CONTEXTE
Chapitre 1 Introduction
Le 10 mai 2001, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a annoncé qu'il ferait une étude du système de radiodiffusion canadien, afin de déterminer si les idéaux et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion de 1991 étaient atteints et si une réforme de la Loi s'imposait. Pendant presque deux ans, le Comité a sillonné le pays pour entendre des dirigeants et des protagonistes du secteur de la radiodiffusion, ainsi que de simples citoyens qui voulaient exprimer leurs opinions. Des dirigeants des grandes entreprises de Toronto et de Montréal aux petits producteurs de Moncton et de Regina, en passant par les radiodiffuseurs autochtones du Nord canadien et les Raging Grannies de Vancouver, le Comité a entendu de nombreux témoignages et a pu voir les nombreux aspects du système de radiodiffusion. Il a visité plusieurs lieux de travail des créateurs, producteurs, journalistes, acteurs et distributeurs du système. Il a aussi examiné plus de 200 mémoires.
Au cours de son étude, le Comité a bien senti à quel point les créateurs et producteurs canadiens sont fiers de leur travail. Il a entendu de nombreux exemples de réussites, illustrés dans le rapport sous formes de vignettes. L'imagination, la détermination, le talent et l'énergie des personnes qu'il a rencontrées lui ont fait une très forte impression. Nos artistes ont repoussé les frontières, pris des risques et donné le meilleur d'eux-mêmes à leurs auditoires, voire au monde entier.
Le Comité a pu constater que les Canadiens tiennent beaucoup à leur système de radiodiffusion. Avec fougue et passion, ils se sont exprimés sur l'avenir de la radiodiffusion publique, l'existence des services locaux et communautaires et les perspectives de la propriété étrangère. S'il est vrai que bon nombre des témoins gagnent leur vie grâce à la radiodiffusion, pour la plupart, c'est avant tout une fenêtre sur le monde et une façon de connaître leur milieu et d'y participer. La radiodiffusion est importante pour la qualité de vie d'un grand nombre, sinon la plupart, des Canadiens.
Le mandat que le Comité s'est donné comporte plusieurs questions et enjeux1. À mesure que ses travaux progressaient, le Comité s'est rendu compte qu'il lui faudrait se pencher sur les problèmes du système. Le dernier examen approfondi de la radiodiffusion canadienne remonte à 1986. Le Groupe de travail sur la politique de radiodiffusion, coprésidé par Gerald Caplan et Florian Sauvageau, présentait son rapport ainsi :
Les vertus et les mérites de la radiodiffusion canadienne sont nombreux. Nous ne pouvons cependant nous y arrêter. Formuler une politique, c'est un peu vouloir faire fonctionner mieux ce qui fonctionne déjà bien. Nous examinerons donc le système, nous tenterons d'en comprendre l'évolution, les difficultés et les échecs pour, au bout du compte, suggérer les moyens de l'améliorer2.
Le Comité a abordé sa tâche dans le même esprit. Il aurait manqué à son devoir s'il en avait fait moins. Il a été confronté à des décisions difficiles. Le principe directeur qui a motivé le Comité est que le système de radiodiffusion doit avant tout servir les intérêts de la population. Le présent rapport prône donc une responsabilité et une transparence accrues afin que le système de radiodiffusion reflète le caractère distinct du Canada, sa diversité ethnique et culturelle, ses modes d'expression et ses valeurs multiples. Le rapport tentera de parler au nom des publics multiples et variés qui cohabitent sur ce vaste territoire qu'est le Canada.
Le Comité a appris que le système de radiodiffusion canadien vit des temps difficiles. Ses structures s'efforcent de relever les défis que lui posent les nouvelles technologies, la mondialisation, la convergence et les attentes élevées du public. Un concours de circonstances a fait en sorte qu'il se forme une nouvelle tendance dangereuse. Certains représentants du secteur artistique ont déclaré que la production d'émissions canadiennes de langue anglaise est en crise3.
Le Comité est très préoccupé par l'état de la radiodiffusion publique. Les auditoires de la Société Radio-Canada ont fondu comme neige au soleil depuis une dizaine d'années et celle-ci consacre beaucoup de temps et d'efforts à trouver la bonne formule, l'angle approprié, pour conserver sa part du marché canadien. Cette quête s'est révélée difficile et frustrante, car l'objectif demeure éloigné et insaisissable. La production et la diffusion des dramatiques de langue anglaise sont également une source de souci. Sauf au Québec, où le public se passionne pour les dramatiques originales créées ici, les émissions américaines dominent les ondes à un point qui est pratiquement inconnu et inimaginable dans tout pays autre que les ÉtatsUnis eux-mêmes.
À l'échelle communautaire et régionale, la radiodiffusion connaît d'autres ratés. Les Canadiens ont rarement l'occasion de voir des représentations de leurs vies et de leurs milieux ailleurs qu'aux nouvelles. Au cours de son itinéraire, le Comité a entendu des témoignages irréfutables sur l'existence d'un écart énorme entre la programmation locale et nationale. Finalement, l'avènement des nouvelles technologies numériques et leur portée mondiale créent un climat d'incertitude. Les satellites, Internet et les récepteurs vidéo personnels (RVP) sont autant de nouveaux défis pour les radiodiffuseurs. Avec ces nouvelles technologies, les émissions et la publicité canadiennes pourraient être facilement contournées, bouleversant du même coup l'idée traditionnelle que l'on se fait de la radiodiffusion. Les radiodiffuseurs n'ont que peu de temps pour s'adapter à ces changements.
La situation varie selon qu'il s'agit des radiodiffuseurs, des créateurs ou du public canadien qui, au bout du compte, assume le coût du système de radiodiffusion. Le Comité estime que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de communication et de culture, qui est aussi riche de promesses que de défis. Les vieilles méthodes font rapidement place aux nouvelles et il est essentiel que le gouvernement adopte une démarche proactive, plutôt que d'attendre la suite des événements. En ce début de second siècle pour la radiodiffusion canadienne, nous devrons trouver de nouvelles façons de développer nos réalisations, de préserver et de maintenir nos acquis, tout en explorant de nouveaux objectifs et de nouvelles voies. Le reflet de notre diversité continuera d'être un objectif et un enjeu fondamental.
La démarche du Comité repose sur la nécessité de maintenir l'intégrité du système de radiodiffusion dans son ensemble. Une des contributions les plus judicieuses dans ce sens est celle du président-directeur général d'Astral Média, M. André Bureau, qui a expliqué que le système de radiodiffusion canadien comporte quatre piliers (les radiodiffuseurs privés, les radiodiffuseurs publics, les entreprises de distribution de services de radiodiffusion et les producteurs indépendants) et cinq composantes (le CRTC, organisme de réglementation; la propriété canadienne; le contrôle des services de programmation étrangers; les règlements sur le contenu canadien; le financement et les mesures fiscales)4.
Au cours des deux années qu'ont duré les travaux du Comité, il est devenu évident que tous ces éléments sont liés et que le système de radiodiffusion canadien est comme une machine complexe : il suffit qu'une seule pièce tombe en panne pour que la machine tout entière cesse de fonctionner. La santé financière des radiodiffuseurs publics et privés dépend du succès des producteurs indépendants et de la stabilité et de l'efficacité des mécanismes de financement du gouvernement. Le succès des émissions repose sur un réseau de distribution efficace. La fidélité des auditoires est fonction de leur sentiment d'identité et d'appartenance et de la mesure dans laquelle leurs besoins sont comblés. Finalement, les choix offerts aux citoyens dépendent d'un cadre réglementaire efficace.
Bref, les objectifs de notre système de radiodiffusion sont tributaires d'un équilibre délicat. Les témoins du Comité ont apporté un éclairage précieux sur les divers aspects du système de radiodiffusion. Leurs témoignages étaient convaincants et ils ont été pris très au sérieux. Fort de ces renseignements, le Comité s'est donné pour tâche de déterminer comment s'emboîtent les pièces du casse-tête. Il souhaite élaborer une vision du système dans son ensemble et de ses éléments. Les intervenants et, par-dessus tout, le public ne pourront que profiter d'un système de radiodiffusion qui soit vigoureux et fort.
Le Comité sait que la notion d'« intérêt public » n'est pas facile à saisir. En 1946, le politicologue J.E. Hodgetts écrivait au sujet de la SRC :
Il faut reconnaître d'entrée de jeu que « l'intérêt public » n'est qu'une hypothèse politique commode permettant de justifier une intervention de l'État et qui pourra, du même coup, établir une norme à partir de laquelle les politiques gouvernementales seront évaluées5.
Bref, il y aura un important compromis à faire : les gouvernements peuvent faire pratiquement n'importe quoi pourvu qu'ils démontrent que c'est dans l'intérêt public, mais pour que leurs actions soient légitimes, les politiques qu'ils adoptent doivent être mesurables d'après une certaine norme. Un problème de la radiodiffusion canadienne est l'absence d'outils appropriés pour déterminer si les beaux objectifs que nous nous sommes donnés sont atteints. Plusieurs des recommandations du Comité visent à combler cette lacune.
D'une certaine façon, et compte tenu du mandat du Comité, on peut comparer la présente étude à un état des lieux de la Loi sur la radiodiffusion de 1991. Le Comité est d'avis que la Loi en elle-même a besoin de peu de révisions. Élaborée avec soin, elle est le fruit d'un consensus atteint au bout d'un long et pénible processus de consultation — comme on l'a répété au Comité, la Loi répond aux besoins des Canadiens6. Bien qu'elle ait besoin d'un léger remodelage — le rapport indique où apporter des changements —, la Loi demeure un instrument de politique efficace. En réalité, la question est de savoir comment réaliser les intentions de la Loi : comment promouvoir le contenu canadien; comment assurer le rôle clé de la radiodiffusion publique et parvenir à un équilibre juste entre les secteurs public et privé; comment revitaliser la programmation locale et communautaire, etc.
Autrement dit, il s'agit de savoir si les institutions chargées d'appliquer la Loi se sont bien acquittées de leur mandat et si l'esprit, voire la lettre de la Loi, ont été respectés. Une préoccupation est l'absence de mécanisme pour rendre compte régulièrement de la santé du système de radiodiffusion et vérifier que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont atteints. Dans certains cas, on a laissé des problèmes pourrir et les institutions et programmes ont perdu leur pertinence et leur efficacité. Les mesures appliquées en vertu de la Loi sont supposées défendre et promouvoir l'intérêt public; pourtant, personne n'est en mesure de scruter le système, de soulever des questions ou de rendre périodiquement compte au Parlement et aux Canadiens. Le Comité formule une série de recommandations pour résoudre ce problème, notamment la création d'un contrôleur de la radiodiffusion, qui serait chargé de rendre compte de la santé du système de radiodiffusion canadien.
La radiodiffusion comprend un mélange complexe de considérations culturelles et économiques et son succès dépend en grande partie de l'efficacité et de la pertinence de la réglementation et de l'action du gouvernement. Par les divers instruments qu'il a créés, comme le CRTC, la Société Radio-Canada et le Fonds canadien de télévision, le gouvernement a un rôle essentiel à jouer dans la conduite du système. Par conséquent, les mécanismes de direction du système nécessitent une attention particulière. Entre autres choses, le rapport préconise de modifier en profondeur la façon dont le système de radiodiffusion est dirigé. En réponse aux nombreuses critiques et suggestions de changements qu'il a entendues, le Comité propose certaines solutions pour simplifier la prise de décisions, accroître la transparence et rendre notre système de radiodiffusion plus responsable.
Le Comité croit que pour renforcer le système, il faut mettre en place une série de freins et de contrepoids. Ces freins et contrepoids permettront de fournir plus de réponses et empêcheront les vieilles idées et les politiques dépassées de s'incruster. Une nouvelle dynamique sera créée. Aucune institution n'aura à elle seule une autorité et des pouvoirs illimités. L'appel en faveur d'une transparence et d'une responsabilisation accrues est perceptible dans tout le rapport et se trouve au cœur des recommandations du Comité.
M. Charles Dalfen, président du CRTC, a déclaré : « Les séries dramatiques racontent des histoires — et ces histoires sont au cœur de la culture humaine7 ». S'il est vrai que dans le marché francophone, les dramatiques canadiennes ont fidélisé leurs auditoires et sont généralement parmi les émissions les plus populaires, ce n'est pas le cas dans le marché anglophone, où les dramatiques canadiennes ont été reléguées aux derniers rangs de la programmation. Certains témoins ont affirmé que la part des investissements des diffuseurs dans des dramatiques et des comédies canadiennes a diminué, et que les émissions sont reléguées à des heures, des jours de semaine et des temps de l'année de faible écoute.
Le problème est complexe. Les Canadiens anglais partagent une frontière et une langue avec le plus grand producteur au monde d'émissions audiovisuelles. Les Canadiens sont exposés à des médias qui font constamment la promotion des émissions et des vedettes américaines de la télévision. En outre, les producteurs américains peuvent vendre leurs produits à un prix nettement inférieur à ce qu'il en coûterait pour produire des émissions semblables au Canada. Des programmeurs des réseaux canadiens soutiennent que les succès américains fournissent les revenus que les réseaux investissent dans les émissions canadiennes. Ce nœud n'est pas facile à défaire et le Comité ne suggère pas de le dénouer, mais de le relâcher. On doit tenter de trouver plus de possibilités et plus de temps pour créer des émissions qui sont non seulement faites au Canada, mais faites pour les Canadiens.
Le Comité se réjouit des succès obtenus dans d'autres secteurs de la radiodiffusion, particulièrement les dramatiques de langue française, les émissions pour enfants, les documentaires, les nouvelles, les sports. Les nombreux succès du passé, les émissions de radio et de télévision qui ont touché le cœur et stimulé l'esprit des spectateurs canadiens et qui ont été diffusées de par le monde, sont la preuve qu'aucune montagne n'est hors de notre portée.
Le Comité est d'avis qu'il faut revoir la politique de programmation prioritaire du CRTC, qui n'exige pas des radiodiffuseurs qu'ils diffusent un certain nombre d'émissions dramatiques ou réservent une portion de leurs dépenses aux dramatiques originales canadiennes. Le Comité souhaite également s'assurer que le Fonds canadien de télévision (FCT), une initiative conjointe de l'industrie et du gouvernement et le pivot de la production indépendante canadienne, est préservé et renforcé. Cela se traduira inévitablement par une participation accrue du public et la participation garantie des acteurs de l'industrie. Beaucoup de témoins se sont plaints du fait que les divers fonds et programmes gouvernementaux ne sont pas bien coordonnés. Le Comité formule plusieurs recommandations pour corriger cette situation.
Au cœur du problème se trouve le fait que la multiplication des choix a élevé les attentes des téléspectateurs. Afin de survivre à la concurrence féroce pour les téléspectateurs, les émissions devront être novatrices, captivantes et créatrices. Si elles ne captivent pas ou ne sont ni intéressantes ni excellentes, elles ne seront pas regardées. Dans cette nouvelle ère, le FCT et les autres programmes d'aide aux émissions canadiennes deviendront de plus en plus importants.
Le rapport présente des données qui montrent que plusieurs gouvernements occidentaux continuent d'investir massivement dans la radiodiffusion publique. Cela tient au fait qu'ils ont compris que la radiodiffusion publique demeure un outil essentiel pour promouvoir les valeurs et l'identité nationales. Les radiodiffuseurs publics créent des liens vitaux pour les citoyens et la démocratie, même si leurs émissions ne sont souvent pas rentables. Ils consacrent la majorité de leurs budgets aux nouvelles et aux émissions d'actualité, ils servent de point de rassemblement aux citoyens à l'occasion de cérémonies nationales — l'ouverture du Parlement, le jour du Souvenir, le dépôt du budget, le décès de personnalités nationales — ils servent leurs publics et créent des liens entre eux, de manière souvent imperceptible. Les radiodiffuseurs publics sont tenus de représenter diverses régions du pays et de servir même les localités les plus éloignées. Dans la plupart des pays industrialisés, la radiodiffusion publique est encore perçue comme le principal outil d'intervention publique dans le secteur de la radiodiffusion8.
Pourquoi le Canada serait-il différent? Plusieurs commentateurs ont comparé la SRC à une police d'assurance. C'est le dernier bastion de défense dans un système médiatique dominé de plus en plus par les émissions et les valeurs américaines. Elle joue un rôle vital dans un système où les entreprises du secteur privé sont de plus en plus concentrées entre les mêmes mains. Avec la SRC, nous sommes certains que d'autres voix se font entendre. Au Québec et dans les communautés francophones du Canada, la Société Radio-Canada est perçue comme un rempart contre les médias de langue anglaise. Comme il a été dit, la SRC a perdu beaucoup de plumes depuis 10 ans. Les compressions budgétaires des deux dernières décennies, son retrait du secteur de la radiodiffusion locale et régionale et la concurrence accrue des chaînes spécialisées, qui diffusent des émissions qui étaient auparavant la chasse-gardée de la SRC, se sont fait durement sentir. La faiblesse de la SRC en fait une cible facile pour les critiques. Nous avons besoin d'un radiodiffuseur public qui remplit son rôle.
Au cours de ses déplacements, le Comité a entendu beaucoup de témoignages, passionnés souvent, sur le rôle inestimable du radiodiffuseur public national. Si la SRC n'existait pas, il faudrait l'inventer! Mais les témoins étaient nombreux à déplorer l'incapacité de la SRC à servir les auditoires locaux et régionaux. Dans certaines régions du Canada, la SRC a été comme un fil qui reliait les populations, leur permettant de se voir et de s'entendre. Le Comité est conscient que les réseaux nationaux de la SRC ne peuvent être rentables si les loyautés et les habitudes du public local sont perdues. Être présent et visible dans la vie locale et faire partie de la vie quotidienne des citoyens sont peut-être les seuls moyens qui permettront au radiodiffuseur public de renouer avec son auditoire. Selon un vieil adage, la politique se fait à l'échelle locale. On peut faire la même analogie avec la radiodiffusion publique.
Un radiodiffuseur public ne saurait plaire à tout le monde et ne peut pas jouer le même rôle dans toutes les régions du pays. La SRC pourrait avoir besoin d'une stratégie à géométrie variable : certains services ne sont peut-être pas aussi importants à Toronto, où le marché de la radio et de la télévision est très compétitif, que dans les milieux ruraux du Québec, de la Saskatchewan ou de Terre-Neuve. Elle doit veiller à adopter un ton différent, aborder des enjeux qui n'intéressent pas réellement les radiodiffuseurs privés et tenter d'aller plus loin qu'eux.
Le Comité souhaiterait que la SRC puisse compter sur un financement stable et constant, mais il aimerait également qu'elle ait les ressources nécessaires pour atteindre les gens là où ils vivent. Un radiodiffuseur public qui n'a plus de lien avec sa clientèle ne peut pas bien refléter le pays. Le Comité est persuadé qu'une augmentation du financement de la SRC et la création d'un nouveau programme de subventions pour favoriser les émissions locales et communautaires — c'est l'une des recommandations les plus ambitieuses du rapport — feront toute la différence.
Le Comité juge aussi important de reconnaître le rôle spécial des autres radiodiffuseurs sans but lucratif du Canada. Dans un rapport à l'intention du Comité, M. Peter Desbarats, journaliste et chercheur distingué, fait remarquer qu'« au cours des années, le Canada a assisté à l'évolution d'un vaste réseau public de radiodiffusion qui, en termes de nombre de diffuseurs et de diversité de ses auditoires, n'a probablement d'égal dans aucun pays9 ».
Les radiodiffuseurs éducatifs provinciaux, comme Télé-Québec et TV Ontario, les coopératives internationales comme TV5, le radiodiffuseur œcuménique VisionTV, la chaîne d'affaires publiques CPAC et l'Aboriginal Peoples Television Network sont des radiodiffuseurs sans but lucratif qui proposent des émissions originales à leurs publics. Le Comité souhaite s'assurer que cet aspect unique de notre système de radiodiffusion continue de croître.
Aux yeux du Comité, les producteurs indépendants, les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs privés, les câblodistributeurs, les fournisseurs de services par satellite et les annonceurs sont des piliers du système de radiodiffusion. Leur vision, leur imagination et leur esprit d'entreprise ont porté le système vers de nouveaux sommets, créant au passage des dizaines de milliers d'emplois et faisant du Canada un grand exportateur d'émissions de télévision. Pendant ses visites de radiodiffuseurs privés et de maisons de production indépendantes, le Comité a été impressionné par l'énergie, l'enthousiasme et le professionnalisme qui les motivent et les inspirent. Les émissions d'information du matin et du soir, l'esprit créatif des conteurs d'histoires à la télévision, la télévision dans la rue, les émissions de radio aux heures de pointe, les tribunes radiophoniques, les émissions pour enfants, les musiques qui bercent nos cœurs et nos âmes à la radio, les messages publicitaires qui font la promotion de nos entreprises, tout cela fait partie de la mosaïque complexe appelée communément la radiodiffusion privée.
Le Comité a écouté avec beaucoup d'attention les préoccupations des représentants de l'industrie, qui lui ont demandé de s'attarder à certaines questions : la nécessité de programmes de financement qui reconnaissent et encouragent les nouveaux talents, les formalités et les lourdeurs administratives qui rendent les demandes de financement si compliquées et frustrantes, l'utilité des critères du système MAPL comme instrument de mesure de la musique canadienne, le déclin de la quantité de publicité canadienne, le fardeau pour l'industrie des droits de licence de la partie II. L'industrie s'inquiète également de l'impact des changements technologiques. Elle craint que la fragmentation accrue ne réduise davantage les parts d'écoute, de recettes publicitaires et de financement du FCT. La transition numérique, qui ouvre le champ des perspectives, mais qui comportera des coûts, se profile à l'horizon et l'on doit s'y préparer.
Le Comité s'est efforcé de répondre à chacune de ces préoccupations. Il appuie totalement les valeurs du FCT et déplore que le gouvernement fédéral ait décidé récemment d'y réduire sa contribution. Le Comité estime que l'administration de tous les programmes de financement peut être plus efficace et efficiente et que les critères en matière de contenu canadien devraient être revus. Il demande également au gouvernement d'examiner le bien-fondé des droits de licence de la partie II. Le Comité est conscient que, si l'industrie de la radiodiffusion a un accès privilégié aux ondes hertziennes — qui sont en réalité la propriété du public —, les entreprises privées contribuent énormément à la vitalité de la radiodiffusion et à la vie canadienne. Le Comité reconnaît que l'argent des droits de licence de la partie II pourrait aussi servir à assurer une transition numérique tout en douceur ou à revigorer la programmation canadienne. Il tient à ce que le gouvernement examine attentivement cette question.
Le Comité craint que les services de radiodiffusion communautaire, locale et régionale soient menacés de disparition et que plusieurs régions soient mal desservies. Lors de ses visites, le Comité a entendu un nombre étonnant de citoyens qui estimaient avoir été négligés ou carrément abandonnés par le système de radiodiffusion. Les grandes villes sont desservies par des stations locales qui parviennent souvent à très bien connaître et représenter leur collectivité et certaines émissions d'information du matin et de fin d'après-midi sont ce qui se fait de mieux à la télévision canadienne, mais beaucoup de petites municipalités n'ont pas de couverture comparable. Les radiodiffuseurs privés diffusent là où ils peuvent réaliser des profits et la SRC s'est déjà retirée de plusieurs localités et même, de certaines régions du pays. Le Comité sait que certains câblodistributeurs locaux font des efforts particuliers pour combler cette lacune, mais, parfois, ces efforts laissent à désirer et ne suffisent pas à faire la différence.
Comme l'ont répété les témoins, la dure réalité est que les émissions locales, sauf pour les nouvelles, sont quasi inexistantes. Trop souvent, les activités locales importantes, qu'elles soient culturelles ou communautaires, théâtrales, musicales ou sportives, ne sont pas diffusées. Un pan complet de la vie et de la réalité canadiennes est absent du petit écran et de la radio. Or, c'est sûrement là que l'expérience canadienne est la plus originale et stimulante, c'est là que le pays se découvre et se définit.
Le Comité sait qu'il n'est pas facile de définir la radiodiffusion communautaire, locale et régionale. C'est particulièrement difficile dans un pays où des villes comme Montréal et Vancouver sont plus populeuses que certaines provinces et où on ne s'entend pas sur ce qu'est une communauté. Où s'arrête une communauté et où commence l'autre? En quoi la radiodiffusion locale est-elle différente de la radiodiffusion régionale? Peut-on servir également toutes les régions?
Certes, la Loi sur la radiodiffusion reconnaît la radiodiffusion communautaire à titre de composante du système de radiodiffusion, mais ce qui existe, c'est un ensemble de services différents qui varie grandement d'un endroit à l'autre et d'une région à l'autre. Le Comité invite le gouvernement à adopter une nouvelle stratégie pour combler au moins certaines de ces graves lacunes. Il estime également qu'il faut rompre complètement avec le passé. Il recommande la création d'un nouveau programme de financement pour responsabiliser les populations locales et permettre l'établissement d'importants partenariats entre les groupes locaux et communautaires et les radiodiffuseurs. Ainsi, on redonnerait une voix aux populations qui se croient délaissées.
La question de la propriété des médias est peut-être celle qui a suscité le plus de passions et de vues opposées pendant les audiences du Comité. Des audiences ont été consacrées à l'examen du bien-fondé des restrictions à la propriété étrangère et de la possibilité d'autoriser la propriété croisée des médias. Pour sa part, le Comité est convaincu qu'il ne faut pas laisser aux entreprises étrangères le soin de défendre les intérêts des citoyens canadiens ou d'encourager nos talents et nos créateurs. Les entreprises canadiennes risquent de devenir les satellites de grandes entreprises étrangères et les décisions de création ou de financement risquent d'être prises à New York, Paris ou Los Angeles au lieu de Montréal, Winnipeg ou Toronto. Le Comité est d'avis que les restrictions actuelles à la propriété étrangère doivent être maintenues, car parfois, comme l'a dit le poète américain Robert Frost, « de bonnes clôtures font de bons voisins10 ».
Le Comité est très préoccupé par la concentration de la presse au Canada et les problèmes associés à la propriété croisée des médias — à des niveaux qu'on ne retrouve pas dans des pays comparables. Le Comité sait que la taille d'une entreprise est importante pour réaliser des économies d'échelle et que les radiodiffuseurs canadiens doivent être en mesure de concurrencer les conglomérats étrangers géants, mais il estime que la liberté journalistique est vitale à la santé et à la protection de notre démocratie. Notre société souffre lorsque des voix se taisent. Les citoyens ont besoin d'une source riche d'informations et d'opinions variées, ils doivent pouvoir connaître les valeurs et les croyances des autres, si nous espérons pouvoir bâtir un avenir meilleur.
Plusieurs témoins ont indiqué au Comité qu'il devait se pencher sur cette situation même si la convergence, la fusion et la concentration semblent être un fait accompli. Le Comité était devant un dilemme : quelles mesures recommander pour que les citoyens aient accès à une variété de points de vue sans jeter les médias canadiens dans la tourmente financière? Le chapitre sur la propriété examine un certain nombre de possibilités et le Comité recommande que le gouvernement fournisse une orientation stratégique claire concernant la propriété croisée. Entre-temps, le Comité recommande que l'on ordonne au CRTC de reporter les décisions sur l'octroi de nouvelles licences de diffusion touchant la propriété croisée. Il demande aussi que les licences existantes touchées par la propriété croisée soient automatiquement renouvelées (c'est-à-dire un renouvellement administratif) pour un minimum de deux ans et un maximum de trois ans. Finalement, il demande au gouvernement et au CRTC d'élaborer des politiques claires et rigoureuses pour garantir l'indépendance des salles de rédaction et éviter qu'une poignée de grandes entreprises ne dominent le paysage médiatique national ou local.
Un véritable défi pour le Comité a été la période de changements rapides et considérables qui a coïncidé avec son étude. La radiodiffusion entre dans une nouvelle ère. Les structures et les formules qui ont fonctionné par le passé et qui sont le ciment du système sont bouleversées par la force brutale et inexorable des changements technologiques. Cependant, la technologie peut — et doit — être maîtrisée au profit de la population. De nombreuses pages du rapport présentent les possibilités et les défis auxquels le système de radiodiffusion doit faire face à l'ère de la technologie numérique et des nouveaux médias.
Le rapport décrit les avancées technologiques qui ont façonné la radiodiffusion canadienne, de l'utilisation du spectre électromagnétique à la fragmentation de l'auditoire due à la câblodistribution et à la télévision par satellite, en passant par l'avènement des nouvelles chaînes numériques et des médias en continu. Ces technologies ont eu un véritable impact sur l'industrie de la radiodiffusion, les politiques gouvernementales et les choix offerts aux Canadiens. Il importe de souligner, toutefois, que l'introduction d'un nouveau média ne se traduit pas nécessairement par la disparition de l'ancien. Les médias classiques comme la radio, le cinéma et les journaux n'ont pas disparu avec l'arrivée de la télévision. Ils se sont renouvelés avec de nouveaux formats et de nouvelles approches. De même, les nouvelles plates-formes comme Internet et les technologies comme les récepteurs vidéo personnels seront probablement utilisés d'une façon qui transformera la radiodiffusion canadienne. Le Comité est d'avis que le gouvernement doit assurer la promotion de la santé du système de radiodiffusion pendant que l'industrie s'adapte à ces changements dramatiques.
Le problème des marchés noir et gris de la télévision par satellite est un bon exemple des problèmes qu'entraînent les nouvelles technologies. Malgré tous les investissements dans les émissions et toute la réglementation mise en place pour promouvoir la culture canadienne, des centaines de milliers de téléspectateurs — c'est plus que la population du Nouveau-Brunswick — contournent le système de radiodiffusion canadien en captant directement les services américains par satellite. Ils ont, en quelque sorte, quitté le navire canadien, du moins pour la réception des signaux de télévision. La perte que cela représente pour les recettes publicitaires et les frais d'abonnement réduit considérablement le financement des émissions canadiennes. Le bouclage de nos frontières pour empêcher la réception des signaux satellites non autorisés serait quasi impossible étant donné qu'une bonne partie de la population considère que l'accès aux signaux américains est un droit civil et individuel.
Le problème des frontières est exacerbé par l'arrivée de la nouvelle culture Internet. Internet est un vaste océan sans frontière. Si l'on peut prétendre que la diffusion en continu dans Internet n'est pas de la diffusion d'émissions et, partant qu'il ne s'agit pas de radiodiffusion au sens propre, la réalité est que tous les médias convergent dans Internet. La radio, la presse, les jeux, le courriel, les bibliothèques, la musique et, désormais, les films sont accessibles en ligne. Les studios de Hollywood font l'essai de techniques pour permettre à des abonnés de télécharger des films directement. Ces systèmes de livraison sont encore dans l'enfance, mais on peut imaginer que, dans un avenir rapproché, les producteurs seront en mesure de contourner les réseaux de télévision et les distributeurs pour s'adresser directement aux téléspectateurs. Même la perte d'une toute petite part de l'auditoire pourrait être dramatique pour le système de radiodiffusion.
Il faut noter qu'Internet a aidé à faire naître une nouvelle culture, surtout chez les jeunes. L'étendue et la richesse de leurs expériences avec les médias les distinguent des générations précédentes. Internet est devenu un outil de base pour communiquer avec leurs amis, se divertir et découvrir leur pays et le monde. Tous les jours, ils peuvent assister à des concerts en ligne, magasiner dans leurs boutiques préférées, vivre et jouer dans des environnements simulés et rencontrer des gens de l'autre côté du globe. Lorsque des chercheurs leur ont demandé de choisir entre la télévision et l'ordinateur, une forte proportion de jeunes ont opté pour l'ordinateur11.
Avec l'arrivée sur le marché des récepteurs vidéo personnels (RVP), on voit une autre façon dont l'utilisation des technologies peut bouleverser le monde des affaires. Les RVP peuvent emmagasiner des heures de programmation sur un disque dur. Les téléspectateurs peuvent ainsi enregistrer une série entière, faire fi de l'horaire établi par le réseau et sauter tous les messages publicitaires. L'expérience de plus d'un million de foyers américains révèle que les téléspectateurs préfèrent regarder ce que la machine contient plutôt que ce qui passe à la télévision. Les RVP permettront aux téléspectateurs d'adapter leur horaire en créant des horaires de diffusion personnalisés. La prochaine génération de RVP permettra d'échanger par courriel des émissions enregistrées. Les concepts actuels relatifs à l'écoute de la télévision changeront.
Une bonne partie du rapport est consacrée à l'examen du nouveau monde qui va bientôt surgir. La question de la diffusion dans Internet, la nécessité pour le Canada de planifier la transition numérique, l'enjeu pressant des marchés gris et noir de la télévision par satellite, les problèmes liés aux droits d'auteur et les mesures prises pour élaborer de nouveaux instruments de coopération internationale sont traités dans autant de chapitres.
La convergence des technologies a créé d'autres problèmes pour les gouvernements, qui doivent se demander si leur législation et leurs structures administrative correspondent aux nouvelles réalités. Le Royaume-Uni, par exemple, vient de déposer le Communications Act (loi sur les communications) dans lequel il reconnaît que la radiodiffusion et les télécommunications ne peuvent plus être traitées comme deux mondes séparés et indépendants. Au Canada, trois lois régissent les télécommunications, la radiodiffusion et le CRTC, et deux ministères, Patrimoine canadien et Industrie Canada, se partagent la compétence sur différents aspects de la radiodiffusion. Le Comité a réfléchi longuement pour déterminer si cette division est encore utile. Il recommande au gouvernement d'agir.
L'énorme pouvoir de la radiodiffusion et son rôle important dans notre souveraineté culturelle ont été décrits à plusieurs reprises par des commissions et des groupes d'étude. Le Groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion de 1986 a noté qu'une émission de télévision peut être regardée par un plus grand nombre de personnes en une seule soirée que tous ceux qui, au cours d'une année entière, regarderont les films canadiens les plus populaires ou assisteront à toutes les pièces de théâtre présentées au Canada. Le Comité d'examen des mandats SRC, ONF et Téléfilm (1996) soulignait une réalité encore plus dure : lorsqu'ils auront atteint l'âge de 12 ans, les enfants canadiens auront passé plus de temps devant le petit écran que sur les bancs de l'école. Le Comité d'examen a indiqué : « L'école éduque peut-être nos enfants, mais — pour le meilleur et pour le pire — c'est la télévision qui leur enseigne »12.
Même avec l'avènement d'Internet et les défis que cela pose au système de radiodiffusion conventionnel, la radiodiffusion demeure le principal moyen de communication en termes de culture et d'identité. Par exemple, des études montrent que l'utilisation d'Internet ne réduit pas tellement le nombre d'heures qu'un jeune passe à regarder la télévision ou à écouter la radio, mais plutôt les heures consacrées au sommeil ou à sa famille13. En fait, les vieux médias — avec leurs vedettes, leurs émissions et les questions qu'ils soulèvent — sont souvent les ingrédients qui attirent les jeunes vers Internet.
Lors de ses visites, le Comité a rencontré beaucoup de Canadiens qui croient passionnément en notre pays et en son avenir. Dirigeants de la radiodiffusion, créateurs, artistes, journalistes et, par-dessus tout, de simples citoyens, qui sont l'âme du système de radiodiffusion, tous ont exprimé leur grande fierté. Le Comité s'est réjoui de voir que la plupart des personnes qu'il a rencontrées débordaient de talent, d'esprit d'entreprise, d'imagination et de courage.
Nous savons maintenant qu'il existe un public sophistiqué et confiant qui a développé un appétit grandissant pour la culture canadienne — livres, musique, théâtre et art — et que nos succès sont de plus en plus reconnus de par le monde14. Grâce en partie au leadership canadien dans la recherche de nouveaux instruments internationaux de politique culturelle — le Comité l'appuie — le Canada est un exemple pour les autres.
Le Comité affirme que des changements fondamentaux sont requis pour offrir aux Canadiens les services de télévision, de radio et de nouveaux médias qu'ils veulent et auxquels ils s'attendent. Les Canadiens désirent se voir, s'entendre et s'exprimer à la radio et à la télévision, mais les problèmes de financement, les lourdeurs administratives, le manque de transparence et de mécanismes de reddition de compte, l'avènement des nouvelles technologies et le nouveau paysage mondial sont autant de problèmes et de défis. Les concepteurs du système de radiodiffusion canadien ont réussi dans le passé à surmonter des obstacles semblables. Nous avons réussi à nous en sortir, grâce à notre volonté et à des mesures novatrices qui ont permis d'assurer à nos talents et à notre culture des espaces d'expression. Créer et conserver ces espaces est désormais plus important que jamais. Nous avons besoin de nouveaux signes de volonté, d'une nouvelle vision et d'une ferme détermination pour servir les intérêts du public canadien. Notre avenir dépend de notre capacité à trouver la force d'agir.
Le rapport comporte quatre parties. Dans la première, on y décrit l'impact de la réglementation et des changements technologiques au fil des décennies, de même que les défis et les « hauts faits » de la radiodiffusion. La seconde partie présente l'état des lieux du système. Les problèmes auxquels sont confrontées les différentes composantes du système de radiodiffusion sont décrits en détail : le dossier complexe de la programmation canadienne, les problèmes des radiodiffuseurs publics et sans but lucratif, la santé des radiodiffuseurs communautaires, locaux et régionaux, les luttes et les succès du secteur privé, les problèmes particuliers des radiodiffuseurs du Nord et des radiodiffuseurs autochtones.
Une troisième partie, intitulée « Le maintien d'un système unique », commence par l'incontournable question de la propriété. Elle examine ensuite les défis que représentent les nouvelles technologies et la révolution numérique. Les droits d'auteur, la réglementation d'Internet, l'accessibilité, les marchés gris et noir de la télévision par satellite et les initiatives pour protéger et renforcer la diversité culturelle et l'indépendance culturelle du Canada à l'échelle internationale y sont également abordés. Cette partie insiste sur la nécessité de prendre des mesures pour assurer l'avenir du Canada.
La dernière partie concerne le rôle que le gouvernement et les institutions qu'il crée peuvent jouer pour orienter le système de radiodiffusion. Le rapport met alors l'accent sur les réformes proposées pour créer des freins et des contrepoids, impulser le changement, favoriser une plus grande reddition de compte et défendre l'intérêt public.
En définitive, nous avons besoin d'un système de radiodiffusion sain et viable sur le plan financier et qui reflète notre réalité quotidienne et y contribue, qui fait la promotion de l'éducation et du dialogue, qui nous touche et qui interpelle notre imagination. Nous avons besoin d'un système de radiodiffusion qui nous permettra de nous voir, de nous entendre et d'être nous-mêmes. Le Comité Fowler sur la radiodiffusion (1965) voyait la radiodiffusion comme le miroir et l'architecte le plus puissant de l'expérience canadienne :
Quand nous déclarons que la radiodiffusion doit être un instrument majeur du développement d'une culture canadienne distincte, nous nous servons dans toute son étendue et son sens premier, du mot « culture », dont on a si souvent abusé. Cette culture est le reflet de la vie elle-même sous tous ses aspects : sa beauté et sa laideur, ses réalisations artistiques remarquables et sa grisaille journalière; ses triomphes de l'esprit et ses menus faits quotidiens, ses personnages en vue et ses petites gens, ses messages importants et souvent impénétrables et ses intérêts légers, ses grandes idées et ses anecdotes amusantes; son tragique et son comique, ses rires et ses pleurs, ses critiques, son ironie, ses sarcasmes, ses rigolades et ses drôleries. Tous ces éléments sont essentiels15.
Dans ses meilleurs moments, la radiodiffusion canadienne se maintient à ce niveau. Le Comité souhaite s'assurer que les radiodiffuseurs ont les outils nécessaires pour satisfaire ces attentes élevées et que tous les Canadiens ont un système de radiodiffusion qui les sert et correspond à leurs intérêts.
Notes en fin de chapitre
2 | Rapport du Groupe de travail sur la politique de radiodiffusion (Caplan-Sauvageau), Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1986, p. 6. |
3 | Voir, par exemple, M. Thor Bishopric, président, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002. |
4 | Astral Média, visite sur les lieux, 3 mai 2002. |
5 | J.E. Hodgetts. « Administration and Politics: The Case of the Canadian Broadcasting Corporation », Canadian Journal of Economics and Political Science, 1946, p. 454-469. |
6 | Voir, par exemple, Maîtriser notre espace pour contribuer à la diversité culturelle. Mémoire de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, de l'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec, de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma, de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec et de l'Union des artistes. |
7 | Allocution au congrès annuel de l'Association canadienne de radiodiffuseurs, Vancouver, 22 octobre 2002, www.crtc.gc.ca. |
8 | Voir, par exemple, McKinsey & Company, Comparative Review of Content Regulation. Rapport de McKinsey pour l'Independent Television Commission, Londres : Independent Television Commission, 2002. Selon ce rapport, dans la plupart des pays européens, le mécanisme de choix pour influer sur le contenu de la radiodiffusion demeure le financement d'un ou de plusieurs radiodiffuseurs publics, « chargés d'offrir des émissions diverses de qualité à un auditoire national et à certains secteurs de l'auditoire ». www.itc.org.uk |
9 | Peter Desbarats. The Future of Public Broadcasting: Distinction or Extinction, rapport au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, août 2002, p. 13. |
10 | Robert Frost. North of Boston. New York, Henry Holt and Company, 1915, Bartleby.com. |
12 | Faire entendre nos voix : le cinéma et la télévision du Canada au 21e siècle. Comité d'examen des mandats SRC, ONF, Téléfilm du ministère du Patrimoine canadien, 1996, p. 60. |
13 | « Survey: Television », The Economist, 11 avril 2002, p. 2. |
15 | Rapport de la Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision (Commission Fowler). Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1965, p. 4. |
| |
|