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FINA Rapport du Comité

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CHAPITRE HUIT — PRIORITÉ :
AIDER LES PLUS VULNÉRABLES

La croissance économique ne saurait à elle seule régler le problème de la pauvreté des enfants et des familles. Un leadership de la part du gouvernement et des politiques gouvernementales efficaces s’imposent pour que la prospérité économique soit partagée plus équitablement et que tous les Canadiens jouissent d’un meilleur niveau de vie. (Campaign Against Child Poverty, 9 septembre 2002)

Le Comité croit en l’importance d’une productivité accrue et de l’innovation — et partant, de la prospérité économique — objectifs qu’il est possible d’atteindre en modifiant le régime fiscal, en adoptant les politiques et pratiques appropriées et en investissant dans les soins de santé et nos collectivités. Mais il constate également que la prospérité de la nation et la qualité de vie de ses citoyens reposent sur la capacité de tous les Canadiens de participer véritablement à la vie économique. Nous croyons que les programmes touchant le logement, les enfants, les Autochtones, les personnes handicapées, nos personnes âgées et les citoyens d’autres pays contribuent grandement à la qualité de vie des Canadiens. D’autres groupes ne sont pas visés par le présent rapport mais méritent néanmoins l’attention du gouvernement fédéral : il y a par exemple le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, qui a demandé au Comité de recommander le financement permanent de ses activités de défense.

Les expressions « qualité de vie » et « niveau de vie » sont souvent utilisées indifféremment, quoique la deuxième, à proprement parler, désigne une réalité économique habituellement mesurée en fonction du PIB par habitant. Le PIB par habitant ne donne cependant pas une idée exacte du bien-être général d’un pays, puisqu’il ne tient pas compte des éléments — comme l’air pur, les loisirs et le travail non payé (par exemple, les tâches ménagères et le soin des enfants à la maison) — auxquels aucun prix n’est rattaché. Il n’indique pas non plus comment se répartit la production économique d’un pays. Le PIB par habitant contribue certes à la qualité de vie, mais il n’en est pas le seul déterminant; les programmes sociaux et d’autres facteurs plus intangibles y contribuent également.

Comme le groupe Better Environmentally Sound Transportation l’a fait observer au Comité, « la vraie prospérité économique va bien au delà de mesures comme le PIB. Selon la science économique, le bien-être économique d’une société englobe non seulement les transactions financières enregistrées sur les marchés, mais également les transactions auxquelles aucun prix n’est rattaché pour le moment ». Dans son exposé devant le Comité, M. John Helliwell a aussi souligné l’importance du capital social à l’égard de la qualité de vie et du bien-être et dit que de récentes recherches indiquent que « l’importance du tissu social est encore plus grande qu’on ne l’avait d’abord cru, ce qui, dans le compromis entre l’accroissement du revenu et le maintien du tissu social, fait pencher la balance en faveur de ce dernier ».

Les groupes et les particuliers qui ont comparu devant le Comité ont mentionné plusieurs secteurs dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait investir dans ses citoyens dans le cadre de la politique sociale. De manière générale, ils ont surtout parlé des mesures à prendre pour régler le problème des sans-abri et la crise du logement, des besoins des jeunes enfants, des politiques et programmes destinés à améliorer la situation des Autochtones, de l’aide aux personnes handicapées, de la pauvreté et des problèmes connexes avec lesquels les personnes âgées sont aux prises, ainsi que du rôle que joue le Canada sur la scène internationale.

Le logement

Le Canada est aux prises avec une crise du logement [...] Les taux d’inoccupation dans les 26 plus grandes régions métropolitaines ont atteint leurs niveaux les plus bas, 1,1 % en 2001 [...] Selon l’Enquête sur les dépenses des ménages menée par Statistique Canada en 2000, 1 186 877 ménages-locataires, soit plus de 40 % de tous les ménages-locataires, consacrent plus de 30 % de leur revenu mensuel au loyer. (Fédération de l’habitation coopérative du Canada, 17 septembre 2002)

D’après les témoins qui ont entretenu le Comité de la question du logement et de l’itinérance, il est urgent que le gouvernement fédéral s’engage sérieusement à construire des logements locatifs abordables, en partenariat avec les provinces et les municipalités. À leur avis, les loyers actuels accaparent une trop grande part du revenu de certains groupes vulnérables de Canadiens. La Tenants Rights Action Coalition a attiré l’attention du Comité sur « une augmentation marquée du nombre de familles et de personnes qui risquent d’être touchées par le phénomène des sans-abri en raison de leur faible revenu et de la pénurie de logements abordables ». Selon les données présentées au Comité, le nombre d’unités de logement social aménagées au Canada est passé de près de 10 000 en 1989 à environ 1 500 en 1998. La figure 23 donne un aperçu de la baisse du taux d’inoccupation des logements locatifs dans les régions métropolitaines entre 1996 et 2001.


Figure 23 : Taux d'inoccupation (%) des logements locatifs dans les régions métropolitaines, 1996 à 2001

De nombreux groupes ont loué le travail du gouvernement, des provinces et des territoires dans le cadre de l’Initiative nationale pour les sans-abri et de l’Entente sur le logement abordable, mais ils ont exprimé plusieurs préoccupations à propos du niveau de financement requis et de la nécessité d’autres instruments. Certains groupes, comme la Fédération canadienne des municipalités et l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, ont signalé que, d’après les chiffres de 1996, 1,7 million de ménages canadiens sont en situation de « besoins impérieux », ce qui veut dire qu’il leur est difficile de trouver l’argent nécessaire pour la nourriture, les vêtements, les médicaments, le logement et d’autres besoins fondamentaux.

Des témoins, par exemple l’Ottawa Child Poverty Action Group, ont indiqué au Comité qu’il faudrait, pour venir à bout de la pénurie de logements abordables, créer 20 000 unités à coût abordable et en rénover 10 000 autres par année pendant dix ans. Les témoins ont proposé différents moyens pour atteindre cet objectif, dont un financement plus généreux, des modifications au régime fiscal pour encourager la construction de logements locatifs et l’octroi de subventions ou de crédits d’impôt aux ménages à faible revenu.

Même s’ils n’étaient peut-être pas d’accord sur la façon de s’y prendre, les témoins ont soutenu que le gouvernement fédéral devrait jouer un plus grand rôle dans la prestation de logements abordables. Ils ont suggéré un financement accru des initiatives en cours, ainsi que des mesures fiscales et réglementaires. Par exemple, la Canadian Federation of Apartment Associations a indiqué au Comité que « le remboursement intégral de la TPS sur les logements locatifs, le report de l’impôt sur les gains en capital et de la récupération de l’amortissement [s’il y a réinvestissement dans des logements locatifs], l’augmentation du taux [de la déduction pour amortissement] et le rétablissement de la déductibilité des coûts accessoires seraient la meilleure façon de stimuler l’investissement dans de nouveaux immeubles locatifs ». Plusieurs groupes, dont la Nepean Housing Corporation, ont appuyé la recommandation du Toronto Disaster Relief Committee voulant que le gouvernement fédéral consacre deux milliards de dollars par année à une stratégie nationale du logement. D’autres ont recommandé l’allocation de 700 millions de dollars au programme fédéral-provincial-territorial de logement abordable au cours des quatre prochaines années.

Les témoins ont également indiqué au Comité qu’ils souscrivaient à l’Initiative nationale pour les sans-abri (INSA), notamment à l’Initiative de partenariats en action communautaire (IPAC) et au Programme d’aide à la remise en état des logements (PAREL). Selon le Winnipeg Real Estate Board, « après Montréal, Winnipeg est la ville qui compte le plus grand nombre de vieux logements par habitant, de sorte que le besoin d’aide de la part du PAREL ira grandissant ». Le North End Community Health Care Centre nous a dit que « l’IPAC commence petit à petit à régler les problèmes, et la durabilité en est un. Le logement avec services de soutien nécessite du personnel et des programmes ». La ville de Vancouver était d’accord avec ce témoin pour dire qu’« au cours des trois dernières années, le programme fédéral à l’intention des sans-abri s’est révélé un outil précieux ».

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a aussi un rôle à jouer sur le marché du logement, surtout le marché locatif. En plus de financer une partie de la politique de logement du gouvernement, elle assure des prêts qui servent à acheter ou à construire des immeubles à usage locatif lorsque la mise de fonds est inférieure à 25 % de la valeur du projet. Les taux de prime vont de 1,75 % dans le cas d’une mise de fonds d’au moins 35 % à 4,5 % pour une mise de fonds de 15 à 19 %. D’après l’Ontario Non-Profit Housing Association :

Le plus gros problème dans le cas du logement sans but lucratif, c’est le très bas niveau de financement assuré que la SCHL est prête à approuver selon ses critères de souscription. Ajoutent à ce problème les loyers plus abordables que les promoteurs à but non lucratif espèrent pouvoir offrir, ce qui diminue encore davantage le prêt hypothécaire admissible. Une hypothèque typique approuvée par la SCHL pour le logement sans but lucratif ne couvre que de 55 à 60 % des coûts réels du projet.

De l’avis des témoins, la SCHL pourrait faire plus pour appuyer le logement abordable. Certains ont suggéré que le gouvernement fédéral l’oblige à offrir des taux hypothécaires favorables aux familles et aux particuliers à revenu moyen ou peu élevé.

Lorsqu’ils ont appris que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, consacre, par exemple, 680 millions de dollars à l’itinérance, un certain nombre de témoins ont répondu qu’ils avaient le droit de savoir comment cet argent — leur argent — est dépensé. Malheureusement, on nous a dit que les provinces et les territoires

ne versent pas une quote-part équivalente à celle du gouvernement fédéral dans le cadre de l’Entente sur le logement abordable. Les témoins croient que la transparence et la reddition de comptes s’imposent dans ce secteur, comme dans d’autres.

Le Comité estime qu’un certain nombre d’initiatives du gouvernement fédéral en matière de logement et d’itinérance fonctionnent bien et donnent les résultats escomptés. En outre, nous sommes heureux que le gouvernement se soit explicitement engagé dans le discours du Trône de 2002 à étendre les investissements dans le logement abordable aux plus démunis, surtout dans les villes canadiennes où les problèmes sont le plus aigus, et à élargir l’IPAC. Cependant, nous sommes d’avis qu’étant donné la priorité accordée à un budget équilibré, toute augmentation de financement doit être le résultat d’une réaffectation des dépenses des secteurs les moins prioritaires aux plus prioritaires, après examen des programmes et consultation des intervenants. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 39

Que le gouvernement fédéral examine les dépenses actuelles dans le secteur du logement et de l’itinérance en vue de réaffecter les fonds de manière à accroître le financement de l’Initiative nationale pour les sans-abri.

En outre, le Comité est convaincu que la SCHL a un rôle valable à jouer en aidant les Canadiens à accéder au logement abordable sur lequel ils doivent pouvoir compter pour contribuer pleinement à la vie économique et être des membres à part entière de la société. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 40

Que le gouvernement fédéral travaille avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement à l’élargissement du parc de logements à prix abordable au Canada.

Enfin, le Comité considère la transparence et la reddition de comptes comme des principes absolus lorsqu’il y a engagement de fonds publics. Il recommande donc :

RECOMMANDATION 41

Que le gouvernement fédéral établisse des mécanismes qui permettent d’assurer la reddition de comptes et la transparence en ce qui concerne l’engagement de fonds visant à atténuer les problèmes de logement et d’itinérance au Canada.

Les enfants

Nous nous réjouissons aussi des progrès réalisés au cours des dernières années en ce qui concerne le Plan d’action national pour les enfants. Nous savons tous que le travail n’est pas terminé, mais nous sommes conscients des progrès réalisés dans le domaine du développement de la petite enfance. (Regroupement des organisations nationales bénévoles, 24 octobre 2002)

Les témoins ont maintes fois rappelé au Comité que les enfants sont le bien le plus précieux d’un pays. Par conséquent, il faut veiller à leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour réussir, mener une vie productive et être heureux. C’est d’ailleurs là un thème qui est revenu souvent durant nos discussions et nos consultations prébudgétaires. Les gouvernements doivent accorder de l’importance au développement des enfants, et ce, dès la naissance.

Les témoins ont été nombreux à réclamer une stratégie nationale relative au développement des jeunes enfants. Par exemple, l’Association canadienne des commissions/conseils scolaires (ACCCS) a dit ceci au Comité :

L’ACCCS loue le gouvernement fédéral pour la Prestation nationale pour enfants et est ravie de constater la promesse qu’il a faite de continuer d’augmenter sa contribution. L’ACCCS félicite également le gouvernement fédéral et les provinces et territoires d’avoir réussi à s’entendre sur un plan d’action pour le Développement de la petite enfance. Cependant, pendant que gouvernements et dirigeants négocient et débattent les prochaines étapes stratégiques et ententes de mise en œuvre, les enfants canadiens continuent de vivre dans le besoin.

Plus précisément, des témoins ont présenté au Comité des recommandations portant sur des questions comme la pauvreté chez les enfants et l’éducation des jeunes enfants. La Coalition of Child Care Advocates of B.C. a dit ceci : « Nous savons qu’un revenu adéquat et un départ sain dans la vie ont des effets positifs à long terme et favorisent une saine croissance et le développement des enfants de nos collectivités. » La Saskatchewan Early Childhood Association et la Manitoba Child Care Association ont abondé dans le même sens.

Les témoins se sont prononcés en faveur de la prestation fiscale canadienne pour enfants, mais nombreux sont ceux qui croient qu’il faudrait l’étendre et en augmenter le montant pour qu’elle ait vraiment une incidence sur la pauvreté chez les enfants. Un consensus s’est dégagé, à savoir qu’il y aurait lieu d’augmenter à 4 000 $ la prestation dont le montant s’élève actuellement à 2 400 $, un témoin ayant évalué le coût d’une telle mesure à dix milliards de dollars par année. Les témoins ont également demandé que le gouvernement fédéral transforme la prestation en un crédit d’impôt remboursable dont toutes les familles pourraient se prévaloir.

Les témoins ont également dit appuyer les programmes nationaux destinés à répondre aux besoins en matière de garde d’enfants, l’éducation de la petite enfance et l’Accord sur le développement de la petite enfance (ADPE). Ils ont notamment recommandé une augmentation des dépenses consacrées à l’éducation des jeunes enfants et l’élargissement de l’ADPE aux enfants de six à douze ans. Plusieurs groupes, dont la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, ont également fait ressortir la nécessité d’un financement stable et de normes nationales.

Nombreux sont ceux qui considèrent des soins de qualité comme la pierre angulaire d’un plan d’action à l’intention des jeunes enfants et comme l’une des nombreuses composantes clés d’une stratégie de lutte contre la pauvreté des familles. L’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance a dit au Comité que « le Canada demeure l’un des rares pays hautement développés et industrialisés dans le monde à ne pas être doté d’une politique publique de financement des garderies ou d’un régime public de services de garde ». Qui plus est, d’après Parents for Child Care, « en Colombie-Britannique, des services de garde autorisés ne peuvent être offerts qu’à un enfant sur neuf ». Le manque de services de garde contribue aussi à compromettre la prospérité économique du Canada, certains parents étant empêchés de participer comme ils le voudraient à la vie active.

Des témoins se sont plaints également que certaines provinces ne versent pas une quote-part équivalente à celle du gouvernement fédéral. À leur avis, le problème a trait à l’absence d’un financement lié dans l’ADPE et de principes directeurs ou d’échéanciers pour la création d’une stratégie nationale globale relative à l’éducation de la petite enfance et aux services de garde. Résultat : il existe à l’échelle du pays un ensemble de programmes disparates, comme le montre la Figure 24. Le Comité s’est également fait dire que la reddition de comptes laissait à désirer en ce qui concerne les 2,2 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a consacrés à l’Initiative de développement de la petite enfance, et que le congé parental était une question importante.

Figure 24

Figure 24 : Priorités provinciales et territoriales de 2001-2002 dans le cadre de l'Entente sur le développement de la petite enfance

Source : www.socialunion.gc.ca.

De plus, à en juger par les éléments clés qui, selon l’OCDE, font la réussite d’une politique en matière d’éducation de la petite enfance et de services de garde, la surveillance et la collecte des données sont essentielles si l’on veut que les programmes aient l’effet souhaité. Malheureusement, d’après Campagne 2000, des données sur la mise en œuvre de l’Accord sur le développement de la petite enfance ne sont disponibles que sporadiquement.

Outre des données sur les programmes en cours, il faudrait de l’information sur les objectifs des différentes initiatives, information qui pourrait servir à vérifier si ces dernières atteignent leurs objectifs. La résolution sur la pauvreté chez les enfants adoptée par le Parlement en 1989 visait un tel objectif. L’objectif pourrait également consister, comme l’a proposé, entre autres, la Nova Scotia School Boards Association, à réduire de 50 % la pauvreté chez les enfants sur une période de cinq ans.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le gouvernement fédéral administre actuellement la prestation fiscale canadienne pour enfants, la prestation nationale pour enfants et, en collaboration avec les provinces et les territoires, l’Initiative de développement de la petite enfance (IDPE), à laquelle il a consacre 2,2 milliards de dollars sur cinq ans, depuis 2001-2002. En outre, le gouvernement fédéral a indiqué dans le discours du Trône de septembre 2002 qu’il augmentera considérablement la prestation nationale pour enfants versée aux familles pauvres, et qu’il travaillera avec ses partenaires à améliorer l’accès à des possibilités précoces d’apprentissage et à des services de garde de qualité, surtout pour les familles pauvres et les familles monoparentales. Il s’est engagé également à mettre en œuvre un plan d’investissement à long terme pour aider les familles à sortir du cercle vicieux de l’aide sociale, afin que les enfants nés dans la pauvreté n’aient pas à en subir les conséquences toute leur vie.

Le Comité appuie les initiatives du gouvernement fédéral en faveur des
enfants — y compris l’engagement de consacrer plus de fonds à la prestation nationale pour enfants, un accroissement de l’accès aux possibilités d’apprentissage et aux services de garde et un plan d’investissement à long terme — mais il partage certaines des préoccupations exprimées par les témoins. Plus de dix années se sont écoulées depuis que le Parlement a adopté une résolution visant à éliminer la pauvreté chez les enfants, et de trop nombreux enfants vivent encore dans des conditions inacceptables. Nous nous demandons si les fonds qui leur sont actuellement consacrés donnent les meilleurs résultats possibles et nous sommes déçus du manque apparent de données sur les initiatives à l’intention des enfants, puisque des données sont nécessaires pour évaluer si les programmes atteignent les buts fixés. C’est pourquoi le Comité recommande :


RECOMMANDATION 42

Que le gouvernement fédéral continue à augmenter progressivement la prestation nationale pour enfants et qu’il veille à la mise en place de mécanismes qui permettent de s’assurer que les fonds sont dépensés comme il convient, dans le respect de l’obligation de rendre compte et du principe de la transparence.

De nombreux témoins souhaiteraient la mise en place d’un régime national de services de garde adéquats, abordables et de haute qualité. Le Comité en est conscient, ainsi que des avantages d’un tel système pour les enfants canadiens et tout le Canada, mais les services de garde font déjà partie de l’Initiative de développement de la petite enfance, et les provinces et les territoires peuvent y consacrer des fonds si elles jugent que c’est une priorité. L’apprentissage précoce fait partie intégrante de la garde des enfants. Un régime national de services de garde de qualité doit allier apprentissage et soins précoces, éducation préscolaire, et éducation, soin et développement des jeunes enfants. Ce qu’il nous faut, c’est un système cohérent et englobant qui ne fait double emploi avec aucune autre infrastructure ou ressource, de façon à ne pas causer une fragmentation des services.

Le Comité croit cependant qu’il existe au Canada un besoin pressant de services de garde et que des fonds devraient y être alloués dès que des mécanismes de responsabilisation auront été mis en place et qu’un engagement aura été obtenu des gouvernements. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 43

Que le gouvernement fédéral de même que les gouvernements provinciaux et territoriaux reconnaissent l’urgente nécessité de mettre en place des services de garde abordables de haute qualité et qu’ils prennent des mesures pour régler ce problème.

En ce qui concerne le congé parental, le Comité sait que depuis le 31 décembre 2002 les nouveaux parents peuvent se prévaloir d’au plus 50 semaines de congé de maternité et de congé parental dans le cadre du Régime d’assurance-emploi, soit un congé deux fois plus long que par le passé. Bien que cet avantage permette aux parents qui travaillent de passer plus de temps avec leur nouveau-né durant les premiers mois, il reste que certains parents ont de la difficulté à se prévaloir de cet avantage, y compris les employés à temps partiel et les travailleurs autonomes. Nous exhortons le gouvernement fédéral à entamer des discussions publiques sur la possibilité d’étendre le congé parental aux employés à temps partiel et aux travailleurs autonomes.

Les Autochtones

Les statistiques continuent de brosser un tableau sinistre et démoralisant de la situation des Premières nations, à une époque où la majorité de la société vit relativement confortablement et en sécurité. Les taux de chômage, de suicide, de mortalité infantile, d’abus sexuel et de consommation excessive d’alcool et de drogues dépassent largement la moyenne nationale. Derrière ces faits et ces statistiques se cachent des gens — des gens qui vivent au jour le jour et qui n’entrevoient aucun avenir pour eux-mêmes. (Federation of Saskatchewan Indian Nations, 8 novembre 2002)

Comme nous l’avons signalé précédemment, l’amélioration de la qualité de vie des Canadiens d’origine autochtone pour qu’elle corresponde à celle du reste de la population est un défi important quoique décourageant. Au cours des entretiens et des consultations prébudgétaires, les Premières nations, les Inuits et les Métis ont fait plusieurs suggestions au Comité, entre autres au sujet de la gouvernance, de l’infrastructure, de la pauvreté et de la santé.

Plusieurs groupes ont parlé au Comité de l’état déplorable des logements et de l’infrastructure — notamment des services d’enseignement et de santé ainsi que des réseaux d’alimentation en eau et des systèmes d’égouts — dans de nombreuses réserves des Premières nations. L’insalubrité des logements et la médiocrité de l’infrastructure nuisent à la qualité de vie des Premières nations et les empêchent d’atteindre un niveau convenable de prospérité, de productivité et d’emploi. Comme l’a fait remarquer la Commission consultative de la fiscalité indienne (CCFI) dans son mémoire au Comité, « il convient de signaler que l’infrastructure des Premières nations est de qualité nettement inférieure à celle qu’on trouve ailleurs au pays. Les recherches effectuées par la CCFI font constamment ressortir que l’un des trois plus grands obstacles à la croissance économique des Premières nations est l’absence d’une infrastructure publique de qualité. »

Le Comité a également appris que l’infrastructure laisse à désirer chez d’autres peuples autochtones, particulièrement ceux du Nord du Canada. Pour sa part, l’Assemblée des Premières nations a dit qu’il faudrait investir 27,5 milliards de dollars dans l’infrastructure des Premières nations au cours des 20 prochaines années. Les groupes autochtones du Nord du Canada ont fait remarquer que les collectivités isolées ont des besoins particuliers dans ce domaine.

Par ailleurs, la question des revendications territoriales continue d’être préoccupante. Certains sont d’avis que l’incertitude créée par des revendications territoriales non résolues fait que les entreprises hésitent à investir sur les terres en litige, ce qui nuit à la croissance économique des Premières nations. Plusieurs groupes, dont la Federation of Saskatchewan Indian Nations, ont dit au Comité que la non-résolution de revendications issues de traités constitue le principal obstacle à la prospérité des Premières nations. Malheureusement, le processus actuel semble avoir débouché sur une impasse. Plusieurs groupes, dont le Ralliement national des Métis et la Bande Chakastaypasin des nations cries, ont fait part de leurs inquiétudes au sujet des revendications issues de traités.

Le Social Planning Council of Winnipeg a parlé également de l’incertitude entourant la place qu’occupent les organismes autochtones au Canada et a dit au Comité que l’Entente-cadre sur l’union sociale (ECUS), bien qu’elle soit en général une réussite, est entachée par « des conflits d’ordre juridictionnel et une certaine ambiguïté en ce qui concerne la mobilité et l’accès aux services, en particulier dans le cas des peuples autochtones du Manitoba. Les gouvernements autochtones doivent absolument être parties à l’ECUS, car ils sont directement concernés par la conception et la prestation des programmes. »

Les politiques et les programmes qui viennent en aide aux Canadiens d’origine autochtone doivent reconnaître que les groupes autochtones du Canada n’ont pas tous les mêmes circonstances ni les mêmes problèmes. Les préoccupations d’un membre des Premières nations qui vit dans une réserve ne sont pas les mêmes qu’un autre qui habite hors réserve, et celles d’un Inuit qui vit au Yukon sont différentes de celles d’un Autochtone qui habite Winnipeg. Les politiques du gouvernement fédéral doivent être suffisamment souples pour tenir compte de ces différences. Inuit Tapiriit Kanatami a dit ceci au Comité :

Nous constatons qu’Ottawa est à la recherche d’une politique étroite de type « taille unique » pour tous les peuples autochtones. Cette approche ne fonctionnera tout simplement pas, pour les mêmes raisons qu’on ne pourrait pas appliquer une politique de pêche unique aux trois océans qui baignent le Canada, aux Grands Lacs et à toutes nos rivières. Le Canada est trop vaste et notre population, notamment la population autochtone, trop diversifiée pour qu’on adopte une solution unique.

Il faut aussi que les peuples autochtones aient accès à des services de santé et d’enseignement du même type et de la même qualité que ceux que reçoivent les autres Canadiens. L’Association dentaire canadienne a déclaré au Comité que 72 % des enfants des Premières nations et des enfants inuits de 2 à 5 ans ont des caries dentaires, et que le taux de dents cariées, de dents manquantes ou de dents obturées chez les enfants des Premières nations âgés de 12 ans est de deux à trois fois plus élevé que chez les enfants non autochtones. Par ailleurs, la Pauktuutit Inuit Women’s Association nous a informés que les Canadiens d’origine inuite n’ont pas accès aux services diagnostiques et de prévention de base qui sont tenus pour acquis dans le Sud du Canada. La Native Women Association of Canada a parlé de ses préoccupations au sujet de la santé. En particulier, les diagnostics liés à bon nombre de cancers féminins parviennent souvent trop tard aux femmes pour qu’on puisse leur sauver la vie, car elles n’ont pas accès à l’information nécessaire à une détection précoce. On a également recommandé au Comité de remettre sur pied les Programmes de santé des Premières nations et des Inuits et de prévoir une base de financement suffisante et un facteur de croissance adéquat.

Signalons que le discours du Trône de septembre 2002 contenait plusieurs mesures destinées à améliorer la santé des Autochtones, notamment une stratégie de promotion de la santé et de prévention des maladies chez les Premières nations qui comprend un programme d’immunisation adapté, ainsi qu’un engagement à travailler avec des partenaires pour améliorer la prestation des soins de santé dans les réserves.

Pour que quelqu’un puisse participer à la société à la fois comme citoyen et comme membre productif du système économique, il est essentiel qu’il bénéficie de services d’éducation de haute qualité. On a dit au Comité que les Indiens inscrits sont plus susceptibles que le reste de la population canadienne d’avoir un niveau de scolarité inférieur à la 9e année : trois fois plus susceptibles dans le cas des Indiens inscrits vivant dans les réserves (32,5 % contre 12,4 %) et une fois et demie plus susceptibles dans le cas de ceux qui vivent hors réserve (18,4 % contre 12,4 %). Vu le lien étroit qui existe entre le niveau de scolarité et la prospérité économique, il n’est pas étonnant que les Indiens inscrits affichent des taux d’activité plus faibles et des niveaux de revenu moyens beaucoup plus bas que le reste des Canadiens. La Saskatchewan School Trustees’ Association a fait valoir qu’une aide financière est nécessaire pour établir des partenariats avec les conseils scolaires des Premières nations, les provinces et les territoires, partenariats qui touchent le développement scolaire, social, affectif, physique et spirituel des enfants et des jeunes des Premières nations. Les responsables du Programme de formation d’enseignants dans le Nord ont souligné l’importance de disposer d’enseignants d’origine indienne et métisse pour le développement scolaire des élèves autochtones.

Le Comité a aussi appris que le nombre de membres des Premières nations qui feront leur entrée sur le marché du travail devrait tripler au cours des 15 prochaines années, de sorte qu’il est encore plus urgent de répondre aux besoins des Premières nations en matière d’éducation et d’emploi. L’Assemblée des Premières nations a informé le Comité de l’existence d’un arriéré de 10 000 élèves des Premières nations, qui nécessitera un financement de 147 millions de dollars.

En ce qui concerne l’éducation chez les peuples autochtones, le gouvernement annonçait les mesures suivantes dans le discours du Trône de septembre 2002 :

 hausser la qualité de l’éducation offerte dans les réserves;
 prendre d’autres mesures pour s’assurer que les enfants autochtones et non autochtones ont les mêmes chances dans la vie;
 investir dans des programmes de développement de la petite enfance pour les Premières nations, en étendant l’application du Programme d’aide préscolaire offert aux Premières nations, en augmentant l’aide apportée aux parents et en procurant aux communautés autochtones les outils nécessaires pour combattre le syndrome d’alcoolisme fœtal et ses effets;
 travailler avec le Groupe de travail national sur l’éducation, récemment mis sur pied, afin d’améliorer les résultats scolaires chez les enfants des Premières nations;
 prendre des mesures immédiates pour aider les enfants des Premières nations ayant des besoins d’apprentissage particuliers.

De plus, le discours du Trône de septembre 2002 annonçait l’intention du gouvernement fédéral de déposer à nouveau la mesure législative visant à renforcer les institutions de gouvernance des Premières nations, pour promouvoir les principes démocratiques, la transparence et l’imputabilité publique, et pour procurer aux Premières nations les outils dont elles ont besoin pour améliorer la qualité de l’administration publique dans leurs communautés. Le Comité a entendu des témoins qui s’opposaient au projet du gouvernement en matière de gouvernance, et d’autres qui l’appuyaient. Ces divergences d’opinion donnent à penser qu’il existe une division à ce sujet non seulement au sein des Premières nations elles-mêmes, mais peut-être aussi entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. Par ailleurs, dans le discours du Trône, le gouvernement fédéral s’engageait à travailler avec les communautés des Premières nations afin d’accroître leur capacité de générer le développement socio-économique, ainsi qu’à accroître l’utilisation d’approches communautaires en matière de justice, particulièrement dans le cas des jeunes vivant dans les réserves et des Autochtones du Nord.

Le Comité est très conscient des problèmes qu’il faudra surmonter si l’on veut améliorer la qualité de vie des Canadiens d’origine autochtone; il estime qu’une approche à multiples facettes s’impose pour que ceux-ci puissent jouir du même niveau de vie et bénéficier des mêmes possibilités que les Canadiens non autochtones. Il faut s’efforcer, dans cette approche, de reconnaître les besoins différents des Autochtones et les problèmes différents auxquels se heurtent les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves et ceux qui habitent hors réserve. La Houston Friendship Centre Society, par exemple, préconise d’accroître le financement des programmes s’adressant aux jeunes Autochtones des milieux urbains. Il faut également prendre des mesures en ce qui concerne la santé, l’éducation, les réseaux d’alimentation en eau et les systèmes d’égouts, de même qu’à l’égard d’autres éléments de l’infrastructure. L’argent nécessaire pour répondre à ces besoins devrait provenir principalement d’une réaffectation des crédits déjà consacrés à des initiatives qui — selon des consultations et des examens de programme qui ont eu lieu à Affaires indiennes et du Nord Canada et dans d’autres ministères concernés — n’ont plus leur raison d’être, ne constituent pas une priorité des Canadiens d’origine autochtone ou n’atteignent pas les objectifs visés.

Par ailleurs, bien que le Comité ne soit pas en faveur de l’élaboration d’un programme d’infrastructure pour les Premières nations et les Canadiens d’origine autochtone, comme le proposent la Commission consultative de la fiscalité indienne et l’Assemblée des Premières nations, il estime que tout programme d’infrastructure que pourrait mettre en place le gouvernement fédéral devrait être financé au moyen de fonds réservés tout spécialement aux communautés autochtones. Mais il faut employer une méthode d’allocation différente, car les petites communautés et les communautés éloignées, souvent peu peuplées, se trouvent défavorisées lorsque des fonds sont affectés uniquement en fonction de la taille de la population. Les mécanismes de financement traditionnels fondés sur la taille de la population sont inefficaces pour améliorer les conditions de vie des Autochtones. De plus, nous croyons que les questions de gouvernance doivent absolument être réglées. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 44

Que le gouvernement fédéral mette sur pied des programmes qui répondent aux besoins des Canadiens d’origine autochtone en matière de gouvernance, de santé, d’éducation et d’infrastructure. Ces programmes devraient être suffisamment souples pour répondre à toute la gamme des besoins. De plus, toute initiative concernant l’infrastructure que pourrait annoncer le gouvernement fédéral devrait être financée au moyen de crédits réservés aux collectivités autochtones mais non déterminés uniquement en fonction de la taille de la population.

Les personnes handicapées

Nous ne constatons pas d’amélioration mais plutôt une érosion des services à l’intention des personnes handicapées au Canada. Nous vivons dans une plus grande pauvreté, et le désespoir est tel que des parents vont jusqu’à tuer leurs enfants. Nous en sommes au point où les gens choisissent d’habiter telle province plutôt que telle autre parce qu’ils pourront y obtenir les services dont ils ont besoin. (Conseil des Canadiens avec déficiences, 21 mai 2002)

Nous avons dit précédemment dans le présent rapport qu’une déficience pose problème non seulement pour la personne handicapée, mais aussi pour les membres de sa famille qui s’occupent d’elle. En effet, la famille d’une personne handicapée éprouve souvent de grandes difficultés économiques et affectives du fait de la présence de cette dernière. Le Conseil national des femmes a dit au Comité que « les aidants naturels sacrifient leur carrière et sont souvent obligés de se contenter d’un revenu insuffisant, tant pendant les années où ils s’occupent d’une personne handicapée que plus tard dans leur vie ». À l’heure actuelle, grâce au financement de la santé et des soins à domicile ainsi qu’à des programmes et à des mesures fiscales ciblées, le gouvernement fédéral aide les personnes handicapées et ceux qui s’occupent d’elles à jouir de la meilleure qualité de vie possible.

Néanmoins, de nombreux témoins qui ont parlé de la situation des personnes handicapées ont critiqué certains éléments de l’aide financière fédérale. En particulier, ils ont dit ne pas être en faveur des lignes directrices que le gouvernement a mises en œuvre récemment et qui restreignent l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH). Le Comité a appris qu’un nombre important de Canadiens handicapés ne sont plus admissibles au crédit. Voici ce qu’a dit la Société canadienne de la sclérose en plaques :

Nous n’arrivons pas à croire que les députés qui ont approuvé le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu auraient voulu priver du CIPH une personne souffrant de sclérose en plaques qui pourrait à la rigueur faire 50 mètres à pied sur une surface plane (l’un des tests d’admissibilité au CIPH) lors d’une « bonne » journée, mais qui ne peut habituellement pas monter un escalier sans appui ni marcher la distance d’un pâté de maisons en moins de 30 minutes.

On s’inquiète d’autant plus de la situation que le CIPH est le principal moyen qu’ont les personnes handicapées pour payer les dépenses personnelles liées à leur déficience. Dans un rapport qu’il a publié en mars 2002 et intitulé Un système plus juste envers les Canadiens : le crédit d’impôt pour personnes handicapées, le Sous-comité de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a déclaré que « les instructions données à l’égard de chacune des questions sont très restrictives et concourent à refuser le crédit à trop de personnes souffrant d’un handicap grave ».

Bon nombre des recommandations faites au Comité concernaient des améliorations à apporter aux programmes existants. On a suggéré, par exemple, de transformer le CIPH en un crédit remboursable et d’accorder des congés payés et des crédits d’impôt remboursables et améliorés aux personnes qui consacrent beaucoup de leur temps à s’occuper bénévolement de personnes handicapées. La société T-Base Communications a rappelé au Comité l’importance de veiller à ce que tous les Canadiens aient accès aux documents et aux renseignements du gouvernement et qu’ils puissent les utiliser.

Même si l’on sait que la sécurité de revenu des personnes handicapées passe obligatoirement par leur pleine participation au marché du travail, le Comité a appris que 48 % seulement des adultes handicapés travaillent, comparativement à 73 % des adultes non handicapés. S’il veut adopter une stratégie d’emploi qui puisse profiter aux Canadiens handicapés, le gouvernement fédéral doit investir dans des moyens de les appuyer ainsi que leur famille et la collectivité. Plusieurs groupes ont proposé que le gouvernement fédéral accroisse sa participation à cet égard et ne se contente pas seulement du programme fédéral-provincial d’Aide à l’employabilité des personnes handicapées, en vertu duquel il paie jusqu’à concurrence de 50 % du coût des programmes et des services provinciaux-territoriaux admissibles.

On a également suggéré au Comité l’établissement d’une stratégie nationale concernant les personnes handicapées pour aider les provinces et les territoires à investir dans de meilleurs programmes et services. Comme l’ont recommandé certains témoins, il pourrait s’agir d’une entente fédérale-provinciale-territoriale — élaborée de concert avec des groupes intéressés — visant à égaliser l’aide parmi toutes les provinces et les territoires et à garantir le droit de mobilité des personnes handicapées.

Comme c’est le cas pour d’autres groupes vulnérables au sein de la société canadienne, le Comité est d’avis que le gouvernement fédéral a la responsabilité d’aider les personnes handicapées à contribuer pleinement à l’économie et à la société. Pour ce faire, il doit par exemple leur accorder, ainsi qu’aux aidants naturels, une aide financière et fiscale accrues, des conditions d’admissibilité raisonnables pour le CIPH et une aide à l’emploi adéquate. Les politiques et les programmes doivent tenir compte des déficiences tant physiques que mentales de façon à assurer un traitement équitable des divers types de déficiences.

De l’avis du Comité, le gouvernement fédéral a déjà pris des mesures dans certains domaines pour aider les Canadiens handicapés et leurs familles à surmonter les difficultés qui leur sont propres. Mais il reste encore du travail à faire. En particulier, nous croyons que certaines suggestions présentées par les témoins méritent qu’on s’y attarde. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 45

Que le gouvernement fédéral étudie la possibilité d’établir un crédit d’impôt pour personnes handicapées remboursable, d’accroître l’aide fiscale aux Canadiens handicapés et aux aidants naturels, et d’améliorer ses services d’aide à l’emploi à l’intention des Canadiens handicapés. De plus, le gouvernement devrait consulter les organismes représentant les personnes handicapées au sujet de l’adoption d’une stratégie fédérale-provinciale-territoriale touchant les personnes handicapées et de la signature d’une entente relative au marché du travail les concernant.

Les personnes âgées

Le filet de sécurité des pensions est important pour nous permettre de vieillir dans la dignité et la sécurité. (Association des syndicalistes retraités du Canada, 9 septembre 2002)

Les personnes âgées interviennent dans tous les grands débats économiques et sociaux du Canada, depuis le logement jusqu’aux soins de santé. Cependant, comme elles dépendent d’un revenu fixe et que leurs besoins sont plus importants dans des domaines comme les soins de santé, les personnes âgées sont vulnérables aux perturbations économiques et aux changements de la politique sociale. Leur position économique potentiellement précaire est soulignée dans un rapport du Conseil national du bien-être social : le taux de pauvreté a diminué en 1999, mais chez les femmes âgées seules il a augmenté cette année-là, ce qui est « le reflet d’importantes différences fondées sur le sexe dans la participation au marché du travail, l’espérance de vie, la situation familiale, l’état de santé et l’état d’incapacité »70.

De nombreuses recommandations des autres parties du rapport visent à répondre aux besoins des personnes âgées dans les domaines de la santé, du logement, des REER, des collectivités durables, de la politique fiscale générale, mais d’autres besoins qu’elles pourraient avoir restent sans écho. Ainsi, plusieurs témoins se sont dits inquiets de divers aspects du système de revenu de retraite. Certains ont suggéré des améliorations au Régime de pensions du Canada, comme permettre aux individus de cotiser peu importe leur situation d’emploi et faire verser par le gouvernement fédéral la part de l’employeur de la prime des personnes qui prennent soin des enfants, des malades, des aînés, des handicapés ou des mourants. D’autres témoins ont suggéré de favoriser l’accès au Supplément de revenu garanti et de rendre le régime plus généreux, d’éliminer la taxe réduisant les prestations de Sécurité de la vieillesse et, comme le recommande le Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada, d’introduire un crédit d’impôt à la retraite pour les contributions excédentaires à un Régime enregistré de pensions.

Depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral réalise à la pièce des réformes du système de revenu de retraite, par exemple en modifiant le REER et le RPC. Chaque changement répond à des motifs valables, mais les décisions n’ont peut-être pas été prises en considérant suffisamment les autres éléments du système. Il faudrait une révision globale du système de revenus de retraite au Canada, pour faire en sorte que les aînés canadiens disposent d’un revenu de retraite suffisant et jouissent de la qualité de vie qu’ils méritent. Cet examen s’impose d’autant plus que la population canadienne vieillit.

Le Comité estime que la population canadienne respecte et valorise les personnes âgées. Nous avons formulé des recommandations fiscales, et d’autres touchant la santé et les communautés durables, qui profitent indirectement aux aînés. Il faut cependant cibler davantage l’aide aux personnes âgées, et réviser complètement le système de revenu de retraite. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 46

Que le gouvernement fédéral entreprenne une consultation publique sur les changements requis aux trois piliers du système de revenu de retraite du Canada : la Sécurité de la vieillesse et l’Allocation aux survivants; le Régime de pensions du Canada; le Régime enregistré d’éparge-retraite et les régimes de pension agréées. À court terme, et avant le dépôt de l’étude, le gouvernement devrait envisager d’accroître les prestations du Supplément de revenu garanti aux personnes âgées qui sont le plus dans le besoin.

Présence du Canada dans le monde

L’aide internationale est une façon de maintenir son influence. C’est la chose à faire. Cela reflète et d’une certaine façon projette les valeurs canadiennes : l’aide, la compassion, le multiculturalisme. Cela compte à une époque où d’autres valeurs internationales se projettent trop clairement : 50 millions de dollars sauveraient entre 350 000 et 700 000 vies en cinq ans mais ne permettent même pas d’acheter un avion de guerre (David Cross, 4 novembre 2002)

Comme il est dit plus haut dans le rapport, notre budget d’aide étrangère correspond actuellement à environ 0,26 % du PIB du Canada, très en deçà que l’objectif de 0,7 % fixé par les Nations Unies. Selon Action Canada pour la population et le développement, l’aide publique au développement (APD) du Canada a été réduite exagérément par rapport aux autres programmes entre 1991 et 2001. Dans le discours du Trône de septembre 2002, le gouvernement fédéral s’est engagé à accroître le budget de l’APD de 8 % par an, pour le doubler d’ici 2010, ce qui a été bien accueilli par certains, mais le Comité a appris que cet engagement ne permettra pas au Canada d’atteindre 0,7 % du PIB. Résultat Canada, KAIROS et Eric Cordeiro ont abordé l’APD du Canada, et plusieurs groupes ont recommandé que le gouvernement fédéral continue d’annuler la dette insoutenable des pays les plus pauvres de la planète.

Le Comité est fier de la participation du Canada à l’aide internationale. Nous appuyons l’engagement récent à accroître l’APD, et estimons qu’il faut toujours faire en sorte de soutenir les populations vulnérables des autres pays. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 47

Que le gouvernement fédéral accroisse progressivement le budget de l’aide étrangère jusqu’à ce qu’il atteigne 0,7 % du produit intérieur brut du Canada. Il convient d’adopter un calendrier à cet égard.

Outre le rôle que joue le Canada par l’aide au développement international, les Forces armées canadiennes viennent également au secours aux citoyens des autres pays. Dans le discours qu’il a prononcé le 25 octobre 2002, le ministre de la Défense, John McCallum, affirme que le rôle des militaires est la défense des citoyens canadiens et la protection de la souveraineté du pays :

Que veut dire la souveraineté dans ce contexte? Que notre gouvernement doit être en mesure de déployer des forces outre-mer pour refléter les priorités et les valeurs canadiennes, pour aider le Canada à réaliser ses objectifs de politique étrangère et pour que nous fassions notre juste part dans la lutte pour la démocratie et la liberté partout dans le monde. Que nous devons être en mesure de défendre le Canada et de participer de façon significative à la défense de l’Amérique du Nord. En outre, cela veut dire défendre les territoires que nous revendiquons. Enfin, cela veut dire renforcer notre capacité à combattre le terrorisme. Qu’y a-t-il de plus menaçant pour notre souveraineté qu’une bande de terroristes déterminés à tuer des Canadiens innocents et à détruire la propriété canadienne? C’est tout cela, la souveraineté.

Durant nos discussions et nos consultations prébudgétaires, des témoins nous ont dit que le Canada ne fournissait pas à ses forces armées les ressources qu’il leur faut pour remplir leur mandat. Nous prenons également note des commentaires du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense dans son rapport de novembre 2002, Pour 130 dollars de plus… mise à jour sur la crise financière des forces canadiennes, Une vue de bas en haut :

« La grande question est essentiellement de savoir si le gouvernement du Canada investit suffisamment dans cette police d’assurance : les Canadiens jouissent-ils de ce que les spécialistes du risque raisonnable appelleraient une sécurité collective suffisante en ce qui concerne leurs vies, leurs biens et leur mode de vie? Selon nous, la réponse est non. »

Le Comité sénatorial recommande « une augmentation immédiate de 4 milliards de dollars, de manière à porter de 11,8 à 15,8 milliards de dollars le budget de référence du ministère de la Défense nationale, avec des augmentations futures qui soient réalistes, justifiées et ajustées en fonction de l’inflation ». La Conférence des associations de la défense recommande une plus petite augmentation, soit un ajout immédiat de 1,5 milliard au budget d’exploitation du Ministère.

Cependant la Défense, c’est plus que les Forces canadiennes. L’Union canadienne des employés des transports signale qu’il n’y a actuellement pas d’agents de la Garde côtière dans nos eaux pour contrer l’activité criminelle et le trafic d’immigrants illégaux. L’Association canadienne des chefs de pompiers et l’Association internationale des pompiers (AFLCIO) nous ont parlé de la nécessité de faire participer des groupes comme les pompiers — souvent les premiers sur les lieux pour répondre aux urgences — à la protection des infrastructures essentielles du Canada. Sur la question de la préparation aux urgences, l’Association canadienne des compagnies d’assurance mutuelles affirme qu’il est nécessaire de se préparer à la fréquence et à la gravité des désastres anthropiques et naturels.

Le Comité estime que nos Forces canadiennes sont essentielles dans le combat mondial pour la démocratie et la liberté. Pour jouer ce rôle, il leur faut cependant des ressources, et nous pensons qu’une augmentation du financement s’impose. Nous estimons qu’il y a un besoin plus fondamental encore pour une révision de la défense et de la politique étrangère. En outre, du point de vue de la sécurité nationale, nous appuyons la position de l’Union canadienne des employés des transports. Pour ces raisons, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 48

Que le gouvernement fédéral hausse le budget du ministère de la Défense nationale pour répondre aux besoins les plus urgents. Le gouvernement devrait également entreprendre immédiatement une révision de sa politique de défense et de sa politique étrangère, avec en conclusion un réexamen des besoins de crédits, tout en gardant à l’esprit la priorité d’éviter un déficit budgétaire. On devrait également allouer des fonds pour garantir la présence de la Garde côtière dans les eaux canadiennes.

Enfin, le Canada intervient sur la scène internationale comme importateur et exportateur. Dans notre économie modeste et relativement ouverte, le commerce extérieur est très important pour notre bien-être : les exportations comptent pour environ 44 % de notre PIB. En outre, le Canada a la chance d’être situé à côté du plus grand marché du monde, les États-Unis, dans lequel nous vendons la plupart de nos biens exportés et duquel nous achetons les deux tiers de nos importations. En raison de notre dépendance envers ce partenaire économique, il est essentiel que les biens et les services traversent notre frontière aussi librement que possible.

Comme il est dit plus haut, notre rapport de l’an dernier visait à assurer l’avenir du Canada, particulièrement en ce qui concerne la frontière canado-américaine. À l’époque, nous cherchions à réagir aux préoccupations des Américains en matière de sécurité, tout en améliorant l’efficacité de nos opérations frontalières. Les gouvernements des deux pays ont créé et adopté des plans et programmes pour résoudre les problèmes du commerce transfrontalier, mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. L’Alliance canadienne du camionnage veut continuer, et veut que le gouvernement fédéral continue, à rechercher avec les Américains des solutions bilatérales à la frontière. En outre, la Fédération maritime du Canada nous dit que les demandes de sécurité accrue ont donné lieu à des nouvelles patrouilles frontalières maritimes, et qu’il faut davantage d’argent pour que la sécurité accrue ne gêne pas le trafic commercial. La gestion de notre relation commerciale avec les États-Unis — l’examen permanent de mesures possibles pour améliorer le passage transfrontalier des biens et des personnes — doit demeurer une priorité du gouvernement.

Le Comité note également que les différends commerciaux avec les États-Unis, en particulier au sujet de biens comme le bois d’œuvre et le blé, causent du tort aux collectivités partout au Canada. Les droits touchant notre bois d’œuvre, les nouvelles subventions à l’agriculture aux États-Unis et la protection tarifaire dont jouissent les aciéries américaines indiquent un protectionnisme accru dans ce pays, qui menace de plus en plus l’économie canadienne. Les barrières commerciales constituent également un problème plus général. Selon Grain Growers of Canada, « les barrières au commerce international et les subventions à la production et aux distorsions commerciales coûtent à nos fermiers au moins 1,3 milliard de dollars par an. Cette estimation est antérieure au récent Farm Bill des États-Unis, qui augmente encore l’aide aux producteurs américains. » Répondre à ces mesures protectionnistes de notre plus grand partenaire commercial est à la fois un défi et une nécessité.

Le Comité estime que l’examen de notre relation commerciale avec les États-Unis doit être incessant, et que nous devons défendre vigoureusement nos droits en matière de commerce international. C’est pourquoi il recommande :

RECOMMANDATION 49

Que le gouvernement fédéral alloue suffisamment de ressources à la gestion de la relation du Canada avec les États-Unis. Les priorités doivent être les suivantes : un personnel et des fonds suffisants pour le règlement des différends commerciaux, et l’ouverture et la dotation en personnel de consulats et de bureaux commerciaux additionnels.


70Conseil  national  du  bien-être  social, Profil  de  la  pauvreté, 1999, été  2002.
Voir : www.ncwcnbes.net/htmdocument/reportpovertypauv99/Introduction.html.