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FINA Rapport du Comité

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CHAPITRE SEPT — LA PRIORITÉ DES COLLECTIVITÉS DURABLES

Les collectivités canadiennes, petites et grandes, croulent sous d’intenses pressions sociales et économiques. La concentration du Canada dans une demi-douzaine de grands centres urbains impose aux gouvernements municipaux des pressions financières, parce qu’ils sont forcés d’élargir leurs infrastructures et leurs services malgré les réductions de crédits fédéraux et provinciaux. La contrepartie de l’urbanisation, c’est le déclin des collectivités rurales dont l’assiette fiscale s’amenuise, de même que le bassin de compétences et d’expérience. (Association des musées canadiens, 16 septembre 2002)

Qu’ils vivent en milieu urbain ou rural, les Canadiens apprécient depuis longtemps les collectivités durables. Jusqu’à tout récemment, la plupart des grandes villes canadiennes ont concrétisé cette attitude en prenant des mesures pour éviter de créer ici le phénomène des centres-villes en grande partie abandonnés qui a caractérisé de nombreuses grandes villes américaines dans la période de l’après-guerre. Entre autres, on a mis sur pied des réseaux de transport public efficaces, on a construit des parcs et des trottoirs et on a soutenu le développement résidentiel dans le cœur des centres-villes.

Dans les collectivités rurales et éloignées du Canada, l’engagement visant la durabilité s’est manifesté dans les efforts des gouvernements fédéral et provinciaux en vue d’appuyer les secteurs économique et culturel grâce à une aide aux industries locales, à des programmes de développement économique régional, à des travaux d’infrastructure et au financement de productions théâtrales et de spectacles musicaux itinérants.

Aux prises avec des contraintes budgétaires dans les années 1990, tous les ordres de gouvernement ont réduit leurs dépenses dans ces secteurs. Les répercussions se font maintenant sentir sous forme de routes en mauvais état, de réseaux de transport en commun surchargés, d’une émigration accrue dans les régions rurales et éloignées, et de services d’adduction d’eau et de traitement des eaux usées en décrépitude. Il est maintenant temps de renouveler l’engagement de longue date du gouvernement fédéral à l’égard de collectivités durables dans les zones tant urbaines que rurales du pays.

Appui aux zones urbaines

Des villes compétitives et des collectivités en santé sont essentielles à notre bien-être individuel et à la capacité du Canada d’attirer des talents, des capacités novatrices et des investissements. C’est pourquoi le gouvernement fédéral doit leur accorder des fonds ainsi qu’un traitement législatif et réglementaire appropriés leur permettant d’être durables. (Institut du développement urbain, 5 novembre 2002)

Au cours de ses discussions et consultations prébudgétaires, le Comité  a entendu de nombreux témoins affirmer qu’il est de plus en plus urgent d’atténuer les pressions sur les villes et les zones urbaines. Ce message va de pair avec le discours du Trône de septembre 2002, où l’on dit qu’il nous faudra « de nouveaux partenariats, une nouvelle stratégie urbaine et une nouvelle approche face aux communautés en santé pour le XXIe siècle58 », et avec le Rapport d’étape d’avril 2002 du groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines, où l’on fait observer qu’« il est essentiel que les régions urbaines du Canada, qui sont les moteurs économiques de notre pays, maintiennent leurs niveaux de croissance et continuent de contribuer à la grande qualité de vie des Canadiens59 ».

La plupart des analystes sont d’accord pour dire que les régions urbaines sont à l’origine d’une forte proportion de la croissance économique et de l’emploi au Canada. En ce qui concerne la production économique, les six plus grandes agglomérations du pays — Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Edmonton et Ottawa-Hull — ont contribué pour 47,7 % de l’activité économique en 2001, une hausse par rapport aux 46 % de 199160. Comme l’indique la Figure 20, la croissance de l’emploi dans ces villes dépasse la croissance de l’emploi dans le reste du pays depuis 1997.

Figure 20 : Les grandes villes du Canada occupent la première place pour
ce qui est de la croissance nationale de l’emploi, 1987-2001

Figure 20 : Les grandes villes du Canada occupent la première place pour ce qui est de la croissance nationale de l’emploi, 1987-2001

Source : Bibliothèque du Parlement et Statistique Canada.

Un certain nombre de forces se conjuguent pour rendre le changement nécessaire. Comme on l’a déjà signalé, la population des zones urbaines a connu une hausse spectaculaire depuis le recensement de 1996. D’après Statistique Canada, 7 des 27 zones métropolitaines — définies comme étant des régions de 10 000 habitants ou plus — avaient un taux de croissance deux fois plus élevé que la moyenne nationale de 4 %, une croissance entraînée dans une large mesure par une hausse de la population immigrante. Statistique Canada a indiqué au Comité que « pratiquement tous nos immigrants s’installent dans deux, ou peut-être trois, grandes villes, soit Montréal, Toronto et Vancouver. […] Toutes choses égales par ailleurs, les régions qui attirent les immigrants auront évidemment de plus forts taux de croissance que celles qui n’en attirent pas. »

De façon générale, l’augmentation de la population d’une ville exerce des pressions sur les services municipaux comme le transport en commun, les services sociaux, l’adduction d’eau et le traitement des eaux usées, l’entretien des routes, voire l’entretien des parcs et l’enlèvement de la neige. Ces éléments de « qualité de vie » en milieu urbain sont liés à la compétitivité d’une collectivité. Comme Mme Enid Slack l’a indiqué au Comité :

… les taxes sont un facteur important pour ce qui est d’attirer les gens, mais de plus en plus d’études commencent à révéler que, pour être concurrentielles, les villes doivent aussi être des endroits où il est agréable de vivre. Les travailleurs du savoir, indispensables à la prospérité économique, cherchent de plus en plus un endroit agréable pour vivre, ce qui signifie notamment de bonnes écoles pour leurs enfants. Cela signifie également de pouvoir faire son jogging dans le parc, de se sentir en sécurité et de ne pas rencontrer de sans-abri dans les rues. Ce sont tous là des services dont les municipalités sont responsables; pour demeurer concurrentielles, elles doivent donc fournir ces services.

Une autre raison d’agir est qu’au moment même où avaient lieu les augmentations de population, les transferts combinés du fédéral et des provinces aux administrations municipales subissaient un recul, passant de 18,8 % de l’ensemble du financement municipal en 1990 à 15,1 % en 200061. Sur le plan financier, les municipalités sont donc moins en mesure de répondre aux demandes accrues qui leur sont faites. La Figure 21 montre de quelle façon le financement des administrations locales a évolué depuis 1990.

Figure 21 - Recettes des administrations locales - Par source, 1999-2000

Des témoins ont proposé un certain nombre de solutions pour résoudre le problème du financement des villes. On a recommandé entre autres des transferts fédéraux directs aux municipalités, ou des transferts accrus aux provinces qui sont responsables des municipalités en vertu de la Constitution, de même que l’attribution aux municipalités d’une partie de la taxe d’accise fédérale de 10 cents le litre sur l’essence.

Plusieurs témoins ont souscrit au Rapport d’étape du Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines. L’une des principales propositions de ce rapport est que le gouvernement fédéral adopte une « lentille urbaine » permettant d’analyser la situation et d’élaborer des politiques. Le Groupe de travail a également pris acte de l’action positive du Secrétariat rural et du Partenariat rural canadien, deux entités qui ont vu le jour à la suite d’un processus de consultation exhaustif avec les Canadiens des milieux ruraux en 1997 et 1998.

Le Comité croit que la question du financement urbain est complexe étant donné les considérations qu’elle soulève quant aux champs de compétence et à la reddition de comptes. Néanmoins, à l’instar de la Canada West Foundation, qui nous a dit que le gouvernement fédéral devrait « axer davantage son rôle sur la stimulation d’un dialogue urbain au Canada et mieux tenir compte des répercussions des politiques fédérales en milieu urbain », nous croyons que la lentille urbaine mérite plus ample examen. Dans cette perspective, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 26

Que le gouvernement fédéral adopte la proposition faite par le Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines en ce qui concerne la création d’une « lentille urbaine », qui obligerait les ministères fédéraux à tenir compte des répercussions des grandes politiques gouvernementales sur les collectivités urbaines. En outre, le gouvernement devrait envisager la création d’une contrepartie urbaine au Secrétariat rural et au Partenariat rural canadien au sein d’Industrie Canada.

Appui aux régions rurales et éloignées

La capacité d’entretenir la salle communautaire ou de réparer les routes municipales est directement liée à la capacité d’une collectivité de stimuler le développement économique et de ne pas laisser prévaloir la dégradation et le déclin économique. (Association des municipalités du Manitoba, 30 août 2002)

La forte croissance démographique en milieu urbain s’est produite parallèlement à une diminution de la population rurale et éloignée du Canada, notamment dans les régions septentrionales éloignées des provinces. D’importantes répercussions financières en découlent : en règle générale, une diminution de la population entraîne en effet une baisse de la valeur des propriétés, ce qui signifie une assiette fiscale réduite et, partant, des recettes fiscales moindres. Il s’ensuit que les municipalités ont un moins large éventail de services à offrir, ce qui aggrave l’émigration normale vers les plus grands centres.

Un certain nombre d’analystes ont fait valoir que l’absence d’une forte croissance économique est au cœur du problème du dépeuplement rural. Le gagne-pain de nombreuses collectivités rurales dépend d’activités primaires comme l’agriculture, l’exploitation minière et l’exploitation forestière, secteurs de forte concurrence internationale. L’Alberta Association of Municipal Districts and Counties a signalé que « les municipalités rurales sont pertinemment conscientes de la nécessité de maintenir un secteur agricole viable, productif et concurrentiel ». La Fédération canadienne de l’agriculture, l’Association des déshydrateurs canadiens et la Canadian Hay Association ont tous exprimé des inquiétudes au sujet des problèmes qu’éprouve actuellement l’industrie de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Comme l’a fait observer le Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture, « l’éloignement des marchés est un problème important pour les agriculteurs des Prairies, du Nord et de certaines provinces de l’Atlantique. Les frais supplémentaires de transport peuvent faire pencher la balance entre un bénéfice et une perte62 ». Le problème est particulièrement aigu dans l’Ouest du Canada car l’élimination du tarif du Nid-de-corbeau (pour le transport ferroviaire des céréales) a entraîné une augmentation importante de l’acheminement de marchandises par camion, d’où une grave détérioration de l’infrastructure routière. S’il est vrai que les télécommunications pourraient aider les collectivités rurales et éloignées à diversifier leur économie en fonction d’Internet et d’autres industries axées sur les technologies, l’accès à Internet haute vitesse n’est toujours pas une réalité dans bon nombre de ces régions.

Plusieurs témoins, y compris la Northwest Territories Association of Municipalities, l’Association des municipalités du Nunavut, le Northern Development Board et la Northern Lights School Division ont décrit au Comité les problèmes particuliers auxquels font face les collectivités rurales et éloignées en ce qui concerne les infrastructures d’adduction d’eau et d’égout — ainsi que les autres infrastructures —, en partie parce qu’elles n’ont pas l’assiette fiscale qui leur permettrait de financer les coûts initiaux importants de services adéquats à ce chapitre et de répondre à d’autres besoins en matière d’infrastructures. Comme l’a signalé le Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture, « la capacité limitée des réseaux de distribution d’eau et de collecte des égouts peut restreindre les occasions de développement économique, y compris la production de denrées agricoles à valeur ajoutée63 ».

L’Association of Yukon Communities a indiqué au Comité que les 160 millions de dollars qu’elle a demandés pour consacrer à ses infrastructures non seulement « rendraient les collectivités du Yukon plus concurrentielles face à leurs voisins du Sud et du Nord », mais permettraient en outre de « remplacer des infrastructures hautement nécessaires, comme des routes et des réseaux d’adduction d’eau et d’égout, et de mettre en place des câbles optiques à haute vitesse et de construire un pont indispensable sur la rivière Yukon au Klondike ». Les Women Warriors de Sahtu ont également souligné l’importance des infrastructures pour ce qui est d’améliorer la qualité de vie dans les régions éloignées.

Ces dernières années, les collectivités rurales ont marqué certains progrès. Par suite de consultations menées en 1998 auprès des Canadiens, le gouvernement fédéral a créé une « lentille rurale » qui oblige les décideurs à tenir compte des répercussions des programmes gouvernementaux fédéraux sur les collectivités en question; ces consultations ont également donné lieu à la création du Secrétariat rural et du Partenariat rural canadien. Le Fonds des coopératives de travail, un projet pilote de 1,5 million de dollars de Développement des ressources humaines Canada qui investit dans des coopératives de travailleurs aux fins de la création et du maintien d’emplois, semble faire bon usage de la lentille rurale : 8 de ses 12 projets se déroulent dans des collectivités rurales. L’administrateur du fonds, la Fédération canadienne des coopératives de travail, cherche à obtenir 15 millions de dollars supplémentaires pour assurer la viabilité du projet pilote à long terme. Toutefois, il n’est pas certain que les collectivités du Nord ont connu le même progrès et il convient de leur consacrer davantage d’énergie afin qu’elles et leurs citoyens deviennent des participants à part entière au sein de l’économie et de la société canadienne.

Le Comité croit que toutes les collectivités du pays — urbaines, rurales et éloignées — ont des besoins qu’il faut satisfaire. Nous devons veiller à ce que les besoins de toutes les régions soient pris en compte, sans perdre de vue la situation particulière des régions rurales et éloignées. Il faut également reconnaître que la nature et le stade du développement économique des collectivités rurales et éloignées varient grandement, ce que doivent refléter les politiques et programmes. Dans cette perspective, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 27

Que le gouvernement fédéral veille à ce que les besoins des collectivités rurales et éloignées fassent l’objet d’une attention adéquate. En outre, le gouvernement devrait consacrer des ressources aux efforts de développement économique des collectivités éloignées du Nord du pays.

Soutien des infrastructures

Les Canadiens ont besoin d’eau saine, de systèmes d’élimination sécuritaire des déchets, d’autoroutes fiables et d’un système ferroviaire national plus efficace. Le déficit canadien en matière d’infrastructures et la dette cumulative à ce chapitre devraient être considérés comme un handicap aussi lourd que la dette budgétaire nationale et être traités avec le même sentiment de priorité et d’urgence, car ils ont une incidence directe sur la vie des gens. De fait, le déficit des infrastructures pourrait avoir de plus grandes répercussions sur la santé, la sécurité et le bien-être des Canadiens.  (Association des ingénieurs-conseils du Canada, 9 septembre 2002)

L’histoire et la prospérité économique du Canada ont toujours été liées à ses infrastructures : voies navigables, canaux, ports, chemins de fer, ponts, postes frontaliers, aéroports et routes. Toutefois, des témoins ont dit au Comité que les compressions budgétaires imposées à tous les échelons du gouvernement, dans les années 1990, ont entraîné un grave déficit au chapitre des infrastructures qui ne pourra que
s’aggraver, et devenir plus coûteux, avec le temps si l’on ne prend pas rapidement les mesures qui s’imposent.

Selon la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada, « les Canadiens gaspillent du carburant, du temps et de l’argent, ce qui met en danger leur santé et leur environnement, de sorte qu’ils deviennent moins compétitifs dans la nouvelle économie mondiale. La détérioration des infrastructures augmente inutilement les coûts des entreprises canadiennes et a une incidence négative sur notre capacité concurrentielle, d’où un repli de la demande pour les produits canadiens ». La Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec a par ailleurs fait valoir au Comité que « l’accélération de la dégradation des infrastructures se poursuit et menace de plus en plus la qualité de vie des citoyens ainsi que la compétitivité du Québec. Les accroissements de coûts engendrés par les retards sont tels qu’ils constituent un enjeu central pour les finances publiques. » La Trans-Canada #1 West Association a indiqué que les programmes fédéraux d’infrastructures — dans le cadre du Programme des travaux d’infrastructure du Canada, un programme quinquennal de 2,05 milliards de dollars créé en 2000, et du Fonds sur l’infrastructure stratégique de 2 milliards de dollars établi dans le budget de 2001 — sont insuffisants et que les fonds sont versés trop lentement.

Même si un financement adéquat était disponible, il faudrait néanmoins choisir avec soin les projets d’infrastructure devant bénéficier des fonds. Par exemple, les collectivités rurales et éloignées ont besoin en priorité d’autoroutes, de liens ferroviaires et, dans certains cas, de services portuaires et aériens afin de compenser leur éloignement des marchés. Les collectivités urbaines ont des besoins semblables, mais il leur faut également un système efficace et bon marché de transport en commun afin de résoudre les problèmes de circulation que crée le va-et-vient des gens entre leur maison et leur lieu de travail.

Le Greater Vancouver Gateway Council a indiqué au Comité que la saturation du réseau routier coûte à la région de Vancouver entre 700 millions de dollars et 1,3 milliard de dollars par année, car il ralentit les envois de marchandises à destination et en provenance des agriculteurs des Prairies, de l’industrie pétrochimique, des points de vente au détail et des industries des ressources naturelles. D’après cet organisme, les problèmes « résultent d’investissements insuffisants depuis de nombreuses années dans les infrastructures ». La Greater Vancouver Transportation Authority a indiqué au Comité qu’il est essentiel de résoudre ces problèmes pour que le Canada continue d’avoir accès aux marchés d’Asie et des pays côtiers du Pacifique en particulier. Go Transit, l’organisme qui fournit le transport par train et par autobus dans la Région du Grand Toronto et Hamilton, a déclaré au Comité que sans ses services Toronto aurait besoin de quatre autoroutes Don Valley Parkway (la principale artère nord-sud de Toronto) additionnelles. Ses représentants nous ont demandé de recommander que le gouvernement fédéral finance Go Transit à hauteur de 34 millions de dollars par année.

Le Comité observe que le transport en commun urbain n’équivaut pas nécessairement à transporter les gens entre le centre-ville et les banlieues. D’après Statistique Canada : « Ce que nous appelions auparavant les banlieues ou banlieues dortoirs ne sont certainement plus des localités dortoirs; ce sont des pépinières à emploi. Cela a de nettes répercussions sur des éléments comme le déplacement jusqu’au lieu de travail. Les tendances en matière de transport dans une grande région comme celle-ci ne s’articulent plus uniquement selon la polarité entre la banlieue et le centre-ville; elles sont beaucoup plus compliquées. »

On n’a cessé de répéter au Comité que les besoins du pays en matière d’infrastructures ne pouvaient être satisfaits que grâce à un financement stable à long terme qui compléterait ou remplacerait celui consenti dans le cadre du Programme des travaux d’infrastructure du Canada et du Fonds sur l’infrastructure stratégique. Cette recommandation est venue notamment de la Ville de Calgary, de la Fédération canadienne des municipalités, de l’Association des municipalités du Manitoba, de l’Association canadienne du ciment et de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec. Le Rapport d’étape du Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines fait également cette recommandation dans son rapport.

Le Comité a également entendu d’autres propositions moins ambitieuses qui représenteraient un début de solution à certains besoins du pays en matière d’infrastructures. L’Association canadienne du transport urbain (ACTU) et le National Task Force to Promote Employer-Provided Tax-Exempt Transit Passes, par exemple, ont proposé que nous recommandions de faire des laissez-passer de transport en commun fournis par l’employeur un avantage non imposable. D’après l’ACTU, sa proposition réparerait une injustice du régime fiscal actuel permettant que le stationnement fourni par l’employeur, qui encourage les particuliers à conduire leur véhicule jusqu’au travail et contribue de ce fait aux problèmes de congestion, soit de facto subventionné par le régime fiscal car les employés ne calculent pas normalement cet avantage dans leur revenu, même si en théorie ils le devraient.

En ce qui concerne les collectivités rurales et éloignées, le Comité a entendu un certain nombre de propositions de changement, y compris des recommandations visant à éliminer la taxe d’accise de 10 cents le litre sur l’essence et la taxe d’accise de 4 cents le litre sur le carburant diesel pour les agriculteurs, un plan pour la création d’un programme qui aiderait les régions à développer des industries génératrices de valeur ajoutée ainsi qu’une proposition visant une initiative nationale de services à large bande.

Le Comité croit que ces recommandations sont valables, mais il estime que la priorité du gouvernement fédéral — compte tenu de l’actuelle situation budgétaire — doit être le financement à long terme des infrastructures du pays. Les témoins ont présenté différents chiffres sur le financement nécessaire, mais nous hésitons à recommander une somme précise. Il nous semble plutôt impératif de veiller à ce que le financement soit adéquat et stable afin de permettre la planification à long terme qui est souvent nécessaire dans les projets d’infrastructures. Pour cette raison, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 28

Que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les autres parties prenantes, élabore et mette en œuvre rapidement un plan d’infrastructures à long terme et adéquatement financé, en mettant d’abord l’accent sur les déficiences aux chapitres des transports ainsi que des réseaux d’adduction d’eau et d’égout.

En outre, de l’avis du Comité, il importe que le mécanisme d’attribution des fonds dans le cadre de tout plan d’infrastructures ne tienne pas compte uniquement de la population, car le financement par habitant est souvent désavantageux pour certaines collectivités, entre autres celles du Nord canadien. Les besoins des collectivités varient et ce fait doit être reconnu. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 29

Que le gouvernement fédéral s’assure que le plan d’infrastructures élaboré en collaboration avec les parties prenantes intègre un mécanisme d’attribution des fonds ne tenant pas compte uniquement de la population, mais traduisant les besoins stratégiques et de développement uniques des collectivités. En outre, ce sont les besoins et le développement économique, plutôt qu’une stricte formule de financement par habitant, qui devraient déterminer les montants attribués aux collectivités rurales et du Nord.

L’environnement

 La santé de nos agglomérations urbaines nous préoccupe de plus en plus. Ces préoccupations font ressortir la nécessité de s’attaquer aux problèmes des sites contaminés, particulièrement dans les centres urbains. Le réaménagement de ces sites, habituellement à des fins commerciales, non seulement accroît l’assiette fiscale des municipalités en cause, mais favorise aussi la densification urbaine et la revitalisation du cœur des centres-villes. (Alberta Real Estate Association, 6 novembre 2002)

Les tendances démographiques des dernières années se répercutent d’une façon marquée sur l’environnement. Lorsque la ville commence à empiéter sur la campagne, l’environnement en subit les conséquences négatives. La congestion accrue lors des déplacements entre le domicile et le lieu de travail engendre des répercussions importantes sur la qualité de l’air et les émissions de gaz à effet de serre. De plus, la perte d’espace vert à la périphérie des villes est également une source de préoccupations. Comme l’ont signalé les représentants de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère, « l’activité humaine a fait augmenter d’une façon saisissante la présence de dioxyde de carbone et des autres gaz à effet de serre au cours du dernier siècle, contribuant à exacerber le réchauffement de la planète ». Des groupes comme la Fédération canadienne de la nature, la Coalition du budget vert et le Fonds mondial pour la nature ont abordé une autre question, qui revêt également de l’importance : les parcs. Ces groupes ont appuyé l’engagement pris dans le discours du Trône de septembre 2002 au sujet de la création de plusieurs parcs nationaux et ont demandé que le gouvernement fédéral affecte les ressources financières afin que cet engagement soit mené à bien.

Par contre, le dépeuplement des collectivités rurales a réduit l’assiette fiscale, ce qui restreint les crédits affectés aux services, y compris au traitement des eaux usées. Dans le même ordre d’idées, les collectivités rurales et éloignées font peut-être davantage preuve de laxisme dans l’application des règlements sur l’environnement et le zonage, étant donné qu’elles ont besoin de l’activité industrielle et de populations durables.

Le milieu marin occasionne également des préoccupations environnementales au Canada. Comme l’ont souligné les représentants du Vancouver Aquarium Marine Science Centre au Comité, « nous sommes d’avis que nous pouvons améliorer la prospérité économique et la qualité de vie en trouvant de nouvelles façons de collaborer pour exploiter nos remarquables milieux océaniques et aquatiques ainsi que pour assurer leur viabilité ».

Le Comité a entendu plusieurs propositions permettant de s’attaquer à ces préoccupations environnementales. Entre autres groupes, la Société canadienne pour la conservation de la nature a proposé que le gouvernement  fédéral ait recours au régime fiscal pour « encourager les Canadiens à participer à la conservation de notre patrimoine naturel canadien », en l’occurrence en faisant don de terres écosensibles. La Saskatchewan Agrivision Corporation a recommandé une stratégie et un plan d’action axés sur l’éthanol, ce qui favoriserait également l’aménagement rural. L’Association canadienne du ciment a proposé que le gouvernement fédéral compense les provinces pour les coûts de construction initiaux supplémentaires découlant de l’utilisation du béton. L’Association a démontré que, même s’il coûte plus cher initialement, le béton dure plus longtemps que l’asphalte et entraîne des coûts d’entretien inférieurs, tout en améliorant l’efficience énergétique.

Les technologies liées à l’énergie environnementale représentent un nouveau domaine important tant sur le plan environnemental qu’économique. Le Comité a entendu les témoignages de plusieurs sociétés et organisations canadiennes qui sont des chefs de file dans leurs domaines : de Piles à combustible Canada et de la Global Thermoelectric Inc., qui parlent au nom d’entreprises de pointe proposant des solutions de rechange à l’énergie axée sur les ressources en carbone, à Automation Tooling Systems Inc. (ATS), société fabriquant des dispositifs dans le domaine de l’énergie solaire. Cette dernière a signalé au Comité que l’énergie solaire pourrait aider le gouvernement fédéral à respecter ses objectifs dans le cadre du Protocole de Kyoto. Elle a également exhorté le gouvernement à participer à l’élaboration de lignes de conduite dont pourraient se servir les organismes provinciaux de réglementation pour veiller à ce que les petits réseaux commerciaux puissent « s’intégrer » au grand réseau de distribution énergétique. Ces sociétés et organisations ont fait valoir que le gouvernement devrait aider le développement et la promotion de ces technologies, en apportant un soutien financier et en utilisant ces technologies.

Des témoins ont abordé la question des sources provenant de l’hydrogène et de l’énergie solaire, mais le Comité a également été saisi de recommandations portant sur d’autres énergies de remplacement, comme l’énergie éolienne. Selon la Clean Air Renewable Energy Coalition, le gouvernement fédéral devrait faire passer l’encouragement à la production d’énergie éolienne (EPEE) de 1,2 à 2,7 cents le kilowatt-heure en 2000-2003 pour « s’assurer que l’énergie éolienne reçoit les investissements pertinents et que nos stratégies sont harmonisées avec celles des États-Unis ». Selon Ressources naturelles Canada, le programme EPEE du gouvernement vise à « aider l’industrie éolienne à se tailler une place solide sur le marché concurrentiel de la production d’électricité d’ici 2008-2012, en fonction du délai fixé par le Protocole de Kyoto64 ». Comme nous l’avons déjà signalé, nous pourrions également envisager de promouvoir le recours à l’éthanol comme source d’énergie.

Vert l’action, organisation philanthropique dont l’objectif consiste à encourager la pratique d’activités physiques en plein air, a recommandé que le gouvernement fédéral affecte 7 % de son budget des infrastructures à la mise en place d’une « infrastructure de transport actif », comme des trottoirs, des pistes cyclables, des bandes cyclables, des sentiers et des mécanismes facilitant le passage d’un mode de transport à un
autre — notamment pouvoir attacher une bicyclette à un autobus. Conservation Ontario, groupe qui se consacre à la protection des bassins hydrologiques de l’Ontario, particulièrement les Grands Lacs, a demandé au Comité de recommander un investissement fédéral de 100 millions de dollars en cinq ans pour mettre en œuvre un programme afin d’« assurer la santé des Grands Lacs ».

Plusieurs témoins ont recommandé que le gouvernement fédéral offre des encouragements pour aider les collectivités et les entreprises privées à aménager leurs « friches » industrielles ou commerciales : zones qui ont été désaffectées, abandonnées ou sous-utilisées à cause de problèmes environnementaux. Dans bien des cas, ces friches se trouvent dans les centres-villes des grands centres métropolitains. Ces mesures contribueraient à réduire le problème de l’expansion tentaculaire et pourraient restreindre les émissions de gaz à effet de serre. De plus, elles permettraient aux communautés urbaines d’accroître leur assiette fiscale et de revitaliser les quartiers.

La Ville de Hamilton a indiqué au Comité qu’elle appuyait la recommandation que proposera la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie et qui demanderait au gouvernement fédéral de favoriser le réaménagement des friches industrielles :

 en accordant des incitatifs fiscaux qui permettraient de déduire entièrement les dépenses de restauration, l’année où celles-ci sont engagées;
 en offrant des prêts et des subventions pour la tenue d’études environnementales et le nettoyage des sites contaminés;
 en garantissant les hypothèques dans le cadre des projets de restauration des friches résidentielles, industrielles et commerciales admissibles.

Le Comité a également tenu compte de la conclusion du Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture65 :

Il existe des possibilités non négligeables de réduire les émissions de gaz à effet de serre au moyen de pratiques exemplaires de gestion des terres agricoles. Le blocage des terres et les programmes d’établissement de couverture végétale permanente renforcent notre potentiel de séquestration du carbone et peuvent aider le Canada à honorer les obligations contractées à Kyoto. L’Administration du rétablissement agricole des Prairies administre le Programme de pâturages communautaires, le Programme de l’aménagement hydraulique rural et le Programme des brise-vent. Des programmes semblables devraient s’étendre au reste des régions agricoles du Canada.

Le Comité constate que le gouvernement fédéral a déjà mis en œuvre plusieurs initiatives « écologiques », dont le Fonds d’habilitation municipale vert et le Fonds d’investissement municipal vert. Appuyant les projets sur l’économie d’énergie et d’eau, ces fonds ont permis, jusqu’à présent, de stimuler efficacement les travaux d’habilitation et les investissements à l’échelon communautaire dans le cadre de plus d’une centaine de projets : économie d’eau et d’énergie, systèmes énergétiques communautaires, transport en commun, détournement des déchets et sources d’énergie renouvelable, etc.

Le Comité est d’avis que bien des propositions formulées par les témoins sont novatrices et que le gouvernement fédéral devrait les examiner de plus près. Parmi les propositions déjà mentionnées, nous penchons davantage pour le réaménagement des friches, le programme visant à assurer la « santé des Grands Lacs » et la mise en valeur de sources d’énergie de substitution. Mettre l’accent notamment sur le réaménagement des friches nous permettrait de nous attaquer à certains des problèmes découlant de l’urbanisation accrue et de la nécessité de revitaliser les noyaux urbains, tout en contribuant à minimiser l’effet du « trou de beigne » dans les villes. C’est pour cette raison que le Comité recommande :

RECOMMANDATION 30

Que le gouvernement fédéral se réunisse avec les parties prenantes pour élaborer un plan de réaménagement des friches. On devrait envisager d’accorder des incitatifs fiscaux, des prêts, des subventions et des garanties d’hypothèque, initiatives qui seraient financées par la réaffectation de dépenses actuelles de l’État.

En outre, le Comité croit qu’il faut protéger nos ressources hydriques au profit des générations de demain. C’est pourquoi il recommande :

RECOMMANDATION 31

Que le gouvernement fédéral prenne des mesures immédiates pour garantir la viabilité écologique des Grands Lacs.

Enfin, le Comité est aussi d’avis que, pour diverses raisons, des programmes et des incitatifs sont indispensables pour appuyer la mise au point, la commercialisation et l’utilisation de sources d’énergie de substitution. Il recommande donc :

RECOMMANDATION 32

Que le gouvernement fédéral se penche sur les politiques et les mesures nécessaires pour promouvoir la mise au point et l’utilisation de sources d’énergie de substitution.

Même si le Comité croit que les sources d’énergie renouvelable et de substitution sont importantes, il est peu probable qu’elles aident de façon importante le Canada à atteindre les objectifs de Kyoto à court et à moyen termes. Dans le même ordre d’idées, l’amélioration du transport en commun et des infrastructures ne constitue qu’un aspect de la solution globale. Pour atteindre les objectifs fixés à Kyoto, le gouvernement fédéral doit, selon nous, négocier des ententes sectorielles réalistes avec les principales industries et respecter son engagement de répartir uniformément les coûts d’adaptation. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 33

Que le gouvernement fédéral se réunisse sous peu avec les parties prenantes en vue de conclure des ententes sectorielles pour la concrétisation des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En adoptant les mesures pour réduire ces émissions, le gouvernement doit prendre tous les moyens nécessaires afin de protéger et d’améliorer les niveaux d’investissement, l’activité économique ainsi que l’emploi.

Dons de charité et bénévolat

Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour aider nos universités, nos hôpitaux, nos organisations vouées aux arts, nos organismes de services sociaux et nos centres de recherche à obtenir davantage d’argent du secteur privé? Comment le gouvernement peut-il y parvenir en réduisant le moins possible ses recettes fiscales? La réponse est simple : éliminer le taux d’inclusion des gains en capital pour les dons de valeurs mobilières cotées en bourse. (Donald Johnson, 6 novembre 2002)

Le secteur bénévole joue un rôle de plus en plus essentiel à la qualité de vie des Canadiens. L’Association of Fundraising Professionals a signalé ceci au Comité : « Le secteur bénévole canadien vise à promouvoir la qualité de vie de tous les Canadiens. […] Pour y parvenir, il a cependant besoin de plus de moyens financiers. […] Le financement public a diminué au cours des dernières années.»

Le gouvernement fédéral a essayé d’alléger le fardeau financier que supportaient les organismes de bienfaisance à la suite de la réduction du financement direct, d’abord en adoptant, en 1997, une mesure pour modifier le taux d’inclusion des gains en capital pour les dons de valeurs mobilières cotées en bourse à des organismes de bienfaisance. Il l’avait fixé à la moitié du taux pour les autres gains. Une mesure analogue a été adoptée à l’égard des dons de terres écosensibles dans le budget de 2000. Pour l’année 2001 et les années ultérieures, cela signifie que le donateur doit inclure dans son revenu 25 % des gains en capital découlant du don de valeurs mobilières cotées en bourse ou de terres écosensibles à un organisme de bienfaisance, au lieu du taux de 50 % qui aurait été en vigueur sans cette mesure.

Cette modification du taux d’inclusion semble avoir remporté un certain succès. Une enquête effectuée par Deloitte & Touche auprès de 471 organismes de bienfaisance a fait ressortir que, en 1999,  ceux-ci avaient reçu en moyenne 251 626 $ en dons de valeurs mobilières cotées en bourse, soit presque 20 fois la moyenne de 13 022 $ en 1996, année précédant l’entrée en vigueur du taux d’inclusion inférieure66. Un peu plus tôt cette année, le ministère des Finances a fait remarquer que la croissance des dons de valeurs mobilières cotées en bourse aux organismes de bienfaisance enregistrés était beaucoup plus rapide que celle des dons totaux entre 1987 et 200067. La Hospital for Sick Children Foundation a parlé au Comité d’une situation propre à tous les organismes de bienfaisance :

Lorsque l’exemption initiale pour gains en capital a été annoncée en 1997, [nous] nous trouvions en plein cœur d’une campagne de collecte de fonds pour accroître la fondation de l’Hôpital. […] Dans l’année précédant l’exemption, c’est-à-dire en 1996, nous avons pu obtenir trois dons de valeurs mobilières totalisant 1 266 810 $. L’année suivante, leur nombre a triplé pour s’établir à 12, et le total recueilli est monté en flèche, s’élevant à 8 445 895 $.

Le succès de cet encouragement fiscal a amené le gouvernement fédéral à rendre cette mesure permanente, alors qu’elle devait prendre fin le 31 décembre 2001 initialement.

Malgré ces avantages, les organismes de bienfaisance ont signalé au Comité que d’autres mesures pouvaient et devraient être adoptées, la première consistant en l’élimination de l’impôt résiduel sur les dons de valeurs mobilières. Comme le Sommet canadien des Arts l’a indiqué, une telle modification apportera un traitement uniforme entre le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni. Selon les chiffres du ministère des Finances, l’élimination complète du taux d’inclusion entraînera une dépense fiscale variant entre 15 millions de dollars et 73 millions de dollars, selon le montant des dons supplémentaires que cette mesure entraînerait68.

Certains témoins, comme les représentants de l’Asper Foundation, de la CanWest Global Foundation et le Conseil pour le Monde des Affaires et des Arts du Canada, ont fait valoir que les fondations privées, qui n’étaient pas visées par la modification de 1997 du gouvernement fédéral, devraient également avoir droit à toute autre réduction du taux d’inclusion. Les représentants de Fondations philanthropiques Canada ont indiqué au Comité que, en 2000, environ 84 % des 1 684 fondations subventionnaires appartenaient à des familles. Ils ont ajouté que les fondations privées doivent satisfaire à bon nombre des exigences de déclaration auxquelles sont astreintes les fondations publiques, et qu’elles sont « assujetties à diverses restrictions de la Loi de l’impôt sur le revenu afin de prévenir que les donateurs n’abusent des fondations pour leur compte […] ».

Des témoins ont également proposé au Comité que le gouvernement fédéral étende la portée des dispositions régissant les valeurs mobilières cotées en bourse à tous les genres de biens immobiliers et non pas uniquement aux terres écosensibles. L’Association canadienne des professionnels en dons planifiés a précisé ceci au Comité : « Les biens immobiliers constituent les biens détenus par le plus de Canadiens mais sont pourtant rarement donnés à des organismes de bienfaisance. Les biens immobiliers représenteront une source importante de dons qui profiteront aux organismes de bienfaisance et à l’ensemble des Canadiens. »

Dans le même ordre d’idées, des témoins ont fait valoir au Comité que le gouvernement fédéral devrait exonérer complètement de l’impôt sur les gains en capital les dons de terres écosensibles, ce qui signifie un taux d’inclusion de zéro et que l’exemption devrait viser également les terrains urbains qui sont importants sur les plans social et historique mais qui ne sont peut-être pas essentiels sur le plan environnemental.

Evergreen Common Grounds, organisme de bienfaisance voué à l’accroissement des espaces verts dans les villes, a signalé au Comité que cette dernière modification serait « un outil très rentable permettant l’acquisition de terres dans l’intérêt public. […] Le coût d’acquisition mesuré en recettes fiscales perdues équivaudrait tout au plus à
25 % de la juste valeur marchande des terres ». Escarpment Biosphere Conservancy, groupe représentant 82 fiducies foncières au Canada, a fait écho à cette proposition. Ses représentants nous ont fait valoir que, depuis l’entrée en vigueur du taux d’inclusion réduit sur les dons de terres écosensibles, « nos fiducies foncières ont connu une croissance importante. D’ici Noël, nous devrions avoir créé environ 20 réserves naturelles de plus de 1 400 acres, ce qui aurait été impossible sans les diminutions de l’impôt sur les gains en capital ».

Plusieurs témoins, dont ceux du Groupe directeur du secteur bénévole et de Fondations communautaires du Canada, ont également exhorté le Comité à recommander des modifications qui permettraient aux organismes de bienfaisance de s’engager plus activement dans l’élaboration des politiques sans perdre leur statut. Le Centre canadien de philanthropie a indiqué au Comité que « plaider plus activement constitue souvent le moyen le plus efficace dont dispose un organisme de bienfaisance pour s’acquitter de sa mission, comme l’ont bien démontré des organisations telles que Amnistie Internationale, Les mères contre l’alcool au volant et la Société canadienne du cancer, notamment ».

Nous le répétons : le Comité est d’avis que le secteur bénévole est un élément important pour procurer aux Canadiens une qualité de vie supérieure, qui pourrait être encore améliorée grâce à l’aide accordée par le gouvernement fédéral aux fondations publiques et privées. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 34

Que le gouvernement fédéral modifie la Loi de l’impôt sur le revenu pour éliminer le taux d’inclusion des gains en capital pour les dons de valeurs mobilières cotées en bourse à des organismes de bienfaisance, y compris à des fondations privées.

Le Comité estime également justifiées les propositions formulées par certains témoins et recommandant d’étendre la portée de ces dispositions aux biens immobiliers et aux terres. Une telle modification ferait accroître vraisemblablement les dons effectués par les Canadiens. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 35

Que le gouvernement fédéral étudie la faisabilité d’assujettir les dons de biens immobiliers et de terres aux dispositions régissant le taux d’inclusion des gains en capital s’appliquant aux dons de valeurs mobilières cotées en bourse. Cette étude devrait viser à mettre le tout en vigueur progressivement, dans la mesure du possible.

Finalement, le Comité est d’avis que le secteur bénévole devrait être considéré comme un intervenant dans l’élaboration des politiques au Canada. Une telle participation permettrait de reconnaître le rôle important que le secteur joue. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 36

Que le gouvernement fédéral encourage un dialogue suivi entre les ministères pertinents et le secteur bénévole sur la façon dont ce dernier pourrait le mieux participer à l’élaboration des politiques sans que ses membres ne perdent leur statut d’organisme de bienfaisance.

La culture et le tourisme

Rien n’est plus essentiel ni plus inhérent à la vie humaine que la culture d’un peuple. L’art sert de moyen principal de communication depuis l’apparition de l’homme sur terre et constitue, par conséquent, le principal héritage que nous léguerons aux futures générations. (Conférence canadienne des arts, 9 septembre 2002)

La culture favorise beaucoup la qualité de vie des Canadiens. Elle permet de nous exprimer, que ce soit dans les livres, au théâtre, à la télévision, à la radio, par les autres formes d’art, dans les musées ou par d’autres moyens. Le Conseil ethnoculturel du Canada a signalé que la politique multiculturelle du Canada permet partiellement cette expression. Les représentants du Conseil ont fait valoir au Comité que « la réalité de notre multiculturalisme actuel, comme celle de notre dualité linguistique, joue un rôle important dans l’affirmation de notre identité nationale — c’est une affirmation de ce que nous sommes comme peuple et c’est un aspect important de notre âme nationale ».

Figure 22 : L'apport de chaque segment du secteur culturel à la production culturelle total, 1996-1997

Pour des raisons économiques et sociales, le soutien de nos industries culturelles constitue depuis longtemps un objectif du gouvernement fédéral. Statistique Canada a indiqué que, en 1996-1997 (dernière année pour laquelle ces données sont disponibles), les industries culturelles représentaient 3,1 % du PIB canadien, soit 22,5 milliards de dollars. Elles employaient presque 641 000 personnes, soit 4,8 % de la main d’œuvre totale. Les dépenses fédérales en matière de culture s’élevaient à 2,7 milliards de dollars en 1997-1998, soit presque 8 % de moins qu’en 1990-199169. La Figure 22 montre l’apport de chaque segment du secteur culturel à la production culturelle totale.

Selon KPMG, le montant de 200 millions de dollars accordé par le Fonds canadien de télévision à l’industrie de radiodiffusion et production a généré des activités d’une valeur supérieure à 600 millions de dollars et a entraîné la création de 16 000 emplois directs et indirects. De plus, le Fonds finance respectivement plus de 40 % et
de 50 % des principales émissions des réseaux anglophone et francophone. Lors de leur comparution devant le Comité, les représentants de l’Association canadienne de production de films et de télévision ont indiqué que leurs membres sont aux prises avec des retards dans l’autorisation des projets et la réception du remboursement des crédits d’impôt, ce qui leur cause des problèmes financiers. Ils ont ajouté que les solutions sont lentes à venir.

Les édifices du patrimoine constituent un autre aspect important de la vie culturelle canadienne. Cependant, des témoins ont signalé au Comité que le nombre de ces édifices diminue rapidement et qu’il faut offrir des incitatifs pour mettre fin à cette tendance. Selon le mémoire présenté par la Fondation Héritage Canada, nous avons perdu entre 21 et 23 % de nos bâtiments historiques entre 1970 et 2000. Récemment, le gouvernement fédéral est intervenu. En juin 2002, la ministre du Patrimoine canadien Sheila Copps a décrit la première étape de l’Initiative du gouvernement fédéral sur les endroits historiques de 24 millions de dollars. Cette initiative comporte un registre national des édifices du patrimoine, des normes et des lignes de conduite nationales régissant la conservation ainsi qu’un processus d’autorisation.

Les musées représentent un autre élément important de notre patrimoine. Non seulement les musées donnent aux Canadiens un point de vue historique et culturel essentiel, mais bien des édifices abritant des musées ont également une portée historique et architecturale. Environ 2 300 musées canadiens rehaussent quotidiennement notre qualité de vie. Cependant, l’Association des musées canadiens a fait valoir au Comité que les musées avaient tendance à se retrouver vers le bas de la liste des priorités, venant après les soins de santé, l’infrastructure et l’impôt. Par conséquent, l’aide financière a diminué d’environ 15 % depuis 1991-1992, alors que les coûts d’exploitation ont augmenté de 20 %. Pour tenter de rétablir la situation, le ministère du Patrimoine canadien a annoncé, en 2001, un programme triennal de 300 millions de dollars pour appuyer le secteur culturel. L’Association a ajouté qu’elle se réjouissait de ces nouveaux crédits, mais elle avait l’impression d’être paralysée par l’évolution constante dans les priorités du gouvernement ainsi que par le grand nombre d’objectifs, de priorités et de structures de financement des programmes culturels du Ministère qui se chevauchent, qui sont complexes et qui sont contradictoires. Elle nous a demandé de recommander que le gouvernement dote la planification des programmes du patrimoine d’un cadre plus cohérent afin de garantir une répartition efficace des fonds parmi les établissements en ayant besoin.

Les écrivains font également partie de la mosaïque culturelle canadienne. Selon le mémoire présenté par The Writer’s Union of Canada, « nous relatons, nous racontons, nous amusons et nous faisons ressortir le génie créatif de notre pays afin que, au bout du compte, celui-ci devienne un endroit où il est beaucoup plus agréable de travailler et de vivre ». Certains écrivains gagnent très peu. L’organisme a estimé que le revenu net moyen des écrivains s’établissait à 11 480 $ en 1998. Si les écrivains touchaient ce revenu comme un salaire normal, ils paieraient très peu d’impôt. Cependant, le revenu des écrivains a tendance à être plus sporadique, fluctuant au gré des avances sur leurs livres et des chèques de redevances qui souvent ne traduisent pas les heures consacrées à écrire un livre, une pièce, un article ou un poème. L’organisme a donc demandé au Comité de recommander des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu pour permettre aux créateurs d’étaler leur revenu sur plusieurs années. Les écrivains pourraient ainsi étaler, sur plusieurs années, leurs revenus tirés des avances et des redevances sur leurs livres, ce qui réduirait l’impôt à payer. L’organisme a également préconisé d’accorder une déduction pour redevances de droits d’auteur, ce qui permettrait de déduire le revenu « créatif » du revenu total, jusqu’à un maximum déterminé.

Le Comité comprend ce que le secteur culturel canadien peut subir en raison de la place qu’il occupe dans l’ordre des priorités par rapport aux soins de santé, à l’impôt et à l’infrastructure. Nous ne devons pas oublier l’apport du secteur culturel à notre qualité de vie. Cela étant dit, nous devons choisir judicieusement parmi les recommandations, appuyant celles qui semblent entraîner le plus d’avantages au moindre coût et le moins de répercussions possible sur la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le Comité est d’avis que les recommandations formulées par l’Association des musées canadiens satisfont à ces critères. Nos musées jouent un rôle important en améliorant la qualité de vie des Canadiens et en stimulant notre industrie touristique. Pour que nos musées améliorent le plus possible notre qualité de vie et notre prospérité économique, ils doivent recevoir l’aide financière nécessaire en vertu d’un mécanisme garantissant que les fonds seront accordés aux établissements en ayant le plus besoin. En outre, le Comité croit que nous devons absolument agir dès maintenant afin de préserver nos édifices du patrimoine au profit des générations de demain. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 37

Que le gouvernement fédéral affecte les ressources pertinentes pour conserver nos édifices historiques et financer les musées canadiens.

Secteur important de l’économie canadienne, le tourisme a beaucoup souffert des attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis. On a mentionné au Comité que l’industrie continuait à se remettre de ce choc. Comme l’a indiqué l’Association des hôtels du Canada, « nous sommes en train d’obtenir de bons résultats, attribuables en grande partie à la contribution ponctuelle de 20 millions de dollars que le gouvernement fédéral a consacrée aux efforts de commercialisation par le truchement de la Commission canadienne du tourisme [annonce faite avant le Budget de 2001] ».

Le Comité croit que le tourisme contribue tant à notre prospérité économique qu’à notre qualité de vie. De même, nous pensons que l’investissement fédéral de 20 millions de dollars dans la Commission canadienne du tourisme a constitué un appui indispensable et créé des avantages dépassant la valeur de la mise de fonds. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 38

Que le gouvernement fédéral continue d’appuyer la Commission canadienne du tourisme.


58Le  Canada  que  l’on  veut, discours  du  Trône, 30 septembre 2002, disponible  à :
www.pco-bcp.gc.ca/sft-ddt/hnav07_f.htm
59Rapport d’étape du Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines, Sommaire, avril 2002, p. v.
60Calculs de la Bibliothèque du Parlement.
61Calculs de la Bibliothèque du Parlement.
62Groupe de travail libéral du premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture, Rapport d’étape, p. 17. Voir : www.liberal.parl.gc.ca/agriculture/press_release_mar29_f.htm.
63Ibid.
64Ressources naturelles Canada, Encouragement à la production d’énergie éolienne : 1 000 mégawatts d’énergie  éolienne  au  cours  des  cinq  prochaines  années.
Voir : www.canren.gc.ca/programs/index_f.asp?CaId=107&PgId=622.
65Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture, Rapport d’étape, p. 19.
66Deloitte & Touche, Survey  of  Gifts  of Publicly-listed Securities, rapport  final, août 2000.
Voir : www.afptoronto.org/resources/deloitte_touche_report.html.
67Ministère  des  Finances,  Dépenses  fiscales  et  évaluation  2002.
Voir : www.fin.gc.ca/toce/2002/taxexp02_e.html.
68Ibid., p. 68.
69Les données sur les industries culturelles canadiennes sont tirées de la publication de Statistique Canada  87-211 XPB : La culture canadienne en perspective : aperçu statistique (2000).