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FINA Rapport du Comité

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CHAPITRE TROIS — PRIORITÉ : PROSPÉRITÉ ET CROISSANCE

L’Association canadienne des professionnels de la vente estime que le budget fédéral pour l’exercice 2002-2003 sera le document financier le plus important présenté au cours des dernières années. Il faudrait vraisemblablement y accorder autant de poids qu’aux budgets ayant mis en œoeuvre des mesures pour rétablir l’intégrité financière du Canada. Le maintien de cette intégrité au cours des exercices à venir devrait constituer l’objectif central du prochain budget. (Association canadienne des professionnels de la vente, 9 septembre 2002)

Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, la prospérité économique  sans oublier les avantages qu’elle comporte pour tous les Canadiens — est une question que ces derniers ont été invités à commenter durant les discussions et consultations prébudgétaires du Comité. Certaines conditions doivent être réunies pour que le Canada continue à jouir de la prospérité économique, et les témoins entendus en ont cerné un grand nombre : veiller à ce que le budget, à tout le moins, ne se solde pas par un déficit; poursuivre les efforts pour réduire notre dette; s’assurer d’avoir une réserve pour éventualités adéquate et une mesure de prudence économique; accorder des réductions d’impôt pour stimuler la croissance et la prospérité; et réaffecter les dépenses existantes pour satisfaire aux nouveaux besoins en matière de dépenses.

Garder le cap

Nous avons hypothéqué l’avenir des générations futures et, à moins que nous adoptions et mettions en œuvre des mesures raisonnables à court et moyen terme, nos actions passées amoindriront la qualité de vie de nos enfants et petits-enfants. La prospérité de notre nation s’en ressentira aussi. (Association canadienne de l’imprimerie, 31 août 2002)

Lors de son témoignage, en octobre 2002, le ministre des Finances John Manley nous a informés que le Canada continue à connaître une croissance économique forte et qu’il se classera à l’avenir en tête des pays du G-7. Il s’agit là d’une réalisation remarquable vu l’incertitude mondiale, la croissance plus faible que prévu dans certains pays — notamment aux États-Unis — et l’incertitude entourant les problèmes de gouvernance d’entreprises et une éventuelle guerre avec l’Iraq.

Une croissance économique forte a été profitable non seulement sur le plan de l’amélioration de l’emploi et de l’augmentation des revenus des Canadiens, mais aussi en ce qui concerne la situation financière du gouvernement fédéral. Depuis 1995-1996, le ratio de la dette nette au PIB au Canada est tombé de près de 71 % à 49,1 %. Selon les comptes nationaux, une méthode comptable qui permet de faire des comparaisons entre les pays, en 2001, le ratio de la dette nette au PIB du Canada était inférieur à la moyenne du G-7 pour la première fois depuis 1985. La réduction du ratio de la dette nette au PIB a été presque entièrement attribuable à la croissance économique, mais des excédents budgétaires totalisant 46,7 milliards de dollars depuis 1997-1998 y ont également contribué. D’après la Mise à jour économique et financière 2002 du gouvernement fédéral, la tendance à un ratio de la dette nette au PIB plus bas se maintiendra vraisemblablement, et il se pourrait même qu’il se situe en deçà de la moyenne de 40 % établie pour le G-7, même si le gouvernement ne parvient qu’à équilibrer son budget (c’est-à-dire s’il utilise pleinement la marge de prudence économique et la réserve pour éventualités), comme le montre la figure 11. Le Comité appuie les efforts qui pourraient mener à de nouvelles diminutions du ratio de la dette nette au PIB pour ramener celui-ci à 30 % d’ici 2011, de manière à pouvoir faire face aux exigences associées à l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom. Les économies qui en découleraient au titre des paiements d’intérêt pourraient servir à financer les programmes et services que souhaitent les Canadiens.

Figure 11 : Ratio de la dette nette au PIB selon deux scénarios différents

Le Comité constate toutefois que la réduction de la dette nette n’équivaut pas à son remboursement. Ce sont deux concepts distincts, comme la vérificatrice générale le faisait observer récemment dans le cadre de son examen des états financiers du gouvernement fédéral : « L’excédent de l’exercice NE sert PAS automatiquement à rembourser la dette. Il n’y a ni loi ou règle comptable qui l’imposent. L’excédent du présent exercice a été appliqué dans plusieurs secteurs, dont la réduction de la dette. Une partie de cet excédent a été utilisée, par exemple, pour financer des augmentations des actifs financiers, tels que les prêts, placements et avances30 ». Cela dit, une partie des excédents a servi à rembourser la dette contractée par le gouvernement sur les marchés, qui correspond davantage à une hypothèque ou à un prêt, et a permis au gouvernement d’économiser des frais d’intérêts. La figure 12 montre l’évolution de ces deux concepts de dette.

Figure 12 : Dette nette, dette contractée sur les marchés et excédent

De nombreux témoins, y compris la Canadian Federation for Promoting Family Values et l’Institut canadien des comptables agréés, ont dit au Comité qu’il fallait se montrer prudents pour ne pas se trouver de nouveau en situation de déficit. De plus,
M. David Laidler nous a indiqué que la crédibilité de la politique monétaire du Canada « a été considérablement accrue depuis 1995 par des politiques financières qui ont réduit tant la dette publique, surtout au niveau fédéral, que l’endettement du Canada à l’étranger. » Un budget équilibré, sinon un excédent, demeure une priorité pour les Canadiens.

Planification budgétaire, réserve pour éventualités, prudence économique et que faire de l’excédent

Définir les domaines ayant besoin d’une injection de fonds publics, veiller à ce qu’il en découle des retombées économiques répondant à divers objectifs gouvernementaux et former des partenariats avec d’autres organisations des secteurs public, privé et sans but lucratif sont autant de caractéristiques d’une stratégie qui vise à dépenser à bon escient l’argent durement gagné par les contribuables. (Canadian Library Association, 9 septembre 2002)

Les témoins ont bien accueilli les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour éviter les déficits budgétaires et enregistrer des excédents, quoique certains aient dit qu’il lui est souvent arrivé de sous-estimer la taille de l’excédent budgétaire. Il a constamment pu dépasser ses prévisions d’excédents, comme le montre la figure 13.

Figure 13 : Solde budgétaire fédéral : Solde visé versus solde réel (selon les Comptes publics)

Plusieurs raisons expliquent ces déficits plus faibles et ces excédents plus élevés que prévu :

 Une forte augmentation des recettes attribuable à une économie prospère aux États-Unis tout au long de la deuxième moitié des années  1990 et à une forte croissance intérieure depuis 1997, ainsi qu’à l’influence de la « dérive fiscale » jusqu’à ce que l’indexation soit ré-introduit dans le budget 200031;
 Des compressions des dépenses garantes de futures économies, le transfert de certaines responsabilités en matière de dépenses et l’opposition à toute demande de rétablissement des dépenses aux niveaux antérieurs;
 La baisse des frais d’intérêt de la dette en raison de taux d’intérêt et de paiements moins élevés;
 Un processus budgétaire conçu pour produire des estimations suffisamment prudentes pour que les objectifs visés puissent être atteints dans la plupart des circonstances.

Il y a eu érosion de presque toutes ces conditions si ce n’est, peut-être, du processus budgétaire lui-même. Cela dit, la récente croissance de l’emploi donne à penser que le ralentissement, l’année dernière, de l’augmentation des recettes imputable à la récession aux États-Unis pourrait être de courte durée. En outre, les dépenses de programmes ont augmenté en moyenne de 3,8 % par année depuis que le gouvernement fédéral a commencé à équilibrer son budget en 1997-1998. D’après les prévisions contenues dans la Mise à jour économique et financière 2002, les dépenses de programmes fédérales vont passer de 126,7 milliards de dollars en 2001-2002 à 163,6 milliards de dollars en 2007-2008.

Le ministre des Finances John Manley a dit clairement qu’il ne s’exposera pas à un nouveau déficit budgétaire. Les dépenses de programmes du gouvernement fédéral représentent actuellement 11,6 % du PIB, soit le niveau le plus bas depuis la guerre; selon les projections, ce taux devrait diminuer à 11,1 % en 2007-2008, ce qui veut dire que les dépenses de programmes augmenteraient à un rythme légèrement plus lent que l’économie dans son ensemble.

En ce qui concerne les taux d’intérêt, même si le taux d’intérêt repère de la Banque du Canada a augmenté de 75 points de pourcentage depuis le printemps 2002 pour atteindre 2,75 %, il est presque à son plus bas niveau historique — tout comme les taux d’intérêt en général. Étant donné l’incertitude qui continue à entourer l’économie américaine, il est peu probable que les taux augmentent considérablement à court ou moyen terme.

De plus, le processus budgétaire demeure essentiellement inchangé : le gouvernement fédéral continue à se montrer conservateur dans ses prévisions en utilisant la moyenne des prévisions du secteur privé et en ajoutant une mesure de prudence économique pour les circonstances économiques imprévues et une réserve pour éventualités au cas où il lui faudrait faire face à des dépenses urgentes.

Dans la foulée des attentats terroristes du 11 septembre 2001, le gouvernement fédéral, dans son budget 2001, a abandonné complètement la prudence économique et ramené à 1,5 milliard de dollars la réserve pour éventualités. Dans le contexte de l’après-11 septembre, ces hypothèses conservatrices étaient justifiées, comme le gouvernement l’a fait observer dans son budget 2001 : « Le montant de la réserve pour éventualités et celui de la mesure de prudence économique prévus dans le présent budget sont moins élevés que ceux des budgets précédents. Auparavant, la réserve pour éventualités était fixée à 3 milliards de dollars par année, et un montant additionnel tenait lieu de mesure de prudence économique. Ces montants avaient été inclus principalement pour couvrir les risques découlant de situations imprévues, telles que celles présentes aujourd’hui32 ».

Lors de sa comparution devant le Comité en octobre 2002, le ministre des Finances a annoncé que la réserve pour éventualités serait de nouveau portée à 3 milliards de dollars et qu’une somme serait de nouveau réservée au titre de la prudence économique afin d’éviter tout déficit budgétaire. Il a également réaffirmé l’engagement du gouvernement fédéral de consacrer tous les excédents non utilisés — y compris la somme réservée au titre de la prudence économique et la réserve pour éventualités — à la réduction de la dette. Dans une telle éventualité, le Comité croit que le gouvernement devrait s’assurer que ces fonds servent à réduire la dette réelle contractée sur les marchés.

Les témoins ont applaudi l’annonce faite par le ministre des Finances d’une augmentation de la réserve pour éventualités et d’un retour à la prudence économique. Ils ont aussi fait part au Comité de leurs nombreuses vues sur l’affectation de tout excédent budgétaire. Certains ont proposé de consacrer les fonds excédentaires aux programmes sociaux — notamment les soins de santé — tandis que d’autres se sont dits en faveur de diverses formes de réduction d’impôt. D’autres encore ont suggéré que la somme totale serve à rembourser la dette contractée par le gouvernement fédéral sur les marchés.

Résultat

Le gouvernement doit déterminer les secteurs prioritaires et il doit se restreindre. Nous reconnaissons que les augmentations progressives des dépenses de programmes qui sont dues à la croissance de la population et à l’inflation sont inévitables. Nos objections visent les nouvelles initiatives. Si le gouvernement croit qu’il serait plus utile d’affecter des ressources à un secteur donné, il faudrait qu’il transfère des fonds d’un autre secteur qui n’est plus prioritaire. Pour maintenir une marge de manœuvre financière, il faut de vraies stratégies de contrôle des dépenses qui seront appliquées de manière constante et rigoureuse. (Metropolitan Halifax Chamber of Commerce, 30 octobre 2002)

Le Comité souscrit à la prudence dont le gouvernement fédéral fait preuve dans sa planification budgétaire et croit que les excédents devraient servir dans la mesure du possible à rembourser la dette contractée sur les marchés. Cela comporte des avantages pour tous les Canadiens. En plus de mettre à l’abri nos enfants, nos petits-enfants et toutes les générations futures, en allégeant le fardeau de notre dette, le Trésor fédéral réalise des économies de frais d’intérêts. Ces économies peuvent servir à mettre l’accent sur les priorités des Canadiens, quelles qu’elles soient.

La compétitivité du régime fiscal est un élément clé de la stratégie du gouvernement fédéral qui souhaite attirer l’investissement et la main-d’œuvre qualifiée, deux des principaux moteurs de la croissance économique. Les réductions d’impôt, sur le revenu des particuliers ou des entreprises, constituent une priorité pour le Comité, parce qu’elles peuvent aussi promouvoir la croissance économique. Par ailleurs, la croissance économique fait en sorte que des fonds peuvent être consacrés à d’autres priorités canadiennes. Comme le gouvernement fédéral le signalait en 2001, et comme plusieurs témoins l’ont signalé au Comité, le plan quinquennal de réduction des impôts annoncé dans le budget 2000 tombait à point nommé puisqu’il a permis de venir en aide aux Canadiens et à l’économie canadienne durant le ralentissement économique de 2001. À notre avis, une nouvelle réduction des taux d’impôt dans le prochain budget pourrait avoir une incidence aussi positive si la stagnation de l’économie américaine commençait à affecter sérieusement l’économie canadienne. Nous croyons qu’à tout le moins les mesures définies dans le plan quinquennal de réduction des impôts doivent être maintenues. C’est la raison pour laquelle le Comité recommande :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement fédéral maintienne le plan quinquennal de réduction des impôts annoncé dans le budget de février 2000 et la Mise à jour économique et financière d’octobre 2000.

Notre compétitivité et notre prospérité économique dépendent aussi beaucoup d’une saine culture de gouvernance d’entreprise. Les scandales qui ont touché de grandes entreprises américaines comme Enron et WorldCom ont non seulement miné la confiance dans les états financiers et la culture des grandes sociétés, mais aussi eu des effets délétères sur les marchés financiers et l’ensemble de l’économie.  Comme l’a fait remarquer le porte-parole de la Corporation canadienne des retraités intéressés quand il a comparu devant le Comité, « seule une économie où l’on respecte des principes élevés d’honnêteté, d’équité et de justice, outre les impératifs d’efficacité et d’efficience, peut être garante d’une qualité de vie élevée pour tous ».  Le Canada n’a pas encore eu à composer avec des scandales analogues à ceux qui se sont produits aux États-Unis, mais le Comité estime néanmoins urgent que le gouvernement revoie la gouvernance des sociétés et les questions connexes et il note que plusieurs mesures en ce sens sont déjà en cours33.

Le Comité comprend également qu’il est nécessaire de limiter les augmentations de dépenses pour satisfaire aux besoins des programmes existants. Nous croyons cependant que le gouvernement fédéral devrait plafonner les augmentations annuelles moyennes des dépenses de programmes à 3 % ou moins, ce qui équivaut à la somme de la croissance démographique (environ 1 % par année) et de l’inflation (à peu près 2 % par année). Nous constatons également que la moyenne des prévisions du secteur privé à l’égard des dépenses de programmes indiquée dans la Mise à jour économique et financière 2002 se rapproche raisonnablement de cet objectif : entre 2002-2003 et 2007-2008, les dépenses du gouvernement devraient augmenter à un rythme annuel moyen d’environ 3,9 %.

Les objectifs de dépenses sont essentiellement des instruments de « discipline » qui forcent le gouvernement à examiner de près toute nouvelle proposition de dépenses. Le Comité croit qu’il lui faudrait renoncer à toute nouvelle dépense qui irait à l’encontre d’un budget équilibré ou la reporter. S’il jugeait quand même nécessaire de l’engager, il devrait entreprendre un examen des programmes et procéder à une réaffectation des dépenses. Nous croyons que c’est la bonne façon de faire et que les fonds de la réserve pour éventualités ne devraient être dépensés que dans des circonstances extraordinaires.

La budgétisation suppose l’établissement de priorités. Les priorités doivent être établies dans un contexte où l’accent porte constamment sur l’évitement d’un déficit budgétaire, un plan d’action visant à réduire notre dette, une réserve pour éventualités et une prudence économique convenables, des réductions de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés pour stimuler l’économie et un examen des dépenses existantes pour cerner les secteurs où il serait possible de les réaffecter en fonction de priorités plus élevées cadrant avec les vues des Canadiens, qu’il s’agisse d’une nouvelle réduction de la dette, de réductions d’impôt ou d’une augmentation des dépenses. Une discipline s’impose dans tous ces secteurs pour préserver la future prospérité économique de notre pays et la qualité de vie de ses citoyens. C’est pourquoi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement fédéral continue à mettre l’accent sur un budget équilibré et qu’il applique tout excédent au remboursement de la dette qu’il a contractée sur les marchés. Il lui faudrait déterminer dans quelle mesure les économies résultant d’une diminution des frais d’intérêts devraient être consacrées à des programmes existants ou nouveaux considérés comme prioritaires pour les Canadiens. En outre, le gouvernement devrait entreprendre un examen des dépenses fédérales en vue d’exercer une surveillance continue sur les activités d’une importance prioritaire pour les Canadiens afin que les dépenses soient réaffectées convenablement. Enfin, les augmentations de dépenses devraient être plafonnées en fonction des taux d’inflation et de croissance démographique.


30« Observations de la vérificatrice générale sur les états financiers du gouvernement du Canada de l’exercice clos  le  31 mars 2002 »,  p. 1.41.
Voir : www.oag-bvg.gc.ca/domino/autres.nsf/html/99pac_f.html/$file/2002agobs_f.pdf
31Entre 1986 et le budget 2000, les seuils de revenu étaient indexés à un taux d’inflation supérieur à 3 %. Étant donné que l’inflation est demeurée inférieure à ce taux pour la plupart des années 1990, de nombreux Canadiens se sont retrouvés dans des tranches d’imposition plus élevées même si, en chiffres absolus rajustés en fonction de l’inflation, leur revenu n’avait pas augmenté.
32Budget 2001.
33Voir, par exemple, le rapport de novembre 2002 du représentant spécial du ministre des Finances en matière de réglementation des valeurs mobilières, Harold MacKay, et les audiences publiques du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.