
11Donald Johnston, «  Les pays de l’OCDE peuvent-ils mettre la théorie en pratique? Un plan de travail pour faire du développement durable une réalité  », Isuma, automne 2002. Pour un exemple de l’effet de ces subventions sur les producteurs africains, voir «  Cotton subsidies squeeze Mali  », BBC News, le 19 mai 2003, http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/3027079.stm.
12Témoignages, CPAECI, séance no 18, le 13 février 2003.